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L'authentification des actes

par l'échevinage dans le nord


de la France / Henri Sellier,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Sellier, Henri (01). Auteur du texte. L'authentification des actes
par l'échevinage dans le nord de la France / Henri Sellier,.... 1934.

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HENRI SELLIER
Docteur en Droit

L'Authentification des Actes

par l'Echevinage

A LILLE
Chez Emile RAOUST

1934
HENRI SELLIER
Docteur en Droit

A LILLE
Chez Emile RAOUST

i 934
INTRODUCTION

EXPOSÉ DU SUJET

Le fait de donner la valeur authentique et tous les avantages


qui en découlent, aux accords librement consentis par les particuliers,
est une des formes de la juridiction contentieuse ou gracieuse.
Cette partie de la compétence judiciaire est aujourd'hui déléguée
aux notaires, d'une manière à peu près exclusive. Toutefois en
droit romain et dans notre très ancien droit, elle fût assez fréquem-
ment réservée au magistrat lui-même qui en principe, l'exerça
directement.
Le Corps de ville, et en particulier les assemblées échevinales
du Moyen-Age, ancêtres de nos conseils municipaux, mais avec
des pouvoirs autrement plus étendus, constituant de véritables
tribunaux, tant administratifs que judiciaires, n'échappèrent pas
à cette règle. Ce n'est cependant pas uniquement comme juridiction
que les échevinages possédèrent le privilège d'authentifier les actes.
Le fondement de leur droit est beaucoup plus complexe. La faveur
dont bénéficia dans le droit franc la preuve testimoniale, en est
une des raisons au moins aussi puissante et c'est justement ce qui
fait l'attrait de cette question, que la force des actes est essentiellement
basée sur la valeur du témoignage. Mais il est bon de connaitre
dès maintenant les deux sources fondamentales de cette fonction,
dont nous verrons au cours de la présente étude révolution, la
concurrence et la fusion.
L'exercice de cette juridiction locale, par conséquent très près du
justiciable, avait en raison de la diversité des coutumes, adaptées à
des milieux très divers, de l'éloignement et de la puissance très
relative d'une autorité supérieure, la possibilité de s'épanouir au
mieux des intérêts des justiciables, qui en l'occurence en étaient
plutôt les bénéficiaires. Il eut semblé assez normal que dans ces
conditions, les modes d'authentifier aient sensiblement varié sui-
vant les lieux, en raison des aspirations diverses des populations,
tantôt agricoles et tantôt commerçantes. En réalité, si des contrats
de nature un peu particulière ne se développent vigoureusement
que dans certaines villes, nous n'avons le choix à l'origine et sauf
des exceptions que nous étudierons, qu'entre deux modes diplo-
matiques d'authentification : le système français du chirographe
et le système allemand des Erbbucher. Le premier mode seul, ses
accessoires et ses variantes feront l'objet de cette étude.
La raison de cette unité tient à la fois aux caractères communs que
possèdent, malgré certaines diversités, les régions où s'est développée
l'institution, à l'influence du droit romain tranchée d'une période
de germanisme, qu'elles ont toutes plus ou moins subi, et surtout à
l'excellence du système, admirablement adapté aux mœurs de
l'époque.
Avec l'apparition du sceau nous assistons à la naissance d'un
nouveau mode d'authentification, celui des lettres de juridiction.
Ce procéaé, bien que moins spécifiquement urbain, fut aussi très
généralisé.
Enfin, sous des influences que nous aurons à préciser, apparaît
un troisième système d'authentification : celui de l'enregistrement.
On peut donc considérer que l'authentification des actes par
l'échevinage, qui a suivi les coutumes relatives à l'administration
de la preuve, a su évoluer et s'adapter aux circonstances. A l'origine
seul compte le témoignage oral, et l'on utilise le record. On prend
ensuite l'habitude de rédiger la plupart du temps un chirographe,
confirmation écrite du témoignage oral. Quand la preuve par écrit
revient en faveur, nous assistons à l'apparition de la lettre scellée.
L'avantage du registre en ce qui concerne notamment la conservation
des documents fait ensuite adopter ce système. Enfin, au xvie siècle,
quand les fonctionnaires royaux sont partout implantés définiti-
vement et réussissent à supprimer la concurrence de l'échevinage
pour la réception des actes, celui-ci ne garde pas moins une partie
de sa juridiction gracieuse.

Accessoirement, nous étudierons l'authentification échevinale


pratiquée par délégation, telle qu'elle existait dans le Midi ainsi
que la procédure intermédiaire existant dans la ville de Metz,
point de contact entre les pays de coutume et de droit écrit.
Lorsque nous aurons ainsi étudié l'institution, nous essayerons
de déterminer quels en étaient le véritable fondement et la
source.
Peut-être alors disposerons-nous des éléments nécessaires pour
prendre part à la controverse qui subsiste sur cette nature et dire
si nous croyons pouvoir attribuer à la juridiction gracieuse des
échevins, une origine romaine ou germanique.
Mais avant d'examiner chacun de ces systèmes il serait bon de
préciser les notions d'acte authentique et d'authentification, telles
que nous les concevons dans cette étude. Il est illogique d'employer
ces expressions avec la signification rigoureusement précise que
nous leur attachons à l'heure actuelle. Dans notre droit moderne,
l'acte authentique, expression de la volonté libre des contractants,
rédigé par des spécialistes, fait foi par lui-même des énonciations y
contenues. Il est conservé dans un dépôt public, et peut être délivré
aux parties sous forme de titre exécutoire. Encore que nous rencon-
trions certains de ces éléments dès l'origine du contrat urbain, la
notion d'acte authentique ne s'est dégagée que peu à peu. Par
authentification, nous entendrons simplement jusqu'à nouvel ordre,
une formalité ayant pour résultat de donner aux actes qui en sont
l'objet, une valeur probante supérieure à celle des simples écrits
privés.
Nous nous ellorcerons donc de déterminer la valeur authentique
donnée aux titres par l'échevinage, leur force probante et exécutoire
»

nous étudierons également la manière dont les échevins remplirent


les autres attributions de la puissance judiciaire aujourd'hui
déléguée aux notaires, la conservation et la délivrance des contrate
ainsi que les formalités subséquentes et en somme, tout ce qui touchs
à la réception des actes.
CHAPITRE PREMIER

Les Précédents

A. LES GESTA MUNICIPALIA

Le magistrat municipal romain, possède, la juridiction


gracieuse. C'est devant lui que se passent l'adoption, l'émanci-
pation, l'affranchissement, la dation de tuteur (1). Il avait le pou-
voir de donner le caractère authentique aux conventions des
particuliers. Le texte fondamental à ce point de vue est une
constitution de 366. «Magistratus conficiendorum actorumhabeant
poteslalem (2). L'intervention de la curie était facultative pour
)1

la rédaction des testaments, des ventes, constitutions d'hypo-


thèque, inlercessio, société, mandat et en général la plupart
des actes. La formalité de l'insinuation, édictée par Constantin,
la rendait indispensable pour les donations, d'une valeur supé-
rieure à 500 solidi depuis Justinien et l'ouverture des testaments-
Dans les deux cas, la formalité paraît avoir consisté en la
transcription des actes sur des registres municipaux, appelés
gesta municipalia. De plus, il se peut qu'un exemplaire de l'acte
lui-même, ait dû être conservé dans les archives de la cité.
Mais on ne saurait être affirmatif sur ce point, l'existence même
d'un écrit n'ayant pas toujours été nécessaire à Rome pour la
réalisation des conventions.
Le teslamenlum apud acta conditum consistait en une déclara-

(1) J. Histoire du Notariat, Paris 1878, p. 406.


MICHOT.
(2) Cod. Justin. Lib. I, tit. 56, de magist. municip. 1. 2.
tion verbale faite devant l'autorité judiciaire ou municipale (1).
L'ouverture du testament avait lieu en principe devant le
magister census, du moins à Rome et à Constantinople. (Pour
cette dernière ville on en a encore confirmation en 524). Plus
tard, la compétence passa au questeur et à d'autres magistrats.
Dans les provinces cette fonction incombait au prœsides, au
defensor civitatis, aux magistrats municipaux. Ils étaient assistés,
pour la réception des actes, en dehors du scribe ou greffier
(exceptor) de trois des principaux de la curie (2).
« La
responsabilité de ces derniers était terrible (3). S'ils
écrivaient sans fidélité les dernières volontés du testateur, ou
s'ils se rendaient coupables de quelque fraude, ils perdaient
leur qualité de décurion avec les privilèges attachés à ce titre,
sans cesser néanmoins d'en supporter les charges, et pouvaient
même en certains cas, être soumis à la torture ».
C'est en qualité de témoins, mais évidemment de témoins de
nature privilégiée que les magistrats municipaux devaient
prêter leur concours aux contractants et même apposer à l'acte
leur signum. C'est ainsi que les testaments devaient être
ouverts devant les mêmes témoins qui avaient assisté le testa-
teur, mais à leur défaut, on pouvait convoquer d'autres témoins
de bonne réputation : des honesti viri.
Pour éviter des conflits de compétence, Anastase, en 496,
retira aux magistrats municipaux et aux défenseurs des cités le

(1) Cod. Just. 6. 23. Const. 10. Théod. 1. 2. 'Const. 12. Brinz. Lehrbuch den
Pandekten 1112, 62, n. 33.
(2) Constitution d'Arcadius et Honorius. 396, C. Th. 12, 1, C. 51. Brev. XII,
1. 8; Les gesta municipalia doivent être faits: « Trium curialum proesentia
excepto magistratu et exceptore publico, semperque hic numerus in eadem
actorum testificatione servetur)j.
(3) Félix MARTEL. Etude sur l'enregistrement des actes de droit privé dans les
Gesta Municipalia. Thèse Paris 1877.
droit de faire insinuer les donations. Seul le magister census en
avait la charge. Mais le système ne subsista pas, ce magistrat ne
pouvant suffire à la tâche et dès le vie siècle, chaque cité recouvra
son droit, non plus au profit de la curie toute entière, mais du
seul delensor, modification dont nous verrons bientôt la cause
et la valeur.
Après la chute de l'Empire romain, ce mode d'authentification
ne fut pas abandonné. L'édit de Théodoric (art. 52, 53) exige
pour l'insinuation des donations d'immeubles la présence de
trois curiales et d'un magistrat, ou, à la place du magistrat, du
défenseur de la cité, assisté également de trois curiales, ou des
duumvirs. Martel (1) cite une donation passée en Sicile en 489
et dont l'exemple n'est pas isolé. L'acte est lu, puis, après
reconnaissance de l'authenticité, enregistré à la curie. On
procède ensuite à la tradition, et à l'expédition de l'instrumentum.
Au vie siècle, l'enregistrement à la curie, dépouillé de toutes
préoccupations fiscales, avait dailleurs pris une importance
plus considérable qu'à aucun autre moment du développement
du droit romain (2). A Ravenne, on conserve aux archives
municipales, la copie authentique datant de cette époque, du
procès-verbal d'ouverture et de publication de divers testaments
par les magistrats municipaux de Ravenne. Des actes portent
la souscription de l'exceptor, et ont été passés en particulier
devant le delensor civitatis (3).
En ce qui concerne notre pays, nous avons également la
preuve que les lois barbares adoptèrent le système romain.

(1) Op. cit., p. 58.


(2) AUFFROY. Evolution du testament en France, des origines au XIIIE siècle.
Thèse Paris 1899.
(3) G. FERRARI. Papiri Ravennati dell'epoca Giustinianea relativi ail' apertura
di testamenti (dans les Studi Bonfante II, 1930, pp. 637-644).
Même en n'admettant pas l'opinion de certains auteurs au sujet
de l'analogie que présentait primitivement l'organisation muni-
cipale gauloise avec celle que nous apporta la domination
romaine (1) on comprend que le perfectionnement auquel cette
dernière était arrivée lui ait conservé l'existence. L'insinuation,
d'après la loi romaine des Wisigoths est, tantôt obligatoire, et
tantôt facultative ; obligatoire pour les actes relatifs à l'état
des personnes et les donations à peine de nullité (2) ; facultative
notamment pour les dispositions de dernière volonté. En
principe, le Bréviaire d'Alaric a conservé le régime municipal
romain. Les décurions procèdent comme autrefois à l'enregis-
trement. C'est aux curies que sont désormais dévolues les attri-
butions précédemment confiées aux prœsides romains. Le seul
changement important que nous observions (et que nous avons
déjà signalé) réside dans le fait que les défenseurs partagent
la compétence des magistrats municipaux.
Chez les Burgondes comme chez les Wisigoths, ces usages
sont formellement interdits au VIle siècle. Léon le Philosophe,
Empereur d'Orient (886-912) abolit également les gesta munici-
palia comme sans utilité (Novelle 46).
Sil'authentification par la curie a persisté après la chute de
l'Empire romain, il semblerait que l'effcndrement du régime
municipal, ait dû radicalement faire disparaître ce système.
En effet, les Germains ont apporté avec eux leurs institutions
et de fait, la législation lombarde attaque les gesta.
Et cependant, peut-être parce que ces institutions ne pouvaient
satisfaire la partie de la population romaine, en raison de la

(1) BRUN-LAVAINNE. Mémoire sur les institutions communales de la France


et de la Flandre au Aloyen-Age. Lille 1857, p. 8.
(2) Sauf toutefois pour les donations de peu d'importance.
forme personnelle du droit, peut-être comme un simple souvenir
du passé, les Formules, qui ne sont en général qu'une application
directe du Bréviaire, abondent en détails sur l'insinuation des
donations et des testaments (1). Ce qui est particulièrement
intéressant pour nous, c'est que dans de nombreux contrats
passés au ixe et même au xe siècle, à une époque où le régime
municipal romain avait disparu sans conteste, on trouve encore
trace des gesta, même dans des actes passés au Nord de la Loire,
c'est-à-dire dans une région où l'influence romaine fut moins
puissante qu'au Midi. Martel (2) cite les testaments de l'évêque
Bertram du Mans, en 615 et Hadoin en 642 ; de même une
donation passée à Orléans en 647, et encore le testament de
Widrad, abbé de Flavigny, fait à Semur en 721.
Nous possédons aussi le texte du capitulaire de Louis le
Pieux interdisant l'aliénation des biens des Eglises (ixe siècle) :
«
Tabellionem qui talia inlerdicta instrumenta conscripsit, perpetuo
exilio tradi oportet. Magistratus autem qui eadem instrumenta
admiserunl et officiales qui operam dederunt ut et monumenlis
intimentur donationes, vel cœterae alienationes actis intervenientibus
suis cédant » (3).
La donation faite en 804 par Harwich d'Angers à l'abbaye de

:
Prum, fait aussi mention de l'insinuation. Cet acte commence
par ces mots « Adstante vir laudabile n'ifredo, delensore, vel
cuncta curia Andecavensis civitate... » Mais en fin de l'acte, la
marque du « d'e/cnsor » est indiquée comme suit : « Signium
Wifredo, vicedomo ».
Enfin dans une requête de l'évêque Hubert (928) extraite du

(1) SABOULARD. Etude sur la forme des actes de droit privé en droit romain et
dan-s le très ancien droit français. Thèse Paris 1889, p. 151.
(2) Op. cit., p. 110.
(3) PERTZ. Leges, T. I., p. 297.
cartulaire de Notre-Dame de Nîmes, on cite les dejensor, curiales
et honorati. Mais dans d'autres pièces, le mème dejensor est
dénommé, tantôt missus comitis, tantôt vasso.
Que conclure de tous ces textes en ce qui nous concerne ?
Comme le signale Martel (1) il se peut très bien que les actes
représentés soient simplement la copie, faite par tradition, de
vieilles formules. Il est possible également que le magisiratus
visé par le Capitulaire de Louis le Pieux (s'il ne s'agit pas du
rappel d'une interdiction antérieure, copiée mot à mot) ne soit
pas un magistrat municipal. De même, un individu n'ayant
rien de commun avec la magistrature municipale, et particu-
lièrement un vidame, officier ecclésiastique, peut fort bien se
parer du titre de defensor. Nous ne cherchons nullement à
soutenir la thèse de la vitalité de l'institution romaine, encore
moins celle de la continuité du régime municipal romain d'ailleurs
abandonné aujourd'hui (2) ; ce dont nous prenons acte, c'est
de la survivance de l'idée soulignée par ce fait que ceux qui
authentifient les actes prennent le titre de celui qui, en droit
romain en avait le pouvoir.
On ne peut contester d'ailleurs que l'enregistrement municipal
des actes, tomba en défaveur et fut abandonné, sous diverses
influences. D'abord, sous celle déjà signalée du droit germanique
ensuite en raison des frais qu'il entraînait, alors que la formalité
n'était plus obligatoire, la valeur authentique étant moins
recherchée et subissant une sorte de défaillance momentanée.
Mais l'influence prépondérante fut celle du clergé, en quelque

(1) Op. cit., pp. 117 et 126.


(2) Pour Declareuil (Histoire du droit fran ais, Paris 1925, p. 280, n. 1).
les acta des civitates de la période franque rentrent dans la juridiction du
comte ; les mots curiales ou defensores sont de vieilles formules désignant en
réalité les centeniers et le vicomte. Cf. Flach, Origines de l'ancienne France,
Paris 1893, T. II, pp. 227-236.
sorte sous un double aspect, néfaste pour l'institution, mais qui
contribua à en perpétuer la tradition. Personnellement les ecclé-
siastiques cherchèrent à se faire dispenser de la formalité et y
parvinrent au moyen des chartes d'immunité. D'autre part,
grâce au titre de defensores, qu'ils se firent fréquemment octroyer,
les évêques étaient revêtus du pouvoir d'authentifier. Ils repré-
sentèrent dailleurs le seul pouvoir effectif, depuis les désordres
qui suivirent la chute de l'Empire, jusqu'à ce que la royauté
ait la force de faire respecter ses institutions. C'était leurs
secrétaires (amalluenses) (1) qui recevaient les conventions.
Il était donc inutile de maintenir l'insinuation qui aurait fait
double emploi.
Mais si les évêques étaient dabord des dignitaires religieux,
ils n'en étaient pas moins, et eux seuls, les représentants des
populations, particulièrement urbaines. Il ne faut pas oublier
en effet, que les évêques étaient les élus du peuple et que les
communiers formaient leur conseil, plus ou moins légal. Ils
furent fréquemment à l'origine des institutions communales.
C'est ainsi que « Reims qui conserva longtemps le régime muni-
cipal romain, revendique, ou semble revendiquer dès le XIIe siècle,
la continuité de ce régime. Elle fut érigée en commune en 1139-
1140 avec la charte de Laon. Les douze échevins sont présentés
il l'archevêque qui les institue. Une partie de leur juridiction se
confond à son point de départ avec celle de l'archevêque, car
ils jugent souvent, in communia archiepiscopi. » (2)
Cette remarque n'offre évidemment pas un caractère de géné-

(1) Il faut retenir ce titre, car, de même que nous avons vu plus haut un
vidame se parer du titre de défenseui, de même nous rencontrerons plus tard
des notaires MUNICIPAUX du nom d'amans ; double exemple de la survivance d'un
droit signalée par le maintien du titre.
(2) VIOLLET. Histoire des Institutions politiques et administratives de la
France, Paris 1903, tome III, p. 93.
ralité suffisant pour permettre d'en tirer une règle fixe. C'est
ainsi qu'en Flandre, où les échevins ont des pouvoirs analogues
à ceux des autres régions, l'épiscopat ne fut pas à la base de la
libération des communes, mais malgré tout n'a-t-on point le
droit de voir là, le lien entre les institutions romaines et médié-
vales, par l'intermédiaire de l'évêque « defensor civitatis » ?

B. DROIT FRANC ET FÉODAL

Nous avons donc constaté l'abandon des gesta dédaignés par


les sujets romains, seuls susceptibles de l'utiliser. Le droit est en
effet personnel. Les Barbares employent leur loi nationale. Or,
le droit germanique est essentiellement formaliste et non écrit.
L'authenticité d'un acte résultant du fait que le consentement
des contractants ne peut être mis en doute grâce à un mode
de preuve inéluctable, il importe d'étudier la manière dont
devait s'exprimer la volonté des parties et dont se prouvaient
les accords, sous cette législation.
Pour que le lien obligatoire soit créé, il fallait que le consente-
ment revête uns certaine forme. Dans le contrat formaliste (la
fides facta) la promesse s'accompagne, soit d'un signe extérieur,
soit d'un commencement d'exécution. Le signe extérieur
consiste dans la remise, tantôt de la fesluca romaine, tantôt
du gage ou wadium germanique, avec un2 prépondérance
pour ce dernier mode. Un geste parfois suffit : celui du serment,
de l'hommage ou de la paumée (ce dernier encore usité de nos
jours lors de la conclusion d'un marché). La main joue donc un
grand rôle, qui fait donner à ce mode de contracter, le nom de
fides corporalis, ou manualis.
En dehors du contrat formaliste, le droit germanique ne
connaît que les contrats se formant re, tels que prêt, vente ou
donation. L'accord de volonté doit être aussitôt suivi de tradition
et de paiement. La tradition, d'abord aussi effective que possible,
se réalise ensuite d'une manière symbolique par la
remise d'un
objet en rapport avec le bien à transmettre. De même, le paie-
ment, dabord rigoureux, devient partiel, puis simplement
figuré, par le versement d'arrhes, portant le nom de denier à
Dieu, ou vin du marché.
A l'époque carolingienne, les gesta sont remplacés par les
contrats reçus devant le plaid royal, en présence et sous l'autorité
du roi, ou dans le mallum, devant le comte et les rachinbourgs (1).
«
De même que dans les campagnes, presque exclusivement
habités par les Francs, des mâls, composés de rachimburgi, puis
de scabini, jugeaient tous procès, sous la présidence du grafio
ou cornes, de même, dans les villes, le comte tenait un plaid
composé de notables » (boni viri) (2). Cette sorte de « recognito in
jure » d'origine romaine, sorte d'aveu devant le juge lors de la
passation du contrat, lui donnait la force exécutoire, par assimi-
lation il une sentence. Indépendamment de ce rôle de juge, les
scabini, magistrats nommés par le comte et par le peuple, plus
il même de rendre la justice que de simples particuliers, sont
chargés de certaines fonctions extra judiciaires : ils sent témoins
dans divers actes solennels, par exemple dans les institutions
d'héritiers faites sous forme de tradition de patrimoine entre
vifs... En l'absence du comte ils peuvent recevoir les serments ;
enfin ils sont témoins dans un grend nombre de circonstances (3).

(1) Il existe un acte dejuridiction volontaire passé vers l'an 850 devant
l'assemblée des notables de la ville d'Amiens. C'est une donation faite par un
certain Angilguin à l'église cathédrale de Saint-Firmin. L'acte se termine par
ces mots « Actum Ambianis civitate in mallo publico ». (Aug. THIERRY. Documents
-

inédits, T. l"', p. 7).


(2) Pardessus. Ordonnances. XXI, préface, p. CXLI.
(3) GLASSON. Histoire du droit et des institutions de la France, T. III,
Ch. VIII, § 33 et p. 355.
Les officialités, gardant la tradition des defensores, continuent
également à recevoir les conventions. L'Église a même à sa
disposition une ressource originale : elle rend obligatoire les
contrats, grâce au serment. Ce n'est qu'au XIIIe siècle que le
pacte consensuel se dégagera de l'ancienne doctrine du pacte nu,
en vertu de ce raisonnement, toujours d'inspiration religieuse,
que le manquement à la parole donnée est un mensonge, et que
Dieu ne fait pas de différence entre la simple promesse et la
promesse jurée.
Il se produisit alors entre les deux systèmes, romain et germa-
nique une sorte de nivellement, les anciens sujets romains
contractant au moyen de chartes, et les barbares utilisant aussi
l'écrit comme mode plus solennel. Concurremment avec les
actes passés en présence des autorités se développent en effet
les contrats conclus au moyen de chartes, déclaration par son
auteur de sa volonté de contracter. Mais fréquemment l'acte
est rédigé par un scribe : son auteur ne fait qu'y apposer une
croix, signe impersonnel. On conçoit donc que le contrat écrit
public ou privé, soit au point de vue de la preuve, mis sur le
même pied que l'acte simplement passé devant témoins et que
la valeur probatoire d'une convention, orale ou écrite, soit
proportionnée à la qualité des assistants : « Si quis vendiderit
possessionem suam alicui, terram cultam, non cultam, praia, vel
silvas, post accepto pretio, aut per cartam, aut per testes, compro-
betur firma emptio ». (Loi des Bavarois. V. 4, § 3) (1). C'est
la présence aux contrats, de témoins auxquels on s'ingéniait à
l'aide de moyen3 matériels à faire garder le souvenir de ce fait
mémorable qui permettait l'administration de la preuve. Il ne
s'agissait d'ailleurs pas encore de témoignage au sens moderne
du mot, la véritable preuve étant toujours la preuve germanique

(1) PERTZ. Leges, tome IV, p. 321. (Textus primus).


et les témoins n'intervenant que pour soutenir la prétention du
demandeur. Lorsque l'on pouvait avoir recours à des personnages
officiels, témoins privilégiés, cela donnait à l'acte le caractère
d'un véritable écrit public de valeur supérieure. La charte eut
cependant bientôt l'avantage de permettre d'exclure comme
moyen de preuve, dabord le serment, et plus tard le duel et les
ordalies (1). D'autre part, par suite d'une interprétation erronée
des principes du droit romain (2) la charte est assimilée aux
f/('sla muriicipalia : c'est un véritable retour au principe de
l'authenticité des actes publics. La convention est identifiée à
la charte : « Per istam presentem chartola, vendo, trado », etc...
Nous avons exposé les précédents, et les divers modes de
contracter usités antérieurement à l'époque de l'utilisation des
échevins pour la réception des conventions, et permis ainsi de
dégager les principes sur lesquels put se fonder leur institution.

(1) YVER. Les contrats danz le Très Ancien Droit Normand. XIP-XIIIE siècles,
thèse Caen 1926, p. 232.
(2) CLUNY. 725 ou 948, cité par Saboulard, op. cit. p. 213.
CHAPITRE II

Sources légales

CHARTES ET COUTUMES

Donner aux chartes, et à plus forte raison aux coutumes le-


nom de sources, ne signifie évidemment pas que l'on fasse
dériver d'une concession de l'autorité supérieure, le pouvoir des
échevins de recevoir les contrats. Et cependant cette idée se
présente naturellement à l'esprit. En effet, lorsque l'on étudie
l'origine d'une commune, on trouve à la base la charte qui l'a
concédée. Il est donc logique, qu'au début d'un travail sur
l'authentification par l'échevinage, nous cherchions à découvrir
dans des chartes, les premières traces de cette institution. Mais
de même que dans le mouvement communal, les chartes ne sont
pas la cause, de même pour le sujet plus étroit qui nous intéresse,
elles ne procèdent qu'à une constatation. Les communes étaient
issues de mouvements populaires, au souvenir des libertés
passées : le scabinat carolingien qui avait pris la suite de la
curie n'était pas encore si éloigné. Ainsi, avant l'octroi des
chartes, déjà les primores urbi garantissaient de leur présence
l'exécution des conventions privées. Il faut évidemment n'émet-
tre cette assertion qu'avec prudence car il peut être difficile de
distinguer ces magistrats municipaux avant la lettre, de quel-
conques témoins. Mais nous avons vu l'importance du témoignage
et le prix que l'on attachait à la qualité des assistants au contrat.
Il était donc normal que les contractants désireux d'obtenir
un inslrumentum au-dessus de tout soupçon, mais soucieux
toutefois de ne point faire appel pour justifier leurs accords, à
l'autorité féodale ou ecclésiastique, dont l'intervention eut pû
passer pour uns marque d'assujettissement, aient choisi parmi
leurs concitoyens, de la même classe sociale qu'eux-mêmes des
hommes dont la probité et la compétence pouvaient donner
force à leurs contrats. Il est intéressant de suivre l'évolution
de cette institution. Une pièce curieuse à cet égard est la donation
passée en 1121, en l'Église d'Amiens (1). Cet acte a lieu en pré-
sence d'une grande foule de peuple : « clero populoque convocatis
sub testimonio, tam cleri quam populi ». C'est dans cette foule
mêlée que le contractant choisit quelques hommes comme
témoins proprement dits « cujus quidem populi, eos quos idoneos
ad testimonium intelleximus nominibus subscripsimiis ». Il ne
s'agit pas là d'administrateurs de la cité, mais le choix du
testateur a été guidé par l'autorité dont devaient être revêtus ces
témoins. D'autre part des actes officiels témoignent que dans
le XIe siècle, il existait encore à Amiens une sorte de conseil
municipal, organe des intérêts et des doléances de la cité. On
trouve mentionnés, soit comme réclamant contre les vexations
du comte, soit comme validant par leur présence les donations
et les contrats, des principaux de la ville, primores urbi, des
hommes d'autorité ayant parmi le peuple, prépondérance de
témoignage « viri authentici, habentes in plebe pondus testimo-
nii »(2). Il serait peut-être exagéré de déduire de l'expression viri
authentici, que ces primores urbi avaient la faculté de donner aux
contrats auxquels ils assistaient, une véritable forme authen-
tique. Il s'agit simplement de notables dont la réputation était
précieuse, pour prouver la régularité de la convention, de boni

(1) Augustin THIERRY. Recueil de documents inédits de l'histoire du Tiers-Etat,


T. Ier, p. 51 et nombreux autres exemples de 1152 à 1186, p. 62 et suiv.
(2) Aug. THIERRY. Op. cit., p. 15.
homini, dhonesti viri, suivant les expressions que l'on rencontre
fréquemment, de citiadini per excellenza (1).
Quoiqu'il en soit, dès avant l'octroi des chartes, l'autorité de
ces individus était suffisante pour que les pouvoirs publics,
royal, ecclésiastique ou féodal, y fassent appel lorsqu'ils avaient
besoin de faire constater un fait intéressant la collectivité, ou
de connaître son opinion. Nous en avons de nombreux exemples.
Un des plus anciens est peut-être celui cité par M. Espinas (2).
A Douai, en 1115, les chefs de la cité sont appelés en témoignage,
pour un fait de peu d'importance d'ailleurs, et nous n'en avons
trace qu'incidemment, mais un tel recours ne pouvait qu'affermir
et légaliser leur pouvoir. Nous pourrions ainsi placer ces inter-
ventions comme sources légales, sur le même pied que les
chartes.
D'autre part, les chartes royales, toujours citées sont souvent
la répétition de chartes antérieures tant en ce qui concerne la
juridiction gracieuse du magistrat que l'établissement du régime
communal lui-même. Elles copient celles déjà octroyées par les
autorités locales. C'est le cas pour Amiens, où la charte donné
par Philippe-Auguste en 1190, reproduit celle émanant de
Enguerrand de Boves en 1117, laquelle avait déjà été précédée
de celles de l'Évêque Gui entre 1058 et 1076, et des Comtes Gui
et Yves, vers 1091. De même à Rouen, dont la charte également
octroyée par Philippe-Auguste est de 1207. « Ce mode usité de
passer les conventions..., dit La Harelle, nous paraît dériver des
privilèges accordés à la ville par les Ducs de Normandie. » (3).
Ces chartes ne sont cependant pas à négliger. Elles ne font
que constater, sans rien créer, un état de fait préexistant, mais

(1) SCHUPFER. Ildiritto privato dei popoli germanici. Rome 1909, III, p. 82,
(2) ESPINAS. La vie urbaine de Douai au Moyen-Age. 4 vol., Paris 1913,
T. Ier, p. 522.
(3) BARABÉ. Recherches historiques sur le tabellionage royal. Rouen 1863, p. 9.
il n'en reste pas moins, que l'autorité qui y est attachée, confirme
et garantit cette situation. Le caractère confirmatif de ces chartes
nous permet donc de dire, qu'elles donnent plutôt que la date de
première fondation des communes, celle des conflits de ces
communes avec les autorités (1). Il est à peine besoin de rappeler
que fréquemment les villes avaient la précaution de faire
confirmer par son successeur, la charte qu'un roi leur avait
octroyée. Dans ces chartes qui ont par conséquent un caractère
doublement confirmatif, on se gardait bien d'omettre notre
institution, ce qui indique à quel point les communiers jaloux de
leurs privilèges tenaient particulièrement à celui-là (2). Les
chartes ont encore un autre résultat : elles généralisent le
procédé. Les communes s'organisent souvent à leur gré, sur le
modèle d'une cité voisine, dans le cadre plus ou moins large
de la charte qui leur est octroyée, et qui, elle même, s'inspire
d'une autre charte.
En général, ces statuts communaux sont très brefs sur le sujet
qui nous intéresse. Certains même n'y font aucune allusion. Il en
est ainsi des chartes délivrées par Philippe-Auguste et Philippe
le Bel à la ville de Montdidier. De même la charte de commune
octroyée à Saint-Quentin par le roi Philippe-Auguste ne parle
pas de la psssibilité de passer des conventions devant le maire et
les échevins (3) alors que ce mode y fut usité. Ces documents
insistaient plutôt sur la juridiction criminelle et les peines

(1) MALICET. Les institutions municipales de Péronne sous l'ancien régime.


Thèse Paris 1912, p. 19.
(2) Comparer par exemple pour Arras, la charte de 1194 et celle de 1211, la
première de Philippe-Auguste, la seconde de Louis VIII dans Ch. de Wignacourt.
Observations sur l'échevinage de la ville d'Arras (manuscrit de 1608). Arras 1866,
pp. 91 et 96.
l'
(3) E. LEMAIRE. Le Livre Rouge de Hotel de Ville de Saint-Quentin. Saint-
Quentin 1881, p. 429.
applicables au sujet des droits que se réservait l'octroyant et
des redevances qu'il prescrivait. La plupart, telle la loi de Beau-
mont, posent simplement le principe de l'institution : Ce qui
«
lait sera par devant les jurés, sera establi sans contredit (1)
» ou la
charte de commune accordée à Eu, par le comte Jean 1151 (2).
en
Parfois le nombre et la composition du magistrat sont indiqués,
ainsi que l'étendue de sa compétence. D'autres chartes enfin,
contiennent sur la validité, la force exécutoire et le mode de
preuve des conventions, des indications intéressantes que nous
utiliserons pour l'étude de chacun de ces points.
Le principe ainsi exposé, suivant lequel des chartes faisaient
ne
que sanctionner un état de fait, et qui est vrai pour la majorité
des cas, peut néanmoins souffrir des exceptions, notamment
en
ce qui concerne les chartes postérieures au mouvement communal.
Il faut citer à cet égard le cas de celle qui fut octroyée à la ville
d 'Angers, par le roi Louis XI, le 21 juillet 1474. A partir de
cette
date le tabellionage d'Anjou fut supprimé et remplacé
par le
corps de ville pour l'exercice de la juridiction gracieuse (3).
On doit encore signaler l'origine spéciale de la juridiction
gracieuse à Pont-Audemer. C'est un arrêt du Parlement de
Paris de 1263 qui décide, en vue de faciliter le retrait lignager
que les actes de ventes devront être passés devant le maire de la
commune (4).
Enfin, on peut encore se référer, à titre de documents primitifs,
aux serments prononcés par les échevins lors de leur entrée en

(1) BONVALOT. Le Tiers-Etat d'après la charte


de Beaumont et ses filiales.
Paris 1884, art. XXX, p. 115.
(2) A. LEGRIS. Le Litre Rouge d'Eu (1151-1454). Rouen
1911, p. 1.
(3). GIRY. Les Etablissements de Rouen, dans Bibliot.
de l'École des Hautes
Études, 55e fascicule. Paris 1883, p. 235.
(4) BEUGNOT. Olim, I, p. 562, nO 14.
charge, et qui font parfois allusion à la partie volontaire de leur
juridiction.
Les divers recueils de coutumes, contiennent sur l'activité des
échevins comme juges gracieux ,de nombreux renseignements
intéressants. Grâce à eux, on peut suivre l'évolution de l'institu-
tion, savoir à quel point elle était utilisée, où et quand elle est
tombée en désuétude ou au contraire, a persisté. Eux seuls, en
dehors des actes eux-mêmes nous permettent de formuler une
opinion sur ces questions discutées et peu connues. Mais les
procès-verbaux de rédaction de ces coutumes, gardant la trace
des discussions qu'elles ont suscité doivent eux aussi attirer
notre attention. C'est là que se révèlent les oppositions à la
juridiction échevinale dont l'étude renseigne sur la façon dont
était appréciée l'institution. Il ne faut cependant pas toujours se
fier à l'absence d'indications causée parfois par des évènements
particuliers, n'ayant influé en rien sur la juridiction de l'éche-
vinage (1). Enfin, après la disparition de l'usage de recevoir les
contrats, les coutumiers nous exposent l'activité conservée par
les échevinages et qui est assez importante.
Les coutumiers les plus anciens, ceux notamment du XIIIe siècle
se contentent parfois de reproduire les textes des chartes que
nous connaissons déjà. C'est le cas de la coutume d'Amiens citée
par Augustin Thierry (2). Toutefois les anciens usages d'Amiens
vers 1280 (3) sont plus explicites. A la même époque, diverses
ordonnances ont nettement un caractère confirmatif de l'insti-
tution ; tel le privilège de Cambrai en 1284 (4).

(1) Voir notamment Bouthors. Coutumes locales du Bailliage d'Amiens,


rédigées en 1507, 1840, t. Ier, p. 49.
(2) Op. cit., t. Ier, p. 146, art. 74.
(3) BOUTHORS. Op. cit., p. 79.
Haarlem
(4) E. M. MEIJERS et DE BLÉCOURT. Le droit coutumier de Cambrai.
1932, p. 212. « Rudolphus, dei gratia Romanorum Rex... Cum venditiones et
alienationes domorum et hereditatum civitatis Cameracensis viri debeant et
consueverint per scabinos nostros civitatis predicte... »
C'est dans la coutume de 1507 (1) et les suivantes (2) que se
trouvent les indications les plus précieuses. Grâce à eux, l'étendue
territoriale d'application et nombre de détails nous sont révélés.
Enfin, les ouvrages des praticiens de l'époque nous ont
transmis en dehors des remarques personnelles de leurs auteurs,
un certain nombre d'ordonnances, notamment des bailliages et
échevinages, réglementant l'institution, tant au point de vue de
son fonctionnement matériel, qu'au point de vue juridique (3).

(1) BOUTHORS. Op. cit.


