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MOTS-CLÉS RÉSUMÉ
Santé maternelle, L’objet de ce papier est de voir si les stratégies de santé conduites par le
Accès aux soins gouvernement marocain depuis le début des années 2000 ont permis de réduire
maternels,
les inégalités d’accès aux soins de santé maternelle et d’identifier les
Inéquités,
Analyse de déterminants de ces inégalités. Utilisant les données de l’enquête nationale sur
décomposition, la population et la santé familiale de 2004 et de 2018 du ministère de la santé,
Maroc. nous montrons que, si l’accès aux soins maternels reste inégalitaire, les
inégalités se sont réduites entre les deux périodes. L’identification des
déterminants des inégalités observées en 2018 montre que les politiques de
santé maternelle doivent cibler plus particulièrement les femmes rurales, plus
pauvres et moins éduquées que les femmes urbaines, pour accélérer la
progression vers l’équité.
Avec un revenu national brut par habitant égal à 7680 $ en parité de pouvoir d’achat, le Maroc se
situait en 2019 dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure (World Bank,
2019). L’espérance de vie à la naissance s’élevait en 2016 à 77ans (75 ans) pour les femmes (pour les
hommes), le quotient de mortalité des moins de cinq ans en 2018 à 22 pour 1000 naissances vivantes
et les dépenses totales de santé par habitant à 444 $ intérieurs (5,9% du PIB). La mortalité maternelle
a considérablement diminué au Maroc depuis les années 2000 : le ratio de mortalité maternelle
(RMM) est passé de 188 pour 100.000 naissances vivantes contre 70 pour 100.000 naissances
vivantes en 2020. Par ailleurs, de inégalités subsistent et même si elles se sont réduites, elles
demeurent fortes, notamment entre zone urbaine et zone rurale. La mortalité maternelle au Maroc
est deux fois et demi plus élevée en zone rurale qu’en zone urbaine, soit un écart de 66,5 points.
L’écart de 182 points en 1992 est passé à 75 points en 2004, ce qui semble montrer un ralentissement
des avancées.
Pour quelles raisons les femmes meurent-elles ? Les femmes décèdent par suite de complications
– qui pourraient être évitées ou traitées – survenues pendant ou après la grossesse ou l’accouchement.
L’OMS a recensé les principales complications, qui représentent 75 % de l’ensemble des décès
maternels : hémorragie sévère (pour l’essentiel après l’accouchement), infections (habituellement
après l’accouchement), hypertension durant la grossesse (pré-éclampsie et éclampsie), complications
dues à l'accouchement, avortement pratiqué dans de mauvaises conditions (WHO, 2019). Un suivi
régulier des femmes durant leur grossesse et après l’accouchement, un accouchement avec du
Qu’en est-il au Maroc ? Le gouvernement marocain a déployé depuis 2008 plusieurs stratégies
sectorielles visant l’amélioration de la santé maternelle et reproductive, en faisant de la réduction des
inégalités d’accès aux soins maternels une de ses priorités. L’objet de ce papier est double : il est de
voir si ces stratégies ont effectivement permis de réduire ces inégalités d’accès et d’expliquer ces
inégalités. La première section présente un tour d’horizon des stratégies sectorielles mises en place
entre 2008 et 2021. La seconde section présente les données et l’approche choisie pour mesurer les
inégalités. La section 3 présente les résultats en analysant plusieurs indicateurs d’accès aux soins
maternels. La dernière section conclue en proposant des actions.
La SSSM 2008-2012 ciblait la prévention des grossesses non désirées, au moins pour les femmes
mariées, en ambitionnant un taux de couverture contraceptive chez les femmes mariées de plus de
65% et l’amélioration la qualité des prestations de planification familiale. Elle visait également la
réduction des barrières d’accès aux soins obstétricaux et néonataux, l’amélioration de la qualité de
la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement par une meilleur disponibilité d’un personnel
qualifié dans les structures d’accouchement.
