Vous êtes sur la page 1sur 399

Digitized by Google

Digitized by Google
V

Digitized by Google
A PARIS,
'
^Guillaume de Luynes, Libraire Juré, dans
' V' la Salle des Merciers, au Palais,.^'
l’Enfeigne de la Juftice.

La Veuve de P. Boüillerot , à l’efttréo


Chez<< de la rue S. André des Arcs, au bout du

£
Pont S.Michel, au bon Protecteur*

!
'
ET .• jÉ.
au grand Navire\
Digitized by Google
MONSEIGNEUR

^^^mOT^SETGN£V^, '•£.>
L’union que Dieu a établir entre la
Juftfce & la Mérité y me donne Uhar-
dieffe de frèfenter mon ouvrage a Vôtbîe
'Gran'beùr. Quelque égalité que câte
timon fembh mettre entre' elles , l'ordre
de la S'agcffc éternelle a voulu cfue
. U
Vérité fat fout la protell ion de Ujufti.
À Ce
. -
,

E P I TR £.
ce & que une étant naturelLemerit tou-
i l'

te nue & fans armes, Vautre fe trouvât


toujours armée pour fa défenfe
C’efl peut-être dans cette vuét AdOM-
SEIGNLV 2$^, que Dieu nous a fait
repréfenter la Vérité fartant de la terre
(*r la Juflice placée, au dejfus des tem-
pêtes pour lui tendre la main . Le fort
de la Véritéfemble dépendre' tellement
de la prêfence de la Juflice, que pour
peu que celle-ci s’éloigne , celle-là fe

trouve fouvent en prbye à fes ennemis.
Aîais les-intérêts de l’une font telle
.ment attachez, à ceux de l’autre (, pour
ne pas dire que ce font Ifs mêmes,) qu’il
ne ferait pas poffible à la Juflice d’aban-
donner la V
érité fans fe détruire. Ce
nefl point faire des-honneurà lajuflice
de croire qu elle ne peut fubfi'fier que par
la Vérité & de dire âpres
; un Prophète,
quon ne peut avoir d’accès auprès d’elle
que par le moien de celle-ci Dieu mê-
.

me dont la vie , . au .langage de l’Ecri-


.ture, n*efkqueVêrit<i.^qHeJhfiiqe.^ fl
.voulu que l’unçj'ut toujours infep ara-
ble de l’autre dans tous fes. ouvrages.
L’ Homme qui s' imagine, en être le chef-
./dœuvre, ne peut entretenir aucun com-
tueree
\
tnerce avec
EM T RE;-
(on Créateur, que par la
voie de la Vérité &
de lajuftice, qui
n'ont quun même chemin pair le faire
venir à nous , <ÿ* pour nous conduire a lui. *

Ji femble qu il ne rcfcPve fa mifericor-'


de que pour ceux qui fuivront l'une &
Vautre également. En un mot , ce nefl '

que dans V Union étroite de la Vérité & ’


de la Judice que nous fommes a luy en
qualité de fon peuplé , comme il veut bien
etre a nous en qualité de notre Dieu avec
les mêmes conditions» v • 1

v C'ett par l'une &


par quil a
l'autre
voulu principalement fe rendre vifible
à mus dans la perforine du Roy 3 que nous
regardons comme V image vivante de la
Divinité. Mais file plus grand honneur
de LOUIS LE GRAND eflèC avo r été
:

choifs de Dieu pour faire regnèr lajufti-


ce &la V
érité fur la terre : y-a-t-H,
JüOjSISEIG-N EVR ,
quelque autre
honneur dans le monde après celui-là , '

qui fait plus grand &


plus folide que ce-
lui d'avoir été choisi par un fi puiffant
JIV onarque pour être le Chef de lajuf-
tice dans fon Royaumey & le prote fleur
de la V éritê fous fes ordres ?
Mais Çi nous révérons dans votre Per-
s-».* A iij fonne

Digitized by Google
famé fe prunier Afiniftre de lafitftiw:
que le Roy a reçue de Dieu four être
dtftribuée aux Peuples : je ferais prefque
affez. h^M four regardereJM Defcartes
.

comme l un des principaux A4 inifres de ~

la V
crise que Dieu nu Peint révélée, &
dont il a bien vojul u abandonner la re-
cherche &
la difcuffion aux Hommes*
Si M, Defcartes avoit été affez. heu-
reux pour rétablir la vraye Philofophie
par les foins qu il a pris toute, fa vie de •

découvrir la Vérité dans le fonds de la \


Nature , ce ferait un avantage dont le
genre humain ferpjt encore redevable au:
régné de LOUIS LE GRAND : puif-
que Sa Majeïiè de fa prêt ec~
l'a honoré :

tien particulière de fon vivant quelle ;


>.

fa gratifié de penfions , pour faciliter -

l'exécution de fes grands deffeint j & >

quelle l’a comblé de toutes les bontés


avec lefquelles elle a coutume de recon-
naître le vrai mérite*
M . Defcartes ne pouvait mieux ré- >

pondre aux bornez, du Roy, qu’en fdcr'w \


fiant toutes fes facultez. a cette Vérité
que Dieu femble avoir cachée dans tout :
ce qu’il a créé » &
dont la découverte '
pourrait produire la félicité temporelle
des
*

e pitre;
hommes. Il avait reçu de ‘Dieuuiï
'des
Amour •violent pour cette Pente . Cet a.
mour fe trouvant accompagné de toute
la droiture du fens &
de toute ht finceritê
du cœur que put fouhaiter , luy avait
l'on
fait pourfuivre cette P
éritè par tout ou
U s était douté qu'il pourroit la décou-
vrir , Et s'il fallait juger du fttccés de
fi 5 travaux par T excellence des talent
qu'il y a empiriez, nous aurions dequoi
raifèmablcment préfumer que Cette Pe-
tite fe ferait enfin prefentée d luy fans,
dèguifement
Mais P expérience de fa propre foi-
hleffe lui avant perfuadé 3 que Dieu, qui
donne gratuitement la cormoiffance des
Veritez fur naturelle s par la révélation,,
ne s'engage pas toujours a recomposer
delà même maniéré les travaux que Von.
effuie dans la recherche des Veritez na-
turelles : il a tâché de fatisfairi au moins
de fa fidelité &
défia perfeverance. 'Ont
Maîtrefe telle que la Vérité ne pouvoit
être mieux fer vie qu avec ces deux qua*
liiez , fur tout lorfqtte P on confidere que
MéDefcartes joignoit les fentimtns du
cœur avec les rdijbnnemens de l'efprit

pour U
reconnaître.
A- iiij Ce

Digitized by Google
,

£ P IT R E!
Ce font Jà, MONSEfGMEVTtJ
les motifs de la confiance avec laquelle

fai efptré que Vous voudriez, bien hono-


rer de votre protêt ion l hifloirc d'un
homme qui a procure a la F rance la gloi-
re d’avoir produit le chef delà Philofo -
ph ie nouvelle , ouïe reftaurateur de celle
que les Anciens cultivoient, avant que
les Grecs l'euffent embaraffcc de U diver-
sité de leurs opinions « J' ofe me fiater que
Votre Grandeur ne le trouvera pas en-
tièrement indigne d’elle, foit par la vue
des grandes relations de la Juflice avec
là Vérité, foie même par la confident*
tion de la famille de ce célébré Philo-
fophe, dont les parent ont été depuis plus
d’un fiecle l’ornement de l’un des princi-
paux Parlement du %jpyaume. C’efi d
la connoijfance que vous avez, eue de leur
application a leurs devoirs qu’ils font
,
redevables de cette bienveillance par-
ticulière, avec laquelle vous les avez
toujours diflinguez, depuis que vous êtes
entré lapremierefois dans leur Province
aux Etats de laquelle vous avez fou-
vent ajftflé pour fa Maiefté.
Mais, MONSEIGNEVR, toute
immenfe que votre bonté a paru juf-
quic
EPI T RE.
tfiiici aux peuples de cette grande A-îo-
ttarchie , il ne nous efl point permis de
douter que votre puijfanc en ait une et en- •

dttë qui luy efl proportionnée3 puijqu elle


ria point d'autres bornes que celle du
Roy. Cette autorité fuperieure que vous
avez, fur toute laJufHce qui efl l'ame des
Empires , &qui efl capable de rendre la
Monarchie immort elle par fon incorrup-
tibilité, efl à la vérité l'ouvrage du plus

puiffant des Princes de la terre mais en ,

même teins du plus fage de tous les Rjtis.


De forte que le jugement que ce grand
Monarque a fa t de votre personne en
:

vous élevant au comble des dignitez. de


fon Royaume , vous efl encore infiniment
plus glorieux que toute la puiffance qu’il
vous a communiquée . j4prés lui avoir
donné durant une longue fuite d’années
des preuves continuelles de votre intém
gritc , de vôtre fuffifance 3 & de vôtre ver-
tu 3 vom auriez, peut-être été content qu'il
en fut demeuré au jugement qu'il faifoie
de vôtre mérité: parce qu encore que fa

puiffance foit capable d’ élever de petites


chofeSy fon jugement n'en peut ejltmer
que de grandes. Mais enfin il falloit a-
voir égard à la géoire de fon Royaume : &
• Av il

Digitized by Google
EPI T RE.
il a voulu joindre en vous fa puifiance a\
fo» eflime ,
par l'intérêt qu'il avait de
rendre fes fujets heureux.
La part que j'ai a cettefélicitégénéra-
it) & les jujles rejfentimens des hontez. \

particulières dont il vous a plu de ho*


tri.

norer, m'ont fait embraffer avec empref-


fement l'occajion d'en témoigner ma re*z
connoiffance au ‘‘Public , qui doit être
perfuadé que votre illafire maifon nef:
pas mains l'afile de la V* éritèque le tem-
ple de la JuSlice. Si je dais regarder la*
vénération que fay pour l'une pour &
l'autre comme la réglé de celle que je
dois avoir pour celui qui y prèfide s je
puis afiurer avec vérité dr avec jufiice
qu'il n'y a point de refietl plus profond
ni plus finçere que celui aver lequel je>;
fuis ,

MONSEIGNEVR , »

i
;

De V&tre Gràndïur* .

te tref! humble^ très, obéiiîanc:


&mteur JUilut,
Avek*

Digitized by Googl
AVERTISSEMENT.
E ne me pis contenté de fuivre dans
fuis
cet Abrégé que je m’étois preferit
l’ordre

J
&
dans l’hiftoirede la vie de M. Defcartes,
d’en obfcrver l’crconomie dans la meme
divifion des livres &
des chapitres. Je me fuis
encore aÛujetti autant que j’ai pu à ne le
compofer que des mêmes expreffions afin ,

qu’on y puiflè retrouver la vie de M. Defcartes


toute entière, mais en petit, comme une minia-
ture reprefcnte un portrait qui fc trouve ail-
leurs dans un grand tableau.
Quoique la plufpart des Ecrivains de nô-
tre temps, qui fe jugent dignes de fervir de
modèle aux autres , aient fecoüé le joug in-
commode de la citation, j’aurois encore li-
brement franchi leur exemple, fi la marge de
ce petit volume avoit été capable de contenir
toutes les autoritez dont j’ai crû devoir char-
ger celle de l’ouvrage original que j’ai abrégé!
Je le biffe donc aller fans bordures mais je
:

neilui ôte rien de l’avantage que l’on peut


attendre de la garantie & des citations , par--
ce que l’hiftoire de la Vie in 4°.lui fournira
toutes fes preuves.
C'eft à quoi j’ai principalement butté en:
marquant exactement tous les chapitres de
l’oiiginal aux marges de cet abrégé. On
fera libre d’y recourir, tant pour y voir les
fources où j ai puisé, que pour y trouver un
plus grand détail, de ce que les loix de l’abré-
viation m’ont obligé de mettre à- l’étroit
dans ce petit ouvrage.
SMrlMAlMSt-

Digitized by Google
SOMMAIRE DE CE QV1 EST.
contenu dans V Abrégé de U Vie
de M, Defcartes.
LIVRE PREMIER,,
Depuis L’an 15 96 ]ufqu‘en 1619.

! PA famille. 11. 5a ni. Son baptême.


naiflance.
^Mort de
fa merc. Etat de fa famé. Secondes nop-
de fon pere, iv. Ses difpofitions pourl'étudt*
ces
On l'envoie étudier à la Flèche. Progrès de fes hu-
maniiez, v. Ses amis de collège. Tranfport du coeur
de Henry iv à la Flèche. Fruits de fes études de Lo-
gique Sc de Morale, vt. Son peu de fatisfaâion dans
l'ccudc de la Phyfique ÔC de la Metaphyfîque. Ses
doutes &
fes embarras. Elude des Mathématiques. Sa
maniéré d'étudier ou de méditer, vit. U fÿrt du col-
lège , peu fatisfait de fes études, il renonce aux li-
vicf Sc aux fciences ; &
pourquoi ? vm. Son fejour*
Rennes,r puis
1 à —Paris. - —• oifiveté, fon ouiiwav
Son amitié navec
v oc.
M, Alydorge avec le P. Merfeuae. Si retraite
;
&
fon retour a l'étude. Il eft interrompu par un ami fà.
cheux qui le fait rentrer dans le monde, ix, U va
porter les armes fous le -Prince Maurice
M en (auiMUUvc
a-iv, 011 Hollande.
Scs vues en cela. Il fait connoiflance avec Beecitman.
X. Il f.;it fun traité de Mufique. xi. Autres ouvra”
ges commencez. Il quitte les Pays-bis. xii. Il pafle
en Allemagne. Il alulle au couronnement de Ferdi-
nand 11. H fe met dans les troupes du Duc de Bavière.

Livre fécond.
'Depuis 1619 jufquen 1619.
I
. TL entre eu quartier d’hiver. Sa folitude. Il tache
* le fe défaire de fes préjugez. Ses peines ôc fcs
embarras fur ce fujet. 11. Recherche des Frères
de la
Rofc-Croîx. 11 va en Scüabe Sc conaoît Faulhaber. U

fe trou»

Digitized by Google
,
Sommaire.
*e trouve au fiége de Prague, nt. Il pafle en Hon-
grie smais il ne ferc pas contre les Turcs, ïv. il
*enonceàla pr jfeiTiondes armes. Sesvoiages dans le
Nord. Il court rifquc de la vie. v. Il revient dans
fon pays. Il va à Paris. Il détruit la calomnie qui
le faifoit pafler pour Rofe-ctoix. vi. Ses inquiétudes
fur un genre de vie. Il renonce aux Mathématiques 8c
à la Phyfique. Etude d'une Mathématique univerfelle.
Il embrafle la Morale ÔC reprend la Phyfique- Il va en
Bretagne ÔC en Poitou ; il vend fa terre, vit. Son
voiage dTtalie, vnt. Son retour en France, ix. Il
levient demeuru à Paris fa maniéré de vivre. Ma-
:

ximes pour fa conduite particulière, x ÔC xi. S a ré-


putation lui fait des amis 8c l’accable de vifites.xu.
Taille des verres de lunettes 8c de miroirs. Ferricr ou-
J
vrier d iufhumcns de Mathématiques. M. Defcartes
fe dégoûte des compagnies inutiles. Il fe cache &e(î
découvert- xtit. 11 va au fiége de la Rochelle, xtv.
Il fe trouve à une aflemblée célébré chez le Nonce
pour entendre Chandoux. On le fait expliquer fur
te qu'il penfe de la Philufophie. Le Cardinal de Be-
lulle le détermine à donner fa Philofcphie-

Livre troifiéme.
Depuis 1615 jufqu'en 1637-

I.TL à la campagne, puis en Hollande,


fe retire ni
ISa vie ambulante 8c cachée en Hollande. va
demeurer en Frife où il travaille à fes Méditations
Metaphyfiques. nt. Scs vues touchant la Dioptrique.
Il retourne à Amfterdam. tv, Occafion de fon traité
des Méreores. Phénomène des Parhelies. v- Mort de
fon direéteur le Cardinal de Berulle. Etude de la
Médecine, de l’Anatomie, &£ de la Chymie. vr 8c vu.
Mauvaife conduite de BeecKman 8c de Ferrier à fon
égard. Vifitedu p. Merfeçnc. Livre du P-Gibieuf.
vin. Il refufe d’aller au Levant. Il va en Angleterre.
Il ne veut plus piopofer de problème à perfonn e i 8c il
fe réduit à ne plus refoudre que ceux qu’on lui pro-
poieroit. rx. Il reçoit Villc-Breifieux chez lui. Il va
«Uineuier„i Dcventer. x. Son Traité du monde, xi 8c
* *1*.

Digitized by Google
Sommaire:
'

ti\. La condamnation de Galilée lui fait reflerrer c 6


traité, xirt. Il retourne à A
nderdam. ilva en Da-
nemark avec M. de Ville- Brellieux. xtv. Reneri paffe
dans l’Univerfité d'^Itrccht. Af. Defcartes fait fes ob-
fervations fur la néjje à fix pointes. Obfervation fur*
lés couronnes colorées des chandélcs- Traité des Lu*
nettes. Mort de Bcccicman.

Livre quatrième.
Depuis U )7 jufqu'en 638 1 .

î ôc n TL fait imprimer les Eflais de fa Philûfophîe.


J Son Difcours de la Méthode. iti. Sa Dicpi
trique.-Ses Météores. Sa Géométrie, iv. Liaifon ôc
rapport de ces quatre traitez. Maniéré dont ils fonr
écrits. Origine de 1‘animofité de M. deRoberval con.-
tre M. Defcartes. v. 71 va au fiége de Breda,-puis en
Flandres, à’ Doüay. 71 va demeuter à Egmond. il
répond a Fromond, i Plempius, ÔC à Cieimans. vx.
Bons offices dé Mi Mÿdorge. Bons offices de M. des
Argues, vit. Objeflions de M. de Fermât conrre la
Dioptrique, Qbjeélions de M. Petit. Origine de la
double difpate de M. de Fermât contre M. Defcartes.
Vin. Med. Pafcal ÔC de Roberval époufent laque-
relie de M. de Fermât. M. Defcartes leur répond, rx.
Procedures du different entre Af.de Fermât ÔC .M.Dcf.
cartes. M. Mydorge ôc JA. Hardy du codé de Af. Def-
cartes comme Af. Pafcal ôc M. de Roberval du codé'
;

de A7. de Fermât, x, M
de Fermât fait fa paix'avec
M. Defcartes ôc devient fon amy avec M. Pafcal,-
M. Rohaut ôc Af. Clerfelier achèvent de convaincre
M. de Fermât, xiôcxit. Difputes avec M. Petit,,
avec Af. Morin, avec M. de Beaugrand* Son petit

Ttaitéde Statique ou de Géodatique. xm, xiv ôc xv.


De la Roulette, ôc de la part que AJ. Defcartes eut à*
oette quedion. xvi. 71 renonce de nouveau d la Geo,
metrie. introduction à fon traité de Geometrie.Notes
AiM.de Beaune fur ce Traité, Ses exercices fur l'Arith-
métique avec Af. de Sainte.Croix ôc M, F rcnide, Jl^
«fl©- de répondre aux-problemc*.
»
liv«-

Digitized by Google
-

Sommaire.

Livre cinquième.
Depuis i 6}8 jufqu 'en 1641.

i'"D Egius devient difdple de M. Defcartes & Pro-


XVfeÜeur à ücrechc. 11. il commence à recevoir les »
fecours de M. Defcartes. Amis de M. Defcartes en
Hollandc.Bannius & Bloemart Prêtres catholtqucs.ni»
Aforc de Reneri premier Dotteur Cartefien. Panegyri- :
que de Monfieur Defcartes prononcé publiquement^
par ordre du rnagiflrat 'à Otrecbt. Regius devient le-;
-
premier difciplc de m. Defcartes- iv. Quel étoit Voe*
tius. Ses mauvais deflé ins contre la nouvelle Philofo*
phic*. v; Regius fe précautionne contre Voetius. Son •

indifcretion. Inftruûions que lui donne m. Defcartes.


Mau vaife conduite de Plomphis.vi. Coniques du jeune “
Pafcal âgé de 16 ans.Excrcices avec m. de Beaune. vu.
M. Defcartes va demeurer à HardervvicK.puis dans ie-
voinnaged'Otrecht, puis à Lcyde. Amitié avccHey,-
danus. Amitié avec River.Gageurc de Stampion.Livre
contre m. Defcartes. vin. Thefes de Regius. Prati--
ques de Voetius contre lui. ix. Sentiment de m. Dcf.
cartes touchant le fiege de l'Ame.Projet d’établHTcment'
en Angleterre. Son amitié avec Milord Candifchiavec
M-de Saumaife. Méchante humeur de M de Saumaife.
x*. il fe brouille avec les Jefuites.Thefcs du P.Bourdin.

Ufage de» collèges dans les thefes.il déclare la guerre'


au* Jefcites. xi. Difterent perfonnel avec le P - Bour- -
din. il fc préparé conrre les Jefuites. il entreprend
de réfuter la fcbolaftique. xn. Mort de fpp Pcre 8C
delà hile, fon célibat, intrigues de Voetius contre '
lui auprès du P. Morfenne. Le Koy l’appelle à lac
Cour avec des propofitions honorables, mais en vain.

Livre fixiéme..
Depuis 1641 \ufquen 1644.
ïiT)UE»lication de fes Méditations métaphyfiques. 11»
M Abtcgé de ce quelles cemicnnent. Aianicre dont '<
1

Sommaire.
telles font écrites. Premières Objections, ni. Se*
conJes Objections. Troifiémes Objections p.u moi*-
fieur Hobbes. Autres Objections de Monneur Hob-
bes. iv, 'Quatrièmes Objections par m. Arnaud.
Eftime ôC amitié de m. Defcartes pour ce DoCteur. v.
Cinquièmes Objections par m, Gallcndi. Origine de la
broüillerie de m. Gaflendi avec m. Defcartes., Sixiè-
mes Objections. vi. Voetius devient Reétcur de T ü-
uiverfitè. il fefettde fon aucorjté pour détruire Re.
gius ÔC M. Defcartes. Théfes de Regius. Thefes de
Voetius contre Regius, vu. Tempête^ excitée contre
Regius. Avis de m. Defcartes à Regius. Voetius fait
condamner la Philofophie nouvelle, vin. Sentimens
favorables des Peres de KOratoirc 6c des Jefuites pour
la Philofophie de m, Defcartes. Le Pcre Bourdin écrit
contre les méditations. Hilloire des leptiémes Objec-
tions. ix. M. Defcartes demeure à Eyndegeeft ; ou Sor-
hiére fait connoiflance avec lui. Regius 8t Picot fe
voient à Eyndegeeft, M, le Duc de Luincs 6c M Clerfe.
lier traduifent les Méditations, x ÔC xi. Livre de Voe.
tins ÔC de SchocKtus contre M. Defcartes : ÔC contre
la confrérie de N- D. de Bofleduc. Réponfe de M-Def.
cartes. Procedures d’Utrccbc cétre M. Defcartes. ichooc-
Kiuseft cité à Groningue. xn 6c xn i. Libelle nou.
veau de Voetius. lnflances ou Répliqué de M. Gaflendi
à la réponfe de M Defcartes. Sorbiere les brouille en-
fçmhle. xtv. Traduction latine des Eflais par EU. de
Co’ircelles, Voiage de M. Defcartes en France. Il va
en Bretagne 6C en Poitou.

Livre feptiéme.
Depuis 1644 jufqu'en 1650.
i ÔC xi. T} Dition
des Principes de fa Philofophie. Eli-
Xlizabeth Princeffe Palatine difciplc de M.
Defcartes. m.Son féjour à Paris où il voidfesamis.
tv. 6c v. Il fe retire à Egrnond. Il fait terminer fon
procès de Grcnin*ue , 6c Unit avec Voetius à TJtrecht.
vi.M»Gaflendi refufe d'écrire contte lesPrincipcs de M;
Defcartes. Hcerebcord enfeigne le Cartehanifme à
Zxydc. S chifme ÔC ingratitude de Regius. vu. Traité

Digitized by Google
X

Sommaire.
tîcsAnitmüx pillé par Regius.Etudes &
Traitez d'Ana-
tomie.Queftions fur la quadrature du cercle. M.Defcar-
tes vuid M.Chanut èc M.Porlier dAmfterdam.il fait
fa Réponfe aux lnftancesde M.Gaflcndi,5c une ébauche
de l'on traité des pallions de l’arae. vtn. Difputes
avec M, de Rober val fur les Vibrations , 8cc. Com-
merce dcPhilofophie morale avec la PrinceflcElifabeth.
Il défavoue Regius &
fon livre, ix. LiaifondeM.
Defcaries avec M. de Hcogheland. Difperfion de fes
amis de la Haye à la retraite de 1 Princefle Elizabeth.
.

Etat de fes amis parmy les Jefures 8c ailleurs, x. Il


répond à la Reine de Suède 6c à M. Chanut fur des
queft ions de Morale, xi. Affaires que Revius 6c Tri-
glandius luy fulcitcnt à Leyde. xti. Second voyage en
France. Pcnfion du Roy. Entretien avec M. Paf.al.
Retour en Hollande, il envoyé fon fentiment du
fouverain Eien &
fon traité des Paffions à la Reine
de Suede. xni. Ecrits de Revius, de Regius ôcc- Troi-
sième voiage de M.Defcartes en France.peu heureux. Sa
réconciliation avec M. Galîcndi.xiv.Chicanesdc M.de
».oberval.Rctour deM.Defcarresen Hollande, xv. Mort
du P.Merfenne.La Reine de Suede devient Cartéfienne.
Morus Cartéfien, puis adverfaire de Defc. xvi. Attaches
de M. Defc. pour la Princeflc Elizabeth. Ses incerti-
tudes fur le lieu de fa demeure. La Reine de Suede veut
l’attirera Stockholm, xvn. Edition latine de fa Géo-
métrie. M. Carcavi cortefpondant de M. Defcartes: fe
laiflé gouverner par M. de Roberval. xvui. Inquiétu-
des fur fon voiage de Suede. Il arrive à Stoctcholm.Ses
conventions avec la Reine. Sa faveur auprès d’elle,
xix. Jaloufie des Grammairiens de la Reine. Traité des
Paffions. Scs oeuvres poftumes. xx. Sei autres manuf-
crits. La Reine veut l'établir en Suede. Projet d’une
Academie, xxi. Maladie de M.Defcartes. S a mort xxii.
Sesfunerailles.xxm.Trâflaiion de fon corps en France.

Livre huitième.
Contenant les qualitetjle fon corps &
de fon e/prit- S
maniéré de vivre avec Dieu &
avec les hommes.
I. COn corps. Son régime. Sa famé. it. SjndomeC.
v^cique. Son def-intereflement pour les biens de la
. . . . fortune*
Stnnmàire.
fortune, nr: Sa vie retirée. Mépris de la gtotrPi-
Ses habitudes d’écrire & de lire.Son ftile. tv. Son
efprit, fa mémoire. Ton jugement, fon amour pour la

vérité, v. Sa docilité, fa modeftie, fa douceur , fa


modération, vi. Ses amis . fes ennemis ou adver--
faites, fes attestions. Inclination pour le fexe. Ses
vertus, vu. Ses fentimens fur la Religion, fon reft
ieét pour la Divinité, vm.
XJ&ge de fa raifon dans
fes chofcs de la Religion, ix. .Manière d’expliquer
la tranffubftamiation. Ses exercices de pieté. Sa loû-
miirton à l'Eglife. x. Du cara&érc de nouveauté
dans fes opinions t & de fes rencontres avec ceux qui
lavoient devancé.

.
*•

ABREGE’

Digitized by Google
LIVRE PREMIER, * r
»

Depuis 1596 jufqitcn 161 9.

î| A maifbn <îe Delcartcs


a toujours été confide-
Sa ,

i rce comme l’une des mille,

meilleures de la Tou-
^ s

raine. Il ne s’y eft point


vû de mes-alliance qui en ait altéré
là noblefle : &
nous ne trouvons
peint de datte d’annobliÆëment qui
j en
% Abrégé de U Vie
' *
cri puifte fixer La bran*
l’antiquité.
che des aînez s'étant fondue dans
la maifon de Lillette , puis en cel-
le de Maillé , celle des puînez s'arc-
crut de beaucoup , &
s’étendit par-
ticulièrement -dans, le haut Poitou. Elle
paflà mêmejufqu’en Berry &,en Anjou
par le moien de fes alliances , jufqu’à
ce qu’au temps- de la Ligue elle le
trouva réduite du côté des mâles à l’u-
nique Pierre Œ> efeartet ayeui du Philo-
fophe dont on entreprend d’écrire ici la
vie.
Pierre Defcartes après avoir utile-
ment fervi contre les ennemis de la Re-
ligion de fon pays x &
ceux de l'Etat
de fon Prince , avoir -quitté- le fefviée
d’alTez bonne. heure, pour goûter plus
long- tetops les fruits- du repos *qu il s’é-
toic procuré. Il n’eut qu’un fils de Clau-
de Ferrand faut d’Antoine Ferrand
premier lieutenant Particulier au Châ-
telet Paris , &
de Michel Ferrand
qui fut pere deM. Ferrand Doien du
Parlement.
Ce fils nommé Joachim fut le pre,-*
mier de fa famille qui prit -lé parti- de.
la Robe, & qui al)a s’établit. en ;Bre-
ta ne *
. g

Digitized by Googlçv
de M . Defcartes.
tagnei^ après s’être fait poùrvoir d’une
Liv. I.
' r
*
charge de Confeillec au Parlement de
Rennes le 14 de Février 1 par la
refignation d'Emery Regnauld. Il épou-
(à enfuire par contrat du 15 de Janvier
1589 Jeanne Brochant fille du Lieu-
tenant general de Poitiers, qui lui don-
na trois enfans dans Je peu
de temps
qu’elle eut à vivre avec lui. L’aîné ap-
pellé Pierre Defcartes fieur de la
Bretailliere Confeiller au Parlement de
Bretagne étoit pere de Monfiepr Def-
cartes * fieur de Kerleau qui elt main-

•tenant Sous-Doien du même Parlement.


* ItaHJU '
•Le fécond étoit une fille * mariée à
:M. Rogierdu Crévis, & ayeule de M.
le Comte de yilleneuve d’aujour*
d’huy.. ; .

- Le dernier étoit Rene* D es-cart es ..

•nôtre Philofophc , qui naquit à la II,


Haye en Touraine fur la riviere de s*u*ï-
ance '
'

Creufe le 31 jour de Mars de l’an 1596,


dans la feptiéme. année du .’tegne de
; Henry le Grand , & dans le cdPnmen-
cement de la dinquiéme du pôntificat
xle Clement V III. Il a témoigné dans
:1a fuite de là .vie qu’il net ôit pas con-

sent qu’on.ettft remarqué le jour défit


< J .
naiflance,

Digilized by Google
.'4 Æregéde U Vie
wâiïTancc, hors des regiftres bapti&éflsi
* de: fa parodie ,
& des archives généa-
logiques de fa maifon. Sa-raifon étoie,
J
qn il avoir averjîon
f our les faifeurs
"êfhorofcopt ,à l'erreur defquels il ferré-
ble 'que foré contribue quand en publie
la natjfance de quelqu'un. Mais c’eft
moins une raifon qu’un prétexte qu’il
alleguoic à ceux qui voûtaient emploier
cette circon fiance pour le faire connoi-
___ tte au Public.
III. Il reçut le Baptême ïe troifiéme
Sa» £*/>-jour d’Avril fuivant, dans l'Eglife p.u-
Umt ‘
S.George de la H»ye:&
roiÆïale de lui m
fit porter le furnom du Perron qui écoit

un fief à la maifon, pour être diftingué


de fon ainé dans la famille.
Mtrtde Les couches de fa mere qui avoîent
m<rt '
été aflèz heureufes pour lui , furent
fuivies d’une maladie qui l’empêcha de
relever. Elle avoit été travaillée dés le
temps de fa groflefle d’un mal de poô-
mon, qui lui avoit été caufé par quel-
ques qu’on ne nous: a point
deplaifirs
expliquez. Son fils qui nèas apprend
cette part iculàrkés’eft concerné de nous
dite qu’elle mourut peu de jours après
qu’elle l’euft mis au monde v \

Digitized by Google
de M. Defartes. Liv. I.
j
Les foins du pere purent bien ga- 1^96
nantir l’enfant des inconveniens que
l’on dévoie craindre de la privation de
la mere : mais ils ne purent le fauves e tatik
des infirmitez qui accompagnèrent la fa fanu *
mauvailè fanté qu’il avoir apportée en
venant au monde. Il avoit hérité
de fa mere une toux féche & une cou-
leur pâle qu’il garda jufqu’à l’âge
de plus de vingt ans : & tous les Mé-
decins qui le voîoient avant ce temps-,
là le condamnoient à mourir jeune;
Mais parmi ces premières difgraces il
reçût un avantage dont il s’eft fouve-
nu toute fa vie \ c’eft celui d’avoir été
confié à une Nourriffe qui n’oublia rien
de ce que fes devoirs pouvoient exiger
d’elle. C’eft ce qu’il fçût geneteufèment
reconnoître par une penfion viagère
qu’il lui fit pour le refte de fes jours,
dés qu’il fe vid en état de polîeder quel-
que bien.
. La mort de
. fa mere contribua beaiü-
Stc °*L
coup
1
à détacher fon pere des habituw
, „ F
des qu il avoit en Poitou r & des in^
, mariât*
de fon

>clinations qu’il fentoit Tourai- pour la V tru

ne. Le fejour de ces provinces dais


quelqu’une

Digitized by Google
r
6 , . . Âhregé de IdV'ië '

V -

:
quelqu'une des maifons ou des terres
qu'il
y polledoit Iuy avoir plû juf-
ques.lai il &
y alloit volontiers paf-
fer le temps que le fervice femeilre
du Parlement lui laifîoit libre. Mais il
Te. reduifit entièrement à la Bretagne
peu d’années après, il
y fixa le refte &
de là vie par un nouveau mariage qu’il
y contra&a avec Anne Morin fille du
premier Prefident de la Chambre des
. Comptes à Nantes. Il en eut un gar-
çon & une fille. Le garçon fut Con-
feiller au Parlement, feigneur deCha-

vagnes , & pere de M. de Chavagnes


d’aujourd’hui Confeiller au même Par-
lement, qui s’eft fait d’Hglife depuis la
mort de /à femme. La fille époufa Louis
d’Avaugour feigneur du Bois.de-Ker-
grais. '

r
Les soins de cette nouvelle fa-
mille ne firent point diverfion à ceux
j
que Joachim Defcartes devoit à (on fils

Sesdifpo. du Perron, qu'il avoit co'ûtùme d’appel-


fi nons 1er [on Philofopheji caufe de la curiofité

U. iilfatiable avec laquelle cet enfant



lui demandoit les caufes St les ef-

fets de tout ce qui lui pafloic par les

fens.
La foi-

Digîlized by Googl
de M. Dejcartes. Liv.I. 7
* de fa complexion ,
T*a foibleffe & rj
Fincon fiance de fa fan té l’obligèrent à
le laiflèr long-temps fous la conduite
des femmes. Mais dans le temps qu’on
ne travailloit qu’àluy former le corps 9
& à luy acquérir de l’en-bon- point , iL
donnoit des marques prefque conti- \
nuelles de la beauté de fon génie. Il fie
pàroître au milieu de fes inficmitez des
difpofitions fi heureufos pour l’étude*
que fon pere ne pût s’empêcher de luy
procurer les premiers exercices qui
convenoient au defiein qu’il avoir de*
cultiver ce fonds, malgré la réfolutioti . .

quil avoir prife deS’aflurer de lafanté


corporelle de fon fils avant que de rien
• entreprendre fur fon efprit.
On avec tant de pré-
s’y conduifir
caution, qu’on ne g ata rien. Audi pou-
voir- on dire que ces premières études
n’étoient que des elTais légers , &des
ébauches allez fuperficielles de celles
qu’on avoir intention de luy faire faire
dans un âge plus avancé.
Son pere le vôïant fur la fin de (à o»/y*-
huitiéme année, crut devoir profiter du
YurkH
.
nouvel écablilîement que l’on faifoit ïUeb*
du fameux collège de la Flcche en jfa-
B veut

Digitized by Googl
S 'Abrégé de U Vie
16 °4 veur des Jefuites. Il l’y mit en penfion
~ après l’hyver de l’an 1604. , le re- &
commanda particulièrement aux foins
du P. Charlet (on parent. Ce Pere
.qui fut long-temps Reéteur de ce col-
lège , avant que de palier aux premiers
emplois de la Compagnie, conçût une
afteélion fi tendre pour le jeune Def-
c:irtes-du~Perron 9 qu’il voulut fe char-
• ger de tous les foins qui regardoient
le corps auflï-bien que l’efprir. Il luy
tint lieu de Pere ôc de Gouvernent
pendant ht tic ans ôc plus qu'il demeura
dans le collège : Ôc luy donna pour
Prefet particulier le P. Dinet qui fut
depuis Provincial & Confeffeur de nos
Rois. L’un & le jeune
l’autre voïant
Ecolier allez lerfible à toutes leurs
bontez, ne tardèrent point de jorndre
Peftime à l’afl-edb on Ôc après avoir été
:

les Dire&eurs pour l'étude & la con-


duite des moeurs, ils s’en firent unamy
qu’ils voulurent conferver jufqu à la
•mort, Sc qu’ils eurent loin d’entretemr
par un commerce mutuel de lettres ôC
de recommandations.
2W> Le jeune Defcartes , que nous n’ap-
maüiïeïj paierons plus du- Perron que lors qu’il
fera

Digitized by Google
de M. T)ejcartes. Liv.I.
9
fera queftion de le diftinguer dans là 1604
parenté , avoit apporté en venant aq -a

college une paillon plus qu’ordinaire


pour apprendre ies fciences
paffion fe trouvant appuïée
: cette &
dun efprit

•] /
3 &
dé i* tout ouvert ;
il répondit
toujours avantageufemenc
anx intentions de fon Pere
aux foins &
e Tes Maîtres. Dans tout
le cours de
les Humanitez qui foc
de cinq ans
demi, on n’apperçût en Iny
&
aucune af-
fectation de hngularité
, linon celle que
pouvoit produire l’émulation
avec la-
quelle il fè piquoit de laifïèr
derrière
luy ceux de les compagnons
qui paC
loient les autres. Aiant un
bon naturel
avec une humeur facile accommodan- &
te , il ne foc jamais gêné dans la
fou.
mifîîon qu’il avoir pour la
volonté de
les Maîtres : & l’affiduicé qu’il
appor-
toit à fes devoirs
de clalîe de cham- &
bre luy coûtoic rien.
11e

Avec ces heureufes difpofitions il fie


de grands progrès dans la
connoilîance
des deux langues dont il comprit de
,

bonne-heure l’importance la neceffité &


pour intelligence des livres anciens.
1

Il aimoit les vers beaucoup plus


que
B ij ne

Digitized by GoogI
10 jibregé de la Vie
1604. ne pourroient fe l’imaginer ceux qui
:
ne le confidérent que comme un Phi-
lofophe qui auroit renoncé à la baga--
telle. Il avoit même du talent
pour la
Pôëfie &
il a fait voir qu’il n
en igno-
;

roit pas les delicateflés , 8c qu il n étoit

pas entièrement infenfible à fes dou-


ceurs. Il avoit trouvé auffi beaucoup
de
plaifiraux Fables de l’antiquité , non
pas tant à caufe des myftéres de Phy-
fique ou de Morale qu’elles peuvent
renfermer , que parce qu elles contri-
buoient à luy îeveiller 1 efpnt par leur
gentillelTe.
Pour récompenfe de la fidélité 8c da
l’exaébtude avec laquelle il s’acquittoit
de fes devoirs , il obtint de fes Maî-
tres la liberté de ne s’en pas tenir aux
leétures &
aux compofitions qui luy
écoicnt communes avec les autres. Il

voulut emploier certe liberté à fatis-

faire la paillon. qu’il ientoit croître en


hiy pour acquérir une comioijfance clai-
re &a ([urée de tout ce qui e't utile a,
la vie qu’on luy avoit fait efperer pat
,

le moien des belles Lettres, C. eft dans


»> cette vûë que non content
de ce qui
collège avoir par*
» s’cnfeignoit dans le il

couru

Digitized by Google

de
couru,
M .

nous
Défîmes. Liv.l.
l’en croions, tous les
n
« 1604
——
fi

Livres qui traitent $es Sciences qu’on «


eftime les plus curieufes&les plus rares. «
Ce qui ne doit s’entendre que de ce
qui pût alors luy tomber entre les mains.
J’ajoûteray pour defabufer ceux qui l’ont
loupçonné dans la fuite de fa vie d’avoir
peu ou d’eftime pour les
d’inclination
livres , que nous trouvons peu de fen-
timens plus avantageux que ceux qu’il
en avoir dés ce temps-Ià.U s’étoit perfua- «
dé que la leéture des bons livres eft «
comme une converfation avec les plus «
honnêtes gens des fiécles paiïez qui en «
ont été les auteurs , mais une conver- «
fation étudiée , dans laquelle .ils ne •*

nous découvrent que les meilleures de «


leurs penfées. <«

Outre l’émulation pour l’étude ,

& l’honnéteté des mœurs ,


les collèges V.
produifent encore un autre avantage Ses anita
^ CoU W
dont M. Defcartes ne voulut pas
être privé. C’eft celuy des connoifiàn-
ces &
des habitudes que l’on y contra&e
avec ceux de fon âge ou de fon hu-
meur , &
qui font fouvent les femences
de l’amitié la plus forte &
la plus dura-
ble. Les plus anciens de fes amis furent

J ^
B iij
' fans
w *

Digîtized by Googl
,

Ahcgéde la rie
lêï0 doute ceux
.
connut à la Flè-
qu’il
che. Mais outre Rent le Clerc qui
fut depuis Eveque de
Glandéves , 8c le
heur Chauveau de Melun qui de-
,
vint enfuite grand
Mathématicien Sc
zele Cartéfîen nous ne connoiflons
,
plus de ces premiers temps
que le P».
A4 arin Merfetwe Minime qui apafle-
parmi le monde fçavant pour le
Refi-
dent de M. Delcartes à Paris y
& pour le Doien de fes amis & de fês
feétuteurs quoiqu’il fôt de prés de huit
,
ans plus âgé que iuy
, 8c qu’il fût en
Rhétorique lorfque celuv-cv
commen-
çoit la Grammaire.. ‘

t .l'Z
r '

. ,
M
- De ca rccs
J'
écoit dans la pre-
meurde miere annee de fon cours
de Philo'o
ÏÏZ u PWe . lorf.jue la nouvelle de la
du Roy tue le vendredy
££
iv de May 1610
ht cefler les exercices du
collège. Ce
bon Prince en donnant fa
maifon de la-
Flèche aux Jefuites avoit
fouhaité
, que
fon cœur
les fuccefïeurs
, celuy de la Reine , & de
y fulTenc portez après
leur mort, 8c gardez
dans leur Eglile.
De forte que le temps qui
s’écoula de-
puis cette funefte nouvelle
jufqu’aa
tranfport du cœur du
Roy à la Flèche
fut

Digitized by Google
de.M'.DeJcartes Liv. . I.. 15
fat emploie dans le collège à des prie- 161&
res publiques ,
àdes compofitions funé-
bres de vers tk de profe ,
tk aux pré-
paratifs de la réception de ce depoft.-
Elle fefitle iv de juin avec beaucoup de
cérémonie : &
il fut réglé dans l'hôtel

de ville de la Flèche , qu’a. pareil jour


il fe feroic tous les ans une procefïioiv
folennelle avec unfervice de même pour
Famé du Roy ; & que ce jour fer oit

chaume dorefiiavant comme les fêtes en


tenant fermées les audiences de la
plaidoirie ,
les claflès du collège , tk les
boutiques de la ville.

Le lundy Buvant qui étoit le fep- Truirtk


tiémede Juin on ouvrit les dallés pour fi* <* <des

reprendre les exercices ordinaires du ^ue


collège . : tk M. Defcartescon- MmU*
tinualetude de la Philofophic morale.
La Logique qu'il avoit étudiée l'hyver
precedent étoit de toutes les parties de
la Philofophie , celle à laquelle il a té-
moigné depuis avoir donné le plus d’ap-
dication dans le collège. Dés ce temps-
fà il s’apperçût que les fyllogifmes &
la plufpart des autres inftruétions de la
Logique de l’Ecole fervent moins à ap-
prendre les chofes que l’on veut fça-
B iiij voir

Digitized by Google
4

14 Abrégé de la Vie
ï6io voir qu’à expliquer aux autres celles
,

que l’on fçait , ou même à parler fans


jugement de celles qu’on ignore , qui
cft l’effet qu’on attribue à l’art de Rai-
mond Lulle. De tous les préceptes qu’il
avoir reçus de fes Maîtres dans la Lo-
gique, ne voulut retenir que les qua-
il

tre réglés qui ont fervi depuis de fon-


dement à fa nouvelle Philofophie. La
première ,
De ne rien recevoir pourvray
qu'il ne connut être tel évidemment La
fécondé. De divifer les chofes le plus
qu'il feroit pofjible pour les mieux refon-
dre. troifiéme , De conduire fes pen-
La
sées par ordre en commençant par Us
objets les plus /impies pour monter par
degrez. jufqu'd la connoijfance des plus
eompofez. La quatrième , *De ne rien
omettre dans le dénombrement des chofes
dont il devait examiner les parties. Mais
il fe forma dés-lors une méthode lin-
guliere de difputer en Philofophie ,
qui
ne déplut pas au P. Charlct fon Di-
recteur perpétuel , Dinet fon ni au P.
Prefet ;
quoiqu’elle donnât
un peu d’e-
xercice à fon Regent. Lorfqu’il étoic
queftion de propofer un argument dans
la difpute ,
il faifoit d’abord plufieurs
demandes

Digitized by Google
de M . Dejcartes LivJ. .

demandes touchant les définitions des i&ç


15

noms. Après , il vouloir Ravoir ce que - 1

l’on entendoic par certains principes re-


çus dans l’Ecole. Enfuite , il demandoit
fil’on ne convenoic pas de certaines ve-
ritez connues dont il faifoit demeurée
d’accord. De- là il formoit enfin un feui
argument dont il étoit fort difficile de
fe débarra lier.
L’étude de la Morale fcholaftique
fervitprincipalement à luy faire difiin-
guer celle du Paien & de l’honnefte
homme du fiécle, d’avec celle du Chré-
tien. Mais nous ne fçavons pas fi c’effc
aux cahiers de fon Maître qu’il étoic
redevable des quatre maximes dans lef.
quell sila faicprincipalement confifter
fa Morale particulière. La première de
ces maximes étoit èf obéir aux loix &
aux coutumes de fort pays ,
retenant
conflarnment la Religion dan- laquelle
Dieu l'avait fait navre. La féconde,
D’ être ferme & refolu dans f es allions,

& de fuivre auffi conftamment les api-

nions les plus doutewes lorsqu'il s’yfie»


roit une fois dit er minéy que fi elles étaient
trcs-ajju 'e'es. La troifiéme y De travail.-

hràje vaincre foy-méme plutafi que la


By fortune.;

Digitized by Google
, ,

i£ Abrégé de la Vie

I<jII Fortune \ a changer fes defirs plutofi


- que l’ordre du Monde \ & a fe perfuader-
que rien n'ejl entièrement en nôtre pou-
voir que not penfées. La quatrième. De
fe déterminer , fans blâmer le choix des
autres hommes dans leurs emplois & leurs
occupations differentes » a celle de cul-
tiver fa rai p>n ; & de rechercher la
vérité de toutes chojes dans tout le cours
de fa vie .
"
y j
L’etude qu’il fît l’année fuivante
Son feu dePhyfîque
la de la Metaphyfique&
uto* ^ V‘Y donna moins de fatisfaéhon que
dans^é- n’avoit fait celle de la Logique de &
Thyfiq J
l
M° r ^ e Il commença dés-lors à fe-
*

& Meta- fentir embarafîé de doutes d’erreurs, & :

ttyfiqne.
au }j eu £j e cette connoifance claire ér
ajfurée de tout ce qui ef utile à la vie ,
qu’on luy avoit fait efperer de fes étu-
des. Plus il avancoit plus il découvroic
,

fon ignorance., il voioit par les leçons


de fes Maîtres Sr par la leékure de fes*
Livres que la Philofophie avoit été
cultivée de tout temps par les plus ex-
cellens Efprits qui euflent paru dans le
monde -,
& que cependant il ne s’y troti-
Voit encore aucune chofe dont on ne
di(putât .& qui par confequent ne fut
?
dputeule

Digitized by Google
1

de M.Defcdrtes. Liv.I. 17
douteufe. Toute l’eftirae qu'il pouvoit Iéll
avoir pour Tes Maîtres ne luy donnoit
point la prefomption d’efperer qu’il pût
rencontrer mieux que les autres. Con-
fideranc la diverfité des opinions fou-
tenues par des perfonnes doétes tou-
chant une même matière ,
fans qu’il
y
en puilïe avoir jamais plus d’une qui
Toit vraye s’accoûtumoit déjà à re-
, il

puter prefque pour faux tout ce qui


n’étoit que vray-femblable. S’il n’avoit
eu qu’un foui Maître ,
ou «’il n’avoit
point fçû ces differentes opinions qui
font parmi les Philofophes ,
il protefle
qu’il ne luy feroit jamais arrivé de fe
retirer du nombre de ceux qui doivent
fe contenter de fuivre les opinions des
autres plûtofl: que d’en chercher eux-
mêmes de meilleures. Mais aiant appris
dés le collège , ( ce font fes termes )
gu’on ne fçauroit rien imaginer de i
étrange qui n’ait été avancé par quel-
qu’un des Philofophes , il prétend n’a-
voir pû choifir un guide dont les opi-
nions luy parurent préférables à celles-
des autres.. C’eft ce qui l’a obligé'
dans la fuite des temps à fe frayer un"
chemin- nouveau ^ &
à entrepren-
dre

Dgitzed by Google
i3 jéhregê de la *7e
dre de fe conduire luy - mefme.
^ ll
Malgré les ohftæles qui arrétoient
"
fm eiprit durant le cours de fà Fhilofo-
Etud, t
Mut ht -
t
1
hig
.
*
j] fallut finir cette carrière en
,

mMiqutt meme temps que de les com- le relie

pagnons qui n’avoient trouve ni doutes


à former, ni difficulcez à lever dans les
cahiers du Maître. On le fit palier en-
fuite à Y étude des Mathématiques, aux-
quelles il donna la dernière année de fon
fejour à la Flèche. Le plaifir qu’il
y
avec ufure des peines que la
prit le paia
Philolophie fcholaftique luy avoit don-
nées r & les progrès qu’il
y fit ont été
fi extraordinaires ,
que le collège de la
Fl. cire s’eft acquis par fon moien la
gloire d’avoir produit le plus, grand Ma-
thématicien que Dieu eulfc encore mis
au jour. Entre les parties des Mathé-
matiques, il choilit l’yf^/y.^desGeo-
J
métres,&l /#/çéér* ^our en faire le fujet
de fon application particulière , pouc
les purger de ce qu’elles a voient de
nuifible ou d’inutile & pour les por-
ter à leur perfection. C’eft à quoy il

travailla dés le collège indépendera-


ment de fon Maître & de fès compa-
gnons ,
6 nous en çroions ceux qui le
tf font

Digiiized by Google
âe M. Defcartes. Liv.î. ï?
1
fonc auteur de cette efpéce d’Algébre
qu’ils appellent la clef de tous les Arts
liberaux & de toutes les Sciences , 8c
qu’ils eftiment être la meilleure mé- v

thode qui ait jamais patû pour difcer- .

ner le vray d’avec le faux*


La difpenfè qu’il avoit obtenue du
P. Principal du collège pour n’ctre pas dieroud «
me<ilîtr%
obligé à toutes les pratiques de ladiC
cipline fcholaftique 3
luy fournit les
moiens necefTaires pour s’enfoncer dans
cette étude auffi profondément qu’il
pouvoir le fouhaiter. Le P. Charlet
Re&eur de maifon lny avoit prati-
la
qué entre autres privilèges celuy de de-
meurer long. temps au lit > tant à caufe
de fa famé infirme que parce qu’il re-
marquoic en luy un efprit porté natu-
rellement à la méditation. Defcartes
qui à fon réveil trouvoit toutes les for-
ces de fon efprit recueillies &tous fes
5
fens radis par le repos de fa nuit
3 pro-

fitoit de ces favorables conjonétures

pour méditer. Cette pratique luy tour-


na tellement en habitude * qu’il s’en fit
une manière d’étudier pour toute fa viei
&. l’on peut dire que c’eft aux matinées
«Je fou lit que nous fournies redevables

, &

Digitized by Googl
\

* A s
* jr . , < t

20 1Abrégé de la Fie
de ce q Ue fon efprit a produit de plus
**’ 1

important dans la Philofophie dan* &


^ .les Mathématiques.-
*
A i a n T fini le cours de Tes études
J«- au mois d’Août de l’an i6n il quitta
0ouÿ.“ le collège de la Flèche après huit ans
&
demi defejour; 8c il s en retourna
chez fon Père comblé des benediétions
de Tes Maîtres. Il luy refta route fa vier
un fonds de reconnoiflànce pour l’obli-
gation qu’ii leur avoit , d’eftime pour &
leur collège qu’il avoit coûtume d’éle-
Ver au defTas de tous les autres ; foit
parce que fa propre expérience luy en
avoit donné une connoilTance plus par-
ticulière^ (bit parce que nous nous (en-
tons ordinairement portez à louer le lieu
de nôtre éducation comme celuy de
nôtre naiflance ,
& à vanter nos maî-
tres comme nos parens.-
Mais s’il étoit fatisfait de fes Maîtres
au fortir du collège ,
il ne l’étoit nul-
li
^e luy même. Il fembloit n’a-
f'ai/de r‘
étudtf.l vo remporcé de fes études qu’une con-
’ r

noillance plus grande de fon ignorance.


Tous les avantages qu’il avoit eus aux
yeux de tout le monde 8c qu’on van-
toit comme des prodiges ,
ne iè re-
dyifoient-

Digilized by Google
de M. Défîmes. Liv. I. îî
duifoient ,
félon luy ,
qu’à des embar-
ras à des doutes ,
,
&
à des peines d’ef-
prir. Les lauriers dont fes Maîtres l’a-
voient couronné pour le diftinguer da
refte de fes compagnons ne luy pa-
rurent que des épines.-
Pour ne pas entièrement démentir le
jugement desconnoiffeurs de ces temps-
là , on ne devroit pas nier qu’il eût
mérité , tout jeune qu’il écoir, le rang
que le Public luy donnoit dés-lors par-
mi les doétes 8c les habiles gens du-
fiecle. Mais, jamais il ne fut plus dan-
gereux de prodiguer la qualité de Sça *
•oant. Car il ne fe contenta pas de re-
jetter cette qualité qu’on luy avoir
donnée mais voulant juger des autres''
:

par luy même j peu s’en fallut qu’il ne’


prît pour de faux Sçavans ceux qui por-


toient la même qualité j qu’il ne fïlfc &
éclater fon mépris pour tout ce que les
hommes appellent Sciences.
Le déplaiür de fe voir defabufé de
l’erreur dans laquelle il s’étoit flaté de
pouvoir acquérir par fes études une-
eonnoiffîance claire & ajfurée de tout ce
qui eft utile a la vie ,
penfi le jetter
dans le defefpoir.-Voiant d’àilleurs que
fon'
ü Abrégé de U Vie
*^ï2 fon fiécle écoit aufli florifïant qu’aucud
^
t

des précedens , &


s'imaginant qae tous
les bons efpritsdont ce fiecle étoit aflez
fertile , fe trouvoient dans le même cas
que luy , fans qu’ils s’en apperçulïent
peut-être comme luy i il fut tenté de
croire qu’il n’y avoit aucune fcience
dans le monde qui fût telle qu’on luy
avoit fait efperer.

2 lmo»- Le refultat de toutes fes fâcheufes

Livret &
libérations > q u ’il renonça aux
cuxZen- Livres dés l’an 1615 , qu’il fe défit en-
«s, à- fièrement
&
de l’étude des Lettres. Pat
wrquoi.
efpéce d’abandon ,
il fembloit
imiter la plufpart des jeunes gens
de qualité ,
qui 11’ont pas befoin
d’étude pour fubfifter , ou pour s’avan-
cer dans le monde. Mais il y a cette
différence que ceux-cy en difant adieu
,
aux livres ,
ne longent qu’à fecoüer un
joug que le collège leur avoit rendu
infupportable : au lieu que M,Defcar-
tes n’a congédié les livres pour lef.
quels il étoit très paffionné d’ailleurs,
que parce qu’il n'y trouvoit pas ce qu’il

y cherchoit fur la foy de ceux qui l’a-



voient engagé à l’étude. Quoiqu’il fe
fencift très- obligé aux foins de les Maî-
tres

Digitized by Google
de Mr Defcartes* Liv.ï. 2.3
très qui n'avoient fen omis de ce qui j^î|
dépendoit d'eux pour le fatisfaire , il ne »*«i
fè croïoit pourtant pas redevable à Tes
études de ce qu’il a fait dans la fuite
pour la recherche de la vérité dans les
Arts &c les Sciences. Il ne .fàifoit pas
difficulté de dire à fes amis que quand
fon Pere ne l’auroit pas fait étudier , il
n’auroit pas laille d’écrire en nôtre lan-
gue les mêmes chofes qu’il a écrites en
•Latin.
Il passa l’hy ver de la fin de 1611
& du commencement de 1613 dans la ^„fej 0 û9
ville de Rennes à revoir fa famille , *
à monter à cheval , à faire des armes, p^àriû
& à d’autres exercices convenables à
là condition. On
peut juger par fon
petit traité d’Efcrimes’il
y perdit en-
tièrement fon temps.
Son pere qui avoit déjà fait prendre
le parti de la Robe à fon aîné , fem-
bloit le deftinet au fervice du Roy &
de l'Etat dans les armées. Mais fon
peu d’âge , &
la foiblefie de fa com-
>lexion ne luy permettoient pas de
{’expofer fi- tôt aux travaux de la guer-
re. Il crûc qu’il feroit bon de luy faire
voir le grand monde auparavant. C’eft
Ç5

Digitized by Google
.

14 Abrégé de la V/^
ce qui le fie refoudre à l’envoïer à Paris-
vers le printems. Mais il fit peut-être
une faute de l’abandonner à fa propre
conduite, fans luy donner d’autre gou-
verneur qu’un valet de chambre , ni'
d’autres infpe&eurs que des laquais. 11

fe repofoit avec trop de fecutité fur la


fàgefle d’un jeune de dix-fepthomme
ans qui na^’oit encore aucune expé-
rience ,
ni d’autre fecours que fes pro-
pres forces pour refifter aux occasions
de fe perdre.

r Son
en eut allez pour fe garantir des
Il
o’Jt-
VCté. grandes débauches ,
pour ne pas &
tomber dans les defbrdres de l’intempe-
rance : mais il ne fe trouva point à
l’épreuve des compagnies qui rentrai-
nerent aux promenades ,au jeu, & aux
autres divettiflerpens qui palfent dans
lé monde pour indiflèrens. Ce qui con-
tribua à le rendre plus particulièrement
attaché au jeu ,
fut le fuccés avec le-
quel i! réüfEfoit fur tout dans ceux
y ,
qui dépendent plus de l’induftrie que
ou hazard..
Mais ce qu’il fit de moins inutile
durant tout ce temps d’oifiveté fut la
connoifTance qu’il renouvella avec di-
verfes
,

Je M . T>ejcartes.
verfes perfonnes qu’il avoit vuc-s
Liv.I.
à
zj
la
Flèche, & l’amitié qu’il contra £fca avec —
quelques gens de merie, qui fer virent
à le faire un peu revenir de ce grand
éloignement ou il étoit pour l’étude
& les livres.
Le plus importanr de ces nouveaux Amit
lf
amis fut célébré Claude Afydorge, Mjdor&H
le

Treforier de France en la généralité


d’Amiens fils d’un Confeiller de la
Grand-Chambre, &
fuccefTeur deVié-
te dans la réputation du premier Ma-
thématicien de France pendant quel-
que temps. M. Defcartes qui étoit plus
jeune de prés d’onze ans , trouva dans
ce nouvel ami je ne fçay quoy quiluy
revenoit extrêmement, foit pour l’hu-
meur , foir pour le cara&ére d’efprir..
Ce qui les unit fi étroitement, qu’il n’y
eut que la mort de M. Mydorge qui les
fépara.
Ce fût aufïï vers le mefine temps qu’il Avxié-
,Mer~
retrouva à Paris Marin Merfenne , *!*
mais dans un extérieur fort different^
de celuy- fous lequel il connu à
l’avoit
la Flèche, Merfenne Mini-
s’étoit fait
me au fortir des écoles de Sorbonne»
Le renouvellement de leur connoillàn-
i6 Abrégé dé là Vie
*^ T 4 ce fut d’autant plus agréable à ce Pere;
_

que M.Defcartes fe trouvoit alors moins


éloigné de portée que quand il I’a-
fa

voit vu petit garçon dans le collège.


D’un autre côcé la rencontre fat avan-
tageufe à M. Defcartes, pmfqu’elle fer—
vit à le délivrer des attaches qu’il avoit
au jeu & aux autres pafïè-temps inuti-
les. Ils commençoient à goûter les
douceurs de leurs innocentes habitu-
des , &
à s’entre- foulager dans la re-
cherche de la vérité ,
lorfque le Pere
Merfenne fut envoyé fur la fin de 1614
à Nevers , pour yenleigner la Philofo-
phie aux jeunes Religieux de fon ordre.
* _ . Cette réparation toucha M. Defcar-
tt & fin tes aüez vivement. Mais au lieu de Juy
^ onner l a penfée de retourner à fesdi-
Tfnde*
vertiffemens &
à fon oifiveté , elle le
encore mieux rentrer en luy-mefme
fit

que la prefence de fon vertueux ami,


& luy infpira la refolution de fe retirer
du grand monde & de renoncer même
à fes compagnies ordinaires , pour fe
remettre à l’étude qu’il avoit abandan-
iiée. Il choifit un lieu de retraite dans
Germain , ou il loiia
le faux-bourg Saint-
une maifon ecartée du bruit , & s’y ren-
-
.. fera»

Digitized by Google
Ae M.
Defcartes. Liv.I. %j
ferma avec un ou deux domeftiques
g
feulement fans en avertir fes amis ni
fès parens. Etant ainfi rentré dans le
goût de l’étude , il s’enfonça dans celle
des Mathématiques aufquelles il donna
tout ce grand loifir qu’il venoit de fe
procurer , &
qui fut de prés de deux ans.
Ceux de fes amis qui ne fervoient
qu’aux palfetemps & aux parties de di-
vertilfement ,
s’ennuicrent bien-toft de
ne le plus revoir. Ils le cherchèrent inu-
tilement dans la Ville, à la Cour, & dans
fa Province. Il avoit eu la prudence au
.commencement de fa retraite ,
de fè.pré-
cautionner contre les hazards de la ren-
contre ,
pour ne pas tomber entre les
mains de ces Facheux,lorfqu’il étoit obli-
gé de (brtir pour fes befoins. La choie
ne luyreüilit point mal pendant prés
de deux ans. Mais il fe repofa dans la
fuite avec un peu trop d’aflùrance fur le
bon- heur de (a folitude: & ne veillant
plus fur fa route &
fes détours avec la

même précaution qu’anparavant lorfl


qu’il alloit dans les rues , il fut rencon-
tré par un de ces amis, qui ne voulut
pas le quitter qu’il ne luy euft décou-
vert fa demeure,
1
a^

Digitized by Googl
,

9.8
'
jibregê delà V/>*
en coûta la liberté à M. Defcartes,
Il
r pour ne rien dire de plus. L’ami fît fi
Il tfi dé.
bien par fes vifites réitérées 8c par Tes
couvert importunitez qu’il vint about de trou-
& inter -
,

bler premièrement fon repos ,


8c de le
TtVJ^U,
détourner enfuite de fa chère folitude
pour le ramener dans le monde , 8c le
replonger dans les divertillemens com-
me auparavant.
Mais il s’aperçût bien-toft qu’il
avoit changé de goût pour les plaifirs.
Les jeux 8c les promenades n’avoient
plus pour luy les mêmes attraits qu’au-
paravant : 8c les enchanremens des
voluptez 11e purent agir fur luy que
tres-foiblement contre les charmes de
la Philofophie 8c des Mathématiques,
dont ces amis de joie ne purent le dé-
livrer. lis luy firent paffer les fêtes de
Moël de 1616 8c le commencement de
l’année fuivante jufqu’aux jours gras
le moins trifiement qu’il leur fut pof-
fible.Mais ils ne purent luy faire fentir
d’autres douceurs que celles de la Mu-
fique , aux concerts de laquelle il 11e
pouvoir être infènfible avec la con-
noiflànce qu’il avoir des Mathéma-
tiques,
Mb

Digitized by Google
de M; D ejcaries. Liv.I. 29
, Ne pouvant plus efperer des 1617
Importuns de Ton âge & de fa qualité,
la liberté de rentrer dans fa retraite ou
IX.
J L -ua. ett

d’en profiter ; &


fe voi'ant d ailleurs Hollande

âgé de vingt & un ans , il crût devoir farter les


armes*
le mettre dans lefervice, Il partit vers
le mois de May pour la .Hollande , Sc
fe mit dans les troupes du Prince Mau-
rice en qualité de Volontaire, à l’imi-
tation de plu fie u rs C adets de la no-
blefle Françoife qui alloient apprendre
le métier de la guerre fi us ce grand
Capitaine.
Mais comme Ton cosur étoir prévenu Ses vûis
en cela*
par une plus forte pallion poui la recher-
che de la venté à laquelle il éroit^e-
,

folude s’troploïer tôt ou tard ,


fondejfi
fein n etoit pas de devenir grand guer-
rier à école de ce Prince. En Ce dé-
1

terminant â porter les armes , il prit la


refolution de ne fe rencontrer nulle part
connu. aéleur, mais de le trouver pat
tour comme fpt dateur des n les qui fo
jouent d ns toutes fortes d’états fur le
tlf âcre du Monde. Il ne fe fit foldat

que pour étudier les maurs differentes


des hommes plus au naturel , & pour
tâcher ue fie mettre à l’épreuve de tops

Digitized by Google
36 jflregé de la Vie
Ï6 les accidens de la vie. Afin de n’êtré
— 17
— gêné par aucune force fuperieure , il re-
nonça d’abord à toute charge & à tout
engagement ; & il s’entretint toûjouts
à fes dépens. Mais pour garder la forme,
il fallut recevoir au moins une fois la

paye : & il eut la curiofité de confer-


ver cette folde pendant toute fa vie
comme un témoignage de fa milite.
Il aimoit véritablement la guerre à
cet âge mais cette inclination n’etoic
j

que l’effet d’une chaleur de foye qui


s’appaifa dans la luite des temps. Quoi-
que la ville de Breda où il étoit en
garnifon jouïft alors du repos que pro-
curoit la trêve faite entre les Hollan-
dois & Efpagnols , il ne laifla pas
les
de fe montrer toujours grand adverfaire
de l’oifiveté & du libertinage ;
foitdans
fes occupations militaires aufquelles il

apportait toute l’affiduité dv- ar-


dent des (oldats, foit dans le loifirque
luy iailloient fes fondions , &. qu’il
emploïoit à l’étude lorfque les autres
le donnoient à la débauche.
Pendant ce nmps là , il arriva qu’un
inconnu fit afficher par les rué* de Bre-
jda un problème de Mathématique pour

lea
.

