Vous êtes sur la page 1sur 12

186 Stratégie thérapeutique

Antidiabétiques oraux dans le traitement


du diabète de type 2 : perspectives historique
et médico-économique
Oral antidiabetic agents in the treatment of type 2 diabetes:
Historical, clinical, and economical perspectives

A.-J. Scheen Résumé


Service de diabétologie,
Le traitement oral du diabète de type 2 (DT2) s’est fortement diversifié au cours de la
nutrition et maladies métaboliques,
Département de médecine, dernière décennie, avec la commercialisation d’abord des glitazones, puis des gliptines,
CHU Sart Tilman, Liège, Belgique. et, enfin, tout récemment, des gliflozines. Pourtant, les deux antidiabétiques oraux
développés il y a plus de 50 ans, la metformine et les sulfamides hypoglycémiants,
restent les leaders du marché. Après la metformine, le choix des médicaments
antidiabétiques est problématique, et doit se faire en fonction d’une évaluation de
la balance bénéfices/risques, en intégrant le coût du traitement, et en favorisant
une approche individuelle centrée sur le patient diabétique. Cette stratégie est celle
recommandée dans la publication conjointe de l’American diabetes association (ADA) et
de l’European association for the study of diabetes (EASD), actualisée en janvier 2015.
Si les grands principes du traitement du DT2 sont universels, des particularités doivent
sans doute être discutées en fonction des situations régionales, et le continent Africain
présente certainement des particularités à cet égard.

Mots-clés : Diabète de type 2 – antidiabétiques oraux – gliflozines – gliptines –


glitazones – metformine – sulfamides hypoglycémiants – recommandations.

Summary
Oral therapy of type 2 diabetes (T2D) is becoming increasingly complex during the last
decade, with first the launch of glitazones, then that of gliptins and finally, very recently,
that of gliflozins. However, the two oral glucose-lowering agents developed more than
50 years ago, metformin and sulfonylureas, still remain the leaders in the market. After
failure of metformin monotherapy, the choice of antidiabetic medications is difficult and
should be made taking into account the benefit-risk balance, with a special attention
to cost of therapy and a focus on a patient-centered approach. This strategy is recom-
mended in the recently updated joint ADA-EASD position statement, in January 2015.
If the main principles of T2D therapy are universal, particularities should probably be
discussed regarding regional situations, and the African continent obviously presents
specificities in this respect.

Key-words: Type 2 diabetes – oral antidiabetic agents – gliflozins – gliptins –


glitazones – metformin – sulfonylureas – guidelines.
Correspondance
André J. Scheen
Université de Liège
Service de diabétologie, nutrition et maladies Introduction (ADOs). Le développement de ces
métaboliques médicaments s’est fait en deux grandes
Département de médecine
Centre hospitalier universitaire Sart Tilman • Le traitement pharmacologique du vagues successives.
B-4000 Liège – Belgique diabète de type 2 (DT2) fait appel à des – La première remonte à la fin des années
andre.scheen@chu.ulg.ac.be médicaments hypoglycémiants oraux, 1950, moment où les biguanides et les
appelés aussi antidiabétiques oraux sulfamides hypoglycémiants (SH) ont été
© 2015 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 187

commercialisés. Plus de cinq décennies la réduction du taux d’hémoglobine la metformine, au même niveau que les
plus tard, ces médicaments restent les glyquée (HbA1c), depuis les résultats autres classes d’ADOs, les SH, les glita-
leaders du marché, en particulier la remarquables du Diabetes control and zones, et les gliptines. Les possibilités de
metformine, considérée comme l’ADO complications trial (DCCT) dans le dia- bithérapie, et surtout de trithérapie, ont,
de première intention de façon incon- bète de type 1, et de la United Kingdom dès lors, fortement augmenté. Parmi les
testée [1]. Rappelons que la France a prospective diabetes study (UKPDS) critères de choix figurent, comme dans
joué un rôle essentiel dans la découverte dans le DT2 [2]. Si le but initial était la version précédente, l’efficacité, la
de ces deux classes pharmacologiques, surtout de limiter le risque de microangio- sécurité et le coût [6]. Compte tenu de
comme nous le rappellerons ci-dessous. pathie (rétinopathie, néphropathie) [3], l’augmentation de la prévalence du DT2,
– La seconde vague n’est apparue que la prévention des complications cardio- d’une part, de l’arrivée de nouveaux
bien plus tard. En effet, il a fallu attendre vasculaires est devenue de plus en plus médicaments plus onéreux, d’autre part,
le début des années 2000 pour enregis- importante chez le patient DT2 [4, 5] (voir il est important d’avoir une vision médico-
trer les commercialisations successives l’article de M. Buysschaert et al., dans ce économique globale de la prise en charge
des thiazolidinediones (glitazones), des numéro). Outre la correction de l’hyper- du DT2. Ce constat est valable aux États-
inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-IV glycémie (sans induire d’hypoglycémie), Unis et en Europe, mais certainement
(DPP-4) ou gliptines et, tout récemment, il faut, pour atteindre cet objectif, privilé- aussi en Afrique, puisque partout le coût
des inhibiteurs des co-transporteurs gier une approche globale multi-risques des soins de santé augmente dans un
sodium-glucose de type 2 (SGLT2) ou ciblant, notamment, la dyslipidémie et contexte socio-économique par ailleurs
gliflozines. l’hypertension artérielle [4]. difficile.
– Entre ces deux vagues, un long inter- • L’American diabetes association • Le but de cet article de revue est de
valle quasi-libre de toute innovation a été (ADA) et l’European association for the résumer les principales caractéristiques
observé, avec la seule commercialisa- study of diabetes (EASD) ont publié, des classes d’ADOs développés au cours
tion de deux classes, finalement assez en janvier 2015, une version actualisée des quelque cinq dernières décennies, en
peu utilisées, et non spécifiquement de leur vision de la prise en charge de partant de la metformine pour se terminer
reprises actuellement dans les der- l’hyperglycémie dans le DT2 [6]. Le chan- aux gliflozines (figure 1, tableau I). Nous
nières recommandations européennes gement principal par rapport à la version insisterons, pour chacune d’elle, sur le
et américaines : dans les années 1980, précédente de 2012 de ce « position mode d’action spécifique, les avantages
l’acarbose, un inhibiteur des alpha- statement » réside dans l’incorporation et les inconvénients. Nous discuterons
glucosidases intestinales (d’autres des inhibiteurs des SGLT2 dans l’arsenal brièvement ce que ces médicaments
médicaments de cette classe sont thérapeutique, à une place située après ont démontré en termes de médecine
disponibles dans certaines régions, le
miglitol et le voglibose) ; dans les années
1990, les glinides (répaglinide, natégli-
nide), médicaments dont le mécanisme
d’action est apparenté à celui des SH,
mais dont l’action est plus rapide et plus
courte (cette dernière classe ne sera pas
spécifiquement développée dans cet
article).
• Tout traitement antidiabétique a deux
objectifs principaux.
– Tout d’abord, il vise à améliorer les
symptômes liés à l’hyperglycémie et,
ainsi, la qualité de vie des patients à
court terme. Dans toute la mesure du
possible, le traitement ne doit pas exer-
cer des effets indésirables, en particulier
occasionner des hypoglycémies (mani-
festation particulièrement redoutée chez
les patients diabétiques) ou entraîner
une prise de poids supplémentaire chez
des personnes DT2 déjà en surpoids.
– Ensuite, il a pour but de prévenir les
complications vasculaires et neurolo- _ : cellules _-pancréatiques ; ` : cellules `-pancréatiques ; DPP-4 : dipeptidylpeptidase IV ; SGLT2 :
giques provoquées par l’hyperglycémie co-transporteur sodium-glucose de type 2.
chronique. Le critère d’évaluation inter- Figure 1. Illustration des sites et des mécanismes d’action principaux des différentes classes
médiaire unanimement reconnu est d’antidiabétiques oraux.

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


188 Stratégie thérapeutique

Tableau I. Comparaison des différents antidiabétiques oraux.

