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Editions Dalloz

LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR RÉFÉRÉ EN FRANCE


Author(s): E.-M. Meijers
Source: Revue historique de droit français et étranger (1922-), Quatrième série, Vol. 25
(1948), pp. 259-281
Published by: Editions Dalloz
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43844258
Accessed: 22-06-2023 14:33 +00:00

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LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR RÉFÉRÉ

BU' FRANCE 0>

1. - La jurisprudence des ordonnances sur référé s'est formée au


xviii® siècle dans la pratique du Ghâtelet de Paris, le tribunal pour
affaires civiles et criminelles de la ville de Paris. Cette jurisprudence
doit son origine à la nécessité de tous les temps d'obtenir du juge une
aide immédiate dans les cas urgents.
Le droit commun du moyen âge et de l'époque moderne ne satislit que
médiocrement à cette nécessité. Il est vrai qu'on connaissait en ces temps
le processus summarius pour certains cas, ce qui amenait une abrévia-
tion des délais et une simplification des formes du procès ordinaire;
mais cette procédure sommaire permettait encore assez de délais et
d'exceptions, de sorte que sa célérité laissait souvent à désirer (2).
C'est localement que s'est développé de ci de là, dans la pratique,
surtout depuis le xvie siècle, un recours juridique vraiment rapide pour
des cas urgents. L'histoire de ces procédures abrégées n'a jamais été
écrite.

Le développement du « vlotvaardig* recht » de la Hollande septen-

(1) L'auteur de cet article a bien voulu adapter pour la Revue , en la développant,
riatroductioo historique, en néerlandais, d'un livre qu'il a publié en 1947 : Het Kort
geding. Zwolle, W. E. J. Tieenk Willink, un vol. in-8° de vit-286 p. [N. D. L. R.].
(2) Conférez sur ce processus summarius la description la plus ancienne de Johannes de
Faseolis dans son De summariis cognitionibusy édité en 1928 par Wahrmund daps son
livre Quellen sur Geschichte des römUnh- kanonischen Processes im Mittelalter ,
IV. Band, V. Heft. Le traité de Johannes dé Faseolis est reproduit presque mot à mot dans le
Speculum judiciale de Durantis, lib. 1, part. I, tit. 9, § 8, et lib. IV, part. I, tit. I, § 9.
Comparez en outre, pour l'histoire du procès sommaire : le canon Saepe , Clem. De ver-
borum. signißcatione (Cl. V, 11, 2) et les commentaires y afférents; cf. aussi, Jo. Petrus
de Ferrarijs, Aurea Practica , tit. Forma, libelli in actione reali , in verbo Summa -
rie; Rebuffe, Tractatus de sententiis executoriis , à l'article 48 de l'Ordonnance de
Charles Vili, sub vocibus : « sommairement en matière de nouvelleté »; finalement, le
titre XVII de l'Ordonnance française de procedure civile de 1657 et les commentaires y
afférents.

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260 E. -M. MEIJEUS. [2 J
trionale (1) n'a pas plus son historien que le
Toulouse (2).
Le référé de Paris n'est pas mieux loti, q
rencontrées à ce jour avec les ordonnance
quer par l'origine peu systématique de cet
Le référé tire son origine de deux manière
aussi un champ d'application en dehors d
nance sur référé et le jugement ou ordon
première que la procédure parisienne doit
a décidé du caractère et de la façon de procé
2. - Les ofûciers judiciaires qui éprou
l'exercice de leurs fonctions, ou bien avaient la faculté de les décider
eux-mêmes, ou bien devaient faire un rapport de leurs constatations et
en référer au juge pour décision, de là le nom de rapport ou référé.
C'est ainsi que le Style des commissaires du xiv® siècle distinguait
entre les judices commissarii et les commissarii referendarii (3). Ces
derniers doivent leur nom au fait que curia mandat ipsis quod inqui -
rant et référant (4).
A Paris, pareil référé était d'usage, par exemple, lorsque le magistrat,
huissier ou commissaire, éprouvait des difficultés à l'occasion d'une
apposition de scellés (5) ou d'une question d'inventaire (6).

(1) Le « vlotvaardig recht » (=: droit flottable) est i' l'origine le droit spécial des marins
prêts à partir. Comparez avec ce droit flottable le velo levato de la lex de submersis, C., De
naufragiis (C., XI, 6, 5). A la fin du moyen âge, il est devenu une procédure abrégée pour
tousles cas d'urgence. Plusieurs villes de la Hollande septentrionale avaientleur « vlotrollen ».
Ceux de Horne surtout soat importants. Van der Vorm a édité et commenté une turbe
concernant le droit flottable dans son Rechtsgeleerde verhandeling over het vlotrechtvan
Westfriesland en No or d- H oliando 1743.
(2) Voir un exposé détaillé du soit-montré au xviii0 siècle dans Rodier, Questions sur
l'ordonnance de Louis XIV du mois d'avril 1667 , tit. XI, art. Il, qu. 2. Ce soit-
montré est 1res. voisin du référé parisien. Qu'on en juge : Toutes les matières provisoires,
celles qui ne tourh^nt pas au principal, comme les demandes en provision alimentaire, les
demandes en élargissement, les demandes en mainlevée provisoire d'une saisie, soit de la
part du débiteur saisi, soit de la part des tiers acquéreurs ; la demande en remise et vente
des fruits ou meubles saisis; les demandes en doublement ou tiercement des baux judi-
ciaires; les demandes en distraction de certains fonds saisis, si lávente par dèci et est déjà
Ordonnée ; les comptes des séquestres; les demandes concernant les réparations à faire aux
biens saisis; les demandes en liquidation d'intérêts; les exécutions des arrêts ou les con-
testations sur l'exécution des arrêts, et d'autres demandes de cette nature, peuvent être
jugées sur soit-montré (Rodier, loc. cit ., p. 157).
(3) Voir Enquêtes et procès, dans l'édition de Guilhiermoz, pp. 246 et 247, n°* 38r
39 et 40.
(4) Du Breuil, Stylus Parlamenti , t. XXVII, n08 1, 7, 9, 15, 17, 20, 46 et 48; Gui-
Ihiermoz, p. 246, n° 37 et p. 252, n° 68.
(5) Praticien du Ghâtelet de Paris , 1773, p. 581, n. 2 : « Lorsque l'officier n'a
point de caractère pour décider sur l'apposition, v. g. lorsque c'est un commissaire, etc.,
il doit en référer au juge du territoire, pour faire ordonner ce qu'il appartiendra... Le
(6) Voir la note page suivante.

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13] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR REFERE. 261

3. - L'édit royal de janvier 1685, qui après les réformes du Châtelet,


1674 et 1684, réglait la procédure à ce tribunal, stipulait dans son
article 9 :

Lorsque, dans les appositions et levées de scellés, et dans les confections


d'inventaires, les parties formeront des contestations, les commissaires,
notaires et procureurs qui v assisteront pourront, si les parties le requièrent,
se transporter en la maison du Lieutenant civil, pour y être pourvu ainsi
qu'il avisera bon être, sans aucuns frais ni vacations pour lui, quand même
„il se transporteroit dans les lieux où les scellés sont apposés et où l'on tra-
vaille aux inventaires, et sans que lesdits officiers en puissent prétendre
pour eux, lorsque ledit Lieutenant civil n'estimera pas nécessaire, de
rendre aucune ordonnance sur les rapports qu'ils lui auront fait.

Ce qui était souvent appelé référé, est désigné ici comme rapport.
A côté de cela, à l'article 6 du même règlement, il est question des
ordonnances par provision.
4. - La procédure française a emprunté à la procédure romano-cano-
nique du moyen âge les jugements ou ordonnances de provision. Le
droit romain contient quelques textes allouant, comme mesure provi-
soire, à la charge de leur père ou grand-père, ou contre les héritiers de
ceux-ci, des aliments à ceux qui prétendent être légalement fils ou petit-
fils (1). Déjà dans ces textes il est déclaré que cette allocation ne peut

commissaire ayant statué sur l'opposition qu'il en sera référé à M. le Lieutenant civil, il se
transporte chez ce magistrat, qui, après avoir entendu son rapport et les dires des parties
qui comparoissent, ordonne ce qu'il juge convenable; son ordonnance doit être rédigée,
sur le procès-verbal même du commissaire, comme il se pratique dans tous les référés qui
se font à l'occasion des appositions et levées de scellés ». - Ibidem , p. 597, à la levée
de scellés : « S'il y a contestation sur ce choix (des notaires pour faire l'inventaire et d'un
huissier priseur pour la grisée et la vente), le commissaire surseoit et en réfère à M. le
Lieutenant civil, qui, après avoir entendu les parties, règle ce qu'il juge à propos suivant
les circonstances ».
(6) Ibidem , p. 605 : « Lorsqu'il arrive quelques contestations entre les parties, dans le
cours de l'inventaire, les notaires, qui ont encore moins de caractère que le commissaire
pour décider, doivent les renvoyer devant le juge : à Paris, M. le Lieutenant civil rend
son ordonnance dont il garde la minute, à la différence de celles qui émanent de lui, au
sujet d'un référé fait pendant le cours d'une apposition ou levée de scellés, lesquelles
£omme on a vu, se transcrivent sur Ih procès- verbal même du commissure ».
(1) D., V, 2, 27, 3 : « De inofficioso testamento nepos contra patruum suum vel
ulium, scriptum heredem pro portione egerat et optinuerat, sed scriptus heres appel -
laverai : placuit interim propter inopia>n pupilli alimenta pro modo facultatum ,
quae per inofficiosi testamenti accusationem pro parte ei vindicabantur , decerni
eaque adversarium ei subministrare necease habere usque ad finem litis ».
D., XXV, 3, 7 : « Si neget qui maritus fuisse dicitur matrimonium esse contr ac-
tum eo , quod earn quae se uxorem fuisse dicit ancillam esse probare paratus sit
alimenta quidem liberis praestare interim compel lendum, sin autem constiterit
earn servam fuisse , nihil ei, qui pascendos curavit , ex hoc praeiudicium generare
respondi ».
D., XXV, 3, 5, 8 et 9 : « Si vel parens neget filium idcircoque alere se non debere

