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UNIVERSITE CATHOLIQUE D’AFRIQUE CENTRALE

INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDE


Faculté de sciences sociales et de gestion

DROIT INTERNATIONAL DE
L’ENVIRONNEMENT

Master I Contentieux et arbitrage des affaires

Professeur : Parfait OUMBA


parfaitoumba@yahoo.fr
Téléphone +237693287571:
Année académique 2017-2018
Plan du cours

Introduction générale

Première partie : Le vocabulaire juridique du DIE

Chapitre 1 - Les concepts de base

Section 1 - Les concepts structurants du DIE


§ 1 – L’environnement
§ 2 – La pollution et les nuisances
§ 3 – Les déchets
§ 4 – L’immersion
§ 5 – Les changements climatiques
§ 6 – Les émissions de gaz à effet de serre
§ 7 – La diversité biologique
§ 8 – Les biotechnologies et le matériel génétique

Section 2 - Les concepts techniques du DIE


§ 1 – L’éco-audit ou audit environnemental
§ 2 – Les études d’impacts et les évaluations environnementales
§ 3 – La certification et les labels
§ 4 – Les normes ISO
§ 5 – Les permis d’émission

Chapitre 2 - Les principes fondamentaux

Section 1 - Les principes fondateurs du DIE


§ 1 – L’ordre public écologique
§ 2 – Le droit de l’homme à l’environnement
§ 3 – La reconnaissance du droit des générations futures

1
§ 4 – La préservation du patrimoine commun
§ 5 – Le principe du développement durable
§ 6 – La responsabilité environnementale

Section 2 - Les principes opérationnels du DIE


§ 1 - Le principe de prévention
§ 2 - Le principe d’information
§ 3 - Le principe de participation
§ 4 - Le droit à la concertation
§ 5 - Le principe pollueur-payeur
§ 6 - Le principe de précaution

Deuxième partie : Le cadre juridique international de la protection de l’environnement

Chapitre 1 - Les instruments globaux de la protection internationale de l’environnement

Section 1 - Les instruments globaux issus de la Conférence de Rio

§ 1 – Les instruments déclaratoires


A – Les textes adoptés avant 1992
B – La Déclaration de Rio et l’Agenda 21
§ 2 – La convention de Rio sur la diversité biologique
A – Naissance d’une doctrine sur la biodiversité
B - Objectifs et champ d’application de la CDB
C – Les lignes de force de la convention
D – Les aspects institutionnels et financiers

Section 2 - Les autres instruments globaux

§ 1 – La Convention-cadre sur les changements climatiques


A – Les règles de base
B – Le protocole de Kyoto
§ 2 – La Convention sur la lutte contre la désertification
A – Les aspects normatifs
B – Les aspects institutionnels
§ 3 – La convention pour la protection de la couche d’ozone
A – Les règles de base
B – Le protocole
§ 4 – La Convention sur les polluants organiques persistants
A – Les principes et dérogations
B – Les règles des importations et des exportations
§ 5 – La Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets
dangereux et de leur élimination (Convention de Bâle).
A – Contexte et objectifs
B – Principes et obligations des parties

2
Chapitre 2 - Les instruments spécifiques de la protection internationale de
l’environnement

Section 1 – La protection internationale des écosystèmes terrestres et aquatiques

§ 1 – La conservation des grands types d’écosystème


A – Les écosystèmes exceptionnels
1 - Le programme MAB
2 - La convention de l’UNESCO pour la protection du patrimoine
mondial, culturel et naturel
B – Les zones humides
1 - Les enjeux
2 - La convention RAMSAR
C – Les cours d’eau et les lacs internationaux
D – Les sols
E – Les forêts
§ 2 – La conservation des espèces et de leurs habitats
A – Le commerce des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d’extinction
1 - Objectifs et champ d’application de la CITES
2 - Obligations des parties au titre de la CITES
3 - Transport international des animaux commercialisés
4 - L’Accord de Lusaka
B – Les espèces migratrices et leurs habitats
1 – Les enjeux
2 - La Convention de Bonn
3 - Les accords conclus sous l’égide de la convention de Bonn
C – Les oiseaux sauvages
1 - Les instruments de conservation de la première génération
2 - Les instruments de conservation de la deuxième génération
D – Les mammifères sauvages
§ 3 - La conservation des ressources génétiques
A – L’engagement international sur les ressources phytogénétiques
B – Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour
l’alimentation et l’agriculture
§ 4 – La lutte contre les processus d’origine biotique de dégradation
A – les espèces exotiques sauvages
B – Les risques liés aux biotechnologies

Section 2 – La protection internationale des écosystèmes marins

§ 1 – Le milieu marin saisi par le droit


§ 2 - La protection et la préservation du milieu marin contre la pollution
A – Le cadre juridique général de la lutte contre la pollution
B – Les instruments sectoriels de lutte contre la pollution marine
1 - Les pollutions d’origine tellurique
2 - Les immersions de polluants en mer
3 - Les pollutions des navires et des activités off-shore
§ 3 – L’exploitation et la conservation des ressources biologiques marines
A – La situation avant la convention de Montego Bay

3
B – La convention de Montego Bay
C – Les activités de pêche
D – La conservation spécifique de certains groupes d’espèces
E – Le règlement des litiges

Chapitre 3 - Les instruments régionaux de la protection de l’environnement en Afrique

Section 1 – La convention d’Alger


§ 1 – Historique
§ 2 – Obligations des parties et mise en œuvre
Section 2 – La convention de Bamako
§ 1 – Droits et obligations des parties
§ 3 – Etude de cas : L’affaire des déchets en Côte d’ivoire

Troisième partie :
La gouvernance internationale de l’environnement

Chapitre 1 - Les acteurs institutionnels

Section 1 - Les acteurs internationaux


§ 1 – Les Nations Unies et l’environnement
A – La nécessaire transformation institutionnelle du PNUE
B – La protection de l’environnement comme enjeu de la paix et de la sécurité
internationales
§ 2 – La société civile transnationale et la protection de l’environnement.
A – La figure hybride de l’UICN
B – Le militantisme vert de Greenpeace
Section 2 - Les acteurs de la gouvernance régionale : le cas du bassin du Congo
§ 1 – Le partenariat pour les forêts du bassin du Congo
§ 2 – Les acteurs d’Afrique centrale : le cas du secteur forestier
Section 3 - Les acteurs de la gouvernance nationale : le cas des pays d’Afrique centrale
§ 1 – La forêt dans le miroir du droit en Afrique centrale
A – Le traité de Brazzaville sur les forêts
B – L’effectivité des législations nationales : le cas des aires protégées
§ 2 – La mer, le pétrole et la paix en Afrique centrale
A – L’exploitation pétrolière et le développement durable : le modèle tchadien
B – L’exploitation pétrolière et la lutte contre la pollution marine : le cas du
Congo-Brazzaville

Chapitre 2 : Les programmes et moyens opérationnels

Section 1 : Le management environnemental


§ 1 – Les principes
§ 2 – Les outils de mise en œuvre
Section 2 : La responsabilité sociale des entreprises
§ 1 – Enjeux et principes
§ 2 - Les études de cas en Afrique centrale

Conclusion générale

4
INTRODUCTION GENERALE
Le XXIe siècle s’est ouvert sous le signe d’une nouvelle ère de concertation planétaire visant à
établir un cercle vertueux conciliant la protection de l’environnement, la mondialisation de
l’économie, le développement social et la sécurité humaine. Cette dynamique de
développement durable s’oriente tout à la fois vers les générations futures et vers l’espace
planétaire actuel, en prenant en compte autant le bien-être de chaque individu et de chaque
communauté que la sécurité globale de la communauté internationale pour favoriser l’accès de
tous aux biens publics fondamentaux. Des catastrophes écologiques comme celles de
Tchernobyl ont rappelé à cet égard quelques vérités élémentaires : protéger l'environnement
n'est pas seulement la manie d'amateurs de plantes sauvages ou des défenseurs des petits
oiseaux mais constitue une action essentielle à la sauvegarde de la santé publique.

« De fait, la protection de l’environnement est devenue l’un des enjeux les plus importants
des relations mondiales contemporaines. La coopération internationale s’impose pour protéger
des éléments du patrimoine commun de l’humanité dont aucun pays n’a, en propre, la
responsabilité, celle-ci incombant à tous. De même, la qualité de l’air et de l’atmosphère
dépendent d’une coordination mondiale dans de nombreux domaines. »1

La priorité donnée à l’état de l’environnement traduit par conséquent une profonde mutation
des mentalités des citoyens et des comportements des acteurs politiques et sociaux, tant
nationaux qu’internationaux. Le droit international ne peut pas ignorer un tel phénomène de
transformation de l’ordre juridique et politique à l’échelle planétaire. Le droit international de
l'environnement et, a fortiori, une politique internationale de l'environnement constituent un
phénomène relativement nouveau2.

Depuis que l’agriculture a été inventée, il y a en gros 12 000 ans, les sociétés n’ont cessé
d’accumuler des données sur les interactions naturelles qui leur ont permis de perdurer à travers
la mise au point tout à la fois d’informations fonctionnelles pour produire et d’informations
régulatrices pour conserver l’environnement dans lequel elles sont implantées. Ainsi, les
connaissances écologiques ont gagné en importance au fur à mesure du développement
économique considéré, à tort ou à raison, comme la cause de la surexploitation mondiale des
ressources naturelles.

Faut-il rappeler tout d’abord que l’environnement, même si on le réduit à sa plus simple
expression, est d’abord caractérisé par des éléments réels, c’est-à-dire des flux d’énergie et de
matière qui se combinent à travers des cycles organiques et inorganiques d’une part et qui sont
recomposés par des systèmes culturels d’autre part. Autrement dit, tous ces processus sont sous-
tendus par les trois grandes logiques (économique, biologique, anthropologique) qui sont en
interaction constante. La résultante de ces interactions n’est finalement rien de plus que
l’ensemble des écosystèmes que façonnent les hommes pour satisfaire leurs besoins à un
moment donné en un lieu donné. Jusqu’à une période récente, la méconnaissance des équilibres
au sein d’un écosystème n’était pas directement prise en compte mais considérée comme un
donné autorégulé qui pouvait se reconstituer et se régénérer de lui-même. L’industrialisation et
la mondialisation intensives ont tout simplement révélé que l’environnement n’est pas

1
Jean Didier Boukongou, « La protection du bassin du Congo », in Géopolitique Africaine, 2004,
http://www.african-geopolitics.org/show.aspx?ArticleId=3811 (consulté le 5 janvier 2007)
2
P.M. Dupuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ? », RGDIP, 1997-4, p. 873.

5
inépuisable et indestructible mais, au contraire, de plus en plus fragile et donc susceptible d’être
détruit d’une manière irréductible et avec lui l’espèce humaine.

Au fur et à mesure que s’aggrave la détérioration de l’écosystème mondial, l’environnement


devient un enjeu de la politique internationale. Les institutions internationales, les entreprises
multinationales, les lobbys internationaux, les ONG transnationales et les grandes puissances
accaparent de plus en plus le débat, les activités et les fonds consacrés à la protection de
l’environnement. Ceux qui voient dans l’environnement un moyen d’accroître leur pouvoir
s’invitent avec tonitruance sur ce nouveau champ de l’ingérence internationale. Aussi, certains
n’hésitent plus à revendiquer un « droit d’ingérence écologique » pour sauver la planète.
L’hypothèse d’un totalitarisme écologique justifié par la gravité des problèmes
environnementaux est tout à fait plausible.

Déjà les pays les plus pauvres craignent que les pays riches ne cherchent à leur imposer un
nouveau « colonialisme écologique », que les sanctions commerciales en faveur de
l’environnement ne soient des mesures protectionnistes à peine déguisées contre la
compétitivité économique des pays du Sud, que le droit international de l’environnement ne
devienne qu’un alibi pour dicter aux pays en développement la conduite à suivre pour
administrer des ressources naturelles qui ont déjà été abondamment surexploitées par les pays
développés et qui y ont bâti leur prospérité actuelle.

Par ailleurs, sous le couvert de la protection des biens publics fondamentaux (air, eau potable,
forêts, etc.), les pays en développement craignent une fixation des déséquilibres Nord-Sud, afin
de remédier à des problèmes mondiaux causés principalement par le développement
technologique du Nord. Malgré les sommes alléchantes présentées comme des contreparties
aux sacrifices à consentir par les pays du Sud dans la conservation des ressources naturelles, les
négociations écologiques mondiales se présentent toujours comme « une bonne affaire » pour
les pays industrialisés : d’où les craintes, réelles ou imaginaires, d’un « colonialisme vert ».

Dès lors, il s’agit pour les pays en développement de débusquer les intentions cachées du droit
international de l’environnement (DIE), de mettre en lumière les jeux de pouvoir dissimulés
derrière chaque négociation multilatérale ou derrière chaque convention internationale relative
à la protection de l’environnement. La paranoïa écologique devient une stratégie juridique dans
les négociations internationales sur l’environnement.

Le droit international empiète toujours sur la souveraineté de l’Etat, la met en jeu sur la table
des négociations en échange des avantages présumés supérieurs que procure la coopération
internationale. La question en ce qui concerne le DIE est de savoir qui risque ainsi sa
souveraineté, pourquoi et dans quelle proportion, pour quels objectifs communs et au profit de
quel bien supérieur à son intérêt national immédiat ?

Dès le début de l' « ère écologique » actuelle, les instruments internationaux relatifs à la
protection de l'environnement se sont situés dans un raisonnement économique assez primaire.
A cause des pollutions et à cause de la détérioration générale de la biosphère, les ressources
naturelles se raréfient, donc elles se valorisent et doivent être protégées. La Déclaration de
Stockholm exprime bien cette façon de voir - et l'utilise pour mieux faire comprendre la
nécessité de la protection - en déclarant que ces ressources comprennent aussi l'air, l'eau, la
terre, la flore et la faune et les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels. Le même
raisonnement conduit aussi à une distinction entre ressources renouvelables et ressources non-
renouvelables. Par la suite, les considérations économiques joueront un rôle bien plus complexe

6
dans le domaine de l'environnement, tantôt poussant à l'internationalisation de la protection de
l'environnement, tantôt faisant obstacle à l'adoption de mesures protectrices.

Le "droit à l'environnement" a connu diverses fortunes, notamment au plan international. Alors


que des Etats de plus en plus nombreux le reconnaissent tantôt dans leurs Constitutions, tantôt
dans leurs législations générales ou spéciales, le droit international semble hésiter devant
l'extension des droits de l’homme dans ce sens. Il convient de signaler, toutefois, que cette
hésitation n'a pas empêché d'importants progrès dans la reconnaissance des éléments
procéduraux de ce droit, c'est à dire le droit de chacun à l'information, à la participation et aux
recours en matière d'environnement. Le prolongement logique du droit à l'environnement est
son extension vers l'avenir. C'est le concept du droit des générations futures, esquissé dès la
Déclaration de Stockholm. Le premier principe de ce texte proclame que l'homme a devoir
solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures.

Toutefois, on peut poser la question de savoir si cette responsabilité doit rester centrée sur les
humains. La Charte mondiale de la nature, adoptée et solennellement proclamée par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 28 octobre 1982 élargit le débat en affirmant dans
son préambule non seulement que l'humanité fait partie de la nature, mais aussi que toute forme
de vie est unique et mérite d'être respectée, quelle que soit son utilité pour l'homme. En
conséquence, il faut reconnaître aux autres organismes vivants une valeur intrinsèque. Ainsi,
on échappe à l'utilitarisme de l’environnement et même à l'anthropocentrisme, en plaçant la
finalité de la protection de l'environnement au niveau d'un code moral d'action.

Bien entendu, cette éthique elle-même nécessite que ses fondements soient définis.
Pratiquement toutes les grandes religions du monde permettent des interprétations imposant le
devoir de sauvegarder l'environnement. Dans l'histoire biblique de la création Dieu bénit non
seulement l'homme, mais aussi d'autres espèces et si le texte établit la domination de l'homme
sur tous les autres êtres vivants, le récit du déluge montre que cette domination comporte la
responsabilité de l'homme pour la survie de toute espèce. Selon le Coran l'attitude de l'homme
doit être la considération, la contemplation et la méditation envers l'univers et ce qu'il recèle.

Cette multiplicité des motivations possibles doit faire réfléchir. Il est difficile d'échapper à un
certain anthropocentrisme, même si le fondement de la protection est d'ordre éthique ou
religieux. Toutefois, l'anthropocentrisme doit prendre en compte le long terme et pas seulement
l'utilité du présent. La planète Terre, qui a connu des milliards d'années avant l'apparition de
l'homme, serait totalement indifférente à la disparition des humains, comme elle l'était à
l'extinction massive des grands sauriens ou de tant d'autres espèces. Il nous appartient donc de
ne pas détruire notre biosphère, le seul lieu de l'univers où l'existence humaine est possible, en
sacrifiant l'avenir même lointain aux besoins même pressants du présent.

Pour réguler les interactions dans cette biosphère, la communauté internationale a patiemment
construit de nombreuses digues juridiques contre les pollutions, la dégradation des paysages, la
destruction irréversible des espèces et la pression anthropique sur la nature. Ces digues sont
précaires et elles ont besoin d’une réelle volonté politique et d’une opinion publique éclairée
pour pouvoir tenir les vagues de la mondialisation économique. Elles comportent de
nombreuses conventions internationales, des résolutions obligatoires d’organes internationaux,
les programmes d’action et un certain nombre de texte non obligatoires (soft law) dont

7
l’importance ne saurait être méconnue3. C’est ce corpus qu’il convient de désigner sous le
vocable de droit international de l’environnement (DIE).

Dans l'ensemble, l'évolution du DIE a suivi deux voies plus ou moins distinctes: le
développement de normes régissant des relations bilatérales et la mise en place d’un cadre
juridique multilatéral. Il est paradoxal que la première affaire de pollution transfrontière, celle
de la Fonderie de Trail4, date d'une époque bien antérieure à la prise de conscience de la
détérioration de la biosphère. C'est sans doute à cause de ce précédent et du conflit de
compétences territoriales exclusives qui était à son origine qu'une partie importante de la
doctrine du droit international n'a aperçu au début que l'aspect bilatéral des problèmes de
protection de l'environnement, concernant la pollution transfrontière entre pays voisins.

Si les tentatives de développer les règles de la responsabilité internationale dans ce domaine


n'ont que partiellement abouti, des recommandations et des déclarations adoptées par des
institutions internationales ont formulé des règles concernant d'autres aspects de la pollution
transfrontière. Reprises par d'autres instruments internationaux, en particulier dans des traités,
ces règles font désormais partie du droit international coutumier. Elles consacrent le devoir de
l'État de ne pas causer de dommage à l'environnement à l'extérieur des limites de sa compétence
territoriale, le devoir de coopérer avec les autres, celui d'informer d'urgence les autres Etats
susceptibles d'être affectés de toute situation ou de tout événement pouvant causer
soudainement des effets nuisibles à leur environnement, de s'efforcer de porter assistance aux
Etats victimes de telles situations ou de tels événements, le devoir d'informer les Etats étrangers
de projets ou plans susceptibles de porter atteinte à leur environnement, d'entrer en consultation
avec eux et enfin, d'assurer l'égalité d'accès aux non-résidents dans toute procédure concernant
des effets que leur environnement aurait à subir par suite d'activités prévues.

Toutefois, le droit international de l'environnement s'est surtout développé en suivant une voie
parallèle portant sur des questions qui dépassent les relations bilatérales. Une véritable
«législation internationale » a pu ainsi être créée centrée sur la nécessité de prévenir la
détérioration de l'environnement. L'évolution s'est faite en trois étapes.

La première étape est marquée par la sectorisation de la protection internationale de


l’environnement. Au cours des années 1970, les traités internationaux ont surtout cherché à faire
face aux problèmes les plus immédiats qui se posaient dans les différents secteurs de
l'environnement: protection de la mer, des eaux continentales et de l'atmosphère contre la
pollution, conservation de la flore et de la faune sauvages. Les progrès de la réglementation
variaient d'un secteur à l'autre.

La deuxième étape est caractérisée par la transversalisation de la protection internationale de


l’environnement. C'est ainsi que différentes institutions internationales, mais aussi des groupes
de producteurs et d'opérateurs se sont penchées sur le problème de l'écotoxicité de substances
chimiques pendant les différentes étapes de leur vie - production, transport, commercialisation,
utilisation, élimination. En effet, la complexité des facteurs affectant certains aspects des
substances potentiellement dangereuses pour l'environnement est telle qu'une réglementation
imposée par les Etats ne peut pas résoudre tous les problèmes qui se posent. Aussi a-t-on recours

3
Kiss A. et Beurier J.-P., Droit international de l’environnement, 2ème édition, Pédone, Paris, 2000 ; AUPELF-
UREF, Recueil francophone des traités et textes internationaux en droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles,
1998.
4
ONU, Fonderie de Trail, Sentences arbitrales des 16 avril 1938 et 11 mars 1941,RSA, Vol. III, 1965, p. 1938

8
de plus en plus souvent à des codes de bonne conduite ou des directives (guidelines) non
obligatoires.

La troisième étape marquée par la globalisation de la protection internationale de


l’environnement s'est faite dans deux sens. D'une part, à la suite des mesures prises pour
sauvegarder la couche d'ozone stratosphérique, d'autres problèmes planétaires majeurs, la
conservation de la diversité biologique et l'arrêt de la modification du climat global ont dû être
résolus avec la coopération de tous les pays du monde. D'autre part, plusieurs situations
régionales, comme l'Antarctique et le Bassin du Congo, ont reçu une solution globale - ou du
moins un début de solution globale - intégrant tous les aspects de la protection de
l'environnement.

Ainsi s'est créé, au cours des trois étapes de l'évolution, un véritable droit international à
caractère préventif. En tout cas, l'évolution du droit international de l'environnement comporte
nécessairement une ouverture de plus en plus large sur les problèmes de développement et, à la
fin, elle doit conduire à la fusion entre protection de l'environnement et développement, du
moins au plan mondial, pour conduire au développement durable.

Le DIE est fortement dépendant des sciences de la nature et des nouvelles technologies liées à
la géographie physique et à la cartographie. Sa compréhension exige donc un minimum de
connaissance scientifique et une réelle ouverture à la pluridisciplinarité. La complexité des
éléments composant l’environnement et leurs interrelations a conduit de nombreux auteurs à
utiliser la méthode systémique pour mieux étudier l’environnement. Une réflexion théorique
prospective a de ce fait été élaborée pour tenter de construire un droit de l’environnement selon
l’analyse systémique5. Cependant, l’analyse du droit positif de l’environnement et la réflexion
prospective ne peuvent pas se passer de l’apport de l’histoire du droit, de la socio-anthropologie
et des relations internationales. L’apparition concomitante des droits internes de
l’environnement dans les divers pays du monde rend indispensable l’étude comparative de ces
droits.

Enfin, le DIE présente le grand intérêt d’être articulé, sur l’ensemble de la planète, sur des
expériences normatives et institutionnelles diverses, sur des constructions doctrinales plurielles,
qui, au-delà des systèmes juridiques, culturels, politiques et socioéconomiques particuliers,
posent en fait la même problématique : quel droit pour mieux protéger et préserver
l’environnement en prenant en compte les réalités locales et les aspirations communes à un
environnement sain garanti par un développement durable ? Quelles sont les meilleures
pratiques de prévention et conservation des ressources naturelles qui prennent en compte les
intérêts divergents des Etats et l’impératif du patrimoine écologique commun de l’humanité ?

Le DIE a un vocabulaire juridique particulier (Première partie) sans lequel l’entrée en la matière
risque d’être difficile. De même la connaissance du cadre juridique international de la protection
de l’environnement (Deuxième partie) est nécessaire pour mieux comprendre les enjeux actuels
de la gouvernance internationale de l’environnement (Troisième partie).

5
C. de Vilmorin, « Protection de l’environnement et prospective juridique », Revue Urbanisme, N°171 (1979),
p.24.

9
Première partie :
Le vocabulaire juridique du DIE

Le DIE souffre d’une pathologie qui inquiète ceux qui tentent de l’approcher : le caractère
hermétique de son discours, la complexité des concepts et principes et le caractère quasiment
ésotérique de son raisonnement pour un public familier aux besoins de clarté et de simplicité.
D’où l’intérêt de la maîtrise de son vocabulaire juridique avant d’aborder le vaste champ des
normes et des institutions. A l’instar d’autres pans du droit international, la compréhension des
règles juridiques adoptées dans le cadre du DIE exige l’appropriation d’un vocabulaire
technique spécifique sans lequel le discours sera difficilement transmissible. Ces règles sont
souvent inachevées, parcellaires et controversées. Elles apparaitront parfois peu ambitieuses au
regard des objectifs et des diagnostics établis. Cette première partie n’a donc pas la prétention
d’épuiser chacune des questions environnementales soulevées au sein de la communauté
internationale ni la vocation de commenter de manière exhaustive chaque instrument
conventionnel mentionné. En effet, chaque convention internationale forme, dans sa
particularité, un monde juridique en soi, se comportant de manière autonome en produisant une
foultitude d’actes au statut juridique encore incertain (programmes d’action, stratégies,
décisions, recommandations, résolutions, etc.). Enfin, la portée juridique des normes exposées
ici ne pourrait être comprise sans que ne soit indiqué en toile de fond le contexte scientifique,
politique, économique qui a pu justifier l’adoption de tel ou tel régime juridique de conservation
ou d’exploitation. Cette connaissance fondamentale est nécessaire à la maîtrise du DIE.

Chapitre 1 - Les concepts de base


Il existe des concepts structurants et des concepts techniques sur la base desquels s’énoncent
les discours juridiques et politiques relatifs aux DIE

Section 1 - Les concepts structurants du DIE


Les concepts structurants sont les bases sémantiques du DIE sans lesquelles toute approche
juridique devient incertaine. Ils expriment le langage commun que l’ensemble des acteurs
utilise pour la communication fonctionnelle dans le débat sur l’environnement.

§ 1 – L’environnement

L’environnement est un mot qui au premier abord exprime des passions, des espoirs, des
incompréhensions et symbolise à la fois des luttes sociales et politiques en fonction de la
situation politique et économique du pays. Dans la mesure où des vagues d’extinctions massives
ont précédé l’apparition de l’Homo sapiens sur terre, la modification des écosystèmes et la
disparition des espèces constituent des phénomènes inscrits dans l’ordre de l’évolution de la
biosphère. Avec les civilisations humaines, le phénomène d’extinction a cependant pris une
ampleur inédite. L’augmentation des pressions humaines sur les autres espèces naturelles incite
à une dynamique de prévention, de contrôle et de conservation, en fonction des systèmes
particuliers.

10
Le droit forestier est ainsi né à Babylone en 1900 avant J.C, le pharaon Akhenaton érigea la
première réserve naturelle en 1370 avant J.C. et l’empereur indien Asoka édicta dès le 3ème
siècle avant J.C. la première loi protégeant différentes espèces d’animaux sauvages. Mais, avec
l’avènement de la société industrielle et du commerce international, la production, c’est-à-dire
la transformation de la nature, s’est intensifiée de façon considérable par rapport aux siècles
précédents entraînant de profonds bouleversements au sein des équilibres écologiques d’antan.
Les déprédations commises au nom du progrès ont en tout cas pour effet de contraindre certains
Etats à se doter d’un cadre de protection de l’environnement.

Selon le milieu et la nature du débat s’y rapportant, l’environnement peut évoquer une mode,
un comportement social, un mythe, un retour à la bougie, un luxe pour des pays riches, une
passion des fleurs et des oiseaux, une forme de terreur liée aux catastrophes naturelles, la fin du
monde avec l’épuisement des ressources naturelles et la pollution atmosphérique, etc.
L’environnement a cessé d’être une utopie avec l’avènement du concept de développement
durable et les cris d’alarme des scientifiques à propos de l’Apocalypse du réchauffement
climatique.

De ce fait, « l’environnement est l’ensemble des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel
l’homme vit. Ce terme général mérite cependant d’être précisé et complété par une série
d’autres vocables couramment utilisés dans des sens souvent voisins : écologie, nature, qualité
de la vie, cadre de vie »6. Cette définition pourrait consacrer la prégnance de la vision
anthropocentrique de l’environnement que rejette par ailleurs Michel Prieur comme un péché
d’orgueil, alors même que la protection de l’environnement a cessé d’être une discipline
exclusivement utilitariste. Ainsi, l’environnement peut se définir comme l’ensemble des
interactions et des relations entre les êtres vivants (dont l’homme) entre eux et avec leur milieu,
en articulation avec l’ensemble de la biosphère. Pour la Convention de Lugano sur la
responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement du
21 juin 1993, l'«environnement» comprend non seulement les ressources naturelles telles que
l'air, l'eau, le sol, la faune et la flore, mais aussi les biens qui composent l'héritage culturel et
les aspects caractéristiques du paysage.

§ 2 – La pollution et les nuisances

La lutte contre les pollutions et les nuisances constitue le cœur du DIE et structure
fondamentalement l’ensemble des dispositifs juridiques internes et internationaux, car c’est par
elles que le mal arrive. Les pollutions et les nuisances sont d’origine diverse et peuvent
comporter des implications juridiques différentes.
Pour mieux les comprendre, il convient de citer :
 La pollution des milieux : la pollution de l’air, la pollution des eaux, la pollution du
milieu marin, la pollution des sols ;
 Les nuisances acoustiques : bruits de voisinage, bruits industriels, bruits des transports,
bruits des chantiers, bruits des matériels et équipements domestiques ;
 Les nuisances des produits : les déchets, les produits chimiques, les produits anti-
parasitaires, les matières fertilisantes et supports de culture ;
 Les nuisances alimentaires

Selon l’article 1er alinéa 4 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego
Bay, 10 décembre 1982), on entend par « pollution du milieu marin » l’introduction directe ou

6
Prieur M., Droit de l’environnement, 5ème édition, Dalloz, Paris, 2004, p. 1

11
indirecte par l’homme, de substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris dans les
estuaires, lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que les dommages aux ressources
marines, les risques pour la santé de l’homme, les entraves aux activités maritimes, y compris
la pêche, l’altération de la qualité de l ’eau de mer au point de vue de son utilisation et la
dégradation des valeurs d’agrément.

Quant à l’article 1 de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue


distance (Genève, 13 novembre 1979), l’expression «pollution atmosphérique» désigne
l ’introduction dans l ’atmosphère par l ’homme, directement ou indirectement, de substances
ou d ’énergie ayant une action nocive de nature à mettre en danger la santé de l ’homme, à
endommager les ressources biologiques et les écosystèmes, à détériorer les biens matériels, et
à porter atteinte ou nuire aux valeurs d’agrément et aux autres utilisations légitimes de
l’environnement, l ’expression « polluants atmosphériques » étant entendue dans le même sens.
Et en extension, l’expression « pollution atmosphérique transfrontière à longue distance »
désigne la pollution atmosphérique dont la source physique est comprise totalement ou en partie
dans une zone soumise à la juridiction nationale d’un Etat et qui exerce des effets
dommageables dans une zone soumise à la juridiction d’un autre Etat à une distance telle qu’il
n’est généralement pas possible de distinguer les apports des sources individuelles ou groupes
de sources d ’émission.

§ 3 – Les déchets dangereux

La Convention de Bale vise à réduire le volume de ces échanges afin de protéger la santé
humaine et l'environnement en instaurant un système de contrôle des exportations et
importations de déchets dangereux ainsi que de leur élimination. Elle définit les déchets qui
sont considérés comme dangereux (lire la convention). Toute Partie à la convention peut ajouter
à cette liste d'autres déchets qui sont répertoriés comme dangereux par sa législation nationale.

§ 4 – L’immersion

Selon l’article 19 de la Convention pour la prévention de la pollution marine par les opérations
d’immersion effectuées par les navires et les aéronefs (Oslo, 15 février 1972), on entend par
« immersion » tout déversement délibéré dans la mer de substances et de matériaux au moyen
ou à partir de navires ou d’aéronefs, autres que tout rejet qui résulte accessoirement ou qui est
la suite de la marche normale des navires et aéronefs ou de leurs appareillages, de même que le
dépôt de substances et de matériaux à des fins autres que leur seule élimination pourvu qu’il ne
soit pas incompatible avec l’objet de la présente convention.

Quant à l’Article 1er alinéa 5 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(Montego Bay, 10 décembre 1982), on entend par « immersion » tout déversement délibéré de
déchets ou autres matières, à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages et
tout sabotage en mer de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages. Par contre, le terme
« immersion » ne vise pas le déversement de déchets ou autres matières produit directement ou
indirectement lors de l’exploitation normale de navires, aéronefs, plates-formes ou autres
ouvrages placés en mer, ainsi que de leur équipement, à l’exception des déchets ou autres
matières transportés par ou transbordés sur des navires, aéronefs, plates-formes ou autres
ouvrages placés en mer qui sont utilisés pour l ’élimination de ces matières, ou provenant du
traitement de tels déchets, ou autres matières à bord de ces navires, aéronefs, plates-formes ou
ouvrages.

12
§ 5 – Les changements climatiques

On entend par « système climatique » un ensemble englobant l’atmosphère, l’hydrosphère, la


biosphère et la géosphère, ainsi que leur interaction. Selon l’article 1 de la Convention des
Nations Unies sur les changements climatiques (New York, 9 mai 1992), on entend par
« changements climatiques » des changements de climat qui sont attribués directement ou
indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui
viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes
comparables.

Des changements des configurations de précipitations sont également prévus, augmentant la


menace de la sécheresse, des inondations ou des orages intenses dans beaucoup de régions. Le
système climatique est complexe, et les scientifiques ont encore besoin d'améliorer leur
compréhension de l'étendue, du rythme et des impacts du changement de climat. Cependant, ce
que nous savons déjà nous alerte sur les impacts négatifs potentiellement dramatiques des
changements climatiques sur la santé humaine, la sécurité alimentaire, l'activité économique,
les ressources en eau et les infrastructures physiques. L'agriculture pourrait être sérieusement
bouleversée, menant à la chute des rendements des récoltes dans beaucoup de régions. Les
maladies tropicales risquent de s'étendre; la zone géographique de transmission potentielle de
la malaria, par exemple, pourrait augmenter de près de 45% de la population mondiale
aujourd'hui à environ 60% dans la deuxième moitié de ce siècle. L'augmentation du niveau de
la mer et les modèles changeants du temps pourraient également déclencher des migrations de
grande échelle en provenance des zones plus sérieusement affectées. Tandis que personne ne
pourra échapper au changement du climat, ce sont les populations et les pays les plus pauvres
qui seront les plus vulnérables à ses impacts négatifs.

§ 6 – Les émissions de gaz à effet de serre

L’effet de serre n’est pas la dernière pollution à la mode. Décrit pour la première fois, en 1896,
par le chimiste suédois Svante Arrhenius, l’effet de serre est un phénomène naturel et vital.
Sans lui, la vie n’existerait tout simplement pas sur la planète. C’est aussi la Convention sur
les changements climatiques (New York, 9 mai 1992) qui définit les émissions de gaz à effet
de serre comme la libération de gaz à effet de serre ou de précurseurs de tels gaz dans
l ’atmosphère au dessus d’une zone et au cours d ’une période donnée. On entend par « gaz à
effet de serre » les constituants gazeux de l’atmosphère, tant naturels qu’anthropiques, qui
absorbent et réémettent le rayonnent infrarouge.

Le soleil nous envoie continuellement de l’énergie, composée de lumière, de rayonnements


infrarouges et ultraviolets. Le tiers de cette énergie est immédiatement renvoyé vers l’espace
par les hautes couches de l’atmosphère et les nuages. Les 70 % restant sont absorbés par les
océans, le sol et l’atmosphère. Au contact de ces calories, le globe se réchauffe et réémet cette
énergie vers l’espace, mais sous forme de rayons infrarouges, cette fois. Certains gaz de l’air –
le dioxyde de carbone, le méthane, la vapeur d’eau) captent naturellement une partie de la
chaleur solaire. Ce qui permet de maintenir une température moyenne de 15 °C à la surface du
globe. Sans ces gaz et leurs propriétés thermiques, il ferait – 18°C sur notre planète bleue, qui
serait dès lors intégralement couverte de glace. D’autres « gaz à effet de serre » d'origine
anthropique contribuent également à l'effet de serre renforcé, à savoir notamment le méthane,
le protoxyde d'azote, l'ozone et les CFC. Leur concentration dans l'air a également
considérablement augmenté depuis deux siècles.

13
Tandis que le climat de la Terre a toujours varié de manière naturelle, la grande majorité des
scientifiques croie maintenant que l'augmentation des concentrations de "gaz à effet de serre"
dans l'atmosphère, résultant de la croissance économique et démographique au cours des deux
derniers siècles depuis la révolution industrielle, est en train de supplanter cette variabilité
normale et mènent au changement irréversible du climat. En 1995, le Deuxième Rapport
d'Evaluation du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC,
IPCC en anglais) a confirmé que « le bilan de l'évidence suggère qu'il y ait une influence
humaine perceptible sur le climat global ». Le Rapport a projeté que les températures de surface
moyennes globales augmenteraient de 1 à 3 °C vers 2100, la vitesse du changement le plus
rapide depuis la fin de la dernière période glaciaire, et que les niveaux moyens globaux de la
mer monteraient de 15 à 95 centimètres d'ici 2100, causant l'inondation de beaucoup de zones
côtières basses.

§ 7 – La diversité biologique (ou biodiversité)

Selon l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique (Rio de Janeiro, 5 juin 1992), la
diversité biologique s’entend de la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris,
entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font parties; cela comprend la diversité au sein des espèces
ainsi que celles des écosystèmes. On entend par ressources biologiques, les ressources
génétiques, les organismes ou éléments de ceux-ci, les populations, ou tout autre élément
biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle pour
l’humanité.

§ 8 – Les biotechnologies et le matériel génétique

Selon la convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des dommages résultant
d’activités dangereuses pour l’environnement (LUGANO, 21 juin 1993), on entend par
“organisme” toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel
génétique. Un “Organisme génétiquement modifié” (OGM) signifie tout organisme dont le
matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par
multiplication et/ou par recombinaison naturelle. Quant au matériel génétique, c’est le matériel
d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de
l’hérédité.

Section 2 - Les concepts techniques du DIE


Les concepts techniques fournissent les outils de mise en œuvre pratique du DIE selon diverses
modalités opérationnelles.

§ 1 – L’éco-audit ou audit environnemental

L’audit environnemental est un outil de gestion consistant dans un établissement industriel


donné, en une évaluation systématique, périodique et objective de la performance de
l ’organisation des systèmes de gestion et des équipements mis en place pour limiter et surveiller
l’incidence des activités industrielles sur l ’environnement, dans le but d ’en faciliter le contrôle,
et, parallèlement de connaître la situation de cet établissement à l ’égard du respect des
politiques internes établies au niveau de l ’entreprise et des réglementations en vigueur.

14
§ 2 – Les études d’impacts et les évaluations environnementales

Découlant d'une philosophie préventive et participative de la politique de protection de


l'environnement, les procédures d'évaluation des incidences constituent des instruments
essentiels pour prévenir que des dommages soient causés à la biodiversité. De telles procédures
consistent, en substance, à obliger l'Etat sur le territoire duquel un projet public ou privé
présentant un risque d'impact transfrontalier est envisagé, d'évaluer ou de faire évaluer ses effets
sur l'environnement et les solutions possibles pour en réduire les inconvénients éventuels avant
de l'autoriser. De telles études informeront non seulement les autorités étatiques et les
administrés de la teneur du projet et de ses conséquences sur l'environnement, mais permettront
aussi au maître d'ouvrage d'intégrer les préoccupations d'environnement dans la conception de
son projet et d'apporter en temps utile les modifications destinées à limiter les impacts
transfrontières du projet. De par la dynamique qu'elles mettent en place, les procédures
d'évaluation des incidences sur l'environnement améliorent de manière significative
l'intégration des préoccupations environnementales dans le cadre du développement socio-
économique. La question de savoir si l'obligation d'évaluer les impacts relève de la règle de
droit coutumier de due diligence de prévenir les dommages transfrontières est encore débattue.

Dans l'affaire des essais nucléaires7, l'on rappellera que la Nouvelle-Zélande avait saisi la Cour
internationale de Justice pour qu'elle impose à la France la réalisation d'une étude d'incidences
conformément au droit international préalablement aux essais nucléaires dans le Pacifique. Bien
que la Cour se soit déclarée incompétente, certaines opinions dissidentes, dont celle
du juge Weeramantry, sont particulièrement innovantes, dans la mesure où elles prescrivent
au titre d'une obligation de droit coutumier la réalisation d'une étude d'impacts. Qui plus est,
une telle étude devrait apporter la preuve, conformément aux principes de précaution et
d'équité intergénérationnelle, qu'aucun dommage significatif ne soit causé à l'environnement
marin en attendant la consécration d'une obligation de droit coutumier par les juridictions
internationales, l'on se référera à l'état du droit positif.

Si le développement des études d'incidences prend ses racines dès la fin des années soixante
dans les droits nationaux (Etats-Unis, France), le droit international tend à généraliser les
obligations procédurales de ce type. Il convient de distinguer les instruments juridiques globaux
qui comportent des mécanismes d'évaluation des procédures spécifiquement prévues dans les
conventions ayant trait à la conservation de la biodiversité.

Conformément au principe 17 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement


qui prévoit qu'"une étude d'impacts sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit
être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs
importants sur l'environnement...", plusieurs conventions multilatérales imposent la
réalisation d'études d'impacts. Toutefois, les procédures prévues par ces instruments sont encore
à un stade embryonnaire dans la mesure où la plupart de leurs éléments essentiels - tels que le
contenu et la durée de l'étude, l'indépendance de l'auteur,... - ne sont pas définis. En outre, ces
obligations procédurales ne préjugent pas de la décision finale qui sera adoptée quant à
l'admissibilité du projet.

Seule la convention internationale réglementant de manière spécifique l'évaluation des


incidences, la Convention d'Espoo du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact de
l'environnement dans un contexte transfrontière, adoptée sous les auspices de la C.E.E.-O.N.U.,

7
CIJ, Affaire des essais nucléaires, Arrêt du 20 décembre 1974, Recueil 1974, p. 530.

15
précise les obligations procédurales pour un certain nombre de projets qui sont susceptibles de
porter gravement atteinte aux écosystèmes et aux habitats naturels. En sus des activités
industrielles, l'on retrouve la construction d'autoroutes, de lignes de chemin de fer, d'aéroports
ainsi que le déboisement de grandes superficies. La Convention d'Espoo ne s'applique toutefois
que pour les projets qui sont énumérés à son annexe I et dans l'hypothèse où ceux-ci sont
susceptibles d'avoir un "impact transfrontière préjudiciable important (art. 2.1). La Convention
d'Espoo oblige la Partie sur le territoire de laquelle va être entrepris une activité inscrite à
l'annexe I d'en évaluer les impacts, notamment ceux d'ordre transfrontalier (art. 2.3) et de
notifier le projet aux Parties qui en subiraient les conséquences préjudiciables (art. 2.4), en vue
notamment de permettre au public des Etats voisins de faire part de ses observations (art. 2.6,
art. 3.8 et art. 4.2).

En cas de désaccord entre les Parties, la question du caractère « probable » de l'impact


transfrontalier qui enclenche la procédure de notification peut être soumise à une commission
d'enquête indépendante (appendice IV). Le dossier d'évaluation de l'impact sur l'environnement
est censé permettre, dans le cadre de consultations bilatérales, d'engager des discussions sur le
moyen de réduire ou d'éliminer l'impact, notamment par des solutions de remplacement (art.
5). Enfin, une analyse à posteriori consistant dans la surveillance de l'activité au cas où elle
serait autorisée, peut être engagée à la demande d'une des Parties (art. 7.1). Les résultats de
cette procédure peuvent conduire à de nouvelles consultations bilatérales en vue de réduire les
impacts avérés (art. 7.2).

Enfin, les études d'impacts pourraient connaître de nouveaux développements eu égard aux
développements récents en matière de protection des droits de l'homme. Dans l'arrêt Hatton
c. Royaume-Uni8, la C.E.D.H. a requis au titre de la protection de la vie privée (art. 8.1. de la
Convention) que les Etats réduisent dans la mesure du possible les atteintes portées au droits
fondamentaux, en recherchant des alternatives au projet controversé. A cette fin, selon la Cour,
une investigation propre et complète de même qu'une étude en vue de trouver la meilleure
solution possible, afin d'atteindre un juste équilibre entre les intérêts concurrents, devrait
précéder le projet en question.

§ 3 – La certification et les labels

L’écolabel est un instrument de valorisation de l’entreprise. L’objectif assigné à l’écolabel


est la promotion de la conception, la production, la commercialisation et l’utilisation de
produits ayant une incidence moindre sur l’environnement pendant tout leur cycle de
vie. Cependant, la labellisation ne donne pas lieu à des normes internationales uniformes.
Schématiquement, deux démarches différentes sont utilisées : la première repose sur le « label
volontaire » et la deuxième repose sur un « label obligatoire » (exemple américain relatif aux
pesticides). Il y a cependant une différence parfois terminologique entre législations utilisant
les termes « label » (accordés généralement par ou sous le contrôles d’organismes publics,
exemple européen) ou « certification » (démarche volontaire par laquelle un organisme tiers
indépendant confirme par écrit qu’un produit déterminé répond à certains standards
environnementaux (exemple du Forest Stewardship Council pour l’industrie du bois).

L’éco-publicité est instrument d’une meilleure information du public. La « consommation


durable et responsable » intègre tout le cycle de vie d’un produit et concerne de ce fait la
production, la consommation effective, ainsi que la gestion des déchets. L’éco-publicité est

8
CEDH, 8 juillet 2003

16
confrontée à l’étiquetage obligatoire et la labellisation volontaire. Les dérives sont possibles
avec le risque de « désinformation ».

§ 4 - Les normes ISO

Sur le plan international, l’élaboration du management environnemental a donné lieu à


l’élaboration d’une série de normes ISO 14000 :
A) ISO 14001 : Système de management environnemental : spécifications et guide pour
son utilisation.
B) ISO 14004 : Système de management environnemental : lignes directrices générales
concernant les principes, les systèmes et les techniques de mise en œuvre.
C) ISO 14010 : Lignes directrices pour l’audit environnemental : principes généraux.
D) ISO 14011 : Lignes directrices pour l’audit environnemental : procédure d’audit.
E) ISO 14012 : Lignes directrices pour l’audit environnemental : critères de
qualification pour les auditeurs environnementaux.

§ 5 - Le permis d’émission

C’est une technique juridique d’origine américaine rattachée au principe pollueur payeur. C’est
le cas de l’application privilégiée pour la protection de l’air : le « Clean Air Act » de 1970 et
ses amendements (1990 « allowance transfert system »). La transposition internationale de la
technique du permis d’émission s’est faite sur trois points :
 La technique de la « bulle » issue du Protocole de Kyoto
 Les permis d’émission négociables (PEN)
 La technique complémentaire des « puits de carbone »

Chapitre 2 : Les principes fondamentaux


Le DIE est articulé sur des principes conventionnels ou coutumiers autour desquels s’est
construit une prolifique réglementation et à partir desquels les Etats élaborent et mettent en
œuvre de nombreux programmes d’action. Bien qu’il soit difficile d’identifier et classer les
principes généraux, on distinguera cependant les principes fondateurs des principes
opérationnels.

Section 1 – Les principes fondateurs du DIE


Il y a désormais des principes communs aux peuples de la planète, expression d’une solidarité
mondiale due à la globalité des problèmes d’environnement. Cela conduit, selon le préambule
de la déclaration de Rio, à instaurer « un partenariat mondial sur une base nouvelle » en
reconnaissant que « la terre, foyer de l’humanité, constitue un tout marqué par
l’interdépendance ».

§ 1 – L’ordre public écologique

La protection de l’environnement a une fin d’intérêt général. Cette reconnaissance d’intérêt


général attaché à la protection de l’environnement implique la prise en compte de celle-ci dans
les déclarations d’utilité publique et la création des services publics y afférents. En France par
exemple, la jurisprudence Ville nouvelle Est du Conseil d’Etat a fait application de la théorie
du bilan écologique à l’appréciation de la légalité des déclarations d’utilité publique. Le juge

17
administratif a posé comme principe qu’une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité
publique que si les atteintes ou les inconvénients à l’ordre public écologique qu’elle comporte
ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente9.

L’ordre public écologique a fait l’objet d’une analyse théorique qui présente cependant
l’inconvénient de qualifier juridiquement le droit de l’environnement d’ordre public écologique
en confondant les finalités du droit de l’environnement de ses instruments (le service public et
la police). Il est certain que dans le domaine de l’environnement il existe des règlements de
police visant à interdire et à contrôler certaines activités humaines perturbatrices du milieu
naturel. Cependant, réduire l’ordre public écologique à l’absence des nuisances c’est retirer
toute la dimension extrajuridique qui existe derrière les objectifs du droit de l’environnement.
En tout état de cause, la seule reconnaissance d’un ordre public élargi aux préoccupations
écologiques ne constitue pas en elle-même une source du droit, faut-il encore que des mesures
précises soient édictées donnant certaines compétences à certaines autorités chargées d’assurer
cet ordre public écologique.

§ 2 – Le droit de l’homme à l’environnement

Selon le principe 1 de la Déclaration de Rio, les êtres humains « ont droit à une vie saine ». Le
principe 1 de la Déclaration de Stockholm de 1972 consacre expressément le droit de chaque
personne de vivre dans un environnement dont la qualité pourra lui garantir sa dignité et le bien-
être. Le droit de l’homme à l’environnement est l’objet d’une controverse juridique. Étant
donné qu'un droit à l'environnement est absent des principaux instruments universels, la
première question qui se pose est celle du contenu d'un tel droit. Est-il possible de formuler ce
droit avec une précision suffisante pour lui donner une portée juridique concrète ? Ou plutôt
qu'il n'existe qu'une constellation de divers droits, dont l'ensemble constitue une série de droits
de l'homme relatifs à la protection de l'environnement ? La deuxième série de questions
concerne le droit existant : un « droit à l'environnement » est-il un droit de la première, de la
deuxième ou de la troisième « génération » des droits de l’homme ?

On peut déjà souligner que la Déclaration universelle des droits de l’homme est muette sur le
« droit de l’homme à l’environnement », sauf en considérant que la destruction de
l’environnement peut empêcher que « règne, sur le plan social et sur le plan international, un
ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente déclaration puissent y trouver plein
effet » (article 28) ou bien que les atteintes à l’environnement soient qualifiées d’activités ou
d’actes « visant à la destruction des droits et libertés » énoncés par la Déclaration (article 30).
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’as pas fait mention d’un tel droit
et le Pacte sur les droits économiques et sociaux l’évoquent à l’article 12 de manière indirecte
en soulignant les mesures d’hygiène et de santé publique. Néanmoins, en raison des difficultés
de mise en œuvre du pacte et de l’ambiguïté concernant la possibilité de l'invoquer en justice,
cette disposition n'a guère fait avancer l'établissement d'un droit de l'homme à l'environnement.
En outre, les termes de cet article mettent clairement l'accent sur la santé humaine et l'hygiène,
de sorte qu'ils ne visent pas vraiment toute la variété des problèmes écologiques, c'est-à-dire le
problème des générations futures par exemple.

Mais, le droit à un environnement sain est un droit de l’homme établi par certains instruments
internationaux et consacré par de nombreuses constitutions. La Charte africaine des droits de

9
CE, 28 mai 1971, Rec. P. 409

18
l’homme et des peuples proclame à l’article 24 : « Tous les peuples ont droit à un environnement
satisfaisant et global, propice à leur développement ».

Dans une décision désormais célèbre, la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples a dégagé les principes suivants :

« 52. Le droit à un environnement général satisfaisant tel que garanti en vertu de


l’article 24 de la Charte Africaine ou le droit à un environnement sain, comme c’est
bien connu, impose en conséquence des obligations claires au gouvernement. Cela
requiert de l’Etat de prendre des mesures raisonnables et d’autres mesures pour
prévenir la pollution et la dégradation écologique, favoriser la préservation de
l’environnement et garantir un développement écologiquement durable et l’utilisation
des ressources naturelles (…).
53. Le respect par le gouvernement de l’esprit des articles 16 et 24 de la Charte
Africaine doit également inclure le fait d’ordonner ou au moins de permettre la
surveillance scientifique indépendante des environnements menacés, d’exiger et de
publier des études sur l’impact social et environnemental avant tout développement
industriel majeur ; d’entreprendre la surveillance appropriée et d’informer les
communautés exposées aux activités et produits dangereux et d’offrir aux individus la
possibilité d’être entendus et de participer aux décisions relatives au développement
affectant leurs communautés.
68. Le caractère unique de la situation africaine et les qualités spéciales de la Charte
africaine imposent une importante tâche à la Commission africaine. Le droit
international et les droits de l'homme doivent répondre aux circonstances africaines.
En clair, les droits collectifs, environnementaux, économiques et sociaux sont des
éléments essentiels des droits de l'homme en Afrique. La Commission Africaine
appliquera n'importe lequel des droits contenus dans la Charte Africaine. La
Commission saisit cette occasion pour clarifier qu'il n'y a pas de droit dans la Charte
Africaine que l'on ne puisse mettre en œuvre. »10

Si le raisonnement est pertinent en ce qui concerne les droits collectifs, le problème causé par
de telles élaborations d'un droit de l'homme à l'environnement tient à ce que, sauf dans les cas
les plus flagrants de passivité et de préjudice, il serait très difficile de déterminer les éléments
constitutifs d'une infraction. II existe au moins deux types de difficultés dans ce domaine. En
premier lieu la définition d'un état «satisfaisant » de l'environnement pour un individu. Dans
quelle mesure la détérioration de l'environnement est-elle telle qu'elle constitue une violation
d’un droit individuel ? Et, en deuxième lieu, même si la première énigme est résolue, quel
serait le niveau d'inertie ou d'incompétence ou quel serait le type d'erreur de discernement de la
part des pouvoirs publics qui constituerait une violation du droit et non simplement une
divergence d'opinions au sujet des priorités environnementales ? Ces problèmes de critères en
matière d'environnement rendent pessimiste l’issue d’un débat au sujet des possibilités de
définition et de l'effet utile d'un droit direct à la protection de l'environnement.