Cible moléculaire
Classe Molécules Effets princeps Avantages Inconvénients
(organe)
Biguanides - Metformine AMPK (foie) Diminution de la - Longue expérience - Intolérance digestive
production hépatique - Pas d’hypos - Risque d’acidose
de glucose - Pas de prise de lactique
poids
- Étude UKPDS
- Faible coût
Sulfamides - Gliclazide Canaux potassiques Augmentation de - Longue expérience - Risque d’hypos
hypoglycémiants - Glimépiride (pancréas) l’insulinosécrétion - Faible coût - Prise de poids
- Glipizide - Sécurité CV ?
Glinides - Répaglinide Canaux potassiques Augmentation de - Action rapide et - Risque d’hypos
- Natéglinide (pancréas) l’insulinosécrétion courte (moindre que
sulfamides
hypoglycémiants)
Inhibiteurs des - Acarbose Alpha-glucosidases Ralentissement de - Pas d’hypos - Intolérance digestive
_-glucosidases - Voglibose (intestin) l’absorption intestinale - Pas de prise de - Efficacité plus faible
- Miglitol des glucides poids
Thiazolidinediones - Pioglitazone (retirée PPAR-a Augmentation de la - Pas d’hypos - Prise de poids
en France) (tissu adipeux) sensibilité à l’insuline - Meilleure durabilité - Risque d’insuffisance
- Rosiglitazone - Protection CV ? cardiaque
(limitée - Fractures osseuses
aux États-Unis) - Cancer de vessie ?
Inhibiteurs de la - Sitagliptine Enzyme DPP-4 Potentialisation de - Pas d’hypos - Coût plus élevé
DPP-4 (gliptines) - Saxagliptine (ubiquitaire) l’insulinosécrétion - Pas de prise de - Sécurité
- Vildagliptine Inhibition de la poids pancréatique ?
- Linagliptine sécrétion de glucagon - Maniabilité
- Alogliptine - Bonne tolérance
Inhibiteurs des - Canagliflozine Cotransporteurs Inhibition de la - Pas d’hypos - Coût plus élevé
SGLT2 (gliflozines) - Dapagliflozine SGLT2 (rein) réabsorption du - Perte de poids - Infections uro-génitales
- Empagliflozine glucose (glucosurie) - Baisse de PA - Déplétion volémique
DPP-4 : dipeptidylpeptidase IV ; SGLT2 : co-transporteurs sodium-glucose de type 2 ; AMPK : AMP-activated protein kinase ; PPAR-a : peroxisome proliferator-
activated receptor gamma ; UKPDS : United Kingdom prospective diabetes study ; hypos : hypoglycémies ; CV : cardiovasculaire, PA : pression artérielle.

factuelle (« evidence-based medicine »). • Par la suite, cette classe pharmacolo- • La metformine exerce son effet anti-
Nous conclurons avec une discussion gique s’est développée et a compris trois hyperglycémiant par plusieurs mécanismes,
basée sur les nouvelles « recomman- molécules : outre la metformine, la phen- dont le principal semble être une inhibition
dations » de l’ADA-EASD, avec une formine, et la buformine. Dans les années de la production hépatique de glucose elle
perspective plus médico-économique, à 1980, cependant, la phenformine et la est sous-tendue par des mécanismes com-
la fois globale et quelque peu orientée buformine ont été retirées du marché en plexes et encore imparfaitement connus,
vers l’Afrique. raison d’un risque exagéré d’acidose lac- dont une activation de l’AMPK (pour
tique, potentiellement mortelle, et favorisée, AMP-activated protein kinase) [8]. Une
notamment, par la présence d’une insuffi- augmentation de la consommation intes-
Les différentes sance rénale. Le risque d’acidose lactique tinale du glucose, un léger accroissement
classes d’ADOs sous metformine est considérablement de la sensibilité périphérique (musculaire) à
moindre qu’avec les deux autres molécules, l’insuline, une augmentation modeste de la
Les biguanides de telle sorte que ce médicament a pu être production intestinale du glucagon-like pep-
• La metformine est un alcaloïde maintenu sur le marché en Europe, puis mis tide-1 (GLP-1) pourraient aussi quelque peu
isolé de Galega officinalis (Lilas fran- à la disposition des américains en 1995. Le contribuer à l’effet anti-hyperglycémiant.
çais), une plante utilisée en médecine risque d’acidose lactique avec la metfor- Comme la metformine ne stimule pas la
populaire de longue date. Son activité mine est, en fait, très limité, à condition de sécrétion d’insuline, elle n’entraîne pas
hypoglycémiante a été étudiée par le respecter les recommandations d’usage, y d’hypoglycémies. Par ailleurs, elle exerce
diabétologue français Jean Stern, qui compris dans des populations considérées un léger effet anorexigène, qui favorise une
a publié ses travaux en 1957. Elle a traditionnellement comme étant à risque : perte de poids, le plus souvent modeste,
ensuite été développée par les labora- patients âgés, avec décompensation car- ou, en, tout cas, limite la prise pondérale liée
toires ARON, et commercialisée sous le diaque légère à modérée, ou encore avec à l’amélioration du contrôle glycémique et
nom de Glucophage®. insuffisance rénale modérée [7]. à la réduction secondaire de la glucosurie.

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 189

Les manifestations indésirables de la met- et l’inhibition de mTOR (pour mammalian n’a pas confirmé une augmentation de la
formine consistent surtout en troubles target of rapamycin) ; une contribution de morbi-mortalité cardiovasculaire dans le
digestifs de type dyspepsie et diarrhée, qui l’effet d’épargne insulinique associé à la bras intensif comparé au bras standard,
imposent une augmentation progressive metformine (l’insuline étant un facteur de mais, au contraire, une tendance à la
de la posologie en début de traitement, croissance) a également été évoquée. diminution (-16 % ; p = 0,051) [2]. L’usage
et empêchent ce type de traitement chez Des études complémentaires spécifiques du chlorpropamide a été abandonné par
environ 10-15 % de la population. La met- doivent confirmer et mieux expliquer la suite, en raison de la longue demi-vie
formine ne peut être prescrite lorsque le l’éventuel effet protecteur de la metfor- de ce SH, responsable d’hypoglycémies
débit de filtration glomérulaire tombe en- mine vis-à-vis des cancers. Si cet effet graves. Par la suite, le glibenclamide a
dessous de 30 ml/min/1,73 m², en raison se vérifie, ce serait un argument supplé- longtemps occupé une place de leader.
d’un risque accru d’acidose lactique [1, 6]. mentaire majeur en faveur de ce premier Cependant, ce SH est également tombé
• La metformine a connu un succès gran- choix pharmacologique pour la prise en progressivement en désuétude (au moins
dissant après la publication des résultats charge de l’hyperglycémie du DT2. En en Europe), en raison d’un risque d’hypo-
de l’UKPDS, en 1998 [9]. Dans cette étude, effet, l’épidémiologie est en train de chan- glycémies plus élevé que celui observé
le sous-groupe de patients obèses traités ger, avec un nombre de décès pour cause avec d’autres agents de la classe, comme
par metformine a présenté une réduction cardiovasculaire en diminution (grâce à le glipizide, le glimépiride et le gliclazide,
significative des événements cardio- une meilleure protection globale), et un qui sont devenus progressivement les SH
vasculaires et de la mortalité, alors que nombre de décès suite à un cancer en de référence. L’étude A diabetes outcome
semblable effet favorable n’avait pu être augmentation dans la population DT2. progression trial (ADOPT) a montré que
démontré dans le groupe principal ayant le glibenclamide s’avérait très efficace
bénéficié du traitement intensif à base Les sulfamides hypoglycémiants durant les 6 premiers mois de traitement,
d’insuline ou de SH. Comme l’amélioration • Les sulfamides hypoglycémiants (SH) mais que le SH était associé au plus haut
du contrôle glycémique était comparable ont été découverts avec les observa- taux d’échappement glycémique par la
avec les deux approches pharmacolo- tions cliniques de Marcel Janbon et les suite, en comparaison à la rosiglitazone
giques, l’effet favorable de la metformine travaux expérimentaux pionniers d’Au- ou à la metformine, chez des patients DT2
sur les complications cardiovasculaires guste Loubatières, à Montpellier [12]. nouvellement traités [15]. La durabilité de
a été attribué aux effets propres de la L’action princeps de ces ADOs consiste l’effet anti-hyperglycémiant obtenu avec
molécule. Diverses hypothèses ont été en une stimulation de l’insulinosé- les autres SH est moins bien étayée.
formulées pour expliquer cet effet, mais il crétion par les cellules ß des îlots de • L’étude UKPDS a montré que les
faut bien reconnaître que les mécanismes Langerhans du pancréas, par fermeture patients DT2 nouvellement diagnosti-
sous-jacents restent encore largement des canaux potassiques, indépendam- qués et orientés vers le groupe intensif
méconnus [8]. Par ailleurs, l’existence de ment du niveau de la glycémie [13]. Ce (SH ou insuline) avaient une réduction
cet effet de protection cardiovasculaire mécanisme aveugle expose à un risque significative du taux d’HbA 1c (pas-
de la metformine a même été contestée, accru d’hypoglycémies, dont certaines sant, en moyenne, de 7,9 % à 7,0 %)
essentiellement pour des raisons métho- peuvent être sévères, en particulier dans et que cette amélioration du contrôle
dologiques liées à l’étude UKPDS, et au les populations fragiles (âgée, polymédi- glycémique s’accompagnait d’une dimi-
fait que l’on ne dispose d’aucune autre quée, avec insuffisance rénale …). nution significative des complications de
étude d’envergure confirmant, de façon • Les SH de première génération ont microangiopathie (rétinopathie et néph-
péremptoire, cet effet favorable [10]. Par été très décriés après la publication de ropathie) [2]. Par ailleurs, il a été montré
ailleurs, et assez curieusement, la met- l’étude University group diabetes pro- que cet effet protecteur persistait 10
formine n’a pas réduit l’incidence des gram (UGDP) au début des années 1970 années après la fin de l’étude. De façon
complications de microangiopathie dans [14]. Cette étude, réalisée aux États-Unis, intéressante, la réduction des événe-
l’étude UKPDS [9], contrairement à ce qui avait, en effet, montré une augmentation ments cardiovasculaires, qui n’était pas
a été observé dans le bras traité par insu- de la mortalité cardiovasculaire dans le significative à la fin de l’étude UKPDS
line ou SH [2]. groupe traité par tolbutamide, un SH de proprement dite [2], atteignait le seuil
• De nombreuses études épidémiolo- première génération, par comparaison au de la signification statistique 10 années
giques observationnelles de cohortes groupe sous régime seul ou celui traité par plus tard, ce qui a conduit au concept de
et cas-témoins récentes révèlent que le insuline. L’étude UKPDS a été construite la mémoire du contrôle glycémique [16].
DT2 est un facteur de risque de cancer, et selon un protocole d’étude assez com- Il est dommage que le bras intensif de
qu’un traitement par metformine est asso- parable à celui de l’UGDP pour vérifier l’étude UKPDS ait été hétérogène, et
cié à une réduction de l’incidence des la sécurité et l’efficacité d’un traitement qu’il n’y ait pas eu d’analyse séparée
néoplasies et de la mortalité par cancer intensif par rapport à un traitement stan- publiée des patients traités par SH et de
par comparaison à d’autres traitements dard chez des patients DT2 nouvellement ceux bénéficiant d’une insulinothérapie.
anti-hyperglycémiants (SH, insuline) [11]. diagnostiqués [2]. Elle a utilisé le chlorpro- • La plus grande étude de prévention
Les mécanismes sous-jacents avancés pamide et le glibenclamide comme SH (ce des complications vasculaires réalisée
sont multiples [8] et impliquent, plus que bras intensif comprenait également des avec un SH est l’étude Action in dia-
probablement, la stimulation de l’AMPK patients traités par insuline). Cette étude betes and vascular disease: preterax