La SSSM suivante (2012-2016) mettait l’accent sur un accès équitable aux soins en agissant et sur
l’offre (qualité et proximité des soins) et sur la demande (accès financier et géographique). Côté offre,
l’équipement des centres de santé et des maisons d’accouchement a été renforcé afin d’améliorer la
qualité de prise en charge des complications obstétricales, de même que l’ont été les capacités et les
responsabilités du personnel en zone rurale afin d’améliorer la qualité de la surveillance des
grossesses et accouchements. Côté demande, les politiques d’exemption ont été consolidées (soins
obstétricaux et néonataux d’urgence) ou instaurées (examens biologiques pour les femmes
enceintes).
La SSSM (2017-2021) ciblait une couverture médicale (CM) et un accès aux prestations de soins
de base (APSB) quasi-universels (passer d’une CM de 60 % à 90 % et d’un APSB de 60 % à 100 %
en 2021). Elle reposait sur la consolidation du programme de la santé de reproduction de la mère,
du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent (SRMNEA) en axant les efforts sur la grossesse,
l’accouchement et le post-partum, la planification familiale, l’infertilité, les consultations prénuptiale
et préconception. L’accent est ainsi mis sur le respect des droits en matière de procréation, la
continuité des soins et la programmation centrée sur les besoins de la population.
L’objectif d’un accès quasi-universel aux soins de santé maternelle reposait sur des plans d’action
régionaux visant, notamment, à renforcer la disponibilité pour toutes les femmes enceintes du paquet
2. Méthodologie
2.1. Données
La source des données utilisées est issue de l’enquête nationale sur la population et la santé
familiale (ENPSF 2017-2018) menée, par le ministère de la santé, en deux phases. La première phase
s’est intéressée au recueil de données sur la mortalité maternelle auprès d’un échantillon d’environ
122.000 ménages répartis sur tout le territoire national. La deuxième phase a recueilli des données
sur la santé de la mère et la santé reproductive via des questionnaires auprès d’un échantillon
représentatif de 15.300 ménages répartis sur les douze régions du Royaume. Nous utilisons
également les données de l’ENPSF 2003-04, pour des comparaisons inter-temporelles.
2.2.1. Inégalités
La littérature est abondante et il existe un grand nombre d’approches pour mesurer les inégalités,
des plus simples aux plus compliqués, avec leurs avantages et leurs inconvénients.1 L’approche
choisie ici est l’approche classique développée par Wagstaff et al. (1991), de la courbe de
concentration et de son indice associé qui permet de résumer la distribution d’une variable, ici de
santé, relativement au niveau de vie des individus. La courbe de concentration est reproduite sur un
graphique (voir exemple graphique1) dont les axes présentent en abscisse (x), le pourcentage cumulé
de la population de l’échantillon étudié, rangée par niveau de vie en commençant par le plus pauvre
et en terminant par le plus riche et en ordonnée (y), le pourcentage cumulé de la variable d’intérêt
(sur le graphique ci-dessous, l’utilisation des soins) correspondant à chaque pourcentage cumulé de
la distribution de la variable du niveau de vie. La bissectrice représente l’égalité parfaite, chaque
point de cette droite a comme coordonnées le même pourcentage sur les deux axes : les 30% les plus
pauvres de la population de l’échantillon (abscisse) utilisent les 30% de l’ensemble des soins de santé
(30 % sur l’ordonnée). Lorsque la courbe de concentration se trouve sous la bissectrice (comme dans
le graphique 1), des inégalités d’accès aux soins existent : au point d’abscisse représentant 50 % de
la population, on observe que le pourcentage de l’utilisation des soins est bien inférieur à 50 %
(ordonnée), ce qui indique que ceux qui utilisent le plus les services de santé sont les plus riches.
L’indice de concentration qui mesure l’intensité des inégalités équivaut au double de l’aire de la
surface comprise entre la courbe de consommation de soins et la droite d’égalité représentée par la
première bissectrice.
1
Pour plus de détails, voir : Ezzrari, A., et Ragbi, A. (2021), Les inégalités en matière de santé au Maroc : une évidence
empirique.
Source : Auteurs.
Wagstaff, Van Doorslaer et Watanabe (2003) proposent de décomposer les inégalités constatées
en différents facteurs explicatifs et de mesurer la contribution relative de chacun de ces facteurs à
l’inégalité totale. Leur méthode s’appuie sur un modèle économétrique qui permet d’observer l’effet
direct de chaque déterminant sur la variable d’intérêt (l’indice de concentration et son effet indirect
qui passe par sa corrélation avec le revenu).