Digitized by Google
cle M. Defcartes • Liv.I. 31
le propcfer aux fçavans , & endeman- 1617
der la folution. .M. Defcartes voiantle à

concours des pafïàns qui s’atrêtoient de-


vant l’afficbe conceue en Flamand , pria
le premier qui £e trouva auprès de luy
de vouloir luy dire en Latin ou en Fran-
çois la fubftance de ce qu'elle coiite-
noit. L’homme à qui le hazard le fit
n^ it
adrefler ,
voulut bien luy donner cette connoif-

fatisfa&ion en Latin : mais ce fut à cpn-


dition qu’il s’obligeroit à luy donner ma*.
de fon côté la folution du problème qu’il
jugeoit en luy-même très. difficile. M.
Defcartes accepta la condition d’un air
fi refolu ,
-que cet homme qui n’atten-
doit tien de femblable d’un jeune cadet
de l’armée ,
luy donna fon nom par
écrit avec le lieu de fa demeure , afin
qu’il pût luy porter la folution du pro-
blème quand il l’auroit trouvée. M.
Defcartes connut par fon billet qu’il
s'appelait Ifaac Beeckman & qu'il
étoic principal du collège de Dordrecht.
Il ne fut pas plutôt retourné chez luy
que s’étant mis à examiner le problème
de, l’homme inconnu fur les réglés de
fa méthode , il en trouva la folution, avec
jutant de facilité &
de promtitude que
C Viéte

Digitized by Google
$L Abrégé de Vie U
if * >1 7 Viéte en avoic apporté autrefois pour
refoudre en moins de trois heures le
fameux problème qu’ Adrien Romain
avoit propofé à tous les Mathémati-
ciens de la terre. Pour ne point man*
quer à fa parole , il alla dés le lende-
main chez BeecKman , luy porta la lo-
lution du problème , ôc s’offrit même
à luy en donner la confttu&ion , s’il
la louhaitoit. Beeckman parut fort fur-
pris mais fon étonnement augmenta
:

;tout autrement , lorfqu’aiant ouvert une


longue conversation pour fonder l'eC
prit ôc la capacité du jeune homme,
il le trouva plus habile que luy dans
des fciences dont il faifoit fon étude

depuis plufieurs années. Il luy demanda


ion amitié , luy offrit la fienne ôc le
pria de conlentir qu’ils entretinrent un
commerce mutuel d’études ôc de lettres
pour le refte de leur vie. M. Defcartes
répondit à ces honnêtetez par tous les
effets d’une amitié fincére , quoyqu’il
fe trouvât plus jeune que luy de prés
de trente ans :
& pour luy donner des
marques de la confiance qu’il avoit en
luy ,
il confèntit avec plaifir qu’il fut
fon c.orrefpondant pour la Hollan-

Digitized by Google
de Ad. Defcartes. Liv.I. 33
<îe ,
comme il l’avoit fouhaité.
Pendant que le Comte Maurice «

devenu Prince d’Orange pat la mort X.


de Ton frère arrivée ie xx de Fevrien<5i8 n fatt/j*
alloitpar les provinces &
les villes avec
des troupes pour réduire les Arminiens :
M. Defcartes voulut reliera Br ed a , oû
il emploia Ton loifir à compolèr divers
écrits, dont le plus connu eft Ton traité
de la Muficjne, Il le fît en Latin fui-
vant l'habitude qu’il avoit de concevoir
& d’écrire d'abord en cette langue ce
qui luy venoit dans la penlée. Il voulut
bien confier Ton original à BeecKman à
la prière, duquel il l’avoit compofé,,
niais à condition qu’il ne le feroitvoir

à perfonne , parce que le jugeant très-


imparfait , il apprehendoit qu’il ne de-
vint public par l’imprelfion ou par la

multiplication des copies. Beeckman


qui fe contoit parmi les premiers Ma-
thématiciens du fiecle ne ,
le trouva
point trop imparfait pour luy : & croianc
que M. Defcartes y avoit renoncé ,
il

voulut s’en faire honneur comme s’il

en eût été l’auteur. M. Defcartes fe


crût obligé de rabatre fa vanité , & de
luy faire connoître combien il eft peu
C ij honnête

Digitized by Google
.

34 jibrtgé de la Vie.
VîiS honnête de vouloir acquérir de la répuf
ration au préjudice de la vérité.
Ses amis ne purent le faire confen-
fir à la publication de c.e petit traité,

,
tant qu’il fut aumonde. Ses ennemis
en ayant recouvré une copie aflez dé-
feétueufe cherchèrent à fe vanger de luy
par la publication qu’ils en firent in-
continent après fa mort. Mais ils tra-
vaillèrent à leur propre confufion ; &
loin de des-honorep fa mémoire , ils lui

attirèrent l’admiration de tous ceux


qui ont Içu que c’étoir l’ouvraged’un
jeune-homme d,e vingt d.eux ans, A dire
vray , ne le juge pas main-
le public
tenant auifi mauvais que fon auteur
vouloir le faire croire. La multitude
de fes éditions , & les tradu étions qu’on
en a faites en Anglois &
en François
nous répondent de fon approbation.
Bee-cman. laiflant aux Miniftres
A m nt aux Théologiens de fa fe.éte le foin de
•uvra&s tenir leur Concile national dans fa
comme»-
vjj] e ^ v j^ c ^ g rec a p a fler la meilleure
j

partie de ce temps auprès de M.Def-


cartes pour s’exercer avec luy dans les
,

Mathématiques, &
luy propofer des
ljueftions.i refoudre. M, Defcartesn’en
» », demeura •

Oigitized by Google
de M . Dejcartes. Liv.I. 3 5
dfemeura pas aux réponfes qu’il luy fie. rfrS
*
Il compola encore divers petits ouvra-
ges qui auraient été d’excellens garans
du bon employ de Ton temps , s’il leur
1 avoir lailTé voir le jonr. C’eft dans ces
ouvrages de fa jeunetfe que Ton a trou-
vé fon fentiment de l’ame des Bêtes oW
des Automates 3 Vingt ans avant que d’a-
Voir publié fon principe touchant la
diftinétion de la fubftance qui penfe,
& de la fubftance étendue. Il n’avoit
encore lu à cet âge ni S. Auguftin , ni
Pereira , ni aucun autre auteur capable
de luy donner des ouvertures fur ce
fentiment. Il paraît même qu’il ne vid
jamais de fa vie le livre de Pereira ; <Sc
que ce fut de fes amis & de fes envieux
qu’il apprit en 1641 ce que l’on trou-
• voit de fembiable entre fon opinion 6c
celle de cet Efpagnol.
Cependant M. Defcartes ne trou-
•vant pas fous le Prince d’Orange cette
variété d’occupations qu’il s’étoit pro-
‘fniïe en quittant la France ,
cherchoit
l'occafion de fortir des pais-bas pour fer-
vir ailleurs. Les nouvelles qu’on avoit
apportées àBfeda des grands mouvemens
derÀUemagne réveillerept la curiofiré
Ç ii) qu’il

Digitized by Google
36 Abrégé de U Vie
Ï 6 i^ qu’il avoir de fe rendre fpeétateur de
* — "
tout ce qui fè palTèroit de plus confiée-
rable dans l’Europe. On parloir d’un
nouvel Empereur ; on parloir de la ré-
volté des états de Bohême contre leur
Roy } & d’une guerre allumée entre les
Catholiques & les Proteftansà cefujer*
M. Defcarres voulant quitter la Hollan-
de , prit pour prétexte le peu d’éxercice
que luy j>roc{uifoit la fufpenfion d’ar-
mes qui du Prin-
etoit entre les troupes
ce d’Orange St celles du Marquis de
&
Spinola } qui devoir durer encore deux
ans félon les conventions de la trêve. Sa
refolution étoit de pafler en Allemagne
pour fervirdans les armées Catholiques;
mais avant que de fe déterminer à au-
cun engagement , il voulut aflifter au
couronnement du nouvel Empereur qui
devoir fe faire dans la ville de Francford.
XIT. Il partit de Breda au mois de
i it*Û* Juillet de l’an 1619 pour fe rendre à

ZU Maftricht , St delà à Aix la Chapelle,


oît il appiit l’état des affaires d’Alle-
„ magne ,
&
les préparatifs que cette
ville coûtume de faire pour le
avoit
couronnement des Empereurs. Etant
arrivé à Mayence, il fçûc que l’Elec-
teuç

Digitized by Google
de Ad. Defcdrtes. Liv.I. 37
feur Jean Schvvichard avoit cité les au-
très Ele&eursde l’Empire félon les for-
mes accoutumées , & les avoit fommez
— \6\cT

de le rendre à Francford le Xx dejuillec


pour procéder à l’éle&ion d’un nouvel
Empereur.
Il fe trouva dans cette dernière ville
vers le temps que Ferdinand I I.
y ar-
rivacomme Roy de Bohême & Elec-
teur de l’Empire. Ce Prince d:Vt rdin%
y fut élû Ji *

Roy des Romains le xxvm d’Août & \

fut couronné Empereur le xxx du même


mois félon l’ancien ftile,c’eft à dire le
ix de Septembre félon nous. M. Dell
cartes ne parut pas à la première céré-
monie qui regardoit l’éle&ion du Roy
des. Romains , parce qu’on avoit don-
né ordre aux étrangers , c’eft à-dire à-
ceux qui n’étoient ni du lieu ni de la
fuite des Ele&euis ,de fortir de la ville.
Mais il fut prefent à ha fécondé con-
cernant le couronnement de l’Empereur,
& il fut curieux de voir une fois pour

foute fa vie ce qui s’y paira,afin de ne pas


ignorer ce que les premiers aéleurs de
ce monde reprefentent de plus pom-
peux fur le théâtre de l’Univers.
Avant que de fortir de Francford il
C iiij déli-

Digitized by Googl
3S jihregê de U P^ie
îéîp
délibérait du parti qu’il avoit à prendre^
•—— Iorfqu'il apprit que le Duc de Bavière
iüfïld ^evo i c des troupes. Cette nouvelle luy
troupes fit naître le deüein de s’y mettre , (ans
fç av °i r précifement contre quel enne-
IsJviirt-
mi eRo dévoient marcher. Tout ce qu’it
en fçavoit fe reduifoit à ne pas ignoref
le bruit que faifoient les troubles de
Bohême par toute l’Allemagne. Com-
me il fe loucioit peu d’entrer dans les
interdis des Etats & des Princes fous
Ja domination desquels la providence ne
l’a voit pas (ait naître ,
il ne précendoit
pas porter le moufquet pour avancer
tes affaires des uns , ni pour détruire
celles des aurres. Il fe mit donc dans les
troupes Bavaroifes comme (impie Vo-
lontaire fans vouloir prendre d’employ :
& l’on publioit alors , mais en general
qu’elles étoient deftinées contre le bâ-
tard de Mansfeld , 8c les autres gene-
raux des révoltez de Bohême. Mais le
Duc de Bavière fit connoître peu de
temps après qu’elles dévoient marcher
contre l’Ele&eur Palatin Frédéric V ,

que les Etats de Bohème avoient élvl

pour leur Roy quatre jours avant le


couronnement de l’Empereur Ferdinand

Digitized by Google
M
. De/cartes.
de Liv.II. 39
1619
I que l'on vouloir exclure de cette
I.

couronne par cette entreprife.

livre second,
D épais 1 619 jftfqhen 1

M
de
*

fervir
Des-cart&s
autrement fous
n’aiant pas delfein
le Duc
fous le Prince
de
I.
Il entre
.

Bavière qu’il avoir fait en quar-


tier d‘ hi-
d’Orange , commença la campagne par ver %
fe mettre en quartier d’hiver dans le

Duché de Neubourg fur les bords du Da-


nube au mois d’Oéfcobre de l’an iér^.
Il fetroiraten un lieu fi- écarté du com-
merce , & Ci peu fréquenté de gens
dont la conversation fût capable de le
divertir, qu’il s’y procura une folitude
telle que fon de vie ambulante
état
pouvoir la luy permettre.
S’étant ainfi a duré des dehors , 8c
n’aiant par bon-heur aucuns'-foins ni
aucunes pallions au dedans qui pulîènt
le troubler , il demeuroit tout le jour
enfermé feul dans un poelîe', où il avoir
tout le ioiftfc de s’entretenir de fespen-
i Cv fées,.

Digitized by Google
40 Abrégé de U Vit
r
fées. Ce que des pré-
n’étoient d’abord
^ 9 ludes d’imagination il ne devint : &
hardi que par degrez, en paflant d’une
penfée à une autre , à mefure qu’il fen-
toit augmenter le plaifir que fonefpric
trouvoit dans leur enchaînement. Une
de celles qui fe prefènterent à luy des
premières ,
fut de confiderer qu’il ne fe
trouve point tant de perfeétion dans les
ouvrages compofezde plufieurs pièces,
&faits de la main de divers maîtres-,
que dans ceux- aufquels un feul a tra-
vaillé. Il luy fataifé de trouver dequoy
foutenir cette penfée , non feulement
-dansées arts où l’on remarque la diffi-
culté qu’il
y a de faire quelque chofe
d’accompli en ne travaillant qqe fur
l’ouvrage d’autruy; mais même dansda *

.
police qui regarde gouvernement des' le

peuples , &
dans l’écablilTèment de la
religion qui eft l’ouvrage de Dieu feul.
Il appliqua enfuice cette penfée aux

Sciences dont la connoiiïance ou les


préceptes fe trouvent en dépôt dans les
livres.. Il s’imagina que les Sciences,,

au moins celles dont les raifons ne font


que probables , & qui n’ont aucunes
démoûftratioitt ,
s’étant groflies peu à
*
'

* nflil

Digitized by Google
de lA- DeJcartes. Liv.II. 41
peu des opinions de divers particuliers, 16 19
& ne Ce trouvant compofées que des "?

réflexions de plufieurs perfonnes d’un


cara&ére d’eiprit tout diffèrent , ap-
prochent moins de la vérité que les
(impies raifonnemens que peut faire na-
turellement un homme de bon fens tou-
chant les chofes qui fe prefentenV à luy.
Delà , il entreprit de palier à là n t ache
raifon humaine avec la même penfée. <£-

Il confldera que pour avoir été en fans

avant que d’être hommes , & pour nous


être laiflèz gouverner long-temps par
nos appétits , &
par nos maîtres qui
fe font fouvent trouvez contraires les-

uns aux autres ,


prefque impoflible
il eft

que nos jugemens foient auffi purs,


aufflfolides qu’ils auroient été, fi nous'
avions eu l’ufage entier de nôtre raifon
dés le point de nôtre naiflance , fi &
nous n’avions jamais été conduits qüe
par elle.

Laliberté' qu’il donnoit à (on génie-


ne rencontrant point d’obftàcles, le con-
duifoit infenfîblement au renverfemenc
de tous les anciens fyftémes. Mais il fe
retint par la vue de lïndifcretion qu’il
auroit blâmée dans un homme qui au-
. . G vj y rôit

Digitized by Google
4z *
Abrégé de U Fié
roit entrepris de jettet par terre toutes
~ les maifons d’une ville dans le leul def-
fein de les rebâtir d’une autre maniéré.
Cependant comme on ne trouve point
à redire qu’un particulier falTe abatte
Ta (îenne lorfqu’elle le menace d’une
ruine inévitable pour Ta rétablir fur des
fondemens plus lolides : il fe perfuada-
qu’il
y auroit en luy de la témérité à
vouloir reformer le corps des feiences
ou l’ordre établi dans les écoles pour*
les enfejgner ;
mais qu’on ne pourroit
le blâmer avec juftice d’en faire l’épreu-
ve fur luy-même, fans rien entreprendre
fur autruy..
Ainli it fe refolut une Bonne fois de
fe défaire de toutes les opinions qu’il
avoir reçues jufqp’alors -, mais Ion in-
tention étoit de ne les ôter de fa créan-
ce ^ qu’afio d’y en fubftituer d’autres
enfuite qui fiillènt meilleures , ou d’y
. remettre les mêmes après- qu’il les au-
roit vérifiées , & qu’il les auroi tajnfléer
. an niveau de la raifort.. Il crût trouver
en ce point les moiens de réüfTîr à ré-
gler la conduite de la vie beaucoup
mieux que s’il, ne bâtilToit que fur de
vieux fondemens , appuie feulement fur

te

Digitized by Google
de M. 'Défîmes. Liv.II. '45
les principes qu’il s’étoit laiflé donner
*
dans fa première jeuneffe , fans avoir
jamais examiné s’ils étoient vrais.,

Ils prévoioit neantmoins qu’un pro-

jet fi hardi & fi nouveau ne fetoit pas


fans difficultez. Mais il fe fîatoit que
ces difficultez ne ferorent pas fans re-
medè î outre qu’il né les jugeoit point
comparables: à celles qui fe rencon-
trent dans la reformation des moindres
chofes qui touchent le public. fl‘ mer-
toit une grande différence entre ce quai
*
entteprenoit de détruire dans luy-mê-
me , &
les étabiüTemens publics de ce
monde qu’il comparoit à de grands
corps dont la chute ne peut être que
tres-rude ; &
qui font encore plus dif-
ficiles à relever quand ils font abatus

qu’à retenir quand ils font ébranlez..


Mais fans prétendre porter fes vues juf-
?
qu aux interefts du public , il ne vou-
loit reformer autre chofè que fes pro-
pres penfées, & il ne fongeoit à bâtît
que dans un fonds qui fût tout à lüy..
En cas de mauvais fuccés , il ne croioic
pas rifquer beaucoup ,
puifque' le pis
qu’il enne pourroit être que-
arriveroit
la perte de fon temps
""
de fes peines
' '
& '
S'»'Ü

Digltized by GoogI
4# Abrégé dè
! la Hs
ôtiffip qu’ilne jugeoit pas fort neceflàires an
- bien du genre humain.
Dans Ta nouvelle ardeur de fes refo-

iafrls™' lutions ,
il entreprit d’executer la pre-
mière partie de les delîeins qui ne con-
hftoit qu’à détruire, C’étoit allurément
la plus facile des deux. Mais il s’ap-
perçût bien tôt qu’il n’efl: pas aulïiaifé
a un homme de fe défaire de fes pré-
jugez ,
que de brûler fa maifon. Il s’é-
roit déjà préparé à ce renoncement dés le
forcir du Il en avoit fait quel-
collège.
ques elïàis premièrement durant fa re-
traite du fauxbourg S. Germain àPaiis,
& enfnite durant Ion (èjour à Breda.
Avec toutes ces difpofitions ,
il n’eut
pas moins à foufïrir que s’il eût été
queftion de fe dépouiller de (by mêmeé
Il crût pourtant en être venu à bout.- •

Et à dire vray , c’étoit alfez que fon


imagination luy p.refentât fon efprit
tout nud pour luy faire croire qu’il
,
l’avoit mis efïè&ivement en cet état.
Il ne luy refloit que l’amour de la vé-

rité , dont la pour fui te devoir faire do-

rénavant toute l’occupation de fa vie..


Ce fut la matière unique des tourmens
qu’il fit foufftir à - fon efprit. Mais le» ,

* *

, . _
moiens •

Digitized by Google
.

de M. D e/cartes. Liv.îl. 45
taioiensde parvenir à cette heureufe
conquête ne luy cauférent pas moins j
d’embarras que la fin même. La recher-
che qu’il voulut faire de ces moiens,
jetta fon efpric dans de violentes agi-
tations qui augmentèrent de plus en
plus par une contention continuelle
dont il le tenoit bandé , fans fouflrir
que la promenade ou lës compagnies
y fiflènt diverfion. Il le fatigua de telle
forte que le feu luy prit au cerveau*:
&il tomba dans une efpece d’en-
thoufiafme qui difpofa de telle manié--
re fon efpric , déjà abatu , qu’il le mit
en état de recevoir les impreflîons des;
fonges &
des vifiôns..
Il nous apprend que le x de Novem-
5
bre 1619 s étant couché tout rempli de
fon enthoufîafme , &
tout occupe de la
penfée d'avoir trouvé ce jour -la Us
fondement de la fcience admirable , il
eut trois fondes confecutifs , maisaflez?
extraordinaires pour s’imaginer qu’ils
• pouvoient lùy être venus d’enHaut. Il
crût appercevoir à travers de leurs
ombres les vertiges du chemin que
Dieu luy traçoit pour fuivre fa volonté
dans fon choix de vie ? &
dans la re-
cherche

Digitized by Google
Abrégé de U Vie
cherche de cette vérité qui fàifoic Je
fu jet de Tes inquiétudes. Mais l’air fpi-
cicuel & divin qu’il afte&a de donner
aux explications qu’il fit de ces fonges
fi Fort de cet enthoufiafme dont
tenoit
il fè croioit échauffé, que Ton auroit

été porté à croire qu’il aurait eu Je


cerveau affbibli , ou qu’il auroit bn le
foir avant que de Ce coucher. En effet
c’étoit la veille de S. Martin , au foir
de laquelle on avoit coutume de Faire
la débauche au lieu ou il étoit , com-
bine en France. Mais il nous allure qu’il
avoit paffe le foir & toute la journée

dans une grande fohrieté , &


qu’il
y
avoit trois mois entiers qu’il n’avoit bu
‘de vin.
Quoiqu’il en foir , Fimpreffïon qui
ïuy refta de ces agitations luy fit fàke
lendemain diverfes réflexions fiir le
le
^ devoit prendre. Sans trop
parti qu’il
• préfumer du fens favorable qu’il avoit
donné à fes fonges , il recourut à Dieu^
lourde nouveau pour le prier de luy Faire
connoître fa volonté fans énigme, de vou-
loir l’éclairer ,& le conduire dans la re-
cherche de la vérité. Il tâcha même'
«Tinte teffèr la (àmteVierge dans cette a£-

Digitized by Google
de A4 . D ejcartes. Liv.II. 47
faire qu’il jugeoit la plus importante jdrjf
de fa vie : & prenant Occafion d’un
voiage qu’il niédicoit en Italie , il for-
ma le voeu d’un pèlerinage à N. D. de
Lorette qu’il rte put accomplir que
quelques années après.
Son enthoufiafme le quitta peu de
jours enfuite. Mais quoique fon efprit
eût repris fon alïiéte ordinaire , & fût
rentré dans fon premier calme, il n’en
devint pas plus decifif fur les refolu-
fions qu’ii avoit à prendre.
Sa solitude pendant cet hiver
*
étoit toûjours fort entière principale-
, Reche che
!

ment à l’égard des perfonnes qui n ’é- de jT réres

toient point capables de fournir à fes


entretiens. Mais elle ne donnoit point
l’exclufion de fa chambre aux curieux
qui fçavoient difcourir de fciences ou
de nouvelles de literature. Ce fut dans
les conventions de ces derniers qu’il
entendit parler d’une confrérie de Sça-
vans, établie en Allemagne depuis quel-
que temps nom
de Frères de
fous le U
Rofe-croix . On fit des éloges
luy en
furprenans. On
luy fit entendre que
c’étoient des gens qui fçavoient tout,

& qu’ils prometioient aux hommes une


nouvellq

Digitized by Google
— ,

4S Abrégé de la Vie
1 &P nouvelle fagelle c’eft à dire la vé*
~ ^ -
1

»
,

ricable fcience qui n’avoit pas


,

encore
'

été découverte. Joignant toutes les mer-


veilles que les particuliers luy en apre-
noient avec le oruit que cetxe focieté
fâifoit par toute l'Allemagne, il felén-
tit ébranlé d'autant plus que nouvelle
la
luy en étoic venue dans le temps de Ton
plus grand embarras fur les moiens
qu’il devoit prendre pour la recherche
de la vérité.
Il ne crût pas devoir demeurer dans*

l'indifférence au fujet des ces Rofe-


croix ,
parce ( diloit-il à Ton ami Mu;
fée )
que fi c etoient des impofteurs
il n’étoit pas jufie
de les laitier jouir
d’une réputation mal acqiiife aux dé-
pens de la bonne foy des peuples ; &;
que s'ils apportoient quelque choie de
nouveau dans le monde qui valût la
peine d’être fçû , il auroit été mal hon-
nête à luy de vouloir méprilèr toutes
les Iciences parmi lefquelles 1
-
il s’er»
,

pourroit trouver une dont il auroit igno-


ré les fondemens. Il fè mit doncen de-
voir de rechercher quelqu’un de ces
nouveaux (çavans , afin de les connoîtfç
par luy - même , &
de conférer avec
eux.

— .a
.Digitized by
de M. D efcartes. Liv.II. 49
eu y. Mais comme l’un de leurs ftatuts
étoic de ne point paroître ce qu’ils
étoient ,
de n’être diftinguez des autres
hommes , ni par l’habit ,
ni par la ma-
nière de vivre ,
& de ne fe point dé-
couvrir dans leurs difcours, on ne doit
pas s’étonner que toute fa curiofîté ôc
fes peines aient été perdues.
ne luy fut pas poflible de décou-
Il

vrir feul homme qui fe déclarât de


un
cette confrérie , ou qui fût même foup-
çonné d’en être. Peu s’en fallut qu’il ne
mît la focieté au rang des chimères*
Mais il en fut empêche par l’éclat que
faifoit le grand nombre des écrits apolo-

gétiques publiez en faveur de ces Rofè-


croixtanc enLatin qu’en Allemand.il ne
crût pas neantmoins devoir s’en rapport
ter à tous ces écrits;(oit parce que (on in*
clination le portoit à prendre ces nou-
veaux fçavans pour des impofteurs ; foie
>arce qu’aiant renoncé aux livres,il vou-
{oit s’accoûtumer à ne juger de rien que
fur fa propre experience.C’eft pourquoy
il n’a point fait difficulté de dire quel-
ques années après, qu’il nelçavoit rien
des Rofe. croix : & il fut aufli furpris
que fes amis de Paris lorfqu’étant de
retour
JO .Abrégé de U Vtè
V619 retour en cette ville 1623 , il ap 6 *
Tan
1

prit .‘que Tonfejour d’Allemagne luy


avoit valu la réputation d’être de la
confrérie des Rofe-Croix.
1 10 déchû de l’efperance
Se voiant ainfi
r
qu’il avoit euede trouver quelqu’un
,
J luAtn qui fût en état de le foulager dans la re-

\Znll? cherche de la vérité , il retomba dans


Fauiha-
fr
£ s premiers embarras. Il pafla le refte

de l’hiver &
le carême dans fes irrefor-
lutions Ce croiant d’ailleurs affeZ bien
,

délivré des préjugez de fon éducation,


& s’entretenant toû jours dudeffeinde
bâtir tout de neuf. Mais quoique, cet
état d’incertitude dont fon efprit étoit
agité , luy rendît les difficultez de fon
defîèin plus fènftbles qtre s’il eût pris
d’abord fa refolution il ne fe laifTa ja-
,

mais tomber dans découragement. Il


le

fe fbutenoit toûjours par le fuccés avec


lequel il fçavoit ajufter les iecretsde la
nature aux réglés de la Mathématique
à mefure qu’il faifoit quelque nouvelle
découverte dans la Bhyfique. Ces oc-

cupations le garantirent des chagrins &


des autres mauvais effets de l'oifiveté:
& elles le menèrent jufqu’au temps que
le Duc de Bavière fit avancer fes troa-

pes yers la Sotiabe. H

Digitized by Google
3e M. 'Defcartes. Liv.II.
$
t
Il prit cette occafion pour Ce rendre *6*0
à Ulm ville Impériale où les Ambaifa- —
deurs de France dévoient tenir une ad
femblée célébré pour temedier aux de-;
(ordres de l’Empire. Il n’y arriva qu’au
mois de Juin de l’an 1610 mais il y
:

pafla Pété entier. Il


y fitdiverfes habi-
tudes avec les honnêtes cens du lieu,
& particulièrement avec les perîbjines
qui étoient en réputation d’babiletç
pour la Philofophie & les Mathéma-
tiques, Perfonne n’étoit plus e (limé dans
le pais pour ces connoiflances que Jean
Faulhaber j
perfonne n’éprouva aufli
mieux que luy la capacité de nôtre
jeune foldat qui luy fit faire bien du,
chemin en peu de jours. On prétend
que ce fut en ce temps-là que par le
moien d’une parabole il découvrit l’art

de conftruire d’une manière generale


toutes fortes de problèmes folides ré-
duits à une équation de trois ou quatre
dimenfîons^ C’eft ce qui fe trouve ex-
pliqué dans le troifiéme livre de fa
Geometrie.
Sur la fin de Septembre il quitta la îifitmn
Soüabe pour retourner en Bavière &
p?.fler en Autriche , où les AmbalTa- &ue .

deuts

K Digitized by Google
,

5
* Àhegé de U Vie
.16*0 deurs de France après avoir conclu le
r
—- traité d’Ulm étoienc allez trouver l'Em-
pereur pour luy offrir encore leur mé-
diation envers les mécontens de Hon-
grie & le Prince Betlen Gabor de
Tranflilvanie. Mais aiant appris que le
Duc de Bavière Ton general avoir fait
marcher fes troupes en Bohème : au
lieu de fuivre les Ambafladeurs en Hon-
grie , il alla de Vienne droit à fon
camp , &
fe trouva en perfonne aux
expéditions des Catholiques Impériaux
& Bavarois , &
fur tout à la rameufe
bataille de Prague , oïl il entra le ix
de Novembre avec les vi&orieux. Quel-
ques auteurs ont prétendu qu’il fefer-
vit de cette eccanon pour vifiter les
fameufes machines de Y Aftronome Ty-
co Brahé. Mais il y avoit déjà plus
d’un an qu’elles avoient été pillées
brifées, ou diftraites par l’armée de l’E-
lcéfceur Palatin : &
le grand Globe ce-
lefte d’airain, Punique de ces précieux
monumens qu’on étoit venu à bout
de fauver, avoir été tranlporté à Neilïè
en Silefie , & mis en dépôt chez les
III. Jefuices.

\\lnlxK Apres la prife de Prague , M. Def-

Digitized by Google
de M. Defcartes . Liv. Iï. 53
tartes vint paffe r le quartier d’hiver avec 1 £
une partie des troupes que le Duc de çous u
'

Bavière lailTa fur les extrémitez de la c«w« de


BticquoJlt
Bohème méridionale. Là il fe remit à
* Les méditations ordinaires fur la nature,
t s’exerçant aux préludes de (es grands
deflèins , 6c profitant de l’avantage
tpi’ il avoit de pouvoir vivre feul au
milieu de ceux à qui il ne pouvoir en-
vier la liberté de boire 6c de jouer,
tant qu’ils luy laifloient celle d’étudier.
*
Cependant il fe trou voit toujours 1611
embarrafle dans fes irréfolutions , ne ®
fçachant encore à quoy fe déterminer
fur le choix d’un genre de vie qui fiât

propre à fes defleins. Il en remit la


aecifion à une autre fois : 6c pour tâ-
cher de faire quelque diverfion à lès
inquiétudes , il reprit le moùfquet dans
la refolution de faire encore une cam-
pagne. Le defir de connoître d’autres
pais 6c d’autresmoeurs, luy fit quitter
le fervice du «Duc de Bavière vers la
fin de Mars i6z 1 pour Ce mettre dans
les troupes du Comte de Bucquoyqui
pafTa de Bohême en Hongrie au mois
d* Avril fuivanr. Il fe trouva fous luy
aux fiéges de Prelbourg ,
de TirnaW
& de

Digitized by Google
54 . . ,
- Àlregé de U Vie
Ï6u & de plufieurs autres places où Tom
prétend qu’il la levée
fe fignala. Mais
du fiégede Neuhaufel qui n’avoit pas
été aufîi heureux que les autres pour les
Impériaux , jointe à la perte de l'on Ge-
neral qui
y avoit été tué , acheva de
le dégoûter de la profeflion des armes.

: Mats il Il eft inutile de remarquer ici l’er-


ne fert
reur de ceux qui prétendent qu’il alla
p ae contre
les Jures fervir ensuite contre les Turcs, & que

Ion courage luy acquit même beau-


coup de réputation contre ces infidèles.
Il fuffit de dire qu’aiant quitté l’arméelm-;

ierialedés le xxvm de Juillet quiétoic


Îe lendemain de la levée du fiége de
Neuhaufel , il revint à Prefbourg avec
quelques François &
quelques Walons
qui étoient en grand nombre dans les
.troupes du Comte de Bucquoy.
Son deflèin n’étoit pas de revenir
IV.
fi-tôt en France > foie à caufe de la
Urenonce
i la fre . guerre que les Huguenots venoientd’y
fefien des
allumer , foit à caufe de la pefte qui
umts.
affligepit particuliérement la ville de
Paris depuis prés d’un an , & qui ne
ceflà qp’en 1623. Il entreprit donc de
voiager dans ce qui luy reftoit à voip
des pajis du Nord : triais on peur dire
' '
u<?
<l

Digilized by Googfe
,

de A4 . Défîmes. Liv.II. 55
que ce fut fans changer d'état. Car ce
qu'il entreprenoic n’étoit dans le fonds i6u
qu'une continuation de voiages qu’il
vouloit faire dorénavant fans s’afTujet-
tir à fuivre les années , croiant avoir

fuffifamment envifagé & découvert le


genre humain par l'endroit de fes hofti-
litez. Il avoit toujours parlé de fapro-
feflion militaire d’une manière fi indif-
ferente &c fi froide , qu’on jugeoit ai-
fément qu’il regardoit fes campagnes
comme de fimples voiages , qu’il ne &
fè fervoit de la bandoliére que comme
d’un pafleport qui luy donnoit accès
jufqu’au fonds des tentes & des tran-
chées, pour mieux fatisfàire fa curiofité.
Aiant donc choifi pour
. la fuite de fes c
, V ï, , . . Ses voit-
voiages ,
des pais ou il n y avoir pas de ges dant
guerres ,il s'appliqua particuliérement
a voir Sc examiner les cours des Prin-
ces , à fréquenter les perfonnes de di-

verfes humeurs & de conditions diffe-


rentes. Il s’étudia aufîi beaucoup à re-
cueillir diverfes expériences ,
tant fur
les chofes naturelles que produi oient
les difïèrens climats par où il pafloit
que fur les chofes civiles qu’il voio t

parmi les peuples concernant leurs ufa-


- D ges.

Digitized by Googl
jihregé de la V'te
ges ,
leurs coûcumes & leurs inclinai-?
tions. C’eft ce qu’il appellent le grand
livre Ah mende dans lequel il preten-
,doit chercher la vraye fcience, n’efpe-
.iant pas la
;
pouvoir trouver ailleurs que
dans ce volume ouvert publiquement^
& dans foy même , fuivant la perfus-
ion dû il étoit que les femences que
Dieu a mifes en nous ne font pas en-
tièrement étouffées par l’ignorance 014
par les autres effets du péché.
Selon ces principes il voulut que fès
voiages luy ferviflent à s’éprouver luy-
même dans les rencontres que la fortu-
ne luy propofoit , &c à luy faire faire
fur toutes les chofes qui fe préfentoient
.des réflexions utiles à la conduite de fa
vie. Car il iatoit fon efprit de l’efpe-
rance de trouver plus de vérité dans les
raifonnemens que font les particuliers
touchant les affaires qui les regardent,
que dans ceux que fait un homme de
lettres au fonds de fon cabinet fur des
ipéculations qui ne produifent prefque
point d’autres effets que la vanité qu’il
en tire d’autant plus volontiers, quel-
les font ordinairement plus éloignées
.du fqns cotnmqn , aptes avoir mis
tout

Digitized by
de M. Dejcartes. Liv.II. 57
tfbfl èfprit &
toute fou induftrie à les 1621
•rendre probables. -• -
Mais à dire vray
, lofqu’il ne s’ap-
pliquoit qu a confiderer les mœurs des
.autres hommes , il n’y trouvoit guéres
dequoy s afTurer de rien. Il
y apperce-
voit prefque autant de diverfité qu’il en
avoit remarque autrefois dans les opi-
nions des Philofphes. De forte que le
plus grand profit qu’il en retiroit étoit
,
<[ue voiant plufieurs chofès qui toutes
extravagantes &
toutes ridicules qu el-
les nous paroifiènt , ne laiiïent pas d’être
^communément reçues & approuvées par
d autres peuples , il apprenoit au moins
a ne rien croire legerement & à ne
,
point s’entêter de ce que l’exemple ÔC
la coûtume luy avoient autrefois per-
fuadé.
Aiant quitté laHongrie, il rentra dans
la Moravie où il avoit joint les trou-
pes de l’Empereur fous le Comte de
Bucquoy. Il vifita la Siléfie les extré-
,

mitez de la Pologne la Pomeranie les
, ,
cotes de la mer Baltique la marche de
,
Brandebourg • & delcendic dans le
Holftein , d’où après s’être défait de fon
équipage , il s’embarqua avec un feul
D ij valet

Digitized by Google
*

5
$ Abrégé de U vie
ï£ii valet pour la frife orientale. Apres l'a- .

voir examinée en peu de jours comme


ilavoit fait les autres provinces d’Alle-
magne ,
il fe remit en mer avec la ré-

solution de débarquer en ’Weft-Frife


dont il étoit curieux de voir auflî les
principaux endroits. Afin de le faire avec
plus de liberté , il retint un petit bateau t

pour lui leul , d’autant plus volontiers


que le trajet étoit court depuis Embden
jufqu’au premier abord de ’Weft-Frife.
u court Mais cette difpofition qu’il n’avoit

* w%
ïsvie*' Pr e^ ue P our
<
?
* eux m
P oul v °i r à (a
'

commodité , penfa luy être fatale. Il


a voit affaire à des mariniers qui étoient
des plus ruftiques 8c des plus barbares
qu’on pût trouver parmi les gens de
cette profelïion. Il ne fut pas long-
temps fins reconnoître que c’étoient
des fcclerats , mais après tout ils étoient"
les maîtres du bateau. M. Defcartes
n’avoit point d’autre convention que
celle de (on valet avec lequel il parloit
François. Les mariniers qui le prenoient
plutôt pour un marchand forain que
pour un cavalier, jugèrent qu’il devoit
«voir de l’argent. C’eft ce qui leur fit
prendre des refolutions qui n’étotent
:

nullement

Digitized by Google
de M.Defcaftes. ILiv.ïI. 5 9
nullement favorables à bourfe
fa , &c
^
pour luy oter les moiens de les dénon-
éer enfuite , ils fongerent en même
temps à fe défaire de luy.- ils voioient
que c’étoit un étranger venu de loin , •

qui n'avoir aucune connoiilànce dans le


pais, &
que perfonne ne s'aviferoit de
réclamer quand il viendroit à manquer.
Ils letrouvoient d’une humeur fort tran-
quille , fort patientes & jugeant à la
douceur de fa mine & à l’honnêreté
pour eux que
qu’il avoir c’étoit un hom*
me (ans expérience, ils conclurent qu’ils
en auroient meilleur marché de fa vie.
Ils ne firent point difficulté détenir leur

confeil en fa préfence , ne crôiant pas


qu’il fçût d’autre langue que celle dont
il s’encretenoit avec fon valet j & leurs
délibérations alloient à l’aflommer ,
à le
jetter dans l’eau ,
& à profiter de fes
dépouilles.
M. Defcartes voiant que c’étoit tout
de bon, fe leva tout d’un coup , changea
de contenance, tira l’épée d’une fiercé
imprévue, leur parla en leur langue d’un
ton qui les faifit , &
les menaça de les
percer s’ils ofoient luy faire infulte. Ce
fut en cette rencontre qu’il s’appercût
D iij de

Digitized by Google
}

€o Abrégé de U Vie
de l’imprefïion que peut faire la har-
diefTe d’un homme fur une ame baffe ;
f
i6il
— mais une hardiefïe qui eft au defliis des
forces &
du pouvoir dans l’execution ;
une hardiefle qui en d’autres occafions
pouvoir paflèr pour une pure rodomon-
tade. Celle qu’il fit paroître en cette oc-
cafion eut un effet merveilleux fur l’ef-
pritde ces miferables.L’épouvente qu’ils
en eurent fut fuivie d’un étourdiflement
qui les empêcha de confiderer leur avan-
tage ,
8c ils le conduîfirent aufïi paifl»
blement qu’il pût fouhaiter.
De la Weft
il vint en Hol-
Frifè
V. lande où il une bonne partie d'e
palTa
il revit nt l’hiver attendant l’évenement des deux
ptTj. fiéges de Juliers 8c de l’Eclufe formez
par les Efpagnols ou Flamans qui a voient
repris lés armes contre les Hollandois
depuis cinq mois que la trêve étoit ex*
pirée. Au mois de Février fuivant il
Kjli
r pafla dans les pais bas Catholiques dont
il voulut voir les principales villes : &
delà étant rentré en France , il alla
droit à Rennes en Bretagne chez M.fon
père vers le milieu du mois de Mars;
Il avoit alors vingt-fix ans achevez

Sc fon père le voiant pcefént , prit oc*


cafion

Digitized by Google
cle M.î)efcartes. Êiv.ïï. ét
Cafîon de fà majorité pour le mettre en 61%
poflefliondu bien de fa mère dont il —1

avoitdéja donné- deux portions à M. de


la Bretaillere & àMadame du Crévis fesr

aînez. Comme tout ce bien étoit fitué?

en Poitou , il fut curieux de l’aller re-


connoître , afin de voir l’ufage qu’il en 1

pourroit faire, dl partit au mois de May


pour fe rendre en cette province , il &
fbngea dés lors à chercher des traitans
pour le vendre, afin de trouver dequoy'
acheter une charge qui pûft luy conve-
nir. Il retourna fur la nn de l’été prés

de fon père : &


l’année s’écoula fans
que perfonne dans la parenté rut luy
donner de bonnes ouvertures fur le gen-
re de vie qu’il devoit choifir.'
Le peu d’occupation qu’il trou voit
dans la maifon paternelle luy fit naître n
~^
le défit de faire un tour à Paris vers le P*rif t

commencement du carême de l’année


fuivante. On commençoit à refpirer
dans cette grande ville un air plus put
qu’on n’avoit fait depuis prés dé trois
ans que la contagion l’avoit corrompu.
Lorfqu’il
y arriva , les affaires de l’in-
fortuné Comte Palatin élû Roy de Bo-
hême, les courtes & les expéditions du
D iiij bâtard

Digitized by Google
éfz Abrégé de la Vie
i£z$ bâtard de Mansfeldt , & la tranflatioà
de l’Eledoratdu C. Palatin au Ducde
Bavière fait à Ratifbonne le xv de Fé-
vrier précédent, fournifïoient la matière
des entretiens publics. Il eut dequoy
.
de Tes amis fur ce
fatisfaire la cutiofité
point , mais en revanche ils luy firent
part d’une nouvelle qui leur caufoit
quelque chagrin,toute incroiable qu’elle
parût. Ce n'étoit que depuis tres-peu
de jours qu’on parloit à Paris des con-
frères de la Rofe croix, qu’il avoir in-
utilement recherchez en Allemagne du-
rant l’hiver de l’an 1(319, & l’on com-
:

mençoit à faire courir le bruit qu’il s’é-


toit enrôlé dans la confrérie, f •

11 détruit
^ d’autant plus furpris de cette
la calom- nouvelle que la chofe avoir moins de
U rapport au caradére defon efprit
, & à
frj.g
fafjtr l’inclination qu ilayoit toujours eue de
un
Rofe. confiderer les Rofe-croix comme des
voix. impofteurs & des vifionnaires. On les
appelloit à Paris les Invifibles l’on
publioit que de trente-fix députez que
le chef de leur focicté avoit envoiez
par toute l’Europe , il en étoit venu fix
en France au mois de Février , s’é- &
toient logez au marais du Temple à

,
,
Paris

Digitized by Google
• de M.DeJckrtes. Liv.II.
com-
Paris :mais qu’ils ne pouvoient fe
1613
muniquer au monde & que l’on ne
pouvoir. communiquer avec eux que
par la penfée jointe à la volonté ,
c’eft
à dire d’une manière imperceptible aux
Cens.
Le hazard qui avoir fait concourir
leur prétendue arrivée à Paris avec cel-
le dé M. Defcartes auroit produit de
fâcheux effets pour fa réputation , s’il
eût cherché à fè cacher , où s’il fe fût
retiré en folitude dans la ville , comme
il avoit fait avant fes voiages. Mais il

confondit avantageufement ceux qui


vouloient fe fervir de cette conjonctu-
re pour établir leur calomnie. Il fe ren-
dit vifible à tout le monde, &
princi-
palement à fes amis qui ne voulurent
point d’autre argument pour fe perfua-
der qu’il n’étoit pas des confrères de la
Rofe- croix ou des Invifibles : il fe&
lervit de la même raifon de leur invi •
fibilité pour s’exeufer auprès des cu-
rieux de n’en avoirqm découvrir aucun;
en Allemagne.-
Sa préfence fervit fur tour à calmer
l’agitation où étoit fon ami le P. Mer--
fènneque l’on avoit fait revenir à Paris*
'

D y* depuis

Digitized by Google
Ç4 Airegedè Fa P'ie
161$. depuis de l’an 1 6\y.
la fin &que ce fàtnr
* * bruit avoit chagriné d’autant plus faci-
lement, qu’il étoit moins difpofé à croire-
que les Rofe-croixfuflent des inviftbles
ou des fruits de la chimère , après ce que-
pi ufieurs Allemans & Robert Fludcfc
Anglois avoient écrit en leur faveur..
T
Le grand monde que M..Def-
Se/in- cartes
voioit à Paris n’étoit pas capable-
«uiétudes de remplir tous les vuides de fon féjour*,
%ïnr?\ ou de le tenir perpétuellement occupé
hors de luy-même. Lorfqu’il rentroit
chez luy , il fentoit revenir fes inquié-
tudes iur le choix d’un genre de vie-
qui fut conforme à fa vocation , &
quL
fût commode pour l’execution des défi
feins qu’il avoit conçus touchant la re-
cherche de la vérité. L’établifTement où
ii voioit la plôpart de fes amis, placez',

chacun dans des poftes à garder le refte-


de leurs jours, ne fer voit de rien pour
fixer fes irrefolutions^.
que
y avoit déjà longtemps
11 fai
themati - propre expérience l’avoit convaincu dir
peu d’utilité des Mathématiques , fur
tout lorfqu’on ne les cultive que pour
elles-mêmes, fans les appliquer à d’au-
tres chofcs. Depuis l’an ïho il avoir
ewiere*

Digitized by Google
àrM. Defcarïès: Liv.II. (fj

entièrement négligé les réglés de TA-


rithmetique. Les attaches qu’il eue
pour la Geometrie (ubfifterent un peu
plus long-temps dans fon cœur, parce
que les Mathématiciens de Hollande
& d’Allemagne qu’il avoir vus pendant
Tes voiages avoient contribué à les re±
tenir parles queftions &
les problèmes

qu’ils luy avoient propofëz à refoudre. -

Mais on peut dire qu’elles étoient tom-


bées dés l’an iéij, s’il eft vrai qu’en 1638'
, il
y av oit plus de quinze ans qu'il fat ^
foit profejjion de négliger la Geometrie , .

& de ne plus s* arrêter jamais à la fi»


lùtion d'aucun problème qu'a la prierê'
de quelque ami .

'
Il ne voioit rierr de moins folide que

de s’occuper de nombres tout (impies,,


6c de figures imaginaires, fans portée'
iès vues au delà. II y trou voit même
*
-

quelque chôfc de plus qu’inutile il’: &


croioit qu'il étoit dangereux de s’applu
quer trop (èrieufement à ces demonftra- -
tfons fuperfitielles , que- l’induftrie 6c
l’experience fournirent moins fou vent*'
que le hazard > & qui font plutôt du ref-
fort des yeux & de l’imagination quë '

dc cduy; de l’entendement, 5 a maximë-


étoit*

Digitized by Google
CG Abrégé de la Vie
*****
que cette application nous délacé
ctoit
coutume inlènfiblement de l’ufage de
nôtre raifon , & nous expofe à perdre
la route que fà lumière nous trace.
Mais on P eut q 11
"*! n’abandonna
Marie, 1’écude particulière de l'Arithmetique &
Zmiér- Géométrie , que pour fe donner
f'Uc'j tout entier à la recherche de cette Scient
ce generale mais vraie & infaillible^
que les Grecs ont nommée judieieufe-
ment Aéathcfis 9 &c dont toutes les Ma^
thématiques ne font que des parties...
II prétendoit que ces connoiflances par-
pour mesiter le* nom de Ma-
ticulières
thématiques dévoient avoir des rapports*,
des proportions, &
des mefures pour
objet. Delàü jugeoit qu’il y, avoir une
Science generale deftinée à expliquer
toutes les queftions que l’on pourroit
faire touchant les rapports, les propon.
lions, & les^nefures, en les connderant
comme détachées de toute matière : &
que cette Science generale pouvoir à
très- jufte titre porter le nom de Af athe-
fis , ou tVWatkematicfue umverfelle r
puisqu'elle renferme tout ce qui peut
faire mériter le nom de Science & de
Mathématique particulière aux- autres
«onaoiflances^ Voilât- .

Digitized by Google
& ,

Déjcdrtes. Liv.IT. 6j
Voilà dénouement de la difficulté
le
qu’il
y auroit à croire que M. Defcartes n m :
.

eût abfolument renoncé aux MatHema- brd ^‘ La


tiques, en un temps où il ne Iuy étoi
plus libre de les ignorer.. Il fit auffi tt»»*-
dans le même temps quelques tentati*.
ves pour Ce défaire de l’étude de la Phy-i
fique,fe trouvant découragé par le peu
de certitude qu’il remarquoit dans fes
obfervations.. Refolu de ne .
plus s’appli-
quer qu à la fcience de bien vivre il
,
reprit l’etude de la Morale,pour laquelle
ii avoir déjà témoigné de la prédilection
avant fes voiage6 : &
l’on peurdire qu’il'
la continua pendant toute (a vie.. Mais
ce fut (ans oftentation plus pour ré-
gler fa conduite que celle des autres.
Il
«e fût pas long- temps neanmoins fans-
s appercevoir que l’étude de laPhyfique
n eff point inutile à-celle de la Morale r m

& que les démarches qu’il pourroit fai-


re dans le difcernement du vrai 6c dut-
^àux Jui fèroient avantageufes pour ré-
gler fes a étions.- Cela le fit retourner à
les obfervacions fur la Nature,
perfuadé'
que ” le" moien le plus adoré pour fça-
voir comment nous devons vivre efl **-

S* connoirrç auparavant, quels nousx* .

(ommesÿf
— •—

te —t

Digitized by GoogI
,
£$ Abrégé delà, Vie
» (ommes } quel eft le monde dans lequel
nous vivons ; & qui eft laCréateur de
” cet Univers oùndus habitons. Il a té-
” moigrié longtemps que depuis la con-
noiflance qu'il avoir acquife de la Phy-
fîque lùy avoir beaucoup fervi pour éta-
M blir des tond emens certains dans la Mo-
” raie ; & qu’il luy avoir été plus facile dè
” trouverla fatisfaéhon qu’il cherchoit eh
n ce point, que dans plufîeurs autres qui;
” regardoient la Medecine, quoiqu’il eût
y
” emploié beaucoup plus de temps. Dè
” forte qà’aprés toutes fes recherches il
tr pouvoir Te
vanter, non d’avoir trouvé les
moiêns dè conferver la vie , mais cèluy
de ne pas craindre la mort} de s’ÿ &
préparer fans cette inquiétude ordinaire
à ceu* dont la fàgeftè eft toute tirée des
ènfejgnemens d’autruy , appuiée fur des
fon^emens qui ne dépendent que de là-
prudence & de- l'autorité des hommes.
il va tir M. Defcartes fut deux mois & quel*.
.

B n
& lnp o-. <î ües jours à Paris , entretenant Tes amis*
mu u de cette illufion où il étoit touchant
'rZif fon prétendu renoncement aux Mathé-
matiques & à la Phyfique. Ils fe don-
noient foavèht le plaifir dè démenti#
£& tèfdlu tiens : de les thoifldxes èiccà*
fions»

Digitized by Google
Je 2M, Defcartes. Lîv.IT. 69
fions qu’ils luy prefentoieht pour re- 162$

foudre un problème , ou pour faire une -
'

'

1
expérience , étoient des pièges inévi-
tables pour luy.. Les embarras de fon
efprit joints au bèfoin qu’il avoir de
régler lès affaires le firent retourner
en Bretagne vers le commencement de
de May. De là il alla en Poitou , 8c
pendant les mois de Juit* & de Juillet
qu’il
y demeura,.il vendit du confen-
tement de fbn. Pere la plus grande
partie des biens qui luy étoient venus
du côté de fa mère , &
principalement
là terre du Perron , dont il retint le nom

pour fàtisfaire au defir de (es parens.-


E t a n t retourné à Paris au mois d
d’Aouft fans avoir trouvé Poccafion de
bien placer fon argent y il refolut de
faire enfin le voiage d’Italie qu’il avoir
toûjours différé jufques-là, avant que de
fe faire pourvoir d’une charge qui luy
en ôtaft les moiens. Il partit après avoir
mandé à fes Parens ” qu’un voiage an
dèlà des Alpes luv foroir d’une grande
t0
utilité pour s’inftruire des affaires ,
lr
acquérir quelque expérience du mon-
dé , & former des habitudes qu’il n’a-
*•

voit pas encore y ajoutant que s'il n'en *


ffvmk.

Digilized by Google
, 7° Abrégé de U Vis
*Giy revenait plus riche, au moins en revien*
" droit-il plus capable. » •

Il prit fa route par les Suiflès avec


la refolution de viliter ce qu’il n’avoir
pu voir de la haute Allemagne dans
fès premiers voiages. Il luy auroit été.
facile de trouver à Balle ,
à Zurich
& dans d’autres villes des Philofophes ,

& des Mathématiciens capables de l'en-


tretenir mais il fut plus curieux de-
;

voir des animaux , des eaux , des mon-


tagnes , l’air de chaque pays avec fes
météores, & eeneralement cequiétoit
le plus éloigné de la fréquentation des-
hommes, pour mieux connoîcre la na-
ture des chofes qui paroilfent les moins'
connues au vulgaire des fçavans. Lors*
qu’il palïôit dans les villes
,
il n’y voioit »

les fçavans que comme les autres hom-


mes , & il n’obfervoit pas moins leurs,
aébions que leurs difeours..
Des Suilîes il pafla chez, les Gri-
fons
,
parmi lefquels les mouvemens de
pendant quel-
la Valtelline le retinrent
que temps.- Il voiages
continua, fes
par le Comté de Tirol , d’ou il fe
rendit à Venife vers le temps des Ro-
gations pour
y voir la. cérémonie, des*,
"
v . égoufailles*

Digitized by Google
de Ai . Defcdrtes Liv. II. jï
.

époufailles du Doge avec


la mer Adria-
"

tique.De Venife il longea à fe déchar- -

ger de l'obligation qu'il s’étoit impo-


fée en Allemagne au mois de Novem-
bre de l’an 1619, par un voeu qu’il avoii
fait d'aller à Lorette
,
dont il n’a- &
voit pû s’acquiter en ce temps- là^ Son
vœu accompli ,
il eut le loifir avant?
que à Rome de vacquer aux af-
d’aller
faires domeftiques qui luy avoient fer-
vi de pretexte pour fon voiage auprès
de fes Patens.. Le prétexta étoit de
travailler à fe faire Intendant de l’ar-
mée de France en Piémont fous le con-
nétable de Lefdiguiéres ; ce qui ne
réüffit pas. . .

L’occafion du Jubilé des xxv ans


dont l’ouverture devoit fe faire la veille
de Noël à continuer route l’année fui-
vante , fit naître dans fon efprir quel-
ques mouvemens de dévotion quoi-
,
que l’unique motif de fon voiage n’euft
été d’abord que la curiofité de voir la
ville de Rome & la Cour du Pape. Il
arriva dans la ville fur la fin de Novem-
bre concours prodigieux des peuples
: le
qui y abordoient de tous les endroits
de l’Europe Catholique , luy parut' fi
favorable-

Digitized by Google
,

yt jéhrege de U Vie
1614 favorable à la paflion qu’il avoir toujours
• eue de connoitre le genre humain par
1 ^1
S luy-même , qu’au lieu de palier fou
temps à examiner des édifices, des fta-
tués ,
des tableaux ,
des antiques ,
des
manufcrits , & les autres raretez de l’an-
cienne & de la nouvelle Rome , il s’ap-
>
pliqua particuliérement à étudier les in-
clinations ,
les moeurs ,
les difpofitions

& les ^araétéres d’efprit dans la foule


& le mélange de tant de nations diffe-
rentes. Cette commodité le difpenfa de
faire d’autres voiages , & luy ôta l’en-
vie d’aller au fonds de la Sicile & de
l’Efpagne chercher les peuples qui luy
reftoient à voir.
'
Il pa rtit de Rome
pour reve-
Son r
*_ nir en France dans le même
temps que
tour «* le Cardinal François Barberin neveu du
fronce.
p a p e j onr jl avo t aC quis l’eftime
j l’a- &
mitié s’embarqua pour là légation auprès
du Roy tres-chretien. Mais il voulut
s’en retourner par terre pour ne pas per-
che l’occafion de voir un pays qu’il ctoit
bien aife de connoître. Il paffà par la
Tofcane , où ne manqua point de vi-
il

fîter le célébré Galilée, fi^nous en croions

ceux qui ont parlé de fon voiage d’itsu

Digitiz ed by Google
de M.Defcartes. Liv.îl. 73
fie. Mais cela ne s’eft écrit que fur de 161Ç
faillies relations : & nousTommes obli-
gez de reconnoître fur fon propre témoi-
gnage qu'tl n’ajamais vu ce Mathema*
ticien , & qu’il na eu aucune commit^
fit cation avec luy.. /
Tout éroit rempli du bruit des expéw
ditionsque le Duc de Savoye & le Coiv-
nécable de Lefdiguiéres faifoient fur les
Génois & les Espagnols*. C’eff,* ce qui
donnaàM.Defcartes lacuriofoé d’aller
au forrir de la Tofcane vifîrer Tannée
du Connétable qu’il trouva occupé du
fiége de Gavi lors qu’il arriva dans fon
camp. La ville prifele dernier jour d’A-
vril , il voulut être encore témoin d’une
partie des merveilleux progrès que fàû’
foit l’armée du duc de Savoie. De là il
vint à Turin vers le milieu de May mais ;

paflànt par le pas de Sufo pour rentrer en


France,il Ce détourna du côté delà Savoye
pour examiner la hauteur des Alpes. Ce
fut en cette occafion qu’aprés quelques
obfervations for les neiges échauffées
puis appefânties par le Soleil que la
moindre émotion d’air fait tomber les
«nés for les autres avec grand bruit , il
crût avoir deviné la caufe du tonnerre ,
Se "
v -

Digitized by Google
74 Abrégé de la fôâ,
*6*5 & trouvé la raifon pour laquelle il ton-*
ne plus rarement l’hiver que l'été.
. Il vint en polie de Lion eriPob.
I X. tou , d’où aianc appris que fon Pere
i/ -vient étoit à Paris , il partit fur la fin de juin

k”ra'ris. P our l’aller joindre &


prendre (es avis
touchant là-charge de Lieutenant Gene-
ral de Chatelleraut qu’on luy oflTroit
avec une allez bonne compofition. Etant
arrivé il trouva fon Pere parti pour re-
tourner en Bretagne: ce qui érant joint
avec les follieitations des. amis qui fou-
haitoient de le voir établi à Paris,ne con-
tribua pas peu à faire échouer Ton affaiv
rede Chatelleraut , & à le dégoûter de
la Province.
sa ma< Aiant pris un logement chez M. le
ValTeur d'Etioles pere deM.le ValTeur
aujourd’huiConfeiller à laGrand’Cham-
bre , il une efpéce d’érablilfement
fe fiç

à Paris. Là s’étant formé un modèle de


conduite fur la manière de vivre que les
honnêtes gens du monde ont coutume
de fe prescrire , il embralïà le genre de
yie le plus fimple &
le plus éloigné de

la ûngularité &
de l’affe&ation qu’il
.
pull s’imaginer. Tout étoit alfez com-
mun chezluy enapparence fon meuble :

Digitized by Google
,

de M.DeJcartes. Liv.II . 7$
ZfC

tit
la table étoient toujours très- propres,
mais fans fupeifln.
nombre de valets
11 étoit fervi d’un pe-
marchoit lans
\ il

train dans les rues vêtu d’un (impie
-,

taffetas verd félon la mode de ces temps-


là , ne portant le plumet l’écharpe SC
l’épée que comme des marques de (a
qualité, dont il n’étoit point libre alors
à un Gentilhomme de fe difpenfer.
Il avoit remis à la fin de fes voiages

a (e déterminer fur le choix d’une pro-


feflîon (table pour le refte de fes jours.
Mais quoiqu’il ne parût pas beaucoup
plus avancé dans fes deliberations qu’au
commencement ,
il ne laiffbit pas de
s’affermir infenfiblement d§ns la penfée
de ne s’aflù jettir à aucun employ. Ce
n’eft pas qu’il ne fift encore une revûe

fort (èrieufe fur les occupations diverfes


qu’ont hommes en cette vie , pour
les
voir en trouveroit quelqu’une à fa
s’il

bienfeance , 8c qui fuft conforme aux


difpofitions de fon efprit. Mais après
avoir examiné (olidement toutes chofes
au poids de la raifon, il jugea qu’il ne
pou.voit rien faire de mieux que de con-
tinuer dans l’occupation où il fe trou-
voit actuellement ,
depuis qu’il s’éroit
défait

ê
Digittzed by Google
f6 Abrégé de la Viei
ïSïf défait des préjugez de Ton éducatioft
Cette occupation cenfiftoit unique-
ment à emploier toute fa vie à cultiver
là raifon., &
à s’avancer de tout fon po£
fible dans la connoiflànce de la véri-
té , fuivant la méthode qu’il s’étoit
prefcrite.
'Mgùmts II ne fe ttouvoit pat la grâce de
,
Ÿ Dieu efclave d’aucune des pallions qui
d$imte. j
rendent les jeunes gens vicieux. Il étoit
parfaitement guéri derinclination qu’on
luy avoit autrefois infpirée pour le jeu ,
&de pour la perte de fon
l’indifférence
temps.L’irrefolution qui pouvoir luy re-
fter touchant les vûés generales de Ion
état ne tomboit point fur fes adions par-
ticulières. Il vivoit &
agifloit indépen-
demment de l’incertitude qu’il trouvoit
dans les jugemens qu’il faifoit fur les
fciences. Selon les maximes de la Mo-
rale qu’il s’étoit faites, il pretendoit era-
brafler les opinions les plus modérées
les plus communément reçûës dans U
pratique, & les plus éloignées de l’ex-
cès, pourregler fa conduite ;
fe fàifant
d’ailleurs la juftice de ne pas preferer
fes opinions particulières a celles des
perfonnes qu’il jugeoit plus fages &
mieu:*

Digitized by Google
de M. Dejcartes, Liv.IÏ. 77
•mieux fenfées que luy.
Il paroiffoit envoûtes rencontres tel-
lement jaloux de fa liberté, qu’il ne pou-
voir diffimuler l’éloignement qu’il avoit
pour tous les engagemens qui font ca-
pables de nous priver de nôtre indiffé-
rence dans nos a&ions. Ce n’eft pas qu’il
pretendift trouver à redire aux loix qui
pour remedier à l’inconftance des ef.
prits foibles , ou pour établir des fure-
tez dans le commerce de la vie , per-
mettent qu’on fafle des vœux ou des
Contrats , qui obligent ceux qui les font
volontairement & légitimement , à per-
feverec dans leur entreprife. Mais ne
voiant rien au monde qui demeurait
toujours en même état , fe promet- &
tant de perfectionner fes jugemens de
plus en plus ,
il auroit crû offénfer le boa
fens s’il fe fuft obligé à prendre une cho-
fe pour bonne lors qu’elle auroit cefle
de l’être ou de luy paroître telle , fous
pretexte qu’il l’auroit trouvée bonne
dans un autre temps.
A l’egard des aétions de fa vie qu’il
ne croioit point pouvoir foufféir de de-»
lai ,
lors qu’il n’étoit point en état de
dtfcetner les opinions les plus verita-
blesa
8 ,

7 ''Abrégé' de U Vie.
blés, il s’attachoit toujours aux plus pro- :

bables. S’il arrivoit qu’il ne trouvait


point plus de probabilité dans les unes
que dans les autres , il ne lailToit pas de

fe déterminer à quelqu’une, &de les


conlîderer enliiite non plus comme dou-
teufes par rapport à la pratique ,
mais
comme très -vraies 8c tres-certaines
parce qu’il croioit que la raifon qui l’y
avoit fait déterminer fe ttouvoit telle.
Par ce moien il vint à bout de fe délivrer

des repentirs 8c des remords qui ont


coûtume d’agiter les confciences des ef-
prits foibles & chancelans ,
qui fe por-
tent trop legerement à pratiquer comme
bonnes les chofes qu’ils jugent après
être mauvaifes. Perfuadé que fa volon-
té ne p or toit à Cuivre
fe ou à fuir aucu-
ne chofe qu’autant que fon entende-
ment la luy reptefeiftoit bonne ou mau-
vaife , il croioit qu’il luy fuffifoit de
bien juger pour bien faire ,c’e lia dire,
pour acquérir toutes les vertus, tous &
les biens qu’elles peuvent produire.
* Avec ces difpofitions intérieures ,
il

vivoit en apparence de la même manier®


que ceux qui étant libres de tout em-
ploi ne fongent qu’à pafler une vie
douce

Digitized
de M. De/cartes. Liv.II. 79
douce & innocente aux yeux des hotn- itfic
mes ; qui s etudient à féparer les
plaifirs
des v,ces qui pour jouir de leur
loi-
Ur ians s ennuier ont recours
de temps
enremps a des divertiiTemens
honnêtes.
Amh fa conduite n’aiant rien de fingu-
lier qui fuitcapable defraper les
yeux
ou himagination des autres
, pe.fonne
ne formoudobttac e à
la continuation
de fes défais
, &
il avançait
de jour en
jour dans la recherche
de la vérité qui
regarde les chofes
naturelles.
^
^
procure une
oi qiie M. Defcartes fe fuil
efpéce d’établilTement
y
vV
Pans.il ne s’aiTujettit
à &
&XI '
pourtant pas
tellement a la refidence r 'ï*~
pendant les trois
ans qu ,1
y demeura , qu'il ne fe donnait
la liberté d
P" Z
entreprendre de temps
temps des promenades
en \T
à la campagne,
& des voiages même
en province.
Quelques femaines après
fon retour
ditalie le defir de
revoir la Cour de
France le fit aller à
Fontainebleau où il
eut occafion de faluer
le Leg 3 t qu’il
n’a
voit point VÙ depuis
fon dépan de Ro.‘
me. Il fe fervit du
crédit qu'il avoir
ac.
quis auprès de lui
pour lui reconnut
der quelques perfonnes
de lettres d’en.
E tre

Digilized by GoogI
,

8o j4breqe de la Vie
_ O
Ib M tre les amis
,

,
& nommément M. de
* Balzac dont
, il détendit la caule de^
vant ce Cardinal ,contre le Pere Goulu
General ,des Ftijillans,
Apr^s un voiage qu’il fit l'année fui-
vante en Bretagne & en Poitou , avec
M. le Valïeur fon hofte & Ton parent
il alla fe loger an fauxbourg S. Germain
pour y vivre plus retiré. Mais ilne lui
fut plus auffi aifé qu'au par avant de joiiir
de Ton loifir. Ses anciens amis , & par-
ticulièrement M, Mydorge & le Pere
Merfenne avoienr tellement étendu fa
réputation ,
qu'il le trouva en peu de
temps accablé de vilîtes , & que le lieu
de fa retraite le vid changé en un ren-
dez-vous de conférences, Il ne pût em-
pêcher que le nombre de fes amis ne
multipliait , mais au moins fut il le
maîcre de fon difcernement dans le
choix qu’il en fir.