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262 E. -M. MKIJERS. [4]
influencer la décision au principal :
rare (1).
Les ordonnances de provision étaient très nombreuses et variées dans
la pratique française du moyen âge. Mais leur origine s'est encore
longtemps décelée par le fait que l'allocation d'aliments était le cas le
plus fréquent parmi ceux dans lesquels le juge ordonnait une provision.
Dans l'ancien langage français, le mot provision ( provisio ), aussi bien
que le terme ordonnance (ordinatio), désigne une mesure du juge ins-
pirée non pas par les règles du droit positif, mais par des motifs d'équité
et d'efficacité (2). Plus particulièrement, on a voulu désigner par là une
mesure ayant un caractère provisoire. Du Breuil, qui, dans son Stylus
Parlamenti de 1330, a traité dans un court chapitre de provisione et
modo faciendi earn , ne la mentionne d'ailleurs qu'à propos de litiges
pendants. Au profit d'une veuve qui réclame sa dot ou son douaire, d'un
exécuteur testamentaire qui réclame les biens de l'hérédité, ou d'un fils
ou d'une fille qui introduit une hereditatis petitio pour obtenir son héri-
tage, on peut accorder une provision procurant à l'intéressé, au cours de
la procédure, les moyens de subsistance et les fonds nécessaires à sa
poursuite (3).
Jean Le Coq, dans ses Quaestiones , nousraconte un procès qu'il a plaidé
devant le Parlement en 1391 (4). D'abord, il n'avait pas demandé une
provision, bien que le cas le permît, parce qu'il concernait une succession
paternelle : quamvis caderet quia erat pro parte majori res conten -

contendat, vel filins neget parentem, summatim indices oportet super eare cognos-
cere ; si constiterit filium vel parentem esse, tunc ali iubebunt ; ceterum si non
constiterit , nec dt cement alimenta. Meminisse autem oportet, etsi pronuntiave-
rint ali opor tere, attamen earn rem praeiudicium non f acere veritati : nec enirn
hoc pronuntiatur filium esse, sed ali debere : et ita divus Marcus rescripsit ».
D., I, 6, 10 : « Si iudex nutrivi vel ali oportere pronuntiaverit, dicendum est de
veritate quaerendum , filius sit an non : ncque enim alimentorum causa veritati
facit praeiudicium ».
(1) Voir les textes D., XXV, 3, 7, D., XXV, 3, 5, 9 et D., I, 6, 10.
(2) Voir le Style de la Chambre des enquêtes du *ive siècle, édité par Guilhiermoz :
N° 134. « Circa hoc,prout occurrit, posset dici quod judicantes incuria sequuntur
in judie an do quandoque viamrigoris siv e juris, quando que e quitatem, quandoque
miscent equitai<m cum rigore , quandoque viam ordinacionis seu provisionis ex
aliqua causa smgulari, quandoque superaddunt rigorem rigori, ut est eciam sepe
dictum». N° 141. « Item, periculosum est multum judicare nisi bene audiverit quis
omnia et singula contenta in processibus, et impossibile ; ymo eciam, si diligenter
audiverit , difficile satis est facere judicium rigoris sive que procedunt per viam
juris communis, diffioilius judicium equitatis, difficilissimum judicium mixtum
rigore et equità te, et similiter procedere per viam ordinacionis seu provisionis ».
N® 165. « Idem dici potest ubi curia procedit per viam ordinacionis seu provisionis
quia non debet specifice apparere que causa movit dominos sic ordinantes, sed debet
ibi poni : ordinavit curia , et ex causa , tale quid , etc . ».
(3) Du Breuil, é<lit. Aubert, cap. XXXII, pp. 220-222.
(4) Questiones Johannis Galli , édition Marguerite Boulet, 1944, n° 241, p. 287.

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[õ] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR REFERE. 263

liosa de successione paterna. Après que les parties furent appointées en


faits contraires, Le Coq demanda la provision, qui lui fut adjugée jusqu'à
un tiers de la chose contentieuse. Le Coq ajoute : « Et multa allegavi ».
La citation de la loi De inofficioso testamento , au D., XXVII, 3, 5, 2, et
la remarque que le cas permettait la provision parce qu'il se rapportait
à une succession paternelle, nous démontrent de nouveau que la provision
française tire son origine du droit romain.
5. - La pratique des provisions a reçu un grand développement dans
la juridiction du Châtelet de Paris. Je cite ici, dans la collection de sen-
tences civiles du Châtelet de Paris publiée par Olivier-Martin et datant
du même temps que les questions de Jean Le Coq :
la sentence du 2 juin 1414 : adjudication provisoire d'une revendica-
tion, à condition de consigner, contre caution, dans les mains du défen-
deur, le prix que celui-ci prétendait avoir payé comme acheteur à un
tiers, le tout sans préjudice du droit des parties (loc. cit., n° 95, p. 77) ;
la sentence du 20 octobre 1430 : adjudication d'une revendication (par
provision et sans préjudice) contre cautionnement et défense d'aliénation
(loc. cit., nó 96, p. 78) ;
l'ordonnance sur requête du 18 novembre 1395 : provision de justice à
l'acquéreur d'une maison, lui permettant de faire les réparations néces-
saires, pendant le terme que le retrait est possible (loc. cit., n° 105,
p. 84; voir aussi nos 106 et 108 et 123 et 124) ;
l'ordonnance sur requête du 19 décembre 1398, permettant par provi-
sion de réparer une gouttière commune (¿oc. cit., n° 113, p. 89) ;
l'ordonnance sur requête du 28 avril 1427, permettant à l'acquéreur
d'une vigne de la cultiver, nonobstant le danger d'éviction (n° 120, p. 92;
voir aussi nos 121, 122 et 125, 223, 266);
la sentence d'août 1504, permettant, « par provision et sans préjudice
des procès, despens, dommages et interestz desdites parties », à un débi-
teur, après arrêt et brandonnement faits par le créancier, de dépouiller
les fruits (n° 267 ; voir aussi n08 268 et 275).
D'après les Livres de coiileur du Châtelet, je cite encore :
la sentence du Châtelet du 30 septembre 1511, adjugeant à Matharin de
Lunéville, blessé par certains malfaiteurs incarcérés audit Châtelet, pro-
vision pour médicaments et renvoyant lesdits prisonniers en cour d'Eglise
(Livre gris, fol. 116);
l'arrêt du Parlement de Paris du 29 juillet 1470, accordant à la femme
d'un banni une provision de tous ses biens propres pour son entretien et
celui de ses enfants, nonobstant la confiscation prononcée au profit du roi
(Livre blanc, fol. 187).
6. - Le premier traité systématique au sujet des sentences provisoires
a été écrit au xvi6 siècle. Dans ses commentaires de 1550 sur les ordon-

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264 E. -M. MEÍJERS. [6]
nances royales, Pierre Rebuffe a i
praejudicialibus seu provisionalib
tard, Jean Papon le suivit, avec une
Recueil ď arrests notables des cours souveraines de France, livre XVIII,
titre I.

Rebuffe déclare que ce sujet relève entièrement de la pratique et non


du droit savant (1). Il définit la provisio comme un jugement provisoire,
rendu par le juge au profit du culte divin, pour cause d'aliments ou pour
toute autre raison urgente et équitable (2).
Les cas dans lesquels la provision est accordée sont amplement com-
mentés par les deux écrivains. Rebuffe donne comme caractère général :
ob iustam et necessariam causam et maxime quando imminet pericu-
lum, si non fiat (3). Comme cas particuliers, Rebuffe et Papon mention-
nent entre autres : les besoins du culte divin, les aliments nécessaires,
des questions d'enterrement, l'exécution des testaments, la dot, les frais
de médicaments et les frais d'établissement d'un malade, la nomination
d'un tuteur, l'inventaire, l'interdiction judiciaire, le paiement des salaires
des serviteurs, l'expulsion de locataires donnant lieu à scandale, lávente
de produits périssables, l'exécution provisoire des contrats passés sous le
sceau royal, des legs pour messes mortuaires, etc. (4).