(2) BOURDOT DE RICHEBOURG. Nouveau coutumier général. 1724.
(3) Voyez notamment Ch. DE WIGNACOURT. Op. cit. et les divers recueils
publiés par MM. Meijers et de Blécourt (op. cit.).
CHAPITRE III

Étendue d'application de l'institution

Sans toujours bien définir l'origine assez complexe du droit


des échevins, les auteurs sont d'accord pour en affirmer l'ancien-
neté. De tout temps (1) cette fonction de tabellions leur a été
reconnue. C'est un des traits les plus constants et les plus origi-
naux de la magistrature échevinale. Cela tient aux précédents
que nous connaissons déjà, et qui permirent d'une manière
générale aux échevins, de revendiquer cette fonction ; cela tient
aussi au fait que constituant une juridiction, ils étaient investis
par là même de ce pouvoir, comme c'était le principe à l'époque.
Quoiqu'il en soit, et tout en rappelant les réserves que nous avons
faites au chapitre précédent (2), nous croyons devoir fixer le
point de départ légal de l'institution à l'octroi des chartes
communales, puisque c'est à cette date seulement que les
notables des villes acquièrent officiellement, existence et juri-
diction. Le document explicite, le plus ancien à cet égard,
paraît être la charte déjà citée (3) accordée en 1151 par le comte
Jean, à la ville d'Eu : « Preterea jure hereditaris possidendum eis
dono et pretalis modis confirmo, quatinus quodeumque padum
inter eos coram duobus scabinis factum tueril, pro rato et firma
stabilitale lenebitur sine alio placito, ex quo ipsi scabini obtesta-

(1) Chanoine DEPOTTER. Les échevins du pays de l'Allam, dans Mémoires de


l'Académie d'Arras. 1903, p. 201 à 234. TESTAUD. Des juridictions municipales
en France. Thèse Paris 1901, pp. 85-86.
(2) Supra, p. 16.
(3) Supra, p. 20.
bunlur, sive ipsi scabini, in proferendo teslimonium adhuc in sua
scabinitate manserint, sive ab ea jam remoti fuerinl. Quod si
forte de testimonio non credatur eis, jurejurando illud confirma-
bunt. » Mais en règle générale, on ne peut guère placer des débuts
de l'institution avant les premières années du XIIIe siècle. Elle
jouit immédiatement d'une grande vogue. Son plein épanouis-
sement correspond à celui des communes : c'est la seconde moitié
du XIIIe siècle, ainsi qu'en témoignent nos archives. Il y a toute-
fois des exceptions ; en Alsace, c'est seulement à la fin du XIIIe siè-
cle que nous avons la preuve de l'existence de l'institution (1).
Il nous faut ici distinguer entre deux catégories très diffé-
rentes d'échevins, qui n'ont, dit Luchaire (2) de commun que le
nom. Nous trouvons d'une part les membres des conseils urbains,
élus du peuple et formant une juridiction véritablement muni-
cipale. Dans de nombreuses communes flamandes, ces magistrats
portent le nom de jurés. Par échevins proprement dits, on entend
parfois des fonctionnaires, choisis la plupart du temps par le
seigneur parmi les bourgeois, ne constituant exactement, ni un
tribunal urbain, ni une cour seigneuriale, ayant à tous égards,
une compétence plus étendue que les premiers. Ce caractère très
complexe, mis en lumière par Luchaire pour la France et les
auteurs belges pour la Flandre, le Brabant et le Hainaut, se
retrouve notamment dans le Nord de la France à Saint-Quentin,
Noyon, Laon, Chauny, Soissons, Roye, Corbie, et peut-être
aussi à Cambrai, si nous nous reportons à la formule de ses
échevins, étrangement analogue à celle des échevins de Noyon (3).
Mais cette distinction est peut-être moins utile qu'il semblerait

(1) LOBSTEIN, J. F. Manuel du notariat en Alsace. Strasbourg 1844.


(2) LUCHAIRE. Les communes françaises à l'époque des Capétiens directs.
Paris 1890, p. 166.
(3) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cit., p. 226.
au premier abord, car ces échevins non urbains, aux attributions
principalement juridiques disparaissent du Nord de la France
au xme siècle. Là où ils subsistèrent les magistrats municipaux
usurpèrent progressivement leurs attributions comme en Bel-
gique (1) ou les deux organisations finirent par se fondre, comme
à Péronne (2). Enfin, dans les grandes villes (Lille, Arras,
Amiens), il y a fusion entre l'échevinage justice, et l'échevinage
municipalité.
Ceci nous permet de comprendre que la fonction échevinale ne
disparaisse pas obligatoirement avec la commune. A Douai (3)
nous la voyons subir une interruption de 1366 à 1373 pendant
une consfication des libertés urbaines. Par contre, à Saint-
Quentin, nous possédons un document qui nous signale le con-
traire. C'est une lettre de Philippe le Long du 1er février 1317,
qui précise que la suspension de la commune ne doit pas être
étendue à l'échevinage « qui noster est... et qui totaliter est
separatus a statu communie predicte » (4). Mais, à Calais, quand
la ville dans les premières années du xive siècle fut privée de son
échevinage pendant six ans, ce fut le prévôt qui exerça la juri-
diction gracieuse (5).
L'institution de l'authentification des actes par l'échevinage
n'est pas spéciale à notre pays. En règle générale, on peut
affirmer qu'elle se retrouve dans tous les pays où se produisit
le mouvement communal du XIIe siècle : Italie, Allemagne,
Angleterre et Pays-Bas. Mais l'exercice direct de ce droit paraît
être spécial aux pays du Nord de la Loire. En Italie et dans les

(1) DUESBERG. Les juridictions scabinales en Flandre et en Lotharingie


au
Moyen-Age. Thèse Louvain 1932, p. 41.
(2) MALICET. Op. cit., p. 19.
(3) ESPINAS. Op. cit., p. 525.
(4) LEMAIRE. Op. cit., p. 30.
(5) LENNEL. Histoire de Calais. Calais 1909, p. 142.
pays de langue d'Oc les notaires municipaux apparaissent
rapidement. En Allemagne, le mode d'authentification n'est
pas tout à fait semblable au nôtre : on utilise un procédé d'enre-
gistrement qui prévaudra chez nous dès le xve siècle. L'Angleterre
semble avoir utilisé les deux systèmes ; on y connaît l'enregis-
trement au « gihall » des créances dues aux marchands étrangers.
Mais on voit aussi des contrats passés devant le custos et quatre
aldermen, ou devant le major et des aldermen,
ou devant le
chambellan et un alderman (1).
En principe, pour constater l'utilisation de l'échevinage
pour
l authentification des actes, il faut, mais il suffit,
qu'il existe
un conseil de ville. Évidemment son activité n'est pas toujours
égale. Dans les villes où l'autorité royale
se fait plus vivement
ressentir, villes de prévôté ou de simple franchise, la présence
du prévôt restreint son exercice. Là les contrats paraissent
originairement avoir été passés en forme de lettres de prévôté,
où le concours de prudhommes n'en était
pas moins prescrit.
Il faut dailleurs se garder de
penser que la présence du prévôt
signifiât l abdication des pouvoirs du conseil urbain. Même à
Paris, rien n empêche de considérer
comme lettres d'échevinage
celles que délivraient les marchands de l'eau qui
se réunissaient
au Parloir aux Bourgeois et avaient à leur tête, dès le xme siècle
un prévôt et des échevins (2). Dans les autres villes, l'institution
est plus ou moins florissante suivant la rigueur dont les autorités
ont organisé le pouvoir judiciaire (pour autant
que l'on puisse
établir entre les divers pouvoirs
une distinction qui n'existait
pas à l époque). Les notaires seigneuriaux et surtout ecclésias-
tiques sont en effet très anciens, et
ces derniers principalement

(1) DES MAREZ. La lettre de foire à Ypres


au XIII* siècle. Bruxelles 1900, p. 27.
(2) DE BOUARD. Etude de diplomatique
sur les actes des notaires du Châtelet de
Paris. Dans Bibl. de l'École des Hautes Études.
Paris 1910, p. 18.
feront parfois une vive concurrence à la juridiction gracieuse de
l'échevinage (1). Pour pouvoir dresser la carte exacte de l'exer-
cice de l'institution, il serait nécessaire d'étudier chaque cité en
particulier. La plupart des monographies consacrées aux villes
du N»rd de la France, dàilleurs peu nombreuses, n'abordent pas
ce sujet. Par contre, presque toutes nous donnent une indication
précieuse, c'est l'emploi dans ces villes du scel aux causes, ou
scel aux cognoissances. Et de même que l'on peut prétendre que
le sceau de la ville a proprement parler est l'indice irréfragable
de la personnalité de la commune, de même le scel aux causes
signifie le pouvoir d'authentifier (2).
Un grand nombre d'actes urbains nous est parvenu. C'est
encore un élément qui peut nous renseigner sur l'étendue
territoriale de l'institution. Les archives qui en sont les plus
riches sont peut-être celles de Tournai. Venaient ensuite avant
la guerre de 1914, Ypres, Douai, Saint-Omer, Arras, Saint-
-<|uentin, Liége et Namur. Ils sont nombreux également en
Lorraine (3). L'absence de documents est parfois compensée
par les renseignements que nous donnent les coutumiers et
recueils de praticiens. C'est ainsi que malgré la pauvreté des
archives de Lille (4) le Livre Roisin nous laisse supposer que les
actes d'échevinage y furent très abondants.
On croit généralement que les grandes villes avaient le mono-
pole de l'authentification des actes (5). En réalité le principe

(1) Pour la lutte entre l'échevinage et ses concurrents. Cf. infra, chap. XXI,
page 170.
(2) Pour les sceaux, Cf. infra, chap. X, p. 86.
(3) BONVALOT. Op. cit., p. 290, cite de nombreuses communes de Lorraine,
Barrois et Luxembourg.
(4) Vingt-cinq pièces seulement de 1334 à 1599 en forme de lettres scellées.
(5) SABOULARD. Op. cit., p. 228.
que nous avons posé, de la possibilité d'authentifier dès lorsqu'il
existait un échevinage, ne nous paraît pas être en défaut. Ce sont
de toutes petites communes que cite Bonvalot (Beaument).
Dans le Ponthieu, de petites agglomérations ont reçu la charte
d'Abbeville. Saint-Valery-sur-Somme avait un scel aux causes.
Nous voyons en 1215 (1216) un acte reçu par le maire, les éche-
vins et les jurés de Noyelles-sur-Mer (1). Les archives de la
commune de Lallaing (Nord) depuis peu transférées à Lille,
contiennent de nombreux actes d'échevins. Enfin les coutumiers
nous donnent des traces de l'institution dans de nombreux
villages (2). Encore qu'il ne soit fréquemment question que de la
formalité de dessaisine-saisine, on peut supposer sans témérité
que l'échevinage ne s'est pas toujours borné à cette fonction
en matière gracieuse. La seule distinction que l'on pourrait
établir, et pas d'une manière formelle, c'est que les villages
bénéficièrent généralement de libertés municipales moins grandes
que les puissantes cités. Leurs échevins étaient fréquemment
nommés par le seigneur (3).

(1) Aug. THIERRY. Op. cit., t. IV, p. 601.


(2) Voir notamment BOURDOT DE RICHEBOURG, t. IER, pp. 399, 403,419, 421,
t. II, p. 215, 1009. BOUTHORS, t. II, pp. 83, 148, 154, 276, 351, 357, 400, 501, 615.
(3) Voir. la coutume de Senghein en Weppes. BOUTHORS, II, p. 351, art. 5
et quelques autres.
CHAPITRE IV

Le Magistrat

Neus avons vu successivement intervenir pour la réception


des actes, à l'époque romaine les curiales, dans le droit franc
rachimbourgs, puis scabins auxquels succèdent aux xe et xie siè-
cles, lorsque toute trace d'organisation municipale semble avoir
disparu, des témoins quelconques, nommés par les documents,
boni viri, honesti homines ou d'un titre analogue. Avec la charte,
apparaissent les échevins et il semble que c'est eux qui vont
désormais remplir ces fonctions. Toutefois, et cette constatation
n'est pas pour nous surprendre, étant donné ce que nous savons
du caractère des chartes considérées comme « sources » (1),
l'octroi de ces statuts ne devait pas emporter de modification
profonde et immédiate quant à la personalité du magistrat.
Nous avons vu des contrats authentifiés, antérieurement aux.
chartes royales, tantôt par le maire seul (2), tantôt en présence
d'une grande foule de peuple. Nous rencontrons alors des actes
partant la mention qu'ils ont été passés, non seulement en pré-
sence du maire et des échevins, mais encore de nombreux
témoins : « et universitas totius communie » (?) (3) Le droit
d'authentifier ne paraît donc pas à ce moment être le privilège
exclusif des magistrats élus de la cité. A Douai (4) en 1115, on
requiert le témoignage de « -legitimi viri » ; vers 1200, des bur-

(1) Supra, chap. II.


(2) Supra, p. 20.
(3) Aug1. THIERRY. Op. cit., I, p. 94.
(4) ESPINAS. Op. cit., pp. 523 et s.
genses authentiquent des actes ; ils agissent seuls ou parfois
sont cités à côté d'échevins en exercice avec lesquels ils paraissent j
partager l'exercice de la juridiction gracieuse. En 1225, nous I
voyons des actes reçus par deux échevins auxquels s'adjoignent j
« quatre
tesmoings comme crestien ». |
Le caractère de témoins privilégiés appartient bien alors non I
pas aux seuls échevins mais à tous les communiers. Ce n'est j
donc pas la qualité de dépositaire d'une partie de l'autorité
publique qui semble être à la4>ase du pouvoir d'authentifier.
Ainsi les chartes ne modifient pas brutalement la situation et j
fréquemment, la sanctionnent telle quelle. Comme il n'est pas
fait mention de preuve écrite pour les ,contrats de cette époque
« c'est
toujours au souvenir des hommes qu'il faut avoir recours ;
de là le caractère de témoins légaux, privilégiés, dont étaient
investis à des degrés divers tous les membres du corps de
ville » (1). A Saint-Omer, au XIIe siècle, tous les jurés sont des
témoins privilégiés pour constater les engagements verbaux des
parties. Pour la certification des contrats, ils prêtent serment ;
les échevins sont dispensés de cette formalité, comme y ayant
procédé au début de leur entrée en charge (2). Dans la première
keure de Saint-Omer, de 1168, il est spécifié que c'est en présence
de bourgeois propriétaires que se font les prêts d'argent. Ce
n'est qu'au cas où le débiteur nierait sa dette que le témoignage
de deux échevins ou de deux jurés serait nécessaire. Cela résulte
du privilège accordé par Guillaume, comte des Flamands, le
14 avril 1127 (3). Ces indications sont intéressantes à rapprocher
de la loi de Cambrai de 1184 : « Sex viri jurati in domo pacis
possunt constitui, qui possunt testimonium portare cum aliquo

(1) GIRY. Rouen, p. 23.


(2) GIRY. Histoire de Saint-Omer. Paris 1877, p. 184.
(3) GIRY. St-Omer, p. 372. P. J. LXIX.
scaiinorum in eis causts in quibus soient testificari ». Ces témoins
ne disparaîtront pas avec l'acquisition régulière de sa juridiction
gracieuse. A Douai, on les voit cités comme « prudhommes ou
btines gens » ; certaines matières leur semblent même réservées :
c'est ainsi que se passaient devant eux les achats de vin, contrats
très fréquents à l'époque et particulièrement simples, pour
lesquels on avait dailleurs adopté une formule (1).
Ce procédé de la réception des contrats par tous les communiers
est très explicable. Il découle du principe très ancien et universel
que c'est en présence de tout le peuple que doivent être passés
les actes intéressant la vie privée des membres de la communauté.
C'était la conception aussi bien du droit germanique que du
vieux droit romain et nous retrouvons encore aujourd'hui dans
les pays non civilisés cette immixtion du groupe, dans les affaires
du particulier. Mais on ne pouvait songer à conserver ce système
dans des cités dont la vie économique se développait de plus en
plus. Très tôt, nous assistons à une première spécialisation de la
fonction. Au .xme siècle, il est. fréquemment exprimé dans les
chartes que le témoignage d'un échevin ou d'un juré équivaut
à celui de deux bourgeois. Il y a donc prépondérance -du corps
municipal en cette matière. Elle devait aboutir à l'interdiction
formelle faite aux simples citoyens de s'immiscer dans cette
fonction, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles.
Ntiw la voyons édictée dans 1.% coutume de Cambrai : « Tesnwins
pa-LieWkrs rmpeuve»t déposer d:œu.vres ou devoirs de loy, n'est en
cas de violation de ferme, et de la mort de tous les hommes de fief
ou eschevins y ayans esté présens » (2). Il est vrai que cette inter-
diction ne porte pas exactement sur la réception du contrat,
mais sur la formalité qui en est la suite. Mais n'y a-t-il entre les

(1) ESPINAS. Op. cit., p. 524.


(2) BOURDOT DE RICHEBOURG, II, p. 288, titre V.
deux fonctions, une analogie suffisante pour nous faire admettre
ce principe dans les deux cas ? Ce n'est pas que les simples
communiers n'aient plus aucun rôle à jouer. Parfois, quelques
bourgeois, choisis par les parties s'engagent à faire respecter la
décision arbitrale des échevins (1) Des Mm-ez considère cette
intervention comme un piège, mais les bourgeois paraissent
remplir là un rôle plus important, s'apparentant à la fonction
du magistrat.
Enfin, dans les villes de prévôté, nous voyons encore intervenir
des prud 'hommes, à côté des baillis. C'est une ordonnance de
Philippe le Hardi, dont le texte ne nous est pas parvenu qui
voulait que les prud'hommes apposent leurs sceaux au bas de
l'acte avant de le présenter au bailli. Nous n'avons pas d'exem-
ples de contrats de ce genre. On ignore même quels étaient
ces
« prodhomes eslis », comme les appelle Beaumanoir. Certains ont

voulu y voit des notaires ; mais leur mode de nomination paraît


aller à l'encontre de cette assertion. Quoiqu'il en soifleur auto-
rité semble importante : « et ce qui est tesmoigné
par les seaus de
ces deux prodommes, li bailli en plus grant seurté de tesmognage
y met le scel de le bailli » (2). L'apparition du sceau de la baillie
n apparaît donc que comme un complément de garantie. Les
sceaux de ces prud'hommes seraient-ils donc par eux-mêmes
authentiques ? Cependant, cette institution s'explique si l'on
se r appelle que les baillis n'apparaissaient pas alors personnelle-
ment aux « marciés ». La simple présence de leurs clercs
ne
semblait pas une garantie suffisante. Il était donc normal qu'on
y adjoignit comme témoins, ces prud'hommes. (3)

(1) DES MAREZ. La lettre de foire,


p. 47.
(2) BEAUMANOIR. Coutumes de Beauvaisis. Edition Salmon. II, p. 57.
(3) DE BOYARD. Etude.:.
sur les actes des notaires..., p. 14.
Nous avons établi précédemment une distinction entre deux
catégories d'échevinages que nous pouvons appeler, les uns
seigneuriaux, les autres municipaux (1). Il nous faut le rappeler,
car ces divers conseils qui peuvent coexister sé partagent parfois
la compétence en matière gracieuse. Nous constatons qu'à
Dinant dès le xve siècle, les échevins (juges du prince) ne connais-
sent plus guère que des affaires immobilières. L'immense
majorité des affaires mobilières est portée devant les jurés
(municipaux) : reconnaissances de dette, vente et louage de
marchandises, emprunts, etc. (2). A Louvain, par contre, si
les jurés usurpent au xve siècle la réglementation de la tutelle
des mineurs, la compétence civile d'une manière générale reste
aux mains des échevins (3).
Mais en dehors de ces deux catégories bien distinctes, il ne
faut pas oublier non plus que fréquemment le territoire d'une
cité pouvait être divisé entre plusieurs échevinages, à compé-
tence plus ou moins étendue mais procédant généralement
chacun à la réception des contrats dans le ressort de leur juri-
diction. C'est principalement en Flandre que nous constatons
ce phénomène. Il est explicable en raison du morcellement de
la souveraineté et de l'indépendance presque absolue du magis-
trat qui régit chaque cité ou partie de cité. « Chaque seigneurie
foncière avait ses gens de loi particuliers qui étaient : un mayeur
et des échevins ou jurés, ou bien un mayeur et des tenailles
(tenanciers) ; il existait dans une même localité autant de

(1) Supra, chap. III, p. 24.


(2) PIRENNE. Histoire de la Constitution de la Ville de Dinant, p. 77.
(3) VAN DER LINDEN. Histoire de la Constitution de la Ville de Louvain au
Moyen-Age. Université de Gand. Recueil de travaux publiés par la Faculté de
Philosophie et Lettres. Louvain 1892.
greffes scabinaux qu'il y avait de juridictions différentes (1).
«
A Ypres, en dehors des échevins municipaux, il
en existe d'autres
sur le territoire de la cité, notamment sur le domaine personnel
du comte de Flandre. Cela se représente en Flandre partout où
le comte en accordant une charte de
commune a conservé un
territoire directement soumis à son autorité et qui possède
en
conséquence son propre conseil administratif et judiciaire. A
Gand, à côté des échevins du Haut-Banc
ou de la Keure, existent
les échevins des Parchons. A Maestricht
nous voyons d'une part
les échevins, d'autre part un bourgmestre et des jurés.
A Bruges
se trouvait un tribunal composé de sept conseillers pensionnaires
jugeant toutes causes civiles à l'exclusion des échevins. De même
à Liége, les fonctions judiciaires ou municipales sont distinctes.
A Tournai, il y a un maïeur et six échevins, et aussi
un prévôt
et six jurés (2). On y distinguait d'ailleurs quatre échevinages
celui de la
Cité, celui du «Bourgs ou de Saint-Brice, celui du
:

Bruille, et celui de « Saint-Jean-des-Chaufours, Allain


et War-
chin ». Ce dernier fut supprimé
en 1289; celui du Bruille se
fusionna avec celui de Saint-Brice
en 1370 (3). Tous recevaient
des contrats.
En dehors de ces échevins permanents,
on en instituait
parfois d'autres à l'occasion de circonstances particulières, tels
«les esquievins de le feste qui avaient à Ypres la juridiction
»
sur le marché pendant la durée de la foire (4). Mais ils semblent

(1) Emile PRUD'HOMME. Les échevins '-


et leurs actes dans la Province de Hainaut.
Mons 1891, p. 3.
(2) Eug. DEFACQZ. Ancien droit Belgique.
Bruxelles 1873.
( ) Leo VERRIEST. Les devises
des chartes parties des greffes 3cabinattx de
Tournai, dans Bulletin de la Commission Royale
d'Histoire de Belgique. 1906.
T. LXXV, p. 3.
(4) DES MAREZ. La lettre de foire, -
p. 19.
avoir eu plutôt des pouvoirs de police et ne pas s'être immiscés
dans la réception des contrats (1).
A chacune de ces justices est attaché un officier délégué du
souverain qui porte les noms les plus divers : aman (à Zuytkote,
Ardres, Bruxelles) (2). Il ne faut pas confondre ces fonctionnaires
avec les individus portant le même nom, véritables notaires
municipaux qui, à l'fetz, seront spécialement chargés de la
mission d'authentifier les actes (3). Ecoutette : ce nom est parfois
donné à un fonctionnaire qui semble avoir des attributions
temporaires et essentiellement administratives : l'écoutète du
marché du temple (4) ; mayeur ou maire : (il ne s'agit évidemment
pas alors du président du corps municipal) ; burgh-grave à
Cassel ; tdvoué à Arras ; drossart (en Flandre) ou plus communé-
ment prévot, bailli ou châtelain. L'existence d'un fonctionnaire
agent du prince, adjoint au corps de ville paraît être une règle
générale et bien ancienne. A Amiens, avant l'octroi de la charte
de Philippe-Auguste, nous voyons une donation de 1186, faite
par un bourgeois à une abbaye, passée devant le maire, le prévôt
net omnibus scabinis, et omnibus ad justitiam regis pertinenti-

(1) Mais s'il est évident que plusieurs collèges d'échevins subsitèrent concur-
remment dans la même ville, il ne faut cependant pas généraliser cette consta-
tation et vouloir établir entre eux des cloisons trop étanches. C'est ainsi qu'à
Ga.., les échevins de la Keure et ceux des Parchons faisaient partie du même
corps municipal. Cf. MONIER. Lex institutions judiciaires des villes de Flandre.
Thèse Lille 1924, pp. 155, 156.
Et les « eschevins de la fleste ,) sont aussi pris parmi ceux de la ville oit
se
tient la foire. Cf. Simone POIGNANT. La foire de Lille. Lille 1932, 140. sic. MONIER.
p.
Op. cit., p. 196.
(2) Du latin amanuensis : scribe, secrétaire,
ou de l'allemand amt, bureau,
charge, office, et man, homme.
(3) Cf. infra. Chap. IX, § II, p. 8J.
(4) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 74.
bus »
(1). Parfois ces magistrats, dont le rôle sera plus important
pour l'accomplissement des formalités dites devoirs de loy,
partagent avec les échevins le droit de recevoir les conventions
des particuliers. C'est ainsi que d'après les statuts de la ville
impériale de Colmar de l'an 1294 (art. 44) lorsqu'un père voulait
disposer de sa succession en faveur de ses enfants ou de ses
héritiers, c'était devant le prévôt (Vogt) ou devant le magistrat
qu'il devait le faire. De même les anciens statuts de la ville
impériale de Haguenau disposaient que les ventes seraient
passées devant un échevin,ou devant le Staetsmeister, assisté d'un
greffier (2). Les coutumes sont presque unanimes sur ce point.
Il est vrai que c'est fréquemment en raison de l'obligation de
procéder à la formalité de la dessaisine-saisine pour laquelle le
représentant du seigneur est seul compétent. Mais nous possédons
aussi au sujet de la réception des actes, des textes qui ne laissent
aucun doute en ce qui concerne du moins les mutations immo-
bilières : « Et se passent les contractz et vendicions des héritages
scituez en la ville et terroir de Brestel tenus d'icelle seigneurie,
pardevant ledit bailly ou son lieutenant en la présence de deux
desdits eschevins touteffois que requis en sont » (3). « Que toutes
ventes et achatz de maisons, héritaiges et rentes cotières scituées
et assizes dedens la ville et eschevinaige d'Ardre, se recognoissent
et passent par les contractans pardevant lesdis bailly h-esche-
vins » (4). Par ailleurs, « dans plusieurs communes, l'un des
magistrats délégués à la réception des contrats y est désigné
comme représentant le seigneur dont l'assentiment était néces-
saire aux mutations de propriété. Dans un grand nombre, l'un

(1) Aug. THIERRY. Op. cit., t. 1er, p. 104.


(2) LOBSTEIK. Op. cit., pp. 4 et 5.
(3) BOUTlIons. I., p. 84. Coutume de Brestel-les-Doullens, art. IER.

(4) BOUTHORS. II, p. 673. Coutume d'Ardres, art. 37.


d'eux figure comme représentant la juridiction municipale,
comme justice » (1). On conçoit qu'en raison de la limitation que
la prévôté apportait ainsi à la juridiction échevinale, les villes
aient fréquemment cherché et réussi à unir à leur juridiction
traditionnelle les attributs de la justice royale du premier degré.
Mais il est curieux de remarquer avec quelle insistance on établit
la séparation entre les deux justices alors réunies. A Amiens,
les actes d'affermage de la prévôté de 1556 et 1558 comme tous
les suivants et les ordonnances de 1586, interdisent au greffe de
la prévôté « de vaquer ne besongnér aux inventaires des biens,
lettres et titres des défunts de la ville et banlieue,à la confection
d'aucuns procès criminels, de recevoir ni tenir registre des
tutelles et curatelles, des inscriptions de maistres et d'apprentis,
des congés donnés par M. M. », tous actes qualifiés dangers de
prévoté (2). On rencontrait encore à la tête de certains conseils
urbains, un magistrat appelé reward ou rewars (Lille, Ypres),
sorte d'avoué de la ville. Mais, à Ypres notamment, en raison
du concours qu'il apporte à la juridiction gracieuse des échevins,
il a plutôt le caractère d'un auxiliaire .En effet, il lui arrive de
servir de mandataire devant les échevins et d'y représenter le
débiteur en procédant par record (3).
r
Il est dailleurs parfois assez difficile d'établir la distinction
entre un simple auxiliaire de la justice et le véritable magistrat.
Probablement en vertu d'un empiètement de pouvoir dont nous
retrouvons à l'époque bien des exemples dans d'autres ordres
d'idées, mais qui en l'espèce est cependant exceptionnel, le

(1) GIRY. Manuel de Diplomatique. Paris 1894, p. 852.


(2) Archives de la Ville d'Amiens. B. B. XXXI, 45, 20 janvier 1557 et Ed.
AI---,uGis. Les transformations du régime politique et social de la ville CFAmiens.
Thèse de lettres. Paris 1906, p. 301.
(3) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 20.
greffier de l'échevinage paraît avoir parfois le .droit de recevoir
seul les contrats. Ce cas était prévu dans les statuts de Haguenau
déjà cités (1). C'est devant le greffier, Schœffensçhreiber, assisté
de deux témoins que devaient être passées les donations. A
Provins, nous trouvons un autre adjoint de l'échevinage dont
la compétence paraît également exorbitante : le logier,
dont les attributions, qui durent être importantes, sont peu
connues ; il lui arrive de recevoir seul les contrats. Il faut
ajouter qu'il était parfois échevin, ce qui justifierait en partie
sa compétence (2). En règle générale l'assistance du greffier à la
réception des contrats est recommandée, et fréquemment avec
une insistance telle que l'on peut se demander si elle n'était pas
indispensable. Sa présence était aussi nécessaire à Luxembourg
qu'à Haguenau pour les contrats de vente : la coutûme prévoit
le cas où les échevins ont fortuitement instrumenté en l'absence
du clerc. Le contrat doit alors être reporté au plus tôt sur son
registre (3). Il est vrai que l'on peut expliquer cette dernière
prescription par les essais d'organisation cadastrale qui avaient
été faits dans ces villes et qui nécessitaient que le fonctionnaire
chargé de la tenue des registres, soit mis au courant des mutations.
Dans tous les cas où le clerc de la ville paraît ainsi agir seul ou
presque seul, on peut le comparer aux notaires municipaux,
agissant en vertu d'une délégation de l'échevinage (4).

(1) Supra, p. 36. Il faut reconnaître d'ailleurs que cet exemple est un peu
spécial : l'Alsace étant pays de droit écrit, la juridiction gracieuse fut fréquem-
y
ment déléguée par le magistrat, comme dans le Midi.
(2) F. BOURQUELOT. Notice sur le manuscrit intitulé Cartulaire de la Ville de
Provins, xine, xive siècles, dans Bibliothèque de l'École des Chartes XVIIe
année, p. 236.
(3) BOURDOT DE RICHEBOURG. T. II, p. 345. Coutume de Luxembourg, titre V,
(4) Sur les notaires municipaux. Cf. infra, chap. XI,
p. 82.
Mais si les pouvoirs dont nous avons vu revêtus certains
clercs sont exceptionnels, on ne peut cependant concevoir
d'échevinage sans clercs, tout au moins, lorsque les contrats se
passèrent par écrit. On sait qu'il n'en fut pas ainsi à l'origine
de l'institution. Ensuite, pendant une certaine période, les parties
semblent avoir rédigé elles-mêmes leurs actes. Il en fut ainsi à
Ypres jusqu'en 1293 (1). Mais comme la connaissance de l'écri-
ture était peu répandue, elles durent plus souvent avoir recours
à des écrivains publics. A"Gand, il y en avait un certain nombre
dont les baraques étaient alignées en face de la maison échevi.-
nale (2). Ce procédé fut cependant peu courant et de courte
durée. Partout, nous voyons établis un ou plusieurs clercs de la
ville, véritables greffiers de mairie. Leur nombre était variable
suivant l'importance de la charge. Ils pouvaient avoir eux-
mêmes des commis sous leurs ordres. Ils étaient parfois spécialisés.
C'est ainsi qu'à Lille où il y avait trois clercs, le premier qui avait
seul le profit des inventaires et des ventes était probablement
aussi le seul à dresser les actes privés (3).
Ces modestes clercs, ont peut-être eu sur la conservation des
traditions, une influence que l'on ne soupçonne pas. Ils étaient
l'élément stable, dans le conseil de ville, fréquemment renouvelé.
Assistant aux plaids et aux conseils secrets de la ville, leur
expérience devait leur conférer une certaine autorité. Ils avaient
souvent voix consultative dans les assemblées (4).
Enfin, notons cette particularité curieuse que les clercs
accompagnaient parfois dans leurs pérégrinations, les marchands

(1) Des MAREZ. Le droit privé à Ypres au XIIIe siècle. Braine-l'Alleud. 1927.
(2) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 13.
(3) Le LIVRE ROISIN. Coutumier Lillois. Edition Brun-Lavainne. Appointement
louchant les clercs (début du xve siècle), p. 52.
(4) Sur le clerc municipal. Cf.. MONIER. Op. cit., p. 178.
f
de leur ville. On en a des exemples pour les cités commerçantes
de Lille et Douai. Ils allaient ainsi aux foires de Champagne
et rédigeaient séance tenante les conventions que les échevins
auraient à authentifier au retour (1). Lorsque le droit devint
plus complexe, il nécessita de la part des magistrats urbains,
de sérieuses connaissances juridiques. L'exercice de leur pro-
fession ne les avait pas préparés à ce rôle de juge ; leur temps
d'échevinage, toujours très court, n'avait pu leur faire acquérir
l'expérience nécessaire. On sentit dans chaque cité le besoin de
recourir à des jurisconsultes. Ces spécialistes, dont certains
d'ailleurs laissèrent un nom dans ia science du droit formaient
le « conseil de ville )).-A leur entrée en charge ils faisaient serment
de conseiller loyalement les échevins et de défendre les droits
de la ville. Ils avaient rang de simples auxiliaires. Leur rôle ne
demeura cependant pas purement consultatif et devint vite
très important. C'était eux qui en réalité décidaient des affaires
de la cité. On ne les voit toutefois jamais figurer dans les actes
privés.
A côté d'eux, nous ne citerons que pour ordre une quantité de
fonctionnaires de la ville qui n'ont que des rapports lointains
avec l'objet de notre étude. A Provins, sans parler du logier, on
trouve le clerc du maïeur et aussi le clerc de la loge, ou clerc de
la ville, d'attributions principalement financières (2). Le rôle
des receveurs municipaux modernes, était cependant plus fré-
quemment rempli par un fonctionnaire nommé argentier ou
trésorier (3). Enfin, les agents d'exécution, analogues à nos
huissiers modernes, portaient le nom de « sergeants à masse ».

(1) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 16.


(2) BOURQUELOT. Op. cit., p. 236.
(3) LUCIIAIRE. Op. cit., p. 163.
Les contrats, passés à l'origine devant tous les membres de la
commune, le sont donc ensuite devant les échevins seuls, ce qui
constitue déjà un perfectionnement de l'institution. « Pendant
longtemps, la série entière des échevins est énumérée au bas
fies actes reçus par l'échevinage et cela persiste dans certaines
villes pendant toute la durée du XIIIe siècle et même au delà (1).
A Saint-Omer, pendant les XIIe et XIIIe siècles, les deux mayeurs
et dix-sept ou- treize échevins sont présents aux contrats (2).
A Douai on voit parfois des actes portant le nom d'un certain
nombre d'échevins suivi de la mention « et leurs compaignons ».
Des actes sont parfois dits « reçus par nous » sans que l'on sache
si tous les membres de l'échevinage ont réellement assisté à leur
passation (3). La réception des contrats par tous les échevins
ne nous paraît cependant pas être une règle générale ni surtout
définitive. Nous connaissons des actes, authentifiés, à Amiens
dès avant la charte de Philippe-Auguste, plus tard à Provins
et à Pont-Audemer par le maire, sans l'adjonction d'aucun
autre membre du magistrat. Cette constatation, d'autant plus
surprenante que l'on sait que le maire ne possédait aucune
prérogative spéciale "sur les autres membres de l'échevinage, va-
t-elle nous empêcher de poser un principe à ce sujet ? En fait,
la grande diversité suivant les coutumes, quant au nombre des
échevins requis pour passer un acte a parfois fait dire qu'en
cette matière il n'y avait pas de règle fixe (4). Ceci est probable-
ment vrai pour le début. de l'institution. Mais nous croyons

(1) GIRY. Manuel de diplomatique. Loc. cit.


(2) GIRY. Saint-Omer. Loc. cit.
(3) ESPINAS. Op. cit., p. 539.
(4) TESTAUD. Op. cit., p. 90, d'après BOURQUELOT (op. cit.). Mais nous avons
déjà remarqué dans le cartulaire de Provins les particularités les plus extraordi-
naires qui nous interdisent d'en tirer une règle générale.
pourtant que sauf exceptions causées par l'importance parti-
culière du contrat, le nombre des échevins requis pour la régu-
larisation de l'acte est de deux. C'est à notre avis tout à fait
exceptionnellement qu'un seul échevin est nécessaire à Hague-
nau. Il ne faut pas oublier en effet que nos échevins sont surtout
des témoins et le peu de considération dont jouit le testis
LinLiS. Le
texte du serment prononcé par les échevins de Noyon à leur
entrée en charge qui vise non seulement l'authentification des
actes, mais l'exercice tout entier de la fonction échevinale
nous paraît avoir à cause de cette portée générale un intérêt
tout particulier. « Et se on vient à vous à conseil pour
cause de
1 esquevignage, vous ne conseillerés, que vous ne soiés trois
ou
deux ensamble » (1). Le nombre de deux est
en effet celui qui est
donné le plus généralement par les coutumiers (2). Ce nombre
n est modifié que pour la réception d'actes qui semblent parti-
culièrement importants et notamment les mutations d'immeubles
et rentes foncières. Il faut alors à Valenciennes le
mayeur ou
sous-mayeur et quatre échevins ; cinq à Calais, à Ricquebourg-
Saint-Waast et en principe à Ypres sept même
; pour les actes
importants à Saint-Omer et pour les ventes
par décret au Pays
de 1 Allœu. Remarquons
au passage, que les donations et
testaments, entourés dans notre droit de formes multiples,
comme étant des actes solennels, ne semblent jamais nécessiter
que la présence de deux échevins. Mais lorsque des actes ainsi
reçus par deux échevins devaient être « recordés il en fallait
»,
un plus grand nombre ; même généralement cette formalité
devait être accomplie devant tout le conseil urbain.

(1) LEFRANC. Histoire de la Ville de Noyon.