Les principaux de ces amis outre M.


de Balzac dont nous venons de parler,
furent M, Hardy concilier au châtelet
habile dans la connoiliancedes Mathé-
matiques & d'un très-grand nombre de
langues. M. de Beautte fieur de
Gouliou
confeiiler au prefidial de Blois l’un des
:
plus

Digitized by Google
de M. Dejcartes. Lîv.II. 81
pkis grands genies de fon temps
, en
ce qui concernoit les Mathématiques.
M. Morin profeflèur Royal des Mathé-
matiques à Paris &
do&eur en Médeci-
ne. Le Pere Gibieufà oéfceur de
Sorbon-
ne & Pretre de l'Oratoire lun des plus
grands Théologiens de fon fiécle.
Le
Pere de la Barde jle Pere de Sancy-
,
le Pere de Gondren tous
de la même
congrégation outre le Cardinal de Be-
rtille qui en étoitle chef.
M
.Des Argues
Gentilhomme Lionnois habile dans les
Méchaniques. M. de. Boijfat Gentil,
nomme du Dauphiné qu'il avoit vu au
nege de Gavi. M. de Serizay
Inten-
dant de laMaifon de M. de la
Roche- •

foucaud. M. Saraz.in qui fut ;


fecretaire
de M le Prince de Conty.
M. Silhon
Gentilhomme de Gafcogne. M. FrenL
cle fieur de Befly.
M. lumeatt Prieur de
fainte Croix qui pallbit pour l’un des
,
grands Arithméticiens du fiécle
avec M.
Frenicle , &qui avoit été Précepteur'
de M. le Duc de Verneüil. M.
de Ma-
rande Greffier de la cour des Aydes.
M. -

A
!'.
™f e Launay. M. des B
Aman x.
M. 1 Aobe, de ouchelaye l'aîné. M. de
T
Çandais. M* de Ville- Arnoux. M.
de
E ij Ville -
Si Abrégé de U Vie
_ Médecin de Grenoble ;
Ville Breffieux
& plufieurs autres encore, dont nous ne
nommerons que M. Ticot Prieur du
Rouvre qui voulut être dans la fuite des
temps fon correfpondant , & l’agent de
fes affaires domeftiques.
» Mais de tous fes amis il ne voioir
XII. alors , apres le Pere Merfenne , perfon-
TaiUe ne avec plus d’affiduité que M. My-
de lunes- dorge, Audi n en avoit-n trouve aucun
tes & de
j onc j a converfation luy fût plus avan-p
mretrs '
tageufè , & les fervices plus réels &
plus fenfibles. G’eft ce qu’il éprouva
particuliérement au fiijet des verres que
M. Mydorge luy fît tailler à Paris du-
l
rant les années 1617 & 1 618
,
qu’il$
jouïfloient l’un de l’autre à loifir. Rien
ne lui parût plus utile que ces verres
pour connoître & pour expliquer la na-
ture de la lumière , de la vifion , & de
la réfra&ion. M, Mydorge luy en fie

faire de paraboliques , & d’hyperboli-


ques , d’ovales,& d’elliptiques. Et com-
me il avoit la main aùfli fûre & aufïî
délicate que l’efprit fubtil voulut dé-
, il

crire luy -même lés hyperboles les &


.
ellipfes.
r
*«w3r M. Defcartes devint lui- meme .en
peu

Digilized by Google
Defcartes. Liv.II. 83
peu de temps un grand maître dans l’art
de tailler les verres. Et comme l’induftrie d-injtta-

des Mathématiciens fe trouve fouvent *


inutile par la faute des ouvriers dont manques,
l’adreiîe ne répond pas toujours à Tef-
prit des auteurs qui les font travailler,
il s’appliqua particuliérement à former
•la main de quelques tourneurs qu’il
trouva les plus experts , & les mieux
difpofez à ce travail. C’eft ce qu’il fit

particuliérement en faveur du fameux


Ferricr faifeur d’inftrumens de Mathé-
matiques , qui n’étoit pas un (impie ar-
tifan qui ne fçût que remuer la main. Il
-pôfledoit encore la t heorie de fa pro-

feflion , 8c n’étoit pas ignorant dans les


Mathématiques. Il s’attacha particulié-
rement à M. Defcartes qui le prit en
affèélion , & non content de l’em-
qui
ploier d’une manière à rehaufler (à for-
tune , voulut encore lui apprendre les
moiens de fe perfectionner dans fon arr.
Cependant il s’apperçût qu’il étoic M Des
retombé dans l’enfoncement des feien- carttt fe

ces abftraites aufquelles il avoir renon-


•cé. Il nouveau , voiant
s’en retira de paries,

combien il y avoir peu de gens dan$


tout Paris avec qui il en pûft commu-
E iij niquer.

Digitized by Google
,

84 ’
jibregi de la V/V !

i6iy niquer. Mais il reprit avec encore pîu*


. d’ardeur que jamais l’étude de l’Homme
qu’il avoit tant cultivée durant lès voia-
ges. Elle lui fit allez connoïtre que ces
Iciences abftraites ne nous font pas trop
convenables , que lui- même en les
&
pénétrant s’égaroit encore plus que les
autres hommes en les ignorant. Il avoit
crû trouver au moins parmi tant d’hon-
nêtes gens beaucoup de compagnons
dans l’étude de l’Homme ,
puilque c’eft
celle qui nous convient Mais le plus.
ü fe vid trompé T &
remarqua que
il

dans cette grande ville qui patTe pour


l’abrégé du monde , de même qu’à
- Rome, à Venife, & par tout oüils’é-
roit trouvé y il
y a encore moins de gens
qui étudient l’Homme que laGéometrie».
- Cela le fit refoudre encore une fois à
fe palier de lui feul autant qu’il lui fe-
roit poffible
,
& à fe contenter d’un
.petit nombre d’amis pour le fou-
choifis
lagement de la vie. Mais fa réputation
fut un grand obftacle à cette relolution*.
Elle avoit lait de la maifon de M. le
ValTeur oû il étoit retourné du faux-
bourg S. Germain , une efpéce d’aca-
démie en y attirant une infinité de gens
qui

Digitized by Google
deM.Üejcartes. Liv.ïï. 85
qui s’introduifoient chez lui à la fa- 162$
'
veucde fes amis. Les curieux de litera-

ture ne manquèrent pas de s’y gliffer

parmi les, autres ; & fe joignant à ceux


de fes qui fè plaiioient le plus à
arpis
répandre fa réputation , ils fe hasardè-
rent de ljui propofèr de prendre la plu-
me pour faire part de fes connoiflanceS
au public. Les libraires meme qui ne
cherchent qu’à trafiquer de la réputa-
tion des auteurs /èmbleretit vouloir
,

être aufïi de la confpiratien de ceux qui


l’afliegeoient chez M, le Vafïèur. Il

nous apprend que dés ce temps-là des


gens de cette profeffion lui firent offrit
des préfens pour l’engager à leur pro-
mettre la copie de ce qu’il pourroic
compofer , n’étant pas honteux de vou-
loir acheterl’honneur de le fervir.
Voilà ce qui lui rendoit le féjour de ufe(X-
Paris onéreux , qui lui faifoit fentir du & efl
&
r _ detouvtrt
la propre réputation comme un poids

infupportable. Il n’y trouva de remède


que dans la retraite , pour commen- &
cer à fe délivrer des importunitez de
ceux qui le frequentoient trop fou vent,
il quitta encore une fois la maifon de
M. le Vafleur , & fe retira aux extré-
-
E iiij mitez

Digitized by Google
$<> Abrogé de U 'Vie
i6z8
mitez de la ville en un quartier ou il

devoir ne fe rendre vifible qu’à un tres-


petit nombre d’amis qui avoienc Ton fe-
cret. M. le Vafleur à qyi il n’avoit pas
jugé à propos de le communiquer foc
quelque temps en inquiétude , jufqu’à
ce que le hazard lui aiantfait rencon-
trer le valet de nôrre Philofbphe au bout
de cinq ou fix femaines,il l’obligea de
lui déclarer la demeure de fon maître,
& de l’y conduire. Il étoit plus d’onze
heures lors qu’il le trouva fur le point de
fe lever ,
après avoir quelque temps con-
fideré fa manière d’étudier & d’écrire
dans le lit s pat l’artifice du valet qui lui
avoit déclaré le fecret de fon maître.
. M. Des cartes fe voiant ainfi
XIII. découvert eut beau regreter la douleur

flgedeU ^ retra ' te s &


chercher les moiens
RccheUe. de reparer la perte de fa liberté. Il ne
pût détourner le cours de fa mauvaifè
fortune , &
il fe vid en peu de jours

retombé dans les inconvéniens dont il


s’ètoit délivré en fe cachant. Le déplai-
fir qu’il en eut le chafla de fon quartier,

& lui fit naître le defir d’aller voir le


fiége de la Rochelle.
Il fe rendit au pais d’Aunis vers la fin
du

Digitized by Googh
de M.Dejcartes. Liv.II. sy
du mois d’Aouft de l’an 1628, pour être î6iS
feulement le témoin du fiége qui étoit -

déjà fort avancé, &pour examiner en


Mathématicien la fameufe digue du
Cardinal de Richelieu , &
la ligne de

communication. Mais il ne pût honnê-


tement fe défendre d’y fervir en qualité
de Volontaire , voiant l'a&ivité avec
laquelle le Roy difpofoit en perfonne
Ion armée par terre &
par mer. En quoy
il fut fuivi par divers autres Gentilshom-

mes de fon âge qui n’étoient venus au


fiége que par une curiofité femblable à
la fienne. -

Il entra dans la ville avec l’armée du


Roy le jour de la Touflàints qui étoit

un mercredi. Il aflifta le lendemain des
Morts à l'a proceffion folennelle du S.
Sacrement qui fe fit par les rues : 8c
• n’aiant plus rien à voir dans ce pays
. après la conlbmmation de cette célébré
- expédition , il revint en pofte à Paris
trouva pour la faint Martin.
où. il fe
Peu
de jours après fon retour il fe XIV.
tint une aflemblée de perfonnes fçà- u ferrou.
vantes &
curieufes chez le Nonce du «**

Pape M. de Bagné qui fut Cardinal peu fe>*ntie


de temps après ? 8c qui honoroit nôtre
/ E v Philofophe

Digitized by GoogI
88 :
'Abrégé & Et- Vit/,
.1618 Philofophe de Ton amitié depuis quef-
~ que temps. M. Defoartes y fut convié,,
& il
y mena le P..Mer(ènne & M.dç
Ville - Breffieux pour entendre le Sieup.
Cbandoux qui devoir y débiter des fen-
timens nouveaux fur la philofophie. «

Chandoux fit un grand difcours pour


réfuter la manière d’enfeigner la phi»-
lofophie qui eft ordinaire dans l’école..
Il propofo même un fyftéme alTez luivi
pour la philofophie qu’il prétendoiç:
établir , & qu’il vouloir foire paflèr pour
nouvelle..
L’agrément dont il accompagna fotr
difcours impofa tellement à la compa-
gnie qu’il en reçût des applaudiflemenS’
preiquc univerfels.. Il n’y eut que M..

Defcartes qui affréta de ne point foire


éclater au dehors les lignes d’une fatis-
foétion qu’il n’àvoir pas effectivement
reçue du diftour^du fieur de Chandoux..
Le Cardinal'de Bérulle qui étoitde l’af-
femblée s’apperçût de fon filence. Ge
qui le porta à lui demander fon tenti-
ment fur ce qu’il venoit d’entendre , &C
qui avoit jaru fi beau à la compagnie.;
OnUfiù m. Defcarces fit ce qu’il pût pour s’ém
r
yîTî" excufer , témoignant qu’il n’avoit rien*
à dire.-

Digilized by Google
*

de M. De/cartes: Liv.II. 89
& dire après les approbations de tant de
161$
fçavans hommes. Cette défaire accom- -7-

pagnee d un accent qui avoir quelque de u

.chofe de fufpeét . fie conjecturer au


« . « , :
| > . • . t PhlC%
V&dinal qu il n en jugeoit pas entière-
ment comme les autres. Cela l’excisa
encore davantage à lui faire déclarer
ce qu’il en penfoit.M. le Nonce & les
autres perfonnes les plus remarquables
de 1 alîèmblée joignirent leurs inftan-
ces à celles du Cardinal pour le prefïec
.de parler. De forte que ne pouvant plus
reculer fans incivilité y il dit à la com-
pagnie qu’il n’avoit certainement en-
core entendu perfonne qui dût fe van-
ter de parler mieux que venoit de faire
le fieur de Chandoux.. Il loua d’abord
Féjoquence de fon difeours, & les beau*
talens qu’il avoir pour la parole. Il ap-
prouva même cette genereufe liberté
qu’il avoit fait paroître pour tâcher de
tirer laphilofophie de fa vexation des
Scholaftiques. Mais il prir occafion de
„çe difeours pour faire remarquer la for- ,

ce de la vrai- femblance qui occupe là


place de la vérité ,
&c qui dans cette'
. rencontre paroi (toit avoir triomphé dti>

.
jngemept dç tant deperfonnesgraves &
E vj; judicieulês,-

Digilized by Google
<)o abrégé de la Vie
i6i8 judicieufes. Il ajoûta que lors qu’on a
— affaire à des gens affez faciles pour vou-
loir bien fe contenter du vrai fembla-
ble ,
comme venoit de faire l’illuftre af-
fèmblée devant laquelle il avoic l'hon-
neur de parier > il n’étoit pas difficile de
débiter le faux pour le vrai , de faire &
réciproquement pafler le vrai pour le
faux à la faveur de l’apparent.
Pour en faire l’épreuve fur le champ,
il demanda à l’alïèmblée que quelqu’un

de la compagnie voulût prendre la pei-


ne de lui propofèr telle vérité qu’il lui
plairoit , & qui fut du nombre de celles
qui pavoifTent les plus inconteftables.
On le .fit
, & avec douze argumens
„ tous plus vrai-femblables l’un que l’au-
tre , il vint à bout de prouver à la
compagnie qu’elle étoit faulfe. Il fe fit
enfuite propofèr une fàufleté de celles
que l’on a coûtume de prendre pour le»
plus évidentes, & par le moien d’une
douzaine d’autres argumens vrai-fèm-
blables , il porta fes auditeurs à la re-
connoitre pour une vérité plaufible.
JL’aflemblée fut furprife de la force Sc
de l’étendue de genie que M. Defcar-
• tes faifoit paroitre dans fes raifonne-
" "
'

.
men$;

Digitized by Google
de M. Défîmes. Liv.II.
mens : mais elle fut encore plus éton- iéiS
née de fe voir fi clairement convaincue '

de la facilité avec laquelle nôtre efprit


devient la duppe de la vrai-femblance.
On lui demanda enfuite s’il ne con-
noitfbit pas quelqtfe moien infaillible
pour éviter les fophifmes. Il répondit
qu’il n’en connoiftoit point de plus in-
faillible que celui dont il avoit coûtu-
me de fe ferviE , ajoûtant qu’il l’avoit
tiré du fonds des Mathématiques , &
qu’il ne croioit pas qu’il
y euft de ve-
titez qu’il ne pûft démontrer clairement
avec ce moien fuivant fès propres prin-
cipes.
Ce moien n’étoit autre que fa réglé
univerfelle qu’il appelloit autrement
Méthode naturelle ,
fur laquelle il met-
toit à l’épteuve toutes fortes de propo-
fitions. Le premier fruit de cette mé-
thode étoit de faire voir d’abord fi la
propofition étoit pofiible ou non. L’au-

tre fruit confiftoit à lui faire foudre in-
failliblement la difficulté de la même Le Cardi-
propofition. nal de Be-
rtille le
n’y eut perfônne dans la compa-
Il
détermine
gnie qui ne parût touché de fes raifon- d donner
fa philo-,
nemens : mais perfônne ne les goûta fiphiU
mieux

Digitized by Googh
pi. Ahregé de la Vie
\ mieux que le Cardinal de Berulle , qui’
témoigna à M, Defcartes qu’il fouhai-
teroit l’entendre encore une autre fois

, fur le même fiijet en particulier, M.Def*


carres fenfible à l’honneur que lui fai-
foie une perfonne de cette importance r
lui rendit vilite peu de jours après , Sc
l’entretint des premières penfées qui’
lui étoient venues fur la philofophie,
après s’être apperçu de l’inutilité des
moiens qu’on emploie communément
pour la traiter, 11 lui fit entrevoir les
fuites que ces penfées pourroient avoir
fi elles étoient bien conduites , & fu-

tilité que le public en retireroit fi l’on

appliquoit fa manière de philofopher à


la Medecine & à laMechanique, dont
l’une produiroit le rétabliffement & la
confervation de la famé , l'autre la di-
minution & le foulagement des travaux
des hommes..
Le Cardinal n’eût pas de peine à com*
prendre l’importance du delfein Si le -,

jugeant très- propre pour l’eXecuter, il


emploia l’autorité qu’il avoit fur fon ;

efprit pour le porter à entreprendre ce


grand ouvrage,- Il lui en fit même*
une obligation deconfcience. U lui fit

entendre'

Digitized by Google
,

de M. T>ejcanes. Liv.II. 9J
entendre qu’aiant reçû de Dieu une i£if
force & une pénétration avec
d’eiprit
'

des lumière* fur cela qu’il n’avoit point


accordées à d’autres, il lui rendrait un
compte exaét de l’emploi de fès calens^
& fer oit refponfable devant ce jugeioUr
verain des hommes du tort qu’il feroir
au genre humain en le privant du fruit'
de fès méditations. Il alla même juk'
qu’à l’alfurer qu’avec de* intentions;
auffi pures , & une capacité d’efprit aulfè
vafte que celle qu’il lui connoilîbic,.
Dieu ne manqueroic pas de bénir fon
travail, &de le combler de tout le
fiiccés qu’ilen pourroit attendre.
L’impreffion que les exhortations de
ce pieux Cardinal firent fur îiii,.fe trou-
vant jointe à ce que (on naturel , fit* &
raifon lui diéboient depuis long-temps,
acheva de le déterminer, Jufqueslà il’
n’avoit encore embrafle aucun parti dans
là philofophie j & il n’avoit point choifr ,

de feébe,comme nous l’apprenons de lui-


même.ll fèconfirma dans la refolution de'
conferver fa liberté , &
de travailler fur
h Nature même , fans s’arrêter à voir en*
quoi il s'approcherait ou s’éloigneroit
de ceux qui avoiept traité la philofo-
gKic ayant lui r

Digitized by Google
,

94 Abrégé de [a Vie
Les inftances que (es amis renouvela
lerent pour preflèr de communiquer
le.

fes lumières au Public ne lui permirent


pas de reculer plus loin % Il ne délibéra
plus que for les moiens d’executer fort
deflein plus commodément & aiant :

marqué deux principaux obftacles qui


pourraient l’empêcher de reüffir 5 fça-
voir la chaleur du climat, la foule &
du grand monde , il refolut de fe retirer
pour toûjours du lieu de fes habitudes,
& de fe procurer une folitude parfaite
dans un pays médiocrement froid, où
il ne ferait pas connu.

LIVRE TROISIEME
. depuis 1618 jufquett 1637.

I. À'IANT choifi Hollande pour la

re
/
««JL k ^ eu
ït plus & retraite comme ,
le
cipagne ,
favorable
à l’execution de fes
> ü établit le P. Merfenne fan
^efTeins
îïïu2,
correlpondant pour le commerce deslet-
J
très qu il devoir entretenir en France
-

&
commit le foin de fes affaires do-
f '
meftiques

Digitized by Google
de M. DefcarUs^LiwlU. 9 jr
meftiques à T Abbé Picot. Etant forti
de la Ville vers le commencement de
P A vent de l’an K z8 , il ne jugea point
à propos d’aller droit en Hollande pour
ne pas expofer d’abord fa lancé à la ri»
gueur de la faifon : mais il fe retira en
un endroit de campagne où il
la pafïa
l’hiver loin des commoditez des villes
pour s’acoùcumer pardégrez au froid
& à lafolitude. v

Après un apprentiflage de prés de


quarte mois, il prit la route de Hollan- .

de fur la fin de Mars de l’an 1 6F9. Il


achevoit alors la trente troifiéme année
de Ion âge : &à peine fut- il arrivé à
Amùerdam ,
du mécon-
qu’il reçut avis
tentement de ceux qui murmuroient
contre fa refolution , & qui blimoient

fa retraite. Les plaintes qu’on en forma


n’a voient point, à vrai dire, d’autre four-
ce que l'eftime & l’amitié des perlonnes
de iâ connoilfance qui fe croioient aban-
données. Elles fe reduifoient à trois
fortes de reproches qu’on lui faifoit}
premièrement d’avoir quitté la France,
où la reconnoilïance pour fanailfance &
fon éducatiô fembloit devoir l’attacher}
enfuite d’avoir choifi la Hollande pré-
férable-

Digitized by Google
6

5? Abrégé de U V'ie
.
ferablement à tout autre endroit de
l'Europe , &
enfin d'avoir renoncé à la
fociete humaine en fuiant les compa-
gnies.
Comme il avoic préparé Ton efpric à
rout événement , il s'étoit auEi endur-
ci le cœur contre la faulfe tendreflfe: &
perfuadé que fa conduite n'avoit befoin
d’aucune juftificacion * il ne fe mit pas
en peine de faire celîer les plaintes de
fes proches &
de les amis. Mais voiant
que temps avoit diflipé leurs rdTenti-
le
mens dont la raifon n'auroic peut être
pd venir à bout fur l'heure , il voulut
bien donner des éclairciJTèmens à fa
conduite pour la fatisfa&ion de ceux
qui auroient été touchez de ces fortes
de reproches. Pour raifon d’avoir quit«
té la France, il alleguoit les importu-
nitez du grand monde qu’il auroit été
obbligé de voir & de fouffrir dans fon
tays au préjudice de fes études, outre
Îa chaleur du climat qu’il ne trouvoit
point favorable à fon tempérament par
rapport à la liberté de fon elprit. Pour
juftifier le choix qui! avoir fait de la
Hollande, il rapporcoit la tranquillité
donc le fonds de ce pays jouidoit, en-
vironné

Digitized by Google
de M. Dejcartes , Liv. III. -w
vironné des armées qui fervoient à le
conferver j les commoditez de la vie ' ,, ""*s
que le commerce y produifoit i les
moiens d’y vivre folitaire & inconnu
.au milieu d’une foule de peuple occu-
pé de fes propres affaires enfin la &
qualité du climat préférable pour Ça fanté
-à la chaleur de l’air d’Italie doqt il au,-
.roit ehoifi le féjour fins cela par la
confideration de la Religion Catholique»
.Mais pour ce qui eftdu reproche qu’on
.lui fàiïoit de fuirla compagnie des
hommes, il étoit bien perfuadé quec’â*
- toit moins la caufe particulière qua
celle de tous les grands Philolophes,
qui pour fe procurer la liberté de vac-
quer à l’étude &
à la méditation ont
abandonné la Cour des Princes, le &
féjour de leur patrie.
; Etant arrivé .
en Hollande il fit
connoître d’abord qu’il s’y regarderait,, H*. i

. toujours comme un étranger qui n’afpi-


roic point aux droits de citoien , Ôc il
a^^
u &
ul
c *•
,

ne chercha à fe loger qu’avec la refo-


%
niuS#
lution de changer iouvent de demeure»
. L’efpace de plus de vingt ans qu’il paffà
en Hollande , qu’il appeiloit fon hermi-
tage, n’eut prefque rien de plus ftablc
que

Digitized by Google
9S Abrégé de U Vie >

*^*9 que le féjour des Ifraëlites dans l'Arabie


1
deferte. Quoiqu’il fe vantât de pouvoir
garder la folitude dans la plus grande
feule des peuples aüffi aifément que
dans le ifond des defeits , il évitoit nean-
moins le ccieut des grandes villes , &
afïè&oit de loger au bout de leurs fapx-
bourgs. Il leur préferoit toujours les
villages &les maifons détachées au mi-
lieu de lacampagne,autant quil en pour-
voit trouver de commodes , qui fud&
fent àflez voifines des villes pour en
tirer fa fubfiftance plus facilement.
Jamais ou rarement faifoit- il addrefler
les lettres &les paquets qu’on luiert-
voioit au lieu de fa demeure en droiture,
mieux caché. C’étoit tantôt à
afin d’être
Dort par M. Becxman , à Harlem par
M. Bloemacrt, àAmfterdam par Made-
'•
moifelle Reyniers , ou M. Van-Sureck
:de Bergen, à Leyde par M. Hooghe-
land i &tantôt à Utrecht par M. Re-
gius, ou M. Schurmans, frère de la
-fçavante Demoifèlle de ce nom. Il n’y
.avoir ordinairement que le P.Merfènne
.en France qui eût fon fçcret là- defïtis ;
Bc il le luy garda fi religieufement que
^plufieurs des gens de lettres & des cu-
~ . rieux

Digitized by Google
de M . Defcartes . LiVi III. 99
tieux de France qui voiagérent pendant
1 1 1
tout ce temps en Hollande , furent pri-
vez de la facisfaétion de le voir pour
navoir pû le déterrer. De fon côté
lorfqu’il écrivoit à fes amis, fur tout
avant qu’il fe fût établi à Egmond, il
dattoit ordinairement fes lettres non
pas du lieu où il demeuroit , mais de
quelque ville ,
comme Amfterdam Ley- ,

de, &c. où il étoit alfuré qu’on ne le


;trouveroit pas. Lorlqu’il commençoit à
être trop connu en un endroit & qu’il
ie voioit vifité trop fréquemment par
des perfonnes qui lui étoient inuti-
les , il ne tardoit pas de déloger pour
rompre ces habitudes , &fe retirér en .

un autre lieu où il ne fût pas connu.


Ce qui luy reüflît jufqu’à ce que fa
réputation fer vît à le découvrir par tout
où elle le fuivçit comme fon ombre.
. D’Amfterdam où il s’étoitsarrété d’a-
Ilvade.
bord il palîa en Frife > & fe retira prés mturer eu

de Franexer. logea dans un petit


Il fe
J^Âaiiu
château qui n’étoit feparé de cette ville h fes mi.
que pat un folle. Il jugea ce lieu d’au-
tant plus commode pour lui que l’onî»î«« f x

y difoit la Melïè en toute fureté , &


qu’on y trouvoit une liberté entière pour
tous

Digitized by Google
r. ioo Abrégé de U Vie
iGiy tous l €S autres exercices de la Religion
Catholique.
Ce fur là qu’aiant renouvelle devant
les autels Tes anciennes proteftations
de ne travailler que pour la gloire de
Dieu & l’utilité du genre humain ,
il

voulut commencer (es études par Tes


Méditations fur l’exiftence de Dieu ÔC
l’immortalité de nôtre Ame. Mais pour
ne rien entreprendre fur ce qui étoit du
ceflort de la Théologie ,
il ne voulut
envifager Dieu dans tout Ton travail
que comme l’Auteur de la Nature , à
qui il prétendoit confacrer tous Tes ta-
lens. Ce n’étoit pas la Théologie na-

r turelle ,
mais feulement celle de reve-
jll. lation qu’il excluoit defes deffeins.
Sttvuét II ne donnoit pas tellement fon
touchant temps à la Metaphvfique ou Theolo-'
trique, gie naturelle qu il n en relervat quelque 1

portion pour les expériences de Phy-


fique , 6c particulièrement pour celles
de la Dioptrique, aufquelles il s’étoit
déjà beaucoup appliqué en France. A
peine fe vit-il établi en Frife qu’il fe
fouvint d’avoir laiflé à Paris le fieur
Ferri er , ce célébré ouvrier d’inftru-
mens de Mathématiques qu’il avoir env
i: .
« ploie

Digitized by Google
AeM. Defcartes. Liv.III. ior
ploié pour la taille des verres. Il ne fe
crut pas déchargé du foin qu’il avoir
pris autrefois de ia fortune de fon &
snftruûion. Mais les offres qu il lui
fit de le recevoir chez lui & de l'en-
tretenir comme fon frère, dans une'
communication égale de biens & d’étu-
des devinrent inutiles par le défaut de
conduite dans Ferrier, que la négligen-
ce fit tomber depuis dans diverles mi-
lères aufquelles M. Defcartes qui les
lui avoir prédites ,
ne pût remedier
qu’à demi de fi loin.
Les irrefolutions de Ferrier lui firent U retour*
changer les mefures prifes pour di-
vers laboratoires qu’il avoir déjà pré-
parez dans fa maifon prés de Frane-
xer afin de le faire travailler aux inftru-
mens &
aux verres. Au bouc de fix
mois il quitta cette demeure pour reve-
nir à Amfterdam , où il emploia encore
troismois à fes Méditations Meraphy-
fiques.Mais le traité qu’il en avoit com-
mencé fut interrompu par d’autres étu-
des au commencement de i’annèe fui-
vante,& il ne le reprit que dix ans après. -

Il etoit encore en Frife lorfeu’il IV.


fut follicité de donner fes réflexions fur ^«*/»«*
« «e fon
t rut téde 5

Digitized by Google
10 i À bregé de laVie
[Ï& 1 ? fameux phénomène des ParhèliesaML
le
faux Soleils obfervé à Rome le xx de
l
Met éo^
phénome Mars de l’an 162 9 L’obfervation lui avoic
;
. .

été envoiée par le P.Merfene,& dés au-


dJucs?’
paravant par le Geur Henry Reneri oïl

T^jnier nouvel ami qu’il avoir fait à fou
arrivée en Hollande , qui fut depuis &
confideré comme premier de dis-
le

ciples ou fèétateurs ,qui aient enfeigné


publiquement fa Philofophie. Reneri
ravoir receuc de M. Gaflendi qui étoic
alors en Hollande, qui y fit lui-mê- &
me une difl'ertation dans le cours de fon
voiage, avant M. Defcartes.
C’eft à cette obfervation des Parhélies
que le public eft redevable en partie du
beau traité des Météores que M. Def-
cartes lui donna quelques années après.
11 interrompit fes Méditations Metaphy-

fiques pour examiner par ordre tous les


Météores : & il travailla plufieurs jours
fur cette matière avant que d’y trouver
dequoi fe fatisfaire. Mais enfin s’étant
mis en état par plufieurs obfervations
tres-exaétes de rendre raifon de la plus*.
>art des Météores ,
& fur tout des cod-
{eurs de l’Arc-.en-Ciel qui lui avoient
donné plus de peine que le refie, il re-
foluc

Digitized by Google

de M.DeJcartes . Liv.ïII. 103


folut d’en faire un Traité qui finie par.Ia 1629
ddflèrtation des Parhélies.
- A s o n retour de Frile il perdit un
excellent dire&eur & un ami tres-fincé- V.
re en perfonne du Cardinal de Berul-
la Mort de
fon dire
le mort fubitement à Paris le 1 jour 1
cteur Le
Cardinal
d’Oétobre. Il avoit toujours eû beau-
de Bewh
coup de vénération pour fon mérité Le.
y
beaucoup dedeference pour fesavis. Il
le confideroit après Dieu comme le
principal auteur de fes defieins : & il
eût la fatisfaéfcion après fa mort de trou-
ver de fes difciples je veux dire , des
,
Prêtres de l’Oratoire entre les mains
defquels il pût confier la direction de la
confcience pendant tout le temps de là
demeure en Hollande.
Il ne fe vid pas plutôt établi à Amfter- Etude de
dam que ne pouvant oublier la fin de fa
la M ede-
c; ne, de
Philofophie qui n’étoit autre que T uti- l’ Anato-
lité du genre humain ,il entreprit fèrieu- mie, de la
Chjmie.
fement l’étude de la Medecine
, s’a- &
pliqua en particulier à l’Anatomie à la &
Chymie. Il s’étoit imaginé que rien n’é-
toit plus capable de produire la
félicité
temporelle de ce monde qu’une heu-
reule union de la Medecine avec les Ma-
thématiques. Mais avant que de pou-
F voir

Digitized by Googl
10 4 Abrégé de U Vie
9 voir Contribuer au foulagement des tra-
~ vaux de l’homme , &
à la multiplication
des commoditez de la vie par la Mécha-
nique ,
il jugea qu’il falloir chercher les
moiens de garantir le corps humain de
tous, les maux qui peuvent troubler fa
fiant é ,
& lui ôter la, force de travailler,,.

Ce fut dans cette perfuafion qu’il


commença l’execution de fes deilèins
par l’étude de 'l’Anatomie 9 à laquelle il'

emploia tout l’hiver qu’il pafla à Am-


•ilerdain. Il témoigne que l’ardeur qu’il
avoir, pour cette connoiflance le faifoic
aller prefque tous les jours chez un
fcoucher pour lui voir tuer des bêtes,
& que de làilfaifoit apporter chez lui
les parties des animaux qu’il vouloit
anatomifet plus à loifir. Il en ufa de mê-
me très- fouvent dans les autres lieux oà
11 fe trouva depuis ; ne croiant pas qu’il

y eût rien de honteux pour lui, ni rien


d’indigne de fa condition dans une pra^
tique qui étoit très. innocente en elle-
même & qui pouvoir devenir tres-utile
,

dans fes effets.


U joignit l’étude de la Chymie à celle
de PAnacomie dés la fin de l’an 1619: 8c
il nous, allure qu’il apprenoit tons les
jours

Digitized by Google
ileAd'.'DeJcdrtes.Liv.Ill. 105
jours dans cette fçience comme dans
, ,£ ?0
Tautre, quelque chofe qu’il ne trouvoit
pas dans les livres. Mais avant que de
lemettre à la recherche des maladies 6c
des remèdes , il voulut Ravoir s’il
y
avoir moien de trouver une Medecinç •

qui fuft fondée en demoriftrations in-


faillibles.
VI. CC
Ce s commencemens furent pour
+*

yj j
lui beaucoup plus heureux qu’il n’avoit
ofe l’efperer & il ne pouvoir manquer feC()tuiui-
:

à la fatisfaéHon qu’il avoit de voir


les Bee^man
~
premiers fuccés de fes études que l’alïù-
ntr
eFef*
^ '
rance d’en voir la fuite. Le plaifir qu’il
en recevoir lui faifoit goûter déplus en
plus les douceurs de fa retraite 6c rien
;

ne troubla fon repos cette année que la


mauvaife conduite de Beeckman de &
Ferrier à Con égard.
. Le premier plus âgé que lui de prés
de trente ans voiant croître fa belle ré-
putation aux yeux du public, fit éclater
une demangeaifon pedantefque pour fai-
re croire qu’il avoit été autrefois fon
Maître : quoiqu’il eût appris lui-même
de M. Defcartes , ce qu’il fe vantoit de
lui avoir enfeigné. Il lui fit là deflus
des leçons néceflaires pour le Étire ren-
F ij trer

Digitized by Google
to<j Abrégé de U Vie
1630 treren luy. même :& quoiqu’il voulue
— bien lui abandonner ce qu’il lui avoir
autrefois donné fur l*Algébre,la Dioptri-
que 3i la Géométrie ,
il lui bc rendre
l’original de ion traité de Mufique qu’il

lui avoit laiflé depuis dix ans çour
mettre au moins quelques bornes à
vanité.
L’autre reconnoillant la faute qu’il
avoit faite l’année precedente ,
en refu-
fant d’aller demeurer avec M. Defcartes
en Frife 3c voulant la réparer en un
*,

temps otl M. Delcartes n’étoit plus en


état de de femblables avanta-
lui faire
ges ,
defe plaindre de fa mauvai-
feignit
se fortune pour former de véritables
plaintes contre fon bienfaiteur. Il les
porta par tout Paris auprès de tout ce
de confideration
qu’il
y avoit de gens
dont il étoit connu , Ôc dont plubeurs
écrivirent en fa faveur à M. Defcartes,
Lui pour ne pas devenir fufpeéb de du-
reté le vid obligé d’en venir à des éclair-
ciffemens avec eux , & de juftifier l’é-
loignement & l’impoffibiiitéoti il étoit
d’accorder pour lors àFerrier les condi-
tions qu’il l’avoit prelfé d’accepter lors
•^u’iiravoitfolliçicé de venir près de
à

Digitized by Google
,

de MÙefcarfes. Liv.IÏÏ. ioj


*630
èt Franeker.Cependant après l’avoir
convaincu en particulier qu’il écoit lu-
nique auteur du mal qu’il fouffroit
dont il fe plaignoit , il voulut bien re-
prendre pour lui Tes premiers fentimens-
de bienveillance comme il fit à l’égard
deBeecKman.
Mais pour le confoler des petits (ii-
jets de chagrin que ces deux hommes
tvr ^ t
lui avoient caufez , il lui arriva deux .‘
p (j i

chofes du cofté de deux autres de Tes bkuf.,

amis qu’il conta au nombre des bonnes 1

fortunes de cette année. La première fut-


la vifite que le P. Merfenne alla lui ren-
dre dans Amfterdam. La fécondé fut la
publication du livre du P.Gibieuf tou-
chant la liberté de Dieu & de laCreature
où ii eût le plaifir de trouver de quoi au-
torifer ce qu’il penfoit de l’indiference
& du libre arbitre.
Ce f u t dans le même temps que .

le Comte de Marcheville nomme par le VIII


Roi pour fon Ambalîadeur à la
être
Porce j
de vouloir être de fa
le fit prier levant.

compagnie avec M. de Chafteuïl , M.


Bouchard , M. Holftein., M. Gafiendi
le P. Théophile Minuti plufieurs au-
tres fçavans qu’il pretendoit mener à
F iij Confiait-
)

Digitized by Google
ioS Abrégé de la Vie .

Conftantinople &
dans le Levant. If
"
euft louhaité qu’une femblable occafion
le fuft prefentée à lui quatre ou cinq
ans auparavant. Mais s’étant mis hors
d’état de plus voiager,il s’en excnfa fur
Tes occupations, qui ne lui permettoient
pas de quitter le lieu de fa retraite.
— Il ne lailîa point de faire le voiage
16 î l
d’Angleterre peu de temps après , & il

il -va en
dans I e v °ifinage d e Londres quel-
Aniie- qnes obfervations fur les declinaifons de
urn '
l’Aymarr qui varient en Angleterre. Ce
voiage qu’il qualifioit de fimple prome-
nade fut allez court. A fon retour il lon-
gea aux moiens de fe décharger & le P*
Merlenne avec lui d’une partie desim-
pominitez que fa réputation luiattiroit
de la part des Mathématiciens , afin de
ménager le loifir de l’un de l’autre &
11 ne pour des études plus importantes.

tro]£
S
^es P ar ^ cu ^ ers fçachant qu’il n’y
de probu- avoir point d’autre voie de communica-
fi'w'à-
“ on c
l
ue cana ^ de ce Pere pour en-
fî réduit voier leurs confultations à M. Defcar-
refiJdn »
168 ^ P our en recevoir les réponfes
que ceux alloient en foule à fon convent lui por-
PZj? leurs queftions , & retournoienc y
wit, prendre les folutions & les éclairci ITe-
mens-

Digitized by Google
u 1

de M DeJean
. es. L iv . 11 .1 09
-filens de M. Defcartes. Ce concours 1651,
"donnoit an Pere une occupation donc il ^
«
avoit la bonté de ne jamais fè plaindre:
&non content d’exhorter M. Defcar-
tes à répondre à toutes les queftions qui
lui étoient propofées dans les pacquets
qu’il lui envoioit, il leprovoquoit en-
'
tore à lui envoier de fon côté des pro*
blêmes à propofer aux autres , dont il fe
ehargeoit de lui renvoier les folutions.
M. Defcartes le fît fouvenir qu’il avoit
renoncé à l’étude des Mathématiques
depuis pluûeurs années , qu’il étoit &
refolu plufque jamais de ne plus perdre
fon remps à des operations fteriles de
Geomettie &
d’ Arithmétique dont la ,

fin n’aboutifloit à rien d’important.Mais


ïiâr tout il lui fit entendre qu’il n’était-

-
plusdans le defTein de propofer aucun
problème à qui que ce fuit \ ôc qu’il
crcïioit beaucoup prendre fin: lui-même,,
*
-
- que de fe réduire dorefnavant à ne re-
ibudre que ceux des autres , dont il té-
moignoit d’ailleurs être déjaferc fatigué.
1
r D’ k grand nombre d’amis en Fran-
'
ce à qui fon abfence paroifloit difficile à n r co:t

{apporter , «8c qui lui declaroient la paf- vuiebrtf


. fion qu’ils auroient eue d’aller demeurer
< F iiij, avec

Digitized by Google
,


zio Abrégé de la Vtff
i£$i. avec lui, nous ne connoiflons que M*
de Balzac dont il témoignoit qu’il auroit
agréé la compagnie r Mais il faut que les
obftacles qui fe font oppofez à l’execu-
tion du deflèin de M. de Balzac aient été
bien infùrmontables , s’il eftvrai com-
me il le protefte bien ferieufemem qu’il
mourait d'envie de fc réunir khi afin de
ne s'en feparer jamais,
M. de Ville- Breflîeux fut plus hey-
reux que lui en ce point : & fa prefence
fut d’autant plus agréable à M. Defcar-
tes qu’il connoifloit en lui avec une
.
grande facilité d’efprit beaucoup de ge-

1632. nie pour les Mechaniques, beaucoup&


d’inclination pour la Chymie. Ville-
BrefEeux non content de devenir fon
difciple voulut encore être fon domefti-
que pour étudier fa conduite auffi bien
que fes fentimens,
r ‘
, Henry Reneri que nous avons Ær
• avoir été le premier des fe&ateurs de
M. Defcartes qui eût profeffé publique-
11 va. de ment là Philofophie,c’eft à dire fes prin-
meurtr à c ipes £] 0 n fa méthode , aiant été fait
Divcma
p ro fe (peur en pbilofophie à Deventer
donna envie à M. Defcartes d’aller de-
meurer en cette ville. C’eft ce qu’il fit
vers

Digilized by Google
-

de jM.Defcartes . Liv.III. m
vers le printemps de l’année 1633. Là il
reprit le loin de continuer divers ouvra-
ges cjU'il avoir interrompus l’année pré-
— 1633.

cédente ,
8c particulièrement fa Diop-
trique 8c fon traité du Monde. U s’ap-
pliqua auffi tout de nouveau à la con-
noilfance des choies celeftes , & fes ob-
fervations aftronopniques luifirent bien-
tôt connoîcre la necefficé d’étudier à
fondsja nature des comètes..
Il prit occafion de cette forte d'étude

pour faire au P. Merfenne le plan d’une


hiftoire des Apparences celeftes telle
qu’il la concevoir , afin de contribuerai!
foulagement- de ceux que ce Pere lui
avoit mande qui le plaifoient à travailler
pour l’avancement des fçiences jufqu’à
vouloir même faire toutes fortes d’expe-
rienees à leurs dépens. -
Il acheva durant l’été de cette
année fon traité du Monde, que le P t Son traité
8 ’

Merfenne 8c fes amis de Paris atten-^””


doient avec beaucoup d’impatience. Il;
I’appelloit fbn Atondè parceque c’é-
,

d’un Monde qu’il avoit ima-


toit l’idée
giné fur celui ou nous vivons j 8c il'
renfermoit en abrégé toute fa Pliyfique,.,
c-’eftàdir.e tout ce qu’il pouvoir fçavoicc
E '
v* - dès/

Digitlzed by Google
Ut Abrégé de la Fie
1633
des chofes matérielles , hormis ce quP
"* concerne la Lumière qu’il avoir voulifc
expliquer dans toutefon étendue..
- Pour ne pas s’engager à fuivre ou à-
réfuter les opinions qui font reçûës par-
mi les Doétes , il voulut laiflèr ce Mon-
de.ci à leurs difputes , & parler feule—
ment de ce qui arriveroit dans un nou-
veau Monde , fi Dieu créoit dans les efo
ïaces imaginaires allez de matière pourr
fe composer. Il fuppofoit que Dieu vou-
lût agiter diverfement & fans ordre tou-
de forte
tes les parties de cette matière,
qu’il en compofaft un chaos ou une malle
confufe j &
qu’en fuite il ne fift autre
choie que prêter fon concours ordinaire
à la Nature , &
la lailïêr agir fuivant les.
loix qu ïî a établies.
Dans cette fuppofition il décrivit d’a-
bord cette matière. Il fit voir quelles,
étoienrles loix da la Nature. Il montrai
enfuite comment la plus grande partie
de la matière de ce chaos devoit en con-
féquence de ces loix Ce difpofer s’ar- &
ranger d’une certaine manière qui la*
rendoit femblable à nos cieux &c. ,

De la defcription de tous les corps,


imaginables qui pouvaient être compo-
fea-

Digitized by GoogI
. —

de ÏÏ)fcart€ï. Liv.IIT. 113


fez de çette matière } il voulut paflèr à
l’expofition de l’Ame raifonnab!e,fur la-
quelle il crût qu’il étoit à propos de s’é-
tendre plus au long. Il fît voir quelle
lie peut être tirée de la puiflance de la
«ratière comme les autres chofès dont il
avoir parlé , mais qu’elle doit être ex-
preflement creée. —
Il REvoioiT (on traité du Mon-
de poqr l’envoier au Pere Merfenne, & XII.-
4e faire imprimer à Paris avec le privilè-
ge du Roy iorfqu’il apprit la nouvelle dïm»T’
,

de l’accident qui étoit arrivé à Galilée.-» 0 » *


Ce Mathématicien avoit été obligé par iJ f'it .

les Inquifiteuts du faint Office d’abjurer rtftrnr


1
il' r j • « trait*'

publiquement Ion opinion du mou veu-


.

illent de la Terre comme une veritablè*


herefie j & il avoit été renfermé dans le$- -
:

priions de l’Inquifition
Cette aventure furprit d’autant plus^
JM. Defcartes qu’il avoit d’un côté beau-
coup de foûmiffion pour le faint fiége ^
Ôc que de l’autre il étoit perfuadé que*
l’opinion du mouvement de la Terre eflr
, &
la plus vrai-femblable la plus com-
mode pour expliquer tous lesphénomé--
.Hes. Ç’eft fur cette hypotHéfe qu’il avoit -

sonflruit la plus grande pattie de fon*


"*
> ;j Ê'vji Mondé*.

Digilized by Google
fi 4 Alregê delà Vie
îé#
"
Monde. De forte que ne la pouvant ôter'
" '

fans rendre le refte tout defe&ueux , il


aima mieux refTerrer fon traité ,
que de
le faire paroitre eftropié ,
ou de s’expoi.
fer à la méchante humeur des Inquifù.
teurs de Rome, en publiant l’hypothéfè
qu’ils avoient- condamnée fans la coiip.
prendre. Il voulut neantmoins donner
un tour nouveau à fon explication du
mouvemenrde la Terre ,
ôc montrer
comment , à la différence de Galilée, on
peut nier ce mouvement : quoi qu’elle
foit véritablement emportée , que &
Hiypothéfe de Copernic fubfiffe en fon
entier. Ce qu’il fit non pas tant pour
jetter de la pouffiere aux yeux des Inqui-
siteurs, que pour expliquer les endroits
**>34 de l’Ecriture qu’on a coûtume d’alle-

Xill g lier contre ce fentimenr..


jl retour- £ e s e j o u r. de M. Defcartes à De-
a Am- venter ou il étoit depuis le mois d’A-
perdum.
vr j»
-j
^
ari foi
p ro duifoit une folr-
tude fort entière & fort tranquille',
n’aiant point en ce lieu d’aurreconver-
fation que celle de fon ami Réneri qui
y profelfoit la Mais comu
Philofophie.
me/ elle un peu trop écartée dés
étoit
grandes routes des Meflagers pour Tenu
tïetiei*

Digitized by Google
*

de Ad.T)efcartes . Liv.III. 7115

fenne &
commerce avec le P. Mer-
tretien de Ton
les autres fçavans , il quitta
cettedemeure Vannée (uivante pour re-
— 1654

tourner Amfterdam.,
Peu de temps après il fit un voiage Jl va <*

enl Danemarc &


en balle Allemagne marc'
avec M; de Ville-Breffieux^qui nepro- a c
fitoic pas moins de fes inftruétions fur
ffv
brefficuxi
^
les chemins que dans leur maifon d’Am-
fterdam.. Çe fut fur les préceptes , SC .«

principalement fur> fa grande maxime


que les chofes les plus fimples font d'or-
dinaire les plus excellentes ,
que M.de
Ville- Breffieux inventa tant de belles
machines pour les ufages de la. vie.
Il lui inculqua divers autres princi- .

pes fur lefquelscethommea fait depuis


des expériences qui l’ont fait palfer pour
un genie extraordinaire dans îaChymie,
la Méchanique , & l’Optique,
Dans le temps que M. Defcartes
”xîv"
quitta la ville deDeventer ,Reneri en hener\
lortit auffi pour palfer à Utrecht où le
Magiftrât l’avoit attiré pour profdîer la fdnifme'
Philofophie dans le college que fonde- *vtrcchti

voit bien -tôt changer en Univerficé. Ce


fijavant. bo.mme quii avoir puifé tout, à
loiûr 1 a Philofophie de M. Defcartes
dans-.
*
. •

Digitized by Google
'

ne 'Jbregé de la Vie

ï—— dans
prefence
fa fource lorfqu’il jouïfïoit de
,
Ce fetvit d'une fi favorable
fit

conjoncture pour rendre TUniverfité


Carrefienne dans fa nailfance. C’eft ce
qu’il fit avec tant de prudence de dit &
cretion que jamais il n’y feroit arrivé de
troubles fi le zele précipité de celui qui
vint après lui n'eut gâté fa belle éco^
nomie.
r" '

L’hiver füivant fournit à M.- Def-


. cartes de la matière aux observations
t Jns% qu’il fit fur la nége à fix pointes , &
f*
nez e
xa&one
par occafion fur la grêle & la pluie. Il

^ depuis le du fixiéme difeours


fil jet

que l’on voit dans le traité de fes Mé*


teores. Mais fur tout il parut fi content
dés obfervations que la nége qui tom-
ba cet hiver lui fit faire, qu’il auroit fou»,
haité que toutes les expériences dont il

avoit befoin pour le reûe de fa Phyfique

, .
furent luy tomber ainfi des nues , &
qu’il ne fallût que des- yeux pour les
'

Connoître. *
'
*•».; *.
r
* • r
Le fouvënir de fa belle folitude de
Deventer le fit enfuite retourner en cet-
te ville pour éviter les frequentes vifices
' que lui at tir oit le fe jour d’Amfterdam»
Cinc^ôu ûx mois après j c’él^à dire vers

Digitized by Google
*
^

de M.Defcartes.'Liv.Ill. 117
de l'automne de Tan 1635, il pafla
fa fin
en Frife
, &
alla fè retirer à Lieuvarden
ville principale de la province, à deux
lieues de Franexer, ou il avoit demeuré
dés l’an i<j 2£>. Là il compofa , ou pour
me (èrvir de Tes termes r il brocha (on
petit traité de Mechanique pour M. de
Znytlichem (on ami & Ton correfpon-
dant qui étoit un Gentilhomme de grand
mérité, Confeiller & Secrétaire du Prin-
ce d’Orange..
"
Il revint à Amfter dam vers le com-
mencement du mois de Mars , & il
fnr
fit Obferva
tion
en paflant Zuyderzée une obfer- les cou-
fur le
vation fort curieufe fur les couronnes ronnes
des chu »
ou cercles colorez qui fe forment au- dtlltî *
tour des chandelles par rapport à nps

y eux.. A'iant appris à fon retourqu’un de


ffcs amis travailloit à un traité des lunet-

tes , il lui envoia genereufement celui


qu’il avoit fait fur le même fujet. Son
ami en prit tout ce qui pouvoit être à
fbn ufage,, &
il s’accommoda particu-

lièrement de là partie du traité qui re-


gardoit la pratique.. Le refte ne fat pas>
entièrement perdu pour le public ,& il*
s’eft trouvé depuis fondu dans la Diop-

crique de M. Dêicactes.-

Digitized by Google
h8 '

^ dé la Vie
Abteçe * *

Vers la fin de la même- année


il per-
* ancien des amis quil eût ac-
dit le plus
quis dans la Hollande à la mort d’ifaac
BeecKman Principal du college de Dord-
recht..

LIVRE QUATRIEME. s *

Depuis 1637 jufqu'en 1638 . •:

Î&TT '
A ^ R ES re ^ution °l
ue M. Def-
*
JLJk cartes avoit faite de ne point laiC-
F ’irim" fer imprimer fes ouvrages de fon
vivant-,
il femble .qu’il ne s’agifloit plus^que de
h>/opi£' le tuer pour mettre le public en poflef-
fion d’un bien qui devoir lui apparte-
nir. Ses amis lui firent faire réflexion

fur i’injuftice de fa conduite , & ils le


tirèrent du danger de fe voir immoler à
lacolere publique en le déterminant à
publier ce qu’il avoit mis en état de

voir le jour..
Il reduifit ce qui s’en trouva parmi
fes papiers à quatre traitez, pour lef--
quels demander le Privilège- du
il fit

Roi,, qui lui fut accordé avec de gran-


des marques cfeftime. de dillin&iou & *

Digitized by Google
de M. Defcartes. Liv. IV. 119
le iv de May 1657 ,
pour
imprimer 165^ faire

non feulement les quatre traiter dont il ^


éroit queftion , mais- encore tout ce qu’il
avoit écrit jufrjues-lù ,
& tout ce qu’il
pourroit écrire dans la fu-ite de fa vie »
en telle part que bon lui fembleroit , de-
dans & dehors le Royaume de Fran-
ce ,
Ces quatre traitez qu’il vouloit faire
pafler pour les eilàis de là Philolbphie,'
furent imprimez à Peyde fous le titre
de jyifcours de la methodepour bien con-
duire fa raifon 3 & chercher la vérité
dans les /ciences . Plus, la Dioptriquc y
les M été ores , & la Géométrie qui font:
des effais de cette méthode.
Son deflein n’éroit pas d’enfeignef
tome fa premier de
méthode dans le
ces traitez ; mais de n’en propofer que
ce qu’il eftimoit fùfhfant pour faire ju-
ger que les nouvelles opinions qui (è
verroient dans la Dioptrique , dans &
les Météores n’étoient point conçues à
la legere , 8c qu’elles valoient peut-être
la peine d’être examinées.
Il commence ce premier Traité ou
Dtfcours de la Méthode par diverfès
-
eonfiderations fur les fciences. Il pro-
pofe

Digitized by Google
*2 0 '
jilrcgé de la V le

les principales réglés de fa


f 16 i6 P°^e enfuite
Méthode qu’il a cherchée pour fon u (à.
ge particulier dans la maniéré de con-
duire fa raifon. Après il avance quel-
ques maximes de la Morale qu’il a tirée
-de cette Méthode. Puis il fait une dé-
-du&ion des raifons par lefquelles il
prouve l’exiftence de Dieu de l’Ame &
'humaine qui font les fondemens de fa
Metaphyfique. On y void cnfuite l’or-
dre des Queftions de Phyfîque qu’il a
cherchées avec la différence qui fe trou-
ve entre nôtre Ame & celle des Bêtes.
En dernier lieu ilune dédudion
y fait

des chofes qu’il croid eftre requifes pour


aller plus avant dans la recherche de la
Nature qu'on n’avoit fait jufqu'alors.
Il finit en proteftant que toutes fes vues

-ne tendent qu’à futilité du prochain :


mais qu’il eft tres-éloigné de vouloir ja-
mais s’appliquer a ce qui ne peut efire
utile aux uns qu’en nuifant aux att-

itrés, .A

~ Il ne prétendoit point pat ce traité

prefcrire aucune méthode à perfonne,


mais feulement faire connoître icelle
qu’il avoit fuivie lui-mefme par le droit
que lui donnoit la liberté: de fe condui-
P >
re

Digitized by Google
, ••

de M.Defcartes Liv.III. . i li

——
re félon les lumières naturelles qu’il a-
voit reçues de Dieu. —îèfi
Le Premier eflài de cette Mé-
thodeeft le traité de la Dioptriejue par- HL
tagé en dix parties qui font autant de
Difcours ou Dillèrtations fort courtes
fur la lumière fur la réfradionjfur l'œil
;

Sc les fens j fur les images qui fe fqrment


dans le fonds de l’œil > fur la vifion ; fur
les lunettes & la taille des verres.
Le delïein de l’Auteur dans ce traité
étoit de nous faire voir que l’on peut al-
ler allez avant dans
philofophie pour la
arriver pat fon moien jufqu’à la con-
noidànce des arts qui font utiles à
la vie.
Le traité qui fait le fécond eflai de fa
Méthode eft celui des et h c ores qu’ilaM
divifé en autant de parties que celui de
la Dioptrique. Il traite des corps ter-
y
reftres j
des vapeurs & exhalaifons ; du
fel ;
des vents i des nues j
de la pluie, de
lanége , &
delà grefle ; des tempeftes t
de la foudre , &
des autres foux qui s’al-
lument en l’air ; de TArc-en-ciel dela> ;

couleur des nues &


des cercles ou cou-
ronnes qui paroiffent quelquefois au-
tour des aftres j
des parhéliesou ap-
* paritions-

Digitized by Google
ït i Abrégé de la; Vie
7 patitions de plufieurs foleiis.
Le dernier des effais de fa- Méthode
SaGeo- eft fon traité de G éometrie qui comprend
trois livres ,
où il s’agit principalement
de la conftru&ion des problèmes. Le
deflfeinde l’Auteur dans cet ouvrage
étoit de faire voir par voie de demon-
Uration qu’il avoit trouvé beaucoup de
chofes ignorées avant lui j
& d’infinuëc
en même temps qu’on en pouvoir dé-
couvrir encore beaucoup d’autres , afin
d’exciter plus efficacement tous les hom-
mes à la recherche delà Vérité.
Mais on fe tromperoit de croire que
M.-Defcartes eût eu intention de donner
les élemens de la Géométrie dans cet
ouvrage, qui demande d’autres ledeurs
que des écoliers en Mathématique. Il
s’étoit étudié*dans les trois traitez qui
precedent celui-ci , à fe rendre intelli-
gible à tout le monde parce qu’il étoit
,
queftion de faire comprendre des chofes
qui n’avoient pas encore été enfeignées*
ou dont on n’avait pas encore donné les
véritables principes- Mais voiant qu’il
s’étoit fait avant beaucoup d’ouvra-
lui
ges de Géométrie aufquels il ne trouvoit
tien, à redire :.il ne crût pas dévoit ré-
pétée

Digitized by Google
de M.DefcartesXÀvXV . îz f
peter dans fon traité ce qu’il avoit vû de 1 Cyf
*
'
bon 8c de bien démontré dans les
fort
autres. Ainfi , loin de vouloir les rendre
inutiles 9 il travailla aies rendre necef-
faires en commençant par où ils ont fini;

De pour
forte qu’il faut les avoir lus
comprendre fa Géométrie. Il fupprima
les principes de la plus grande partie de
fes réglés ,
& leurs demonftrations. Il

avoir pré vû même que plufieurs de ceux


qui auroient lu les autres Géomètres,
mais qui n’auroient acquis qu’une con-
noiffance commune de cette fçience,
pourraient tres-difficileme-nt parvenir à _

^intelligence de fon écrit. I y


: Quo ique les matières de ce s qua- Liaifon

tre trairez femblent d’abord afi'cz éloi-


gnées , il a fait en forte neantmoins que
f
e
ra
^
4- «•**- 1

les trois derniers euflènt uneliaifon très- J

étroite avec le premier. Ce fl: pour cela


qu 'après avoir propofé un échantillon
d’une Méthode generale qu’il avoir
adoptée , fins pourtant prétendre l’en-'
feigner aux autres , il a choifi dans (a
Dioptricjue un fujet méfié de Philofo-
phie ÔC de Mathématique 5 dans fes
Meteores , un de Philofophie pure fans
mélangé j
& dans fa Géométrie ,u« de
; • Mathema-

Digitized by Google
,

î^4 Abrégé de ie- UV


S&w Mathématique pure : pour faire voir
— qu’il n ’y auroic rien dans tout
ce qu’il
natu-
pourroit avoir de connoiflances
relles qu’il n’euft deffein
de rapporter
& de réduire à cette Méthode , & ou
n’efperât réiifTit parfaitement >
pour-
il

vû qu’il eût les expériences qui y fe-


roient neceflaires ,
ôde temps pour les
confiderer.
jAanitrt Quant à fa manière de raiionner ,
il

les
parole quelle étoit confiderée par
crin, autres d’une façon toute differente
de
ce qu’elle étoit effectivement félon
lui.

étoit point d’accord fur ce fu jet


avec
Il n*
ceux qui publioient que les explications
deschofes qu’il a données peuvent bien
être rejettées 8c meprifées , mais qu
el- ,

les ne peuvent être combatuës 8c refu-


tées par raifbn. Car n’admettant aucuns
principes qu’il ne crût tres-manifeftes
& ne conüderant rien autre chofe que
les grandeurs ,
les figures , & le mouve-
ment à lamaniéré des Mathématiciens ,
il s’eft exclu de toutes les teffources que
l’on fe referve pour fe fauver au befoin,
& il s’eft fermé tous les fubterfuges des

Philofophes. De forte que la moindre


erreur qui fe fera gliifée dans fes princi-
pes

Digitized by Google
de A4 . Départes. Liv.IV. 115 .

’7
pes pourra facilement être apperçuë &, -

refucée par une demonftration Mathé-


matique. Mais au contraire , s’il s’y
trouve quelque chofe qui paroiffe telle-
ment vrai &
affûté qu’on ne pniffe le
ren verfer par aucune demonftration fem-
blable , cela ne peut fans doute être mé-
prifé impunément , du moins par ceux
qui font profefiïon d’enfeigner. Car en-
core qu’il femble ne faire autre choie par
tout que propofer ce qu’il dit fans le
prouver : neantmoins très- facile
il eft

de tirer des fyllogifmes de fès explica-


tions ,
par le moien defquels il a crû que
les autres opinions touchant les mêmes
matières pourraient être manifeftement
détruites , & que ceux qui voudroient
de la peine à ré-
les défendre auroient
pondre à ceux qui entendent les prin-
cipes.
La liberté qu’il a prile de publier ces
Traitez en langue vulgaire plutôt qu’en
celle des fçavans, &
d’y fupprimer fon
nom ne lui a point fait d’affaires
,
quoi-
qu’il eût tout fujet d’en appréhender de
la part des critiques. Mais il n’en fut pas
de même de la diftribution qu’il fit faire
de fes exemplaires. Il lui fut plus perni-
cieux

Digitized by Google
,,

\*i 6 Abrégé de U Vk
donne* à M. de
cieux de n’en avoir pas
Un Roberud feul qu’il ne connoifïoit
pas
les Mathématiques a
Origine mais qui profefloit
de l'tini-

rnofité de
Paris ,
ne lui fut avantageux d’eji
qu’il
Robcrval avoir donné un grand
nombre à la cour
contre
D'fcartes de France à celle de Rome. M. de
&
omif-
Roberval fe tint offênfé de cette
fion , quoiqu’elle fut venue du P-
&
Merfenne plutôt que de M.Defcartes,
prépara defiors à bien critic^er la
il fe
Géométrie de celui-ci. Telle fut 1 origi-
immortelle qu il
ne de cette animofité
il n eue pas
conçût contre lui , 5c dont
même la diferetion de diffimulerle pré-

texte aux amis qu il fçavoit d ailleurs lui

ette communs avec M. Defcartes.


: Pour refpirer de l’embarras que lui

avoir caufé la publication


de fes effais
voulut aller fe promener' au fiége
de
il

ville qui ne lui étoit


pas indiffé-
Breda ,

rente à caufe du {ejour de


deux ans qu il
lors qu’il portoit les
armes.
y avoit fait

la prife de cette ville par le Prince


Après
d’Crange il fit un voiage en Flandres, 5c
Gouverneur
alla voir M. de la Ba/fecourt
Efpagne
ou Commandant pour le Roi d
dans la ville de L)otiay. Ce
Gentil- hom**
amis
me qui étoit l’un de les meilleurs
n’oublia

Digitized by Google
dt M. Defcartes Liv.IV. 117
ïfoublia rien pour le bien regaler,&il lui ^57,
procura entre autres chofes la converfa-
— J
tion du Doreur Silvius pendant huit
jours entiers. Silvius étoit l’un des grands
Théologiens de Ton lîécle , & le pre-
mier ornement dé l’Univ.erfité de Doüay
depuis la mort d’Eftius. Il parut tres-fa-
tisfait de M. Defcartes mais il neût pas
,

grand fujet de l’être d’un Gentil-hom-


me Polonois que celui ci avoit amené à
fa compagnie , & qui avoit fouvent
poulféà bout le Do&eur dans les con-
férences qui s’ étoient tenues chez M. de
la Baflecourt après les repas.

M. Defcartes à fon retour alla fe lo- J*,™/*


ger dans Egmond le plus beau village de H*» 0 **'.
la Nord - Hollande où l’exercice de la
Religion catholique étoit libre tout &
public. A peine y fut-il établi qu’il s’ap-
perçut des fruits que produiloit la lectu-
re de fon livre.
L’un de ceux qui parurent des pre- JJ rp°”‘l
miers à lui en rendre compte fut le Do- moud ,

éteur Fromond Profefleur Roial des SS.


Ecritures dans l’Univerfité de Louvain, manu
Il lui propofa quelques obje&ions fur
divers endroits de fa Méthode , de fa
Dioptrique , & fur tout de fes Metéo-
Q res

Digitized by Google
îi8 Abrégé de la Vie
>" res dont il avoit lui-même publié uii
,

Traité en i6$i qui avoit été fort eftimé.


M. Defcartes lui répondit ,
8c ils furent

allez fatisfaits l'un de l’autre pour de-


meurer amis le refte de leurs jours.
Il répondit aufïi vers le même temps
aux ob je étions d’un Médecin Hollan-
dois établi à Louvain nommé PlmpinS
qui étoit de fes amis depuis quelques an-
nées. Ces objeétions regard oient ce
qu’il avoir écrit touchant le mouvement
du cceur. Elles contenoieht félon lui
tout ce qu’on pouvoit lui objeétèr rai-
fonnablement fur cette matière. Plem-
pius qui témoignoit ne les avoir faites
que dans le dellein de s’inftruire, 8c pour
mieux découvrir la Vérité , fit connoître
pour lorsà M. Defcartes qu’il étoit con-
tent de ce qu’il lui avoit répondu.
La réponfe qu’il fit au Pere Ciermatts
Profefleur des Mathématiques au collè-
ge des Jefuites de Louvain n’eût pas
moins de fuccés. Il trouva les objeétions
de cePere fort judicieufes 8c fort folides.
Elles rouloient fur la Geometrie 8c fes
Mécéores, principalement en ce qui con-
cernoit les couleurs de l’Arc-en-ciel. Le
Pere de fon cofté parut fi fàtisfaic de 1*

Digitized by Google
,

de M. DefcdrtesLivAV. n0
réponfe que fit M. Defcartes qu’il con-
fentit qu'on imprimât fes objections
avec elle. Il ne pût s’empêcher de té-
moigner que ce qui lui plaifbit princi-
palement en M. Defcartes , étoit cette
hardielle qui faifoit que s’écartant des
chemins battus &c des routes ordinai-
res , il avoir l’aflurance de chercher de
nouvelles terres , 6c de faire de nouvel-
les découvertes.
M. Defcartes n’ayant point d’autre
paillon dans tout ce qu’il écrivoit que
celle de découvrir ne (e
la vérité ,
&
croiant point capable d’en venir à bouc
feul ,
cherchoit pour ainfi dire des Ad-
versaires plutôt que des Approbateurs
afin que l’obligation de leur répondre
ôc d’examiner leurs objections le rendic
de plus en plus exaCt,& lui fit ouvrir les
yeux fur ce qu’il n’auroit pu découvrir
auparavant. Dans cette vue il attendoit
aveejoye les objections que lesjefuites
de la Fiêche,de Louvain, de Lille &de
quelques autres endroits lui avoienr
fait efperer par leurs letrres. Mais il fut
allez furpris d’aprendre de quelques uns
d’entr’eux, qu’il étoit for! clans leur ap-
probation j
qu'ils nedejiroient rien en ce
1
G ij qu'il
130 Abrégé delà Vie
1637 qu il avait voulu expliquer , mais feuh-
" ~ ment en cequ il ri avoit pas voulu écrire >
& ejuils demandaient fa ‘Thy/îque & fa
» Àietaphyfîcjuc avec grande infiance.
VI. E n F r a n c e la leCture de Ton li-

vce °P ero c fur es e ^P r ^ ts félon qu’ils


^ ^
ff 7dt°M
jAjàoriù etoient bien ou mal prepai ez. Il fe trou-
va peu de chofe dans tout ce qu’il avoit
écrit qui ne parût douteux pour les uns,
nouveau pour les autres. Les vrais
fçavans ne furent pas cffraiez de tout ce
qu'il avoit de nouveau,& qui ne pou-
y
voir rendre l’Auteur odieux qu'à ceux
quiétoient entêtez de leuts préjugez:
mais ils prirent occafîon de ce qui leur
paroilToit douteux pour lui faire des
objections.
M. Mydorge fon ami auroit été des
plus propres à cela ,
s’il ne s’étoit déjà
trouvé par avance de même fentimçnc
que lui dans plufieurs chofes dés le
temps qu’ils fe voioient à Paris. Il au-
roit pû du moins lui propofer des diffi-
cultez fur divers endroits du fixiémeDif-
cours de fa Dioptriqne où il traite de la
Vifïojn d’une manière difFerente.de celle
dont il avoir coûtume d’expliquer lui-
même cette matière. Il fè contenta d’en .