Si ce droit individuel était appelé à naître, il entraînerait de graves difficultés institutionnelles


touchant l'établissement d'une politique économique et écologique, parce qu'il rendrait très
difficile la possibilité d'établir la constatation des violations de ce droit par les juridictions : Ce

10
Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Affaire Social and Economic Rights Action
Center (SERAC), Center for Economic and Social Rights c. Nigeria, Communication 155/96, 30e Session
Ordinaire, Banjul, Gambie, 13 octobre 2001.

19
qui se transformerait par la poursuite d'une politique par d’autres moyens. La principale
question qui se pose est donc celle de la légitimité : qui a vocation à arrêter les décisions requises
au sujet de l'exploitation des ressources naturelles dans des démocraties modernes, les
dirigeants élus ou des juges nationaux ou internationaux non élus et divers fonctionnaires ?
L'ambiguïté du «droit à l'environnement » proposé rend très facile la tentation pour ces derniers
de substituer leur propre jugement sur une politique de l'environnement à celui des
décisionnaires dont la légitimité est plus évidente. Dans quelle mesure la question devrait-elle
être soustraite à l'action politique et faire l'objet de procédures légales manifestement non
politiques?

Pour le professeur Alan Boyle, un droit individuel à un environnement sain soulève des
problèmes tenant à l'incertitude et au double emploi. Le problème posé par l’incertitude tient à
l'existence de difficultés de définition « intrinsèques à toute tentative de postuler l'existence de
droits écologiques en termes qualitatifs », de sorte que ce qui « constitue un environnement
satisfaisant, décent, rentable ou sain est de nature à pécher par incertitude et ambiguïté »11. Le
problème du double emploi tient au fait qu'un nouveau droit à l'environnement
n’apporterait aucune nouveauté à ce qui existe déjà en droit international de l’environnement,
en particulier en ce qui concerne les traités multilatéraux et l'activité des organisations
internationales. Une thèse différente est défendue par Dinah Shelton qui pense que bien que
les droits de l'homme et la protection de l'environnement constituent des valeurs sociales
distinctes, la question d'un rapport séquentiel entre ces valeurs ne peut être résolue de manière
à favoriser davantage la poursuite des deux séries d'objectifs. En outre une définition claire et
restrictive d’un droit de l'homme international à un environnement sain contribue à la poursuite
de cet objectif12.

Néanmoins, une nouvelle voie reste ouverte : Il s'agit de l'incorporation des préoccupations en
matière d'environnement dans les droits de l'homme existant tels que le droit à la vie, à la
propriété, au respect de la vie privée. Au lieu d'évoquer un droit spécifique lié à
l'environnement, il est possible de traiter des droits de l'homme existants en matière
d'environnement. Des préoccupations en matière d'environnement se sont inscrites dans
l'interprétation et la protection des droits de l'homme existants. Au niveau des droits civils et
politiques, il est avéré que le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété exercent
certains effets sur la protection de l'environnement. C'est ainsi que l'article 8 de la CEDH prévoit
que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale, de son domicile
et de sa correspondance ». Avant 1994, la Cour européenne des droits de 1’homme était
réticente à s’ouvrir à une interprétation évolutive. Depuis l'arrêt Lopez-Ostra c. Espagne de
1994, la Cour a jugé que le gouvernement espagnol avait porté atteinte au droit en manquant à
son obligation de faire obstacle à un dommage à l'environnement causé par une usine de
traitement des déchets construite près du domicile de la partie requérante, parce que l’Etat avait
autorisé la construction de cette usine sur des terrains lui appartenant et que l'État en avait
subventionné la construction.

Par ailleurs, la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement du 14 juin 1992


comprend le principe 10, aux termes duquel « la meilleure façon de traiter les questions
d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui
convient » et qui précise que « chaque individu doit avoir dûment accès aux informations

11
A.E. Boyle, “The Role of International Human Rights Law in The Protection of the Environment” in Boyle A.
and Anderson M. (ed.), Human Rights Approches to Environnemental Protection (1996), p. 66.
12
SHELTON, “Human Rights, Environmental Rights, and the Right to Environment” (1991) 28 Stanford Journal
of International Law 106.

20
relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques... et avoir la possibilité de
participer aux processus de prise de décision » mais aussi qu’« un accès effectif à des actions
judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré ».
L’exigence d'une participation aux décisions relatives à l'environnement peut être assimilée à
une application concrète d'un principe général de participation à la vie publique consacré par le
droit international relatif aux droits de l'homme. L'article 21 de la DUDH et l’article 25 du
PIDCP prévoient que tout citoyen a le droit « de prendre part à la direction des affaires
publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis » et de «
voter et d’être élu au cours d'élections périodiques honnêtes... » et « d'accéder, dans des
conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays».

Au niveau européen, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que la protection de
l’environnement est manifestement un dessein légitime conforme à l’intérêt général. Dans
l’arrêt Zander13, la Cour qualifie le droit de jouir d’une eau non polluée comme un droit de
caractère civil auquel s’applique l’article 6-1 reconnaissant ainsi à un propriétaire un droit
subjectif à un environnement sain. Et depuis l’arrêt Oneryildiz14 une atteinte à l’environnement
peut violer le droit à la vie de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
De ce droit de l’homme à un environnement sain, certains auteurs ont ambitionné de bâtir, à
l’instar de l’assistance humanitaire, un droit d’ingérence écologique en cas de catastrophes
naturelles susceptibles d’affecter dangereusement et durables des populations démunies ou en
cas de risque écologique majeur pouvant causer des dommages graves à l’environnement. De
même, certaines ONG ont imaginé la création d’un tribunal international de l’environnement
qui serait compétent pour juger les crimes écologiques.

§ 3 – La reconnaissance du droit des générations futures

Les conséquences irréversibles de nombreuses atteintes sur l’environnement affectent les


écosystèmes sur le long terme. De telles pratiques font que les « générations futures » hériteront
des pollutions générées inconséquemment par les générations actuelles. Aussi la décision
publique ou privée doit-elle systématiquement prendre en compte ses effets directs ou indirects
sur le long terme : c’est la reconnaissance du droit des générations futures qui se traduit par un
devoir pour la génération présente de protéger l’environnement comme un patrimoine commun
intergénérationnel. Ce devoir est la base des conceptions du développement durable élaborées
depuis le sommet de Rio de 1992. Naturellement les générations futures ne peuvent saisir les
tribunaux pour se plaindre puisque qu’il s’agit d’une impossibilité historique. Il appartient donc
aux esprits plus éclairés des générations présentes de tenir en laisse les esprits frondeurs qui ne
souhaitent consentir aucun sacrifice pour des situations virtuelles qui se réaliseront
probablement des siècles après eux. Faut-il pour cela conclure à une imprescriptibilité des
« crimes écologiques » pour contraindre les héritiers des pollueurs actuels à payer plus tard les
méfaits de leurs géniteurs ? Le droit y perd en clarté.

§ 4 – La préservation du patrimoine commun

Les civilistes orthodoxes ne peuvent qu’être que suspicieux d’une conception d’un « patrimoine
commun ». Entendu strictement, on pourrait à raison craindre que le patrimoine commun crée
une confusion quant à la notion de propriété et celle de rendement (fructus) qui en découle. En

13
CEDH, 25 Nov. 1993, A, N° 279 B.
14
J.P. Margenaud, note sur l’arrêt Oneryildiz, Revue européenne de droit de l’environnement, 2003, N°1, p.67 ;
C. Laurent, Un droit à la vie en matière environnementale reconnu et conforté par une interprétation évolutive du
droit des biens pour les habitants de bidonvilles, RTDH 2003, p. 309.

21
fait, il s’agit d’une dimension morale qui cherche à convertir les éléments les plus importants
de l’environnement en un « bien commun » à conserver et à transmettre dans les meilleures
conditions aux générations futures. Certaines législations, à l’instar de l’article L. 110 du Code
de l’urbanisme français considère que le territoire national est le patrimoine commun de la
nation et que toutes les collectivités publiques en sont gestionnaires et garantes pour le compte
de la collectivité. Le droit international a consacré la notion de « patrimoine commun de
l’humanité » appliqué par exemple au génome humain tel que codifié par la Déclaration des
Nations Unies sur le génome humain de 199815. Actuellement le concept de « biens publics
mondiaux » tend à se substituer à celui de « patrimoine commun ».

La mondialisation exige qu’on examine de plus près les enjeux dont la dimension est planétaire,
de la réduction de la pollution à la lutte contre les maladies. Mais pour exploiter au mieux ces
« biens publics mondiaux », nous devons comprendre leur fonctionnement et apprendre à les
mesurer. Chaque société, chaque civilisation, a développé historiquement des biens et services
publics, quels que soient les mots employés et les cadres culturels dans lesquels ils s’inscrivent.
Mais partout, à notre époque, ces biens sont menacés par la convoitise des intérêts financiers.
Simultanément, l’interaction croissante des sociétés humaines induit des maux et des besoins
nouveaux. C’est dans ce contexte difficile que l’idée de la nécessité de "biens publics
mondiaux" fait irruption dans le débat sur l’avenir du monde. Il ne s’agit pas pour nous de
substituts aux biens et services publics menacés localement, mais de besoins nouveaux, nés de
la prise de conscience de solidarités et du refus de l’aggravation des inégalités dans le
mouvement planétaire d’interaction croissante des sociétés.

Les pluies acides issues des émissions de soufre et d’oxydes d’azote ignorent les frontières, les
particules rejetées dans l’air pouvant se déplacer pendant une semaine avant de se déposer. Le
réchauffement planétaire et l’appauvrissement de la couche d’ozone constituent autant de
menaces pour un monde toujours plus intégré. Les activités transnationales se sont tout d’abord
multipliées sous l’effet des nouvelles technologies. Par exemple, les chlorofluorocarbones
(CFC) et les composés voisins employés à des fins de réfrigération, de propulsion et de
nettoyage ont provoqué un appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique qui accroît
dans le monde entier l’exposition aux rayonnements ultraviolets nocifs du soleil.
L’amélioration des méthodes d’identification des problèmes transnationaux, tels que
l’accumulation de carbone dans l’atmosphère, s’est accompagnée d’une prise de conscience
plus grande de notre part du caractère global de ces problèmes. Prendre conscience de ces effets
transfrontières et mondiaux n’est toutefois pas suffisant. Il faut exploiter au mieux les
possibilités de coopération qu’offre la mondialisation afin d’accroître leurs avantages et de
réduire leurs coûts. Dans cette optique, il est crucial d’avoir une typologie claire des différents
biens publics et d’être en mesure de déterminer qui les produit, qui en profite et qui paie pour
leur production.

Lutter contre le réchauffement planétaire est sans doute le défi le plus difficile auquel
l’humanité aura à faire face. Si un accord visant la réduction des émissions de CFC nuisibles à
la couche d’ozone a pu être conclu, c’est au moins en partie parce que le problème était clair
pour chaque pays et que tous savaient qu’ils bénéficieraient de l’action menée, sans qu’il y ait
ni gagnants ni perdants. Il en va tout autrement pour le réchauffement planétaire. De nombreux
pays doivent consentir des efforts significatifs. Qu’une poignée de grandes nations
industrialisées passe à l’action ne peut constituer qu’un remède à court terme : l’accumulation
de gaz à effet de serre (GES) s’accélérera en effet à mesure que les pays aujourd’hui moins
15
Kiss A., La notion de patrimoine commun de l’humanité, Académie de droit international, Recueil des cours, t.
175, La Haye, 1982.

22
avancés se développeront et augmenteront leur demande énergétique. De l’agriculture à
l’exploitation minière, d’innombrables activités contribuent au réchauffement de la planète. On
ne peut donc réduire aisément les émissions en ciblant tel ou tel secteur particulier.

Le processus du changement climatique est, qui plus est, mal connu, ce qui favorise l’inaction.
Les États-Unis estiment par exemple que les efforts qu’ils pourraient engager individuellement
pour réduire les émissions de GES n’offriraient pas d’avantages suffisants pour justifier les
coûts. Sous des latitudes plus septentrionales, certaines nations pourraient même voir d’un bon
œil un réchauffement entraînant une période de végétation plus chaude, plus humide et plus
longue. Contrairement à d’autres problèmes de pollution qui sont dommageables pour tous, le
réchauffement planétaire peut être bénéfique pour certains, ce qui pousse également à
l’inaction. La réduction massive des émissions se heurte enfin à un autre obstacle : les mesures
prises et financées aujourd’hui n’auront probablement pas d’effets perceptibles avant plusieurs
décennies. La plupart des gouvernants ne sont tout simplement pas suffisamment prévoyants
ou soucieux du bien-être des générations futures pour poursuivre des objectifs aussi éloignés.
Résultat : le dossier du changement climatique reste ouvert. Que faire pour que la définition
sociale des biens communs et publics et de leur service échappe aux égoïsmes nationaux ? Pour
qu’elle cesse de conduire au pillage des richesses de peuples dominés, récoltant en échange des
nuisances meurtrières ? Existe-t-il une définition théorique des biens publics ?

L’idée de biens communs de l’humanité impose de ne pas sacrifier le futur pour alimenter le
présent (surtout lorsque ce qu’on alimente est le profit). L’idée de biens publics mondiaux
ajoute judicieusement que l’on ne préservera pas non plus le futur en sacrifiant le présent, sauf
sacrifices nécessaires librement consentis et équitablement répartis. Car la liberté du
consentement dépend aussi de l’équité de la répartition. Et l’équité dit aussi que "qui casse les
verres les paye"... Autrement dit, pour prendre le cas exemplaire du climat, la puissance des
nations qui l’ont déstabilisé doit être en priorité requise pour le rétablir. C’est à ce double prix
que le concept élargi de développement durable pourrait prendre tout son sens. Mettre les biens
publics au centre de tout projet de développement sera la meilleure garantie de la sauvegarde
des biens communs de l’humanité. Mais la sauvegarde des biens et services publics locaux
hérités de l’histoire des peuples, les efforts en vue d’en construire de nouveaux à l’échelle
mondiale, se heurtent à la dynamique aveugle du capitalisme financier, appuyé sur les
institutions ad hoc que se fabriquent les États dominants.

A la différence des notions de patrimoine et bien commun de l’humanité, celle de bien public
reste à préciser, à imposer. Et qui définira le souhaitable, le nécessaire, l’indispensable ? Les
gens et les peuples... Ceci, qui manque cruellement dans les institutions mondiales, s’appelle la
démocratie. Le droit sur lequel on peut définir et poser l’exigence des biens communs et publics
mondiaux est l’édifice croissant des droits universels, de la déclaration de 1948 au foisonnement
des conventions, en passant par les deux pactes de 1966. Et le droit écologique reste pour
l’essentiel à bâtir, pour laisser autre chose à nos descendants qu’un champ de ruines. Ce droit
mondial en formation, et les institutions qui l’ont pour loi fondamentale, sont absolument
nécessaires pour contrer le pouvoir des institutions de fait que se sont données les États
dominants et puissances financières. On peut et doit les critiquer pour les réformer, certes, mais
pas se priver de ces armes. S’il fallait tout réinventer !

§ 5 – Le principe du développement durable

Le développement durable est un concept omnibus qui traverse plusieurs discours et construit
un imaginaire social sur les préoccupations de l’environnement. Sans grande portée juridique,

23
mais exprimant une volonté politique d’intégrer le souci de l’environnement dans l’ensemble
des pratiques du développement économique et social dans le long terme, le développement
durable inspire de nombreux textes juridiques nationaux et internationaux. C’est aussi un
concept mobilisateur qui sert de moteur pour relancer ou accompagner le processus de prise en
charge internationale des préoccupations environnementales.

Le rapport Brundtland est l’acte de naissance du concept de développement durable. Sous le


titre "Notre avenir à tous", il a été présenté aux Nations Unies en 1987 par Mme Gro Harlem
Brundtland, alors premier ministre de la Norvège et présidente de la Commission Mondiale
pour l’Environnement et le Développement de l’ONU. Il a été ensuite médiatisé et popularisé
lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. De façon sommaire, les auteurs du rapport
Brundtland préconisent un développement permettant de satisfaire les besoins du présent, sans
compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs.

Adulé ou rejeté, le concept de développement durable soulève des réactions contradictoires


dans le monde scientifique. On assiste souvent à une confrontation de points de vue entre les
pour et les contre, sans qu'il y ait de réel débat. La difficulté d'instaurer un dialogue provient de
la nature même de ce concept qui navigue entre différents champs de pensée et de savoir
(éthique, politique, médiatique, scientifique, écologiste), champs dans lesquels il peut recouvrir
des significations changeantes. Ce nomadisme conceptuel est souvent perçu par certains
chercheurs comme une sorte de tare génétique, alors que d'autres y voient une possibilité de
renouvellement des approches et des problématiques.

Le flou conceptuel du développement durable tient en grande partie à son caractère globalisant.
Cela entraîne inévitablement un certain nomadisme dans le sens donné à ce concept par ses
différents utilisateurs. Les responsables politiques y voient plutôt la dimension éthique et la
possibilité de faire émerger une nouvelle conscience citoyenne (éco-citoyen). Pour les
économistes, il est surtout compris comme un modèle de développement alternatif. Pour le
mouvement écologiste, il est perçu comme un slogan efficace pour défendre la conservation de
la nature et la préservation des ressources de la planète. La pluralité de ces conceptions,
largement superposables, explique les réticences d’une partie de la communauté scientifique.

Avant toute chose, pour ne pas se laisser déborder par le concept-slogan, et pour en faire un
véritable outil de science, il faut bien avoir conscience que le développement durable est une
superposition de plusieurs utopies : une utopie éthique (vers une renaissance humaniste), une
utopie économique (un modèle de développement alternatif), et une utopie géopolitique (établir
de nouveaux rapports Nord/Sud). Le point commun entre ces utopies est une autre utopie, celle
de la projection vers l'avenir et de la sauvegarde de la planète pour les générations futures. En
cela, le développement durable nous plonge dans un rapport à l’incertain auxquels les
chercheurs sont peu habitués. Le plus souvent, les chercheurs analysent, décrivent et
interprètent des phénomènes visibles, observables, inscrits dans l’actuel ou dans le passé. La
notion de durabilité nous transpose vers le futur, vers des possibles (études prospectives,
modèles d'évolution), situation à la fois exaltante et inconfortable.

§ 6 – La responsabilité environnementale

Bien que le sujet de la responsabilité environnementale fasse l'objet de nombreux


commentaires doctrinaux, peu de juridictions internationales et nationales ont sanctionné la
responsabilité des Etats en matière de dommages environnementaux causés par des activités
soumises à leur contrôle et aucune ne l'a fait jusqu'à présent pour des dommages causés à la

24
biodiversité. Pour cette raison, l'on rappelle brièvement ici les principes de la responsabilité
étatique en droit international.

Tenus, en vertu du principe 21 de la déclaration de Stockholm de 1972 sur


l'environnement et du principe 13 de la déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le
développement "d'éviter que les activités accomplies sur leur territoire ne causent des
dommages à autrui", les Etats se trouvent soumis à une obligation de due diligence consistant
à prévenir les pollutions transfrontières. Au demeurant, la Cour internationale de justice a
confirmé que « L'obligation en général qu'ont les Etats à veiller à ce que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sur leur contrôle respectent l'environnement dans d'autres
Etats ou dans les zones relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps
des règles du droit international de l'environnement ».

En cas de non respect de cette obligation de due diligence, ils engageraient leur responsabilité
internationale. Malgré l'importance qu'il revêt, les contours de cette règle de responsabilité
d'origine coutumière demeurent flous. Il n'est pas question de garantir qu'aucun dommage
environnemental ne soit causé aux autres Etats ; il s'agit seulement d'une obligation de moyens
pour les Etats consistant à prendre les mesures suffisantes pour prévenir l'apparition de
dommages graves.

Le seul fait de causer un dommage n'est donc pas suffisant pour engager la responsabilité de
l'Etat sur lequel celui-ci prend sa source, la responsabilité de ce dernier ne pouvant être
engagée que dans la mesure où il aurait fait preuve d'un manque de diligence, d'une part, et
que ce dommage soit grave, d'autre part.

En revanche, lorsque le préjudice causé à la biodiversité échappe à la compétence territoriale


des Etats (haute mer et grands fonds marins), la responsabilité de l'Etat étant à l'origine de la
pollution ne pourra en principe pas être engagée étant donné qu'aucun autre Etat ne peut se
considérer comme victime (puisqu'aucune atteinte n'aura été portée à un de ses intérêts
juridiquement protégés).

En outre, même au cas où la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée, encore faut-il, à
défaut d'une restitution in integrum, pouvoir chiffrer le dommage causé à la biodiversité, ce
qui soulève des difficultés méthodologiques considérables. A cela viennent s'ajouter les
difficultés traditionnelles du droit de la responsabilité environnementale, tel que
l'établissement du lien de causalité et de l'identification de l'auteur du dommage.

Ces limites inhérentes au droit de la responsabilité n'ont pourtant pas empêché l'éclosion d'un
grand nombre de régimes conventionnels organisant la réparation des dommages résultant
d'activités polluantes (transports d'hydrocarbures ou de marchandises dangereuses) et
d'activités à risque (installations nucléaires), lesquelles énoncent avant tout des règles de
responsabilité objective à l'égard d'opérateurs publics ou privés et non pas des Etats. Certaines
de ces conventions, telle que celle de Lugano du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile pour
des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement, s'efforcent de
surmonter ces difficultés en consacrant la réparation des dommages résultant de l'altération de
l'environnement (en ce compris la faune et la flore) en fonction des mesures de remise en état
effectuées (art. 2.7.d).

S'agissant plus précisément de la responsabilité et la réparation des dommages causés à la


diversité biologique, la CDB est particulièrement floue et ne prévoit aucune obligation même

25
à titre conditionnelle. Tout au plus, le paragraphe 2 de l'article 14 prévoit-il que la Conférence
des parties devra se pencher sur la question « sur la base des études qui seront entreprises », «
sauf si cette responsabilité est d'ordre strictement interne ».

Section 2 – Les principes opérationnels du DIE


Les principes opérationnels ont vocation à constituer la base opérationnelle de la protection de
l’environnement. Ils structurent le champ juridique et inspirent de nombreuses réglementations
et conventions.

§ 1 - Le principe de prévention

La prévention consiste à empêcher la survenance certaine d’atteintes à l’environnement par des


mesures appropriées dites préventives avant l’élaboration d’un plan ou la réalisation d’un
ouvrage ou d’une activité. Il s’agit d’une anticipation pour ne pas se résigner à la réparation ou
à la restauration après la survenance des dommages écologiques. Contrairement au principe de
précaution, le principe de prévention s’applique aux risques environnementaux certains et
quasiment connus. Quatre instruments contribuent à la prévention des risques
environnementaux : les études d’impact, l’autorisation préalable des activités polluantes, la lutte
à la source pour les biens et produits et les éco-audits (ou évaluations environnementales).

L’étude d’impact vise à étudier scientifiquement l’insertion d’un projet dans l’ensemble de son
environnement au-delà de sa simple attractivité économique ou utilitaire, en examinant les
effets directs et indirects, immédiats et lointains, individuels et collectifs, collatéraux et
transversaux. Il s’agit d’opérer une socialisation durable du projet par une vision globale de son
intégration dans un milieu donné compte de nombreux facteurs dont certains peuvent être
extérieurs au projet lui-même.

L’autorisation préalable est un système administratif qui confère aux autorités publiques
compétentes le pouvoir d’apprécier les conséquences sur l’environnement d’une activité à
réaliser ou d’un ouvrage à construire. Ces autorisations concernent les installations classées, les
activités et ouvrages dans le secteur des déchets, d’eau et du bruit. Il peut s’agir aussi des
procédures d’homologation préalable à la mise sur le marché de produits et substances
chimiques dangereux ou à la procédure d’agrément pour les OGM. L’autorisation ainsi délivrée
peut être assujettie à l’obligation visant à supprimer ou limiter les inconvénients du projet sur
l’environnement.

La lutte à la source concerne les mesures visant à s’attaquer aux origines de la pollution en
imposant une conception et une fabrication des machines et des produits qui n’engendrent pas
ou très peu de nuisances lorsqu’on les fait fonctionner ou lorsqu’on les consomme. C’est ainsi
qu’il faut encourager la fabrication des produits recyclables et promouvoir des normes
favorisant la fabrication des véhicules non polluants par exemple.

Les entreprises soucieuses de leur marketing environnemental recourent de plus en plus à un


outil de gestion consistant en une évaluation systématique et périodique des installations et des
équipements pour vérifier leur efficacité en matière environnementale et conduire à des
améliorations. A côté des évaluations facultatives, les entreprises sont aussi de plus en plus
soumises à des obligations générales ou sectorielles de procéder à des bilans environnementaux.
Il peut s’agir des impacts des investissements sur l’eau, l’air ou les GES ou bien de la capacité

26
des entreprises à couvrir financièrement des dommages susceptibles de résulter de leurs
activités.

§ 2 - Le principe d’information

Pour que chaque individu puisse effectivement veiller à la sauvegarde de l’environnement, il


est indispensable qu’il dispose d’informations concernant à la fois l’état de l’environnement et
les projets qui risquent d’y porter atteinte. C’est le principe 10 de la déclaration de Rio qui le
consacre. Dans une perspective démocratique, le droit de l’environnement implique la
participation de tous les intéressés à l’administration de l’environnement, donc leur information
préalable. Toutefois, ce droit à l’information se heurte à la confidentialité de nombreux
documents administratifs dont l’accès est limité et encadré par des procédures lourdes,
couteuses et peu transparentes. Par conséquent, sous des motifs divers, l’accès aux documents
administratifs n’est pas une chose aisée pour un citoyen qui entend s’informer sur un projet
industriel ou économique en cours, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements
internationaux enveloppés dans des accords secrets. L’entrée dans des mœurs administratives
de cette nouvelle liberté publique est très lente. La tradition penche encore trop souvent du côté
du secret et du silence.

Aussi le droit à l'information occupe-t-il une place essentielle dans les régimes de protection
de l'environnement. Ce droit ne se limite pas seulement à obliger les pouvoirs publics à rendre
l'information accessible lorsque les intéressés la sollicitent (art. 4 de la Convention d'Arhus).
Encore faut-il que les autorités la divulguent de manière délibérée afin que tout citoyen puisse
se faire une idée de l'état de l'environnement dans lequel il vit sans avoir à se donner la peine
de l'obtenir au prix de procédures administratives aussi longues que coûteuses (art. 5.2 de la
Convention d'Àrhus). En ce qui concerne la biodiversité, une information diffusée de manière
active par les autorités publiques s'avère d'autant plus cruciale pour sensibiliser les riverains
d'écosystèmes protégés et, partant, de leur faire accepter les mesures de police qui découlent
des régimes de protection mis en place.

Si le droit à l'information est consacré par la Convention d'Arhus, il n'est pas pour autant absolu
puisque cette convention prévoit qu'une demande d'informations peut être refusée au cas où
elle pourrait avoir des incidences défavorables sur le milieu naturel. Tel pourrait être le cas de
la divulgation de sites de reproduction d'espèces rares qui pourraient être menacées par des
collectionneurs sans scrupules (art. 4.4.h). En ce qui concerne l'origine des dommages
écologiques, l'accès à l'information des victimes de pollutions engendrées par des
établissements dangereux a été facilité, notamment auprès des industriels, dans la Convention
de Lugano du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile pour des dommages résultant d'activités
dangereuses pour l'environnement (art. 13-16).

Enfin, la jurisprudence récente de la C.E.D.H. tend à accréditer un droit relativement étendu à


la liberté d'informer le public des risques environnementaux, même si l'occurrence de ces
derniers demeure controversée. Dans l'arrêt Bladet Tromso16, la C.E.D.H. a jugé à propos de
reportages publiés dans la presse norvégienne critiquant de manière véhémente la chasse aux
bébés phoques que le champ d'application de l'article 10 de la convention (droit à la liberté
d'expression) couvrait également des informations qui pouvaient apparaître choquantes pour
une partie de la population.

16
CEDH, 20 mai 1999

27
Depuis la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement de 1992, toutes les
nouvelles conventions adoptées dans le domaine de la biodiversité transposent le principe 10
de la déclaration onusienne. La CDB (art. 13.2), de même que la Convention alpine du 7
novembre 1991 (art. 4.4) et la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau
transfrontières et des lacs internationaux (art. 16) encouragent la sensibilisation du public à la
conservation de la biodiversité. De même, la participation de la population locale constitue un
des axes essentiels de la Convention du 17 juin 1994 sur la lutte contre la désertification (art.
19.1.a et 19.3.b). Enfin, le Protocole du 10 juin 1995 relatif aux aires spécialement protégées
et à la diversité biologique en Méditerranée impose aux Parties d'informer les intéressés de la
création d'aires protégées (art. 19). Les Protocoles de la Convention alpine sur les forêts de
montagne de 1996 (art. 3) et sur la conservation de la nature et de l'entretien des paysages (art.
5) prévoient la « coordination et la coopération entre les institutions et les collectivités
territoriales directement concernées » pour la mise en œuvre de ces politiques.

§ 3 - Le principe de participation

La protection de la biodiversité n'est pas seulement une affaire d'Etats. Elle concerne tout à la
fois les autorités publiques, les personnes physiques et morales tirant un profit économique de
cette diversité mais aussi les personnes impliquées dans les mouvements de protection de la
nature. Cette politique n'a d'ailleurs pu voir le jour que grâce à l'engagement dans un premier
temps de personnalités scientifiques et ensuite d'associations spécialisées (VWVF, Greenpeace
Intl., I.U.C.N., Traffic ) qui au fil du temps sont parvenues à persuader la communauté
internationale de la nécessité de coordonner leurs politiques en vue de conserver la biodiversité.
Aussi le droit international de l'environnement et plus particulièrement les conventions
relatives à la protection de la nature mettent l'accent, d'une manière bien plus marquée que
d'autres pans du droit international, sur la participation des personnes physiques ou morales
concernées à la prise de décision, notamment dans le cadre d'instruments préventifs destinés à
évaluer préalablement les impacts de certains projets sur l'environnement. En revanche, le droit
international paraît nettement plus démuni lorsqu'il s'agit d'engager la responsabilité des Etats
pour avoir causé des dommages à des éléments de la biodiversité se situant en dehors des
territoires soumis à leur juridiction.

La philosophie qui domine le droit de l’environnement incline à la participation de tous, car


l’environnement est une affaire globale et transversale qui concerne toute société et la
communauté internationale dans son ensemble. La revendication de la participation des
citoyens à la protection de l’environnement est liée aux caractères particuliers des problèmes
d’environnement : universalité, durée, interdépendance et irréversibilité. Elle trouve sa source
dans un certain nombre de discours politiques et dans divers instruments internationaux. Les
principes 4 et 19 de déclaration de Stockholm de 1972 évoquent les moyens pour le public
d’exercer en pleine connaissance de cause sa responsabilité à l’égard de l’environnement.

Toute politique destinée à sauvegarder la biodiversité repose sur la maîtrise d'une information
suffisante, laquelle est censée permettre aux décideurs de poser les choix pertinents en pleine
connaissance de cause. L'on ne peut difficilement prévenir des risques que l'on ne maîtrise pas.
Dans le même ordre d'idées, il paraît difficile d'assurer la protection d'espèces sauvages dont on
ignore le statut. Un examen rapide des régimes de conservation de la biodiversité fait
rapidement apparaître la place prépondérante occupée par l'information car il est sans cesse
question d'inventaires, de rapports d'évaluation, d'enquêtes, d'études complémentaires, qui
visent à améliorer l'état des connaissances. Pour ne prendre qu'un exemple, la procédure
d'évaluation des incidences, fleuron du principe de prévention, se focalise entièrement sur

28
l'information que le maître d'ouvrage va devoir se procurer et diffuser auprès des différentes
personnes et institutions concernées par le projet.

Les conditions d'une participation responsable figuraient dès les débuts du droit international
de l'environnement dans bon nombre d'instruments programmatoires (principe 19 de la
déclaration de Stockholm sur l'environnement, principe 23 de la Charte mondiale de la nature).
Mais c'est surtout le dixième principe de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement qui consacre un véritable droit à l'information et à la participation en prévoyant
que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation
de tous les citoyens concernés. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès
aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités (...) et avoir la
possibilité de participer au processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et
encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la
disposition de celui-ci. (...)».

En garantissant la diffusion des informations recueillies à propos du projet soumis à


consultation, les enquêtes publiques constituent indéniablement le terrain d'élection d'un droit
à la participation. De manière inverse, la participation du public constitue une source
d'information supplémentaire et souvent contradictoire pour les responsables politiques. En vue
d'améliorer la participation, les dispositions les plus récentes en matière d'enquêtes publiques
prévoient une phase de débats contradictoires entre les parties concernées en vue de permettre
une confrontation des arguments des partisans et des opposants au projet. Cette
"procéduralisation" des débats s'avère d'autant plus nécessaire que les autorités. Publiques se
trouvent de plus en plus souvent appelée à trancher, comme de véritables arbitres, entre les
intérêts économiques se fondant sur le droit à la liberté de commerce et d'industrie et les intérêts
écologiques.

Bien qu'elles ne soient pas dotées de la personnalité juridique en droit international, les
organisations non gouvernementales ont fortement influencé par leur présence le déroulement
des conférences de Stockholm (1972), de Rio (1992) et de Johannesburg (2002), lesquelles ont
jalonné l'évolution récente du droit international de l'environnement. Cet engagement a été
dûment récompensé puisque les représentants d'ONG jouissent aujourd'hui du titre
d'observateur dans la plupart des organes des institutions internationales compétentes en
matière de biodiversité. Bien qu'elles ne disposent pas du droit de vote, les ONG peuvent, grâce
à leur statut d'observateur et à leur expertise, exercer une forte influence sur le cours des
négociations. Les conventions prévoient généralement qu'un tiers des Parties présentes à la
Conférence peuvent s'opposer à la présence d'ONG qui en feraient la demande.

Au demeurant, l'expertise scientifique des ONG est souvent mise à profit par certaines
conventions. Les ONG peuvent ainsi être chargées de travaux d'expertises (Traffic dans le cas
de la CITES, l'IUCN dans le cas de la Convention de Berne), ainsi que de la diffusion
d'informations.

Aussi essentielle qu'elle soit dans les cénacles internationaux, la participation des ONG doit
également pouvoir s'exercer au niveau national. A cet égard, le chapitre 27 de l'Agenda 21 met
en évidence l'importance du rôle des ONG comme « partenaires pour un développement
durable ». Le quatorzième considérant du préambule de la CDB souligne « qu'il importe et
qu'il est nécessaire de favoriser la coopération internationale, régionale et mondiale entre les
Etats et les organisations intergouvernementales et le secteur non gouvernemental aux fin de
la conservation de la diversité biologique et de l'utilisation durable de ses éléments ». Point

29
d'orgue de cette évolution, la Convention d'Arhus prévoit que chaque Partie « accorde la
reconnaissance et l'appui voulus aux associations, organisations ou groupes qui ont pour
objectif la protection de l'environnement » (art. 3.4).

L'exercice solitaire du pouvoir lié à la tradition administrative du secret a pendant longtemps


opposé une inertie considérable à la divulgation des informations concernant les choix
en matière de développement industriel et technologique. Or, l'information constitue bel
et bien le nerf de la guerre dans la mesure où l'ignorance rend inefficace les politiques

§ 4 - Le droit à la concertation

Si la divulgation de l'information est essentielle pour sensibiliser le public et les divers acteurs
aux menaces pesant sur l’environnement, encore faut-il impliquer dans toute la mesure du
possible ceux-ci dans la définition et la mise en œuvre des décisions ayant une incidence
favorable ou défavorable sur le milieu naturel. La participation effective des intéressés
(naturalistes, chasseurs, agriculteurs, usagers, associations, ...) est en effet apparu comme un
élément essentiel du succès des politiques publiques œuvrant en faveur de la
biodiversité.

Le principe de concertation est une modalité particulière de la participation limitée cependant


à certains acteurs en vue de renforcer le dialogue sur les problématiques spécifiques de
l’environnement et de nouer des partenariats. La concertation vise à instaurer des cadres de
négociation avec les acteurs agissant dans les divers secteurs ayant un impact certain sur
l’environnement. C’est le cas par exemple des négociations avec les « pollueurs » qui peuvent
aboutir aux contrats de branche avec des secteurs industriels mettant en place des programmes
de réduction de la pollution en contrepartie d’une aide financière de l’Etat ou des avantages
fiscaux. Certains auteurs critiquent de telles initiatives car, pensent-ils, elles ne visent qu’à
limiter le pouvoir de police de l’Etat et à instaurer une opacité quant au contrôle démocratique
sur de telles négociations.

§ 5 - Le principe pollueur-payeur

Ce principe est inspiré par la théorie économique selon laquelle les coûts sociaux externes qui
accompagnent la production industrielle (dont le coût résultant de la pollution) doivent être
internalisés, c’est-à-dire pris en compte par les agents économiques dans leurs coûts de
production. Il a été consacré par le principe 16 de la déclaration de Rio en 1992. Dans une
acception large, ce principe vise à imputer au pollueur le coût social de la pollution qu’il
engendre. L’énoncé d’un tel principe aux allures de slogan publicitaire ne peut que satisfaire
les défenseurs de l’environnement soucieux de voir les pollueurs « punis » pour leurs méfaits.
Mais une fois énoncé, il reste à préciser les modalités opérationnelles et juridiques de sa mise
en œuvre et à circonscrire ses implications sur le plan économique.

Pour que le pollueur assure une véritable dépollution permettant à la collectivité des habitants
et au milieu naturel d’être dans un environnement satisfaisant, les pouvoirs publics qui veulent
faire supporter la charge de la dépollution au pollueur peuvent recourir à plusieurs instruments
qui, pris isolément, n’ont sûrement pas la même efficacité mais qui sont généralement utilisés
conjointement. Il s’agit de la taxation des pollutions, de l’imposition des normes et de la mise
en place de mécanisme divers de compensation. Le principe doit également se traduire
juridiquement par l’abolition des droits acquis en matière de pollution.

30
§ 6 -Le principe de précaution

Face à l’irréversibilité de certaines atteintes à l’environnement et à l’incertitude scientifique qui


affecte les dossiers complexes de l’environnement, une nouvelle forme de prévention s’est
progressivement construite contre les risques encore inconnus et incertains. Il est désormais
préconisé que l’ignorance ou la faiblesse des connaissances quant aux conséquences exactes à
court ou à long terme de certaines actions ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus
tard l’adoption de mesures visant à prévenir la dégradation de l’environnement. Autrement dit,
face à l’incertitude ou à la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre des mesures
de protection sévères à titre de précaution que de ne rien faire. C’est en réalité mettre
concrètement en œuvre le droit à l’environnement des générations futures. Le principe de
précaution a été consacré par le principe 15 de la Déclaration de Rio et dans de nombreuses
conventions internationales relatives à la protection de l’environnement.

Le principe de précaution est désormais une référence incontournable dans tous les discours
relatifs aux risques. Il a largement débordé le champ de l’environnement pour réguler d’autres
domaines voisins comme celui de la sécurité sanitaire.

31
Deuxième partie :
Le cadre juridique international de la protection de
l’environnement

Depuis plus d’une quarantaine d’années, une pléthore de conventions et d’accords divers
d’inégale portée juridique s’est construite au sein de divers cénacles internationaux, certes sans
un véritable souci de coordination. Plus largement, le DIE dans son ensemble a contribué à
façonner le cadre juridique international de la biodiversité, par l’élaboration de règles
sectorielles, transversales et globales visant à prévenir les effets néfastes de certaines activités
humaines sur l’environnement (substances dangereuses, déchets, pollution des eaux, risques
technologiques, etc.) mais aussi en faisant émerger un ensemble de principes aujourd’hui
considérés comme appartenant au droit coutumier (principe de coopération, d’interdiction de
causer des dommages transfrontières à l’environnement) ou plus controversés (principe de
précaution). Traditionnellement, l’on considère que les sources formelles du droit international
sont définies à l’article 38.1 du Statut de la Cour internationale de justice. En premier lieu y
figure les conventions internationales, la coutume, les principes généraux de droit et, à titre
subsidiaire, les décisions judiciaires et ma doctrine des publicistes les plus qualifiés. Cette
typologie rigide n’est plus à même de rendre compte de l’évolution des sources du droit
international, en particulier du droit international de l’environnement. Le développement de
l’action des organisations internationales et l’avènement croissant d’une « soft Law », ainsi que
la création d’institutions dans le cadre des grandes conventions, compétentes pour prendre des
décisions, recommandations ou résolutions, impose de revoir cette classification, ou à tout le
moins d’y ajouter, avec toutes les nuances nécessaires, de nouvelles catégories (déclaratoires
ou résolutoires). Il est difficile d’avoir une vue d’ensemble du cadre juridique international
régissant le DIE compte tenu du champ immense que recouvre le concept d’environnement et
de la multiplication frénétique des initiatives juridiques dans ce domaine depuis deux décennies.
Animé d’un souci de clarification et de systématisation, cette deuxième partie expose, sous une
forme synthétique et pédagogique, le cadre juridique de base de la protection internationale de
l’environnement.

Chapitre 1 : Les instruments globaux de la protection


internationale de l’environnement
Par instrument global, l'on entend l'instrument qui appréhende, directement ou indirectement,
la biodiversité dans son ensemble ou un processus qui affecte la biodiversité dans sa globalité.

Section 1 – Les instruments globaux issus de la Conférence de RIO


C'est sous l'impulsion des Etats-Unis que le Conseil d'administration du PNUE a mis en place,
lors de sa 14eme session en 1987, un Groupe de travail d'experts sur la diversité biologique
chargé d'étudier « l'opportunité et la forme possible d'une convention-cadre, afin de coordonner
les activités actuelles dans cette matière, et d'envisager d'autres domaines qui pourraient
relever d'une telle convention ». Sur la base des conclusions de ce groupe de travail, qui conclut
à l'inadéquation des traités sectoriels existants pour conserver la biodiversité de façon globale,
un second groupe de travail ad hoc fut officiellement chargé en 1989 de négocier un instrument
abordant non seulement les questions de conservation de la biodiversité mais aussi ses aspects

32
sociaux et économiques (y compris l'utilisation des ressources génétiques en biotechnologie).
Ce fut l'Assemblée générale des Nations Unies qui, par sa résolution 44/228 de décembre 1989,
mit la biodiversité et la biosécurité à l'ordre du jour de la future Conférence des Nations Unies
sur l'environnement et le développement. Il y a naturellement à distinguer l‘avant et l’après
Rio17.

§ 1 – Les instruments déclaratoires

De nombreux textes ont été adoptés avant la Conférence de Rio. Mais c’est la Déclaration de
Rio et son Agenda 21 qui fonde un nouveau départ pour le DIE.

A – Les textes adoptés avant 1992

L'une des premières manifestations internationale de l'après-guerre relative à la protection de


l‘environnement s'est déroulée à Paris, en septembre 1968, à l'occasion de la Conférence
intergouvernementale d'experts sur le fondement scientifique de l'utilisation rationnelle et la
conservation des ressources de la biosphère, organisée par l'UNESCO. A l'issue de cette
conférence, a été mis en place le programme « Man and Biosphère » (MAB), dont un des
objectifs était de concilier développement et conservation de la biodiversité. C’est l’ancêtre du
développement durable. La fondation en 1948 de l'International Union for the Conservation of
Nature (IUCN) illustre ce phénomène. Les fondements des stratégies actuelles en matière de
conservation trouvent en grande partie leur origine dans la « Stratégie mondiale de conservation
» établie en 1980 par l'IUCN, en collaboration avec le WWF et le PNUE, et avec la participation
de la FAO et I'UNESCO. Préconisant une utilisation durable des ressources, cette stratégie fixe
trois objectifs globaux de conservation, qui seront repris plus tard dans la CDB : le maintien
des processus écologiques, la sauvegarde de la diversité génétique et l'utilisation durable des
espèces et des écosystèmes.

Premier instrument juridique à valeur déclaratoire visant l'environnement à l'échelle mondiale,


la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain (Stockholm,
1972) proclame plusieurs principes traitant directement de la conservation et de l'utilisation des
éléments de la biodiversité. En particulier, son Principe 2 prévoit expressément que les
ressources naturelles (air, eau, territoire, flore et faune, échantillons représentatifs
d'écosystèmes naturels) « doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et
futures par une planification ou une gestion attentive, selon que de besoin». Le Principe 3 de
la même Déclaration ajoute que «l'homme a une responsabilité particulière dans la sauvegarde
et la sage gestion du patrimoine constitué par la flore et la faune sauvages et leur habitat, qui
sont aujourd'hui gravement menacés par un concours de facteurs défavorables. La
conservation de la nature, et notamment de la flore et de la faune sauvages, doit donc tenir une
place importante dans la planification pour le développement économique ». Comprenant plus
d'une centaine de résolutions, un « Plan d'action pour l'environnement » a tenté de concrétiser
les principes précités, en mettant l'accent, s'agissant de la protection de la vie sauvage et de ses
habitats, sur la coopération internationale (conclusion de traités, coordination des actions des
gouvernements nationaux, échange d'informations).

17
A. KISS et S. DOUMBE-BILLE, «La Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le
développement (Rio, 3-14 juin 1992)", A.F.D.I., 1992, pp. 823-843 M. REMOND-GOUILLOUD, "La
Charte de la nature", R.J.E., 1982/1, p. 102 et suiv.

33
Dix ans plus tard, sur une initiative du Zaïre de Mobutu, l'Assemblée générale des Nations
Unies adopta, dans sa résolution 37/7 du 28 octobre 1982, la Charte mondiale pour la nature.
Texte fondateur, bien que non contraignant, en matière de conservation et d'utilisation durable
de la biodiversité, la Charte mondiale pour la nature comprend, outre un préambule, 24
paragraphes, répartis en trois Parties (principes généraux, fonctions, mise en œuvre).
L'Assemblée générale y rappelle d'abord que « l'humanité fait partie de la nature et [que] la
vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la source d'énergie
et de matières nutritives » et que « la civilisation a ses racines dans la nature (...) (préambule,
deuxième considérant). De façon remarquable, l'Assemblée générale souligne ensuite que
«toute forme de vie est unique et mérite d'être respectée, quelle que soit son utilité pour
l'homme, et, afin de reconnaître aux autres organismes vivants cette valeur intrinsèque,
l'homme doit se guider sur un code moral», en l'espèce la Charte.

Enfin, dans son rapport de 1987, intitulé « Our Common Future » (Notre avenir commun), la
Commission Brundtland insista également sur la nécessité de maintenir les écosystèmes et les
processus écologiques essentiels pour le fonctionnement de la biosphère, de préserver la
diversité biologique, et de respecter le principe du rendement optimum continu dans l'usage des
ressources naturelles : c’est la genèse du concept du développement durable.

B – La Déclaration de Rio et l’Agenda 21

Adoptée à Rio le 13 juin 1992, et ayant par sa généralité une certaine vocation codificatrice en
droit international de l'environnement, la Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement énonce 27 principes devant engager les Etats sur la voie du développement
durable : l'idée d'une responsabilité commune mais différenciée dans la protection de
l'environnement (principe 7), la nécessité de prévoir des politiques démographiques appropriées
(principe 8), la nécessité d'une participation du public au processus de décision dans le domaine
(principe 10), le principe de précaution (principe 15) ou encore la réalisation d'études d'impact
(principe 17), le devoir d'éviter de causer un dommage à l'environnement d'un Etat tiers et de
l'informer de tout danger (principes 2, 14 et 18), etc.

Une seconde déclaration à caractère non obligatoire a été adoptée lors de la Conférence, à savoir
la « Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un
consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'utilisation écologiquement viable de tous
les types de forêts ».

Elaboré en même temps que les projets de conventions sur le changement climatique et sur la
diversité biologique, l'Agenda 21 constitue le plan d'action environnemental le plus complet
adopté à ce jour à l'échelle internationale. Il s’agit d’un vaste programme composé de pas moins
de quarante chapitres consacrés à la lutte contre les effets néfastes de l'activité humaine sur la
biosphère et à la réalisation d'un développement durable. S'articulant en quatre grandes sections
(dimensions sociales et économiques, conservation et gestion des ressources aux fins du
développement, renforcement du rôle des principaux groupes et moyens d'exécution), l'Agenda
21 témoigne d'une réflexion particulièrement aboutie s'agissant de la nécessité d'intégrer
développement et préservation de l'environnement. S'agissant des moyens de mise en œuvre, le
Secrétariat de la Conférence a estimé le coût annuel moyen de l'exécution du programme
d'action à environ 3.5 milliards USD, dont 1.75 milliard devrait être fourni par la communauté
internationale (§ 15.8). Des moyens scientifiques et technologiques, de même que des
ressources humaines et une capacité institutionnelle devraient être dégagés et développés à cet
effet. Bien que sa portée normative soit limitée- en ce qu'il n'a aucune force contraignante -,

34
l'Agenda 21 constitue un progrès considérable et une référence incontournable notamment
lorsqu'il s'agit d'élaborer des stratégies et des plans de gestion et de préservation de
l'environnement et de la biodiversité, mais aussi à des fins de développement (développement
rural, zonings industriels, etc.). Son intérêt est notamment de mettre l'accent sur l'impérieuse
nécessité d'intégrer, à tous les niveaux d'activités humaines le développement et les exigences
de conservation. Par son caractère globalisant et intégrateur, l'Agenda 21 préfigure ce que
devrait à terme devenir le droit international mais aussi national de l'environnement, à savoir
un corps de règles régissant de façon la plus cohérente et la plus intégrée possible les différentes
activités humaines et leur impact sur la biosphère.

§ 2 – La Convention de Rio sur la diversité biologique

Faisant écho au cri d'alarme lancé à l'occasion de l'adoption de la Stratégie mondiale de la


conservation en 1980, et de la Charte mondiale pour la nature en 1982, l'idée de faire adopter
par la communauté-internationale une convention mondiale couvrant de façon globale la
diversité biologique s'est progressivement imposée.

A - Naissance d’une doctrine sur la biodiversité

Se fondant sur les divers avant-projets d'articles rédigés par la FAO et l'IUCN et sur des études
financées par le PNUE, le Groupe de travail ad hoc, rebaptisé en 1991 «Comité
intergouvernemental de négociation d'une convention sur la diversité biologique », élabora un
projet de convention sur la base duquel les négociations purent commencer officiellement. Basé
à Nairobi, le Comité intergouvernemental tint cinq sessions de travail entre février 1991 et mai
1992. Les négociations furent longues et difficiles, des divergences parfois radicales
apparaissant entre les points de vue des délégations des pays développés et en développement,
s'agissant notamment des aspects économiques de l'utilisation de la biodiversité. En complète
opposition notamment avec les positions de la délégation américaine, le Groupe des 77 pays en
développement revendiquait l'instauration de nouveaux mécanismes de propriété intellectuelle
concernant les ressources génétiques, une compensation pour l'ouverture de l'accès à leurs
ressources biologiques, un accès aux techniques de la biotechnologie, et une aide financière
pour l'exécution de mesures de conservation. La Communauté européenne faisait preuve d'une
plus grande nuance, insistant plutôt sur les aspects liés à la conservation, tandis que la
délégation britannique était préoccupée par les obligations financières prévues à charge des
pays développés.

En dépit de ces divergences, qui subsistèrent jusqu'au terme de la négociation, la convention


fut adoptée in extremis le 22 mai 1992 à Nairobi, en même temps que trois résolutions
(respectivement sur les arrangements financiers provisoires, les mesures de coopération avant
l'entrée en vigueur de la convention, les relations entre la CDB et la promotion d'une agriculture
durable). Ouverte à la signature le 5 juin 1992, la CDB est entrée en vigueur moins de deux
ans plus tard, le 29 décembre 1993.

B – Objectifs et champ d’application de la CDB

L'article 1er de la convention reflète les aspirations des uns et des autres, en définissant les
objectifs que poursuit la CDB. Ceux-ci sont au nombre de trois : assurer la conservation de la
diversité biologique, son utilisation- durable et un partage juste des bénéfices qui peuvent en
être retirés.

35
Premièrement, en dépit de son importance fondamentale, la notion de conservation n'est pas
définie dans le texte de la CDB. Utilisée dans de nombreux textes internationaux, notamment
en matière de pêche, la conservation n'inclut pas, dans la CDB, la notion d'utilisation durable.
Cette exclusion fut le fruit de nombreux débats, les pays en développement souhaitant
souligner l'importance capitale pour leur économie de l'utilisation de la diversité biologique
en fixant pour objectif la « conservation de la biodiversité », la CDB ne donne aucune indication
sur le niveau de diversité qu'il importerait de conserver. Elle fixe encore moins une obligation
de résultat, contrairement à des instruments de conservation de la nature plus spécifiques. Les
Parties ne s'engagent ni à maintenir une certaine diversité biologique sur leur territoire, ni à
conserver tel ou tel élément de cette diversité, espèce ou écosystème menacés par exemple. La
CDB laisse toute latitude aux Etats, les objectifs devant être fixés au niveau national, ou dans
le cadre d'accords bi- ou multilatéraux spécifiques Les Parties reconnaissent, en outre, qu'il
importe de conserver la diversité biologique en raison de son importance, d'une part, en tant
que creuset de l'évolution et, d'autre part, en tant que composante essentielle des écosystèmes,
dont la stabilité et la résistance aux changements pourraient être fortement dépendantes. Si la
reconnaissance de la valeur intrinsèque de la biodiversité doit être saluée, l'on sera forcé de
constater, à l'analyse, que les droits et obligations inscrits dans la CDB reflètent une conception
nettement plus utilitariste que celle évoquée dans le préambule.

Deuxièmement, l'utilisation durable des éléments de la biodiversité est définie comme


«l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme
qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel
pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures ». Pareil
objectif est au demeurant repris dans plusieurs instruments adoptés lors de la Conférence de
Rio ou ultérieurement. En raison de sa généralité, la définition donnée par la CDB ne permet
guère d'en déduire des règles précises quant à l'utilisation d'éléments de la diversité biologique
comme les stocks de poissons ou les forêts. Elle offre une marge de manœuvre fort vaste aux
Etats, ce qui ne facilite guère le contrôle de sa mise en œuvre.