(1) « In palatiis et practica ista materia , non in scholis discitur , et maxime in


hoc solenni Parisiensi palatio, in quo turba doctissimorumvirorum , maxime prag-
maticorum versatury qui hanc materiam exactius ac perfectius tractare potuissent,
si commodum publicum in animo tantum ha buissent » ( Praefatio, n° 1). - « Praxis
forensis istam adeo materiam auxit, ut inferius liquido apparebit,ut vix perfecte
intelligipossit sine ea , nisi legas , quae inferius seri bam , quae magis in palatio pro-
fiteor me didicisse , quam in scholis et in doctorum libris » ( ibidem , n° 21).
(2) « Provisio est pronunciatio praejudicialis iudicis , divini cultus, seu alimen-
torum ratione , aut alia necessaria et iusta causa facta » ( ibidem , n° 14).
(3) Loc. cit., Pr ae fatio , n° 22.
(4) Hebuffe, loc. cit., Prae fatio , n°8 37 sq.; Papon, loc. cit., nos 1, 1U, ¿o-
30, 32 33, 43. Ces cas sont tirés pour la plupart des prescriptions suivantes des ordon-
nances: celle de Charles VIII de juillet 1493, art. 51 Et pour ce que les provisions don-
nées en matière de alimens, douaires et médicamens au moyen des appellations qui sont
interjetées, souventesfois advient que le procès principal est aussitost prest à juger que
les provisions dont viennent plusieurs inconvéniens, parce que aucunes fois ceulx à qui
sont faide» les provisions en déffaut d'estre alimentés et pensés, cheent en griefves mala-
dies, avons ordonné que ez dictes provisions de alimens, douaires et de médicamens, les
provisions données par sentence de ju^es royaulx, seront exécutées nonobstant oppositions
ou appellations et sans préjudice d'icelles » ; - celle de Louis XII à Blois, de mars 1498,
art. 80 : « Et en outre avons ordonné et ordoDnons que les sentences qui se donneront par
juges royaux, en matière de dot où repetition d'icelui a lieu, de dation de tutelle , de
confection d'inventaire ; de interdictions de biens aux prodigues et insenséz , réfec-
tions de ponts et passages , et aussi quand il sera question de salaires ou loyers de ser-
viteurs dz trois années et au-dessous ; que les sentences provisoires de nos juges seront
exécutées, nonobstant oppositions ou appellations .quelconques et sans préjudice dMcellés,
en bnillant toutesvoyes par lesdits serviteurs, caution telle qu'ils la pourront bailler, de
rendre lesdits salaires ou loyers s'il estoit dit en fin de cause, les autres Ordonnances de

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[7j LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SÛR REFERE. 2fi5

/En raison du caractère d'urgence, l'examen du cas n'était fait que som-
mairement (1). L'adjudication de la demande était complètement laissée
au libre jugement du juge (2). La sentence était toujours exécutoire par
provision et, pour la reconnaître comme telle, il était souhaitable de
dire, dans le dictum du jugement, que la sentence avait été donnée par
provision (3).

dos predecesseurs faisans mention des alimens, doiiaires, médicamens et autres provisions
demeurans en leurs forces et vertu » ; - celle de Louis XII à Blois, de novembre 1507,
article 222, identique à l'article 51 de l'ordonnance de 1493; - celle de François 1" à
Is-sur-Tille, d'octobre 1535, chap. XII, art. 13 : « Nos iuges pourront adiuger provision en
matiere de dot,, repetition d'icelle et plusieurs autres cas amplement contenus et declarez
en nos Ordonn. et lesquelles seront executees nonobstant l'appel, à caution selon nosd.
Ordon. ch. XVI, art. 23 : Ordonn. que toutes sentences baillées par maniere.de provision, par
nos juges ressortissans sans moyen, en matiere de dot ou repetition ďicelle ou doüairef
dation , etc., d'inventaire , reddition de compte de tutelle , interdiction , etc.-, de pas-
, sages et chemins en executions , de testamene , quand les executeurs de testament le
requerront^ pour les frais funeraux et pieux légats, enfaict de contraindre à rendre
compte les receveurs des communautez des villes des deniers de leurs receptes , res-
titution de depost contre le dépositaire , en recreance de prinse de bestes par iustice
et autres biens qui se consument en pasture et autrement par longue garde , d'ali-
mens, medicamens , loyers et salaires de serviteurs , de trois ans desdits serviteurs ,
soient lesdites matieres introduites en premiere instance ou par appel, et aussi en provi-
sions adiugees sur obligations receües sous seel royal ou provençal, ou de nous, seront
executees à caution, que sera tenu bailler celuv qui aura obtenu, nonobstant l'appel
interietté et relevé et sans preiudice d'iceluy. Et quant ausdils serviteurs en baillant par eux
caution, etc. force et vigueur » ; - celle de François Ier à Villers-Cotterets, d'août 1539,
art. 91 : « Que les sentences de provisions, d 'alimens et médicamens , données par les
juges subalternes jusqu'à la somme de vingt livres parisis seront executees nonobNtant
l'appel, et sans préjudice d'icelui, en baillant caution, comme de iuges royaux »; - celle
d'Henri II à Paris, de juin 15591, art. 14 : « Outre que toutes les sentences de nosdits pré-
vosts et chastelains provisoirement données en matière de dot, douaire , création de
tutelles et curatelles , confection d'inventaires , interdictions de biens à prodigues et
insensez, de réfection de ponts et passages , et tout ce qui dépend du fait et matière ,
de police , salaires et loyers , alimens et médicamens , à quelques sommes de deniers
qu'elles montent, de sequestre de chose roturière et non noble , où le cas requiert
prompte expédition, et que par lesdites sentences ne sera offensé ne diffamé l'honneur du
condamué, seront executoires nonobstant l'appel et sans prejudice d'icelui; le tout suivant
nos Ordonnances ès cas et charges y déclarez, excepté les sentences de fournissement, com-
plaintes, recréance et réintegrande, l'expédition desquelles nonobstant l'appel, nous vout
Ions, suivant nos anciennes ordonnances, estre seulement permise à nos juges ressortissans
immédiatement en nostredite Cour de Parlement ». - Ajoutez une note de Guénois, dans
La Conférence des Ordonnances royaux , 1610 (fol. 538 v°), à l'ordonnance de Louis XII ;
« Voy. 4 arrests cottez par Papon, liv. 15, tit. 4, où il interprète l'Ordonn. de Louys XII
avoir lieu, etiam pour doiiaire, combien qu'elle ne parle que de dot (arrest du 3 mars 1550),
et dit outre qu'elle s'entend en action personnelle. - P. G. ».
(1) Kebuffe, loc. cit., art. 1, glose 6 : « Summaria saltem cognitio in provisione requiri-
tur »; art. 3, glose 1, n° 14 : « Summarie haec provisio tractari et fieri debet, ne fame pereat
vidua et detur afflictio afflicto ». - Voir aussi Aeg. Bellamera, dec. 85.
(2) Kebuffe, loc. cit., Prae fatio, n° 30 : « Ego tarnen vidi semper provisionem concedi
arbitrio iudicis » ; Papon, loc. cit., n° 9 : « Toutesfois telle taxe provisionnelle est arbi-
traire aux juges ayant esgard à la qualité des parties et au doute du faict et de la
matiere ».
(3) Voir Rebuffe, loc. cit., Praefatio, n°141,et art. 3, glose 10; Papon, ¿oc. cit., n°19. - Je

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266 E. -M. MEIJERS. [8j
Rebuffe et Papon partent de la sup
est faite pendente lite principali e
demande définitive. Les praticien
demande principale : « et où la c
demande et requiers provision à moy
Néanmoins, à chaque état du proc
duite (1). Nulle part même, Rebuff
qufe le procès principal ne soit déj
personne laïque est blessée par un e
demande provisoire et la demande
par provision relève de la compéten
pale, de celle du juge ecclésiastiqu
rente alimentaire, à prendre sur
demanderesse, est admissible avant
l'héritier ne soit entamée (3).
Ordinairement, nulle provision ne
ment (4).
7. - u ressort de ce qui précède que la demande par provision n'était
pas caractérisée par ce qui était demandé. Le caractère provisoire se
manifestait par l'examen sommaire de l'afïaire, la liberté du juge d'or-
donner ce qu'il jugeait équitable et utile, et par le fait que l'ordonnance
ne restait valable que jusqu'au moment où un jugement était prononcé
par la voie normale.
Toutefois, l'on relevait déjà à l'époque une tentative à caractériser
la décision par provision par certaines qualités matérielles du dictum.
On trouve d'anciens jugements portant que la provision ne peut contenir
qu'une fraction déterminée de la demande principale (5). Et un arrêt

signale par ailleurs que le mot provision, dans la sentence ou ordonnance de provision
et dans Veocécution par provision, pour être des choses différentes, exprime la même
idée, c'est-à-dire une provision nécessaire par l'urgence du cas et seulement valable tant
qu'une décision sur le principal ou sur un titre exécutoire définitif n'est pas intervenue.
L'emmêlement de la sentence de provision et de l'exécution par provision est activé par
l'usage de décider dans le même jugement sur la provision et le principal; ce jugement
était alors exécutoire nonobstant appel, étant une sentence de provision.
(1) Rebuffe, loc. cit., Praefatio , n08 27 et 70 et glose 2t n° 14 et n°5; Papon, loc. cit ...
n°' 2 et 3. Voir aussi Joan. Gillus, quest. 234, citant un arrêt de 1391.
(2) Rebuffe, loc. cit., Praefatio, n° 32; Papon, n08 11 et 12, citant des arrets de
décembre 1533 et du 2 juin 1548. - Voir aussi l'arrêt cité par le même, n° 41, à la fin :
la Cour ordonne que les héritiers du vendeur jouiront, sans caution, pendant le procès,
par provision, et renvoie les parties sur le principal devant autre juge.
(3) Rebuflfe, loc. cit., art. 3, glose 1, n° 14 : « Aliquando adiudicata fuit provisio muiim
aDtequam haeres dęclarasset se baeredem; ...tamen ad provisionem mulieris capientur
pecuniae ex bonis haereditatis iacemis ». - Papon, loc. cit ., n° 42, et liv. 15, tit. 4, n° 15,
avec des arrêts du 11 décembre 1523 et du 9 décembre 1544.
(4) Papon, loc. cit ., n*B 36 et 41 (à la fin).
(5) Il en est ainsi décidé, surtout a propos d une demande d aliments contre une suces-