Partant de l’idée que l’utilisation des services de santé, y, est expliquée sous une forme linéaire
additive permettant de prendre en compte les différents facteurs, x, qui la détermine, Wagstaff et al.
(2003) appliquent cette forme linéaire à l’indice de concentration à expliquer en introduisant du côté
des variables explicatives (x), la somme pondérée des indices de concentration Ck des k variables
relatives à des facteurs justifiables tels l’âge et le sexe, la somme pondérée des indices de
concentration Cl des variables relatives à des facteurs non justifiables tels le niveau d’éducation, le
niveau de vie, les conditions de vie, l’appartenance ethnique.
• Niveau de vie2
Quel que soit l’indicateur utilisé, l’accès aux soins prénatals de qualité est inégalitaire et dépend
du niveau de vie des ménages.
20
0
Le plus Second Moyen Quatrieme Le plus
pauvre riche
ENSPF_2018 ENSPF_2004
Les résultats (graphique 2) montrent que le niveau de vie est un facteur d’inégalité d’accès aux
soins prénatals. Les femmes des trois derniers quintiles de richesse sont plus nombreuses (plus de 93
% d’entre elles) à avoir reçu, durant leur grossesse, des soins prénatals qualifiés que les femmes des
deux premiers quintiles (75,5 % et 86 %, graphique 2). L’écart absolu entre Q1 et Q5 est à 20,5
points de pourcentage et l’indice de concentration (IC) à 0,44, soit une inégalité élevée.
Malgré la persistance des inégalités en termes d’accès aux soins prénatals, nous relevons une nette
réduction de ces dernières entre 2004 et 2018, que ce soit pour l’écart absolu qui s’est rétréci de 53
points de pourcentage à 20,5 ou pour l’indice de dissimilarité qui est passé de 38,9 à 34,5 durant cette
période.
2
L’ENPSF 2018 calcule des scores de niveau de vie/bien-être, selon une méthodologie commune à nombre d’enquêtes
ménages nationales, telles les EDS, l’analyse des correspondances multiples.
90 82,2
GAP = 38,7 79,1
80 73,6
ID = 28,7
70 61,8
60
50 43,5
40
30
20
10
0
Le plus Second Moyen Quatrieme Le plus
pauvre riche
L’inégalité est plus marquante lorsqu’on s’intéresse à l’accès précoce aux CPNQ, élément
essentiel du suivi de la grossesse, notemment pour détecter les grossesses à rique le plus tôt possible
(graphique3). Ainsi, moins de la moitié (43,5 %) des femmes enceintes du premier quintile de
richesse ont reçu des soins prénatals qualifiés durant les trois premiers mois de grossesse contre 82 %
dans le dernier quintile, portant l’écart absolu à 38,7 points de pourcentage et l’indice de
concentration à 0,36, soit une inégalité élevée (graphique3). Bien que l’accès au nombre
recommandé de CPN (au moins quatre) soit plus faible pour tous les quintiles (< 70 %), l’inégalité
est également élevée. Un tiers seulement des femmes du premier quintile et moins de la moitié (46,7
%) de celles du second quintile ont suivi quatre visites prénatales et plus contre plus 60 % des femmes
des trois derniers quintiles. L’indice de concentration de 0,32 et l’écart absolu est de 37,2 points de
pourcentage (graphique 4).
Graphique 4 : Soins prénatals qualifiés pour quatre visites et plus selon le niveau de vie
80
69,8
70 GAP = 37,2 64,9
61,1
ID = 25,4
60
50 46,7
40
32,6
30
20
10
0
Le plus pauvre Second Moyen Quatrieme Le plus riche
Si les centres de santé, les maisons d’accouchement, les cabinets privés et l’hôpital reçoivent des
femmes de toutes conditions, ce n’est pas le cas pour les cliniques privées ou mutualistes où se sont
essentiellement les femmes des quintiles de richesse élevées ou ayant accès aux mutuelles qui utilisent
88 A. Ezzrari, A. Ragbi & M. Audibert
ce type d’établissements (graphique5a ; l’indice de concentration – IC – est égal à 0,30). Au contraire,
les établissements publics, les dispensaires ou maisons d’accouchement reçoivent surtout les plus
pauvres (IC compris entre -0,10 et -0,13 et courbe de concentration), graphiques 5b, c).