Troisièmement, le partage équitable des bénéfices a suscité beaucoup développements dans la


convention. Formulé de façon plus précise, il vise le « partage juste et équitable des avantages
découlant de l'exploitation des ressources génétiques ». Trois moyens doivent permettre un tel
partage, à savoir un accès « satisfaisant » (selon les conditions fixées par l'Etat fournisseur de
la ressource) aux ressources génétiques, un transfert « approprié » des techniques pertinentes
(compte tenu des droits portant sur ces techniques) et un financement adéquat. Instaurant les
termes d'un échange «gène contre technologie et financement», l'objectif d'équité dans le
partage des bénéfices tirés de l'utilisation des ressources génétiques constitue un point focal
dans la CDB. Il lui confère une dimension fortement économique et utilitariste.

La CDB, comme son nom l'indique, couvre l'ensemble de la diversité biologique, qu'elle définit
comme « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les
écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques
dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que
celle des écosystèmes » (art. 2). De nature abstraite, cette définition vise la diversité du monde
vivant sous toutes ses formes et à tous ses niveaux, les trois principaux étant, schématiquement,
les gènes, les espèces et les écosystèmes. Certains scientifiques ajoutent aujourd'hui à la
définition de biodiversité la diversité des paysages. La notion de biodiversité renvoie donc à un
caractère du monde vivant - à savoir sa variabilité -, plutôt qu'à ses manifestations tangibles, à
savoir les gènes, les espèces, et les écosystèmes pris dans leur individualité. Ceux-ci doivent
être considérés, selon les termes utilisés par la CDB, comme les « éléments» de cette diversité.

36
Notion centrale dans la CDB, l'écosystème est défini comme « le complexe dynamique formé
de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes » (éléments biotiques) « et de
leur environnement non vivant» (éléments abiotiques : eau, air, sol, énergie, etc.) « qui, par leur
interaction forme une unité fonctionnelle» (transfert d'énergie, processus biogéochimiques,
relations trophiques, etc.). Cette définition nécessite, pour rappel, qu'une échelle soit précisée
pour chaque niveau d'action, les écosystèmes pouvant être de taille minime (une flaque d'eau
temporaire) ou immense (un océan). La CDB définit également la notion d'habitat, de grande
importance en droit de la conservation de la nature, comme « le lieu ou type de site dans lequel
un organisme ou une population existe à l'état naturel ». En revanche, la CDB évite de définir
la notion d'espèces, pourtant essentielle en biologie, en tant qu'élément de base de la
systématique.

S'agissant du champ d'application géographique de la convention, l'article 4 prévoit, sauf


disposition contraire, les dispositions de la CDB s'appliquent à chaque Partie contractante, pour
tous les éléments de la diversité biologique situés dans les limites de sa juridiction nationale
(territoire, mer territoriale, plateau continental et zone économique exclusive). Logiquement, la
CDB étend également son champ d'application aux « processus et activités qui sont réalisés
sous sa juridiction ou sous son contrôle » dans ou en dehors des limites de sa juridiction
nationale, « indépendamment de l'endroit où ces processus et activités produisent leurs effets »
(art. 4). Dans les espaces internationaux (haute mer et fond des mers principalement), les Etats
doivent donc contrôler les activités de leurs ressortissants.

C – Les lignes de force de la convention

Premièrement, la difficulté d'octroyer le statut de patrimoine commun à un gène, une espèce ou


un écosystème, et a fortiori, à l’ensemble de la diversité biologique, réside dans les limites, réel
ou supposé, qui en découlent pour la souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles. La
raison pour laquelle le concept de patrimoine commun a été rapidement écarté des avant-projets
de texte de la CDB tient notamment au fait que cette notion est fréquemment perçue par les
Etats du sud, dont les forêts recèlent la fraction la plus importante de la biodiversité sur terre,
comme un moyen commode pour les Etats du nord de leur
imposer, par une forme perverse de néo-colonialisme, des obligations quasi unilatérales
de conservation à l'égard des écosystèmes relativement intacts présents sur leur territoire, alors
qu'eux-mêmes ont depuis longtemps sacrifiés leur patrimoine naturel originel sur l'autel du
développement économique. La prise de conscience par les Etats du sud du potentiel
économique des différents éléments de leur biodiversité en tant que ressources à
exploiter, de même que leur crainte de se voir obliger de conserver un patrimoine dont ils ne
sauraient tirer aucun profit, ont ainsi empêché l'inscription de la diversité biologique au rang
des biens faisant partie du patrimoine commun de l'humanité.

Si la conservation de la biodiversité doit être considérée, selon le préambule de la CDB, comme


une « préoccupation commune de l'humanité », la convention onusienne évite soigneusement
de considérer la biodiversité elle-même comme faisant partie du patrimoine commun de
l'humanité. Au contraire, elle « réaffirme » la souveraineté des Etats sur leurs ressources
biologiques (quatrième considérant du préambule), et consacre, en écho au principe 21 de la
Déclaration de Stockholm, le principe selon lequel les Etats ont le droit souverain d'exploiter
leurs ressources selon leurs politiques de l'environnement (art. 3) La CDB ne pose que deux
limites à ce prescrit, à savoir le respect de la Charte des Nations Unies et des principes du droit
international ainsi que l'obligation d'éviter les dommages écologiques transfrontières.

37
Deuxièmement, loin d'être absolu, le principe de la souveraineté des Etats sur leurs ressources
biologiques est tempéré par la reconnaissance, de leur responsabilité dans la conservation et de
l'utilisation durable de la diversité biologique (5eme considérant de la CDB). Justifiant que des
limites conventionnelles soient apportées à la souveraineté dans le cadre de traités déterminés,
cette responsabilité s'avère particulièrement importante dans un contexte où les éléments de la
biodiversité sont d'abord perçus comme des ressources, susceptibles d'être exploitées. L'on
notera cependant que cette responsabilité est limitée aux ressources situées dans les limites de
la juridiction des Parties : à l'instar de certains traités antérieurs de conservation de la nature de
portée sectorielle ou régionale, la CDB limite en effet la responsabilité des Parties à l'exécution
de l'obligation de conserver « leur diversité biologique» et d'utiliser durablement « leurs
ressources biologiques »(cinquième considérant du Préambule de la CDB).

Troisièmement, de façon indirecte, les dispositions de la CDB en matière de financement


étendent pourtant la portée géographique des obligations des pays développés. Celles-ci
subordonnent l'exécution par les pays en développement de leurs obligations en matière de
conservation à l'aide financière desdits pays développés, faisant ainsi peser sur ces derniers une
lourde responsabilité en termes de conservation d'espèces et d'écosystèmes qui pour la plupart
ne sont pas présents dans une zone soumise à leur juridiction.

Quatrièmement, dans les zones non soumises à leur juridiction ou dans les autres « domaines
d'intérêt mutuel », les Etats ont l'obligation de coopérer, le cas échéant par l'intermédiaire
d'organisations internationales compétentes. Ce devoir de coopération, primordial, on l'a dit,
pour la gestion de ressources partagées, permet de tempérer le principe de souveraineté des
Etats sur leurs ressources. Il reste que si cette obligation est très développée dans certains
accords comme l'Accord de 1995 sur les stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs,
elle l'est moins, on l'a dit, dans la CDB.

Cinquièmement, une préférence est perceptible au travers du concept de « responsabilité


différenciée » des pays développés et en développement à la conservation et à l'utilisation
durable de la biodiversité. Ce principe, repris de la Déclaration de Rio (principe 7) et de la
Convention-cadre sur les changements climatiques (art. 4.1), part du constat que les Etats
développés doivent assumer une responsabilité plus importante dans la protection de
l'environnement que les pays en voie de développement. Le quinzième considérant de la CDB
exprime le plus clairement ce principe, en « reconnaissant que le développement économique
et social et l'éradication de la pauvreté sont les premières priorités des pays en développement
qui prennent le pas sur toutes les autres ». La CDB prévoit, en outre, que les pays en
développement, qui « ne pourront s'acquitter effectivement des obligations qui leur incombent
en vertu de la convention » que dans la mesure où les pays développés s'acquitteront des leurs
s'agissant du financement et de transfert de technologies (article 20).

D – Les aspects institutionnels et financiers

L'une des premières étapes à franchir par les Parties pour mettre en œuvre la CDB consiste dans
l'élaboration, au niveau national, de stratégies, de plans et de programmes en vue de planifier
de façon cohérente, coordonnée et intégrée les mesures de conservation et d'utilisation durable
de la diversité biologique (art. 6). L'on doit regretter à cet égard que la CDB ne prévoie pas
explicitement l'élaboration de stratégies supranationales à l'échelle géographique la plus
appropriée, moyennant l'instauration de mécanismes de coopération adaptés (même si le devoir
de coopération prévu par l'article 5 pourrait inclure une telle obligation). L'évolution de la

38
convention, au travers des conférences des Parties, permet de pallier cette lacune partiellement,
notamment par l'élaboration de plans d'action ou de programmes de travail sectoriels
(agriculture, biodiversité marine, etc.).

Instituée par son article 23, la Conférence des Parties (COP) est l'organe supérieur de la CDB,
chargé de superviser sa mise en œuvre. Devant se réunir de façon régulière, mais pouvant
également tenir des sessions extraordinaires, la COP est chargée de rédiger (par consensus) son
règlement d'ordre intérieur, ainsi que celui des autres organes subsidiaires de la convention, et
de fixer le budget de fonctionnement de la convention (fonctionnement du secrétariat et de
l'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques
(SBSTTA)). La mission principale de la COP est de surveiller et de guider la mise en œuvre de
la convention, et de présider à son évolution future (art 23.4). Outre l'examen des rapports
nationaux établis par les Parties et des avis et rapports du Secrétariat et/ou du SBSTTA, la COP
procède à l'élaboration d'amendements à la convention et à ses annexes, et établit des protocoles
(et leurs éventuelles annexes) à la convention. La COP réglemente également l'admission et la
participation des observateurs à ses sessions, lesquelles sont soumises au respect de son
règlement d'ordre intérieur (art. 23.5). L'Organisation des Nations Unies, ses institutions
spécialisées (en particulier le PNUE et la FAO) et les Etats non Parties à la CDB sont admis
d'office aux sessions de la COP en tant qu'observateurs. Les autres organisations,
gouvernementales mais aussi non gouvernementales (IUCN, WWF, ...) - dont l'expertise et
l'expérience en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité sont précieuses
- peuvent, à certaines conditions, également être admises à se faire représenter comme
observateurs.

Organe essentiel au fonctionnement concret des institutions de la CDB, le Secrétariat, institué


par l'article 24, a pour mission d'organiser et d'assurer le service des réunions de la COP et des
autres organes subsidiaires. Etabli à Montréal, le Secrétariat est hébergé par le PNUE. Le
Secrétariat fournit ainsi un support administratif indispensable (documentation, organisation
des réunions) au bon fonctionnement de la COP et des organes subsidiaires.

L'obligation des Etats de coopérer à des fins de conservation constitue un point central dans la
CDB, dès lors qu'elle tempère l'approche « nationale » de la conservation préconisée par la
CDB, malgré son caractère inadapté dans certains cas, notamment en haute mer, mais aussi
s'agissant des espèces migratrices ou de processus globaux affectant la biodiversité. Or, force
est de constater que la CDB reste très en retrait par rapport à des accords comme l'Accord de
1995 sur les stocks chevauchants de poissons ou grands migrateurs. Plutôt que d'être prévue
dans la CDB, la définition des « autres domaines d'intérêt mutuel » sont laissés à l'entière
appréciation des Parties, au risque de favoriser un certain immobilisme en cas d'intérêt
divergents. Il faut tempérer toutefois cette critique en mentionnant que les autres conventions
internationales en matière notamment de conservation de la nature exigent une coopération dans
de nombreux cas.

La problématique du financement des mesures devant être prises dans le cadre de la CDB - qui,
selon l'Agenda 21, s'élèverait, à l'échelle mondiale, entre 1993 et 2000, à environ 3.5 milliards
de dollars US - a suscité des débats particulièrement difficiles au cours des négociations de la
convention, les pays en développement faisant valoir, à juste titre, que sans aide financière, ces
derniers ne pourraient pas remplir leurs obligations.

La CDB prévoit que les Parties, en fonction de leurs moyens respectifs, s'engagent à financer
des activités nationales tendant à réaliser ses objectifs (art. 20.1). Les sources de ce financement

39
peuvent être recherchées tant dans de nouveaux postes budgétaires que dans une rationalisation
des dépenses actuelles, notamment celles soutenant des secteurs d'activité particulièrement
néfastes pour la biodiversité. Au-delà des obligations « nationales » de financement, la CDB
prévoit que les pays dits développés fournissent - sans autre condition - « des ressources
financières nouvelles et additionnelles » pour permettre aux pays en développement « de faire
face à la totalité des surcoûts convenus » liés à la mise en œuvre de la CDB. Ces financements
par les pays développés seront distribués par l'intermédiaire du mécanisme financier mis en
place par l'article 21 de la convention. D'autres ressources financières peuvent être octroyées
par le bais d'accords bi- ou multilatéraux ou régionaux (art. 20.3). Les surcoûts sont convenus
entre le pays en développement concerné et la structure institutionnelle chargée par la COP de
gérer le mécanisme de financement établi par la convention.

A l'heure actuelle, c'est au Fonds pour l'environnement mondial (FEM) qu'il incombe d'assurer,
à titre intérimaire, le fonctionnement du mécanisme financier, pour autant que ce fonds soit
restructuré «intégralement» (article 39). Cette condition était exigée par les pays en
développement, qui considéraient le FEM comme inapproprié, notamment en ce qu'il était
administré par la Banque mondiale et qu'il manquait de transparence. Cette restructuration a eu
lieu en mars 1994, lorsque fut adopté à Genève l'Instrument pour l'établissement du Fonds pour
l'environnement mondial restructuré. Enfin, il est expressément prévu que le FEM fonctionnera
sous la direction des COP de la CDB et de la convention-cadre sur les changements climatiques,
et qu'il sera chargé de rendre des comptes à ces dernières.

Selon un modèle de contrôle que l'on rencontre fréquemment en droit international de


l'environnement, la CDB oblige les Etats à présenter à la COP un rapport sur les dispositions
qu'ils ont adoptées pour mettre en œuvre la convention, ainsi que la mesure dans laquelle leurs
régimes ont permis d'atteindre ses objectifs (art. 26). Le rapport doit donc inclure des données
sur l'efficacité et l'effectivité des instruments mis en place. L'intérêt d'un tel système est de
permettre à la COP non seulement de vérifier la mise en œuvre de la CDB, mais aussi de faire
face aux difficultés (y compris financières) rencontrées par les Parties à cette occasion. A l'instar
de la plupart des conventions, la CDB prévoit des mécanismes de règlement des différends (art.
26). La seule démarche qui s'impose aux Parties est la voie traditionnelle de la négociation, qui
doit être recherchée en cas de différend « touchant l'interprétation ou l'application de
la [CDB] », les autres solutions étant facultatives.

Section 2 : Les autres instruments globaux


Il s’agit de la convention sur les changements climatiques, de la convention sur la lutte contre
la désertification, de la convention sur la protection de la couche d’ozone, de la convention sur
les polluants organiques et de la convention de Bâle sur les déchets dangereux.

§ 1 – La Convention-cadre sur les changements climatiques

Les preuves attestant d'un réchauffement du climat devenant de plus en plus nombreuses et
concordantes, le PNUE a créé, en novembre 1988, un Groupe d'experts intergouvernemental
sur l'évolution du climat (GIEC), afin d'étudier en profondeur le phénomène de l'effet de serre
et des causes de son renforcement. Après de longues négociations, le texte final d'une
convention-cadre sur les changements climatiques a été adopté à New York le 9 mai 199218.

18
W. LANG et H. SCHALLY, « La Convention cadre sur les changements climatiques. Un élément du bilan
normatif du Sommet de la Terre: la CNUED », R. G.D.I.P., 1993, vol. 97, pp. 321-335

40
A – Les règles de base

Ayant pour objectif de « stabiliser (...) les concentrations de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère à un niveau qui évite toute perturbation anthropique dangereuse du système
climatique », et ce dans un délai suffisamment court « pour que les écosystèmes puissent
s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit
pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable»
(art. 2), la convention impose aux Parties de préserver le système climatique (art. 3.1), en
respectant une série de principes conducteurs, comme le principe d'une responsabilité certes
commune mais différenciée dans la lutte contre le réchauffement climatique (art. 3.2), ou encore
le principe de précaution (art. 3.3).

Les Parties prennent une série d'engagements précis, comme des inventaires des émissions
anthropiques de gaz à effet de serre, l'élaboration de programmes nationaux de lutte contre les
changements climatiques, ou encore l'intégration des considérations relatives au climat dans les
autres politiques notamment économique (art. 4.1). En particulier, les pays développés doivent
adopter des politiques nationales et prendre les mesures voulues pour atténuer les changements
climatiques en limitant les émissions de gaz à effet de serre, et donner des informations
détaillées notamment sur lesdites politiques, «dans le but de ramener individuellement ou
conjointement à leurs niveaux de 1990 les émissions anthropiques de dioxyde de carbone et
d'autres gaz à effet de serre (...) » d'ici 2000 (art. 4.2).

Du point de vue institutionnel, la convention a mis en place une Conférence des Parties,
(chargée notamment d'élaborer des protocoles à la convention et de surveiller l'exécution par
les Parties de leurs obligations), un secrétariat et un organe subsidiaire de conseil scientifique
et technologique. Le Fonds mondial de l'Environnement (FEM) assume provisoirement le rôle
du mécanisme financier, de façon relativement similaire à ce qui est prévu dans la CDB.

B – Le protocole de Kyoto

A la première Conférence des parties, qui s'est tenue à Berlin en 1995, les Parties ont décidé
que les responsabilités spécifiques prévues dans la Convention pour les Parties à l'Annexe I
n'étaient pas suffisantes. Elles ont donc lancé un nouveau cycle de négociations pour décider
d'engagements plus forts et plus détaillés pour ces pays. Après deux ans et demi de négociations
intenses, le Protocole de Kyoto a été adopté le 11 décembre 1997. Le Protocole de Kyoto tente
de concrétiser par des dispositions contraignantes à caractère technique les engagements des
Parties à la convention-cadre19. Il soumet individuellement les Parties de l'Annexe I à des
objectifs légalement contraignants de limiter ou de réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre, la réduction totale devant atteindre au moins 5% dans la période 2008-2012 par rapport
aux niveaux de 1990. Les objectifs individuels des Parties Annexe I sont énumérés dans
l'Annexe B du Protocole, et leur étendue porte sur une réduction de 8% pour l'UE et plusieurs
autres pays, à une augmentation de 10% pour l'Islande. (Selon les termes du Protocole, l'UE
peut redistribuer son objectif entre ses 15 Etats membres. Elle a atteint déjà l'accord sur un tel
arrangement, connu comme la "bulle"). Quelques activités spécifiées dans le secteur du
changement d'utilisation des terres et de la foresterie (à savoir, le boisement, le reboisement et
le déboisement) qui émettent ou absorbent du dioxyde de carbone dans l'atmosphère sont aussi

19
L. BOISSON de CHAZOURNES, « La gestion de l'intérêt commun à l'épreuve des enjeux économiques. Le
Protocole de Kyoto sur les changements climatiques », A.F.D.I., 1997, pp. 700-715

41
prises en compte. Tous changements dans les émissions, et dans l'absorption des gaz à effet de
serre par ce qu'on appelle les "puits", entrent dans le même panier à des fins de comptabilité.

Ces objectifs peuvent être atteints, à l'échelle nationale, par la mise en œuvre de différentes
mesures, qu'elles concernent, d'une part, la production et la consommation d'énergie
(accroissement de l'efficacité énergétique, contrôle des émissions des avions et navires, recours
à des énergies renouvelables, etc.) ou, d'autre part, la protection ou le renforcement des « puits
» et des « réservoirs » de carbone, ou encore la promotion de pratiques agricoles durables (art.
2). La déforestation, la reforestation, le boisement de terres non boisées, ainsi que des
changements dans l'utilisation du territoire doivent être pris en compte dans le calcul des
émissions nettes (art. 3, § 3). En effet, alors que la déforestation contribue à libérer du dioxyde
de carbone (rôle de « source »), le boisement peut contribuer à stocker du gaz carbonique dans
la biomasse végétale, par l'action de la photosynthèse (rôle de « puits »). Les puits sont définis
par la convention-cadre comme « tout processus ou activité, naturel ou artificiel, qui élimine
de l'atmosphère un gaz à effet de serre, un aérosol ou un précurseur de gaz à effet de serre»
(art. 1.8). Les réservoirs sont définis comme «un ou plusieurs constituants du système
climatique qui retiennent un gaz à effet de serre ou un précurseur de gaz à effet de serre » (art.
1.7).

L'une des particularités du Protocole de Kyoto est de d'introduire trois mécanismes de marché
en vue de permettre aux pays industrialisés de remplir leurs objectifs d'émissions en
accomplissant ou en acquérant des réductions meilleur marché dans d'autres pays que les leurs
de la façon la plus économique et d'inciter les pays en développement à limiter leurs propres
émissions. Ces mécanismes autorisent une application conjointe du protocole («joint
implementation ») par les Parties, pour autant que le montant total des émissions ne dépasse
pas le quota total alloué aux Parties concernées (art. 4).

Deux mécanismes (échange ou vente de quotas d'émission et échange d'unités de réduction des
émissions découlant du financement de projets dans un pays tiers) ne concernent que les pays
industrialisés, le troisième impliquant les pays en développement (mécanisme de
«développement propre »). Le bon fonctionnement de ces mécanismes exige une expertise et
des contrôles particulièrement efficaces pour éviter des abus. A cet effet, la convention-cadre
comme son protocole prévoient qu'une surveillance du respect de leurs obligations par les
Parties est exercée par la COP, assistée d'un organe subsidiaire de conseil scientifique et
technologique et de son secrétariat. En plus, les Parties doivent développer le système
d'observance esquissé dans le Protocole, et plus de travail est également nécessaire sur les
dispositions relatives au secteur du changement d'utilisation des terres et de la foresterie, des
méthodologies pour l'évaluation des émissions et de l'absorption de gaz à effet de serre, et les
obligations qui s'y rapportent.

L'avenir dira dans quelle mesure les engagements pris à Kyoto seront respectés- ce qui est loin
d'être évident, compte tenu de la complexité du régime et des possibilités de fraude - mais aussi
si ils seront suffisants pour ralentir le rythme actuel du réchauffement climatique. Nombre de
scientifiques s'accordent d'ores et déjà pour dénoncer la faiblesse des objectifs fixés eu égard
aux dispositions qu'il faudrait prendre pour obtenir une baisse significative des concentrations
de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Il importe en conséquence d'envisager les mesures
qui permettraient l'adaptation des écosystèmes au changement climatique, lequel paraît
inéluctable. Les modifications des aires de répartition des espèces qui résulteront du
réchauffement climatique devront notamment être prises en compte lors de l'élaboration de
réseaux d'aires protégées. Des mesures de conservation des écosystèmes pouvant jouer un rôle

42
de tampon sur les effets du réchauffement (catastrophes naturelles, etc.) devraient également
être favorisées, comme par exemple dans les zones humides.

§ 2 – La Convention sur la lutte contre la désertification

Entendue comme «la dégradation des terres dans les régions sèches» (là où les précipitations
sont inférieures à 600 mm par an), la désertification ne doit pas être confondue avec l'avancée
des déserts naturels sur les zones fertiles limitrophes. Il s'agit d'un phénomène d'assèchement
et d'érosion des sols par « plaques », se rejoignant pour former une zone «désertique ». Loin
d'être limitée aux zones hyperarides (Sahel), la désertification affecte des
régions sèches partout dans le monde, dont l'Europe. Le sud de l'Espagne, du Portugal,
de la Grèce et de l'Italie, sont particulièrement touchés, 60 % (soit environ 94 millions
d'hectares) de ces paysages méditerranéens étant menacés.

A – Les aspects normatifs

La désertification constitue, depuis plusieurs années déjà, un sujet de préoccupation pour la


communauté internationale. Les Nations Unies lui ont consacré spécialement une Conférence
en 1977, laquelle a donné lieu à l'adoption d'un Plan d'action de lutte contre la désertification
(PACD). En dépit de ces quelques initiatives, restées sans suite, cette préoccupation ne fut
traduite dans un instrument juridique qu'en juin 1994 lors de l'adoption à Paris de la Convention
des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Entrée en vigueur le 26 décembre 1996,
cette convention s'inscrit dans le sillage de la Conférence de Rio20.

La convention a pour objectif de lutter contre la désertification et d'atténuer les effets de la


sécheresse dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en
particulier en Afrique (art. 2.1). Pour atteindre les objectifs de la Convention sur la
désertification et pour en appliquer les dispositions, les Etats Parties doivent appliquer des
stratégies intégrées à long terme axées sur l'amélioration de la productivité des terres et sur «la
remise en état, la conservation et une gestion durable des ressources en terres et en eau » (art.
2.2). Ces stratégies concernent directement deux éléments essentiels des écosystèmes terrestres,
l'eau et le sol. Les Parties sont invitées à respecter, dans cette démarche, des principes, dont
notamment celui d'une participation des populations locales à la prise de décision et celui d'une
coopération internationale des actions de lutte anti-désertification (art.3).

La Convention prescrit trois types d'obligations: des obligations générales, des obligations à
charge des "pays touchés Parties" et des obligations à charge des "pays Parties développés".
Elle repose principalement sur la mise en place d'un partenariat international étroit entre les
pays touchés, les pays donateurs et les organisations internationales et non gouvernementales,
ainsi que sur l'élaboration de programmes d'action nationaux, sous-régionaux et régionaux,
ciblés en fonction des caractéristiques de chaque continent ou sous-continent (Afrique, Asie,
Amérique latine et Caraïbes, Méditerranéenne septentrionale et Europe centrale et de l'est).

20
MA. BEKHECHI, « Une nouvelle étape dans le développement du droit international de l'environnement : la
Convention sur la désertification », R.G.D.I.P., 1997, vol. 101, pp. 5-44 - M. KAMTO ; " La désertification.
Aperçu écologique et esquisse pour une Convention sur les zones désertiques, arides, semi-arides, subhumides ",
in M. PRIEUR et S. DOUMBE-BILLE (dir.), Droit de l'environnement et développement durable, Limoges,
PULIM, 1994, pp. 149-162- S. DOUMBE-BILLE, " La Convention de Paris de 1994 sur la désertification", in I.
RENS (dir.), Le droit international face à l'éthique et à la politique de l'environnement, SEBES, 1996, pp. 143-150

43
Le développement durable doit être au cœur des préoccupations, et une attention particulière
doit être portée à la situation des "pays en développement touchés Parties " (notamment au
travers des accords commerciaux ou relatifs à l'endettement). Ceux-ci ont droit à l'obtention
d'une aide pour appliquer la Convention. Dans leur action, les Parties s'engagent, en continuité
avec les enseignements de la Conférence de Rio, à adopter une « approche intégrée visant les
aspects physiques, biologiques et socio-économiques de la désertification et de la
sécheresse»(art. 4).

En outre, la convention prescrit des obligations de nature différente aux pays Parties développés
: leur rôle est de soutenir financièrement et techniquement les actions des pays en
développement touchés (art. 6 et 20). Ainsi sont-il appelés à appuyer activement " comme
convenu ", individuellement ou conjointement, l'action menée par les « pays en développement
touchés Parties », à fournir des ressources financières importantes et d'autres formes d'appui à
ces pays, à favoriser la mobilisation des fonds nouveaux et additionnels ainsi que des fonds
provenant du secteur privé et d'autres sources non gouvernementales, et à faciliter l'accès des
pays touchés, en particulier ceux en développement, à la technologie, aux connaissances et au
savoir-faire approprié.

B – Les aspects institutionnels

Trois organes sont mis en place par la convention. Organe suprême de la Convention, la
Conférence des Parties (COP) est chargée de promouvoir la mise en œuvre effective de la
Convention et de faire régulièrement le point sur cette mise en œuvre et le fonctionnement des
arrangements institutionnels. La COP est assistée d'un Secrétariat permanent, organe d'appui
technique devant aussi favoriser les échanges entre Parties (art. 23). A l'instar du SBSTTA
institué par la CDB, le Comité de la Science et de la technologie est un organe subsidiaire de la
Conférence des Parties, dont la mission est fournir à la Conférence des informations et des avis
sur des questions technologiques relatives à la lutte contre la désertification et l'atténuation des
effets de la sécheresse (art. 24). Enfin, en 2001 a été créé un nouvel organe subsidiaire, le
Comité pour l'examen de la mise en œuvre de la Convention. S'agissant des liens avec les autres
conventions - et donc la CDB -, il est expressément prévu que les Parties encouragent la
coordination des activités menées en vertu d'autres accords internationaux, dont la Convention-
cadre sur les changements climatiques et la CDB, « afin de tirer meilleur profit des activités
prévues par chaque accord tout en évitant les doubles emplois ».

§ 3 – La convention pour la protection de la couche d’ozone

Un « trou » (c'est-à-dire une chute importante dans la concentration d'ozone stratosphérique) de


la taille de l'Europe occidentale a en effet été découvert dans la couche d'ozone en 1985 au-
dessus de l'Antarctique, et s'est accentué par la suite. Composé de trois atomes d'oxygène (O3),
l'ozone est un gaz toxique présent principalement dans la stratosphère. Arrêtant les rayons ultra-
violets mortels du Soleil, la couche d'ozone stratosphérique, située entre 12 et 40 kilomètres
d'altitude, a permis à la vie de se développer dans les couches supérieures des océans et sur les
continents. Le cycle de l'ozone, caractérisé par un renouvellement constant des molécules de ce
gaz, est gravement perturbé depuis quelques dizaines d'années suite à l'apparition dans
l'atmosphère de nouveaux gaz ayant un effet destructeur sur les molécules d'ozone. L'impact
sur la biodiversité est donc potentiellement considérable21.

21
D.D. CARON, "La protection de la couche d'ozone stratosphérique et la structure de l'activité normative
internationale en matière d'environnement », A.F.D.I., 1990, pp. 704-726

44
A – Les règles de base

Adoptée à Vienne le 22 mars 1985 à l'initiative du PNUE, la Convention pour la protection de


la couche d'ozone est entrée en vigueur le 22 septembre 1988. Ayant pour but de protéger la
santé humaine mais aussi l'environnement (art. 2), la Convention de Vienne se présente comme
une convention-cadre, fondée principalement sur la coopération entre Parties. Ces dernières
s'engagent notamment à coopérer dans la recherche relative aux substances et processus
appauvrissant la couche d'ozone (art. 2), pour assurer la surveillance de l'état de cette dernière
et des causes de son appauvrissement (art. 3, annexe I), ou encore dans les domaines juridique,
scientifique et technique (art. 4, annexe II). Divers mécanismes institutionnels assez classiques
sont mis en place (Conférence des Parties, secrétariat, organes subsidiaires).

B – Le protocole

Un Protocole relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone a été adopté à Montréal
le 16 septembre 1986, le texte étant entré en vigueur le 1er janvier 1989. Modifié à quatre
reprises (1990, 1992, 1995 et 1997), ce texte très technique fixe, de façon remarquablement
précise et selon un calendrier de plus en plus strict, des obligations en termes de réduction et/ou
d'élimination d'une série de substances chimiques appauvrissant la couche d'ozone (halons,
CFC, bromure de méthyle, etc.) par un arrêt programmé de la production et de la consommation.
Préfigurant le concept de responsabilité différenciée en matière d'environnement (principe 7 de
la Déclaration de Rio, le régime prévoit des délais plus souples pour les pays en développement,
tandis qu'un mécanisme élaboré de surveillance de l'application du Protocole a été mis en place.

§ 4 – La Convention sur les polluants organiques persistants

L'une des menaces globales les plus insidieuses pour la biodiversité consiste dans le rejet dans
la biosphère de certaines substances dangereuses hautement mobiles dans l'environnement.
Cette forme de pollution peut en effet toucher des zones à priori totalement vierges d'activités
humaines, par le biais des vents, des cours d'eau et des courants marins, voire des espèces
migratrices. L'accumulation dans les tissus des organismes vivants tout au long de la chaîne
alimentaire de substances d'origine anthropique - qu'il s'agisse de métaux lourds comme le
mercure ou le cadmium ou de « polluants organiques persistants » (POP), dont les fameux PCB
ou divers pesticides comme le DDT ou l'aldrine - entraîne à la fois des perturbations
physiologiques voire génétiques des individus ingérant directement ces substances, mais aussi
des conséquences néfastes sur l'ensemble du réseau trophique par voie de bioaccumulation.

A – Le principe et les dérogations

Les associations de protection de l'environnement ont salué l'adoption à Stockholm, le 23 mai


2001, de la convention sur les polluants organiques persistants (POP), dont l'objet s'inscrit
résolument dans une approche de précaution, rappelée à l'article 1er du traité. De portée
mondiale, sans distinction selon le milieu touché, cette convention a pour objectif, à terme,
d'éliminer la production et l'utilisation de douze substances ou types de substances, à savoir des
produits industriels, comme les PCB, et divers pesticides organiques de synthèse, comme le
DDT, , dont des stocks immenses sont conservés et utilisés notamment dans les pays en
développement, qui importent ce type de substances des pays où elles sont interdites
d'utilisation.

45
Le principe du régime mis en place est simple: sur la base de «plans de mise en œuvre» (art. 7),
les Parties doivent interdire et/ou prendre les mesures « qui s'imposent » pour éliminer – et ne
pas seulement réduire – tant la production que l'utilisation, l'importation et l'exportation des
substances organiques persistantes de l'annexe A comme les PCB. Les Parties doivent
également limiter la production et l'utilisation des substances reprises dans l'annexe B, à
savoir, actuellement, le DDT (art. 3.1 et 3.2).

Il est également prévu que la production et l'utilisation par les Parties de nouvelles molécules
présentant des caractéristiques identiques aux POP doit être évitée (art. 3.3). Enfin, les Parties
s'engagent à prendre diverses mesures - dont un plan d'action national ou régional, et la
promotion du recours aux meilleures techniques disponibles - en vue de réduire, voire, si
possible, éliminer, les rejets non intentionnels de dioxines et de furanes (art. 5).

L'inscription de nouvelles substances (mais non le retrait des substances déjà visées) dans les
annexes est possible, moyennant le respect d'une procédure complexe où intervient un Comité
d'études des POP, organe subsidiaire à créer par la Conférence des Parties lors de sa première
réunion. La décision d'inscrire une nouvelle substance est prise par cette dernière, en tenant
compte « de l'incertitude scientifique », et de « manière précautionneuse », termes qui
consacrent de la façon la plus claire l'application d'une approche de précaution comme le
requiert l'article premier du traité.

Si l'obligation d'élimination est stricte, il est prévu de pouvoir y déroger, dans des conditions
étroitement encadrées par le traité « POP » (art. 3): les annexes A et B prévoient pour chaque
substance les dérogations spécifiques dont leur production ou leur utilisation peut faire l'objet.
Les dérogations spécifiques doivent faire l'objet d'un enregistrement auprès du Secrétariat de la
convention. De façon remarquable, il est prévu qu'elles ne valent en principe que pour cinq ans
au plus à compter de l'entrée en vigueur de la convention. Seule une prorogation par la
conférence des Parties peut être encore octroyée par la suite. Un registre doit en outre être établi
afin d'identifier les Etats bénéficiant de ces dérogations spécifiques (art. 4).

B – Les règles des importations et des exportations

L'importation de POP ne peut être admise qu'en vue de leur « élimination écologiquement
rationnelle » (ce terme est détaillé dans le traité) ou pour une utilisation autorisée au titre de
dérogation spécifique. De façon plus intéressante encore, l'exportation - dont on sait qu'elle est
un moyen pour les pays développés d'écouler leurs surplus de pesticides désormais interdits
d'utilisation sur leur propre territoire - n'est autorisée que pour les substances de l'annexe
A bénéficiant d'une dérogation spécifique, ou également, pour le DDT, « dans un but acceptable
» (au sens de l'annexe B, c'est-à-dire principalement la lutte contre les vecteurs de maladies
comme les moustiques et la mouche tsé-tsé) et compte tenu des règles internationales en vigueur
sur le consentement préalable en connaissance de cause.

§ 5 – La Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets


dangereux et de leur élimination (Convention de Bâle).

La Convention de Bâle sur le Contrôle des Mouvements Transfrontières de Déchets Dangereux


et leur Élimination fût adoptée le 22 Mars 1989 par 116 États et est entrée en vigueur le 5 Mai
1992. La Convention de Bâle est le traité international su les déchets dangereux le plus
important actuellement en vigueur. A ce jour, 158 Etats dont 36 des 53 pays africains sont
Parties à la Convention de Bâle.

46
A – Contexte et objectifs

L’actualité du Probo Koala en Côte d’Ivoire a mis en relief le problème de franchissement des
frontières par les déchets, qui doivent être soit recyclés, soit éliminés. Ces mouvements sont
dûs en partie à la recherche d'endroits plus appropriés et plus accessibles à ces techniques. C'est
un désastre pour l'Afrique, victime d'autres nations qui y entreposent leurs déchets. Afin
d'éliminer ce grave problème, plusieurs conventions ont été signées.

Avec le renforcement, dans les années 1970, des lois sur l'environnement dans les pays
développés, les coûts d'élimination des déchets augmentèrent considérablement. Au même
moment, la mondialisation des transports rendit les mouvements transfrontaliers de déchets plus
aisés. De plus, de nombreux PED avaient un besoin urgent de devises étrangères. Ainsi, le
commerce de déchets dangereux augmenta rapidement, plus particulièrement vers les PED.
Une des catastrophes qui favorisa la création de la Convention de Bâle fut l'affaire "Khian Sea"
(1986-1988). Ce navire était chargé de cendres provenant de l'incinérateur de Philadelphie
(États-Unis). Après avoir déposé frauduleusement 4 000 des 15 000 tonnes de sa cargaison sur
une plage haïtienne, il erra pendant plusieurs mois, refoulé à chaque tentative d'escale. Il rejeta
finalement le reste de sa cargaison en mer.

Après avoir adopté la Convention, un certain nombre de PED et d'associations de défense de


l'environnement soutinrent que le document n'allait pas assez loin. De nombreux pays et ONG
militèrent en faveur d'une interdiction totale de l'expédition de déchets dangereux à destinations
des PED. Plus exactement, la Convention originale n'interdisait pas l'exportation de déchets,
excepté vers l'Antarctique. Elle n'exigeait qu'une procédure de consentement préalable en
connaissance de cause (PIC, Prior Informed Consent). De plus, de nombreux courtiers en
déchets cherchèrent à exploiter l'image de marque du recyclage et commencèrent à présenter
les destinations de leurs exportations comme des sites de recyclage. Ceci conduisit à la prise de
conscience qu'une interdiction totale, incluant les exportations pour recyclage, était nécessaire.
Cette prise de conscience mena à la création de plusieurs interdictions régionales sur le
commerce des déchets, parmi lesquelles la Convention de Bamako.

Greenpeace et des pays européens comme le Danemark firent pression lors de la conférence de
Bâle de 1995, conduisant ainsi à l'adoption du "Ban Amendment". Considéré comme
moralement contraignant par les signataires, l'amendement interdit l'exportation de déchets
dangereux de certains pays développés (pour la plupart membres de l'OCDE) en direction de
PED. Il est applicable à l'exportation quelle que soit son motif (y compris le recyclage). Les
partisans de l'amendement ont porté une attention particulière à la vente de navires pour leur
démolition ou leur récupération. Le "Ban Amendment" a rencontré une opposition farouche
parmi les groupes d'industriels et certains pays comme le Canada ou les États-Unis. En effet,
les États-Unis, premier producteur de déchets au monde, dispose d'un accord bilatéral pour
exporter des déchets au Canada. À la fin de l'année 2005, 61 pays avaient ratifié l'amendement ;
pour entrer en vigueur, l'amendement a besoin d'être signé par 62 pays. L'état des ratifications
de l'amendement se trouve sur le site du Secrétariat. L'Union européenne a intégré dans sa
totalité le "Ban Amendment" dans sa directive sur la régulation du transport des déchets, qui
donne donc à l'amendement une valeur contraignante dans tous les États membres.

47
B - Principes et obligations des parties

Le but principal de la Convention est de protéger la santé humaine et l'environnement contre


les effets nuisibles pouvant résulter de la production, des mouvements transfrontières et de la
gestion des déchets dangereux et autres déchets. Pour ce faire, les objectifs principaux de la
Convention de Bâle sont :
 la réduction des mouvements transfrontières des déchets dangereux à un minimum
compatible avec leur gestion écologiquement rationnelle;
 le traitement et l'élimination finale des déchets dangereux d'une manière
écologiquement rationnelle aussi près que possible de leur lieu de production ;
 la minimisation de la production des déchets dangereux en termes de quantité et
potentiel de dangerosité.

La Convention établit une liste principale des matières et des déchets recyclables dangereux à
contrôler lorsqu'ils présentent l'une des caractéristiques de danger, et elle permet aux Parties de
contrôler ceux qui ne sont pas inscrits sur la liste. Deux nouvelles annexes ont été adoptées en
1998 (Annexes VIII et IX). Selon la Convention, les Parties doivent aussi:
 établir un système national d'autorisation ou de délivrance de permis pour les
personnes qui s'occupent du transport ou de l'élimination (ainsi que du recyclage et de
l'élimination finale) des déchets ou des matières recyclables dangereux;
 demander qu'un manifeste accompagne les déchets ou les matières recyclables
dangereux depuis le lieu d'origine de leur mouvement transfrontière jusqu'au lieu de
gestion;
 établir des exigences nationales en matière d'emballage, d'étiquetage et de transport,
conformément aux règles et normes internationales reconnues.

Les Parties ne peuvent pas effectuer ou autoriser des mouvements transfrontières de matières
ou de déchets recyclables dangereux:
 vers des États qui ne sont pas Parties à la Convention, sauf s'il existe un accord
bilatéral en vertu de l'article 11;
 vers l'Antarctique;
 si l'État de destination visé a interdit des importations de ce genre;
 s'il existe, dans le pays d'origine, de bonnes installations d'élimination ou de recyclage,
à moins que les déchets ne soient utilisés comme matières premières par des entreprises
de recyclage ou de récupération;
 s'il y a lieu de croire que l'État de destination ne dispose pas d'options de gestion et
d'élimination écologiques des déchets dangereux.

L'État responsable du trafic illicite doit assurer la gestion convenable des déchets ou des
matières recyclables, au besoin en les réimportant. Si une transaction est effectuée
conformément à la Convention, mais que la gestion ne peut se faire comme prévu, l'État
d'exportation doit trouver un autre arrangement convenable ou, à défaut, réimporter les
substances.
Les Parties doivent communiquer chaque année au Secrétariat des renseignements sur leurs lois
et politiques nationales ainsi que sur leurs activités d'importation et d'exportation de déchets et
de matières recyclables dangereux.

Si le mouvement transfrontière de déchets et de matières recyclables dangereux n'est pas interdit


en principe, les Parties peuvent l'autoriser seulement lorsque les États d'importation et de transit

48
ont donné à l'État d'exportation leur consentement par écrit fondé sur les renseignements
détaillés fournis.

La mise en œuvre nationale de la Convention exige :


 des lois et des règlements pour satisfaire aux exigences en matière de classification, de
contrôle des importations et des exportations, de manifestes et de bonne gestion en
matière d'environnement;
 des lois et une politique pour satisfaire aux obligations générales concernant la
réduction des déchets;
 des méthodes administratives pour appliquer et faire respecter le régime d'importation
et d'exportation;
 un appui aux initiatives de coopération technique;
 la production régulière de rapports.

L'article 14 de l'Acte Final de la Convention de Bâle consacre la création des centres régionaux
de formation et de transfert de technologie. Le développement de ces centres a reçu le support
de la Conférence sur l'Environnement et le Développement (Rio 1992) qui, dans l'Agenda 21,
chapitre 20, encourage les Gouvernements à promouvoir et faciliter le développement de
centres régionaux et sous-régionaux ainsi que des centres d'excellence concernant la gestion
écologiquement rationnelle des déchets dangereux.

Chapitre 2 : Les instruments spécifiques de la protection


internationale de l’environnement
Les instruments spécifiques de la protection internationale de l’environnement se répartissent
en deux grandes catégories : d’une part ceux relatifs aux écosystèmes terrestres et aquatiques
et, d’autre part, ceux relatifs aux écosystèmes marins.

Section 1 – La protection internationale des écosystèmes terrestres et


aquatiques
Nous examinons la conservation des grands types d’écosystèmes, la conservation des espèces
et de leurs habitats, la conservation des ressources génétiques et la lutte contre les processus
d’origine biotique de dégradation.

§ 1 – La conservation des grands types d’écosystème

Les règles spécifiques du droit international tendant à conserver certains grands types
d'écosystème peuvent être systématisées en fonction de leur objet, à savoir les écosystèmes
considérés comme exceptionnels en raison de leur valeur patrimoniale, les zones humides, les
cours d'eau et les lacs, les montagnes, les forêts et, enfin, les autres écosystèmes, y compris les
sols.

A – Les écosystèmes exceptionnels

Les écosystèmes les plus représentatifs revêtent une valeur patrimoniale qu'il conviendrait
de conserver pour le bénéfice des générations futures.

49
1 - Le programme MAB

L'UNESCO a lancé en 1974 le programme MAB sur l'Homme et la Biosphère (Man and
Biosphère) dans le dessein de créer un réseau de réserves de la biosphère. La préoccupation
première de ce projet est d'essence scientifique, les zones désignées étant constituées
d'écosystèmes représentatifs et visant à assurer une couverture biogéographique aussi complète
que possible de la planète, permettant la conservation de la biodiversité de manière plus
systématique qu'auparavant. Ces réserves, dont chacune continue de relever de la seule
souveraineté de l'Etat sur le territoire duquel elle est située, sont constituées d'écosystèmes ou
d'une combinaison d'écosystèmes terrestres et côtiers ou marins. Proposées par les
gouvernements nationaux, elles doivent répondre à un minimum de critères avant de pouvoir
être admise par le Conseil international de coordination du programme MAB dans le Réseau
auquel la participation des Etats est volontaire.

Dans la mesure où elles visent à promouvoir des solutions pour réconcilier la conservation de
la biodiversité avec son utilisation durable, les réserves de biosphère ne sont pas uniquement
des aires protégées. Elles sont appelées à s'intégrer dans leur environnement économique, social
et culturel et les populations locales sont appelés à participer à leur gestion. A cet égard, elles
sont censées remplir trois fonctions complémentaires: une fonction de conservation
(préservation des ressources génétiques, des espèces, des écosystèmes et des paysages), une
fonction de développement durable, et une fonction de support logistique (encouragement des
activités de recherche, d'éducation, de formation et de surveillance continue). Les réserves de
biosphère sont organisées selon trois zones interconnectées (l'aire centrale, la zone tampon et
l'aire de transition). Seule l'aire centrale doit être protégée par la législation nationale.

2 - La convention de l’UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, culturel et


naturel

Alors que la culture et la nature ont longtemps été perçues en Occident comme relevant d'une
opposition, un pas important fut franchi en 1972, lorsque ces deux concepts furent réunis dans
une convention à portée universelle. Considérant la nature et la culture comme des valeurs
communes contribuant au patrimoine de l'humanité, l’UNESCO élabora la Convention pour la
Protection du Patrimoine Mondial, Culturel et Naturel, laquelle fut adopté à Paris le 23
novembre 1972 (ci-après convention de l'UNESCO). Les auteurs de la convention de
l'UNESCO sont partis du constat que certains biens du patrimoine culturel et naturel
présentaient un intérêt tel qu'ils nécessitaient d'être préservés « en tant qu'éléments du
patrimoine mondial de l'humanité tout entière » (para. 7 du préambule). Or, les menaces qui
pesaient sur ce patrimoine culturel et naturel pouvaient conduire à un appauvrissement global
du patrimoine de tous les peuples du monde. Pour contrer "ces dangers nouveaux qui menacent
le patrimoine", la convention a eu pour but de permettre à la collectivité internationale "de
participer à la protection du patrimoine culturel et naturel de valeur universelle exceptionnelle,
par l'octroi d'une assistance collective" (para. 8 du préambule). Il s'agissait donc d'organiser, à
l'échelon international, un régime efficace de protection collective du patrimoine mondial, à
l'aide de méthodes scientifiques modernes.

En sus de garantir la protection du patrimoine culturel, la convention s'attache aux éléments du


"patrimoine naturel", lesquels comprennent (art. 2) :
 les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques qui ont
une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique ;
 les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées

50
constituant l'habitat d'espèces animale et végétale menacées, qui ont une valeur
universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation ;
 les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur
universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la
beauté naturelle.

L'inscription d'un bien sur la liste du patrimoine mondial ne peut se faire qu'avec le
consentement de l'Etat intéressé (art. 11.3), la demande d'inscription d'un site sur la Liste du
patrimoine mondial devant provenir du pays lui-même. L'UNESCO ne fait pas de
recommandations pour l'inscription. Pour figurer sur la liste du patrimoine mondial, les
éléments naturels doivent répondre aux critères de sélection de l'article 2 de la convention, tels
que précisés dans un document du Comité du patrimoine mondial, intitulé les «Orientations
devant guider la mise en œuvre de la Convention». Ces critères ont trait au caractère
"éminemment représentatifs " des grands stades de l'histoire de la terre, de processus
écologiques et biologiques en cours dans l'évolution et le développement des écosystèmes et
communautés de plantes et d'animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins. Les sites peuvent
également " constituer des aires d'une beauté naturelle et d'une importance esthétique
exceptionnelle ". De façon plus spécifique à la biodiversité, il est prévu d'inclure dans le
patrimoine mondial « des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et
biologiques en cours », ainsi que les «habitats naturels plus représentatifs et les plus importants
pour la conservation in situ de la diversité biologique », en d'autres termes, les écosystèmes
considérés comme exceptionnels.

Une " liste du patrimoine mondial en péril " où figurent des biens qui sont exposés à des dangers
graves et précis (art. 11.4). est tenue par le comité du patrimoine mondial. Cette liste a été
conçue pour attirer l'attention de la communauté internationale sur les conditions naturelles ou
causées par l'homme qui menacent les éléments caractéristiques qui avaient à l'origine permis
l'inscription du site sur la Liste du patrimoine mondial. Les sites en péril figurant sur cette liste
font l'objet d'une attention particulière et de mesures d'urgence.

B – Les zones humides

Terres improductives, les marais ont été valorisés en terre agricole depuis l'implantation des
abbayes cisterciennes et ce, d'autant plus aisément que leur insalubrité supposée justifiait leur
assèchement. L'avènement de l'écologie a fait un sort à ces conceptions simplistes du rôle
néfaste des zones humides. Les avantages qu'elles procurent pour les écosystèmes l'emportent
nettement sur les inconvénients qu'elles peuvent éventuellement engendrer.

1 - Les enjeux

En sus de comprendre une faune et une flore caractéristiques, les zones humides contribuent au
contrôle de la sédimentation et de l'érosion, à la maîtrise des crues, au maintien de la qualité de
l'eau, à l'épuration de la pollution, au renouvellement de l'eau de surface et de l'eau souterraine
ainsi qu'à la conservation des ressources piscicoles. Elles contribuent également à la stabilité
du climat en raison de leur rôle dans les cycles globaux de l'eau et du carbone. En raison de leur
productivité et de leur rôle de zone tampon, les zones
humides fournissent à des millions de personnes à travers le monde les matériaux, les
produits et les moyens de subsistance dont ils sont tributaires. Le revers de la médaille
tient au fait, qu'elles se trouvent soumises aujourd'hui à d'intenses pressions agricole,
piscicole, cynégétique, récréationnelle, lesquelles pourraient compromettre à terme

51
leur pérennité. De surcroît, elles sont par nature vulnérables dans la mesure où elles
dépendent, pour leur survie, de l'eau provenant d'autres régions, laquelle peut être soit
captée à des fins d'irrigation, soit être polluée par des activités se situant en amont.

2 - La convention RAMSAR

Adoptée le 2 février 1971 à Ramsar en Iran, la convention relative aux zones humides
d'importance internationale, particulièrement comme habitat des oiseaux d'eau (ci-après, la
convention de Ramsar) est entrée en vigueur le 21 décembre 1975. Depuis son adoption, elle a
été modifiée, à deux reprises, par le Protocole de Paris du 3 décembre 1982 et par des
amendements apportés le 28 mai 1987 à une session extraordinaire de la Conférence des Parties
contractantes tenue à Regina au Canada. Tout Etat membre des Nations Unies pouvant y
adhérer, la convention a une portée universelle (art. 5.3.); l'UNESCO en est le dépositaire.

L'objectif principal de la convention est « d'enrayer à présent et dans l'avenir, les empiétements
progressifs sur les zones humides et la disparition de ces zones » (par. 4 du préambule). Ces
dernières comprennent les "étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles
ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce,
saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eaux marines dont la profondeur à marée basse
n'excède pas 6 mètres" (art. 1. 1.) et peuvent "inclure des zones de rives ou de côtes adjacentes
à la zone humide et des îles ou des étendues d'eaux marines d'une profondeur supérieure à 6
mètres à marée basse, entourées par la zone humide" (art. 2.1.). Aussi les zones humides
suivantes peuvent-elles être désignées : zones marines (zones humides côtières, récifs
coralliens), estuariennes (deltas, mangroves, marais cotidaux), lacustres (lacs), riveraines (cours
d'eau) et palustres (marais, prairies humides, marécages et tourbières). Sont également visées
les étendues d'eau artificielles, comme les lacs de retenue d'eau ou les marais salants exploités.
L'une des caractéristiques du régime est qu'il s'applique non seulement aux zones humides
transfrontières (y compris certains tronçons de cours d'eau internationaux comme le delta du
Danube) mais aussi à toutes les zones humides situées sur le territoire national des Etats
membres.

Dépassant le cadre de la coopération transfrontière, la Convention de Ramsar, qui préconise


l'utilisation rationnelle de ces zones humides, constitue un cadre général dans lequel devrait
s'inscrire les politiques nationales en faveur de ces écosystèmes, et non uniquement un
instrument de conservation de sites prestigieux ou de coopération pour les sites frontaliers.