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|9ļ LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SÛR RÉFÉRÉ. 267

du Parlement, en date du 1er décembre 1539, annula en appel la mise en


liberté d'un débiteur emprisonné, ordonnée comme mesure provisoire
dans une procédure de surséance « quia hoc decidebat totam materiam
principálem » (1). Nous relevons donc déjà ici cette autre pensée, reve-
nant toujours au cours de l'histoire, d'après laquelle il y a des demandes
qui*, par leur objet, doivent être considérées comme engageant le prin-
cipal. Papon, par contre, déclare cette conception erronée; à la provi-
sion la demande principale pouvait être entièrement adjugée, comme
cela se voyait à plusieurs reprises dans la pratique (2).
8. - Chez les écrivains et dans les arrêts ultérieurs français on ne
trouve que la répétition de ce que Rebuffe et Papon ont relevé. Ainsi, de
Ferrière définit la sentence provisoire : « celle qui, sur une raison appa-
rente d'équité, adjuge par provision, pendant l'instruction, à l'une des
parties, quelque chose ; comme celle qui est donnée en répétition de dot
ou de douaire, de dation de tutelle, de confection d'inventaire, d'inter-
diction de biens aux furieux ou aux prodigues, pour alimens ou médi-
camens, pour salaires de serviteurs, restitutions de fruits et autres sem-
blables » (3).
Plusieurs autres auteurs mentionnent la possibilité d obtenir l'exécution
d'une convention par provision, bien que l'annulation soit requise ou que
le faux d'un acte soit argué (4); également, l'exécution d'un testament
peut être ordonnée par provision (5). Le pouvoir du juge d'adjuger ou de
rejeter arbitrairement la provision s'est aussi maintenu (6).
Il a été prononcé quelquefois que la décision par provision ne peut
porter un préjudice irréparable à la cause définitive. L'arrêt du 4 janvier
1562 a refusé par conséquent, aux demandeurs prétendus lépreux, d'être
reçus par provision parmi la bourgeoisie d'une ville. L'avocat du roi don-
nait alors comme autre exemple d'un préjudice irréparable : qu'une femme
se prétendant mariée en parenté prohibée serait condamnée, par provi-

sion. Du Breuil, loc. cit., XXXII, 3, dit qu'habituellement un quart des revenus était
accordé comme aliments. Voir aussi Masuer, in rubr. De possessione , § Item et recre-
dentia. En sens contraire, Rebuffe, loc. cit., Praefatio , n° 30, et Pnpon, loc. cit ., n° 9 :
« souvent pour le tout, comme s'il est question de contrat, il doit, par provision, estre
entretenu pendant le proces. Et ainsi fut iugé par arrest du 3 juillet 1523 contre la vefve
de feu Jean Tessier ».
(1) Rebuffe, loc . cit., Praefatio , n° 134.
(2) Papon, loc. cit., n° 9.
(3) Dictionnaire de droit et de pratique, sub voce Sentence provisionnelle.
(4) A propos de la rescission : Charondas, Réponses, liv. 5, rép. 31 ; Boniface, t. II,
liv. 4, tit. 19, ch. 5. A propos du cas de faux : Expilly, Arrêts, arr. 33.
(5) Le Vest, arrêt 52; Bouchel, La bibliothèque ou thrésor du droit françois, sub voce
Provision, p. 1112, col. 2, n°47; Boniface, t. IV, liv. 9, tit. 4, ch. 10.
(6) De Ferrière, Dictionnaire , sub voce Provision : « Les provisions sont arbitraires
et elles sont plus ou moins fortes, suivant qu'il plaît au juge, qui doit les régler par rapport
à la qualité des parties et aux circonstances de fait ».

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268 E. -M. MEIJERS. [IO]
sion, à cohabiter avec son mari; il n'y
lorsqu'un ordre semblable serait donn
d'adultère (1). Gomme préjudice irrépa
l'exécution d'une contrainte par corps,
la honte découlant de la prison ne s
gent (2).
9. - L'ordonnance de 1667 pour les matières civiles ne s'est occupée
qu'incidemment des jugements provisoires. Au XVII® titre, articles 14 et
15, sont considérées comme jugements exécutoires nonobstant appel :
« les sentences de provision en toutes matières sommaires qui n'excéde-
ront la somme de mille livres », et « les sentences de provision s'il y a
contrats, obligations, promesses reconnues ou condamnatious précé-
dentes par sentences dont il n'y ait point d'appel ou qu'elles soient exé-
cutoires nonobstant l'appel ». L'article suivant, article 16, défend ensuite
à tous les juges d'enlever aux jugements mentionnés la force exécutoire
par une défense ou surséance. Enfin, l'article 17 stipule que quand la
provision et la cause définitive sont en état de procédure simultanément,
un seul et même jugement serarendu pour les deux (3).
10. - Ces prescriptions n'ont que peu influencé la pratique des pro-
visions à Paris. L'article 16 est même tout à fait tombé en désuétude (4).

(1) Bouchel, La bibliothèque ou thrésor du droit françois , sub voce Provision ,


p. 1112 : « Le fait estoit que certains habiians de la ville de Boulongne se vouloient faire
recevoir en la bourgeoisie. On leur obiectoit qu'ils estoient descendus d'une mere lepreuse
et qu'ils estoient entachez, eux le demoi- nt : sur ce les parties sont appointées contraires.
Eux cependant demandent par provision estre receus. Oa les empesche et remonstre que
ce n'est point un cas où il écheie provision, d'autant que telle réception perpetuum praeiu-
dicium pareret et ne seroit recevable. Ce neantmoins le iuge dit que par provision ils
seroient receus. Appel. Par arrest fut dit, mal iugé et émendant le iugemenł, qu'il n'y aura
aucune provision et sont les inthimez condamnez aux dépens. Monsieur Dumesnil, advocat
du Roy, allégua l'exemple de consanguinitate : que quand le mary se prétend spolié de la
femme et il demande par provision estre réintégré il y a lieu de provision, encores que la
femme allègue adulterium , saevitiam ou autre fait de quo non constet. Toutesfois quand
elle obiecte consanguinité, il n'y a lieu de provision, d'autant que telle provision engen-
dreroit un preiudice perpetuei et ne seroit réparable ».
(2) Brodeau, sur Louet, lett. P., somm. 27, disant qu'à Paris la pratique était ainsi. Voir
aussi en ce sens l'article 14 de l'Ordonnance de juin 1559 et l'arrêt du 29 juillet 1669, dans
Bornier, Conférences des ordonnances de Louis XIV , t. 1, Appendice, Arrêts du Con-
seil d'Etat, pp. cv-cx.
(3) Je n'insiste pas sur les articles qui traitent l'exécution par provision, quoique con-
fondue par plusieurs auteurs avec les sentences de provision. Les auteurs mieux renseignés
relèvent la différence entre les deux cas. Voir, par exemple, Rodier, Questions sur V or-
donnance de 1667 , tit. XXVJl, art. 8, quest, seconde, et ci-dessus, p. 265, note 3.
(4) Praticien du Châtelet de Paris , 1773, p. 92 : « Cette disposition qui prononce la
nullité des défenses, sans demander mainlevée, a eu le sort de toutes les loix qui marquent
aux juges qui en sont dépositaires que l'on n'a pas une confiance assurée en eux ; de sorte
qu'elle est tombée en désuétude. On ne voit point de parties faire exécuter d'el es-mêmes
une sentence dont l'exécution provisoire est défeadue par un jugement supérieur, quoique
permise par l'Ordonnance. Ces défenses mêmes sont très fréquentes ».

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[llļ LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR REFERE. 269

Au Châtelet, il existait des règles propres pour la procédure qui ont été
codifiées par I'édit de 4685.
Selon l'article 13 de cet édit, les demandes provisoires, ainsi que les
demandes sommaires inférieures à mille livres, devaient être intentées
devant le Lieutenant civil, présidant la Chambre civile, qui tenait séance
chaque mercredi et samedi. Néanmoins, l'article 6 du même'édit permet-
tait, dans quelques cas urgents et spécialement énumérés, de s'adresser
au Lieutenant civil et d'obtenir ainsi une comparution des parties le
jour même dans son Hôtel, après quoi le Lieutenant civil pouvait
ordonner par provision ce qu'il estimait juste :

VI. - Quand il s'agira de la liberté de personnes qualifiées ou consti-


tuées en charges, de celle des mari hands et négocians emprisonnés à la
veille de plusieurs fêtes consécutives, ou des jours auxquels on n'entre pas
au Châtelet; lorsque l'on demandera la mainlevée de marchandises prêtes
à être envoyées et dont les voiluriers seront chargés ou qui peuvent
dépérir, du payement que des hôtelliers ou des ouvriers demandent à des
étrangers pour des nourritures et fournitures d'habits ou autres choses
nécessaires ; lorsque l'on réclamera des dépôts, gages, papiers ou autres
effets divertis, si le Lieutenant civil le juge ainsi à propos pour le bien de
la justice, il pourra ordonner que les parties comparoîtront le jour même
dans son Hôtel, pour y être entendues et être par lui ordonné par provi-
sion ce qu'il estimera juste, sans aucunes vacations ni irais à son égard.'