Paris 1887, p. 88. Il est curieux
de retrouver cette expression: «deux
ou. trois dans la charte communale
>
d'Abbeville (art. 30) du 15 janvier 1184 (Aug. THIERRY,
IV. r). 28).
(2) Arras, Cambrai, Douai, Doullens, La
Gorgue, Luxembourg, Orchies,
Rouen, etc...
Il fallait donc deux échevins « pour nombre compétent »
disent les coutumiers. Il est probable que dans les premiers
temps où cette règle fut posée, tous les échevins exerçaient
deux à deux au hasard des circonstances, la juridiction gracieuse.
Peut-être dès le début, établit-on en certaines villes un tour de
roulement entre les échevins. Quoiqu'il en soit, nous assistons
bientêt à une nouvelle spécialisation de la fonction et la réforme
offre un certain caractère de généralité. Désormais les échevins
seront répartis en commissions dont seuls les membres seront
compétents à l'exclusion de leurs collègues. C'est au xve siècle
que cette institution s'établit à Ypres. Ailleurs, elle sera plus
tardive. Nous possédons en ce qui concerne la ville d'Amiens,
des documents qui expriment nettement les raisons qui y ont
poussé (1). « Ce fut seulement au xvie siècle et sous l'empire des
mêmes habitudes de relâchement, auxquelles venait encore
s'ajouter l'espèce de discrédit on commençait à tomber les

(1) Archives municipales, BB. XXXI, 159. « Ordonnance de passer vendicions


pardevant les 'eschevins délégués aux plaids. Pour ce qu'il s'est trouvé que par le
passé, l'on a passé et recongnu pardevant aucuns eschevins marchans, ne sachant
bonnement la practique ni accoustumée d'aucune vendicion ou de donation de
maisons, jardins et tenements et quelques constitutions de rente, esquelles bien
souvent les cens, rentes et autres charges dont sont chargés les maisons, jardins
et ténements, sont renvoyés aux lettres passées pardevant notaires royaux,
d'icelles vendicions, donations et autres constitutions de rente ; et aussi là où il
falloit droicts seigneuriaux à ladite ville, à cause d'icelles vendicions, donations
ou constitutions, que la saisine avoit été bailliée sans payer droicts par simplesse
desdits eschevins et la subtilité et surprise de plusieurs procureurs, recognoissant
lesdictes lettres ; a esté dict et ordonné audit eschevinage que toutes vendicions,
donations, constitutions de rente et baux à cens ne se receverront, ne passeront
que pardevant les eschevins commis à tenir les plaids et au bureau de la Cham-
bre du Conseil. Lesquels contracts, par avant ce faire seront registres, et en ilceux
seront mises et déclairées les charges cens et rentes, et la subjection de l'insinuation
suivant les édicts royal lequel eschevins sera tenu signer ledit registre, et enjoint
au greffier de advertir ses clercs de ce que dessus. Du jeudy 3e jour de novembre
1558 ».
échevins non praticiens, que furent instituées les commissions
spéciales d'échevins délégués à l'exercice de la justice. L'inno-
vation d'abord exceptionnelle, devint régulière à dater du 29 oc-
tobre 1538 (1). Onze échevins sont désignés « Pour tenir les
plaids ordinaires et sommiers » (2). Ce chiffre n'infirme d'ailleurs
en rien le principe que nous avons posé précédemment : il
suffira toujours de deux échevins pour authentifier les contrats,
mais ils devront être pris dans la commission compétente.
A Arras, Wignacourt (3) en 1608, indique que de son temps les
commissions étaient tirées au sort. Il déplore ce mode de nomi-
nation défectueux et regrette le système antérieurement
appliqué qui consistait en une élection.
En principe et sauf l'exception que nous signalerons ci-après (4)
le temps pendant lequel les magistrats municipauxétaient revêtus
du pouvoir d'authentifier, était égal à la durée des fonctions
échevinales, c'est-à-dire généralement d'une année. Cela était
normal, dès lors que fut dégagé le principe que ce pouvoir était
le monopole des seuls échevins. Mais si en quittant leurs charges,
ils perdaient la faculté pe recevoir les actes, ils n'en devaient
pas moins pendant un certain temps apporter leur témoignage
à leurs concitoyens pour les conventions dont ils avaient eu
connaissance pendant l'exercice de leurs fonctions. Ce cas est
prévu dans les Établissements de Rouen (art. 22) : « Si lorsqu'ils
(les échevins) auront achevé leur année d'échevinage et qu'ils
auront été déposés, il y a contestation au sujet de dette, de prêt,
de contrat ou de quelque autre acte fait pardevant eux, cette

(1) MAUGIS. Op. cit., p. 306.


(2) Archives d'Amiens. B. B. XXIII, 80, du 5 novembre 1538.
(3) Op. cit., p. 34.
(4) Pour les jurés du Cattel. Cf. Infra, p. 49.
contestation sera terminée par leur serment » (1). La loi de
Beaumont restreint la durée de ce témoignage à un an. « Li
bourgeois qui juré aura (été) né polra porter tesmoignage des
jurés dé toutes les choses qu'il aura oyé et veues, fors par un an
et jour outre son termine » (2). Les coutumes de Valenciennes,
donnent un délai de six ans à compter du jour de. la convention,
et précisent qu'il est nécessaire, pour donner toute validité à
ce témoignage, que les échevins « en tel nombre qu'ils auront esté,
fut deux ou trois ou plusieurs, seroient restably audit estat
d'eschevins si alors ne Festoient » (3),
Aucun texte ne nous précise si les échevins étaient tenus
d'apporter leur concours à leurs concitoyens désireux de con-
tracter. On sait qu'aujourd'hui, les notaires ne peuvent se refuser
à recevoir un acte, pourvu qu'il ne soit contraire, ni à la loi, ni
aux bonnes mœurs. Certains auteurs paraissent bien considérer
qu'il en était de même pour les échevins (4). Nous n'oserions
soutenir nettement cette affirmation qui est cependant plausible
par analogie avec l'obligation pour les échevins de remplir les
fonctions auxquelles les avaient désignés les suffrages de leurs
concitoyens. Les seuls textes explicites à ce sujet concernent
des étrangers à la cité, et semblent plutôt constituer un privilège
en leur faveur : tel le privilège des marchands de La Rochelle,

(1) GIRY. Rouen, p. 235.


(2) BONVALO^. Beaumont, p. 114, § XXVIII.
(3) BOURDOT DE RICHEBOURG. Valenciennes. Coutume de 1540. CLXII,
t. II. Peut-être pourrait-on rapprocher de ces textes celui de la charte d'Eu,
qui confirme la régularité de tout ce dont témoignent les échevins « sive ipsi
scabini, in proferendo testimonium, in sua scabinitate manserint, sive ab ea
jam remoti fucrint ». Supra, p. 24.
(4) MOSSMANN. Recherches sur la constitution de la commune à Colmar. Co]mar
1878, p. 121.
Niort et Saint-Jean à Gravelines du mois de juin 1262 (1) : « On
doit savoir que li eskevin de Gravelinghes doivent oïr les chartes,
les cyrographes et les conoissances des dettes as marcheans, à
toutes les fois qu'il en seroit requis des marcheans ou de lor
cornant ». Encore cette expression obligatoire se comprend-elle,
le concours des échevins en cette circonstance ne devant pas
être remunéré. La coutume d'Aubigny, en son article 33 (2)
indique que « les échevins sont tenus de faire et servir en toute
dessaisine et saisine ». L'article 18 au contraire (3) dit simple-
ment qu'ils ont « les droits des werps... et d'enhuysser (mettre en
huche) les lettres ». Seule peut-être la coûtume de Valenciennes
exprime nettement l'obligation des échevins (4). En réalité, ce
mode de contracter étant fréquemment obligatoire pour les
bourgeois, il est probable que les échevins se trouvaient alors
dans l'impossibilité de refuser leur concours. D'autre part, les
profits non négligeables qu'ils en tiraient devaient pratiquement,
ôter tout intérêt à la question.
Si l'on compare le rôle des échevins à celui des notaires actuels,
une autre question se pose : celle de savoir si les magistrats
étaient responsables des fautes qu'ils pouvaient commettre
dans l'exercice de leurs fonctions. Il ne le semble pas. Ils faisaient
partie du corps de ville, et c'est cette juridiction toute entière
qui eût pû être mise .en cause par la défaillance de l'un de ses
membres. C'était un recours trop grave pour qu'on en admit
l'usage. Pour les échevins eux-mêmes, nous avons un texte
particulier qui indique bien leur indépendance à cet égard. « De
toutes les chozes que li esquevin l'évesque jugeront pour justice

(1) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 13.


(2) BOUTHORS. II, p. 300.
(3) BOUTHORS. II, p. 298.
(4) BOURDOT DE RICHEBOliRG, II, p. 230. Coutume de 1540, ch. LV.
faire par droit et par loy, ils n'en pueent ne doivent estre repris
coupable en nulle justice » (1). Nous croyons pouvoir donner à
cette prescription une portée générale, d'autant plus qu'en
procédant à l'authentification des actes, les échevins rendaient
à leurs concitoyens un service véritable et apprécié encore que
rémunéré, plutôt qu'ils n'exerçaient une occupation à but
principalement lucratif. On ne pouvait d'ailleurs être plus
rigoureux pour eux, qu'on ne l'était pour les notaires de l'ancien
droit qui n'étaient responsables qu'au cas de nullité de leurs
actes et seulement par suite de dol ou de faute lourde (2). Leur
négligence et leur impéritie n'étaient pas réprimés. Ce vice de
l'institution, deviendra d'ailleurs de plus en plus apparent et
intolérable.

Nous avons vu que parfois, existaient plusieurs échevinages


concurrents, les uns municipaux, les autres féodaux (3). Sur les
bords de la Meuse les premiers prirent généralement le nom de
jurés (jurati ou vere jurati). Eux seuls étaient comme leur nom
l'indique, les « vrais jurés », les représentants des bourgeois.
Etait-ce le cas des échevins de Tournai qui portaient ce nom ?
Il ne semble pas. Nous avons déjà signalé en cette ville l'exis-
tence de quatre échevinages distincts (4). Les voirs-jurés, cons-
tituaient un cinquième organisme analogue dont les attributions
sont assez obscures, encore qu'ils semblent avoir été spéciale-
ment chargés de la confection des reconnaissances de dettes (5).
Nous nous trouverions donc en présence d'échevins spécialement
créés en vue de l'exercice de la juridiction gracieuse, principa-

(1) Lex GODEFRIDI (1227) (Cambrai). MEIJERS et DE BLÉCOURT, op. cit., p. 16.
(2) FERRIÈRE. Le parfait notaire. L.
I, chap. 17, I., p. 78.
(3) Supra, chap. III, p. 24 et chap. IV, pp. 33 et -34.
(4) Supra, p. 34.
(5) VERRIEST. Op. cit., p. 3.
1

lement en matière commerciale (1). Cette institution, qui n'exis-


tait d'ailleurs pas dans toutes les paroisses était très ancienne
puisqu'une décision des consistoires de Tournai de 1290 étend
déjà sa juridiction. Sa compétence est assez difficile à déterminer
d'après les nombreux actes qui en émanent. Un document de
septembre 1309 nous donne à ce sujet quelques renseignements.
Une condition indispensable pour utiliser le voir-juré, paraît
avoir été que le contractant soit bourgeois de Tournai. Il fallait
encore qu'il soit de la paroisse du magistrat ou en quelque ma-
nière personnellement connu de lui. Cette dernière condition
ne jette-t-elle pas sur l'institution un jour particulier ? Il semble
qu'en raison de la connaissance personnelle qu'il a du contrac-
tant auquel il prête son concours, le voir-juré puisse se permettre
de délaisser les formes et en conséquence les lenteurs et les frais
inhérents à une autre organisation. Si les voirs-jurés ne sont pas
comme leurs homonymes de la vallée de la Meuse les véritables
magistrats municipaux, ils durent être une création de commer-
çants désireux de hâter et de simplifier les transactions. Une
telle juridiction n'était pas sans danger. Aussi comprend-on
qu'on interdise aux voirs-jurés de recevoir les contrats des
inconnus, comme aussi des femmes sans procuration de leurs
maris et des enfants non mariés, sauf lorsque ces derniers agis-
saient pour le profit de leurs parents ou qu'ils étaient eux-
mêmes marchands. Probablement pour la même raison les
nobles, jusqu'au XIIIC siècle s'abstiennent de contracter devant
eux, et ce n'est que le 24 novembre 1340, qu'un consistoire leur
donnera la compétence nécessaire pour recevoir les actes des
clercs. Le voir-juré ne procédait pas seul : pour recevoir les con-
trats qui consistaient, non seulement en reconnaissances de

(1) Cf. A. DE LA GRANGE. Les voirs-jurés, dans Bulletin de la Sté -Irist. et Litt.
de Tournai, t. XXV, p. 62.
-
dettes, mais encore en deshéritements, donations, constitutions
d'hypothèque et partages, il était assisté d'un laïc servant de
témoin. Le greffe des voirs-jurés disparut en 1367.
Toujours à Tournai, aurait existé un système particulier d'au-
thentification et même un échevin spécialement affecté à cette
fonction, « On combina d'une manière curieuse l'ancien chiro-
graphe avec l'acte notarié ; l'acte reçu par le « tabellion garde-
nottes héréditaire de la ville et cité » créé après la conquête de
la ville par Louis XIV en 1667, fut présenté par les parties aux
Maïeur et échevins, vidimé par eux en deux exemplaires disposes
en forme de charte-partie, qui reçurent pour devise commune
le nom de l'échevin à ce délégué, désigné sous le nom « d'échevin
souscrit » (1). Verriest s'élève contre cette assertion (2). Les
actes des notaires de Tournai n'ont rien de particulier en la
forme. L'échevin souscrit n'a jamais existé. L'erreur commise
par Giry est cependant explicable en raison de l'enchevêtrement,
qui était d'ailleurs loin d'être spécial à Tournai, de la compé-
tence en matière gracieuse, des notaires procédant suivant leur
mode habituel, et des échevins, fidèles, eux aussi, à leurs formes
traditionnelles (3).
Enfin, on trouve à Valenciennes une autre catégorie d'éche-
vins spécialement chargés de la juridiction gracieuse, mais avec
une compétence légèrement plus restreinte que celle des échevins
proprement dits : ce sont les jurés de catel. « Les échevins durant
leur temps d'eschevinage peuvent recevoir tous contrats et
conventions mobiliaires, et aussi après leurdit eschevinage
expiré, demeurent le parfait de leur vie jurez de cattel, et en

(1) GIRY. Manuel, p. 853.


(2) Op. cit., p. 11.
(3) Cf. infra, chap. IX, p. 85.
cette qualité peuvent recevoir et passer tous contrats et reco-
gnoissances, mobiliaires seulement, pouTveu qu'il y ait deux
jurez du moins à ce fairè » (1). C'était donc d'anciens échevins
qui étaient revêtus à vie de ce titre. Il leur permettait de recevoir
tous contrats et conventions, mais mobiliers seulement. Cette
restriction ne leur laissait pas moins un assez vaste champ
d'opérations. Les transactions mobilières devaient en effet être
fréquentes dans cette ville commerçante ; d'autre part, sans que
nous puissions certifier qu'il en était ainsi à Valenciennes, on
sait que fréquemment dans notre ancien droit, les contrats
relatifs aux maisons n'étaient pas considérés comme de
nature immobilière. Les magistrats pouvaient en tout cas rece-
voir les ravestissements par lettres (donations entre époux).
Le fait d'authentifier un tel acte, aussi fréquent et aussi impor-
tant, portant sur l'universalité des biens des contractants, indique
bien l'étendue de leur rôle. Ils semblent avoir eu aussi à paraître
en cas de saisie mobilière (2). Sans doute comptait-on sur leur
pondération et leur expérience de vieux praticiens pour tem-
pérer ce qu'une telle exécution pouvait avoir de rigoureux.

(1) BOURDOT DE RICHEBOURG. Coutumes de Valenciennes. II, p. 230. Cet


article forme le § LVII de la Coutume de 1540 et se retrouve sous le chapitre Ilr
de la rédaction de 1619 (p. 242).
(2) BOURDOT DE RICHEBOURG. II, p. 246. Yaleiicieimes. Coutume de 1619,
chap. IX.
-
CHAPITRE V.

Siège de la juridiction

On sait que le conseil urbain tenait ses assises en un lieu qui


portait généralement le nom de « halle » par analogie avec le
marché qui s'y tenait parfois, sorte de maison commune, souvent
couronnée du beffroi, où se trouvaient réunis, en même temps
que tous les attributs de sa puissance (cloches, prisons, etc.), les
divers organismes administratifs et judiciaires. Dans les villes
qui avaient été directement revêtues des pouvoirs des seigneurs
qu'elles avaient dépossédé, il prit simplement sa place. C'est
ainsi qu'à Amiens, c'est dans l'ancien «mâl» germanique (1)
tribunal du comte, que l'échevinage s'établit. Ce n'est que lors
de l'institution du bailliage qu'il fut transféré dans un autre
immeuble pour abandonner la place à la nouvelle juridiction.
Mais en règle générale, c'est un bâtiment spécialement édifié à
cet effet qui servait de siège à l'échevinage. C'est donc làsemble-
t-il que devaient se rendre les individus désireux de contracter
devant la juridiction urbaine. Il est évidemment audacieux
d'indiquer sur ce point une règle générale. Suivant les lieux,
les usages différaient. On peut cependant croire que l'institution
à cet égard est passée à peu près partout par les mêmes phases.
Le petit nombre de documents qui précisent l'endroit où ils
furent rédigés, nous permet de prétendre que le lieu où les éche-
vins procédaient à la réception des contrats ne fut pas rigoureu-
sement déterminé à l'origine. Bien qu'à Douai, dès 1205, un acte

(1) Bâtiment situé dans une rue portant encore aujourd'hui le nom de
« Malmaison ».
fasse allusion à la Halle, et qu'en 1212 nous puissions avoir
pour
un autre, la certitude qu 'il y a été réellement passé, nous voyons
encore en 1224 (1225) un acte reçu à un carrefour, et un autre
dans une église (1). Dans le dernier cas, il y a d'ailleurs lieu d'ajou-
ter qu'il s'agissait d'un acte à caractère religieux. Il n'y là
a
rien de surprenant. Les échevins pouvaient user de leur pouvoir
en n'importe quelle circonstance, comme peuvent encore de nos
jours faire les notaires. Il leur était loisible, dès lors qu'ils
se
trouvaient en nombre requis, de adresser au hasard de leurs
ren-
contres dans les rues de la cité, les contrats pour lesquels
on
faisait appel à eux. Il est donc compréhensible
que des actes
aient été à l 'origine, authentifiés par les échevins dans les endroits
les plus divers. Plus tard, lorsque l'on répartit la tâche entre les
échevins, il. arriva que l'on divisât la ville
en quartiers plus spé-
cialement affectés à certains d'entre eux. Ils devaient rendre
se
en un carrefour ou lieu central quelconque de ce quartier, pour
y être plus à la portée de ceux qui désiraient avoir recours à eux.
Il était alors tout naturel qu'ils choisissent
pour ce faire les di-
verses églises paroissiales. C'est ainsi qu'à Saint-Quentin les
«
échevins étaient distribués par détroit (quartier) dans la ville,
« »
afin d 'y pouvoir plus facilement recevoir les chirographes, et
y faire les autres actes de leur charge ; d'où vient qu'en plusieurs
chirographes, on voit tantôt les échevins du détroit de l'àtre (2)
de Notre-Dame, tantôt du détroit de l'âtre de Sainte-Pécinne, j
et ainsi des autres Y) (3). En matière de juridiction gracieuse,
on
peut donc dire que les échevins affectionnèrent particulièrement
les églises, ou leur proximité immédiate
— sans doute en raison
du caractère sacré dont elles étaient revêtues
et qui contribuait
I
(1) ESPINAS. OP. CIT., P. 536.
(2) ATRIUM : cour, pourtour de l'église. 1
I
-
(3) Quentin DE LA FONS. HISTOIRE de SAINT-QUENTIN. J
T. II.
à imprimer à l'acte un sens religieux et particulièrement solennel,
dès que le nombre important de contrats qu'ils eurent à authen-

tifier les obligea à se fixer habituellement en certains lieux.
A Ypres, des actes sont reçus « el mostier Saint-Martin » (1).
« Le 9
juillet 1270, Bauduin Meus part en pèlerinage. Il recon-
nâit « el Moustier Saint-Martin d'Ypre, pardevant lautel, la u
il prist eskerpe et bourdon, que il devoit à Lambert le- Ract
bourgois d'Ypre » une certaine créance. De même à Pont-
Audemer depuis le XIIIe siècle, on trouve des actes passés en
pleine paroisse « coram parrochia » (2). En agissant ainsi, il est
probable que les échevins ne faisaient qu'imiter l'exemple de
l'évêque et des autres ecclésiastiques qui recevaient des contrats ;
ils prenaient la place de l'official qui avait dû avant eux, instru-
menter aux abords ou même dans les édifices consacrés au culte.
Cet usage se maintint longtemps pour les actes affectant un sens
religieux, tels que les donations pieuses, ou simplement ceux
concernant des ecclésiastiques qui pour une raison quelconque
utilisaient la juridiction échevinale. C'est ainsi que le 27 décembre
1450, «à heure de vespres cantées » deux religieux, exécuteurs
testamentaires d'une défunte, procèdent en l'Eglise_ Saint-
Jacques d'Amiens, à l'adjudication à la chandelle d'un immeuble
légué par cette défunte à l'abbaye de Saint-Jean (3). Cette pra-
tique fut tellement généralisée et entraîna de tels abus, qu'une
ordonnance du Parlement de Paris du 22 janvier 1550, d'ailleurs
point toujours observée, interdit de traiter à l'avenir des affaires
dans les églises (4). On recevait aussi des actes dans les cimetières
pour lesquels nos aïeux ne professaient pas le respect que nous
portons aujourd.'hui. C'était au contraire des lieux au centre

(1) DES MAREZ. La lettre de foire. pp. 14 et 58.


(2) YVER. Op. cit., p. 236.
(3) Archives d'Amiens, F. F. III, 16.
(4) GIRARD. Des Offices. 1638. Livre III, additions. T. II, p. 1915.
des villes, souvent témoins des manifestations des vivants, où
l'on avait l'habitude de se rencontrer et où l'on se comportait
comme de nos jours dans les promenades publiques. « Le voisi-
nage des morts semble avoir imprimé un caractère plus auguste
aux actes publics. Du moins trouve-t-on à Colmar, des notaires
instrumentant « au cimetière à la droite de l'Eglise de Saint-
Martin » (1).
Il arrivait aussi que l'on reçoive des contrats au domicile des
particuliers, soit que leur notabilité, soit qu'un empêchement
physique quelconque, nécessitât le dérangement des magistrats.
Il pouvait alors se poser des questions de compétence- délicates,
si la juridiction échevinale ne s'étendait pas sur les immeubles
où il était procédé, encore que le contractant fût un de ses jus-
ticiables. En somme, à l'origine, on reçoit des actes n'importe
où, pourvu que ce soit dans le ressort du tribunal urbain.
Mais il apparût nécessaire de réglementer plus étroitement
cette matière. Ce n'est bientôt plus qu'exceptionnellement que
des actes sont reçus ailleurs qu'à l'échevinage. Il n'y a guère
que la coutume de Luxembourg qui signale que les actes d'éche-
vins se reçoivent parfois « under dem blawen himmel » (à ciel
découvert) (2). Mais c'est un usage désormais anormal. Bien
plus, il semble nécessaire de justifier la réception à domicile
de certains actes, tels les testaments, qui en raison de leur nature
même étaient fréquemment dresses par tes magistrats chez tes
contractants. Les enquêtes de la maison dela paix (xme sicèle)(3)
en précisent la validité. « Toutes les conveniences et les devises
que li homs ou li feme fait ou lit de mort, pour tant qu'il ait sens

(1) Archives de Colmar. A. A. Vidimus collectifs de diplômes impériaux


transcription du 15 janvier 1429.
(2) BOURDOT DE RICHEBOURG. II, p. 345. -Coutumes de Luxembourg. Titre V.
(3) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cil., II, § 23, p. 23.
et mémoire, et que li esquevin le voient sont aussi bien estaules
comme s'il alloit le voye et sy fust tous haitiés (en santé) ».
La règle est donc désormais que les actes se reçoivent au siège
du tribunal urbain : « en halle, en plein esquevinage ». Il y avait
à cela une raison : c'est que les contrats se reçoivent par écrit,
qu'il y faut donc la présence du clerc de l'échevinage ou de son
commis, dont il est impossible de requérir le déplacement pour
chacun. C'est que l'importance de la fonction avait notablement
développé cette partie de la justice, et dans de nombreuses loca-
lités particulièrement actives et commerçantes, telles Saint-
Omer (1) on dût créer un service spécial de réception des contrats:
le greffe des werps » (2). D'autre part la forme la plus Couramment
employée est la forme chirographaire au moyen de laquelle
un exemplaire du contrat reste déposé à l'échevinage (3). Cette
forme ne sera abandonnée que pour être remplacée par l'enregis-
trement, et c'est encore aux archives de la ville que seront con-
servés les registres (4). Il est donc normal que ce soit là que se
rendent les parties désirant utiliser la juridiction gracieuse de
leurs magistrats, et sauf parfois pour la réception des testaments,
c'est là que désormais seront passés tous les contrats.
Le fait de ne pouvoir contracter qu'en un lieu unique ne
dût pas apporter de gêne sensible aux administrés, ni surtout
les détourner d'utiliser la juridiction échevinale. C'est qu'en
effet, en dehors des avantages particuliers qu'ils y trouvaient,
ils n'avaient pas comme de nos jours la possibilité de faire authen-
tifier leurs accords par des notaires répartis dans leur ville. Là

(1) GIRY. Saint-Omer. Loc. cit.


(2) De «
werpir ». : garantir.
(3) Cf. iflifra, chap. VII.
(4) Cf. infra, chap. IX.
où existaient ces officiers, royaux ou autres, ils étaient eux-même
généralement groupés « ad cancellos », en une sorte de commu-
nauté siégeant à proximité du tribunal qui les déléguait à l'exer-
cice de leurs fonctions (1).
Mais bientôt, soit généralement pour parer à certains abus,
soit spécialement pour donner à des actes particulièrement
importants une plus grande solennité, on restreignit le temps
pendant lequel on pouvait procéder en échevinage à la passation
des contrats. Une ordonnance de Robert, Comte d"Artois en
l'an 1300, veut « que li'eschevin soit en halle trois jours en la
semaine, le lundi, le merquedy et le venredy à peine d'amende.
De rekief, que on ne puist rechevoir letre de vendage de hiretage,
se n'est par plain plait par quoy la ville ne soit fraudée pour
les hiretages de chiaus de forain » (2). C'est également en « plain
plait », c'est-à-dire au cours d'une audience de justice que se
doivent passer les entravestissements par lettre (donations
entre époux). Parfois même, pour solenniser davantage ces
derniers actes, on n'admet leur passation qu'à certaines audiences.
La coutume de Tournai (3) exige qu'ils soient reçus « en plains
plaids généraux », devant maïeur et échevins, trois fois par an.
Assurer la garde et la conservation de tous les-contrats ainsi
reçus n'était pas une besogne facile si l'on songe- au nombre
considérable d'actes d'échevinage, et aux pillages et aux incen-
dies auxquels ces documents étaient exposés en ces temps trou-
blés. En fait, le nombre de ceux qui nous sont parvenues est
minime par rapport à la quantité qui devrait exister. Les éche-

Essai historique sur l'institution


(1) Louis CAMIER. Les jugements volontaires.
du notariat en France, dans Mémoires de la Société d'Émulation de Cambrai,
T. LXIV, 1909, p. 292.
(2) WIGNACOURT. Op. cit., pp. 123, 124.
-
(3) BOURDOT DE RICHEBOURG. II, p. 960, ch. XV.
vins eurent le souci de garder trace des transactions passées
devant eux. Les coutumes leur en faisaient d'ailleurs une obli-
gation. Nous l'avons dit, la forme des écrits utilisés le rendait
indispensable. C'était aussi une supériorité de leur institution
sur celle des notaires dont, avant l'établissement du tabellion-
nage, aucune orgaiiisation ne prévoyait la garde des minutes.
L'original des actes était généralement remis à l'une des parties,
ou détruit par le notaire à l'expiration d'un certain délai. Quant
aux actes d'échevinage, ils étaient conservés « au ferme », « dans
la huche de la ville ». C'était une sorte de vaste armoire placée
dans une pièce spéciale de la maison commune. « Dans la tréso-
rerie se trouvent plusieurs armoires, ou mieux plusieurs buffets
dans le style bien connu de l'époque. Ces armoires ferment à
deux serrures à chacune desquelles correspondent six clefs.
Il y a le huchel aux sceaux et le huchel aux chartes ». (1). A
Tournai, le coffre où l'on rangeait ces archives était scellé par
une barre de fer à la muraille même du beffroi (2). A Amiens,
elles étaient classées sous la maison commune dans une cave
communiquant avec un couvent voisin, dont les religieux avaient
la garde. Enfin à Douai, les actes auraient été gardés dans des
« sacs à
eschevinages, lesquelz sas repose dans le haulte huge » (3).

(1) DE CALONNE. La vie municipale ait XVE siècle dans le Nord de la France.
Paris 1880, p. 40.
(2) PRUD'HOMME. Op. cit., p. 2.
(3) ESPINAS. Op. cit., p. 556.
CHAPITRE VI.

Le Record

Nous sommes maintenant renseignés sur la personnalité des


magistrats chargés de garantir l'authenticité des conventions. Ce
sont les échevins. Il y a lieu d'étudier maintenant la manière
dont ils y procédaient. Nos conceptions modernes nous inter-
disent d'envisager un système autre que la rédaction d'un écrit.
Cette formalité n'était cependant pas indispensable au début
de l'institution. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. On sait en effet
qu'à Rome (1) cette condition n'avait pas toujours été néces-
saire pour réaliser une convention. Le droit germanique de son
côté plaçait le témoignage oral au-dessus de la preuve écrite.
Nous avons bien vu le cas que l'on en faisait par Je soin apporté
à choisir des témoins inattaquables, qui aboutit à éliminer suc-
cessivement de l'exerciçe de la juridiction gracieuse un certain
nombre d'individus, pour ne plus conférer ce pouvoir qu'aux
magistrats municipaux, considérés comme les plus aptes à l'exer-
cer.
Suivant les vieux modes germaniques, les décisions judiciaires
n'étaient pas recueillies par écrit. Ce n'est qu'à la fin du XIIe siècle
que l'écriture est subsidiairement employée. Mais cet usage ne
modifie pas le système de preuve antérieur, et l'on utilisera encore
le témoignage oral des juges, ou simplement des présents, au
prononcé de la sentence : c'est le record (2). Il est intéressant de
préciser le sens de ce mot, dont la portée était extrêmement
générale. Le record est en principe un témoignage prononcé

(1) Supra, chap. Ier, p. 5.


.
(2) VIOLLET. Histoire dit, droit civil français, 3e édit., Paris 1905, p. 170.
en justice, soit par les magistrats eux-mêmes, soit par des indi-
vidus particulièrement qualifiés, des témoins « de certain »,
«
de visu et auditu », qui déposent sur des faits qu'ils ont eux-
mêmes constaté. Comme mode de preuve, il faisait pleine foi
en justice ; il équivalait à un aveu de la partie contractante et
était absolument inattaquable, même par le duel judiciaire (1).
On comprend que dans ces conditions les contractants n'aient
pas vu la nécessité de la rédaction d'un écrit. Deux parties dési-
raient elles contracter ? Elles se rendaient devant deux échevins
et stipulaient en leur présence les conditions de l'accord. Les
échevins se contentaient de prendre quelques notes personnelles,
succintes, mais précises (2) qui leur permettaient le cas échéant
de se rémémorer le fait passé devant eux. Les parties n'avaient
plus alors qu'à procéder à l'exécution de leur contrat. Cela ne
souffrait généralement pas de difficulté : les conventions en
question étaient la plupart du Jçmps mobilières, ou consistaient
en une simple prestation pouvant être immédiatement réalisée.
Mais si l'un des contractants se refusait à remplir ses engage-
ments, il devenait nécessaire de l'y obliger. Pour cela l'autre
partie faisait appel à la mémoire des échevins qui avaient été
témoins au contrat ; elle faisait un « claing », c'est-à-dire déposait
une plainte. En conséquence, les deux témoins se rendaient
devant la juridiction municipale et procédaient au record : ils
certifiaient l'exactitude des prétentions du demandeur et la
force publique venait à son secours. Si toutefois on jugeait

(1) UB exemple curieux de record, qui indique nettement son mode d'emploi
et sa valeur, nous est fourni par un acte de 1315, au Cartulaire de l'abbaye de
Saint-Ouen. Un notaire royal, recorde par serment devant le bailli, le fait d'une
vente passée devant lui, et que le vendeur refusait de reconnaître. BARABÉ,
op. cit., p. 106.
-
(2) C'était probablement celles qui étaient conservées à l'échevinage dans des
sars au nom de chacun des magistrats.
mtile de conserver trace des engagements des parties, on ordOli-
nait alors la rédaction d'un écrit. C'est le cas qui est expose dans
là coutume de Valenciennes (1) ; « s'il advenait que de telles
conventions et traictez passez pardevant lesditsIDayeur et esche-
vins, ne fussent faites lettres ne eliirographes, et que l'une des
parties se vouloist aider de tel contract ou convént, icelle partie
devra faire claing.., ». Et après avoir indiqué que les échevins
qui avaient été témoins de la convention devaient être en quelque
sorte remis en charge, àinSique nous l'avons déjà exposé (2),
la coutume ajoute : « et après ledit rétablissement, recorderoient,
et dudit record seroient faites lèttres, et d'icelles deux doubles
dont l'un seroit mis au ferme et l'autre délivré à la partie qui
s'en voudroit aider, lesquelles lettres de record seront de tel
effet et valeur comme auroient esté et seraient les lettres qui
premières en auroient egté faites, sauf que le record se devra
faire en dedans six ans après la datte du contract ou convention l'.
On voit d'après cette citation qu'à l'époque, l'absence de rédac-
tion d'un écrit apparaissait1 plutôt comme exceptionnelle. L'ar-
ticle CLX de la même coutume édicte en effet d'une façon expli-
cite, la rédaction d'un écrit : « que .tous contracts et obligations
passez pardevant les lois eschevinales dudit chef-lieu est requis
que lettres en soient faites, et un double d'icelies mis au ferme
en dedàns quarante jours ensuivaiis ». C'est qu'en effet, si la
procédure orale était utilisable quand la libre disposition de la
propriété immobilière était assez rare, et les conventions peu fré-
quentes, elle offrait un certain nombre d'inconvénients. Quand
il s'agissait de recorder un accord ancien, les témoins pouvaient
être défaillants, soit que leur mémoire en ait perdu le souvenir,
soit qu'ils aient eux-mêmes disparu. Aussi prit-on bientôt 1 :t
.. (1)(2) Supra, chap. IV,
BOURDOT DE RICHEBOURG. II;, p. 242.. Coutume de 1540. CLXII.
p. 45. .-
bitude, ne serait-ce qu'accessoirement, de rédiger un écrit, sur
le record fait à leurs collègues par les magistrats témoins de la
convention, non plus seulement au cas de contestation, mais
immédiatement, dès l'accord des parties.
C'est pourquoi tous les coutumiers recommandent la rédaction
d'un. insimmentum, et même y obligent. Citons d'abord l'ordon-
nance rendue sur le sujet des mainfermes par l'échevinage de
Cambrai le 5 juin 1382 (1), article 6: «Des chirographes qui
présentement sont en warde d'esquievins (2) demouront ainssi
et à l'usage de devant jusques à tant qu'elles seront recordees
à la requeste de ceulx qui en aront à faire. Et quant elles seront
recordees, elles seront mises en ferme, comme dit est des aultres,
à la perpetuelle seurté de ceulx à qui il appartenra ». Dans la
même ordonnance, on restreint le délai pendant lequel on peut
dresser acte confirmatif de la convention : il est d'un mois à
compter de l'accord des parties. En 1569, un praticien annotateur
de cette ordonnance nous apprend que ce délai avait été porté
à 40 jours. A défaut de rédaction de cet écrit, les contractants
n'étaient pas privés de tout secours de la part de l'échevinage ;
mais il fallait dans ce cas procéder -au record, et subir -tous les
inconvénients et probablement aussi les frais d'une comparution
en justice (art. 4). Si au contraire on avait gardé trace de la
convention, il convient que les lettres « vaillent à tous jours
comme recordees, soient li esqui,evin vivant ou non » (art. 5).
La coutume de Valenciennes (3) prescrit également « que tous
contractz passez pardevant eschevins ou deux jurez de cattel

(1) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. eit.,-p. 221.


(2) L'expression «chirographe » semble utilisée ici d'une manière impropre.
Ce qui est « en warde d'esquievins » ne seraient-ce pas les notes prises par les
magistrats lors de l'accord des. parties, et non les véritables chirographes ?
(3) BOURDOT DE RICHEBOURG. Art. LVIII, toc. cit.
seront recordez pardevant le Mayeur et sept eschevins en dedans
l'an de leurs passemens ».
Mais la rédaction du contrat ne supprimait pas le record.
Dans bien des circonstances on pouvait encore avoir à faire appel
au témoignage des échevins. Parfois des actes n'avaient de
validité que pendant un certain délai, à l'expiration duquel il
fallait les recorder, c'est-à-dire les faire renouveler au moyen
d'un record, si l'on voulait avoir « ayuwe » (aide) de l'échevi-
nage (1). Il y avait aussi lieu à record dans bien d'autres cas ;
dans les trois jours qui suivent le prononcé d'une sentence
judiciaire, les parties ou leurs avocats étaient tenus de remettre
au greffier un acte destiné à faciliter la rédaction de la sentence,
à la «'recorder » (2). La puissance du record pouvait même
produire un résultat curieux, mais logique. Il arrivait que l'on
dressât un contrat au nom d'un individu déjà décédé. Il suffisait
pour cela que les échevins recordent la convention conclue
antérieurement devant eux (3). Plus tard, on soumettra à
l'homologation de l'échevinage, des actes quelconques, sous-
seings privés ou même notariés dans le but de les revêtir de
certains avantages qu'ils ne pouvaient acquérir que de cette
manière (4). Cela s'appellera encore un record. Enfin, on nomme
« record de loy » « devoir » ou « œuvre de loy », le fait de témoigner
devant les magistrats de l'accomplissement de la formalité de
l'ensaisinement à la suite d'une mutation immobilière.