Graphique 5a : Consultation prénatale en clinique privée ou mutualiste
Concentration Curve
1
.8
.6
.4
.2
0
0 .2 .4 .6 .8 1
Percentiles (p)
45° line
clinique_priv_mut
Graphique 5b : Consultation prénatale en établissement Graphique 5c : Consultation prénatale dans les maisons
public d’accouchement
Concentration Curve
1
.8
.6
.4
.2
0
0 .2 .4 .6 .8 1
Percentiles (p)
45° line
lieu_public
• Milieu de résidence
Bien que près de la totalité (95,6 %) des femmes enceintes en zone urbaine reçoivent des soins
prénatals qualifiés, dont 80 % dès le premier trimestre de grossesse et 65,6 % selon la
recommandation OMS (plus de quatre), elles ne sont plus que 79,6 % à recevoir des soins postnatals
qualifiés et cette proportion baisse très rapidement pour les deux autres indicateurs (50,8 % et 38,6 %,
respectivement). On retrouve ici à peu près les mêmes pourcentages observés pour le premier quintile
de richesse (graphiques 3 et 4). Les indices de dissimilarité confirment ces fortes inégalités avec des
valeurs respectivement égales à 38,7, 31,5 et 26,9. Par contre, on n’observe que de faibles inégalités
territoriales : l’indice de dissimilarité pour chacun de ces indicateurs est compris entre 5 et 10,6. Ce
résultat indique clairement la cible/priorité d’une politique de soin maternels : les femmes rurales.
Ce n’est pas tant l’accès aux CPN, que l’accès aux CPN précoces et aux quatre consultations et
plus qui révèle de fortes inégalités et confirme ce que l’analyse descriptive montrait. Le résultat du
modèle Probit indique que les deux principaux facteurs qui contribuent à expliquer les inéquités
d’accès sont le niveau de vie et le milieu de résidence. Ainsi, les femmes aisées et résidant en ville
ont une probabilité bien supérieure de consulter tôt (tableau 1, col. 4) et de suivre quatre ou plus
consultations prénatales durant leur grossesse que les femmes pauvres et résidant en milieu rural.
Ces dernières sont donc doublement pénalisées par : un faible niveau de vie et la non proximité de
l’offre. Par rapport aux lieux de consultation, les résultats les plus marquants montrent que les
femmes d’un milieu aisé et résidant en ville utilisent plus les hôpitaux publics ou les cliniques
privées/mutualistes (situés en ville et pouvant offrir des soins qualifiés) et que les femmes d’un milieu
pauvre et résidant à la campagne utilisent plus les centres de santé et maisons d’accouchement.
Les résultats de l’ENPSF 2018 montrent que la majorité des femmes (86 %) a bénéficié de
l’assistance d’un personnel qualifié en accouchant, les autres (13,4 %) ayant accouché à domicile.
Comparé à 2004 (Ezzrari et Ragbi, 2021) où 61,8 % des femmes en avaient bénéficié, le Maroc
enregistre ainsi une nette amélioration. Il en est de même pour les soins postnatals dont le taux de
recours est passé de 6,6 % en 2004 à 22 % en 2018, même si ce pourcentage reste faible en
comparaison avec d’autres pays à revenu comparable. Et qu’en est-il des inégalités qui persistent
encore ?
• Niveau de vie
L’examen des résultats de l’ENPSF 2018 montrent des inégalités selon le niveau de vie du
pourcentage des accouchements assistés par un personnel qualifié, du recours aux accouchements
avec césarienne réalisés dans un milieu surveillé et du recours aux soins postnatals (graphiques 6, les
indices de concentration sont de 41, 16 et 15 respectivement).