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


190 Stratégie thérapeutique

and diamicron MR controlled evaluation chez les patients traités par un SH par individuelle. Au vu de ces limitations,
(ADVANCE), comparant un traitement comparaison aux patients ne recevant cette classe n’a pas connu de succès en
intensifié avec le gliclazide à libération pas un SH [21]. Dans l’étude ADVANCE Europe, ni aux États-Unis (contrairement
contrôlée comme traitement de base précédemment citée, dans laquelle la à l’Asie). Elle n’a d’ailleurs pas reçu de
et un traitement standard [17]. Il est plupart des patients recevaient un SH considération dans l’algorithme de trai-
important de rappeler que cette étude (systématiquement le gliclazide à libé- tement de l’hyperglycémie proposé par
compare deux niveaux d’intensification ration prolongée dans le bras intensif l’ADA et l’EASD, ni en 2012 [1], ni dans
du traitement plutôt qu’un traitement et, éventuellement, un autre SH dans le la version actualisée de 2015 [6]. Une
par SH versus un traitement sans SH. bras standard), il existait une corrélation grande étude prospective de prévention
Par ailleurs, elle a utilisé comme critère forte entre la survenue d’hypoglycémies cardiovasculaire est actuellement en
d’évaluation principal un critère com- sévères et le risque de complications cours avec l’acarbose dans la population
posite regroupant des complications cardiovasculaires ou de décès [22]. Le asiatique, et seule la démonstration d’un
microangiopathiques (par exemple, clinicien doit donc mettre en balance le effet protecteur significatif permettrait
microalbuminurie) et macroangiopa- risque hypoglycémique et cardiovascu- de repositionner cette approche phar-
thiques (par exemple, infarctus du laire avec le moindre coût et la longue macologique spécifique dans l’arsenal
myocarde). Cette étude a montré une expérience caractérisant les SH. De ce thérapeutique du DT2.
amélioration significative en ce qui point de vue, le choix entre un SH et
concerne le critère composite princi- un inhibiteur de la DPP-4 (dépourvu de Les thiazolidinediones
pal, mais cet effet bénéfique résultait risque hypoglycémique) doit sans doute (glitazones)
uniquement de la réduction de l’inci- être discuté en fonction des propriétés • Les thiazolidinediones agissent
dence de la microalbuminurie (sans effet des deux classes pharmacologiques et comme agonistes des récepteurs
significatif sur la rétinopathie, ni sur les des caractéristiques cliniques du patient nucléaires PPAR-a (pour peroxisome
complications cardiovasculaires). Un (fragilité avec atteinte rénale, risque cor- proliferator-activated receptor gamma)
suivi de cette étude (ADVANCE-ON) onarien et/ou sujet à des hypoglycémies) essentiellement présents dans les adi-
vient d’être publié, et démontre une (voir discussion plus loin) [23]. pocytes [25]. Ces médicaments sont
réduction des événements rénaux dans considérés comme des agents insu-
le groupe ayant bénéficié antérieure- Les inhibiteurs linosensibilisateurs, et augmentent
ment du traitement intensif (groupe sous des alpha-glucosidases intestinales significativement les taux d’adiponec-
gliclazide) avec le meilleur contrôle de la L’acarbose a été le premier inhibiteur des tine. Ils provoquent une augmentation
glycémie [18]. Notons, en passant, que alpha-glucosidases intestinales com- du poids en stimulant l’adipogenèse,
la seule étude de prévention réalisée mercialisé pour le traitement du DT2. mais ils entraînent une redistribution
avec un glinide (le natéglinide) n’avait D’autres ont suivi (voglibose, miglitol), en de la masse grasse, avec davantage
pas, non plus, démontrée de réduction particulier dans les pays asiatiques. Ces de tissu sous-cutané et moins de tissu
significative des événements cardio- médicaments agissent spécifiquement viscéral. Dans ces conditions, la prise
vasculaires majeurs (étude Nateglinide dans le tractus intestinal, en inhibant de poids n’impacte pas la sensibilité
and valsartan in impaired glucose tole- les enzymes alpha-glucosidases qui à l’insuline. Les glitazones diminuent
rance outcome research [NAVIGATOR]) coupent les disaccharides en monosac- la glycémie moins rapidement que la
(tableau II) [19]. charides. Par cet effet, les inhibiteurs des metformine et, surtout, que les SH, mais
• Le plus grand danger des SH est le alpha-glucosidases réduisent l’hypergly- elles offrent une meilleure durabilité de
risque accru d’hypoglycémies, dont cémie post-prandiale, tout en épargnant l’effet anti-hyperglycémiant au long
certaines peuvent être sévères, voire la sécrétion insulinique en réponse au cours, comme démontré dans l’étude
mortelles. La surmortalité cardiovas- repas. D’une façon générale, l’effica- ADOPT [15]. Elles ne provoquent pas
culaire observée dans le bras intensif cité en termes de réduction du taux d’hypoglycémie, ce qui est un autre
de l’étude Action to control cardio- d’HbA1c est cependant assez limitée. avantage sur le plan métabolique. Par
vascular risk in diabetes (ACCORD) a Par ailleurs, aucune étude n’a démontré ailleurs, si l’effet anti-hyperglycémiant
été largement attribuée à la survenue que cette classe d’ADO était capable est reconnu comme important [6], il
d’hypoglycémies, potentiellement dom- de diminuer le risque de complications, existe une grande hétérogénéité inte-
mageables sur le plan coronarien ou mise à part l’étude Study to prevent rindividuelle, avec des bons répondeurs
cérébral [20]. La sécurité cardiovascu- non insulin dependent diabetes mellitus et des mauvais répondeurs.
laire, mise en doute avec le tolbutamide (STOP-NIDDM) chez les sujets pré-dia- • Compte tenu de la mise en avant, dans
dans l’étude UGDP [14], mais apparem- bétiques dont les résultats doivent être les années 1990, de l’insulinorésistance,
ment réhabilitée dans l’étude UKPDS [2], interprétés avec prudence [24]. Enfin, non seulement dans la physiopathologie
reste cependant controversée. En effet, ces ADOs sont grevés de manifesta- du DT2, mais aussi dans celle des com-
des méta-analyses récentes ont mon- tions indésirables digestives (flatulence, plications cardiovasculaires, l’arrivée de
tré une augmentation de l’incidence météorisme), directement liées au ces nouveaux ADOs insulinosensibilisa-
des événements coronariens et céré- mécanisme d’action, particulièrement teurs avait suscité beaucoup d’espoirs.
bro-vasculaires, de l’ordre de 20-25 %, inconfortables, et imposant une titration Force est de reconnaître, une bonne

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 191

Tableau II. Principales études réalisées ou actuellement en cours avec des antidiabétiques oraux (ADOs).