Cet article 6 ne donne qu'une procédure extrêmement rapide pour


quelques cas de demandes provisoires. Par ailleurs, l'article 7 permet une
procédure rapide à la session ordinaire, en cas d'une action provisoire
tendant à l'élargissement d'un marchand emprisonné un autre jour
qu'un dimanche ou jour de fête, ou à la mainlevée d'une saisie de meu-
bles, de chevaux et de bétail, et en d'autres cas urgents.
U résulte clairement de Jousse, Nouveau Commentaire sur l'ordon-
nance avile du mois d'avril 1067 , Paris, 1767, que l'article 6 n'a
réglé que la manière de rendre la justice dans quelques cas particuliers
de demandes provisoires bien connues. Cet auteur donne un aperçu de
la différence entre les matières sommaires et les matières provisoires et
énumère, parmi les cas de matières provisoires, les quatre rubriques de
l'article 6 de I'édit de janvier 1685, auxquelles il ajoute comme cin-
quième rubrique les cas de l'article 7 de cet édit : « 5° Les saisies de
fruits et bestiaux, équipages, marchandises, ventes de meubles et autres
choses où il y auroit du péril en la demeure ».
Puis il continue : « Dans tous ces cas, le juge qui a l'instruction peut
abréger les délais et permettre même quelquefois d'assigner le jour même
ou le lendemain, du moins dans les quatre premiers cas de ceux qui
viennent d'être énoncés (Voyez I'édit du mois de janvier 1685, rendu

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270 E. -M» MKIJERS. [42]
pour le Châtelet de Paris, art. 6 et 7; l'a
rendu pour le présidial d'Angoulême, a
même année, rendu pour le présidial d
nouveau Recueil , t. I, p. 553 et t. II, p.
41. - La procédure à l'Hôtel du Lieute
une innovation, créée en 1685. En effe
de Parlement pour la taxe des dépens ad
sous le chef Châtelet :

Pour les contestations qui seront réglées ès Maisons des Lieutenans


civil, particulier et Conseillers, sera taxé pour chaque vacation au Procu-
reur : 48 sols.

Tout de même cela ne donne pas encore l'impression d'une procédure


spéciale soumise à des règles fixes (2). En outre, cette procédure est
encore distinguée des référés. Car l'article suivant dit :

Et quant aux contestations qui naissent en procédant à la levée des


scellés, sur lesquelles les Commissaires renvoient par-devant le Lieute-
nant civil, ou autres juges, pour être réglées, sera taxé pour chaque vaca-
tion du juge : 48 sols (3).

12. - De même, après 1685, on a continué à distinguer les référés des


décisions provisoires, en vertu de l'article 6 de l'édit. Dans l'édit sur le
salaire des procureurs du Châtelet de novembre 1689, vérifié le 5 juin
1690, on relève au n° 29 :

Pour les référés qui se feront au Lieutenant civil hors la vacation, sera
taxé au Procureur : 3 livres.

Ensuite, au n° 30, se joignant à l'article 6 de l'édit de 1685, on lit :

Pour les comparutions qui se feront à l'Hôtel du Lieutenant civil, aux


termes du règlement du mois de janvier 1685, sera taxé au Procureur,
sçavoir 3 livres pour les comparutions contradictoires et 40 sols lorsqu'elles
seront par défaut (4).

(1) Loc . cii., p. 236.


(2) On connaissait également dans les autres tribunaux de Paris des procédures ana-
logues, en cas de demandes provisoires jugées à l'Hôtel du juge. Voir un tel exemple
d'une mainlevée de saisie sous cautionnement par sentence provisoire du Prévôt de l'Hôtel
de Sa Majesté du 5 octobre 1659, « sans préjudice des droits des parties au principal *,
dans Bornier, Conférences , I, Annexe, p. xcix. La saisie était faite un dimanche, et le
jour même l'ajournement était signifié et le jugement prononcé.
(3) Cet édit est imprimé par Lange, La nouvelle pratique civile , criminelle et béné -
fidale , 1755, pp. 739 sq. (Voir pour les articles cités, p. 748).
(4) Lange, loc. cit., p. 794. - Ce chiffre de 3 livres ou de 40 sous correspond aux
frais liquidés faits par un demandeur en action sommaire ou provisoire devant la Chambre
civile; voir l'article 20 du même règlement.

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f 13 j LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SÛR REFERE. 271
Encore en 1740, Cl.-J. de Ferrière, dans son Dictionnaire de droit et
de pratique , ne donne au référé que son sens originel :
Référé est le rapport d'un incident qui s'est formé dans le cours d'un
acte judiciaire, lequel requérant célérité, doit être préliminairement décidé
par le juge en son Hôtel, après avoir ouï les raisons de part et d'autre.
Par exemple, quand un sergent qui a fait une saisie et exécution de
meubles refuse de prendre pour gardien celui qui lui est présenté par le
débiteur, il donne assignation au débiteur par devant Monsieur le Lieute-
nant civil en son Hôtel, à deux heures de relevée le même jour, pour en
voir ordonner (1).

Denisart (2) ne connaît toujours que la conception originelle du référé :


1. - On appelle référé le rapport que fait un officier subalterne au
magistrat des difficultés et des obstacles qu'il rencontre, soit dans l'exécu-
tion des jugemens qu'il est chargé de procurer aux parties, soit dans les
autres fonctions de son ministère.
2. - Par .exemple, si, dans le cours de la levée d'un scellé par un com-
missaire du Châtelet, il s'élève une contestation pour sçavoir si rinyentaire
sera fait à la requête d'une partie qui prétend avoir droit dans la succes-
sion; si un créancier ou son procureur assistera à toutes les vacations du
scellé ; si on inventoriera certains effets ou papiers ; si on procédera par
voie de récolement ou d'inventorié; si ce sera l'officier nommé pour une
partie qui fera l'inventaire ou la prisée par préférence à celui qu'une autre
partie aura nommé : dans tous ces cas et dans une infinité d'autres qui
naissent suivant les différentes circonstances, comme le commissaire n'a
pas autorité ni jurisdiction pour décider la difficulté, il doit en référer au
juge, pour y être statué.

Pour Denisart, lui aussi, seul l'article 9 de l'édit de janvier 1685 règle
le référé devant le juge du Châtelet :
3. - Au Châtelet, les référés se font en l'Hôtel du juge et non à l'au-
dience, suivant l'article 9 de l'édit du mois de janvier 1685 ; et lorsque c'est
le cas d'en faire, le procès-verbal du commissaire doit indiquer le jour et
l'heure que se fera le rapport ou référé , afin que les parties puissent s'y
trouver, soit en personne, soit par procureur, pour expliquer leurs raisons.
i

Denisart mentionne encore quelques particularités de la pratique con-


cernant le référé. L'ordonnance sur référé est écrite par le juge lui-même
sur le procès-verbal (3). Les ordonnances sont exécutoires nonobstant

(1) Loc. citãJ sub voce Référé. - Voir é^ilemant le même, ai mot Lieutenant civil :
« Il faut se pourvoir en son Hôtel pour tout ce qui requiert célérité. Par exemple, c'est lui
qui règle les contestations arrivées à l'occasion des scellés, inventaires, etc., et le rapport
qui lui en est fait s'appelle communément Référé ». Voir aussi Ch. Desmarqueis, Nouveau
stile du Châtelet de Paris, 3e édit.. 1746, pp. 258 et 292.
(2) Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence
actuelle , t. IV, sub voce Référé.
(3) Loc. cit.% n° 4 : « L'usage est encori au Châtelet d'éirire, sur le procès-verbal
même du commissaire qui procède au scellé, l'ordonnance que M. le Lieutenant civil rend

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272 E. -M. MBIJERS. [l4ļ
appel parce qu'elles n'ont pour objet
Dans le cours du scellé un référé dans la
si un référé a lieu, celui-ci est traité à l
Ainsi également quand un huissier r
d'une saisie exécutoire, il doit soumet
de référé et indiquer à la partie le
prendre ses conclusions et auxquels le
En matière de référés, le juge du lieu
le titre XXIII, article 5, de l'ordonnance
a lieu à un endroit situé à proximité
exécuté, il appartient plutôt au jug
référer (4).
43 - C'est à partir du temps de Pige
de 1773, la procédure au Châtelet, qu
sens plus général, pour désigner aus
l'article 9 de l'édit de 1685 que les dem
fusion des deux en une rubrique, les r
le cours de la procédure était pareil.
à comparaître immédiatement ou à un
civil, des conclusions des parties prise
men sommaire du cas, suivi d'une déc
une ordonnance (5). A côté de ces an
différence importante : à la demande
définitive, sans qu'elles se distinguas
était de caractère procédural : elle rés
d'instruire la cause, les différents m
statuer, et dans le différent effet du j
provisoire, étaient décisifs la nécessité
l'efficacité de la mesure demandée et le résultat d'un examen sommaire
de l'affaire. Sur la demande définitive, on procédait d'après des règles

sur les référés qui lui sont faits, dans ces cas Jà sans qu'il soit besoin du ministère du
greffier ».
(1) Loc. cit., n# 5.
(2) Loc. cit., n08 6 et 7. - Voir également Denisart, sub voce Scellé , n° 65 : « S'il y
a contestation pour cette nomination, elle se décide comme toutes les autres qui peuvent
survenir relativement à l'inventaire dans le cours du scellé, c'est-à-dire sur-le-champ et par
provision, si c'est un juge qui procède à la levée des scellés; ou par la voie du référé, si
l'officier qui lève les scellés n'a pas caractère pour juger ».
(3) Loc. cit., n° 8.
(4) Loc. cit., n° 12.
(5) Lorsqu'un huissier rencontrait des ditticultés d execution, I ordonnance n était pas non
plus écrite, du temps de Pigeau, au-dessous du procès-verbal de l'huissier; mais le Lieu-
tenant civil dressait procès-verbal de la séance, sous lequel il mettait son ordonnance. Voir
Pigeau, Procédure civile, I, 615, et Praticien , p. 431, n. 3.