'

;
'
parler

Digitized by Google
^

„ de M. Défîmes Liv. IV. 13 /


parler au Pere Merfenne qui en écrivit
a M. Defcartes. Il ne fe trouva point mal
de quelques avis que celui-ci lui donna
— 1 Gyr

dans fa réponfe à ce Pere. Après cela il

n’eut plus d’obje&ions à faire à fon ami*,


& loin de le fatiguer avec beaucoup
d’autres par cet endroit ,
on peut dire
qu’il fie le Defcartes à Paris en fe char-
geant de répondre pour cet ami ablenc
aux objeéHons qu’on ne voulut pas en-
voier en Hollande.
Il ne foc pas le feuî à Paris qui s’écu?

dia à lui rendre de bons offices. M. Des des A r


Argues qui s’étoit déjà emploié avec le & Hes ‘

P. Merfenne pour faire réüffir le privilè-


ge de fon livre contre les pratiques défo-
bîigeantes du fieur de Beaugrand n’ou-
blia rien pour le fervir auprès du Cardi-
nal de Richelieu , &
pour faire valoir
fes inventions de Dioptrique à ceux qui
approchoient de Ton Eminence. Il lui fit f
Ravoir par le P. Merfenne que le Cardi-
nal a voit écouté les propofitions qu’on
lui avoir frites de travailler à des lunet-
tus fur les réglés qu’il en donne dans là
Dioptrique. i

M. Defcartes crût devoir s’oppolèr


à cette entreprife , & il pria le P. Mer-
G iij fenne

Digitized by Google
131 Æregé de U V />. *

3637 lènne de témoigner à M. Des Argueÿ


« &aux autres perfonnes qui fe méloient
de cette affaire ,
qu’il leur étoit très-
obligé de bonne opinion qu’ils avoient
la

donnée à la Cour de Tes inventions de


Dioptrique : mais qu’il ne croioit pas <jut
les v enfée s de M. le Cardinal dâjfeni
s'avbaîjfer juCcjua une perfonne de fê
forte . Ce n’étoit point par une modeftie
de contre- temps qu’il refiftoit aux in-

tentions de ces Meilleurs : c’étoit par


la crainte qu’on ne réüffit mal en Ion
abfence , &
qu’on ne rcjettât enfuite
furlui-même les fautes des ouvriers. Car
il croioit que là préfence étoit necelïài-
te pour diriger la main des Tourneurs %
& leur donner de nouvelles inftru&ions
à mefure qu’ils avanceroient ou qu’ils
manqueraient.
*— Entre les fçavans de France qui
VII. voulurent éprouver leurs forces contre

tiw'de
M. Defcartes ,
il ne s’en trouva point
m. de de plus diligent ni de plus capable que
Termcu
xontre U fa p ermat 9
Confeiller au Parle-
Dioptrie ment de Toulouie ,
1 un des premiers
5Me,j
hommes du liécle pour les belles con^
noilïànces de l’efprit, & fur tout pour
Jes Mathématiques, Dés le mois de No-
vembre

Digitized by Google
,•

de M. Defcartes. Liv.IV. 133


Vembre il avoit envoié au P. Merfcnne 1 *«.
des objections contre la Dioptrique de
M. Defcartes : &
ce Pere en reçeut la
réponfe dés le mois de Décembre, non-
obftant la diftance des lieux qui pou-
voir fervir de prétexte à des retarde-
mens.
Dans le même temps gJM . Petit qui
lions
Oijtc
de
étoit pour lors Commiflaire de l’Artille- M. Ptü:
rie & Ingénieur du Roi, qui fut &
depuis Intendant des Fortifications, fie
auflï fur le même Traité de la Dioptri-
que des objections que M. de Fermât
trouva pour le moins auflt bonnes que
les Tiennes.
M. de Fermât avant que d’avoir re- terit de
M. de
çû la réponfe à fes objections, fit en- Ferma»
voier en diligence à M. Defcartes par fur le»

Géomt\
le P. Merfênne un Géométrique
écrit
trk%
de fâ compofition , de Maximis Ait- &
nimis , c’eft à dire des plus grandes &
des moindres quantités: &
pour ne pas
encore déclarer fon nomàM. Defcartes
Origine
il fe de celui de M. Carcavi, de la dou-
fervit
Lionnois fon ami, qui étoit alors fon ble dijÿu-
tt entre -

confrère au Parlement de Touloufe. M. de


Ce prefent que M. de Fermât faifoic Fermât
&
-M,
à M. Defcartes n’étoit pas feulement Defcartes
G iiij une

Digitized by Google
13 4 jéhregê de la Vie
*63? une marque de fon eftime &
de fâ re-
connoilfance ,
mais encore un avertifïe-
ment de ce qu’il croioic que M. Def.
ou
cartes avoit oublié fans y penfer,
omis mal à propos , dans fà Géométrie.
Cela fit un nouvel incident dans la pe-
tite querelle que M. de Fermât venoil
d’exciter , & qu’il croioit être en état
de terminer en peu de jours.
Mais il ne lui fut pas aifé d’éteindre
ces premières étincelles. Le feu de la
difpute prit de grands accroiffemens par
le zele de ceux qui voulurent y entrer :

& elle roula toute dans la fuite fur


deux 'points importans , dont l’un regar-
doit la Dioptrique, & l’autre la Géo-
métrie. Voilà le fujet de cette fâmeufè
querelle qui a duré même au delà de
la mort de M. Defcartes. Voilà ce que
M. de Fermât appelloit fa petite guerre
contre M. Defcartes •, &
ce que M.
Defcartes appelloit fon petit procès de
^^Mathématique contre de Fermât.
Pendant que M. de Fermât au
milieu des occupations du Palais de &
fes affaires domeftiques s’appliquoit à
faire une réplique à la réponfe que M.
Defcartes avoit faite à les objections
9 fur

Digitized by Google
,

de M . Dejcartes. Liv. IV. 135


fur la Dioptrique , le P. Merfenne re-
çut les remarques de M. Defcartes fur
fbnTraité de Af aximis &Ai
au lieu de les envoier droit à M. de
Fermât (ùivant l’intention de M. Del'car-
tes , jugea à propos de les faire voir
il

à deux des amis particuliers de ce Ma-


giftrat qui étoient à Paris. L’un étoit
M. PAfcal le père , ci-devant Prefident
en la Cour des Aides d’Auvergne ;
l’autre étoit M. de Roberval Profelleur
des Mathématiques à Paris.
Ces Meilleurs crurent devoir époufer
la querelle de leur ami, & le voiant oc-
cupé de là répliqué fur la Dioptrique
ils ledifpenlerent du foin de pourfuivre
la querelle deGéometrie, & le chargèrent
de répondre aux remarques de M. Def.
cartes contre fon Traitée Maximis &
Minimis. M. Defcartes aiant lu leur ré-
ponfe avant que d’avoir reçû la réplique
de M. de Fermât loua leur zele , approu-
va les difpofitions de leur coeur, ju- &
gea M. de Fermât heureux d’avoir été
prévenu d’un tel fecours dans un lî
grand befoin. Il ne put même s’empê-
cher de concevoir de l’eftime pour la
capacité dontil voioit des marques dans

G v leur
Abrégé de la Fie
lé 8
* leur écrit : mais il trouva que s’ils avoienr

L
bien rempli les devoirs de l’amitié à l’é-
gard de M.de Fermât ,
ils s’étoient aflezr
mal acquitez de lacommiffion qu^ils
avoient prife de le décharger, de 1* &
défendre.
M Vef- Cet écrit qui étoit tout entier du
ri. ftile de M.
de Robeïval fût réfuté par
tond, M. Defcartes avant la fin du mois de
Février. Et la répliqué de M.de Fermât-
touchant la Dioptrique étant enfin ve- *
nue dans le même mois, il
y fit furie
champ diverfès réponfes qu’il addrefla
à fes principaux amis , une à M. M'y—
dorge, un autre à M. Hardi, une ttoi-
fiéme au P. Merfenne.
Vo i an t qu’il n’y avoir aucune ne-
IX.
ceflité qui eut obligé M.de Fermât à lui-
Tronlu.
rts il* erivoier le traité de Maxim s &Mimmi$ t

different
à examiner , il avoir pris cette a&ion
tntre M-
deFermat pour un défi. La maniéré de l’appeller
& Mr.
jointe au mérité &
à la dignité de là>
Defcartes
>erfonne qui lui envoioic le cartel,
f'empêcha d’éviter cette rencontre. L’é-
crit qu’il envoia au P. Merfenne contre
le Traité de Maximis,tn étoit un efjbece
d’acceptation. La ville de Touloufe &
T
" r '

te'

Digitized by Google
de M.üejcartes. Liv. IV. 137
*
d’Egmond écoient des extrémi-
le defert
tez où il paroifl'oit difficile que les par-
ties puffent agir : de elles avoient aflez
de fiertépour ne vouloir pas avancer
l’une en faveur de Vautre. La Provi*
dence y ménagea un milieu, ÔC dilpofa
tellement: les choies que la ville de Pa-i
ris où écoient leurs habitudes , leurs amis

& leurs adverfaires ,


devint infenfibie-
ment le bureau où leurs differens dé-
voient être examinez. Le P. Merfenne
fans y fonger avoit donné lieu à cette
difpofiçion en mettant entre les mains de
Meffieurs Pafcal &
de Roberval à Pa^
ris l’écrit de M. Defcartes qu’il devojt

envoier à Touloufe pour M.de Fermât,


Ces deux Meffieurs s’étant chargez de
répondre pouc M. de Fermât fembloient
agir fuivantla même difpofition fans 1»
connaître. M. Defcartes de fon côté
s’étant mis en devoir de répondre à ces
deux Meffieurs parut confentir que l’on
connût de fon affaire à Paris,
Mais puifque ces Meffieurs avoient
jugé à propos de fe rendre les Avocats
de fa partie , il leur fit trouver bon qu’ils
ne fe rendiiTem pas fes juges, ou qu’il
les reculât avec quelques autres deiamia
- G vj de

Digitized by Google
m 138
de
Abrégé de la "Vie
M. de Fermât. Les autres Mathémati-
ciens que l’on auroit pu engager à con-
noîcre de cette affaire n’étoient pas fans
«Joute en petit nombre à Paris. Mais les
uns n’étoient pas en état d’entendre allez
parfaitement la Géométrie de M. Def-
cartes ,
les autres n’étoient pas allez
connus de lui en excepte deux
,
fi l’on
illuftresGéometres,au jugement defquels
il pouvoir furement s’en rapporter. C’é-

toient M. Mydorge M. Hardi qui &


paffoient tout publiquement pour les
intimes amis. Cette confédération ne les
rendoic pas moins récufables à M. de
Fermât, que M. Pafcal M. de Rober- &
val l’étoient à M. Defcartes pour leur
amitié avec M. de Fermât. Il fallut donc

fe refoudre à les choifir non pour fes


jfuges ,
mais pour fes Avocats ou pour
:

parler aux termes du cartel preienté


par M. de Fermât ,
M. Mydorge & M.
Hardy furent retenus par M. Defcartes
pour être fes féconds & pour être op-
^
pofez à M
. Pafcal &
a M. de Roberval i
qui s’étoient offerts à M. de Fermât pour
le féconder dans le combat. Le P. Mer-
fenne fut prié de demeurer dans la neu-
tralité ,&c de fe contenter de la fon&ion
f

Digitized by Google
.

de A4 De/cartes. Liv, IV 139



.

de fimple fpe&ateur, de ne deve- 1^38


afin
nir fufpeéfr à aucun des partis dans les
fervices qu’il devoir rendre aux uns de
la part des autres.
- M. Defcares envoia incontinent à M.
Mydorge , &
à M. Hardi les pièces Sc
les inftru&ions neceflaires pour la con-
noilïànce de Ton procès de Mathémati- „

que : & il leur recommanda en même


temps d’oublier ou de fufpendre les lèn-
rimens de leur amitié , pour ne fuivre
que les réglés de la juftice & de la vé-
rité. Si M. de Fermât eût pris trois Avo-

cats de fon côté ,


M. Defcartes n’auroit
pas manqué à prendre pour fon troifié-
me M. des Argues ,
qui n’étoit ni moins
habile ,
ni moins affè&ionné à fon égard
que M. Mydorge & M. Hardi. Il pria
au moins le P.Merfenne de lui commu-
niquer toutes chofes de fa part 9 & de
lui donner la leéture de toutes les piè-
ces s’il le fouliaitoit.
Entre autres pièces, il avoir envoié

en droiture à M. Mydorge la réponfe à


l’écrit de Meilleurs Pafcal & de Rober-

val.M. Mydorge la fit porter auffi-tôt


à M. de Roberval par le P. Merfenne.
M. de Roberval fans laifler rallentir
la chaleur oû Tavoit mis la letture de

Digitized by Google
i^.o jibregé de la Vie
*658 cette réponfe compofa incontinent unè
,

réplique fous le nom des deux amis


de. M* de Fermât , c’eft à dire, de M„

Pafcal St du fien. Mais ou il impoloic


pouccettefois àM.Pafcal,ou il avoir pa:ov
Je de pour continuer en Ton nom la
lui
difpuce de M. de Fermât contre M. Def-
cartes. M. Pafcal n’étoit plus à Paris
jpour lors. Il s’étoit éloigné de la ville
a l’occafion de quelques troubles exci-
tez au fùjet de l’un de fes amis. Audi
M.de Roberval de bonne foi
eut- il allez
pour marquer fon abfence , en foufcri-
vant fèul à leur réplique commune. M.
Pafcal n’eut prefque plus de part à cette
difpute ,
parce qu’à fon retour il fut fait
Intendant de à Rouen.
juftice
JLa dureté des maniérés que M. DeC
cartes remarqua dans le ftile de cette
réplique lui fit juger que M. Pafcal étoic
véritablement abfent, ou qu’il n’avoit
pas eu de part à la compoficion de cec
écrit. C’efl: pourquoi fe trouvant rebuté

,
d’abord du peu de poli telle de M. de
Roberval Sc de fa précipitation il man- ,

da au P. Merfcnne qu’il n’étoit pasxe-


£olu de lui répondre puifqu’il feficquoit
,

& fh’il fe met toit en colere au lieu d’i-


• - - mitée

Digitized by Google
,

de M'D$a'rtesÆiv\ly. 14 ^
'

tniter l’honnêteté & la modération avec


laquelle Meilleurs Pafcal &
de Fermât,
en ufoienc à (on égard. Il le pria ce-
pendant d’aflurer M. de Robervai qu’iï.
étoit fort très* humble ferviteur , quil, &
ne / offert(hit pas plus de tout ce qui et oit,
dans fon écrit que l'on fait ordinairement ,

dans le jeu de la colère ,de ceux qui per-


dent. M. de Robervai malgré la fingu-
larité de fou humeur auroit fans doute*,
éré fàrisfait de tant d’honnêteté : mais ;

le P. Merfenne qui avoir un talent par-

ticulier pour commettre les fçavans en-


tre eux , ôc pour prolonger les difputes,,
craignant de voir fi-tôt finir celle-ci, n’eut
point de repos que M. Defcartes ne lui
promîc une réponfe à ce fécond écrite
Il la lui envoia au mois d’Avril, mais il
prit garde de n’y rien lailfer glilîer qui
pût remuer encore la bile de M. de Ro.
ber val. - 2
CmNDANTM.de Fermât com- ^
k
mençoic à fe iafler de la difpute : & crai- Fermât
gnant que le zele de M. de Robervai fat f f* :

ne la fit prolonger , non feulement il


laifià fans repartie ce que M. Defcartes °f
rt es
.
&
avoit écrit contre fa derniere répliqué fon ami
touchant la
" Dioptrique ? mais il écrivit
'
jMt
. .. en-

Digitized by Google
,

J4& A bregé de la "Vie,


encore au P. Merfenne pour le prier de
T faire fa paix avec Al. Defcartes , de &
lui procurer en même temps l’honneur
de fa connoiffànce. D’un autre côté M.
Mydorge &
M. Hardi qui fouffroient
avec peine qu’un homme du mérité &
du rang de M. de Fermât fe broüillât Ci
mal à propos avec M. Defcartes , fon-
geoient aux moiens de les réconcilier
& de changer leur difpute en une cor-
refpondance parfaite, dont il pûflènt
goûter les fruits dans une communica-
tion mutuelle de leurs lumières. Ils en
parlèrent au P. Merfenne , qui follicité
d’un autre côté par les avances de M. de
Fermât ne put fe défendre d’en écrire à
M. Defcartes, non obftant l’envie qu’il
auroit eue de les voir continuer.
M. Defcartes en reçût la propofition
avec beaucoup de joie j &
après avoir re~
- mercié Meilleurs Mydorge &
Hardi du
fuccés de leurs bons offices , il chargea
le P. Merfenne de marquer à M. de Fer-
mât fon eftime &
les difpofitions de fon

coeur à fon égard, m. de Fermât aiant


reçu du P. Merfenne toutes des afluran-
ces qu’il pou voit fouhaiter de la part
de M. Defcartes, fe donna enfin la fatis-
~
'
. fa&ion

Digitized by Google
de M.DefcartesXivJV . 143
fà&ion de lui écrire en droiture pour lui
offrir fon amitié & Tes lèrvices. L’acqui-

fition d’un tel ami pouvoit être contée


au nombre des meilleures fortunes de
M. Defcartes» Il connut parfaitement le
prix d une amitié fi importante , & il
y
fut fi fenfible qu’il n’eut point de ter-
mes aflez paflionnez pour l’en remer-
cier.
1- Afin de n’être point fatisfair à demi de
la réconciliation ,
il voulut qu’elle s’é-
tendît auffi jusqu’aux deux amis de M.
de Fermât qui avoient pris la défènfe de
fon écrit Géométrique deMaximis &
Minimis . U pria leP.Merfenne de leur
témoigner qu’il ne recherchoit rien tant
que l’amitié des honnêtes gens , que &
par cette confideration il fàifoit beau-
coup de cas de la leur. M. Pafcal y ré-
pondit en homme d’honneur : mais m.
deRoberval fit bien-tôt connoître que
fon cœur n’étoit pas fait pour M. Defo
cartes. Il n’en étoit pas de même de

celui de M. de Fermât. Mais ce qui eft


allez ordinaire dans des amis qui ont
des lumières differentes , il eft certain
que leurs efprits ne fuivirent pas toû-
jours la loi de leur cœurs. M. de Fermât
per-
ï4 4 jilrege de U Vle
|6$8 perfuadé comme auparavant de la boïïtê
g’ "1

de fa Méthode. c’eft à dire de la réglé


(
qu’il pour trouver les plus
s’ écoit faite
grandes &
les moindres quantitez en

Géométrie) avoir peine à convenir des


exceptions que M. Defcartes y avoir ap-
portées pour la rendre bonne. Il eut
fur cela diverfes conteftations non pas
avec M. Defcartes, qui devoit fon temps
& fes talens à autre chofe qu’à la difpu-
te ,
mais avec le jeune Gillot qui avoït
été domeftique de M. Defcartes , avec
M.Chauveau, qui avoir été fon com*.
pagnon d’études à la Flèche ,
avec M»
des Argues &
avec d’autres Mathéma-
ticiens, qui depuis cet éclat Ce déclaroient
Cartefiens de jour en jour malgré I4
jaloufie de M. de Roberval.
m. Ro. Pour l’autre difpute de M.Fermatquï
tjAcief-
concerno ^ Dioptrique , il ne s’avifa
feliier'*- point de la reveiller du.vivant de M-
chnem Defcartes. Mais apres fa mort , il s’en
vaincre expliqua d’une maniéré à vouloir nous
^ oute,: P^
e ' nement ^a “ s '
¥erraat
fait. Comme il fembloit inviter de temps
en temps quelqu’un des amis de M.Defc
cartes à réprendre cette ancienne que-
relle M.Rohault lui répondit d’abord,
- Après

Digitized by Google
1

deVi.DeJcdrtes . Lîv. IV. T

mina
iAprés quoi M.Clerfeiier s’offrit,
la querelle à la gloire de m, Def.
& ter-
45
^ *.*

cartes, & à la fatisfadion de M.de Fer-


mât qui lui rendit les armes.
m. P e t 1 t ne fut pas fi long - temps
^ xI &
à fe rendre fur les difficultez de Diop-
trique qu'il avoir propofées à M. Def-
x 1

cartes. Il profita de l’avantage qu’il avoit Avec

fur m. de Fermât par le


Fm*‘
moien de fes
expériences qui Raccordant merveil-
,
Ieufement avec la dodrine ide M. Def.
car tes ne fervirent pas peu à le defàbu-
fer, & à lui faire rechercher de bonne
heure fon amitié. Il devint même deux
ou trois ans après l’un des zelez
lèda-
teurs de Philofophie, après que la
fa
ledure de fes MeditationsMetaphyfiques
l’eut tiré de quelques difficultez fur
l’exiftence de Dieu, la diftindioti &
de l’Ame d’avec le Corps dans les hom-
mes.
La difpute que M.Defcartes eut
avec A * ee
M. Morin Profeffeur Roialdes Mathéma- M
° m ’

tiques à Paris lui donna plus d’exercice


que celle de M. Petit, mais elle le fa-
tigua moin s que celle de M. de Fermât.
Ellecommença le 12 de Février itfjSpar
des objedions que M. Morin lui fit fur
•- , la

Digitized by Google

r 146" Abrégé de ta Vié


ÿÿ.g la lumière. M. Defcartes en fit tout lé
p— cas que mecitoient des obje&ions qu’il
mettoit au nombre des plus folides d’en-
tre celles qu’on lui eut encore formées
contre fes nouvelles opinions. Cette
cftime enfla le coeur à M. Morin qui
voulut montrer par une répliqué à (a
réponfe qu’il n’en étoic pas indigne.
M. Defcartes fitune fécondé réponfe,
dont M. Morin feignit n’étre pas entiè-
rement fatisfait, &
voulant fe procurer
l’honneur d’écrire le dernier, il fit une
nouvelle répliqué à laquelle il témoigna
qu’il ne fouhaitoit pas de réponfe. M.
Defcartes acheva de reconnoître à cette
marque le cara&ere de l’efprit de m.
Morin. II ne voulut pas lui refufèr la fàtis-
fa&ion qu’il defiroit de lui , puifqu’elle
lui coutoit fi peu.
'Avec m.
*
L’occafion qu’il eut dans le même
* Beau .
temps derefuter un allez, mauvais livre,
'
lui fit faire une diflertation de GeoftatU
Son petit que , c’eft à dire , fur la queftion de jfça-
Ceofiatt
vo r fi un corps pélè plus ou moins étant
^

que ou fa proche du centre de la terre qu’en étant


étatique.
^i 0jg n £ j L e ü vre qui
y avoit donné lieu
avoir pour auteur le Sieur de Beau-
grand Secrétaire du Roy , afTez medio-
-e , cte

Digitized by Google
de Ad.DeJcartës, Liv.IV. 147
cre Mathématicien , mais qui ne fe fai-
foit pas aflez de juftice en ce point. Il
éroit ami de M. de Fermât, ennemi de &
M.des Argues. La confideration de ce
dernier ravoir porté à rendre de mauvais
offices à M. Defcartes , à caufe., du zele
avec lequel il voioit que celui-ci s’atta-
çhoit à n’avoit pû s’empê-
le fervir. Il

cher même
de faire glilTer dans fon li-
vre quelques traits de fà mauvaife vo-
lonté. M. Defcartes
auroit peut-être
bien fait au defir de ceux qui
de refifter
le portoient à le réfuter, pour ne pas
rendre fufpeél de reffentiment. Mais
il fe releva promtement de cette foi-
blelïe ,
en révoquant la permiffion qu’il
avoir donnée d’imprimer cette réfuta-
tion , &
en la détachant de fon petit
traité de Statique ou Geoftatique , au-
quel il ne prétendoit pas interdire la
lumière.
C
e f u t cette même année que s’é-
leva parmi lesMathématiciens de France
la queftion fameufe de la Roulette dont
,
on ne trouvoif aucun veftige ,
ni parmi
les anciens, ni dans les livres d’aucun
&de U
des Methématiciens qui a voient vécu fart que
M. Df/I
jufqu'à lors ^quoiqu’il ni ait rien de carte
j tut
'
.
v -V..' plus

Digitized by Google
^ Î48 jibrege de la Vie
plus commun que cette ligne, & qu’ellé
^ guère moins frequente dans l’u-
V ne foit
4
&ge du mouvement que la ligne droite

& la ligne circulaire.


La Roulette n’eft antre chofe que le
chemin que fait en l’air le clou d’une'
roue quand elle roule de fon mouvement
ordinaire, depuis que ce clou commen-
ce à s’élever de terre , jufqu’à ce que le
mouvement continu de la roue l’ait rap-
porté à terre après un tour entier ache-
vé.Mais dans cette définition il faut fup-
polêr pour la commodité des opéra-
tions géométriques que la roué eft un
cercle parfait ; que le clou eft un point
marqué dans la circonférence de ce cer-
cle > & que la terre que touche ce point
en commençant &en finiftànt fon tour
eft parfaitement unie ou plane.
Le P.Merfenne fut le premier qui
la remarqua , &
qui lui donna le nom de
Roulette.il voulut enfuice en reconnoî-
. tre la nature &
les proprietez.Mais com-
me il n’étoit pasauflï heureux à refou-

dre les belles queftions qu’à les former,'


il n’eut pas allez de pénétration pout

venir à bout de celle-cy. Cela l’obli-


.
gea de lapropôferà d’autres.M. de
„ Roberval

Digitized by Google
de'M.DeJcartes.LivlV. 149
Roberval fut le premier qui démontra
que Yefpace de la Roulette eft triple de
la roué qui la forme . Après cela M.de
Fermât Si M.Defcartes en donnèrent) la
démonftration ;
Si leurs folutions fe
trouvèrent non feulement différentes
l’une de l’autre , mais encore de celle de
M,de Roberval. Le P. Merfenne aiant
;

mandé à M.Defcartes que M.de Rober-


val trouvoit fa démonftrationtrop cour-
te pour eftre bonne ,
il en receut là-
deilus les éclair ci flèmens qu’il fouhai-
toit. M. Defcartes enenvoiant une lui

explication fort ample de fadémonftra-


tion de la Roulette ,
l’avertit qu’il n’y
avoit rien à changer dans cette demon-
ft ration ; Si que I’éclairciflement qu’il
venoit d’y ajouter n’étoit diffus qu’afin
de pouvoir être entendu par ceux qui
ne fe fer voient point d’Analyfe , les au-
tres n’aiant befoin que de trois coups de
plume pour la trouver par le calcul.
Dans diverfes queftions dépendantes
de de la Roulette il fe trouvoit plu-
celle
fieurschofes dontM. de Roberval té-
tnoignoit n’avoir point de connoiflànce.
Il fallut pour l’en inftruire que le Petc
Merfenne recourut à M. Defcartes fa
reffource
150 Abrégé de U Vie
*<>$$• fourte ordinaire, & il en reçût toutes
s
les folutions que lui 5c M.de Roberval
pouvoient fouhaiter. Avec ce fecours ,
celui-ci donna encore deux autres folu-
tions , dont Tune fut la d'tmenfion du
folide de la Houlette an tour de la bafe\
l’autre, X invention des tangentes ou tou-
chantes de cette ligne. Mais il n’eut pas

pour ces petits lèrvices de M.Defcartes


toute la reconnoilfance qu’on en devoir
attendre. Sa difiimulation 5c les proce-
dures indirectes de fa conduite dégoû-
tèrent tellement M. Defcartes, qu’il ne
voulut plus avoir de part à ce qui fe paf-
fâ depuis touchant la Roulette. Dés la
fin du mois de Septembre , il tacha de
de s’en débarralfer pour une bonne fois j
& fans prétendre rien à la gloire de cet-
te invention qu’il laiflbit de bon cœur à
m. de Roberval pour s’appliquer à d’au-
tres chofes , il écrivit au Pere Merfenne ,
afin qu’il fit (çavoir fon defiftement à
•tous les Mathématiciens qui s’en mê-
loient.
La Raison qu’il alleguoit pour
XVI. fe dilpenlèr de travailler davantage fur
cï'a'u”'
la Roulette étoit qu’il renonçoittout de
Geome. - bon à la Géométrie. Cette nouvelle ne
rr/f
* plût

Digitized by Google
,

de M.DeJcartes.Viv. IV. 151


plût pas aux Géomètres de Paris du
'

nombre de Ces amis. M. des Argues fur


tous les autres ne pût s’empêcher d’en
témoigner Ton déplaifir. M. Defcartes
le prit en bonne part , & pour Tôter
d’inquietude, il lui fit fçavoirpar le P.
Merfenne que Ton renoncement ne re-
gardoit que la Géométrie abftraite:mais
qu’il continuëroit de cultiver une au-
tre forte de Géométrie qui fe propofè
pourqueftion l’explication des phéno-
mènes de la nature comme il avoit fait
dans ce qu’il avoit écrit des Météores,
*
&c.
Il voulut donner des marques plus s* confia

précifès de la confédération qu’il avoit


pour cet ami. Car aiant içu que les en- des A r *
utt
droits de fa Géométrie imprimée , où il & *

d’être obfcur , lui faifoient


de la peiïïe ,
il voulut lui en donner
lui même les éclaircilfemens par un
écrit qu’il fit exprès ,
pour lui faire con-
noitrejufqu’oùalloit le zele qu’il avoit
pour ion fer vice.
Outre ces éclairciflemens fur quelques Introda-
endroits propofez par M. des Argues
il confentit qu’un Gentilhomme Hol- tr u!

landois de fes amis entreprît une intro-


H duttion

Digitized by Google
ryi Abrégé de la Vie
~ du&ion reguliere & fiiivie de toute {k
Géométrie, pour en faciliter l’intelligen-
ce à toutes fortes de leéteurs. Elle fut
trouvée fi excellente &
fi courte
,
qu’on
crut qu’il en étoit l’auteur. Ceux qui fe
plaignirent de la brièveté de cet écrie
furent priez de confiderer que c’étoic
une introdu&ion & non pas un com-
mentaire. Mais on pouvoit donner le
titre de commentaire aux excellentes

Hottsde notes que M. de Beaune Confeiller au


m, de
p re ficlial de Blois , fit cette même année
'
'*'***’
fur la Géométrie de M. Defcartes. Il ne
s’y trouva rien qui ne fût parfaitement
conforme à la penfée de l’auteur , & fé-
lon fon intention. La joie qu’en eut M.
Defcartes augmenta encore , lorfqu’il
vid la pénétration avec laquelle M. de
Beaune avoit pû reconnoître des chofes
qu’il n’a voit mifes dans fa Géométrie
que d’une maniéré tres-obfcure.
r On peut conter encore au nombre
des principales occupations que M. Défi,
cartes eut cette année l’exercice que lui
; donnèrent les deux premiers Arithméti-
ciens du fiécle M. de fainte Croix & M.
.. Brenicle fur diverfes queftions de nom-
;bfes. Mais la réponfe qu’il fit à celles de
f> - -;v M.de

Digitized by Google
de M. “Ùejcartes. Liv. IV. 153
M. de fainte Croix au mois de Juin, le
16 fi*
fatigua tellement ,
qu'il conjura le Pere ——-•
Merfenne de ne lui en plus envoier au-
cune de cette nature , telles qu elles
puflent eftre. Il tâcha auffi de fe défaire
des problèmes &
des obje&ions fteriles jiceffedc
des autres . (ous les prétextes les plus répondre

nonnetes qu il put imaginer. biémsn


Ainfi las de porter la qualité one-
reufe d’oracle ,
il fe difpenfa prefque
entièrement de répondre avant la fin de
Pan 163S : &
if fe contenta de faire un
triage des meilleures obje&ions qui lui
avoient été faites jufqu’alors , & des
plus beaux problèmes qui lui avoient
été propofez
,
pour les faire imprimer
âvec fes réponfes ,
quand il plairoit à
ekii à qui il appartient de dilpofer de
toutes chofes.

Hi) LIVRE
/

Digitized by Google
*54
' '
dbregé de là Vie
KftS

LIVRE CINQUIE’ME
depuis iij 3 S jufqu'en 1641.
.

— "PENDANT qu’on fatiguoit M:


j# JL Defcartes en France par des objec-
Ktgius tiens & des problèmes , on ne fongeoit
en Hollande qu’à Te dépouiller
dijetpu
dé m . de la vieille philofophie pour prendre

ÿ'Tro.' la
Tienne^ L’Univerfité d’Urrech qui.
ftffcurk fembloit être née Cartefienne , après
Vtrech.
qU on em
*
fa j t ve nir de Deventer le Pro-
fefleurReneri pour prévenir même Ton,
ére&ion , fe remplifloit infenfiblemenç
de fesdifciples fous la difeiplinede cet
habile homme.
Celui qui fe diftingua le plus ,
fut un
jeune Médecin nommé Henri de Roi ,
dit l^egius , à qui Reneri communiqué
cette méthode excellente qu’il avoit re-
çût de M. Defcartes pour conduire &
raifon dans la recherche de toutes for-
tes de veritez. Regius ne borna point fà
reconnoilfance à Reneri, mais il la fit -

remonter jufqu’à M. Defcartes ,


pour
..... • • * - lequel

Digitized by Google
Je M. D efiartes. Liv. v. i#
lequel conçût dés lors une haute efti-
il

me. Ce n’étoient encore là que les fruits


des conventions de Renern Le livre
— iéÿ?

de M. Defcartes Vint enfuite àiparoître.


Regius Ce montra des plus ardens à le'
lire j &
l’eftime qu’il avoif conçue pour
M. Defcartes , Ce tourna incontinent en
une vraie pâfïïon.
Non content de s’être imprirrié dans
de fa nouvelle Phi-'
l’efprit les principes
lofbphie,dont il avoit trouvé les efïais
dans Con livre conformes à ce queReneri
lui en avoit appris auparavant , & de les
avoir adoptez à la place de ceux qu’on
lui avoit autrefois enfeignez dans les é-
coles, il fe mit en devoir de les digerer
encoie pour l’ufage des autres. Il enfer,
gnoit actuellement la Phylofophie & la
Medecineà des Particuliers dans la vil-
;

le r &
pour ne point faire diverfion à
l’étude qu’il faifoit de la philofophie de
M. Defcartes ,
il s’avifa de la mettre
par cahiers ,
&
de la débiter à fes éco-
liers fous le nom de Phyfiologie à me-
fure qu’il la comprenoit.
.La fimplicité de l’hypothéfe,le bel en-
chainement des principes des raifon- &
nemens ,
la netteté & la facilité avec"

H iij laquelle

Digitized by Google
'
15 6 [Abrégé de la Vie
1638 laquelle il en foifoit déduire lesv
leur
~ * vericez , les ravie de telle forte que fans -

en demeurer aux termes d'une recon-


noilfance ordinaire pour le maître à qui
ils fe fentoient fi redevables ,
ils firent
une efpece de ligue pour coopérer à fon
avancement , & pour s'employer à le
faire mettre en place > foit dans le Con-
feilde ville , foit dans l’Univerfité. Peu
de temps après , l’on parla d’établir un*
nouveau Profefleur en medecine pour
la botanique &la theoretique. Les dis-
ciples de Regius, qui la plupart étoient
enfans de famille , crurent que l’occa-
fion qu’ils cherchoient de lefervit étoit:
venue , &
ils n’ épargnèrent ni leurs pa-

ïens ni leurs amis , pour obtenir les fuf-


frages du Sénat en fa faveur. Regius-
avoit de puifians concurrents ,
mais l’ap-.
probation qu’avoit fa Phyfiologie jointe
à. la différence que l’on remarquoic dans
la maniéré de raiibnner qui diftinguoicr
fes difciples d*avecceux des écoles pu-
bliques ôc vulgaires, fit juger quil a-
voit une philofophie toute particulière^
& qu’il devoit eftre un excellent maître
dans l’art ou la méthode d’enfeigner..
C’eft ce qui porta le Magiftr^t à. le
prefererr

Digitized by Google
>

de M. Dejcartes. Liv. V.
preferer aux autres pour remplir la chai- 163$
~“
re i & qui le fit recevoir avec plaifir pour
collègue par tous les Profefleurs de l’U-
ni veufité dont Reneri avoir difpofé les
efprits.
Regius crut avoir toute l’obligation
du faccés de cette affaire à M. Defcar*
tes ,
dont la Philolophie avoit formé en
lui ce mérité qui l’a voit fait paffer fu ries
autres concurrens. Il prit la liberté par
une première lettre du iSd’Aouftde le
remercier d’unlèrvicefi important qu’il
lui avoit rendu fans le fçavoir. Il le
conjura enfuite de ne point abandonner^
fon propre ouvrage de ne pas lui re*&
füffr les afliftances neceffaires pour fou»,
tenir cette première réputation. U lui
promit de fon côté tout ce qui dépen-
diroit de lui pour ne rien faire qui fut

indigne de la qualité de fon difciple


qu’il preferoit à tous les autres avanta-
ges de la vie : Sz qu’il fuivroit les pas de
Reneri le plus prés qu’il lui feroit :

pollible.
Pour fe mettre d’abord en poffeflïon
des droits attachez à cette qualité, il lui'
envoia fes E (J'ai s de medecine pour les
examiner avec toute la feverité d’un
Hiiij Maître j

Digitized by Google
158 A hregé de la V ie
1638 M aître & il lui demanda les objections
*—
-,

qui lui avoient été faites depuis peu


contre la circulation du Jang avec les
r
réponfes qu’il avoit données.
y
H. M. Descartes qui avoir été in-
f° rm é de tout ce qui s’étoit paffé à
mLuh'
recevoir Ucrecht par Reneri qui l'étoit allé voir à
ftruSh
Egmond au mois d’Aouft , accorda fon
de m. amitié à Regius avec tous les fruits
Defcartet ’

q U e |l e pourroit produire. Il n’eût aucu-


ne violence â fe faire pour lui donner ce
qu’il lui demandoit concernant la Mé-
decine ,
patce qu'il en faifoit actuelle-
ment fon occupation , & comyre-
qu’il
noit l’importance qu’il y avoit de ména-
ger fagement le zele d’un nouveau dif-
ciplen bien intentionné.Il achevoit alors
fon Abrégé de M
edecine qu’il avoit tiré
en partie des livres , &. en partie de fes
raifonnemens. Ht il efperoit pouvoir fe
fervir par provifion de ce travail pour ob-
tenir quelque delai de la Nature , & re-
tarder les poils blancs qui commençoient
à lui venir.
Amh de Reneri &
Regius n’étoient passes
M.Def- fe u ls qu’il eût pour amis
ou que fà
,

Vtlunde Philofophie eût pour feCtateurs à U-


trecht &
dans le voifinage. Il pouvoit
COR

Digitized by Google
i s *

de M Vejcartes Liv, . V. 159


7

conter encore parmi les Profefleurs de 165$


rUniverfité Antoine Emilius Cy- & *
prien Régner i & parmi les Magiftr^ts '

de la ville ,
Meilleurs Vander-Hoolc^
Van heevtf', Parmentier , &c. outre les
deux Van- Dam Médecins, les deux ’

VVaeffenaer Mathématiciens j Made-


moifelle Anne Marie Sehurmaw 8c Ion
frète, Jean Alpbonfe officier de l’armée,
Godefroy de Haeftrecht Gentilhomme
Liégeois retiré prés d’Utrechr. U n’en a-
voit pas moins à Amfterdam,à Leyde* à
la Haye, où toutes perfonnes les de mé-
rite le faifoient honneur de fa connoif-
fance. Mais l’idée du pays où il vivoit*

ne doit pas nous faire croire que fes ami-


riez fe terminalfent aux feuls Proteftans.
Tout ce avoit de Catholiques
qu’il
y
tant (o't peu inguez étoient fes amis.
dift

On peut conter au rang des principaux


non feulement Corneille de Hoogbeland
Gentilhomme de Leyde , mais encore
deux Preftres de Harlem, dontTun étoit
Jean Albert Bannit* , 8c Pautre Augu-
°
ftin Aelftein Bloemart tres-riche de ion „iart
patrimoine grand aumônier à l’égard des
, & fon
iauvres cottefpondant pour les
Î cures 8c le* pacquets qu’on lui addref-
v H
f oit-

Digitized by Google
.

ï£o
1^8 (bit. Ils étoient tous deux Mathémati-
ciens amateurs de la paix
, &
des (çien-
ces, vertueux, d’une vie frugale 6c
exemplaire au milieu des Proteftans donc :
ils s’étoient prefque generalement ac-

quis l’eftime &c l’afïèétion. M. Defcar-


tes quittoit de temps en temps fa foli-
tude d’Egmond pour les aller voir à Har- -
lem , ou dans une maifon de campagne .*

qui en étoit proche. Comme ils n’é-


toient guéres plus grands buveurs ni «

plus grands joueurs que lui ,


la dé-
bauche ordinaire qu’ils faifoient en-
femble étoit quelque concert de Mufi-
que dont Bannius avoit coutume de les
regaler. M.Defcartes dont l’amitié n’é-
toit ftérile pour perfonne leur rendit fur i
fur la fin de cette année un fervice très-
important auprès du Prince d’Orange 6c
des Etats de Hollande parle moiende M. ..

de Züytlichem &
de quelqu’autres Sei- -
gneurs de fes amis qui croient en crédit. .

I l N E plût point à Dieu de laiilèr


III. longtemps à M. Defcartes le double
Mort de
Reneri plaifir de voir enfeigner publiquement x
•premier les principes dans les écoles de Philofo-
Dotieur
Carte - phie&de Medecine à Ucrecht par les
yfe»,. deux plus habiles ProfelTeurs de l’Unix
yerfité,..

Digitized by Google
de M. D ejcar tès. Liv. V . 1 61
verfité. A peine Regius étoit-il affermi I
fy 9 _
dans Ton nouvel établillement que Ton
perdit Reneri au milieu du mois de .

Mars de l’an 163p. le jour même de Tes


nopces après 45. ans de vie.
On lui fit dans
grande Eglile de l’a
la
ville de fplendides funérailles, aufquel-
les le Scnat ou les Magiftrats affilièrent
en corps avec l’Univerfité. L’Oraifon
funèbre fut prononcée le lendemain au
nom de l’Uni verfité par Ant. Emilius
Profellèur en éloquence en hifloire, & -

On admira la beauté du difcours , Sc on


fut touché des reflexions de l’Orateur.
Maisons’apperçut bien tôt que ce n’é-
toit pas moins le panégyrique de M. panegy-
Defcartes vivant que l’oraifon funèbre
,

de feu M. Reneri. La principale loiLn- carter


ge qu Emilius avoir à donner à l’illuftre
defunt , que l’on avoit regardé comme me* par
le principal appui de l’Univerfité naif- \^ t
fante & comme fon plus bel ornement ,
kvixtcht
•'

étoit d’avoir eû allez de courage pour fe


défaire de l’autorité des Anciens des &
Modernes qui l’avoient précédé , afin
de rentrer dans la liberté que Dieu a
donnée à nôtré raifon pour fe conduire
dans la recherche de la Vérité , qui ell
H Vj- / 1%“ ;

Digitized by Google
iGz .Abrégé delà Vie
dont nous foions oblf-
la feule maîtrefle

' gez de nous rendre feétateurs. C’étoic


une refolution véritablement héroïque
qui ne pouvoir convenir qu’à desefprics
du premier ordre. Mais il falloir que M.
Defcartes, qui l’a lui avoit infpirée com-
me à quelques autres de ceux qui s’&
toient attachez à lui dés le commence-
ment de fa retraite en Hollande , fût le
dire&eur de cette entreprife. Emilius fie
valoir avec beaucoup d’éloquence les
grands progrès que Reneri avoit faits
dans la connoilFance de la Nature fous
un chef de cette qualité. Il rehaufïà de
couleurs fort vives l’avantage qûe la
Ville &
TUniverfité avoient reçu de la
difpofition où s etoit trouvé Reneri de
pouvoir y enfeigner les principes de la
véritable Philofophie, qu’il prétendoic
être demeurée inconnue au genre hu-
main jufqu’à M. Defcartes.
L’auditoire en parut perfuadé tk les
;
Magiftrats après avoir honoré ce dif-
cours de leur approbation ordonnèrent
qu’il fèroit imprimé , & publiquement
diftribué fous leur autorité tant pour'
,
honorer 1 a mémoire de leur Profefleur,
que pour donner des marques éclatan-
tes

Digitized by Google
de M. T)ejcartes. Liv.V. 163
tes de la reconnoi fiance qu’ils avoient ,

du fervice fignalé que leur avoit rendu


M. Defcartes j en formant un tel difci-
ple. Emilius qui depuis long temps
,,

cherchoit à s’introduire dans la familia-


rité de M. Defcartes,* avoit reçu comme
un coup de providence l’ordre que le
Magiftrat luiavoit envoie, de faire [es
doges & ceux de U
nouvelle 'Philofo-
pbie dans l’oraifon funèbre de Reneri.
Après l’avoir prononcée,il lui en envoia
une copie manufcrite avec des lettres^
pleines de refpeét & d’eftime , fous pre-
rexte que ce difcours te regardant per-
, & q/ie
fonnellement le Magiftrat en

aiant ordonné la publication v il étoit à


propos y avoit à chan-
qu’il vît ce qu’il
ger avant qu’on la prefiè. La
le mît fous
modeftie de M. Defcartes eut à fouffrir
à fa Ie&ure de tant d’éloges. Mais com-
me il ne lui appartenoit pas de trouver à
redire au jugement &à la conduite du
premier M agiftrat , il
n’o fa
y
toucher.
Peu de jours après il ht connoître
qu’il n’avoit fouffert ces éloges que par-
ce qu’il n’avoit pas été en fon pouvoir
de les fupprimer. Car Emilius lui aiant

envoie avec un peu trop de confiance


des

Digitized by Google
'

n>4 Abrégé de la Vie


1*59 des vers qu’il avoit faits fur le même
. fujet pour en fçavoir fon fentiment , 5c
les lui aiant enfuite redemandez , parce
qu’il n’en avoit point retenu de copie ,

& qu’il defiroit de les faire imprimer:


M. Defcartes chercha une excufe pour
ne les lui pas renvoier , 5c il vengea le
mieux qu’il put par cette fuppreflion fa 1

pudeur 5c fa modeftie offenlée dans l’o-


raifon funèbre de Reneri.
La perte que Regius avoit faite en
Regius particulier d’un excellent dire&eur de
devant le
fes £ tll£j es d ans i a mort jg Reneri l’avoit
difiipiede fait recourir de nouveau a M. Defcartes. *

Il le conjura de vouloir lui donner au-


m,".
près de lui la place que le défunt y pof-
fedoitj ajoutant que s’il l’a lui accordoit
il s’efiimeroit aujji heureux que s'il êtoit

élevé jufquau troijième ciel.


Il eft certain qu’aprés Reneri perfon-

ne ne pouvoir alors fe vanter de méri-


ter mieux que Regius la qualité de pre-
mier difciple de M. Defcartes. Il avoit
du côté de l’efprit les talens les plus *

propres à foutenir ce rang avec la digni- -

té 5c la fuffifance neceffaire. La profef-


fion qu’il faifoit de la Medecine avec la
Phyfique lui donnoit encore une com-
modité-

Digitized by Google
.

àe M: Defcartes. Eiv» V.165:


tnodité pour cela & un avantage que 19
n’avoient pas les autres Cartéfiens de -“—5
Hollande 6c de France qui n’enfei-
gnoient pas publiquement , 6c qui n*é- ,

toient philofophes que pour eux ^mê-


mes. Mais il à fouhaiter pour
auroit été
fa réputation particuliére,que Reneri en •

luiapprenant la méthode &


les princi»
-
pes de M. Defcartes eût fçû lui infpirer-'

en même temps fa modeftie & fa pru-.


dence.
Quelque temps après la mort de Re-
neri , l’on
augmenta fes gages de la ;

moitié 6c l'on attacha à fa profelïîon ?

un nouvel emploi qui confiftoit à expli-


quer Problèmes de Phyfique , lors
les *

qu’il ne occupé de fa Botani-


feroit pas
que , c’eft-à-dire de l’explication des
plantes 6c des (impies. .11 ht part à M. -
Defcartes de la joie qu’il a voit reçûe de
cette commiflion , parce qu’elle lui pre-
fentoit de nouvelles occafions d’enfei-
gner &
d’étendre fa Phüofophie. Il avoir
adroitement brigué cet emploi qui étoit
de furérogation dans l’üriiverficé il : &
avoir été fervi dans fa pourfuite par
Voetitit Profefleur en Théologie qui
-

étoit encore alors dans fes interets. Mais



*
car

Digitized by Google
id6 • A Itéré de \a Vte *
l(*W ce qu’il avoir envifàgé comme un avan-
tage confiderable pour faire valoir Tes
talens , & pour débiter avec plus d’é-
clat les opinions nouvelles de Phyfique
ôC de Medecine que les vieux Peripaeti- :

ciens & Galeniftes ne fou ffr oient pas vo-


lontiers qu’on enfeignât dans les Ecoles
où ils regnoient , fut un prétexté enfui-
te au môme Voetius povr lui fufeirer des
affaires. Son peu de conduite fut caufe
que l’embarras retomba fur M.Defcartes,
& que l’affaire dégénéra enfùite en un
long 8c fâcheux procez qu’il fut obligé


IV.
de foutenirau préjudice de fa fblitude
& de la tranquillité de fa vie.
P ERS o n n e n’étoit alors plus élevé
n* P^
us con ^^ er cdansl’Univerfitéd’U-
tius t ti
f trech que fe Voetius. Tl étoit le premier
«fe/fw,
(kg Profrffeiirs en Théologie , & le
principal Miniftre ouPafteut de la Vil-
le. Il portoit par tout cet airtriomphant
qu’il avoir rapporté du Synode de Dori •

drechtoùil s’étoit' trouvé du codé des


vi&orïeux c’eft-à-dire , de ceux qui
,

affiliez de l’épée &


du crédit du Prince
Maurice étoient venus à bout de con-
damner te parti des Remontrans : & il
s-’étok acquis par la-vike une efpece

d’auto-

Digitized by Google
,

de M. Defartes X ÏV.V. ï6j


[autorité fur les efprits par je ne fçay
juelle réputation de gravité & de fuf-
lance.
porté à la conteftation , & gâté par la
letture des controverffftes de Ton parti
& des livres d’impieté & de bouffonne-
rie , aufquels il avoit donné beaucoup de
temps. Il étoit d’une, humeur fort bi-
zarre ,
d’un jugement fort médiocre , &
d’une érudition fort fupeificietle.
Les bonnes qualités qu’il pouvoir a-
voir éroient foutenues par un peu d’a-
mour propre pour là perfonne > accompa-
gné d’un mépris intérieur pour toutes
celles qu’il n’avoit pas. forte que De
s’étant accoutumé de longue habitude
à ne pas effimer ce qu’il ignoroit , &
ignorant en philofophie tout ce qui n’é-
toit pas renfermé dans les bornes de
la fcholaftique triviale ,
on auroit pu
lui pardonner le peu de goût ,
& l’é-
loignement qu’il avoit eu d’abord pour
les ouvrages de M.Defcartes , s’il n’en
avoit pris l’allarme comme d’une nou-
veauté pernicieufe qu’il eût fallu exter-
miner.
La conlïderation qui étoit due à Re-
neri, l’a voit retenu dans le filence juf-
qu’à

Digitized by Google
16 % Abrégé de la Vie
qu’à fa morr. Mais étant allé à fon oraî-
lon funebre avec fa prévention ,
les
éloges inelpérez qu’il y entendit de
M. Defcartes lui donnèrent tant de ja-
loufie , qu’il en fortit avec la relolution'
de mettre en œuvre tout ce que fon
induftrie pourroit lui fournir pour dé-
truire cettenouveauté. Neantmoins
Fapprobation que le Magiftrat avoir-
donnée à ces éloges , l’obligea d’aller
bride en main , pour ne pas fe commet-
tre mal à propos avec fes fuperieurs*-
C'eft pourquoi abandonnant ce qui é-
toit du relfort de la Philofophie, contre-
quoi il ne lui étoit ni feur ni honnête
de s’élever , il fe reduifit à ramalTer ce-
qui pourroit fe rapporter à la Théolo-
gie dans le difcours de la Méthode de
M. Defcartes pour en faire la matière-
de les cenfures , & tâcher pat ce moien
de faire bannir de l’Univerfité fa Philo-
lophie comme petnicieufe à la Religion
Proteftante & au repos des Etats des
Provinces-Unies.
Il commença fes hoftilitez par des
théfes qu’il au mois de Juin \ 6 39,’
fit

touchant l’Athéifme. Et pour garder


quelque ordre dans les produdions de

Digitized by Google
de M.Defîartes. Liv.V. 1^9
là mauvaife volonté , il s’abftint d'y i$$
nommer d’abord celui à qui il en vou- " +
loit , &fe contenta d’y jetter les fonde-
mens de la calomnie, dont il croioit de-
voir le charger pour venir à bout de
le ruiner..
Cette calomnie dans laquelle il a
toujours perfifté depuis , confiftoit à
M.Defcartes pour un Athée:
faire palfer
& qu’on ne pût s’y tromper en
afin
prenant quelqu’autre pour lui, il mêla
dans fes théfes parmi les marques de
rAthéifme toutes les chofes qu’il fça-
voit eftre attribuées à M. Defcattes pat
'

le bruit commun.
G e s premières démarches de Voe-
tius firent connoître à Regiùs qu’il fkU
lbit; uter de quelque diffimulation s’il précau -

vouloit fe conferver auprès de lui. Ce- jjjjj


là lui donna lapenfée de fe précaution-
lier dans (à chaire de M
edecine plus
qu’il n’avoit fait jufques-là : & de re-
ferver le principal de la nouvelle Philo*
fophie pour les problèmes qu’il enfèi-
gnoit certains jours de la femaine hors
des heures des leçons publiques. En
quoi il fembloit fe repofer fur le con-
tentement des Proteflèuis fans en ex-,
cepte^

Digiiized by Google
h

T70 . jîhregé de la F'ie


cepter Voetius qui l’avoir même fervi^
une fécondé fois dans la demande dtf
cette nouvelle commifïion.
Mais quelque liberté qu’il biffât à
fes auditeurs pour la créance des Pro-
blêmes , il ne rejettoitpas lesoccafions-
de faire voir le ridicule ou le foible des
anciennes opinions. Cette maniéré ar-
tifi ieufe de détruire infenfiblemenr les

principes delà Philofophie vulgaire qui


eft reçue dans les écoles étoic jencore
plus dangereufe pour elle que fa ma-
niéré ouverte & fincere d’enfeigner les-

principes de M. Defcartes dans fes le-


çons de Medecine. C’eft ce qui fit pei-
ne à ceux de fès collègues qui confer-
V voient quelque eftime pour la Philofo-
phie qu’on leur avoit apprife , qui' &
croioient avoir beaucoup accordé à Re-
gius en lui permettant d’enfeigner les
nouvelles opinions avec les anciennes.-
S» in-
' Regius ne s’affujettifTant pas aflèz
di/cri.
lion. (hors de fès écrits & de fes leçons ) à
prendre de M. Defcartes , qui»
l’efprit
étoit un efprit de douceur de modé- &
ration , donna encore à fès collègues un
nouveau fujet de mécontentement par
un trait de legerecé qu’il fit paroître à
v •
-J une •*

Digitized by Google
de M.DefcanesXiv.V. jyi
une thefe dePhilofophie foûr.enue le 9
de Juillet fous le Profefleur Senguer- -
dius par Florent Scbnyl qui devint néant-
moins Cartéfiendans la fuite. L’aggref-
fgur qui difputoit avoit compofé les ar- f

eumens félon les opinions de la Philo-


lophie nouvelle & avoit choifi la
,
il

nature & les proprietez de Payman pour


en faire le fujet. Le répondant quoique ;

fort bien exercé fur les cahiers de fon *


Maître parut un peu embarralfé. Mais
le Profefleur aiant pris La parole pour
le dégager, Regius fe leva, &(ans rek
pe&er ni i’âflemblée ni la profeflion, l’in-
terrompit ,
lui infulta mal à propos , 8c

voulut adjuger à l’aggrefleur une vic-


toire que l’honnêteté & la coutume
l’obligeoient de laifler au
répondant.
Cette a&ion que nous n’avons appris
d’ailleurs que par le canal de fes enne-
mis , choqua généralement tous les Pro-
feflèurs de l’Univevflté , &c les difpolâ
la plûpart à écouter cp que Voetius
vouloit leur infinuer contre les nouveau-
tez.
Les exercices finirent peu de jours
après cette théfe , & Régius écrivant
^ M. Defcartes le 14. de Juillet qui
v ,
commençoit

Digitized by Google
'

tji . 'Abrégé de U Vte


«ifcjp
commençoit les vacances , (è garda bien
de lui mander ce qu’il avoit fait à la
théfe. Il fe contenta de lui foire fçavoir
qu'il avoit achevé fon cours public de
« Med ecine cette année i qu’il étoit tou-;
» jours demeuré fortement attaché à fes
« principes & à fa méthode ; qu’il fou- &
« naitoit avec paflion de pouvoir confe-

» rer avec lui iur la meilleuremanière de
m faireun nouveau cours l’année fuivan-
ce qui commençoit après la foire du
mois d’ Aouft félon le réglement de l’U-
niverfité.

Inflruc- Quoique les mefures qu’il avoit pri-


a^ er à Egmond fuflènt rom-
u! d!*™ ^ P our
1
es
ju. i>e/- pues par le befôin que la groflèlle de fa
.cmcf,
fe mme avoit de fa préfence ,
le temps
de M. Defcartes n’en fut pas plus épar-
gné. Il ne occupé que de
fut prelque
les réponfes aux confultations de ce Pro-
fefleur pendant les mois de Septembre 8c
d’O&obre. Quelque ’ongues quelque
frequentes que fulfent les lettres d’un
<lUciple fi zélé il ne plaignoit pas pour
,
l’inftruire un temps qu’il ne croioit pas

devoir jamais regretter. L’importance


des queftions & des difficultez qu’il lui
propofoit , l’empêchoit de rien négliger
^ v
• • s ' pour

Digitized by Googl
«

âe M. Defcdrtes.Liv.V. 1 7$
rpour le mettre en état d’établir Tes prin- i
cipes. Elles rouloient la plupart fur la —
nature des Anges , fur celle de l’Ame de
l’homme ,
fur fon union avec le corps ,
fur l’ame des bêtes & des plantes, fur la
vie ,
fur le mouvement du coeur, & fur
la circulation du fang.
M.
Defcartes avoit mis cette derniere Mauvai
queftion en grand crédit parmi les fça- fe c0 ” du:
vans : $c il avoit merveilleufement ré- Htwfmi
de Harvée
tabli fur ce fiijet la réputation
qui avoit été maltraitée par les fatires
& le decri de divers Médecins des Païs-
bas , la plupart ignorans ou entêtez des
anciennes maximes de leurs Facultez.
Ce qu’on pouvoir alléguer de plaufible
contre ce fentiment , avoit été objeété
îS mois auparavant à M. Defcartes par
fon ami Plempius Médecin à Louvair^
Mais quoique celui-ci parût alors con-
tent de fes réponfes , il fit enfuite une
chofe tout- à- fait indigne de leur ami-
tié. Il jugea à propos pour augmenter

l’éclat de fa propre réputation de parler


dans un livre qu’il devoir bien-tôt don-
ner au public de ce qui s’étoit palfé en-
tre M. Defcartes &
lui, touchant les deux

queftions du mouvement du cœur & de



la
-
\

Digitized by Google
*
a
*74 Abrégé de U Vie w

la circulation du fang.donna pour


Il

cet effet tout le luflce neceflàire aux


obje&ions qu’il lui avoit faites. Mais
lors qu’il fut queftion des réponfes qu’il
en avoit reçues , loin de traiter M. Def.
cartes comme un ami qui méritoit d’ê-
tre confideré, il n’eut pas même pour
ces réponfes la fidelité qui s’exige encre
des adverfaires qui fe réfutent, &: qui fe
regardent comme ennemis.
Regius fut outré d’une conduite fi
malhonnête, &
aiant confronté fon livre
avec les réponfes que m. Defcartes avoit
faites à fes objeétions , il ne put retenir
l’indignation qui lui fit prendre la plu-
me pour en marquer fes reflentimens à
m. Defcartes. Les couleurs qu’il donne
dans fa lettre à l’ingéatitude &à la
mauvaifè foi de Plempius font fi vives,
qu’on ne peut les exprimer de fa langue
en la nôtre fans entrer dans de fembla-
bles tranfports de colère contre une
conduite fi lâche. Il dit qu’à l’égard des
endroits ou m. Defcartes d.écouvroit Les
fecrets les plus cachez de la nature, 8&
od confiftoit la principale force de fes
réponfes Plempius a eu la malice de

v
,

faire le mucc ? ou d’eo omettre au moins



;
i

Digitized by Google
!

de M.Defcartts. Liv. V. 175


la plus grande partie. Et que pqur 1640.
de - _r
'

ceux qu’il rapporte ,


il les eftropie -

telle manière qu’il en corrompt entiè-


rement lefens. Qu’a l’endroit où il trai-
te de la circulation du fang, il fë con-
tente de rapporter Amplement les dif,
ficul ez , comme Aon n’y avoit pas en-

core fait de réponlès , quoique cel-


les que M. Defcartes
y avoit données
fuflent tres-convaincantes. Qifà l’en-
droit où M. Defcartes rapporte plu-
fteurs caufes qui jointes enfemble pro-
duifent le battement du cœur , Plem-
pius n’en rapporte qu’une qui eft la
chaleur. Si M. Defcartes après avoir
allégué les railons neceflàires pour la
conviction d’une chofe , y en ajoute
quelque autre moins neceuaire fervant
feulement à un plus grand éclaircifle-
ment Plempius eft allez de mauvaife
:

foi pour ne s’attacher qu’à: cette der-


nière raifon ,
comme fi elle avoit été
donnée pour fondamentale ou eftèn-
tielle i & laiflant à fuppofer que ce
feroit l’unique qui auroit été alléguée
par M. Defcartes ,
il s’étudie à la rendre
ridicule : ce qu’il fait ordinairement dans
les endroits qu’il ne comprend pas,'

Digitized by Google
17 6 Abrégé de U V ie
1640 Plempius ne le fouvenoit plus d’a-
-
voir écrt auparavant qu’il ne croioic
pas que l’on pût convaincre M. Def-
cartes d ‘avoir jamais avancé une fauf-
fêté ou même une bagatelle. Mais s’il
avoir à révoquer les loüanges qu’il lui
avoir données , c’étoit une pitoiable
rétractation que de les effacer avec des
injurey. M. Defcartes ne parut pas fort
ému d’une conduice fi extraordinaire,
& il avoir été de n’y oppofèr
d’avis
que le filence. Regius n’en jugea pas de
même. Il vengea ion maître d’une ma-
nière qui fit apparemment ouvrir les
yeux à Plempius , puifqu’il changea fon
fèntiment fur la circulation du fang pour
embrafier celui de M. Defcartes.
—— Au m o de Novembre de la mê-
1 s
VI* me année le P. Merfenne revenu de
du'ituue
quelques voiages lui donna avis d’un
Af.Pa/- prodige qui venoit de patoître parmi
a
*16
*ns? les fçavans de Paris. Le prodige étoit
qu’un jeune garçon de 16 ans avoir
compoie un Traité des Coniques qui
faifbir l’étonnement de tous les vieux

Mathématiciens à qui on l’avoir fait


voir. Ce jeune Auteur étoit le fils
tir M. Pafcfil
,
Intendant de juftice à
Rouen,

Digitized by Google
de M.Defcartes. Liv. V/177
Rouen: & l’on necroioit point le fla-
kî’j.o
ter en publiant qu’il avoir
été plus
heureux qu’ApoIlonins en quelques
points. M. Defcartes qui n’admiroic
prefquerien, dilîirnulant fa furprife, ré-
pondit allez froidement qu’il ne lui
paroilfoit pas étrange qu’il Ce trouvât
«les gens qui puflènt démontrer les Co-
nques plus aifémentqu’Apollonius :
mais qu’on pouvait bien propofer d’au-
tres choies touchant les Coniques
qu’-
un enfant de fèize ans auroit de la
peine à deméler.
N’aiant voulu s’en rapporter qu’au
témoignage de fes yeux pour la créance
de ce fait, il fallut que le P. Merfen-
ne envoiât une copie du Traité.
lui

Il n’en avoit pas lu


la moitié qu'il ju-
gea que M. des Argues avoit eu beau-
y
coup de part, fous prétexte que celui-
ci
y étoit allégué. Aiant reconnu après
quelques éclaircilfemens qu’on lui don-
na fur ce fait, qu’il étoit hors d’appa-
rence de rien attribuer de cet ou-
vrage à lôn ami M. des Argues , il
aima mieux croire que M. Palcal le
pere en étoit l’auteur, que de fe per-
luader qu’un enfant de cet âge fût
I ij capable

Digitized by Google
e

17S Abrégé de la Vie


*^9 capable d’un ouvrage de cette forcer;

Le doute d’un fi grand homme fut
plus glorieux à ce merveilleux enfant
que l’admiration de tous ceux qui h-'
toient a durezdu fait.
Son incrédulité n’étoit pas feulement
appuiée fur le defaut d’âge & de vrai-
femblance ,
elle avoir encore pour fon-
dement le projet d’un beau defiein fut
les Coniques que M. des Argues lui
avoit fait envoier depuis peu par le P.
Merfenne. Mais il ne foupçonna point
M, Mydorge d’avoir prêté ion minifté-
re ou fon nom au jeune M. Pafcal quoi ,

qu’on vît fortir de la prefiè fes quatre


Coniques en cette même an-
livres des
née , &
qu’il n’ignorât pas ce que cet
ami avoit déjà fait fur le même fujet
quelques années auparavant.
Zxmices -Dans le même temps M. de Beaune ,
de Beau>. n etmr pas moins de les amis que M.
Mydorge &M.desÀrgiies,l’occupoit de
la lolution dediverfes queftions qu’il lui
propofoit fur les Mathématiques :

fous prétexte de l’entretenir de fes pro-


pres delTeins, iltachoit d’avoir la com-
munication des fiens. Dans une dçs ré-
ponfes que lui fit M.Defcartes , il lui
et oit

Digilized by Google
de M. Defartes. Liv. V. 175?
i6$9
écoit échappé de dire que fa Phyftque
ri er oit autre chofe que sJW ech unique -,

êc qu’il lui avoir déclaré comme à ion


confident des chofes qu’il n’avoic point
.voulu dire ailleurs ,
a caufeque la preu-
ve en dependoit de Jon sJW onde. M. d'q >

JBeaune ne laiiTa point périr cet avertillei,


ment. Il lui fit de fortes inftances pour
le porter à la publication de ion Monde
que l’accident de Galilée lui avoir fait*

reilèrrer. n’en pûtvçnir à bout,


Mais il

quoiqu'il fût alors celui de iès amis à


qui ilétoit le moins en état de rien re-
fufer.
M. Des cartes avait quitté le

féjour d’Egmond depuis quelque temps,
VII.
& il s’étoit retiré à Hardervvicic. Re-
1 1 va df
gius Ce trouvant encore trop éloigné de neurer x
Harder-
lui , crût qu’étant une fois hors de fa fo-
VVICK ,

litude de Nord-Hollande , toute autre pris i x V.


trecht y
demeure 4ui feroit allez indifférente. x Lejdc .