Études (acronymes*) [Réf.] Groupes de comparaison Résultat principal


UGDP Insuline versus tolbutamine versus phenformine - Surmortalité CV avec tolbutamide
[14] versus régime seul
UKPDS-33 Traitement intensif (insuline/sulfamides - Réduction des complications
[2] hypoglycémiants) versus traitement standard microangiopathiques
- Bonne sécurité CV
UKPDS-34 Traitement par metformine versus traitement - Réduction des complications
[9] standard macroangiopathiques (CV)
UKPDS-suivi à 10 ans Suivi ouvert des patients avec traitement intensif - Réduction à distance des complications micro-
[16] versus traitement standard et macrovasculaires et des décès
STOP-NIDDM Traitement par acarbose versus placebo chez - Réduction de l’incidence de diabète
[24] sujets pré-diabétiques - Diminution des événements CV
PROactive Traitement par pioglitazone versus placebo - Réduction du critère composite secondaire
[27] (mortalité, IDM non mortels, AVC non mortels)
- Augmentation du risque d’insuffisance
cardiaque
ADOPT Glibenclamide versus metformine versus - Échappement progressif sous glibenclamide
[15] rosiglitazone - Meilleure durabilité avec rosiglitazone
- Résultat intermédiaire avec metformine
RECORD Rosiglitazone versus placebo - Pas de protection CV malgré meilleur contrôle
[29] glycémique
- Augmentation du risque d’insuffisance
cardiaque
ADVANCE Traitement intensif (gliclazide) versus traitement - Réduction de la microalbuminurie
[17] standard - Pas de réduction CV
ADVANCE-ON Suivi ouvert de ADVANCE - Réduction d’insuffisance rénale
[18]
NAVIGATOR Traitement par natéglinide versus placebo - Pas de diminution des événements CV
[19]
ACCORD Traitement intensif (combinaisons diverses) versus - Augmentation de la mortalité CV
[20] traitement standard
SAVOR-TIMI 53 Traitement par saxagliptine versus placebo - Non-infériorité sur le critère CV
[38]
EXAMINE Traitement par alogliptine versus placebo - Non-infériorité sur le critère CV
[39]
TECOS Traitement par sitagliptine versus placebo - Résultats en attente (estimation 2015)
[32]
CARMELINA Traitement par linagliptine versus placebo - Résultats en attente (estimation 2018)
[32]
CAROLINA Traitement par linagliptine versus glimepiride - Résultats en attente (estimation 2018)
[32]
CANVAS + CANVAS-R Traitement par canagliflozine versus placebo - Résultats en attente (estimation 2017)
[42]
DECLARE-TIMI 58 Traitement par dapagliflozine versus placebo - Résultats en attente (estimation 2019)
[42]
EMPA-REG OUTCOME Traitement par empagliflozine versus placebo - Résultats en attente (estimation 2016)
[42]
GRADE Comparaison de 4 classes (**) en add-on à - Résultats en attente
[49] metformine
CV : cardiovasculaire ; IDM : infarctus du myocarde ; AVC : accidents vasculaires cérébraux.
* voir le texte de l’article pour la signification des acronymes.
(**) dont deux ADOs en plus de deux injectables : sulfamide hypoglycémiant (glimépiride) ou inhibiteur de la dipeptidylpeptidase IV (sitagliptine).

dizaine d’années après leur lancement, trois représentants qui ont connu, cha- la rosiglitazone a vu son utilisation très
que les espoirs ont été largement déçus, cun, des déboires. La troglitazone a dû limitée (aux États-Unis), ou a été retirée
d’autant plus que d’autres manifesta- être rapidement retirée du marché amé- du marché (en Europe), en raison d’un
tions indésirables ont été enregistrées. ricain (avant même son déploiement en risque coronarien jugé accru par rap-
La famille des glitazones a comporté Europe) en raison d’une hépatotoxicité ; port aux comparateurs [26] ; quant à la

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


192 Stratégie thérapeutique

pioglitazone, malgré les résultats globa- – d’une part, une augmentation de la cardiovasculaire accru des patients
lement positifs de l’étude PROspective sécrétion d’insuline (« effet incrétine ») ; DT2 [36]. Suite aux exigences de la Food
pioglitazone clinical trial in macrovas- – d’autre part, une réduction de la and drug administration (FDA) des États-
cular events (PROactive) [27], mais sécrétion de glucagon (sauf en cas Unis, mentionnées précédemment [37],
contestés par certains [28], elle a vu son d’hypoglycémie). les gliptines ont été engagées dans de
utilisation réduite en raison de la suspi- Par ce double mécanisme pancréatique, grands essais visant à démontrer leur
cion de risque cardiovasculaire imputé ces médicaments réduisent l’hypergly- sécurité cardiovasculaire (études de
à la rosiglitazone [26], non formellement cémie post-prandiale, mais également à non-infériorité par rapport à un placebo)
exclu dans l’étude Rosiglitazone evalua- jeun, ce qui aboutit à une diminution des et, éventuellement, leur supériorité. Les
ted for cardiac outcomes and regulation taux d’HbA1c de l’ordre de -0,7/-0,8 %, résultats de deux grands essais ont été
of glycæmia in diabetes (RECORD) [29], assez comparable à celle observée publiés en 2013 :
ce qui a impacté négativement toute avec d’autres classes d’ADOs [34]. – l’étude Saxagliptin assessment of
la classe des thiazolidinediones. La Comme les effets sur l’insuline et le vascular outcomes recorded in patients
pioglitazone a, par ailleurs, été retirée glucagon dépendent du niveau de la with diabetes mellitus-thrombolysis in
du marché dans certains pays euro- glycémie et s’estompent en présence myocardial infarction (SAVOR-TIMI 53),
péens (France, Allemagne) en raison d’une normoglycémie et, a fortiori, en avec la saxagliptine, chez des patients
d’un risque vraisemblablement légè- cas d’hypoglycémie, le risque de surve- DT2 avec une insuffisance coronaire
rement accru de survenue de cancers nue d’une hypoglycémie est beaucoup stable [38] ;
de vessie [30]. Les glitazones exercent plus faible (environ 10 fois moindre) avec – l’étude Examination of cardiovascu-
d’autres effets indésirables, dont le plus cette classe d’ADO par comparaison à lar outcomes: Alogliptin vs. standard
connu est une rétention hydrique (par d’autres insulinosécrétagogues, comme of care in patients with type 2 diabetes
un effet rénal), susceptible de contribuer les SH. Un autre avantage des gliptines mellitus and acute coronary syndrome
à la prise de poids et d’entraîner une est qu’elles ne provoquent pas de prise (EXAMINE), avec l’alogliptine, chez des
insuffisance cardiaque chez les patients de poids, contrairement aux SH ou aux patients DT2 dans les suites d’un acci-
à risque. Enfin, elles ont été rendues glitazones, sans doute en raison des pro- dent coronarien aigu [39].
responsables d’une augmentation des priétés anorexigènes du GLP-1. Ces essais ont démontré la non-infério-
fractures osseuses, en particulier péri- • Plusieurs inhibiteurs de la DPP-4 sont rité (sans évidence de supériorité) par
phériques, notamment chez la femme commercialisés dans de nombreux rapport à un placebo, et donc apporté
ménopausée. Pour toutes ces raisons, pays : la sitagliptine, la vildagliptine, la preuve demandée par la FDA de la
les glitazones n’occupent pas une place la saxagliptine, la linagliptine, et l’alo- sécurité cardiovasculaire de ces deux
importante dans le traitement du DT2, gliptine. Ces molécules ont démontré gliptines dans ces populations particu-
d’autant plus qu’elles ont dû faire face leur efficacité et peuvent être utilisées lièrement à risque.
à la concurrence des médicaments à en monothérapie (si la metformine est Les résultats d’autres grands essais
effet incrétine. contre-indiquée), en association avec sont attendus avec intérêt, dont ceux
d’autres ADOs (metformine et/ou SH, de l’étude Trial evaluating cardiovascu-
Les inhibiteurs notamment) et même en ajout à l’in- lar outcomes with sitagliptin (TECOS) en
de la DPP-4 (gliptines) suline [31, 32]. Elles ont également été 2015 (sitagliptine versus placebo) et, plus
• Les gliptines sont des médicaments particulièrement bien étudiées dans la tard, ceux des essais Cardiovascular
à effet incrétine, comme les agonistes population âgée et chez les patients avec and renal microvascular outcome study
des récepteurs du GLP-1 [31, 32]. Alors insuffisance rénale chronique [32]. En with linagliptin in patients with type 2
que ces derniers sont des médicaments présence de cette dernière, l’efficacité diabetes mellitus at high vascular risk
injectables par voie sous-cutanée, les et la sécurité d’emploi sont maintenues, (CARMELINA) (linagliptine versus pla-
inhibiteurs de la DPP-4 sont administrés ce qui représente un avantage par rap- cebo) et Cardiovascular outcome study
par voie orale, ce qui leur donne, à tout le port à la plupart des autres ADOs, pour of linagliptin versus glimepiride in early
moins, un avantage en termes de facilité lesquels l’utilisation en présence d’une type 2 diabetes (CAROLINA) (linagliptine
d’administration [33]. Les gliptines inhi- insuffisance rénale est problématique versus un SH, le glimépiride) (tableau II)
bent la DPP-4, c’est-à-dire l’enzyme qui [35]. Seule la posologie doit être réduite [5, 40].
dégrade le GLP-1 et le GIP (pour glucose- en fonction de la valeur de la filtration • Les inhibiteurs de la DPP-4, comme
dependent insulinotropic polypeptide), glomérulaire pour maintenir un taux les agonistes des récepteurs du GLP-1,
deux hormones intestinales dotées d’un d’exposition similaire à celui enregistré ont été suspectés d’entraîner un risque
effet incrétine ; dès lors, les concentra- chez les patients avec fonction rénale de pancréatite aiguë et de cancer du
tions plasmatiques de GLP-1 et de GIP se normale (l’exception concerne la lina- pancréas. La littérature des dernières
trouvent augmentées, notamment après gliptine, caractérisée par une élimination années a été inondée d’articles suppor-
un repas, lorsque leur dégradation, nor- hépato-biliaire plutôt que rénale). tant ou contredisant cette thèse, de telle
malement très rapide, est inhibée par une • Les inhibiteurs de la DPP-4 exer- sorte qu’il est malaisé de se faire une
gliptine. Il en résulte un effet hormonal cent une série d’effets favorables, opinion définitive sur le sujet. Quoi qu’il
pancréatique bipolaire : susceptibles de réduire le risque en soit, la FDA et l’European medicines

