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Leclair et son élève Dauvergne

Antoine Dauvergne, extrait des Concerts de symphonies,


partition manuscrite (BnF)
192 Jean-Marie Leclair virtuose et compositeur

Samedi 8 Octobre 2005 - 21 H 00


Manège de la Grande Écurie

Jean-Marie Leclair
Concerto pour violon Opus VII n°2 en ré majeur
Adagio, Allegro ma non troppo, Adagio, Allegro
© Éditions du CMBV

Antoine Dauvergne
(1713-1797)
1er Concert de symphonies
Ouverture (Allegro ma poco, vivace, grave)
Aria (gratioso), Aria secondo, Allegro,
Allegro secondo, Chaconne
© Éditions du CMBV

Jean-Marie Leclair
Concerto pour violon Opus VII n°5 en la mineur
Vivace, Largo, Adagio, Allegro assai
© Éditions du CMBV

Antoine Dauvergne
Chaconne du 4e Concert de symphonies
© Éditions du CMBV
Leclair et son élève Dauvergne 193

avec

L’ENSEMBLE 415

Leila Schayegh, violon


Eva Borhi, violon
Lenka Koukova, violon
Peter Barczi, violon
Stéphanie Pfister, violon
Patricia Gagnon, alto
Martine Schnorhk, alto
Ilze Gudrule, violoncelle
Hendrike ter Brugge, violoncelle
Michaël Chanu, contrebasse
Yves Bilger, clavecin

1er VIOLON ET DIRECTION : CHIARA BANCHINI

L'ensemble 415 est subventionné par la Drac Franche Comté,


le Conseil régional de Franche Comté
et le Conseil général du Jura.
Il bénéficie du soutien de la Spedidam.

En partenariat avec l’Académie du Spectacle Équestre - direction : Bartabas


194 Jean-Marie Leclair virtuose et compositeur

En France, vers 1700, tout reste à faire en matière de répertoire


violonistique. À Paris, comme en Italie, le violon développera la
sonate puis le concerto. Si la musique française pour violon était plus
perméable aux influences italiennes que celle destinée à d’autres
instruments, les compositeurs français surent garder leurs distances
face aux Italiens. Les plus italianisants des violonistes parisiens
prônèrent d’abord la réunion des goûts des deux nations. Les
compositeurs balancèrent entre la forme sonate et la forme suite,
qu’ils combinèrent souvent dans un même ouvrage.

L’école française de violon démarra véritablement sous la


Régence. Parmi les précurseurs il faut remarquer Jean-Fery Rebel
(1666-1747). Son second livre intitulé Recueil de douze sonates à
deux et trois parties avec la basse continue (1712) laisse une marque
profonde sur la musique à venir, tant par son écriture en trio que par
l’utilisation de mouvements agogiques. Son ami François Francœur
suit son exemple et compose deux livres de sonates pour violon dont
le premier date de 1720. Bien d’autres musiciens se tiennent à leurs
côtés : Joseph Marchand, J.-C. Huguenet, François Duval. Chez eux,
l’influence italienne se réduit à peu de choses. Elle se fait un peu plus
sentir chez J.-B. Anet (1676-1755), surtout au niveau de la technique,
car la mélodie reste française, presque populaire.

Vers 1730, l’école française de violon est en plein essor. Besson,


Senallié, J.-B. Quentin, François Rebel engagent leur talent dans les
concerts parisiens. À cette époque, la sonate en quatre mouvements
paraît prendre le dessus sur d’autres types structurels tandis que la
sonate en trio semble dominer le genre. Juste avant que Jean-Joseph
Cassanéa de Mondonville (1711-1772) initie la France à l’usage des
harmoniques (Les Sons harmoniques, Opus IV, 1738), Jacques Aubert
(1689-1753) publie son premier livre de concertos en 1735. Trois
mouvements, écriture en trio (sans alto), technique vivaldienne, goût
français caractérisent ses œuvres. Deux années plus tard, en 1737,
Jean-Marie Leclair fait connaître les siens. En 1744, son deuxième
livre de Concertos s’ajoute à ses quatre livres de sonates pour violon
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seul et basse continue, à ses deux recueils de Sonates à deux violons