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[I5j LB DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR REFERE. 273
de droit fixes; le juge déterminait les droits des parties après une ins-
truction aussi approfondie que possible; le jugement dans l'instance défi-
nitive enlevait à l'ordonnance provisoire tout effet pour l'avenir. Par
contre, au différend constaté dans un rapport d'un officier judiciaire on
opposait l'instance au fond, avec une différence matériellej ils se faisaient
face comme incident et comme principal point de litige. La décision sur
l'incident n'avait pas un caractère provisoire, en ce sens que l'incident
pouvait encore faire l'objet d'une procédure normale (1). Elle était pro^
visoire seulement parce que la décision sur le fond invalidait la décision
sur l'incident. C'est pourquoi le jugemeut du Lieutenant civil dit, à
propos de cesTéférés : « Au principal renvoyons les parties à l'audience
et cependant ordonnons, etc..., ce qui sera exécuté nonobstant et sans
préjudice de l'appel ».
Le référé était prédestiné ainsi à une procédure ballottée : d'un côté on
ne voyait que des différences procédurales entre un jugement par provi-
sion et le jugement principal; de l'autre côté, on faisait une difïérence
matérielle entre l'objet d'une demande en référé et celui d'une demande
principale.
14. - Pigeau, ayant vingt trois ans, fit paraître en 1773 son Praticien
du Châielet de Paris et de toutes les jurisdictions ordinaires du
Royaume . C'était le premier manuel utile aux avocats, procureurs et
huissiers du Châtelet. Six ans plus tard, il refondit cet ouvrage de jeu-
nesse et l'édita en deux volumes : La procédure civile du Châtelet de
Pariset de toutes les jurisdictions ordinaires du Royaume , ouvrage
qui connut en 1787 une deuxième édition augmentée. Sous le règne de
Napoléon, Pigeau fut d'abord membre de la Commission de rédaction du
Gode et plus tard professeur à Paris. Pendant ce professorat, il écrit
encore deux nouveaux manuels de procédure. Le premier, intitulé Pro-
cédure civile des tribunaux de France , dont la première édition date
de 1807, suit, en ce qui concerne la classification et l'exécution, autant
que possible son ouvrage de 1779. Le second, qui parut après sa mort en
1827, portait comme titre : Commentaire sur le Code de procédure
civile ; cet ouvrage, expliquant le Code article par article, ne donne

(1) Ainsi, par exemple, lorsqu'en référé une ouverture de portes est ordonnée, Pigeau,
Procédure civile du Châtelet de Paris , 1779, donne la conclusion suivante et la décision
en référé y conforme : « Pour voir dire qu il sera procédé à la saisie-exécution de ses
meubles et effets, à l'effet de quoi, tenu ledit sieur Pierre de faire ouverture, t;«nt de la
porte d'entrée de son logement sus-désigné, que des portes, coffres, c mmcies, armoires et
autres meubles et endroits fermant à clef étant en dedans dudit logement; sinon, permis
audit sieur Paul de les faire ouvrir par un serrurier, en présence du premier Commissaire
requis et de deux voisins, en la manière accoutumée; comme aussi tenu ledit si^ur Pierre
de donner bon et solvable gardien des meubles et effets qui seront saisis, sinon, permis à
l'huissier qui procédera à ladite saisie-exécution, d'établir un de ses assistans aux frais
dudit sieur Pierre, pour y rester jusqu'à la vente » (t. I, p. 614).
Rev. hist. - 4* sér., T. XXV. 18

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274 E. -M. MEIJBRS. [46 J
presque rien qu'on ne peut déjà trouver
part une comparaison des articles avec l
rédaction.
Les observations consacrées par Pigeau au référé se retrouvent déjà,
pour la plupart, dans son ouvrage le plus ancien, le Praticien du Chd-
telet. Dans la Procédure civile du Châtelet il ne cite que quelques cas
nouveaux dans lesquels un référé pouvait avoir lieu, ainsi que quel-
ques formules relatives au référé.
15. - Pigeau parle d'un référé et d'une assignation en référé, aussi
bien en cas de jugement par le Lieutenant civil de difficultés survenues
pendant des opérations judiciaires - par exemple, la non-ouverture de
portes ou cotîres en cas d'une saisie-exécution (1); l'opposition à la
saisie par le débiteur, la femme de celui-ci ou une tierce-personne (2);
l'opposition faite à une saisie revendication (3) ; des difficultés en cas
d'un inventaire (4) ou d'un scellé (5), - que dans les cas exigeant une
décision provisoire et mentionnés dans l'article 6 de l'édit de 1685 (6),
On voit clairement que cet auteur s'efforce de ne considérer les cas de
l'article 6 que comme des exemples.
Ainsi, il donne comme règle générale :
Toutes les fois qu'un cas requiert célérité, au point que l'on ne peut,
sans courir de risque, s'en tenir à demander seulement permission d'assi-
gner au premier jour d'audience, pour faire décider sur ce cas il faut avoir
recours à l'autorité du juge, qui peut, en sa maison ou son Hôtel, statuer
provisoirement ce qu'il jugera convenable, en attendant que l'on puisse
faire décider définitivement sur le différend à l'audience (7).

C'est pourquoi il appelle les cas de l'article 6 des exemples . Comme


cas non prévus, il cite, entre autres, dans le Praticien : le refus du bail-
leur de céder les meubles après résiliation par le locataire et après offre
de paiement du prix de bail, et le refus du locataire de quitter la maison
après résiliation par le bailleur (8); la détention injuste par un hôtelier
des biens d'un étranger qui désire partir* (9); la maladie d'un prisonnier

(1) PratiHen , pp. 432-434; Procédure, 1779,1, pp. 613 sq.


(2) Procédure , I, pp. 616 et 617.
(3) Procédure, l, p. 117.
(4) Praticien , p. 605; Procédure , II, pp. 333 et 341.
(5) Praticien , pp. 581 et 582; Procédure , II, pp. 283 et 284.
(6) Pratirùn , pp. 563 et 824 sq.; Procédure , I, pp. 108 sq.
(7) Praticien , p. 824. De même, Procédure , I, p. 109, édit. 1779 : « Il ne seroit pas
possible de détailler ici tous les cas qui nécessilent l'usage de cette voie, parce qu'ils dépen-
dent des circonst-mces qui varient à l'infini ».
(8) Praticien , p. 63; Procédure , LI, pp. 60 et 61. Dans le Praticien, l'auteur ne traite
des référés pour l'expulsion d'un looataire qu'au cas où celui-ci a accepté le congé; dans
la Procédure , Pigeau applique le référé en tout cas de congé, à l'expiration du délai imparti.
(9) Praticien , p. 825, n. 2; Procédure , I, p. 109, note c.

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I 17] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR RÉFÉRÉ. 275

pour dettes (1), etc. D'autre part, il ue néglige pas les restrictions qtie
comporte l'article 6 : pour les dettes ¿étrangers, non mentionnées dans
l'article, le recours du référé ne s'ouvre pas (2); pas davantage en cas
d'opposition à la contrainte par corps de marchands faite à un jour où
l'on n'entrait pas au Châtelet (3).
16. - Le référé commençait par une assignation en référé à l'heure du
jour môme ou du jour suivant, indiquée par le Lieutenant civil du Châ-
telet.
L'opinion de Denisart, selon laquelle l'application de l'article 6 de l'édit
nécessite toujours une requête préalable au Lieutenant civil, suppliant la
permission d'assignation, n'est pas acceptée dans le cas où on n'a pais le
temps d'attendre réponse à la requête (4). Etant donné que l'article 6 est
rédigé en des termes généraux, la demande provisoire devant le Lieute-
nant civil du Châtelet est également permise quand, pour la demande
définitive, un autre juge est compétent, par exemple le Prévôt des mar-
chands (5). Et puisque l'article n'en fait pas mention non plus, il n'est
pas exigé que la cause principale soit déjà pendante (6). D'un autre côté,
la litispendance du principal n'empêche pas un référé. L'auteur cite une
ordonnance sur référé du 14 avril 1770 dans laquelle, après opposition à
un jugement d'expulsion par défaut, l'expulsion fut ordonnéesurréféré(7).
La comparution par procureur est usuelle, mais pas nécessaire (8).
L'instruction de la cause se fait sommairement (9). Lorsque le Lieute-
nant civil a entendu dans son Hôtel les parties ou la partie comparante,
il statue par une ordonnance sur référé(lO). Ces ordonnances sur référé
sont exécutables nonobstant appel (14) et, parce que l'édit n'en souffle
mot, même sans qu'un cautionnement soit nécessaire (12).

(1) Praticien , p. 563; Procédure , I, p. 86L.


(2) Praicien . p. 825, n. 2; Procédure , I, p. 109, note c.
(3) Praticien , pp. 501 et 826 ; de même, Procédure , I, pp. 113 et 841 ; tous les deux
se référant à l'article 7 de l'édit de 1685.
(4) Praticien, p. 825; Procédure . I, p. 109 (avec formule d'une requête).
(5) Praticien , p. 825, n. 1 ; Procédure, I, p. 109, note b. Voir aussi l'ouvrage susmen-
tionné, I, p. 839, par rapport à un référé pour un élargissement de prison : « Cette voie
peut se prendre quel que soit le tribuoal d'où émane le jugement, parce que l'article ci-
dessus commet le Lieutenant civil pour suppléer à l'inaction des autres tribunaux et obvier
au tort qui résulteroit d'un plus long terme; mais ce magistrat ne p^ut statuer que par
provision et pour le principal, il renvoie U connoissance de l'affaire au tribunal auquel elle
appartient ».
(6) Praticien, pp. 63, 434 et 82 i. De même, Procédure, I, pp. 109 et 111.
(7) Praticien , p. 62.
(8) Praticien , p. 594.
(9) Praticien , p. 582, summārie et de piano.
(10) Praticien , pp. 62,63, 435, n. 2, 532, 605, 826, etc. Cf. Procédure , I, pp. 109, 111,
117, 118, 615: II, p. 333.
(11) Praticien , p. 435, n. 2.
(12) Praticien , p. 562.