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 193

agency (EMA) ont publié, début 2014, Plusieurs inhibiteurs des SGLT2 sont en cours pour étudier les effets des gliflo-
une note conjointe dans laquelle elles déjà commercialisés aux États-Unis zines, d’une part, sur la fonction rénale,
affirment qu’il n’y a pas suffisamment et dans plusieurs pays d’Europe : la d’autre part, sur les événements cardio-
d’éléments probants pour incriminer canagliflozine, la dapagliflozine, et l’em- vasculaires : Dapagliflozin effect on the
les inhibiteurs de la DPP-4 dans ce sur- pagliflozine. D’autres le sont au Japon incidence of cardiovascular events-TIMI
risque pancréatique, et qu’il n’y a pas (ipragliflozine, tofogliflozine), et d’autres group (DECLARE-TIMI 58) avec la dapa-
de raison d’interrompre, ni de limiter, encore sont en phase finale de dévelop- gliflozine, Canagliflozin cardiovascular
l’utilisation de ces médicaments [41]. pement [42]. assessment study (CANVAS) et Effects
• Une autre problématique récente, • L’augmentation de la glucosurie induite of canagliflozin on renal endpoints in
soulevée par les résultats inattendus par les inhibiteurs des SGLT2 (effet adult subjects with type 2 diabetes
de l’étude SAVOR-TIMI 53 [38], est un princeps) provoque des effets indirects, mellitus (CANVAS-R) avec la canagli-
risque possiblement accru d’hospita- dont certains sont positifs, et d’autres flozine, Empagliflozin cardiovascular
lisations pour insuffisance cardiaque susceptibles d’être contre-produc- outcome events in type 2 diabetes mel-
(non formellement retrouvé dans tifs [4]. La réduction de la glucotoxicité litus patients (EMPA-REG OUTCOME)
EXAMINE) [39]. Ce risque devra être améliore indirectement la fonction insu- avec l’empagliflozine (tableau II) [5, 42].
confirmé ou infirmé par les observations linosécrétoire de la cellule ß et réduit
faites dans les autres grandes études en l’insulinorésistance périphérique, deux
cours avec les inhibiteurs de la DPP-4, mécanismes qui contribuent à mieux Algorithme
notamment TECOS avec la sitagliptine, contrôler le diabète. Par contre, la perte d’utilisation des ADOs
dont les résultats sont attendus dans le de glucose dans les urines entraîne, dans le traitement du DT2
courant de cette année 2015 (tableau II). secondairement, un accroissement de
la production hépatique de glucose • Le clinicien dispose maintenant de
Les inhibiteurs (via une augmentation de la sécrétion nombreux ADOs dont les modes d’ac-
des SGLT2 (gliflozines) de glucagon) et une augmentation des tion sont sensiblement différents, et
• Les ADOs commercialisés les plus apports alimentaires (notamment en qui peuvent exercer des actions com-
récemment sont les inhibiteurs des glucides) [4]. La résultante finale de ces plémentaires (figure 1, tableau I). Alors
SGLT2 [42]. Ces médicaments, en inhi- différents mécanismes, comme mon- que les choix étaient assez simples à la
bant la réabsorption du glucose dans tré dans de nombreux essais cliniques fin des années 1990, lorsque le nombre
le néphron, exercent un effet « glucu- contrôlés, est une diminution des taux de médicaments hypoglycémiants était
rétique ». Par ce mécanisme simple, d’HbA1c et du poids corporel. quasi-limité à la metformine et aux
indépendant de l’insuline, ils abaissent • Les manifestations indésirables rap- SH [43], ils sont à présent plus diver-
la glycémie et réduisent les taux d’HbA1c, portées consistent essentiellement en sifiés, notamment avec l’arrivée des
sans accroître le risque hypoglycé- une augmentation des mycoses géni- médicaments à visée incrétine [1, 32] et,
mique. Par ailleurs, ils offrent l’avantage tales, surtout chez les femmes, traitées plus récemment, avec la mise à la dis-
de réduire le poids corporel, effet appré- aisément par des antifongiques clas- position des praticiens des gliflozines [6,
ciable chez des patients en surpoids ou siques, et peu récidivantes. Chez les 42]. La difficulté à laquelle le clinicien doit
obèses. Ils abaissent la pression arté- hommes, le risque est plus faible, et la faire face est d’effectuer les meilleurs
rielle, notamment chez les personnes circoncision est un facteur protecteur choix, en centrant son approche sur le
avec hypertension artérielle, un facteur contre la survenue de ces mycoses patient [6].
de risque fréquemment rencontré chez génitales. La fréquence et la sévérité • Dans le positionnement proposé
les patients DT2. L’importance de la des infections urinaires (cystites) sont conjointement par l’ADA et l’EASD en
glucosurie dépend de deux facteurs : peu augmentées malgré la glucosurie. 2015 [6], le choix est laissé au clini-
le niveau de l’hyperglycémie et la valeur Des manifestations indésirables liées à cien, après échec de la metformine en
du débit de filtration glomérulaire (DFG). une déplétion volémique (hypotension monothérapie, entre l’ajout d’un SH,
Le corollaire est que l’abaissement des orthostatique) sont rares, mais il convient de la pioglitazone, d’un inhibiteur de la
taux d’HbA1c est d’autant plus marqué d’être attentif chez les patients âgés plus DPP-4, d’un inhibiteur des SGLT2, d’un
que le niveau de base est élevé (phé- fragiles, ou chez les personnes traitées agoniste des récepteurs du GLP-1, ou
nomène habituel avec tous les ADOs, par diurétiques de l’anse de Henlé [42]. d’une insuline basale. Les médicaments
mais encore plus marqué avec cette • Comme ces ADOs ont été développés injectables, qui sont généralement utili-
classe pharmacologique, notamment en récemment, on ne connaît pas encore sés après échec des ADOs, ne sont pas
comparaison avec les gliptines), tandis leurs effets éventuels sur les compli- discutés dans cet article. Les critères de
qu’il diminue progressivement avec la cations du diabète. Quelques essais choix impliquent l’efficacité anti-hyper-
dégradation de la fonction rénale. Ces préliminaires ont montré une réduction glycémiante (réduction du taux d’HbA1c),
médicaments ne sont d’ailleurs pas indi- de la microalbuminurie et de la protéinu- le risque hypoglycémique, les effets
qués lorsque le DFG tombe en-dessous rie, sans doute par un effet de diminution contrastés sur le poids, la tolérance/
de 45 ou 60 ml/min/1,73 m² (selon la de l’hyperfiltration glomérulaire [42]. De sécurité, et le coût (tableau I) [6]. Ainsi,
molécule considérée) [35, 42]. grands essais cliniques prospectifs sont les experts américains et européens