sans basse ainsi qu’à plusieurs sonates en trio. Leclair donne un
nouvel essor à la musique française de violon dont les qualités
d’invention peuvent être comparées à celles d’Italie. Après 1750, un
nouveau mouvement s’éveille. La pérennité de l’école française de
violon tombera alors entre les mains de Gaviniès (1728-1800) puis de
Viotti (1755-1824).

Jean-Marie Leclair fut un professeur recherché. Par son enseigne-


ment, il travailla à l’établissement d’une véritable école française de
violon. Ses élèves forment la génération des grands virtuoses français
qui connaîtront un engouement pour un nouveau style, un souffle
symphonique qui annonce le « classicisme » des années 1770. Leur
nom s’inscrit au panthéon des violonistes français ; on distinguera
particulièrement Pierre Gaviniès, Joseph Barnabé de Saint-Sevin dit
L’Abbé, Étienne Mangean ou encore Joseph de Bologne, le fameux
Chevalier de Saint-George. Mais il faut particulièrement distinguer le
violoniste et compositeur Antoine Dauvergne.

Les concertos de Jean-Marie Leclair


Leclair nous laisse donc deux recueils de concertos. Le premier
date de 1737 : Six Concerto (sic) a tre Violini, Alto e Basso, per
Organo e Violoncello. Composés par Mr Le Clair l’aîné. Gravés par
son épouse. Dédiés à Mr Chéron, Maître de chapelle, Œuvre VIIe.
Dans la dédicace, le compositeur reconnaît avoir été l’élève d’André
Chéron (1695-1766). Chéron lui enseigna l’harmonie et le
contrepoint et notre homme lui en fut reconnaissant à jamais. Notons
qu’à partir de 1739 Chéron devint chef d’orchestre à l’Opéra. C’est
lui qui créa l’unique tragédie en musique de Leclair, Scylla & Claucus,
en 1746. Dans cet Opus VII, on remarquera une particularité du
concerto n° 3 en ut majeur : les solos peuvent se jouer sur la flûte
allemande ou le hautbois.

En 1743, alors qu’il revient des Pays-Bas, l’infant d’Espagne,


époux de Louise-Élisabeth de France – fille de Louis XV –, homme
passionné de musique, violoncelliste et violiste, l’invite à sa cour de
Chambéry. C’est à ce prince qu’il dédie, l’année suivante, son
deuxième livre de VI Concerto a tre Violini, Alto e Basso per organo
e violoncello. On sait, selon la dédicace que plusieurs de ces concer-
tos furent donnés devant l’infant à Chambéry.
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Le style de Leclair passe par une assimilation du langage d’Italie


mais adapté à sa propre personnalité, adapté à la tradition qui
tempère les fougues et les caprices de virtuoses. Le jeu semble plus
mâture, moins improvisé que celui des Italiens. Il refuse les ornements
qui n’ont aucune valeur musicale et qui contrecarrent le sens de la
ligne mélodique. Chez lui, rien n’est aléatoire, rien ne se joue ad
libitum, rien ne s’improvise. Il s’insère en quelque sorte dans une
tradition française qui remonte à Lull, et écrit : « Un point important
et sur lequel on ne peut trop insister, c’est d’éviter cette confusion de
notes que l’on ajoute aux morceaux de chant et d’expression, et qui
ne servent qu’à les défigurer ». S’il est virtuose, sa virtuosité ne
gomme jamais l’expression. Sur l’ensemble de son œuvre, on obser-
ve un besoin de mettre en garde les interprètes contre une vitesse
excessive. Le tempo Allegro est souvent tempéré par les mentions
moderato, non presto ou encore ma poco qui inclinent les
mouvements vers un Andante qui relègue au rang d’outil primaire
l’alternance Lent / Vif. On admirait Leclair pour la conduite de
l’archet, ses staccatos en tirant ou en poussant, ses longues tenues qui
faisaient perdre haleine ainsi que pour sa justesse surtout dans les
doubles cordes. Rappelons que l’on rapporte qu’il prenait le temps de
vérifier l’accord de son instrument entre chaque mouvement d’une
œuvre.