Les Parties contractantes sont soumises à trois obligations principales : l'une consiste dans la
promotion d'une utilisation rationnelle de toutes les zones humides se trouvant sur leur
territoire grâce à un éventail de politiques, de programmes et d'activités interdépendantes; la
deuxième consiste dans l'obligation de désigner des zones humides d'importance internationale
dans le but de les inscrire sur la Liste de Ramsar et d'assurer par conséquent, leur conservation
durable. Enfin, la convention encourage la coopération internationale en faveur de la gestion et
de la protection des zones humides, notamment d'importance internationale. En adhérant à la
convention, chaque Partie contractante est obligée d'inscrire au moins un site sur la "Liste des
zones humides d'importance internationale" qui est tenue par le Bureau permanent (U.I.C.N.)
(art. 2.1.). A tout moment, les Parties peuvent ajouter de nouvelles zones humides à cette liste
ou augmenter la superficie de celles qui y sont déjà inscrites (art. 2.5.). Elles doivent préciser
les limites du site désigné ainsi que sa superficie, sa situation géographique et joindre une carte
et une description de la zone.

52
Si elle présente le mérite d'accroître l'attention qui lui est portée, la seule inscription d'une zone
humide sur la Liste Ramsar ne suffit pas en soi à en assurer sa conservation. En inscrivant des
zones sur la liste internationale, les Parties contractantes se trouvent tenues d'élaborer un plan
d'aménagement en vue de favoriser leur " conservation" (art. 3.1.). Bien qu'elle soit aussi floue
que le concept d'"utilisation rationnelle", la notion de "conservation" n'a pas été précisée par le
biais de recommandations. A l'instar des zones humides en général, la majorité des sites inscrits
sur la liste de Ramsar sont exploités d'une façon ou d'une autre. Leur conservation ne peut donc
s'entendre comme une obligation de protection intégrale au regard du concept de
développement durable.

Quoi qu'il en soit, les Parties conservent une marge de manœuvre importante pour établir le
statut juridique de chacune des zones désignées, la convention se contentant seulement
d'encourager la création de réserves naturelles dans les zones humides (art. 4.1.). C'est à ce titre
que les zones humides inscrites sur la liste font l'objet de régimes juridiques dont le degré de
protection est à tout le moins variable. Le régime de protection est d'autant plus aléatoire que
l'inscription est faite "sans préjudice des droits exclusifs de souveraineté de la Partie
contractante sur le territoire duquel la zone se trouve située" (art. 2.3.). Souveraineté qui
autorise les Parties pour "des raisons pressantes d'intérêt national, de retirer ou de réduire
l'étendue des zones humides déjà inscrites" (art. 2.5.). La disparition d'une zone humide doit
néanmoins être compensée, autant que possible, par la création de nouvelles réserves naturelles
pour la sauvagine et par la protection, dans la même région ou ailleurs, d'une portion convenable
de son habitat antérieur (art. 4.2.), alors qu'il aurait été plus logique d'obliger l'Etat à classer une
nouvelle zone.

La convention est dotée d'un secrétariat, assuré par l'Union Internationale à la Conservation de
la Nature (U.I.C.N.) qui est notamment chargée de la tenue de la liste et de l'organisation des
conférences des Parties contractantes (art. 8). Enfin, un comité permanent a pour mission de
superviser la mise en œuvre de la politique générale décidée par la conférence des Parties, grâce
à un système de surveillance en continu des zones inscrites dans la liste.

C – Les cours d’eau et les lacs internationaux

Parce qu'ils s'écoulent sur le territoire de plusieurs Etats, les cours d'eau transfrontières et leurs
ressources sont convoités par les différents Etats du bassin hydrographique. Des aménagements
décidés en amont auront inévitablement des conséquences tant sur la quantité et la qualité de
l'eau disponible pour les Etats d'aval. Dans la mesure où la notion de souveraineté ne peut
s'appliquer de la même manière sur les ressources hydriques dont la propriété essentielle est la
mobilité que sur les ressources minières ou forestières, le partage des ressources des cours d'eau
a ainsi retenu l'attention de la doctrine internationale.

Les milieux aquatiques continentaux constituent les habitats naturels de nombreuses espèces de
poissons, de batraciens, d'oiseaux et de mammifères, dont la survie est tributaire d'une bonne
qualité physico-chimique de l'eau. Bien que les ressources en eaux douces soient inégalement
réparties, la pollution qui les affecte constitue une menace pour les différentes composantes de
la biodiversité qui en dépendent. A cause de leurs rejets (eaux usées, engrais, pesticides, ...)
dans le milieu naturel, les activités industrielles, urbaines et agricoles situées sur les bassins
versants ont contribué depuis plusieurs décennies à la dégradation des écosystèmes aquatiques,
en augmentant les apports nutritifs (azote et phosphore) qui sont à l'origine d'un phénomène
d'eutrophisation. Le déséquilibre résultant de l'accumulation des rejets de nutriments dans les
eaux douces conduit notamment à une simplification des biocénoses au profit d'algues dont le

53
développement intempestif entraîne la raréfaction de nombreuses espèces animales et végétales.
A bien des égards, un cours d'eau international s'apparente à une ressource naturelle partagée,
sa gestion devant concilier les intérêts des différents Etats et des utilisations qu'ils font des eaux.
Pour des raisons géographiques, le droit international des cours d'eau transfrontières revêt une
importance significative. Non seulement les cours d'eau constituent une frontière naturelle entre
de nombreux Etats, mais en outre la plupart des fleuves traversent successivement deux ou
plusieurs Etats.

Reflétant un compromis entre les Etats d'amont et d'aval, la Convention de New York du 21 mai
1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la
navigation (ci-après la Convention de New York) a été adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU dans le prolongement des travaux de la Commission de droit international qui se sont
déroulés pendant plus de vingt ans. Bien qu'elle ne soit pas encore entrée en vigueur en raison
d'un nombre insuffisant de ratifications, cette convention établit un cadre juridique et
institutionnel universel pour les cours d'eau partagés. La technique de l'accord-cadre procède
ici de la conviction que la meilleure exploitation de chaque cours d'eau devrait résulter d'un
régime juridique spécifique. Des " accords de cours d'eau " doivent donc venir compléter et
adapter les principes généraux " aux caractéristiques et aux utilisations d'un cours d'eau
international particulier ou d'une partie d'un tel cours d'eau" (art. 3.3.). De nature supplétive, les
dispositions contenues dans l'accord-cadre de New York devront de la sorte servir de fondement
aux accords plus spécifiques, tout en permettant les adaptations nécessaires au plan local ou
régional (art. 3.5).

Conformément au principe 2 de la Déclaration de Rio, les Etats parties à la convention disposent


du droit d'utiliser librement les cours d'eau, notamment par leur mise en valeur (art. 5.1.). Ce
droit a comme corollaire le devoir de coopérer à la protection des ressources hydriques en les
utilisant " de manière équitable et raisonnable " (art. 5.1.), ce qui nécessite la prise en compte "
des facteurs géographiques, hydrographiques, climatiques, écologiques et autres facteurs de
caractère naturel" (art. 6.1.a). Si le principe de la gestion équitable et raisonnable a le mérite de
concilier les intérêts socio-économiques avec les intérêts écologiques, l'application des facteurs
écologiques dans la détermination des usages de l'eau peut toutefois être tempérée par d'autres
facteurs tels que les besoins économiques et sociaux des Etats riverains (art. 6.1. b. et 6.3.).
L'obligation de ne pas causer des dommages significatifs aux autres Etats des cours d'eau (art.
7.1) complète l'obligation d'utilisation équitable et raisonnable. A l'instar du droit de la mer, il
n'y a pas d'obligation absolue d'interdire la pollution. Si un dommage significatif est néanmoins
causé à un autre Etat, l'Etat d'origine doit prendre toutes les mesures appropriées " pour éliminer
ou atténuer ce dommage" (art. 7.2). Le droit des Etats d'utiliser " de manière équitable et
raisonnable " (art. 5.1.) ne l'emporte pas sur l'obligation de ne pas causer des dommages
significatifs (art. 7.1) dans la mesure où le droit d'utilisation de la ressource doit aller de pair
avec le devoir de coopérer à sa protection (art. 5.2).

Les Parties sont également soumises à un devoir général de coopération (art. 8) qui reflète les
obligations de droit coutumier ; à ce titre, elles sont tenues d'échanger régulièrement les
informations sur l'état du cours d'eau (art. 9). Les projets susceptibles d'avoir des effets négatifs
significatifs pour les autres Etats du cours d'eau doivent leur être notifiés en temps utile (art.
12) afin de leur permettre de faire part de leurs observations (art. 15). Dans le cas où le projet
apparaîtrait comme incompatible avec la condition d'une " utilisation équitable et raisonnable "
des ressources hydriques et violerait l'interdiction de causer des dommages significatifs, les
Etats concernés peuvent engager des consultations en vue de résoudre les litiges qui les
opposeraient (art. 17). A défaut d'un règlement à l'amiable (art. 33.1.), les Parties peuvent

54
solliciter l'intervention d'une tierce partie ou décider de soumettre le différend à la Cour
internationale de justice (art. 33.2.). Si les Parties n'ont pu résoudre leur différend par les
moyens précités, celui-ci peut être soumis à une commission d'enquête (art. 33.3 à 33.9).

La notion moderne de bassin hydrographique selon laquelle le cours d'eau ne doit plus être
envisagé comme un simple conduit entre deux ou plusieurs Etats mais bien comme un ensemble
hydrographique formé par un fleuve, ses affluents, les lacs et les eaux souterraines qui
l'alimentent n'a pas été consacrée comme telle dans la Convention de New York, les auteurs lui
préférant la notion de " système d'eaux ". Mettant davantage l'accent sur les eaux elles-mêmes
que sur l'aspect territorial qui découle de la notion de bassin, la notion de "système d'eaux " a
pu en effet recueillir plus facilement un consensus auprès des Etats de la communauté
internationale.

Or cette notion n'est pas si éloignée des présupposés scientifiques. En définissant le concept de
" cours d'eau " comme " un système d'eaux de surface et d'eaux souterraines constituant, du fait
de leurs relations physiques, un ensemble unitaire et aboutissant normalement à un point
d'arrivée commun " (art. 2. a.), la convention met en effet moins l'accent sur le fleuve
transfrontalier que sur les eaux qui l'alimentent. L'importance qui aurait dû être accordée à
l'unicité du cycle de l'eau semble pourtant avoir été négligée par le peu d'attention dont fait
l'objet le milieu marin.

En effet, la logique du droit international public classique où les questions liées aux eaux
intérieures et aux eaux marines sont traitées séparément ne semble pas avoir été remise en cause
par la convention de New York. Il est seulement prévu que " les Etats du cours d'eau,
séparément, et, s'il y a lieu, en coopération avec d'autres Etats, prennent toutes les mesures se
rapportant à un cours d'eau international qui sont nécessaires pour protéger et préserver le milieu
marin (...) " (art. 2.3.). Quelques dispositions de la convention de New York devraient aussi
contribuer à la sauvegarde de la biodiversité. Ainsi, les Etats sont-ils tenus de protéger et de
préserver les écosystèmes des cours d'eau internationaux ce qui couvre toutes les terres
adjacentes (art. 20), de prévenir leur pollution (art. 21) ainsi que l'introduction d'espèces
étrangères nouvelles qui pourraient avoir des effets préjudiciables pour l'écosystème (art. 22)
et de préserver le milieu marin, y compris les estuaires (art. 23).

Rendu à propos d'un litige qui opposait la Hongrie à la Slovaquie à propos des conséquences
écologiques d'ouvrages hydrauliques sur le Danube, l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros de la Cour
internationale de Justice22 donne un nouvel éclairage au droit des cours d'eau transfrontières.

La Hongrie et la Tchécoslovaquie avaient signé en 1977 un traité relatif à la construction et au


fonctionnement d'un système d'écluses sur un tronçon du Danube. A la suite de vives critiques
et des transformations politiques qui avaient suivi la chute du mur de Berlin, le gouvernement
hongrois décida de suspendre la construction d'une partie du barrage. S'estimant lésée par ce
retrait unilatéral, la Slovaquie saisit la Cour internationale de justice, entre autres, pour savoir
si la Hongrie était en droit de suspendre puis d'abandonner les travaux hydrauliques qu'elle était
engagée à réaliser en vertu du traité conclu en 1977. Les arguments de la Slovaquie étaient
essentiellement fondés sur l'obligation d'observer le traité alors que la Hongrie insistait sur le
devoir de protéger l'environnement. Les différents arguments avancés par la Hongrie pour
justifier la terminaison unilatérale du traité qu'elle avait conclu avec l'ancienne Tchécoslovaquie
sous l'ère communiste ont été écartés par la Cour internationale de Justice.
22
CIJ, arrêt du 25 septembre 1995, affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie / Slovaquie), § 140
http://www.icj-cij.org/cijwww/cdocket/chs/chsjudgment/chs_cjudgment_970925.htm

55
Vu le risque écologique qu'aurait entraîné la construction du barrage, la Hongrie avait justifié
son attitude au regard d'un état de nécessité. Tout en reconnaissant le caractère sérieux des
préoccupations environnementales avancées par la Hongrie pour justifier son refus d'observer
le traité relatif à la construction d'ouvrages hydrauliques sur le Danube, la Cour internationale
de justice n'a pas admis qu'il y avait là un péril grave et imminent en raison du caractère incertain
des dommages invoqués par les autorités hongroises. Selon la Cour, les dommages que la
Hongrie appréhendait " devaient résulter avant tout de processus naturels relativement lents
dont les effets ne pouvaient être aisément évalués" (§ 56).

En revanche, la Cour internationale de justice a perçu l'intérêt de prendre en considération


l'évolution des mentalités dans le domaine de l'environnement. Elle a jugé que les nouvelles
normes du droit de l'environnement, adoptées à la suite du traité de 1997, devaient être prises
en compte par les Parties dans le cadre de l'exécution de leurs obligations respectives. Celles-
ci devaient "s'acquitter de leurs obligations de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube
ne soit pas compromise et à ce que la protection de la nature soit assurée" (§112). L'obligation
réciproque de discuter de bonne foi des risques réels et potentiels pour l'environnement était en
l'espèce " d'autant plus important que l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien
l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y
compris pour les générations à venir" (§112).

Le point le plus important de l'arrêt consiste en la prise en considération des nouvelles normes
du droit de l'environnement dans l'exécution d'un traité conclu entre ces deux Etats : « La Cour
ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la
prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à
l'environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de
dommage (...). Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences
nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des Etats envisagent de nouvelles
activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le
concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement
économique et protection de l'environnement» (§ 140). La Cour a jugé en définitive qu'il
revenait aux parties de « trouver d'un commun accord une solution qui tienne compte des
objectifs du traité -qui doivent être atteints de façon conjointe et intégrée- de même que des
normes du droit international de l'environnement et des principes du droit relatif aux cours
d'eau internationaux »(§ 141).

D – Les sols

Occupant une place majeure dans les équilibres bio-géo-chimiques, notamment dans celui de
l'eau douce, les sols servent de support, de réservoir et d'alimentation en eau et en éléments
minéraux au monde végétal. La biodiversité des sols est pourtant largement méconnue, alors
que de nombreuses pressions s'exercent aujourd'hui sur ce type d'écosystème. Les espaces
fonciers sont gravement affectés sur les continents les plus démunis par une double action :
d'une part, celle de l'homme qui, en raison de l'utilisation anarchique des sols provoque leur
épuisement ; d'autre part, celle de phénomènes naturels, notamment les variations climatiques
qui ont engendré au cours de ces dernières décennies des sécheresses sur différents continents.
L'action conjuguée de ces deux phénomènes a conduit, dans de nombreuses régions du monde,
non seulement à la disparition du couvert forestier mais aussi à la raréfaction des cultures.

56
La protection des sols est intimement liée à l'aménagement du territoire et au droit foncier, à
savoir aux régimes juridiques de détention, d'occupation et d'utilisation des sols. Or, pour des
continents comme l'Afrique, tant l'accès à la terre et à l'eau que le statut des terroirs se trouvent
à la croisée des chemins entre les pratiques coutumières, le droit traditionnel et le droit moderne
influencé par le régime juridique mis en place par les anciennes colonies.

Les sols constituent sans aucun doute le parent pauvre par excellence du droit international de
la protection de l'environnement, même si depuis plusieurs années, les connaissances sur leur
fonction écologique ont progressé. A la différence du régime des cours d'eau internationaux, le
droit international n'a jusqu'à présent, pas apporté de réponses appropriées au plan institutionnel
et juridique pour protéger les sols. L'on notera, d'abord, que les quelques instruments qui
évoquent cette problématique sont non contraignants : (par. 13, d) et e) de la Charte mondiale
de la conservation de la nature de 1982 et chapitre 12 de l'Agenda 21. Ensuite, la protection des
sols n'est abordée que de manière incidente dans un nombre limité de régimes conventionnels
(art. 4 de la Convention d'Alger du 15 septembre 1968 sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles, ...).

Lors de la conférence de Rio sur l'environnement et le développement, les Etats du sud ont fait
savoir qu'il leur manquait cruellement une convention internationale spécifique pour juguler les
phénomènes de dégradation des sols et de désertification, lesquels avaient pris des proportions
dramatiques en Afrique, avec les sécheresses récurrentes des années quatre-vingt. C'est à la
suite de cette conférence que fut adoptée le 17 juin 1994 une Convention internationale sur la
lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la
désertification, en particulier en Afrique.

E – Les forêts

Si la problématique de la protection des forêts occupe largement le champ du débat sur


l’environnement, il conviendrait de présenter de manière spécifique la question des forêts du
Bassin du Congo.

1 – Aspects généraux

Les forêts représentent un enjeu mondial à plusieurs titres : réserve de bois, "poumon vert" de
la planète, réserve de ressources génétiques (les forêts tropicales contiendraient près de 80% de
la biodiversité mondiale terrestre), elles sont aussi le lieu de vie des "peuples des forêts", soit
près d’1,5 milliard d’individus, parmi les plus pauvres de la planète et les plus fragiles face aux
progrès de la globalisation. Espaces producteurs de ressources sylvicoles, supports d'usages
multiples (esthétiques, récréatifs, cynégétiques), les forêts constituent un patrimoine naturel
important lorsqu'elles sont gérées de manière avisée. On estime d'ailleurs qu'elles contiennent
la moitié de la diversité biologique totale du monde. Les forêts peuvent également, dans
certaines conditions ralentir le réchauffement en servant de puits de carbone. Leur conservation
ou leur destruction pouvant avoir une incidence significative sur les changements climatiques,
elles constituent pour cette raison un enjeu crucial dans la mise en œuvre du Protocole de Kyoto.
A l'échelle mondiale, les forêts ou certaines de leurs essences peuvent être protégées au titre de
la Convention pour la Protection du Patrimoine Mondial, Culturel et Naturel (41 forêts
tropicales sont reprises sur la liste du patrimoine mondial), de la CITES (quinze espèces
d'essences tropicales commercialisées sont énumérées aux annexes I et II).

57
A la différence des cours d'eaux internationaux, les forêts souffrent donc cruellement de
l'absence d'un régime conventionnel spécifique. La Conférence de Rio de 1992 a d'ailleurs vu
avorter en raison du lobby des Etats tropicaux comme la Malaisie et le Brésil, les tentatives
d'élaborer un régime conventionnel forestier dans lequel les associations de protection de
l'environnement avaient mis beaucoup d'espoir. Seule une Déclaration de principes, non
juridiquement contraignante, mais faisant autorité pour un consensus mondial sur la gestion, la
conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, en d'autres
termes, un document dépourvu de toute portée-juridique, fut adoptée au terme de cette
conférence. Au demeurant, les principes énoncés dans cette déclaration encouragent davantage
la libre exploitation et le libre commerce des bois qu'ils ne garantissent la protection des forêts.

Tout en reconnaissant " le rôle vital que jouent tous les types de forêts dans le maintien des
processus et de l'équilibre écologiques" et de la biodiversité (principe 4), cette Déclaration
consacre, plus particulièrement, dans le prolongement du principe 2 de la Déclaration de Rio,
le droit souverain des Etats " d'utiliser, de gérer et d'exploiter leurs forêts conformément à leurs
besoins en matière de développement et a leur niveau de développement économique et social,
ainsi qu'à des politiques nationales compatibles avec le développement durable et leur
législation " (principe 2.a). Les ressources et les terres forestières doivent néanmoins être gérées
d'une façon « écologiquement viable » (principe 2.b). Le chapitre 11 de l'Agenda 21 énonce,
quant à lui, les principes d'action contre le déboisement.

Adopté dans le prolongement de la Déclaration de Rio sur les forêts, l'Accord international sur
les bois tropicaux du 26 janvier 1994, qui couvre 90% du commerce international de bois
tropical, vise à améliorer la coopération internationale en matière de l'économie mondiale du
bois. L'autorité suprême de l'Organisation est le Conseil international des bois tropicaux, qui
se compose de tous les membres de l'organisation. Les objectifs de l'Accord sont principalement
d'ordre économique (élimination des barrières tarifaires). Reconnaissant la souveraineté des
membres sur leurs ressources forestières, telle qu'elle est définie dans le principe 1 a) de la
Déclaration de principes (art. 1er), l'Accord encourage toutefois l'élaboration de « politiques
nationales visant à l'utilisation et à la conservation durables des forêts productrices de bois
d'œuvre et de leurs ressources génétiques, et au maintien de l'équilibre écologique des
régions concernées, dans le contexte du commerce des bois tropicaux » (art. 1, I).

Depuis 1997, le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF, résolution 1997/65 de
l'ECOSOC), a débattu sans grand succès, sous l'égide de la Conférence des Nations unies sur
l'environnement et le développement, de l'opportunité d'une convention internationale sur la
protection des forêts. L’Afrique du Sud a lancé lors de la session du FNUF de mars 2002, une
initiative pour la forêt du bassin du Congo, soutenue par la France et les Etats-Unis. L'adoption
d'un régime de conservation (sous la forme d'un protocole à la CDB, par exemple) se heurte au
refus de plusieurs États qui sont opposés à ce que des limitations soient apportées à leur
souveraineté sur leurs ressources sylvicoles. Pas plus que lors de la sixième COP à la CDB, un
instrument conventionnel global en faveur des forêts n'a été envisagé dans le plan
d'engagements de Johannesburg de septembre 2002. L'impasse semble donc complète à cet
égard.

A défaut d'un régime juridique mondial sur la conservation des milieux forestiers, l'on a vu
éclore, depuis une dizaine d'années, des initiatives volontaires qui consistent à certifier la
conformité des modes de production sylvicole au regard de critères liés au développement
durable. En octobre 2000, un organe intergouvernemental, le Forum des Nations unies sur les
Forêts, a toutefois été institué, notamment dans le dessein de renforcer la coordination des

58
politiques forestières. Le principal moyen d'action de ce forum est son programme de travail
pluriannuel et le plan d'action.

59
2 – Les forêts du bassin du Congo

Copyright © 2004 African Geopolitics / Géopolitique Africaine

Jean Didier Boukongou*

LA PROTECTION DU BASSIN DU CONGO


UN ENJEU MULTILATÉRAL

L’Afrique centrale n’est pas qu’une terre de conflits et de calamités naturelles. Certes, elle est
marquée par les conflits, les problèmes des réfugiés et populations déplacées, la pauvreté,
l’impunité et la corruption. Mais elle est aussi, malgré ces divers maux incontestables, un oasis de
la biodiversité, dont la conservation et la protection suscitent un intérêt évident et croissant de la
communauté internationale.
Non pas que l’on assiste au retour de l’idéologie du « bon sauvage » utile au « monde civilisé »,
mais parce que les forêts du bassin du Congo constituent un « poumon » précieux pour l’humanité.
Au-delà des traditionnelles querelles23 des thuriféraires de la protection de l’environnement et de
la pertinence des programmes publics préconisés24, on constate une prolifération d’initiatives
multilatérales qui tentent de relever, en même temps que la protection du bassin du Congo, le défi
de la préservation de la vie sur terre.
Pourtant, même les prédicateurs du développement durable ne peuvent oublier que la « bio-
humanité » est une vision naturellement complexe de la société. Aussi loin que l’on peut remonter
dans le temps, et selon le message divin, l’homme retourne toujours à la nature. Cela implique une
organisation et une structuration des espaces qui ne pourront pas se limiter à la protection de la
faune et de la flore.
Aussi bien, la préoccupation internationale autour de l’écosystème du bassin du Congo n’est ni le
résultat d’une soudaine philanthropie, ni l’aboutissement d’un écologisme triomphant. La région
est un lieu de dynamiques géopolitiques, où les forêts cachent le pétrole et les conflits. Il me semble
fondamental de ne pas dissocier la question des forêts de celle, moins médiatique, du pétrole et des
autres ressources minérales dont regorgent les espaces terrestres et marins de l’Afrique centrale.

*
Professeur à l’Université catholique d’Afrique centrale (Cameroun).
23
. On lira notamment sur le sujet : Pierre-Marie Dupuy, « Où est le droit international de l’environnement à la
fin du siècle ? », in RGDIP, Tome 101/1997/4, Pédone, Paris, 1997 ; Françoise et Gérard Conac, La terre, l’eau
et la droit en Afrique, A Madagascar et à l’Ile Maurice, Bruylant/AUPELF-UREF 1998, 759 p. ; Maurice Kamto,
Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, Paris, 1996, 416 p. ; Jean-Luc Mathieu, La protection
internationale de l’environnement, PUF, Paris, 1995, 127 p. ; Nicolas de Sadeleer, Les principes du Pollueur-
Payeur, de Prévention et de Précaution, Bruylant/AUF, Bruxelles, 1999, 437 p. ; Michel Prieur, Droit de
l’environnement, Dalloz, Paris, 1991, 775 p. ; Paul Dasse, « Mise en œuvre du droit international de
l’environnement dans le secteur marin et littoral » in Mise en œuvre nationale du droit international de
l’environnement dans les pays francophones, Pulim, Limoges, 2003 ; Roger Foteur, « Dossier-Forêts » in OIF,
Objectif terre, Bulletin de liaison du développement durable de l’espace francophone, Vol.5 n°4, 2003 p.5-6 ; Jean
Bernard Mombo, « La ressource forestière au Gabon : une économie de rente en quête d’industrialisation et de
gestion durable » in Enjeux, Bulletin d’analyse Géopolitique pour l’Afrique Centrale, n° 12, décembre 2002,
p.13.
24
. Paul Halley et Melissa Deforte, « Le bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) :
participation publique et évaluation environnementale » in RJE, Société française pour le droit de l’environnement,
mars 2004, n°1.

60
Les prédateurs sont dans les forêts et dans les espaces politiques, en quête de légitimité
démocratique25.
Je préconise donc l’élargissement du débat « vert » au débat « politique » pour mieux gouverner le
bassin géopolitique du Congo, une prise en charge réelle et multilatérale des problèmes de l’Afrique
centrale, qui, pour être écologiques, n’en sont pas moins politiques. Il s’agit de mettre en relief les
enjeux politiques et citoyens d’une part, les instruments juridiques et cadres institutionnels d’autre
part, pour mieux assurer le passage progressif de la « gouvernance noire » (celle du pétrole) à la
« gouvernance verte » en Afrique centrale.

Un bassin géopolitique

L’ensemble géographique appelé « bassin du Congo » comprend des territoires qui s’étendent entre
la fin des espaces sahéliens du Tchad et du Soudan et la lisière des plaines bordant le Zambèze. La
vision volontairement extensive de ce bassin bat en brèche la thèse d’un confinement de cet
ensemble forestier dans les délimitations étroites et postcoloniales des États de l’Afrique centrale,
sans remettre en cause les principes consacrés en droit international sur les frontières. Ce bassin
représente une vaste étendue forestière d'environ 2 300 000 km2, soit 6 % de la surface forestière
mondiale26. Ses forêts sont reconnues pour leur diversité biologique exceptionnelle et contribuent,
de manière importante, à la lutte contre l'effet de serre en absorbant le carbone dans l'air27. Ce milieu
naturel abrite plus de la moitié des espèces animales et végétales du monde. Il est aussi perçu par
certains comme le terreau de nombreuses maladies, comme la terrible fièvre Ebola.
Le bassin du Congo regroupe plusieurs pays (Cameroun, Congo, République démocratique du
Congo, République centrafricaine, Guinée équatoriale, Gabon, Burundi, Rwanda, Angola et
Tchad), qui forment (avec Sao tomé et Principe) la Communauté économique des États de l’Afrique
centrale (CEEAC). On pourrait donc parler, d’une part d’une dynamique d’identification du bassin
du Congo à la CEEAC, d’autre part d’une logique de construction d’un territoire régional où la
gouvernance durable des écosystèmes devrait contribuer, par la mobilité des hommes, les liens
économiques et les fluidités écologiques, au retour et au renforcement de la paix.
Rappelons que, lors du sommet du millénaire à New York en 2000, les chefs d’État et de
gouvernement ont déclaré leur volonté de n’épargner « aucun effort pour éviter à l’ensemble de
l’humanité, et surtout à nos enfants et petits-enfants, d’avoir à vivre sur une planète
irrémédiablement dégradée par les activités humaines et dont les ressources ne peuvent plus
répondre à leurs besoins »28. Cet appel se situe dans la dynamique de la mise en chantier du concept
de développement durable, préconisé par l’UICN29 en 1980 et repris dans le rapport Bundtland en
198730. Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de
protéger et de rétablir l’intégrité de l’écosystème terrestre.
Certes, au titre des résolutions 1803 (XVII) et 1514 (XV)31 de l’Assemblée générale des Nations
Unies et du principe 2 de la déclaration de Rio, « les États ont le droit souverain d’exploiter leurs
propres ressources selon leur politique d’environnement et de développement ». En d’autres termes,
ils peuvent mettre en œuvre leurs politiques environnementales d’une manière unilatérale. Mais ces

25
. Jakkie Cilliers et Kathryn Sturman, « The right to intervention. Enforcement challenges for the African
Union”, in African Security Review; vol. 11, n°3, 2002.
26
. CEFDHAC/UICN, Bases pour la mise en cohérence des politiques et lois forestières des pays d’Afrique
centrale, UICN/UE, 1996, p. IV
27
. http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/EconomieDeveloppement/811.asp
28
. ONU, Déclaration du millénaire, New York, 2000, (Résolution A/RES/55/2 de l’AG de l’ONU), 16 p.
29
. International Union for Conservation of Nature and Natural Resources (IUCN) ; en français : Union
mondiale pour la nature, créée en 1948.
30
. UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la biodiversité, Edition française 1994, Bureau des ressources
génétiques et Comité français pour l’UICN, 1992, p. 231.
31
. Sitack Yombatina, Droit de l’environnement à l’épreuve des représentations culturelles africaines, mémoire
de DEA, Université Catholique de Bruxelles, 2000, p.67.

61
actions ne produisent guère d’effet. C’est à l’échelle de la terre comme espace continu que se
répercutent les conséquences de la dégradation de l’environnement et de certaines catastrophes
naturelles ou industrielles. Ce n’est qu’à cette échelle également que des initiatives adéquates
peuvent être prises pour aboutir à des résultats durables et conséquents.

Une coopération internationale

De fait, la protection de l’environnement est devenue l’un des enjeux les plus importants des
relations mondiales contemporaines. La coopération internationale s’impose pour protéger des
éléments du patrimoine commun de l’humanité dont aucun pays n’a, en propre, la responsabilité,
celle-ci incombant à tous. De même, la qualité de l’air et de l’atmosphère dépendent d’une
coordination mondiale dans de nombreux domaines.
C’est ainsi que la sauvegarde de la qualité des eaux d’un fleuve frontière, ou d’un lac partagé entre
plusieurs pays, nécessite une coordination et une coopération internationales. Comme l’a
judicieusement rappelé la Cour internationale de justice dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros : « Au
cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des raisons économiques et
autres. Dans le passé, il l’a souvent fait sans tenir compte des effets sur l’environnement. Grâce
aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la
poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité –
qu’il s’agit des générations actuelles ou futures – de nouvelles normes et exigences ont été mises
au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières
décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles
convenablement appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités,
mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé. Le concept de
développement durable traduit cette nécessité de réconcilier développement économique et
protection de l’environnement »32.
À partir du sommet de la Terre à Rio en 1992, la pression exercée par les ONG et les bailleurs de
fonds internationaux a conduit les gouvernements à aménager leurs cadres institutionnels et à se
doter de politiques cohérentes, c’est-à-dire de programmes de gouvernance environnementale
relatifs à l’espace national, régional et international. Au niveau sous-régional, de telles initiatives
ont débouché sur la mise en place de mécanismes et processus tels que la Conférence des ministres
en charge des forêts d’Afrique centrale (Comifac)33, la Conférence sur les écosystèmes des forêts
denses et humides d’Afrique centrale (Cefdhac) et la Conférence des ministres sur l’application des
lois forestières et la gouvernance en Afrique (Afleg)34.
Organisé en mars 1999 à Yaoundé, le sommet des chefs d’États d’Afrique centrale sur la
conservation et la gestion durable des forêts tropicales a confirmé l’engagement pris à Rio de
conduire des politiques communes pour la gestion durable des écosystèmes forestiers. Cette
dynamique régionale a abouti à l’élaboration et l’adoption d’un « plan de convergence » pour le
bassin du Congo, avec pour objectif principal « la conservation, la restauration, le développement
et l’utilisation durable des ressources biologiques dans le cadre d’une gestion concertée pour le
développement économique social et culturel des populations et pour la sauvegarde de
l’environnement mondial »35. Ce plan de convergence couvre une période décennale (2004-2013)
pour un coût global estimé à 1,5 milliard de dollars US, soit 840 milliards de F CFA36.

32
. CIJ, arrêt du 25 septembre 1995, affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie / Slovaquie), § 140
http://www.icj-cij.org/cijwww/cdocket/chs/chsjudgment/chs_cjudgment_970925.htm
33
. Comifac, Déclaration sur le partenariat pour la préservation des forêts du Bassin du Congo, Yaoundé, 1999.
34
. François Ossama, « les enjeux des forêts du Bassin du Congo » in OIF, Objectif terre, Bulletin de liaison du
développement durable de l’espace francophone, Vol.5, n°4, 2003, p.7.
35
. Comifac, Plan de convergence et Actions prioritaires 2003-2005, Yaoundé, 2002.
http://www.riddac.org/document/pdf/declarationyaounde.pdf
36
. http://www.congopage.com/article.php3?id_article=1919

62
La dynamique régionale a induit une prise en charge internationale de cette préoccupation
universelle, et le sommet de Johannesburg sur le développement durable, en septembre 200237 a
ouvert la voie à une initiative multilatérale : les États-Unis d’Amérique et l’Afrique du sud ont
inspiré, à côté de bien d’autres acteurs, l’idée d’un partenariat multilatéral pour la protection des
forêts du bassin du Congo. Considérées comme le poumon gauche de la terre, ces forêts constituent
une réserve végétale et animale inextricablement liée à la vie de l’homme38. Selon Walter
Kansteiner, elles constituent un « trésor mondial », un « poumon mondial » pour la préservation de
la diversité biologique.
L’idée a conduit à une institutionnalisation de ce partenariat, dans lequel on trouve près d’une
trentaine d’acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux39, tous engagés à financer et à
mettre en œuvre des programmes pour la conservation et la gestion durable des forêts du bassin du
Congo sur les années à venir40. Selon John Turner, un tel partenariat entre États, organisations
internationales, ONG, entreprises et autres acteurs de la société civile se fonde sur l’idée que la
création des conditions propices au développement durable est une tâche de trop grande ampleur
pour que les États puissent seuls l’assumer et l’exécuter.

Le PFBC, un partenariat original

Le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) est défini comme « une association qui
regroupe 29 organisations gouvernementales et non gouvernementales et qui s'efforce d'améliorer
la communication et la coordination entre ses membres concernant leurs projets, programmes et
politiques pour promouvoir la gestion durable des écosystèmes et des ressources naturelles des
forêts du bassin du Congo, ainsi que pour améliorer la vie des habitants de la région. Le PFBC ne
participe pas directement à la mise en œuvre ou au financement des programmes et ne dispose pas
de secrétariat ou de personnel. Par contre, il assure un service de coordination entre bailleurs de
fonds et organismes d'exécution et sert de forum pour le dialogue. Le PFBC vise à sensibiliser
davantage les bailleurs et autres aux programmes qui sont actuellement financés et mis en œuvre
par ses organisations membres, à relever l'efficacité de ces programmes et des activités de
coordination correspondantes, ainsi qu'à identifier et éliminer les lacunes et les chevauchements
des programmes et des financements. »41.
Le PFBC est donc une association conclue à l'amiable et non contraignante de gouvernements,
d'entreprises privées et de la société civile, constituée pour mettre à exécution le calendrier convenu
au sommet sur le développement durable de 2002. Il repose aussi sur la déclaration de Yaoundé de
1999, qui engage les signataires à coopérer à l'échelle régionale dans le but d'améliorer la gestion
des ressources, créer des aires protégées transfrontalières, harmoniser les politiques forestières,
lutter contre le braconnage et mettre au point des stratégies favorisant l'utilisation durable des forêts.
Les activités du PFBC sont destinées à soutenir les institutions existantes, telles que la Comifac et
son plan de convergence.
Annoncée pour le mois de février 2005 à Brazzaville42, le deuxième sommet des chefs d’État
d’Afrique centrale sur le bassin du Congo devrait consacrer le passage du bassin « géographique »
au bassin « politique ». Y participeront, outre les chefs d’États des pays de la zone, des délégués

37
. www.sommetjohannesburg.org
38
. Voir article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981)
39
. Cameroun, République centrafricaine, République Démocratique du Congo, Guinée Equatoriale, Gabon,
République du Congo, Belgique, Canada, France, Allemagne, Japon, Afrique du sud, Royaume-Uni, États-Unis
d’Amérique, Commission européenne, Organisation internationale des bois tropicaux, Banque mondiale, Union
mondiale pour la conservation de la nature, Jane Googall Institut, Conservation internationale, Wildlife
Conservation Society, Fonds mondial pour la nature, World Resources Institute, Forest Trends, Society of
American Foresters, American Forest & Paper Association, Association technique et internationale des bois
tropicaux, Center for international Forestry Research.
40
. http://www.cbfp.org
41
. http://www.cbfp.org/fr/about.aspx
42
. http://www.congo-site.info/index.php?action=article&id_article=90178

63
des pays du G-8 et des institutions internationales, des organisations régionales et sous-régionales.
Un traité régional sur la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale devrait y être
signé.
Faisant suite à la troisième réunion du partenariat pour les forêts du bassin du Congo et à une
conférence des ministres en charge des forêts et/ou de l’environnement, ce deuxième sommet
portera sur l’exécution des résolutions du sommet de Yaoundé, la mise en œuvre du plan de
convergence, la confirmation de la requête introduite par la Comifac auprès des partenaires sur
l’éligibilité de l’initiative « bassin du Congo » aux mécanismes de financement tels que « l’échange
dette contre conservation », le bénéfice des crédits de carbone et les prêts à long terme.
La conviction est donc largement partagée que le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo
« favorisera le développement économique, la réduction de la pauvreté et l'amélioration de la
gouvernance locale grâce à la mise en œuvre de programmes de protection des ressources
naturelles »43. Il devrait contribuer à « l’augmentation des revenus des États et la protection de la
biodiversité, tant au niveau des aires protégées que dans les espaces forestiers à vocation de
production »44.

Des efforts politiques et citoyens

Si l’exploitation du pétrole reste la source majeure des ressources publiques en Afrique centrale, la
tendance actuelle à la baisse de la production interpelle les divers acteurs, locaux et internationaux.
Certes, d’aucuns voient dans l’engouement pour la protection des forêts du bassin du Congo une
avancée masquée des grandes puissances pour consolider leur présence dans le secteur des
ressources naturelles. D’autres parlent même de détournement de l’opinion publique pour mieux
consolider les dynamiques néo-coloniales d’appropriation de l’or noir du golfe de Guinée.
Le mécanisme original qu’est le PFBC fonde une alliance stratégique entre des acteurs ayant des
logiques différentes et des intérêts parfois contradictoires. Le seul fait de s’accorder sur un projet
régional à caractère mondial démontre que des stratégies multilatérales peuvent être mises en route
pour prendre en charge l’ensemble des problèmes de l’Afrique centrale, dont les forêts ne sont qu’un
aspect. Car l’objectif de la protection des forêts du bassin du Congo ne se limite pas à sublimer
« l’or vert » de l’Afrique centrale. Cette initiative ne saurait occulter les problèmes de fond de
l’Afrique centrale, les réalités politiques et sociales des pays qui la composent, la difficulté à ancrer
dans l’espace public les procédures démocratiques et une culture de la gouvernance.
On en attend d’abord une démultiplication des efforts en matière de démocratisation et de
participation. La protection de l’environnement est un enjeu civique et citoyen. Les programmes à
réaliser, aussi ambitieux soient-ils, ne devront leur durabilité qu’à la prise de conscience des acteurs
locaux et à leur réelle implication dans la protection du milieu dans lequel ils vivent
quotidiennement. On peut donc inférer que le PFBC doit s’inscrire dans une logique de mobilisation
sociale et de participation citoyenne à la détermination des priorités de l’État. La délibération et une
représentation publique légitime sont très importantes pour éviter un enlisement technocratique du
processus et sa dénaturation sociale.
Une lettre adressée le 22 janvier 2003 par les ONG d’Afrique centrale aux acteurs du PFBC souligne
les points majeurs qui méritent d’être inscrits dans les différents agendas politiques nationaux et
régionaux des pays de la région et des partenaires45. Il s’agit, entre autres, de la participation de la
société civile et des populations du bassin du Congo au leadership forestier, de l’accès à
l’information sur le processus, de la lutte contre le pillage des ressources et l’impunité, de la faible
participation des communautés locales. Ces acteurs ont identifié la mauvaise gouvernance forestière
comme source principale de la dégradation des écosystèmes du bassin du Congo. Aussi invitent-ils
les partenaires du PFBC à n’accorder aucun financement public aux acteurs coupables des pratiques

43
. http://usinfo.state.gov/francais/sustain/f3031304.htm
44
. http://www.diplomatie.gouv.fr/cooperation/developp/foret_congo/propositions.html
45
. http://www.fern.org/pubs/ngostats/CBFP.htm Il faut noter que d’autres acteurs de la société civile ont
exprimé, dans une seconde lettre du 23 juin 2004, leur satisfaction sur la participation de la société civile au PFBC.

64
illégales, à prendre des sanctions contre ceux qui exploitent illégalement la forêt et à améliorer le
contexte politique et juridique du processus.
En second lieu, la décentralisation constitutionnellement proclamée dans la majorité des États
d’Afrique centrale devrait induire la question de la gouvernance locale des forêts et des intérêts
forestiers46. Non seulement les tensions sont prévisibles avec le pouvoir central en matière
d’aménagement des territoires, mais aussi, et surtout, il faut s’attendre à une émergence des
baronnies locales qui inciteront à contourner systématiquement les administrations et procédures
nationales de contrôle et d’évaluation.
Enfin, il faudra tenir compte de l’impact des contraintes internationales (lutte contre la corruption,
lutte contre la pauvreté, droits des peuples autochtones, etc.) sur les dynamiques nationales et
locales de l’économie des forêts. Les autres initiatives internationales prises pour sortir les pays
d’Afrique centrale de leur situation de sous-développement devront trouver une cohérence
d’ensemble avec le processus de protection des forêts du bassin du Congo. C’est le cas, par exemple,
du traitement de la dette internationale. Le niveau des financements annoncés par les divers
partenaires est trop faible au vu des besoins réels du bassin du Congo. Il serait donc pertinent de
trouver des solutions adéquates dans la réduction des dettes par un mécanisme de type PPTE, qui
prendrait en charge la question de la protection de l’environnement.

Les défis de la gouvernance forestière

La problématique de la gouvernance forestière en Afrique centrale pose des préoccupations de trois


ordres. La première est l’amélioration souhaitée du cadre juridique et institutionnel d’accès aux
secteurs d’exploitation, de commercialisation ou de conservation des écosystèmes dans le bassin du
Congo par les divers acteurs. La seconde est la mise en route effective et transparente du processus
de certification des produits de l’économie de la nature (bois, produits végétaux et autres minerais).
La troisième est celle de la « traçabilité budgétaire » des ressources issues de la protection des
forêts.
Selon la FAO, les forêts du bassin du Congo s’étendent sur près de 227 millions d’hectares. Les
superficies protégées couvrent environ 7 % de ce total. L’objectif, pour de nombreux États
d’Afrique centrale, est d’atteindre le seuil de 10 % de protection de leur territoire sous divers
régimes de conservation. Si de telles projections se réalisent, les surfaces protégées seront
considérables au regard des possibilités actuelles des divers acteurs à assumer de telles
responsabilités. Sortir de la logique de dépendance vis-à-vis du pétrole – en déclin – pour diversifier
ses ressources publiques devient un enjeu déterminant pour de nombreux gouvernements africains.
L’utilisation durable et la valorisation économique des forêts deviendront les clefs des politiques de
développement des pays d’Afrique centrale dans les décennies à venir.
Cependant, le constat général est que l’ensemble des connaissances initiales sur les forêts tropicales,
les règles et modalités de gestion des activités liées à leur exploitation ainsi que les droits fonciers
et forestiers des pays d’Afrique centrale sont en évolution rapide, face aux besoins croissants. Au
cours de la dernière décennie, les dispositifs juridiques mis en place ont vieilli et atteint leurs limites
par rapport aux pratiques actuelles dans les divers secteurs socio-économiques des forêts. Cela
implique une amélioration transparente et substantielle de la carte juridique d’accès aux activités
forestières dans la région. D’où la nécessité d’une réforme globale de ce cadre juridique, qui devient
inadapté aux nouvelles et croissantes capacités industrielles et face aux pressions sur les ressources
naturelles.

Trois pistes

Cette réforme juridique et cette adaptation institutionnelle doivent emprunter trois pistes
principales.

46
. Michel Prieur, « L’environnement entre dans la constitution », in Droit de l’environnement, Revue
trimestrielle d’actualité juridique, N° 116 / 2003, p. 40.

65
La première piste est celle des règles de l’aménagement des territoires et des espaces forestiers. Les
prescriptions techniques posées par les réglementations actuelles sont de plus en plus difficiles à
assumer par de nombreux opérateurs économiques. Le concept du développement durable apparaît,
pour certains, comme une forme de tracasserie bureaucratique, avec des coûts financiers dissuasifs.
L’encadrement juridique de la relation dialectique entre l’économie forestière et l’écologie devrait
être amélioré, non seulement pour renforcer la protection en explicitant les choix normatifs, mais
aussi pour stimuler une éthique de l’exploitation forestière à même de rendre durable le tissu socio-
économique lié à l’exploitation forestière47.
La deuxième piste concerne l’équilibre à trouver, dans le corpus juridique, entre les règles régissant
les activités de l’industrie forestière et celle des petits entrepreneurs et gestionnaires locaux. Les
plans d’aménagement actuels ne remplissent plus leur rôle d’intégration et de diversification des
acteurs. Une culture de la domination et de la piraterie semble prendre le dessus sur la volonté
initiale de favoriser l’émergence des petits acteurs, comme pour la gestion des forêts
communautaires par exemple. On voit poindre une remise en cause de l’aménagement des forêts de
production comme outil de gestion durable des forêts tropicales, sans que soient mieux maîtrisées
pour autant les solutions alternatives préconisées par les organisations non gouvernementales. Il y
a là un risque croissant de fraude, qui ne pourrait que favoriser les prédateurs.
La troisième piste touche à la culture juridique dominante qui imprimera ses marques sur les
réformes à venir. La conception « francophone » du développement durable est prescriptive et
jacobine : c’est l’État, moteur du système, qui doit définir de manière centralisée les bornes à ne
pas franchir par les acteurs. Dans cette conception du droit de l’environnement, le plan
d’aménagement apparaît comme un outil incontournable d’une bonne gestion forestière.
En revanche, dans la conception « anglo-saxonne », la tendance est à l’allègement du fardeau
administratif et normatif au profit des « standards » ou guidelines, couplés avec des codes de
« bonnes pratiques ». Certains acteurs internationaux dominants, comme Global Witness, sont
porteurs d’une idéologie juridique difficile à articuler avec la culture francophone dans laquelle
baigne majoritairement l’Afrique centrale. On pourrait donc légitimement s’interroger sur l’impact
d’une normativité fondamentalement anglo-saxonne dans le contexte de cette région.
Si la carte d’accès aux activités forestières est définie, il faudrait encore s’assurer que les prédateurs
ne contourneront pas les règles établies par un commerce illégal des produits tropicaux. D’où
l’intérêt d’une prise en charge multilatérale de la problématique de la certification des bois
provenant de l’Afrique centrale. Sans renoncer aux accords internationaux et aux diverses
réglementations qui régissent la gestion forestière et la protection de l’environnement dans la zone,
on peut voir dans la méthodologie de la certification une garantie supplémentaire pour consolider
la bonne gouvernance forestière.

Droit francophone et anglophone

Les acteurs forestiers (État, propriétaires fonciers, exploitants forestiers, industriels, scientifiques,
écologistes, etc.) ont des intérêts multiples et des motivations divergentes dans le processus de la
protection des forêts du bassin du Congo. À quoi s’ajoute la difficulté intrinsèque du droit foncier
d’inspiration francophone en vigueur dans ces pays. Ce droit détermine le titulaire du titre foncier,
soit l’État, soit le particulier. En vertu de son droit de propriété, l’État ou l’individu propriétaire
vend son bois sur pied aux exploitants forestiers qui, à leur tour, alimentent la chaîne du commerce
international des produits tropicaux. Le propriétaire du bien est donc circonscrit avec précision.
Tout au plus peut-il y avoir des contestations sur le titre foncier ou sur certaines successions encore
régies par le droit traditionnel, qui cohabite avec le droit moderne.
Cette vision du droit est en totale contradiction avec celle, largement anglo-saxonne, qui considère
les forêts d’Afrique centrale comme faisant partie d’un « patrimoine commun » de l’humanité. Cette

47
. C. Ndikumagenge, « Enjeu éthique dans la gestion des ressources forestières en Afrique centrale : comment
concilier éthique et gestion durable des écosystèmes forestiers ? », in Enjeux (bulletin d’analyse géopolitiques
pour l’Afrique centrale), N° 14, janvier-mars 2003, p. 22

66
dernière conception implique une gestion mondiale des forêts et une sérieuse limitation des droits
du « propriétaire » local. La forêt produit un bénéfice commun qui prend le dessus sur les
préoccupations légales du propriétaire foncier, elle est un « bien public international ».
Au nom de cette idéologie juridique, certaines ONG écologistes considèrent que la forêt appartient
à tout usager, car c’est un bien commun. En conséquence, la logique de la certification est
imprégnée d’une culture « rebelle » à la notion de « propriétaire ». Ce qui rend, pour le moins,
délicat un tel concept.
En outre, et ce n’est pas négligeable, le coût de la certification peut être dissuasif pour les acteurs
économiques locaux, s’il n’est pas pris en charge dans le cadre d’une politique multilatérale de
préservation des écosystèmes en Afrique centrale. Avec l’arrivée massive du bois asiatique sur le
marché international, on peut s’interroger sur la rentabilité de la certification, compte tenu de la
dynamique fortement concurrentielle des bois à bas prix importés d’Asie. L’application des
instruments internationaux comme la Convention sur le commerce international des espèces de
faune et de flore menacées d’extinction (CITES) ne sera effective en Afrique centrale que dans la
mesure où une réelle prise en charge multilatérale allégerait le fardeau du processus de certification.
Enfin, il conviendrait de préciser les règles de gestion publique des retombées financières du PFBC.
Certes, il est normal de croire que les ressources tirées de l’exploitation des forêts intègrent
directement le budget public, selon les procédures classiques. Mais l’expérience de la gestion des
ressources pétrolières n’est pas exempte de critiques légitimes : des abus sont régulièrement
dénoncés. Or une mauvaise gouvernance ruinerait les chances de voir l’Afrique centrale sortir du
cercle vicieux de la pauvreté. Cette initiative multilatérale pourrait donc s’inspirer de nouvelles
méthodes de gestion publique prévoyant la « traçabilité » des fonds « verts » et leur affectation sur
les champs sociaux prioritaires des populations bénéficiaires. Cette suggestion ne vise pas à
remettre en cause la légitimité du système actuel de gestion publique pratiquée en Afrique centrale.
Mais il convient de tirer les leçons de certains égarements décriés dans le passé.

En conclusion, la protection des forêts du bassin du Congo préfigure la nouvelle méthodologie du


partenariat Nord-Sud et public-privé dans le domaine de la coopération internationale pour le
développement. Articulée avec une préoccupation mondiale de la préservation de la biodiversité,
elle se fonde sur un consensus international. Reste à réaliser cet ambitieux partenariat, qui pourrait
refonder et consolider les chemins de la paix et du développement en Afrique centrale. Cette
perspective mobilise non seulement les gouvernants, mais aussi les gouvernés, dans une dynamique
d’enracinement de la démocratie, de la paix et de la gouvernance transparente. C’est un enjeu très
important pour la coopération multilatérale, mais aussi un défi pour l’Afrique et la communauté
internationale, au sein de laquelle elle se doit de trouver sa place.

67
§ 2 – La conservation des espèces et de leurs habitats

Les instruments du droit international visant la protection des espèces constituent sans doute la
part la plus importante des traités relatifs à la biodiversité terrestre et aquatique. L'on peut
distinguer, au sein des règles énoncées, celles qui visent à : protéger certaines espèces ou
certains groupes d'espèces rares ou menacés contre la destruction ou les perturbations ;
réglementer l'exploitation des spécimens d'espèces d'intérêt commercial ; conserver les habitats
de ces espèces.