(1) Le Livre ROISIN. Édition Monier, § 59.


(2) E. NOYELLE. La justice de l'échevinage à Amiens (1117-1597). Armons
-
1879, p. 40.
(3) Titre de 1197, à Douai, cité par Tailliar. Recueil d'actes des XIIe et xme
siècles en langue romane wallonne du Nord de la France, Douai, 1849, p, 305.
(4) Cf. infra. Chap. XV, p. 122. "

'5
CHAPITRE VII

Le chirographe ou charte-partie

On prit donc rapidement l'habitude de conserver une trace


écrite des conventions passées devant- les échevins. On utilisa
pour cela deux procédés principaux : le chirographe et la lettre
scellée. Ni l'un, ni l'autre ne servirent exclusivement à la rédac-
tion des actes urbains ; le premier cependant peut être considéré
en raison de la généralité et de la durée de son emploi comme plus
particulièrement échevinal.
Le chirographe, terme auquel il faut se garder de donner son
sens juridique actuel est un acte généralement disposé sur une
étroite bande de parchemin. Il possède cette particularité,
d'être d'abord écrit sur la même feuille en plusieurs exemplaires,
ayant tous la valeur d'originaux. Ce dernier point est particu-
lièrement caractéristique. Les exemplaires sont de valeur
égale : ce sont des « pareIls lettres »,. On commença par rédiger
deux copies de la convention, une pour chaque contractant.
Entre chacune, on traçait une ligne, parfois régulière (1) le plus
souvent ondulée ou endentée sur laquelle était écrite une légende.
Cette légende était généralement constituée par le mot : CHIRO-
GRAPHUM. Mais elle pouvait avoir une quantité d'autres signi-
fications. On inscrivait souvent les premières lettres de l'alpha-
bet (2) et parfois le nom d'une partie. La devise pouvait être
aussi en rapport avec le contenu de l'acte. C'était alors le mot de :
CONNISSANCE, terme sous lequel on désignait un accord en

(1) A Douai (ESPINAS, op. cit. p. 547).


(2) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 8.
général. A Tournai, la légende la plus répandue consistait
en
quatre M, rappelant le mot MEMORARE. « Ce mode de procéder
ne se conserva d'ailleurs pas longtemps intact. Le 15 décembre
1667 l'échevinage de la cité, en 1678 le greffe de Saint-Brice le
modifièrent en ce sens que les cahiers de parchemin reçurent
pour devise commune le nom du greffier en chef et portèrent la
signature du même fonctionnaire. On s'arrêta définitivement à
ce système qui fut conservé intact jusqu'en 1795, l'année même
de la réunion à la France (1). On pratiquait ensuite
une endenture
en découpant l'acte au ciseau de façon à laisser subsister sur
chaque original une partie de l'inscription commune. On obtenait
ainsi une charte-partie (partie : séparée). La forme de la sépara-
tion fit également donner à ces documents, le nom de cartae
indentatae.
Ce procédé est encore utilisé de nos jours
pour les valeurs de
bourse et certains mandats postaux. Il avait l'avantage de
permettre l 'authentifi cation immédiated'une pièce représentée,
par le rapprochement avec l'autre partie de l'original. Mais il
avait un grave inconyénient : l'un des exemplaires pouvait
s 'égarer; ou l'une des parties pouvait, par malice, se refuser à
livrer l original -en sa possession et rendre ainsi impossible
toute tentative d'authentification- Pour remédier à cela,
on ne
tarda pas à conserver un original aux archives de la ville,
ou
dans un dépôt spécial, greffe des werps, arche,
ou écrin (scri-
nium) (2). Un seul exemplaire était remis
aux contractants (le
créancier ou l'acquéreur), et le magistrat gardait la partie
supérieure ; ou bien l'on rédigeait la convention triple et l'on
en
(1) VERRIEST. Les devises des chartes parties,
p. 10. Cette règle dût cependant
souffrir des exceptions, car on peut voir
aux archives de Tournai plusieurs
chirographes, notamment datés de 1793 qui semblent avoir
reçu pour devise
le nom de l'un des contractants.
(2) GIRY. Manuel. Loc. cit. Cf.
supra, châp. V, p. 55.
déposait «au ferme » là partie centrale ; ou encore, on divisait
le parchemin en un plus grand nombre de parties si cela était
nécessaire. On peut dire que dès lors cette forme est arrivée
ainsi à sa perfection et donne. toute garantie aux contractants :
elle ne sera pas modifiée et subsistera telle quelle jusqu'à la fin
de Finstitution.
L'origine de la -charte-partie est assez obscure ; mais on peut
certifier sa grande ancienneté. Certains auteurs ont voulu y voir
une invention des Anglo-Saxons qui ignoraient l'institution du
notariat ét auraient trouvé ainsi un moyen de valider leurs
actes. On pourrait, avec Bresslau, rattacher la charte-partie à
l'ancien symbole germanique de la festuca notata (1). On a
prétendu aussi en voir l'origine dans les syngraphae romaines.
C'étaient en effet des actes rédigés en plusieurs exemplaires.
Mais leur force probante n'était pas tirée de cette disposition.
Les deux formes n'ont donc pas de rapport entre elles. D'autre
part, ces actes étaient scellés du sceau du débiteur (2). Les an-
ciens cependant, .ont connu le système de preuves consistant
à rapprocher plusieurs parties d'une même pièce (3).
En matière échevinale le chirographe fut utilisé avec le plus
-grand ensemble et dès le début de l'institution, plus spécialement
pour la rédaction des actes du ressort de la juridiction gracieuse,
mais aussi dans des documents d'objet très différent. Tancrède,
archidiacre de Bologne (début du XIIIe siècle) nous apprend que
les particuliers pouvaient déposer un double de leurs contrats
« au
ferme » dans une chambre de l'hôtel de ville (4). En Belgique
c'est encore en forme de chirographes que sont rédigés les plus

(1) DE BOUARD. Manuel de diplomatique. Paris, 1929, p. 365.


(2) Sur la matière des syngraphae, Cf. PLINE, Liv. 33, chap. 1er.
(3) BRUNS. Fontes juris Romani. II. Scriptores. Tubingen, 1909, p. 81.
(4) Ordo judieiorum § 1 De instrumentum.
anciens actes (1). Leur usage était répandu à un tel point
que
le terme de chirographe devint synonyme d'acte échevinal,
au
moins autant que celui de « lettres de reconnaissance ou plus
»
simplement « connaissances n, puisqu'il s'agissait d'actes dressés
en vertu d'une sorte de confession par les parties devant le juge.
Tous les coutumiers indiquent que c'était le système usité De
: «
ce qui se fait et passe pardevant eulx, ils (les échevins) en baillent
lettres en double cyrographe, dont l'une se met en la ferme, des-
dist eschevins et l autre se baille a partye (2). Mais
ce procédé
n était pas d 'tin emploi exclusivement échevinal. Si les magistrats
municipaux l'affectionnèrent particulièrement, c'est qu'il était
parfaitement approprié à leur organisation, gràce à la possibilité
de conserver en lieu sûr, une partie de l'original. Mais rien n'em-
pèchait les particuliers de l'utiliser. Les archives des abbayes
en
contiennent de nombreux exemplaires. On connaît
un acte du
roi Henri Ier en forme de charte-partie (3).
Certains chirographes, notamment parmi les plus anciens sont
rédigés en latin (4). C'était en effet la langue savante
en usage
pour la rédaction des contrats. Longtemps encore, les écrits,
non seulement des ecclésiastiques, mais de tous les particuliers
seront en latin. Ce n'est qu'en août 1539 que François Ier,
par
1 Ordonnance de ViJlers-Cotterèts supprimera définitivement
son usage dans les actes notariés. Les actes urbains, au contraire,
a partir du milieu du XIIIe siècle, sont en principe toujours en
langue vulgaire, en français, très rarement
en flamand dans les

(1) PRUD'HOMME. Op. cit.,


p. 6.
(2) Coutume de Senghein
en lVeppes, art. 5, BOUTHORS II, p. 351. Voir aussi
les coutumes d'Épinoy, art. 13 (II, 300), Aubigny,
p. art. 18 (II, p. 298), Bourrech-
sur-Canche, art. 12 (II, p. 83), etc...
(3) GIRY. Manuel, p. 510.
(4) Aug. THIERRY.IV,p.28. Le plus ancien
acte d'Abbeviiie (7 février 1250);
et quelques autres.
Pays-Bas. En effet, les magistrats municipaux, bien que recrutés
«lans l'élite de la bourgeoisie, et à plus forte raison les contrac-
tants, ne possédaient pas le latin d'une manière suffisante pour
leur permettre de l'employer couramment dans la rédaction des
contrats. Il était compréhensible également que les actes issus
de cette juridiction si près du peuple, utilisent le langage
courant. Ces actes constituent même souvent les plus vieux
documents en langue vulgair-e qui nous soient parvenus. Le
plus ancien acte en français porte la date, à Tournai de 1206, à
Douai de 1204, à Saint-Quentin de 1218, mais il y en eut proba-
blement d'antérieurs. A Saint-Omer, Arras, Liége et Namur, ils
sont également nombreux et anciens. En Lorraine, c'est encore
dans les contrats rédigés par l'échevinage que l'on trouve les
plus anciens actes en français (1).
Le style du chirographe, était naturellement très variable
suivant les coutumes. D'autre part les progrès de la science
juridique et l'influence de la forme des autres actes privés lui
imprimèrent diverses modifications. Extrêmement succinct à
l'origine, il se complétera et se compliquera peu à peu. Sauf
pour quelques contrats peu importants, le chirographe ne suit
pas une formule invariable. Nous allons toutefois essayer d'en
tracer les lignes générales.
Le chirographe débute toujours par une formule générale dont
les termes peuvent varier légèrement, mais dont le type est le
suivant : « Sachent tout chil qui sunt et qui à venir sunt et qui
cheste présente charte partie verront e oront que... » (2). Vient
ensuite le nom des parties. Remarquons à cet égard qu'il n'y a
pas à proprement parler de comparution comme dans les actes
notariés : Pardevant X... sont comparus (ou : furent présents)
N... et N... L'affirmation de la présence des contractants pouvait

(1) GIRY. Manuel, p. 467.


(2) DES MAREZ. La lettre de foire, p. 9.
apparaître comme inutile : ce sont les échevins qui attestent la
réalité d'un accord passé devant eux. La valeur de leur témoi-
gnage met hors de doute, et la présence et le consentement des
parties. Il est simplement indiqué que Primus doit à Secnndus
telle somme, ou que Primus prend à cens de Secundus tel
immeuble. Parfois aussi on déclare, au début ou dans une clause
finale, que les parties ont « reconnu » devant les magistrats,
avoir conclu leur accord ; c'est l'anèienne formule d'aveu devant
le juge d'où dépendait la force obligatoire du titre. L'objet du
contrat est ensuite brièvement exprimé. On ne rencontre pas
toujours de formule de garantie. Pourtant, dans les lettres
obligatoires, sorte de reconnaissance de dette renfermant en
vertu d'une obligation civile ou criminelle le principe d'une som-
me à payer, sont nommées des parties qui s'engagent comme
pIèges (cautions) au même titre que le débiteur principal.Plus tard
on inséra encore au contrat des clauses d'un caractère particu-
lièrement obligatoires, et le plus souvent renonciatrices, aux
termes desquelles le débiteur se désistait de tout ce qui pourrait
lui « aidier et valoir » et « grever ou nuire » à son créancier.
Cette renonciation à toutes exceptions est d'ailleurs une clause
commune à tous les contrats du tyloyen-Age (1). On pouvait
exiger des contractants diverses affirmations sous serment,
principalement dans un but fiscal. Ces serments devaient être
reproduits dans le corps de l'acte.
On rencontrait aussi parfois dans les actes d'éçhevinage où
elle pouvait avoir quelque utilité, une renonciation spéciale
« aux bourgeoisies de Beauquesne, Bouchain et Liebourg » (2).
Les désignations de biens étaient généralement très succinctes.
Par la suite devant le développement de la propriété et du nom-
bre des contrats on fut obligé d'édicter une réglementation plus

(1) GIRY. Manuel, p. 560.


(2) ESPINAS. Op. cit., p. 566. -1
précise à ce sujet. Et la coutume de Cambrai (1) exige que l'on
désigne les immeubles «par tehans et aboutissans, ou autre
désignation certaine ». Cependant, cela n'était pas nécessaire
pour les actes portant sur l'universalité des biens des contrac-
tants, tels que les ravestissements par lettres, ou les devoirs de
représentation héréditaire.
Le chirographe se terminait par l'indication des noms des
échevins qui l'avaient reçu : « à cette convenance furent N... et
N... eschevins de la ville », souvent suivie d'une clause finale
invariable. Voici celle des chirographes de Tournai, qui fut usitée
du XIIIe siècle à 1795. « Et afin que ce soit chose ferme et stable
à toujours, ces présentes lettres en sont faites et chirographées
en deux parties, dont lesdits acheteurs pour sûreté de leur achat
gardent la seconde partie, et la première et originalle a été mise
et livrée au ferme et arche. Ce fut fait le... sauf les droits de la
ville ». La date, affecta la forme religieuse jusqu'au XIIIe siècle.
Au dos du chirographe, se trouvait une indication variable
apposée par le clerc. Sur l'exemplaire déposé à l'échevinage on
inscrivait le nom de celui des contractants à qui avait été remise
l'autre partie: a Ci contre escript warde N. ». Sur l'exemplaire du
particulier se trouvait parfois la mention: «qui le partie de
ceste lettre raportera, ke eskevin regent l'autre ». Parfois, quand
il y avait lieu de.se reporter à un acte antérieur, on le notait
également au dos du chirographe : « Ensi con il appert en un
cirographe dont N. warde le contre-partie par eschevinage ».
Le chirographe, en principe, ne portait pas la signature des
parties, puisque leur présence n'était même pas constatée. Les
échevins ne signaient pas toujours non plus (2). Seul le greffier ou

(1) BOURDOT DE RICHEBOUnG. II, p. 288, titre V.


(2) A Lille, cependant cette signature est requise dans les: actes reçus sous
le scel aux connoissances. (PATOU. Commentaire sur les coutumes de la Ville de
Lille. 3 tomes. Lille 1788, II, 186,27) ainsi que pour les ravestissements par lettres.
(PATOU, I, 744, 11).
son clerc qui avait dressé l'acte apposait, soit sa signature — ce
qui était prévu dans certaines coutumes, soit une sorte de sigle
manuel dont Des Marez signale des exemplaires curieux (1).
Encore cela variait-il suivant les temps et les lieux. Dans le
Pays de l'Alleu, cette absence de signature paraît avoir été consi-
dérée comme un vice de l'acte que le procureur fiscal signala
« à MM. les
Grands Prévost, Barons et Hommes de Fief graduez
du siège supérieur et du ressort de l'abbaye royale de Saint-
Vaast » (dont dépendait le pays de l'Alleu). Le conseil enjoignit
aux échevins « de faire signer tous contrats et actes qu'ils expé-
diroient, à peine de nullité desdits contrats et d'amende arbitraire;
et en cas que les parties ne sachent signer, mention sera faite de
la réquisition à elles adressée et de leur réponse » (2), exactement
comme de nos jours pour les actes »o±ariés. Cette obligation de
faire signer leurs actes incombait également aux notaires. Ils
paraissaient d'ailleurs s'accommoder mal de cette prescription
puisqu'en 1574 et 1579, on voit les notaires du Châtelet dresser
un mémoire tendant à obtenir d'être dispensés de faire signer
leurs actes (3).
Les ratures, quand il s'en produisait, et cela était rare en
raison de la brièveté des actes, devaient comme de nos jours pour
les actes notariés, être spécialement approuvées par le greffier
ou les parties, soit en renvoi, soit en fin de l'acte.
Enfin nous savons par les indications relatives au tarif des
actes que l'on pouvait s'en faire délivrer des copies dont la valeur
était la même que celle de l'original.

(1) Cf. infra. Chapitre X, p. 89.


(2) Chanoine DEPOTTER, Op. cit.
(3) DE BOUARD. Etude... sur les actes des notaires... p. 153.
CHAPITRE VIII

Lettres scellées

C'était donc la puissance reconnue au témoignage du magistrat


qui constituait la force de l'acte échevinal. Mais les magistrats
municipaux, à ce point de vue, ne détenaient pas un monopole.
Les seigneurs ecclésiastiques et laïques pouvaient leur être
comparés. Il ne fallait à ces derniers qu'un instrument pour
concurrencer l'échevinage dans l'exercice de la juridiction
gracieuse en mettant leur influence à la disposition des particu-
liers qui désiraient contracter. L'essentiel en effet, en un temps
ou force et droit sont souvent synonymes, est que l'autorité
concourant il la naissance du contrat soit capable de le faire
respecter. On y parvint grâce à l'apposition du sceau ; c'est en
effet l'attribut personnel d'un individu déterminé et il est
facilement identifiable. Le sceau servit naturellement d'abord à
authentifier les conventions personnelles de son détenteur, et
c'est même ce qui lui permettait de ne pas utiliser pour lui-même
la juridiction scabinale. « Manières de lettres sont, la première
entre gentishomes de lor seaus car il poeut fere obligation
contr'eus par le tesmoignage de lor seaus » (1). On trouve ainsi
aux archives d'Arras, émanant de l'abbé de Saint-Waast et de
divers seigneurs de nombreuses lettres scellées personnelles,
datées du XIIIe siècle, c'est-à-dire avant que ce procédé soit
à la disposition des particuliers ou utilisé par la municipalité.
On en rencontrerait certainement d'antérieures, car ce fut en

(1) BEAUMANOIR. Edition Beugnot, II, p. 45, § 18. Édition Salmon, II, p. 52
% 1092.
somme toujours le système courant d'authentification des actes
privés des nobles.
Il n'était d'ailleurs pas nécessaire d'être noble pour disposer
d'un sceau. C'était une faculté laissée à tous. Mais il est évident
que la force du contrat dépendait de la valeur du signe qui y
était apposé. En général, lés roturiers empruntaient plutôt
celui d'un seigneur : « Homes de poeste poeut fere reconnais-
sances de lor convenences par devant lor segneurs dessoz qui il
sunt couquant et levant ou par devant le sovrain » (1). C'était
un grand progrès sur l'ancienne carta, dont rien ne prouvait
qu'elle émanait bien de son auteur prétendu. Cette manière de
conférer l'authenticité au moyen d'un sceau devint au Moyen-
Age d'un usage très répandu. Les sceaux des autorités, roi,
seigneurs, évêques, ayant plus de force que ceux des simples
particuliers, il convenait donc d'obtenir la ratification de l'acte
au moyen de l'apposition de leur marque. Pour cela, -ou bien on
requérait un jugement avec. acquiescement des -parties, au bas
duquel l'autorité appliquait son, sceau, ou bien, des contrats
reconnus devant la juridiction royale, on obtenait un record,
après quoi se dressait une lettre scellée. « La coutume de passer
des contrats devant les juridictions royales, et notamment en
assises, l'exemple aussi des lettres d'ofïicialité, fréquentes à
partir du milieu du XIIIe siècle ont pu donner naissance aux
environs de 1275, à la pratique des « lettres de roy » (èonlprenant
les « lettres de baillie » et les « lettres.de vicomté»). Les lettres de
baillie faisaient suite naturellement au record d'assise. En 1276,
la question se posa devant l'Échiquier de savoir si le vicomte,
dont les plets au temps de la Sumum (de legibus Normannie). ne
comportait pas de record, aurait lui aussi un sceau à son usage
propre et à l'usage de ses administrés. Il fut décidé que les

(1) BEAUMANOIR. Loc. cit.


vicomtes .auraient un sceaux (1). On conçoit que dans ces condi-
tions les municipalités souhaitèrent, elles aussi posséder cet
attribut important. « A partir de la fin du XIIIe siècle, la juridic-
tion des communes ayant été reconnue par de nombreuses
chartes, il arriva que plusieurs d'entre elles voulurent à l'exemple
des seigneurs et du roi, ajouter à leur revenu, les émoluments
d'un sceau. Elles se firent en conséquence octroyer. par leur
suzerain le droit d'avoir un sceau spécial de juridiction » (2).
On prétend que le but recherché par les municipalités dans
l'acquisition d'un sceau, fut d'assurer aux contrats une plus
grande authenticité. Cela est possible, bien que l'on ne voit pas
nettement l'avantage qu'elles pouvaient en retirer à ce point
de vue. Quant à la question fiscale où Giry et à sa suite Glasson (3)
semblent trouver la véritable raison de cette nouvelle institution
elle apparaît encore moins plausible, puisque rien n'empêchait
les échevins de prélever, lors de l'établissement d'un chirographe
les taxes que bon leur semblait. Mais puisque l'on authentifie
désormais les contrats au moyen de sceau, l'échevinage, organe
de juridiction gracieuse, se doit d'en posséder un. La coutume
de Mons, en édictant l'obligation du sceau (dont l'utilisation
sera d'ailleurs combinée avec le chirographe) nous indique une
cause plausible de cette décision : « Et sy est ordonné que toutes
loix ayant ferme aueront ung seel en leur ferme, portant le nom
de la seigneurie ou du lieu, pour sceller les chirograffes qu'ils
recepveront, pour démonstration que le contre-partie soit en
ferme, affin que lesdictes loix ny fachent ignorance si par après
n'estoit trouvé le contre-partie en leur ferme » (4).

(1) YVER. Op. cit.,pp. 238, 239.


(2)GIRY. Manuel, p. 852.
(3)Op. cit. T. V, p. 71.
(4)Loix, chartres et coustumes du noble pays et comté de Haynnau. Mons 1535,
ch. XLVII. De Avaller lettres en ferme, p. XXV.
Ce nouveau procédé eut dft naturellement faire disparaître
la forme chirographaire devenue sans objet. Mais-s'il était plus
précis il était peut-être aussi trop complexe pour nos juridictions
municipales. On peut affirmer que le chirographe subsista dans.
les échevinages du Nord de la France (1), et longtemps
encore
en Angleterre, bien que le sceau y fut peut-être plus répandu que
chez nous, A Saint-Omer, dès la fin du XIIIe siècle,
on n'utilise
plus que la lettre scellée ; de même à Arras dès 1355. A Lillê, les
seuls actes privés de l'échevinage qui
nous aient été conservés
sont également des lettres scellées. (Il est bon de rappeler d'ail-
leurs que le plus ancien date de 1334 seulement). Mais le plus
grand nombre de villes, au premier rang desquels nous citerons
Amiens et Tournai semblent avoir été en principe réfractaires
au
nouveau procédé. Ce n'est pas que l'usage du sceau y ait été
inconnu ; nous avons des exemples de
son utilisation, qui sont
peut-être antérieurs à toutes authentifications échevinales
par
lettres scellées. En 1152, le maire d'Amiens appose
son sceau sur
une charte contenant aliénation d'un immeuble de la commune.
En 1153, le maire et des membres de la commune scellent
un
acte de transaction entre l'évêque et un bourgeois (2). Enfin
en
1167, un accord, rédigé en latin, est passé
en présence du maire,,
sous le sceau de la commune, entre un abbé et un bourgeois (3).
En ce qui concerne Douai, on y voit utiliser alternativement la
lettre scellée et le chirographe, mais avec
une nette supériorité
de ce dernier système. L'ordonnance du 24 juin 1363,
concernant
le rétablissement de la commune dispose bien,
que les actes
« qui souloient » être faits par chirographe
se feront par lettres.

(1) DE BOUARD. Manuel de diplomatique. Paris


1929, P. 370
(2) Ce dernier acte n'avait d'ailleurs été rédigé
pas par l'échevinage ; il était
l'œuvre d'un notaire, probablement apostolique.
(3) Aug. THIERRY. I, pp. 62, 64, 93.
s.uz le scel as causes de la ville ». Mais l'ordonnance générale
constitutionnelle de 1373 ayant stipulé le retour à l'organisation
antérieure de 1228, on rétablit les chirogràphes. «Giry a donc
commis une erreur complète et même double en écrivant...
qu'à Douai comme à Arras (en 1355) le sceau aux contrats fit
complètement remplacer les chartes-parties par les lettres
scellées » (1).
Une concession que l'on fit souvent au nouveau système fut
è.e combiner les deux procédés : les parties- apposèrent leurs
sceaux sur les chirographes. On en trouve de nombreux exemples.
L'exemplaire d'un contractant est alors validé par le sceau de
l'autre (2). D^autre part, les échevinages fidèles au chirographe,
c'est-à-dire, la plupart, délivrèrent à la partie contractante
l'expédition lui revenant, sur parchemin avec le sceau échevinal
pendant (3) ; et là où la lettre scellée est en vigueur, on remet
aux parties des copies non revêtues du sceau (4). Enfin certains
coutumiers s'expriment sur ce sujet d'une manière assez peu
explicite ; on pourrait croire à les lire que les deux procédés ont
été combinés, à moins que l'habitude du contrat en forme de
chirographe leur ait fait employer ce mot improprement. C'est
ainsi que la toutume d'Épinoy (5) signale que les échevins
« dressent lettres soulz leurs sceaulx » des
choses passées devant
eux, d'où il semble que c'est la lettre scellée qui devrait être en
usage. Mais cela n'empêche pas la coutume d'ajouter que « de
ce font lettres en double chirographées dont ly une se met au

(1) ESPINAS. Op. cit., p. 541.


(2)-BRUNEL. Recueil des actes des comtes de Ponthieu. Monuments inédits.
Paris 1930, p. 194.
(3) PRUD'HOMME. Op. cit., p. 2.
(4) GIRY. Saint-Omer. Loc. cit.
(5) BOUTHORS. Op. et loc. cit.
ferme et l'autre se baille à partie. » En résumé-d'usage du sceau
n'offrira jamais dans des échevinages le caractère de généralité
que présente le chirographe.
L'emploi de la lettre scellée introduisit naturellement de pro-
fondes modifications dans le style du contrat échevinal. L'acte
est rédigé d'une façon plus complète et plus explicite. Il contient
naturellement les clauses et les indications requises par la science
juridique plus complexe de l'époque. Il semble aussi que la lettre
scellée ait due être signée des échevins. C'est du moins ce que
nous indique la coutume de Saint-Omer (art. 26) (1). Mais la
modification la plus importante consiste dans la suppression du
dépôt d'un exemplaire aux archives communales. L'origine et
la raison d'être de ce dépôt si utile, provenaient ainsi qu'on l'a
dit (2) de la forme même du chirographe. Il n'était plus possible
avec le système des lettres scellées. Il eut cependant été déplo-
rable que la juridiction échevinale ne conservât plus trace des
actes passés devant elle. Pour maintenir ce système, qui avait
fait ses preuves et dont on appréciait l'avantage, on imite la
manière d'agir des notaires. Ceux-ci ,en effet, avant l'ordonnance
d'Orléans écrivaient ordinairement les contrats par trois fois :
en minute, en grosse, et enfin d'en conserver un double, sur un
registre, tout d'une suite, « tout d'un dactyle » dit l'ordonnance
de 1535 (3). Ce registre portait le nom de protocole. Il était
différent du répertoire que les notaires sont actuellement obligés
de tenir en ce sens que l'acte y était intégralement reproduit.
Ce procédé auquel avait donné naissance une ordonnance de
Philippe le Bel, en 1304 et qui ne fut abandonné qu'après que
l'ordonnance Orléans eut exigé que les parties figurent à la

(1) BOURDOT DE RICHEBOURG. I, p. 291.


(2) Supra. Chap. V, p. 56.
(3) LOYSEAU. Traité des Offices. Livre II, ch. V, § 72.
minute, inspira nos magistrats municipaux. Toutefois, le registre
tenu dans les greffes échevinaux, rappelait davantage le réper-
toire notarial moderne. Le contenu de l'acte y était exprimé
en notes succintes, en « bref » d'où le nom de registre aux embré-
uures qui lui fut donné. Ce terme d'embrévure était également
celui sous lequel on connaissait les notes prises par les échevins,
tant pout procéder à la réception des contrats, qu'à la formalité
des « devoirs de loy ». Par extension, on donna parfois le même
nom aux actes eux-mêmes (1).

(1) BOURDOT DE RICHEBOURG. Loc. cit.


CHAPITRE IX.

Systèmes spéciaux d'authentification échevinale

L'emploi de la lettre scellée imposa l'usage concomitant du


registre aux embrévures, pour garder la trace du contrat. Nous
savons que toutes les cités qui utilisèrent les lettres de juridiction
l'adoptèrent. Puis au lieu de simples notes, elles utilisèrent
bientôt des registres où l'acte était recopié en son entier. Elles
ne trouvaient en effet dans ce nouveau procédé que des avantages.
En ce qui concerne la conservation des contrats, il était plus
pratique que le chirographe et plus complet que l'embrévure,
on n'était pas non plus contraint de renoncer pour cela aux émo-
luments du sceau que l'on continua à employer en l'apposant
sur l'expédition des parties. On en généralisa donc l'usage.
C'est en registre que sont désormais notées toutes les délibéra-
tions de l'échevinage. Parmi elles, celles au cours desquelles
s'accomplissaient les diverses formalités consécutives à la récep-
tion des actes, dénommées « œuvres de loi » (1) étaient des plus
importantes. A leur sujet, on s'attacha particulièrement au nou-
veau système. Une ordonnance du Parlement de Paris du 29 no-
vembre 1599, interdit, même pour le Vermandois, la rédaction
sur feuille volante de l'acte constitutif de ces formalités (2).
De nombreuses coutumes en font également une obligation (3).

(1) Cf.infra, chap. XV, p. 119.


(2) MEYNIAL. Cours d'histoire du droit privé. Doctorat 1927-1928, p. 469.
(3) Reims, § CLXXVII. BOURDOT DE RICUEBOURG. II. p. 502. Loix de Hayn-
nau, ch. XXXV, p. 19. St-Omer, etc...
en conçoit que dans ces conditions on ait été tenté de développer
l'usage du registre aux embrévures, et d'en faire, non plus un
accessoire, mais l'instrument principal de la rédaction des
contrats.
Ce système d'authentification à l'aide de registre était d'ail-
leurs pratiqué à l'étranger. En Angleterre, on connaissait une
sorte de contrat appelé « recognizance » ou « contrat of record »,
qui se passait devant la chancellerie ou l'Echiquier et consistait
en l'inscription de la dette du débiteur sur un rôle, tenu par le
shérif. On en a aussi des exemples devant les assises et l'Eehiquier
de Normandie (1). Le système d'authentification allemand
était, lui aussi basé sur l'enregistrement, à tel point que l'on a
pu mettre en opposition deux procédés, l'un appelé français,
|
se servant de feuilles volantes, l'autre allemand, utilisant les
\ registres dénommés Erbbücher. (2).
j.
Dans l'adoption du procédé d'authentification par enregis-
l
trement, on peut donc supposer l'influence allemande. Mais
j l'utilisation préexistante du registre aux embrévures ne dût pas
I moins contribuer à préconiser cet usage. Parfois le nouveau
registre prend simplement la place du précédent. Nous en avons
\ l'exemple à Arras où le registre aux embrévures, existant depuis
1354 prend simplement -en 1598 le nom de registre aux contrats.
Il diffère de l'ancien en ce que les actes y paraissent copiés
intégralement.
11 n'y eut souvent qu'un seul registre où tous les actes furent
-écrits à la suite, par ordre chronologique, soit au jour le jour,
soit plusieurs ensemble, de temps en temps. Mais par la suite,
au lieu d'un seul registre aux contrats, on en établit autant que
de catégories d'actes « Et de tant qu'il y a plusieurs fermes à

(1) YVER. Op. cit., p. 237.


(2) Littéralement : Livres d'hérédité. DES MAREZ. Lettre de foire, p. 9.

<
Mons, sera fait un registre en cette ville, où iceux ravesiissements
seront registres » (1). Au lieu de conserver tous les actes pêle-
mêle dans chaque ferme, on les réunira donc par nature. Bien
des villes cependant n'auront qu'un seul registre pour les diffé-
rents contrats.
Le nouveau procédé — et cela confirmerait notre assertion
sur son origine germanique— fut d'abord usité en Flandre.
Dès 1399, à Gand, on adopte la forme du registre. A Bruges on
l'utilise pour la première fois en 1500. De même à Ypres dont on
possède 103 registres, allant de 1498, au 3 août 1796 (2). L'enre-
gistrement parait d'ailleurs avoir été au xvie siècle d'un usage
très répandu pour la réception des contrats. Il était adopté par
les communes établies suivant la charte de Beaumont (3).
A Amiens, au dire d'Augustin Thierry (4) aurait été alors en
vigueur un procédé, « revenant aux traditions de la curie romaine ».
Après lui, de nombreux auteurs (5) ont reproduit cette opinion,
en sorte que le mode d'authentification usité par l'échevinage
d'Amiens, a pu passer pour avoir été tout à fait spécial et direc-
tement inspiré par l'institution romaine. Il semble difficile en
raison du peu que l'on sait sur l'authentification par la curie
de soutenir cette affirmation, basée uniquement sur l'emploi
des registres. La délibération de l'échevinage du 13 décembre
1441, qui établit le nouveau système paraît bien faire œuvre

(1) Loix du: Haynnau. Loc. cit.


(2) DES MAREZ. Lettre de foire., Loc; vit.
(3) BONVALOT. Beaumont, p. 390.
(4) Op. cit., II, p. 149:
(5) Notamment Francisque RENAUD. Recherches historiques sur la formalité
de l'enregistrement en France au Moyen-Age, dans Revue de Législation ancienne
et moderne 1872, p. 398. -
nouvelle (1). Mais si l'on se reporte à l'intitulé du registre (2)
il semble bien en résulter que l'intention des magistrats d'Amiens
fut seulement d'utiliser désormais le système des lettres scellées.
II est possible qu'ayant employé jusqu'alors le procédé des chiro-
graphes on ait négligé de garder un exemplaire aux archives
municipales. Le nouveau registre n'eut été employé que pour
combler cette lacune : on comprend dans ce cas, que cette créa-
tion répondait à des besoins multiples. Elle devait à la fois
offrir une base certaine à la perception des droits seigneuriaux
sur les ventes d'immeubles ,d'offices, etc., comme à celle de la
taille, des cens et louages de maison, et constituer une garantie
de la propriété civile (3). Il serait donc exact de dire que l'on est
passé directement de l'usage du chirographe à celui du registre (4)
L'absence de chirographes aux archives d'Amiens ne peut qu 'ap-

(1) «
Messeigneurs à grant et meure délibération et d'une volonté et consen-
tement ont ordonné que dorénavant, bail à cens, vendicions, etc., dont par cy-
devant étaient faites lettres que on nommait chirographes et dont par long et
ancien temps on avait usé en ladite ville seront enregistrés en un registre en
parchemin, tout au net, qui sera signé du clerc de la ville, et d'an en an, ledit
registre sera renouvelé en chacune mairie » (probablement celle de la cité et
celles de la banlieue) « et seront lesdites lettres scellées du scel aux causes de ladite
ville et signées dudit clerc pour les parties qui avoir les vorront, mais néanmoins
toutes les chyrographes qui par cy-devant ont esté faictes demourront avec
leur valeur et vertu ». Aug. THIERRY. Loc. cit.
(2) « Primes, ung registre commenchant par ces mots : Registre aux vendi-
cions, transports de maisons, jardins, terres, cens, rentes et héritages vendus,
transportés, baillés à cens en la mairie et eschevinage de la ville et cité d'Amiens,
ledit registre commenchant le XXIV décembre MCCCCXLI auquel jour fut
ordonné en l'eschevinage de lade ville que doresnavant, au lieu des lettres que l'on
nommoit chirographes, seroient faites lettres soulz le scel aux causes d'icelle ville
et registrées tout au long aud. registre». Inventaire S. III, 1551.
(3) MAUGIS. Essai sur le régime financier de la Ville d'Amiens du xive à 'la
fin du XVIE siècle, dans Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie,
llle série, T. III, 1898.
(4) NOYELLE. Op. cit., p. 35.
puyer cette opinion, mais ce n'était cependant pas une innova-
tion en 1441. Une première série de registres avait commencé le
9 février 1402-03 (1). Là seulement résiderait une particulatité
dans l'authentification des actes à Amiens. Car nous persistons
à penser qu'en principe, l'usage de la lettre scellée fut une forme
intermédiaire entre les deux autres prodécés. En témoignage
de cette affirmation, on peut citer l'exemple de la ville de Tournai,
qui en sens contraire, fut toujours fidèle 'à la forme chirogra-
phaire et n'utilisa jamais non plus les registres.

La présente étude n'a pour objet que l'authentification des


actes pratiquée directement par les échevins, telle qu'elle exis-
tait dans les provinces du Nord de la France. On ne s'étendra
donc pas sur l'authentification donnée par délégation comme
l'exerçaient les municipalités du Midi par l'intermédiaire de
leurs notaires. Les cités du Midi, probablement parce que plus
imprégnées de droit romain, et n'ayant pas oublié les préroga-
tives de la curie ne doutaient pas de leur droit à exercer la juri-
diction gracieuse. Tandis que dans le Nord, l'échevinage n'avait
à l'origine donné l'authentification que par une sorte d'usur-
pation et d'une manière subreptice, les magistrats du Midi,
dés le XIIIe siècle, établirent délibérément leurs notaires (2).
On sait la différence qui existait entre ces officiers établis dans
les pays de langue d'oc, et leurs confrères du reste de la France.
Les premiers conféraient eux-mêmes l'authenticité à leurs con-
trats au moyen de l'apposition de leurs sceaux, alors que les

(1) Inventaire S. III, 1551. A cette date la série compte déjà 282 registres,
plus 17 manquants.
(2) Consulter sur ce sujet : AUBENAS. Etude sur le notariat provençal an-
Moyen-Age. Aix-en-Provence 1931.
seconds dépendaient toujours pour cela de la juridiction près de
laquelle ils étaient établis. Leur compétence parait aussi avoir
été plus grande. Les notaires municipaux du Midi joignaient
fréquemment à leurs titres, ceux de notaires comtaux ou impé-
riaux, sans doute afin d'accroître leur importance et de consolider
leur pouvoir.
Ces quelques indications nous écarteraient de notre sujet, si
nous ne possédions dans nos régions un exemple de notaires
municipaux : les Amans du pays Messin. A Metz, en 1197, l'évêque
Bertram, par la même charte qui supprima le duel judiciaire,
décida que les contrats seraient désormais mis par écrit. Ils
seraient conservés, dans chacuns des 19 églises paroissiales, en
des cabinets voûtés, munis de porte et volet de fer, dénommés
« arches M.
Deux prud'hommes élus, auxquels on donna le nom
de wardours des arches en auraient les clefs, et garderaient les
contrats. Telle paraît être l'origine des notaires municipaux
de Metz. Il est possible cependant que dans cette cité comme à
Cologne dès la seconde moitié du xie sicèle, on ait essayé de garder
trace des mutations immobilières et confié aux échevins la garde
des parchemins en faisant foi (1). Les wardours des arches,
qui prirent ensuite le nom d'amans étaient donc des-officiers
communaux chargés à l'origine de conserver et probablement
très tôt de dresser les écrits privés des citoyens. Primitivement
élus, ils lurent ensuite nommés et investis directement par l'éche-
vinage.
Leur compétence s'étendait sur la ville de Metz et les villages
de la banlieue. La coutume (2) nous apprend que l'évêché avait
cependant conservé ses tabellions qui devaient exercer sur le
domaine soumis à l'autorité religieuse. Le magistrat urbain de

(1) H. KLIPPFEL. Les Paraiges messins. Paris-Metz 1863, p. 87.