0
Le plus Second Moyen Quatrieme Le plus
pauvre riche
ENSPF_2018 ENSPF_2004
L’inégalité en termes d’accouchement en milieu surveillé concerne surtout les femmes du premier
quintile où 30 % d’entre elles accouchent à domicile contre moins de 20 % dans le second quintile et
moins de 8 % pour les trois derniers quintiles (graphique 6). L’accouchement en milieu surveillé ne
cesse d’augmenter au fil du temps et ce quel que soit le niveau de vie, l’écart entre le quintile le plus
aisé et le quintile le plus pauvre est passé ainsi de 65,4 points de pourcentage en 2004 à 29,6 en 2018
et l’indice de dissimilarité a enregistré également une baisse de 3,7 passant de 44,7 à 41
respectivement. On observe également de fortes inégalités également pour les accouchements par
césarienne (ID=16,3) comme le montre la courbe de concentration (graphique7). Le taux pour ces
accouchements est égal à 14 % pour les femmes appartenant aux deux premiers quintiles, puis
augmente progressivement pour les trois derniers quintiles de 23 % à 30 %. Il en est de même pour
les soins postnatals (ID =15,3 et graphique8) qui ont été suivis par 14 % et 18 % des femmes
appartenant aux premiers et seconds quintiles, contre 23 %, 26 % et 33 % pour les femmes des Q3 à
Q5.
Cependant, si ces inégalités ne sont pas justifiables et demandent à être résorbées pour les premiers
et troisièmes indicateurs, elles sont cette fois et en quelque sorte en défaveur des plus riches, non
parce qu’elles n’ont pas accès à la césarienne, mais parce qu’elles y ont trop accès, laissant
soupçonner des césariennes inutiles, voire dangereuses, pour celles qui en ont les moyens. En effet,
la littérature médicale situe le taux de césarienne idéal à 10 %. Au-delà de ce taux, on n’observe plus
d’association entre accouchement par césarienne et mortalité maternelle (Betran et al. 2015) et qui
plus est, la césarienne peut causer des complications importantes et fatales (OMS, 2015 ; Korb et al,
2019). En France, le taux de césarienne, alors même qu’il est parmi les plus bas en Europe, s’élève à
20 % dont une partie sont des césariennes de confort (demandées par la future mère). Ainsi donc, les
Concentration Curve
1
.8
.6
.4
.2
0
0 .2 .4 .6 .8 1
Percentiles (p)
45° line
cesarienne
Les inégalités d’accès selon l’âge de la femme sont faibles (ID= 5,1) pour l’accouchement en
milieu surveillé, excepté pour les femmes de 45-49 ans dont un quart accouche à domicile et
modérées pour le recours aux soins postnatals (ID = 8,6) et l’accès à la césarienne (ID=12,6) qui
augmente régulièrement avec l’âge, passant de 14 % chez les 15-19 ans à 27 % chez les 40-44 ans
pour baisser à 15 % chez les 45-49 ans. Les inégalités sont au contraire marquantes selon le niveau
d’éducation de la femme ou du mari. Les indices de dissimilarité se situent entre 18 et 25 selon les
indicateurs considérés. On note que le taux de césarienne augmente fortement avec le niveau
d’éducation et qu’il est extrêmement élevé et même alarmant (voir ci-dessus, à propos du risque lié
aux césariennes) pour les femmes (40 %) ayant (ou dont le mari a, 37,6 %) un niveau d’éducation
secondaire et plus. Ce taux est de 15 % pour les femmes sans niveau d’éducation.
• Milieu de résidence
On relève des inégalités élevées (ID de 45,8, 18,8 et 16,6) en défaveur des femmes rurales pour les
trois indicateurs étudiés. Quasiment toutes les femmes en milieu urbain (96 %) contre 74 % des
femmes rurales accouchent en milieu surveillé, 27 % (26 %) reçoivent des soins postnatals
(accouchent par césarienne) contre 15 % (13 %) en milieu rural. Si on n’observe pas de grandes
inégalités régionales pour l’accouchement en milieu surveillé, excepté pour les régions Béni-Mellal-
Kénifra et Dâa Tafilalet (taux < 76 %), ceci est moins vrai pour l’accès aux soins postnatals et
l’accouchement par césarienne.
3
L’accouchement avec césarienne coûtant (en France) 20 % plus cher que l’accouchement eutocique, il convient de
vérifier, pour les césariennes de confort, que la sécurité sociale ne prenne pas en charge le surcoût. Il semble que les
cliniques privées en France qui acceptent d’accéder à la demande des femmes ne signalent pas toujours les césariennes
non-médicales qui sont donc remboursées.