A – Le commerce des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

Avec la destruction des habitats, et principalement des forêts tropicales, le commerce


international la faune et la flore sauvages constituent aujourd'hui l’une des principales menaces
qui pèsent sur l'avenir de la biodiversité. Les sommes en jeu sont importantes qu'elles
gangrènent les structures administratives des Etats les plus pauvres de la planète, qui sont les
principaux exportateurs de ce type de marchandises. Ce commerce ne présente pas seulement
un risque pour les espèces, mais aussi une menace pour les écosystèmes. Ainsi, la disparition
de certaines espèces frugivores, à l'instar des perroquets, qui occupent un rôle écologique
essentiel dans la dissémination des essences forestières tropicales, peut-elle contribuer à faire
disparaître les espèces d'arbres qui dépendent de cette dissémination.

1 - Objectifs et champ d’application de la CITES

La communauté internationale a réagi au début des années 70 au constat des milieux


scientifiques et d'ONG à propos de la raréfaction des espèces sujettes au commerce
international. Sous l'impulsion de divers organismes internationaux (parmi lesquels l'UICN) fut
adoptée le 6 mars 1973 à Washington une convention de portée mondiale, la Convention sur
le commerce international des espèces menacées (ci-après la CITES), modifiée à deux reprises
depuis lors (Bonn le 22 juin 1979 et Gaborone le 30 avril 1983). Entrée en vigueur le 1er juillet
1975, la CITES compte à l'heure actuelle pas moins de 146 Etats parties. En réglementant le
commerce international, l'objectif de la CITES est d'empêcher la surexploitation des espèces
animales et végétales considérées comme constituant "un élément irremplaçable des systèmes
naturels" devant "être protégées pour les générations présentes et futures " (préambule). Mais,
la CITES ne vise ni la protection des espèces elles-mêmes ou de leurs habitats, ni le commerce
interne des espèces, qui hélas contribue de manière significative à la régression de ces dernières.
Elle réglemente uniquement le commerce international des espèces reprises à ses annexes,
lesquelles sont actuellement ou potentiellement menacées par les échanges commerciaux (art.
1.1 et 1.2a) ; en d'autres mots, elle ne s'applique qu'à une fraction des espèces animales et
végétales qui peuplent la terre.

2 - Obligations des parties au titre de la CITES

La CITES repose sur la réglementation des exportations et importations de certaines espèces


regroupées en trois catégories, ou Annexes, selon leur vulnérabilité. L'annexe I comprend les
espèces les plus gravement menacées, l'annexe II des espèces vulnérables tandis que l'annexe
III reprend certaines espèces nécessitant un régime spécifique de protection. En d'autres mots,
la procédure de contrôle applicable à un transfert varie en fonction de l'inscription de l'espèce
animale ou végétale dans telle ou telle annexe. Au total, ces trois Annexes comptent plus de
4.000 espèces animales et environ 25.000 espèces végétales.

68
L'annexe I comprend "toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être
affectées par le commerce" (par exemple, les grands primates tels que les gorilles, les gibbons,
les chimpanzés, les bonobos, ...). Aucune disposition de la CITES n'ayant défini ce qu'il fallait
entendre par les termes " menacées d'extinction ", la neuvième COP a adopté en
1994, à Fort Lauderdale, des critères scientifiques. Pour être inscrites à l'annexe I, une
des quatre conditions suivantes doivent être remplies : la population doit être petite, en
déclin, avoir une aire de distribution restreinte et, à défaut, de la mise en place d'un
régime de protection découlant du classement, l'espèce risque d'être menacée dans les cinq
années à venir. Au cas où une espèce inscrite à l'annexe I ne respecterait plus ces critères, elle
doit être déclassée.

Le commerce des espèces inscrites à l'Annexe I est strictement réglementé et ne peut être
autorisé que dans des conditions exceptionnelles (art. 2.1). Le régime applicable à ces espèces
est le suivant : le transfert d'un spécimen d'une espèce inscrite à l'annexe I nécessite tant la
délivrance que la présentation d'un permis d'exportation de la part de l'Etat sur lequel le
spécimen est prélevé, de même que l'obtention d'un permis d'importation de la part de l'Etat
important la marchandise. Ce régime de double contrôle est de nature à parer aux déficiences
d'un Etat qui ne respecterait pas suffisamment les obligations lui incombant en vertu de la
CITES. La délivrance du permis d'exportation se trouve soumise au respect de quatre conditions
destinées à combattre les fraudes : l'avis de l'autorité scientifique de l'Etat exportateur selon
lequel l'exportation ne nuit pas à la survie de l'espèce; la preuve de la part de l'organe de gestion
de l'Etat exportateur que le spécimen a été obtenu légalement et qu'il est en état d'être transporté
sans risque; la preuve par l'organe de gestion de l'Etat exportateur qu'un permis d'importation a
été accordé pour le spécimen).

C'est incontestablement l'obtention d'un permis d'importation qui garantit au mieux le contrôle
du commerce des espèces inscrites à l'annexe I, puisque ce sont généralement des Etats
occidentaux les important qui disposent des moyens pour s'assurer du respect des dispositions
de la CITES. Ce double système d'autorisation -qui équivaut en pratique à une quasi-
interdiction de commercialisation- permet ainsi de réduire les risques d'autorisations de
complaisance, qui sont monnaie courante dans certains pays exportateurs.

Lorsqu'ils sont élevés en captivité à des fins commerciales ou lorsqu'ils sont reproduits
artificiellement à des fins commerciales, les spécimens des espèces animales et végétales
inscrites à l'annexe I sont soumis au même régime que les spécimens des espèces inscrites à
l'annexe II.

Bien que la CITES ait connu un succès significatif, les Etats non membres peuvent encore servir
de plaque tournante au trafic illicite. Cette hypothèse est prise en compte par la CITES. Dans
le cas d'une exportation ou d'une réexportation vers un Etat non partie ou d'une importation de
la part d'un tel Etat, les Parties "peuvent, à la place des permis et des certificats requis par la
présente Convention, accepter des documents similaires, délivrés par les autorités compétentes
dudit Etat" (art. 10). Cette disposition, qui déroge au principe de l'effet relatif du traité est
susceptible de heurter les règles du commerce international.

Lorsqu'une espèce inscrite aux annexes I ou II est menacée par le commerce ou que les
dispositions de la CITES ne sont pas effectivement appliquées, le secrétariat avertit l'organe de
gestion compétent de la Partie concernée (art. 13.1). Dans ce cas, la Partie concernée est tenue
d'informer le secrétariat des mesures " correctives " qui sont adoptées (art. 13.2). Grâce à la
participation active d'ONG, cette procédure fut graduellement transformée en un processus de

69
contrôle et de vérification. Depuis 1976, l'organisation spécialisée " Trade Records Analysis of
Flora and Fauna in Commerce " (Traffic), avec l'appui de l'IUCN et du WWF notamment, a
commencé à rassembler des informations sur les infractions commises. Cette organisation a
depuis lors établi des bureaux dans plus de dix-huit pays, ce qui lui a permis d'inviter le
secrétariat de la CITES à prendre des actions au titre de l'article 13 en alertant directement les
autorités nationales concernées.

La mise en œuvre effective de la CITES implique également l'harmonisation des procédures


avec l'Organisation Mondiale des Douanes et Interpol dans le dessein d'améliorer la formation
des forces de police chargées de lutter contre le commerce illégal des espèces.

3 - Transport international des animaux commercialisés

Le transport des animaux sauvages est de plus en plus souvent condamné par l'opinion publique
des pays occidentaux en raison des conditions souvent précaires dans lesquelles les spécimens
sont transportés. En effet, le taux de mortalité chez certaines espèces est extrêmement élevé, ce
qui peut dès lors avoir pour effet d'augmenter les prélèvements dans les pays exportateurs.
La réglementation est pourtant susceptible de limiter des prélèvements d'individus sauvages
nécessaires à satisfaire les besoins des consommateurs occidentaux. En vertu de la convention
CITES, la délivrance d'une autorisation d'exportation ou de réexportation est subordonnée à la
preuve, de la part de l'organe de gestion de l'Etat exportateur que le spécimen vivant "sera mis
en état et transporté de façon à éviter les risques de blessures, de maladie ou de traitements
rigoureux" (art. 3.2, c ; 3.4, b ; 4.2).

Si la CITES n'est pas parvenue à faire disparaître et encore moins à éliminer le commerce
international de la faune et de la flore sauvages, elle n'en constitue pas moins un des seuls
remparts contre cette insidieuse forme de pillage, alimentée principalement par les pays dits
"industrialisés". En outre, la CITES demeure une convention dont l'objet demeure fort
spécialisé. Si cette spécialisation contribue à accroître son effectivité, il n'en demeure pas moins
qu'elle ne traite qu'un aspect, certes sensible, de l'exploitation de certaines espèces animales et
végétales. Elle ne s'occupe que de manière indirecte de la destruction des habitats qui
constituent à l'heure d'aujourd'hui la plus grande menace pour la majorité des espaces
notamment dans les pays de la zone tropicale.

4 - L’Accord de Lusaka

Adopté à Lusaka, le 8 septembre 1994, dans le cadre de l'Organisation de l'Unité africaine,


l'Accord de Lusaka sur les opérations concertées de coercition visant le commerce illicite de la
faune et de la flore sauvages a pour objet d'éliminer ce commerce en enrayant le braconnage.
A cette fin, une « équipe spéciale », possédant la personnalité juridique internationale, est
instituée par les Parties à l'Accord pour coordonner leurs actions.

B – Les espèces migratrices et leurs habitats

Le caractère spectaculaire de la migration de certains oiseaux ne doit pas faire oublier que de
nombreuses espèces d'autres classes de vertébrés et certains invertébrés migrent également. Les
animaux ont en effet tendance à utiliser, au cours des différentes phases de leur cycle de vie,
des biotopes différents, se reproduisant par exemple dans les parties septentrionales de leur aire
de répartition et hivernant dans des milieux plus méridionaux. Ces déplacements leur

70
permettent d'exploiter de manière optimale des ressources alimentaires qui ne sont disponibles
qu'un court laps de temps.

1 - Les enjeux

En migrant, la faune sauvage ignore les frontières séparant les Etats ; elle s'expose ainsi à des
intérêts, à des priorités politiques et à des réglementations à tout le moins distinctes. A quoi
bon, dès lors, pour un Etat d'adopter des mesures de protection pour telle espèce animale si, au
cours de sa migration, elle sera pourchassée ailleurs ? A quoi bon protéger, sur un territoire
national, une halte migratoire alors qu'ailleurs, des sites de repos disparaissent à cause de
l'insouciance des autres Etats ? Seule une action concertée de tous les Etats à l'intérieur des
limites desquelles des espèces migratrices séjournent à un moment quelconque de leur cycle
biologique est en mesure d'en assurer la conservation.

Au terme de l'article 74 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, interprété


conjointement avec les articles 116 à 119, les Etats Parties ont l'obligation de coopérer,
directement ou par l'intermédiaire d'organisations internationales appropriées, en vue d'assurer
la conservation de grands migrateurs et de promouvoir leur exploitation optimale. Les espèces
de grands migrateurs figurent à l'annexe I de la convention. Mais c'est indiscutablement la
convention de Bonn du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migratrices appartenant
à la faune sauvage (ci-après convention de Bonn), qui met en place le cadre juridique le plus
sophistiqué en vue d'assurer la conservation et la gestion des espèces migratrices.

2 - La Convention de Bonn

En raison de sa portée universelle, la convention de Bonn, qui est entrée en vigueur le 1er
novembre 1983, occupe une place primordiale dans la politique de conservation de la
nature. L'appréhension juridique du caractère migratoire d'une espèce soulève des difficultés
dans la mesure où les populations les plus septentrionales de certaines espèces sont migratrices
alors que leurs populations méridionales sont sédentaires ou partiellement migratrices. Aussi la
distinction doit-elle régulièrement être opérée au sein d'une même espèce entre les populations
migratrices et sédentaires et les difficultés que soulève ce découpage ne peuvent être vaincues,
en droit, qu'au prix de simplifications. Conscients de ce problème, les auteurs de la convention
de Bonn ont défini l'espèce migratrice comme consistant dans « l'ensemble de la population ou
toute partie séparée géographiquement de la population de toutes espèces ou de toute migration
d'animaux sauvages, dont une fraction importante franchit cycliquement et de façon prévisible
une ou plusieurs limites de juridictions nationales » (art. 1.1. a.). Le caractère prévisible de la
migration signifie que l'on peut s'attendre à ce que ce phénomène se reproduise dans un certain
nombre de circonstances données, sans qu'il y ait nécessairement une périodicité régulière.
Cette définition exclut les mouvements occasionnels, erratiques et dispersés d'individus d'une
espèce, qui sont souvent le fait de jeunes individus. La migration doit dès lors revêtir un
caractère cyclique, quelle qu'en soit la nature, par exemple astronomique, biologique ou
climatique.

Reconnaissant le caractère irremplaçable de la faune sauvage (par. 1 du Préambule), la


convention de Bonn se donne pour objectif la conservation des espèces migratrices, en
accordant une attention toute particulière aux espèces " dont l'état de conservation est
défavorable ". L'objectif est d'éviter que ces espèces migratrices ne soient mises en un danger
(art. 2).

71
Les Parties contractantes doivent prendre, individuellement ou en coopération, les mesures
nécessaires pour conserver les espèces migratrices et leurs habitats (art. 2.1). Deux obligations
plus spécifiques en découlent en fonction de la classification qui est retenue. Le degré de
protection offert par la convention diffère selon que l'espèce est inscrite à l'annexe I ou II de la
convention. Tout d'abord, les parties doivent s'efforcer d'accorder "une protection immédiate
des espèces migratrices figurant à l'annexe I, laquelle énumère les espèces menacées
d'extinction sur l'ensemble ou sur une partie importante de leur aire de répartition. L'élimination
des obstacles à leur migration n'est pas contraignante dans la mesure où le libellé du texte
recourt au terme "s'efforcer"; en revanche, le prélèvement d'animaux appartenant aux espèces
inscrites à l'annexe I est interdite, sauf dans des circonstances très particulières (recherche
scientifique, survie de l'espèce menacée, économie traditionnelle de subsistance,...) et les
dérogations doivent être précises quant à leur contenu et limitées dans l'espace et dans le temps
(art. 3.4).

3 - Les accords internationaux conclus sous l’égide de la convention de Bonn

En prescrivant des obligations générales applicables au phénomène des migrations, la


convention de Bonn met en place un système qui tend à coller à la réalité écologique en prenant
en considération, au sein de chaque classe, les besoins particuliers des espèces spécifiques. La
convention aboutit, en ce qui concerne les espèces de l'annexe II, à mettre en place un système
arborescent pyramidal qui conduit à multiplier les instruments de conservation tout en
maintenant une certaine unité entre eux. Au sommet de la pyramide se trouve la convention de
Bonn qui énonce les principes fondamentaux et instaure la mécanique institutionnelle qui va
permettre l'adoption d'accords plus spécifiques. Différents accords ont été adoptés dans le
courant des années quatre-vingt-dix, tel que l’Accord de La Haye du 16 juin 1995 sur la
conservation des oiseaux d'eau migrateurs 'Afrique-Eurasie (AEWA) ;
.
C – Les oiseaux sauvages

La préservation des oiseaux ne peut être garantie que si celle de leurs habitats est également
assurée, c'est-à-dire les écosystèmes parmi lesquels les oiseaux vivent et desquels ils dépendent.
Exigeant de par leur mobilité et leur taille relativement importante de grands espaces, les
oiseaux ne peuvent de surcroît être protégés qu'à une échelle de leur aire de répartition qui peut
recouvrir plusieurs continents. En migrant, l'avifaune sauvage ignore les frontières séparant les
Etats et s'expose ainsi à des intérêts, à des priorités politiques et à des réglementations à tout le
moins distinctes. C'est précisément en faveur de l'intérêt porté par le public à la gent ailée,
intérêt largement relayé par des associations scientifiques spécialisées, et du caractère
transfrontalier de leur migration, qu'ont été posés les premiers jalons du droit international de
la conservation de la nature.

1 - Les instruments de conservation de la première génération

Premier traité prévoyant une protection juridique de l'avifaune au niveau international, la


Convention internationale de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à
l'agriculture regroupe dans deux listes, d'une part, les oiseaux principalement insectivores dits
" utiles ", et, d'autre part, les oiseaux " nuisibles ". La protection accordée aux oiseaux "utiles"
(du 1er mars au 15 septembre) consiste dans la limitation de leur capture de leur destruction, et
du commerce qui en est fait, les nids et les œufs bénéficiant également de cette protection. La
conception utilitariste de cette convention étant rapidement apparue comme dépassée en raison
de l'évolution des connaissances en écologie, celle-ci fut remplacée un demi-siècle plus tard par

72
la Convention internationale du 18 octobre 1950 pour la protection des oiseaux qui fut
également signée à Paris mais qui n'entra en vigueur qu'en 1963. De façon très novatrice pour
l'époque, les Etats signataires de la convention de Paris de 1950 se sont accordés sur un principe
général de protection de toutes les espèces d'oiseaux, en postulant que " du point de vue de la
science, de la protection de la nature et de l'économie propre à chaque nation, tous les oiseaux
doivent, en principe, être protégés " (1er considérant).

2 - Les instruments de conservation de la deuxième génération

Adopté le 16 juin 1995 à La Haye, l'accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs
d'Afrique-Eurasie (ci-après l'AEWA) s'inscrit dans la structure arborescente de la Convention
de Bonn. L'intérêt de la conclusion d'un tel accord pour l'ensemble du continent africain et de
l'Eurasie tient au fait que la majorité des espèces d'anatidés et de limicoles nichant dans la partie
septentrionale de l'Europe et de l'Asie occidentale hivernent à plusieurs milliers de kilomètres
de là en Afrique tropicale ou sur les bords de la Méditerranée. Ces espèces présentent la double
caractéristique d'être à la fois des oiseaux d'eau et des oiseaux migrateurs. L'Accord couvre 170
espèces d'oiseaux appartenant à 17 familles distinctes. En raison de l'aire de répartition
extrêmement large des espèces mentionnées, l'accord est susceptible d'être ratifié par 115 Etats
pour une superficie de 60 millions de km, soit près de 40 % des terres émergées. En sus des
obligations générales qui précisent la portée des obligations prévues à la convention de Bonn,
l'Accord de La Haye contient à son annexe III un plan d'action, de nature contraignante, qui
détermine les mesures que les Parties doivent prendre en matière de conservation des espèces
et des habitats, de gestion des activités humaines, de recherche et de surveillance, d'éducation
et d'information (art. 4.1). Dans la mise en application de l'accord, les Parties sont d'ailleurs
invitées à appliquer le principe de précaution.

La gestion écologique des oiseaux d'eau implique également l'interdiction de l'introduction


délibérée dans l'environnement d'espèces exotiques qui pourraient concurrencer des espèces
indigènes; lorsque des espèces exotiques ont déjà été introduites, les Parties doivent prendre
toutes les mesures utiles pour empêcher que ces dernières deviennent une menace potentielle
pour la conservation des espèces indigènes (art. 3.2, g).

D – Les mammifères sauvages

Si la Convention CITES couvre dans ses annexes bon nombre de grands mammifères menacés
de disparition, la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu
naturel en Europe protège spécifiquement certaines espèces de mammifères sauvages et leurs
habitats. Les mammifères font bonne figure parmi les espèces de la faune strictement protégée
(annexe II) et protégée (annexe III).

§ 3 - La conservation des ressources génétiques

Ne se limitant pas à la conservation des écosystèmes et des espèces, la biodiversité couvre aussi
le patrimoine génétique des espèces. Concomitamment à la disparition de nombreuses espèces
domestiques et sauvages, la diversité génétique sur la planète est en constante régression.
Malgré son importance primordiale pour la réalisation des objectifs de la CDB la
conservation des ressources génétiques terrestres et aquatiques n'occupe qu'une place limitée
dans les instruments internationaux de conservation de la biodiversité. Avec l'adoption du
Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation
et l'agriculture, le droit international s'emploie pourtant à combler cette lacune en organisant

73
la conservation in situ et ex situ des ressources génétiques des végétaux utilisés en
agriculture. Ce traité, de nature sectorielle, ne couvre pourtant pas l'ensemble des ressources
génétiques exploitées par l'homme, en particulier les gènes d'espèces sauvages utilisés en
biotechnologie à des fins industrielles et pharmaceutiques.

A – L’engagement international sur les ressources phytogénétiques

Premier instrument international traitant de la conservation et de l'utilisation durable des


RPGAA, l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques, adopté par la FAO en
1983 (résolution 8/83) et modifié à plusieurs reprises, qualifiait les ressources génétiques de "
patrimoine commun de l'humanité " dans le dessein de prévenir toute appropriation, soit par la
propriété corporelle, soit par le brevet. Cette qualification était considérée comme la plus apte
pour assurer la libre circulation des RGPAA entre les différents protagonistes. A ce titre, cet
instrument non contraignant prévoyait que les RGPAA devaient être rendues accessibles sans
restrictions. N'étant pas parvenu à enrayer la montée en puissance du phénomène
d'appropriation des ressources phytogénétiques par le droit des brevets, malgré ses intentions
louables, l'engagement international est apparu au fil du temps de plus en plus décalé par rapport
à l'évolution du droit international.

B – Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et


l’agriculture

Il est rapidement apparu que la CDB ne garantissait pas adéquatement la conservation des
RPGAA, lesquelles se trouvaient dans des collections constituées bien avant l'entrée en vigueur
de cette convention. Ces ressources génétiques doivent en effet pouvoir circuler vite rapidement
et être accessibles au moindre coût. Devant concilier à la fois les droits de propriété
intellectuelle (DPI) encourageant l'innovation et l'investissement, le souci de conserver et
d'utiliser de manière durable les RPGAA tout en garantissant un accès élargi aux collections ex
situ, la communauté internationale devait par conséquent se doter d'un instrument
juridiquement contraignant, ce qu'elle fit en 2001 avec le Traité international sur les ressources
phytogenetiques pour l'alimentation et l'agriculture (ci-après, le Traité international). Adopté à
Rome le 3 novembre 2001, ce traité international vient remédier aux déficiences de la CDB en
instituant un régime mieux adapté aux particularités des RPGAA.

Ayant pour objectif "la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour
l'alimentation et l'agriculture et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur
utilisation " (art 1.1.), le traité international entretient des liens étroits avec la CDB (art. 1.2).
Empruntant largement à la rhétorique du droit international, le traité énonce des obligations de
manière très générale, et revêt de la sorte un caractère programmatoire. A ce titre, il encourage
les Parties contractantes à promouvoir notamment la conservation in situ des espèces sauvages
à part entière, des plantes cultivées et des espèces sauvages pour la production alimentaire, y
compris dans les zones protégées (art. 5.1, d) ainsi que l'utilisation durable et la diversification
des RPGAA par l'entremise de politiques spécifiques, d'aides à la recherche, de la participation
avec les agriculteurs (art. 6).

Conformément aux dispositions de la CDB (cf. art. 15.1. de la CDB), le traité international
consacre la souveraineté des Etats " sur leurs propres ressources phytogenetiques ", et
notamment le pouvoir de réglementer leur accès (art. 10.1). La confirmation de la souveraineté
étatique sur les ressources phytogenetiques et les collections les rassemblant ne signifie pas
pour autant un repli sur soi. Au contraire, le traité international veille à ce que les Etats puissent

74
tirer mutuellement profit des RPGAA grâce à " un système multilatéral d'accès et de partage
des avantages " (art. 10-13). L'objet de ce " système multilatéral" est de faciliter l'accès aux
RPGAA considérées comme essentielles à l'agriculture à condition qu'elles relèvent du domaine
public des Parties contractantes (art. 11.2).

L'accès facilité est toutefois soumis à une condition en ce qui concerne les droits de propriété
intellectuelle (DPI) (art. 12.3, d). En vue d'éviter la spoliation des RPGAA, les bénéficiaires du
système multilatéral ne sont pas autorisés à revendiquer un brevet sur les variétés qui leur ont
été transmises dans le cadre du réseau. Aussi le bénéficiaire de l'accès facilité des RPGAA doit-
il s'engager non seulement à ne pas revendiquer de DPI sur la ressource même, mais encore à
requérir le respect de cette obligation à toute personne à qui il pourrait à son tour transférer la
ressource (art. 12.4.). En revanche, les innovations réalisées à partir des ressources mises en
réseau (isolation d'un gène spécifique dans le but d'améliorer une autre variété) peuvent être
brevetées.

Conformément à la CDB (art. 1 et 19), le Traité international prévoit que les "avantages
résultant du système multilatéral sont partagés de façon juste et équitable " (art. 13.1), soit par
l'échange des informations obtenues, l'accès et le transfert des technologies (art. 13.2, a et b),
soit sous la forme d'un partage monétaire dans l'hypothèse où un produit tiré d'une ressource
phytogénétique mise en réseau a pu être commercialisée (art. 13.2., d, i). La redistribution des
profits découlant de la commercialisation doit notamment être prévue dans l'accord type de
transfert de matériel (ATM) qui règle les modalités de l'accès simplifié. En vue de conforter la
souplesse et la simplicité du régime d'accès, l'ATM est un contrat type sur les gains futurs qui
seront affectés à un fonds international (art. 19.3, f), lequel aura pour mission de redistribuer
les avantages en priorité aux agriculteurs des PVD. Ainsi, le bénéfice tiré de la
commercialisation d'un produit ne reviendra donc pas nécessairement au pays à partir duquel
la ressource a été obtenue ou a été placée dans une collection.

§ 4 – La lutte contre les processus d’origine biotique de dégradation

Il s’agit d'examiner ici les régimes juridiques applicables à deux phénomènes potentiellement
très dommageables pour la biodiversité, à savoir, d'une part, les espèces invasives et, d'autre
part, les risques découlant de la dissémination d'organismes génétiquement modifiés dans
l'environnement naturel.

A – Les espèces exotiques sauvages

La globalisation des échanges grâce à l'amélioration des moyens de transport, et le commerce


international, ont contribué à accélérer l'introduction dans l'environnement d'espèces et de
variétés non indigènes. Si toutes ces espèces ne causent pas nécessairement des dommages,
certaines d'entre elles se sont révélées particulièrement néfastes pour les écosystèmes où elles
ont su se développer, du fait soit de leur capacité d'invasion et de leur avantage dans la
compétition interspécifique, soit de leur impact sur l'habitat lui-même, soit des maladies et
parasites qu'elles véhiculent.

L'invasion par des espèces exotiques aux capacités de colonisation importantes constitue un
véritable défi pour la société, compte tenu de la difficulté de contrôler les introductions
accidentelles mais aussi volontaires de ces espèces et variétés. La notion d'espèce non-indigène
(ou exotique) n'est pas définie dans la CDB. Par ce concept, l'IUCN entend toute espèce
survenant en dehors de son aire de distribution normale. La CDB définit au contraire ce qu'il

75
faut entendre par une espèce exotique invasive (ou envahissante), à savoir « une espèce exotique
qui menace les écosystèmes, habitats ou les espèces » (art. 8, h). Cette définition couvre tant les
espèces exotiques introduites sous contrôle dans l'environnement (notamment en agriculture et
en sylviculture) et qui provoquent des dommages (par exemple l'acidification de l'eau par les
résineux exotiques), que les espèces exotiques qui envahissent un écosystème en dehors de tout
contrôle (comme la Jacinthe d'eau par exemple). L'IUCN donne une définition plus
opérationnelle de l'espèce exotique invasive : il s'agit d'une espèce exotique, qui en s'établissant
dans un écosystème ou un habitat naturel ou semi-naturel, menace la diversité biologique
originale.

Sans proposer véritablement d'action spécifique concernant la lutte contre ce phénomène sur
les terres émergées, l'Agenda 21 préconise, en sus d'une utilisation durable et d'une évaluation
des risques liés aux biotechnologies (para. 15.4 (h) ; 16.32), que les forêts soient protégées
contre les risques liés aux introductions non contrôlées d'espèces exotiques (para. 11.13 (g), et
que soient reconnus les effets néfastes de certaines introductions (para 15.3).

En droit international de la conservation de la nature, le seul instrument de portée mondiale


visant expressément la lutte contre les espèces invasives terrestres est la Convention de Bonn
sur les espèces migratrices, qui prévoit que les Parties « s'efforcent » lorsque « cela est possible
et approprié » de contrôler « strictement l'introduction d'espèces exotiques ou en surveillant ou
éliminant celles qui ont déjà été introduites » (art. III.4).

Les instruments de conservation de la biodiversité au sens strict ne sont pas les seuls à assurer
un contrôle de la dissémination d'espèces exotiques invasives. De longue date, le droit
international sanitaire et phytosanitaire s'est attaché à élaborer des mesures visant à protéger
l'homme, les plantes ou les animaux contre les espèces dites « nuisibles » et les maladies. L'on
peut distinguer trois catégories de règles en la matière : la réglementation internationale en
matière de santé, les dispositions relatives à la protection des animaux et celles relatives à la
protection sanitaire des végétaux. Les deux premiers types de mesures ne seront guère examinés
ici, en ce qu'elles visent principalement l'éradication de maladies transmissibles à l'homme et
d'épizooties. S'agissant de la protection des végétaux, un instrument global fut adopté le 6
décembre 1951 pour prévenir la prolifération et l'introduction d'organismes nuisibles aux
végétaux et aux produits végétaux, à savoir la Convention internationale pour la protection des
végétaux (CIPV).

Dans sa nouvelle version, les organismes nuisibles sont définis comme «toute espèce, souche
ou biotype de végétal, d'animal ou d'agent pathogène nuisible pour les végétaux ou produits
végétaux », les végétaux étant entendus comme les « plantes vivantes et parties de plantes
vivantes, y compris les semences et le matériel génétique » (art. II). Les Parties s'engagent, à
mettre en place une « organisation officielle de protection des végétaux », chargée de délivrer
les certificats phytosanitaires, de surveiller les végétaux, de réaliser les opérations de
désinfection et de « protéger les zones menacées » (art. III), et à établir un système de
certification phytosanitaire strict (art. V). Elles sont autorisées à réglementer les importations
de végétaux et de produits végétaux (mais pas d'animaux) afin d'empêcher l'introduction ou la
dissémination d'organismes nuisibles réglementés, moyennent des règles complexes visant à
concilier impératifs phytosanitaires et commerce international (art. VI).

La nature même des mesures de contrôle prévues dans ces instruments sanitaires et
phytosanitaires ne peut qu'interférer avec les règles internationales visant à garantir la liberté
de commerce, en particulier l'Accord de l'OMC. Les facilités actuelles de transport et la

76
globalisation des échanges commerciaux ont accru de façon considérable les risques
d'introduction accidentelle mais aussi volontaire d'espèces invasives.

B – Les risques liés aux biotechnologies

Avec l'avènement de la biotechnologie au cours des années soixante-dix, des techniques de


génie génétique ont vu le jour, permettant d'introduire, dans les organismes vivants, de
nouveaux gènes sélectionnés en vue de modifier des caractères de résistance, de stérilité ou de
productivité. Au centre d'enjeux éthiques, économiques, sociaux considérables, les organismes
génétiquement modifiés opposent l'industrie biotechnologique à des mouvements de
consommateurs et d'environnementalistes. Des incertitudes demeurent, en effet, quant aux
conséquences de la dissémination de cette technologie dans l'environnement naturel (impacts
des cultures d'OGM sur d'autres espèces que les espèces cibles, transfert des transgènes des
espèces cultivées vers des espèces sauvages par hybridation, transfert des gènes vers les micro-
organismes présents dans le sol recombinaison génétique et apparition de nouvelles maladies
des cultures,....) et son impact sur la santé humaine.

Aussi, les législateurs nationaux se sont-ils dotés, au nom du principe de précaution, d'un
arsenal juridique pour parer ces risques écologiques nouveaux. Dans le prolongement de ces
initiatives, le premier protocole adopté en vertu de la CDB, le Protocole de Carthagène sur la
prévention des risques biotechnologiques, adopté à Montréal, le 29 janvier 2000 (ci-après le
Protocole de Carthagène), réglemente pour la première fois au niveau international le transfert,
la manipulation et l'utilisation des organismes vivants modifiés (OVM ou OGM) à l'aide de la
biotechnologie en vue notamment de protéger la biodiversité contre des croisements génétiques
non désirés.

Le Protocole de Carthagène remplace et prolonge les directives techniques internationales pour


la sécurité biotechnologique adoptées en 1995 par le PNUE, de même que les lignes directrices
de I'OCDE. Ce protocole a été le fruit d'âpres négociations commencées en 1993 qui opposèrent
les Etats exportateurs d'OGM soutenus par les Etats-Unis à la Communauté européenne à
laquelle s'étaient ralliés la plupart des pays en voie de développement.

Pierre d'achoppement des négociations, le champ d'application du Protocole de Carthagène


couvre les mouvements transfrontières d'organismes vivant modifiés, définis comme " tout
organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours
à la biotechnologie moderne" (art. 3, g). L'organisme est considéré comme vivant lorsqu'il est
" capable de transférer ou de répliquer du matériel génétique, y compris des organismes stériles,
des virus et des viroïdes " (art. 3, g). En vertu de cette définition, les produits biologiquement
actifs (semences, produits agricoles non transformés destinés à l'alimentation humaine ou
animale) tombent sous le coup du Protocole alors que les produits dérivés (concentrés de
tomates génétiquement modifiées) sont exclus du champ d'application.

Les OGM relevant du champ d'application doivent néanmoins " avoir des effets défavorables
sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, et comporter également
des risques pour la santé humaine " (art. 4). En se référant expressément à la protection de la
santé humaine, le Protocole de Carthagène ne se limite pas aux seuls risques que les OGM
peuvent faire peser sur la diversité biologique, malgré sa filiation avec la CDB.

77
Il n'en demeure pas moins que les OGM utilisés à des fins pharmaceutiques (vaccins vivants)
sont exclus du champ d'application dans la mesure où ils relèvent d'autres accords ou
organismes internationaux, comme par exemple l'Organisation Mondiale de la Santé (art. 5).

Enfin, il faut souligner que les utilisations d'OGM limitées au territoire national ne sont pas
visées par le Protocole, ce qui restreint la portée de cet accord eu égard aux menaces que pose
la dissémination des OGM dans l'environnement d'un Etat. Les espèces transgéniques pouvant
traverser d'elles-mêmes les frontières, seules les principes généraux du droit international de
l'environnement, et en particulier celui de l'interdiction de causer un dommage environnemental
à un autre Etat, peuvent être invoqués dans cette hypothèse.

Les premiers mouvements transfrontières d'OGM destinés à être introduit


intentionnellement dans l'environnement de la partie importatrice sont soumis à une obligation
de notification dans le chef de la partie exportatrice ou de l'exportateur. Cette notification doit
permettre à la partie importatrice de prendre connaissance du projet de dissémination. Il
reviendra à cette dernière d'autoriser en connaissance de cause le transfert (art. 7 et 8). A titre
d'illustration, la procédure s'applique aux premiers mouvements transfrontières de semences
d'une variété de plantes transgéniques destinées à être expérimentées dans des cultures ou à être
commercialisées à des fins agricoles.

Dans la mesure où cet Etat importateur doit fonder sa décision d'autoriser ou de refuser la
dissémination de l'OGM sur la base d'une évaluation des risques reposant sur des critères
environnementaux et de santé publique, la notification contient une série d'informations
spécifiées à l'annexe I du Protocole (art. 8.1.). Sur la base des informations reçues, l'Etat
importateur peut exiger que l'exportateur procède lui-même à l'évaluation des risques (art.
15.2.), demander des renseignements complémentaires (art. 10.2, c), interdire ou autoriser
l'importation d'OGM avec ou sans conditions (art. 10.3, a et b). L'autorisation doit être
expressément accordée à l'importateur d'OGM (art. 10.5). La décision d'interdiction peut être
fondée sur le principe de précaution dans le but " d'éviter ou réduire au minimum les effets
défavorables potentiels " sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique
(art. 10.6). En d'autres mots, l'incertitude scientifique qui entoure les effets de la dissémination
sur l'environnement naturel peut conduire les autorités nationales à faire montre d'une plus
grande prudence.

Sont néanmoins exclus de la procédure d'autorisation les OGM en transit ou destinés à être
utilisés en milieu confiné (laboratoires) ou les importations d'OGM présentant peu de risques,
conformément à une décision de la conférence des parties (art. 7.4). En ce qui concerne les
OGM destinés directement à l'alimentation humaine ou animale (fruits, légumes, céréales
destinées à être consommées), ils sont soumis à une procédure allégée (art. 7.2 et 3).

Les OGM destinés directement à l'alimentation humaine ou à être transformés présentent


également des risques pour la conservation de la biodiversité au cas où ils seraient
accidentellement disséminés durant leur transport, leur stockage ou leur manipulation. Ces
risques sont plus sensibles dans les PVD où ce genre de matériel est souvent utilisé comme
semences par les agriculteurs. Nonobstant ces risques, les principaux Etats producteurs d'OGM
se sont opposés à étendre la procédure de notification et d'autorisation décrite ci-dessus aux
organismes qui ne sont pas destinés à être directement disséminés dans l'environnement.

A défaut de procédure d'autorisation, le Protocole prévoit une procédure particulière pour ce


type d'OGM. Il s'agit ici d'échanger des informations grâce à un mécanisme de notification

78
préalable. Aussi la Partie qui autorise l'utilisation, ou la mise sur le marché d'un tel OGM doit,
dans les quinze jours qui suivent, en informer les autres Parties, par l'intermédiaire du "Centre
d'échanges pour la prévention des risques biotechnologiques " établi par le Protocole et
fonctionnant sous l'égide de son secrétariat. Ce centre disposera non seulement des législations
applicables dans les Etats Parties mais aussi des évaluations des risques ou des études
écologiques relatives aux OGM réalisés par les parties (art. 11.1).

Le Protocole reconnaît aussi le droit aux Parties d'interdire ou de réglementer l'importation de


pareils OGM sous réserve que cette décision soit compatible avec les objectifs du Protocole, à
savoir la conservation de la biodiversité, la protection de la santé humaine (art. 11.4). Une telle
décision peut être prise à la lumière du principe de précaution dans le dessein d'éviter ou de
réduire au minimum les « effets défavorables potentiels » de l'OGM (art. 11.8).

La traçabilité des OGM par un étiquetage approprié a constitué une autre pierre
d'achoppement entre les producteurs d'OGM et la Communauté européenne au cours des
négociations. Un compromis a finalement été trouvé. D'une part, les OGM destinés à être
utilisés en milieu confiné doivent être clairement identifiés et des règles de sécurité doivent être
édictées (art. 18, b). D'autre part, les OGM destinées à être introduits intentionnellement
dans l'environnement, comme les semences, doivent être clairement identifiés ; leur identité
ainsi que les traits et caractéristiques pertinents de ces OGM, de même que les règles de sécurité
à observer, doivent être indiqués (art. 18, c). Enfin, les OGM destinés à l'alimentation humaine
et animale doivent porter une étiquette que les produits " peuvent contenir des OGM" (art. 18,
a).

La compatibilité des procédures prévues par le protocole de Carthagène au regard des accords
de l'OMC, a été longtemps débattue et donne encore lieu aujourd'hui à un débat doctrinal nourri.
Les rapports entre le Protocole et les règles du commerce international n'ont été abordés que de
manière emberlificotée dans le préambule du Protocole. Ce dernier indique que si le Protocole
n'est pas subordonné aux règles de l'OMC, il ne doit cependant pas être interprété comme
impliquant une modification des droits et des obligations découlant pour les Parties des règles
du commerce international. Aucune hiérarchie entre les deux régimes juridiques n'étant donc
établie, les contentieux pourraient toujours être déférés devant l'Organe de règlement des
différends de l'OMC.

Le choix de la norme applicable en cas de contentieux revêt toute son importance dans la mesure
où le Protocole de Carthagène et les Accords de l'OMC sont deux corps de règles mus par une
philosophie très différente. De deux choses l'une : soit les règles de l'OMC trouvent à
s'appliquer, soit le contentieux doit être tranché au regard du Protocole de Carthagène. Dans la
première hypothèse, l'Etat qui verrait ses exportations d'OGM interdites par une décision
nationale prise conformément aux procédures du Protocole, pourrait alors contester cette
décision, soit sous l'angle de l'Accord OTC, soit sous l'angle de l'Accord SPS, soit enfin sous
l'angle du GATT de 1994. A cet égard, l'on insistera sur le fait que l'Accord SPS ne prévoit pas
la possibilité d'invoquer le principe de précaution pour s'opposer à une importation comme l'y
autorise le Protocole de Carthagène. Par ailleurs, l'Accord SPS est plus exigeant en ce qui
concerne la preuve scientifique. Cette controverse n'a rien de théorique car les Etats-Unis - le
principal Etat exportateur d'OGM - n'ont pas signé le Protocole de Carthagène et, par
conséquent, pourraient se prévaloir des règles du commerce international.

79
Section 2 – La protection internationale de la biodiversité marine
Les océans recouvrent 71 % de la surface de la planète, et sont en moyenne quatre fois plus
profonds que l'élévation moyenne des continents. Ils constituent à ce titre les plus vastes
écosystèmes sur terre. Tant la composition des eaux marines que leurs mouvements (dont les
courants océaniques sont les expressions les plus spectaculaires) influencent la répartition et
l'adaptation des organismes qui y vivent. Ecologiquement, les principales zones des océans sont
le plateau continental et les côtes adjacentes, le fond de la mer au-delà du plateau continental
(qui comprend la plaine abyssale et les fosses océaniques), et la zone pélagique (néritique ou
océanique, selon qu'elle surplombe le plateau continental ou se situe en haute mer), constituée
par l'eau elle-même. Il reste que les ressources biologiques marines sont très inégalement
réparties, certains Etats étant entièrement enclavés, alors que d'autres disposent de côtes s'étirant
sur des milliers de kilomètres. L'importance socio-économique des ressources biologiques
marines et cette inégalité d'accès (hormis pour la haute mer, en principe accessible à tous) sont
à l'origine de nombreux conflits et d'une activité conventionnelle considérable.

§ 1 – Le milieu marin saisi par le droit.

Le régime juridique international susceptible d'encadrer les efforts de conservation de la


biodiversité marine et de ses éléments, trouve ses sources, d'une part, dans le nouveau droit de
la mer et, d'autre part, dans la CDB et les accords généraux en matière de conservation de la
nature, tout aussi essentiels.

Plongeant ses plus lointaines racines dans le Mare liberum de Grotius au début du 17eme siècle,
le droit de la mer s'est enrichi progressivement d'un corpus étonnement vaste de règles écrites
et coutumières, dont une première codification s'est opérée au travers de quatre conventions
conclues en 1958 à Genève à l'occasion de la première Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer. La troisième conférence sur le même thème a permis l'adoption de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre
1982. Une partie substantielle de cette dernière est considérée aujourd'hui comme consacrant
des dispositions de droit coutumier. La convention de Montego Bay codifie les fondements
juridiques de la souveraineté des Etats sur les étendues marines, et traite, de façon cohérente,
des principales problématiques entourant l'utilisation et la gestion des océans. Elle assortit en
outre son dispositif d'un mécanisme très élaboré mais souple de règlement des différends, qui
crée entre autres un Tribunal international du droit de la mer, siégeant à Hambourg en
Allemagne.

Parallèlement, depuis les années 50, une approche sectorielle, puis régionale de lutte contre la
pollution et de protection du milieu marin s'est mise en place, sous l'influence notamment de
l'OMI et du PNUE. Les conventions MARPOL 73/78 (pollution par les navires, 1973), d'Oslo
(pollution par immersion, 1972), de Londres (pollution par immersion, 1972) et de Paris
(pollution d'origine tellurique, 1974) contribuent à étoffer le dispositif de lutte contre la
pollution.

Sous l'impulsion de plusieurs Etats côtiers d'Amérique latine, le droit international de la pêche
a été marqué depuis 1945 par le développement de la juridiction (« creeping jurisdiction ») des
Etats côtiers sur les zones de mer adjacentes à leur territoire en vue de maîtriser l'exploitation
et la gestion des ressources qu'elles recèlent. Il s'est également enrichi d'un nombre croissant de
règles de conservation et de gestion des ressources halieutiques. Ces règles ont été codifiées
pour la première fois dans les conventions de Genève de 1958. La Convention de Montego Bay

80
a fixé les règles générales en la matière, considérées comme coutumières dans une large partie.
En parallèle se sont mises en place plusieurs organisations régionales compétentes en matière
de pêche, tant en zone atlantique qu'en Méditerranée ou en Mer Baltique. Depuis la Conférence
de Rio (1992), plusieurs instruments internationaux de deuxième génération, contraignants ou
non, ont en outre été adoptés en vue d'une meilleure gestion et conservation des stocks de
poissons, particulièrement en haute mer. Petit à petit, l'approche de précaution et la gestion
écosystémique recommandée notamment par l'Agenda 21 ont progressivement émergé comme
principes d'une pêche responsable.

Les trois principaux types de pollution susceptibles d'affecter les écosystèmes marins et leurs
communautés sont la pollution d'origine tellurique, la pollution par les immersions et la
pollution par les navires. La pollution d'origine tellurique, c'est-à-dire générée par les activités
humaines sur le continent, et charriée essentiellement par les cours d'eau ou la voie
atmosphérique (rejets d'eaux usées, de gaz ou de substances chimiques, pollution diffuse
agricole) est considérée comme la principale source de pollution du milieu marin, à laquelle
elle contribue à près de 80 %. Elle constitue à n'en pas douter la principale menace pour la
biodiversité marine actuellement, en particulier sur les côtes. Opérée à grande échelle à partir
des années 60, l'immersion dans les eaux côtières de déchets industriels et de boues de dragage
polluées (issues du curage des ports et des chenaux de navigation) a également contribué à
détériorer de façon importante les habitats marins côtiers. Elle entraîne une forte sédimentation
(laquelle ensevelit littéralement la faune benthique et colmate les zones de frai), et la diminution
de l'activité photosynthétique du phytoplancton (elle-même causée par l'augmentation de la
turbidité de l'eau par les matières en suspension).

Enfin, les effets de la pollution par les navires sont sans doute les mieux connus du public. Les
conséquences des opérations de nettoyage des cales et surtout les pollutions accidentelles liées
au naufrage de navires pétroliers (marées noires) peuvent causer des dommages considérables
aux écosystèmes marins, en particulier côtiers, principalement par le mazoutage d'organismes
comme les oiseaux, crustacés et mollusques. Il reste que la perturbation causée par ce type de
pollution aux écosystèmes marins n'est pas nécessairement irréversible, selon les cas, compte
tenu de la relative dégradabilité des composés hydrocarbonés (en particulier les moins lourds)
dans l'eau de mer. En quelques années, voire moins, les écosystèmes touchés peuvent espérer
retrouver un certain équilibre. Force est cependant de constater que par leur caractère
spectaculaire, les marées noires ont clairement contribué, on l'a dit, à l'avancée des instruments
internationaux en matière de lutte contre les pollutions par les navires.

La pêche maritime peut également avoir des effets (directs et indirects) considérables sur les
écosystèmes et sur la biodiversité marine en général. L'impact le plus important concerne bien
entendu les prélèvements excessifs opérés sur les espèces commerciales visées. Les « stocks »
de certaines d'entre elles, longtemps considérés comme inépuisables (hareng, cabillaud) se sont
véritablement effondrés suite à leur surexploitation par les flottes de pêche modernes, équipées
d'unités de plus en plus grandes et performantes et largement subventionnées par les Etats et la
Communauté européenne. Cette surexploitation des stocks conduit, outre à un déclin des
populations, à une réduction de la diversité génétique, pourtant indispensable à la viabilité des
stocks en question. Un problème non négligeable consiste également dans la pêche illégale
d'espèces prestigieuses comme le Thon à nageoires bleues.

L'impact de l'enfouissement de déchets radioactifs en mer sur la biodiversité n'a pas encore été
clairement établi, dès lors que l'ensemble des recherches ont plutôt porté sur l'impact sur la

81
santé humaine, et ont négligé les écosystèmes, au motif qu'une norme de protection de la santé
humaine était suffisante pour protéger le reste des écosystèmes marins.

La mondialisation des échanges maritimes (qui permet aux espèces d'être véhiculées dans le
monde entier dans les eaux de ballast des navires), l'ouverture de chenaux entre océans
différents (canal de Suez) encore la diffusion de l'aquariophilie contribuent de façon
spectaculaire à la dispersion parfois fulgurante d'espèces exotiques envahissantes, susceptibles
de perturber considérablement certains écosystèmes marins fragiles. Ainsi, la diminution des
stocks de poissons en mer Noire serait due en partie à l'apparition d'une petite méduse d'origine
américaine, Mnemiopsis leidyi. L'extension catastrophique de l'algue Caulerpa taxifolia en
Méditerranée menace directement les herbiers de Posidonies, essentiels pour nombre d'espèces
animales. L'invasion d'écosystèmes marins par des espèces envahissantes peut être considérée
comme une forme de pollution d'origine biotique.

§ 2 – La protection et la préservation du milieu marin contre la pollution

La convention de Montego Bay prescrit désormais aux Etats Parties une obligation générale de
protéger et préserver le milieu marin. Actuellement, celle-ci se décline principalement dans des
règles de lutte contre la pollution, même si l'Agenda 21 suggère une approche plus globale et
intégrée en vue de préserver les océans contre toutes les causes de dégradation.

A – Le cadre juridique général de la lutte contre la pollution

Le principe fondamental consacré à la Partie XII de la convention, consiste dans l'obligation


pour les Etats de protéger et de préserver le milieu marin (art. 192). Enoncée pour la première
fois en termes généraux et de façon expresse dans une convention globale, cette obligation est
applicable dans les espaces marins situés en dehors des juridictions nationales, c'est-à-dire en
haute mer, est actuellement considérée comme ayant valeur de droit coutumier, en ce qu'elle
est confortée par divers accords multilatéraux et régionaux actuellement en vigueur et par une
forte opinio juris. Le respect de cette obligation conditionne en outre le droit souverain des
Etats d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur propre politique en matière
d'environnement (art. 193).

Le devoir de protéger et de préserver le milieu marin ne peut être limité à la seule obligation de
lutter contre la pollution, même si les dispositions de la Partie XII (art. 194 et suivants) de la
convention portent presque uniquement sur cette question. En effet, la lutte contre la pollution
ne s'attaque guère à diverses causes de dégradation du milieu marin comme l'érosion des côtes
et la sédimentation, la destruction physique des habitats naturels, ou encore les effets du
réchauffement climatique ou du tourisme. Or, si le terme « protection » paraît viser les mesures
principalement passives de lutte contre les différentes agressions subies par l'environnement
marin, le terme « préservation » inclut nécessairement des mesures actives de la part des Etats
en vue d'éviter qu'il ne se détériore, ce à l'égard de toutes les facteurs de cette
détérioration.

Considérant la convention de Montego Bay comme le fondement international de la «protection


et de l'utilisation durable de l'environnement marin » (para. 17.1), l'Agenda 21, dans son
chapitre 17, appuie un tel raisonnement et donne une interprétation large du devoir de protéger
et préserver le milieu marin prescrit par l'article 192 de la convention. Il préconise en effet un
ensemble de mesures pour lutter de façon proactive et selon une approche écosystémique contre
la « dégradation » du milieu marin, au sens large. Il promeut l'aménagement intégré des zones

82
côtières, concept absent per se dans la convention de Montego Bay. Les différents accords
internationaux sur les mers régionales, tels que révisés après 1992, témoignent également de
cette évolution du concept de protection/préservation du milieu marin.

Il reste que la lutte anti-pollution constitue l'essentiel des préoccupations de la Partie XII de la
convention. Celle-ci oblige les Etats à prendre les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et
maîtriser la pollution, quelle qu'en soit la source (art. 194.1), donnant corps au principe 7 de la
Déclaration de Stockholm.

Fondamental pour comprendre la portée de cette obligation, le terme « pollution » est défini
dans la convention comme « l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou
d'énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a ou peut avoir des effets
nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et à la flore marines,
risques pour la santé de l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche substances
radioactives. En réalité, la liberté de la haute mer incluait implicitement celle de polluer,
moyennant toutefois un devoir des Etats d'exercer leur liberté en haute mer en ayant égard de
façon raisonnable aux droits des autres Etats (côtiers notamment).

Bien qu'elle ait ici une connotation fortement utilitariste, la lutte contre la pollution doit donc
avoir pour objectif d'éviter les dommages aux ressources biologiques et à la faune et à la flore
marines. Bien qu'il soit rarement établi dans les accords sectoriels, le lien avec la pêche,
essentiel, est ici établi. L'article 194.5 ajoute que la lutte contre la pollution doit comprendre
«les mesures nécessaires pour protéger et préserver les écosystèmes rares ou délicats ainsi que
l'habitat des espèces et autres organismes marins en régression, menacés ou en voie d'extinction
», y compris, on l'a dit, en haute mer. Dans la définition de standards internationaux (normes
d'émission, contrôle d'utilisation des substances dangereuses, contraintes de navigation dans
certaines zones, etc.), il importe donc d'avoir égard non seulement aux utilisations humaines du
milieu concerné, mais aussi aux exigences écologiques des organismes qui le peuplent, ce qui
peut impliquer l'adoption de mesures plus strictes.

La convention de Montego Bay a été saluée par la doctrine comme consacrant plusieurs
principes de droit international de l'environnement dans un texte contraignant. Ainsi, le droit
souverain des Etats d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique d'environnement
est explicitement rappelé (art. 193), conformément au Principe 2 de la Déclaration de Rio. Il est
toutefois tempéré, on l'a dit, par l'obligation de préserver le milieu marin, qui semble prévaloir.
Lus en combinaison avec la définition de la pollution - qui englobe les activités susceptibles
d'avoir un effet nuisible -, les articles 192 et 194.1, de même que d'autres dispositions en matière
de lutte préventive contre la pollution font eux écho aux principes, bien établis en droit
international de l'environnement, de prévention et de précaution.

Dans une même optique globalisante, l'article 194.2 exige qu'un Etat prenne toutes les mesures
nécessaires non seulement pour éviter que des activités relevant de leur juridiction causent un
préjudice à l'environnement d'un autre Etat, mais aussi pour éviter que la pollution engendrée
par ces activités « ne s'étende pas au-delà des zones où ils exercent des droits souverains (...) »,
c'est-à-dire en haute mer. De façon tout aussi générale, il est également prévu que les Etats ne
peuvent remplacer une pollution par une autre, ni déplacer un dommage ou un risque de
dommage d'une zone à une autre (art. 195).