-1 (2) BOURDOT. II, p. 395.
son côté, s'était réservé certaines matières de la juridiction
gracieuse, ressortissant d'ailleurs plutôt au rôle des tribunaux,
qu'à celui des notaires actuels : l'estault saisie et vente publique
de biens meubles, la vesture et la prise de ban, formalités consé-
cutives à ima mutation immobilière (1). Mais une ordonnance
fit défense à tous, y compris les maires et échevins des villages,
de recevoir tous contrats. Les actes des Amans, appelés écrits
d'arche, comprenaient, nous apprend cette ordonnance « tous
crants, contrats, obligations, testaments, codicilles, et autres
dispositions de dernière volonté », et en somme, tous actes privés.
Les Amans n'auraient pas d'histoire, s'ils n'avaient eu à se
défendre contre leurs confrères royaux Le premier coup leur
fut porté' en 1552,. lorsque Metz, pour échapper à Charles-Quint,
se plaça sous la protection de la France: On y établit un Parle-
ment et deux notaires. Ces derniers n'avaient d'ailleurs compé-
tence à l'origine que pour les actes des membres de la garnison,
et pour établir des procurations 'destinées à l'extérieur. Mais
bientôt, plus nombreux, ils devinrent entreprenants. Les
Amans s'unissent pour résister. Leur réglement du 4 mars 1562
témoigne de l'effort qu'ils accomplissént pour établir dans leur
corporation un lordre ne pouvant donner-prise à aucune critique.
Leur résistance, qui dura tout le XVIIe siècle passa par des alter-
natives de revers et de succès En 1634, lors de la création du
bailliage royal, ils crûrent triompher en confondant sur leur tète
les huit charges alors existantes de notaires royaux. Mais les
Amans; non investis du nouveau titre, ne pouvaient constituer
hypothèque que dans la ville et pays Messin, et bientôt n'exercer

(1) PROST. L'ordonnance des Maiours. Etude sur les institutions judiciaires Il
Metz du XIIIe au XVIIe siècles, dans Nouvelle Revue historique 1878, p. 189.
Voir aussi du même auteur : Etude sur le régime ancien de la propriété, là vésture
et la prise de ban à Metz. N. R. H. 1880, p. 1.
que dans quelques villages où les échevins avaient conservé la
haute juridiction. Ils disparurent en 1728 (1).

Nous savons (2) qu'il aurait existé à Tournai un mode spécial


«Tauthentification. L'acte notarié y aurait été combiné avec
l'acte échevinal, et c'est finalement le corps municipal qui aurait
conféré l'authenticité au contrat En réalité, à Tournai comme
ailleurs, les échevins procédèrènt à 4'accomplissement des for-
malités postérieures à la réception des actes. Tous les échevi-
nages remplirent ces mêmes fonctions. On ne rencontre donc
rien 'de spécial dans le système usité dans cette ville, si ce n'est,,
au point de vue diplomatique, l'utilisation constante, déjà signa-
lée, de la forme chirographaire, pour procéder à ces formalités (3).

(1) CHABERT. Création des notaires royaux dans la ville de Metz. Suppression
des Amans ou notaires du Pays Messin (1552-1728), dans Mémoires de l'Académie
de Metz, XLe année,'i858-1859, p. 243.
(2) Supra, chap. IV, p. 49.
(3) Cf. infra, chap. XV, p. 122.
CHAPITRE X.

Sceaux et sigles manuels

Nous avons vu (1) l'importance de l'usage du sceau. C'est


grâce à lui que les particuliers certifient leurs conventions. Ce
nouveau mode est même assez puissant pour créer un système
spécial d'authentification, la lettre scellée. Sans entrer dans des
détails relevant de la sigillographie, il importe de rechercher
quels étaient les empreintes dont étaient revêtues les « saelés
d'eschevins », suivant l'expression du temps.
Toute commune possède un sceau ; c'est un de ses attributs
indispensables, la marque de sa personnalité morale et de sa
souveraineté. Cela est si vrai qu'en principe, on rencontre le
sceau dès la naissance de la commune et que le premier geste
du roi voulant confisquer les libertés d'une cité, sera de le lui
enlever. C'est ce cachet, sigillum ciuitatis, qui est apposé sur
toutes les pièces officielles émanant de l'administration urbaine ;
c'est lui aussi qu'à l'origine, on- utilise pour donner aux actes
privés un complément de garantie.
Il constituait donc la signature de la commune pour laquelle
il entraînait certaines responsabilités politiques et financières.
En faire un usage abusif pouvait avoir de dangereuses conséquen-
ces. Aussi le conservait-on soigneusement à l'hôtel de ville, dans
un meuble à plusieurs serrures, le huchel aux sceaux, dont plu-
sieurs échevins gardaient les clefs. On ne l'employait également

(1) Supra, ckap. VIII, p. 71.


qu'avec certaines formalités, et en présence des échevins (1).
On conçoit que dans- ces conditions l'apposition de ce seing sur
les écrits privés présentait certaines difficultés. C'était d'ailleurs
le détourner de son véritable usage : ne devait-il pas servir uni-
quement à constater les engagements de la ville elle-même ?
Aussi quand au début du xine siècle, l'habitude se répandit
d'authentifier les actes au moyen- du sceau, les municipalités
désirèrent et obtinrent en même temps que la confirmation de
ce procédé, le droit d'utiliser pour ce faire, une autre empreinte,
spécialement destinée aux actes de juridiction gracieuse. Là
lettre du bailli de Saint-Quentin de février 1306 (2), autorisant
au nom du roi, les maïeur et jurés à avoir un petit sceau ,énonce
d'une manière pittoresque les raisons mises en avant par les
magistrats urbains pour l'obtenir : « pro eo quod difficile est eis
liabere frequenter, magnum eorum sigillum, quia custoditur sub
sex clavibus » (3). On voit à. quel point la possession d'un sceau
spécial pouvait être recherchée. On donna à ce second sceau le
nen de sigillllln ad causas, scel aux causes, ou sigillum ad cogna-
tiones, scel aux cognoissances. Il était le plus souvent d'une
gravure différente de celle du sceau de la ville dénommé magnum
sigillum, et surtout d'un format plus réduit qui le fit appeler
aussi secretum.
L'usage du scel aux causes fut général. On rencontre à Beau-
vais « un scel appelé le -scel aux causes, lequel le maire de ladite
ville garde et a accoutumé de garder pour sceller les actes qui
se font pardevant lui entre parties dont il a la congnoissance

(1) DE CALONNE. La vie municipale..., p. 39.


(2) LEMAIRE. Op. cit., p. 22.
(3) Cette lettre est-elle apocryphe ? Toujours est-il que l'arrêt du Parlement,
de décembre 1317 qui supprime la commune, en donne notamment comme raison
qu'elle faisait usage d'un petit sceau, qu'aucune charte ne lui avait conféré;
LEMAIRE. Op. cit., 40.
accause de sa juridiction et.pour sceller procurations et autres
mêmes choses non touchans ne regardans les droits
ne les
charges d'icelle ville ; et ung autre grant scel notable
sous lequel
les charges et aliénations que l'on fait .de ladite ville
sont scellées »
(1). De même à Reims : Ont
« encore lesdicts eschevins un scel
pour l'approbation de leurs sentences, et aultre chose qu'il
convient sceller, qui est autentique et comme tel été
a approuvé
et receu par arrest de la Cour du Parlement à Paris, l'an 1321,
et
par la coustume de Reims, tant ancienne que moderne, esmolo-
gué, receue et registrée en ladicte cour de Parlement, article 78
»
(2).-Cela n existe d'ailleurs pas que dans les grandes villes
: les
échevins d 'Outrebois possèdent scel
« aux causes et contre-
scel » (3).
Parfois scel aux causes et scel aux cognoissances sont distincts,
le premier n étant utilisé que
pour les jugements, et le second
seulement pour l'authentification des actes. A Lille, il
y a deux
scels au siège des échevins : le scel aux
causes et le scel aux con-
noissances. Celui-ci donne hypothèque celui-là
; ne la donne
point. Le premierd'applique aux sentences, légalisations et autres
actes, et à vigueur d'exécution. Le second ne sert qu'aux actes
et contrats qui se font pardevant échevins dans la vue d'acquérir
hypothèque: il a aussi vigueur d'exécution; mais ni l'un ni
l'autre n'est attributif de juridiction (4). A Montdidier dès
»
1485, on distingue le scel aux
causes de la ville, le scel des co-
gnoissances et le petit scel (5). Le greffe d'Amiens possédait

(1) Document de 1398, cité Histoire de Beauvais. Beau vais


par LABANDE.
1892, p. 136.
(2) V. VARIN. Archives législatives de la Ville de Reims, II,
2e partie, p. 74.
(3) BOUTHORS. II, p. 154. Côutume d'Outrebms, art. 3.
(4) PÀTOU. Op. cit., II, 174. 17.
(5) V. DE BEAUVILLÉ. Histoire de la Ville -de Montdidier. Paris
1875, p. 145.
trois sceaux : le scel, le contre-scel, et le signet, que l'on ordonne
de refaire il neuf, en argent comme par le passé, mais un peu
plus grand, parce que les empreintes en sont usées, vu qu'ils
servent depuis 115 ans passés (1). Par la suite, dans un but fiscal
semble-t-il, on multiplie davantage ces sceaux. Il y a presque
un sceau spécial pour chaque nature d'acte ; ainsi les mutations
immobilières sont authentifiées par le sigillum hereditagiorum,
les procurations par le sigillum ad procurationes, etc...
Parfois, à côté du sceau de la ville se trouve apposé le sceau
du bailli. Il serait difficile d'en donner la raison. L'accord du
25 juillet 1380, conservé aux archives départementales de là
Seine-Inférieure, qui fait mention de ce qui est dû à l'Eglise
Saint-Nicaise par les apprentis du métier de draperie porte à la
fois le sceau du bailli et le scel des obligations de la ville de
Rouen (2).
Tandis qu'en ce qui concerne les actes notariés de nos régions,
le sceau était apposé par un fonctionnaire spécial, le garde scel,
les actes d'échevins sont scellés par le greffier de la ville, remplis-
sant les fonctions de chauffe-cire, et de scieur. Il arrive même
que le greffier appose én même temps sur l'acte sa marque per-
sonnelle. Mais comme il ne possède pas de sceau, c'est une sorte
de sigle manuel qu'il inscrit à la plume. Ce procédé a été assez
employé à Iénin-Liétard pour passer dans la coutume (3). Mais
1

il n'eut jamais un caractère de généralité en France, en ce qui


concerne tout au moins les écrits échevinaux. Dans les contrats
notariés du Midi de la France et de l'Italie, on rencontre souvent
l'authentification pratiquée de cette manière par les notaires.

(1) Délibérations de l'échevinage du 19 septembre 1460. Archives d'Amiens,


B. B. VIII, 233.
(2) BARABÉ. Op. et loc. cit.
(3) BOUTHORS. II, p. 357. Coutume <FHe'nin-Liétard, art. 5.
Pour les actes d'échevinage, en dehors du cas signalé à Hénin-
Liétard, on ne connaît qu'à Ypres, une- utilisation continue de
ce prodécé. Des Marez (1) a étudié à ce point de vue, 8.000 chiro-
graphes des archives d'Ypres, datant de 1249 à 1291. Jusqu'en
1283 on ne trouve aucun signe sur les actes, et l'on peut en con-
clure qu'ils sont l'œuvre, non des clercs de la ville, mais des con-
tractants ou de leurs scribes particuliers. Mais à partir de cette
date, on a la preuve à Ypres de l'existence de six clercs, et l'on
rencontre dès lors, au bas ou au dos des actes d'échevinage, des
figures, tenant lieu de signature à leurs rédacteurs. Elles affec-
tent généralement la forme d'un écu plus ou moins grossièrement
dessiné, comportant entre autres, l'initiale du nom du scribe (2).
On trouve aussi des fleurs de lys ou des fleurons. Mais le signe
le plus curieux à notre avis est constitué par une croix de Lor-
raine, accompagnée à sa base des représentations de la lune,
sous forme d'un croissant, et du soleil dessiné en étoile ; à peu
de chose près, ce sont des armes de la ville d'Ypres.
Mais il faut remarquer que ces signes ont une valeur symboli-
que. Si le croissant de lune et le soleil représentent le Pape et
l'Empereur, la croix, elle, est le signe par excellence, encore
utilisé de nos jours par les illettrés. Du vie au XIIe siècle, les
signatures des particuliers sont constituées par des croix.
L'emploi de ce signe diminuera ensuite. Mais jusqu'à la Révolu-
tion, les contractants l'utilisèrent fréquemment dans les actes
notariés, au milieu d'un cercle dans lequel le notaire prenait soin
d'inscrire leur nom. Il n'y avait toutefois rien de tel dans les
actes d'échevinage. Nous savons, qu'ils n'étaient pas signés.
Tout au plus, parfois un contractant possédant un sceau l'appo-

(1) DES MAREZ. Les seings manuels des scribes Yprois au XIIIe siècle, dans
Bulletin de la Commission royale d'histoire de Belgique, 1899, p. 631.
(2) C'est un A ou un I.
sait sur l'acte urbain. Mais cette formalité, rendue superflue par
la valeur du témoignage échevinal, est très exceptionnelle.
De même, les échevins, qui n'ont pas l'habitude de signer,
n'apposent généralement aucune marque. A Douai, cependant
on rencontre des actes, scellés de deux sceaux d'échevins té-
moins. On n'en trouve d'ailleurs pas davantage, même au cas où
le nombre d'échevins témoins semble avoir été supérieur à deux.
CHAPITRE XI

Compétence Ratione Loci

Les notaires exercent leur ministère dans un ressort en rapport


avec celui du tribunal auprès duquel ils siègent. A plus forte
raison l'authentification par les échevins, fonction non déléguée,
devait être limitée dans l'espace aux lieux sur lesquels portait
le pouvoir du magistrat. Il importe toutefois de ne pas confondre
à cet égard, l'étude du territoire où les échevins avaient le droit
de dresser leurs écrits, et la question de validité de leurs actes,
portant sur des biens qui échappaient à leur contrôle (1) où
reçus en dehors des limites de la juridiction urbaine (2). Le
premier point seul nous retiendra.
Le principe qui doit nous guider, c'est que les échevins sont
des magistrats locaux, donc à compétence restreinte. Par contre,
dans l'étendue de leur juridiction, ils sont entièrement maîtres,
ne relevant que du roi. Il en résulte qu'ils pourront, là où ils
commandent, recevoir les actes que bon leur semblera, quels
qu'en soient l'objet et les parties, naturellement « sauf les droits
du roy nostre sire, et l'autruy en tout » comme s'expriment les
«
eschevinages ». Mais, sortis de leur ressort, les échevins ne sont
dotés d'aucune autorité et perdent toute qualité pour exercer
leurs fonctions.
Relevons toutefois une règle différente, intéressante à signaler
justement en raison de son caractère exceptionnel. Elle nous est

(1) Cf. infra, chap. XIII.


(2) Cf. infra, chap. XI.
fournie par la coutume de Chimay qui semble donner compétence
à d'autres magistrats qu'à ceux de la situation des biens, en cas
d'absence ou d'empêchement de ces derniers. « Tous vendages et
transports devront être passés devant les gens de la loi du lieu,
ou à défaut, devant ceux du chef-lieu (1). Mais l'expression « gens
de la loi », désignant, non pas seulement des échevins, mais aussi
de quelconques hommes de fief, l'article cité pourrait ne concer-
ner que l'accomplissement des devoirs de loi. Mais cette formalité
avait avec l'authentification des actes, une certaine similitude.
Cette restriction de l'étendue territoriale des pouvoirs s'appli-
que aussi bien aux échevins, administrateurs de la cité qu'aux
fonctionnaires nommés par un seigneur. Mais pour ces derniers,
les limites de la juridiction sont très nettes : ce sont celles du
fief. Pour les échevins urbains au contraire, la détermination de
l'étendue territoriale est plus délicate. Dans la majorité des
villes françaises, il n'existait qu'un seul corps municipal. Sa
puissance n'était pas strictement limitée aux murs de la ville
comme on pourrait l'imaginer ; elle s'étendait non seulement
comme de nos jours à la cité elle-même, mais encore à la ban-
lieue. C'est une règle générale qu'un certain territoire entourant
la ville ressortit à son administration. Tous les coutumiers
parlent toujours de la «ville et banlieue » régies par les mêmes
règles et les mêmes magistrats. « C'est li registres dou cors de
ville et dou villois » (des villages avoisinants) dit le Cartulaire de
Provins (2). L'étymologie même du mot en exprime nettement
la portée, ban signifiant juridiction. Mais on conçoit que l'étendue
de cette banlieue n'était pas uniformément fixée à une lieue.
Loisel a beau nous la définir comme un espace « d'une étendue
de 2.000 pas, chacun valant 5 pieds, ou six vingt cordes, chacune

(1) BOURlIOT. II, p. 273. Coutume de Chimay, ch. VIII.


(2) BOURQUELOT. Op. cit., p. 221.
de six vingt pieds la banlieue variait beaucoup suivant les
»,
cités, en raison notamment de la configuration du terrain, de
l'importance de la population des faubourgs, des dimensions de
la ville, et probablement aussi de la puissance et de l'autorité
de ses magistrats. En principe, Loisel semble rétrécir exagérément
les dimensions de la banlieue. Si sa définition fut jamais exacte,
ce sont probablement les usurpations des magistrats municipaux
qui portèrent la banlieue à une étendue plus raisonnable, car elle
comportait généralement plusieurs villages (1). A la tête de ces
agglomérations se trouvaient d'ailleurs parfois des maires,
soumis à celui du chef-lieu (2).
Il n'y avait pas de règle générale et l'on ne peut donc préciser
l'étendue de ce territoire. Ce n'est pas qu'elle n'ait été à l'époque
très strictement fixée, au contraire. Cela était indispensable pour
la bonne administration de la justice. En un temps où la juri-
diction constituait une véritable propriété, où tous les officiers
qui en étaient chargés, municipaux et autres, la considéraient
comme un droit personnel, il était indispensable que les limites
en fussent correctement établies. Les documents constitutifs
des communes, sont généralement peu explicites sur ce point.
L'étendue de la banlieue dût correspondre au ressort de la juri-
diction seigneuriale à laquelle la municipalité s'était substituée,
ou constituer une question de fait. Si la tradition avait perdu le
souvenir de ces limites, on procédait à leur fixation par un
accord avec le titulaire de la seigneurie voisine qui était souvent
le roi, tout comme de nos jours deux propriétaires délimitent
leurs champs. Sur la frontière ainsi tracée on plantait des bornes

(1) «On dit aussi banlieue des bornes et de l'étendue d'une juridiction, de son
enclave ou détroit, qu'on appelle en quelques lieux quintaine ou septaine, dans
laquelle le juge ordinaire de la ville peut faire bannie et proclamation ».
(2) BOURQUELOT, Op. cit., p. 199, pour Provins.
aux différents points de passage et notamment aux quatre points
cardinaux (1). Ce n'était d'ailleurs pas une opération que l'on
avait pratiquée une fois pour toutes. On précisait la limite
chaque fois que cela était nécessaire (2). On pouvait ensuite
compter sur les sentiments ombrageux qui animaient nos
échevins chaque fois qu'ils craignaient un empiètement sur
leurs privilèges, pour faire respecter les droits de la cité confiés à
leur garde. Cependant, on ne sait pour quelle raison, il arrivait
que dans la même ville, la banlieue variât beaucoup. C'est ainsi
que Poitiers, au XIe siècle avait une banlieue qui s'étendait à
plus de seize kilomètres aux environs, alors que plus tard les
limites de celle-ci coïncident presque avec les murs de la ville.
Mais si la juridiction échevinale s'étendait ainsi hors de la cité,
à l'intérieur de la ville au contraire, elle subissait des restrictions
de deux sortes, les unes permanentes, les autres temporaires.
Là où, comme fréquemment en Belgique, coexistaient plusieurs
échevinages, chacun voyait sa compétence bornée par celle de ses
voisins. En France, c'étaient généralement des juridictions non
échevinales, qui limitaient l'étendue territoriale de l'action des
magistrats urbains ; cela revenait d'ailleurs exactement au
même. Nous sommes beaucoup mieux renseignés sur ces excep-
tions restrictives que sur celles extensives. Les chartes nous
donnent en effet plus de détails à ce sujet. C'est que, tandis que
le souverain octroyant le statut urbain, jugeait utile à bon droit,
de préciser ce qu'il entendait soustraire au pouvoir de la nouvelle
institution, lui fixant ainsi des limites juridiques, l'échevinage,
par contre, là où il ne rencontrait pas de barrières, s'étendait
autant qu'il lui était possible, et se constituait ainsi un ressort à
base beaucoup moins légale. C'étaient les fiefs des seigneurs,

(1) DE BEAUVILLÉ. Histoire de Montdidier. P. 145.


(2) MALICET. Op. cit., p. 117.
laïcs ou ecclésiastiques qui étaient ainsi soustraits au pouvoir
des échevins. A Rouen, la charte de Philippe-Auguste après avoir
indiqué la compétence des échevins, la restreint par ce membre
de phrase : « sauf les droits des seigneurs qui y auraient (dans la
ville) leur domaine » (1). Les Anciens Usages d'Amiens vers
1280 (2), précisent que « Ii maire et li esquevin ne sont à meller
de nul cas quel qu'il soit, ne de yretagez, ne de possessions qui
aviengnent ne qui soient en Hoquet, ne en Riquebourg, ne en le
Vingne l'Evesque ; car ch' est terre l'evesque, si en appartient à li
le justiche en toute cosez » (3). Ce territoire, est ce qu'en nombre
de documents de l'époque on appelle la terre contentieuse.
L'exemple d'Amiens n'est pas unique ; loin de là.
Cet enchevêtrement de compétence devait fatalement occasion-
ner des heurts et des luttes. « La charte de commune en exceptant
de la justice municipale les fiefs et les possessions des seigneurs
enclavésdans la ville (article 19) permettait aux seigneurs féodaux
de démembrer cette justice par des acquisitions de biens situés
dans la cité et dans la banlieue. Aussi l'échevinage intervenait-il
aux contrats et exigeait-il des acquéreurs, l'engagement pour
eux et leurs héritiers « de tenir l'immeuble suivant les us et
coutumes de la cité », c'est-à-dire de le maintenir sous la juri-
diction de la commune » (4). C'est souvent à prix d'argent que
l'échevinage parvint à supprimer ces enclaves gênantes
Quand l'une des juridictions était surprise exerçant sur le
territoire de sa voisine (et cela arrivait au moins aussi fréquem-
ment aux échevins qu'à leurs concurrents), on déposait devant
le juge suprême une plainte pour nOlwelleté. Chaque partie

(1) BARABÉ. Op. cit., p. 9.


(2) BOUTHORS. I, p. 80, art. 25.
(3) Rues actuelles du Hocquet, de Ricquebourg et de la Vigne l'Éyêque.
(4) NOYELLE. Op. cit., p. 46.
défendait alors sa position avec ce luxe de procédure que l'on
savait si bien employer à l'époque, principalement pour défendre
des privilèges. Cela se terminait souvent aussi par une transac-
tion. C'est à quoi se soumirent les échevins de Douai convaincus
d'avoir reçu le testament d'une femme, locataire d'un chanoine,
dans la maison de ce dernier, relevant de la juridiction de l'É-
glise (1).
Exceptionnellement, l'échevinage abandonnait ses pouvoirs
sur certaines fractions de son territoire et pendant un court
délai. C'était le cas principalement pendant le temps des foires.
Nous avons déjà rencontré à ce sujet les«esquievinsdelefeste» (2)
et 1' « écoutette du marché du temple ». Mais parfois aussi ces foires,
soit en raison d'un antique usage, soit par suite de quelque
accord, se tenaient sous une autre juridiction que celle de
l'échevinage. C'est ainsi qu'à Provins, la foire était pendant huit
jours entre les mains des moines du prieuré de Saint-Ayoul.
Cela est d'autant plus surprenant que l'activité de la juridiction
volontaire de l'échevinage était particulièrement grande pendant
la tenue de ces marchés ; elle a même donné naissance à une
catégorie spéciale de contrats appelés « lettre de foire » (3). Il est
donc probable que cela n'empêchait en rien leur exercice. C'est
le seul cas où le ressort de la juridiction gracieuse des échevins ne

chanoines avaient « empètré commission par devers le bailliu d'Amiens, leur


gardiien, en sur che complaignant de nous en cas de nouveleté J'. (Du 15 septem-
bre 1361).
(2) Supra, p. 21.
(3) Cf. infra, rhap. XIII, p. 75.
CHAPITRE XII

Compétence Ratione Personae

Le premier usager de l'acte d'échevins est rationnellement la


ville elle-même. La commune a en effet acquis la personnalité
morale et le collège des magistrats peut naturellement agir
et parler en son nom. Cette autonomie dont les communiers sont
fiers consiste justement à n'être obligé de recourir à aucune
autorité étrangère pour l'exercice de tous actes intéressant la
cité. Pour l'administration de son patrimoine propre, l'échevi-
nage agit comme un seigneur justicier dont il a pris le rang et
valide lui-même les contrats où il est partie. C'est ainsi que le
maire et les échevins donnent sous leur propre sceau, une
procuration pour acquérir un immeuble (1). Ce n'est que lorsque
l'autre partie contractante est d'une puissance au moins égale
à la sienne, que la cité se voit contrainte de s'adresser à une
autorité supérieure. Si cela est possible on a d'ailleurs recours aux
bons offices d'une autre ville à titre transactionnel, soit en matière
gracieuse, soit en matière contentieuse. C'est ainsi que l'échevi-
nage de Saint-Omer en 1290 statue sur un litige entre les magis-
trats de Gand et Guy de Dampierre (2). C'est probablement
aussi sous forme d'arbitrage que parfois les villes se voient
contraintes d'avoir recours pour dresser leurs accords à l'autorité

(1) LEMAIRE. Op. cit., p. 330. Procuration du 14 février 1549 pour acquérir
un immeuble appartenant au roi.
(2) Jules LAMEERE. Aspects de la preuve testimoniale en Flandre aux XIIIE et
xive siècles, dans Bulletin de la Classe des lettres de l'Académie Royale de
Belgique, 1907, p. 706.
d'un officier du roi (1). Mais on conçoit que ce moyen leur déplût
qui rappelait, leur dépendance vis-à-vis de l'autorité centrale,
et que l'on souhaitât le voir employé aussi rarement que possible.
Parfois cependant, probablement en raison de la grande autorité
dont jouissait le juge royal, on ne pouvait s'en dispenser. C'est
ainsi qu'à Amiens, dès le rétablissement du bailliage, les actes
concernant la commune, mème les acquisitions, sont passés sous
le sceau de cette juridiction. Mais on peut considérer cet exemple
comme exceptionnel.
En octroyant le droit de recevoir les contrats, les chartes
visent toujours directement ceux conclus entre jurés. C'est en
effet particulièrement à l'usage des membres de la commune
que fut créée la juridiction volontaire de l'échevinage. Ils en
sont les clients naturels. Ils y trouvent d'ailleurs, une simplicité
de forme, des garanties de justice et d'impartialité qui la leur
font apprécier. Le magistrat connaît les contractants et s'inté-
resse à eux. Il peut ainsi exercer à leur égard ce rôle de conseiller
si important lors de la passaticn d'un contrat. Le sentiment
d'indéptndance que doivent ressentir les bourgeois, aussi bien
à contracter devant leurs pairs qu'à être jugés par eux, n'est
pas non plus un facteur à négliger pour comprendre la faveur
avec laquelle est accueillie dès ses débuts, cette forme de l'acti-
vité échevinale. A l'origine les bourgeois contractent donc
volontiers devant la juridiction urbaine et point n'est besoin
de les y contraindre. Il n'y a donc pas de règle impérative et
le bourgeois peut aussi bien tester devant la juridiction religieuse
que devant l'échevinage.
Les premiers des communiers sont sans conteste les échevins.
Riches et d'un rang social plus élevé que le commun, ils ont

(1) 26 juin 1291. Accord passé devant le bailli d'Amiens entre le chapitre
et la commune. Aug. THIERRY. I, p. 277.
fréquemment besoin de passer des conventions. Leur concours
à l'exercice de la juridiction va-t-il les priver de ses bienfaits ?
On ne saurait l'admettre. Il est bien vrai que l'on ne peut être
à la fois juge et partie ; en matière contentieuse, l'échevinage
applique ce principe. Mais il ne peut être question d'obliger un
échevin, même délégué pour tenir les plaids, et recevoir les
conventions à contracter devant une autre juridiction que celle
dont il dépend et à l'exercice de laquelle il participe. Nous
n'avons qu'un seul texte qui envisage ce cas. Il paraît même
autoriser l'échevin à siéger alors avec ses collègues. C'est la
charte donnée au village de Ricquebourg par son seigneur,
l'abbé de Saint-Waast (1) qui dispose en son article troisième,
après avoir indiqué le nombre de magistrats requis pour la
passation de divers actes que « sy eschevin meismes vend ou
achatte en eschevinage, bien y pœult estre avœucq les autres ».
Il est une catégorie d'individus appartenant à la même
classe que les communiers, pour lesquels la question de compé-
tence peut se poser : Ce sont les étrangers. Par ces mots, il ne
faut pas entendre des hommes d'une nationalité différente,
cette question de nationalité n'ayant pas alors l'importance
actuelle ; ce sont principalement des personnes non revêtues des
droits de bourgeoisie, originaires d'une autre cité. Il semble bien
en effet que le droit de contracter devant les magistrats munici-
paux constituant un privilège, les étrangers devraient en être
privés. C'était peut-être ainsi que les choses se passaient à
l'origine de l'institution. Mais nous avons vu (2) que la règle
« Locus regit actum » est à la base de la compétence échevinale.
Bientôt d'ailleurs, la juridiction urbaine sera ouverte à quiconque
souhaitera y recourir, bourgeois de la ville, manants des environs,

(1) BOUTHORS. I, p. 501.


(2) Supra, chap. XI, p. 92.
ou forains. Ce résultat avait d'ailleurs été précédé de nombreuses
conventions entre villes accordant à leurs membres respectifs, le
droit d'utiliser l'échevinage ou, si l'on préfère, attribuant aux
magistrats urbains, la connaissance de leurs conventions.
A Calais, la charte de Gérard de Gueldre de 1181 donne compé-
tence à deux échevins en ce qui concerne les étrangers. On
connaît déjà le privilège des marchands étrangers à Grave-
lines (1). A Utrech « quincumque mercandi causa civitatem
intraverint, tam ipsi quam bona eorum, sub judicio illorum
maneant, qui publice juraverunt justa judicii dare sententiam,
id est scabinos » (2). L'accord entre Flamands et Colonais du
25 mars 1197 dit que si un marchand Flamand est sur le point
de quitter la ville et si quelqu'un l'attaque pour dette, « secun-
dum jus Colonie eum convincere debet » (3). A Ypres, une
keure de 1171 (ou 1174) proclame que «se marchans ou autres
estraiges homs vienge devant eschevins pour justiche, et cil de
qui il se plaint soient present ou puissent estre trouve devant
tierc jour ou devens 8 jours, li eschevins li doivent faire plaine
justice selonc le loy de le vile » (4).
Mais quand on traite ainsi avec un étranger, on prend cepen-
dant quelques précautions. Souvent un bourgeois se porte
garant de l'exécution du contrat ; ou bien on conserve un gage.
Parfois aussi l'étranger s'engage à régulariser la convention
d'après sa loi, à moins qu'il promette « sur sa foi et franchie,
que sa dette ne requerra pas autre loi que le loi de le ville » (5).

(1) Supra, chap. IV, p. 46. Voir sur ce point DES MAREZ. Lettre de foire, p. 97.
(2) HANSISCHES URKUNDEN BUCH. I, no 8, p. 6. Privilège de H. V. du 2 juin
1122.
(3) HANSISCHES URK. BUCH. I, nO3 46 et 97.
(4) DIEGERICK. Inventaire des Archives de la Ville d'Ypres. I. annexe I,
p. 303.
(5) DES MAREZ. Lettre de foire, pp. 22, 23.
La Noblesse et le Clergé, forment deux ordres à part. Chacun
possédait ses institutions propres, permettant à ses membres de
contracter sans avoir recours à qui que ce soit ; les nobles au
moyen de lettres scellées de leurs sceaux, les clercs, par acte
passé devant la juridiction ecclésiastique. C'est leur privilège
comme est aux bourgeois le droit de faire authentifier leurs
conventions par les magistrats municipaux. Il faut cependant
noter ce fait que parfois, chevaliers et clercs font partie de la
commune ; c'était le cas à Aire (1).
En dehors de ce cas, nobles et clercs sont parfois contraints
de recourir à l'échevinage. L'acquéreur de biens urbains y est
obligé. En 1195, Pierre d'Amiens, cède à Hugues de Picquigny,
une maison à Amiens. « Et hoc recognitum fuit solempniter
coram B. majore Ambianensi et scabinis ». (Cet acte porte les
signatures de six échevins auxquelles s'ajoute le sceau du
vendeur) (2). La commune courait là en effet un grand risque
qui eût pû entraîner son démembrement (3). Aussi, à la suite de
ces acquisitions, généralement le lendemain, nobles et clercs
s'engagent, souvent sous serment, à tenir l'immeuble aux us et
coutumes de la ville ; ils protestent de leur intention « de ne le
mettre hors de leur main, ni de le bailler à personne séculière qui
le puist posséder ainsi » (4). Ils reconnaissent que l'immeuble
objet de l'acte est assis en la justice et seigneurie du roi et de la
ville (5). Parfois ces promesses semblent insuffisantes et sont
confirmées aussitôt, soit devant les auditeurs royaux, soit devant
F official (6). L'acte sus-indiqué (6) du 24 mars 1280, contient une

(1) VIOLLET. Hist. des Institutions... T. III, p. 47.


(2) Aug. THIERRY. I, p. 119.
(3) Cf. supra, chap. XI, p. 95.
(4) Archives municipales d'Amiens, A. A. I, 72 v°.
(5) A. A. 1., 73.
(6) A. A. 1., 210.
restriction à l'engagement habituel : un chapelain de la cathé-
drale, après avoir promis de ne pas mettre en main-morte la
maison qu'il pourrait édifier sur une masure qu'il a prise à cens,
en excepte le cas où il l'aliénerait pour l'édification d'une
chapelle. On ne se contente pas toujours de l'engagement de
tenir l'immeuble aux us et coutumes de la ville. L'abbaye du
Gard ayant acquis un immeuble à Amiens, convient par acte
du 1er mars 1221, qu'elle ne pourra soustraire à la juridiction des
échevins, les laïcs qui se trouveraient dans cette propriété et
qu'elle ne pourra pas non plus l'agrandir (1). Un clerc et sa
femme accompagnant la promesse habituelle, faite devant
l'official, de ni jamais vendre ni donner leur bien qu'à une
personne soumise à la juridiction du roi et du maire, en déclarant
qu'après eux, leur maison reviendra à leur premier né, laïque (2).
Le seigneur lui-même ne peut s'exempter de cette formalité.
Louis, comte de Nevers et de Rethel contracte une acquisition
devant l'échevinage de Rethel en mars 1296. Une autre acquisi-
tion réalisée en forme de lettre privée est confirmée par éche-
vinage le 26 juin 1304 (3). On exigeait également un engagement
du bourgeois acquéreur d'un bien précédemment possédé par
un noble ou un clerc (4).
A compter du xive siècle, la juridiction religieuse et les notaires
d'officialité tombent en désuétude. Leur pouvoir est attaqué
de partout, leur compétence réduite et ils doivent céder la place
à des organismes spécialisés plus en rapport avec les fonctions

(1) Aug. THIERRY. I., p. 197.


(2) Aug. THIERRY. I, p. 215.
(3) L. DELISLE. Notice sur le cartulaire du Comté de Rethel. dans Annuaire
Bulletin de la Société de l'Histoire de France, année 1867, p. 61, n° 200 et p. 65,
ilo 210.
(4) Arch. Amiens, A. A. 1., 209.
judiciaires (1). On conçoit que jusqu'alors on n'avait rencontré
qu'exceptionnellement des membres du clergé contractant
devant échevins. On a toutefois pu établir qu'en principe les
ordres religieux utilisaient l'échevinage en proportion inverse
de leur importance respective (2). Ainsi, réciproquement à ce
que nous disions ci-dessus (3) un clerc, religieux ou laïc, pouvait
tester aussi bien par échevinage que devant la juridiction
officiale, s'il était possesseur de biens urbains. Désormais, le
clergé contractera, soit devant les officiers royaux, soit devant
les membres du corps de ville. Et notre institution a dès lors
la compétence nécessaire pour recevoir non seulement les actes
privés des clercs, mais encore ceux qu'ils passent pour l'adminis-
tration des biens ecclésiastiques eux-mêmes. Une aliénation
faite le 3 juin 1451, par les margilliers, curé, chapelain et certains
paroissiens de Saint-Firmin-Ie-Confez, est « recognue » devant
l'échevinage d'Amiens le lendemain (4). Le 15 du même mois,
deux prètres, représentant la collectivité des ecclésiastiques de
deux paroisses louent une maison à cens à un ouvrier (5).
La Noblesse également, contracte devant l'Echevinage au
moins aussi volontiers que devant les officiers royaux. Souvent
il le fallait bien. Sans parler de l'acquisition d'immeubles urbains,
chaque fois qu'un bourgeois était en cause, il entraînait en fait
son co-contractant devant l'échevinage. Or, dans bien peu de
cas les nobles ont à contracter avec d'autres que les bourgeois qui
détiennent le monopole de la vie économique. Jusqu'à leurs
ventes d'arbres et de récoltes sont passées par échevinage (6).