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276 E.-M. MEIJERS. [48]
Les ordonnances rendues sur référ
tibles d'opposition (1). Par contre, la
juge d'appel un arrêt de défense, c
avant que l'appel soit décidé (2). Pou
nance sur référé est analogue à celui
Elle n'a aucune influence sur la pro
dience ordinaire : « La décision que l
que provisoire et ne touche point au fo
il ne peut juger qu'à l'audience; à l'ef
suivant un arrêt de règlement du leř f
17. - La Procédure civile de Pigea
illustrent l'action du référé au xvme siècle.
Il donne le modèle suivant d'une requête ayant pour but de pouvoir
assigner en référé :
A Monsieur le Prévôt de Paris ou Monsieur le Lieutenant civil.

Supplie humblement... Paul, maître-tailleur d'habits à Paris, qu'il vous


plaise lui permettre de faire assigner à comparoir ce jourd'hui par devant
vous, en vôtre Hôtel, à l'heure qu'il vous plaira indiquer, le sieur Pierre,
bourgeois de Toulouse, actuellement à Paris;
Pour voir dire qu'attendu que ledit sieur Pierre n'a aucun domicile en
celie ville, il sera tenu par provision de payer au suppliant, sur la signifi-
cation de votre ordonnance à intervenir, la somme de 300 livres qu'il lui
doit pour fournitures d'habits qu'il avoit promis lui payer aussitôt la livrai-
son; sinon, qu'il sera contraint parles voies ordinaires en vertu de vôtre-
dite ordonnance; au principal, renvoyer les parties dans les délais de l'or-
donnance; et vous ferez bien... Signé :... (5).

La permission étant accordée et l'ajournement assigné, l'ordonnance


suivante est prescrite :
« L'an..., etc., en notre Hôtel et par-devant nous ( noms et qualités du
juge), est comparu M® A..., procureur au Châtelet et du sieur Paul, maître

(i) Praticien , pp. 435, n. 2, et 826.


(2) Voir la note précédente. Voir également, quant aux arrêts de défense après des juge-
ments par provision, Procédure , I, pp. 520 sq. (cf. Praticien , pp. 92 sq.).
(3) P'geau, Traité des jugements provisoires : « c'est-à-dire aussi bien ceux qui sont
jugés à l'Hôtel du juge que ceux prononcés à la séance » ; et dans sa Procédure , I,
pp. 387 et 500. Aux deux passages il donne la même définition générale de ces jugements :
« Les provisoires sont ceux par lesquels les juges, voyant que la contestation pourra être
longteras à se décider et que sa durée pourroit produire des inconvéniens, y obvient, en
ordonnant ce qu'exigent d'eux les circonstances ».
(4) Praticien , p. 582; Procedure, I, p. lit (à la formule de l'ordonnance sur référé):
« Au p incipal avons les parties renvoyé dans les délais de l'ordonnance et cependant...
ordonnons que p*r provision », etc. Dans son commentaire sur cette formule, I, p. 111 :
« Le provisoire ainsi décidé, on procède sur le principal lorsque les délais sont expirés, ou
que l'autre partie constitue procureur auparavant ».
(5) Procédure , I, p. 110.

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f 49] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR RÉFÉRÉ. 277
tailleur d'habits à Paris, lequel nous a dit qu'en vertu de notre ordonnance
sur requête de ce jourd'hui, il a fait assigner à comparoir en notre Hôtel
par-devant nous, heure présente, le sieur Pierre, bourgeois de Toulouse,
pour voir dire que par provision ce dernier seroit tenu, sur la signification
de noire ordonnance à intervenir, de lui payer la somme de 300 livres pour
fournitures d'habits par lui faites audit sieur Pierre et que ce dernier avoit
promis de lui payer aussitôt la livraison, sinon qu'il y seroit contraint par
les voies ordinaires de droit, en vertu de notredite ordonnance; et allendu
qu'il est six heures sonnées, que ledit sieur Pierre n'est comparu ni per-
sonne pour lui, nous a requis défaut et pour le profit qu'il nous plût lui
adjuger ses conclusions, et a signé... Signé...
Desquels dire, comparution et réquisition avons, audil Me A..., audit nom,
donné acte; et après avoir entendu B..., procureur du sieur Pierre, au
principal avons les parties renvoyé dans les délais de l'ordonnance; et
cependant, attendu que le sieur Pierre est étranger en cette ville, ordonnons
que par provision il sera tenu de payer à la partie d'A... la "somme de
300 livres pour les fournitures d'habits en question, et ce, sur la significa-
tion de notre ordonnance, sinon, disons qu'en vertu d'icelle, il y sera con-
traint par les voies ordinaires de droit. Ce qui sera exécuté nonobstant
l'appel et sans y préjudicier. Signé... (1).

Une autre application de l'article 6 de l'édit de 1685 se trouve à la


page 839. Quelqu'un qui fut mis en prison pendant les vacances du Par-
lement en vertu d'un jugement par défaut et qui prétendit que ce juge-
ment n'était pas justifié, adressa au Lieutenant civil une requête afin
ďassigner en référé. Dans sa requête, le suppliant remarqua entre autres
choses :

Le suppliant ne doute nullement de réussir au fond; mais comme avant


d'y parvenir il peut se passer un tems considérable; qu'il a intérêt d'ob-
tenir sa liberté au plutôt; que l'article 6 de l'édit de janvier 1685 vous donne
le droit, Monsieur, d'accorder la liberté provisoire, dans ces sortes de cas
si vous l'estimez juste, et que le suppliant est dans cétte circonstance, il a
recours à votre autorité.
Ce considéré, Monsieur, il vous plaise lui permettre de faire assigner
ledit sieur Louis à comparoir ce jourd'hui en votre Hôtel, à telle heure de
relevée qu'il vous plaira indiquer, pour voir dire que, par provision, le
suppliant sera élargi des prisons du petit Ghâtelet, où il est détenu; à le
laisser sortir, seront tous greffiers et geôliers desdites prisons contraints,
même par corps, quoi faisant, déchargés; qu'il sera fait défenses audit
sieur Louis de mettre à exécution ladite contrainte par corps contre le
suppliant; le tout, sauf au suppliant à se pourvoir, soit aux consuls, par
opposition à la sentence, soit au Parlement, par appel, pour faire déclarer
la prétendue lettre de change simple billet; en conséquence, se faire
décharger de la contrainte par corps, avec dommages et intérêts, et faire
renvoyer l'affaire devant les juges ordinaires; et vous ferez bien.

(1) Procédure , I, pp. 110 et 111.

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278 K.-M. MEIJBRS. [20]
Après permission, ajournement et com
tence suivante fut rendue :

Au principal, ordonnons que les parties se pourvoiront par-devant qui il


appartiendra; et cependant, par provision, ordonnons que ledit sieur Paul
sera élargi du petit Ghàtelet, où il est détenu à la requête de la partie de
B..;à le laisser sortir desdites prisons seront tous greffiers et geôliers
d'icelles contraints, même par corps, quoi faisant, déchargés; faisons
défenses à la partie de B... de mettre à exécution la contrainte par corps
prononcée par ladite sentence, jusqu'à ce que sur le principal il en ait été
autrement ordonné. Ce qui sera exécuté nonobstant l'appel et sans y pré-
judiciel

Et voici un exemple d'un référé dans le sens originel. En cas d'oppo-


sition à la saisie revendicatoire de « six couverts d'argent marqués sur
une extrémité », l'huissier insère dans le procès-verbal ce qui suit :
Lequel sieur Pierre... a refusé de me remettre lesdits couverts ; pourquoi
je lui ai déclaré que j'allois saisir et revendiquer lesdits couverts, à l'effet
de quoi, faire recherche et perquisition chez lui ; à quoi ledit sieur Pierre
ayant déclaré s'opposer formellement, j'ai établi pour gardien, à l'effet de
veillera ce qu'il ne sorte aucune chose de chez ledit sieur Pierre, le sieur...,
un de mes assistans ; et ai audit sieur Pierre donné assignation à comparoir
ce jourd'hui, trois heures de relevée, par-devant M. le Lieutenant civil en
son Hôtel, etc., pour voir dire que, par provision , ledit sieur Pierre sera
tenu de remettre lesdits couverts; sinon, permis de faire recherche et per-
quisition chez lui; à l'effet de quoi, permis pareillement, en ce cas de refus
par ledit sieur Pierre, de faire ouverture de ses portes, coftres, commodes
et armoires et tous endroits et meubles fermans à clef, de les faire ouvrir
par un serrurier, en présence du premier commissaire requis et de deux
voisins, etc. (1).

18. - Si l'on consulte dans les archives du Ghàtelet les minutes et les
brouillons des ordonnances sur référé dans la deuxième moitié du
xvme siècle, on trouve que les différends d'exécution, de scellés et d'in-
ventaires - les référés au sens originel - dominent encore fortement*
Le Lieutenant civil faisait déjà usage, pour les difficultés d'exécution, de
formules imprimées, contenant un procès-verbal de la demande, au-
dessous de laquelle la décision judiciaire était également imprimée. Res-
taient seulement à remplir quelques données variant toujours, comme les
dates et noms des parties, et le Lieutenant civil pouvait signer la sen-
tence.

Parmi les cas qui se rapportaient plus à l'article 6 qu'à l'article 9 de


l'ordonnance, l'opposition à la détention, la mainlevée de saisie-arrêt
sous ou sans caution et la séquestration de biens contestés prennent la
place la plus importante. Dans ces cas de provision, le Lieutenant civil

(1) Procédure , I, p. 116.