Enfin, de façon transversale, la convention rend les Etats responsables du respect de leurs
obligations en matière de protection du milieu marin, renvoyant pour le surplus au droit

83
international de la responsabilité des Etats, et obligeant ces derniers à coopérer pour assurer
l'application et le développement de normes dans ce domaine (art. 235). Une obligation générale
de coopération incombe aux Etats sur les plans mondial et régional, en ce qui concerne,
notamment, la formulation et l'élaboration de règles et de procédures destinées à protéger
et préserver le milieu marin (art. 197 et s.). Cette obligation contraignante, nettement plus claire
et inconditionnelle que celle prévue dans la CDB, constitue, on le verra, un élément
fondamental d'un régime intégré de protection et de préservation du milieu
marin, compte tenu de l'absence, sauf exception, d'une convergence entre les limites
des grands écosystèmes marins avec les zones soumises à la juridiction des Etats
côtiers. En outre, la convention préconise à diverses reprises la coopération des Etats
en vue de promouvoir la surveillance (art. 204), la recherche scientifique (art.
200) et l'élaboration de critères scientifiques pour la formulation de normes, concernant
la pollution et ses effets sur l'environnement (art. 201).

Le devoir de coopération a été consacré expressément par le Tribunal international du droit de


la mer dans une ordonnance remarquée de mesures conservatoires qu'il a rendue le 3 décembre
2001 dans l'affaire de l'usine MOX (Irlande c/ Royaume Uni). La haute juridiction y considère
que l'obligation de coopérer constitue, en vertu de la Partie XII et du droit international général,
un principe fondamental en matière de prévention de pollution du milieu marin. Il estime que
la prudence et la précaution exigent que les parties coopèrent en échangeant des informations
et en élaborant des moyens pour faire face aux risques ou effets résultant des opérations de
l'usine MOX.

La surveillance des risques de pollution du milieu marin et de l'effet de cette pollution est
également exigée par la convention, de même que la publication de rapports faisant état des
résultats de cette surveillance (art. 204 et 205). Mieux, en accord avec une approche
de précaution, l'article 206 prévoit que les Etats évaluent « dans la mesure du
possible », les effets potentiels des activités exercées sous leur juridiction pour
lesquelles ils « ont de sérieuses raisons de penser » qu'elles « risquent d'entraîner une
pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu
marin », - y compris, il faut le souligner, dans les zones non soumises à leur juridiction -
et rendent compte dans leur rapport précité de cette évaluation. Si les précautions
oratoires utilisées ôtent une bonne part de son caractère contraignant à cette
disposition, il n'en reste pas moins que le principe d'une évaluation environnementale
des effets des activités où qu'elles soient déployées est consacré, quitte à en détailler
les modalités dans des textes ultérieurs.

La convention de Montego Bay, a apporté plusieurs innovations majeures concernant les


compétences des Etats en matière de protection de l'environnement marin, afin d'améliorer la
mise en application effective de leurs obligations dans ce domaine. Ainsi, l’Etat du port a
désormais toute autorité pour enquêter voire intenter une action à rencontre d'un navire ne
battant pas son pavillon, en cas de rejet illégal en haute mer (voire dans les eaux placées sous
la juridiction d'un autre Etat, si celui-ci en fait la demande), quand bien même il n'aurait pas
souffert de ce rejet (art. 218). L'Etat du port doit en outre, à la demande d'un Etat victime d'une
pollution, s'efforcer de mener des inspections au sujet de ces rejets. Les infractions visées
n'incluent donc pas les violations des accords en matière de conservation de la nature (violation
d'aires protégées, destruction d'espèces menacées, etc.). Des mesures peuvent également être
prises à rencontre de navires commettant des infractions aux normes internationales en matière
de navigation - notamment en matière de sécurité ou dans le cadre des « zones sensibles » visées
par la convention MARPOL - susceptibles de causer des dommages au milieu marin, par

84
exemple liées à des fuites ou un risque d'accident (art. 219). Cette extension remarquable des
compétences de l'Etat du port permet à ce dernier de jouer un rôle de « gardien » au profit de
l'environnement marin en dehors de tout lien juridique avec le navire pollueur.

En sus, l’Etat côtier, première victime des accidents en mer, jouit d'une compétence
relativement étendue pour adopter des réglementations de protection du milieu marin
applicables dans les zones soumises à sa juridiction (eaux intérieures, mer territoriale, zone
contiguë et zone économique exclusive ou ZEE) (art. 211). Dans le cadre de la gestion et de la
conservation des ressources halieutiques, particulièrement vulnérables à la pollution dans les
zones côtières, ces dispositions prennent un relief particulier.

Pour le surplus, il suffit de rappeler qu'au-delà de la mer territoriale, un navire est soumis à la
seule juridiction de l'Etat du pavillon - qui doit en conséquence prendre les mesures pour faire
respecter par ce dernier les normes internationales en vigueur (art. 217 et s.). Ce principe, même
contrebalancé par les prérogatives des Etats du port et côtier, est à l'origine d'abus et de laxisme
au travers de la pratique des pavillons de complaisance.

L'augmentation de la fréquence des accidents en mer impliquant des


pétroliers - et leur cortège d'oiseaux mazoutés et de côtes souillées - ont conduit les
négociateurs de la convention, en continuité avec certains textes antérieurs, à établir
un cadre général à la prévention et la coopération internationale en cas de situations
urgentes. Ainsi, des plans d'urgence doivent être adoptés par les Etats (art. 199),
tandis que les dommages effectifs ou les risques imminents de dommage doivent être
notifiés par les Etats qui en ont connaissance à ceux qu'ils estiment être menacés par
ces dommages, ainsi qu'aux organisations internationales compétentes (art. 198). Les
textes de droit international en matière de lutte contre la pollution par les navires doivent
en outre prévoir pareille notification à l'attention des Etats côtiers menacés par une
pollution accidentelle par un navire (art ; 211.7). Une assistance doit être offerte aux
pays en développement pour minimiser les effets des accidents majeurs (art. 202.b). La
convention rappelle en outre le droit de l'Etat victime d'une pollution de prendre les
mesures appropriées pour protéger son littoral ou ses intérêts connexes comme la
pêche pour éviter ou réduire les dommages liés à une pollution accidentelle (art. 221).

En sus des dispositions à caractère général évoquées ci-avant, la convention de Montego Bay
comprend un corps de règles plus précises, spécifique à chaque type de pollution (art. 207 et
s.). L'objet de ces régimes est d'imposer l'adoption par les Etats de normes ad hoc, tant en droit
international (notamment par l'intermédiaire d'organisations internationales compétentes ou
d'une conférence diplomatique) que dans l'ordre interne, en vue de « prévenir, réduire et
maîtriser » ces différentes formes de pollution.

La convention de Montego Bay requiert des Etats qu'ils harmonisent leurs politiques
sectorielles « au niveau régional approprié », c'est-à-dire notamment au travers des systèmes de
protection des mers régionales. Surtout, les lois et règlements adoptés par les Etats
conformément à ces obligations doivent donner effet aux règles et normes internationales
applicables, établies par une organisation internationale compétente -par exemple l'OMl - ou
une conférence diplomatique (art. 213, 214 et 216). D'aucuns en concluent que la convention
de Montego Bay donne une dimension planétaire aux principes de lutte contre des polluants
spécifiques prescrits initialement dans des accords de portée régionale, et les rend obligatoires
pour tout Etat partie, même s'il n'a pas ratifié ces instruments.

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B – Les instruments sectoriels de lutte contre la pollution marine

Il s’agit des instruments relatifs aux pollutions d’origine tellurique, des immersions de polluants
en mer et des pollutions des navires ou des activités off-shore.

1 - Les pollutions d’origine tellurique

La convention de Montego Bay établit un cadre général à la lutte contre la pollution tellurique,
ce en deux temps. Dans son article 207, la convention exige des Etats membres qu'ils adoptent
lois et règlements de façon à prévenir, réduire et maîtriser- il n'est pas encore question de
l'éliminer- la pollution des océans depuis des sources d'origine terrestre, en ce compris les
fleuves, estuaires, pipelines et les installations de décharge. Les substances dangereuses, en
particulier les « substances non dégradables », doivent faire l'objet d'attention particulière.
L'article 212 de la convention encadre quant à lui la lutte contre la pollution d'origine
atmosphérique et « transatmosphérique », en prévoyant que les Etats parties sont tenus d'adopter
des réglementations à cet effet, applicables tant à leur espace aérien qu'aux navires et aéronefs
sur lesquels ils exercent leur juridiction, et tenant compte des règles, procédures et pratiques
recommandées ou internationalement convenues.

En dehors des dispositions-cadre de la convention de Montego Bay, les textes contraignants en


la matière sont de portée régionale. Ils excluent généralement la matière de l'immersion des
déchets, le contrôle des rejets de substances dangereuses restant l'objet principal de ce type
d'accords. Les accords de la dernière génération intègrent en partie les recommandations de
l'Agenda 21.

Dans la zone atlantique, la convention OSPAR oblige les Etats parties à prendre,
individuellement et conjointement, « toutes les mesures possibles » pour prévenir mais aussi
supprimer, de façon générale, la pollution d'origine tellurique, conformément à l'annexe I de la
convention (article 3). Son champ d'application, très large, couvre toutes les sources ponctuelles
et diffuses à terre à partir desquelles des substances ou de l'énergie atteignent la mer, tant par
voie terrestre (fleuves, côtes) qu'aérienne (dépôts atmosphériques). L'élimination de matières
dans le sous-sol marin par exemple au moyen de canalisation ou un tunnel est également
couverte. Les Etats parties sont tenus d'adopter, pour une série de substances - dont les
organochlorés (PCB), les métaux lourds, les composés azotés et phoshorés, les biocides, les
hydrocarbures ou encore les substances radioactives -, des programmes et mesures fondés sur
les meilleures techniques disponibles ou sur les meilleures pratiques environnementales
disponibles. A l'occasion de l'adoption de ces programmes et mesures, des critères repris en
annexe II de la convention, comme la persistance, la toxicité ou encore le caractère irréversible
des effets des substances concernées, doivent être pris en considération. Un contrôle des sources
ponctuelles de pollution marine d'origine terrestre doit être mis en place, par exemple via des
mécanismes d'autorisation. La référence par la convention OSPAR au principe de précaution,
évoquée plus haut, prend toute son importance dans un domaine aussi mal connu que l'effet des
substances dangereuses sur l'environnement.

2 - Les immersions de polluants en mer

Si, dans son article 210, la convention de Montego Bay oblige, comme pour les autres types de
pollution, les Etats à adopter une réglementation ad hoc sur le plan national pour prévenir,
réduire et contrôler la pollution par immersion, elle ajoute de façon inconditionnelle et précise
que cette réglementation doit garantir que « nulle immersion ne peut se faire sans

86
l'autorisation des autorités compétentes des Etats ». Il est spécifiquement prévu, d'une
part, que « l'immersion dans la mer territoriale et la ZEE ou sur le plateau continental
ne peut avoir lieu sans l'accord de l'Etat côtier», mais aussi que, d'autre part, ce
dernier examine « dûment » la question d'une éventuelle autorisation, réglementation ou
contrôle de l'immersion avec les Etats susceptibles d'être affectés par elle. Il est prévu
enfin que les lois et règlements nationaux pris sur cette base ne doivent pas « être
moins efficaces (...) que les règles et normes de caractère mondial », ce qui oblige les
Etats parties à la convention de Montego Bay à introduire dans leur droit les règles du
droit international dans le domaine.

Une répartition expresse des prérogatives et obligations pesant sur les Etats en matière de lutte
contre la pollution par immersion est expressément prévue à l'article 216 : les Etats côtiers
mettent en œuvre les normes de droit international et interne prises pour lutter contre la
pollution par immersion dans les zones soumises à leur juridiction, tandis que les Etats du
pavillon font de même à l'égard des navires et aéronefs placés sous leur juridiction. S'agissant
du chargement de déchets, l'Etat sur le territoire duquel pareil chargement est réalisé est
responsable de l'application des réglementations existantes, y compris donc aux navires battant
pavillon d'autres Etats.

3 - Les pollutions des navires et des activités off-shore

La convention de Montego Bay oblige désormais les Etats parties à adopter des règles et
standards internationaux afin de prévenir, réduire et contrôler la pollution engendrée par les
navires, et à adopter prendre des mesures pour réduire le risque d'accidents
susceptibles de provoquer pareille pollution. Les législations nationales doivent être
adaptées pour tenir compte des règles généralement admises de droit international en la
matière.

L'Etat côtier dispose désormais de pouvoirs élargis en matière de lutte contre la pollution par
les navires. La convention admet en effet que les Etats côtiers conditionnent l'entrée dans leurs
ports ou leurs eaux intérieures de navires étrangers au respect de réglementation antipollution,
moyennant certaines conditions de publicité et d'information (art. 211.1 à 3). L'Etat côtier peut
en outre imposer aux navires étrangers se trouvant dans sa mer territoriale toute norme
antipollution, pour autant que soit respecté le droit de passage inoffensif. De façon intéressante
dans le cadre d'une gestion intégrée des ressources biologiques marines, il peut obliger les
navires étrangers traversant sa ZEE à respecter toute norme conforme aux règles du droit
international généralement acceptées et adoptées soit par une organisation internationale
compétente, soit lors d'une conférence diplomatique générale (art. 211, § 4 et 5).

Sont visés notamment les standards MARPOL. L'Etat côtier a enfin la possibilité d'intervenir -
par voie d'inspection, voire en ordonnant, sous certaines conditions, l'immobilisation du navire
-lorsqu'il a « de sérieuses raisons de penser » qu'une infraction a été commise dans une des
zones soumises à sa juridiction (art. 220).

L'Etat côtier peut en effet prendre des mesures obligatoires spéciales en vue de prévenir la
pollution par les navires dans certaines « zones particulières et clairement définies » de la ZEE,
si des raisons techniques liées entre autres aux caractéristiques océanographiques ou
écologiques ou à la conservation des ressources dans cette zone peuvent être invoquées, et sont
reconnues par l'organisation internationale compétente, en l'espèce l'OMI. Les mesures peuvent
consister dans l'application des standards de la Convention MARPOL applicables dans les «

87
zones spéciales » ou dans des mesures, nouvelles, moyennant approbation par l'OMI (art.
211.6). Le concept de Particularly Sensitive Sea Area (PSSA) de l'OMI trouve son fondement
juridique dans cette disposition.

Remplaçant la convention OILPOL de 1954, la Convention internationale pour la


prévention de la pollution par les navires, dite MARPOL, adoptée à Londres le 2 novembre
1973, et amendée en 1978 (MARPOL 1978), régit désormais en détail ce domaine combien
sensible aux yeux de l'opinion publique. Adoptée et mise en œuvre sous l'égide de l'OMI, la
convention MARPOL a une portée mondiale, et se veut évolutive. Elle fait l'objet régulièrement
de résolutions interprétatives et d'amendements adoptés par le Comité de protection de
l'environnement marin (CPEM) de I'OMI. Son objectif principal est de parvenir à l'élimination
de la pollution volontaire du milieu marin par les hydrocarbures (dégazage) et certaines autres
substances dangereuses, ainsi qu'à une réduction des risques de pollution accidentelle par des
mesures renforçant la sécurité à bord des navires.

Le champ d'application de la convention est pour le moins large : il couvre l'ensemble des
«rejets », soit tout déversement, même involontaire, provenant d'un « navire » - y compris les
plateformes fixes - quelle qu'en soit la cause. Sont visés tant les rejets directs que les
écoulements, évacuations, fuites, pompages ou vidange des cales (art. 2, al. 3 et art. 3, al. 1 et
3). Seules les immersions (couvertes par la convention de Londres de 1972) et les rejets liés à
l'exploration et l'exploitation des fonds marins sont expressément exclus du champ d'application
de la convention. Celle-ci donne en outre une définition large de « substances dangereuses
entendue comme toute substance qui, introduite dans le milieu marin, est susceptible de causer
un dommage à la santé, aux ressources vivantes et à la vie marine ou d'interférer avec d'autres
usages légitimes de la mer (art. 2, al. 2).

L'efficacité de l'ensemble du dispositif repose sur un régime obligatoire de certification de la


conformité des navires aux règles édictées par la convention, et sur des mécanismes stricts de
contrôle, consistant entre autres en des inspections et des enquêtes. Tout navire battant le
pavillon d'un Etat partie doit satisfaire aux normes antipollution, et être certifié conforme à ces
normes par cet Etat. Ce certificat est délivré suite à une inspection par les autorités compétentes.
D'une validité de cinq ans, il ne peut être renouvelé que moyennant une nouvelle inspection.
De façon très opportune, l'Etat dans le port duquel un navire battant pavillon d'un autre Etat
partie peut inspecter le navire et exiger la production du certificat, et au besoin, si le certificat
n'est pas conforme, interdire au navire d'appareiller. Une enquête doit être menée par l'Etat du
pavillon en cas d'accident, tandis que des rapports doivent être rédigés et transmis à l'OMI en
cas d'infraction à la convention ou de dépassement des normes de rejet prévues. Les sanctions
que doivent prévoir les Etats parties doivent être suffisamment dissuasives pour incite à
respecter la convention.

La convention MARPOL 73/78 développe dans trois protocoles et six annexes un vaste corpus
de règles précises. De nombreux amendements ont été apportés à la convention afin de tenir
compte de l'évolution des techniques de construction navale. Chaque annexe traite d'un
aspect distinct de la problématique de la pollution par les navires. L'annexe I vise à prévenir la
pollution par les hydrocarbures, l'annexe II régit la lutte contre la pollution liée aux substances
liquides toxiques dans la coque (eaux de ballast notamment), l'annexe III établit des règles
de prévention de la pollution par les substances dangereuses et les annexes IV et V visent
respectivement la lutte contre la pollution liée aux rejets d'eaux usées et aux déversements de
déchets en mer. L'annexe VI traite de la pollution atmosphérique par les navires. Seules les
deux premières annexes - de loin les plus importantes - sont obligatoires pour les parties.

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Sont toutefois exclus du champ d'application de la convention les navires de guerre et les
navires appartenant à l'Etat et affectés à un usage public non commercial.

Une particularité intéressante du régime mis en place par l'annexe I de la convention MARPOL
73/78 pour la biodiversité consiste dans la possibilité de désigner des « zones sensibles », au
sein desquelles des normes plus strictes sont d'application. Ces normes sont contenues aux
annexes I (hydrocarbures), II (substances liquides dangereuses) et V (déchets). Ainsi, aucune
dérogation pour le déversement d'hydrocarbures n'est admise dans ces zones. A l'instar de ce
qui est prévu dans la convention de Montego Bay, c'est l'OMI qui désigne les zones sensibles,
sur proposition des parties. Les critères de désignation sont doubles : l'OMI doit tenir compte à
la fois des caractéristiques écologiques et océanographiques de la zone concernée et de la nature
du trafic maritime qui s'y exerce. En soi, l'Etat côtier ne peut se prévaloir d'une quelconque
souveraineté sur une telle zone, contrairement à ce qui est prévu à l'article 211, § 6, de la
Convention de Montego Bay (protection de zones spéciales dans la ZEE), déjà évoqué ci-avant
: il s'agit seulement de rendre applicable un régime plus strict existant dans une zone définie
par l'OMI comme sensible.

Par ailleurs, l'OMI a entamé, depuis 1978, une réflexion sur l'introduction d'un nouveau concept
en droit maritime international, celui de « zones marines particulièrement sensibles »
(Particularly Sensitive Sea Areas, PSSAs), suite au constat de la nécessité de prendre des
mesures spécifiques en faveur des zones marines les plus vulnérables à la pollution par les
navires. Les PSSA couvrent une surface moins grande que les zones sensibles au sens de la
convention MARPOL Le Comité pour la protection de l'environnement marin (CPEM),
émanation de l'OMI, a produit en 1991 des « Lignes directrices pour la désignation de zones
sensibles et l'identification de zones marines particulièrement sensibles », approuvées par
l'assemblée de l'OMI en novembre 1991.

Juridiquement, la création d'une PSSA peut trouver son fondement dans l'article 211.6, de la
convention de Montego Bay (zones particulières de la ZEE), comme dans la disposition
équivalente de la convention MARPOL (zones sensibles). Définie comme une zone qui
nécessite une protection spéciale par l'OMI du fait de son importance écologique, socio-
économique et culturelle, ou scientifique, et qui peut être vulnérable aux risques liés aux
activités en mer des navires, la PSSA est désignée sur proposition de l'Etat intéressé par l'OMI
sur la base de critères précis (écologiques, socio-économiques et culturels, ou scientifiques et
éducatifs, le respect d'un seul de ces groupes de critères pouvant suffire).

Les mesures de protection susceptibles d'y être rendues applicables sont proposées par l'Etat
intéressé, mais doivent être approuvées par l'OMI. Elles peuvent comprendre des normes de
rejet (déballastage par exemple), des mesures de guidance (« routing ») ou encore d'autres
mesures antipollution, comme par exemple des mesures relatives à la construction des navires.
Elles sont obligatoires pour les navires battant le pavillon de tout Etat membre de l'OMI.

L'intérêt de ce nouveau concept pour la biodiversité marine est, entre autres, d'autoriser,
moyennant l'aval de l'OMI, l'adoption de mesures autres que celles prévues dans les textes
internationaux (notamment les conventions de l'OMI) dans des zones de grand intérêt
biologique. Ce concept présente une importance particulière dans le cadre d'une politique de
création d'aires marines protégées, particulièrement en haute mer où prévaut la liberté de
navigation et où les prérogatives des Etats côtiers en matière de pollution sont réduites. En

89
Europe, les ONG comme le VWVF International ont réclamé que la Mer de Wadden, dont on
connaît l'intérêt ornithologique, soit reconnue comme PSSA.

A l'issue de la Conférence de l'OMI tenue à Londres du 1er au 5 octobre 2001 a été signée une
Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissures dangereux sur les
navires. Celle-ci devrait sonner le glas pour l'une des substances les plus dangereuses utilisées
par les constructeurs pour protéger les navires contre les « salissures » (causées par de petits
organismes fixés sur la coque, affectant les performances hydrodynamiques de celles-ci), à
savoir le tributyl étain, ou TBT. Le nouveau traité entend donner corps à une recommandation
de l'Agenda 21 qui préconise de réduire la pollution liée à l'utilisation de composés
organostanniques. Son principe repose sur l'obligation pour les parties d'interdire et/ou de
réduire l'utilisation de systèmes antisalissures dangereux - dont une double liste est reprise dans
deux annexes - non seulement pour les navires battant leur pavillon ou navigant sous leur
autorité, mais aussi pour les navires entrant dans leurs ports ou leurs chantiers navals, ce qui est
nettement plus contraignant et permet d'éviter l'écueil des pavillons de complaisance.

Un régime de certification internationale des systèmes antisalissures et de contrôle est mis en


place pour les navires de plus de 400 tonnes engagés dans des voyages internationaux, tandis
qu'un système de déclaration prévaut pour les navires de moins de 400 tonnes, mais long de
plus de 24 mètres. Un calendrier précis est donné dans l'annexe I pour l'élimination des
organostanniques. Dès janvier 2003, il était ainsi interdit d'appliquer de nouvelles couches de
composés organostanniques sur la coque des navires, tandis que pour janvier 2008, ces
composés devront soit avoir disparu de leur coque, soit devront être traités de façon à ce qu'ils
ne puissent plus s'échapper dans le milieu marin.

§ 3 – L’exploitation des ressources biologiques marines

Il est impossible d'analyser l'ensemble des accords de pêche ou traitant de la conservation des
ressources biologiques marines, déjà largement étudiés par la doctrine et à laquelle il est
renvoyé. Seules les dispositions pertinentes de la convention de Montego Bay et les instruments
postérieurs les plus importants pour la biodiversité feront donc ici l'objet d'un commentaire.

A – La situation avant la convention de Montego Bay

Le droit de la mer plonge ses racines de doctrines remontant à la Renaissance.


Traditionnellement, depuis Grotius (16ème siècle), les prérogatives des Etats sur les eaux
marines et leurs ressources reposent sur la summa divisio suivante des océans : ceux-ci
comprennent, d'une part, la haute mer, dans laquelle prévaut la « liberté des mers » - qui inclut
liberté de naviguer et liberté de pêcher -, et, d'autre part, la mer territoriale, qui relève, avec
toutes les ressources qu'elle contient, de la seule juridiction de l'Etat côtier. La portée des canons
disposés sur les côtes en fixait la largeur à trois ou quatre milles. Dans la mer territoriale, l'Etat
côtier exerce sa pleine souveraineté, et peut ainsi exclure la participation d'autres Etats aux
activités de pêche dans la zone.

Jugées illimitées, les ressources de la haute mer (y compris les mammifères marins) sont en
revanche considérées comme des « res nullius » dont l'accès est libre à tous. La liberté de pêche
profite avant tout aux Etats développés, dotés de flottes de pêche performantes. Fondée sur cette
base, la sentence arbitrale sur les Phoques à fourrure de la merde Behring (Behring Sea Fur
Seals Arbitration), rendue le 15 août 1893, a refusé aux Etats-Unis le droit d'empêcher des
navires britanniques de chasser les Phoques à fourrure au-delà de ses eaux territoriales. Ces

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derniers invoquaient une série d'arguments (droit de propriété sur les phoques nés sur leur
territoire, liberté de la haute mer conditionnée au respect des droits des Etats riverains, etc.) qui
furent tous rejetés. Si des règles de prévention de la surexploitation des phoques sont
nécessaires, elles restent soumises à l'acceptation des Etats péchant dans les eaux concernées.

Les conséquences de cette liberté d'accès aux ressources dans la quasi totalité des eaux riches
en poissons ont conduit à ce qu'on a qualifié de « tragédie des communs », c'est-à-dire une
exploitation effrénée des ressources jusqu'à épuisement, toute coopération étant rendue caduque
parce que non rentable. Les stocks jugés illimités se sont effondrés, notamment les populations
de grands cétacés. Ce n'est qu'après la première Guerre mondiale que les scientifiques établiront
le lien entre l'épuisement des stocks et les méthodes de pêche. La création du Comité
international pour l'exploration de la mer (CIEM) par des Etats riverains de l'Atlantique en 1902
marque un pas important vers une gestion plus scientifique des ressources halieutiques.

En réponse, notamment, à une rapide évolution des techniques de pêche depuis le 19eme siècle,
qui a permis l'augmentation de l'effort de pêche des flottes à longue distance, certains Etats
côtiers ont exercé des pressions en faveur d'une extension géographique de leur souveraineté
sur leurs eaux côtières et sur les ressources qu'elles recelaient. Plusieurs déclarations
unilatérales en ce sens - dont celle du Président Truman en 1945 -considèrent l'extension de la
juridiction des Etats sur les eaux adjacentes à leur mer territoriale comme nécessaire soit à la
conservation de leurs ressources, soit à leur subsistance même. Parallèlement, la nécessité de
prendre des mesures de conservation des ressources contre une surexploitation est devenue une
évidence, comme en témoigne l'effondrement spectaculaire des stocks de harengs en mer du
Nord.

Ces deux tendances expliquent l'adoption à Genève, le 29 avril 1958 de quatre conventions,
respectivement sur la haute mer, sur la mer territoriale et la zone contiguë, sur la pêche et la
conservation des ressources vivantes de la haute mer et sur le plateau continental. Les
revendications des Etats riverains n'ont été que faiblement répercutées, ceux-ci ne jouissant que
d'un « intérêt spécial » au maintien de la productivité des ressources biologiques dans la haute
mer adjacente à leur mer territoriale (et non un droit de pêche exclusive). La convention sur la
haute mer rappelle expressément le principe de la liberté en haute mer à son article 2, sous
réserve de la prise en compte raisonnable des intérêts des autres Etats.

La Cour internationale de justice s'est fondée sur cette disposition dans ses arrêts sur les
Pêcheries d'Islande pour refuser à l'Islande le droit d'exclure des navires de pêche allemands et
britanniques de la zone de située entre 12 et 50 miles autour de ses côtes. Elle a cependant établi
que les parties devaient négocier de bonne foi des solutions, en prenant en considération
notamment les « droits préférentiels » de l'Islande en matière de pêche au-delà de sa mer
territoriale (certes reconnus par l'Allemagne) et, surtout, les exigences de « conservation des
ressources halieutiques ». Cette obligation de coopérer pour la gestion de ressources partagées,
fondamentale pour la gestion des ressources halieutiques (stocks chevauchants notamment), a
été rappelée par la Cour dans d'autres affaires.

Malgré une orientation fortement axée sur l'agriculture, l'Organisation pour l'alimentation et
l'agriculture (FAO) joue un rôle essentiel dans le cadre de la gestion et la conservation des
ressources halieutiques. Celui-ci se traduit par une activité considérable, non seulement
scientifique, statistique et de consultance, mais aussi juridique. L'adoption du Code de conduite
pour une pêche responsable en 1995 témoigne de cet intérêt.

91
Les mammifères marins comprennent principalement les pinnipèdes (phoques, otaries, morses),
les Siréniens (dugong, lamantin) et les cétacés. Ces derniers comprennent environ 80 espèces,
réparties entre les Mysticètes (baleines à fanon, comme les rorquals ou les baleines) et
Odontocètes (baleines à dents, comme le Cachalot, les marsouins, l'Orque ou les dauphins).
Nombre d'espèces de cétacés sont migratrices, et sont reprises à ce titre dans l'annexe I de la
convention de Montego Bay.

La chasse à la baleine existe depuis des siècles. Les flottes basque, puis anglaise et hollandaise
du nord de l'Atlantique ont exploité pendant des siècles les stocks de Baleine franche de cet
océan. Les baleines étaient pourchassées pour leur viande, pour leurs fanons (les « baleines »)
et pour leur graisse, transformée en huile pour l'éclairage. L'évolution des techniques de chasse
(en particulier l'invention norvégienne du canon harpon et l'apparition des navires usines à
vapeur) depuis le XIXe siècle ont permis d'explorer de nouvelles zones et d'intensifier la chasse,
provoquant ainsi une chute dramatique des effectifs des grands cétacés au milieu du XXe siècle.
Afin de maintenir leur industrie, les flottes de baleiniers ont ainsi exploité, zone par zone, les
stocks des plus grandes espèces (Rorqual bleu et commun notamment), puis, après épuisement,
se sont attaqué aux stocks d'autres espèces plus petites (Rorqual de Rudolphi, Baleines à bosse).
Plusieurs populations ont ainsi définitivement disparu. Suite à la raréfaction généralisée des
grands cétacés, la chasse à la baleine n'est aujourd'hui plus pratiquée que par quelques Etats
(dont les principaux sont la Norvège et le Japon) ainsi que par certaines peuplades vivant
traditionnellement de cette chasse (Eskimos américains et russes principalement).

Des pressions sont exercées par les deux pays précités ainsi que par l'Islande, la Russie, le Chili
et le Pérou pour reprendre la chasse commerciale de certaines espèces, dont le Rorqual de
Minke, dont les populations sont estimées à environ 800.000 exemplaires. Un problème
récurrent est celui de la chasse illégale, difficile à contrôler et qui pourrait être à l'origine de
l'absence de reconstitution de la population très menacée de Rorqual bleu dans l'hémisphère
sud.

Constaté dès le premier tiers du XXe siècle, l'épuisement des stocks de grands cétacés a poussé
l'industrie baleinière à prendre d'initiative des mesures (via des accords privés) pour tenter de
préserver ses intérêts économiques. La nécessité d'une coopération internationale et d'une
approche tenant compte de la biologie des cétacés a conduit à l'adoption à Genève, le 24
septembre 1931, de la Convention sur la réglementation de la chasse à la baleine. Cet accord
s'appliquait en haute mer comme dans les eaux territoriales et visait que les baleines à fanons.
Il interdisait définitivement la capture de la Baleine franche, ainsi que, de façon générale, des
baleineaux, des immatures et des femelles accompagnées de jeunes. Les Etats étaient obligés
d'exploiter le mieux possible les carcasses d'animaux capturés, et de faire en sorte que les
revenus des équipages de baleiniers ne fussent pas uniquement fonction du nombre de baleines
tuées mais aussi d'autres critères. Des informations statistiques devaient être communiquées à
un bureau de statistiques baleinières à Oslo.

La convention de Genève n'a pas eu l'effet escompté, du fait de l'absence de mécanismes de


mise en œuvre performants (et notamment d'un organe de suivi), de la faible participation des
principaux Etats concernés et du manque d'audace des mesures de conservation (par exemple,
aucun quota annuel n'était fixé).

Adoptée à Washington le 2 décembre 1946, la Convention sur la réglementation de la chasse à


la baleine constitue toujours aujourd'hui le principal régime réglementant l'exploitation des
grands cétacés. Elle a été signée à l'origine par 15 Etats principalement chasseurs, et est entrée

92
en vigueur le 10 novembre 1948. Ouverte à tous les Etats sans distinction, cet accord de portée
mondiale est aujourd'hui ratifié par près de 40 parties, dont une majorité ne possède pas de flotte
baleinière. Cette participation importante d'Etats n'ayant pas d'intérêt dans la chasse a conduit
à l'adoption du moratoire en 1986. Le Japon a cependant été accusé récemment par des ONG
environnementales de convaincre, moyennant une aide financière accrue, certains pays en voie
de développement (Caraïbes, Afrique) de rejoindre la convention afin d'obtenir la majorité dans
la commission baleinière et mettre ainsi fin au moratoire institué par elle.

Les objectifs de la convention sont similaires à bien des égards à ceux des accords de pêche
proprement dits : il s'agit d'assurer la conservation des stocks à un niveau optimal « sans causer
une détresse économique et alimentaire étendue » et en vue de rendre possible le développement
ordonné de l'industrie baleinière (4e et 7e considérants du préambule). L'adoption de la
convention de Montego Bay, qui n'exige plus une exploitation optimale des mammifères marins
a quelque peu tempéré ces objectifs et légitimé l'approche préservationnsite suivie par la
Commission aujourd'hui.

La convention s'applique aux navires-usines, aux usines à terre et aux baleiniers sous la
juridiction des Etats parties, sans distinguer haute mer et eaux territoriales. La compétence de
la Commission internationale de la chasse à la baleine (International Whaling Commission,
IWC - ci-après la Commission baleinière) au sein de la zone économique exclusive (ZEE),
instituée par la convention de Montego Bay en 1982, a cependant été contestée par certains
Etats comme le Canada.

S'agissant des espèces concernées, la convention vise de façon très générale les « baleines »
(«whales »). Bien que rien dans le texte n'exclue de son champ d'application les petits cétacés
(marsouins, dauphins, etc.), la controverse subsiste quant à savoir si ces espèces sont ou non
couvertes par la convention. Bien qu'elle ne se soit traditionnellement occupée que de la chasse
aux grands cétacé, la Commission a adopté plusieurs résolutions relatives aux petits cétacés
(recherche, données sur les prises accessoires, réduction des prises d'espèces menacées, capture
par le Japon de Marsouins de Dali, statut de certaines espèces menacées). Dans une résolution
de 1994, elle a néanmoins précisé que ces résolutions étaient adoptées sans préjudice des avis
des Parties sur la compétence de la Commission en matière de petits cétacés.

Le régime mis en place par la convention repose sur un Règlement de l'exploitation des baleines
(« the Schedule »), joint en annexe à la convention et partie intégrante de celle-ci, ainsi que sur
un organe de gestion et de recherche scientifique, la Commission internationale de la chasse à
la baleine. Très proche à bien des égards des commissions régionales de pêche la Commission
baleinière mise en place par la convention (art. III) est composée d'un représentant de chaque
Partie, chacun disposant d'un vote. Elle se réunit annuellement. Elle a créé en son sein trois
comités, dont un Comité scientifique et un Comité technique.

Les missions de la Commission sont d'abord d'encourager la recherche scientifique et la collecte


de données ainsi que d'étudier les méthodes de conservation des populations de baleines (art.
IV.1) Ensuite et surtout, elle est compétente pour amender annuellement, à la majorité des trois-
quarts (art. III.2), les dispositions du Règlement de l'exploitation des baleines. A cet effet, elle
peut adopter des règles relatives à la conservation et à l'utilisation des baleines, concernant les
espèces protégées et non protégées, les saisons autorisées et interdites, les eaux ouvertes ou
fermées à la chasse (y compris la désignation de sanctuaires), des tailles minimales pour chaque
espèce, l'époque, les méthodes et l'intensité de la chasse (y compris le nombre maximum de
baleines qui peuvent être capturées en une saison), les types et caractéristiques des engins,

93
appareils et techniques qui peuvent être utilisés, les méthodes de mensuration et l'établissement
des relevés et autres documents de caractère statistique ou biologique (art. V.1). Ces
amendements doivent être fondés sur des bases scientifiques, mais aussi tenir compte des
intérêts « des consommateurs de produits de baleine et de l'industrie baleinière » (art. V.2). Ils
constituent la base des mesures de protection actuelles. Pareils amendements lient les Parties
90 jours après leur adoption, à moins que celles-ci n'aient opposé une objection à ce délai. Le
Japon, la Norvège et l'URSS ont fait usage de cette procédure (au demeurant fréquente dans les
accords de pêche) pour ne pas être soumise au moratoire imposé en 1986.

Outre ses décisions (prises en principe à la majorité simple, sauf s'agissant des amendements
au Règlement), la Commission peut aussi adopter des recommandations, par exemple sur la
chasse « pirate » (art. VI).

Le Règlement joint en annexe à la convention fait partie intégrante, on l'a dit, de celle-ci. Il a
considérablement évolué au fur et à mesure des amendements apportés par la Commission.
Ceux-ci traduisent l'approche de plus en plus préservationniste adoptée par cette dernière,
sous l'influence croissante des Etats non chasseurs. Au départ, le régime de gestion reposait sur
un mécanisme totalement éloigné des réalités scientifiques, à savoir « l'unité Rorqual bleu».
Celle-ci était utilisée pour fixer les limites annuelles totales de capture, sans tenir compte de
l'espèce capturée. Une unité Rorqual bleu était en effet considérée comme équivalente à un
Rorqual bleu, deux Rorquals communs, deux et demies Baleines à bosse, six Rorquals de
Rudolphi ou encore n'importe quelle combinaison adaptée. En l'absence de restrictions
spécifiques sur les espèces les plus rares (Rorqual bleu et commun), les stocks de celles-ci ont
rapidement été épuisés.

Ce système a été remplacé en 1972 par un système de quota espèce par espèce. Les pressions
exercées tant au niveau international ont conduit la Commission à prendre des mesures de plus
en plus strictes, y compris l'interdiction de la chasse pour certaines espèces. En 1979 fut créé
pour dix ans un sanctuaire dans l'océan Indien. Celui-ci fut reconduit définitivement en 1992 et
étendu en 1995 à toutes les eaux de l'Antarctique, soit une superficie de plus de 28 millions de
kilomètres carrés. En 1985, le Règlement a été modifié de manière à protéger définitivement
une série d'espèces (Rorqual bleu et commun, Baleines franches, grises, à bosse et boréales) et
interdisant certaines techniques cruelles de mise à mort.

Un contrôle efficace de la mise en œuvre des mesures est fondamental, compte tenu de la
difficulté, jusqu'à l'apparition des tests ADN, de reconnaître les espèces à partir des produits
conditionnés en mer. A cet effet, le Règlement requiert la présence de deux inspecteurs
nationaux à bord des navires, ainsi que la mise en place d'un réseau d'observateurs
(«International Observer Scheme »), responsables devant la Commission, et censés contrôler le
travail des inspecteurs et valider les données transmises par les Etats (notamment sur les
infractions commises). Ce dernier mécanisme n'est que très peu opérationnel actuellement et
devrait être remplacé à terme par un régime plus transparent. Un mécanisme de sanctions
pénales doit en outre être adopté par les Parties pour punir les infractions commises par leurs
nationaux (art. IX).

En 1982, dans une décision historique, la Commission a fixé à zéro le quota de captures à des
fins commerciales pour la saison 1985-86 en Antarctique et à partir de 1986 pendant cinq ans
pour l'ensemble des océans. Le Japon, la Norvège et l'URSS ont déposé des objections contre
ce moratoire. Ce dernier a été reconduit régulièrement depuis, sous la pression exercée par les
ONG et les Etats non chasseurs. Ses effets semblent positifs, à tout le moins pour les populations

94
de certaines espèces. L'avenir du moratoire paraît pourtant bien incertain, compte tenu de
l'augmentation ces dernières années du nombre d'Etats pro-chasse participant à la convention
(en particulier les Etats des Caraïbes et certains Etats africains). Certains d'entre eux ont rejoint
la Commission sous l'influence du Japon, qui leur a promis une augmentation de l'aide au
développement.

Les partisans d'une levée du moratoire pourraient en conséquence l'emporter à très court terme,
incitant ainsi la Commission à trouver un compromis pour la reprise de la chasse commerciale
de certaines espèces.

L'actuel moratoire ne signifie en tout état de cause pas l'interdiction de toute capture pour les
Etats qui n'y ont pas opposé d'objection. Des quotas sont alloués à certaines Parties pour
permettre à certaines de leurs communautés côtières (Eskimos du Groenland, d'Alaska, et de
Sibérie) de poursuivre leur chasse traditionnelle à des fins alimentaires. En outre, la convention
prévoit expressément la possibilité pour les Parties de délivrer à ses ressortissants des
autorisations pour tuer des baleines « à des fins de recherche scientifique », moyennant le
respect de certaines conditions (art. VIII). Le Japon fait usage chaque année de cette habilitation
pour autoriser la capture de centaines de Rorquals de Minke, dont la viande et la graisse sont
commercialisées ensuite au Japon.

Le caractère inadapté de la convention, et de la Commission qu'elle a instituée pour régir


la conservation et la gestion globale des stocks de grands cétacés semble aujourd'hui indéniable,
compte tenu notamment des rapports de force qui se sont établis au sein de la Commission
entre Etats chasseurs et Etats conservateurs. Les compétences de cette dernière
s'agissant des autres pressions que subissent les grands cétacés (pollution, ...) sont
également très limitées, ce qui rend les mesures prises en faveur des grands cétacés
peu adaptées à une approche écosystémique de la conservation de ces grands
mammifères marins. La Commission ne s'est que très indirectement penchée sur les
questions plus globales de conservation de la biodiversité marine. Il reste que, malgré
son objectif a priori économique, la convention a permis jusqu'à présent de contenir les
velléités des Etats pro-chasse en faveur d'une reprise de la chasse commerciale et de
mettre en place la plus grande aire protégée du monde, à savoir le sanctuaire des eaux
marines de l'Antarctique.

B – La convention de Montego Bay

Devant les revendications croissantes des Etats sur les ressources présentes dans les eaux
adjacentes à leur mer territoriale, et compte tenu du déclin marqué des stocks de poissons, il a
été décidé, lors de la Troisième Conférence sur le Droit de la mer, de codifier les principales
règles de conservation et de gestion des ressources biologiques marines, dont nombre d'entre
elles étaient déjà coutumières lors de l'adoption de la convention. Une nouvelle définition des
prérogatives des Etats sur les eaux côtières a émergé, et a été consacrée par la convention de.
Montego Bay. Se succèdent désormais :
a) les eaux intérieures, espaces maritimes entièrement enclos dans le territoire terrestre
b) la mer territoriale qui s'étend jusqu'à douze milles marins à partir des lignes de
base tracées par l'Etat côtier
c) la zone contiguë qui peut s'étendre jusqu'à 24 milles marins depuis les lignes de
base,
d) la zone économique exclusive (ZEE), nouvelle zone adjacente à la mer
territoriale s'étirant jusqu'à 200 milles marins à partir des lignes de base,

95
e) et la haute mer.

A l'instar de la CBD, la convention de Montego Bay consacre le principe selon lequel les Etats
ont le droit souverain d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière
d'environnement, sans préjudice de l'obligation de protection et de préservation du milieu
marin qui pèsent sur les Etats (art. 193). Ce principe prend toute son importance en matière de
pêche. En effet, la convention de Montego Bay prévoit un ensemble cohérent de règles
expressément consacrées à l'exploitation et la conservation des ressources biologiques
marines, distinctes selon qu'elles s'appliquent dans les zones sous juridiction étatique ou en
haute mer. De façon radicalement nouvelle par rapport aux Conventions de Genève de 1958,
elle prévoit en particulier de soustraire la majeure partie des ressources biologiques marines
(90 %) du régime de la haute mer (liberté de pêche), et à en conférer la gestion à l'Etat côtier,
grâce entre autres à la possibilité pour ce dernier de déclarer une ZEE. Les négociateurs ont
donc préféré une gestion d'abord nationale des ressources vivantes, à un régime
essentiellement fondé sur la coopération internationale.

L'une des principales justifications données au cours de la Troisième Conférence sur le droit
de la mer à l'extension des compétences de l'Etat côtier dans la zone économique exclusive,
reposait sur le mandat donné par la communauté internationale à cet Etat de conserver les
ressources biologiques de la mer, surtout présentes près des côtes, dans l'intérêt de l'ensemble
de la communauté et non seulement celui de l'Etat côtier. L’on verra que cette préséance
donnée aux mesures nationales de conservation, plutôt qu'à la coopération internationale, n'a
pas donné tous les résultats escomptés.

Les règles générales sont amenées à servir de cadre aux textes spécifiques, existants ou futurs,
en matière de pêche, tant en droit international qu'interne. Les droits et obligations des Etats
côtiers et de l'Etat du pavillon sont définis dans la Convention, le cas échéant par référence à
des standards issus d'autres instruments de droit international (y compris de portée régionale)
ou encore à des pratiques et procédures recommandées à l'échelle internationale (on pense par
exemple au Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO). Cette technique confère
indiscutablement à ces instruments de référence une portée nettement plus étendue, en ce qu'ils
doivent être « pris en considération » (art. 61.3, et 119.1) par les Etats parties à la Convention
de Montego Bay dans leur politique de conservation et de gestion.

La Convention de Montego Bay ne prévoit cependant pas une articulation claire entre sa Partie
XII (protection du milieu marin) et ses Parties V et VII (pêche), lesquelles sont pourtant
étroitement liées. A tout le moins, l'article 193, précité, en ce qu'il conditionne le principe
d'exploitation souveraine des ressources à la protection du milieu marin, semble-t-il traduire
la volonté des négociateurs de promouvoir une intégration des considérations
environnementales et de conservation dans les activités de pêche. Cette obligation pourrait
inclure celle de pratiquer une pêche responsable.

C – Les activités de pêche

Les dispositions de la convention de Montego Bay en ses Parties V (zone économique


exclusive) et VII (haute mer) ont pour objet notamment de réglementer l'exploitation et la
conservation des « ressources biologiques » marines. Le texte de la convention ne définit pas
explicitement cette notion. La question est pourtant d'importance, compte tenu des obligations
qui pèsent, on le verra, sur les Etats parties en termes de conservation et de gestion de ces
ressources en vertu de la convention de Montego Bay et du droit international général de la

96
pêche. La convention de Montego Bay ne donne aucune précision expresse sur les droits et
obligations des Etats côtiers concernant la pêche dans les eaux intérieures ou en mer
territoriale. En vertu même de la souveraineté qui leur est reconnue dans cette partie de la mer,
ces Etats ont simplement une compétence exclusive en matière de pêche et donc de
conservation des ressources biologiques.

Cette compétence leur permet d'interdire la pêche, d'édicter des règles en la matière, et d'en
contrôler le respect par les navires y compris étrangers. Ces derniers ne sont pas considérés
comme en «passage inoffensif» lorsqu'ils pèchent (art. 19.2, i de la convention de Montego
Bay). Les droits souverains dont jouissent les Etats dans leur ZEE sont également d'application,
a fortiori, dans leur mer territoriale et leurs eaux intérieures, sur lesquelles ils exercent une
totale souveraineté. S'agissant des obligations de l'Etat côtier en termes de conservation, seule
s'applique la prescription selon laquelle les Etats doivent exercer leur droit souverain
d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique environnementale «conformément à
leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin » (art. 193), laquelle, on l'a dit,
pourrait inclure l'obligation de pratiquer une pêche responsable.

En contrepartie de ce monopole, la Convention assortit les droits des Etats côtiers de certaines
obligations précises de conservation des ressources biologiques de la ZEE (art. 61). L'Etat
côtier est en effet tenu, d'une part, de déterminer préalablement un « volume admissible de
captures » dans sa ZEE (VAC, c'est-à-dire le quota total admissible pour la zone)(en anglais,
Total Allowable Catch, TAC), et, d'autre part, d'adopter les mesures de gestion et de
conservation appropriées, compte tenu des données scientifiques les plus fiables « dont il
dispose » de façon à « éviter que le maintien des ressources biologiques (de sa ZEE) ne soit
compromis par une surexploitation. L'objectif de ces mesures de conservation n'est pas, on l'a
dit, désintéressé. Celles-ci doivent viser à maintenir le niveau des stocks d'espèces exploitées
à celui qui procure le « rendement maximum constant » (Maximum Sustainable Yield, MSY),
« eu égard aux facteurs écologiques et économiques pertinents (...)» et compte tenu «des
méthodes en matière de pêche, de l'interdépendance des stocks et de toutes normes minimales
internationales généralement recommandées (...)».

L'Etat côtier, en prenant ces mesures, doit tenir compte des espèces associées aux espèces
exploitées ou dépendant de celles-ci (art. 61.3 et 61.4). Si cette prise en compte de
l'interdépendance des stocks et de l'importance des relations proies-prédateurs constitue une
avancée fondamentale du droit international de la pêche maritime en faveur d'une approche
plus écosystémique, il n'en reste pas moins que la prise en compte de facteurs autres
qu'écologiques rend l'évaluation même du MSY tributaire d'estimations subjectives, au point
de saper son fondement scientifique. La marge d'appréciation est uniquement limitée par la
nécessité d'éviter que le « maintien des ressources biologiques » de sa ZEE ne soit compromis
par une surexploitation. La doctrine considère au demeurant que les prescriptions de l'article
61 ne sont pas contraignantes.

L'article 62 énumère en outre l'ensemble des mesures que peut prendre l'Etat côtier et qui
s'imposent aux autres Etats, pour autant qu'elles soient compatibles avec la Convention de
Montego Bay (système de licence aux pêcheurs de la zone, fixation des quotas et des espèces
dont la pêche est ouverte, réglementation des campagnes et des zones de pêche, fixation de la
taille et de l'âge des poissons autorisés à la pêche, etc.).

Avec l'instauration des ZEE, la superficie occupée par la haute mer s'est réduite à environ 64
% de la superficie des océans. Depuis lors, seulement 5 % des prises sont opérées dans des

97
zones de haute mer. L'intérêt pour la pêche en haute mer n'a guère diminué pour autant. La
Convention oblige ensuite les parties (dont les flottes de pêche à longue distance sont
fréquemment accusées de surexploiter les ressources halieutiques de la haute mer) à prendre à
l'égard de leurs ressortissants, des mesures « qui peuvent être nécessaires pour assurer la
conservation des ressources biologiques de la haute mer» (art. 117). La Cour internationale de
Justice avait déjà précisé l'existence d'une véritable obligation de conservation en haute mer
dans son arrêt Pêcheries d'Islande (Royaume-Uni c/ lslande).

D – La conservation spécifique de certains groupes d’espèces

Le découpage artificiel des océans en zones soumises à la juridiction des Etats par opposition
à la haute mer présente le désavantage de ne guère correspondre aux réalités écologiques, et de
ne pas tenir compte de la mobilité des espèces et de la répartition de leurs populations. Les
problèmes se posent avec acuité s'agissant des mammifères marins, des espèces de poissons
grands migrateurs, des stocks chevauchants (c'est-à-dire les stocks qui s'étendent sur deux
ZEE ou sur une ZEE et une zone adjacente de haute mer) et des espèces anadromes (qui, bien
qu'elles vivent en mer, remontent les rivières pour se reproduire, par exemple le Saumon)
et catadromes (qui, bien qu'elles vivent en eau douce, viennent se reproduire en mer, par
exemple l'Anguille).

Il est également important de déterminer le régime des espèces sédentaires vivant sur ou sous
le fonds marin. La convention de Montego Bay est intervenue pour réglementer la conservation
de ces espèces, pas nécessairement selon une logique strictement scientifique. La précision de
ses dispositions étant loin d'être suffisante pour prévenir les conflits, un accord a été adopté en
1995 sur les stocks chevauchants et de grands migrateurs, afin d'établir un régime cohérent et
garantissant la durabilité de ces stocks.

Approuvant une position intermédiaire dans le conflit opposant Etats côtiers et Etats du
pavillon, la convention de Montego Bay instaure une obligation, applicable tant aux Etats
côtiers qu'aux autres Etats, de coopérer directement ou par l'intermédiaire
d'organisations internationales appropriées afin d'assurer la conservation des espèces de
grands migrateurs reprises dans son annexe 1 et de promouvoir leur exploitation optimale (art.
64).

Dans le premier cas, la convention de Montego Bay invite les Etats côtiers à s'entendre (le cas
échéant par l'intermédiaire d'organisations régionales appropriées) pour prendre les mesures
nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement des stocks
concernés. Dans le second, l'obligation est relativement similaire à l'égard de l'Etat côtier et des
Etats exploitant le stock, mais porte sur la partie du stock vivant en haute mer, l'Etat côtier
restant souverain dans les eaux de sa ZEE. L'obligation des Etats est ici libellée en termes
nettement moins contraignants (« s'efforcent... de s'entendre») qu'en ce qui concerne les espèces
de grands migrateurs, et n'implique en rien le devoir de respecter en tout point l'avis de l'Etat
côtier.

S'agissant de l'exploitation des mammifères marins, la convention de Montego Bay a adopté


une disposition stricte : elle permet aux Etats et aux «organisations internationales »
compétentes (par exemple la Commission baleinière), d'interdire, de limiter ou de
réglementer l'exploitation des mammifères marins plus rigoureusement que ce qui est prévu
dans la convention. Les Etats doivent en outre coopérer pour « assurer la protection des
mammifères marins », et s'emploient « à protéger, gérer et étudier les cétacés », ce par

98
l'intermédiaire des organisations internationales appropriées. Bien qu'elle vise des ressources
considérées a priori comme exploitables, et qu'elle n'interdise pas la chasse des mammifères
marins, cette disposition établit un régime spécifique régissant à la fois l'exploitation et la
protection des mammifères marins. Elle s'applique indistinctement dans toutes les parties de
l'océan, y compris la haute mer, ce qui lui donne une large portée.