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


194 Stratégie thérapeutique

ont suivi l’approche déjà privilégiée en pondérale, sa facilité d’administration, génitales. Ces particularités peuvent
2012 [1], en ajoutant uniquement, parmi et sa bonne tolérance) [23]. Dans une donner quelques éléments d’orientation
les choix envisagés, les inhibiteurs des grande étude observationnelle sur une pour choisir cette classe pharmacolo-
SGLT2, par rapport à ce qui était recom- cohorte anglaise, le taux de mortalité gique. Elle paraît être un bon choix
mandé dans la version précédente [6]. s’est avéré significativement moindre chez les patients obèses et hyperten-
Il faut noter que les diverses stratégies chez les patients DT2 traités par la com- dus, et est plutôt contre-indiquée chez
proposées avaient antérieurement fait binaison metformine + gliptine que chez les femmes avec antécédents d’infec-
l’objet de plusieurs critiques, parmi les- ceux traités par metformine + SH [46]. tions génitales récurrentes. Alors que
quelles le fait que ce type de « position Ces résultats, obtenus en conditions l’efficacité des gliflozines paraît assez
statement » reflète davantage un avis de « vie réelle », sont en accord avec comparable à celle des gliptines chez
d’expert qu’une recommandation fon- les résultats de méta-analyses récentes les patients avec des taux d’HbA 1c
dée sur les preuves [44]. Néanmoins, des essais cliniques contrôlés montrant < 8,5 %, elle devient supérieure en
les recommandations successives de une augmentation de l’incidence des cas de déséquilibre glycémique plus
2005 à 2015 se sont progressivement événements coronariens et cérébro- marqué.
améliorées, en se basant sur un niveau vasculaires, de l’ordre de 20-25 %, • Les tri-thérapies orales sont devenues
de preuve croissant [45]. chez les patients traités par un SH par plus fréquentes depuis l’arrivée des glip-
• La controverse relative à la rosiglita- comparaison aux patients ne recevant tines et, maintenant, des gliflozines, ce
zone, amorcée en 2007 [26], a largement pas un SH [21]. En 2015, l’utilisation des qui ouvre de nouvelles opportunités. Une
contribuée à l’écroulement de cette SH pour le traitement du DT2 fait donc discussion détaillée de toutes les com-
classe d’ADO, alors qu’elle semblait débat. Il existe toujours des défenseurs binaisons possibles sort du cadre de cet
promise à un bel avenir. Les résultats de ces molécules comme premier choix article, compte tenu de la multiplicité
de l’étude RECORD, spécifiquement en ajout à la metformine [47], comme il des choix [6]. Force est de constater,
construite pour démontrer l’efficacité de existe également des détracteurs [48]. cependant, que les études comparant
la rosiglitazone pour réduire les événe- La réponse finale viendra, probable- directement deux tri-thérapies sont
ments cardiovasculaires, n’a pas montré ment, dans quelques années, lorsque extrême rares dans la littérature, de
d’effet favorable de la rosiglitazone, et les résultats de l’étude prospective telle sorte que les choix ne peuvent être
n’a pu complètement exclure la possi- CAROLINA, comparant la linagliptine qu’intuitifs actuellement, et non fondés
bilité d’un risque accru d’infarctus du au glimépiride (un SH) en termes d’évé- sur des éléments de preuve suffisants.
myocarde [29]. Et les résultats mitigés nements cardiovasculaires, seront Par ailleurs, de nombreux pays dispo-
de l’étude PROactive, avec la pioglita- disponibles (tableau II). Une autre étude sent de combinaisons fixes associant
zone [27], malgré des analyses post-hoc comparative directe, potentiellement metformine/SH, metformine/glitazone,
assez favorables [28], n’ont finalement intéressante, est l’essai pragmatique metformine/gliptine, glitazone/gliptine,
pas emporté la conviction des clini- Glycemia reduction approaches in dia- et metformine/gliflozine, et, en cours de
ciens. Néanmoins, avec les résultats betes: a comparative effectiveness study développement, gliptine/gliflozine [42].
de non-infériorité rapportés récem- (GRADE) [49], actuellement en cours L’arrivée des inhibiteurs des SGLT2
ment avec deux inhibiteurs de la DPP-4 aux États-Unis, qui compare plusieurs offre la possibilité de nouvelles com-
dans les études SAVOR-TIMI 53 [38] et classes pharmacologiques (dont un SH binaisons innovantes. La combinaison
EXAMINE [39], on ne peut s’empêcher et une gliptine) en addition à la metfor- d’une gliflozine et d’une gliptine repose
de penser que les résultats de l’étude mine après échec de la monothérapie sur une logique physiopathologique et
PROactive, avec la pioglitazone, étaient par metformine. Malheureusement, cet pharmacologique, compte tenu des
finalement assez positifs. Quoi qu’il en essai n’a pas la puissance statistique mécanismes d’action complémentaires
soit, il planera donc toujours un doute pour tester l’efficacité concernant la pro- sur le contrôle glycémique et le poids
quant à l’efficacité/sécurité cardiovas- tection cardiovasculaire, et s’intéressera corporel ; elle présente, cependant, le
culaire des thiazolidinediones [5]. essentiellement aux aspects du contrôle désavantage d’associer deux classes
• Avec le retrait ou la limitation d’utili- métabolique [5]. pharmacologiques onéreuses, ce qui
sation de la pioglitazone et l’avènement • L’arrivée des inhibiteurs des SGLT2 risque de limiter l’accès à son utilisation.
des inhibiteurs de la DPP-4, le choix (gliflozines) ouvre le choix, après échec Ces combinaisons fixes peuvent, certes,
parmi les ADOs doit souvent se faire, d’une monothérapie par metformine, à faciliter l’observance du patient diabé-
en première intention, entre l’ajout une troisième classe potentielle, qui pré- tique, mais complexifient également
d’un SH (recommandé comme premier sente l’avantage de favoriser une perte la réflexion du médecin prescripteur,
choix par la Haute Autorité de Santé de poids et de faire baisser la pression confronté à un choix pharmacologique
[HAS]/Agence nationale de sécurité du artérielle, contrairement aux autres devenu considérable.
médicament et des produits de santé ADOs déjà disponibles [42]. Par contre, • Même au stade de l’insulinothérapie,
[Ansm], en France, pour des raisons les gliflozines perdent leur efficacité en les ADOs gardent une place dans le
économiques), et l’ajout d’une glip- cas d’insuffisance rénale (contre-indi- traitement du DT2 [1, 43]. La metfor-
tine (préférée des cliniciens pour son cation si DFG < 45 ml/min/1,73 m²), et mine est le plus souvent maintenue,
absence d’hypoglycémies, sa neutralité peuvent exposer à un risque d’infections sauf contre-indication, pour sensibiliser