C’eft pourquoi il le conjura de vouloir


s’approcher davantage d’LJcrecht ,tant
pour de plufieurs de fes
la fatisfaélion
amis de pour une plus gran-
la ville,que

de commodité qu il auroit de le con-


fulter de plus prés.
il vint donc loger peu de mois après
I iij en

Digitized by Google
ïgo Alregé dè Vie U
164° en une maifon de campagne prés de
*
cette ville* dans le voifinage de M. de
'

Haeftrecht fôn ami qui demeuroit au


Château de Renoude. Mais foie que
1 l’hiver fur trop violent à la campagne,,
foie qu’il appréhendât les pratiques de
Voetius ,
il alla dés le commencement
de l’année fuivante demeurer à Leyde
011il avoit encore plus d’amis qu’à
Utrecht. Outre M. de Hooghland
Gentilhomme Catholique & quelques
pouvoir plus de
Magiftrats ,
il
y conter
la moitié des IftofefTeurs dont les prin-
cipaux étoiçnt Goliu^Schooten 8c M.de
Saumtife fils d’un Confeiller au Farle-
ment de Bourgogne j fans oublier Rivet
qui étoit du Poitou,& un autre Miniftre
du lien nommé Abraham eide ou H
Heydams. ,

Amitié de Ce dernier qui étoit en fort grande


Ut) 4aHut
confideratiorrdans le pays n’avoir guè-
re» des defauts ordinaires aux autres
Miniftres Proteftans:&: quoiqueM .De£
carres fift profeffion de n’erre ami d’au-
cun d’eux ,
le merire extraordinaire de
Heidanus le fit bien-tbt excepter de
leur nombre. Il ne fe contenta pas de fè
rendre le fèéfoceur de fa Philofophie
comme

Digitized by Google
de MtDefcartes. Liv.V. 181
comme les autres , il en fut encore le
proteéieur &c l’appui.- Comme il étbit
en réputation d’être le plus éloquent
Prédicateur du pays , il fe fervoit fort
heureufement de fon avantage pour in-
fpirer à fes Auditeurs l’eftime qu'il avoir
lui même de cette philofophie, dont il
tiroic les raifonnemens , Jes comparai-
lons, & les explications qui le faifoienr
admirer.
Il n'en étoit pas de même de Rivet Amitié de

qui fevantoit d’être Carte lien fans en-


tendre les écrits de M. Defcartes. Toute de Stttrn-
Vl3*'
fon amitié confiftoit jprefqueen nne dé-
mangeaifon qu’ilavoit de parler de lui
inceüàmment dans fes lettres 8c dans fes
converfations. Les moindresdjagatelles
étoient pour lui des fejets d'écrire au

Pere Merfenne , àM. Gaffendi* aux&


autres fçavans de France, pourvû qu’il y
fût quellion de M. Defcartes. Ce fut lui
qni les informa de la fameufe gageure de
Mathématique entre le jeune Waflenar
& Stampion,où M. Defcartes fe trouva
meflé par i’indifcretion &
la mauvaife
volonté de ce dernier. Quoique la vic-
toire de WaHênar fût fort glorieufe à
nôtre Philofophe qui pafloit tout pu-
Iiiij blique-

Digitized by Google
,

78 1 . abrégé' de la Vie
i ^4°
bliquement par fbn maître , il traita
neantmoins tonte cette affaire dont il
avoit eû la conduite d’une pure badine-
rie, qui n’éroit pas digne de ^inquiétude
de Rivet, ni de la curiofité des Mathé-
maticiens de Fiance.
Cependant on vid fortir de la prefïe
Dtfiarir. à laHaye un livre fait contre m. Def-
cartes. C’ctoitle premier des ouvrages
qu’on eût encore entrepris de publier
pour combattre &c ruiner fa Philofophie ;
& il étoit de la dernière confequence

que l’auteur y réüfïit ,


afin que les autres
Adverfaires qui dévoient venir après
pufTent en tirer d’heureux augures.
L’Auteur beaucoup en fe pre-
tifquoit
fentant le premier au combat mais il :

eut la diferetion de fupprimer fon norrr,


pour ne pasl’expofer à la flétrifTure en
cas de mauvais fuccés. L’évenement
juftifia fa prudence. Le livre parut pour
les étreines de l’an 1640. Le grand nom
de celui qu'il attaquoit excita la curio-
fité de le voir , &
en peu de temps il fe
trouva entre les mains des Curieux de
France &
d’Angleterre. La chofe tour-
na toute àlagloiredeM.Üefcartes. Ç)n
difpenfa l’Auteur de fe nommer , & l’on
fut

Digitized by Google
de M.DeJctrtes: Liv. V. 1*83

fut indigné feulement de voir que TA- 1640


nonyme eût abufé de l’attente de ceux
qui demandoient autre chofe que des
lottifes ,
contre les principes d’une Phi-
lofophie qu’il étoit queftion de réfuter
ferieufement. M. Defcartes n’en partit
ni plus humilié ni plus élevé ,
& il tailla

ce petit nuage fe diffiper de lui-même.^


*vjn”*
Voetius prenoit fes mefu-res à -rhtfi/de
Utrecht pendant ce temps là , pour
de perdre M. Def- lu'vot*
réüffir dans le delfein
cartes de réputation ,
&rdele faite dé- iu s c°n t '‘

t e [u
cîarer ennemi de la Religion réformée
& des Eglifes proteftantes , par ceux
même qui l’honoroient le plus -de leur
bienveillance r 11 avoit fait foutenir de

fécondés &
de troifiémes théfes,oû il
avoit renouvellé la calomnie del’atheif.
me contre lui, afin de préparer peu à peu ;

l’efpritdu peuple , &


de faire changer
enfuite les bonnes difpofitions du Ma--
giftrat. Mais pour venir à bout de cette
entreprife, il falloir ruiner Regius. C’eft
à quoi il travailla en cherchant dans fes
*

'

leçons &
fes écrits de quoi lui ftifcitec

un procès.
-
Il commença’ par l’examen des opi-
'

mon$ nouvelles que Regius debiroic


É‘i
y
* dans-’1

Digitized by Google
.

184 Abrégé' de U Vie


1640 dans la chaire de Médecine , il lui &
fit un crime devant Tes collègues de tout
'
ce qui ne s’y trouvoit pas conforme aux
maximes des anciens Médecins & Phi-
lofophes ,
établies & reçues dans les ;

Üniverfitezde Hollande. Il fit éclater


enfin Tes plaintes an (b jet d’une théfe on *
difpute publique que ce Profefïèor de - 1

voit faire 10 jour de Juin touchant la*


le

circulation du fang qu’il enlèignok:


comme M. Defcanes & Hatvée ,
mais-
qui pafToitencore pour une héréfie par-
mi les ignorans & le9 entêtez. Il par-
vint par fes intrigues à faire révolter la
plupart des Pt ofefiéuw de l’Univerfité.
contre ce fentiment. De forte que le
Re&eur Bernard Schotanus qui d’ail- ,

leurs éroir des amis de M. Defcartes,<3fc


qui favorifoitmêsne Régies, ne pût re-
aux mftances qu’on lui fit pour'
fifter

l’empccber d’énfeigner fes nouveautez.


Le Re&enr lui propofa la chofe d’u-
ne telle manière qu'il femhloit vouloir
Pexhorter fimplement à prendre quel-
ques mefees pour prévenir les murmu-
res de collègues ,
fes &
ne pas troubler •:

la paix de l’Üniverfité. Regius lui re-


prefenta l’importance qu’il
y a de ne
pas.

Digitized by Google
de M.DéfcàrtèsXiv.V. 185
ou trahir une vérité
pâs rejetter fous
—1640

le
“*
pretexte feul qu’elle autoit le caractère
de nouveauté j
&.de ne pas adopter les
erreurs fous le voile d’une venerable
antiquité. Deforte qu’il fallut affembier
l’Univerfité ,
pour délibérer fur te re-
fus qu’il fèmbloit faire d’acquiefcer au

y fut refolu que


defir de fes confrères.
Il

Regius prendroit quelque autre fujet


qui feroit moins éloigné des opinions
reçues dans la Médecine vulgaire ; ou
que s'il ferme à vouloir retenir
étoit
celui de la circulation du fang au fens de
Harvée , il le feroit au moins par maniè-
re de corollaire ou d’addition à fes thé-
fes , avec la formule ordinaire exercitii
6 anfa defen^e mus.
Voetiusdans le manifefte qu’il en fie
imprimer au nom de l’Univerfité pré-
tend que Regius au lieu d’acquiefcer
à cette délibération , fit imprimer fes-
trhéfes fans autre expédient que celui de

les avoir fait corriger par M. Defcartes '

pour les mettre hors d 'atteinte. Regius


aptés avoir receu fes corrections ,
prie"
occafiou de l’en remercier pour le prier
de vouloir honorer fes théfes de fa pré-
fonce. M'.- Defcartes ysavoir donne' les .

v mainSj-,

Digitized by Google
.

/
i 8 <j jébreq-é de la Vie
1640 mains, pourvu que ce fut dans Pécoifre
ou la tribune de Mademoifelle Schur-
mans , parce qu’il ne vouloir pas être
vu* Mais la chofe n’eut point d’effet*
parce que cette a&ion aiant été différée
jufqu’à la fin du mois de Juin, elle con-
courut avec le déménagement qu’il fit
pour palier de Leyde à Àmersfort à trois •

petites lieues d’Utrecht*


Le grand fuccés des théfes de Régius
les Médecins
déplut fort à V'oetius : &
de la vieille do&rine en murmurèrent .

un peu. Quelques-uns même entrepri-


rent de les réfuter, & entre autres Pri-
merofe & Silvius aufquels il jugea à*
propos de. répondre. Les manières inju-
rieufes &
outrageufes dont il en avoie
été traité,. lui’ avoient tellement échauf-
fé la bile, que fansfonger à fe garen-
tir comme un homme fage du mauvais
effet de -leur exemple, il avoir emploie
contre eux tantôt l’aigreur, tantôt Ja-
plaifanterie ,
lorfqu’il n’étoit queftion*.
que d’une réfutation, ferieufe & mo-
dérée. .

M. Defcartes à qui Regius envoia fa'


réponfe au mois d’Oétobre pour la cor-
. figer à fon ordinaire,. ufa de fon droir*
j.
r . d’autant

Digitized by Google
de M.DeJcartes . Dv.V. iSTÿ
'

d autant plus volontiers, que ceProfef.


fèurl’avoit averti qu’il y alloit de (on
interet. Il corrigea diverfes chofes qui
y
marquoient fa précipitation > il
y en fir

ajouter quelques-unes ; & en fît retran-


cher d’autres ,
parmi lefquelles étoient
lès termes d’aigreur qu’il lui fit bannir
'
en lui montrant l’importance qu’il y a de
traiter un adverfaire avec beaucoup de •

douceur &
d’honnêteté.
Cependant les Curateurs de l’CJniver-
irté d'Utrecht follicitez par Voetius &
quelques autres ProfefTeurs de remedier
aux troubles qu’ils feignoient que les
théfes &
les opinions frnguliéres de Rei
gius commencoient à exciter pa rmi euxï^
o > i
publièrent une Ordonnance pour défen-
dre d’introduire des nouveautez ou des
maximes contraires aux ftatuts de PU-»
niverficé.La chofe étoit afïez équivo-
que. C’eft ce qui porta M. Defcartes àr
la démêler , &
à faire. une explication de
l’Ordonnance des Curateurs en forme
de réponfe. M.Vander-HoolcK l’un des*
principaux Magiftrats de la ville qui fur
même Conful l'année fuivante ,
trouva
cette réponfe fort belle & fort judicieu-
& il goûta merveilleufement le defc»

fei»
*£8 Abrégé de la Vie
i&f© fein qu’avoit M. Defcartes de lai(Ter
*"
continuer Regius dans manière d’en-
la

feigner la Philofophie nouvelle , en fe


contentant de modérer fon zèle , ôc de
reformer ce qu’il y auroit de trop har-
di dans fcs opinions.
Regius n’étoic pas le fèul des dif-
I X. ciples de la nouvelle Philofophie que
'
llZZnt M.- Defcartes eût à inftruire. Il s’en
u siège prefentoit tous les jours de nouveaux
l Ame.
quin’étoientni moins fmcéres ni moins
aidera que luidans la recherche des ve-
ritez naturelles -, mais qui nous font de-
meurez (a plufpart inconnus par l’indif-
ference qu’ils ont rémoignée pour fe
faire connoitre à-d’autres qu’à M. Def-
cartes. C’efl à l’un de'ces derniers ve-
nus que nous fommes redevables de
l’explication de fonfentiment touchant-
le fiége de l’Ame dans le cerveau, qu’il
établidbit dans la petite glande appellée
çonaire ou pinède. Le même Inconnu
qui n’écoit pas un homme de petite con-
fîderation lui 6t déclarer dans le même-
rems ce qu’il penfott des efpeees qui
fervent à la Memvirc qu’il croient ré-
pandues dans tonte la fubftance dta^
cerceau*, qp’il regaidoit^tomme les*
p]is>

Digitized by Google
de M. Defcartes. Lîv.V. ISO
1^40
plis qui fe confervent dans du papier,
après qu’il a été une fois plié.- Projet
d\ tttbLif-
Ce fut pour lors que M. .Defcartes ment en
fut averti du projet que l'on faifoit fans Angle-
terre.
fà participation d’un établiffement pour Amitié'
lui & pour fon ami m. Mydorgeen An- avec Can*
diche-
gleterre fous la ptote&ion & par les
bienfaits du Roy Charles I. M.
Defcar-
tes n’en parut pas fort éloigné fur ce
qu’on l’avoitaflu ré que le Roi ttoit ca -
tbolicjue Le promoteur de
de volonté
cette entreprifè étoitun feigneur An-
gJois nomméeharles Cstve7$disk ou Can~
diche frère du Duc de Newcaftle tons
deux amis de nôtre Philofbphe. Can-
difehe étoit grand Mathématicien.. Il
étoit devenu outre cela éperdument'
amoureuxde ta philofbphie de M Def- .

, & il regardoit fa Méthode com--


cartes
me un excellent moien pour porter les -

Mathématiques à leur perfe&ion..On-


peut'juger de là qu’elle pouvoit être la*
ipie qu’il avoit de voir que M. Defcartes
ne formât point d’obffades aux dedans 1

de fon érablidementen Angleterre. M..


Mvdorge attaché dans Paris par fa fa-;
mille fut plus difficile à ébranler. Le-’
Roi Châties auroit peat-étte levé fès-^

difficuU-

Digitized by GoogI
,
i<)o jfbregé de la Vie
° bonté qu’il avoir eue
difficultez par la

de promettre à M. Candifche de pour-


voir fort amplement à tout. Mais les
commencemens des troubles de la
Grand’Bretagne leur aiant fait aprehen-
de à M.Defçartes & à lui, que les grani-
des fommesque le Roi vouloir deltiner
aux expériences Phyfiques n’allaflfent
aux frais de la guerre , qu’eux-mêmes
ne fullènt privez du repos dont on les
flatoit , & en même temps des autres
effecs de la bonté de ce Prince : ils ref-
lètent l’un en Hollande, l’autre à Pa*
ris , fk continuèrent les exercices de

leur amitié avec- Monsieur Gandifche


comme, auparavant.
Amitié Celle queM.Defcartes entretenoit avec

Mfe™' MideSaumaift ne lui auroit pas été moins


convenable fi celui-ci avoir fait profef-
fion de Philofophie ou de Mathémati-
ques. Ce défaur-n’a pourtant pas em-
pêché qu’on ne l’ait mis aunombre des
Gartéfiens , & il n’a jamais fait un ob-
ftacle à l’amitié de M* Defcartes ,donc
le commerce n’étoit pas borné aux feuls
exercices de Philofophie & deMathé-
jxichaxte manques. Mais comme c’écoit une ef-
bnf/ieur de , y*. t \ •
' î ' s
i >

unmvje. j?ece de ratante attachée a ceux d entra

Digitized by Google
,

de MD . efcartes.. Liv. V. 191


les amis de M.de Saumaifequi avoient
du mérité d’éprouver les effets de fa
mauvaife humeur la bonne fortune de
:

M. Defcartes voulut qu’il fe trouvât en-


veloppé dans leur fort , de peur que Ta
calomnie ne le contât un jour parmi
certains amis de M. deSaumaife qui
avoient l’efprit alfez bas pour eftimer
les défauts de ce fcavant homme *.ou le
9

cœur affez lâche pour les adorer. Il eft


vrai qu’il ne lui arriva qu’une feule oc-
cafion en fa vie d’effuier fon chagrin
mais une occafion de néant : &
il en fut

redevable à fa propre prudence qui le


tint prefque toujours éloigné de facon-
*verfation, lors meme qu’il demeuroit à
Leyde où refidoit M.de Saumaife. Je dis
une occafion de néant , mais jamais elle
‘n'auroitdû même être occafion de cha-
grin à un homme équitable. M. de Sau-
maife fonpçonnoit M. Defcartes d’être
ami de Heinfius qu’il n’aimoit pas. Ce 1

qui étoit d’ailleurs une jaloufie trop


baffe & trop indigne d’un honnête
homme. Mais ce foupçon de m. de Sau-
maife éroit fort injufte, puifque M.Def-
cartes n’avoit de fa vie encore jamais par-
lé à Heinfius , qui bien qu’homme de
mérité*

Digitized by Google
tpi Jbrege de la Vie
mérité & de
grande confideration dans
l’Univerfité de Leyde par Tes emplois Sc
fon fçavoir n’avoit neantmois aucune
relation avec lui. Bien plus , il fçavoir
» que Heinfius avoit averfion de luide-
»> puis long-temps ,
à caufè qu’il étoic
ami de Balzafc quiavoit cenfuréla tra*
gedie d’Herode.

jUèkrotï
M
A s les fuites de la méchante hu-
1

iUeavK meur de m. de Saumaife étoient pour lui


1er lefut-
jg nu U e confequence auprès de celles
d’une facheufe affaire qui penfa le

broüiller avec une Compagnie entière,


dans laquelle il Ce flatoic d’avoir plu-
fieurs amis. Tout fembloit être riant
pour fa philofophie ,
lorfque peu de"
jours après avoir triomphé à Ucrecht
dans les théfes publiques de Regius,.
elle futattaquée à Paris dans d’autres
théfes foutenues au collège de Cler-
mont,
•F hefitdu II crût d’abord que cette conduite
Ur '
di'/tf°
n’étoit que l’accomplifTement des priè-
res qu’il avok faites aux Jefuites de vou-
loir examiner fes ouvrages. Mais fur
l’idée qu’il s’étoit formé de la correfpon -
pondance & de Vunion <jui e(t entre tous
ceux de l'ordre des lefuit es ,iï prit l’a-
larme

Digitized by Google
de M. Dejcartes. Liv. V. 193
1540
larme de ce qui fe fie contre lui par leur
Profelïèur de Mathématiques dans ce
collège , croiant que cela auroit été con-
certe avec Tes fuperieurs ou Tes con-
frères.
Ce Profelïèuc étoit le P. Bourdin
qui voulant refùter deux ou trois en-
droits de la Dioptrique de M.Defcar-
tes,au lieu de lui envoier fes obje&ions,.
comme en avoient ufë Meffieurs de Fer-
mât ,
Petit ,
Morin, & les autres Mathé-
maticiens les avoit inférées à l'ufage
de fes Ecoliers dans fes théfes foûtenues
le 30 de Juin & le i de Juillet par Pim
d’eux nommé Châties Potier qui le fit
quelques années après Cartéfien malgré
fes premières imprefïions.
Le Pere Merlènne non content d'a-
voir publiquement défendu les opi-
nions de fon ami contre l'Ecolier le &
Profelïèur y lui envoia l'extrait de la
théfe qui le regardoit avec le friant-
buU^y c’eft-à-dire le difeours prélimi-
naire , compofé par le Profèlleur pour
l'ouverture de la difpute ,
parce qu'il-
étoit entièrement contre lui, en lui mar-
quant que c’étoit le Profelïèur même'
qui le lui envoioitpar fon miniftére.
M. Defcar--

Digitized by Google
9

1 4 sfbregc âe h Ÿ’ie
M.Defcartes qui avoit oublié la trcf>
•vfaçdts niére dont on fe comporte dans les cal-
lég es > aiant vu le difcours préliminai-
Han^Us
Théfa. re & les articles de la Théfe, s’imagi-
na qu’on avoit eu intention de lui mi-
ré infulte publiquement. Il crud que
les jefuites au lieu de l’avertir de fès
fautes en particulier ,
s’étoient étudiez
à le traduire en ridicule devant le plus
beau monde de Paris. Cela lui fit per-
dre l’indifférence qu’il avoit témoignée
en tant de rencontres pour ce qui fe
pafToit à fon préjudice : & il fe mit fe-
rieufementen colère lorfqu’ilvid que le
Profe (leur, fous prétexte de former im
fujet de difpute à fes écoliers , lui avoic
attribué des opinions qu’il n’avoit poi»r s
pour les réfuter plus facilement. Il eue
peut être tort de ne pas confidérer qu’en
ces occafions les Maîtres font fouvent
obligez de forger des chimères à leurs
difeipies pour les accoutumer au com-
bat -, que tout ce qui dans ces
fe paffè
aétions publiques ,
qu’un jeu &C
n’eft
on divertidement d’efprit ; que ce qui
s’y dit n’efi: d’aucune conféquence con-
tre la vérité des opinions d’un Auteut
qu’on y attaque ; que félon l’ufage des

Digitized by Google
de M'Defcartes. Liv.V. 195
écoles de l’honneur du Maître ÔC
,
il eft 1(340
do Répondant de paroîcre au moins for-
tir vi&orieux de la difpute-, que ces pe-

tits triomphes n’ont qu’un jour.de du-

rée > St que applaudiflemens ne re-


les
gardent ni leMaître , ni les opinions du
Maître , mais feulement l’Ecolier de
qui on eft content, lorfqu’il a bien ré-
pété un argument , qu’il a répondu &
(
bien ou mal ) conformément aux le-
çons de fon Maître.
L’union qu’il croioic êtreei tre tous les. 11 déclaré

membres de la Compagnie de Je fus, lui

fit conclure de l’exemple du P. Bourdin fuit».


qu’il allpit avoir tous les Jefuites fur
les bras , & il regarda dés lors cette
Compagnie comme une armée formi-
dable qui venoit à lui. Il n’en fut pour-
tant pas déconcerté , mais raflemblant
tout fon courage ,
il refolut de marcher
feul contre tons ,
fans s’arrêter à com-
battre ni le P. Bourdin ,
ni aucun autre
en particulier.
Dans cette étrange refolution il s’a-
drella au P. Reéleur du .Collège de
Clermont ,
auquel il écrivit en latin le
11 de Juillet une lettre pleine de vi-
gueur & derefped. Il le conjura d’env

Digitized by Google
1^6 abrégé de la Vie
*64° ploièr Ton autorité pour engager les
Peres de la Compagnie à lui découvrir
J
une bonne fois tout ce qu ils trouvoient
à redire dans fes ouvrages , afin qu’il
pût ou fe corriger ou leur répondre.
C etoic une honnête déclaration de
guerre pour tous les Jefuites en Con
nom. Il crut devoir la confier à une
perfonne fage & difcréte &: par cette
:

confédération il en chargea Ion ami M.


Mydorge pour la rendre au P. Reéteur,
& lui faire comprendre qu’il n’y avoir
aucune témérité de s’être adrefte en
droiture à fa Révérence , après que le
P. Bourdin avoir commencé la guerre
dans les formes , non point par (à théfb
dont il ne feroit plus queftion , mais
par une Velltation ou efcarmouche qu’il
lui avoir envoiée depuis.
répondit à cette velitation en at-
Il

tendant l’effet de fa lettre au P. Reéteur,


qui la receut , non pas des mains de M.
Mydorge qui avoir appréhendé d’attirer
la tempête fur fon ami par cette dé-
marche , mais de celles du P. Merfenne
qui écoit moins fcrupuleux quand il
,

s’agiifoit de commettre les fçavans , de


de faire ,des querelles utiles à l’a-
vance-

Digilized by Google
de M. Defcartes. Liv.V. 197
vancement des fciences. 1640
1
Le Recteur ne parut point mal
fatisfait des raifons de M. Defcanes 8c tC, *,

des fentimens de Ion coeur. Mais il ne perfî»nd

crut pas que Compagnie dût s’inte- ^urtai


la

relTer dans un diffèrent où elle n 'avoir


aucune Il Fe contenta de permet-
part.

tre au P.Bourdin de vuider Fa querelle


perfonnelle comme il pourroit avec lui,
8c au lieu de îépondre à fa lettre , il
ordonna à ce Père de Frire lui-même la
réponfe, & de rendre raifon de fou pro^
cédé à M. Defcartes.
Le P. Bourdin lui déclara dans fa let-
tre qu’il n’avoit pas entrepris, 8c qu’il „
n’fntreprendroit jamais aucun combat «
particulier contre Tes opinions. Mais <«

il lui promit de lui envoier dans huit


jours les trairez , c’eft à dire , les raifons
dont il s’étoit fervi pour ne pas approu-
ver Tes fentimens. Le Terme des huit
jours au bout defquels M. Defcartes at-
rendoit ces traitez étant expiré plufieurs
fois ,
il commençoit à en defefperer
lors qu’il reçut des lettres de quelques
autres Peres de la Compagnie ,
par lef-
q lelles on lui demandoir encor ç/îx mets
de delai . Il ne douta plus que ce ne
Fût

Digitized by Google
Ip8 Abrégé dé la Vie
1640 fut un ftratagéme pdur corriger ces .é-
crits à loifir & les mettre en état de
,

ne plus craindre (a cenfure. Il conjec-


tura par les lettres de ces Peres, que
non obftant l’aflurance qu’on luy avoit
donnée d’une querelle fi nplement per-
fonnelle avec le P„ Bourdin }
il alloit
fe détacher du corps de la Compagnie
unpuilTanr parti de Jefuites contre lui,
pour foûtenir leur confrère.
Jlfe pré- Sçachant que leurs forces principa-
paré cou les confiftoient dans l’art de la Dialec-4
trc 1er
7efuite*' tique ,
dont on fait de grands exercices
dans la Compagnie pour fe rendre aguer-
ri par la dilpute contre toutes fortes
d adverfaires \ il crut devoir de fon coté
recouiir aux aimes de la Scholaftique,
dont il fembioit s’être dépouillé depuis
tant d’années ,
fans fonger qu’il en
dût jamais avoir befoin.
Il communiqua fon delTein au P. Mer-

fenne qui l’attendoit à Paris fur la fin


de certe année , &
il lui en écrivit en

» ces termes. Je ne ferai point encore mon


.

» voiage pour cet hiver. Car puifque je


•> dois recevoir les obje&ions des Peres
» Jefuites dans quatre ou cinq mois , je
w crois qu’il faut que je me riennne en
poflute

Digitized by Google
*

4,

de M. Defcartes. Liv. V. 199


pofture pour les attendre. Cependant»,
j’ai envie de relire un peu leur Philofo- « 1 _—
phie 4 (
ce que je n’ai pas fait depuis, to «*

t
ans , ) afin de voir fi elle me femblera «
maintenant meilleure qu’elle ne faifoit «
autrefois. Pour cet effet j je, vous prie «
de, me mander les noms des Auteurs qui «
ont écrit des cours de Philofophie , lefr «
» quels font les plus fuivis parmi les Je- «
fuites,& s’ils en ont quelques nouveaux. «
Je ne me fouviens plus que, des Corinne «
ï

• ?!*"> ..-J' i,; .Vf.
:
•>• t ; <

Il le pria auflt de lui mander fi l’on 7/ tmtn*


n’avoit pas fait quelque abrégé: ou *
compendium de toute la Philofophie-de
l’école qui fût fuivi pour s’épargner, le w*
'

temps de lire les gros livres des Schof-


s
laftiques , à peu prés comme avoit fait
le F eu i liant Euflache de S. Paul, ,
. *
; Le P. Merfçnne ne put lui indiquât
! _que de Raconis qui fe trouva moins prq-
!
pre à fes defleins,que le Feuillant. Mais
5 fil puilFamment à ne, point ér
l’exhorte,
-pargner ja Philosophie de l’Ecole* tejljp
qu’on l’enfeignoit alors dans, les Collè-
ges , croiant que l’heurç de la facrifier à
la Vérité étoit venue j & lui fâûfent en-
..ICfldre qu’il étoip le feuldç qui les aroa-

3; i^iTrôi K teurs

Digitized by Google
,

ico jébregé delà Vie


1640,' teurs de la Vérité & de la Sagefle atten*
-- .«» d oient ce fervice.
M. Defcartes lui répondit le n dé
Novembre qu’il ne croioit pas la Philo-
sophie de l’Ecole difficile à refluer ,
à
caufe de la diverfité des opinions qui s’y
*
enfeignent. 11 lui déclara en même temps
• les vues qu’il avoit fur la Philofophie pat
raport à celle des .écoles.
Son deffiein étoit. d’écrire par ordre un
5
cours entier de fa Philofophie en forme
:i (de théfes ,
oô fans aucune fuperfluké de
d il cours ,
il mettroit feulement toutes
(es concluions avec les vrayes raifons
•< . d’othïl les tiroir : Ce qu’il efperoit pou-
'
Voit faire en peu dé mots* Dans le même
livre fuivant fon projet, il devoit faire
imprimer un cours de la Philofophie
vulgaire *td que pouvoir être celui du
^Feuillant ,
avec fés notes à la fin de
•chaque queftion oii il prétendoit ajou-:

ter les diverfes opinions des autres


•ce qu’on devoit }croire dé tbütes félon
lui. Enfin il faifok efperer pbur fetvit
dë çontlufion à fon ouvrage, c^u’il fe_
-roit un jjaralellë ou comparailon des
deux Philofôphies , c’eft à dire , de la
-fienne & de celle des autres. U fut fibo-
-> 3 A lement

Digitized by Google
*

de Âd.Defcartes. Liv.V. ioi


lement en peine de fçavoir fi le Feuil-
lant écoit encore au monde , parce que
p’en voulant ni à fa perfonne pi à fes
écrits en particulier , il vouloir ufer de
ménagement & de toute (ôrte d’honnê?
teté à lôn égard. Pour les Conimbres,
c’efi: à dire le cours de Philolbphie des
(
Jefuites de Conimbre en Portugal , ) il
les trouva trop longs. Mais il auroit fou-
haité qu’ils enflent écrit aufli fiiccinte*
ment que le Feuillant
,
parce qu'aiant
affaireaux Jefuites , il auroit préféré,
leurs cours à tous les autres.
Cette année parut fatale à nôtre xir.
Philofophe pat la perte qu’il fit non Mort dt
fon Ttrt
feulement de trois ou quatre de les a- 0- de J
mis Mathématiciens ou Philolonhes, fiUc ,
mais principalement des deux perfon-
nés les plus cheres qu’il eût au monde,
la fille Francine , & fon Père Doien du
•parlement de Bretagne, qui mourut au
jâiois d’Odobre âgé de 78 ans.

: Francine étoit morte dés le 7 de Sep-


tembre à Amersfort âgée feulement de
«cinq ans. 11 la reconnut publiquement
pour fa fille , quoique nous n'en con-
connoiflions point la mere , &
que
nous n’aions aucune preuve de fon ma-
i ...... Kij riage

Digitized by Google
loi Abrégé de la Vie
1640. f tage. H tapleura avec une tendreflè
. qui lui fit éprouver que la vraie Philo-
fophie n’érouffè point le naturel. La
douleur en eut étoit capable de
qu’il
foire conjecturer que cette entant étoit
unique. Mais les médifans n’ont rien
oublié pour lui en fubftituer d’autres,
La calomnie quoique fbûtenuc par l’au-
torité &
les écrits d’un grave Miniftre
des Reformez d’Utrecht lui parut fi mal
établie qu’il fe contenta d’en rire’, SC
,
de répondre au reproche que lui en fai-
foit fon ennemi
,
que n’aiant point fait
'
vœu de chafteté , n’étant point &
exempt des fbibleflès qui font naturel-
les à l’homme, il ne feroit point diffi-
culté de les avouer publiquement s’il en
-avoir. Mais encore qu’il n'en eût au-
cun,il confentoit neanmoins de ne point
palier pour un grand Saint dans l’efptit
d’un Miniftre qui n’avoft pas grande
opinion de la continence des EcclefïaC-
tiques de l’Eglife Romaine qui vivent
*
dans le célibat. .

ne tarda point à reparer la brèche


Il

qui s’éroit faite à l’intégrité de vie dont


il honoroit fa folitude & laprofeffion de
fa PluIofophi:e ; & il rétablit fon célibat
. : '
\
l dans

Digitized by Google
D

de M. ejcàrtes. Liv.V. zo $
dans fa première perfe&ion ,
avant mê-
me qu’il eût acquis la qualité de Pere^
Au refte le Public' n’auroit jamais fçeu
cette circonftance humiliante de fa vie,
s’il n’en avoir fait lui- même une con-
fêffion publique en écrivant l’hiftoire
de fa Francine fur la première feuille
d’un livre qui devoit être lû de plu-
fieurs.
Trois fem^ines après la mort de cette
enfant, il quita la ville d’Amersfort pour
aller reprendre fa demeure à Leide. Il auprès

étoit dégoûté- du voifinage d’CJtrecht à ju^'ine


çaufè des intrigues de Voetius qui répan-
doit l’allarme dans tout le pays , vou-
lant faire regarder Regins , comme un
broüillon fufcité pour troubler les Eco-^
les,& M. Defçartes comnie un ennemi>
de la Religion Proteftante, & un ef-
pion envoié de France contre les inté-
rêts des Provinces unies. Ne jugeant
pas le fecours des Ecrivains de fa fc&e.
&de Ion pays fuffifant pour l’extermi-
ner , il crut en devoir chercher parmi
les Catholiques, & dans le cœur même,
de la France. Pour en obtenir ,
il falloir

félon lui changer de langage. Il tâcha v

de leur perfuader qu’ils avoient affaire.


K iiÿ' à

Digitized by Google
104 Alrege de la Vie
à un ennemi commun , & qu’il s’agifr

164.0
foie de défendre la Religion en genefat-
contre un Sceptique &
un Athée, à quoi
les Catholiques n’étoient pas moins in-'
terellez que les Proteftans. 11 alla folli-'
citer les efprits julqu’au fonds des cloî-
tres de Paris, &
il eut la hardiefle mê-

me de tenter le P. Merfenne , fous pré-


texte que ce Pere étoit déjà tout aguerri ;

contre les Athées &


lesDeiftes quila-
voit combattus par divers ouvrages. IP
reprefentaà ce Pere qu’étant d’ailleurs*
Philofophe &
Géomètre , ce travail è-
!

toit digne de jon érudition & de /4 fub -


tilité. Et pour l’y engager avec des
termes encore plus preflans ,
il lui dit
qu’aprés s’être montre jufques-là ,
le
défenfeur de la Vérité dans fa manière
de traiter la Théologie , il ne dévoie
pas douter que la même Vérité ne l’at-
tendit pour la garantir de la vexation
de ce nouveau Philofophe.
C'étoit peut-être la première fois
qu’on avoit entendu les Minifties Pvo-
teftans féliciter des Catholiques Jlo-
mains,& fur tout des Religieux d 'avoit
heureufement défendu la Vérité en ma-
tière de Théologie. La chofe étoit d'au-*
- ..
•* tant

Digitized by Google
. de MjDejcartes.î^îv.V. io<$
tant plus remarquable que Voetius fèm- <1^49
bloit devoir être le dernier de qui on

'

eût dû efpérer une (emblable cofifeflïon;
après s'être déchaîné fans fujet contre
l’Eglife Romaine en d'autres occafions 9
- & s'être broüillé même avec quelques
autres Miniftres,qui n’avoient pû fouf-ï
frir fes excès 8t fes impoft ures. Mais
comme les Catholiques ne fçurent au-
eun gré de cet aveu à Voetius , que &
I,es Proteftans ne lui en firent anciiïi
crime : on le regarda comme une fuite
du dérèglement de fon efpcit ,
auquel
les uns & les autres étoient déjà tout
accoutumez. ne falloit point d'autre
11
marque de ce déreglement que la ma-
ligniréavec laquelle il afïêâroic de faire •’
r

patfèr M. Defcartes pour un Jefaire fau“-


afin de le décrier de le rendre &
pdieux par un autre endroit.
- Le P. Merlènne feignit de fe laifîec

attirer aux enchantemens du difeoursde


Voetius 5 &
pour montrer qu'il éroit
encore plus ami de la Veriréquede M.
Defcartes, il lui promit le miniftérede
fa plume, pourvû qu’on lui fourniftde
la matière & des raifons fuftifantes pout
attaquer les opinions de ce Philofophk
t
-j
\ . i Kiiij On

Digitized by Google
'
106 Abrégé de la Vie •

V64.0 On prétend que ce Religieux parloir


—— - tout ferieufement. Voetins en fur fi per-
fuadé qu’il répandre incontinent le
fit

bruit que le P. Merfenne écrivoit contre


M. Defcartes. Il chercha enfuite des
matériaux de tous cotez, & follicita tous
fes amis pour envoier du feeouts au P.
Merfenne. Mais une année emiere fe
pafla fans qu’il pût faire tenir à ce Père
autre chofe qu’une comparaifon qu’il
avoit faite de M. Defcartes avec Vâhin,
le priant de bien faire valoir ce mor->
ceau comme une pièce importante > &C
de mettre dans un beau jour le paralellé
du nouveau Philofophe avec cet impie
qui avoit été brûlé à Toulouze.
if Ro* On n’étoit point (ans doute fi mal in-
l- appelle tentionné pour M. Defcartes à la Coût
de France, puifque le Roi Loüis XIII.
frofoft- fit mander fur la fin de. cette année ou

notables .
le commencement de 1 autre qu il vou-
mais en i 0 c reconnoîcre publiquement fon mé-
i

rite. Ce Prince averti par le Cardinal

de Richelieu, ou par ceux qui lui avoicnt


prefenté fon livre, que cet ornement de
fon Roiaume de fa
feroit toûjours hors
place, tant qu’il lèroit hors de fes états,
fongeoit à le placer dans un rang a fiez
' • ,
>: élevé *

Digitized by GoogI
.

de Ad.DeJcartes.LwiV. 207
élevé,
(oit à la Cour , Toit dans le Parle- i&f 0 *
ment , pour le faire voir à tous fes peu- '

pies *, & à lui faire foûtcnir ce rang par


une groflè penfion. Mais il n'y eut point
de (ollicitations allez fortes pour le fai-
re fortir de (à retraite, il regardoit les
delices de la Cour & les occupations les
>lus glorieufes des Confeiis& des Par- J
feraens, comme
également préjudicia-
bles au repos &
au loifir dont il avoit
befoin pour fervir le genre humain dans
la profefiion qu'il avoit choiiie. Et fai-
fant infiniment plus de cas des bontez de*.
(on Roi que de tous les honneurs de & '

toutes les richefles dont il l'auroit voulu


combler, aima mieux vivre feul
il coq- & •

tent dans de perpétuelles reçonnoiflan- 5

ces pour ces bontez , que de s’expofer


au hazard de perdre les avantages de fa
Philofophie , fous pretexte de vouloir
foûtenir le poids de ces honneurs, de & t

juftifier le choix d*un fi grand Prince. f ;

:
m ’«'• .

>. f
î. 1 i* i . ;
.~j.fi â »*'.

• *•
. •
: r.' . •(

*
.
•(» :
•; •/.'.rr r, >J r . ,

a- su.; a i ;*•

Kv

Digitized by Google
ro8 Abrégé
O de U Vie

16 41

LIVRE SIXIE’ME.
Depuis 164t. jufqu’en 1644.

I. E F u t en 1^41. que l’on vid


rubiica- a naroîtrecn public le fecond des
non de Jet A . '
f , . _ _
Médira- Ouvrages de M.Defcartes avec
^ Privilège du R°y & l'approbation des
uphfi-'
1

fîtes. Do&eurs a
tât iont
Paris fous le titre de M édi-
touchant la première Pbilofo-
phicyou l'on démontre ïéxtflence de Dieu,
& l'immortalité de V Âme. Mais il faut
refnarquer que ce fut contre l'inten-"
:
tion de rAtiteür qu'on laid a gliffer le
' niot d'immortalité ait lieu de celui et trn-
1

J
matérialité. '

Cet ouvrage dont il pretendoit que


nous ne devions la publication qu'a fa
confcienCejétoitd'ühecorripofition pins .

ancienne,qne fes Bfais , puifque c etoit


le premier fruit de fà retraite en Hol-
lande. L’importance du fujet l’avoic
porté avant que de le mettre fous la
preflè , à le faire voir aux plus habiles
Théologiens de l’Egüfe catholique , 8c
v à quel.

Digitized by Google
Je Ad Xiefcartë$\L iv.Vl.
1641
à quelques fçavans même des autres
communions qui paiToienc pour les plus

fùbrilsen Philofophie 6c etiMetaphyfi-


que * afin qu’il puft profiter de leurs
cenfures Répondre à leurs difficultez
de faire imprimer leurs objections & fes
réponfes en même temps que (on traité.
Son Manufcrit fut plus d’un an pour,
cét effet entre les mains du P. M rfen-
ne,qui avoit commiffionde lui de cher-
cher à cet ouvrage desCenfeurs ou deë
Approbateurs de toute robbe^tandis que
de fon cofté il fit la même chofe dans les
Pays-bas Catholiques 6c Proteftans..
Il voulut même le dédier à Meilleurs
de Sotboime , c’eft à- dire à toute là
Faculté de Théologie de Paris par ce
,
dit-il
,
que les cavillations de quelques
perfonnes l’avoicnt fait refondre a fe
munir cC orefnAvantde V autorité d'au-
trui , puifque la Verité ejl fi' peu eftimèc
lors gu elle ejlfeula. II recommanda cet-
te affaire au P, Gibieuf de l’Oratoire
fbn ami ,, qui par fa capacité s’étoit mis _
en grand crédit dans la Sorbonne II. ^ &
parmi tous les habiles gens \ 6c laifïà s

le foin de tout le telle au P. Merfenne.


Zmli* ’

T a^dïs que ce Pere cherchoit des 1


««»'.

2-.-- K yj cenfeurs

Digitized by Google
1
zio Abrégé de la Vif '

?4* cenfeurs à Ton ouvrage , & qu’il ramaC


foie les objections des Théologiens Sc
Philolôphes qu’il pouvoir trouver à Pa-
ris , il en reçût un Abrégé des princi-

paux points qui touchoient Dieu de


l’Ame humaine, pour fervir d’argument
à tout l’ouvrage, qu’il avoir divifé en
fix Méditations •
Dans \& première il propofe les rai-
(bns pour lesquelles nous pouvons dou-
tergénéralement de toutes chofes , &
fur tout des materielles
,
jufqu’à ce que
nous aions établi de meilleurs fonde-
roens dans les fçiences que ceux que
nous avons eû jufqu’à prefenk 11 fait
voir que l’utilité de ce doute general
confîfte à nous déli vrer de toutes fortes
de préjugez , à détacher nôtre efprit des
fens, &
à faire que nous ne puiffions
plus douter jamais des chofes que nous
reconoitrons en,fuite être rres-veritables.

Dans lafaconde il fait voir que l’Efc


prit ufant de ta propre liberté pour fup-
polèr que les chofes de l’exiftence des-
quelles il a le moindre doute n’exiftent
pas en effet ,
reconnoit qu’il eft impoffi-
ble que cependant il n’exiftepas lui mê-
me, Ce qui fett à lui faire diftinguer les

choies

Digitized by Google
;

de M.Dejcartes.lAViVI.
choies qui lui appartiennent
w
d’avec
,

celles qui appartiennent au corps,


i Dans troijième il développe le
la

principal argument qu’il a pour prou-


ver l’exiftence de Dieu, fans emploiet :

aucune comparaifon tirée des choies


corporelles.
- Dans la quatrième il prouve que tou-
tes les chofes que nous concevons fort
clairement & fort diftinétement font
toutes vraies. Il
y explique auffi en quoi
confifte la nature de l'erreur qui (è trou-
ve dans le jugement, & le difcernement
du vrai & du faux.
:"Dansl z cinquième il explique la na-
ture corporelle en general. Il
y démon-
tre encore lexiftence de Dieu d’une
nouvelle manière ;
& il fait voir que la
certitude même des démonft rations géo-
métriques dépend de la connoiffance 1

de Dieu» .

Dans la fixiéme il diftingue l’adtior» '

de l’entendement d’avec celle de l’ima-


gination. Il
y montre que l’Ame de
l’homme eft réellement diftinébe du
corps , & que neanmoins elle lui eft fi
étroitement unie qu'elle ne compofe
;

que comme une même chofe avec lui.


r ~
; n
tït ; ~j4bregê de U Vit S
Ï64Î II
y expofè auflî toutes les erreurs qui
— — 1
procèdent des fens , avec les moiens de
tes éviter.
y rapporte les raifons
Enfin il

dont on peut conclurre 1 exiftence des


chofes materielles, . /
Minière
dont elles
„ .
Il faut remarquer que l’Auteur ne
font écri- s’eft point attaché dans tout cet ouvrage
tes .
à foivre l’ordre des màtiéfes
,
mais feu-
lement celui des raifons, C’eft-à-dire
qu’il n’a point entrepris de dire en un>
iftême lieu tout ce qui appartient à un?
même fujet, parce qu’il lui auroit été;
fouvent impoffiblede le bien prouver,:
dautantqu’ily avoit des raifons qui de-s
voient être tirées de bien plus loin les
unes que les autres. Mais en raifonnanrr
par ordre , e’eft-àdite , en commen-
çant par les chofes les pins faciles pour;
palier enfoite aux plus difficiles ,
il en «

déduit ce qu’il a pu tantôt pour une;


matière, tantôt pour une autre. Ce qui»
éfoit à fon avis le vrai chemin pour trou-
ver précifèment la Vérité, & pour la bien»
expliquer. U eftknoit que l’ordre des*
matières n’eft bon que pour ceux donc-
toutes les raifons font détachées,
qui» &
peuvent dire autant d’une difficulté que»
«Tune .«awc^üih atîiâm qlw ’i.vivj ,-p»
il

Digitized by Google
f

de M. Dejcartes, L iwV I . if
‘ C’eft pour cela qu'il ne jugeoit pas 164&'
à propos , ni même poffibfe d’inferer
’ ~" ~
dans le texte de lès Médications la ré-
ponfe aux Objeéhons qu’on y pour - 5

roit faire
,
parceque cela auroit inter- r

rompu toute la fuite ,


S>c auroit même
ôté toute la force de fesraifons, laquel- •

le dépend principalement de ce qu’on


doit détourner fa penfée des chofes fen-
fibles, d’où la plufpart des objections
1

féroient tirées. Mais il avoit mis celles ‘

<]ui lui écoiént déjà venues des Païs-bas


'

a la fin de fon traité , pour fervir demo*


déle aux autres s’il en venoit , pour&
montrer le rang où l’on pourroit les fai-
re fuivre dans l’impreluon en inferanr
fes réponfes à la fin de chaque obje-
ction..
Ces premières objèÜioni avoient pour v!eniertr
° ie *°
Auteur M. Catcrus ou Catters Do&eur
dè Louvain emploié dans les Mi fiions
de Hollande. Il les accompagna de tou-
tes les honnêtetez & de route la mo-
deftie qui précédé & qui conduit ordi-
nairement les vrais fçavans , & les ama-
teurs de la Vérité. Elles étoient adrelTées
à deux de fes amis Bloematt& Bannius y
qui étoient aufil ceux de M. Defcartes-,
1

Digilized by Google
,

M4 .1 jihreçe de U Vtc T
:•),

1541/ & qui connoiffànt la capacité de «ce

b— — Doéteur , les lui avoient demandées les-.

plus fortes qu’il pourroit les faire pouç »

fuivre les intentions de nôtre Philofo- ;

phe. Les deux amis les avoient envoiées \


àM. Defcartes telles qu’ils les avoient;
reçues, & ce fat à eux pareillement
qu’il adrelTa là répotife qu’il 6 *. U ;

tâcha fur tout de ne pas fe laiffer vain-


cre en honnêcetez, & en témoignages
d’eftime pour M. Caterus dont il fe fit
un nouvel ami pour le refte de fes
jours. ;
-

- Le P ere Merfenne pour lui faire

III. voir des effets de fa cotomiffion , lui en- •

Secondes voia dés le mois de Janvier les objec-


,eaums.
t ^ Qns av<? t pû recueillir de la bou-
j

che des Théologiens & des Philofophes


•• qu’il avoir consultez dans Paris. Leurs
difficultez n’étoient ni fort confidera-
bjes ,
ni en grand nombre quoique ce
;

Pere eut tâché d’y joindre quelques»


unes, des fiennes, bc qu’il eût fait for\
poflîble pour en faire naître aufli fur
la réponfe aux premiers obje fiions qu’il
lui avoir fait tenir dans le deflein de la
faire examiner avec le refte. Il parut à
Defcartjejp que ct^feçondes obje [lions

h avoient 1

Digitized by Google

de M. Defartes. Liv.V L %if


avoient été faites par des perfonnes fin- ——
^4 T*
céres , &
perfuadées de la folidité de (es I(

principes. y une réponfe fort exac-


Il fit

te. Et parce que les Auteurs de ces ob-


je&ions avoient témoigné par la plu me
du P. Meifenne que ce feroir une cho-
ie fort utile ,fi à la fin de fes folutions ,
après avoir premièrement avancé quel-
ques définitions , quelques demandes ,
éc quelques axiones , il concluoit le tout
félon la méthode des Géomètres afin
5

que d’un feul regard les le&eurs puf-


fent voir ce qui devoir les Tarifai-
y
re: il fut ravi qu’ils lui eu fient fait une
propofition fi agréable, & facile à exé-
fi

cuter. Il joignit donc à Ta réponfe pour


leur fatisfa&ion un autre écrit conte-
nant les raifons pour prouver l'exiften-
ce de Dieu, &
la diflinüion qui eft en-{
tre l’efprit & le corps humain , difpo-
fées et une. manière géométrique. > '

Il n’àvoit pas achevé de répondre aux rroi/U-


qu il reçut celles du
fecondes objettions , mei <#*•
s
fameux M. Hobbes Philofophe Anglois ’u. n*h\
qui cherchoit depuis longtemps l’occa- btt *

non de Te faire connoître à lui. Le P.


Merfenne la fit naître en lui communi-
quant la leéture du raanuferit des Me-
ditations

Digilized by Google
'
n£ 'Jhrege de U Vie
y
: ditations pour faite des obje&ions£
y
* ^ mais ii lui déclara que le moiende me*
riter (on amitié &
fon eftime etoit düf
ne le pas épargner. M. Hobbes le crut*
Le Pere envoiant ces objections a Mv
Defc3rtes>les avoir accompagnées d’utf
mot de recommandation pour fonatnÿ
afin qu’il connût fon mérité , & qu
il.

fçûc de quelle Philofophie ce (çavanfc


Anglois taifbit ptofefïion.
M. Defcartes ravi d’apprendre que
le nombre des vrais Pbilofophes
fut
augmenté d’un aufïi noble fujet que-
toit M. Hobbes , voulut érudier fon gé-
nie dans fes objedlions. Mais il ne les
trouva point afiez propres pour lui faire
juger de fa folidité &
de fa profondeur*
Ü inféra dans le corps même de ces ob-^
je&ions la réponfe qu’il y fit à chaque
article. C’eft ce que nous avons fous le
de Troifièmes obieftions.
titré \
Am. Nonobftant la prière que M^ DeC.
êffjtiïiont
^tes avoir faites au Pere Merfenne:
fiobbtt. de ne lui point envoier d’autres, ob'4'
jedions que celles qui regarderoienc
lès Méditations Métaphyfiques , ce
Père ne pût s’empêcher de lui commu-
niquer les remarques que M. Hobbe$
tuü'üLub ayoît

Digitized by GoogI
de M. Défunts. Liv.VI. 2.17
avoir faites fur fa Dioptrique, ni M. 1^41.
Defcartes lui refufer la fatisfa&ion de
répondra à fonami , M. Hobdes de-
buroit dans fon écrit parun commen-
cement pui ne regardoit point la Diop-
fripte de M. Defcartes. Il y parloitde
Dieu & de l'Ame comme de chofes cor-
porelles. Il y difcouroit fur fon efprit
interne qu’il établiffoit comme le Prin-
cipe de toutes chofes , & il y traitoic
beaucoup d’autres fujets étrangers qui
étoient éloignez de ce qu’il avoir entre-
pris d’examiner. Car encore qu’il pré-
tendît que la matière Jnbtile de celui-ci
file la même chofe que fon efprit interne*

l’une n’étoit nullement reconnoifïable


dansl’aurre. M. Hobbes brune longue
réplique qui fut envoiée à M. Defcartes
dés le 7 de Février. Mais tout le com- -

merce de c ette paifible difpute refidoie


dans le P. Merfenne qui en étoit le cen-
tre, fans que M. Defcartes & M. Hobbes
s’ècriviflent immédiatement. Leur com-
munication ne s’étendit point au delà>&
quoique M. Defcartes enviât une der-
nière réponfe à la réplique de M. Hob-
bes il pria ce Père ou delà tetenir pour

lui feul , ou de la débiter de fon chef ,


fans

Digitized by GoogI
lîg ; Abrégé de* U Vie :

^4 f •
I(
fans qu’il parue à M. Hobbes oii à d’au-
*’" * très qu’elle futvenue de plus loin que
du Couvent .des Minimes de Paris.
Il marqua en même temps à ce Père

les raifons qu’il avoir de rompre tout


commerce avec cet Angiois afin de
pouvoir le conferver au nombre de ces
amis du commun qui s’eftiment de loin,
& qui s’aiment fans communication II
lui manda de nouveau l’opinion qu’il
avoit de cet efprit , qu'il jugeoit opiniâ-
tre, & dangereux meme dans fa fingu-
ne fût pas doiié d’une
laritéj quoiqu’il
grande juftdfe ni d’une grande force
pour le raifonnement.
,DANS toute la Maifon ou Société
de Sorbonne, il ne fe trouva pas un
Cenfeur de M. Defcartes , quelques
foins que le P. Gibieuf le& P.Mcr-
fenne priirent pour lui en procurer. Il
en faut excepter un jeune D odeur ou
Licenrié , lequel aiant lu autrefois les
Efiaisde la Méthode de nôtre Pbilofo-
phe avec plaifir avôit acquiefcé aude-
firdu P. Merfenne, efpérant retrouver
le même plaifir dans la le&ure des Mé-
ditations.
CeDo&eur étoic le célébré M Ar-
naud

Digitized by Googl
de M. Defcartes.Liv.Vl. 2.19
ftand âgé pour lors de prés de \<) ans.
N'aiant pû obtenir du Père Merfenne
qu’il liroit les Méditations gratuitement,
il fe crud obligé de foire deux perfon-
nages dans l’examen qu’on demandoifc
de lui. Il parut d’abord en Philofophe
pour reprefenter les principales diffi-
cultez qu’on pourroit objeéter à M.
Defcavtes touchant les deux grahdesqué-
ftions de la nature de nôtre Ame de &
l’exiftence de Dieu. Il fit enfuite la fonc-
tion de Théologien pour marquer les
choies qu’il jugeoit capables de cho-
quer les oreilles accoutumées aux ex-
preffions ordinaires de fa Théologie.
M. Defcartes n’avoit pas encore eu
d’adverfaire plus raifonnable ni plus ha-
bile que ce jeune Dotteur qui non con-
tent de s‘être rendu très profond dans
toutes fortes de connoitîances faifoit
•encore regner un efprit parfaitement’
géométrique dans tous fes raiionne-
mens. Mais au lieu de perdre le temps
à l’admirer , il mit toute ion application
à lui répondre. Ce qui lui donna d’au-
tant plus d’exercice qu’il avoir à fatis-
faire un efprit auquel il ne lui étoit pas
poflible , d’impofer ou de donner *
le
> change,
no Abrégé dé U Vie
1041 change , &
qu'il s’agifloit de foudre
y en même temps des difficultez tres-fo-
lides & tres-fubtilement propofées.
Il manda au P. Merfenne qu’il n’au-
roic pu fouhaiter un examinateur de (on
livre plus clair- voiant &: plus officieux.

Qp il en avoit été traité avec tant de


douceur & d'honnêteté, qu’il ne pou-
voir prcfque s’imaginer que ce fut un
adverfaire qui eût voulu écrire contre
lui : mais qu il avoit examiné ce qu’il
avoit combattu avec tant de foin ,
qu’il
efpéroit que ne lui (croit échapé ;
rien

& que Tes manières vives &


pénétraiv
tesà poullèr Jes chofes aufquelles il ne
pouvoir accorder Ton approbation, lui
faifoient croire qu’il n’avoit point eu
la complaifànce de lui rien diffimuler.
Il envoia fa réponfe au P. Merfenne

Je jour de Pâques , avec un remerciV


ment à M. Arnaud pour deux bons of-
rendus en écrivant
fices qu’il lui avoit
contre lui. Le prémier étoit d’avoir pro-
pofé les raifons de fon livre , de telle
manière qu'il fembloit avoir eu peur
due les autres ne les trouvaient pasak
fèz fortes &c convainquantes. L’autre
, droit de l’avoir fortifié d’un grand fe-
1

j
' cours

Digitized by Google
Je M. D e/cmes. Liv.VL-iii
«bats en le munifTant de l’autorité de 1^4*
(àint Auguftin, dont la Philofophie a-
voit pour bafe &
foûtien le premier
principe de la fienne, .

Après avoir confideré longtemps la


force des argumens de M. Arnaud tou-
chant la Philofophie , il jugea qu’aianc

tâché de refoudre ceux qui regardoient


la nature de l'ame ou de l’efprit humain,
il devoit changer de méthode ,
craignant
de ne pouvoir pas refifter a la force de
ceux qu’il lui avoir propofez touchant
Ycxiftence de Dieu , C’eft pourquoi au
lieu de fe mettre en devoir de foutenir
(es efforts comme il a voit fait jufques-
là , voulut imiter ceux qui ont à Ce
il

défendre contre un advevfaire qui a l a-


vantage : &
il ne s’étudia plus qu a
e-
viter adroitement fes coups pîûtôt que
de s’oppofer dire&ement à leur vio-
lence.
Quand il envenu à la réponfe
fut
qu’il avoit à aux difficultez qui
foire

pouvoient arrêter les Théologiens , il


déclara qu’il s’étoit oppofé au xpremié- «
f

res raifons de M. Arnaud concernant « ([

Tefprit humain ;«) qu’il avoit tâche de <c


paret'les' fécondés (
concernant T’exif- «
Æ tcnce

Digitized by Google
ziz. Abrégé de la Vià '

tence de Dieu mais qu’il donnoit en-


> )

tièrement les mains aux troifièmes , ex-


cepté la dernière qui concernoit l’Eu-
chariftie , à laquelle il entreprit de ré-
pondre.
M. Arnaud avoit donné à M. De£
cartes divers avis également importans
& judicieux pour aller au devant des
chicanes qu’on pouvoir appréhender dé
la part des efprits mal intentionnez. Mi
Defcartes voulant faire voir la défécen*
ce qu’il avoir pour fon jugement & I’e£
time qu’il faifoit de fes confeils, envoià
au P. Merfenne feparément de fa ré-
ponfe les endroits que ce Doéteur jü-
geoit à propos de retoucher de chan- &
ger dans fes Méditations,- Il pria ce Pe-
re de faire mettre les additions ou cor-
rections dans le texte même de fon ou-
vrage mais feparées.avec des crochets
}

par manière de paremhefes,afin de mon-


trer là docilité qu'il avoir pour les avis
d’autrui ,
fans prétendre s’en attribuer
la gloire , & d’exciter pat une generofî-
té Ci modefte tous fes examinateurs &
fes adverfaires mêmes à donner de
lui

fèmblables avis dans Vçfpérance d’une


iuftiçejfemblabk# '•
:_>/.

Ls ’
n

Digitized by Google
ÆM.D^rw.Liv.Vl. 12.3
Il fouhaitoit que M. Arnaud vît fa T

téponfe afin qu’il en jugeât, & qu’il pût


lui communiquer fes répliques ou lui
donner de nouveaux avis. Mais la chofe
n’alla pas plus loin : & M. Arnaud té-
moigna au P. Merfenne qu’il fe tenoit
pleinement fatisfait.il ajouta qu’il avoit
lui-même enfeigné , &
publiquement
foûtenu la même Philofophie en partie >

qu’elle avoit été fortement combatuë en


pleine aflemblée par plufieurs (çavans
hommes mais qu’elle n’avoit pû être
ab.ituë ni même ébranlée.
Cette difpofition forma dans M. Def- ^
cartes un préjugé pour la Philolophie m. Défi
ar e
d’autant plus avantageux, qu’il jugeoit c /j{.
'

pg
cet Adverfàire moins capable d’erreur Arnaud.
dans fes connoiffances , ou de diffimu-
lation dans fa conduite. Il ne fit point
difficulté de mander depuis aux Pe-
res de l’Oratoire, que tout jeune Do-
cteur que fût M. Arnaud , il ne laiffoit
>a? d’eftimer plus fon jugement que ce-

{ui d’une moitié des Anciens de toute la


Faculté.
De toutes les objedions qui fe firent
contre fes Méditations ,
il ne s’en trou-
va point à qui le Public fift plus d’hou-
L neur

Digitized by Google
-

22-4 ÀbregêdeU Vie


neur qu’à celles de ce Doéteur : Si M,
Defcartes les jugeant préférables à tou-
tes les auttes, ne fut point honteux de
•s’en faire honneur de fon côté comme
d’un nouvel appui pour fa Philofophie.

Il ne tint pas à lui qu’il n’entretinft cet-


te habitude naiflfante avec un ami de
cette importance. Mais M. Arnaud,
quoique grand Philofophe Sc grand
Geométre, avo t deflors tellement dé-
voué fon temps à la Théologie, qu’il ne
lui en reftoit prefque plus pour les exer-
cices des fçie ;ces humaines. De forte
beaucoup
qu’ils s’aimèrent depuis fans
de communication , mais neanmoins
avec tant de fympathie du côté de M.
Defcartes ,
qu’il croioit avoir fujet de
- craindre que les ennemis de M. Arnaud
V. ne fullent aulîi les liens.
messie'
O u t R e les objeéfcions de M. Hob-
ili.ns par bes Sc de M. Arnaud il reçût encore cel-
^ l es M
• 4SalTendi, qui étoit venu de fa
(etidï.
.province à Paris fort^à propos pour
y
travailler. L’amitié de ces deux Philo
fophes étoit allez ancienne , mais elle
n’ctoit jamais montée jufqu’au degré où

J es nus ne font plus en état de décou-


vrir ou de fè. reproche* leurs défauts.
Telle
de Ad. Defcartes. Liv.V I. 115
Telle qu*elle écoit dans les commence-
^
mens de leur connoiflance , M. Defcar-
tes l’avoit toujours confervée dans une
fituation égale mais depuis l'édition de
:

(on traité des Météores , il n’en étoic


plus de même du côté de M. Gaflendi.
M. Defcarres n’avoit pas oublié dans ce
traité le phénomène des Pathélies ou
faux foîeils qui avoient paru à Rome en
1629, & dont M. Gaflendi avoit fait une Origint.
diflertation. Mais fen filence fut un 7e l?
-

fu jet de chagrin 6c de refroidiflèment


.
pour celui- ci,c]ui trouva mauvais que M. Gaffe»di

Defcartes n’eut point fait mention de


^ fiartu
lui en cette occasion.
Cette mauvaife difpofltion de l’efprit
de M. Gaflendi accompagnée d’une
jaloufle fecréte,que la réputation on les
deflèins de nôtre Philofophe avoient.
fait naître en lui ,
fut un préfervatif ex-
cellent contre fa douceur naturelle , qpi
auroit été à craindre dans fes objeétions
contre les Méditations Metaphyliques,
où M. Defcartes avoit befoin de toute
la fevéritédes plus habiles cenfeurs. U
n’oublia rien pour fe bien acquiter de la
réfutation qu’il avoit çntreprifè > mais

fur la fin de fon ouvrage reprenant là


L ij complai-

Digitized by Google
zi6 Abrégé de la V^ie
.1641 complaifance qu’il avoit tâché defuf-'
- pendre dans le corps de l’Ecrit, il prote-
fta que Ton de Hein en écrivant contre
M. Defcartes n’avoit été que de s’en-
tretenir dans l’honneur de (on amitié. Il
ajouta que s’il lui étoit échappé quelque
chofe de trop dur ,
il le defavoüoit fur
l’heure, & confentoit que tout ce qui
pourroit déplaire à M. Defcaçtes fut
rayé de fon Ecrit.
Ses honnétetezne fe bornèrent pas à
une fi belle fin. Il écrivit" encore en par-
ticulier une lettre pleine d’éloges non
feulement pourl’efpritde M.Defc.>-
tes , mais pour l’ouvrage même qu’il
avoir entrepris de cenfurer. Mais ce
qu’il ajouta enfuite touchant la neceflî-
té où l’avoit mis le P. Merfenne de lui
envoier fes doutes fes fcrupules ; &
touchantfa prétendue incapacité tou- -,

chant la foiblefle de fes raifonnemens ,


& l’inutilité de fes reflexions j
étoit le
fruitd’une diflîmuîation fi fine & fi ap-
prochante de la modeftie , que plufieurs
11e firent point difficulté de la préfé-
rer à la fincerité fimple & au Itère
de Monfieur Defcartes , & d’im prou-
ver la droiture choquante avec laqud-
de M. Defcartes. Liv.VÏ. 2-17
le celui-ci jugea à propos de lui re- 1641
pondre.
Ce langage affeété de M. Galfendi
n’étoit que pour M. Defcartes. Il en
avoir un autre pour ceux avec iefquels il
traitoit fans diflimulatîon , tels qu’é-
toientles Miniftres Daillé en France 8c
Rivet en Hollande. Ilne fut pas hon-
teux d’avoüer à ce dernier , qu'il ri avoit
examine de fiprès la Ad et aphyfîque de
effii. Defcartes ,
que parce qu'il ri a-
voit pas reçu de lui toute l'nonnefleiè
qu'il en attendoit en une certaine oc-
cafion.