E – Le règlement des litiges.

La complexité du droit de la mer actuel est en soi source d'un nombre infini de litiges. Afin de
prévenir les situations conflictuelles, la convention de Montego Bay a mis en place un système
de règlements des différends dans sa Partie XV et ses annexes V à VIII. Celui-ci se distingue
par sa flexibilité dans le choix des procédures de règlement disponibles. En cas d'échec de la
procédure de règlement choisie par eux en dehors de la convention, les Etats parties sont obligés
de recourir aux procédures prévues dans la convention, si ce recours n'a pas été exclus
préalablement (art. 281.1).

Si les procédures hors convention, l'échange de vues ou la conciliation n'ont pas permis de
régler le litige relatif à l'interprétation de la convention, celui-ci est soumis, à la demande d'une
des parties, à une des procédures «aboutissant à des décisions obligatoires » admises par la
convention de Montego Bay. Il s'agit de recours devant la Cour internationale de justice, devant
un tribunal arbitral constitué conformément aux annexes, ou enfin devant le Tribunal
international du droit de la mer (art. 286 et 287). Un Etat peut choisir à l'avance le moyen
juridictionnel auquel il aura recours, moyennant due déclaration (art. 287), ce qui est peu le cas
en pratique. A défaut pour l'Etat d'avoir pris cette déclaration, ou d'accord entre les parties au
litige sur le moyen de régler leur différend, c'est l'arbitrage général prévu à l'annexe VII qui est
réputé choisi. Des exceptions à ce principe contraignant sont prévues aux articles 297 et
suivants.

Première décision rendue par le Tribunal international du droit de la mer, le 27 août 1999,
l'ordonnance " Thon à nageoires bleues " constitue une intéressante application du principe de
précaution en droit international de la pêche.

En l'espèce, la Nouvelle Zélande et l'Australie contestaient un programme de pêche


expérimental du thon à nageoires bleues mené par le Japon, programme qui aurait permis à ce
dernier Etat de pêcher un plus grand nombre de thons que ce qui était prévu au titre de
l'allocation des quotas de pêche en vertu d'une convention spécifique.

L'action unilatérale prise par le Japon a été contestée au titre des articles 64 et 116 à 119 de la
convention de Montego Bay et aux règles de droit coutumier, dispositions qui imposent une
obligation de coopérer directement par l'intermédiaire des organisations internationales
appropriées en vue d'assurer la conservation des grands migrateurs et de promouvoir leur
exploitation optimale. Amené à se prononcer sur l'adoption de mesures conservatoires à
rencontre du programme expérimental japonais, le Tribunal a jugé, qu'en raison de l'incertitude
scientifique sur les risques que sa mise en oeuvre présentait pour l'espèce de thon à nageoire
bleue, "les parties devaient...agir avec prudence et précaution et veiller à ce que des mesures de
conservation efficaces soient prises dans le but d'empêcher que le stock du thon à nageoires
bleues ne subisse des dommages graves "(point 70).

L'opinion séparée rendue par le juge Laing met en exergue que le Tribunal n'a pas appliqué
comme tel le principe de précaution mais a plutôt suivi une approche de précaution, ce dernier

99
concept étant plus souple et que la notion de principe. Quoiqu'il en soit, une approche de
précaution justifie l'adoption de mesures conservatoires pour prévenir un risque de "dommages
graves " et non pas irréversible.

Chapitre 3 - Les instruments régionaux de la protection de l’environnement


en Afrique

L’Acte constitutif de l’Union Africaine précise que le Conseil exécutif est chargé, entre autres
fonctions, de la protection de l’environnement en Afrique48 et le Conseil est assisté d’un Comité
technique spécialisé sur l’industrie, la science et la technologie, l’énergie, les ressources
naturelles et l’environnement49. En outre, la protection est garantie par l’article 24 de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette stipulation de la Charte a été interprétée
par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples comme obligeant l’ensemble
des Etats membres de l’UA à garantir le droit à un environnement sain. Cependant, il existe
deux principaux instruments qui concurrent de manière particulière à garantir la protection de
l’environnement en Afrique : la Convention d’Alger de 1968 et la Convention de Bamako de
1991.

Section 1 – La convention d’Alger


Evoquons d’abord l’historique avant de montrer les obligations des parties.

§ 1 – Historique

Dès le début du siècle, des puissances coloniales, préoccupées par la destruction de la faune
africaine, avaient signé, le 19 mai 1900 à Londres, le Traité sur la protection de la faune ayant
pour objet « d'empêcher le massacre sans contrôle et d'assurer la conservation des diverses
espèces animales vivant à l'état sauvage qui sont utiles à l'homme ». Ce Traité, non ratifié, fut
suivi d'une Convention relative à la préservation de la faune et de la flore à l'état naturel adoptée
le 8 novembre 1933 au cours d'une Conférence qui se tint à Londres. Entrée en vigueur le 14
janvier 1936, après avoir été ratifiée par tous ses signataires, cette Convention comportait en
annexe une liste des espèces animales et végétales qui devaient être intégralement protégées. Il
se tint ensuite, du 26 au 31 octobre 1953, à Bukavu (situé dans l'actuel Congo) une conférence
internationale dont les résultats apparaissent comme un amendement à la Convention de 1933.
En dépit de la participation de certains Etats africains, ces conventions étaient conclues entre
les puissances coloniales alors présentes en Afrique. Au demeurant, elles sont aujourd'hui
caduques, de nouvelles conventions ayant été conclues en ces matières par les Etats africains
indépendants.

La Convention de Londres de 1933, a néanmoins contribué substantiellement à la conservation


de la faune et de la flore africaine. Cette prise de conscience du rôle de la conservation s'est
exprimée de manière graduelle à travers le Manifeste d'Arusha de 1961, les recommandations
des chefs d'Etats de l'Union Africaine et Malgache (UAM) réunis à Libreville en 1962, la
Convention de Kano (Nigeria) du 25 mai 1962 sur le criquet migrateur africain, la Charte
africaine pour la protection et la conservation de la nature de 1963 et elle s'est amplifiée dans
le cadre de I'OUA.

48
Union Africaine, Acte Constitutif, Article 13 (1) (e)
49
Union Africaine, Acte Constitutif, Article 14 (1) (d)

100
C'est précisément sous l'égide de cette organisation continentale que fut adoptée la première
grande Convention régionale africaine sur l’environnement : Convention africaine pour la
conservation de la nature et des ressources naturelles, dite Convention d'Alger, du 15
septembre 1968, laquelle est entrée en vigueur dès le 7 mai 1969. Elle a pour objet d'assurer la
conservation, l'utilisation et le développement des sols, des eaux, la flore et des ressources en
faune par l'établissement et le maintien de leur utilisation rationnelle pour le bien-être présent
et futur de l'humanité (art. II).

§ 2 – Obligations des parties et mise en œuvre

Si elle accorde une priorité à la faune et la flore sauvages, elle embrasse aussi la conservation
des autres ressources naturelles, notamment des sols et des eaux (art. IV), de même qu'elle
aborde les problèmes de la recherche et de l'éducation en matière d'environnement (art. XIII) et
de coopération interétatique (art. IX). Les dispositions traitant de ces quatre aspects sont
cependant peu développées et ressemblent bien plus à des évocations qu'à des
obligations inconditionnelles. Mais la référence aux droits coutumiers constitue
indiscutablement une de ses originalités (art. XI).

Les Parties prennent des mesures pour conserver et améliorer les sols : lutte contre l'érosion et
contrôle de l'utilisation des terres (art. IV). Elles établissent des politiques pour conserver,
utiliser et mettre en valeur les ressources en eau : prévention de la pollution et contrôle de
l'utilisation de l'eau (art. V). Elles protègent la flore et les forêts en particulier en luttant contre
les feux de brousse et en constituant des réserves forestières (art. VI). Les Parties conservent et
utilisent rationnellement les ressources en faune : aires sélectionnées, contrôle de la chasse et
de la pêche, interdiction de certaines méthodes de chasse (art. VII).

Des espèces animales et végétales considérées comme menacées d'extinction sont protégées ;
la liste de l'Annexe B énumère des espèces protégées mais pouvant être chassées, abattues,
collectées avec une autorisation spéciale. Les Parties doivent réglementer le trafic (commerce,
transport, exportation...) de spécimens ou trophées. Les Parties doivent aussi sensibiliser leurs
peuples à l'importance des ressources naturelles (programmes d'enseignement et campagnes
d'information (art. XIII.1) ; prendre en compte la gestion des ressources naturelles dans leurs
plans de développement ; communiquer à l'UA des rapports sur les mesures de mise en œuvre
de la Convention (art. XVI). Enfin, les zones de conservation sont créées (art. X) : réserve
naturelle intégrale, parc national, réserve de faune, réserve partielle ou sanctuaire.

Du point de vue institutionnel, chaque Etat est tenu de créer, s'il ne l'a pas fait, une organisation
des services nationaux de conservation (art. XV) et ce sont les administrations nationales qui
contrôlent en particulier l'application de la Convention pour éviter tout trafic de spécimens
et trophées illégalement capturés, abattus ou obtenus.

La Convention d'Alger de 1968 a été complétée par d'autres conventions touchant à tel ou tel
aspect de la protection de l'écosystème continental africain. On peut citer entre autres, la
Convention phytosanitaire pour l'Afrique signée le 28 septembre 1967 à Kinshasa, la
Convention sur les formalités de chasse applicables aux touristes entrant dans les pays du
Conseil de l'Entente signée à Yamoussoukro le 26 juin 1976, l'Accord portant réglementation
commune sur la faune et la flore signé le 3 décembre 1977 à Enugu (Nigeria), le protocole
d'Accord concernant la conservation des ressources naturelles communes signé le 24 janvier

101
1982 à Khartoum au Soudan, l'Accord de coopération et de conservation entre Etats d'Afrique
centrale sur la conservation de la faune sauvage, signé à Libreville le 16 avril 1983, le
Protocole de Nairobi de 1985 concernant les aires protégées, ainsi que la faune et la flore
sauvages dans la région de l'Afrique de l'Est, et l'Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant
une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).

Section 2 – La convention de Bamako


Adoptée à Bamako dans le cadre de l’OUA (aujourd’hui UA) le 30 janvier 1991 et entrée en
vigueur le 20 mars 1996, la Convention sur l'interdiction d'importer des déchets dangereux en
Afrique et le Contrôle de leurs mouvements transfrontières (dite Convention de Bamako) s'est
inspirée de la Convention d’Alger (1968), ainsi que des lignes directrices et principes du Caire
concernant la gestion écologiquement rationnelle de déchets dangereux adoptés par le Conseil
d'Administration du PNUE par sa décision 14/30 du 17 juin 1987. Cependant, elle est
l'adaptation de la Convention de Bâle (22 mars 1989) aux pays africains afin de protéger la
santé humaine des populations africaines et l'environnement contre les effets nocifs qui peuvent
résulter de la production et du transport de déchets dangereux.

§ 1 – Droits et obligations des parties

Elle définit la nature des déchets concernés, les champs d'application de la Convention, les
obligations ainsi que la coopération interafricaine dans ce domaine. Elle vise à améliorer et à
assurer la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux en préconisant la création
d'un secrétariat servant d'intermédiaires entre les Parties, la création d'un fonds renouvelable
pour faire face aux situations d'urgences, l'institution d'une conférence des Parties pour
examiner en permanence l'application de la Convention.

La Convention de Bamako prévoit les droits suivants :


 Souveraineté de l'Etat de définir sa propre liste de déchets à partir de la liste en Annexe
II et III de la Convention ;
 Droit de refuser l'importation des déchets réalisée en violation d'un contrat avec l'Etat
exportateur ;
 Droit de refuser le passage des déchets réalisé en violation d'un contrat avec l'Etat
exportateur ;
 Droit pour le pays de sanctionner tous trafics illicites.

Elle prévoit aussi les obligations suivantes :


 Notifier ses déchets au Secrétariat dans un délai de six mois ;
 Notifier toute modification importante apportée aux renseignements déjà
communiqués ;
 Mettre à la disposition des renseignements aux exportateurs ;
 Interdire d'importer des déchets dangereux en provenance des pays non contractants ;
 Interdire de déverser des déchets dangereux dans la mer, les eaux intérieures et les voies
d'eaux ;
 Appliquer les mesures observées pour la production de déchets en Afrique ;
 Adopter les mesures de précaution.

102
§ 2 – Etude de cas : L’affaire des déchets en Côte d’ivoire

Le Probo Koala, cargo grec à équipage russe, est affrété par Trafigura. Le navire effectue des
navettes entre l’Estonie et le Nigeria. Sa cargaison est refusée, début juillet, par une société du
port d’Amsterdam qui souhaite, selon la multinationale, renégocier le contrat. Pour éviter un
surcoût, le cargo poursuit sa route vers le Golfe de Guinée. Selon Greenpeace, le navire aurait
séjourné quelques jours au large de Gibraltar. Il livre ensuite son pétrole au Nigeria, avant de
rallier le port d’Abidjan, le 19 août 2006.

Bien avant, le 9 juillet 2006, la marine marchande du Sénégal informe son homologue ivoirien
de la présence dans ses eaux territoriales d’un dangereux navire qu’elle venait de refouler. Le
17 août 2006, Monsieur Jorge Marrero, pour le compte de la société TRAFIGURA BEHEER
affréteur du navire et propriétaire de sa cargaison, contacte le Capitaine N’Zi Kablan de la
Société PUMA ENERGY à Abidjan. Il lui fait part de sa recherche sur la place d’Abidjan d’une
entreprise capable de traiter des résidus de produits pétroliers dans les cales du navire et
procéder à la vidange de celles-ci. La société PUMA ENERGY transmit cette requête à la
société WAIBS, qui à son tour désigna la société TOMMY rapidement constituée pour les
besoins de la cause et bénéficiaire d’un agrément ministériel, en vue de la vidange, l’entretien
et le soutage des navires.

Multinationale spécialisée dans le négoce de produits pétroliers et de métaux, Trafigura a été


créée en 1993 par deux traders français, Claude Dauphin et Éric de Turckheim. Tous deux ont
travaillé avec le financier nord-américain Marc Rich, qui serait l’un des actionnaires de
Trafigura. Marc Rich est le fondateur de Glencore, une société de courtage pétrolier domiciliée
en Suisse. Il est impliqué dans plusieurs scandales, comme l’Irangate (1983), le naufrage du
pétrolier Prestige ou la faillite frauduleuse de Metaleurop, dont Glencore était propriétaire.
Pour sa participation à l’Irangate et à une fraude fiscale de 48 millions de dollars, Rich a été
condamné par la justice fédérale à trois cents ans d’emprisonnement, avant d’être gracié en
2001 par le président Clinton.

Les 19 et 20 août 2006, 580 tonnes de déchets toxiques issus du Probo Koala sont déversés dans
diverses décharges d'Abidjan, causant ainsi la mort de plus d'une douzaine personnes et
l'intoxication de milliers d'autres Ivoiriens.

Le Probo Koala a ensuite quitté la Côte d'Ivoire sans être inquiété. En septembre, Greenpeace
lançait à sa poursuite l'un de ses navires, l'Artic Sunrise, qui a réussi à localiser et bloquer durant
48 heures le Probo Koala dans le port estonien de Paldiski. Saluée par le commissaire européen
à l'Environnement Stavros Dimas qui s'était rendu en personne sur les lieux, cette action a
permis la saisie de tous les documents de bord et l'ouverture d'une enquête internationale. La
CIEDT (Commission internationale d’enquête sur les déchets toxiques) avait ensuite sollicité
les conseils et l'expertise juridique de Greenpeace.

Le pays est signataire de la Convention de Bamako qui interdit l’importation de produits


dangereux en Afrique. Les 528 tonnes de déchets n’auraient donc jamais dû être débarquées à
Abidjan. Localement, le couperet est tombé. Plusieurs responsables ivoiriens ont été arrêtés : le
dirigeant de la société Tommy en charge des opérations de pompage (qui, bizarrement, a été
agréée un mois plus tôt), celui de son contractant Puma Energy, spécialisée dans le stockage de
produits pétroliers, et celui de l’intermédiaire, Waibs. Les directeurs des douanes, du port
autonome, des affaires maritimes et le gouverneur du district d’Abidjan, tous soupçonnés de

103
corruption, ont été suspendus « à titre préventif ». Les ministres de l’Environnement et des
Transports n’ont pas été reconduits dans leur fonction.

Trafigura a toujours nié toute activité illégale dans cette affaire, qui avait vu la mort de dix
personnes, soulignant qu'elle a passé un accord de sous-traitance avec une entreprise locale,
chargée de disposer des déchets du navire "Probo Koala" en août dernier. La compagnie
néerlandaise affirme également que les déchets n'étaient pas toxiques, alors même qu'une
enquête des Nations unies faisait état d'éléments chimiques qui, en quantités importantes,
peuvent être mortels pour l'homme.

Le 13 février 2007, la société néerlandaise Trafigura est tombée d'accord avec le gouvernement
de la Côte d'Ivoire pour payer une somme de 150 millions d'euros pour résoudre
l'affaire. « C'est un bon accord qui permettra à l'Etat d'indemniser les victimes », a déclaré le
président ivoirien Laurent Gbagbo à la presse après la signature du texte. Dans un communiqué,
Trafigura précise que l'accord prévoit également la remise en liberté de trois de ses dirigeants
détenus à Abidjan depuis le 18 septembre 2006 dans le cadre de l'affaire.
Trafigura déclare dans un communiqué : «Trafigura prend son rôle de citoyen global très au
sérieux, et à cette fin soutient financièrement le gouvernement ivoirien pour la santé future de
ses citoyens ». Si l'on s'en tient aux termes du protocole d'accord signé entre l'Etat de Côte
d'Ivoire et Trafigura, la responsabilité incombe à l'affréteur du Probo Koala : « Les parties
Trafigura s'engagent à prendre en charge l'identification et la dépollution complémentaire des
sites pouvant encore contenir des déchets se rapportant aux événements. A cet effet, dans les
30 jours de la signature du présent protocole, les parties Trafigura se rapprocheront du CIAPOL
et du BNETD, et/ou de tout autre organisme compétent aux fins de réalisation d'un audit par
des sociétés de renommée internationale sur l'état d'avancement et les conditions d'exécution
du contrat Tredi (...) » (point 2.2 du protocole d'accord).

Le coût des opérations d'enlèvement est estimé à 250 milliards de francs par des experts
ivoiriens. 95 247 victimes ont été officiellement recensées suite au déversement des produits
du Probo Koala qui devront être indemnisées à hauteur de 20,7 milliards sur les 100 milliards
versés par Trafigura dans le cadre de ce protocole d'accord. Environ 23 000 personnes ont été
payées depuis le début de l'opération d'indemnisation le 28 juin 2007

A la suite de l’Accord du 13 février, certaines victimes et des ONG ont déposé des plaintes
devants les tribunaux de Paris et de Londres. A Londres, ce sont les avocats du cabinet
britannique Leigh, Day & Co qui ont déposé plainte au nom de 94 victimes, et à Paris,
l`association d`avocats Sherpa dirigée par William Bourdon. Le Parquet a ouvert une enquête
préliminaire le 25 juillet 2007. Non coupable, telle est la ligne de défense de Trafigura. Les
avocats de Trafigura ont nié en bloc la responsabilité de leur client dans les dégâts et les pertes
en vies humaines occasionnés par les odeurs des déchets toxiques. Le conseil de Trafigura a
fait parvenir le 10 août 2007 aux tribunaux de Paris et de Londres, un rapport de 90 pages
contenant les éléments de défense. Essentiellement basés sur quatre points.

1/ Trafigura a respecté toutes les procédures en vigueur et internationalement reconnues (ce


serait l`agent maritime WAIBS qui aurait désigné la SARL Tommy pour réaliser l`opération);

2/ Trafigura ne pouvait pas prévoir que la société Tommy déverserait illégalement les slops non
traités à Abidjan et dans ses environs (essentiellement à Akouédo) ;

104
3/ Les slops bien que dégageant une odeur désagréable, n`ont pu causer les maladies ni les
préjudices de grande ampleur mentionnés" ;

4/ L`environnement local était déjà fortement pollué et de nombreux habitants souffraient déjà
des symptômes invoqués bien avant l`arrivée du Probo Koala.

Dans son rapport, Trafigura affirme également que les 198 millions $ qu`il a déjà versés « à
titre de contribution à l`indemnisation des victimes et pour la construction d`installation
d`évacuation des déchets » ne « sauraient en aucun cas être interprétés comme une
reconnaissance de responsabilité ».

La convention de Bâle de 1989 pose un principe général d’interdiction de l’exportation par les
Etats parties de déchets dangereux vers les pays en développement dont la législation nationale
interdit toute importation de déchets, ou si ces Etats parties ont des raisons de croire que les
déchets concernés n’y seront pas gérés de manière écologiquement rationnelle (art. 4, § 2. e).
L’article 6 § 1 de cette convention ajoute qu’en cas d’exportation, l’Etat d’exportation a
l’obligation d’informer par écrit les Etats concernés de tout mouvement transfrontière de
déchets dangereux ou d’exiger du producteur ou de l’exportateur qu’il exécute cette obligation
d’information. Ensuite, la Convention de Bamako de 1991 reprend et affirme cette même
exigence. La Côte d’Ivoire a souscrit à ces deux conventions, respectivement le 1er décembre
1994 et le 30 janvier 1991, et elles y sont entrées en vigueur.

Les Conventions de Bâle et de Bamako permettent d’engager la responsabilité


environnementale des personnes soit sur le fondement du droit interne de l’Etat victime, soit
sur la base du droit international. La Convention de Bâle a laissé également aux parties la
possibilité de coopérer «en vue d’adopter le plus tôt possible un protocole établissant les
procédures appropriées en ce qui concerne la responsabilité et l’indemnisation en cas de
dommage résultant d’un mouvement transfrontière de déchets dangereux et d’autres déchets »
(art. 12). Ce protocole a été adopté à la cinquième Conférence des Parties, le 10 décembre 1999.
Il n’est pas encore entré en vigueur. Cependant les principes qu’il contient peuvent déjà être
considérés comme constituant un engagement politique des Etats en matière de responsabilité
environnementale.

Il est cependant possible que dans cette affaire les conventions de Bâle et de Bamako aient été
soigneusement contournées par des opérateurs peu scrupuleux qui utilisent les failles du
système. Les déchets ont notamment pu être produits en pleine mer, ce qui pourrait exclure
l’applicabilité de ces instruments prévus pour des mouvements transfrontaliers de déchets, c'est-
à-dire d’Etat à Etat. De plus, il reste à déterminer si cette activité ne relève pas de «l’exploitation
normale d’un navire et dont le rejet fait l’objet d’un autre instrument international », comme le
prévoit la convention de Bâle.

La question de l’applicabilité de la convention internationale pour la prévention de la pollution


par les navires (MARPOL), qui traite de la pollution par les hydrocarbures, les produits
chimiques, les emballages, les ordures, les eaux usées et les émissions atmosphériques, se pose
également, notamment concernant les procédures au port (reçus pour le rejet de déchets aux
installations de réception à quai, nettoyage des citernes dans le port, etc.). Ici encore, il est
possible que cette convention ait été contournée, ce qui pose également le problème de
l’harmonisation des conventions afin que des opérateurs ne puissent profiter de vides ou
d’incertitudes juridiques.

105
Les lois nationales ivoiriennes sont en revanche très strictes en matière de déchets dangereux
et vont bien au-delà des obligations des conventions de Bâle et de Bamako. Ainsi, l’article 1 de
la loi 88-651 du 7 juillet 1988 portant protection de la santé publique et de l’environnement
dispose : « Sont interdits sur tout le territoire national tous actes relatifs à l’achat, à la vente, à
l’importation, au transit et transport, au dépôt et stockage des déchets toxiques industriels et
nucléaires et des substances nocives». Les articles 2 et 3 de cette loi prévoient une responsabilité
civile, pénale et solidaire. De plus, la Loi cadre no. 96/766 du 3 octobre 1996 portant code de
l’environnement prévoit, article 83, que « Sont interdits:
- les dépôts de déchets sur le domaine public non autorisé, y compris le domaine public
maritime tel que défini par les textes en vigueur;
- l’importation non autorisée de déchets sur le territoire national;
- l’immersion, l’incinération ou l’élimination par quelque procédé que ce soit, des déchets dans
les eaux continentales, lagunaires et maritimes, sous juridiction ivoirienne. »

Selon l’article 101 « Est passible d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de
5.000.000 de francs à 100.000.000 de francs quiconque:
- dépose des déchets dans le domaine public maritime national;
- importe sans autorisation des déchets sur le territoire national;
- immerge, incinère ou élimine par quelque procédé que ce soit des déchets dans les eaux
continentales, lagunaires et/ou maritimes sous juridiction ivoirienne. »

Enfin, l’article 103 prévoit enfin que « Quiconque procède ou fait procéder à l’achat à la vente,
à l’importation, au transit, au stockage, à l’enfouissement ou au déversement sur le territoire
national de déchets dangereux ou signe un accord pour l’autorisation de telles activités est puni
d’un emprisonnement de 10 à 20 ans et d’une amende de 500.000.000 de francs à 5.000.000.000
de francs. »

L’ampleur de la catastrophe, le contexte de fragilité de l’Etat dans lequel elle est survenue
devrait imposer une réaction adaptée à la gravité des faits, qui aurait valeur d’exemple pour
toute l’Afrique. En s’appuyant sur l’arsenal juridique national et international existant et destiné
à prévenir de tels scandales écologiques, les autorités ivoiriennes aurait du saisir sans hésiter
les juridictions compétentes, et mobiliser tous les moyens nécessaires pour établir les
responsabilités, probablement multiples, à l’origine de cette catastrophe.

106
Troisième partie :
La gouvernance internationale de l’environnement
Face aux nombreux défis de la protection internationale de la biosphère et au regard de la
pratique actuelle des Etats, la gouvernance internationale de l’environnement en est encore à
ses premiers balbutiements malgré la prise de conscience du caractère planétaire des défis
actuels de l’environnement. La Conférence de Stockholm a recommandé la mise en place d’un
système global de gestion et de surveillance de l’environnement. La première pierre de ce
système a vu le jour sous le nom de plan Vigie. Ce plan comporte la surveillance continue, la
recherche, l’échange d’informations, l’évaluation et l’examen des faits se rapportant à
l’environnement, grâce à la coordination d’installations et de services nationaux, sans, toutefois,
qu’ait été créé un cadre institutionnel bien défini pour regrouper ces activités éparses.

La surveillance et l’échange de renseignements interviennent depuis 1975 dans le cadre du


« système mondial de surveillance continue de l’environnement » (General Environment
Monitoring System, GEMS) placé sous l’autorité de l’Organisation Météorologique Mondiale.
Ce système coordonne toutes les activités de surveillance en ce qui concerne la dégradation des
sols, la biosphère, les polluants, les océans et les catastrophes naturelles.

D’autres institutions internationales comme le PNUE, l’OMS, la FAO, l’UICN, l’AIEA,


l’OCDE et les organisations régionales prévoient également la surveillance des milieux ou
activités déterminés. Il n’en reste pas moins qu’un contrôle existe dans ce domaine sur les actes
des Etats. La gouvernance internationale de l’environnement vise donc à coordonner, à
rationnaliser et à améliorer les capacités des Etats à conserver et à protéger l’environnement sur
la base des diagnostics communément établis au sein des organisations ou des conférences
internationales. Elle vise à accentuer la dynamique de prise en charge des problématiques de
l’environnement par l’ensemble de la communauté internationale compte tenu des impacts
mondiaux que pourrait causer la dégradation irréversible de la biosphère. Son fondement
juridique est soit le devoir général des Etats de ne pas causer de dommages internes et
transfrontières à l’environnement, soit l’obligation d’exécuter de bonne foi les conventions
internationales y compris le devoir de coopération entre Etats pour une meilleure application
de tels instruments. Pour cette raison, il est envisagé la transformation du PNUE en ONUE et
la mise en place d’un système effectif de coordination qui favoriserait des initiatives communes
et des cadres communs d’intervention pour mieux lutter contre les pollutions et les nuisances
dans leurs dimension mondiale. C’est aussi l’aboutissement de nombreuses réflexions initiées
autour de la problématique des biens publics mondiaux dont le droit à un environne ment sain
constitue la pierre angulaire.

Pour ce faire, la gouvernance internationale de l’environnement ou gouvernance écologique


mondiale est articulée d’une part sur de nombreux acteurs institutionnels (internationaux,
régionaux et locaux) et, d’autre part, sur des programmes et moyens opérationnels dont
particulièrement le management environnemental et la responsabilité sociale des entreprises
font aujourd’hui l’objet d’un encadrement juridique international et des incitations particulières.

107
Chapitre 1 - Les acteurs institutionnels
La structuration institutionnelle de la protection internationale de l’environnement comprend
les acteurs internationaux (PNUE, UICN, etc.), les acteurs régionaux et les acteurs locaux. Pour
les deux dernières catégories, nous nous limitons aux exemples de l’Afrique centrale.

Section 1 - Les acteurs de la gouvernance mondiale


Il s’agit d’abord d’évoquer la place de la problématique de l’environnement au sein des
institutions du système des Nations Unies et de montrer ensuite le rôle joué par un acteur majeur
au statut « hybride » comme l’UICN.

§ 1 – Les Nations Unies et l’environnement

Deux préoccupations majeures sont en cause : la transformation institutionnelle du système des


Nations Unies chargé de l’environnement et la place de l’environnement dans la préservation
de la paix et la sécurité internationales.

A- La nécessaire transformation institutionnelle du PNUE

Créé en 1972, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (United Nation for
Environment Program, UNEP) est la plus haute autorité environnementale au sein du système
des Nations Unies. Le PNUE joue le rôle de catalyseur, de défenseur, d’instructeur et de
facilitateur œuvrant à promouvoir l’utilisation avisée et le développement durable de
l’environnement mondial. A cette fin, le PNUE collabore avec de nombreux partenaires, dont
des organes des Nations Unies, des organisations internationales, des gouvernements nationaux,
des organisations non gouvernementales, le secteur privé et la société civile.

Le travail du PNUE consiste à :


 évaluer les conditions et les tendances environnementales mondiales, régionales et
nationales ;
 développer des instruments environnementaux nationaux et internationaux ;
 renforcer les institutions afin d’assurer une gestion avisée de l’environnement ;
 faciliter le transfert des connaissances et de technologies pour un développement
durable ;
 encourager de nouveaux partenariats et de nouvelles perspectives au sein de la société
civile et du secteur privé.

La vision mondiale et intersectorielle du PNUE est bien reflétée dans sa structure fonctionnelle,
ses activités et son personnel. L’emplacement de son siège social en Afrique permet au PNUE
(Nairobi) de mieux comprendre les questions environnementales auxquelles les pays en
développement doivent faire face. Afin d’assurer son efficacité au niveau mondial, le PNUE
entretient six bureaux régionaux, en plus d’un réseau grandissant de centres d’excellence tel
que la Base de donnée des ressources mondiales ou GRID (Global Resource Information
Database) et le Centre de surveillance de la conservation de la nature (UNEP-WCMC). D’autres
bureaux importants du PNUE sont à Genève et à Paris où se trouve la division du PNUE chargée
de la technologie, de l’industrie et de l’économie.
Le PNUE héberge également les secrétariats de nombreuses conventions environnementales
internationales, dont le Secrétariat de l’Ozone et le Fonds multilatéral du Protocole de Montréal

108
et les secrétariats de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de
flore sauvages menacées d'extinction, de la Convention sur la diversité biologique, la
Convention sur les espèces migratoires ainsi qu’un nombre grandissement d’accords liés aux
substances chimiques, dont la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontières des déchets dangereux et la Convention de Stockholm sur les polluants
organiques persistants.

Le PNUE restant un programme n'a pas les mêmes prérogatives que des agences telles que
l'OMC ou l'OMS. C'est la raison pour laquelle, certains pays, dont la France plaide pour en faire
une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement (ONUE). Elle pourrait travailler à
l'édification d'un code des règles environnementales donnant une plus grande cohérence au droit
environnemental et instaurer des relations plus équilibrées avec les autres grandes institutions
internationales (OMS, OMC, OMPI, etc…).

B – La protection de l’environnement comme enjeu de la paix et de la sécurité


internationales

Les effets du réchauffement climatique se présentent, pour la communauté internationale et


chaque Etat en particulier, comme généraux mais différenciés, comme prévisibles mais
lointains, comme inéluctables mais incertains, dans leur calendrier comme dans leur ampleur
et leurs effets. En raison de ces caractères, la coopération internationale ne s'impose pas à tous
les Etats comme une évidente et impérieuse nécessité, comme dans le cas de la protection de la
couche d'ozone.

Prenant comme point de départ les projections de dégradation de la biosphère présentées par
les équipes de scientifiques composant le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution
du climat (GIEC) au cours des dernières années, les scénarios socio-économiques sous-jacents
tablent sur une augmentation de la population mondiale située dans une fourchette de 7 à 15
milliards de personnes en 2100, contre 6 en 2000; et, surtout, sur un puissant mouvement de
rattrapage du revenu par tête dans les pays émergents et les pays pauvres. En conséquence, la
part des pays en développement dans les émissions de CO2 dépasserait dès 2020 celle des pays
industrialisés et en transition et atteindrait entre 70 à 80 % des émissions totales en 2100. Du
fait de la forte inertie des mécanismes en cause, on doit s'attendre à ce que l'augmentation de la
concentration des GES continue de perturber le climat terrestre au cours des prochaines
décennies (et bien au-delà) et, ce, quels que soient les efforts de réduction des émissions futures.

La force du consensus des experts et la gravité des bouleversements annoncés ravivent des
angoisses et des peurs ancestrales : le changement climatique engendré par l'activité humaine
ne risque-t-il pas de susciter des menaces, des rivalités, des conflits, voire des guerres de type
nouveau par leur origine, susceptibles de modifier significativement et durablement les
conditions de sécurité sur l'ensemble de la planète? Les changements climatiques sont-ils
susceptibles de déboucher sur des conflits armés, au plan civil ou au plan international?

Les doctrines de sécurité incluent de plus en plus souvent les facteurs environnementaux dans
la liste des menaces nouvelles auxquelles les Etats sont confrontés. Aux Etats-Unis, le lien entre
sécurité nationale et dégradation de l'environnement a été fait par les administrations
successives, au moins depuis 1991; même la très controversée National Security Strategy
publiée en septembre 2002 par l'Administration Bush évoque, à propos des relations des Etats-
Unis avec la Chine, les menaces liées à l'environnement au titre des menaces «partagées».

109
En première analyse, on peut distinguer des menaces directes et des menaces indirectes à la
sécurité des Etats. Les premières résultent de modifications physiques du territoire et de
l'environnement induites par le réchauffement climatique: recul des côtes; disparition ou
déplacement des frontières naturelles; modification du régime climatique, du système
hydrologique, de l'exposition aux calamités naturelles; coûts provoqués par les changements
climatiques, etc.

Les menaces indirectes résultent de la fragilisation de pays ou de sociétés en développement,


se traduisant par un alourdissement des charges de la coopération internationale pour lutter
contre les calamités naturelles, de l'aide humanitaire ainsi que des risques de multiplication des
migrations internationales.

Par conséquent, les analyses de sécurité environnementale font ressortir le rôle des migrations
liées à la dégradation de l'environnement comme facteur de rivalités et de conflits, le plus
souvent civils, mais également internationaux. Bien que par le passé, les migrations même de
masse n'aient guère débouché sur des conflits violents, on peut argumenter qu'il n'en ira pas
nécessairement de même dans un monde où certains des effets du réchauffement climatique
pourraient, dans les pays les plus pauvres, contraindre les populations de régions entières à
l'émigration, parfois, dans un pays voisin, et multiplier les risques de conflits en raison des
frictions avec les populations installées et des réactions des gouvernements des pays de
destination

Les effets les plus vraisemblables des changements climatiques sur les paramètres de sécurité
des pays développés découlent des risques de déstabilisation provoqués par ces phénomènes
dans les pays en développement. Les préoccupations portent naturellement en premier lieu sur
les migrations qui pourraient résulter de la dégradation des conditions environnementales ou
d'événements extrêmes de fréquence et d'intensité accrue en raison du réchauffement
climatique; dans un contexte de changement climatique, ces facteurs pourraient être amplifiés
et concentrés dans le temps, en cas de dégradation des conditions sanitaires (épidémies...) ou
de conflits violents, civils ou transfrontaliers provoqués par de telles dégradations.

Plaidant pour l'urgence des problèmes liés aux changements climatiques, les experts du PNUE
et ceux du HCR soulignent les risques de déplacements massifs de populations associés aux
effets des changements climatiques, comme facteur de tensions durables et de conflits, citant à
titre d'exemple les millions de personnes, au Bangladesh et en Egypte, vivant dans des régions
menacées par la montée du niveau des mers.

Dans ce contexte, la catégorie de «réfugié environnemental», centrée sur la révision de la notion


de «réfugié» telle que l'ont définie la Convention de 1951 et le Protocole de 1967, pourrait, à
terme rapproché, devenir un enjeu international de premier ordre, allant de pair avec un
élargissement des catégories de personnes déplacées éligibles à l'aide internationale et au statut
de réfugié dans les pays d'accueil. La définition actuellement en vigueur exclut les personnes
déplacées dans un même pays ou celles qui fuient une mauvaise économie ou les catastrophes
environnementales. Dès 1985, le PNUE a avancé la notion de «réfugié de l'environnement»,
désignant de la sorte «des personnes qui ont été forcées de quitter leurs habitations
traditionnelles de façon temporaire ou permanente, en raison d'un dérangement
environnemental majeur (naturel et/ou engendré par les humains) qui a mis en danger leur
existence et/ou qui a endommagé sérieusement leur qualité de vie». Le Haut Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés identifie, dans Les Réfugiés dans le monde (1993), quatre
facteurs de flux de réfugiés, parmi lesquels figure la dégradation environnementale. La hantise

110
du «réfugié climatique» risque de raviver celle, plus ancienne, du «réfugié environnemental»,
dans l'imaginaire des pays du Nord.

Il reste que les considérations qui viennent d'être évoquées, aussi fondées soient-elles, ont une
portée opérationnelle limitée, en raison du manque de spécificité et de précision concernant la
nature, la localisation et le calendrier des risques ainsi pointés. Toutefois, il n'est rien moins que
certain qu'on puisse identifier, à partir des vulnérabilités aujourd'hui existantes, des priorités
pertinentes pour l'avenir. Cela devrait conduire les Etats à mettre en œuvre le principe de
précaution, mais dans une acception élargie, allant bien au-delà d'une contribution à la maîtrise
des GES. L'enjeu est de se doter des capacités de répondre à des éventualités susceptibles de
menacer gravement leur sécurité, mais difficilement prévisibles dans leur manifestation et dans
leur localisation dans l'espace et dans le temps. L'articulation du risque environnemental avec
la politique extérieure doit tenir compte de la perspective d'un réchauffement inéluctable.

§ 2 – La société civile transnationale et la protection de l’environnement

Nous présentons les cas de l’UICN et de Greenpeace.

A – La figure hybride de l’UICN

Créée en 1948, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, aussi connue
sous le nom de Union Mondiale pour la nature) est une « association internationale » des
membres gouvernementaux et non gouvernementaux constituée selon l’article 60 du Code civil
suisse regroupant et regroupant 960 membres dont 79 Etats et 112 agences gouvernementales
(catégorie A), 65 ONG « internationales », 738 ONG « nationales » (catégorie B) et 37
institutions affiliées (catégorie C) sans droit de vote. Pour réaliser la conservation durable de la
nature et promouvoir la gestion rationnelle des ressources naturelles, l’UICN entend « influer
sur les sociétés du monde entier » en vue de « les encourager et de les aider pour qu’elles
conservent l’intégrité et la diversité de la nature et veillent à ce que toute utilisation des
ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable » (article 2 du Statut de l’UICN).

Pour atteindre ses objectifs, l’UICN mobilise ses membres, composantes et partenaires pour
forger des alliances pour la conservation de la nature. Elle entend ainsi renforcer la capacité
institutionnelle de ses membres et favoriser une coopération accrue entre eux en encourageant
la recherche scientifique, en servant de forum de discussion et en mettant sur pied des réseaux
d’experts et des systèmes d’information. L’UICN diffuse également les déclarations sur la
conservation de la nature, aide à la création des mécanismes, contribue à la préparation des
accords internationaux et intervient auprès des divers acteurs pour influer sur les politiques
nationales en vue de résoudre les problèmes internationaux de l’environnement.

Sur le plan fonctionnel, l’UICN se compose du Congrès mondial de la nature, du Conseil, des
Comités nationaux et régionaux, des Commissions et du Secrétariat.

Le Congrès mondial de la nature réuni à Amman (Jordanie) du 4 au 11 octobre 2000 a décidé


de la création d’une Académie internationale du droit de l’environnement pour servir de cadre
à la promotion du développement durable et de la mise en œuvre du droit de l’environnement,
par le biais de l’enseignement, de la formation, de la recherche et d’autres activités pertinentes.

Dans le cadre de la protection du Bassin du Congo, l’UICN a initié un « Programme d’Action


Stratégique » (PAS) pour la période 2000-2009. Ce programme vise la formulation d’un cadre

111
stratégique applicable et opérationnel pour le Bassin du Congo, pour les actions prioritaires qui
contribuent à la mise en œuvre effective de la Convention sur la diversité biologique dans les
pays ayant ratifié la Convention de Rio en prenant en compte la complémentarité avec les autres
instruments relatifs à la protection de l’environnement.

Le Pas entend contribuer à :


 La mis en place des consultations nationales ;
 L’élaboration des rapports nationaux sur la diversité biologique ;
 L’identification des problèmes prioritaires communs, partagés et transfrontalières à
travers les acteurs régionaux ;
 La diffusion des rapports
 L’élaboration des réponses consensuelles aux problèmes prioritaires ;
 L’élaboration des concepts de projets.

Il convient toutefois de souligner les limites de la vision « technicienne » de l’UICN par rapport
à la réalité socio-anthropologique de l’Afrique centrale et au regard de la faiblesse des structures
administratives qui doivent s’approprier les projets et les mettre en œuvre. Il existe un décalage
entre le discours savant de l’UICN et les préoccupations des populations, au point où les
programmes restent confinés dans les sphères bureaucratiques de l’expertise internationale.
Mais, il faut aussi reconnaître parallèlement que « le programme d’activités de l’UICN en
Afrique est plus important que dans tout autre continent, reflétant ainsi la longue présence de
cette organisation sur ce continent et les grands défis de conservation et de développement
qu’il y reste à relever »50.

B – Le militantisme vert de Greenpeace

Greenpeace est une organisation à but non-lucratif fondée en 1971 à Vancouver (Canada) par
des opposants (dont Paul Watson) aux essais de bombes atomiques dans les îles Aléoutiennes.
Présente et active dans le monde, le bureau central de « Greenpeace International » est situé à
Amsterdam (Pays-Bas). Greenpeace est un des principaux acteurs en faveur de la préservation
de la nature et des espèces menacées dans le monde. Pour garder son indépendance, Greenpeace
refuse les dons des gouvernements et des entreprises. Elle n'accepte que ceux de ses adhérents.
En tant qu'organisation mondiale, Greenpeace s'occupe avant tout des problèmes écologiques
les plus critiques à l'échelle planétaire comme :
- La protection des océans et des forêts anciennes ;
- L'abandon des combustibles fossiles et la promotion des énergies renouvelables pour
arrêter la perturbation du climat planétaire ;
- Le désarmement nucléaire, la fin des contaminations radioactives et la sortie du
nucléaire (civil et militaire) ;
- L'élimination des substances chimiques toxiques ;
- La prévention de la dissémination des organismes génétiquement modifiés (OGM)
dans la nature et l’abandon de la culture OGM en plein champ ;
- La fin de la course aux armements, condition nécessaire à la paix ;
- L'interdiction de l'immersion des déchets radioactifs ;
- La promotion d'un modèle de développement durable.

L'action directe non-violente est au cœur des campagnes de Greenpeace, qui aujourd'hui
comprennent aussi des activités de lobbying et de recherche après avoir consacré ses premières

50
KAMTO M., Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, Paris, 1996, p.384.

112
années aux campagnes contre les essais nucléaires et pour la défense des espèces (en particulier
contre l'extinction des baleines), elle soutient les énergies renouvelables et relaie les campagnes
de sensibilisation sur l'application du protocole de Kyoto, en particulier aux États-Unis.
Greenpeace milite également pour la sauvegarde de la biodiversité, contre les rejets toxiques et
les organismes génétiquement modifiés. Les méthodes de Greenpeace reposent en partie sur
des actions très médiatisées qui ont fait sa renommée. Greenpeace est très connue pour
l'utilisation de bateaux lors de ses campagnes de protestation et d'intervention directe. L'un
d'entre eux, le Rainbow Warrior, est devenu célèbre en 1985 dans ce qui a été appelé en France
« l'affaire Greenpeace » : les services secrets français l'ont fait couler avec deux mines
magnétiques placées sous sa coque par des plongeurs de l'armée française dans le port
d'Auckland alors que celui-ci se préparait à une croisière de protestation contre les essais
nucléaires français de Moruroa. Au cours de cet attentat organisé par le gouvernement français,
le photographe Fernando Pereira a été tué par l'explosion de la seconde mine magnétique.

La méthode Greenpeace, c’est l’action pour informer sur les enjeux écologiques et faire
pression sur les dirigeants. Un travail indispensable pour obtenir des avancées significatives
dans le domaine de l'environnement. S'il est nécessaire de dénoncer, il est essentiel d'expliciter
le raisonnement qui conduit à considérer que telle industrie, tel produit, tel accord porte
préjudice à l'environnement et à la santé publique. Quand le jeu du pouvoir est de gommer toute
contradiction pour tenter d'imposer une solution unique, le rôle des contre-pouvoirs est de
mettre en évidence les éléments contradictoires qui doivent être portés au débat, pour que soient
considérés l'impact environnemental global et les intérêts des générations futures. Au delà de
l'opposition à certains procédés industriels ou certaines orientations politiques préjudiciables
pour l'environnement, la responsabilité citoyenne impose d'identifier des pistes possibles pour
résoudre les problèmes repérés et proposer des solutions alternatives ou des pistes de
recherches. Il n'est pas rare que des règlements ou des lois, constituant de bons instruments de
protection, soient ignorés ou foulés au pied par des industriels peu scrupuleux ou des
gouvernements peu regardants. L'action en justice peut tendre à conforter certains instruments
réglementaires dont l'intérêt est reconnu. Elle peut également contribuer à construire une
jurisprudence permettant de faire progresser le droit pour mieux prendre en compte les
évolutions récentes des pratiques industrielles ou mieux cerner des risques nouveaux. Le
recours juridique peut également être nécessaire pour obtenir par voie de justice, des
informations que les industriels ou les gouvernements refusent de communiquer dans le seul
but de protéger des pratiques inacceptables voire illégales. Dans un monde idéal, le cycle
investigation - argumentation - information - concertation devrait suffire à faire évoluer les
pratiques pour une meilleure considération des contraintes environnementales. Dans le monde
réel, il est la plupart du temps indispensable de forcer le débat, d'obliger les acteurs à reconnaître
leurs méfaits et d'imposer la prise en compte de certaines considérations.

Depuis plusieurs années, Greenpeace organise des missions en Afrique pour y documenter
l'abattage illégal et les autres pratiques destructrices. Pour ce faire, Greenpeace collabore avec
de nombreuses ONG locales. Elle a de cette façon pu remonter la filière du bois jusqu'aux
sociétés exportatrices et leurs principaux clients en Europe, aux États-Unis et en Asie.
Parallèlement, Greenpeace mène des actions dans les ports européens afin d'exposer des
arrivages de bois contribuant à la destruction des forêts du Congo. De telles pratiques ont ainsi
été mises en lumière notamment en Belgique, au Portugal, aux Pays-Bas, en France ou encore
en Italie, en Espagne, en Grèce, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse. Greenpeace
s'attelle également à dénoncer la corruption dans le secteur forestier et à faire renforcer les
normes légales internationales, la transparence et la responsabilité. Greenpeace a régulièrement
dénoncé l'exploitation illégale du bois au Cameroun et le rôle négatif joué par les sociétés

113
forestières européennes au Gabon. Greenpeace a également mené campagne pour dénoncer le
commerce du bois alimentant la guerre au Liberia. Actuellement, Greenpeace est activement
impliquée dans le débat politique portant sur la réforme du secteur forestier en République
Démocratique du Congo (RDC), pour la prolongation et le renforcement du moratoire de 2002
sur l'attribution de nouveaux titres forestiers pour une meilleure gouvernance dans le secteur.

Section 2 - Les acteurs de la gouvernance régionale : le cas du bassin du


Congo
Classiquement, la gouvernance de l'environnement s'organise autour de deux types de
modalités : la gouvernance au niveau national via une régulation gouvernementale, et une
gouvernance internationale qui passe par l'action collective facilitée par des organisations
internationales ou des conventions internationales. Cependant, les problèmes à résoudre sont
tels et font intervenir des acteurs tellement variés et à des échelles fort différentes que d'autres
formes de gouvernance ont émergées depuis le premier Sommet Mondial du Développement
Durable de Rio en 1992. Ainsi lors du sommet du développement durable à Johannesburg en
2002, l'idée de partenariat plus "informel" dit de type II qui peut réunir tout type d'acteurs :
ONG, Institutions de recherche, Etats, Donateurs, Secteur privé,... (par opposition au type I qui
réunit uniquement des gouvernements ou des organisations intergouvernementales) a largement
émergé avec le soutien de nombreuses ONG Internationales. Ces partenariats sont conçus
comme étant un outil efficace de mise en œuvre du développement durable. Ils sont censés
apporter les avantages du service public (autorité, responsabilité sociale, conscience
environnementale et connaissance du terrain des gouvernements et des organisations non
gouvernementales) et du secteur privé (innovation, capacités financières, efficacité
managériale..). Rien n'est fixé à l’avance concernant les objectifs, les moyens, les modalités de
fonctionnement, chaque partenariat développe ses dynamiques propres, en fonction des attentes
des membres impliqués, de l'objet du partenariat de type II, de l'aire géographique concernée
(mondiale, régionale..).

§ 1 - Le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo

Le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC) est un de ces partenariats de type II
lancé lors du Sommet Mondial du Développement Durable (SMDD) de Johannesburg. Il
regroupe aujourd'hui trente quatre organisations gouvernementales et non gouvernementales. Il
répond à la mise en œuvre du calendrier approuvé au SMDD pour promouvoir le
développement, la gestion durable et la conservation des écosystèmes forestiers d'Afrique
Centrale. Il répond également à la déclaration de Yaoundé, formulée par les Chefs d'Etat des
pays d'Afrique Centrale en mars 1999, pour affirmer leur volonté de s'engager dans des
politiques et actions de conservation et de gestion durable de leurs écosystèmes forestiers.

Le PFBC a pour principale vocation de renforcer la coordination des différents partenaires pour
la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale tout en
privilégiant la promotion des orientations retenues par les pays bénéficiaires au sein de leur
institution régionale, la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC). Il sert
également d'espace de dialogue pour sensibiliser de nouveaux partenaires à contribuer aux
objectifs du SMDD, de la déclaration de Yaoundé ou de la COMIFAC. Les échanges
d'information portent essentiellement sur les projets, programmes et politiques de conservation
et gestion durable des écosystèmes forestiers dans un objectif d'amélioration des conditions de
vie des populations du Bassin du Congo.

114
La structure de gouvernance choisie pour le PFBC est la facilitation, c'est une structure légère
de coordination des actions et qui est assuré pour un mandat déterminé par un des membres.
Son rôle exact a évolué depuis le lancement du partenariat. Cette structure se différencie d'autres
structures de gouvernance de partenariat, comme celles qui sont confiées à des organisations
internationales, en l'occurrence le PNUE.

Lors de la première réunion du PFBC qui s'est tenue à Paris en janvier 2003, les membres ont
fait un tour d'horizon de leurs activités respectives et examiné les étapes futures du PFBC. A
cette occasion, il a été décidé de confier la facilitation aux Etats-Unis pour une période de 2
ans. Pour favoriser l'échange d'information entre les membres du PFBC, un site WEB a été mis
en place à l'initiative de la facilitation américaine (www.cbfp.org). Celle-ci a également
grandement contribué au lancement de la dynamique sur l'Etat des Forêts du Bassin du Congo
et à la définition d'une logique de gestion intégrée des ressources en proposant la mise en place
de ‘’landscapes’’, zone particulièrement sensibles en terme de menace sur la biodiversité et dans
lesquelles plusieurs catégories d'acteurs évoluent dans des aires protégées, des concessions
forestières, des forêts communautaires etc... . Fin décembre 2004, en prévision du Sommet des
Chefs d'Etat de Brazzaville, une réflexion a été initiée sur les perspectives du transfert de
facilitation entre les Etats-Unis et la France pour début février 2005. Une consultation
exhaustive des membres du PFBC a été réalisée pour élaborer collectivement les termes de
références de la facilitation française.

L'ensemble des membres du PFBC consulté a confirmé l'intérêt de concentrer les activités de
la facilitation française sur quelques priorités d'interventions du plan de convergence de la
COMIFAC. Certains ont souhaité plutôt que la France concentre sa facilitation sur la méthode
de travail à promouvoir, au sein du PFBC, pour améliorer les échanges et assurer une circulation
rapide des informations. Tous les partenaires ont spontanément souligné l'importance de
promouvoir le leadership africain au sein du PFBC.