Antoine Dauvergne (1713-1797)

Plusieurs historiens de la musique rapportent qu’Antoine


Dauvergne fut l’élève de Leclair pour le violon et de Rameau pour la
composition. Cependant ces affirmations restent à confirmer. C’est à
la fin des années 1730 que Dauvergne, natif de Moulins, gagna Paris
pour y publier son Opus I – Six sonates en trio – et acquérir le titre de
violoniste de la Chambre du Roi. En 1744, il entre dans l’orchestre de
l’Académie royale de musique dont il assurera la direction, apparem-
ment à partir de 1751. Alors qu’il n’a donné que dans les genres
instrumentaux, il profite de sa position à l’Opéra pour entrevoir une
carrière lyrique. Sa première œuvre théâtrale, Les Amours de Tempé,
est représentée en 1752. En pleine Querelle des Bouffons, et dans la
lignée du Devin du village, il donne Les Troqueurs puis La Coquette
trompée, deux ouvrages qui marquent sérieusement le destin de
l’opéra comique ; sa renommée dépasse alors les frontières du
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royaume. C’est en pleine gloire qu’il reçoit de Louis XV, en 1755, la


charge de Compositeur de la Chambre. En 1762, il accède à la direc-
tion du Concert Spirituel en compagnie de Capperan et Joliveau. Le
répertoire de l’institution est aussitôt modifié. Dauvergne remplace les
œuvres de Mondonville par les siennes. L’ensemble de son œuvre
sacrée fut destiné au Concert Spirituel. Il ne lui restait plus qu’à
obtenir les postes les plus prestigieux : directeur de l’Académie
royale de musique en 1769 ; Surintendant de la Musique du Roi
en 1776 ; Compositeur de l’Opéra la même année. Il se retire de la
vie active en 1790 et il s’installe à Lyon. C’est dans cette ville qu’il
meurt, le 11 février 1797.

Les œuvres instrumentales de Dauvergne se répartissent sur qua-


tre publications :

- Six sonates en trio pour deux violons avec la basse conti-


nue, Opus I, Privilège de1739
- Sonates à violons seul avec la basse continue, Opus II,
Privilège de 1739
- Concerts de symphonies à IV parties, Opus III, Privilège de
1751
- Concerts de symphonies à IV parties, Opus IV, Privilège de
1751.

Les Opus III et IV contiennent chacun deux Concerts de


symphonies qu’on doit réunir pour former une entité. La publication
se fit sous forme de parties séparées, en quatre cahiers : Violino
primo, Violino secondo, Alto viola, Organo.

Aucun document ne nous permet d’affirmer que les Concerts de


symphonies furent exécutés en privé ou devant un public. Faute de
renseignements complémentaires, on peut affirmer qu’ils ne furent
jamais inscrits au programme du Concert Spirituel, même lorsque le
compositeur en prit la direction à partir de 1762. Remarquons qu’à
cette époque, les Concerts auraient quelque peu dénoté par leur
facture que l’on aurait pu juger vieillotte. Néanmoins, en 1751, la
hâte avec laquelle Dauvergne publia ces pièces prouve qu’il tenait à
occuper une place au sein du mouvement symphonique français nais-
sant. Que Dauvergne ne donna aucune suite à cette expérience
orchestrale nous laisse perplexe. Ces quatre œuvres sont non
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seulement l’unique véritable incursion du compositeur dans le


domaine symphonique, mais de plus, elles viennent clore son
catalogue dans le domaine instrumental.

EDMOND LEMAÎTRE

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