4
Mais quoique fa vengeance fut fans
fondement & ires-injulle en elle -mê-
me, elle fut neanmoins utile à M. Del»
partes, qui reçût fon écrit p/tr la voie du
P. Merlenne fous le titre de Difquifitio
ftapbyfica ,
feu Dubitationes , St c.
Il
y répondit d’une manière moins affe-
ctée fans doute que n’avoit été celle de
M. Galfendi ,
dont le ftile lui parut
ttes-beau & tres-agréable ,
quoi qu’il
voulût fe perfuader qu’il avoit moins
emploie les raifons d’un Philofophe
pour réfuter, les opinions que les artifi-
ces d'un Orateur pour les éluder. Mais
L iij le

Digilized by Google
2.28 Abrégé de U Vie
le defir de ménager davantage fon Ad-
x<j4 t
verfaiue l’empécha de foûtenir le cara-
ctère de fà fimplicité ordinaire. Car s’é-
tant mis en tète de faire répondre VEf-
prità la Chair , comme fi c’étoient deux
perfonnages qu’il eût voulu introduire
fur le théâtre, il donna lieu à M.GaC
fendide fe reconnoître fous celui de la

Chair . Ce fut en vain qu’aprés avoir


levé le mafque il fit les éloges de M.
Gafîèndi. Celui-ci s'imagina qu’il avoit
voulu payer fes complimens en efpeces
femblables.il lui en fit une querelle, que
quelques uns de fes amis , & quelques
efprits brouillons eurent grand foir*
d’entretenir par de faux rapports & des
médifances, qui détruifirent une partie
de la charité que ces deux Philofophes
chrétiens dévoient l’un à l’autre. L’E-
fe

crit de M.GalTendi avec la réponfe de


M. Defcartes eft ce qui compofe les
cinquièmes objections dans le livre des
Méditations.
Sixièmes
Cependant le P. Merfenneramafloit
ihjeçtivns
tout ce qu'il pouvoit tirer d’objeétions
dans Paris &
les Provinces, 8c les en-
voioit à M. Defcartes à mefure qu’il
les recevoir , outre celles qu’il tâchoic
de M. Defcartes. Liv.VI. 219
de former lui même par une étude réi- 1641
térée de fes Méditations. M. Defcartes
les voiant de diverfès pièces de com- &
positions différentes tâcha de leur don-
ner quelque ordre. Il les renvois enfuice
avec la réponfè qu'il fit au P. Merfen- y
ne ,
qui les nomma fîxtèmes objettions ;

après quoi il fit achever l’impreflion du


livre des Méditations. V I.

Pendant que M. Defcartes étoit V ottim


devient
occupé de fes réponfes aux objeélions Réel iter.
de l'Vni-
que l'on faifoit à Tes Méditations Meta-
vcrfttv
phyfiques ,
le Miniftre Voetius procura d’Urrecbt

un grand renfort à fa fa&ion par le Rec-


torat de rUniverfité d’Utrecht ,
où il
s’étoit fait élever le 6 de Mars en i 641.
1

Regius le voiant ainfi revêtu de prcf-


que toute l'autorité qui étoit necefiàire
pour l’execution des delîeins qu’il avoir
fur M. Defcartes & (ur lui , chercha
tous les moiens de le gagner s
ou de
prévenir au moins les effets defamau-
vaife volonté. Le Reéteur fut charmé
d’abord de fes foûmiffi 011s , & voiant
qu’il lui offroit de fi bonne grâce fes
thefes à corriger ,* il fe contenta d’y fai- \
re quelques notes pour fauver l’honneur
de la Philofophie ancienne ,
&c il lui
!
L iv laifla

Digilized by Google
230 Abrégé de lit Vie
1641 laiffa fes paradoxes ou nouvelles opii
nions par manière de corollaires, avec
la permiflion de mettre même le nom de
M Defcartes à la tête de fes thefes.
Thtfts de La première difpute de ces thefes fe
.R«giw.
e yj d’ Avril. Regiusypréfidoit,
fî c l &
celui qui la foûtenoit étoit le Sieur Jean
dt Raey qui vit encore , & qui s’eft

rendu depuis fort célébré par fes écrits


& (on fçavoir. L’habileté du Prefïdent
& du Répondant à faire triompher les
opinions nouvelles fit bientôt repentir
Voetiusde toutes fes condefcendances.
« Il prit occafion d’un tumulte &
de quel-
ques fifflemens que les Profetleurs Peri-

pateticiens firent faire à leurs Ecoliers


contre Regius,pour rentrer dans le def.
fein qu’il avoit eu de lui faire perdre (à
chaire , & de le chafler de l’Univer-
fité.

Regius pour fe défendre fit imprimer


une expofuion fimplede cette première
difpute. Il demanda en même temps du
fecours à M. Defcartes ,
& lui envoia la
fuite desthéfes qu’il devoir encore faire
foûtenir le f.de May, avec les remarques
que le Reéteur y avoit faites avant que
de les lui palier. M. Defcartes ne trou-
va
,

de W, Defcartes. Liv.Vl. 13*


va rien de trop déraisonnable dans les
remarques du Reéleur.Mais s’étant ren-
du à la priere que Regius lui faifoit d’e-
xaminer fe$ thefes à toute rigueur s il y
corrigea diverfes chofes qu’il auroit été
fâché qu’on pût lui attribuer. Car on
croioit déjà tout communément dans le
pays que Regius n’avoit point d’autres
opinions que celles de M. Defcartes. De
forte que le monde
n’étant plus en état
de Ce défaire de cette penfée il étoit im- ,

portant que M. Defcartes ne paffaftrien


à Regius qu’il ne voulut bien adopter
& dont il ne pût avantageufement en-'
treprendre la défenfe.
Il commençoit deflors à remarquer
des femences d’erreur dans ce que Re-
gius imaginoit de fa tête ,
& fur tout eu'
ce qui concerne l’Ame raifonnable ;

mais il étoit encore le maître de fon


efprit , .& il n’avoit aucun fujet de fe
plaindre de fa docilité. •

Les fécondes thefes Soutenues le y; de -


May ne firent pas moins d'éclat que les'-
premières. Elles furent fuivies pendant'
tout l’Efté de diverfes autres difputes,,
qui ne fervirent qu’à augmenter la ja-
loufié qu’on ay oir-de fa réputation ,
&^
I/v* aigrir^'
£>•
v .

Digitized by Google
z^z Abrégé de U Vie
1641 aigrir les efpritsdes autres Profefïèurs
—— déjà mal difpofez pour lui. De forte
qu’on prit une refolution ferieufe de
s’oppofer aux progrès de Tes nouveau-
tez , &c d’en faire la caufe commune de
l’Univerfité contre lui 6c M. Defcartes..
Voetius quiavoitécé jufques là retenu
extérieurement par les foûmiiïions de
Regius , leva enfin le roafque , & fe dé-
clara le- chef de Tes adverfaires , fous
pretexte que dans quelques endroits de
fe s dernières thefes il s’étoit glilfé quel-
ques’ expreffions différences du lan-
gage ordinaire de l’Ecole , qu’il ne lui -

avoit pas montrée^.


Ce Miniftre n’âiant plus rien à efpe-
rer du P. Merfenne qui , pour toute la
,

réfutation qu’il en attendoit, ne lui'


avoir en voié qu’une fàge reprimende
fur l’injuftice de (a conduite , prit le
parti d’attaquer M.Defcartes par deux
endroits premièrement par la difpute.
;

en oppofant fes théfes à celles de Re-


gius, & enfuite par la plume en réfutant
fes écrits. En qualitéde Reéfceur il or-
donna àStratenus ProfefTenren Méde-
cine & à Ravenfperger ProfefTeur en
Mathématiques de réfuter toutes fes
nouvelles

Google
de M.DeJcarte s. Liv.Vl. 13 3
nouvelles opinions dans leurs théfes de
Novembre & de Décembre. Pour lui il

fe referva le foin d’attaquer dans fes


théfes de Théologie ce qu’il jugeoit être
préjudiciable à la Religion.
Comme les dernieres théfes de Re- Thifii. fa

gius etoient remplies de diveiles que- contre

ftions qui n’avoient point de rapport ni


de liaifon entre elles ,
& comme elles
étoicnt plutôt félon la fanraifie de ceux
qui les foutenoient que de celui qui y
préfidoit : quelqu’un des Soûtenans
avoir mis inconfiderément dans une de
leurs alïèvtions ,Que de l’union de l’A-
me & du Corps il ne fe faifoit pas un être
de foy , mais feulement par aaidenti
appellantêtre par accident tout ce qui
étoit compofé de deux fubftances tout-
à-fait differentes •, fans nier pour cela
l’union fubftantielle par laquelle l’ Ame
eft jointe avec le Corps, ni cette aptitu-
de ou inclination naturelle que l’une &C
l’autre de ces patries ont pour cette
union. Regius voiant que ces expref-
fions déplaifoient à M. Defcartes qui
lestrouvoit trop dures , tâcha de s’ex-
cufer auprès de Voetius. Mais ce fut en
vain* Ce Miniftre en prit occafion pour
1
L vj ;

Digitized by Google
. ,

134 A bregé de UV ie
'
le faire déclarer hcretique fk procéder
1(j
à fa dépofition. Au nom de la Faculté
Theologique , c’eft-à-dire , de lui-mê-
me , de
fes deux collègues Charles De*
matins ëc Mainard Schotamts & des •

Pafteurs de la ville , il ordonna que les ;

étudians en Théologie s’abflâendroient


des leçons de Regius comme de dogmes •

pernicieux à la Religion. Il fit enfuite


imprimer des théfes qu’on devoit Coûte*
nirau mois de Décembre contre les pa-
radoxes de l’erre par accident dans •

l’homme \ du mouvement de la T erre ;

& de l’opinion qui rejette formes


les
fub^antielles. Son de les
dellein étoit
foire ligner auparavant par les deux au-
tres Profelleurs en Théologie , pat &
?
tôt t ce qu il
y avoir de Théologiens qui
étoient Minières tu Prédicateurs dans •

la ville ; de députe enfuite vers le Ma-


giftrat, pour lui donner avis que Regius
auroit été condamné d’hérélie par un
confiftoire ou alTemblée Ecclefiaftique
afin que par ce moien le Magiflrat ne
pût fe difuenler honnêtement de Potée
de la chaire.
Regius aiant eu vent de ce qui fe tra-
mait contre lui ^alla promtement aver-
tir.

Digitized by Google
.

de M\D efcartes. Liv.VI. 135


tir M. Vander-Hoolck l'un desconfuls 1641*
& qui étoit
1

qui le protegeoit ,
ami inti-
me de M.Defcartes.Le conful manda
le Re&eur Voecius , lui ordonna de cor-
riger Tes théfes ,
d’en ôter le ticre , &
tout ce qui pourroit intereflèr la réputa-
tion de Regius. Le Relieur qui devoir'
lui -même préfider à ces théfes fort-
étourdide l’ordre du Conful ne parla-
plusdeconfiftoire ni de fignature. Mais
comme les endroits des théfes qui re-
gardoient. Regius &
M. Defcartes
étoient déjà imprimez , &
qu’on étoit "
à la veille de lesfoûtenir ,il fe fervit de
ce pretexte pour couvrit fa defobeïlfan-
ce & fa mauvaife volonté.
Ces théfes furent foûcenues les i8j_,
& 14 de Décembre. Le répondant-
qui s’appelloît Lambert Vauden 'Water*
laet s’y. fignala autant que fon Prefi-
dent contre les opinions nouvelles , dé-
fendues avec une ardeur égale par les^
oppofans,qui croient prefque tous éco-
liers de Regius». Le Prefident fe voiant

fur la fin un peu trop pretîé par l’un des--


Oppofans qui ne vouloir pas fe paier de
fes réponfes,ne put fe tirer d'embarras-
qu’en difant par dépit , jQuf ceux qui ’
136 dhregé de U vie
3^4 1 accommodaient pas de la maniéré
» ne s’

ordinaire de philosopher , pouvoient en


attendre une autre de Defcartes, M.
comme les Juifs attendent leur Elle qui
doit leur apprendre toute vérité.
Vo e ti u s parut triompher de la.

Philofophie nouvelle pendant les trois


VII.
T jours de l’adtion publique félon la mé-
excitée thode des colleges concernant 1 iflud
contre
Rt£iu$. des théfes. Mais Regius prévoiant que
s'il ne diioit mot, plufieurs le croi-

roient ferieufement vaincu : 8c dun


autre côté, que s’il entreprenoit de fe
défendre par des thefes publiques ,
on
ne manquerait pas de lui étoufter la
voix par des huées ,
des fifflemens ,
8c
des battemens de mains ,
comme on
avoit fait à fes dernières thefes du 8
de Décembre , prit le parti de répon-
dre par écrit aux thefes de Voetius. Il
envoi a fa réponfe à M. Defcartes pour
l’examiner , en lui marquant neanmoins-
que les efptits s’aigriflbient de plus e»
plus contre lui , & que le Conful
Vander-Hoolck étoit d’avis qu’il gar-
Avis de dât le filence.
M. Défi. M. Defcartes informé par le Colo-
cartes
nel Àlfonfe de tout.ee qui s’étoit pafle
à-

Digilized by Google
de M. Dejcartes. Liv.VI. 2.3 7
àUtrecht, ne fçavoir à Regius qu’il 164*;’.
étoitde même avis que le Conful.
Que fa penfée avoit toujours été qu’il
ne falloir point propofer d’opinions >
nouvelles comme nouvelles mais- \

qu’en retenant le nom Si l’apparence


des anciennes 3
on devoit fe contenter
d’apporter des raifons nouvelles 5 &
ëmploier les moiens propres à les foi-
re goûter. ” Qu’étoit-il neceflaire , lui ù
dit-il j que vous allaflîez rejetter Ci pu- «
bliquement les formes fubjlantielles «
les qualités, reelles'i Ne vous fouvenez
vous pas que j’avois déclaré en termes e*

exprès dans mon traité des Météores , « '

que je ne les rejettois pas , & que je' « *

ne pretendois pas les nier : mais feu- »


lement qu’elles ne m’étoient pas ne- «•*

cellàires pour expliquer ma penfée ,& «>


que je pouvois fans elles faire compren- «
dre mes railons. Si vous en aviez ufé
de même , aucun de vos auditeurs ne «
fe feroit révolté , &
vous ne vous fe- «
riez point fait d’adverfaires. «
Mais fans à condamner «>
s’amufer
inutilement le pâlie , il fout fonger à t <
foire un bon ufage de l’avenir. Il ne
s’agit plus que de défendre avec la «
< " »
“ plus

Digitized by Google
138 '
Abrégé de. la V'ie'
^
. plus grande modeftie qu’il vous fora
poiïïble ce qu’il y a de vrai dans
a ,
ce que vous avez propofé de cor- ;
&
ri
g e,: fens entêtement ce qui ne paroit

n pas tel , ou qui eft mal exprimé : étant

n perfuadè qu’il de plus n’eft rien


Joüable, ni de plus digne d’un Philo—
j}

fophe que l’aveu fincere de Tes fautes.


Ces remontrances non plus que les
avisdu Conful Vander - Hoolck , du
Confeillcc Van Leevv , du Colonel Al-
phonfe , & du Profeflèur Emilius ne
purent changer la refolution de Regius*
qui jugea que C\ fa réponfe n’étoit bon-
ne pour le 1 ubhc, elle feroit au moins
de quelque utilité pout fes écoliers. M.
Defcartes touché de fon entêtement
crut devoir ufer de quelque condefcen-
dance pour ne le pas rebuter : & après
avoir corrigé fon écrit fur fes inftan-
ces réitérées , il lui drella un nouveau
projet de réponfe rempli de termes
obligeans & de louanges pour Voetius.-
il lui fournit des formules d’eftime pour
lés autres, & de modeftie pour lui mê-
me.- Ce modelé de* réponfe avec les--
matières ,
les raifôhs; & lesrnoiens de-*
ldtemplir nous eft refté parmi fos let-
*,
'
^ " *res> a>
t

Digilized by
1

de M. Defcartes .Lrv.V 1. 39
très ,
comme l’un des plus beaux mo- 164.%
numens- de fa doucéur & de fa pruden-

ce. Mais quoiqu’il lui eût marqué de
nouveau que fon dience vaudroit en-
core mieux que la meilleure réponfe
du monde, il ne laiffa poinrde publier
fon écrit ,
dont le fuccés répondit aux
appréhendons qu’on en avoit eues.
En effet on le Ht paflèr pour un Ii- r0tmr
belle imprimé fans ordre du Magiftrap/'^f"**
par un Imprimeur catholique, débité philofi.
par un Libraire remontrant contre P hie ««**
v* U '
l’honneur du Re&eur, de toute l’Uni-
verdté, &
même de la Religion Pro-
teftante. Voetius obtint que le Juge de
Police en faidroit les exemplaires. Ce
qui aiant rendu le livre plus rare , &
l’aiant fait rechercher avec plus d’em-
preffemenr , irrita le Re&eur de telle
forte
,
qu’aiant £agné par fes intrigues
la plufpart des Profèfleurs de l’Univer-
fite & des Sénateurs du confeil de ville,
il un decret des Magiftrats , puis-
obtint
un jugement de l’Univerdté contre la
Philofophie nouvelle ,
pour défendre à-

Regius d’enfeigner autre chofe que la


Médecine , & de tenir des conféren-
ces particulières..
Regius

Digitized by Google
s

i\o Abrégé de U Vie


Regius manda toutes ces procedures
à VI. Defcartes le 51 de Mars 1642 ; &>
lui envoia le decret des Magiftrats du
15 du mois , avec le jugement de l’Uni-
verfité, &les théfes du jeune Voetius
fils du Recfteur. M. Defcartes lui récrivit
qu’on pouvoit négliger ces théfes , 8c
même le jugement de l’Uni verfité, qui
étoit un aéte illégitime 8c irreguiiet :
mais qu’il n*en étoit pas de même du
decret des Magiftrats ,que le Sénat n’a-
voit donné que pour fe délivrer des
importunitez de Voetius &c de fes col-
lègues. Il lui confeilla de fuivre le de-
cret à la lettre , & de n’enfeigner autre
chofe que la Medecine félon Hippo-
crate & Galien, ajoûtant que la véri-
té ne tarderoit pas à fe faire rechercher
quelque part qu’elle fe trouvât.
Cependant Voetius non content de
ces procedures écrivoit 8c faifoit écri-
re par fon fils &c fes difciples contre la
réponfe de Regius. Son fils publia fes
théfes en faveur des Formes (ubftantiel-
le
j 8c
Waterlaet fon écolier imprima
un libelle fous le titre de ‘Prodrome ,
comme fi c’eut été l’avancoureur de
celui qu’il préparoit lui-même ,
mais
dont

Digitized by Google
deM. D ejcar tes Liv.VT. 241
dont la fortune ne fut pas fi heureu-

fe. Car voiant que les gens de bien


n’ét oient pas fort contens de fes ma-
nières à Utrecht, & l’aiant envoié à
Leyde pour l’y faire imprimer fous la
direction d’un Moine renegat : Le
Reèteur de cette Univerfité qui étoit
Golius le fuprima avant qu’il fut entiè-
rement imprimé ,
& le Moine prit la
fuite.
Les bonnes nouvelles que M.-
Defcartes receut en ce temps-là tou- VI IL
Sentîmes
chant le fùccés de fa Philolpphie en favora-
France , &
fur tout de la part des Peres bles des
Peres de
de l’Oratoire dont il avoir alors l’ap- 1‘ Oratoi-

probation univerfelle fervirent un peu re & des


lefuites
a diffiper la mortification qu’il rece- four la
Philofo-
voit à Utrecht.
fhie de.
Les Jcfuites paroifloient un peu M. Def-
plus partagez. Les uns fe contentoient artts .

de goûter fes principes fes raifon- &


nemens , ou de louer fes bonnes inten-
tions & fes efforts, fans aller au delà :

les autres ne faifoient point difficulté


d’embrafler fa Philofophie & de s’en
déclarer les Se&ateurs. Perfonne n’alla
plus loin que le P, flatter qui lui man-
da

Digitized by Google
1

i4 2 ,
'
Abrégé de ta Vie
1 ^4 da nettehient qu’il avoic fort approuvé
tout ce qu’il avoic écrit , fansen ex-*
cepter fon explication de l’Euchariftie j

& le V. Mefland ,
hon-
qui pour faire
neur à fa Philofophie, compofa un
abrégé de fes Méditations Metaphyfi-
fiques ,
6c les mit en ftile fcholaftique „
& intelligible aux efprits les plus mé-
diocres.
Le Cartéfianifme faifoit de grands
progrès dans la compagnie des Jefuites,
non feulement en Flandre, mais même en
France fous la prote&ion des deux prin-
cipaux de cet ordre ,vje veux dire du

Pere Charlet Afliftant François du Gev


neral à Rome , &
du Pere Dinet Pro-
vincial à Paris ,puisConfefTeur du Roy
Loüis XIII. qui honoroient M. Defcar-
tes de leureftime &
de leur amitié, 6c
qui l’encourageoient à continuer.
le Vert Mais entre tant d’amis 6c de feéla-.
écrit con- teuts qu » pouvoit conter parmi Iesje-
tre les fuites , il ne de voit pas douter qu’il

tiens. « eut quelques envieux qui parloient


mal de fes écrits , 6c qui le décrioient
fourdement. Le P. Bourdin en ufoit
avec lui de meilleure foi , depuis que fa
difpute fur la Dioptrique l’eût rendu
fon

Digitized by joo^e
Goo<ne
,

de M.Defcartes.Liv.V], 145
fôn Adverfaite. Il voulue l’attaquer ou-

vertement par des obje&ions qu’il fit


contre Tes Méditations , en proteftant
neanmoins qu’il ne blefleroit point les
ioix de l'amitié qui êtoit en>re eux , ni
les réglés de l'honnètetè qui [e pratique

en're les fçavan*.


-M. Defcartes prétendant qu’il avoit
fort mal obfervé fes conditions , outre
la Réponle qu’il fit à fes objections,
écrivit pour s’en plaindre au P. Dinet
qui étoit encore Provincial, une longue
lettre en forme de diffèrtation , ou il fit
aulïï une defcrjption des troubles d’U-
trecht ,
& dépeignit le Miniftre Voe-
tius dans toutes fes intrigues. Les cou-
leurs qu’il yemploia fuient des femen-
ces pour de nouveaux chagrins qu’il eue
dans la fuite des temps de
-à recueillir

la part de Voetius &r de là cabale. Mais


je mécontentement qu’il avoit reçu du
P. Bourdin aboutit à une bonne récon-
ciliation ,qui fut accompagnée d’une
amitié folide qu’ils fe jurèrent depuis
par l’entremife du P. Dinet & de quel-
ques autres J eluites des plus confiderez-
de la compagnie.
JL’écrit du P. Bourdin contre les Mé-
ditations
144 -dbregé de la Vie
ditations avec la Réponfe de M. Def-
cartes & la lettre
au P. Dinet fut impri-
mé fous de Septièmes objeftions
le titre

à la fin de la fécondé édition latine des


Méditations , qui fe fit à Amfterdam
yr en 164.1,
j
m. De}- Depuis Pafques de l’année prece-
canes de- dente M. Defcartes s'étoit logé dans le
Ejï,de* château d’un village nommé Einde-
geejtoù geeft ouEndegeft à une demi lieue de

ultunoît Leyde du côté de la mer dans une des


plus belles fituations de la Hollande.
Là il recevoir des vifites plus volontiers
qu’il n’avoit fait ailleurs ,
foit que l’âge

& les difputes l’euflent humanifé plus


qu’auparavant , foit qu’il fallût accor-
der quelque chofe au bruit de fa répu-
tation ou aux agrémens de fa demeure.
Il
y fut vifité au commencement de
l’année 1642.. par Samuel Sorbiere Pro-
vençal homme d’efprit , & curieux de
connoîrre les vertus & les vices des fqa-
vans dé fon temps. Il crud devoir étn-
dierM. Defcartes plus dans fes conver-
fations que dans fes livres. Mais la ra-
citurnité de nôtre Philofophe fut un
grand obftacle à fes defieins. Et quoi-
qu’il en ait dit beaucoup de bien ,
il faut
avouer

Digitized by Googli
de M Defcartes. Liv.Vl.
avouer que le defir de fervir M. Gaf-
145 1(
,

fendi &c de les brouiller enfemble lui a


fait commettre bien des injuftices à l’é-

gard de M. Defcartes.
C'ecoit par un autre efprit , & par pfÔTfe
d’autres interefts que Regius rendoit à *
M. Defcartes de frequentes vifitesdans
Eyndegeeft qu’il regardoit comme fon
ccole. Ce fut là qu’il connut l’Abbé
Picot , qui depuis la fin de l’année pre-
cedente étoit venu voir nctre Philofo-
phe avec l’Abbé de Touchelaye le puif-
lié , &qui lui fervoit prefqvre de fecré-
taire pour répondre à fa place aux que-
ftions de Phyfique & de Mathémati-
ques qu’on lui fàifoit.
Cependant Monfieurle Dnc de Lui-
nés fît pour l’utilité de tous les François pif* des

une traduction des Méditations de M.


Defcartes en langue vulgaire. M. Cler-
Jelier l’un des plus zelez &. des plus
vertueux amis de M. -Defcartes excité
par cet exemple en fit une des Objec-
tions & des Réponfès jointes à cet ou-
vrage. Ces deux traductions furent
données à M. Defcartes long -temps
après pour les revoir ce qu’il fit avec
;

tant d'exaCtitude qu’il leur communi-


qua

Digitized by GoogI
,

Abrégé de la Vie
qua un cara&ére d’original , & les ren-
dit même meilleures que (on latin.
X. 'Tjlü d i s que les amis que M. Def.
Livrt* de
cartes avoir en France v.enoient en fou-
Voetius
contre M # le à Eyndegeeft, où ils f^avoient qu’il
Defcartes
s’étoit rendu plus vifibie qu’ailleurs > les
ennemis de fa Philofophie avançoienc
leurs deflèins à Uttecht. Voetius las
d’écrire d«.s lihelles fous fon nom contre
elle ,
& contre la perfonne de M. Def
cartes &de Regius,avoit débauché un
jeune ProfelTeur de Groningue nommé
Schoickim qui avoir été de les Ecoliers,
pour prendre la plume, ou lui prêter au
moins fon nom , dans le delFein de faire
croire au Public que M. Defcartes avoir
encore d’autres ennemis que lui.
Il avoir fous la preflc un nouveau li-
^
belle contre lui àUtrecht :& fçachant
que M. Defcartes à qui l’on en envoioit
les feuilles le réfutoit à mefiire qu’on
l’imprimoit, il en mit la copie eurreles
mains de Schôockius pour en prendre le
foin y & lui fit mettre Ion nom à la tête
afin de faire condamner M, Defcanes
de précipitation, Sc de pouvoir le traiter
comme un calomniateur & un impofteur
qui lui attribuoit les livres d’autrui.
II

Diqitized bv Google
1

de }À. D ejcartes. Liv .V .


147 1(342.
Il cependant un incident qui
arriva
fie diverfion à ce libelle &
à fa réfuta- Contre la,

confrérie
tion, par un autre libelle que Voetius N. D.
de
fit dans l’intervalle de l’imprelïion con- de Bofla*

tre les Magiftrats & la Bourgeoifie de


dut k

Bofleduc,c*eft-à-dire contre la confré-


riede N.D. duRofaire,qui depuis la ré-
duction de cette ville étoit devenue
commune auxProteftans aux Catho- &
liques par une convention de Police.
Le Miniftre Defmarets le réfuta par
ordre de Meilleurs de Bofleduc. Mais
comme il avoit écrit plutôt pour ces-
Meilleurs que contre Voetius, M. DeC
cartes le chargea de fuppléer à ceder*
nier point i & s'attira ainfi l’eftime

des principaux de Bofleduc , l’amitié &


.
particulière de Defmarets , quoique fon
intention eût été non de cour
faire fa
aux Proteftans mais de rendre fervice
,

à la Religion catholique. Il ne fe mit


pas en peine d’en faire untraitéà part-;
mais il joignit cet écrit de fuite à la ré-
futation qu’il avoit commencée de
l’autre qui devoir porter le
libelle
nom de Schoockius j & il continua
cette réfutation après l’écrit con-
cernant la confrérie , comme fl ce
Mi n’eût

Digitized by Google
,

de M. Défîmes. Liv.Vl. z<*<r


n’a point jugé neceflâire delierenfem- 1^43
ble par une fuite trop raifonnée. La 1.

la 3. la j.la 8. & la 5). contiennent la ré-


ponfe au livre de la Philofophie carte-

jftenne ou de la çjlfethode admirable.


La 6. un examen du livre contre la
eft
Confrérie de N.D.de Bofleduc. La 2 . 8C
la 7. font une efpéce d’information par-
ticulière que l’on fait de la conduite
de Voetius. La 4. eft un jugement de
fes livres & de fa Do&rine.
p
Cet ouvrage fut déféré par Voetius dires
aux Magiftrats avec la lettre au P.
Dinet, comme deux libelles injurieux Defi^
Ut%
au Miniftere Evangélique. Il en obtint
un A de le 23. de Juin qu’il fît publier au

fon de la cloche. M. Defcartesaprenant


par cet a&e que non feulement (es-
deux écrits avoient été condamnez ,
mais que lui -même étoit cité publi-
quement pour les vérifier devant des
juges incompetens , répondit à cette
publication par un écrit Flamand. datté
du de Juillet àEgmont de Hoef, où
6.
il demeurer dés le 1. de May
étoit allé
après avoir quitté le voifinage de Ley-
.
de. Il s’offrit en même temps à véri-
fier tout ce qu’il avoir avance dans fes

M ij deux

Digitized by Google
o Abrégé de U Vie
K> 4 ? deux écrits, quoi qu’il ne fe reconnût
point jufticiable de leur tribunal. Voe-
tius qui ne pouvoir ptouver autre cho-

fè contre lui, finon qu’il lui avoit at-


tribué le livre qui portoit lenom de
Schoockius, aiant fuborné cinq témoins
tres-récufables à M. Defcartes, pouc
dépofèr fur le fait de calomnie 8c de
diffamation ,
obtint,une fentence con-
tre M. Defcartes le de Septembre.
Dix jours après il le fit citer par l'Offi-
cier de juftice pour comparaître devant
le Magiftrat comme criminel.
Stko<- M. Defcartes ne fut averti de toutes

eft*cité à
ces procedures que vers le milieu
Gronin- d’O&obre : & fans (çayoir quelles
v*c '
fuffent encore fi avancées, ,
ni même
qu’on y eût violé toutes les formes
fie juftice comme il l’aprit depuis , il

emploia l’autorité du Prince d’Orange


par le moyen de M. de la Thuillerie
Ambafladeur de France pour remédier
à ce defoidre. Le Prince d’Orange fit
arrefter les procédures des Magiftrats
de la ville par les Eftats de la Province
particulière d’Utrecht. Mais M. Def-
cartes ayant (ceu que Schoockius pour
favorifer Voetius serait déclaré feul
Auteur

Digitized by Google
r

de M. Defcartes.lÀsi.V 1 . 2-51

Auteur du livre qui portait fou nom,


il prit le parti de le citer perfonneîle- --

ment à Groningue devant fes Juges'


naturels , afin d’y répondre en fon nom
des calomnies dont ce livre était rempli.
Le C h a g f n qu’eut Voetiusdu
mauvais fuccés de lès intrigues, produi- XII. 5c
fit un nouveau libelle qu’il fit patoîcre XIII'.

peu de temps après contre fes Medi- libelle de


tâtions Metaphyfiqnes , (bus le feux
r * etlMSm
nom de Théophile Cofinopolite. L’ou-
vrage tomba dés fa nai(Tance,parce que
le public eut horreur non feulement de
l’extravagance du flile &
de la grof.
fiereté des injures, mais encore de fim-
pofture quiyregnoit depuis le titre jufe
qu 'à la fin.
Il n’en fut pas de même à l’égard j„ft a » Cer
d’un nouvel écrit que M.Gaflèndi ve
noit decompofer fous le titre d' J»flan- Vîfieadi.
5

çes pour répliquer à la réponfe que M.


Befcartes a voit faite à fes Obje&ions
(ùr les Méditations. L’auteur avoir fait
courir cet écrit de main en main dani
Paris avant que de l’envoyer à M. Sor-
biére pour le foire imprimer à Anïftèr.
dam.
M. Defcartes en fût averti :
!
mais
_ M iij îi’aiant

Digitized by Google
+

Abrégé de la Vie
don de diflïmulation , il
j'643 n’aiant pas le
alla innocemment découvrir à M. Sor-
biére ce qu’il penfbit d’une femblable
conduite. Ne fçachant pas qu’il parloir
à l’efpion de M. Gaflendi qu’il recevoit
chez lui comme un ami, il luy décla-
ra un peu trop franchement que c’étoit
M. Galfendi qu’il avoit dans la penfée,.

lorfqu’il s’étoit plaint de certaines gens


qui donnoient à lire fecretement à fes
ennemis ce quils éenvoient contre lui»
M. Sorbiére qui en avoit été le follici-
teur , ne lailîa point périr cette décla-
ration & après l’avoir envenimée de
:

lamanière qu’il jugeoit la plus propre


pour blelTèr M. Galïendi , il la lui en-
voia en lui marquant que puifque M».
Defcartes trouvoit mauvais qu’il tinft
fes Inftances ou répliqués cachées ,
il

devoir lui donner la (àtisfa&ion de les


voir paroître en public.
M. Gaflèftdi lui envoia donc (a co-

pie dont ilabandonna la difpofition^


lui
fans autre obligation que celîede fe fou*
venir que fon écrit n’avoit été fait que
pour ceux de leurs amis qui ne pou-
voient fouffrir que M. Defcartes fe van
taft d'avoir eu des Adverfiûres. M .S or-

Digitized by Google
de M. Defcartes. Liv.VI. 253
bière imprimer l’ouvrage à Amfter- 1644*
fit

dam avec la difquifition ouïes premiè-


res Objections contre les Méditations
& laRéponfe de M. Defcartes. ïl com-
pofa même fous le nom du Librairfe
une préface , dans laquelle il maltraita
celui- ci autant qu’il lui plut fans s’ex*
pofèr ouvertement à fon chagrin.
Re^ius indigné de la conduite de
Sorbiere tâcha d’animer M. Defcartes
contre les InflAnees de M. Gafiendi, &
de lui perfuader qu’elles étoient rem-
plies d’aigreur & d’infultes: reproches
allez contraires d’ailleurs an caraCtérè
de l’efprit de cet auteur. M.Defcarrès fit
ce qu’il put pour meprifer ces Infiances^
& s’en interdire la leèture par la crainte
d’y trouver, matière deréponfè , &de
proloiiger ainfi une querelle dont il
étoit las. Aiant appris de l’un de fes-
amis que l’ouvrage metitoit queîque
réponfe , il voulut bien en promettre-
une : mais il en remit l’execution après
l’édition de fes Principes qui étoient
fous la prefle ,
fon voiage en France, sorbiere

&lbn nouveau procez de Groningue brouille


Gai-
.
% • r '
• t* • «

qui devoir le vuic er a ion retour. •



f „a
e &
eroitYoir la fin de l’imprefllon M - De/*

M inj de

Digitized by GoogI
z 54 jihregé de U Vie
ï(*44 de Tes Principes avant fon voiage. Mai?
:r-:
les longueurs de ceux qui tailloient le 9
figures l’obligèrent d’en laifler le foin à
M. Schooten y &de avec M.de
partir
Ville- Breflïeux dés le premier de May
après avoir mis fon procez de Gronin-
gue hors d’état de pouvoir lui caufer
aucune furprife. D’Egmond du Hoef il
vint à.Leyde , delà il Fut à Amfterdam,
& pafla enfuite parla Haye pour
y pren-
dre congé de fes amis. M. Sorbiére qui
. feignoit ^d’cn être , l’y attend oit avec
les armes qu’il avoit demandées à M;.
[ Gal3èndi,pour l’attaquer fur fon opinion
M
du P* tilde. . Defcartes eut la patience
de répondre à toutes fes difficutez,
fansfe plaindre du contre-temps. M,
Sorbiére aiant ufé toute fà poudre con-
tre hii, &ne pouvant demander de
nouveaux argumens fur le vuide à Mi
Gàflendi , chercha d’autres fujets pour-
ne point fatiguer M. Defcartes à demi*
s’apliquant plutôt à trouver dequoi ob-
jecter, qu’à comprendre ce qu’on lui ré-
pondent. Dés le lendemain qui étoit le
io de Mai , il écrivit à M. Gafïèndi
pour lui rendre compte de tout ce qu’il
avoit fait contre M. Defcartes pour fon
fervice,

Digitized by Google
, •

de M. 'Defcartes.Liv.'Vl. i/s
fèrvice , & il les brouilla fi bien qu’ils fe
*
164.1
traitèrent avec allez d’indifFerence pen-
dant quelque temps,fans fe foucier de fe
voir lors qu’ils étoient l’un & l’autre à
Paris. XIV.
E l z ev r
voiant avancer l’im- hon lall-
1 e
prellion des Principes de M. Defcartes >* dts
vers fa fin, fit folliciter l’Auteur de lui
jermettre d’imprimer en même temps counti .

ltt '
Îa tradu&ion latine de fes Eflâis, après
laquelle afpiroient' les Etrangers qui
n’avoient point l’ufage de notre lan-
gue. Cette Tradu&ion avoit pour au-
teur M.
de Courcelles l’ancien, Miniftre
6c Profelîeur Arminien ,
qui pria M. 1

. Defcartes de la revoir avant que d’en


permettre la publication. Il le fit , & fe
îèrvitmême de cette occafion pour re-
toucher quelques-unes de fes pen fées
6c faire quelques changemens à fon oii*
ginal . De forte que cette tradudtiona
le même avantage que celle de fes Mé- 1

ditations 6c celle de fes Principes,


qui valenc mieux que les originaux;
Mais M
. de Courcelles n’avoit traduit
que le Difcours de là- Méthode, le traité
de la Dioptrique,& celui des Météores;
Xi ne -toucha point à la Géométrie foit
; . v qp'iI 4M •

Digitized by Google
156 Abrégé de la Fie
i«44
qu’il la jugeâtau deflus de fa portée, foie:
qu’il eut avis que M. Schooten s’étoic
chargé de la traduire..
l'otage en
France*
M„ Defcartes s’embarqua pour la<
France au grand regret de Tes amis de
Hollande, qui apprehendoient les obfta-
cles de Ton retour
, &
fur tout le reflen-
timent des indignitez commifes à (on
égard par les Magiftrats & les Profef-
feurs d’Utrecht. Il arriva à Paris for la
fin de Juin ,
& chez l’Abbé
alla loger
Picot dans la rue Il en
des Ecouffès.
partit le t 1 dejuiiiet pour Orléans, d’où
il defeendit à Blois chez M..de Beaune

confeiller au Ptéfidial , de là à Tours >

chez l’Abbé de Touchelaye le jeune en


l’abfence de l’ailhé. Il
y vid un grande
nombre de les amis , & quelques uns de
les parens... Il pafla enlùite à Nantes puis
à Rennes.. D’où étant accompagne de
Tes deuxfreresconfeillersau Parlement:
il alla au crévis danslediocéfe de Saint:
Malo chez Ton beau-frére M. Rogiec
veuf de Jeanne Defcartes.. Là ils tra-
vaillèrent conjointement à l’accommo-
dement de leurs affaires domelliques...
De là il fallut aller à Kerleau prés de-
Vannes chez fon aifné,puis à Chava-
gneS'

Digitized by Google
de M.DefcurteslÀv.Wll. zyj
gnes au diocéfede Nantes chez (on puif- 1644
“*
né. Il pallà enfuite en Poitou pour y
faire comme en Bretagne la vifite de fon
bien ,
de fes parens & de fes amis , & il

revint à Paris vers le milieu d’Oétobre.

» «

LIVRE SEPTIE’ME.
.Depuis 1644. jujqutn 1650.

A SON arrivée
tion de fes Principes
duftion latine de fes Eflais,&
il tïouva
& delaTra-
les
l’édi-

exem- tdiiioa

plairesvenus de Hollande. Le Traité df,Tr


J”:
des Principes n etoit ni ouvrage qu il
1 pbit»fo-

appelloit fon Monde , ni fon Cours de v hte '

Thilofophie , qui font demeurez l’un &


l’autre fupprimez» Il voulut le divifee-
en quatre dont la première con-
parties,
tient de h connoillance'
les principes
Humaine, qui eft ce qu’on peut appela
1 er la première Philofophic ou la. Me--

taphyuque En quoi elle a beaucoup de-


:

rapport &
de liaifon avec fès Médi-
• ’»
tations^. •

lia fécondé contienne qu’il yva d&


Mivjj piu^ t

Digitized by Google
i'5# Abrégé de U VtC
1 ^44 >
plus general dans la Phyfique, le. l’ex*'
~~
plication des- premières loixde la Natu->
re & des principes de-s chofes materiel-
les, les proprietez du corps ,-de l’efpa-
ce, du mouvement j &c;
La troifiéme contient l'explication-
particulière dû fyftéme du Monde , ÔC
principalement de tout ce que nous en-»
tendons par les deux &
les corps ce-
leftés.-
La dernière comprend tour ce qai*-
«oncerne la Terre..
'
Ce qu’il
y a de remarquable dans cet
euvrage eft que l’Auteur après avoir
premièrement établira diftinètion qu'il*
met entre l’efprit>8e le corps, après avoir
pofé pour principes des chotès corpo^
relies la grandeur., la figure,& îé mou-?
vementlocal , qui font toutes chofes fi-
claires Sc fi intelligibles qu’elles (ont
reçues de tout le monde , il à fçû expli-
quer prefque toute la Nature , & rendre*
raifon de fes effets les plus ctonnans-
fans changer 'de- principes 1
, & fans-fe
démentir en quoi que ce foir.
Il n’avoit pourtant pas la préfomptiorr
de croire qu’il eût expliqué toutes les
îhpfes naturelles , fur tout celles qui me -

tombeatc

Digilized by Google
dt M. Defcartes. Liv.Vlï. 25 ?
tombent pas fous nos fens, de la manié- 1644-
re qu’elles font véritablement en elles «
mêmes. Il croioit faire beaucoup en ap-
prochant le plus prés dé la vrai-fem-
blance à laquelle les autres avant lui
n’étoient point" parvenus , en'faifant &
en forte que tout ce qu’il avoit écrit,ré-
pondît exa&ement à tous les phénomè-
nes de la Nature.C’eft ce qui lui paroiC-
foit fuftifànt pour l’ùfage de la vie, dont
l’utilitéfemblê être l'unique fin que l’on
fe doit propofèr dans la Méchanique/ là
Médecine , &
dans les Arts qui peuvent
fe perfectionner par lés fecours de là-
Phyfîque.
-
Mais de toutes les chofes qu’il a ex -
-

pliquées ,
il n’y eir a* point qui ne pa-
roilîènt au moins moralement’ certaines
par rapporta l’ùfage de la vie, quoi-
qu’elles fôient incertaines par rapport à'
lapuiflànceabfoluë de Dieu..Il y en a
même plüfieurs qui font'abfolnment ou
plus que moralement certaines ,
telles
que font les 'démonisations mathémati-
ques , & les raifonnemens évidens qu’il -

a faits fur Texiftènce des chofes mate-


rielles. Il a neanmoins eu alfez de mo-

itié pour ne fe donner nulle part


fautonté

Digitized by Google
2.6o Abrégé de U Vte
T *»44


l’autorité de décider & pour ne jamais
rien aflurer.
Quoique ce qu’il avoir eu intention
de donner fous le titre de Principes de
Philofophie fût achevé de telle forte,
qu’on ne fût point en droit de rien de-
mander de plus pour la perfection de
fon delTein ,
ilne lailfoit pas de faire ef-
perer à Ces amis l’explication de tou-
tes les autres chofes qui faifoient dire
que fa Phyfique n’étoit point complète.
Il fe prorrettoit d’expliquer de la même
manière la nature des autres corps plus
particuliers qui appartiennent au globe
terreftre, comme les minéraux, les plan-
tes ,.les animaux, &
particuliérement
l’homme. Après quoi il fe propofoit for
la mefure des jours qu’il plairoit à Dieu
de lui donner de traiter avec la même
exactitude de toute la Médecine , de
toute la Méchanique, & de toute la
Morale, pour donner un corps entier de
philofophie.
Élisabeth H dédia fon livredes Principes à fon;
Manne ïHuftre. difoiple la PrincelTe Palatine
difcii-'/ede Elizabeth ,
l’ainée des filles de l’infor-
tuné Frédéric V. Electeur Palatin élû'
&oi de Bohême. Cette PrincelTe avoir-'
M- iV* été-

Digilized by Google

Je M.DeJcartes.Liv.'Vlï. i6ï
été élevée dans la connoilTance d’un
grand nombre de langues ,
que l'on comprend fous
& de tout ce
le nom de

Belles lettres. Mais l’élévation & la*

profondeur de Ton genie ne permit


point qu’elle s’arrêtât à ces connoilfan-
ces où fe bornent ordinairement les
plus beaux efprits de Ton fexe ,
qui fe
contentent de vouloir briller. Elle vou-
lut pàïTer à celles qui demandent la plus-
forte application des hommes -, & elle
(è rendit habile dans la Philofophie &'
les Mathematiquesrjufqu’àce qu’nia ne

vû les Elîais de là philofophie de M.Def-


cartes,elle conçut une fi forte paffion
pour fa do&rine , qu’elle conta pour
rien tour ce qu’elle avoir appris jufqueS'
là , & fe mit fous fa difeipline pour éle-
ver un nouvel édifice fur fes principes.

Elle Iefitdonc prier de la venir voir,,


afin qu’elle pût puifer la vraie Philofo-
phie dans fa fource : & le defir de la fer-
vir dé plus prés avoit été l’une des rai-
fons qui l’avoient attiré à Leyde Si à
Eyndegeefiv Jamais- maître ne profita-'
mieux de la docilité ,.de la pénétration.,..
& en même temps de la folidi-
de l’efgrit, d’un difciple.. L’aianc. ac—
/ coutu^J-

Digitized by Google
i6z Abrégé delà "Vie
coûtumée infenfiblement à la médi-
"" tàtion profonde des plus grands myfté-
res de la Nature & l’aiant exercée fùf-
,
fifamment dans les queftions les plus
abftraites de la Géométrie &
les plus

foblimes delà Metaphyfique , il n’eut


plus rien de caché pour elle il ne

fit point difficulté de reconnoître qu’il

n’avoit encore trouvé qu’elle ( il en a


excepté Regius ailleurs ) qui fut par-
venue à une intelligence parfaite des
ouvrages qu’il avoir publiez jufqu’àlors.
Par ce témoignage qu’il rendoit à la
capacité extraordinaire de la Princefle ,
il fe contentoit de la vouloir diftinguer-
de ceux qui n'avoient pâ comprendre
fa Metaphyfique quoiqu’ils euflent l’in-
telligence de lâ Géométrie, &
de ceux
qui n’avoient pû entendre fa Géomé-
trie quoiqu’ils fulTent exercez dans les

veritex Metaphyfiques.
Elle continua de philofopher de vive
voix avec lui jufqu’à ce qu’un accidenr
Pobligea de s^éloigner de la'préfence de-
làReine de Bohême fà mère , &
de quit-
Hollande pour l’Alle-
ter leféjour de la
magne. Alors elle changea fes habitué-
dés =en un commerce de lettres qu’elle
entre»

Digilized by Google
,

Je M.DeJcartet.Liv.Vll.
entretint avec luipar le tniniftére des
Princeflèsr Tes fœurs. —
Sur les mefures que M.Dèfcartes *
avoit prifes à Ton retour du Poitou pour
*
fe rendre en Hollande avant les glaces,
il s’étoit réduit à la neceflïté de ne pou- P*ru ob
voir point pafler plus de dix ou douze
jours à Paris. Il les emploia* erides’vifi-
tes continuelles qu'il rendit à (es an-
ciens amis qu’il n’avoit point vûs de-
puis le fiége de la Rochelle , & à ceux
que fa réputation lui avoit faits pendant
fon abfence.
L’un de (es premiers foins fut de voir
les Jefaites du collège de Clermont ,oà
fè ment les dernieres ceremonies de (a
réconciliation avec le P. Bourdin (on
ancien adverlàire
,
qui pour rendre fon
amitié agiflànte & utile voulut être fon
correfpondant pour les lettres qu’il au-
roit à envoier aux Peres de la Gom»
pagnie dans les provinces du Roiaume
& en Italie , ôc pour celles qu’il auroit
à recevoir d’eux.
Il vid encore outre M. le Duc dfc

Luines & M. Clerfelier qui avoient


traduit fesMedi tâtions ,M. Chétnut dont
ii connoidoit déjà le mérité par le moien
dtt-

Digitized by Google
2 64 Abrégé de la V 'te

du P. Merfenne. Cet ami voulut le me**

ner chez M. le Chancellier, qui le reçut


avec tous les témoignages d’eftime
qu’on pouvoit attendre d’un Magiftrac
qui favorifoit les jfçavans , qui aimoit les-
fçiences, &
qui écoit déjà tres-avanta-
geufement prévenu pour nôtre Philo*
tophe par la leéture des Eflais de fa Phi-
lofophie.
Il eut autïi de frequentes conféren-
ces avec le Chevalier à* Ipby fèigneur
Anglois catholique qui étoit alors à Pa-
ris, &
qui étoit du nombre de les prin-
cipaux amis depuis quelques années.
Mais quoiqu’il s’attachât principales
ment à voir ceux de les amis qu’il n’a-
voir jamais vus , le nombre en étoit rrop
grand , &
le terme qu'il avoir prefcrit a

ton féjour étoit trop court pour pou-r -

voir leur donner à tous la fatisfadlion


qu’il auroit fouhaitée. Il fe crut nean-*
moins obligé de ne point palier M. de
Roberval. Il de Ton efti-
voulut l’aflurer

me , lui offrir de nouveau fon amitié , 8c


lui déclarer de vive voix que routes les
impreflîons de leurs petits démefleg
étoient parfaitement effacées de fon eff*
prit.. M. de Roberval fit ce qu’il put

_ ‘ pour

Digitized by GoogI
de M.Defcartes. Liv.VII.z65
pour bien répondre
faifoit M. Defcartes
à l’honneur que
; &
ladifpofitionoùilétoit de lui rendre ce
il protefta de
lui

.1644

ejuildevoit a fin mérité a fa condi-&


tion.Mais le peu deliaifonqne M.Def-
earces remarqua dans Tes entretiens lui
ht aifément reconnoître la vérité de
l’idée qu’il s’étoit formée de fon efprit'r
& il ne lui Rit pas difficile de juger que
l’amitié de ce grand Geométre éroit un
bien tres-perillàble. Il lui fit pourtant
la jufticede croire qu’il y avoir moins
de malice ou d’affe&ation que de natu-
rel & de tempérament dans fes manie!
res peu polies &
defobligeantes ; & il
reçût fon amitié relie qu’il la pouvoir
donnerons l’obliger à la garantir plus
folide & plus durable qu’elle n’étoit.
Aiant lailîe ce qui lui reftoit d’exem-
plaires de fes Principes fous la difpofî-
tion, de l’Abbé Picot fon hôte ,
qui
en avoit déjà traduit la moitié en nô-
tre langue ,
il partit pour la Hollan-*
de fur la fin d’Oftobre. Et le P. Mer-
fenne qui n’avoit plus rien à ce départ
qui pût le retenir à Paris fe mit en che- ,

min pour un voiage de huit ou neuf


mois qu’il avoit à Êaire en Italie.
Les

Digitized by Google
%(>6 Abrégé de la V ie
^44 Les nouvelles du retout de M.Def.
IV. cartes diflïpérent le trouble & les in-

^y quiétudes où étoient fes amis de Hol.


jifi r 'e- lande fur quelques foupçons qu'ils
E*' av °i ent voufoit le retenir en
mvJ
France» A fon arrivée qui fut le 15 de
Novembre, il alla d’Amfterdam droit
en Nord- Hollande fe retirer à Egmond
de Binrien avec larelbhmon de fe ren-
fermer plus profondément que jamais
dans forrancienne folitude, des’a- &
pliquer loin des importunitez de fes
Toifins
»
&
des vifites de fes amis à la
connoiflance des animaux , des plantes,,
& des minéraux.
Tl fait Afin de fe procurer le repos necef-
fo'Jpme^fo' rc à fes études ,
il fongea d’abord à

de Gr». terminer procez qu’il avoit à Gro-


le
nw&ut*
nrngue contre Schoocxius Profeflèur &
Reâeur de l’TJniverfué, &
qui étoit un
démembrement de celui que Voetins
lui avoit fufcité à Utrecht. La face de
celui-ci s’étoit enfin changée à fon
honneur , quoique par la mauvaife vo-
lonté des juges que Voetius avoit cor-
rompus il en retirait peu d’avantages :
mais il lui fufEfoit que l'irrégularité de
leurs procedures eût tourné toute à
leur

Digitized by Google
de M. Défîmes. Liv.VII. 167
leur confafion. L’éclat que leur in-
juftice nefervit pas peu aux Juges de
fit


1^44.

Groningue , pour régler leurs démar-


ches dans le jugement qu’ils avoientà
rendre entre leur Profefièur ôc M,
Defcartes.
L’affaire étoit pendante au Sénat
Academique on Confeil de l’Uni ver-
fitéj qui étoit le tribunal légitimé où
dévoient naturellement reflortir les cau-
fes deSchoocKius ; & il s’agifToit de ré-
paration publique des calomnies donc
étoit compofé le livre latin intitulé
<
Fhilofopbi<t Cartefîana ou Admi^anda
iTMethodus , &
publié par Voetius
fous le nomde Schoockius , qui s’en
déclaroit l’Auteur, &
par conséquent
la caution. Sur la lettre que M. Defcar-
tes en écrivit le 7 de Février à Tobie
d’André l’un des Profefleurs de l’U-
niverfité &des juges de cette affaire,
Schoockius fut cité : fur fon aveu,&
fans qu’on crût neceffaire d’entendre
fa partie , on rendit une Sentence en
faveur de M. Defcarres le 10 d’ Avril
1S4.J. Mais l’on y traita Schoockius
avec indulgence , parce qu’il étoit col-
lègue des juges , qu!il reconnoifToit fes
erreurs.

Digitized by Google
'
2.68 '
Abrégé de la Vie' .

erreurs , & qu’il n’avoit été que le mi-


niftre des calomnies &c des excez de
Voetius.
La furprife qu’eut M. Defcartes
de en Ton abfence,& avant
fe voir jugé
même la production de Tes pièces , luy
fit prendre cette promte expédition
pour un eff.t de l’évidence de la bon-
té de fa caufe. Meilleurs de Groningue
lui aiant fait tenir une copie de la
Sentence avec les a Clés qui avoient
ferviau procez , il jugea à propos de les
envoier aux Magiftratsd’Utrecht avec
cinq lettres de leur Miniftre Voetius
écritesau Père Merfenne , afin qu’ils
ouvrirent enfin les yeux fur les impof-
tures &
la malignité de cet hypocrite.
Mais au lieu de fonger aux moiens de
réparer le pafle ,
la eonfulion qu ils en
eurent tourna en une mauvaife honte,
fe

qui ne produifit autre chofe qu un aCte


fait le ii de Juin , pour défendre l’im-

prelfion &
le débit de tout ce qui étoit
pour ou contre M. Defcartes.
Nonobftant cette ordonnance, Voe-
tius au defcfpoir de ce qui s’étoit pafle
à Groningue, ne laifla point d’impri-
mer une lettre au nom de Schoockius
contre

Digitized by Google
de M. Defcartes. Liv.V ILl'fy
contre le gré dé l’auteur qui la defa-
voüoit : & fon fils attaqua les juges de
Groninguepar un libelle des plus info-
lens intitulé Tribunal iniqmm. Il fallut
que M. Defcartes prît la defenfe de ces
Meilleurs &
de leur jugement.
• Cependant Voetius le Pere Dé- &
matius fon collègue notez dans la Sen-
tence comme faulî'aires calomnia- &
teurs , concertèrent les moiens de pu-
nir l’ingratitude deSchoocKius 3 qui a voit
été lecolier & le confident du premier.
Ils apelloient ingratitude l'obligation
qu’avoit eue celui-ci de preferer la vé-
rité aumenfonge devant le tribunal de
fes juges. Mais parce qu’il n’étoit plus
fous la ferule , ils luy intentèrent un
procez d injures , comme s’il les avoir
calomniez. Toutefois les menaces que
Schoocicius fit à Voetius de découvrir
fes fecretsen juftice furent caufe du dé-
fi ftement de celui ci,lorfque le procez
fut fur le point d’être jugé àUtrecht,
& ils ne fe pardonnèrent jamais ferieu-
fement depuis.
Il n’en fut pas de même des difpofi-
tions de M. Defcartes à leur égard. La
tempête finie, il ne fit aucune difficulté
de
17° Abrégé de la Vie
*^ 4
-

de découvrir Ton cœur : &


il fut allé*

genereux pour leur faciliter la recôcilia-


tion,& leur offrir fon amitié. Mais Voe-
tius parut infenfiblè à toutes ces bornez.
Ibfevantade garder encore une ac-
tion contre lui, dont il pourroit fe fer-
vir en fon temps. C’eft ce qui porta M.
Defcartes à dreffer un manifefte Apo-
logétique pour les Magiftrats d’U-
trecht., afin de pouvoir enfevelir une
bomie fois toute cette affaire. Il leur
fit un abrégé hiftorique & raifonné de

ce qui s’étoir paffé dans leur ville de-


puis .l’an1639 touchant fa philofophie
& (a perfonne.. Il leur expofa toute la
juftice .de fa caufe & l’injuftice de fies

ennemis , pour les porter à lui faire en-


fc
fin raifbn du tort qu’ils avoient fait à
fa réputation par la faveur qu’ils a-
voient donnée a Voetius.
Cependant la le dure ,de fes Prin-
cipes produifoit de bons ou de mauvais
effets dans les efprits ,
félon qu’ils Ce
trouvoient difpolez à l’égard de leur
auteur. Suivant cette penfée , M. Def.
cartes ne devoir rien efperer que de fa-
vorable de la pair de River qui fe difoit

fon ami , &qui le déciaroit n éme


Seéta**

Digitized by Google
de M.DeJcartes, Liv.VII. 171
lè&ateur. de fa do&rine, pour imiter 164?
plulieurs Carteliens avec "•
lefquels il

avoirà vivre. Mais comme il ne la com- '

prenoic pas , il crue faire un compli-


ment agréable à M. Galîèndi de lui
propofèr de faire fur fes Principes ,
ce
qu’il avoir fait fur fes Méditations.
•M. Galîèndi s’en exeufa première-
ment fous le prétexté de ne pas renou-
veller une plaie qu’il croioit fermée , &
enfuice fur le mépris qu’il failoit de ces
Principes ; & il fè contenta de lui dire

quelques injures pour la décharge de


fon cœur. Les Jefuites n’en ufibient
pas de même dans le jugement qu’ils
portoient de fon dernier ouvrage. IL
en receut des témoignages très- avanta-
geux de la part des principaux de leur
corps , julqu’à lui faire croire que la So-
ciété voulait être de fon parti .
Les progrès de là Philolophie n’é- fW-
toient pas moindres en Hollande qu’à
Parfs. Dés le mois de Février M. de
^
b
e

tytefi*.

Hoogheland lui avoit en^oié trois thé- Lejd^


fes differentes Ibutenuè's depuis peu à
Leyde , 8c ne contenant que fes opi-
nions. Elles s’introduifoiei't alfez heu-
tçufement dans cette Univerfué par l’in-
JS dite

Digitized by Google
1 .

2>7 Abrégé de la V7<?\ . 'L


*<>45 duftcfed’ /îdrien>fl(ereboord ProfeflèùlU
r &
— en Philofophie fous -^Principal dit,
collège T héplogique , à la faveur de.
Heydanus Minière &
.Prédicateur; cé-
lébré,^ Golius,de $chooten ÿ de quel-: &
,ques .autres Profelîïeurs qui s’étoient.
rendus eux-mêmes. fe$atsùrs de, cette
nouvelle Philofophie. Lezele de Hee-
reboord dans ,fes premières ; leçons
n’étoit peut-être pas ardent au mê-
me degré ,'çtechajeus .que celui de Re-
gius "à Utrecht., mais il fetnbloit erre,
plus circpnfped & mieux réglé. Audi
fqt-il de plus Jongue durée & d*un fuç-
cés plusfenfible.
Schifm ;
Il auroit été à (buhaiter pour M.
& Pefcartes que Regius eût gardé la mê-
'itÿu/. oie conduite, ou quii eût perfeveré du
moins dans fa première docilité à l’é-

gard de Ton Maître. Depuis qu’il s’é-


tpit hazardé à dogmatiser de Ton chef
fur l’union de l’Ame humaine avec le
corps , &
fur quelques autres points
délicats , il avoic donné beaucoup d’e-
xerciçe à M.Defcactes,qui par fes exhor-
tations particulières & par les correc-
tions qu’il avoit faites à (es Théfes .& à
fes autres.écrits, avoir |tâchéde. rejç^ic

ai.!-, <i botws.

Digitized by Google
«

de M.DefcartesXiwyil^z'y^
(on efprit dans Tes bornes. Regius s ‘é toit 64$;
infhiliblement écarté depuis ce temps;: ——
1

& foie qu’ilfiât enfin retourné à fon pre-

mier génie, foie qu’il cherchât quelque -

milieu pour Ce racommoder avec fes en - 1

nemis d’Utrecht , &


s’aflurer la paifible
pofTeffion de fà chaire , il avoir pendant
le voiage de M. Defcartes en France
drefTé des Eflais d’une Philo fophie à fa
mode, aufquels il prétendoit donner le
titre de Fondemens de 'Fhyjîque.
L’experience qu’il avoic des bornez
de M. Defcartes ,
lui fit croire qu’il lui
pafleroit cet ouvrage de la manière qu’il
l’avoit compofé. Il îe lui envoia pour
l’examiner plutôt afin de nepaslaillèt
,
périr facoûtume tout d’un coup , que
pour profiter véritablement des leçons
de fon maître.- M. Defcartes n’eut
point la complaifance dont il s’étoic
rflaté. Il trouva dans ce dernier Ecrit

plus de licence qu’il n‘en avoir remar-


qüé dans tous les autres au lieu d’en-
: &
voier à Regius les corfe&ions des en-
droits qui en avoient befoin comme il
il lui man-
l’avoit pratiqué jufques-là,
da nettement qu’il ne pouvoit donner
q»e approbation generale à cet ouvra*,
<*•/ N ij

Digitized by Google
,

174 Abrégéde la Vie


*645 :
ge. il ajouta que s’il étoit allez
arnorC
reux de les fèntimens particuliers pour
ne pas fui vre l’avis qu’il lui-donnoic de
le lupprimer ou de le réformer ,
il feroit
obligé de le defa vouer, & de détromper
le Public ,
qui avoir crû jufqu’alors
qu’il n’avoiç point d’autres fentimens
que les liens.

Regius qui avoir déjà pris fon parti


& qui s’étoit contre tontes for-
fortifié

tes de remontrances, ne laifla point de


•remercier M-. Defcartes d.e fes avis :

jnais au lieu de les fuivre comme .aupa-


ravant , il fe mit en devoir d’exeufer fon
ouvrage , &
d’en faire voir 1 becono-
mie & les beautez à fon maître, comme
fi ces chofes eulfent échappé à fes refle-

xions. Il lui fit valoir fur tout fa métho-


de d’ Analyfè , &
fa belle maniéré de dé-

finir &
de divifer. Mais pour éviter les
incojiveniens dont M. Defcartes l’avoit
averti , il lui envoia ce modèle d’aver-
tilfement au Lefteur avec lequel il pre-
tendoit finir la préface de fon livre. Pour
détromper ceux qui s* imaginer oient cjue
les chofes contenues dans cet ouvrage fe-

f oient les fenti mens purs de . Def*


cartes , je fuis bien aife <£ avertir le Pu*

Digitized by Google
Je Ai. Defcartes. Li v. V II. 2.7 f
Mie quily a effectivement plufteurs en-
droits où je fais profeffon de fuivrc les
opinions de cet excellent homme ; mais
qu’il en d'antres anjji où je fuis d’une
y
opinion contraire , &
d'autres encore fur-
lefquels il n'a pas jugé à propos de s’ex-
pliquer. Pour tâcher de prévenir le defir-
veu public dont il fe croioit menacé par
M. Defcartes ,
il lui fit offre d'ajouter
encore dans fa préface tout ce qu’il ju-
gecoit propos, parce qu’il apprehen-
à
doirce defâveo comme une réfutation
de fon ouvrage, capable de l’étouffer on
de le décrier dans fa naiflànce. Mais il
ne patîa point de le retoucher dans le
fonds.
M. Defcartes lui manda qu'il approu'-
voit fort la manière de iraiter la Phyfi-
qüe par définitions & divifions, pourvu
qu’il y ajoutât les preuves necefiaires.
Mais il lui fit connoître en même temps
qu’il 11e lui paroifloit pas encore aiïez
verfé dans la Meraphyüque ,
ni dans la
Théologie,pour entreprendre d’en pu-
blier quelque chofe : que &
s’il étoit

abfolument déterminé à l’impreffion de


lès Fondemens de Phyfique , il devoir
au moins retrancher ce qui regardoic
N iij l’Ame
*
%7 ^ '
Abrège de la Vie
l’Ame de l’Homme &
la Divinité, $â
ne rien falfifier de ce .qu’il empruntait
de lui en un mot , qu’il lui feroit plai-
:

fit de ne le pasrendre participant de Tes

égaremens dit ns. la Metaphyfique , ni


de fes vifions dans. la.Phyfique la &
Médecine. . ...

Cette dernière lettrefit enfin lever le


mafque à Regius •, & refôlu de faefi-
l’honneur de fon maître au fien
fier il
,
renonça tout de bon à fa difeipiine par
une déclaration écrite duz5.de Juillet de
l’an 164$, d’une manière fi cavalière, que
çe qu’on nous dit de l’ingratitude d’A?
riftote envers
Platon , de l’infolence &
de Maxime le cynique envers Grégoire
,
de Nazianze n’aplus rien d’incroiable.
Regius enchérit fur eux par I’infulte
,
&
" perdit par Ion fchifme la gloire que lui
«voient acquife les dangers les perle* &
cutiops qui l’a voient
penfé rendre le
premier A4 ar/yr.de laleéleCartéfienne*
Il joignit même l’injuftice & l’infidelité
à Car après avoir retenu lâ
la révolte*
plus grande partie de kdoâxine de loti
maître pour s’en faire toujours le iriême
honneur qu’aupamyant , «iî la défigura
& la corrompit contme il lui plut* J#

l 'i VI x
fous

#
Digitized by Google
dé Mt&ejcariéi. îLiv'.Vn. 277
M. E)efcart es refofa
fous pretexte que _1: ^
tant qu’il vécut de la reconnoittè pour
Çenne à caufe de cet extérieur étranger*
il s’en faific après fa mort , en fup pri-
mant même fon nom ,
avec tant d’indi-
gnité, qu’on le regarde autant comme le
premier Plagiaire de do&rine, que

comme le premier ^clîifmatique de fil*
feéte.-
M. Defcartes répondit aux outrages
4 e Regius avec une douceur & une fai
ge(Tè qui auroit été capable de faire fôn
2pologie,s’ilen avoir eu befoin : & il ne
voulut finir fon commerce avec cet in--

grar, qu’en lui donnant les avis les plus


fèlutaires,qu’on put attendre d’un bort
rnaître &
d’un véritable ami; J Jù mT: h fc A »
* *

:'
fc
La Pa*. tie la plus >odieîifeldu ^$4
vol qui rendit Regius plagiaire de Mi Je^Ant
Defcartes confiftoit dans des Memoi- «««*
res que celui- ci avoit drefTei deptrisïPé-J ï lûuT
t

dation de fes Ptindpes.'danàdë defleirt


<J’en faire tin jufte traité sfè s *4 nimaH»X
La copie que Regiu$4 ui a voit dérobée $
je ne fçai par quelle àdreffe ,
étoit très- 4;.®,
4efeéiueufe*j & pair une indifcretion qui
fërvit à le trahir ,
-
il l’avoir prefque "ijT.t
toute inférée dans fon livre des Fendes v>>

- N iüj mens

Digitized by Google
Abrégé de U Fie
T mens dé Vbyftejue (ans l'avoir pu com-
prendre tant parce cjue les figures lui
manquoient qu’à eau le que ce qu’avoit
,

fait M. Defcartes n’étoit pas achevé.