(1) Cf. infra, chap. XXI.


(2) ESPINAS. Op. cit., p. 532.
(3) Supra, p.- 99.
(4) Arch. Amiens, F. F., 3, fo 63.
(5) Arch. Amiens, F. F. 3, fo 70.
(6) Nombreux exemples aux Archives d'Arras. Voir aussi A. DUCHESNE.
Histoire de las Maison de Béthune. Preuves.
Lorsqu'au sortir de la Féodalité, la Noblesse, épuisée par les
Croisades éprouva un grand besoin d'argent, c'est aux riches
marchands qu'elle s'adressa. Les obligations étaient alors dres-
sées en forme d'actes échevinaux. Les plus grands seigneurs
procèdent ainsi. Le Comte de Flandre lui-même, ne croit pas
déchoir en signant devant la juridiction urbaine des reconnais-
sances de dette à ses sujets les bourgeois d'Ypres et d'ailleurs.
Si l'autre contractant est un organisme urbain, la solution est la
même. En mai 1280, Evrard, chevalier, seigneur de Querrieu,
reconnaît à l'Hôtel-Dieu d'Amiens le droit de pâturage dans les
marais dudit lieu. L'acte qui le constate est un chirographe
urbain (1). Même entre eux, les nobles font parfois intervenir
l'échevinage dans leurs contrats.
Un seul personnage cependant, semble mettre sa dignité à ne
pas contracter, couramment du moins, devant l'échevinage :
c'est le seigneur souverain, ou son représentant direct, le châ-
telain (2). Mais on y rencontre ses officiers les plus directs, peut-
être d'ailleurs en raison de leur qualité de propriétaires de biens
urbains, ainsi le 16 janvier 1450, Jean de Cambrin, escuyer,
Lieutenant du Bailli d'Amiens, passe un bail à cens par éche-
vinage. (3).
A l'origine, les bourgeois contractant donc volontiers devant
les échevins, on n'établit pas en général de prescription à cet
égard. Chacun est libre de contracter où il trouve son avantage.
Les rares chartes qui précisent ce point semblent constituer au

(1) Amiens. Archives hospitalières. B. 123.


(2) ESPINAS. Op. cit., p. 531. Encore la comtesse d'Artois contracte-t-elle
parfois devant l'échevinage de Calais. (Vente de rente du 31 août 1306. Archives
Calais, A. 52, 19) et le comte de Ponthieu plaide-t-il à l'échevinage de Montreuil.
(Procuration- à cet effet : BRUNEL, op. cit., p. 606).
(3) Arch. Amiens, F. F., 3, fo 18.
profit des échevins, un privilège dont leurs justiciables sont
libres de ne pas bénéficier, plutôt qu'une obligation inflexible à
la charge des communiers : « Nullum domum, nulla concessio,
nulla investitura tenebit, nisa facta fuerit coram scabinis dit
>

l'article 91 de la charte d'Arras de 1193 (1). Le privilège de


Cambrai déjà cité (2) précise « ut vendiciones, alienationes,
ingressus et exitus domorum et hereditatum predictarum, per
dictos scabinos nostros et non alio modo, fiant ». Mais la grande
majorité des documents établissant l'institution n'entre pas dans
de si grands détails. On ne peut donc en principe considérer
l'intervention de l'échevinage comme toujours obligatoire, que
pour les actes relatifs à la propriété immobilière, et nous en
savons la raison.
Plus tard, des défauts se font jour dans l'exercice de la juri-
diction échevinale. Son usage est, de plus, aussi onéreux que celui
de tout autre organisme. Les offices royaux sont bien gérés.
Toutes ces raisons peuvent inciter les bourgeois à délaisser leur
institution traditionnelle. Pour la sauvegarder, on se trouve
contraint d'obliger à son emploi. Cela est facile dans nos pays
de nantissement, en raison de la nécessité de la formalité de la
dessaisin3-saisine dont l'exercice est en partie aux mains de
l'échevinage. Cette formalité est presque inséparable de la récep-
tion du contrat lui-même. Si l'on ne peut pratiquer ailleurs l'une
des deux opérations, l'autre s'en suivra, presque forcément.
C'est pourquoi nous voyons les coutumes obliger à recourir à
l'échevinage, pour l'une ou l'autre, à peu près indifféremment.
Ainsi la coutume de Hénin-Liétard oblige à passer devant éche-
vins les actes de mutation d'immeubles « de quy qu'ilz soient
tenus et mouvans » mais « par especial ceulx que l'on dit cottiers

(1) WIGNACOURT. Op. cit., p. 90.


(2) Supra, p. 21.
ou mainfermes », alors que la dessaisine-saisine s'en reçoit par
le bailli (1). A Valenciennes et Cambrai, l'obligation porte seule-
ment sur les devoirs de lov, La sanction du défaut d'exécution
de cette prescription, c'est fréquemment la nullité de l'acte.
On y ajoute parfois aussi une pénalité. A Douai, un ban du 8 fé-
vrier 1246, punit celui qui ne werpit pas en pleine halle d'une
amende de 50 livres et de bannissement. Et l'on ajoute «et
kicunkes autrement locaterit, il ne feroit ne bien ne loialement
ne por lui (2). En dehors des mutations immobilières, certains
i)

coutumiers prescrivent parfois de recourir à l'échevinage à


peine de nullité pour l'accomplissement d'actes particulièrement
importants. C'était le cas à Lille en ce qui concerne l'entraves-
tissemtnt par lettres (3).
Du fait que les contractants ne comparaissaient ni de signaient
aux actes d'échevinage, il ne faut pas conclure que leur présence
n'était pas indispensable, sinon à la rédaction de l'écrit (4), du
moins à la conclusion de l'accord. Nous savons que cette absence
de signature dérivait du grand crédit attaché au témoignage
échevinal. Mais un droit primitif ne saurait admettre qu'un enga-
gement soit pris sans la présence de l'intéressé ; il ne peut davan-
tage tolérer que le contractant et le sujet du droit ne soient pas
la même personn?. C'est dire qu'à l'origine, devant l'échevi-
nage, l'usage de la représentation par mandataire ne fut pas
admis. On dût nécessairement se relâcher bientôt de cette rigueur.
Au xve siècle, on rencontre de nombreux actes passés par manda-
taire. Seule la coutume de Cambrai (5) n'autorise l'accomplisse-

(1) BOUTHORS. II, p. 357. Coutume de Hinin-Liétard, art. 5.


(2) TAILLIAR. Op. cit. Pièces justificatives n° 133, p. 70 et 131, p. 68.
(3) ROISIN. Edit. Monier, § 113.
(4) Cf. supra, chap. VI, p. 62. Le cas d'un contrat passé au nom d'un défunt.
(5) BOURDOT. II, p. 288. Coutume de Cambrai, titre V.
ment des devoirs de loy par procureur que pour les commu-
nauté, collège ou couvent. La nature de certains actes d'éche-
vinage à caractère plutôt commercial nécessite d'ailleurs l'em-
ploi d'un tiers. C'est le cas des « lettres de foire » où le mot com-
mand est synonyme de mandataire, par opposition au certain
command qui est un cessionnaire de créance (1). Nous assistons
là, à un effet du droit romain auquel peu de coutumes seront
insensibles. Seule, la coutume de Malines, s'en tiendra à l'ancien
système (2).
Il n'y que l'étranger, qui ne puisse bénéficier de cet avantage.
On craint ses attaques injustes et ses rigueurs contre un bour-
geois, si faculté lui est laissée de traiter et de poursuivre par
l'intermédiaire d'un représentant. Il doit comparaître en
personne devant l'échevinage si il veut plaider ; et comme il
est à craindre qu'il tourne la difficulté en cédant sa créance, on
la déclare intransmissible (3).
On ne paraît même pas exiger une procuration en règle sous
forme d'acte échevinal ou autre. Il semble que l'on puisse
contracter à l'aide de mandataire verbaux. On trouve ainsi des
contrats réalisés par portés-fort. C'était notamment le cas des
actes concernant l'administration du patrimoine des mineurs,
souvent représentés d'ailleurs par des échevins.

(1) DES MAREZ. Lettre de foire, p. 64.


(2) § 48, I., p. 20 (cité par DES MAREZ. Lettre de foire, p. 66).
(3) Livre Roisin. Édition Monier, § 68.
CHAPITRE XIII

Compétence Ratione Materiae

Il ne faut pas trop compter sur les chartes pour nous renseigner
avec précision sur l'objet de l'activité des échevins au point de
vue de la réception des contrats. Nous savons en effet qu'elles
sont très succinctes à ce sujet. C'est qu'elles procèdent plutôt
à la limitation de la compétence en énonçant les matières
réservées. Toutefois, en vertu du principe que tout ce qui n'est
pas défendu est permis, nous pouvons en déduire que l'éche-
vinage est généralement apte à recevoir toute espèce de conven-
tion.
La connaissance des actes concernant les terres nobles est
interdite aux échevins. « Li maire et li esquevin ont le connis-
sanche et le jugement de tous debas d'yretages et de possession
de le chité et ville, excepté che qui est tenu de fief de quoy li
jugemenz et la connissanche n'en appartient point à aus » (1).
Cette restriction s'explique en raison de l'étroit rapport existant
au Moyen-Age entre les personnes et les biens, et nous ne
pouvons à ce sujet que nous répéter (2). L'échevinage, institution
créée pour les bourgeois et régie par eux n'a en effet rien à voir
en matière de fief, pour laquelle des règles et des procédés de
transfert spéciaux sont en vigueur. Cela n'empêchera pas les
nobles, d'utiliser dans de nombreux cas la juridiction bour-
geoise (3).

(1) Les anciens usages d'Amiens vers 1280, art. 19. BOUTHORS. I, p. 79.
(2) Cf. supra, chap. XII, p. 102.
(3) Cf. supra, chap. XII.
Exceptionnellement, certaines chartes n'accordent aux éche-
vins que la connaissance des matières mobilières. C'est le cas
à Gézaincourt, en vertu du privilège octroyé par le seigneur
en avril 1240 (1). Mais les restrictions de ce genre sont rares. A
Amiens, à l'origine, existait une autre matière réservée : c'était
le vicomte ou le prévôt qui avait la connaissance des marchés
à terme. L'échevinage n'en connaîtra que lorsqu'il aura pris à
ferme la prévôté (mai 1292).
Les échevins peuvent donc dresser tous contrats ; leurs actes
sont même plus variés que ceux des notaires actuels ; ils reçoivent
en effet une quantité d'accords, commerciaux notamment,
pour lesquels on n'utilise plus, de nos jours, le ministère des
officiers publics.
Une seule matière leur fût âprement disputée, comme d'ailleurs
à tous autres laïcs : celle des testaments. C'est à compter du
XIIIe siècle que la juridiction ecclésiastique revendique la
compétence en cette matière. Les Conciles de Narbonna en 1227
et d'Arles en 1234, enjoignirent, à pein3 d'excommunication de
l'officier contrevenant, d'appeler un prêtre pour tester. Le
Concile de Bourges de 1276, maintient cette obligation de la
présence du curé (2). De même qu'il combattit la revendication
par la même juridiction de tout accord ou débat ayant trait
au mariage, le pouvoir royal lutta contre cette prétention, aux
conséquences envahissantes. Il faudra cependant attendre les
premières années du xve siècle pour voir autoriser les magistrats
laïcs à intervenir en cette matière. En ce qui concerne l'éche-
vinage d'Amiens, la question semble n'avoir jamais été tranchée,
en droit, sinon en fait, car de- nombreux testaments y furent

(1) BOUTHORS. II, p. 122, art. 4.


(2) AUFFROY. Op. cit., pp. 446 et 598.
reçus. Un arrêt du 21 janvier 1390 refusa formellement la connais-
sance de cette matière aux maire et échevins ; un autre du 26 mars
1390 les reçut à opposition contre cette interdiction sans que
nous possédions les documents subséquents qui durent trancher
la question (1). Des plaidoiries eurent encore lieu sur ce sujet
entre l'évêque et le procureur général d'une part, les maire
et échevins d'autre part les 17 janvier, 7 février et 8 avril 1442 (2).
Ce fut le bailli d'Amiens qui régla le conflit en 1396, pour
Saint-Omer (3). Un arrêt du 19 mars 1409 avait de même permis
aux bourgeois d'Abbeville de choisir entre la Cour laïque et le
Juge d'Église. En général au xvie siècle, tous les coutumiers
laissèrent aux testateurs le choix entre l'échevinage et le curé
de la paroisse, ou un officier royal assisté de témoins, ou encore
la rédaction des dernières volontés sous forme simplement
olographe. Seule la coutume d'Orchies (4) frappe de nullité les
testaments des « bourgeois, manants et habitants de la ville »
non passées et reconnus devant deux échevins. Encore la nullité
est-elle peut-être plutôt encourue si l'acte n'est pas reconnu, ce
qui est bien différent.
Il est possible, pour répandre un peu de clarté sur ce sujet,
de diviser en trois classes, les divers actes d'échevinage. La
première comprend les documents de caractère familial. Ce sont
les convenences de mariage (contrats de mariage) et les raves-
tissements (donations entre époux), généralement irrévocables
sans le consentement mutuel des conjoints, et interdites au cas

(1) MAUGIS. Documents inédits concernant la ville d'Amiens, dans Mémoires de


.1 Société des Antiquaires de Picardie, 1908, p. 325. XLIX.
(2) MAUGIS. Documents. XXXVI, p. 174.
(3) J. Bourgeois de St-Omer. Lille, 1930, p. 285.
DE PAS. Le
(4) BOURDOT. II, p. 996. Coutume d'Orchies. chap. II.
de second mariage (1). L'importance de ce dernier contrat
n'échappe pas à l'échevinage. C'est l'un de ceux pour lesquels
la passation par échevins est le plus fréquemment requise à
peine de nullité, et dont les magistrats municipaux conserveront
longtemps la connaissance. Comme de nos jours encore, il est
très usité, notamment en Artois et en Flandre.
La deuxième catégorie comprend les devises (testaments) qui
peuvent d'ailleurs être conjonctifs. Les legs y prennent le nom
de dons ou werps. Ils sont révocables au moyen de rapiaus. Les
mutations gratuites s'intitulent dons ou aumôsnes.
Enfin, nous rangerons tous les autres contrats, sous le nom
générique de convenences. Ce terme désigne plus spécialement
les modifications au régime de la propriété. Une indication des
titres sous lesquels ils sont connus nous renseignera sur la
diversité de la compétence échevinale. On les appelle suivant les
cas, dits, dessouires, luiages, luiages à vie ; depuis le milieu du
xive siècle, on rencontre aussi les arrentements. Le mot de werp,
qui signifie plutôt la garantie dûe à l'acquéreur, désigne parfois
la vente d'immeubles elle-même. On dit plus souvent cependant,
vendage ou vendicion. L'échevinage procédait aussi aux ventes
à l'encan « par cri de halle » appelées ahéritements (2). Les actes
de plégerie (cautionnement) partent aussi le nom d'aquitances.
On appelle aloiances, ou compromis, une grande quantité de
contrats par lesquels, sous forme d'arbitrage, les échevins
recevaient les accords les plus divers. Presque tous les actes,

(1) Letitre entier de cet acte est ravestissement ou entravestissement par lettres,
par opposition au ravestissement de sang, coutume produisant les mêmes effets,
sans nécessité d'aucune forme, au cas d'existence d'enfants du mariage.
(2) A Amiens, ces ventes étaient annoncées au cri de : « De par lesdis maïeur
et eschevins, au commandement des gens du roi nostre sire J'. Cela donne lieu
à bien des difficultés avec le bailli, qui refusait à tout autre le droit de se dire
représentant du roi
comportant une obligation de donner ou de faire étaient suivis
d'un autre, constatant l'exécution, dénommé quittance ou
renoncement (1).
La compétence des inventaires paraît très recherché. Nous
voyons l'échevinage la disputer, à Amiens au prévôt, aux
notaires royaux à Metz et à Colmar. Les liquidations et partages
sont aussi du ressort du magistrat urbain. Mais ce sont des actes
compliqués et savants, dont, sauf à Colmar, les notaires royaux,
aussitôt établis auront vite faite d'exercer le monopole de fait.
Pourtant à Lille, est seul valable, le partage dressé par échevins
ou confirmé par eux, au cas où il y a été procédé par des amis
ou des experts commis par échevinage (2).
Dans les actes d'obligation, emportant le principe d'une
somme à payer, connus sous le nom de lettres obligatoires, il est
fréquemment fait mention d'un gage ou d'une caution. On y
trouve aussi, couramment, une clause à ordre. Des Marez, qui
a particulièrement étudié les contrats de ce genre existant (avant
la guerre) aux archives d'Ypres et qui sont d'un usage plutôt
commercial, leur donne le nom de « lettres de foire » (3). Toutefois,
au dire de certains auteurs, ces titres échevinaux, au surplus très
curieux, ne seraient pas de véritables lettres de foire (4). Les actes
de la nature de ceux trouvés à Ypres — et bien des archives
urbaines en possèdent d'analogues — n'ont que les garanties
que leur assure le droit local. Les titres à ordre commerciaux,
connus sous le nom de lettres de foire, qui étaient plus souvent
d'ailleurs dressés sous sceau privé, obéissaient à des règles

(1) Cf. ESPINAS. Op. cit., pp. 550 et suiv.


(2) Livre Roisin. Édit. Monier, § 114.
(3) DES MAREZ. La lettre de foire.
(4) HUVELIN'. Compte rendu critique de La lettre de foire, de Des Marez, dans
Revue Historique LXXVII, p. 152.
juridiques spéciales. Ils étaient privilégiés quant à leur force
probante et exécutoire et quant à la juridiction compétente.
Mais il ne faudrait pas croire cependant que la compétence
des échevins en matière de juridiction gracieuse se limitàt à
l'authentification des conventions. Elle était au contraire
excessivement vaste et variée. Nous ne ferons qu'indiquer les
diverses fonctions qu'ils remplissaient également.
En ce qui concerne les mineurs, ils procèdent à l'inventaire
après scellés des biens composant les successions qui leur
échoient. Ils autorisent la vente de ces biens ou y procèdent
eux-mêmes. Ils leur nomment un ou plusieurs tuteurs, à moins
qu'ils n'en remplissent eux-mèmes directement les fonctions.
Il y a lieu de signaler à ce sujet dans diverses villes notamment
à Saint-Omer et à Lille, l'institution des gard'orphènes. On pou-
vait, d ailleurs même majeur, se placer sous leur administration.
C est devant l échevinage que se font également les émancipa-
tions, dénommées mises hors d'avouerie, ou plus souvent mises
hors de pain.
Les échevins protègent également les créanciers en nommant
des curateurs aux successions vacantes afin de permettre les
poursuites. Ils procèdent aussi aux bornages et expertises (1).
Ils peuvent d'ailleurs ne pas pratiquer eux-mêmes ces opérations.
Les Archives d'Arras, possèdent une série de registres d'ordon-
nances allant jusqu'à la Révolution, portant nomination
d'experts, ainsi que d'autorisations accordées à des sergeants de
procéder à des adjudications mobilières. Enfin, en leur qualité
d'administrateurs urbains, ils ont la charge de faire régner la
paix dans la cité, et procèdent pour cela aux asseurements (2).

(1) BOUTHORS. II, p. 154. Coutume d'Outrebois, art. 4.


(2) Cf. Pierre DUBOIS. Les asseurements ail XIIIE siècle dam nos villes du Xun/.
Thèse Paris, 1900.
CHAPITRE XIV

Formalités

La réception des actes était généralement accompagnée


et suivie de diverses formalités. Nous ne pouvons évidemment
considérer que celles offrant un certain caractère de généralité.
Car dans bien des pays, les usages locaux pouvaient avoir
établi des formes, au demeurant fort pittoresque, ^hais dont la
connaissance est peu utile. C'est ainsi qu'à Arras, pour procéder
à l'entravestissement par lettres, les deux conjoints « comparent
devant deux échevins et recognoissent l'amour de mariage qu'ils
ont l'un pour l'autre, et en iceluy demonstrant, la femme va
baiser son mary en la présence desdits eschevins » (1). On peut
considérer cependant que cette formalité, rappelant l'antique
mode formaliste de passation des contrats, avait pour but de
mettre hors de doute le consentement des parties. Nous savons
déjà qu'il était nécessaire que cet entravestissement soit passé
en plein plaid (2). La sanction du défaut de ces cérémonies était
la nullité de l'acte. Mais l'acte écrit étant obligatoire par lui-
même les formes extérieures sont en général de peu d'importance
et sans intérêt.
Lors de l'accomplissement de l'acte, les contractants étaient
souvent tenus de prêter un serment. Cette procédure n'est pas une
invention du fisc moderne. Pour être assuré de toucher, sur les
prix de vente notamment, l'intégralité des droits dûs, on exige,
dès le xive siècle, que les parties affirment la loyauté du contrat

(1) BOURDOT. I, p. 277. Coutume d'Arras. Des entravestissements, art. IER.


(2) Supra, p. 56.
sous la forme du serment. « Et seront tenu de faire serement et
d'affirmer loialement li venderes et li acateres quel pris li dit
heritage seront vendu ; et soulablement fera serement li courtiers
qui ara fait le marquiet s'il plaist as eschevins et as vint et
quattre pardevant lesquels li heritage vendu seront recognut » (1).
Cet usage du serment fut très général. La coutume de Hainaut
l'exige également. La mention que le serment a été prêté doit
être inséré dans l'acte à peine de nullité « se question s'en faict,
en cas que recouvrez ne seroient par record d'eschevins en
manière de tant plus » (2). Il est probable que cette affirmation
solennelle, caractère religieux, produisait alors, plus que
de nos jours, une impression profonde, et un résultat satisfaisant.
Les ventes forcées de meubles ou d'immeubles avaient lieu
« à la bougie » comme de nos jours encore pour les adjudications
judiciaires d'immeubles. « Et s'en passe le décret à la muette
par fin de chandelle qui lors s'en allume pardevant ledit châte-
lain et eschevins » (3).
Ces ventes étaient suivies de publications légales, généralement
au nombre de trois, de quinzaine en quinzaine, le dimanche
aux églises paroissiales, et en un lieu communal quelconque,
le plus souvent aux portes de l'hôtel de ville ou au marché. Elles
avaient pour but de permettre l'exercice du rattrait. Leur effet
était aussi de purger sans débat « lesdits héritages de toutes
obligations et ypothecques... et autres charges... non concernant
le fons et propriété d'iceulx » (4). A Lille on combinait ces publi-
cations avec une déclaration faite sous serment par le débiteur

(1) Ordonnance de l'Echeviiiage d'Arras de 1358. WIGNACOURT, Op. cit., p. 243.


(2) Loix de Ilaynnau, chap. XLIV, p. 24.
(3) BOURDOT. I, p. 320. Coutume d'Aire.
(4) VERRIEST. Coutume de Tournai. Bruxelles 1923, p. 5.
des dettes grevant l'immeuble vendu (1). Parfois ces publications
sont antérieures à la vente elle-même et la saisine n'est donnée
qu'à l'expiration d'un certain délai en suivant : « Et pour les
héritaiges d'eschevinaige, est aussy requis que la vente soit
publiée en ladite église, jour de dimenche, heure de messe
parcissiale (2), que le possesseur a vendu ou wœult vendre son
héritaige ; et VII jours aprez et non devant l'ont pœult bailler
la saisine à l'achetteur ou au proxÏIne, et aprez la saisine baillée,
!, le proxime est inhabille à rattraire » (3).
On avait en effet essayé depuis longtemps sans d'ailleurs être
jamais parvenu à un résultat entièrement satisfaisant, de donner
; aux aliénations une publicité suffisante pour protéger les droits
-•
des tiers et aussi des parents du vendeur. Pour les aliénations
volontaires, en plus des trois criées sus-indiquées, on adressait
i aux échevins des lettres patentes les avisant de l'accomplissement
de l'opération. « Et s'adressera le comittimus d'icelles lettres de
purge aux eschevins et autres juges pardevant lesquelz les
ventes desdis heritaiges seroient faites et passées » (4). Durant
ces opérations les fonds restent en la garde des échevins qui
font fonction de séquestre. « Et les deniers d'iceulx héritaiges
venduz se devront consigner soulz le dépositaire d'iceulx
eschevins » (4). C'est parfois au maire qu'incombe personnelle-
ment cette charge. A Valenciennes, il conserve quinze jours
les fonds provenant des ventes et sujets à remploi (5).. C'est
également aux mains des échevins que doivent s'adresser le

(1) Litre Roisin. Édit. Brun-Lavainne. Réglement sur les purges d'hypothèques
de mars 1291, p. 62.
(2) Souvent aussi heure de vespres cantées ».
«

(3) BOUTHORS. II, p. 402. Coutume d'Epinoy et Carvins, § 23.


(4) VERRIEST. Tournai. Loc. cit.
(5) BOURDOT. II, p. 247. Coutume de Valenciennes, chap. XIV.
cas échéant, les oppositions sur prix de vente. Ils procèdent
à la distribution.
A Saint-Omer, dès le XIIe siècle on utilisa le système de publi-
cité au moyen de criées dans les Églises, dans un tout autre
but. Quand un bourgeois refuse de faire honneur à une obligation
qu'il a contractée devant les magistrats municipaux, l'échevinage
poursuit. Il peut en être différemment au cas où le débiteur est
un chevalier, propriétaire de biens nobles ; sa personne comme
ses biens échappent au pouvoir des échevins. Une keure de 1168,
§ 46, nous apprend que l'on publiait alors dans les églises, le
défaut du débiteur. Si un deuxième créancier prêtait ensuite,
il devait rembourser le premier (1).

(1) GIRY. St-Omer, p. 186.


CHAPITRE XV

Devoirs de Loy

Nous avons vu (1) que le lien obligatoire n'était créé en droit


Franc, qu'à la condition que. le consentement revêtît certaines
formes. De mêmes, pour qu'il y ait transfert de propriété il
fallait procéder à une tradition de la chose, effective à l'origine
puis simplement fictive. Ces procédés, d'abord isolés, puis
conjugués avec un écrit conduisent à l'usage d'investitures
symboliques. A l'époque féodale, la propriété, à chaque transfert,
est censée revenir au seigneur foncier. Le concours de ce dernier
est donc nécessaire pour toute mutation : il doit revêtir le nouvel
acquéreur du droit qu'il a ainsi retrouvé. Cette formalité, qui
donnait naturellement lieu à la perception de droits est générale-
ment comme sous le nom de dessaisine-saisine. On dit aussi vest
et devest, et dans le Nord de la France, deshéritance-adhéritance.
C'est d'ailleurs seulement dans cette même région que l'institu-
tion subsistera jusqu'à la Révolution.
C'est donc à l'origine le seigneur qui a qualité pour conférer
la saisine. La plupart du temps d'ailleurs, il délègue ses pouvoirs
à l'un de ses officiers : « et sy en rechoipvent lesdits bailly, son
lieutenant ou prevost, lequel qui premier y soient, les dessai-
sines et en baillent les saisines n, dit l'article 5 de la coutume de
Hénin-Liétard, déjà cité (2). Dans les communes, les droits des
seigneurs sont naturellement exercés par le magistrat urbain.
Il semblerait que dans ce cas, l'acte étant dressé par l'autorité

(1) Supra, chap. Ier, p. 12.


(2) Supra, p. 107.
même qui a qualité pour conférer la saisine, l'accomplissement
de toute formalité soit inutile. Il est probable que les choses se
passaient ainsi à l'origine. Mais dès que les notions juridiques
se développèrent, dans un but de protection, tant des proprié-
taires eux-mêmes que des tiers, et sans doute aussi poussé
par une arrière pensée fiscale, l'échevinage adopte cette façon
de procéder. C'est donc lui qui procède à l'ensaisinement. « Et
sy ont par ladite coustume (lesdits pers et hommes de fief et
eschevins, la court et congnoissance des werps et transports, des
dessaisines et saisines quy se font en ladite terre, assavoir, les
pers d'héritaiges, en parrye, et les hommes de fief d'héritaiges,
en fief, et de ce baillent lettres soulz leurs sceaulx, et lesdits
eschevins, d'héritaiges tenus en eschevinaige » (1). Cet acte de
vesture, portait à Metz le nom de plaid banni. Il y était procédé
par le maire et un échevin (2). Parfois, cette formalité est
accomplie par le représentant du seigneur, mais la présence des
échevins est nécessaire pour la régularité de l'opération. « Mais
les dessaisines et saisines se doibvent faire pardevant le seneschal
de Saint-Pol, ou son Lieutenant audit lieu, présens les esche-
vins » (3). C'est une obligation de la charge échevinale. « Sy sont
tenus lesdis eschevins de faire et servir en toutes dessaisines et
saisynes pour tous seigneurs qui ont seigneurie en ladite loy
d'Aubigny, pourveu que les baillis ou lieutenants de baillis
soient présents pour recevoir les dessaisines et saisines des
héritages vendus » (4). C'est d'ailleurs la manière de procéder
la plus rationnelle et la plus usitée. Les échevins concourent à

(1) BOUTHORS. II, p. 400. Coutume cTEpinoy et Carvins, art. 13.


(2) Cf. CHAMPEAUX. Essai sur la vesture ou saisine. Thèse Paris 1898, p. 209.
(3) BOUTHORS. II, p. 83. Coutume de Bourrech-sur-Canche, art. 12.
(4) BOUTHORS. II, p. 300. Coutume d'Aubi[Jny, art. 33.
l'ensaisinement des rotures, de la même manière qu'agissent
les hommes de fief pour les fiefs. Il rentre naturellement dans les
attributions du clerc de la ville, de tenir registre de ces formalités.
L'obligation de l'ensaisinement se trouve insérée dans tous les
coutumiers du Nord de la France. Seule peut-être, la coutume
d'Arras semble ne pas exiger la moindre formalité pour l'ensai-
sinement : « Contrat (de) vendicion d'héritaiges passé et recon-
gneu (?) pardevant deux eschevins, engendre saisine d'iceulx
héritages à l'achetteur pour luy, ses hoirs ou ayans cause, sans
en faire aucune autre appréhension » (1). En règle générale, il est
procédé à l'opération en « plaine halle » (2). Les contractants
comparaissent devant l'officier chargé de l'opération « mettant
la main à la verge de justice » (3). La bâton joue en effet un
grand rôle dans la procédure de l'ensaisinement c'est l'ancienne
:

jestllca. Toutefois pour les dessaisines de bourgage (n'emportant


pas mutation de propriété) on ne procède pas « par verge et
bâton » mais « par le signe d'une pièce d'argent que le vendeur
ou acheteur est tenus mettre et poser ès mains d'icelluy » (le
prévôt) (4).
L'esprit de l'opération se modifie toutefois peu à peu. Au lieu
d'être simplement le signe d'une investiture féodale, cette
formalité tend à devenir une mesure de sauvegarde au profit des
tiers ; l'ingérence en cette matière de personnages, autres que les
seigneurs fonciers, et notamment des échevins, ne jouant pas
simplement le rôle passif de témoins, mais donnant acte aux
parties de l'accomplissement de cette procédure nécessaire,

(1) BOCTIIORS. 11, p. 268. Coutume d'Arras, art. 9.


(2) BOUTHORS. II, p. 325. Coutume de Houdain, art. 45.
(3) BOURDOT. 1, p. 320. Coutume d'Aire.
(4) BOUTHORS. Coutume de Houdain. Loc. cit., art. 48.
ne dût pas être sans influence sur cette évolution. Nous assistons
en quelque sorte à la naissance de la transcription moderne.
On peut considérer d'ailleurs, qu'au sujet de cette formalité,
les échevins procèdent en deux qualités très distinctes. Lorsqu'ils
donnent l'investiture au possesseur par échevinage, ils agissent
comme souverains dans la cité. Mais plus généralement, à compter
du xve siècle, lorsqu'on les voit comparaître en qualité de témoins
à la saisine octroyée par le prévôt ou bailli, en suite d'actes non
échevinaux, ils remplissent le rôle, soit de « pairs d'héritage
»,
soit d'administrateurs urbains. De toute manière, l'opération
est désignée sous le nom de « devoir de loy ». Cette expression
est particulièrement usitée à Douai, Valenciennes et Cambrai.
Dans le ressort des juges royaux on dit plutôt « mise de fait
»
ou « main assise » (1).
Mais le cas le plus courant est celui où l'acte, étant reçu
directement par les échevins, l'investiture est ensuite donnée
par le seigneur ou son délégué, en présence d'un certain nombre
d'échevins. Ceux-ci en font un record à leurs collègues. Il est
tenu à l'hôtel de ville, un registre de ces « records de loy n. Mais
souvent aussi, l'acte peut ne pas émaner de la juridiction
municipale. Il n'en figurera pas moins dans les registres urbains.
On conçoit qu'il faille dans ces conditions une lecture attentive
des pièces pour ne pas les confondre avec le contrat proprement
dit (2).
Bientôt les coutumes ordonnent avec ensemble la nécessité
des œuvres de loi, pour tous actes translatifs de propriété, et

(1) Cf. MERLIN. Répert. de jurisprudence. Paris 1827. T. IV. Yo Devoirs de loy.
(2) Nous croyons intéressant de donner un exemple à
ce sujet. C'est un acte
d 'ensaisinement, pris parmi beaucoup d'autres dans les archives de Tournai.
Actes privés. Fonds de Saint-Brixe. Il est rédigé en forme de chirographe et
porte pour devise, quatre M.
« Sachent tous ceux qui ces présentes lettres verront ou oïront, que pardevant
autres, et ce, fréquemment à peine de nullité, qu'il s'agisse
d'actes entre vifs ou de testaments. Cette manière de procéder
est très ancienne. Ainsi à Saint-Omer, on trouve 15 registres de
testaments de 1486 à 1750 et un registre aux contrats de mariages
de 1695 à 1709. L'insertion de ces actes dans les archives éche-
vinales leur conférait la garantie d'une sorte d'insinuation.
A cette époque, il semble possible de reconnaître là l'influence

Messieurs les Mayeur et eschevins de la Ville et cité de Tournay, district de Saint-


lrixe et du Bruille, congrégés et assemblés en leur Chambre de Conseil, le 19 juil-
ler 1793, on comparu François-Joseph Dumont, en qualité de procureur dénommé
et constitué par certain acte en grosse de vente duement grossoyé, scellé et signé
S. Vinchent, qu'il a présenté aux dits sieur Mayeur et eschevins dont de mot
à autre la teneur s'ensuit :
A tous ceux qui ces présentes lettres verront ou oïront, Barthélémy-Ghislain-
Joseph Vinchent; licencié ès lois, et avocat, tabellion, garde nottes héréditaire en
la ville et cité de Tournay, établi par Sa Majesté l'Empereur et Roi... pour recevoir,
garder, grossoyer, signer et sceller du scel de sadite Majesté tous les contrats,
obligations, testaments et autres actes qui se font et passent pardevant les notaires
et hommes de fief de ladite ville et banlieue de Tournay du Tournaisis et de ses
anciennes et nouvelles jurisdictions, même des terres franches et d'Empire, tant
de ça que de la l'Escault.
Salut. Savoir faisons que pardevant Me Jacques-Joseph Wuesten, notaire
royal résident en la ville de Tournay, présents Simon-Joseph Fourez, et Jean-
Joseph Droissart, praticiens y demeurant, témoins requis, est comparu Me Jacques
Antoine-Joseph Thiefry, notaire royal et apostolique de même résidence. Lequel
a déclaré d'avoir volontairement vendu, cédé et transporté, comme il vend, cède,
transporte par cet, à Messire... une maison...
Et de quoi... le vendeur... pour que cette vente sorte son plein et entier effet
par déshéritance et consentement d'adhéritance en manière accoûtumée, il a
dénommé pour son procureur la personne de François-Joseph Dumont, praticien
en cette ville, auquel il a donné et donne pouvoir de pour lui et en son nom, aller
et comparaître pardevant Messieurs les Mayeur et Échevins de la ville et cité de
Tournay, district de Saint Brixe, et là, se deshériter, désaisir et dévêtir de ladite
maison, édifices, terres et héritages, et consentir que l'adhéritance, possession
réelle et fonsière en soit donnée et accordée au seigneur acheteur... »
S'ensuit la teneur de la quittance du receveur de l'impôt aux ventes d'héritages
dû à la ville, ensuite de quoi à lieu la deshéritance et adhéritance.
romaine, d'autant que dans ce cas, comme aùssi à Rome, au
dire de certains auteurs «l'opération juridique était conclue
avant qu'on ne se présentât devant les magistrats munici-
paux » (1). Il est intéressant aussi de discerner le contrat, de
l'œuvre de loi, car bien souvent cette dernière institution s'est
substituée à la réception elle-même des actes. A Saint-Onler,
dès le XVIIIe siècle, l'échevinage ne reçoit plus de contrats.
Les contrats de mariage insinués comme nous venons de le voir
étaient l'œuvre de notaires royaux et les testaments pouvaient
avoir été dressés devant l'autorité ecclésiastique. Cette nouvelle
manière de procéder avait l'avantage de concilier les intérêts
des notaires royaux, supprimant la concurrence échevinale et
ceux des villes, qui conservaient malgré tout la trace des conven-
tions intervenues sur leur territoire et la possibilité de perçevoir
un droit. Une note jointe à l'ordonnance de Cambrai du 5 juin
1382 (2) fait bien saisir l'évolution de l'institution. Alors que
l'ordonnance requiert simplement la passation d'un écrit dans
un certain délai, l'annotateur de 1552 nous apprend que K Si
est ordonné que tous contrats si comme marchiez, louaiges, etc...
qu'on wœult réaliser, se doibt parles notaires recepvans apporter
les minutes pour estre signees de messieurs... »
Pour les testaments on rencontre même parfois la nécessité
d'une double opération ; l'acte, qui peut être dressé en la forme
olographe est dabord « recognu » devant l'échevinage, du vivant
même du testateur (Douai, Orchies, Valenciennes) (3). Mais

(1) AUFFROY. Op. cit., p. 32.