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 195

à l’action de l’hormone, diminuer les DPP-4 [32] et les inhibiteurs des SGLT2 attend avec impatience les résultats
besoins insuliniques, et freiner la prise [42], sont nettement plus coûteux que d’essais, actuellement en cours, qui
pondérale. Les SH peuvent être associés les ADOs de première génération visent à démontrer une réduction des
à l’insuline basale, mais augmentent le que sont la metformine et les SH. Ils complications micro- et macroangiopa-
risque hypoglycémique, et cette option offrent des avantages, notamment thiques [5]. En cas d’échec des ADOs,
n’est pas recommandée dans la posi- en termes de minimisation du risque l’alternative est de recourir à des médi-
tion commune adoptée par l’ADA et hypoglycémique. Par contre, ils n’ont caments injectables. Cette solution est
l’EASD en 2012 [1], ni en 2015 [6]. La démontré leur efficacité que sur des cependant encore plus onéreuse si l’on
pioglitazone peut, théoriquement, être critères d’évaluation intermédiaire, en fait appel à des analogues de l’insuline,
combinée à l’insuline, essentiellement particulier le taux d’HbA1c. Il n’y a pas ou encore à des agonistes des récep-
dans le but de réduire les besoins en de preuves, à ce jour, qu’ils réduisent teurs du GLP-1 [33].
insuline grâce à l’effet insulinosensibili- les complications microangiopathiques • Les pays européens, en ce compris
sateur de la molécule [50]. Cette option et l’incidence des événements cardio- la France et la Belgique, sont de plus
est cependant finalement peu utilisée, vasculaires [4, 10]. Les premiers essais en plus réticents à mettre sur le marché
sans doute en raison des limitations liées cliniques qui ont été planifiés visaient et, surtout, à accorder le rembourse-
à l’utilisation des glitazones, comme déjà essentiellement à prouver la sécu- ment aux nouveaux antidiabétiques
discuté. Les gliptines ont également rité cardiovasculaire de ces nouveaux plus onéreux et qui n’ont démontré,
obtenu l’indication en combinaison avec ADOs, suivant en cela les nouvelles jusqu’à présent, une supériorité que sur
l’insuline. Il est probable qu’une part non directives de la FDA [37], et ont été des critères d’évaluation intermédiaire
négligeable du bénéfice imputable aux essentiellement construits pour démon- et non sur des critères cliniques forts.
inhibiteurs de la DPP-4 chez les patients trer la non-infériorité par rapport à un Les pays africains, qui doivent le plus
DT2 insulino-requérants résulte de placebo [38, 39]. Comme ces agents souvent faire face à une situation socio-
la réduction de la sécrétion de gluca- pharmacologiques sont plus onéreux économique encore plus difficile, sont
gon [32]. Enfin, les gliflozines aussi, ont que les médicaments les plus anciens, également confrontés aux difficultés
été testées en association à l’insuline. leur utilisation ne peut se justifier que d’accès à de nouveaux médicaments
Elles ont démontré une bonne efficacité, s’ils apportent une meilleure efficacité, onéreux, ce qui peut limiter les choix
avec une amélioration des taux d’HbA1c, une plus grande garantie de sécurité pharmacologiques disponibles, notam-
une épargne des besoins insuliniques, et et/ou une meilleure qualité de vie pour ment parmi ceux proposés dans la prise
un meilleur contrôle du poids corporel, les patients DT2. Il est cependant illu- de position des experts de l’ADA et de
sans augmenter notablement le risque soire d’attendre les résultats d’essais l’EASD publiée en janvier 2015 [6].
d’hypoglycémies [42]. Cependant, par cliniques qui démontreraient que ces Ainsi, le choix doit certainement être
mesure de prudence, l’ajout d’un SH, médicaments soient capables de réduire centré sur le patient, mais doit aussi
d’une gliptine, ou d’une gliflozine, à la mortalité des patients DT2 par rap- tenir compte des impératifs phar-
une insulinothérapie, doit amener le port aux médications classiques. Pareils maco-économiques de plus en plus
clinicien à envisager une réduction essais cliniques sont sans doute irréa- contraignants.
des doses d’insuline afin d’éviter des lisables, parce qu’ils demanderaient le • Enfin, une différence essentielle entre
hypoglycémies, en particulier lorsque le suivi d’une grande cohorte de plusieurs les pays européens et la plupart des
taux d’HbA1c n’est pas très élevé (par dizaines de milliers de patients pendant pays africains, est la qualité du système
exemple, entre 7,5 % et 8,5 %). une longue période (probablement de de sécurité sociale prenant en charge
l’ordre de 5 à 10 ans). Par contre, on le coût des soins de santé. Ainsi, alors

Perspective
médico-économique Les points essentiels
• L’éventail des antidiabétiques oraux s’est fortement élargi depuis le début des années
• Le traitement optimal du diabète 2000, avec la commercialisation des glitazones, des gliptines, puis des gliflozines.
consiste à bien contrôler la glycémie, • La metformine reste le premier choix incontesté, et les sulfamides hypoglycémiants
pour éviter des complications aiguës et
sont toujours proposés comme second choix, mais ces derniers sont de plus en plus
chroniques, sans créer d’hypoglycémie,
contestés, en raison du risque hypoglycémique.
et en limitant le risque de manifestations
indésirables, et, enfin, à un moindre • Après la metformine, le choix réfléchi doit se baser sur les caractéristiques indivi-
coût [3, 6]. L’analyse des médicaments duelles du patient et les particularités des effets des différents médicaments.
disponibles démontre qu’après la met- • L’approche centrée sur le patient est de plus en plus privilégiée, mais les données
formine, qui remplit la plupart de ces factuelles manquent souvent pour emporter la décision.
conditions, même chez certains patients • Les aspects médico-économiques deviennent de plus en plus importants, en Europe,
à risque [7], le débat demeure ouvert [6]. et certainement également en Afrique, limitant l’accès à certains médicaments jugés
• Les médicaments les plus récents, trop onéreux.
en particulier les inhibiteurs de la

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


196 Stratégie thérapeutique

diabetes, 2015: a patient-centered approach:


que les médicaments antidiabétiques Déclaration d’intérêt update to a position statement of the American
sont gratuits pour les patients en André J. Scheen déclare avoir reçu des hono- Diabetes Association and the European
France et en Belgique, y compris les raires, à titre personnel ou institutionnel, comme Association for the Study of Diabetes. Diabetes
Care 2015;38:140-9.
médications les plus chères, la situa- orateur, conseiller scientifique et/ou investiga-
tion est sensiblement différente en teur clinicien, de la part des firmes suivantes : [7] Scheen AJ, Paquot N. Metformin revisited: a
critical review of the benefit-risk balance in at-risk
Afrique, ce qui oblige à n’utiliser que Alliance AstraZeneca/Bristol-Myers Squibb, patients with type 2 diabetes. Diabetes Metab
les antidiabétiques de première géné- Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, GlaxoSmithKline, 2013;39:179-90.
ration, les moins onéreux, dans nombre Janssen, Merck Sharp & Dohme, Novartis, Novo [8] Foretz M, Guigas B, Bertrand L, et al.
de situations. Nordisk, Sanofi, Takeda. Metformin: from mechanisms of action to thera-
pies. Cell Metab 2014;20:953-66.

Conclusion
[9] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS)
Group. Effect of intensive blood-glucose control
• Alors qu’il a dû limiter son choix à un biguanide (la metformine) ou à un sulfamide with metformin on complications in overweight
patients with type 2 diabetes (UKPDS 34).
hypoglycémiant (SH) pendant plusieurs décennies, le clinicien dispose mainte- Lancet 1998;352:854-65 [Erratum in: Lancet
nant d’un nombre important d’alternatives thérapeutiques, notamment depuis la 1998;352:1558].
commercialisation des gliptines et des gliflozines. Ces ADOs exercent leur effet hypo- [10] Boussageon R, Gueyffier F, Cornu C. Effects
of pharmacological treatments on micro- and
glycémiant via des mécanismes sensiblement différents. Ils offrent des avantages
macrovascular complications of type 2 diabetes:
en termes de diminution du risque hypoglycémique, de maîtrise du poids corporel what is the level of evidence? Diabetes Metab
et, peut-être, de meilleure durabilité de l’effet anti-hyperglycémiant. Ces nouveaux 2014;40:169-75.

ADOs (gliptines et gliflozines) ont, par ailleurs, des effets indésirables spécifiques et [11] Beck E, Scheen AJ. Quels bénéfices anti-
tumoraux attendre de la metformine ? Ann
des limitations particulières de prescription. Cette diversité doit permettre au praticien Endocrinol (Paris) 2013;74:137-47.
de mieux personnaliser son approche thérapeutique. Rappelons, cependant, que la
[12] Loubatieres-Mariani MM. La découverte
première étape est certainement d’utiliser de façon optimale les ADOs de première des sulfamides hypoglycémiants. J Soc Biol
génération, en respectant au mieux les modalités de prescription et, surtout, les 2007;201:121-5.