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[2i] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR RÉFÉRÉ. 279

examinait- il sommairement les mérites de la cause? La nature des pro-


visions demandées et les arguments allégués par les parties rendent
probable qu'au xviii® siècle le Lieutenant civil a continué la pratique des
siècles antérieurs. Je donne ici deux exemples, l'un tiré des Registres des
référés, l'autre de ceux des brouillons, contenant les dispositifs des
ordonnances sur référé (1).
Dans le cas Dumasgelier v. Dumasgelier, le Registre des référés men-
tionne l'ordonnance suivante du 22 mars 4755 :

Est comparu dame Angélique- Viel oire Chastelain, épouse de Mre Jacques
de Laloue, chevalier, seigneur Dumasgelier, authorisée par nous à la pour-
suite de ses droits, assistée de M® Nicolas Allix Le..., son procureur,
laquelle nous a dit qu'elle comparait pour satisfaire à notre ordonnance
étante au bas de sa requête affin de separation de corps, à nous présentée
le 26 février dernier; qu'en exécution d'icelle a fait assigner par exploit
fait par Lemoyne, premier huissier-audiencier des eaux et forest de la
Haute Marche, le 7 de ce mois, controllé à Sallagnac- Bourg le 8, ledit sieur
Dumasgelier, son mary, à comparoir ce jour d'huy, lieu et heure, par-
devant nous pour être les parties entendus en présence l'une de l'aulre sur
les faits portés en saditte requête; qu'à son égard elle persiste pleinement
en iceux et en cas de dénégation demande à être authorisée à en faire
preuve tant par titres que par témoins; requiert deffaut contre ledit sieur
son mary dans le cas où il ne comparaitroit pas et, au surplus, qu'à reflect
de se faire adjuger les conclusions par elle prise en saditte requête dans
lesquelles elle persiste également, requiert qu'il vous plaise renvoyer les
parties à l'audience, sous la réserve de tous les droits et "actions. Et ont
signé :...
De laquelle comparution et dire nous avons donné acte, et après avoir
entendu ladite dame Dumasgelier, laquelle a persévéré dans ses faits, et
Pilon, substituant Beguier, procureur dudit Sr Dumasgelier, lequel pour
sa partie a soutenu laditte dame Dumasgelier non recevable dans sa
demande et dans les faits par elle allégués.
Pour estre fait droit renvoyons les parties à l'audience, les fins de non-
recevoir jointes aux deflenses au contraire.
Et cependant laditte dame Dumasgelier continuera de demeurer chez
ladite Lebrun, sa tante, jusques à ce qu'il en ait été aultrement ordonné,
ce qui sera exécuté nonobstant et sans préjudice de l'appel (2).

(1) Les deux séries de registres se trouvent parmi les registres du Châtelel, conservés
aux Archives nationales (Y 7979 8217, minutes de référés, 1681-1791; Y 821<8247, brouil-
lons, 1777-1790).
(2) Une même provision pouvait être aussi ordonnée au cas où le mari intentait une
telle d< mande. Voici un exemple tiré du Registre des brouillons : Décision du 13 août
4777 (Cochon v. Cochon) :
« ...à l'audience.
Et cependant la femme tenue de se retirer dans tel couvent, communauté ou maison
qui sera choisi par le mary et par nous approuvé, à l'effet de quoy le mary *e retirera par
devers l'ordinaire pour luy être indiqué un couvent ou communauté où la femme puisse
êtjre reçue, sinon choisira telle maison ou pension qu'il jugera convenable; ei fera assigner
par-devaDt nous saditte femme pour être ordonné sur le choix dudit couvent, communauté
ou maison ce qu'il appartiendra. »

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280 E.-M. MEIJERS. f 22 Ì
Et voici le dispositif du 31 octobre 179
Nicolet v. Ballot pour les administrateu
sieur :
...Au principal à l'audience.
Et cependant disons que le bail fait entre les parties sera exécuté sui-
vant sa forme et teneur. En conséquence, les parties de Ballot tenues de
vuiiier la salle dont il s'agit, sinon la partie de Chiquard autorisée à les
expulser et à faire mettre leurs efïets sur le carreau ou à lés faire séques-
trer, à l'effet de qnoy^et encor de refus d'ouverture de portes, disons
qu'elle serait faite par un serrurier en présence de deux voisins et du
premier commissaire requis, lequel, si besoin est, constatera l'état des lieux
par récolement sur l'état dressé eptre les parties.
Et néanmoins disons qu'il sera surcis à l'expulsion jusque au sept janvier
prochain, auquel jour lesdites parties de Ballot seront tenues de vuider
les lieux, pendant lequel tems lesdites parties de Ballot continueront de
jouir de ladite salle.
Sur la demande anfin de dommages-interêts de la partie de Chiquard
par elle formée incidam ment, renvoyons les parties à l'audience, les droits
et défenses au contraire de la partie de Ballot réservées.

Un juge ne peut pas donner telles ordonnances sans avoir examiné


sommairement les mérites de la cause principale.
19. - Il résulte de ce qui précède que Caroli, un juriste néerlandais,
a esquissé, et d'une façon tout à fait exacte, le caractère de l'ordon-
nance sur référé de la fin du xviii® siècle : le renvoi (au juge ordi-
naire) indique" que de droit l'ordonnance n'est pas considérée comme
une décision définitive du différend et que, de droit, elle ne préjudicie
pas aux droits des parties. De droit, car dans les cas prévus par l'article 6
de l'édit une ordonnance pouvait suivre, qui mettait fin en effet au diffé-
rend. Bien que l'ordonnance ne fût pas à vrai dire un jugement, bien
qu'elle se bornât à un ordre non motivé, elle n'avait pas été accordée
sans un examen du différend, sans qu'il y eût des motifs. Les parties
s'expliquaient devant le Lieutenant civil - qu'on relise l'exposé de
Pigeau concernant le différend - ; peut-être, ou presque certainement,
elles produisaient des documents, constataient des faits et en déduisaient
des droits. De tout cela, le magistrat se formait une impression ou une
conviction qui le déterminaient à ordonner dans un sens ou dans un
autre. Un examen sommaire des faits et le droit des parties en résultant
était indispensable; sans cet examen il eût été impossible d'établir la
teneur de l'ordonnance. Quoiqu'elle ne fût pas motivée, elle devait
cependant avoir un fondement, si elle ne voulait pas avoir un carac-
tère trop arbitraire. Les arguments exposés par les parties devant le
Lieutenant civil seront pour la plupart employés devant le juge ordi-
naire. Celui ci s'en servira pour juger le différend, l'autre pour y puiser
la matière de son ordonnance, qui de droit ne contenait pas de jugement

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[23] LE DÉVELOPPEMENT DES ORDONNANCES SUR REFERE. 281
du différend mais une mesure pour faire face aux nécessités du moment.
Par le renvoi du principal à l'audience ordinaire, on enlevait pour ainsi
dire à l'ordonnance le caractère de jugement du différend, et ainsi la
liberté du juge ordinaire de juger sans restriction était mise hòrs de
doute (1).
20. - Pour connaître le caractère véritable d'une ordonnance par pro-
vision, il suffit encore aujourd'hui de relire la remarque faite par Marc-
Aurèle, le premier qui ait constaté qu'une provision ne peut pas faire
préjudice au principal. Lorsqu'on lui demanda si, dans une demande
provisoire d'aliments le juge peut s'occuper de la question dela paternité
au cas où le défendeur nie que le demandeur soit son fils, l'empereur
répondit ainsi :
« Si vel parens negetfilium idcircoque alere se non debere contendat,
vel filius neget parentem, summatim iudices oportet super ea re
cognoscere ; si constiterit filium vel parentem esse, tune ali iubebunt,
ceterum si non constiterit, nec decernent alimenta. Meminisse autem
oportet , etsi pronuntiaverint alioportere, attamen earn rem praeiudi-
eium non f acere veritati; nec enim hoc pronuntiatur , filium esse , sed
ali debere » (D., XXV, 3, 5, 8 et 9).
Voilà le sens exact de la formule employée encore aujourd'hui par l'ar-
ticle 809 du Gode de procédure civile : « ne faire pas préjudice au prin-
cipal ». Pendant toute l'histoire de la provision en France on a donné le
même sens à cette expression. Seulement, au xixe siècle, la jurisprudence
a commencé à défendre aux juges de référé de faire usage des motifs qui
ont rapport à la demande principale. Tout de même le sens réel de l'ex-
pression ne s'est jamais perdu tout à fait. Il y a toujours eu une minorité en
France pour soutenir que l'article 809 du Code de procédure civile, pres-
crivant que les ordonnances de référé ne font aucun préjudice au prin-
cipal, signifie que le juge du principal n'est pas lié par ce qui a été décidé
en référé, que la question de droit ne peut pas être décidée en référé,
mais que rien n'empêche le juge du référé d'examiner sommairement
cette question afin d'utiliser le résultat de cet examen pour motiver son
ordonnance (2).
Notre étude historique renforcera peut-être l'opinion de cette minorité.
Ley de. E.-M. Meijers.

(i) Caroli, Het kort Geding , 1. 1906, p. 11.


(2) Je renvoie, entre autres, à la note de Labbé, dans S. 1876.2.313; à l'arrêt de la cour
ďAngers du 25 février 1941, D. 1942.Jur.15; et à Cézar Bru et Hébraud, dans la troisième
édition de Mérignhae, Traité théorique et pratique des référés et des ordonnances sur
requête , I, p. 72.

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