(2) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cit., p. 221, art. 4,'note 2.
(3) Archives municipales de Douai. F. F. 866, 24 septembre 1493, classé par
erreur en 1393.
« Sacent tout cil qui sont et qui advenir sont que pardevant eschevins de la
ville de Douay cy desoubz nommez comparut en sa personne sire Flourens Platte
prebstre, lequel en son bon sens, mémoire et entendement recongnult avoir fait
et fist son testament devis et ordonnance pour derrenière volenté tout ainsi et
la formalité la plus généralement exigée est l'emprise. Ces deux
procédés peuvent d'ailleurs exister concurremment. Malgré
l'adage « le mort saisit le vif », l'emprise consiste en une sorte
d'ensaisinement, pour les mutations par décès, un envoi en pos-
session au profit de l'héritier institué. Le testament, authentique
ou olographe, doit être présenté aux échevins dans un certain
délai après le décès du de cujus, à peine d'amende ou même
de nullité. On lui confère alors la force exécutoire.
Comme administrateurs urbains, les échevins donnent encore
la saisine aux titulaires des innombrables offices existant dans
la cité, ayant le monopole de l'exercice des professions les plus
diverses et les plus surprenantes (mesureurs de charbon de terre,
sergeants à masse, courtiers de laine, compagnons halliers,
grossiers de poisson, etc...). La prestation de serment de ces
officiers est consignée sur un registre spécial (1). A ce sujet, le
greffe de la ville remplit à peu près le rôle de greffe de com-
Tnprpp {9\

par le forme et manière qu'il est contenu en une feuille de pappier qu'il a baillé
et délivré ausdis eschevins et qui a esté leu en leur présence, duquel mot après
aultre la. teneur s'ensieult :
« In Nomme Domini Amen. Le XVIIe jour du
moix de septembre anno IIIIXX
et treize, je Flourens Platte, prebstre, moy estans en mon bon sens, mémoire et
- vray entendement, considérant qu'il n'est chose plus certaine que de la mort, ne
mains certaine que de l'heure d'icelle, veullant pourveir au salut de mon ame, en
rappelant tous aultres testamens fais par moy paravent cesti, fay mon testament,
devise et ordonnance de darraine volonté en la manière qui s'ensieult, etc....
Ainsi signé : S. Flourens Platte. »
« Auquel testament et tout ce qui dit est,
faire, passer et recongnoistre, furent
présens comme eschevins de ladite ville, Anthoine de Haucourt et Nicaise Laurry.
-.ce fut fait et passé le XXIIIIe jour de septembre l'an mil lille IIII" et treize ».
(Communiqué par M. le Président WAGON).
(1) Arch. <FAmiens. Registre des saisines des offices (de 1617 à 1791).
(2) On trouve même à Cambrai, lors de la nomination d'un nouveau titulaire
à un office de notaire royal, le 1er octobre 1708, une sorte d'acte d'ensaisinement
scellé par les échevins et magistrats de la Ville, Cité et Duché de Cambrai.
(CAMIER. Op. cit., p. 315).
CHAPITRE XVI

Taxe

On rencontre la plus grande diversité en ce qui concerne le


coût des actes échevinaux. Nous ne possédons sur ce sujet que
des renseignements fragmentaires, issus -de recueils de praticiens
et aussi de quelques coutumiers. Ces indications, d'ailleurs en
nombre insuffisant, ne peuvent aucunement nous permettre
de dresser un tarif général. On conçoit que le coût des actes ait
profondément varié suivant les époques. Pour les XIIIe et xive
siècle, nous possédons infiniment peu de renseignements. D'autre
part, la taxe des actes étant le plus souvent fixée par l'échevinage
lui-même, juridiction locale, avec il est vrai un recours possible
au bailliage ,organe à compétence également peu étendu, nous
rencontrons les tarifs les plus dissemblables et il faudrait bien
se garder de généraliser le moindre renseignement. La variété
des monnaies sous lesquelles sont indiqués les frais, nous rappe-
lant l'indépendance de chacune dé ces ordonnances, nous inter-
dirait d'ailleurs de le faire. Si en effet, ils sont chiffrés en général
en sols et livres tournois, nous rencontrons aussi des prix en
monnaie parisis, gros, patarts et monnaie de Flandre. La qualité
elle-même des personnes en cause est à. prendre en considération,
le contractant bourgeois étant généralement favorisé.. On peut
toutefois distinguer dans le coût de ces actes, les droits propre-
ment dits, et les honoraires se répartissant entre le corps éche-
vinal, le greffier et ses auxiliaires. ^

C'est un principe bien ancien que tout acte privé comporte


l'obligation par les contractants de payer une certaine somme à
l'autorité. La force publique se fait ainsi payer l'appui qu'elle
apporte aux conventions passées sous son égide. Toutefois,
tant que la notion de finances publiques ne fut pas nettement
déterminée, on ne peut affirmer qu'une partie au moins des som-
mes payées allât dans les caisses de l'autorité publique. Les
comptes de la ville de Senlis ne portent aucune trace de ce
revenu. On peut en conclure que la totalité des frais, constituait
le profit des échevins eux-mêmes (1). Pourtant un tarif des
droits dûs à la ville fut fixé de bonne heure, principalement pour
le cas de mutations immobilières : « On est fondé à croire qu'un
droit sur les ventes d'immeubles appelé issue de deniers fut
perçu dès l'origine par la commune » (2). Ce droit rappelant
celui des lods et ventes payé au. seigneur féodal, attribuait à la
ville le vingtième du prix de tous immeubles vendus dans la
circonscription de son territoire (3). C'est le tarif que nous
rencontrons le plus fréquemment : la plupart des coutumiers
prescrivent le paiement « du vingtième denier de la vendue ».
A Arras cependant le droit n'était que de huit deniers par livre,
incombant à l'acheteur et au vendeur par moitié, les reconnais-
sances diverses devant échevins ayant toujours coûté un denier de
la livre. Il est vrai qu'il fallait y ajouter « les aultres droitures à le
ville ordenées et de long temps accoustumées » (4). A Lens, le
tarif est plus élevé. On perçoit, tant sur les prix de vente d'im-
meuble qu'à l'occasion des mariages (probablement sur les ap-
ports), le septième denier du capital. Les bourgeois étaient
d'ailleurs exempts de ces droits (5).

(1) FLAMMERMONT. Histoire de Senlis. Paris 1881, p. 25.


(2) Aug. THIERRY. I, p. 49.
(3) Aug. THIERRY. I, p. 744. Les comptes de la ville qui nous ont été conservés
- pour l'année 1387, portent à ce chapitre une recette de XLII £. IIII s. 1111 d.
(4) WIGNACOURT. Op. cit., p. 243. Ordonnance de 1358.
f (5) BOURDOT. I, p. 324. Coutume de Lens, art. XXX.
Le taux des frais appliqué à Arras s'augmentait au contraire,
de toute ancienneté d'un droit supplémentaire perçu au cas de
vente entre forains, ou à, ou par un forain. Il ne faudrait cepen- -j

dant pas croire que les étrangers étaient toujours traités avec
une particulière rigueur. Des conventions intervenaient souvent
à ce sujet, de ville à ville. On sait (1) que ies marchands de
La Rochelle, Niort et Saint-Jean, n'avaient rien à payer à
Gravelines pour l'authentification de leurs conventions.
Parfois c'est au seigneur que reviennent les droits de vente,
en vertu d'une convention de la charte. La coutume d'Épinoy
lui Téserve pour son droit seigneurial, le vingtième denier des
prix de vente des héritages d'échevinage « desquels droits, dit
la coutume, sont francqs et quietes les bigames et non clercs » (2).
De même à Hées (3).
Le droit est donc en principe progressif. C'était déjà le
cas des lettres de vicomté sous lesquelles on
t
contractait à
Rouen dès 1276 (4). Il en coûtait alors deux deniers pour cent
sous et moins, six deniers de cent sous à douze livres, et une
obole en plus par. livre (5). Les droits échevinaux, bien que
généralement inférieurs à ceux que nous acquittons actuellement,
n'en paraissaient pas moins très lourds aux assujettis. Aussi
parfois essayent-ils adroitement, d'accord avec leurs adminis-
trateurs, d'en éviter le paiement. « Se aucune terre vend, disait
la loi de 1245 au Pays de l'Alleeu, Saint-Waast doit avoir le

(1) Supra, p. 46.


(2) BOUTHORS. II, p. 401. Coutume d'Epinoy, art. 20. On ne sait ce qu'il faut
entendre par cette expression de bigame, ni la raison de l'exonération dont ils
bénéficiaient.
(3) BOURDOT. I, p. 421.
(4) Supra, p. 73.
(5) YvER. Op. cit., p. 239.
xne denier ». « Mais les terres ne se vendaient pas ; elles étaient
simplement baillées en arrentement sur cens pour en jouir par
le prenseur héritablement et à toujours, sans que l'on seroit
tenu de payer aucun droit seigneurial » (1).
On avait aussi des droits à payer pour constituer hypothèque.
Pourtant, à Arras, où il fallait cependant poui ce faire une
déclaration expresse, il semble que cette formalité ait été gra-
tuite (2).

L'assistance des échevins aux plaids était payée. De plus, ils


percevaient pour chaque acte, des honoraires proportionnels.
A Epinoy, on devait aux échevins quatre deniers de la livre,
peur don, vente et transport, et cette fois aueune exemption
n'était prévue (3), II semble aussi que la redevance eut parfois
.
un caractère symbolique. A Ardres, les magistrats urbains parta-
geaient avec le bailli un droit de 5 % (4). A Buissy et Baralle, ils
avaient « tous droict brianne à l'advenant du cinquiesme
denier » (5). A Hées, on doit, en plus du droit seigneurial, «au

(1) DEPOTTEH. Op. cit., p. 219. De là, ajoute l'auteur cité, mécontentement-
«
des Teligieux (de l'abbaye de St-Waast) contre les échevins qui se prêtaient à
cette manœuvre et réclamations devant le Conseil d'Artois. Les juges reconnurent
qu'il s'agissait « d'une notoire, ancienne, et immémoriale observance, pratiquée
en tout temps au pays de Lalloeue » et déclarèrent « les Abbé et couvent de Saint-
Waast non recevables ny fondez dans leur plainte ». Cette sorte de contrats, qu'on
appelait contrats de mort-gage, parce que s'il y a reprise par le bailleur, le
CI

gage ne se décomte,ne se rabbat point » fut supprimée à la suite d'une convention


intervenue en assemblée de Verde-Rue, entre l'abbaye et les habitants le 8 février
1696. (Archives du Pas-de-Calais. E. Pays de Lalloeue, Prétentions de l'abbé de
ik

Saint-Waast, 1636-1696).
(2) BOUTHORS. II, p. 268. Coutume d'Arras, art. 10.
(3) BOUTHORS. Coutume d'Epinoy. Loc. cit.
(4) BOUTHORS. Coutume <F Ardres, art. 37.
(5) BOURDOT. I, p. 404. Coutume de Buissy et Baralle.
mayeur, de chaque metz ou pièche de terre, une paire de blancqs
gands, vallables quatre deniers royaux » (1).
Mais le plus souvent ces honoraires sont élevés et fixes,
rarement dégressifs ou progressifs. C'était d'ailleurs la règle
applicable aussi aux notaires royaux. Philippe le Bel en 1302,
fixe les redevances qui leur sont dues à deux sols pour-une vente
ou un accensement, douze deniers pour une procuration, et
dix-huit deniers pour une lettre d'apprenti (2). Une ordonnance
du Parlement de Normandie en 1519, élève ce tarif à trois sols
pour un contrat de moins de dix livres, et vingt sols tournois
pour chaque péau (double rôle) en ce qui concerne les contrats
plus importants (3). Les notaires municipaux de Metz, étaient
aussi taxés par vacation.
L'ordonnance de Cambrai de 1382, contient un véritable tarif
des honoraires des échevins. Il était de deux deniers par livre
pour les ventes et fixe pour tous autres contrats. Pour les plus
courants, ils ne peuvent d'ailleurs demander que « ung lot de vin
pour chacun eskievin qui sera à le dicte convenence » (4). A
Chimay, le taux des frais semblant infime, on profite d'une
nouvelle rédaction de la coutume pour l'augmenter (5), sauf
taxe possible au grand bailliage au cas de difficultés.
Il était assez fréquent d'ailleurs que l'échevinage soit autorisé
à excéder le tarif. La coutume de Lessines de 1662, qui est très
complète sur ce sujet, fixant le salaire dû au grefier pour une
grande quantité d'actes et de formalités, indique que le tarif
serait «à l'advenant » pour les criées de maisons -ou héritages,

(Ir BOURDOT. I, p. 421. Coutume de Hées.


(2) CAMIER. Op. cit., p. 292.
(3) BARABÉ. Op. cit., p. 26.
(4) MEIJERSet DE BLÉCOURT. Op. cit.,.p. 221.
(5) BOURDOT. II, p. 273. Coutume de Chimay, chap. VIII.
:
i
lorsqu'elles seraient « de grande importance, ou de plusieurs
parties, où avec plusieurs clauses et conditions extraordi-
naires » (1). De même, « hors délai » les mayeur et échevins
de Tournai, taxaient «selon leur discrétion», leurs journées et
vacations pour emprise des testaments, alors que cette formalité
lorsqu'elle avait lieu en temps voulu, coûtait quatre sols six
deniers flandres (2)..
Le taux des frais, variait habituellement suivant l'importance
et la difficulté de l'acte, mais aussi en raison des circonstance. A
Houdain, l'ensaisinement (pour lequel on payait quatre deniers
parisis d'entrée et autant d'issue), ne coûtait normalement que
deux sols tournois « au greffier pour son registre ». Échevins et
prévôt n'avaient droit à rien. Hors de cour, au contraire, on
payait quatorze sols, pour assemblée de cour, revenant au
prévôt ou son lieutenant pour cinq sols, aux échevins pour même
somme, et au greffier pour le surplus (3). Les expéditions elles-
mêmes, qui se payaient de quatre à six sols tournois par rôle,
étaient parfois gratuites quand on les délivrait dans les six
semaines de l'acte (4). Il était dû d'ailleurs, en plus du coût des
expéditions, une somme généralement élevée (100 sols tournois
à Lessines) « pour ouvrir le ferme à la requeste de quelque
personnage, pour y chercher ou treuver quelque lettriage et
autres munimens ».
Certains actes semblent avoir bénéficié d'un tarif de faveur.
C'était le cas dans de nombreuses coutumes, des ravestissements,
et aussi des œuvres de loi concernant les biens des pauvres et
des églises. Certains étaient parfois même reçus gratuitement ;

(1) BOURDOT. II, p. 219. Coutume de Lessines. titre XIV.


(2) BOURDOT. Il, p. 965. Coutume de Tournai, chap. XXIII.
(3) BOUTIIORS. II, p. 325. Coutume de Houdain, art. 47.
(4) Loix... de Haynnau, chap. XLVII, p. 25.
il en était ainsi pour les procédures concernant les tutelles, cura-
telles, adoptions, émancipations et testaments (1). Par contre,
on est surpris du taux élevé du droit de scel, parfois proportionnel,
comme à Lille (un demi patard à la livre de gros) où il n'y avait
d'ailleurs pas de supplément pour intervention à l'acte d'un
tiers comme caution ou co-obligé (2), parfois fixe au contraire.
Pour une simple certification, attestation ou procuration, il en
coûtait à Lessines en 1667, 71 sols tournois qui se répartissaient
ainsi : au mayeur : 5 sols ; aux échevins : 32 sols ; au grenier :
28 sols et à son serviteur : 6 sols (3). Le défaut d'acquittement de
ce droit avait d'ailleurs une grave conséquence. Il pouvait
priver l'acte d'une de ses conséquences les plus importantes :
«
Pour que l'hypothèque soit acquise, il ne suffit point que l'acte
soit passé devant deux échevins et sous ce scel : il faut encore
que les droits que l'on appelle droit de scel ou de maille soient
payés, et l'on présume qu'ils l'ont été quoique l'acte n'en fasse
point mention (4).
Le droit de scel était en effet une partie importante du salaire _
du greffier. A Lille, ce revenu était partagé entre deux des trois
clercs de la ville (5). En dehors de ces sommes et des déboursés
qu'il ne manquait pas de se faire régler, le greffier touchait, lui
aussi, un traitement fixe, généralement important. Au XIIIe siècle,
le « logier » de Provins était payé de 30 à 40 £ par an, et le clerc

(1) Dl PIETRO. Histoire d'Aiguës-Mortes. Paris 1849, p. 131.


(2) PATOU. Op. cie", II, 182, 9 et 175, 21.
-

-i

(3) Rares sont les coutumes qui prévoient ainsi un salaire pour le serviteur du
greffier. A Lessines, il avait encore droit pour les records d'héritage à 6 sols, sur
un total de 35 sols, dont le surplus revenait au mayeur pour 5 sols, aux échevins \

pour 15 sols et au greffier pour 9 sols.


(4) PATOU. Op. cit., II, 175, 19 et 20 ; 200, 13. \

(5) Le Livre Roisin. Edit. Brun-Làvaine, p. 52. Appointement touchant les '
clercs (début du XVE siècle),
du mayeur 20 £ (1). Le premier clerc de Lille avait un traitement
encore plus important. Ses divers profits lui rapportaient une
somme fixe de 109 £, chiffre élevé pour l'époque. A Amiens,
vers la même époque, les clercs de la ville gagnaient 80 £. p.
par an et reçevaient en plus quelques gratifications en argent
ou en nature, notamment le logement en l'hôtel de la ville (2).

(1) BOURQUELOT. Op. cit., p. 236.


(2) Archives d'Amiens. 1431 : C. C. 23 Invent. Somme IV. 127 C. C. 30.
- -
IV. 153 - 1433. B. B. 4. II. 52 - 1434. C. C. 26. IV. 141 - 1482. B. B. 5. II. 85.
CHAPITRE XVII

Caractéristiques juridiques de l'acte


Nous avons passé en revue les différents systèmes de réception
des contrats utilisés par les échevins ; il importe maintenant de
déterminer la valeur juridique de chacun. On conçoit que l'on
ne puisse ' porter un jugement d'ensemble sur une institution
s'étendant sur trois siècles et qui a pratiqué des modes si divers.
Il est donc nécessaire d'étudier séparément la force respective,
du seul record, du chirographe, de la lettre scellée, et enfin
l'avantage que le témoignage des échevins confère à un acte
quelconque reconnu devant eux. Nous étudierons aussi les
principaux effets des actes urbains, ainsi que le temps et le lieu
où ces effets peuvent se produire.
Pour fixer la valeur du record d'échevins, il faut évaluer
l'importance des deux éléments dont il est composé : le témoi-
gnage en lui-même, et l'autorité des échevins qui rendent ce
témoignage.
A l'époque franque, le droit est inspiré de ce principe germa-
nique, que c'est la preuve testimoniale qui est la preuve par
excellence. Tout demandeur doit être prêt à certifier son droit
à l'aide de deux témoins. Cela tient à ce que « les actes ont dû
consister longtemps en traditions symboliques, dont l'écriture
ne conservait aucune trace, et dont les assistants seuls pouvaient
être appelés à témoigner (1). Le témoignage puise donc sa valeur
dans la connaissance directe qu'ont du fait, les personnes qui

(1) GIRY. Rouen, p. 23.


cii déposent. Ce sont des témoins de bien savoir, «
de visu et
auditu n. En même temps qu'au demandeur lui-même, on leur
fait prêter serment de ce qu'ils avancent. On unit de cette manière
la pratique germanique, moins raffinée, mais plus simple, des
vojurantes, à l'usage romain du témoignage. La loi de Beaumont
dit : « Chacun prouvera son vendaige par sa seule main jusques
à trois sols » et « celui qui ara creue ses choses d'autruy, il
prouvera jusques à dix sols par deux témoings convenables de
cette même ville (1) n. Au XIIe siècle en Flandre, les déclarations
assermentées de deux témoins forment pleine preuve, « vol
bedrach, voile preuve » (2). Comme il faut, à l'origine du moins,
des témoins ayant eux-mêmes vu ce qu'ils rapportent, on
comprend qu'en matière de contrat, on s 'ingénie, pour se
ménager une preuve facile, à faire assister à la conclusion de
l'accord le plus grand nombre possible de témoins. Mais parmi
les individus susceptibles d'assister à la convention, dans le but
d'en prouver par la suite, si cela est utile, l'existence et les
modalités, on en vint à préférer ceux qui, pour une raison
quelconque, offraient le plus de garantie. C'est pour cette raison
que l'on contracte volontiers en présence du seigneur, susceptible
de mettre sa force au service du droit. Mais, où nous trouvons
un perfectionnement à l'institution, c'est quand on pèse la
valeur des témoignages, au lieu de les compter, quand on préfère
contracter devant quelques notables connus pour leur sagesse,
plutôt que de s'en rapporter au témoignage d'une foule.
Telle est donc, à la naissance de la commune, l'importance que
l'on attribue au témoignage. Les échevins sont naturellement
les premiers des notables. Mais ils ont encore une autre qualité :
ce sont des magistrats. Un contrat conclu devant eux est
passé

(1) BONVALOT. Beaumont, § XXXI et § XXXII, p. 115.


(2) J. LAMEERE. Op. cit., p. 700.
devant la justice. Il a toujours la valeur d'un jugement et sera
prouvé par le témoignage des juges. Si nous nous en rapportions
à nos conceptions modernes, où nous ne connaissons qu'un seul
juge, représentant du pouvoir souverain, cela nous suffirait
pour admettre l'autorité absolue de ces actes. Il n'en est pas
de même au Moyen-Age, et la valeur de l'instrumentum varie
selon l'importance du tribunal dont il émane. L'authenticité des
décisions du tribunal du roi ou de ses représentants (bailli ou
prévôt) est totale et indiscutable. La valeur de celles des sei-
gneurs, est bornée à leurs fiefs. Celles des juges d'Église est
moindre : « Ne pourquant quant le lettre est fete par le Cort de
Crestienté et le pies en vient en Cort laie, ele ne vaut que un
sol tesmoing » (1). La lettre émanant du juge d'Église est évaluée
à un seul témoignage. Elle doit donc être renforcée par un second.
Notons d'ailleurs que cette manière d'évaluer en témoignage
la force d'une décision judiciaire, est caractéristique. Elle indique
bien qu'elle est, en fait d'authenticité, « l'unité de mesure », si
l'on peut s'exprimer ainsi.
Mais les actes émanant du conseil de ville sont toujours
certifiés par deux échevins. Nous savons en effet que c'était, en
principe, le nombre minimum de magistrats nécessaire. Cela va
donc permettre à l'acte échevinal, de bénéficier, au point de vue
de la force probante et exécutoire, au moins dans le ressort de la
juridiction urbaine, des mêmes avantages que les titres émanant
d'une juridiction royale. «Lorsque l'on contracte devant la
justice, la convention nait munie d'une preuve infaillible, tout
armée, pour ainsi dire. Les circonstances au milieu desquelles se
produit le consentement sont trop solennelles pour qu'on puisse
ne voir là qu'un simple projet. D'autre part, la preuve est toute
trouvée ; les jugeurs qui garnissaient la cour fourniront leur

(1) BEAUMANOIR. XXXV, 18.


témoignage si une contestation se produit. Tous les coutumiers,
quels que soient d'ailleurs leurs systèmes de preuves, s'accordent
sur ce point. » (1).
D'autre part, les juridictions urbaines, bénéficient, nous
l'avons vu (2) de la possibilité de prouver les actes émanant
d'elles au moyen du record. Ce procédé, dont ne disposaient pas
toujours les cours inférieures (3) est infiniment précieux. En
effet, au simple témoignage, on peut opposer le serment ou la
preuve par gage de bataille. Cela est impossible contre le
record. On n'admet contre lui aucune autre preuve. Sa force
probante est absolue. Les juges ne pouvaient être taxés de faux
comme auraient pu l'être de simples témoins (4). « Quant home
qui ont pooir de jugier font aucun recort de jugement, en
recort n'a point d'apel » (5). Les termes catégoriques employés
à ce sujet par toutes les chartes, montrent bien que le témoi-
gnage échevinal, prévalant contre toute autre preuve et n'ad-
mettant aucune contradiction, bénéficiait de ce privilège. La
charte d'Amiens le mentionne d'ailleurs expressément (art. 44).
En principe, en cas de réclamation, les échevins s'informent et
apprennent la vérité par le témoignage de leurs collègues. C'est
uniquement sur ce témoignage qu'ils déterminent leur conviction
et basent leur sentence (6). C'est d'ailleurs cette autorité sans
limite qui fit la fortune de l'institution.
Il y a lieu toutefois de noter certaines exceptions. Si en
général, le simple témoignage de deux échevins suffit pour

(1) BRUNNER. Die Entstehung der Schwurgerichte, p. 189 et suiv.


(2) Supra, chap. VI, p. 58.
(3) BRUNNER. Op. cit., p. 190, 1.
(4) SCHUPFER. Op. cit., p. 79.
(5) BEAUMANOIR. XXXIX, 6.
(6) Archives du Pas-de-Calais. A, 1001-2. (1267).
prouver la convention, il semble que parfois l'autorité <?es magis-
trats municipaux ait été moindre en matière de juridiction
volontaire, qu'à l'occasion des autres devoirs de Jeur charge.
La charte d 'Eu prévoit que l'on pourra leur déférer le serment.
« Quod si forte de testimonio, non credatur eis, jurejurando illud
confirmabunt ». Ce serment, dont normalement on les déchargeait
parce qu'ils l'avaient prêté en entrant en fonctions, on le leur
demandait lorsqu'ils étaient sortis de charge. L'article 22 des
Établissements de Rouen, après avoir exposé
que la simple
parole de deux jurés suffit pour régler toute contestation ajoute
que « si lorsqu'ils auront achevé leur année d'échevinage et
qu'ils auront été déposés il y a contestation au sujet de dette,
de prêt, de contrat, ou de quelque autre acte fait pardevant
eux,
cette contestation sera, terminée par leur serment (1).
-
L'autorité complète dont jouissent les échevins étant ainsi
déterminée, il faut néanmoins remarquer qu'il y avait un
pas
important à franchir pour donner aux écrits ém-anant d'eux, la
même valeur qu'à leur témoignage oral. Le charte d'Abbeville
semble avoir été la première à placer ces deux modes de
preuve
sur le même pied. L'article 30 accorde à l'échevinage le droit de
prouver les conventions intervenues devant lui, par le témoignage
-
de ses membres. L'article 31 ajoute. «Hoc idem erit si carta
publica et autentica a majore et scabinis tradita, dictis scabinis
non apparentibus, fuerit producta » (2). Les statuts communaux
dressés sur le modèle de la charte d'Abbeville reproduisent
ce principe. La charte d'Hiermont par exemple, prévoit avec le
même effet, le cas où « en l'absence des eschevins, on produit en
la cause quelques papiers publics et authentiques, baillez par les

(1) GIRY. Rouen, p. 235.


(2) Aug. THIERRY. IV, p. 28.
maieurs et eschevins » (1). Un accord entre le comte de Ponthieu
et la commune d'Abbeville du mois d'août 1237, confirme ce
procédé (2).
Une seule condition sera donc nécessaire, pour que l'écrit
émanant de l'échevinage, soit revêtu de tous les avantages
possibles : que son authenticité soit reconnue. L'opération est
aisée avec l'acte urbain : la forme du chirographe permet son
identification facile et incontestable. Cela est si vrai que parfois
le mot « endent » est synonyme d'authentique et employé à sa
place (3). Pour obtenir l'autorisation de poursuivre son débiteur,
il est simplement nécessaire que le titre soit lu à l'audience de
l'échevinage, afin que l'on en reconnaisse la régularité (4). Le
chirographe a donc la même valeur que les lettres émanant de la
juridiction royale. Comme elles d'ailleurs, il comporte souvent
les significatives formules d'aveu et de condamnation. Il a la
même autorité que les actes des notaires qui, au XIIe siècle,
commencent à qualifier leurs écrits d'authentiques et rédigés
en forme publique.

(1) 5 octobre 1192, art. XXIX. BRUNEL. Op. cit., p. 194.

(2) Aug. THIERRY. IV, p. 26.


^
(3) LITTLETON. Institutes. Chap. V, Son 3, p. 2.15. Certains auteurs cependant
semblent attribuer son sens modernes, au mot de chirographe, même pour l'ancien
droit. « Il faut. sans doute y voir l'équivalent de nos actes sous-seing privés, par
opposition aux actes notariés », dit Maugis. Les transformations... d'Amiens,
p. 310, en note. Esmein lui-même ne paraît pas avoir toujours bien saisi la valeur -
authentique du chirographe. « Les anciens textes, dit-il, nous montrent des
obligations valablement consenties dans des titres émanés de simples particuliers,
lettres scellées ou chirographes. (ESMEIN. Etude sur les contrats dans le Très Ancien
Droit Français. Paris 1883,p.210). Évidemment des particuliers peuventcontracter
sous cette forme, mais le mot désigne plus communément l'acte urbain.
(4) BOURDOT. I, p. 321, 323. Usages et stilz notoirement gardez et observez en
ladite ville, banlieue et échevinage d'Aire, art. 5.
On ne peut d'ailleurs prétendre
que les actes échevinaux
portaient pleine foi de tout ce qui y était contenu. C'eût été
une
faveur exorbitante dont même les actes notariés jouissent
ne pas
de nos jours, Mais «ils prouvaient la vérité de l'essence
des
conventions et offraient des renseignements très bons à connaître
sur des points accessoires ou énonciatifs où ils ne pouvaient avoir
une indiscutable autorité » (1). La lettre passée devant échevins
fait foi de la dette. Elle procure au créancier
une situation
privilégiée. Elle le dispense du serment qu'on est droit d'exiger
en
pour les « débita non recognita per scabinos (2). »
La faveur dont bénéficient ces écrits est si grande, qu'elle
a
fait dire (3) qu 'en matière d'actes échevinaux, le brocard
« témoins passent lettres » n'avait jamais eu d'application, et
que,
devançant l'Ordonnance de Moulins, il devait être retourné.
En réalité si le chirographe est authentique
par sa forme même,
il constitue toujours bien un témoignage, et
un témoignage de
magistrats. Bien qu'il soit écrit, c'est de l'attestation échevinale
qu'il tire son autorité. Pour reprendre l'expression de Loyseau
:
« c'est le juge qui parle en lui ».

Avec les lettres scellées, nous pénétrons dans


une matière
moins proprement échevinale. Ce procédé a été,
nous le savons,
utilisé aussi bien par des particuliers que par toute autre juri-
diction. Son emploi par les magistrats urbains
ne poserait
aucun problème s'il ne subsistait un point où la controverse
reste ouverte il s agit de savoir quel pouvait être exactement
.
l'effet de l'apposition du sceau sur les actes urbains. On peut
en
effet se demander si son usage avait autant d'utilité
pour

(1) PRUD'HOMME. Op. cit., p. 3.


(2) Privilège des marchands allemands du 24
mars 1252. HANSISCHES URK.
BUCIT. I, no 421.
(3) TESTAUD. Op. cit., p. 94.
l'échevinage que pour tout autre organisme. Cette question
est d'ailleurs en rapport avec celle que nous nous sommes
posée relativement à la raison qui fit adopter le sceau par
l'échevinage (1). Certes, tout le monde est d'accord pour recon-
naître que le « saelé d'eschevins » est authentique. La coutume
de Reims le dit en propres termes : « Est requis... que les contrats
soient scellez de scel royal ou authentique, comme sont les seelz
des bailliage, prévosté et eschevinage de Rheims... x (2). Les
échevins de Saint-Dizier semblaient avoir conçu un doute sur la
pleine force probante de leurs sceaux : « Estrumens communs ou
saelés du sael auctentique est
il à croire plainement ? » demandent-
ils. Ypres, leur chef de sens leur répond que « nul estrumens ne
feroit provence devant eschevins, mais que tant seulement s'il
iere salleis dou sael de la ville » (3). Sans prendre cette réponse
au pied de la lettre, il est évident que la pièce scellée du sceau
urbain a une pleine force probante.
La valeur authentique du sceau est indéniable. C'est lui qui
donne la force obligatoire aux actes privés. A Rouen, le scel de
la vicomté suppléait à la signature même des notaires (4).
C'était par le sceau que le bailli authentifiait les conventions
intervenues devant lui (5). Cette empreinte prouvait l'origine
de la lettre de reconnaissance. Mais si on comprend cet effet
quand il s'agit, soit des sceaux personnels des parties qui leur
sont opposables, soit du sceau royal, qui est celui de tous, il
semble anormal de vouloir baser l'authenticité des contrats
urbains sur l'apposition de cette marque, non personnelle aux

(1) Supra, chap. VIII, p. 73.


(2) BOURDOT. II, p. 502. Coutume de Reims. CLXXVII. Voir aussi supra, p. 88..
(3) OLIM. II, p. 836, art. 269.
(4) BARABÉ, p. 28.
(5) Supra, p. 32.
contractants, alors que la forme chirographaire permet si
aisément de vérifier l'origine de l'acte. Tout au plus le sceau
peut-il lui conférer un complément de garantie, au cas bien
improbable où les archives échevinales auraient disparu (1).
On en arrive donc à se demander, au sujet de l'adoption de la
lettre scellée par l'échevinage, si le sceau ne fut pas attribué à la
ville plutôt comme une conséquence de son activité en matière
gracieuse que comme un instrument indispensable d'authenti-
fication. Ne pourrait-on dire alors que les échevins ont un sceau
parce qu'ils authentifient, et non pas qu'ils authentifient parce
qu'ils ont un sceau. Il ne faut pas oublier en effet, qu'alors que
diminuait le crédit accordé aux sceaux privés et même aux
chirographes, la preuve testimoniale, après avoir subi une
éclipse, conserva jusqu'à la seconde moitié du xvie siècle,toute
son énergie et toutes ses applications. DaInhouder, en Flandre,
pouvait encore écrire en 1572 : « La preuve qui se faict par
dépositions de témoins est tenue pour la plus forte et de la plus
grande efficace, principalement quand elle se faict par vive
voix » (2). Rien n'oblige donc les échevins à fonder la valeur
de leurs écrits sur autre chose que leur témoignage.
On veut d'ailleurs trouver à l'apposition du sceau beaucoup
trop d'avantages, ce qui prouve bien que ses effets sont mal
définis. Alors que certains lui attribuent la raison de l'authenti-
cité des actes urbains, d'autres auteurs y voient la cause de la
force exécutoire des conventions. « L'exécution parée à son
origine dans l'établissement des petits scelz inventez depuis
300 ans environ » (3). Pour Pothier, c'est l'hypothèque générale

(1) Les lois de Hainaut prévoyent cependant cette éventualité. Cf. supra,
page 73.
(2) DAMHOUDÈRE. Practique judiciaire ès causes civiles. 1572, p. 215.
(3) BASNAGK. Traite' des hypothèques, pp. 113 et 114.
qu'à l'avantage de conférer le sceau. Il accordait en effet ces
deux facultés aux actes notariés. Mais les actes urbains, quelle
qu'en soit la forme avaient aussi ces possibilités.
En vérité, le sceau apportait quelques perfectionnements.
D'abord, il permettait au créancier de saisir les meubles de son
débiteur sans opposition, et de les conserver en gage. On appelait
cela garnir sa main (1). C'était la conséquence d'une plus grande
force probante attestée par la marque de la ville. Ensuite,
peut-être conférait-il à l'acte par une concession du souverain,
la force exécutoire en dehors des limites de la juridiction muni-
cipale (2). Encore l'importance de cet avantage, variait-elle
avec l'éttndue du territoire soumis au seigneur concédant.
Nous avons vu que pour que l'acte échevinal soit exécutoire,
il suffisait, mais il fallait que l'on ait reconnu qu'il émanait
bien de la jurisprudence urbaine. Cela était facile avec le chiro-
graphe. En ce qui concerne la lettre scellée, l'empreinte de la
ville était, elle aussi, aisément identifiable. Cela nécessitait-il
une formalité spéciale ? On ne peut le certifier. Nous possédons
cependant un document qui, bien que relatif à la vérification,
non des sceaux de la ville, mais de ceux des échevins, le laisserait
supposer (3). Mais en principe, dans l'un comme l'autre cas,

(1) ESMEIN. Op. cit., p. 202.


(2) GIRY. Manuel, p. 852.
(3)Il plut à J. de \Y. demandeur, de comparaître un jour de plaid légal à
«
l'audience de la vierschare d'Eecloo, exhibant un titre d'obligation dont il
requérait lecture ; et cette lecture faite, il requit le seigneur de semoncer les
échevins aux fins qu'ils reconnussent cette pièce comme bonne et valable. Sur ce,
le seigneur semonça les échevins ; ceux-ci décidèrent, attendu que les échevins
qui avaient scellé cette obligation vivaient encore, de les ajourner au prochain
jour de plaid, afin qu'étant présents à l'audience, ils eussent à reconnaître les
empreintes de leurs sceaux.
Furent ajournés B. et J. qui avaient scellé cette obligation. Ils se présentèrent
l'audience et reconnurent que l'obligation avait été passée devant eux et devant
i1t
on peut dire que l'authenticité n'a pas à être prouvée «$cripta
:
publica probant se ipsa » disait Dumoulin.
Dans les coutumes de certaines villes,
pour que soient exécu-
toires les actes passés devant échevins, et plus tard
même, tous
autres ,nous savons qu'il était nécessaire qu'ils fussent
reconnus
devant un certain nombre de membres du
corps de ville. « Et
lesdits records faits, seront lesdits contrats, dons,
testaments et
dispositions de dernière volont-é, exécutoires (1).
» Les lettres
en ferme, ont alors un véritable caractère authentique, tant
en
ce qui concerne les contrats eux-mêmes, que les devoirs de loi.
La coutume de Cambrai admet la preuve des devoirs
de loi,
en dehors du record des juges, au moyen de la production des
lettres en ferme. Elle définit curieusement la valeur
de ces
dernières : « Lettres en ferme sont
meres en elles, faisantes
plainte foy de ce qu'elles contiennent (2).
»

Les eschevinages, créent hypothèque et ]


sont exécutoires.
C'était en effet un principe commun à tous les ]
actes publics
comportant une obligation par l'une des parties, qu'ils j
empor-
taient hypothèque générale sur les biens de l'obligé. Il
serait 1

toutefois dangereux de se baser uniquement


sur cet effet pour
certifier l'authenticité d'un acte quelconque
; car effet, jusqu'au
xvie siècle, l'hypothèque pouvait être constituée par acte
sous

leurs confrères les autres échevins, siégeant


en loi au temps de la passation.
Ils reconnurent l'empreinte de leurs sceaux.
» t
Recueil des Anciennes Coutumes de Belgique, Pays Comté j
et de Flandre. Eecloo
année 1432, T. XI, p. 501. ' l
t
(1) BOURDOT. II, p. 230. Coutume de Valenciennes 1540. GHAP. LX reproduit 1
dans la coutume de 1619, ch. XVII. BOURDOT. II, 249. F
p.
(2) BOURDOT. II, p. 288. COUTUME DE Cambrai, titre
,
- I
V.
sceau privé, et même, dans la très ancienne coutume de Bretagne,
en vertu d'un simple contrat verbal, au moyen de
la preuve
testimoniale.
Nous retrouvons ce principe, que l'acte échevinal emporte
hypothèque générale sur les biens présents et à venir, dans de
nombreuses coutumes (Saint-Omer, Lille, Douai, Orchies,
l'Alleu). C'est d'autant plus explicable qu'en général, dans ces
actes, le contractant s'oblige sur tous ses biens en même temps
que sur sa personne et celle de ses hoirs. On marquait cependant
une préférence pour l'hypothèque spéciale, et souvent le débiteur
donne un gage particulier : « un propre about et especial asse-
nement » (1).
Certaines coutumes toutefois seront toujours réfractaires
à l'hypothèque générale. A Tournai, «.nulles obligations où
qu'elles soient passées n'engendrent ypotèque expresse sur les
biens de l'obligé » (2). De même à Arras « les reconnaissances et
obligations passées et recogneues de sommes, de deniers ou
d'autres choses, sauf d'héritages ou de rentes foncières, pardevant
les échevins ne sont réputées réalisées et hypothèquées sur les
héritages des obligez et recognoissons : si d'iceux héritàges n'en
est fait rapport exprès pardevant lesdits eschevins par lesdits
obligez et recognoissans » (3).
C'est dans le ressort de la juridiction municipale que les actes
urbains sont exécutoires. Là, mais là seulement, ils ont cette
qualité « comme seraient celles (les obligations) passées sous seel
royal » dit la coutume d'Arras (4). La coutume d'Ardres indique

(1) ESPINAS. Op. cit., p. 568.