En effet ce que Regius voulut mettre
en œuvre n’étoit qu’une ébauche fort
imparfaite de ce que M. Defcartes me-
ditoit fur cefujet. Après le gain
de fo»
procès de Groningue ,1e defir d ’execu-
ter Ion grand delïèinl’avoit
fait remet-
tre aux operations anatomiques avec
une application nouvelle. Ce fut dans
le temps de ces occupations
qu’il fut vi»
nte par un Gentilhomme qui lui de-
manda a voir fà Bibliothèque Sc à qui
,
il ne montra autre
chole,qu’un veau à ,
^^éïion duqu el il al loir travailler.
itudtsic
T r<*ite\, De la connoilïance des bêtes il palfà

mû™' J
G
^ e
,
cor s ^ umain par
P k
fecours
de fes expériences. Et il commença dés
1 automne de cette année fon traité fe-
paré de VH &
omme , même celui de la
formation dé Foetus quoiqu’il n’eut pas
,
achevé celui des Animaux.

iforTs^fur ^ ^ une P etiE e diverfion àcette étu de


u qnx .
par 1 engagement ou il le
trouva avec
at
du c,r-
les
P remiers Mathématiciens de l’Eu-
dt. rope de prendre part au fameux diffe-
.
^ lent

Digitized by Google
&e M . Dejcartes Liv.V II. 279
rent qui s’éleva en cette année entre
Longomontanus & Pellius touchant la -
quadrature du cercle. y avoit long-
Il
temps qu’il étoic convaincu qu’elle
étoit impoffible &
depuis qu’il en
avoir fait la preuve par le moien def#
Méthode &
de fon Analyfe , il s ’étoic
abftenu' de cette operation, comme
d’une chofe impraticable inutile. &
Au commencement d’O&obre il u.T Oit'
quitta fa folitude pour aller embrafler
fon ami M.-Chanut qui paiFoit à- Am- Tolikr *
fterdam pour la Suede en qualité de'
m ’

Refident de France. Là il fit amitié


avec M. Porlier, qui étoit de la com-
pagnie de‘ M . Ghanut, & qui -pendant
les quatre joursqu’ils demeurer et àAnv
fterdam, fe fit un pîaifir fingulier d’ap--

prendre de diverfes particulari-


le détail
té z propres les calomnies de&'
à ruiner
ennemis de nôtre PhilofopHe.
M. Defcattes s’en retourna fort fatisi
fait le 10 du mois àEgmond, où il paffà*
l’hiver, qui fut fort rude cette année,.
& compofor deux petits Ouvrages de
palîè-temp 3 , parce que les plantes de-
fon jardin n’étoiefit pas en cote en état-
dé- lui fournir les expériences qui lui
$-V’ étoieqt1

Digitized by Google
z8o jél\regéctelaVie

— ... -
étoient necellaires pour continuer 13h
‘ -
Ll fait f*
Phyfique. t

rtponfe Le premier de ces Ouvrages étoir la 1

aux in-
(ta.nct s c't
Réponfe qu’il avoir refufée d’abord ati 4

M. Gaf- M.GaIïèndi,queM 0
livre deslnftancesde :.

finai*
en nôtre langue avec-
Clerfelier traduifit

"Et ui quelques adouciffemens en faveur de'v


elfai de ce dernier, qu’il vouloit raccommoder
fis Pafi
fions.
avec nôtre Philofophe. L’antre étoir
un petit traité de la nature des Pallions
de l’Ame. Son deflein n’étoit pas de
.

faire quelque chofe de fini qui méri-


tât de voir le jour, mais feulement de
s’exercer fur la Morale pour fa propreî
édification ; & de voir fi fa Phyfique
pourroit lui fétvir autant qu’il l'avoiri
efperé pour établir des fondemens cer-‘>
rains dans la Morale. - • • *

VIII.
Difputts
Cependant. M. de Roberval;
avec M. oubliant jeu à peu larefblution qu’il
de Rober-
val fur
avoir prife de vivre en bonne intelli-’
lesVibra- gence avec m. Defcartes après l’hon-
fie ns. '

neur qu’il avoit reçu d’une de fes vifi-


tesà Paris, retournoit infenfiblement
à fon gér.ie inquiet , & parloit de
ce qu’il fçavoit oir ne fçavoic pas*
avec a fiez peu de précaution. M. Defw
canes en fut averti par des gens quP
*'< '
h - -, lui ï

Digitized by Google
de MiBeJçaneïMv'.V U.
lui firent peut être M.de,Robèrval plus
criminel, qu'il njétoitj fans confiderer
^*£
1

gu’U y. avoir plus de foibleife que de •

malignité «Un$<ïè$. manières; y *, , j.

z Qu lui donna avis dés le comment


cernent dé l’an 164.6 de deux princi-
paux points, fuclefquels m. de Robert
yàl Ce vantoit de, lui faire de la peines -

lé premier regardait la quefticn de;


Pappus , fur laquelle neanmoins il; ne;
lui fitvpoint de difficulté nouvelle pour >•'

tors.; L’autre concernoic les Fibrations'^ >

c’eft à dire, la grandeur que doic.avoic


chaque côrps de quelque figure qt’il

foit étant fnfpenduen l’air par l’une dé ,

fes extrémitez pour y faire fes toutà


,

& fes retours égaux à, ceux d’ùn ^lomb ’

pendu à Un filet de .longueur rdon-î


uée.
„ £a qiïeflion des Vibrations lui» fuü> -

ptopofeé par lep.Mèrfénne , auquel il téw -

pondit. le n de^Feyrier.&î le^é Mars;&î


enfuite par m. Candifthe qui écoit pouc
lors à Paris, U enyoia-Ja folution de la';
que&iott à ee SgjgoéurJie de :mv$ n i :

& m. de Robérval y fit auQVtoc'i i.' .A

obfÙtvarkHlsrquè M^andifebe ixt trïan. «


fc \3«4*%

hï N- Y ' v reçuf.'*’

Digitized by Google
z8 z dbregê de h Vie ~

reçut la réponfe quelque temps après r


””
&
M. Defcartes voiant que M. de Ro-
berval s’appuioit principalement fur Tes
expériences ,
il manda au P, Merfenne
qu’ilne préfumoit pas allez de lui- même
pour entreprendre d’abord de rendre
• raifon dé tout ce qu’on peut avoir ex-
périmenté.. Mais qu’il croioit que la
principale adrefle dans l’examen des ex-
périences confiftoit à choifir celles qui
dépendent de fpoins de caufes diverfès,
8c dont on peût- le plus aifément dé-
couvrir les vraies raifons.
M. Defcartes auroit foubaité finir
de bonne heure une difpute qu’il voioir
dégénérer enfin en quelliops inutiles* r
mais il plut à M.de Roberval dé vou-
loir la prolonger même au delà de l’an-
née. Cette conduite & fes fanfaronna-
des fur la queftion de Pappus lui atti-
rèrent la cenfure de fon Arift arque ,,

c’eft à dire, de fon livre touchant le


fyfiéme du monde , avec un jugement -

cmmmt ^ur l’efprit & la capacité de ce


Géome-
d e philo- tre 1

,
que M. Defcartes envoia au P.
MoHu Merfenne.
M*ec u Ce fut prefque dans le même* temps
qu’il examina le livre de Seneque dit
U*

Digitized by Google
de M* Dejcartes. Li v.V ÎI. z8$
ta vie heureufe en faveur de la Princefle ^4^.
Elizabeth fa dilciple, qui lui avoir de-
mandé de quoi fe divertir dans fes drf.
grâces aux eaux de Spa ,
oû les Mede-
cins lui avoient interdit l’étude & la 1

contention d’efpriî. Les reflexions ju-


dicieufes que la Princefle fit de Ion cô-
té fur le même ouvrage rengagèrent à
traiter avec elle dans la fuite diverfes
autres queftions de la Morale des plus
importantes , touchant le fouverain
Bien ,.la liberté de PHomme ,
l’état de
FAme ,
l’ufage de la Raifbn ,
l’ufàge des
Pallions ,
les a&ions vertueufes & vi-
cieufes , l’ufage des biens ôc des maux- n de^.
de la vie.. veüe Re.

Rien ne troubla pour lors la joie qu’il 0nu s ^


f rt% ,

recevoir de cet heureux commerce de


philolbphie morale avec cette Princefle,
que la publication du livre deRegius
(bus le titre deFondemens de Phyfique.
Il le crût obligé dë le defavoüer publi-
quement pour les raifons que nous en -- f

avons rapportées:& il inféra fon defaveu- I X.»


dans l’édition françoife de fes Principes
qui parut peu de temps après. Defc^ltc
Dans le temps que Regius faifoit
^£ *

éclater fon fchifme contre M. Defcar- ^2 "

tes,.

Digitized by Google
ees > dd HoQghtand Gennlhommô
iffl 'i
*
catholique^ célébré par fa verfcu &pat
fés chantez , fqn hôte à Leyde &{bn
correfpondant , don h* au public des
marques de Ton étroite union avec kti*
G’eftçe qii’ilfk par la publication don
livre qu’il lui dédia concernant l’exi-
ûenee de Dieu , la fpiritualité dé l’A-
&
me > fon union avec de corps ; outre
PeeconUmie du corps de PAmpaat ex-s
pliquée méchaniquement. rr. . .

• L’hopnêceté qu’eut l’Auteur derecom


çoître ce qu’il devoir à M.De&arres lui
attira de la part de celui-ci ufi .parallèle

„ ,
d’oppofition avec Regius. qui lui fut fore
glorieux. Mon bon ami M.de Hooghe^
lande (dit-il à la Printdfle Elizabeth)
t'U fy
Si'
a fait toutrle contraire de Regius^ en ce
,

.que Regius n’a rien écrit qui ne'foit pris


SS
de moi , &
qui ne foit avec cèla contre

Si
.moi :àu lieu que l'autre n’a rien, écrit
» qui foit proprement de moi-j.& toutes-^
,

.fois il n’a rien qui ne foit pour mot, em

ce qu’il a fuivi lés mêmes principes. :

.
MaisPublic n’a pdinc crû devoir
le
s’arrêter à une déclaration qu’on foup-
t'».

t ^n'noitjit’ayqi^éré .donnée que pour


1
-

.:; p^tptus ger^rfçrpejuriionneur quà


ce?

Digitized by Google
,

de M^ejcakeh EMfiVIL fcSj


à la tête & dans
cec fctmilui avoitfait 1 *>4 ,
&
,J T‘
tout le corps de fon livre. On a même
été tellement perfuadé da contraire à*
Rome, qaefur le rapport qu’en fit deux-
ou trois ans aptés le P. Magnan, Minime j

à'M. Carcavi, quelques-uns prenoienP


le nom de Hooghelande pour un mafi-
que fous lequel M. Deicartes auroitt-
voula paroicre deguifé,afin de publier 1

un nouvel ouvrage# ; -
:
*
i

- Letat des autres amis que M. Def~


cartes entretenoit en Hollande prin- fa amis
,
cijpalementàlaHaye,fè trouva un peu
*
dérangé pour lors pat la retraite de la retraite
Princefle Elizabeth fon illuftre difoi-
pie. Plufieurs de ceux qui avoient eu Eiï^ick
des relations avec elle trouvèrent
,
Te t

volontairement écartez. y en eut peu


Il

qui furent admis à la fuivre dans Tes *

voiages. Quelques-uns fe virent rete-* -

nus par leur établiffèment &


leurs em-
plois auprès du Prince &
de la Princelïe '
d’Orange.fl i. de Besoin demeura auprès *
des Princefles fœurs de Madame Eliza* -
beth. M. de Pollot fut pourvu d’une
chaire de Phiiofophie & de Mathema- ;

tiques à Breda dans lenouveau collège y


du Prince d’ Orange ayec le fietir Jean «

Digitized by Google
il 6. Ahegf de h Vît
litf pe ii ci-devant Profefleur à Amfter-^
dam. Le fieur SAmfonJonjfon qu’on pre-
noit à Paris pour le Précepteur de la
Princefle Elizabeth ,
mais qui écoit feu-
lement' Prédicateur de la Reine de
Bohême fa mère, fut aufîi reçu dans le
même collège pour profèffer la Théo-
logie. Tous ces nouveaux ProfefTeurs-
qui faifoienr gloire de fuivre la doétri-
ne deM. Defcartes,rendirent leur Uni-
verfité , qu’on qualifioit du nom d’E- *

cote tlluflre ,
Cartéfienne dans fa naifi.

fènce ,
à la faveur des Curateurs qui-
étoient le grand Veneur de Hollande,
M. Rivet Aumônier & Théologien du^
Prince, & M .Huyghem fécond fils de
M. de Zuytlichem élevé dans les princi-
pes de M. Defcartes.
Parmi ceux q[ui demeurerent'à laHaye
il-ne s’en trouva point déplus confide-
rables que M.de Braflet gentil-homme
François,qui étoit fon cotrefpondant,&:
qui rut depuis Relident de France au-
près des Eftats Généraux ; M. le &
Bnrggrave de Dhona le jeune, gouver-
neur de la viile d’Orange, qui ne laiflà
pas de continuer dans les exercices de
la Philofophie Cartéfienne aveclaPrin*.-
ceflè -abfente.-
*
Outre- - j

Digitized by Google
de Ad.DeJcdrtes. Liv.VII.1S7
Outre tant de fujets de fatisfaâ:ion, 164G*
~
M. Defcartes reçût encore pendant tou-
^ ^
te cette année divers complimens de e, amis
f
la part des lefcites de France des tar ™ les
&
Pays-bas* La choie lui fut d autant plus & ail •
agréable que ces Pères fembloient de- l<uri '
voir être ceux qui fe féntiroient les
plus interelfez dans la publication d’une
nouvelle philofophie j &
qui/elon lui,
auroient dû pardonner le moins,
le lui
s’ils
y avoient trouvé quelque choie à
redire. Il eut même le iplaifir de voir
revenir de leurs préventions quelques-
uns de ceux d’Allemagne &
d’Italie,
»

& particulièrement le P. ^thanafe


Kirfer , qui lui demanda Ton amitié par
la médiation du P.Merfenne.- Auffi re-
connut, il par la leéture de deux ouvra-
ges de Phyfique, dont le P.. Eflienne
Noël Reéfeur du Collège de Clermont
à Paris lui fit prêtent dans cette année.
que les Peres de la Compagnie dejefta
ne s'attachent pas tant aux anciennes
opinions u ils nen ofent propofer auffi
ae nouvelles „ Le P. Noël étoit fi bieir
defesamis qu’il fe crut obligé l’année
fuivante de prendre fa défenfe contre
M. Pafcai le jeune,avant que celui-ci le
fut

Digitized by Google
r T
*-88 TT j4bregê de* U Vie" V
ïfyS. fuft entièrement rangé du côté des Gar-
er < téfiens. -, ;
<

Ce fut' même temps qu’il re-


vers le
çût la Philofbphie du Pere F abri Jefuite
qui profëfToit les Mathématiques à
Lyon; Cette Philofophie étoit en ré-
putation d’être bonne, quoi qu’elle fuft
contraireà la do&rine de M. Defcartes.
On fît prefque le même jugement d’un
autre ouvrage de ce Pere qui parut la
même année touchant le- mouvement
local. M. Defcartes en recevant ces
deux ouvrages , eut avis que le même
tuteur fongeoit à faire un cours de Phi-
lofophie pour Poppofer à la fïenne. *

Ç’eftcequi lui fit prendre la refolutiôn


d’écfire contre fês fentimens ,
au cas
qu'il fuft avoué de fa Compagnie , &
qu’il parût que les Jtfûites vouluflent
adopter fa doékrine* Mais l’éveiiemehï
lui fit çonnoître que le P. Fabri n’avoit
pas alors toute l’approbation de fa
Compagnie. .. ., '
; « .

\ Aumois de Septembre de la même'


ijtnnéeM. Defcartes perdit un ami à la
mort du P. Niceron Minime mais il :

en acquit un autre en la perfonne de


}A* U Gmt g Contrôlleur général dé
ÏU - l’ordi-

Digitized by Google
.

de 'bA.Defcdr tes. Liv.V11. t%?


Fôrdinaire des guerres ,
qui letoit déjà
de Meilleurs Charnu ,
Clerfelier , & '^*sssm~
Porlier* [Il mérita Ton amitié par des
ob jetions qu’il fît fur Ton livre des
Principes ,
aufquelles l’Abbé Picot &C
l’Auteur lui-même fe firent un plaifir
de répondre. ’

v *
« A pIin e M. Defcartesavoit-il fini *
JL r/_
avec M.'. le Comte & M. Porlier lès pond à Ix

nouveaux amis , qu’il fallut répondre


^
• à M. Chanut fur l’une des plus impor- x m.
tantes querftions de Morale 5 & fe
la

prépaier à fatisfaire les defirs de laRei* queftmu


ne de Suède, conformément à la haute
opinion que ceRéfident avoitdonnée dé
lui à cette Princèfle. Laderniere lettre
qu’il lui avoit écrite de Stockholm con-
cernant les rares qualités de Cbrifline J
l’entretien qu’il avoit eu fur le même
iujet avec M.;de la Thuillerie au rei
tour de Ion A mb alfa de de Suède, & l’e*
xemple de fon illultre difciple la Prin?
celle Elizabeth,nè lui permettoient pas-
de douter delà poffibiîité de toutes les
merveilles que la renommée publioûr
de cette grande Reine, qui n’avoit en-
core alors qae 19 âns.’ j >

- Le gouft que M . Ghanut lui avoit


\.a déjà

Digitized by Google
z5>o Abrégé de la Vte
i<>4<*. déjà infpiré pour fa philofophie lui fk'
demander fon fentiment fur une que f-
tion de Morale qui s’étoit agitée entre-
elle & ce Rendent au mois de Novem-*
bre La queftion étoit de fçavoir'
quand on ufe mal de l’amour ou de la .

haine,- lequel de ces deux déréglemen»


ou mauvais ufages eft le pire. M.Cha-
nut priant M.Defcartesde la part de la
Reine de lui envoier fon fentiment foc
cette queftion, s-’étoit contenté de lui
mander qu’elle & luiavoient été d’opi-
nion contraire , fans lui dire quelle
avoir été celle de la Princefte ou U
fienne.

><547. M.Defcartes pour donner à la Reine


y— - la fatisfa&ion qu’elle demandoit, fit fus
le champ , c’eft: à dire au commence-
ment de l’an 1647 , une belle differta-
tion fur l'Amour que nous avons aut
premier volume de tes lettres. Il y exa-
mina trois chofes avec fa méthode oi>

dinaire 1 ce que c’eft: que l’Amour y
*,

1 fi la feule lumière naturelle nous en-


feigne à aimer Dieu ; 3 lequel des deux
déréglemens eft; le pire , de l’Amoiu
ou de la Haine. La le&ure de cette
pièce quifut envoiée en Suède au moi*

Digilized by Google
’iïe Ad. De/cartes. Li v ,'VII .^ï
deFévrier fie juger à laReine que tout ce 16-47»
que M.Chanut lui avoir dit de M.Def- **
cartes, étoit encore au dertous de la vé-
rité. Elle en parut -fi contente qu’elle
ne pouvoir enfuite fe laflerde donner
des louanges à T Auteur , & de s’en-
quérir des particularitez de fa perfonne
éc de fa vie. M . Dejcartes (
dit- elle à
M. Chanut) autant que je le puis voir
far cet écrit, & par la peinture que
vous rn 'en fait es t eft le plus heureux de
tous les hommes ; & fa condition me
femble diçne d'envie. Vous me ferez,
plaifir de l’affurer de la grande efiime
que je fais de lui.
Elle donna fon confentement atout
ce que contenoic l’écrit, hors un mor,
qui faifoit voir en partant que M. Défi,
cartes n’étoit pas de l’opinion de ceux
qui veulent que le çjfyîunde foit fini.
Elle témoigna douter qu’on pût admet-
tre I’hypothéfe du Monde infini fans
blefler la religion chrétienne.M. Cha-
nut fut chargé de lui en écrire pour lui
demander i’éclairciflement de la diffi-
culté , à laquelle il répondit qu’il nete-
noit pas le monde infini mais indéfini
?
c’eft à dire qu'il n’avoit pas de raifons
joue

Digitized by Google
ïyz Abrégé de U Vie '
\
KS^.7. pour prouver qu’il fçit- fini. Il fatisfic en
— ... » même temsM.Chanur,qui avoir ajouté
du une autre queftion couchant la
fien
véritable régie que nous devons fui-
vre dans le parcage de nos inclinations
concernant l’amitié dans l’échange des
offices mutuels de la bienveillance, ôc
dans la diftin&ion de l'eftime d’avec
l’affèétion. \j
——

. «

• .,
v Le plaisir que M. Defcartes
X I. goûtait dans la communication qu’il
avoir avec la Reine de Suede M. &
Vins & Çhanut fur. la Thilofophie morale fut
TrigUn:
doublé au commencement de cette an-
fufcité- nee par quelques Théologiens de Ley-
a
dg
d^u* tâchèrent de lui faire des affaires
dans leur Univerfité. Revins Principal
du collège des Théologiens fuhorné
(
comme on. l’a crû ) parles artifices fe-.
,crets de VoetiuSjqui ne fouffroit qu’a-
vec peine que le Carcefianifme qu’il
avait tâché de détruire à Utrecht prît
racine à Leyde , de faire
s’étoic avifé
foûtenir aux mois de Janvier de Fé- &
vrier quatre théfes differentes contre
M. Defcartes.
L’intention de Réviusétoit de per-
vertie le.fens des Médications. Meta-
physiques

Digitized by Google
de MïDèfcartCïJkW'N ll.xpy
phyfiques de nôtre Philofophe. iEit
quoi il fut fécondé par rie miniftre T<otr j n

glandius premier- Profeflèur en Théo-


logie dans l’Uni verfité., Leur defTein.
étoit de le faire condamner par leurs
clafles 8c leurs confiftoires comme un
Blafphemateur un Impie , 8c un Pela-
,

gien. M. Defcaites aiant appris que ces


nouveaux, calomniateurs n’attaquoient
aucune de fes vraies opinions , mais
feulement qu’ils lui en attribuoient de
faufles ,
qui avoient toujours été fort
éloignées de-fa penfée : écrivit aux Cu-
rateurs de leur Uni verfité pour en de-
mander juftice. Les Curateurs aianr ci-
té le Reéleur 8c les Profefleurs pour
fçavoir dequoi il s’agifloit , donnèrent
à la hâte un decret le io de Mai pour
leur défendre de faire dorefnavant au-*
cune mention de M. Defcartes 8c de
fes opinions dans leurs leçons. Après
quoi ils récrivirent à M.Defcartes pour
lui marquer ” qu’aiant fatisfaitielon leur K
pouvoir à ce qu’il avoir déliré d’eux , «
ils efperoient que de fon côté il cor-- «
refpondtoit auffi à leurs defirs. Qu’à «
cet effet ils le prioient de s’abftenir d’a- «
giter davantage ia queftion qu’il djfoit «
'
x -w avoir

Digitized by Google
19 4 Abrégé de la Vie
- avoir été attaquée & combatuc parles
Profefleurs de leur Univeriîté,pour pré-
venir les inconveniens qui en pour-
voient arriver de part & d’autre.
M. Defcartes fut a (lez mal fatisfaic
J
de cette conduite, & il n y trouva de
loüable que l’honnêteté des termes. II

leur écrivit pour leur marquer l’éton-


nement oû il étoic de n* avoir pu com-
prendre leur penfée, ou de ne leur avoir
pu expliquer la tienne d’une manière
allez claire pour leur faire entendre ce
qu’il defiroit d’eux. Ces Meilleurs s’é-
toient trompez de croire qu’il s’agît
d’aucune queftion qui eût été attaquée
par les deux Théologiens Révius &
Triglandius. Il ne s’agilfoit que de la ré-
paration d’une calomnie dont les fuites
, étoi ent à craindre à eau fè du rang du &
crédit des calomniateurs,
M. Defcartes voiant la mollette des
Curateurs qui appréhendoient de foire
une tache à l’honneur deleur Univer-
, &
fité Içachant d’ailleurs que la cabale
de Révius &
de Triglandius,qui avoient
déjà gagné la plupart des Minières, des
Théologiens, &
des Profctt'eurs , alloic
le foire condamner comme Pelagien.
dans-

Digitized by Google
*

de M.Defcartes. Liv.VU. 195


dans leurs confiftoires ou leurs (ynodes # 16^7
prit le parti d'emploier l'autorité du • ^
Prince d’Orange comme il avoit fait
pour l’affaire d’Utrecht.
Il donc à MServien Plénipo-
écrivit
tentiairepour la Paix de Munfter , qui
faifoit la fondion d’Ambafladeur à 1a
Haye pour un temps. L’effet de fa let-
tre fut qu'on fit taire les Théologiens ,
& qu’on ôta la connoiffance de cette
affaire à la Faculté de Théologie. Mais
on prit garde de ne rien faire qui pût
chagriner ou décourager les Miniftres

& les Profeflèurs dans leurs fondions


& dans le zeie qu’ils témoignoient pour
Jeiervice de leur rpligiqn. ^ .

Les Théologiens affligez neanmoihs


*3 e voir M. Defcartes & fes écrits arra-
chez de leurs mains , déchargèrent leur
mauvaife humeur fur ceux de leurs col-
lègues qu’ils lôavoient être fedateurs
de fa Philofophie. La tempête tom-
ba particulièrement fur les Profeflèurs
Heereboord & du Ban 3 & fur le Mini-
lire Heydanus qu’ils accusèrent de fa-
yorifer la Religion Catholique à caufe
qu’il préchoit à la Cartéfienne. Mais ils
îfoferent toucher ui à Golius ni aux

Q '
deus

Digitized by Google
» v *• - » .

296 kbregé de laV ie


ni au jeune doCteur de
1^47 deux Schooten,
——— « Raeï qui profelToit la Medecine en par-
ticulier.

___ Ces nouveaux troubles ne tu-


le yoiage
XII. rent point capables de rompre
Second de France dont M. Defcartes avoir for-
n commencemenr.
mé le defTein dés leur
7rZ'.
Il partit de la Haye le 7 de Juin & ar- :

palier
riva à Paris dans la refolution .de
en Bretagne dés le commencement dp
Juillet,pour régler les paires ,qui fer-
voient de prétexte à Ton voiage. Mais
l'édition françoife de fes Principes
qui
s’achevoit entre lésinais Ae l’Abbé Pi-
occafion
cot leur tr ad udeur lui donna
de^diffeter quelques jours , tant
pour y
faireune préface que pour voir entiè-
rement débarrafle de cette occupation
un homme qui devoir être de fa compa-
gnie dans fonvoiage. U ne vid pendant
cet intervalle que leP.Merfenne 5
M.
Mydorge qu’il ne devoir plus revoir de
fa vie ,
M.Clerfelier ,qui après une
&
longue maladie avoir procuré depuis
quelques mois la publication des Mé-
ditations en François de la traduction de
M. le Duc de Luines de la fienne. &
Après avoir réglé fes affaires en Bre-
^ '
tagne
de M Dejcartes. Liv.VH.197
tagne & en Poitou, il revint par laTou-
raine où M. de Crenan Gentilhomme de
fes amis le retint pendant quelque
temps. A fon retour il trouva bien du
defordre dans fes amitiez , le Pere
Merfenne malade , & Monfieur My-
dorge mort depuis huit ou quinze
jours.
*''*

Mais il avoit d’autres amis \ la Cour da


qui fongeoient à lui,{àns qu’il s’avisât de
fonger à eux > &
qui travailloient au-
près du Cardinal Miniftre pour lui ob-
,

tenir une penfionduRoy. Elle lui fut


accordée en confideration de fes grandi
mérités , <& de V utilité que fa philofo-
phie &
les recherches de fes longues étu-

des procuraient au genre humain : com-


me auffi pour l'aider à
continuer fes bel-
les expériences qui remueraient de la dc-

penfe , &c. Il fut furpris de voir l’expe-


dition des lettres patentes portant le
don d’une penfionde 3000 liv. fcellçes
le 6 de Septembre avant que d’avoit
oüi parler des démarches que fes amis
avoient faites pour cela : il trouva &
dans le Maréchal de la Meiileraye qui
oouvernoit alors les Finances , qui &
î’honoroit de fon amitié en particulier
O ij une

Digitized by Google
ip 8 Jbregé de te UV
*547 une .petfonne exacte ,& afFe&ionnée %
z -
la lui faire paier.

Dés le lendemain il fongeoic à fou


retour en Hollande lors qu’il fut ren-
contré aux Minimes de la place Roya-
EntretieH le parM.Pafcalle jeune qui çherchoit
1'
à le voir depuis qii’il avoir (çeu qu’il
Ÿafaf
étok en France. M. Defcartes eut dp
.plaifir à l’entendre fur les expériences
du Vuidc à Roüen au-
qu’il avoir faites
près de fon Pere depuis plyis de quinze
mois. Il trouva que toutes ces expérien-

ces étaient affez conformes aux princi-


pes de fa philofophie , quoique M. Pas-
cal
y fût encore alors oppofé par l’en-
gagement & l’uniformité dopmions oû
il étoit avec deRoberval Ôt les au-
tres qui foutenoienr Je.Vuide. Mais pour
le recompenfer de fa converfation , il

ini donna avis rde faire d’autres expé-


riences fur la malle de Pair ,
àlapefan-
teur duquel ilrapportoit ce que les Phi-
lofophes du commun avoient attribué
vainement à l'horreur du vuide. Il l'at
fura dû fuccés de ces expériences ,
quoi-
qu’il ne les eût point faites ,
parce qu'il
en patloit conformément à fes princi-

pes, M. Pafcal qui n'étoit pas encoçe


• :
"
perfuadé

Digitized by Google
,

de M . jyefcarteï. Liv. V1 1. 199


16 47
pérfuadé de lafolidité de ces principes ,
& qui lui promit deflors quelques ob-
je&ions contre fa matière fubtile , n’au-
roit peut être pas eu grand égard à fon
avis ,
s’il n’eût été averti vers lé même
temps d'une penfée toute fertlblable
qu'avoir eue Torricelli Mathématicien
de Florence* Les expériences qu’il fit
fur ces avis , & qu’il fit faire fur le Puy
deDomme par fon beaufrére M.Perriet
en 1648. fe trouvèrent fort heureufes
mais il femble qu’il aima mieux: en fçà-
voir gré à Torricelli qu’à Monfieur Def-
cartes^
Celui-ci partit incontinent après *''»«/**
w# 1 ’
avoir reçu les Lettres patentes de fa
pénfion. en Hollande fur la fia
Il arriva
de SepremBre avec l’Abbc Picot qui lui
tiht compagnie dans fon aimable folitu-
de d’Egmond jufqu’au milieu du moi»
de Janvier de l'année fùivante. Ils paf-
lerent les trois derniers mois de l’année
à jouir l’un de l’autre , à cultiver fit &
Philofophie dans une tranquillité pro-
fonde , s’occupant principalement aujé
diverfès experfences du vuide qu’ils
trouvoientdephlsenpliis conformes à
lès principes y &
profitant de la dou-
O iij ceup

Digitized by Google
*«.

300 Abrégé de la Vie


1^47 ceur de l’hiver qui fut extraordinaire
cette année.
JL envoie
fon fenti
Ces occupations furent interrompues
ment d par une lettre du 9 de Novembre que
fonvtreùn
Bien &• M. Defcartes reçût de M.Chanut,qui le
for. T ra - de la Reine de Suède
prioit de- la part
té des
Txffions de lui expliquer fon fenriment touchant
i la Rei
rte de
I efouverain Bien, Il s’en acquitta com-
Suède, il put fans raifonner iurles lumières de
laFoy, parce que la Reine avoit mar-
qué qu’elle ne confideroit le fouverain
Bien qu’au fens des Philofophes anciens»
II accompagna fon écrit des lettres qu’il
avoit addreiïees autrefois à l«i PrincefTe
Elizabeth fur le même fujet avec fon
traité manufcrit des Pallions. La Rei»
T
ne en fut lî contente qu voulut lui
eïïe
écrire de fa main pour l’en remercier, *

& quelle fongea deflors à l’attirer au-


« —— près d’elle.
XIII. Sur. la fin de l’année l’orivid paraî-
"Ecrits de
Revins- tre en Hollande
deux écrits latins , au£
de Re- quels il fembloit que Defcartes M. ne
ins,&c.
devoit point fe montrer indiffèrent. Il
crud neanmoins devoir méprifer le pre-
mier qui étoit directement contre lui
intitul ë ^Confiderationfur la Méthode
de la Philofophie Carttfienne ,
parce

Digitized by Google
de M.Defcar tes. Liv, VII. 301
qu’il avoit fon ennemi Révius pour ^47
r
qu’il étoit rempli de cavil
'

-
auteur , & _

lations inutiles, &


de calomnies grof-
fiéres.
. L’autre le toucha davantage quoi-
qu’il ne s'adrefsât à lui qu’indire&e-
ment. avoit pour auteur Ton ancien
Il ,

Régius , & pour titre £ xplica-


difciple
jion de Y E/prit huynain, ou de V Ame
raifonnable . M.'Defcartes y remarqua
plufieurs opinions qu’il jugeoit f.iufles

& pernirieufes. Et parce qu’on étoit


encore allez communément perfuadé
que Regius étoit toujours dans les fenr
timens qu’il lui.a voit infpirèz autrefois,
il fe crud obligé de découvrir les erreurs

de cet Ecrit , de peur qu’elles ne lui


fulTènt imputées par ceux qui n’aiant
pas lu fes ouvrages , &
fur tout fes Me-
ditations^tpmberoiehtpar hazard fur la
leéture decetEctit. La réfutation qu’il
en fit en latin fous le titre de Remarques
[ut un certain placart , Sic. tut imprir
mée fans fa participation. Regius y ré-
pondit yfans que M> Pefcartes fe fou-
çiât de fa réponfe ,qui.füt refutée après
fa môrt par Tobieï d’Andréa .

^.

iïl ité fit pas plus de cas de.deux au-

. i . O iiij très

Digitized by Google
30 i Abrégé de ht Vie
tres libelles qui parurent contre luidans
le même temps : &
Ion mépris fat faivi
dé celui du Public qui leslaiflà périr.
Tnifii. A peine l’hiver étoit-il paflé qu’il re-
eût une efpéce d’ordre de la Cour , 3c
fntvoiage

f eu hm ,
U
comme de part du Roy de revenir en
r*»x- France fous aes offres avantageufes. Eh.
lés confiftoient dans l’agrément d’une
nouvelle penfion & d’an emploi confi-
derable , qui devoit lui procurer plus
d'honneur que d’occupation > afin de
lui laifler le loifîr de continuer Tes étu-
des. Il avoir une répugnance extraordi-
naire pour ce yoiage dont le fuccés lui
jparoifloit falped par le prelTentiment
qu’il avoir dés affaires du Roiaume,.
Mais aiant reçu dex la fin de Mars le
fcrévet de fa nouvelle penfion qu’un o£.
licier de la Cour qui étoit de Tes amis
lui’avoit envoié par M. de Màrtigny j il
ne fat plus en état de reculer..
Il partit donc au mois de Mai rmais

à peine fat-il arrivé à Paris que l’état


des affaires publiques lui fit ouvrir les
yeux fur l’incertitude des choies hu-
maines , & fur la facilité qu’il avoir eue
à le laifler vaincre. Les troubles inopi-
nément furvenüs , firent qu’au lieu des
"•
effets
k •+ •

Digitized by Google
de M.DeJcartes.Liv. VII. 303
qu’on lui avoit promis , il trouva
effets
qu’on avoit fait paier par un de fes pro-
elles les lettres qu’on lui avoit envoiées,

i^g

& qu’il lui en devoit l’argent. De forte 1

qu’il femblok n ecre venu à Paris que


pouf acheter un parchemin le plus cher
& le plus inutile qu’il eût jamais eu
entre les mains. Cequi le dégoûta le
plus ,
c’eft qu’aucun de ceux qui l’a-
voient fait venir à la Cour ne témoigna
vouloir connoître autre chofe de iui >

que fonvifàge, comme s’il eût été quel-


que Eléphant ou quelque Panthère.
Une aventure fi inefperée lui apprit &
ne plus entreprendre de voiages Fup des
promefTes , fullém-etles écrites en par-
chemin :& il fer oit parti fur le champ
fans dire mot pour refburner en Hol-
lande , & pour ne pas augmenter par fa
préfence la confufionde ceux qui l’a-
voient fait venir. Mais fes amis après
lui avoir îaiffé faire fes adieux à la Cour
le retinrent à- Paris pendant prés de
trois mois y & ils n’oubliérent rien pour
lui rendre ce temps fort court & fort
agréable. sartnn-
Ce fut pendant cet intervalle que
Monûeur l'Abbé d’EtEees depuis Evê- faii*

O q««-

Digitized by Google
304 Ahregë de U Vie
^4-8 & maintenant Car-
q Ue Duc de Laon ,

dinal,voulut faire fa réconciliation avec


'

M. Gaffendi» Ce qui fe paffa en préfen-


ce de plufieurs perfonnes de mérité 8c
de confîderation au grand contente-
ment des deux Philofbphes , & de tous»

•X\y am s communs*.
leurs ^

chiiants Cï fut le jour de cette fameufe ré-


* conciliation que M. de Robetyal entre-
prit pour la première fois de démontrer
rimpoflibilité du mouvement fans ad-
mettre le vuide.. Defcartes à qui
M.
s’addrefloient perfonnéllement les pré-
tentions de ce Mathématicien ,
ne fit
point difficulté de répondre d’abord
à toutes fes objections» Mais il le fis
avec tous les égards qui étoient dus à 1»
préfènce deM*l£Abbé d’Ettées & de fa-
compagnie , fans changer la face d’une
eonverfation honnête & paifible.
L’humeur de M_de Roberval r cjui
avoir par tout befoin de l’indulgence de*
ceux a; qui il avoit affaire , ne s’accom-
modoit pas aflez du flegme qui accom-
pagnoit ordinairement les difeours de
M. Defcartes. Auffinefur.il pas long-
tems^fàns s’échauffer : & il lui fit fentir
entoures rencontres pendant le refte de

Digitized by Google
-

de M. Defartes, Liv^Y II 3 0/ .

Ton fèjour à Paris les j effets de ce feu 16


que nulle confédération ne fut capable — * H

d’éteindre ou de rallentir.
Les perfecucionS de cet homme qui t0 “ r e
;
^ f
affèftoicde nes’abfenter d’aucune af- en HoV
fomblée où il Içavoit qu'il de voit fetrou-
ver,&de le chicaner fur fa taciturnité,

contribuèrent guéres moins que les


troubles publias a le dégoûter de la
ville. Il prit occafion des barricades
pour en fortir dés le lendemain à travers
de toute la confafion. Il arriva en Hol-
lande dés le
4 jour de Septembre &
après quelque lejour qu’il fit à Leyde
chez M. de Hooghelande & à Amfter-
dam y ilalla fe.renfermer le 5? du même
mois dans fonEgmond, comme dans un
port affuré contre leâ tempêtes dont il
avoit déjà vâ les préludes dans fon -

voiage. XV.
A peine goûtoir- il les premiers M< rt ** -

fruits de fon repos qu’il reçût les nou-


velles de la mort du P. Merfenne qu’il
avo^ laide fort malade à ;
fori départ de
Paris. Ç’éroit l’anciefi^dèXes amis &dé
lès fe&ateurs &
il lui étoit toû jours
,

demeuré attaché avec nne confiance


& une . fidelité mife à. toiite épreuves
**• Q vj Rien-

Digitized by Google
3o 6 Abrégé de la Vîe »

164S Rien ne put lui être plus fenfible que I»


r '~
perte d’un tel ami : mais pour montrer
que Pafïli&ion ne lui avoir pas ôté le ju^
gcment , il pria quelques mois après
l'Abbé Picot de fçavoir ce qu’étoient?
devenues toutes les lettres qü’it avoir»
écrites à ce Peredepuis prés de ans,
parce qu’il ctoit afluré qu’elles avoient
été toutes fort foigneufement confer-
, vées. Il lui donna en même temps coim
miffion de les retirer d’entre les mains
des Minimes pour des raifbns tres*-im-
portantesj Mais- fa prévoiance pour
avoir été un peu trop tardive devint
inutile par la négligence de ces Reli-
gieux qui en avoient laide périr un
grand nombre , &
par la diligence ar-.
tifîcieufe de M. de Roberval qui s-’é-i
toit déjà rendu- le Maître d’une partie
de ces lettres.
Zs Reüt Cependantla Reinede Suède debar-
àjuéde raflfée des négociations de la [Paix dô

Cdlttl l’Europe conclue à Munfter le 14 d'Oc-


tobreic mit àPétude du petit traité des
Paffions de M.Defcartes : les im- &
preffions quelle en reçût la firent re-
foudre de palier àcelle de toute fa Phi*
fefophje. Elle ordonna en même temps
» ' • -* i

Digitized by Google
Se M. D'efeartes. Liv. VIT. 507 , r
h-Freittshemius Con Bibliothécaire d’é-
* ^ .

tudier fes Principes a6n de lui préparer


les voies pour l’intelligence de cette
Philofophie : &
le Refident de France
M . Chanut eut oommiffion de l’affifter
dans ce travail.
M. Defcartes êtoit alors occupé
1

à fà-
tisfaire les premières ardeurs d’un nou- fie» tff
veair difciple que fa Philofophie lui
avoit en Angleterre. C’étoit Henry
fait Dtft*

tJftforus dont la pafïïon & le culte nour


nôtre Philofophe alloit prefque jurqu’à
l’idolâtrie. M. Defcartes fans faire at-
tention à fes éloges ne s’appliquoir qu’à
l’inftruire &
à lui lever fes difficulrerà
mefure qu’il les lui faifoit connoître. Ce
commerce dura jufqu’à la mort de M.
Defcartes >
après laquelle cette ardeur
déMbrus pour leCartefianHme parut fê
rallenrir par la diverfion que d’autres
occupations yapporterer.t: jtifqua: ce
qu’une ftmple lettre de M. Clerfèlier le
fit revivre en 16 ^ , 8c lui fit donner dè
nouvelles preuves de fon attachement
pour fa do&rine. Qui croircrit que ce
Morus fèpt ou huit ans après s’avifa d’at-
taquer les Méditations de M.Defcartes
pour tâcher de les détruire ; & de dé-
clamé*.

Digitized by Google
-

"
3o£ v Abrogé de la Fie ••

&49 clamer contre fa Phyfique dans le def.


(èin de la faire palier pour libertine } '

XVI 1/ annee 1649 fournit à la Prin-


Attaches
de M. celïe Elizabeth divers 'fujets confidera-
De/c,pour bles de mettre là philofophie morale en
la F rite
cej?e Eli-
œuvre ;
& à M.Defcartes fon cher maîi,
\fibeth- tre de la confoler fur les accidens de
cette vie , & fur la bizarrerie des ca-
raftrophes de ce monde. Ces fujets fu-
rent la maladie de la Princefle $
le parri-
cide commis par les Anglois enper- la

fbnne de leur Roy qui étoic fon oncle


maternel ; la fierté ou l’indifFerence
qu’elle crud que la Reine de Suède
avoir pour elle j le peu de làtisfa&ion*
que TEleéteur Palatin fon firere avoir
reçu à la paix de Munfter.
La Prin ceflè qui étoit alors à la coq*
de Berlin l’avoit fou vent entretenu 4e
la fatisfaéfcion qu’elle auroit de lé pof*
feder au Palatinat où elle fàifoit fon 1

compte de fe retirer après le rétablifie-


ment de fon frere : & il l’avait alluré©'
de (on côté du plaifir qu’il auroit d’al-
ler vivre auprès d’elle dans un pays qu’il
avoir connu dés l’an 1619, & qu’il efti-
moit l’un des plus beaux & des plus
commodes de. l’Europe, Il n’avoit plus
„ . , , alor$>

Digitized by Google
de M.De/cdrtes.Liv.VÏÏ. 3 09
alorsaucune attache à la demeure de i £0
quelque lieu que ce fût. Quoiqu’il pa- «
rut être dans le fein du repos au fonds >»«r*

de la Nord-Hollande , &
qu’il rêvât
dans là folitude d’Egmond au0î paili- t'f* *-
mturu
blement &
avec autant de douceur
qu’il eut jamais fait y il fouhaitoit avec „
ardeur que les orages de la France s’ap-
paifalTent promtement pour pouvoir s’y
établir. Mais la continuation des trou-
bles de fa patrie jointe à l’apprehen-
fioqde fe mettrejamais en voiage , fem-
bloit le faire refoudre à pafler le relie
de là vie en Hollande , c’eft-à-dire dans
un lieu qui n’avoit plus les mêmes char-

mes qu 'autrefois pour le retenir, & qui
ne lui paroiftoit commode que parce
qu’il n’en connoilToit point d’autre où
il pût eftre mieux.
Lors qu’il raifonnoit de la forte il
a e
, fe ^f/e
ignoroit encore le fort que la Providen- veut l'at*
ce lui deftinoit. Mais peu de jours après “ rer *
t0
elle lui fit conjecturer qu’elle difpofoit
de autrement qu’il ne le l’étoit pro-
lui

)ofé. Dés le mois de Mars il reçût de»


{ettres de M.Chanut par lefquelles onr
,
-
lui marquoit le defir que la Reine de

Suède avoir de le voir à Stockholm, 8c


d’appren^

Digitized by Google
-

JT0 . Abrégé de U Vk
*649 d’aprendre (à philofophie de fa bouche.
— Comme il fongeôit aux termes de s’ex-
cufèr fur ce voiage ,il reçût de fécondés
puis de troifiémes lettres extrêmement
prenantes de la part de la Reine. De
forte que malgré toutes les apprehen-
~ fions 8c les diflSculcez qu’il trouvoic
dans un voiage qu’il eftimoit dangereux*
à fa fànté ,il manda à M. Chanut la dif
poution où ilétoit d’obeïr à la Reine
vers le milieu de l’été ,
pourvû qu’elle
luipermit de revenir à Egmond* trois
mois après , ou vers la fin de l’hiver
fuivant au plus- tard.
La Reine préfumant de fa bonne vo-
lonté, avant même que M. Chanut eut*
reçu fa dernière réponfe donna ordre à
l’Amiral Flemming de l’aller prendre à
Amfterdam , & de l’amener avant la finf
du mois d’ Avril.- L’Amiral alla'jufqu’à
Egmond , mais fous le nom d’un fimple
officier de la dote Suédoifepout lui of-
frir fesfervices , & lui montra les ordres

de la Reine , a joutant qu’il prendront (a


commodité, &
qu’il feroit -attendre- le
vaiffeau autant qu’il '
le jugeroit à
propos.
M.Defcartes fut furpris de cette vifite*
de Défiante. Lïv.VH. 3'1'ï

& s’excufa le plus civilement qu’il


fût poffible fur ce qu’ai a nt récrit au
fident de France ,
en attendoit
il
Re-
une ré-
lui

*1649

ponfe qui lui expliqueroir précifement


les dernieres volonte2 de la Reine , &
détermineroit fes refolutions fur fon
voiage. L’officier étant retourné à
Amfterdam fans s’étre fait connoître,
M. Defcartes receuç de M, Chanut des
lettres qui avoient éré égarées pendant
prés de quinze jours , &
qui lui mar-
quoient que la Reine avoit donné tous
les ordres neceffaires à M. l’Amiral
Flemming pour le tranfporrer enSuede.
M reconnut à cette leéture la bevûë
que le retardement de ces lettres lui
avoit fait faire, prenant pour un fimple
officier l’un des Amiraux du Roiaume
y
qui lui avoit fait l’honneur de le vifiter
êc de lui apporter lui même les ordres
de la Reine.Craignanrque le refus qu’il
avoit fait de fes fervices ne fùft inter-
prété au préjudice de fes bonnes inten-
tions , il fit incefïàmment préparer fbn
petit équipage pour ne plus fe trouver
fùrpriSjlors qu’il recevroit ordre de par-
tir , au cas qu’il ne pût obtenir les trois
.

*
mois de délai qu’il avoit demander.
Pc»

Digitized by Google
311 jibregé de la Vie
1^4 î>. Peu de jours après M. Chanut
partit d’auprès de la Reine de Suède
pour venir rendre compte de fa refiden-
ce à la Cour de France. Il arriva au
mois d’Avril en Hollande où il fut pré-
venu du brévet du Roy qui le faifoit fon
Ambalïadeur ordinaire auprès de la mô-
me Reine. Il alla chercher fon ami dans
Ion hermitage d’Egmond ,& acheva de
lever le refte des difficultez qu’il trou-
voit à fon voiage. Il le quitta pour Paris
dans la refolution de le reprendre à fon
retour ,
& de le mener lui - même à la
Reine de Suède ,au cas qu'il ne; put ob-
tenir du Roi fon maître la difpenfe de (a
nouvelle dignité , & la permiffion de
faire revenir fa famille en France,
XVII. Vers le mois de Mai Ion vid pa-
Edition
latine de roitre pour la première fois la Géomé-
fa Géo. trie de M. Defcartes en latin, de la tra-
mark.
du&ion de Schooten ancien Profefleui;
de rUniverfîté de Leyde en Mathéma-
tiques. Il y joignit des commentaires
de fa façon,avec les excellentes notes de
M. de Beaune dont nous avons déjà
parlé , &c qui mourut quelques mois
après cette édition. :* •>
Schooten à l’exemple de tous les au-
tres

Digitized by Google
de M.DeJcartes.Liv.'VÏÏ. 313
très Traducteurs de M. Defcartes , l'a- ,

voit prié de revoir fa verfion ,


& de la
rendre parfaitement conforme à fes
penfées originales ,
comme il avoit fait
Mais il aima mieux la laifier
les autres.
que de la corriger à demi : & pour
paflèr
montrer qu’i 1 ne prenoit aucune part à
cet ouvrage, il voulut l’appeller la G ta-
metrie de M, Scbooten ,
fans même s’etï
attribuer le fonds. Cette indifférence
ne fut point approuvée de ceux qui au-
roient fouhaité qu’elle eût l’avantage
des autres traductions : & M, Carcavi
s’en plaignit à lui comme au nom de
quelques fçavans de Paris,
Cet homme faifoit en cette rencontfe Cdr-
la fonction du feu P. Merfenne , à la ctvi cor-
refpon-
place duquel il s’étoit fait fubroger par dant de
M. Defcartes pour la correfpondance M.Defc'
qui concernoit les nouvelles de litera-
ture & de fcience , & les livres nou-
veaux. Il commença par lui mander le
fùccés de l’experience fur la pefànteur
de l’air faite au Puy de Domme prés de
Clermont en Auvergne par M.Perrier
& M, Pafcal, Il lui envoia en même
temps deux petits livres venus de Ro-
me touchant la Phyfique fuivant les
nouvaux

Digitized by Google
514 abrégé de l<t Fie
nouveaux fentimens. Dans l'un des
deux il étoit parlé des principes de M.
Defcartes avec eftime mais on jugea à :

Paris que l’auteur ne lesavoitpas bien


entendus. Il lui manda auffi par la même -
voie , qu’il y avoir à Rome un Minime
François nommé le P * Magnan plus in-
telligent & plus profond que le P. Mef-
fènne qui lui faifoit efperer quelques
,

obje&ions contre Tes Principes,


s* laifie M.Carcavi qui étoit étroitement uni'
nT/pâr
avec M, de Roberval ne manqua pas de
Af. de lui envoier auffi diverfes obje&ions de
Mervai.
cc G eométre &
de tâcher même de le
5

bien remettre dans fon efprit,où il pré-


tendoit qu’il n’étoit mal que par l’indif-
cretion du P. Merlènne. M. Defcartes'
& crut obligé de juftifier la mémoire de
cePere : mais il ne laiflà pas- de (çâvoir
gré à M. Carcavi de Pamour qu’il té-
Dioignoit pour la paix &
l’union des e{l
prits , & il voulut bien- en fa confidera-
tion répondre aux obje&ions de M.de
Roberval , commefi elles lui eujfent été
propofèes avec fîncerité par me perfonne
bien intentionnée ,
. M. de Roberval dont le plaifir étoit
de toujours obje&er& non de recevoir
; . . de

c_.
Digitized by Google
,

Ae M.Deftartes. Liv.VII. 515


4es (blutions ,
diffimulant lesréponfcs
"" 5
que M. Defcartes avoit données àjès
difficultez, voulut fe fer vir du nom de
,

>1. Carcavi pour les lui objecter de


nouveau,. Cette jj&ion ne plut point à
M. Defcartes , qui n’eut aucune peine
ÇL reconnoitre de M. de Rober-
l’efprit
val fous la main de M. Carcavi. C’eft-
pourquoi au lieu 4e récrire à celui-ci,
il s’addrellà à M.Glerfeiier étant déjà

,en Suède, &


le pria de marquera M.
Carcavi qu’il étoit fon très - humble
ferviteur , &
qu’il ne manqueroit pas
,.de lui faire jéponfelors qu’il .lui éci;u
jroit fes propres penfées.
La Saison de l’été s’avançoit
M . Defcartes attendoit le retour de

-t-

M. Chanut Ambalfadeur de France en


Suède pour faire je voiage en fa corn- tudel fur
pagnie. Mais aiaqï appris d’une part^'^J’
qu’il ne pouvoir partir de Paris avant le de.
mois de Novembre., &.de l’autre que la
Reine de Suède Pattendoit incellàm-
menr, il voulut prévenir les premières
rigueurs de l’hiver.
Il fut feulement en

peine de fçavoir auparavant fi les en-


vieux que là Philofophie lui avoit prô-
niez n’auroient point pris le devant à

Digitized by Google
^ 3
r6 Abrégé de U Vie
— lacour de Suède pour tâcher de lui ren-
dre de mauvais offices de prcoccu- , &
er l’efprit de la Reine. Il n’ignoroit pas
F averfion que la Nobleflè Suédoife , &
la plufpart des Officiers
de cette cour
témoignaient pour toutes fortes de
fciences. Il fçavoitauffi que la paffion
delà Reine pour Sçavans commen-
les
çoit à devenir l’objet de la raillerie de &
lamédifance des Etrangers. On publioic
déjà qu’elle vouloit ramaffèr tous les
Pédans de l’Europe à StocKholm ; &
que bientôt le gouvernement du roiau-
me fèroit entre les mains des Grammai-
riens. Il craignoit de fe voir confondre
avec ces fortes de gens dans une cour
où les Naturels du pays fe (bucioienc
peu de diftinguer les Etrangers. Et la
vue de IaRéligion catholique fervoit en-
core à augmenter fes fcrupules. Il fal-
lut que Freinshemius à qui il en écrivit
fecretementles diffipât ,
& le preflât de
nouveau de la part de la Reine.
Quoiqu’il commençât par fixer fon
retour précifément au printemps de l’an-
née fui vante , il fe trouva dans un je ne
fçai quel preflemiment de fa deftinée

qui le porta à réglée toutes fes affaires,


comme

Digitized by Google
de jfl/Î.DeJcdrtes.Liv.VH.$ij
comme s'il eut été queftion de faire le
vpiage de l’autre monde. .
' ——
1649

Il quitta fa chère folitude le premier


jour de Septembre , & après avoir lailfé
fon petit traité des Pallions entre les
mains d’Elzevier pour être imprimé
pendant ^automne , il s’embarqua au
port d’Amfterdam , n’aiant pour tour
domeftique que Schluter Allemand (èr-
viteur fidele &affeéfcionné que l’Abbé
Picot lui avoit prêté pour fon voiage.
Il arriva heureufement à Stockholm

nu commencement d’Oétobre , &


alla
defcendre chez Madame Chanut fœur
de fon ami M. Clerfelier , où elle lui
prefenta des lettres de l’Ambatladeur
fon marj,quil’attendoientavecun apar-
tement tout préparé , qu’il ne lui fut
pas libre de refufer. Il s’y trouva coro-
blé de tous les avantages que le fé-
jour de fon aimable Egmond & ce-
lui de la ville de Paris joints enfem- sa rece?~
ble auroient pu difficilement lui procu-
JJJJ*
rer à la fois. *

Le lendemain il alla faluê’r la Reine eTu



fit con-

qui le reçût avec une diffinétion qui fuc Reine, f*


remarquée de tonte la Cour , à
qui
contribua peut-être à augmenter enco- telle.
re

Digitized by Google
fiB *
Abrégé de là Vie
re la jaloufie de quelques Sçavans, £
fr 1
qui fa venue fembloit avoir été redou-
table. A la fécondé vifite qu’il rendit à
la Reine,* elle lui découvrit le defleiti

qu’elle avoir de le retenir en Suède pat


,

un bon établiffemenr. Mais comme il


s’étoit préparé dés la -Hollande contre
toutes foîlicitations ,
il ne répondit à

* celle-là que par compliment.


•Elle prit enfuite.des mefures avec lui
pour apprendre fa philofophie de fa
bouche jugeant qu’elle auroit be~
foin de tout fon efprit 8c de toute fon
'
application pour y réüUir ,
elle choifit la
première heure d’après fon lever pour
cette étude comme le tems le plus tran-
quille & le plus libre de la journée ,où
elle avoit le fens plus raffis & le cerveau
plus dégagé des embarras des affaires.
M. Defcartes reçut avec refpett la com-
miffion qu’elle lui donna de fe trouver
dans le cabinet de fa bibliothèque tous
les matins à cinq heures , fans alléguer
le dérangement qu’elle devoir caufex
-dans fa manière de vivre, ni le danger
auquel elle expoferoir fa fanté dans ce
•nouveau changement .de demeure , &
dans une faifon qui.écoit encore plus
jigou-

Digitized by Google

âe M. Défimes. Liv.VII. 31?


rigoureufè en Suède , que par tout où il 1
64*
x avoit vécu jafqa’àlors. —
LaReineenrccompenfe lui accorda
la grâce qu’il lui avoit fait demander
par Freinshemius , & qui conliftoit à le
difpenfer de tout le cérémonial de la
cour , & à le délivrer de tous les alïii-

jettilfemens ,
ou pour parler comme les
Philosophes , de toutes les miféres des
Courtifans.Mais avant que de commen-
cer leurs exercices du matin , elle vou-
lut qu’il prît un mois ou fix lèmaines
jour fe reconnoître,
fe familiarifer avec

{e.genie du pays, faire prendre ra- &


cine à lès nouvelles habitudes par le(l
,
quelles elle efperoit lui faire goûter fou
nouveau feiour , le retenir auprès &
d’elle pour le refte de (à vie. Mais aiant
reconnu de bonne heure la capacité de
fon efprit qui s’étendoit encore à d’au-
tres chofes que la Phiiofophie ,
elle ne
tarda point à le mettre de Ion confeil
fecrct : & la confiance qu’elle eut en
lui la porta à reglerfa conduite parti-
culière ,
ôc même divers points concer-
nant le gouvernement de lès Etats fur

(es avis. Il profita de cette nouvelle fa-


veur , non feulement pour fervir le

P Çom:e

Digitized by Google
r

310 Abrégé de la Vit


*
Comte de Bregy quelques autres
&c
.
- 42 perfonnes de mérité auprès d’elle , mais
lur tout pour détruire dans Ton efpric
les raifons d’éloignement &c de froi-
deur qu’elle fembloit avoir pour la
maifon Palatine, &
celles de la jalou- •

fie fecréte qu’elle avoit déjà conçue pour

l’efprit,ladoâ:rine s &
le mérité de la
-'
r~— PrinceiTe Elizabeth en particulier.

„,r Ce crédit joint à quelques ap-


fa plaudiiiemens qu il reçut a la cour pour
quelques vers François que la Reine lui

U Rei»e» avoit demandez fur la paix de Munfter


allarma les Grammairiens & autres Sça-
vantajfes du Palais, malgré la précau-
tion avec laquelle il tâchoit de préve-
nir leur jaloufie.lls étudièrent foigneu-
fement les occafions de lui nuire , & de
tallentir l’ardeur que la Reine faifoit

paroître pour fa Philofophie. Ils firent


Ibnner fort haut le prétendu mépris des
Langues & desHumanitez qu’ils lui im-
put oient. Defefperant enfuite de le rui-
ner dans l’efprit de la Reine avec toute
la paffion qu’elle témoignoit pour leurs
cohnoiflances ,
crurent ne pouvoir
ils

mieux fevangerde lui qu’en le faifanc


gaffer pour un de.leurs femblables dans

Digitized by Google
de M.DeJcartes.Liv.VH. 311
l’cfprit des Seigneurs de la cour , & fur 1649,
tout des Miniftres. Ils tâchèrent de leur 1

perfuadbr combien il étoit étrange que .

ce nouveau venu eût tout l'honneur de


la confiance de la Reine ; 8c combien
il croit dangereux qu’il eût part à d’au-

tres affaires que celles qui regardoient


la philofophie &
les fçiences» Mais 011
ne fut pas long-temps à la Cour fans
diftinguer M, Defcartes d’avec les Sça- *.

vans de profeiïion , qui y cendoient les


fçiences odieufes à laNoblefle du lieu.
Cependant il apprit d’Elzevier que Traité

l’édition de fon Traité des PaJJions de


^7*,.
l'Ame étoit achevé. Il le prefenta à
la Reine fans avoir crû devoir le lui dé-
dier, parce qu’il avoir été ccmpofé pre-
mièrement pour (on illuftre difciple la
PrincelTe Elizabeth qu’il n’avoit garde
d’oublier. Pour rendre cet ouvrage iiu .»

telligible à toutes fortes de perfonnes #


il I’avoit augmenté d’un tiers fur les avis
de M.Clerfolier.Il le divifa ën trois par-
ties , dans la première defquelles il eft
traité des Pallions en general, par oc- &
cafion de la nature de l’Ame, &c. dans
la x c des'fix paflions primitives s de dans
e
la
3
de toutes les autres.
P ij La

Digitized by Google
,

3l2 , Abrégé de Vie U


ïfyp
La vûë de cet ouvrage fit juger à la
— Reine que M. Defcartes avoit beau-
coup d’autres traitez parmi fes papiers
qui n’avoient pas encore vu le jour. Et
.dans le defir de lui faite faire un corps
accompli de toute fa Philofophie qu’el-
le goûcoit de plus en plus, elle voulut
engager à réduire en ordre le refte des
,1

écrits qu’il n’avoit pas encore publiez


afin de le porter enfuire à mettre la
y
dernière main,
M. Defcartes pour obéir à la Reine
fe mit à remuer le coffre de fes papiers
Set amr qu’il avoir entaflez pefle mefle à fon
vreipoft-
j^p art de la Hollande. Il ne s’y trouva
rien d achevé. Tout etoit en morceaux,
dont on a depuis érigé en traitez ceux
à qui on a fait voir le jour. Entre les
plus confiderables de ces fragmens
étoient.
Celui del’ Homme , que M. Clerfe-
lier a fait imprimer depuis, & où l’Au-
teur a fait voir toutes les fondions qui
appartiennent au corps feul , fans tou-
cher à celles qui appartiennent à
l’ame.
Celui de la Formation du Foetus, dont
le titre marque alfez la matière ? & qui
â

Digitiza >y Google


deM.DeJcartes.Liv.VU. 313
a été publié conjointement avec celui 164*,
de l’Homme par le mêmeAuteur s affifté
de M. de la Forge Médecin de Saumur,
& de Gérard Gutfchovven ProfefTeur
des Mathématiques à Louvain.
Celui de la Lumière ou du Mende ,
quïn’eft qu’un petit extrait ou un mor-
ceau de Ton fameux Traité du Monde,
qu’il avoit fùpprimé à la nouvelle de la
difgrace de Galilée. M. Clerfelier lé

W
fit imprimer allez correctement en

Celui de l Explication des Engins qûi



, .

fut égaré après fa mort , &


qui dans le
fonds n’eft pas different de fou Traité-de
Mechaniqae.
Mais le plus confiderable de tous les
oilvrages poftumes de M. Defcartes eft
le t.refor ineftimable des Lettres qui fe
font trouvées dans fon coffre ,
&c dont
M. Clerfelier a publié un Recueil en
trois volumes.
XX.
Ges écrits poftumes à qui M. S(s al4 ,

Clerfelier & les autres Cartéfîens ont tut M.j-


nu^ nr "
fait voir le jour après la mort de leur
auteur , ne furent pas les feuls qui fe
trouvèrent à la revue qu’il fit de fes pa-
piers. II
y avoit encore divers ouvrag/es
P iij commen*-

Digitized by Google
314 jibregéde UVi6
*^45> commencez dans plufieurs rcgiftres de
differentes grandeurs touchant diverfes
parties de Mathématiques & de Phyiî-
- que , fousdes titres qui n’avoient aucun-
rapport à ces matières, comme de Par -
. tiœjjhs j
Olympica \ Democritica) Thau-
- manth Regia , &e.
Son Traité £ Algèbre , qui fe trouve
encore dans le cabinet de quelques fça-
vans r -

Une / ntroduSHon contenant les fon-


demens de Ton Algèbre que nous
croions perdue*
t Divers fragmens fur la nature &
l’hiftoire des Ai étaux des 'Riante^,
fk des Animaux »

Un Abrégé des Mathématiques pu-


res qui n achevé ;
etoit pas
Divers amas de penfées détachée*
fiir l’Ame, fur la Nature, fur la couftruc*
tion de l’Univers ;

Une Introduction h fa Geo me trié


dont nous avons eu occafion de parler,,
Zc qui étoit moins (on ouvrage que ce-

lui de Pùn de fes amis.
'

Parmi ceux que les foins de M.Cha-


nut ont fait échoir à M. Clerfelier, il
:
a’y en a point de plus confiderable ni
"• peut

Digitized by Google
de M. Départes. Liv.VlI. 315
peut être de plus achevé que le traité o
latin, qui contient des Régies pour con-
duire notre efprit dans la recherche de
la Vérité : au moins peut-on aflurer
qu’il n’y en a point d’une plus grande
utilité pour le Public. De trois parties
dont il de voit être composé, nous n’a-
vons que la première entière &
la moi-
'
tié de la fécondé.

Un autre ouvrage latin qu’il avoir


pouffé allez loin , &
dont il nous refte
un fort ample fragment eft celui de l'é-
lude du bon fèns ou de l’Art de com-
prendre, qu’il avoir intitulé Stndium
bon a mentis , &
qu’il avoir adrefle à
l’un de fes amis, caché fous le nom de
Musée.
On a trouvé auffî les commencemens
d’un autre ouvrage qui étoit parmi, les
papiers du coffre de Suède. Il étoit écrit
- en François, en forme de dialogue fous
le titre de la Recherche de la Vérité
far la lumiérç naturelle, qui toute pure

&fans emprunter le fecours de la Reli-


gion ni de la Philofophie détermine 1er
: opinions que doit avoir un honnête hom-

me fur toutes les chofes qui peuvent oc-


cuper fa pensée. L’ouvrage étoit divisé
.. . P iiijl

Digitized by Google
31^ Abrégé de la Vie
ï<? deux
49 livres , dont le premier regâft-^
'
doit les chofes de ce monde confédérées*
en elles- mêmes
j
& le fécond ces mê-
mes chofes raportées à nous , & envi*
fagées comme bonnes ou mauvaifes,
vraies ou faulfes^
Il coure encore par îe monde divers
petits manuferitsde M. Defcartes qui
n’étoient plus parmi fés papiers lorf.
qu’ilen fît la revue j comme fon petit
traitéde V dn d'Efcrime : celui du
Génie dt Socrate , &c. Car je ne parie
pas de la Comédie Françoifc qu’il ve-
noit de faire en Suède , 6c que M..
Chanut empêcha de périr contre fon
intention..

iép. Cependant la Reine de Sucdè voïànt.