contre-indications les plus évidentes. [13] Henquin JC. The fiftieth anniversary of hypo-
glycaemic sulphonamides. How did the mother
• Selon les dernières recommandations de l’ADA et de l’EASD, et après la metformine, compound work? Diabetologia 1992;35:907-12.
le choix est laissé libre parmi les multiples possibilités et doit se faire en fonction
[14] Goldner MG, Knatterud GL, Prout TE. Effects
d’une série de caractéristiques individuelles du patient et de propriétés propres aux of hypoglycemic agents on vascular complica-
médicaments, en ce compris le coût. Néanmoins, essentiellement pour des raisons tions in patients with adult-onset diabetes. 3.
Clinical implications of UGDP results. JAMA
économiques, certaines recommandations sont plus directives, voire plus contrai- 1971;218:1400-10.
gnantes, comme celles proposées par la HAS en France, privilégiant les SH par [15] Kahn SE, Haffner SM, Heise MA, et al;
rapport aux nouveaux ADOs, plus chers. Ces derniers ne pourraient être utilisés ADOPT Study Group. Glycemic durability of rosi-
glitazone, metformin, or glyburide monotherapy.
qu’en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance aux SH. La difficulté, pour
N Engl J Med 2006;355:2427-43 [Erratum in: N
ne pas dire le défi à relever, sera de proposer un algorithme de choix thérapeutiques Engl J Med 2007;356:1387-8].
qui tienne compte des différentes spécificités des molécules et des patients, ainsi que [16] Holman RR, Paul SK, Bethel MA, et al.
des contraintes économiques, tout en restant un guide lisible, applicable en pratique 10-year follow-up of intensive glucose control in
type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89.
pour les médecins et soignants de première ligne, les plus nombreux à prendre en
[17] ADVANCE Collaborative Group, Patel
charge la population, sans cesse croissante, de patients avec un DT2. La Société
A, MacMahon S, Chalmers J, et al. Intensive
francophone du diabète (SFD) espère pouvoir contribuer, dans les années à venir, blood glucose control and vascular outcomes
au succès de cet exercice difficile. in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med
2008;358:2560-72.
[18] Zoungas S, Chalmers J, Neal B, et al;
ADVANCE-ON Collaborative Group. Follow-up
Références [3] Halimi S. Do not forget that type 2 diabetes of blood-pressure lowering and glucose
does not only expose to cardiovascular compli- control in type 2 diabetes. N Engl J Med
[1] Inzucchi SE, Bergenstal RM, Buse JB, et al. cations. Diabetes Metab 2014;40:167-8. 2014;371:1392-406.
Management of hyperglycaemia in type 2 dia-
betes: a patient-centered approach. Position [4] Scheen AJ, Charbonnel B. Effects of glucose- [19] Holman RR, Haffner SM, McMurray JJ, et
statement of the American Diabetes Association lowering agents on vascular outcomes in type 2 al. Effect of nateglinide on the incidence of dia-
(ADA) and the European Association for the Study diabetes: a critical reappraisal. Diabetes Metab betes and cardiovascular events. N Engl J Med
of Diabetes (EASD). Diabetologia 2012;55:1577- 2014;40:176-85. 2010;362:1463-76.
96 [Erratum in: Diabetologia 2013;56:680].
[5] Holman RR, Sourij H, Califf RM. [20] Action to Control Cardiovascular Risk in
[2] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Cardiovascular outcome trials of glucose-low- Diabetes Study Group, Gerstein HC, Miller
Group. Intensive blood-glucose control with ering drugs or strategies in type 2 diabetes. ME, Byington RP, et al. Effects of intensive glu-
sulphonylureas or insulin compared with con- Lancet 2014;383:2008-17 [Erratum in: Lancet cose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med
ventional treatment and risk of complications 2014;383:2212]. 2008;358:2545-59.
in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33).
Lancet 1998;352:837-53 [Erratum in: Lancet [6] Inzucchi SE, Bergenstal RM, Buse JB, et [21] Monami M, Genovese S, Mannucci E.
1999;354:602]. al. Management of hyperglycemia in type 2 Cardiovascular safety of sulfonylureas: a

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2


Antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2 : perspectives historique et médico-économique 197

meta-analysis of randomized clinical trials. [30] Turner RM, Kwok CS, Chen-Turner C, et al. [42] Scheen AJ. Pharmacodynamics, efficacy and
Diabetes Obes Metab 2013;15:938-53. Thiazolidinediones and associated risk of bladder safety of sodium-glucose co-transporter type 2
cancer: a systematic review and meta-analysis. (SGLT2) inhibitors for the treatment of type 2 dia-
[22] Zoungas S, Patel A, Chalmers J, et al; Br J Clin Pharmacol 2014;78:258-73. betes mellitus. Drugs 2015;75:33-59.
ADVANCE Collaborative Group. Severe hypogly-
cemia and risks of vascular events and death. N [31] Scheen AJ. A review of gliptins in 2011. [43] Scheen AJ, Lefèbvre PJ. Oral anti-
Engl J Med 2010;363:1410-8. Expert Opin Pharmacother 2012;13:81-99. diabetic agents. A guide to selection. Drugs
1998;55:225-36.
[23] Scheen AJ. Comment je traite ... Le choix [32] Scheen AJ. A review of gliptins for 2014. Exp
entre un sulfamide hypoglycémiant et une gliptine Opin Pharmacother 2015;16:43-62. [44] Schernthaner G, Barnett AH, Betteridge
pour traiter le diabète de type 2. Rev Med Liège DJ, et al. Is the ADA/EASD algorithm for the
[33] Scheen AJ. GLP-1 receptor agonists or management of type 2 diabetes (January 2009)
2014;69:476-84. DPP-4 inhibitors: how to guide the clinician? Ann based on evidence or opinion? A critical analysis.
[24] Chiasson JL, Josse RG, Gomis R, et al; Endocrinol (Paris) 2013;74:515-22. Diabetologia 2010;53:1258-69.
STOP-NIDDM Trial Research Group. Acarbose [34] Scheen AJ. DPP-4 inhibitors in the man-
for the prevention of Type 2 diabetes, hyper- [45] Grant RW, Kirkman MS. Trends in the evidence
agement of type 2 diabetes: a critical review level for the American Diabetes Association’s
tension and cardiovascular disease in subjects of head-to-head trials. Diabetes Metab
with impaired glucose tolerance: facts and «Standards of Medical Care in Diabetes» from
2012;38:89-101. 2005 to 2014. Diabetes Care 2015;38:6-8.
interpretations concerning the critical analysis
of the STOP-NIDDM Trial data. Diabetologia [35] Scheen AJ. Pharmacokinetic considerations [46] Morgan CL, Mukherjee J, Jenkins-Jones S,
2004;47:969-75; discussion 976-7. for the treatment of diabetes in patients with et al. Combination therapy with metformin plus
chronic kidney disease. Expert Opin Drug Metab sulphonylureas versus metformin plus DPP-4
[25] Yki-Jarvinen H. Thiazolidinediones. N Engl J Toxicol 2013;9:529-50. inhibitors: association with major adverse cardio-
Med 2004;351:1106-18.
[36] Scheen AJ. Cardiovascular effects of gliptins. vascular events and all-cause mortality. Diabetes
[26] Nissen SE, Wolski K. Effect of rosiglitazone Nature Rev Cardiol 2013;10:73-84. Obes Metab 2014;16:977-83.
on the risk of myocardial infarction and death [47] Abrahamson MJ. Should sulfonylureas
from cardiovascular causes. N Engl J Med [37] Goldfine AB. Assessing the cardiovascu-
lar safety of diabetes therapies. N Engl J Med remain an acceptable first-line add-on to met-
2007;356:2457-71 [Erratum in: N Engl J Med formin therapy in patients with type 2 diabetes?
2007;357:100]. 2008;359:1092-5.
Yes, they continue to serve us well! Diabetes Care
[27] Dormandy JA, Charbonnel B, Eckland DJ, et [38] Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E, et 2015;38:166-9.
al; PROactive Investigators. Secondary preven- al; SAVOR-TIMI 53 Steering Committee and
Investigators. Saxagliptin and cardiovascular [48] Genuth S. Should sulfonylureas remain an
tion of macrovascular events in patients with type acceptable first-line add-on to metformin therapy
2 diabetes in the PROactive Study (PROspective outcomes in patients with type 2 diabetes mel-
litus. N Engl J Med 2013;369:1317-26. in patients with type 2 diabetes? No, it’s time to
pioglitAzone Clinical Trial In macroVascular move on! Diabetes Care 2015;38:170-5.
Events): a randomised controlled trial. Lancet [39] White WB, Cannon CP, Heller SR, et al;
2005;366:1279-89. EXAMINE Investigators. Alogliptin after acute [49] Nathan DM, Buse JB, Kahn SE, et al; GRADE
coronary syndrome in patients with type 2 dia- Study Research Group. Rationale and design of
[28] Scheen AJ. Outcomes and lessons from the Glycemia Reduction Approaches in Diabetes:
betes. N Engl J Med 2013;369:1327-35.
the PROactive study. Diabetes Res Clin Pract a comparative effectiveness study (GRADE).
2012;98:175-86. [40] Scheen AJ. Cardiovascular effects of dipep- Diabetes Care 2013;36:2254-61.
tidyl peptidase-4 inhibitors: from risk factors to
[29] Home PD, Pocock SJ, Beck-Nielsen H, et al; [50] Charbonnel B, DeFronzo R, Davidson J, et
clinical outcomes. Postgrad Med 2013;125:7-20.
RECORD Study Group. Rosiglitazone evaluated al; PROactive investigators. Pioglitazone use in
for cardiovascular outcomes in oral agent com- [41] Egan AG, Blind E, Dunder K, et al. Pancreatic combination with insulin in the prospective pio-
bination therapy for type 2 diabetes (RECORD): a safety of incretin-based drugs--FDA and EMA glitazone clinical trial in macrovascular events
multicentre, randomised, open-label trial. Lancet assessment. N Engl J Med 2014;370:794-7 study (PROactive19). J Clin Endocrinol Metab
2009;373:2125-35. [Erratum in: N Engl J Med 2014;370:2253]. 2010;95:2163-71.

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2015 - Vol. 9 - N°2

Vous aimerez peut-être aussi