Conclusion
Le gouvernement marocain a déployé depuis 2008 plusieurs stratégies sectorielles visant
l’amélioration de la santé maternelle et reproductive, en faisant de la réduction des inégalités d’accès
aux soins maternels une de ses priorités. Grâce à ces efforts, la mortalité maternelle a
considérablement diminué depuis les années 2000. L’objet de ce papier était de voir si ces stratégies
avaient effectivement permis de réduire ces inégalités d’accès et d’identifier les facteurs qui y
contribuent.
Les données utilisées sont issues de l’enquête nationale sur la population et la santé familiale de
2017-2018 et de 2003-04 du ministère de la santé. L’approche de mesure des inégalités utilisée est
celle développée par Wagstaff et al. (1991), qui calcule une courbe de concentration et son indice
associé qui permet de résumer la distribution du niveau de santé relativement au niveau de vie des
individus. L’analyse de la décomposition des inégalités suit celle de Wagstaff, Van Doorslaer et
Watanabe (2003) qui décompose les inégalités en différents facteurs et mesure leur contribution
relative à l’inégalité, à l’aide d’un modèle économétrique.
Même si les inégalités d’accès aux soins prénatals ont fortement diminué au Maroc entre 2004 et
2018, elles demeurent. En 2018, les femmes les plus aisées et résidant en ville sont toujours plus
nombreuses à avoir reçu, durant leur grossesse, des soins prénatals qualifiés que les femmes les plus
pauvres et résidant en zone rurale. Ces dernières sont donc doublement pénalisées : par un faible
niveau de vie et par la non proximité de l’offre de soins. Par ailleurs, les femmes plus âgées ont moins
accès aux soins prénatals que les femmes plus jeunes. Deux explications sont avancées : les plus
Pour réduire les inégalités d’accès aux soins maternels, il est important de noter que la
performance d’un système sanitaire n’est pas uniquement liée aux ressources budgétaires, elle
dépend également des ressources humaines et de l’équité territoriale de leur répartition selon les
régions et le milieu de résidence. Ceci suppose une meilleure répartition du personnel entre les
différentes structures du secteur public, une gestion efficace du temps de travail dans les structures
sanitaires, une redéfinition fonctionnelle des postes de travail, une dynamisation de la formation
continue, une mise en place effective d’une déconcentration au profit des directions régionales de
santé, une révision de la carte sanitaire pour la rendre opposable au secteur privé et une accélération
de la généralisation de la couverture sociale (ONDH, 2017).
Références
Assurance maladie. 2011. Point d’information. Sécurité sociale, France.
Betran, A. P., Torloni, M. R., Zhang J., Ye, J., Mikolajczyk, R., et al. (2015), “What is the optimal
rate of caesarean section at population level? A Systematic Review of Ecologic Studies”,
Reproductive Health, 12 (57), 1-10.
Ezzrari, A., Ragbi A. 2021. Les inégalités en matière de santé au Maroc : une évidence empirique.
https://www.researchgate.net/publication/350276789.
Korb, D., Goffinet, F., Seco, A., Chevret, S., Deneux-Tharaux, C. for the EPIMOMS Study Group
(2019), “Risk of severe maternal morbidity associated with cesarean delivery and the role of
maternal age: a population-based propensity score analysis”, CMAJ 191 (13). E352-E360;
DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.181067.
Niang, M., Dupérée, S., Bédard, E. (2015), « Le non-recours aux soins prénatals au Burkina Faso »,
Santé publique 27(3), 405-414.
OMS. 2020. Statistiques sanitaires mondiales 2020.
ONDH. 2010. Rapport sur les inégalités et le développement humain.
https://www.ondh.ma/fr/thematiques/rapports-de-developpement-humain.
Wagstaf, A., Pierella, PA., Van Doorslaer, E. (1991), “On the measurement of inequalities in
health”, Social Sciences and Medicine, 33 (5), 545-557.
ABSTRACT
The purpose of this paper is to assess whether health strategies, carried out by the Moroccan
government since the beginning of the 2000s, have reduced inequalities in access to maternal
healthcare and to identify the determinants of these inequalities. Using data from the 2004
and 2018 national population and family health surveys from the Ministry of Health, we show
that, while access to maternal care remains unequal, inequalities have narrowed between the
two periods. The identification of the determinants of the inequalities observed in 2018 shows
that maternal health policies must specifically target rural women, poorer and less educated
than urban women, to accelerate progress towards equity.
KEYWORDS