— l’Ambaflàdeur dé France retourné' prés
L
>tuf?Z
d'elle jlüi communiqua le deffein qu’el-
Mir t» le avoir de retenir M. Defcartes dans
S/tidc.
£ s ^ taK ^ J’obligea de
. trav ailler avec
elle pour obtenir fôn confentemenr,.
De toutes fbs exeufes elle n’écouta que
le pretextede la rigueur du climat,par
ce qu’en effet elle s’àppercè voit que
fon tempérament avoit beaucoup à
fouffrir dans un pays fi froid. L’expe-
> dient qu’elle propofa à l’Ambafiadeur
frit

Digitized by Google
-

de Ad.De/cartes. Liv.Vtt.317'
fut de choifir un bien noble & confï- 1^0"
derable dans les- terres les plusmeridio-
nales de la couronne- de Suède acquifes-
par Ht paix de Munfter , foie dans l'Ar-
chevêché de Btémejfoit dans la Poméra-
nie} de lui conftituer unrevenu d-’environ-
Mois mille ccus de rente , de lui faite & *

Un don en propre de la Seigneurie de


la terre, en telle forte qu’elle pût paf-
par fuceeffion dans lès heritiers à1
prpetuité; -

La maladie de PAmbalfadeut quela !


.

Reine avoit chargé de l’execution de


cette affaire avec un Sénateur du Roiau-
me y apporta un retardement qui fut r

nuifiblej non pas à M. Defcartes à qui !

Dieu avoit deftiné autre chofe , mais^à 1


fes heritiers qui manquèrent d’être S&P
*

gneurs en Allemagne. •

L’Ambafladeur étoit tombe malade te


1! de Janvier au- retour d’une -prome-
nade qu’il- avoit faire à pied- avec M. -
Defcartes : & quelque affiduité qu’ap-
pbrtàt celui-ci
1
à folliciter fon ami nuit'
6c il ne laifloit pas -de le trouver
jqur,
"

dès cinq heures du matin au Palais pour-


entretenir la Reine, fans Ce plaindre de- *

là cruauté de la failon qui' étoit extraora-


pi‘ vv

Digitized by Google
5%$' Abrégé dè la Vie
jéfo dinaire cette année , &
qui ruinoit û*
n - fanté de jour en jour..
Frojet La Reine qui ne fongeoit à rien moins-
ctdémù.' qu*à l’incommoder T-obligea dans le fart:
de la maladie de l’Ambafladeur à re-
tourner encore au palais après midi pen-
dant quelques jours, pour prendre avec
elle la communication d’un dedein de-
conférence ou d’alfemblée de fçavans^
qu’elle vouloit établir en forme d’ Aca-
démie , dont elle devoit être le chef"

& la proteélrice.. Elle voulut qu’il etti

drellac le plan & qu’il en compofat:


les Statuts.. Il lui porta lé mémoire qu’il
en avoir fait le i ae Février qui fut tai
derniere fois qu’il eût l’honneur de voir
là Majefté.. La Reine en approuva fort
tous les articles , mais elle fut furprifo
du fécond & du troifiémequi donnoient:
aux étrangers. JElle fe doutai
l’exclufion
que cétoit un trait de la- modeftie de
M.. Defcartes qui le férmoit à lui-mê-
mêla porte de cette Academie dont ella,-
XXI avoit deflèin de l’établir le Dire&eur.
MaUdu C e F.u t ce même jour qu’il rap-'
.

m. porta du palais les premiers fentimenss


'us. Yâ de la maladie qui dévoit finir là vie,&.
**" que l’Ambalfadeur commença à revenir;
>—

Digitized by Google
-

Jte JfŒX%]ç&rts*L ivxVlLji^


en convatefcençfci^e lendemain qui
étoit deftirié à celebrér la fête de la — iéTj'

Purification de la S. Wnôtre Philofo-


phe. s’approcha avec les autres Fidelles
des facremens de la Pénitence de &
l’Euchariftiç qu’il reçût des mains du P,-
Viogué Auguftin, Milfionaire & Aumô-
nier de l’Ambafladeur... Maisil ne pût

finirdebout le refte de la journée.


Les fymptomes de fa maladie avoienF
été les mêmes que ceux qui avoient
précédé celle de cet Ambafladeur ôç :

ils furent fuivis d’une fièvre continue


avec une inflammation de poumon tou-
te femblable.. Le dérangement de fon-
régime de vivre joint au partage de fes
foins entre la Reine &
l’Ambafladeu*
*

malade au milieu d’une faifon ennemie-


de fon tempérament &
plus cruelle
qu’elle n’avoit été depuis prés de foi*
Xante ans, au raport des anciens du lieu*,
fiat ce qui rendit fa fièvre plus maligne

que n’avoit été celle de l’ Ambafladeur-.


Elle fut interne dans les premiers jours*
Si elle lui occupa tellement le cerveau ?

qu’elle lui ôta la liberté de fe connoître,-,


d'écouter les avis de cet ami: ne luin
Mîa de forces que pont refifter à la vo-
B '
vjî lontéé

Digitized by Google
330 ; * Abrégé de U Vie
-
I ^5° >
lonté de tout le«uînde. Le premier
“ Médecin de la Reine qui étoit M. du-
Ryer François de nation Sc Ton ami par-
ticulier étoit pour lors abfent : & cette •

Princefte ordonna à celui qui füivoit:


d’én* prendre foin.- G’étoiÉttn Hollàn-
'downommèV venllcs ennemi juré deM.,
-
jDefcartes dés lçtemps de la guerre que
lés- Miniftres &- les Théologiens d U-
trecht & de Leyde lui avoient déclarée..
Le malade à la *vûe de ce Médecin &
des autres même -que la Reine envoioit
avec lui sïôbftina à ne rien faire de ce
qu'il ordônna , & fut tout -à refnfer la i
«ignée tant-que durable tranfport au >

cerveau.- Cé qui donna des allarmes v


••

mortelles à* l\\mba(Tadèur , même a &


la Reineqm ;
avoitfôin d’y envoier un i

Gentil-homniè deux fois lé jour.-


* Le cerveau fe débarraflà fur la fin du <

foptiéme jour; ce qui le rendit un pei*


pliis le maître de fa tête > & de fa rai*'

fcn.- ,
Alors ii commença à fentir fa fiè-

vre pour là* première fois : il marqua*-

lâ>caufo de l’erreur-où il avoir été jufr


ques-là; ne fongea plus qu’à mou-
&
en philofophe chrétieni 11 fe fit faî-
rir

gnerdeux fois dé fuite, fort abondant-


" "
' - jaçntj>

Digitized by Google
. . -

dè M. De/cartes. Liv. VHt 53 r


ment , mais il n’étoit plus temps. Il fit

chercher le P. Viogue (on confeffeur .

• qui écoit dans de (à mif-


les exercices
nonàquelques lieues de Stockholm : :

& il pria ceux- qui l’approchoient de

ne lé plus entretenir que de la miferi-


corde dé Dieu, &
du courage avec le-
quel il dévoit fouffrir la feparation de

fon ame. Il demeura pendant les deux


;

derniers jours dans une tranquillité,


fbrt grande : :&.il mourut- paifibiement

entredès bras dé l’Atnbaflàdeur du &


Pere Vtogué de Février à qua-
le xi
tre héures du -matin , âgé -de
53 ans, dix
mois SZ n jours.
La- Reine* à ^ cette- nouvelle fît j
connoîtré fôn affliéHon par dés larmes XXIL-
très* véritables &• très abondantes, u’él- Sépultu-
q
re répandit' fur la çerte qu’elle firifoit
dé (on iltuftre Maître , titre dont elle
avoit coûcume dé l’honorer , & de dè
diftinguer d’avec lesautres fçavansqui
l’àpprochoient. Eileenvoia incontinent
un Gentil-home de fa chambre- ài’ Am*
b&flàdéur pour l’alïûrer de fôn déplaifir;
ôc pour lui déclarer qu’elle vouloit laifc
fér à la pofterité un monument de- lab
fonfideraaon qu’elleavoic pour le meri-
*
tedu

Digitized by Google
33 ^ ' ’

Abrégé dè U Vit'

Hfjo te du défunt y &
fa fepulture dans le lieu le plus
rable du roiaume ,
quelle lui deftinoitr
hono-
au pied des Rois fèsc
prédeceflèurs ,
avec une pompe conve-
,
nable, & un riche Maufoléede marbre
qu'elle iepropofoit de lui faire drefler.
L'Ambafladeur qui n’ayoit encore
pûlortir depuisfa maladie ,_alla l’après-
midi au palais voir la Reine obtint : &
d’elle, pour de bonnes raifons qu’il lyi
fitentendre , que la fepulture fe fift d’u-
ne maniéré tres-fimple aux dépens du*
défunt, dans, un endroit du cimetière
des Etrangers ou l’on mettoit les Ca-
tholiques &
les Enfans qui mouroient:

avant l’ufage de leur raifon..


Le lendemain on fit le convoi fans-
beaucoup d’appareil , mais fuivant le
cérémonial de l'Eglife Romaine par la-
permiflïon de la Reine du Gouver- &
neur de Stockholm. Le corps fut porté
par le fils aîné de l’Amballadeur >
par
M. de Saint-SandoHx qui a été depuis
Gouverneur de Tournai jpar Picques M .

Secrétaire de l’Ambalfade qui eft au-


jourd’hui Gonfeiller à la Cour des- Ay~
des ; & par M .Beltn Secrétaire de l’Am—
batfadeûr, qui eft maintenant Trefprieci
4e France,,

Digitized by Google
de Ad.DeJcartes.Liv.Vll. 333
Le lendemain l’Ambafladeuraccom- i^oi
pagné du premier Gentil-homme de la -a

chambre de la Reine , .
qui étoit Hrric
Spatre Baroh de Croneberg fit l’inven-
tairede ce que M.Defcartes avoit ap-
porté en Suède- Et le 4fde Marsfnivant:
M. de Hboghelande fit celui de ce qu’ils
avoir laifle en Hollande en prélènce de

M.Vàn Sureck,Seigneur de Berg,crean-


cier du défunt;.
L’Atnbafladeur à qui là Reine fai*»
foit entendre qu’elle continuoit tou-
jours dans le deflein de lui dreflèr un
monument de marbre ,
jugea que par
>rovifion il feroit toujours mieux d’é-
fêver un fimple tombeau lur lafoflèdu
défunt. Ii le fit faire de figure quarrée
en long, de pierre cimentée ,dont les*
quatre faces étoient lambriffées en de-
hors avec des planches de. bois uni. Ces
quatre faces furent, couvertes d’une
groflè toile blanche cirée ,
que l’on fit

peindre à trois couches : & l’on


y fit
écrire par le Peintre les belles int
criptions que l’Àmbafïadeur
latines
avoit composées à l’honneur de fon ami-
Quelques mois après on fit frapper en
Hollande une médaille à la mémoire dtr
notre

Digitized by Google
.

Àlregé de U Vie
nôtre Philofophe, avec un revers con*
tenant de magnifiques éloges.-
A^pre’s la converfion-delaReine ' 4

XXIII de Suède qui étoit due à M. Defcartés


T ranflx & à M. Chanut , & qui fe manifefta
tion de
quelques années après. la mort du pre-
fan corps
c» france mier par- l’abjuration du Lutheranitme,
il ne nous refte plus rien à remarquer

concernant la vie de ce Philofophe , £


ce n*eft ià tranflation que l’on fit de fos •

eendrcs &
de fes os de Suède enFrance-
dix-fèpt ans après fa mort. -
Cé fut M. d'Alibcrt Tréforier gé-
néral de^France qui fe rendit chef de
cette entreprife & qui» en fit toute la
dépenfe. emploia pour cet effet M.
Il -

le Chevalier de Tërlon Ambafïadeur de


France en Suède qui devoir bien-toft -

partie pour le Danemarck en la même


*

qualité. -

Cet Ambaflàdeur fit léver le corps


de M. Defcartes en prefence de M.de
Pompone,qui étoit arrivé à Stockholm 7

pour lui fucceder, & qui eft maintenant


Miniftre d’Ëtatv 11 le fit porter d’abord
F Coppenhague , d’où- il l’envoia en
rance, fous la dire&ion de quelques
Petfonnesfure*& fidelles le 2 jour d’Od- -

*
v tobra-

Digitized by Google
de M .T)efcartes.L V'.VIT. 33 J
i

lobre 1 666 Etant


. mois
arrivé à Paris au
de Janvier de l’année fuivante il fut por-
té chez M. d’Alibert rue du Beautreillis:
& quelques jours après il fut mis en
dépôt fans cérémonie dans une chapelle
de l’Eglife de faint Paul, Delà il fut
tranfporté avec un convoi fort pompeux
le 24 de Juin , jour de la Nativité de
.

S.Jean,à huit heuresdu foir dans l’Eelife


de fàinte Geneviève dü Mont , où il fut
reçu de l’Abbé &
des Chanoines Régu-
liers avec un appareil magnifique.

Le lendemain qui étoit un famedi l’on


y fit un fèrvice folenneî, où l’Abbé qui
étoit le P. Blanchard General de la
Congrégation officia pontificaîement,&
©ù affiftérent quantité de perfonnes
qualifiées comme au convoi de la veille..
Le Pere l’Ail emant Chancelier de l’U-
niverfité avoir préparé une Graifon fu-
nèbre : mais il furvint un ordre de la
Cour pour empêcher qu’elle ne fiât
prononcée,.
On mit le cercueil dans un caveau
entre deux chapelles de la partie méri-
dionale de la nef, où M. d’Alibert a
ut depuis drefïèr un marbre contre la;
% jtfaille, reprefentanc le bufte du Phi-
lofophej

Digitized by Google
33 6 Abrégé de la Vie
Jofophe, avec une belle Epitaphe com-
posée de deux infer iptions, dont l'une^
qui eft en vêts françoîs a pour auteur
M.de Fieubet Confeiller d’Etat ,
ci de-
vant Chancelier de la Reine l’autre -,

qui eft en latin vient de M* Clerfelier,


quoique plufieurs veuillent encore l’at-
tribuer aujourd’hui au Pere l’AIlemant.
Après le fervicedufamed^dejuin
l’on porta dans les archives de l’Ab-
baie de feinte Geneviève les titres , les
procès verbaux, &
les certificats qu’on

avoit tirez en bonne forme : &


M. d’A-
libert conduisit les principaux affilions
chez le fameux Bocquet,ou il leur donna
îmtres-fomptueux & magnifique repas*
:
i
'
: >

m ke

Digitized by Google
de Ad. Départes. I. VIH. 337

LIVRE HUITIE’ME.
Contenant les ejualitez. de fon corps &
de fon efprit. Ses mœurs. Sa manière
de vivre avec Dieu & avec Us
Hommes»

E Cok
L d’une

taille
s

H]édiocre,,mais allez fine


de M. Defcartes étoic
un peu au dellous de
bien pro- &
la

portionnée dans la juftelîe de toutes Tes-


• parties.. II paroifloit neanmoins avoir la
tête un peu grolîe par rapport au trente
Il a voit le front large, & un peu avan-
ce i le teint allez pâle depuis la naiflan-

ce jufqu’âu fortir du collège, puis mê-
lé d’un vermillon éteint jufqu’à fa re-
traite en Hollande,# depuis un peu oli-
vâtre jufqu’à fa mort. Il portoit à la
jolie une petite bube qui s’écorchoit &
renailToit toujours. Il avoir la lèvre d'en
bas un peu avancée ,
la bouche allez
*
fendue , le nez d’une grolîèur propor-

tionnée à fa longueur , les yeux gris-


noirs, la vûë agréable & ferme julqu’à
la fin
338 jihege de laVie
la fin de Tes jours toujours
,
le vifage

forain & la mine de


affable ; le ton !

voix doux entre le haut le bas, mais> &


trop foible pour pouffer de faite un*
long difcours , à caufe d’une alteration
de poumon qu’il avoir apportée en-
naiflfànt.-

Ses cheveux & Tes fourcils étoient

affez noirs ,
du menton un peu
le poil
moins : &
il commença à blanchir dés

l’âge de 43 ans. Peu de temps après il


prit la perruque/nais d’une forme-toute
femblable à fes cheveux T & par raifon
de fanté.
Il fuivoit moins les modes qu’il ne
s’y laifloit entraîner. Il attend oit- qu’el-
les devinrent communes pour éviter la
Singularité. Jamais il n'éroit negligé,&

il évitoit fur tout de paroîrre vêtu en

philofophe. Lorfqu’il fe retira en Hol-


lande il quitta l’épée pour le manteau,
& la foie pour le drap;.

Son R(. Son régime de vivre a été fort uni en


lime. tout temps. La (bbrieté lui étoit natu-
relle. 11 bûvoic peu de vin ,
&c étoit
quelquefois des mois entiers fans en
*oire du tout. Mais comme il étoit fort
ccéable &
enjoué à table , fa frugalité
n ecois

Digitized by Google
âe Ad.Dejcartes , 1 . VIII. 335*
drt-étoit point à charge à Tes compa-
gnies.

Il n’étoit ni délicat ni difficile fur h»
.choix des nourritures , £c il avoit ac-
coutumé fon goûr à tout ce qui n’eft
pas nuifîble à la fantédu corps. Sa diète
ne confiftoit pas à manger rarement 9
mais à difcerner la qualité des viandes.
Il eftimoit qu’il étoit bon de donner une
occupation continuelle à l’eftomac &
aux autres vifcéres comme on fait aux
meules, mais que ce devoit être avec
des chofes qui donnaient peu de nour-
riture, comme les racines & les fruits,
qu’il croioic plus propres à prolonger
la vie de l’homme que la chair des ani-
maux.
Il avoir obfèrvé qu’il mangeoit avec
plus d’avidité, & qu'il dormoit plus pro-
fondément lorfqu’il étoit dans la t;ifte£.
fe ou dans quelque danger, que dans
1

tout autre état.


, Il dormoit beaucoup
,
ou du moins
fon réveil n’étoit jamais forcé. LorC.
cju’il fe lent oit parfaitement dégagé du

fommeil il étudioit en méditant couchç,


& ne fe relevoit qu’à demi corps par in-
tervalles pour écrire fes pensées. C’>
'

34° Abrégé de U Vie


ce qui le faifoit fouvent demeurer dix
heures & quelquefois doiuze dans le lit.
La condefcendance qu’il avoir pour les
befbins.de fon corps ri’alloit jamais juf.
cju’à l’indolence. Il travaillent beaucoup
& long, temps. Il aimoit aflèz les exer-
cices du corps, &
il les prenoit volon-

tiers dans le temps de fà récréation, iuf-


qu’à ce qu’enfin la vie fedentaire l’eu
defaccoutumât.
Il regardoic la fànté du corps comme
le principal des biens de cette vie après
la vertu. Il ne l’a voit pasreçûe fort en-
tière en naiflant ,
& elle lui fut allez
;mal confervée tant qu’il fut fournis à la
conduite des Médecins. Il avoit été tra-
vaillé durant fon enfance d’une toux
féche qu’il avoir heritée de fa mère, &
il Rit fort infirme jufqu’à l’âge de 13 ans
auquel il fut faigné pour la première fois,
mais il ne le fut plus depuis,finon la fur-
veille de fa mort. Il efiimoit lafaignée
dâgereufe pour un infinité de perfonnes.
A l’âge de ] 9 ou 10 ans il fe crud alfez
habile pour prendre Iui-méme l’admi-
niftration de fà fanté , & il fe palfa de
Médecin jufqu’à fà maladie mortelle. Il
avoit aYerfion non feulement des Char-
lata ns
a

Digitized by GoogI
de M.Defcartcs. /. VIII. 341
latans ,
mais des drogues des Apo-
ticaires & des Empiriques. Il deman-
doit même beaucoup de précaution pouc
les rémedes delaChymie. Après s’être
entièrement dégagé de cette chaleur
de foie qui lui faifoit aimer les armes en
û jeunefle, il prit un train de vie fi égal
& fi uniforme qu’il ne fiat jamais mala-

de que de la caulè étrangère qui le fit


mourir en Suède. Ses deux grands remè-
des étoient la diète , &
la .modération
de fes exercices : mais il leur prefèroic
encore ceux de l’Ame qui a beaucoup
de force fur le corps, comme il parole
»ar les grands changemens que la colère,
Îa crainte , & les autres pallions exci-
sent en lui.

Le Régime de vivre qu’il s’étoic


fondemens fur la belle
prefcrit avoit fes II.
Son Do~
ceconomiede fon ménage. U avoit un tneftiquu
nombre fufHfant de domeftiques tous
fort choifis, fort propres j & il avoit
gramHoin de les prendre tous bienfaits
cTefprit & de corps. Sa maifon étoit une
école de vertu & de do&rine pour eux:
& non content de les rendre fçavans
Sc gens de bien, il fe chargeoit encore
de faire leur fortune. C’eft pourquoi

Digitized by Google
34Z Abrégé de la Vie
il
y avoit tou jours beaucoup d’empref-
fèment &
de brigue à fe mettre à fou
fèrvice: & l’on regardoic une place
parmi fes valets comme une condition
fort avantageufe. De fen cofté il les
avec une indulgence
traitoic une dou- &
ceur qui les affujetifloit par amour.Pouc-
ceux du premier ordre qui l’appro-
choient de plus prés en qualité de fe-
cretaires ou de valets de chambre, il les
regardoic fi peu au delïous de lui , qu’on
les auroit pris fouvenc pour Tes égaux.
Ceft ce qui contribua beaucoup à leur
former le coeur &
l’efprit $ &c la plus
part font devenus gens de mérite &c de
confideration dans le monde. On la re-
marqué dans la perfonne de M.de Ville-
Brelïieux Médecin de Grenoble, de M.
Gutlchovven ProfelTeur Royal à Lou-
vain , du fieur Gillot Mathématicien,
du fieur Schluter Auditeur ou Intendant
dejuftice en Suède, &
d’une autre per-
fonne en charge qui fe fait confiderer
encore aujourd’hui dans le Languedoc.
S#» d?f La dépenlè de fa maifon écoit tou-
interejje .

ment four jours fort réglée,, & quelque paillon


Us bztr.s
qu’il eût pour multiplier fes expérien-
de la for-
tune. ces, il afFcéksit de ne point s’tndêter
,
- au
\

Digitized by Google
de Ad-Dejcartes. /.VIII. 343;
au delà de fon revenu annuel. Ce reve-
nu n’étoit guéres que de fix à fept mille
livres de rente, fi l’on en excepte les
dernieres années de fa vie ,
aufquelles il;

avoit augmenté.Quoi qu’il eût été moin-


dre dans les commencemens il lui avoit
roûjours parû fuftifant. Ce n’étoic point-
comme un Gentilhomme necefliteux’
& avidemais [cotrane un Philofophe
,

riche & content que M. Defcartes re-


gardoit les biens de la terre. Il avoit*
toujours traité la Fortune avec beau-
coup de fierté 1 8c parmi la foule de
ceux qui adoroient cette> aveugle divi-:
nitc il avoit pris le parti de fe mocquet
d’elle hautementjfe contentant de plaini
dre quelques Philofophes de fes amis
qui avoient eu la foiblefle de fe plain-
dre d’elle. Aulfi la Fortune ne parut- elle
pas infenfible à fes mépris, &
l’on au-
rait crû qu’elle tâchoit de le vanger de
lui dans toutes les occafions qui fe pre-
fèntoient pour le rendre plus riche. Il
n’étoit pourtant pas de ces fanfarons 8c
de ces cyniques qui ne cherchent qu’à
l’inlûlter , &
il n’avoit pas la vanité de

vouloir triompher d’elle avec often-


tation. çftèï l’une des principales
maximes
SL
34 4 Abrégé de U Vie
maximes qu’il pour la
s’étoit prefcrites
conduite de fa vie* étoitde tâcher plu-
tôt à fe vaincre lui-même que la F ortu-
rte , tfrâ changer fes defin que l ordre du »

inonde^. :

:Il n’avoit pas moins de generofité que

de def-imereffement , &
fon cœur ne
put fe foumetcre qu’à Ton Roi pour le-
point des libéralité*. Jamais il ne vou-
lut accepter d'aucun Particulier le fe-
cours qu’on lui offi oit pour fournir aux
grandes dépenfes que dcroandoient fes
expériences» Il refufa avec civilité une
Comme d’argent tres-confidérable que
le Comte d’ A-vaux jui avoit envoiée juC.
^u’en Hollande, Il s’excufa de la même
manière auprès de M. de Montroor qui
lui avoit cffm avec beaucoup d’in ftan-

ce l’ufage entier d’une maifon de cam-


pagne de 4000 livres de rente. D’autres
»erfonnes de la première confideration
fui avoient ouvert leurs trefors , mais
toûjours fans effet. Il n’eftimoit pas
qu’il iui fût honnête de rien emprunter
de peifonne qu'il ne pût rendre avec
ufure : & il prétendoit que ç’auroit été
une grande charge pour lui de fe femir
redevable au Public. Mais s’il avoit le
it- .•
> def-inte.

Digitized by Google
de M. Défîmes. U VIII. 345
def-intereflemenc des Philofophes pour
il n’en avoir pas l’orgueil.
les richelfes,

Non feulement il regardoit de bon œil


ceux qui en font un bon ufage , mais
il ne crud pas même devoir négliger le
bien que fon pere avoir eu la bon ré de
lui conferver. Il confideroit un patri-
moine légitimé comme un prefent de la
Nature plutôt que de la Fortune : &
de tous les biens qu’on peut acquérir
dans le monde » il n’en trouvoit point
dont la poflèffion fût plus innocente
& plus dans l’ordre de Dieu. C’eft ce
qui lui fit mander un jour à fon frère
aîné qu’*7 efUrnoit plus mille frânes de
fuccejfîon que dix mille livres qui vien-
nent d’ailleurs. .

Si des revenus allez modiques ont


III.
parû fuffifans pour rendre M.Defcartes Sa viç
riche &
content, ce n’eft pas feulement retirée*

à fa frugalité, c’eft encore au choix d’u-


ne vie retirée qu’il faut l’attribuer. Il
recevoir peu de vifites en tout temps,
& en rendoit encore moins. Il n’étoit
pourtant ni mifanthrope ni mélancholi-
que : &
il porta jufqu’au fonds de fa

fblimde la belle humeur l’enjoûment &


naturel qu’on avoir remarqué en lui dés
'
v
SL>j

Digitized by Google
6
X'

34 Abrégé de la Vie
fâ plus tendre jeunelfe. La gaieté qui
lui écoit ordinaire lui faifoit faire toutes
chofes (ans répugnance ; & fi nous l’en
croions, elle lui en facilitoit le fuccés„
Elle contribuoit même.ià fa fimté. Sans
elle il n’auroit pu (oûtenir le poids de !

fa folitude avec tant de perfeverance.


C'eft elle qui a converti l’inclination
'

qu’il : avoic pour da retraite en une


vraie paffîon pour la vie .cachée. Et le
defir de ne jamais s’en départir lui avoic
fait prendre deux devifes propres à ne
lui jamais laifler oublier la refol ut ion», j

La première .tirée d’.Ovide,


Béni qui latuit ,
benè vixit.
dont -le (ou venir Lui fit perdre fôuvent
le delîèin de publier fes ouvrages.L’au-
jtre prife de Seneque.
mots gravis incubât
Illi

Qui
nettes nimis omnibus >

- Ignottts moritur bi..


qvüeftune condamnation de ceux qui ;

cherchent à être connus' des autres fans •

• fe connoîcre eux-mêmes.
Depuis qu’il s’éroit réduit à une con- •

Méprit
de U dition privée , il avoit regardé l’incon- *

gloire.
venient d’être trop connu comme une •*

diftraétion dangeregfç au^dejïçin de ne :



jji ' jamais

Digitized by Google
de A4 . Dejcartes. /. VIH. 347
• jamais de lui-même que pour eon-
fbrtir

-Verfer fecretement avec la Nature, &


- de ne quitter jamais la Nature que polir

-rentrer en lui-même. Il regardoit com-


me une chofe tres-vaine , Te defir que
-
nous avons de vouloir vivre dans l’opi-
-nion &
Pefprit d’autrui : jamais phi- &
lofophe n’a fait moins de cas de la gloire
que la plufpart trouvent dans ce qui
«s'appelle réputation. Il n’étoit pas af-
* fez fauvage pour trouver mauvais que
û l’on penfoit à lui ,
on en eût bonne
- opinion : mais il aimoit beaucoup mieux
:
qu’on n’y pensât point du tout.
La vie folitaire ne lui coûta que Ses

peu de mois d’apprentilîage pàrceque


f
-i inclination qu’il y- apporta fe trouva lire î

par & &


ile ’
-fécondée par fon tempérament
£fon humeur particulière. L’habitude
-de la méditation qu’il avoir eue dés
rfe collège l’avoic rendu for&refervé &
,un peu taciturne. Mais quoiqu’il par-
lât peu en tout temps, il partait tou-
jours fort à propos fort naturelle, &
ment. Ses converfations n’étoicnt ja-
mais guindées ,
jamais gefhantes. Il
évitoit fut tout de paroître doéte ou
philofophe dans les entretiens. Il n’é-
. QJij coif

Digitized by Google
34'8 Abrégé de la Vit s

toitguéres plus porté à mettre fes pen-


sées fur 4e papier qu’à les débiter de
vive vois. Il avpit été allez parefleu* Jl
. écrire» mais fon .écriture menue ferrée
& reguliere eft une preuve qu’il avait
vaincu cette pareflèparune longue ha-
bitude. Il ne laiffoitpas d’y retomber

de temps en temps , comme il paroit


non feulement par la répugnance qu’il
témoignoit à compofer tes ouvrages,
mais encore j>ar la négligence qu’il
apportort à repondre à les amis»
Il n’avoit pas fans doute autant de

répugnance pour la jleéhirç, qu’il m


fai (oit paroître pou* l’écriture. Jl faut
avouer neanmoins qu’il ne hfoit pas
beaucoup , &
qu’il, avoit fort peu de

livres. Rebuté des inutilitez & des er-


reurs qu’il avoit remarquées dans les
livres, il
y avoit renoncé allez folcnnel-
lement mais à ne point mentir , fon
:

renoncement ne fût jamais fort entier,


. & il le rendit même fufped de difli-

mulation. On a cru qu’il avoit unufa-


ge «les livres beaucoup plus grand qu’il
ne vouloit le foire croire : l’on a &
fondé cette opinion for la qualité de fon
Hile & l’abondance des chofos qu’il a :

. traitées

Digitized by Google
de A4 Defcartes. /.VIII. 349
traitées dans tous fes ouvrages , mais
particuliérement dans fes lettres.
C’eft un jugement ou plûtôt une
conjedure qu on a tirée de la beauté
delonftile,de la régularité de fes pen-
fées ,
de la netteté & de l’exa&itude de
fes expreffions,
Il a v o 1 t ÏEfprit d’une étendue IV.
Son ej-
prefque infinie, &
d’une force égaie prit /i %

à fon étendue. Sa pénétration étoit pro- mémoret


fon juge-
dij,ieufe en profondeur & en vivacité. mentt
C’eft ce qui paroifloit fur tout lors qu’il
étoit queftion de fonder le fonds de
humain,
J’efprit &
de déterminer pré-
cifément ce qji eft poffible à l’Honir
me , &
ce qui eft au defliis de fes for-
'
ces. - - . . .

Jamais homme n’a fait paroitre A


plus haut degré ce que-.nous appelions
efp rit géométrique /& jupefie (Cefprit^
pour ne point confondre les, principes
entre eux pour pénétrer toutes les eon-
,

fequences qu’il eft poflible d’en tirer, &


pour ne jamais raifonner fauCfement fur
des principes connus.
Sa Memo’re n’étoit , ni infidèle,
ni malheureufè : mais nous ne voions
pas qu’elle ait pû répondre à la
QJiij. grandeur

Digitized by Google
350 Abrégé de la Vie
grandeur de Ton efprir. S’il lui marr-
quoit quelque chofe de ce côté- là , ce
défont fe trou voit amplement recom-
penlë par cette autre partie de Pâme
que nous appelions eJugement , &qui
1

eft toute là lumière de Pefprit de l’hom-


me. Il écoit judicieux & folide par tour.
Il avoir le goût des chofes fort exquis T
& le difcernement tres-delicat très- &
fin même dans
,
ce qui eft de l’ufage le-

plus commun ,
011 les plus grands ef.
prits,& fur tout les Géomètres ont cou-
tume de manquer d’attention.
U h a- Rien n’avoit tant contribué à perfec-
iour
*t*r ht tionner en- lui cette excellente qualité
Sirité.
que cet amour violent- pour la Vente y
qui ne l’a jamais cjuitté de fa vie. La fm-
cerité du coeur s 'étant toûjours trouvée

jointe avec la droiture du fens 8c


en lui

.de Pefprit ,il eut un foin continuel de


•;ne rechercher que la Vérité dans toutes-

fes études; &de la faire paroître toû-


jours entière, toûjours nue dans les ac-
tions Ôc dans fes difcours. La franchife
& candeur furent en tout temps le
la
,earaftére particulier qui fervità le dif-
tinguer de ceux d’entre les hommes qui
lui relfembloient par d’autres endroits:
&

Dig'tized by Google
.

de Aî< Üejcartçs. l, VIII. $51


& toute U politelle qu’il pouvoii avoir
reçue de fôn éducation 8c de fa fréquen-
tation à la cour des Grands , ne fut
pas capable de lui rendre l’efprit double
8c le cœur mauvais ,ni de lui perfuader
*que fi&ion 8c le menfonge duffent j*.
la

mais être à fon ufage. Les fautes qui fe


font contre la Vérité lors- quelles ne
partent que de l’erreur & de l’ignorance
•où il n’entre aucun deflèin de la blelîèr,
lui paroidoienr pardonnables ornais à la-
place d’un Juge , il auroit été. inexo-
rable pour celles qui le font contre la^
connoilïànce] &
l’amour de la vérité. -
:Quoique cette paillon qu’il avoitpour
:1a Vérité le portât à la pourfùivre par
. tout où i Lie doutoit qu’elle pourroif
'
..être cachée ,
il crut neanmoins devoir
- s’attacher principalement à la chercher
.dans les fciences -, fur lefquelles il avoir-
coutume d’examiner d’abord ce qu’el-
,Ies peuvent avoir de folide , afin de ne
point perdre de temps à ce qu’elles ont :

'..d’inutilei J .& dé pouvoir marquer aux:


-autres*l’ulagequ*on en doit faire. . >.

Pl u s i ï*u b/s ont piçtenduqu’il n’f- „


gnoroit aucune Sciencey &? qu ?il rçavoit .

tous les Arts, Mais il nous fuffit dectoi--

Digitized by Google
3/i Ahege etc la Vie S
pou voit connoître la nature de
re qu’il
de toutes les feience^fans être nean^
moins verfé dans toutes les efpéces.
On peut dire qu’il avoit encore plus;
de doviliic quede fcience : & cette vet-
•tu étoit en lui' d’un- prix d'autant plus
ineltimable qu’dlecftrare dansles chefe
dè feéfce.. La paflion qu’il témoignok
pour corriger les fautes étoit toujours
fuivie de la reeonnoidànce qu’il avoir;
pour ceux qui; les- Jbi. faifoient con-
coure.. .
>

u mode- La vanité dont fbs Advf cfàires Lont


Ji*- .taxé en quelques rencontres était toute
parce qu’elle n’a voit p oint-
fiiperficielle,

trouvé de place dans fon cœur. Mais h.


Késgatcbdes foupçons delà fierté &" de la>
préfomption qu’ils lai ont imputée, ils-
n’ont pû-tenir. contre l’éclat- de fa mt-
qui n’apoim tardé à* les diffiper^.
Cette naodeftie qui étoit accompagnée
d’une grande politefle , félon Motus,,
refidoit -encore beaucoup plus dans lès

fentimens que dans fes difeours. Elle*

n’étoit aflfe&ée nulle part ,


mais elle pa-
roifloit comme en fa place naturelledans-
li; peu de cas qu’il faifoit de lui^même
& de fes productions, & dans l’averfioni
t v qu’dt

Digitized by Google
ie M.Defcarm. H. VUL £53
qu’il avoir pour les louanges. ?

Cette belle vertu n’étoit pas fterile. -* <*»*•


ceur%
en lui : &c Ton peut dire quelle en pro-,
duifituneaflfezfemblable dans Regius
Médecin d’Utrecht par l’excellent mo-
dèle de réponfe qu’il lai drefla contre le
Miniftre Voetius , qu’il s’agiiîoit de ré-
futer , &qui n’eft pas moins un chef-
d’œuvre de douceur dte d’honnéteté que
de modeftie. Cette douceur qui était
répandue dans toutes fes meurs n’a •ja-
mais changé de nom pour fes amis:mai*
l’épreuve que fes Adveriàires en ont fai-
te l’a fait appeller modération à leur s.r mur*
MfW,v
égard. Elle tv’étoit pas bien dans fon
jour contre des efprits de la trempe
d’un Gaflèndi 6c d’un Fermât. Il falloir
.un Roberval pour lui donner de l’éclat c
mais fur tout il falloir des Miniftres fot>
-cenez , des Théologiens bourrus 9 &
des Philofophes fauvages pour la faire
triompher dans fon deie rt,.
- L’amour qu’il avoit eu tonre fa vie'

.pour la paix & le repos l’avoit fait te-


foudre de bonne heure à méprifer la ca-

lomnie , & àoubüerles injurev Il éroir


naturellement ennemi de ladifpute , futr
tout- de celle ou-il efttre de la contefta-

Q^yj} tioîp

Digitized by Google
' ..

35 4 Abrégé de U V ïe
tion & du trouble. De là venoit cette
averfion qu’il avoir pour examiner les-
fautes d’autrui ,
ou pour les relever
quand il remarquées en lifant,
les avoit .

Gette occupation ne lui paroifloit pas


aflez digne d’un homme qui devoir tout
fon temps à la recherche de la vérité : &
il croioit fe détourner de fon chemin,,

lors qu’il s’ârrétoit à confiderer.les égau


, 1 . ,

remens des autres;.


VI.. •
Tant- de qualitez'aimables ne.pou*.
ataii

voient manquer de lui attirer des amis'!
& perfonmene pouvoir fe vanter, d’en
avoir plus que Mais quoi qu’il ne-
lui.

refusât l’amitié de perfohne, la fienne


n’écoit pas fans difeernement', parce
qu’il tâchoit de ne la feparer de fon eftu
me que le moins qu’il lui étoit poflible;
Sa confiance n’étok que pour ceuy en
qui il avoir remarqué une fagefïè que la
'fcienee & la vertu avoient confommée;
C’étoit l’homme de la meilleure con-
Teîence du monde , au rapport même de -

ceux qui s’êtoient rendus les plus indi-


gnes de fon amitié. Il avoir une ten-
drdlè & une fidelité pour fes amis, qui-
étoit à l’épreuve de l’inconftance & de
là.viciflltude des chofes dçxe monde. Jl ;

a’étoifc:

Digitized by Google
î

de M. Defcanes. I. V III. 355


îfctoit point méfiant ni foupçonneux .11
croioit aifément le bien ,
mais difficile*

ment le mal dans-


perfonne de Tes
la
amis. Sa maxime étoit de fufpendre
toûjours; Ton confentement pour les rap'-
jportsdefavantageux , jufqu’à ce que la
propre experienc-e , ou des demonftra*.
rions infaillibles PafluralTènt de la choie
qu'on lui avoit- rapportée. TJne autre
maxime de fon amitié étoit de n’être ja*
mais incommode à Tes ami» , de leur &
rendre cependant tous l^s lèrviees dont
il étoit capable; Grojant que la difpofi-
tionou il étoit pouvait lui fervir de ré-
gie pouf juger de celle des autres , il
portoit l’obligation de l’amitié à un
point de perfe&ion fi haut , qu’il pré*
tendoitque ceux qui rendenties lervi-
oeslont encore les redevables.
*
Un homme de ce cara&ére ne deu s est»ne«
voit point avoir d’ennemis. Aulfi n’en mis &
a-t’il jamais eu d’autres que ceux de la
^ aciv,r "

vertu & de la vérité , qui s’élevèrent


moins contre fa perfonne que contre fes
écrits. Il n’avoit nulle inquiétude fur
les inimitiez des autres : & fans être trop
curieux de s’enquérir s’il avoir des en-
nemis , il fe contentoit de ne l’être à»
* *
perfonne^

Digitized by Google
yfi :
jibrcçé de la Vie _ ,

perfcmne^Æc de fë tenir toujours prêrà ;

la réconciliation pour ceux qui vou-


draient revenir à lui» ,

Mais il ne croioic pas devoir négligée


les ennemis de fa Pbilofophie * don?
quelques-uns devinrent (es envieux , &
les autres fe rendirent fes adversaires. Le
peu qu’il pouvoir avoir de vanité iè
trouva (ans doute fort fatisfait des prér
jaiecs ; &c ce qu’il avoir de mérité ne
pouvait être rehauflé avec plus d’éclat
que par l’envie d’autrui. Pour lès Ad-
Terlàires dont le nombre pafloit de
beaucoup celui de fes Envieux , il ne re-
fufa jamais de répondre à ceux qui à-
travers de leurs préventions pu de leur
ignorance r lui faifoient ap perce Voit
quelques marques de bonne foi.
Comme il avoir des adverfaires de
fon vivant qui ne laiflbient pas de faire
profeiïion d’amitié avec lui : il ne faut
pas douter qu’il n’eut aufli quelques afv
-ferions qu’il fut obligé de combatre
comme adverfaires ou ennemies de fon
inftkut. A l’egard des premiers il n’a-
voit prefque que fa raifon à fuivre fans*
avoir rien â craindre de fon inclination^
iMais pour, les autres où-il femhle que fa.
raifom

Digilized by Google
. -

de M.Defcartes. /. VIII. fyy


ta'ifon ne pouvoit avoir la plus grande
parc, il falloir principalement s’étudier à
retenir Ton inclination, il s’en rendit en-
fin le maître par
fon aplication fa per- &
sévérance s mais pat un effet de la br-
7>arrerie de cette inclination
, il itxi écoic .

fefté fort avanc dans le cours de fa vie


pour les pcrfonnes louches une pence
venue de l’impieffion de fon-
-d’affeéfcion
enfance ,1ers qu étant en bas âge il ai.
moit une petite demoifelle qui étoit un
peu louche.. • •
l

Ce que queîques-utis de fes enne- , ,•

mis ont publié de fon inclination pre- ùon pour


tendue pour Je fexè;, femble n’avoir été le
f' xtt

imaginé que fur une méchante explica-


tion d’un endroit du fieùr Borel qui téu
moflgne que nôtre Philosophe nefede-
pJajfoitpoifità la converfâtion desfom-
mes parce qu en matière de
?
phiiofb.
pbie^l les trouvoic plus douces, plus pa-
tientes plusdocilcs ,-en un mot, plus
vuides de préjugez &
de faufles dodkri-
oes que beaucoup d’fiommes.
t’aventure que quelques efprits oi-
fifs lui ont attribuée avec une Dame de
Touraine nommée la Menaudiére ,
eft.
mne fi&ion forgée fur un tableau qu’elle
avoiç.

Digitized by Google
,

\YAhr^ de l&tfie >

avoit vu de nôtre Philcrfôphe chez IM bï


bé de Touchelaye. Jamais il ne vid cette
Dame, & elle ne l’avoit vu qu’en pein-
-ture. Il n’en eft pas de même deMadame
-du Rofai }
qu’il rechercha dans leitemps
:
que fes par ens fongeoient le marier

& quil difputa même l’épée à la main



contre un Rival , dans une rencontre
qu’il eut fur- le chemin de Paris à Or-
léans. Mais cette Dame ne. fit point
, difficulté d’avouer dans la fuite que la
Philofophie avoit eu plus.de charmes
-qu’elle pour M.-Defcartes ; qu’en- &
core qu elle ne lui parût pas laide , il
lui avoit dit pour toute galanterie qu’il

.ne trouvait point de beauté- comparable


-4 celle dé* là Périt ti
- La faute -qttfil a faite une fois en fa
vie contre l’honneur de fon célibat eft
.moins une preuve de fon inclination
.
pour le fexe que.de fa foibleffe : Dieu &
l’aiantrelevépromtement; voulut que le
.fouvenir de fa? chute fût un fujet conti-
nuel d’humiliation pour lui , & que fon
. repentir fut un remede falutaire contre
l’élevatjon de fon efprit: : •

P-
rec °uvra par ce glorieux rétablifle-
v
Ses ver'*'
tus[ -. paeot tous les fruits dont il avoit plû -à
"
v’- Dieu**

Digitized by Google
de M. Defcartes. /. VIII. 3/9
Dieu d 'honorer les vertus de Ton ame.
-Il ne lui en avoir manqué jufques-là au-

•cunede celles qui font l’honnefte hom-


me , & l'homme de bien r & depuis , il
'
travaillapourmeriter celles qui peuvent
compofer un philofophe parfaitement
chrétien. Ceux qui Vont connu le plus
intérieurement ,
ont tous rendu témoi-
gnage à Vinnocence de fa vie. Ils Vont
'trouvé religieux dans tous fes fentimens,
fage dans toute fa conduite, édifiant
dans tous fes di (cours , donnant des
exemples cV une pureté 6c d'une probité
qui étoit à l’épreuve de la corruption
^ordinaire dufiécle. .

*
Apres l’avoir connu tel qu'il étoit
dans fon commerce avec les hommes 6c
-

Ses
-avec lui-même , il eft bon que l’onfça- mens fut
'
ehe comment ilen ufoit dans les rela- u.
Rtl*'

rions qu'il avoir avec fon Créateur j ce


qu'il penfoit de la Religion ; en quoi
confiftoit fa pieté
,
qui étoit fincere &
folide mais qui n'avoit rien d’outré,
,
ni de faétieux, au fentiment des perfon-
nés de l’une 6c de Vautre communion..
Jamais Philofophe n ? à paru plus pro-‘
fondement refpeétueux que lui envers
la Divinité. Il fat toujours fobre fur les

fujets-

Digitized by Google
%Go Abrégé de la Vie
fujets de religion. Jamais il n’a parlé
de Dieu qu avec la derniere circonfpec-
tion, toûjours avec beaucoup de fageffe,
toûjours d’une maniéré noble & élevée.
L'apprehenfion ou plûcôt la delicatefle
qu’il avoir fur ce point lui faifoit (cru-
puleufement éviter d’entrer dans des
queftions de pure Théologie , croiant
que c’eft faire tort aux veritez qui dé-
pendent de la foi , &
qui ne peuvent
etre prouvées que pardémon ftration na-
turelle que de vouloir les affermir par
,

des raifons humaines &


probables feu-
lement.
Il ne pouvoit fouffrir fans indignation
la témérité de certains Théologiens qui
s’échappent de leur guides , c’eft- à-dire*
de l’Ecriture .& des Maîtres de l’ancien-
ne Egbfe * pour (è conduire eux- mêmes
par des routes qu’ils ne connoilîênt pa^
Il blâmoit fur tout lahardieffe des Phi-

lofophes & des Mathématitiens qui pa-


roiflent lî à déterminer ce que
decifffs
*Z>(eu peut y &
ce quil ne peut pat. Il

» difoit que c’eft parler de Dieu comme
» d’un Jupiter ou d’un Saturne , l’allu- &
» jettir au5iyx &
au Deftin , que de dire
» qu’il a des veritez indépendantes de
y
'
lui* Pous

Digitized by Google
de M.Défcartes. /. VIII.
* Pour ce qui eft de l'exiftence de Dieu,
il étoit fi content de levidence de la

démonftration qu’il' croioit en avoir


trouvée , qu’il ne fàifoit point diffi-
culté de la préférer à toutes celles des
veritex géométriques. Il eftimoit d'ail-
leurs que le confentement univeffel de
tous les peuples eft fuffifant pour main-
tenir la Divinité contre les in jures des
Athées ; & qu’un particulier ne doit
jamais entrer en difpute contre eux s’il

n’eft afturé de les convaincre.


Il eft inudle de rappeller ici les calom-
nies d’Atheïfme &de Sceptieifmedont
fes ennemis avoient tâché de le noircir
nonobftant le fuccés avec lequel il avoit
combatu les Athées &
les Sceptiques»
Ort n’a pû former contre lui cesaccufa-
tions qu’en lui attribuant les opinions
qu’il ayoit entrepris de réfuter.* qu’en &
le furprenant par une puerdité -imperti-
nente dans l’entre-deux delà prepofî-
tion &
de la refiitation. 1 .

La rucAUTiflH qu’il appot- ym r


toit à ne* faire jamais d’entreprile fur vfage de
ià Théologie , n’àlloit pas jtufqu’à le
faire renoncer à là part que la Raifon chofi* de

.humaine peut ayoit dan&les connoiflan.


&
ces

Digitized by Google
,

^Gl • Abrégé de la Vie


<ces divines *
meme celles qui ne nous
iont été communiquées d’en haut qtHe
.parlarevelation.il n’ignoroit pas Futi-
lité de la Raifon pour l’établiflèment des

maximes de la Religion ; &


il écoic per-

-fuadéque la Philofophie bien emploiée


•,eft d’un grand fecours pour appuier ôC

-juftifier la Foi dans un eiprit éclairé.


Ce n’eft pas qu’il prétendît qu’on
doive être Philofophe pour êtreGhré-
- tien: mais il eftimoit qu’encore que la
Raifon de l'homme fe [oûmette à la Foi
-divine, la Foi ne dédaigne pas de fe
ifervir du raifonnement humain pour
/captiver la Raifon & s’en foire obéir.
: Il étoit perfoadé que fes opinions
.pouvoienc avantageusement fervir à
• expliquer les veniez de la Foi. Il nie

crôioit pas qu’il rien dans toüt ce


;
y eût
:qui peut regarder la Théologie la &
•Religion , avec quoi fa Philofophie ne
-s’accordât beaucoup mieux que ne fait

la Philofophie vulgaire. Et pour ce qui


,eft des controverfes qui s’agitoient de

fou temps dans les écoles theologiques


à caufe des faux principes de Philofo-
r phie fur lefquels il lescroioit fondées,
ü efperoit qu’elles celferoient , & qu-
elles.

Digitized by Google
de M.Defcarteî. /. VIII. 5 63'
elles tomberoient d’elles-mêmes ,
s’il

atrivoit jamais que Tes opinions fuftènt


re-çuifs. Ce qui lui avoit principalement
enflé le oceur ,
eft que décrivant la naïf- »

Tance du monde félon les principes ,dô J

{k Phyfique & s’étant (ouvenu derdire


le premier chapitre de la Genefe, il avoit
trouvé qu’il pouvoit s’expliquer entié-
•rement fmvant fes imaginations beau-
coup mieux qu’en toutes les façons dont ’

les interprètes l’expliquent.


Cependant fur les feules apparences ;

de fes entreprifes , & fur fes maniérés


'

de philofopher qui paroifloient nou-


velles, plufieurs ont jugé que fa philo-
sophie étoit
.
,
flnon pernicieufe ,
au -

moins tres-dangereufe à la Religion


Chrétienne j
6c qu’elle é»ic également
cpntraire à la Théologie des Catholi-
ques 6c à celle des Proteftans. C’eftce
quiavoirportéquelauesControverfiftes
de l’une 6c l’autre communion à vouloir"'
dans
'

l’étouflèr fa naiflance. t

On revenu de ces appréhendons'


eft

parmi les Catholiques , hors quelques


Peripateticiens aveuglez de leurs pré-
ventions. Mais les Proteftans qui ne*
l ont point' trouvé favorable àléursi'ru
novations.

Digitized by Google
t

3 ^4 ' Mregé de [a Y ie
novations ont cté long- temps fans le
-
lai vouloir pardonner. Parce qu'il n’a
point parlé comme eux de la Providen-
ce de Dieu &
de b Liberté del’Homme,
ce qu’ils ont pû faire de moins des-obli-
geant pour lui a été de le faire paflèr
pour un Pelagien. Mais leur accuiation
efttombée , n’aiant pû l’appuier fur au-
cun endroit de lès écrits ou de là con-
duite particulière , où il fut queftion de
la grâce de Jefus- Chrift, ou de la gloire
fùrnaturelle.
L ~~
Il e tolî perfùadé de la çonfor-
i
j^
Uanutt de fes opinions avec ce que
d’exfU» l’Eglifè nous enfeigne des veritez de la

Ÿra*>f »
que la Tranüubftantiation même
fubfta»- qu’il eft impoffible félon les Proteftans
tMHtn.
S’expliquer p ar la philofophie ordinai-
re , eft félon lui très facile par la lîenne.
Son explication au jugement de tous
les Catholiques Cartefiens eft beaucoup
moins embarairante que celle qu’on
nous donne dans les Ecoles : & fi l’on
en croid quelques Jefuites, il a fort
clairement expliqué tout le myjlere de
l'Euchariftie fuivant fes principes, fans
aucune entité d'accidens.

„ C’eft ce quia-fait juger aplufieurs


~
< ,
- * Uni*

Digitized by Google
.

deM. Defcartes.l. VIII, 3 6f


UniverfitezProteftantes que fa dottrine
étoit tres-préjudiciable au Calvinifme :
& elles ont eu raifon de regarder Ari-
ftote comme beaucoup plus propre que
lui pour les deiTeins qu’elles avoient de
maintenir leurs herefies ,
& de comba-
tte les dogmes de l’Eglifc Catholique.
- La bonne foi nous oblige de recon-
noître d’ailleurs que la plû-partdes au-
tres Proteftans n’ont pas eu ces confide-
rations ,
ont chafle Ariftote
lors qu’ils
de pour y introduire M.
leurs écoles
Defcartes : &
qu ils ont en cela moins
conüderéles interets de leur Théologie
que ceux de la Philofopie. Mais il fera
toujours glorieux pour fa manière d’ex- •

pliquer la Tranfl'ubftantiation ,
de /ça-
voir qu’elle ait çu la force de convertit
des Huguenots à de l’Eglife Ro-
la foi

maine : comme fa manière de parler de


la Réligion a fait entrer quelques Aillées-
de profefîion .dans la même Eglife.
Cependant Dieu a permis que la ca-
.

lomnierait attaqué par l’endroit même


où confîftoit fon mérité. trouvé
Il s'eft

des Catholiques qui fur des foupçons


tres-injulles n’ont point fait difficulté
"de l’accuferde Calvinifme d* des- Cal-
: ;

” "
1 .... viniftes
.

3 66 Abrégé de la'Vie
vinifies qui par un trait de malice ont
voulu fe faire honneur de le mettre de
leur nombre. Mais la calomnie a été
confondue paroles témoignages d u- -

ne infinité de gens de l’une & 1 autre >.

communion, par les certificats de la Rei- :

ne de Suède , de la Princefle Elizabeth,


du P. Viogué fon confefleur , de Met-
fieurs Chanut , de M. Clerfelier > Sc
enfin par la juftice que l’Eglife a fait

rendre à fa mémoire dans les honneurs

publics d’une fepulture que nous re-


gardons comme le facrement desMorts,
& le fceau de la communion des Saints.

fes exer Cette juftice étoit bien due à un auffi. -

cicw de
religieux obfervateur desloix de lEgli-
*u ‘ '
n a-
fe qu’étoit ce Philofophe. Jamais il
voit manqué de zele pour elle , mais
ce zele n’étoit ni aveugle ni déréglé. Ja-
mais il n’eut honte de profeffèr publia ,

quement fa catholicité au milieu des fo-


cietez feparées de l’Eglife. Jamais il ne >

échaper de fa plume ni de fa bou-


laifia

che aucun terme de liberté ou d’irréve- »

rence touchant certains ufages de nôtre


Eglife ,
fur lefquels les Philofophes &
ks Efprits forts ont coûtume de faire les
pliùfans. Le refpeft qu’il Avoit pour le
" miniftére :
t

. *
* • <•

>
Digitized by Google
de Ad.ÜeJcartes, 1. V III. 367
miniftére évangélique des Théologiens
Proreftans ne lui fie jamais dire un mot

qui parût complaifant ou favorable au


fchifme ou à l’héréfie. La précaution à
laquelle il s’étoit aflujetti en entrant
dans des pays de differente religion Ta-
’voit tellement rendu diferet & retenu,
qu’il ne parloit prefque jamais fans édi-
fier, ni fans imprimer du îefpeél de &
l’eftime pour la religion qu’il profef-
foir*

Sa conduite n’étoit pas moins édifian-


te que fes difeours. 11 ne faifoit pas con-
fifter tous les devoirs d’un véritable
chrétien dans un culte intérieur feule*
ment ,,
comme font plufieurs Philofo-
phes. Il étoit foigneux de l’accompa-

gner de tous les exercices d’un bon ca-


tholique : &
il s'acquittait de toutes fes

obligations comme auroic fait le plus


humble & le plus fimple des Fidelles,
Il fréquentait fur tout les facremens de
Pénitence &
d’Euchariftie avec roures
les difoolitions d’un cœur contrit Sc
d’unelprit humilié, autant qu’il eft per-
mis de s’en rapportet a la foi des Con-
feflèurs qui gouvernoient fa corlfcience
^•Hollande & en Suède.
JL’atc ,

Digitized by Google
•v

3 £8
Mrege de U Vie
L’attachement qu’il a voit pour tout
ï£glire < le corps de l’Eglife dont il étoit mem-
bre étoit foucenu d’une foûmiffion fin-
,

cére & fans referve pour fon autorité.


Il avoit de la déférence pour tout ce qui
portoit le cara&ére ,
ou feulement le ,

du fauat Siège & il failoit eftime


-
nom -,


.de la Sorbonne, c’eft- à-dire, de toute .

/ la Faculté Théologique de Paris , qu’il


regardoit comme dépofitaire de la clef
delafcience, [cachant que celle de la \

puiffiance étoit. entre les mains du Pape


& des Evêques. C’eft ce qui lui faifoit •

croire quefa.confcience fetoit toujours


en fureté, tant qu’il auroit Rome la &
Sorborme de fon coflé. . .

Sa foûmiffion au S. Siège s’étend oit


même jufqu’à quelque confideration
pour i’Inquilitjon Romaine, quoiqu’il
jrefut nulle part jufticiable de fon tri- .

bunal.'ll n’ignoroit pas la différence


qu’on doit mettre entre l’autorité du
Tape &
celle de la Congrégation éta-
blie a. Rome pour, les livres défendus: .

mais ne laiftoit pas de témoigner du


il ,

refpe6t pour elle jde dire par honnêteté


que fon autorité ne’ pouvoit guéres
moins fur fes aétions, que fa propre rai-

-
‘i
'

.M

Digitized by Google
de M.D ejcartes. /.VIII. $69
Ton fur fes pensées *, & de prendre tou-
tes les mefures neceflaires pour ne rien
écrire qui pût lui déplaire. Il eft à croi-
re que cette Congrégation de Ion côté
l’auroit épargné fi elle avoir pu fe dé-
fendre des intrigues d’un auteur parti-
culier qui fçut adroitement faire glifier
une
partie de fes ouvrages fahsY Index
?
au milieu d’une lifte<d autres livres dé-
pendus par un decret daxo de Novem-
bre 166 3. *
_
Il ssmble qu’on n’ait point trou- ^
vé pour le cenfurer ou pour lerejetter, rDnàr
de pretexte plus fpecieux que celui de raa ‘ Tt

-la Nouveauté dont planeurs ont cru wah té


-qu’on lui pouvait faire un crime. G’eft
1 oinrAons•
. a j , ,
>eut- etre de rous ceux qu on a voulu

Îui imputer fe feul dont on ait pû le


-charger avec le plus de vrai-femblance.
A dire le vrai , il n’a point eu pour la
Nouveauté toute l’horreur qui a parti
dans les adorateurs des Anciens. Il a
-cru qu’en philofophie. où il ne s’agit que
de la recherche des veritez naturelles
-qui n’ont pas encore été découvertes,
il étoit permis d’emploier des moiens

nouveaux, puifque les anciens n’ont .

pas réüffi depuis tant de fiécles à nous


- k
R ij les

Digitized by Googl
370 '
Abrégé de U Viê
les faire découvrir. D’ailleurs fon elprit
n’éroic pas du cara&cre de ceux à qui
deux ou trois mille ans font capables
d 'imprimer de la vénération pour l’er-
reur.. Il étoit aGfuré que les chofes les
)lus anciennes qui ont été reçues pat
Îa Pofterité, avoient été nouvelles dans
leur nailTance : & que fi la nouveauté
avoir été un obftacle à leur réception,
on n’auroit jamais rien, reçu dans le
monde..
Mais depuis. qu'on s’eft engagé
d’honneur à neplus confondre la Nou-
veauté avec la Faulîeté, ni l’Antiquité
avec la Vérité, l'Envie qui. ne pouvoir
fouffiir que.M, Defcartes fût innocent
a tâché, de prendre le change, pour le
rendre coupable. Ses défendeurs pour
repoufièr robje&iondè U Nouveauté
avoient entrepris de faire voir que fès
opinions n’écoient pas trop nouvelles,
éc que plufieurs avoient été débitées
avant lui. Ses envieux à qui tout avoir
paiû nouveau jufques-Ià n’ont pas man*
quéde profiter de ces ouvertures, ils &
1ont auffi-tôt accusé d'avoir volé, les
Anciens , &
même ceux.des Modernes
qui l’avoient prévenus.

4 .

Digitized’by Google
,

r
Je M.
Defcartes.l.Vlll, 371
- La multitude de ceux qui fembient Ses Ytn '
c
avoir eu avant lui des fentimens fembla- ™Tuu*
blés aux fiens peut bien fervir à rehauf- qui Vont

* nucle *
fér le prix de fa philosophie, faire &
juger de l'importance de ce qu’il
y a
ajouté de nouveau, foit pour corriger.
Soit pour perfectionner ce qui n’avoic
été qu'ébauché ou hazardé jnfques-là,
-fans principes ou fans méthode mais :

elle eft inutile pour prouver qu'il foie


de tant d’Auteurs dont on
le plagiaire
fçait que
plüfpart luiétoient incon-
la

'nus. Elle nous porte feulement à croire


qu’il a inventé feul plus que tous ces
Philofophes enicmble , qu’il a été & *

•plus heureux que tous en vray-


lemblance &
en folidité pour l’é-
tabliirement de fes principes, & la liai*
Son de fesconféquences. Son fyftéme '

eft fi achevé &


fi bien fourni, qu’on ne
•*

doit pas trouver étrange que ce qui a *

été le plus p’aufiblement imaginé par


les Anciens & les Modernes s’y trou-
ve arrangé & reétifié, fans qu’il foit
befoin de feindre qu’il l’a pris dans leurs ;

: écrits.
M. Defcartes convenant qtte ce qu’if 1

R- iij j
dift»e- c

Digitized by Google
, ,.

ypx . .
jihregé de là Vie
difoitpouvoit avoir été déjà dit par
d’autres , croioit qu’il en étoic de même
de lui que d’un homme qu’on actufe-
roit d’avoir pillé l’alphabet, & le dic-
tionnaire ,
parce qu’il n’auroit pas em-
ploie de lettres qui ne furent dans le
premier, ni de mots qui ne fe trouvaf-
.

fent dans le fécond. .Mais -il ajoûtoir


que ceux qui reconnoîtroient, l’enchaî-
nement de toutes fès pensées, quifui-
-vent oeceflairement les unes des autres,
avoueraient bien tôt qu’il feroit auffi
innocent du vol qu’on lui impute, qu’un
habile Orateur que l’on rendroit pla-
giaire de Calepin ou du vieux Evandre,
pour avoir emprunté les mots de l’un
, .

Sc les lettres de l'autre*


La feule difficulté qui. reftoit à lever
aux Cartéflens , confiftoit à dire qu’on
vient trop tard pour inventer une chofe,
lorfqu’elleeft déjà inventée. Mais l’ex-
perience nous répond pour eux qu’u-
ne même chofe peutctre inventée plus
?
,

d’une fois en des temps diffèrens en &


divers endroits, par des perfonnes qui i
n’auront rien appris l’une de l’autre, &
qui n'auront eu aucune communication s

enfemble. M. Defcartes témoigne qu’il..

Digitized by Google
,

de M. Dejcartes. /. VIII. 373


lui importait peu d’être le premier ou «
le dernier à écrire les chofes qu’il écri- «
voit pourvû feulement qu’elles fuflènt <«
vraies. Il ne (è vantait point d’être le a
premier Inventeur d’aucune des choies
qu’il avoir avancées. Il fe. contentait de
dire que s'il les avoit reçues, ce n’étoit
point pour avoir été avancées par d’au-
tres, ou pour ne l’avoir pas été ,
mais •

feulement parceque la raifon les lui ;

avoit perfuadées.
Au refte il n’étoit pas.de ces efprits *

inquiets ou intereflez qui craignent


qu’on ne leur dérobe leurs inventions:
& il ne jugeoit pas qu’un coeur géné-

reux dût te plaindre des Plagiaires qui


l’auroient volé , pourvû qu’ils ne fup-
priment pas entièrement leur larcin
qu’ils ne le corrompent pas , & que le
Public n'en nous a
foit pas fruftré. .11'

laide de beaux exemples de la genero-


fité & du del-intereuement qu’il exi-

geoit des autres en ces rencontres, à l’é-


gard de deux Auteurs Hollandois qui
setoient rendus plagiaires de-fes écrits
avant qu’il les eût communiquez au Pu-

blic. Il (è contenta de prendre des pré-


cautions neceflaiics contre la vanité de
l ’JUÜL.
.

374 Abrégéde UVkdeM.Def.


l’un, & l’infidélité de l’autre : après
quoi il abandonna le refte à Dieu, com-
me à l’unique auteur de tout ce 'qui
pouvoit
y avpir de bon dans Tes écrits,
fans s’en attribuer antre chofe que ce
que l’ignorance & l’infirmité humaine
:y avoient produit de dejeéfcueux.

Digitized by Google
errata.
page lig »<? cerreiïion
60 6 pou voie pourroir
6S 4 que depuis depuis , que
&S xS douleur douceur
'

94 7 marqué remarqué.
U
1 18 Adétheores Ad et e or es
nS la fa-
JJO- 1 fource reflource
1/9 J V an-rbeevv v-an-Leuvv-
1 61 6 la la
16 6 iS fe ce
l 7i appris apprifè
19
190 5 appréhende abprchendet
1 91 la
7 fa
loi 16 feroic feroic.
206, 20 fit lui fie
2 b' 19 Vauden vanden
2 S9 7 très tous
H7 10 Eflais ajoutez, achevée

304 de difficulté difficulté


*+*• 1 T; bi
fé>
Extrait du ‘Privilège.
'

Ar Lettres Patentes du Roi données


P
S.
à Paris le i. de Mars 1691. lignées de
Hilaire, &
fcellées , il eft permis
j

au fieur A. BailleI de faire imprimer*’*


St debitef La Vie de *JM. Defcartes9 \\ i
Scc. Plus ,
d autres Ecrits ^Pièces
'Traitez, concernant la même biftoire,
Scc. pendant l’efpace de huit années
confecutives, à commencer du jour que j
^chaque Traité fera imprimé. Avec dé- f
fenfes tres-exprelfes à toutes perfonnes
de ficppE-imer, vendre Se débiter, même
d’impr.eflïon étrangère, fans lapermif-
fion expreflè dudit Expofant, fat les pei-
nes portées par lefdites lettres de Pii,
vilege.

Revijlrc fur le Livre de la Cotnmu*


famé des Imprimeurs &
Libraires de
Paris le 1 Mars 1691. &gWP.AuBOUitt'
Syndic .

'
Achevé d’imprimer pour la première
fois le ij de Juin i6yi.
I

Vous aimerez peut-être aussi