Les thèmes d'actions prioritaires du PFBC sont :


 Le renforcement de la coordination régionale, en liaison étroite avec la
Présidence, le Secrétariat Exécutif et les points focaux de la COMIFAC;
 La promotion de la formation des cadres africains et le renforcement des
capacités des différents acteurs du secteur forêt environnement;
 L'amélioration de la gouvernance par l'harmonisation et le respect des lois et
réglementations forestières et par la promotion d'accords volontaires de partenariat
dans le cadre de l'initiative AFLEG et de l'initiative européenne FLEGT (Forest
Law Enforcement, Governance and Trade) ;
 Le renforcement du Secrétariat Exécutif de la COMIFAC et des structures focales
nationales pour accompagner le Plan de Convergence ;
Au niveau national, les partenaires attendaient de la facilitation française les initiatives
suivantes :
 des contributions à l'animation de concertations entre acteurs dans chacun des
pays de la COMIFAC (Etats, ONG, entreprises privées, bailleurs de fonds..) ;
 des actions de promotion et/ou d'échanges d'expériences entre les partenaires
membres du PFBC ;
 des appuis à l'animation de groupe de travail thématiques (formation, certification,
concertation d'ONG nationales, mécanisme de financement durable et d'autres restant
à définir) ;
 le renforcement des capacités des acteurs en matière de conservation et de gestion
durable des forêts et pour la préparation et la participation aux sessions de négociation

115
relatives aux conventions internationales issues de Rio ;

Au plan régional, les attentes des membres du PFBC portaient essentiellement sur :
 la mise en place, en coordination avec la COMIFAC, d'un Comité
Consultatif Régional restreint et collégial pour : (i) assurer une meilleure
communication entre les membres du PFBC, (ii) effectuer un suivi régulier des
activités réalisées dans le cadre du PFBC et (iii) jouer un rôle de conseil auprès
de la facilitation du PFBC ;
 la redynamisation de la concertation régionale autour de certaines thématiques
transversales en ligne avec les priorités du Plan de Convergence : formation, aires
protégées transfrontalières, certification, processus AFLEG/FLEGT, compétitivité des
activités économiques (exploitation forestière, transformation, écotourisme...) ;
 la capitalisation des résultats des actions de facilitation au sein du PFBC.

L'Allemagne assure la facilitation du PFBC depuis le second semestre 2007.

§ 2 – Les acteurs d’Afrique centrale : le cas du secteur forestier

Les «acteurs institutionnels» sont inscrits au croisement des lignes. Certains tirent directement
leurs revenus des ressources forestières ; d'autres ont une influences sur le secteur forestier
mais ne tirent pas leur revenus directement de 1’exploitation de la forêt, du moins en théorie.
Certains sont favorables à la gestion durable des ressources, voire garants de leur pérennité ;
d'autres, au contraire, résistent à la mise en place d'une gestion durable. Certains sont garants
des intérêts collectifs ; d'autres sont seulement menés par leurs intérêts individuels.

Les décideurs politiques jouent le rôle principal dans l'élaboration et la mise en application des
politiques forestières arrêtées tant au niveau international, régional, que national, provincial ou
local. Ils définissent le cadre général dans lequel agissent les autres acteurs et ont, par ce biais,
un impact important sur ces derniers. Ils sont en retour influencés par les autres acteurs en pro
portion du degré d’organisation et de la capacité de « lobbying » de ces acteurs, ainsi que des
relations traditionnelles définissant les liens entre ces « élites » et leur base ou leurs réseaux de
connaissances. Qu'il s'agisse des représentants des organisations internationales ou des acteurs
politiques régionaux et nationaux (Préfets, Gouverneurs, Ministres, Représentants des états des
les institutions régionales), toutes ces personnalités maîtrisent souvent peu le domaine forestier
ou environnemental. Elles sont nommées par les pouvoirs exécutifs dont elles dépendent et
possèdent toujours un réseau de relation et de clientèle leur permettant d'obtenir ce type de
poste.

Seuls, les Chefs d'états ou les parlementaires élus peuvent généralement se prévaloir d’une
légitimité par les urnes et affirmer représenter leurs électeurs. N'étant pas des spécialistes des
domaines pour lesquels ils doivent prendre des décisions, ces politiques sont épaulés par des
techniciens, par des personnes qui préparent pour eux les textes des politiques forestières et
environnementales, les textes de lois, règles et procédures. Parfois - et de plus en plus
maintenant - d'autres acteurs sont aussi impliqués ou consultés dans les processus de
préparation des textes : représentants du secteur privé, d'ONGs ou de bailleurs de fonds, acteurs
de l'appui-conseil, voire de la recherche. Il est clair que les politiques et les accords
internationaux sur la conservation de la biodiversité, l'utilisation et la conservation des forêts,
peuvent considérablement influencer et parfois même prévaloir sur les politiques nationales,
par exemple par le biais du commerce international ou d'autres sanctions. Les acteurs politiques
nationaux peuvent potentiellement influencer en retour ces processus internationaux.

116
Toutefois, le poids des représentants des états d'Afrique centrale est souvent minime dans les
fora internationaux. Les raisons sont liées au manque de concertation préalable et de prises de
positions communes, au manque de connaissance des dossiers et de formation en négociation
politique au plus haut niveau, voire au manque d'intérêt de certains pour ces débats
internationaux.

Diverses institutions internationales telles que la FAO (Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture), le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement),
le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) ou l'OIBT (Organisation
Internationale des Bois Tropicaux) œuvrent dans le domaine forestier ou y ont une grande
influence. Ces organismes sont des organismes techniques et de développement, mais ils
procurent aussi un cadre à de nombreuses discussions sur les politiques forestières mondiales
et à de nombreuses tractations y relatives.

Au niveau de l'Afrique centrale, le contexte politique et institutionnel de la gestion forestière


a beaucoup évolué au cours des dix dernières années. L’OAB (Organisation Africaine du Bois),
institution traditionnellement préoccupée par la valorisation économique des forêts et
l'exploitation industrielle du bois, a été renforcée par des initiatives plus souples et plus
dynamiques, car moins institutionnalisées, et plus préoccupées de conservation et de
développement durable. Citons en particulier la CEFDHAC (Conférence sur les Ecosystèmes
de Forêts Denses et Humides d' Afrique Centrale), conférence des ministres et forum multi-
acteurs, qui a permis de décloisonner les débats sur les forêts et l'environnement entre acteurs
publics, ONGs et secteur privé. Le Sommet des Chefs d' Etats d'Afrique centrale (qui s'est tenu
à Yaoundé, au Cameroun en 1999) et la COMIFAC ont sans aucun doute vu le jour suite aux
soubresauts suscités par la CEFDHAC. Le réajustement des rôles et des prérogatives de ces
divers acteurs politiques donne lieu à de nouveaux débats. Parmi les produits de ces initiatives,
on peut noter le Plan d' Action Stratégique pour la conservation de la biodiversité en Afrique
centrale (PAS) et le Plan de convergence dérivé du travail des experts ayant participé au suivi
du sommet de Yaoundé. Ce plan se veut un dénominateur commun sur lequel les différents
états signataires conviennent de s’entendre pour engager des actions nationales et régionales
en faveur de la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale.

Si de nouvelles lois forestières, incluant mieux les problématiques de développement durable,


ont pu être votées dans divers pays, cela est certainement dû en partie à la prise de conscience
de certains parlementaires, mais aussi et surtout au lobbying exercé auprès d'eux par les
bailleurs de fonds et les ONGs. Dans le cas du Cameroun, par exemple, ces pressions ont
permis une évolution de la loi forestière théoriquement bénéfique à la gestion durable des forêts
mais qui n a pas empêché l'augmentation de fait des attitudes prédatrices de nombreux acteurs
politiques, gestionnaires et exploitants. Ces pressions ont été parfois considérées par certains
responsables comme des ingérences dans les affaires camerounaises (avec plus ou moins de
bonne foi, faut-il le préciser). La relative méconnaissance du secteur forêt-environnement par
les parlementaires, ajouté au fait qu’ils ont souvent 1’impression que leurs intérêts individuels
sont menacés par les changements proposés, constituent des raisons majeures au très long débat
qui a précédé l'adoption de la nouvelle loi forestière gabonaise.

Le secteur de l'exploitation forestière est l'un des moteurs des économies nationales des pays
d'Afrique centrale. Suivant le déclin de l'exploitation forestière en Afrique de l'Ouest et le
déplacement des sociétés internationales vers l'Afrique centrale, suivant l'implantation des
sociétés asiatiques dans la région, la décennie passée a vue une forte expansion de l'exploitation
forestière en Afrique centrale. Elle est maintenant présente sur une très grande part des

117
territoires forestiers nationaux. L'exception reste la RDC, du fait de l'immensité de la forêt et
des difficultés logistiques et politiques qui y persistent. La plus grande part des concessions et
permis forestiers sont exploités par de grands groupes d'origine européenne et maintenant
asiatique : Danzer, Feldmeyer, Man Fai Tai, Rimbunan Hijau, Rougier, Sonae, Thanry, Wijma,
etc. Certains d'entre eux sont présents par leurs filiales dans plusieurs pays. Ils agissent au
niveau local (site d'exploitation), où ils sont souvent le seul agent de développement rural ou
considéré comme tel par les populations rurales, avec une représentation dans la capitale du
pays concerné ; les filiales pouvant ne pas porter le nom de la structure mère. Par exemple,
Thanry a pour filiale au Gabon la CEB (Compagnie Equatoriale des Bois). Le secteur forestier
étant généralement l'un des grands employeurs des pays de la région et un pourvoyeur de
devises non négligeable, tous ces grands groupes possèdent un poids socio-économique
important. Ils disposent aussi de connexions politiques nationales, voire internationales.
Certaines de ces entreprises sont actives dans les fora forestiers internationaux, en particulier à
travers l'IFIA, une fondation regroupant les plus importantes sociétés forestières européennes.

Il convient enfin de mentionner que les sociétés forestières contractualisent parfois certaines
tâches, en particulier le transport des lieux d'exploitation vers les usines ou les ports (comme
au Cameroun, par exemple). Ce système de contractualisation est moins étendu dans le
secteur forestier que dans celui du pétrole mais peut contrecarrer certains efforts menant à
une exploitation forestière durable. En effet, le contractant se décharge de certaines tâches
auprès du contracté mais généralement sans se préoccuper de la manière dont le travail est
réalisé ni des impacts de son activité. Le premier peut par exemple interdire le transport du
gibier sur ses véhicules, alors que le second ne le fera pas obligatoirement. Tout
fractionnement des tâches complique encore un peu plus 1’information et la sensibilisation
des personnels.

Certains grands bureaux d'études internationaux gèrent directement les financements destinés
à la gestion des ressources forestières et veillent, sur le terrain, à l'application des politiques
définies dans le cadre de la gestion durable des ressources forestières. Tel est par exemple le
cas du consortium AGRECO (AGRER et Agriconsulting) dans le cadre du projet ECOFAC.
Dans un autre domaine, on peut citer la société SGS (Société Générale de Surveillance, dont
fait partie SGS-Forestry) qui supplée à l'administration camerounaise dans le contrôle du
commerce du bois.

Ces bureaux d'étude ont des sièges internationaux bien loin de la région (Europe et Canada en
particulier) mais mettent parfois en place des représentations ou filiales régionales. C'est par
exemple le cas de l'ONF International (Office National des Forêts), qui a créé avec Luso
Consult une filiale en Afrique centrale (Sylvafrica), orientée vers l'appui aux exploitants
forestiers pour la mise en place de leurs plans d'aménagement. Dans le même secteur, on trouve
des bureaux d'étude travaillant essentiellement depuis leur base (FRM - Forêts, Ressources,
Management, en France, par exemple) ou, au contraire, installés dans la région (TWE - Tropical
Wood and Environment, au Gabon, par exemple). Dans le domaine forestier, en particulier dans
celui des inventaires ou de l'expertise du secteur, le nombre de bureaux d'études nationaux est
en pleine expansion depuis plusieurs années déjà. C'est surtout le cas au Cameroun, où des
élites politico-administratives ont créé leurs propres bureaux d'étude en parallèle à leur emploi
rémunéré. Sans préjuger de la qualité de ces bureaux, cela n'est pas sans poser quelques
problèmes au niveau d’égalité des chances dans les appels à concurrence. Il faut aussi
mentionner que certaines ONGs enregistrées comme telle agissent en fait comme des bureaux
d'études. La limite entre les deux catégories est souvent plus que floue.

118
Pour compliquer le paysage, certaines ONGs ne sont pas des entités bien individualisées mais
plutôt des ensembles dont les diverses parties peuvent agir dans la région, de concert ou non.
C'est par exemple le cas de la « nébuleuse » WWF, avec les WWF-US, WWF-Belgique, WWF-
Pays-Bas et WWF-International, travaillant directement ou soutenant des projets dans la région.
Ces grandes organisations sont présentes depuis le niveau des débats politiques mondiaux ou
régionaux jusqu'à celui de la gestion de projets de terrain de conservation-développement
(projet WWF-Minkébé au Gabon ; projet UICN-Waza-Logone au Cameroun). Ici aussi, il faut
souligner, comme dans le cas des bureaux d'études, que les activités prévues au titre de ces
projets sont souvent directement menées par les ONGs en question. Le passage du « faire soi-
même » au « faire-faire par les acteurs locaux » pose toujours des difficultés ; la formation et
le transfert des compétences n'ont pas toujours l'importance qu'elles devraient avoir.

Parmi les réseaux « d'institutions », on notera en particulier le RAAF (Réseau Africain


d'Actions Forestières), soutenu par le WWF, un réseau d'ONGs environnementales actives dans
le secteur forestier. Un autre réseau qu'il convient de mentionner ici est celui en formation d'une
association régionale d'aires protégées d'Afrique centrale (le RAPAC - Réseau des Aires
Protégées d'Afrique Centrale) initiée par le projet ECOFAC.

Les bailleurs de fond et autres organismes de financement, bien qu'ils ne disposent pas
toujours des compétences techniques adéquates, jouent un rôle fondamental dans l'orientation
de la gestion forestière. C'est en particulier le cas des grandes institutions de financières telles
que la Banque Mondiale ou le FMI (Fonds Monétaire International), qui n'hésitent pas à peser
de tout leur poids financier dans les décisions politico-stratégiques des gouvernements.
Certaines des motivations et certains modes de fonctionnement de ces acteurs sont similaires
à ceux des politiques, car ce sont en fait parfois les mêmes qui jouent les deux rôles.

Section 3 - Les acteurs de la gouvernance nationale : le cas des pays


d’Afrique centrale
Deux problématiques majeures peuvent illustrer les dynamiques et l’état des lieux de la
gouvernance écologique nationale en Afrique centrale : la problématique des forêts et celle de
l’exploitation du pétrole.

§ 1 – La forêt dans le miroir du droit en Afrique centrale

Le traité de Brazzaville sur les forêts est un nouvel instrument qui pourrait contribuer à
l’amélioration des écosystèmes d’Afrique centrale et peut-être éradiquer les pratiques décriées
au niveau de l’inefficacité des législations nationales, dans le cas par exemple des aires
protégées.

A – Le traité de Brazzaville sur les forêts.

Le Traité relatif à la conservation et la gestion des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale a


été adopté le 5 février 2005 à Brazzaville dans le cadre du deuxième sommet sur la conservation
et la gestion durable des massifs forestiers du bassin du Congo. Il s’insère dans une logique de
quête d'une action collective globale et contraignante pouvant d'une part réduire la tendance à
la déforestation actuelle et d'autre part montrer le chemin à suivre à toute la communauté
internationale, par une sorte de renoncement partiel par chacun des Etats membres de la
souveraineté nationale sur ses ressources forestières au profit d'une juridiction supranationale.
L'objectif principal du Traité de Brazzaville est celui de conserver et de gérer de manière

119
durable les écosystèmes forestiers d'Afrique centrale. Pour y parvenir, les Etats Parties au traité
s'engagent à atteindre à terme un ensemble d'objectifs secondaires contenus dans l'article 1 du
titre 1. Dans ce sens, il y a lieu de faire la distinction entre les engagements qui concourent
directement à la gestion durable des forêts, de ceux qui font référence à la participation des
certains acteurs au processus, et enfin ceux liés aux questions de l'économique forestière.

Certaines dispositions de l'article 1 du traité énumèrent un certain nombre d'engagements


suivants:
 Inscrire dans leurs priorités nationales, la conservation et la gestion durable des
forêts et la protection de l'environnement;
 Adopter des politiques nationales harmonisées en matière des forêts et accélérer la
mise en place des instruments d'aménagement, notamment les systèmes de
certification reconnus internationalement;
 Mettre en place des mesures destinées à concilier les actions en faveur de la
conservation et de la gestion durable des écosystèmes forestiers avec les politiques
de développement dans d'autres secteurs, notamment le reboisement, le transport et
l'agriculture;
 Inciter leurs gouvernements à mettre en œuvre les actions prioritaires du Plan de
Convergence: L'identification des zones prioritaires de conservation, la création de
nouvelles aires protégées, l'élaboration et la mise en œuvre des plans de gestion des
aires;
 Accélérer le processus de création des aires protégées transfrontalières entre les
pays d'Afrique centrale et inviter les pays voisins à s'intégrer dans le processus, tout
en renforçant la gestion des aires protégées existantes;
 Mettre en place des actions concertées en vue d'éradiquer le braconnage et toute
autre exploitation non durable dans la sous-région en y associant toutes les parties
prenantes.

Certains de ces engagements notamment ceux relatifs à l'harmonisation des politiques,


législations et la création des zones transfrontalières viennent tout simplement reconnaître des
dynamiques d'actions régionales qui avaient déjà cours, consistant notamment par la création
des parcs nationaux transfrontaliers, des discussions sur la gouvernance forestière régionale et
l'adoption de nouvelles législations forestières similaires au modèle pionnier du Cameroun.
C'est dans cette dernière perspective qu'avait déjà été créé le paysage transfrontalier
Trinationale Sangha en 1999, regroupant le parc national de Lobeké au Cameroun, le parc
national de Nouabalé-Ndoki au Congo et celui de Dzanga-Sangha en Centrafrique, d'une part,
et l'Accord plus récent portant création du Tridom entre le Cameroun, le Congo et le Gabon,
d'autre part.

Par ailleurs, le Traité de Brazzaville a été suivi par la Déclaration du même nom qui dit de
manière explicite que les membres acceptent de soumettre dans un délai de dix ans, objectif
2015 de la COMIFAC, l'ensemble du domaine forestier permanent des pays de la sous-région
au processus d'aménagement forestier sur la base de principes, critères et indicateurs
harmonisés. Il y a lieu donc d'attendre cette date pour faire une évaluation systématique de
l'application des engagements liés à la gestion durable des forêts du bassin du Congo, mais ceci
n'exclut pas la mise sur pied au stade actuel, des systèmes de suivi et de contrôle au niveau
régional, en rapport avec l'exigence du respect des engagements pris par chacun des pays
membres.

120
En rappel, le principe 10 de la Déclaration de Rio est relatif à la participation du public dans
les processus de gestion des ressources naturelles. Les pays membres du Traité de Brazzaville
ont transposé ledit principe de participation dans les dispositions du texte en ces termes :
 Renforcer les actions visant à accroître la consultation et la participation des
populations rurales à la planification et la gestion durable des écosystèmes et réserver
des espaces suffisants pour leur développement socio-économique;
 Veiller à une plus grande implication des opérateurs économiques dans le processus
de gestion et de conservation des écosystèmes forestiers;
 Promouvoir l'organisation des fora nationaux et sous-régionaux d'échanges
d'expériences; Favoriser la mise en place des réseaux liant les institutions pertinentes
de recherche et de développement forestier;
 Renforcer la coordination ainsi que la coopération entre toutes les organisations
nationales et internationales impliquées dans les actions et la réflexion sur l'utilisation
durable et la conservation des ressources biologiques et des écosystèmes forestiers.

Dans les dispositions de l'article 1 du traité, les pays de l'Afrique centrale membres prennent
un certain nombre d'engagements susceptibles de faire décoller véritablement les économies
forestières de la sous-région en rentabilisant au maximum ce secteur d'activité. Il s'agit entre
autres des engagements suivants:
 Mettre en place dans chaque Etat, des mécanismes durables de financement du
développement du secteur forestier à partir des revenus générés par l'activité forestière
et la coopération internationale;
 Développer une fiscalité forestière adéquate et les mesures d'accompagnement
nécessaires à la mise en œuvre pour soutenir de manière pérenne les efforts de
conservation, d'aménagement durable et de recherche sur les écosystèmes forestiers;
 Promouvoir et accélérer le processus d'industrialisation du secteur forestier, et
développer des mécanismes adéquats de financement du secteur privé national, en vue
de maximiser la valeur ajoutée et de créer des emplois nouveaux et valorisant, tout en
veillant à l'utilisation durable des ressources forestières en harmonie avec la possibilité
forestière.

La lecture de ces engagements à caractère économique peut légitimement susciter certaines


craintes. En effet, la grande incitation à la rentabilisation des investissements par l'exploitation
industrielle des ressources forestières, pourrait logiquement engendrer à certains égards des
effets pervers en termes de surexploitation des ressources, au détriment des objectifs de
conservation et de gestion durable des forêts. Il s'agit donc pour les pays membres de concilier
les instruments écologiques, économiques et sociaux qui constituent la trame de ce traité.

Selon les dispositions de l'article 2 les Etats s'obligent à :


 Financer les actions relatives à la gestion durable des écosystèmes forestiers et de
l'environnement;
 Développer le partenariat avec la communauté internationale, dans le but de mobiliser
les ressources nécessaires pour le financement des engagements visés à l'article 1 du
présent traité;
 Œuvrer ensemble pour obtenir l'éligibilité des programmes et actions initiées par les
Etats membres au Traité à divers mécanismes de financement novateurs.

Cet article 2 est complété par les dispositions de l'article 20 qui prévoit que le financement de
la COMIFAC (Commission des forêts d'Afrique centrale) est assuré par une contribution
obligatoire des Etats membres selon un principe égalitaire ou conformément à un mécanisme

121
de financement indexé sur le taux appliqué à la somme des recettes réalisées sur les produits
forestiers et fauniques exportés. Toutefois, la COMIFAC peut rechercher des financements
additionnels, notamment auprès des partenaires au développement.

Les mécanismes institutionnels du Traité relatif à la conservation et la gestion des écosystèmes


forestiers d'Afrique centrale s'articulent autour de la création d'une organisation internationale
sous-régionale en charge des forêts, de ses différents organes et les dispositions finales relatives
à la vie du traité. L'article 5 du traité est relatif à la création de l'organisation dénommée
Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC), avec pour principale mission
l'orientation, l'harmonisation et le suivi des politiques forestières et environnementales en
Afrique centrale. Le siège de ladite organisation internationale sous-régionale est fixé à
Yaoundé, république du Cameroun. La durée de la Commission des forêts de l'Afrique centrale
est illimitée dans le temps. Enfin, les dispositions de l'article 6 du traité énumèrent les trois
organes principaux de la nouvelle organisation sous-régionale en charge des forêts: le sommet
des chefs d'Etats et de gouvernement, le conseil des ministres et le secrétariat général.

B – L’effectivité des législations nationales : le cas des aires protégées

L'attention portée sur les aires protégées s'est opérée surtout dans le cadre des travaux
préparatoires du dernier Congrès mondial des Parcs qui s'est tenu à Durban en septembre 2003.
Cette dynamique a été accompagnée récemment par l'engagement des Etats à œuvrer pour la
bonne gouvernance des ressources forestières. Une Déclaration ministérielle sur l'application
de la législation forestière et la gouvernance en Afrique (AFLEG) a été signée à Yaoundé en
octobre 2003. En dépit de l'intérêt accordé à la lutte contre l'exploitation forestière illégale, cette
Déclaration a contribué à légitimer les actions antérieures en faveur de la bonne gouvernance
des aires protégées.

Il est assez difficile d'esquisser une image d'une aire protégée qui ferait l'objet d'une bonne
gouvernance. L'exercice est d'autant plus délicat dans la mesure où il n'existe pas, contrairement
aux espaces forestiers affectés à la production de bois d'œuvre, des normes de résultats, plus
connues sous l'appellation de principes, critères et indicateurs de la gestion durable des forêts.

On peut néanmoins une telle aire protégée devrait être gouvernée selon les critères de
gouvernance véhiculés à l'échelle internationale. On peut donc esquisser les caractéristiques
suivantes:
1. Une politique de gestion de proximité qui insiste sur la décentralisation et le mode de
gouvernement par délégation oriente la mise en œuvre de la gouvernance des aires
protégées. Le principe de subsidiarité est de mise. Un cadre légal précise les règles du
jeu et veille à ce que la sécurisation de l'aire protégée n'entraîne pas l'insécurisation des
populations locales, et vice versa. Un plan d'aménagement est mis en exécution.
2. Une autorité locale chargée de gérer l'aire protégée dans laquelle chaque partie prenante
se reconnaît, veille au respect du cadre légal. Elle est représentative de tous les groupes
d'intérêt. La corruption ou les abus de pouvoir qui caractérisent les relations de
connivence entre braconniers et conservateurs est sanctionnée.
3. La responsabilisation de toutes les parties prenantes est effective. Celles- ci participent
à l'émergence d'une forme de citoyenneté locale.
4. Toutes les parties prenantes ont accès à l'information disponible. Les lois sont
vulgarisées, les principaux résultats attendus du plan d'aménagement sont connus, les
parties prenantes savent où elles vont, comment elles vont procéder et quels résultats
ont été déjà obtenus.

122
Dans cette perspective, l'analyse de la gouvernance d'une aire protégée ne se limite pas qu'aux
normes officielles, mais fait appel aux acteurs, au jeu de pouvoir et de contre-pouvoir. Bien
qu'étant encore dominées par l'héritage des modes de gestion centraliste, les normes qui
régissent les aires protégées offrent de plus en plus des possibilités de participation, de dialogue
et de négociation. Les normes officielles sont appliquées dans un contexte caractérisé par:
1. La diversité des acteurs: autour d'une aire protégée plusieurs acteurs et groupes d'acteurs
entrent en confrontation, chacun défendant des intérêts particuliers;
2. La pluralité des normes: normes officielles qui ne sont pas toujours claires, normes
locales ou traditionnelles, normes internationales sous la forme de conventions et
d'accords internationaux;
3. Un empilement des centres de pouvoirs et des centres de décisions: le conservateur,
mais aussi le chef de lignage propriétaire d'un territoire clanique situé à l'intérieur de
l'aire protégée, le chef du village riverain dont le terroir est recouvert par une partie de
l'aire protégée, le commandant de la brigade de gendarmerie, le sous-préfet, etc.

Les résultats réels sont, dans ce cas, étroitement liés au savoir-faire personnel de chaque
membre de l'équipe de gestion, c'est-à-dire à l'art d'ajuster les éléments du modèle officiel au
contexte local, bref aux normes pratiques. En abordant le sujet dans cette direction, trois cas de
figure émergent de l'analyse de la gouvernance des aires protégées dans le Bassin du Congo.

Le premier cas de figure se rapporte aux gestionnaires qui se sont distingués par une conduite
que l'on peut qualifier de consciente. Ils sont agents des services des eaux et forêts, conseillers
techniques ou membres du comité multipartite de gestion de l'aire protégée. Ils ont eu le mérite
de déployer des efforts particuliers pour faire appliquer les lois et les règlements au pied de la
lettre. Il a été constaté qu'en général, ces individus finissent dans des conflits, d'abord avec leurs
collègues qui les traitent de naïfs et ensuite avec les acteurs des autres mondes. Dans le Parc
national de Conkouati-Douli au Congo, par exemple, la collaboration entre le conservateur et
la Force publique dans la lutte antibraconnage a produit l'effet inverse. Les soldats censés
réprimer les délits ont organisé un système de taxation des animaux braconnés et une sorte
d'alliance s'est constituée entre les gardes armés et les braconniers. Dans ces conditions,
humiliations et bien d'autres maux ont été infligés à ces gestionnaires «rigoureux». Dans la
réserve de faune du Dja au Cameroun, par exemple, en juillet 2001, les gardes qui ont tenté
d'intercepter un camion militaire transportant 250 kg d'ivoire, se sont fait rosser par les
militaires occupant le camion ... qui a continué sa route avec son chargement. A cela s'ajoutent
les frustrations liées à l'acquittement des délinquants quand les activités illicites font l'objet de
poursuites judiciaires.

Le second cas de figure se situe à l'opposé du premier. Il renvoie au personnel des aires
protégées qui font usage des normes officielles pour défendre des intérêts particuliers. Les
arrangements pratiques sont caractérisés ici par la mise en négociation des pouvoirs conférés
par les normes officielles. Les avantages du métier procurés par de telles manœuvres sont de
différentes natures. Ils concernent aussi bien le prestige que la corruption. Le port de l'uniforme
par un écogarde recruté localement est un signe d'ascension sociale et de prestige. A cet effet,
il fait parfois preuve de largesse face aux braconniers. En fermant les yeux, il met en jeu les
opportunités offertes par sa position de pouvoir pour accroître en retour son réseau de relations.

Le dernier cas de figure concerne aussi des manœuvres axées sur la reconversion en capital
relationnel des ressources offertes par les normes officielles. A la différence du cas de figure
précédent, ce capital relationnel est ensuite mobilisé pour atteindre des objectifs professionnels.

123
Dans ce registre d'échange généralisé de biens donnés et de services rendus, on peut citer, par
exemple, le bon de carburant offert de temps en temps au sous-préfet ou au commandant de la
brigade de gendarmerie, les per diem payés aux autorités locales pour leur présence à la
cérémonie d'ouverture d'un séminaire de formation, ou encore l'implication des chefs «tradi-
tionnels» dans l'identification des futurs écogardes. Il est bien évident que ces pratiques ne sont
pas conformes aux normes. En effet, la connaissance personnelle des autres acteurs détenteurs
de pouvoirs spécifiques liés à leur fonction permet de se tirer d'affaires avec eux en cas de
problème personnel ou professionnel.

Certes, il est primordial d'engager des réformes législatives et institutionnelles, mais les normes
officielles, considérées isolément, ne peuvent pas garantir la gouvernance des aires protégées.
La gouvernance ne se décrète pas. Au contraire, elle est la manifestation des normes pratiques.
Ces dernières ne peuvent être observées directement, mais sont reconstruites à partir de
l'analyse des comportements qu'elles régissent. Dans cette perspective, la connaissance de ces
normes pratiques est indispensable pour la bonne gouvernance des aires protégées.

§ 2 – La mer, le pétrole et la paix en Afrique centrale

Les hydrocarbures ouvrent les vannes de tous les phantasmes. Les compagnies multinationales
et les Etats se livreraient une guerre sans merci, en recourant à tous les moyens, licites ou
illicites, pour l'octroi de concessions pétrolières. Naturellement l'illicite conduit au clandestin,
la frontière n'étant d'ailleurs pas clairement tracée : entre lobbying et corruption la distinction
est parfois subtile. Pour traiter de cette problématique, nous prenons deux exemples : le cas
tchadien et le cas congolais.

A – L’exploitation pétrolière et le développement durable : le modèle tchadien.

Depuis les indépendances africaines, le pétrole a été au cœur de nombreux conflits. Pendant des
décennies, les compagnies pétrolières ont entretenu des relations très personnalisées avec les
responsables africains. Antichambre de la corruption, elles ont été dénoncées par diverses
organisations, notamment par le groupe Survie et son chef de file Xavier Verschaeve,
récemment décédé. L'action d'ONG internationales militant contre la corruption comme
Transparency International porte peu à peu ses fruits. La corruption de papa devient de plus en
plus difficile, et les méthodes sophistiquées de déroutement des circuits financiers via des
comptes secrets et des paradis fiscaux n'offrent plus une protection sans faille.

En 2002, à l'instigation de Tony Blair, est née l'Initiative pour la Transparence des Industries
Extractives (ITIE). Plusieurs Etats africains producteurs de pétrole y ont adhéré. Dans le même
temps, une plate-forme d'ONG, Publish what you pay exhorte les grandes sociétés à rendre
public les sommes qu'elles versent aux Etats. Toutes ces initiatives vont dans le même sens :
lutter contre les réseaux invisibles qui servent de support aux pratiques de corruption. Elles se
heurtent, on s'en doute, à de nombreux obstacles, politiques ou simplement techniques. C'est
ainsi que, vis-à-vis de ITIE, Total souhaite une publication agrégée des versements effectués
par la totalité des compagnies pétrolières aux Etats, cela afin de préserver la confidentialité de
la participation de chacune d'entre elles, considérée comme relevant de stratégies commerciales
qui n'ont pas à être divulguées

Le Tchad pétrolier se veut modèle. Il entend tourner le dos à toutes les perturbations liées à
l'extraction pétrolière en Afrique - conflits, dégradation de l'environnement, corruption,
atteintes aux droits de l'homme, spoliation des populations riveraines, etc.. Le récent

124
développement pétrolier y a été débattu, pensé puis exécuté en référence constante aux anti-
modèles nigérians, angolais, congolais. Au-delà de l'expérience tchadienne, une question
d'actualité est de savoir s'il est possible de concilier pétrole et développement durable dans des
Etats pauvres et faibles, voire d'utiliser la ressource pétrolière pour stimuler le développement.
Ou bien ce mariage de la carpe et du lapin ne constitue-t-il qu'un nouvel habillage pour justifier
l'exploitation de la ressource au profit des pays riches ou de leurs multinationales, dans un
contexte de compétition accrue pour la maîtrise de réserves énergétiques sous pression ?

Le projet pétrolier de Doba présente une autre originalité que celle des fées du développement
durable penchées sur son berceau. Elle se manifeste par une donnée géographique :
l'enclavement de la ressource. Il s'agit en effet d'exporter une huile lourde issue de gisements
enclavés au moyen d'un oléoduc de plus de 1.000km à travers le Tchad et le Cameroun vers le
terminal de Kribi, jalonné de stations de pompage et de chauffage du brut. On table sur une
production moyenne de 225.000 barils par jour pendant 30 ans, soit environ 15 millions de
tonnes par an, équivalent des exportations du Gabon à l'apogée de son ère pétrolière.

A ce jour, un seul autre gisement est comparable en Afrique : celui de Talisman au Soudan,
exploité depuis 1999. L'enclavement présente deux implications majeures : d'une part des
risques spécifiques (sabotages, pollutions), d'autre part des coûts supplémentaires liés à la
nécessité de transporter la ressource et de gérer les relations avec son environnement physique
et humain. Dans le contexte actuel mondial de prix élevé des hydrocarbures, au Tchad comme
ailleurs, des gisements jugés autrefois peu rentables parce que difficiles d'accès ou trop petits
présentent aujourd'hui un intérêt nouveau pour les firmes transnationales.

L'implication de la Banque mondiale, mais aussi les débats soulevés par la société civile ont eu
des effets sur les conditions de l'exploitation. Sous la pression de la Banque mondiale, le
Parlement tchadien a voté une loi très originale en Afrique. La loi n°1 de 1999 règlemente
l'utilisation des revenus pétroliers : 10% sont épargnés pour les générations futures et bloqués
sur un compte de la Citybank de Londres. Sur les 90% restants, 80% seront versés au budget
de l'Etat pour bénéficier à 5 secteurs prioritaires (éducation, santé, infrastructures,
développement rural, eau et environnement). 15% iront aux dépenses ordinaires de l'Etat et 5%
à la région de production.

Pour la réalisation du projet tchadien, Esso soigne les apparences. Il y va de son image, certes,
mais aussi de l'influence des réseaux des ONG environnementalistes ou des ADH (association
de défense des droits de l'Homme) sur certains fonds de pension, qui sont des actionnaires non
négligeables des grands groupes pétroliers. Esso n'avait jusqu'ici aucune expérience on shore
hors des Etats-Unis. Au sein de l'organisation, certains voient l'intérêt de mettre en avant le côté
modèle de l'expérience : on applique la législation états-unienne en matière de sécurité du
travail. Un ensemble de mesures de protection de l'environnement est mis en place. Elles sont
exécutées à 3 niveaux par Esso, le gouvernement tchadien (à travers le Comité technique
national de suivi et de contrôle des aspects environnementaux des projets pétroliers (CTNSC))
et une structure d'audit externe mandaté par la Banque mondiale. Des efforts de communication
du groupe pétrolier avec les populations locales sont entrepris. Des équipes d'anthropologues
ou de socio-économistes gèrent ces relations. Elles s'occupent notamment de l'indemnisation
des villageois « impactés », c'est-à-dire dont des maisons d'habitation, des terrains de culture
ou des arbres ont été détruits par le projet.

Au Tchad comme ailleurs, la question de l'efficacité des dispositifs visant à une meilleure
gouvernance du système et des revenus pétroliers se pose avec d'autant plus d'acuité que le

125
contexte international risque d'aviver les compétitions entre firmes transnationales pour le
contrôle des ressources. Une gouvernance pétrolière efficace au service du développement
durable est-elle concevable dans des Etats aussi faibles, à aussi basse gouvernance ?

Le cas tchadien incite à la prudence, sinon au pessimisme. Les premiers revenus pétroliers
avaient été utilisés en grande partie par le gouvernement pour acheter des armes. Depuis le
début de l'ère pétrolière, les arriérés de paiement des fonctionnaires, qui s'étaient raréfiés depuis
quelques années, s'accumulent.

B – L’exploitation pétrolière et lutte contre la pollution marine : le cas du Congo-


Brazzaville

La pollution marine est une réalité au Congo. A Pointe-Noire, à la fois ville du pétrole et capitale
économique du Congo-Brazzaville, la pollution pétrolière est un vrai problème qui menace
dangereusement aussi bien l'environnement que la santé des populations. Fort curieusement les
sociétés pétrolières n'aiment jamais entendre parler de ce problème. Prétextant qu'elles
dépensent autant d'argent pour les actions sociales en faveur de ces populations de cette ville.
De rares résolutions prises par les autorités congolaises pendant les timides séminaires
n'aboutissent pas.

Faute d'études fiables, il est encore impossible d'évaluer l'étendu de l'évolution de la pollution
des côtes congolaises par les hydrocarbures. Le phénomène s'exprime, en effet, en termes
d'huiles déversées dans la mer, particulièrement dans les sites où se déroulent les activités
pétrolières. Pourtant, depuis le début de la production pétrolière au Congo, à la fin des années
60, aucune marée noire n'avait été constatée au large de Pointe-Noire. Ce qui n'est plus le cas
ces dernières années. Il faut aussi dire que la pollution marine est un phénomène transfrontalier.
Ainsi les hydrocarbures qui menacent eaux, forêts et les eaux marines congolaises proviennent
aussi des pays voisins à savoir le Gabon et l'Angola.

Les puissantes sociétés pétrolières vantent, quant à elles, leurs départements chargés des
questions environnementales. Agip-Recherches Congo, dans un prospectus sur les champs de
Kitina souligne « qu'ici est entièrement conçu en cohérence avec les critères de protection de
l'environnement produit par Agip Recherches pour la République du Congo et sa zone côtière.
On prend soin de respecter les exigences du pays dans lequel l'opérateur est présent et actif
dés le début de l'industrie ».

Rappelons qu'à ce jour, il n'y a pas une réglementation et un listing clair de dispersants
approuvés par un comité d'experts compétents au niveau national. Ce manquement grave fait
qu'aujourd'hui les acteurs pétroliers opérant sur les eaux territoriales congolaises utilisent,
comme bon leur semble, des dispersants dont l'administration publique n'a connaissance ni de
leur origine ni de leurs conditions d'utilisation. Personne n'est donc en mesure de dire
précisément les avantages et les inconvénients, et surtout la nocivité de ces dispersants sur les
écosystèmes et les populations riveraines.

Bien qu'ayant ratifié les conventions maritimes telles que MARPOL 73/78 dans le cadre de
l'OMI, le gouvernement congolais ne prend pas les mesures internes nécessaires à l’effectivité
du DIE dans ce secteur. Le plan national d'intervention d'urgence approuvé par décret n°2001-
615 du 31 décembre 2001, est demeuré une compilation de schémas et de procédures croisés
sans que les parties prenantes n'en connaissent vraiment la rigueur et l'exactitude. Ce plan qui
vise à développer des moyens appropriés d'alerte et de transmissions, l'établissement des

126
mesures rapides permettant de faire face à une catastrophe, la formation et l'entraînement du
personnel qualifié en matière de prévention et de lutte contre la pollution marine massive par
les hydrocarbures et autres produits nocifs n'est qu'une suite de bonnes intentions qui ne sont
jamais mis en œuvre. Or le gouvernement, en sa qualité de Comité National d'Intervention
(CNI), devait régulièrement organiser des journées portes ouvertes environnementales sous
l'égide des Ministère des Hydrocarbures, du Transport Maritime et de la Marine marchande, et
de l'Environnement en partenariat avec la société civile sous la thématique «Comment sécuriser
les riverains, les pêcheurs artisanaux et industriels en cas de catastrophe écologique due aux
hydrocarbures » et d'axer les débats sur «des réflexions, des analyses et des propositions des
mesures de prévention et préservation de l'environnement marin et côtier ».

Chapitre 2 : Les programmes et moyens opérationnels

Nous examinons deux pratiques : le management environnemental et la responsabilité sociale


des entreprises dans le secteur de l’environnement.

Section 1 : Le management environnemental


Le socle des politiques environnementales reste encore constitué, dans bon nombre de pays, par
une approche réglementaire traditionnelle. Aujourd’hui, les Etats souhaitent promouvoir une
nouvelle forme de démarche qui encourage plutôt qu'elle ne pénalise, à savoir, l'implication
plus étroite des acteurs économiques dans des approches volontaires. En effet, l’environnement
devient progressivement l’une des principales composantes du management des entreprises.
C’est pourquoi, les entreprises conscientes de l'importance de l'environnement dans leur
stratégie de développement (notamment pour des raisons de pérennisation de leur activité)
s'engagent de plus en plus dans des démarches volontaires de management environnemental sur
la base des principes codifiés et des modalités de mise en œuvre qui doivent être maîtrisées.

§ 1 – Les principes

La mise en œuvre du management environnemental est une tendance forte des entreprises
depuis les années 1990. Cette évolution a fait suite aux démarches qualité initiées dans les
années 1980. Le management environnemental désigne les méthodes de gestion et
d'organisation de l'entreprise, visant à prendre en compte de façon systématique l'impact des
activités de l'entreprise sur l'environnement, à évaluer cet impact et à le réduire. Selon
l'Encyclopédie de l'environnement développée par Recyconsult, « le système de management
environnemental est un outil de gestion de l'entreprise et de la collectivité qui lui permet de
s'organiser de manière à réduire et maîtriser ses impacts sur l'environnement. Il inscrit
l'engagement d'amélioration environnementale de l'entreprise ou de la collectivité dans la
durée en lui permettant de se perfectionner continuellement ».

Les pouvoirs publics souhaitent que les entreprises adoptent les instruments de management
environnemental comme elles le font pour le management de la qualité. Une entreprise qui
formalise sa politique en matière de protection de l'environnement est en effet un partenaire
préoccupé par les obligations environnementales. C'est l'intérêt de ces instruments qui
contribuent fortement à la prévention des pollutions et risques sans se substituer aux obligations
réglementaires qui se situent sur un autre plan. Le management de l'environnement côtoie
souvent des systèmes de management préexistants tel que la qualité, l'hygiène ou la sécurité, au
point éventuellement de constituer avec eux un système dit intégré. Une démarche de

127
management environnemental peut être menée jusqu'à la mise en place éventuelle d'un Système
de Management Environnemental (S.M.E.) et sa reconnaissance.

Le système de management environnemental (SME) est un mode d'organisation interne


spécifique qui permet de structurer une démarche d'amélioration permanente des résultats d'une
entité vis-à-vis de l'environnement. Les établissements s'engagent progressivement dans une
démarche de mise en place d'un SME à partir d'un premier diagnostic (analyse
environnementale) qui va permettre de réaliser l'inventaire des aspects et impacts associés
comme :
 gestion des déchets banals et dangereux
 pollution de l'air
 pollution l'eau
 pollution sonore
 pollution visuelle
 consommation énergétique
 consommation matières premières
 respect de l'environnement : faune, flore ...

Cet inventaire est réalisé par site d'activité et s'applique aux activités de production comme aux
activités administratives. Les aspects environnementaux significatifs (AES) seront ensuite
hiérarchisés par rapport au contexte réglementaire et à la politique de l'établissement. Pour les
aspects environnementaux significatifs (AES) retenus comme prioritaires, l'établissement
établie ensuite un programme d'intervention (objectifs et cibles définis et accepté au plus haut
niveau de l'établissement) avec un responsable désigné, des moyens affectés, et des délais
d'obtention sur les résultats attendus.

§ 2 – Les outils de mise en œuvre

On distingue généralement deux approches du management environnemental : celle centrée sur


les sites de production et celle axée sur les produits. Le management environnemental sur site
constitue un outil de gestion interne à l’entreprise, fondée sur l’amélioration continue. Qu’elle
se traduise par l’Eco-Audit ou la certification, cette démarche relève du domaine d’action
immédiat de l’industriel. Elle est par ailleurs un véritable outil de communication
professionnelle et locale. Dépassant les murs de l’entreprise car prenant en compte toutes les
étapes du cycle de vie du produit, le management environnemental sur les produits relève à la
fois du management interne et externe de l’industriel. Elle conduit à concevoir ou améliorer les
produits en intégrant une vision globale de l’environnement. Elle vise à véhiculer jusqu’aux
consommateurs finaux les efforts environnementaux réalisés.

Les démarches de management environnemental, approche organisme ou approche produit,


sont des démarches volontaires décrites dans les normes internationales ISO 14000. Dans ces
normes figurent des éléments relatifs à la mise en œuvre d'une politique environnementale, à sa
démonstration et à son évaluation.

Les normes ISO suivantes décrivent les SME :


 Les normes ISO 14001 et ISO 14004 définissent les spécifications et lignes directrices
pour l'utilisation et la mise en œuvre du SME ;
 Les normes ISO 14010, ISO 14011 et ISO 14012 définissent les principes et procédures
de l'audit environnemental, ainsi que les critères de qualification des auditeurs
environnementaux.

128
Le management environnemental présente de nombreux avantages pour une entreprise, quelle
que soit sa taille. Il lui permet notamment de :
 gérer ses contraintes réglementaires ;
 répondre aux exigences de ses donneurs d'ordres ;
 construire une relation de confiance avec ses partenaires (actionnaires, banques,
assurances…) ;
 optimiser ses coûts et maîtriser ses risques ;
 pérenniser et améliorer sa compétitivité ;
 mobiliser son personnel autour d'un sujet fédérateur ;
 favoriser son intégration dans la vie locale.

Vecteur d'image, la certification ISO 14001 démontre l’engagement en tant qu'entreprise


citoyenne vis-à-vis de la communauté internationale. Outil de dialogue, le SME renforce la
confiance des partenaires (clients, donneurs d'ordre, administrations, investisseurs, riverains,
associations de protection de l'environnement, assureurs, …). Outil de prévention, il favorise
un possible retour sur investissement par une meilleure économie des consommations et des
rejets/déchets, une amélioration de l'image de l'entreprise, une motivation particulière du
personnel (souvent plus facile qu'avec l'assurance qualité). Outil de mobilisation des
collaborateurs, il fédère le personnel autour d'un projet commun qui permet l'amélioration direct
de leur contexte professionnel (santé, sécurité, …). Outil d'anticipation du volet
environnementale du développement durable, il permet aux entreprises ayant anticipé le volet
environnemental du développement durable de bénéficier d'une longueur d'avance sur leurs
concurrents. Les consommateurs prennent en compte l'argument écologique dans leurs achats.
D'autant plus que celui-ci, apparu dans les années 1980, est désormais légitimé par différents
écolabels.

Section 2 : La responsabilité sociale des entreprises


La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un concept dans lequel les entreprises
intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités
et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. La RSE est la
déclinaison pour l'entreprise des concepts de développement durable. Elle a été à l'ordre du jour
du sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, auquel ont participé de grandes entreprises
des secteurs de l'environnement et de l'énergie.

§ 1 – Enjeux et principes

La mise en œuvre de la responsabilité sociétale est l'occasion pour l'entreprise de définir une
nouvelle en rapport aux attentes et intérêts des parties prenantes de l'entreprise. La RSE se
traduit ou devrait se traduire de différentes manières :
 La définition d'une éthique, formalisée dans une charte ;
 La mise en place de programmes de gestion des risques ;
 Une surveillance accrue des principes de sécurité ;
 Une veille, notamment sociétale et environnementale ;
 des projets de gestion des connaissances en support à l'innovation ;
 des programmes d'assurance qualité, avec la mise en œuvre de nouvelles normes ;
 une communication interne et externe

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La RSE se fonde sur quatre types de critères qui sont directement liés à ceux du développement
durable :
– critères environnementaux ;
– critères sociaux ;
– critères économiques ;
– critères de gouvernance.

La RSE est parfois liée au concept d’investissement socialement responsable (ISR). Pour
certains, l'ISR est même la déclinaison financière et spéculative du développement durable. Les
investisseurs qui proclament cette démarche - banques, établissements financiers et autres fonds
financiers (retraite, épargne salariale, etc.) - définissent généralement leurs propres
engagements avec une communication RSE dédiée. L'interaction entre les concepts de RSE et
de l'ISR, tant du côté de l'entreprise qui fait appel à l'épargne que du côté de celui qui apporte
cette épargne publique réside essentiellement dans leur convergence conceptuelle qui reste à
démontrer au cas par cas. Depuis les années 1980, sous l'impulsion notamment des ONG, les
concepts de finance éthique, commerce équitable, développement durable étaient entrés dans le
débat des instances politiques.

Créées à la fin des années 90, des agences de notation sociale et environnementale évaluent et
notent les entreprises, selon leur propre méthodologie. Une agence de notation se base sur les
documents publics, des questionnaires et des résultats d'entrevue avec les responsables
d'entreprise. Elle doit aussi disposer d'une méthodologie, objet d'un travail de recherche en
amont, sur la cohérence entre les questions posées et les objectifs recherchés au regard du
développement durable (notamment au regard de l'agenda 21), mais plus généralement, en
fonction des critères que souhaite favoriser l'investisseur. Du point de vue des entreprises, les
ONG apportent une caution nécessaire à ces démarches auprès du grand public et ces
partenariats peuvent être riches de connaissances et de contenu.

La RSE demeure un concept de soft law qui ne peut a priori engager directement la
responsabilité juridique de l'entreprise, personne morale puisqu'elle repose sur une approche
volontaire. La doctrine observe cependant que la force contraignante de la RSE en tant que
concept parapluie peut apparaître en termes de hard law, dès lors que la RSE fait référence à
une obligation résultant du droit des traités, de la loi voire se voit confirmée par le juge comme
une obligation unilatérale qui lie son auteur, l'entreprise en l'occurrence.

La mise en œuvre pratique de la responsabilité sociétale pose plusieurs questions de fond. Les
entreprises peuvent être tentées d'adopter une stratégie de communication superficielle, et ne
pas traiter les risques en profondeur. Cette attitude peut être dangereuse en cas de menaces
avérées. La bonne attitude consiste à faire une veille sur les informations de l'environnement, à
les traiter dans un processus d’intelligence économique et de gestion des connaissances, puis à
communiquer.

Pour d'autres, la RSE est une nouvelle forme communication manipulatrice et cynique à bon
compte des entreprises : la seule raison pour laquelle les entreprises mettraient en place des
projets de RSE serait une raison utilitaire, avec un bénéfice commercial dans l'amélioration de
leur réputation auprès du public et des gouvernements. Si la communication est faite sans
structuration préalable des informations, cela peut discréditer l'entreprise. L'engagement de
l'entreprise en matière de RSE l'oblige à être plus transparente dans le contrat social qu'elle avec
les autres acteurs. À défaut d'honorer cet engagement, elle prend un risque médiatique de
réputation voire de confiance par un effet de "boomerang". Ce risque viendra en cas d'abus

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manifeste tôt ou tard se rappeler avec force au bon souvenir de tous ceux qui souhaiteraient à
mauvais escient manipuler les autres parties prenantes et les actionnaires en premier lieu. La
sanction juridique peut se doubler d'une sanction boursière plus rapide et redoutable et saper in
fine la réputation chèrement et patiemment acquise (sanction médiatique). Enron et Parmalat
sont deux contre-exemples emblématiques qui démontrent l'issue fatale de tentatives de
manipulations.

§ 2 - Les études de cas en Afrique centrale

Pour le la bonne gestion et le recyclage des huiles collectées dans les différentes stations et chez
les consommateurs, Total du Cameroun dispose à Douala d’un centre de traitement sous le nom
d’ECOLUB depuis mai 2001. Les huiles épurées sont ensuite vendues aux entreprises du
secteur industriel qui consomment du fioul primaire pour la génération de la chaleur dans les
chaudières à travers des brûleurs (cas des cimenteries). L’air chaud ainsi constitué est utilisé
dans le processus de production. Cette action vise à éviter le déversement des huiles usagées
dans la nature.

En outre depuis 2003, Total Cameroun a aussi lancé un projet dénommé « Prince de la route »
qui vise à sensibiliser les jeunes camerounais aux dangers de la route et à la prévention routière.
L’objectif est d’atteindre le maximum d’enfants âgés de 6 à 12 ans sur tout le territoire
camerounais. Cette action est menée en partenariat avec les ONG locales au travers des
émissions radiophoniques, par la distribution des bandes dessinées et par la formation aux règles
essentielles de sécurité.

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Conclusion générale

En dehors des circonstances historiques et écologiques qui ont conduit à l'émergence du DIE,
on doit se poser la question de savoir si la protection de l'environnement n'a pas des racines ou,
du moins, des justifications plus profondes. S'agit-il de considérations politiques et
économiques élémentaires visant à une utilisation plus rationnelle des ressources naturelles, ou
à la protection de l'intérêt général englobant le bien-être des individus, ou encore d'efforts
cherchant à garantir le droit de chacun à un environnement sain ? On peut aussi s'interroger sur
l'existence de raisons plus profondes, ancrées dans l'éthique, voire dans des conceptions
religieuses ? C'est ici qu'intervient la véritable fonction du droit de l'environnement : Pour le
comprendre, il faut regarder en amont, car l’une des fonctions les plus essentielles - et peut-être
la plus importante de toutes - du DIE est de consacrer les valeurs qu'une société humaine
reconnaît comme étant à la base de sa survie et de déterminer les règles fondamentales de
comportement qui en découlent. Toute action sociale d'envergure doit être fondée sur des
valeurs reconnues comme telles par la société. La consécration de telles valeurs est une des
fonctions les plus importantes du droit dans tout système social. Ainsi protéger l’environnement
est la pierre angulaire du droit mondial en construction.

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