(2) VERRIEST. Tournai, p. 27.
(3) BOUTHORS. I, p. 279. Coutume d'Arras, art. XLII.
(4) BOUTHORS. LOC. cit., art. XXXIX.
aussi que c'est seulement «sur les biens
que l'on trouve sur
iceulx héritaiges estans es mettes de ladite ville
et eschevinage »,
que les baux à rente « se pœuvent mettre à exécution (1). Cette'
même règle s'appliquait à tous les contrats. Alors »
que les actes
des notaires royaux étaient exécutoires
par toute la France,
l'ordonnance de Villers-Cotterêts rappelle
que ceux passés sous
un autre scel authentique ne sont obligatoires que dans le
ressort
de la juridiction. Ainsi les actes des notaires
seigneuriaux pour
être authentiques devaient être passés entre
personnes domi-
ciliées dans la seigneurie et justiciables du seigneur.
Ils n'étaient
également exécutoires que dans la seigneurie, le
sceau du sei-
gneur n'ayant pas de valeur ailleurs (2). L'exécution dépend
effet de la juridiction, laquelle ne peut en
se proroger, étant limitée
par le territoire et sur les personnes qui y demeurent.
Mais en ce qui concerne l'hypqthèque, Laurière
prétend
cependant que « quoique ces obligations
ne fussent point exé-
cutoires hors le ressort où elles ont été passées elles
néanmoins hypothèque par tout le royaume
l'hypothèque procède du droit des gens et
.
emportoient
(3). C'est que
a son origine dans le
consentement des parties (4). Nous ne trouvons dans
nos
coutumes, rien qui vienne à l'appui de cette théorie. Au
contraire,
il y a lieu de signaler que toutes celles où l'on
pratiquait l'hypo-
thèque générale, indiquent expressément
que cet effet était
limité au ressort de l'échevinage (5). Il faut donc. admettre
que

(1) BOUTHORS. II, p.-674. Coutume cFArdres, art. 38.


(2) BRISSAUD. Cours d'histoire générale du droit français.
Paris 1904 n
(3) LAURIÈRE, T. II, p. 134, d'après Esmein. On. cit. .
n sns
(4) ESMEIN. Op. cit., p. 203.
(5) Cf. Notamment PATOU. Op. cit. L'hypothèque. que ce scel (aúx connois-
«
sances) produit, affecte les biens meubles, cateux et héritages
de fohligé situés
en la ville, taille et banlieue de Lille, pairies et seigneuries enclavées (II, 174, ,~

y '•
la règle posée par Laurière ne fut pas appliquée en ce qui con-
cerne les actes urbains. Notons En passant que l'hypothèque
générale ainsi constituée, était de valeur moindre que celle
<[ue nous connaissons aujourd'hui. Elle ne comportait pas de
droit de suite, ni même parfois de droit de préférence (1).

La durée de validité des actes^privés modernes est en principe,


illimitée. Il n'en fut pas toujours de même. Dans un droit
primitif, la force de l'acte est si étroitement liée à la personne,
de l'officier public dont il émane, que la disparition de ce person-
nage, doit, à l'origine, faire perdre leur efficacité aux contrats
dressés par lui et dont il n'est plus là pour témoigner. Le recueil
de Charles de Hertaing (t 1556) expose que dans le cas de décès
d'un notaire apostolique, si l'on veut faire exécuter une obli-
gation reçue par lui « il est dict qu'il fault faire recongnoistre le
signe de tel notaire mort par les notairs de ladicte court ses
confrères et compaingons » ; après quoi l'on peut faire lever la
grosse « et sera l'exécution aussy vaillable que se le propre
notaire l'avait grossé de sa propre main » (2). Pour les. actes
échevinaux où la personnalité du magistrat avait une importance
plus grande encore, la question devait évidemment se poser.
A Cambrai, c'est l'ordonnance du 5 juin 1382 qui décide dans son
article 5, que désormais, les lettres en ferme « vaillent à tous

16 180, 1) non les fiefs enclavés dans la ville, mais seulement les meubles
;
mouvables qui se trouvent dans ces fiefs (II, 180, 7 et 8). Il importe peu que les
meubles soient dans le domicile ; il suffit qu'on les trouve sur la juridiction des
échevins, sans égard si l'obligé en est justiciable (II, 180, 4, 5, 6). Ajoutons que
cette hypothèque pouvait grever les biens à venir (II, 177, 2, 3) et avait un
effet rétroactif du jour de la convention. (Loc. cit.)
(1) ESMEIN. Op. cit., p. 182.
(2) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cit., p. 159, § 63.
jours, comme recordees, soient li esquievin vivant ou non » (1).
A Colmar, en cas de décès de l'un des deux échevins qui avaient
été témoins de la convention, si le survivant était appelé en
témoignage, il se rendait sur la tombe du défunt, où il faisait
sa déposition sur la foi du serment. Dans cette forme, elle avait
la même authenticité que si les deux échevins avaient rendu
témoignage simultanément (2). -j

A Lille, et peut-être aussi à Ypres, on trouve une limitation


volontaire assez curieuse de la validité des reconnaissances de
dette passées devant échevins. « A partir de 1285, on introduit
régulièrement dans la lettre obligatoire une clause en vertu de
laquelle la charte partie ne peut durer qu'un an après le ter-
me» (3). Le Livre Roisin distingue à ce sujet, les dettes payables
à première demande « a vollentet » qui doivent, dans l'année
de leur date, être payées ou « recordées et renouvelées au saiel )'t
et les dettes à terme, qui doivent être reconnues suivant le cas,
dans l'année ou dans les deux ans qui suivent l'échéance. « Et
se on nel avoit fait renouveler au sayel, la en devons,on n'en aroit
nulle aiuwe d'eskevinage » (4). Il n'y a cependant pas prescription
à proprement parler un an après le terme de paiement prévu.
Mais toutefois, passé ce délai, l'échevinage ne sanctionne plus
l'obligation à laquelle il refuse son ayuwe.
On peut voir dans cette prescription le souci d'une bonne
administration de la justice, qui exige que l'intervention du
magistrat ne soit pas requise pour sanctionner des conventions
dont chacun a perdu le souvenir. Il faut avouer d'ailleurs que

(1) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cit., p. 221. ^

(2) MOSSMANN. Op. cit., p. 121.


(3) DES MAREZ. Lettre de foire, p. 99. S

(4) Livre Roisin. Ëdit. Mo nier, § 59 et 60. Ordonnance de 1289. ",_JJ


l'existence des archives enlève beaucoup de valeur à cet argu-
ment. Il est possible aussi que l'échevinage ait, dans un but
moral, souhaité faire disparaître les obligations souscrites, à
trop long terme. Peut-être plus simplement obéissait-il à des
préoccupations fiscales. Nous ne connaissons d'ailleurs aucun
autre réglement analogue.
CHAPITRE XVIII

Effets spéciaux à certains actes


I

C'est parce que les procès entre bourgeois sont tranchés par
l'échevinage que l'on recourt si volontiers aux actes d'échevins.
Il n'est pas indifférent de savoir, au moment -t>ù l'on traite,
que l'officier public qui prête son concours à la réception du
contrat peut le cas échéant se muer en juge, qu'il est même
seul à pouvoir le faire, et sans appel. Mais c'est aussi parce que
l'acte urbain présente des avantages certains. Il emporte
généralement les mêmes effets que tout autre acte privé, et que
nous ne pouvons évidemment songer à étudier en détail. Mais
bien souvent aussi, il offre des particularités précieuses. Ce sont
ces diverses caractéristiques que nous nous proposons d'examiner,
en passant en revue quelques-uns des principaux contrats. i
En ce qui concerne la vente, nous avons dit (1) que les muta-
tions d'immeubles urbains devaient obligatoirement s'opérer
devant l'échevinage. Cette règle pouvait souffrir des exceptions,
et des ventes d'immeubles urbains eurent parfois lieu en forme
non échevinale. La comparaison entre ces deux modes de con-
tracter nous permet d'apprécier la préférence accordée alors aux
actes reçus par les échevins. C'est ainsi que nous connaissons
à Douai un jugement échevinal du 20 octobre 1312, qui attribue
une maison de la banlieue, donc assise dans le ressort de la ville,
à un individu propriétaire par échevinage, contre un autre qui
l'avait acquise dans des conditions purement privées (2). Cette

(1) Supra, p. 102.


(2) ESPINAS. Op. cit., IV, p. 83, P. J.- 952.
décision semble si logique au tribunal, qu'il ne se soucie même
pas de nous indiquer laquelle des deux ventes était antérieure en
date et si cette considération a pu influer sur la sentence. C'est
que l'échevinage, comprenant l'importance de cette matière est
particulièrement jaloux de sa compétence à ce sujet.
Il faut avouer d'ailleurs, qu'il est plus indiqué que quiconque
pour procéder aux mutations d'immeubles urbains. La nécessité
.de la formalité de l'ensaisinement, qu'elle ait lieu par l'acte
même et sans formes, comme à Arras (1) ou au moyen des
œuvres de loi, comme c'était le principe, obligeant de toute
manière à recourir à lui, le place de façon plus avantageuse que
ses concurrents. De même, c'est devant l'échevinage que se
déroulent toutes les formalités subséquentes. Nous savons que
c'est lui qui procède aux publications ayant en vue la purge des
charges grevant les immeubles (2). C'est encore à lui qu'incombe
l'accomplissement 4e la procédure relative au retrait lignager
plus connu dans nos régions sous le nom de rattrait.
Cette dernière institution n'est d'ailleurs pas spéciale à l'acte
urbain. Elle était pratiquée pour tous actes d'aliénation immo-
bilière et dans la majeure partie de la France. Seules, dans le
Nord, l'ignoraient les coutumes de Hesdin, Arras, Bapaume,
Douai et Cambrai (3). On sait qu'elle permettait à l'héritier
apparent, le « proxime », de reprendre pour son compte la
- vente d'immeubles conclue par son parent avec un étranger, en
remboursant à ce dernier tout ce que l'acquisition lui avait
coûté. (4) Ce droit lui était accordé durant un délai variable "

(1) Supra, p. 121.


1,
(2) Supra, p. 117.
l
(3) MERLIN. Op. cit., T. XV, p. 356, vo Retrait lignager.
(4) Sur le retrait lignager. Cf. POTHIER. Traité de la coutume d'Orléans.
Édit. Siffrein Paris 1822. T. XVII, 3, titre XVIII, p. 115. L. FALLETTI. Le
.
retrait lignager en droit coutumier français. Thèse Paris 1923.
suivant les coutumes, calculé à compter de la première des
publications. Il était de quarante jours à Haisnes (1) et Bailleul-
Sire-Bertoul (2), quinze jours à Lallaing oil il est excessivement
fréquent. A défaut de publication, le rattrait était possible
pendant un an et un jour.
Cette faculté accordée aux parents du vendeur était une
conséquence de la défaveur avec laquelle étaient vues dans
l'ancien droit les aliénations immobilières. Dans le but de sauve-
garder les fortunes, on interdit aussi fréquemment d'aliéner
sans l'une des trois voies : pauvreté, remploi, ou accord d'héritier
apparent. C'est probablement dans cet esprit que la coutume
de Cassel interdit la vente notariée à peine d'amende : « Quicon-
que vendra, transportera ou engagera son héritage pardevant
notaire, il sera en l'amende de dix livres à prendre sur ledit
héritage, et la reconnaissance nulle s'il en apparoist deûement »:(3).
Parfois aussi on exige le consentement dans l'acte,'des parents
tant paternels que maternels (4).
On conçoit que l'on admit aisément dans ces conditions que le
contrat pouvait n'être pas rigoureusement définitif à compter
de l'accord des parties. Une fois l'acte passé, le vendeur a encore
la faculté d'annuler le marché. Il peut se refuser à livrer la
chose, « en payant intérest à l'acheteur ou conducteur à l'arbi-
trage desdits eschevins ». On est contraint d'accorder la même
possibilité à l'acheteur qui peut se refuser à prendre livraison (5).
La coutume de La Gorgue, prévoit un autre cas plus rationnel,

(1) BOURDOT, I, p. 403.


(2) BOURDOT. I, p. 419.
(3) BOURDOT. I, p. 714.
(4) CHABERT. Op. cit. Ordonnance de la ville et cité de Metz- et pais Messin du
4 mars 1562, art. LXXXI.
(5) BOURDOT. II, p. 997. Coutume d'Orchies. Chap. III.
où le refus d'exécution est possible : on peut se repentir sous
vingt quatre heures, de tout marché fait en taverne, à charge
de « payer l'escot », et en en faisant le déclaration à partie ou
à domicile (1).
L'acte d'échevins permet la résolution, pour défaut d'exécution
par l'une des parties des prestations à sa charge. On peut
facilement le déduire, par raisonnement « a contrario », de la
décision suivante, contenue au recueil de Simeon de Hennin
(1383-1414). «S'il est aulcun qui ayt arrenté aulcung sien héri-
taige en tamps passé ou en tamps présent, s'il n'a ayewe d'esche-
vins ou chyrographes trouvés en ferme d'eschevins, il ne peult
par faulte de retenue ne pour faulte de ce que on ne luy paye
point sa rente, à son héritaige revenir fors par la chambre, car
c'est chose hors coustume ; leur li chambre pourvoit » (2). Le
bailleur à rente, par eschevinage, n'a donc besoin d'aucune
décision de justice, pour exercer son droit de résolution. Mais la
coutume d'Ardres, qui est postérieure, tout en confirmant ce
principe, exige l'intervention des autorités. On peut exécuter
les biens du débi-rentier « pour le paiement et furnissement de
ladite rente et arriérages ». Mais « le seigneur rentier (qui ne
trouve) aucuns biens sur lesdis héritaiges baillées à rente,
pœult, en vertu desdites lettres, par ledit aman et deux eschevins,
se faire mettre de fait par forme et manière de vinghe (éviction),
par faute de rente non payée ou par faute de relief, sur icelluy
héritaige pour icelluy rattraire à son demaine, et en débouter
celluy qui le tenoit à rente » (3).
Nous savons de la même manière que le témoignage des
échevins est indispensable, mais suffisant, pour évincer un posses-

(1) BOURDOT. II, p.1009. Coutume de La Gorgue. Rubrique VII.


(2)."MEIJERS et DE BLÉCOURT. Op. cit., § 12, p. 61.
-
(3) BOURDOT. II, p. 674. Coutume d'Ardres, art. 38 et 39.
seur sans titre urbain. « Se uns homs tient héritaige qui par
esquevins se justice (de par eschevins et la justice) quelque li
héritaiges soit, et aucuns sur luy se claime-, et il ait tenu l'iretaige
1 an et 1 jour en paix et si n'en ait nul esquevin, car il sont mort,

il traira l'iretage à se tenure. Et si ne le puet on gieter de cel


hiretage ne de celle tenure, se cil qui se claime n'a tesmoignage
d'esqllevins que c'est drois. Car de se tenure ne puet ou gieter
fors par tesmoignage d'esquevins » (1).
Il y a lieu de noter que nous ne rencontrons -dans nos actes
urbains, généralement très succincts, ni renonciation à l'hypo-
thèque légale de la femme, ni au Velléin. Le Velléin était cepen-
dant appliqué dans le ressort du Parlement de Douai (2), et
usité en Normandie de toute ancienneté.
Après la vente, l'un des contrats où l'intervention échevinale
paraît la plus intéressante est le louage. En principe, l'effet du
bail à loyer était annulé au cas où la maison était baillée à
rente ou vendue. Le preneur devait àlors quitter l'immeuble.
A Lille, il avait un délai d'un an, si le congé lui était donné dans
les quarante jours suivant la Pentecôte (3). Mais il s'agit proba-
blement dans ce cas de baux non échevinaux. Car si la coutume
de Tournai semble placer sur le même pied les louages faits
devant échevins ou tabellions (4), le chapitre-XXI de la même
coutume établit nettement la distinction en faveur du bail
urbain. On ne peut, dit-elle en effet ,faire sortir d'immeuble
vendu, le locataire en vertu d'un « louage » passé pardevant
échevins. Cela est possible au contraire si l'héritage est « loué

(1) MEIJERS et DE BLÉGOURT. Op. cit., p. 25. Enquêtes de la maison de la


paix, XIIIE siècle, § 28.
(2) MERLIN. Op. cit., y° Senatus consulte Velléin.
Ëdit. Monier,
(3) Livre Roisin. § 90.
(4) VERRIEST. Tournai, p. 34.
simplement par les parties, ou pardevant notaire, tesmoings,
ou autrement, sans avoir été passé et recognu pardevant
eschevins » (1).
Le bailleur par « eschevinage » possède également un titre
exécutoire qui lui garantit le paiement de son loyer. « Les louages
des maisons dudit eschevinage, soit qu'il y ait obligation ou non,
sont exécutoires pour un an, sur les biens trouvez esdites
maisons» (2). De même à Lille, le bailleur peut obtenir de
l'échevinage la remise en gage du mobilier garnissant l'immeuble
loué.
Mais c'est peut-être en matière de reconnaissance de dette
que l'échevinage procure aux contractants les plus grands
avantages. C'est en effet le contrat où la puissance des moyens
coercitifs possibles a le plus d'importance. En traitant devant
les magistrats qui seront peut-être appelés à sanctionner la
convention, le prêteur se garantit le maximum de sécurité.
D'autre part, l'échevinage étant essentiellement une institution
destinée à sauvegarder les droits des citoyens et à les mettre à
l'abri de l'arbitraire des juges étrangers, comme des sanctions
exorbitantes, on concilie ainsi les droits du créancier et ceux
du débiteur.
Contracter une dette devant l'échevinage, et cela n'a pas lieu
seulement au cas de prêt d'argent, mais aussi dans tout acte
emportant l'obligation d'une somme à payer, c'est s'engager,
de la façon la plus entière, sur sa personne, sur celle des siens,
parents ou pièges et sur tous ses biens. « L'obligation passée
sous ce scel (échevinal) et pardevant deux échevins produit

(1) BOURDOT. II, p. 963. Coutume Tournai. Des louages.


de
(2) BOURDOT. I. p. 279. Coutume d'Arras. Ch. XLIII.
deux actions : la personnelle, qui est la principale, et l'hypo-
thécaire qui n'est qu'accessoire » (1).
Au point de vue de l'obligation sur la personne même du
débiteur, l'intervention de l'échevinage aboutit à deux résultats
qui semblent opposés. D'une part, un grand nombre de chartes
de ville, excluait la faculté pour le créancier de s'emparer de la
personne d'un bourgeois et de l'emprisonner pour dette. D'autre
part, dans le but de renforcer la valeur des actes urbains, on
décide au contraire que les privilèges des bourgeois sont abolis
pour celui qui s'engage par contrat échevinal. L'acte d'échevins
est alors seul, avec la lettre de baillie à permettre cette saisie
de la personne du débiteur... « ses corps ne sera point prins ne
tenus, s'il n'est obligiez par especial, si comme par lettre de
baillie ou par mémorial des esquevins » (2). Dans plusieurs
coutumes nous trouvons ainsi des vestiges de ce « droit de
marque ». Le Livre Roisin nous fournit de curieux détails sur
ce droit du créancier. Il semble même que la saisie de la personne
du débiteur était le premier moyen de contrainte auquel on
dût recourir (3). L'emprisonnement entraînait comme consé-
quence la déchéance du droit de bourgeoisie (4). Cette sanction
était mème parfois accompagnée d'une autre. « Se homs forains
est arrestez pour debte, il doit XXX deniers d'arrest au roy,
se il est atains de le debte par congnoissance ou par tesmoings » (5).
L'étranger acquittait ainsi les frais de son incarcération.
Les personnes qui s'engagent avec le débiteur sont d'abord ses
proches. Cet engagement est en général solidaire. « Les recon-

(1) PATOU. Op. cit., II, 174, 15.


(2) Aug. THIERRY. I, p. 285.
(3) Livre Roisin. Ëdit. Monier, § 63.
(5) Livre Roisin. Ëdit. Monier, § 65. Décision de mai 1283.
(5) Aug. THIERRY. I, p. 286. Texte de 1290.
naissances de dette, faites par un bourgeois et sa femme, sur
eux et sur le leur sont obligatoires solidairement sur leurs meubles,
leurs corps et leurs héritages situés dans l'échevinage ; aussi ne
faut-il contre eux qu'une seule procédure pour les deux per-
sonnes » (1). Après le conjoint et les autres membres de la
famille du débiteur, cette solidarité, marquée par l'expression
« chacun pour le tout »,
unit souvent des cautions. Ces individus,
dénommés plèges, sont les fidejussores romains. Leur rôle sera
de plus en plus important, à mesure que disparaîtra le droit de
représailles. Les cautions étaient tenues au même titre que le
débiteur. On ne peut toutefois les emprisonner. En raison des
risques courus, souvent l'acte par lequel ils se constituaient, qui
pouvait d'ailleurs être l'obligation principale ou un titre distinct,
comportait une obligation du débiteur principal à leur profit.
On les favorisait même parfois d'une véritable subrogation dans
les droits du créancier.
L'engagement porte sur la fortune entière de l'obligé. Dabord
à défaut de paiement, le créancier s'empare, au moyen de la
saisie privée, des biens du débiteur (2). Plus tard, c'est ce
dernier lui-même qui, dans l'acte, consent éventuellement à la
saisie par une clause spéciale, ou constitue immédiatement un
gage. Mais il faut savoir qu'en dehors de ce gage destiné à
garantir le principal de la créance, le créancier avait parfois
le droit d'en prendre un autre, souvent égal au « quint » de la
dette, pour couvrir les frais éventuels de poursuite (3). On donne
plus volontiers des immeubles, en garantie, en ville principale-
ment. C'est que la fortune mobilière des citadins peut plus

(1) Livre Roisin. Br. Lav., p. 58.


(2) ESMEIN. Op. cit., p. 141.
(3) ESPINAS. Op. cit., p. 567.
facilement être dissimulée, que celle des paysans (1). Il faut
ajouter que la censive urbaine est plus susceptible d'être grevée
que la simple tenure paysanne. On trouve d'ailleurs en ville
les gages mobiliers les plus divers, marchandises quelconques
(vin, laine, drap) (2), bestiaux (3) ou simplement meubles
meublants.
Mais la question de l'exécution à défaut de paiement, posait
un problème délicat. Un droit primitif ignore la vente forcée.
Ce sont deux termes qui jurent d'être accolés. A l'origine, le
gage équivaut à une aliénation, « dont l'effet définitif est subor-
donné à la condition suspensive de non accomplissement de
l'obligation. Un tel acte du 26 août 1273, se passe devant cinq
échevins (nombre prévu pour les adhéritances) et l'on signale
expressément le werp accompli » (4). Quand on en vint à suppri-
mer la saisie privée (sauf au profit du bailleur, et en autorisant
encore la prise des bêtes ayant causé un dommage) le contractant
garanti par un échevinage, eut l'avantage de pouvoir contraindre
son débiteur à la vente, grâce à l'intervention du tribunal urbain.
On procède cependant avec précaution. Dabord on met le débi-
teur en demeure de procéder lui-même à l'aliénation ; c'est
seulement s'il ne s'exécute pas qu'on l'exproprie (5). Il faut
pour cela « faire clain ». Et « deux échevins suffisent en matière
de clain pour donner le mot de la loi (c'est-à-dire l'autorisation
de saisir) et peu importe que ce soient les mêmes qui ont reçu
le contrat, ou deux autres » (6).
Ensuite, quand on se fut accoutumé à cette exécution forcée
des biens de l'obligé, les coutumiers fixent l'ordre dans lequel

(1) YVER. Op. cit., p. 280.


(2) DES MAREZ. Lettre de foire, p. 51.
(3) MEIJERS et DE BLÉCOURT. Enquêtes de la maison de la paix. Loc. cit., §44.
(4) DES MAREZ. Lettre de foire, p. 54.
(5) ESMEIN. Op. cit., p. 173.
(6) PATOU. Op. cit. II, 208, 13 ; 214, 8.
on doit procéder. En premier lieu, c'est la personne même
du débiteur qu'il importe d'appréhender. En cas d'impossibilité,
on s'en prend à ses biens. A Lille, au cas ou, pour échapper aux
poursuites, le débiteur a quitté la ville, on remet ses biens à son
créancier à l'expiration d'un délai de sept jours. Car malgré
tout, en effet, c'est souvent au gage que l'on aboutit, de préfé-
rence à la vente forcée. Cette manière de contraindre s'est
maintenue dans la coutume de Valenciennes. On y expose la
marche à suivre. « Si quelqu'un se trouve redevable par obli-
gation passée pardevant jurez de Cattel de notre dite ville, que
l'on dit ayuwe, le créditeur pour en estre payé se pourra retirer
par devers lesdits prévost, jurez et eschevins, en nombre de sept,
et illec, faire claing en vertu de ladite obligation et y affirmer
par serment, present notre mayeur, ce que luy est deu à raison
d'icelle, et ledit serment faict, lesdits eschevins donnent charge
audit mayeur, de, en la présence d'un juré de Cattel, prendre
meubles et cattel appartenant à l'obligé, et les vendre et exécuter
jusques au furnissement de ladite debte et despens raisonnables.
Et si ledit mayeur exécutant ladite charge ne trouve biens
meubles et cattels appartenans audit obligé, saisira les héritages
et rentes d'icelluy tenus pour immeubles » (1). A défaut d'un
« especial
about » on a donc recours, dabord sur les meubles, puis
sur les immeubles. Si même les immeubles du mari sont inexis-
tants ou insuffisants, ceux de la femme sont saisis. Mais si l'on
autorise la vente des biens mobiliers, en ce qui concerne les
immeubles, la poursuite n'aboutit pas directement à une alié-
nation. Les biens sont simplement remis en gage au créancier
pour une durée de trois ans. Il est probable d'ailleurs qu'à
l'expiration de ce délai, le principe précédemment exposé
devait jouer, et que la possession du gagiste devait être, avec
ou sans formalité, transformée en propriété.

(1) BOURDOT. II, p. 246. Coutume de Valenciennes, 1619, chap. IX.


CHAPITRE XIX

Extinction de l'obligation
L'échevinage, en ville du moins, est une juridiction généra-
lement composée d'hommes d'affaires, de citadins, bourgeois
et commerçants. Plutôt que de s'embarasser des principes
régissant le droit du temps, il lui est possible, en raison du
pouvoir de réglementation qui lui appartient, en même temps
que sa qualité de juge, de procéder en équité lorsque l'occasion
s'en présente. Il est ainsi à même de faire réaliser au droit de
sérieux progrès dans la voie du bon sens. On peut considérer
que ses décisions très modernes, par rapport à l'état du droit
de l'époque, constituent d'importants avantages pour ses
justiciables.
Cela se constate principalement sur la matière de l'extinction
des obligations. Un droit primitif est forcément formaliste et
rigoureux ; il n'admet que l'exécution littérale des conventions
dès l'instant qu'elles sont reconnues valables, sans autoriser
qui que ce soit, juge ou partie à les modifier dans leur teneur ou
leurs effets : l'engagement pris doit être exécuté par celui qui
s'y est obligé, au profit de son co-contractant, et dans les termes
mêmes de l'accord, sans qu'on tolère la moindre exception.
Le droit échevinal, dès l'origine, admet au contraire, tout
comme notre article 1234 du Code Civil, l'extinction des obli-
gations, non seulement par paiement, mais aussi par compensa-
tion ou confusion. Nous connaissons déjà des cas de rescision
des contrats (1) et l'espèce de prescription à laquelle ils étaient

(1) Supra. Chap. XVIII, p. 153.


parfois soumis (1). Quant à la perte de la chose, il va sans dire
qu'elle entraînait la fin du contrat.
Le mode logique d'extinction de l'obligation, c'est l'exécution
par le débiteur de la prestation à laquelle il s'est obligée : le
paiement .Mais il semble que très tôt l'échevinage admit que ce
paiement pouvait n'être pas fait par l'obligé lui-même. Des
Marez, cite un cas de novation par changement de débiteur (2).
Il est accompagné de certaines formes en rapport avec les
circonstances particulières de l'opération. Mais il n'y a aucune
raison pour que cet exemple soit isolé et la novation devait
alors se constater simplement par une déclaration en échevinage.
Par ailleurs, mandat, gestion d'affaires et substitution sont
courants. On connaît de nombreux cas de novation par change-
ment de créancier. La transmission des obligations s'opérait
aisément. On dressait dabord des actes de cession. On peut se
demander de plus si la simple remise du titre n'entraînait pas
transmission du droit. Cette question est controversée. Stobbe (3)
est de cet avis. Binding et Eigenbrodt (4) se prononcent pour la
négative. Un point intéressant demeure cependant acquis ; le
débiteur est valablement libéré en payant au porteur de son
titre, soit que ce dernier agisse en son nom personnel comme
créancier cessionnaire, soit qu'il représente le titulaire lui-même.
Cette distinction, d'ailleurs délicate à établir, est peut-être
inutile en fait. Puisque c'est le titre lui-même qui constitue
l'élément essentiel, puisque c'est par lui que l'on doit, en

(1) Supra. Chap. XVIII, p. 97.


(2) Lettre de foire, p. 58.
(3) Uebertragung des Forterungsrechte und Inhaberpapiere. Zeitschrift für
das Gesammte llandelsrechte. Bd. XI, 1868, pp. 367 à 429.
(4) BINDING. Der vertrag als alleinige Grundlage der Inhaberpapiere (Zeitsch.,
etc...). Bd. X, pp. 400 à 426. EIGENBRODT. Jahrbücher von v. Gerber und Ihering.
II, 1858, pp. 181 et suiv. Cités par DES MAREZ. Lettre de foire, p. 63.
raison de la force qu'il porte en lui, par importe la personne qui
en est revêtue : c'est l'instrument seul qui compte. Cette concep-
tion très simple, et qui est encore à la base de nos effets de
commerce modernes, n'est-elle pas celle qui convient le mieux
à un milieu d'hommes de négoce, et non de juristes, et à une
époque où l'information est malaisée ? Il est bon d'ajouter
d'ailleurs que l'on peut aussi bien considérer cette obligation
de paiement rigoureuse, comme une concession au formalisme,
que comme un progrès du droit. D'autre part, admettre la moin-
dre exception à son principe de paiement sur le vu de la lettre
eut été pour l'échevinage, compromettre en grande partie,
la vertu de ses contrats.
Il suffit donc, pour obtenir l'exécution de son obligation
de représenter le titre échevinal qui la constate. Mais cette
unique condition était indispensable. Il fallait en effet restituer
l'acte au contractant qui avait rempli ses engagements, tout
comme de nos jours le tiré entre en possession de la traite
après paiement. Le contrat lui-même, formant titre exécutoire,
devait être détruit : c'est encore ainsi que l'on procède pour les
grosses d'actes notariés. Rien ne pouvait en effet mettre à
couvert le débiteur, tant que subsistait le titre constatant son
engagement. Il n'aurait pu opposer aucune exception à un
second porteur du titre, en vertu de la force que « l'eschevinage »,
portait en lui-même. Tous les coutumiers énoncent la nécessité
de cette remise de l'acte. Au cas de perte, le créancier était
astreint à certaines formalités. « S'il dit qu'il l'a perdu, il doit en
faire serment sur les saintes reliques, pardevant eschevins, et
après le serment, tenir quitte de la dette celui qui l'a ainsi payée
lequel, s'il en a besoin, doit avoir lettre d'eschevins de cette
quittance » (1).

(1) Livre Roisin. Edit. Monier, § 62.


Mais cette remise de titre au débiteur n'était même pas
généralement considérée comme suffisante. Le plus souvent
on exige encore une quittance. C'est un argument de plus,
notons-le en passant, en faveur de la non transmissibilité du
droit par la remise de l'écrit. Il est certain qu'en cas de perte,
tout recours n'était pas perdu pour le créancier. La coutume de
Valenciennes, prévoit cet incident : « S'il advenait que par celle
partie se veulent aider de tel chirographe ou lettres, eust perdu
sa pièce, elle peut par congé du grand bailly de Haynaut, ou
par vertu de charge baillée audit chef-lieu, sur claing à cette
cause par elle fait, faire faire ouverture dudit ferme, et contre
la pièce y trouvée, faire collationner ou vidimer coppie, laquelle
sera signée du clercq, au commandement des mayeur et eschevins,
de laquelle il se pourra aider comme il eust fait de celle qu'il
a perdue » (1). Il fallait mettre le débiteur à couvert de la présen-
tation d 'un nouveau titre. Il était nécessaire de lui permettre
d'opposer une exception irréfutable à toute nouvelle réclamation.
Le meilleur moyen d'y parvenir sans entamer la valeur du titre
précédent, c'était de lui procurer, à lui aussi, un « eschevinage »
dont la valeur était égale à celle de l'acte primitif.
C'est pourquoi il est prescrit dans de nombreuses coutumes,
qu'une quittance est nécessaire pour libérer le débiteur. Le
principe en est même énoncé dans la charte d'Arras de 1211,
qui exige un acte échevinal : « Quicumque alii debuerit pecuniam
per testimonium scabinorum, non poterit liber esse, donec
creditor ipsum quitum clamaverit per scabinos » (2). Il existait
d'ailleurs plusieurs sortes de ces quittances, ou « quiteclaman-
ches ». La quittance pouvait être générale, constatant qu'un
individu était entièrement libéré de toute obligation envers un

(1) BOURDOT. II, p. 230. Coutume de Valenciennes, 1540, chap. CLXI.


(2) WIGNACOURT. Op. cit., p. 96.
autre. D'autres quittances spéciales étaient dressées en suite du
paiement d'un acompte, de l'exécution d'une prestation, ou
après l'extinction d'une certaine dette. La plus curieuse quit-
tance connue est celle donnée par un juif à son débiteur, en 1202,
devant le maire de Rouen et le bailli des juifs, écrite en latin,
mais signée de caractères hébraïques (1). Il n'y a peut-être que
pour les lettres de foire que l'usage n'était pas d'en dresser (2).
Cela tient au caractère commercial très prononcé de ces recon-
naissances de dette.

(1) YVER. Op. cit., p. 196.


(2) HUVELIN. Op. cit., p. 160.
CHAPITRE XX

Contestations et procès
Nous avons passé en revue au cours de cette étude les cas de
nullité des actes d'échevinage. Ils pouvaient avoir deux causes :
un vice de forme de l'acte lui-même, ou l'incompétence du
magistrat.
Les vices de forme étaient rares. On peut citer le cas où l'acte
n'aurait pas été revêtu de la signature des échevins lorsque
cette signature était nécessaire, ou celui où un exemplaire du
chirographe n'aurait pas été déposé en ferme. Mais même
alors, la nullité ne pouvait ètre absolue. Dans bien des cas
le témoignage échevinal pouvait remédier à cette situation.
Il y avait au Pays de l'Alleu, nullité de l'acte à défaut
de signature par les parties (1). Elle était sanctionnée
par «une amende de 100 livres par contravention, et de plus
tous dépens, dommages et intérêts à la charge des délin-
quants » (2). Nous savons qu'à Valenciennes, on suppléait à
l'absence de rédaction d'un écrit. C'était une conséquence
logique du principe sur lequel était basée la force de l'acte
urbain.
La nullité de l'acte provenant de l'incompétence de l'échevi-
nage pouvait être encourue ratione loci, au cas d'exercice sur un
territoire autre que le sien, ou ratione materiae, si un acte était
dressé sur des sujets réservés par d'autres juridictions ; dans ce
cas elle était absolue. Ratione personae il semble au contraire

(1) Supra. Chap. VII, p. 70.


(2) Ch. DEPOTTER. Op. cit., p. 220.
que la nullité était relative. Encore n'est-ce qu'une supposition
car nous ne rencontrons pas d'exemple de procès engagés sur
ce point. C'est que, nous l'avons vu (1) on admit rapidement le
principe moderne que la question de personne importait peu,
et que chacun, membre de la cité ou étranger, pouvait valable-
ment contracter en échevinage.
Dans les cas d'incompétence, les procès devaient naturelle-
ment être portés devant une juridiction supérieure à l'échevinage,
généralement le bailliage. Quand au contraire, on reprochait à
l'acte un vice de forme ou un défaut du consentement ce n'était
plus l'organisme municipal qui était mis en cause, et, comme
au cas d'inexécution des conventions, c'est devant l'échevinage
que devait être appelée l'affaire. Cela est évident pour les époques
de l'institution, où le conseil de ville existait seul, ou du moins
demeurait indépendant. Quand cette compétence résultait d'une
concession du seigneur, elle pouvait au contraire souffrir des
exceptions. C'est ainsi que l'accord du mois d'août 1237 entre
le comte de Ponthieu et la commune d'Abbeville semble bien
émettre une restriction à l'autorité du tribunal urbain : elle
déclare « que les contestations auxquelles donneraient lieu les
contrats passés entre jurés, devant le maïeur et deux ou trois
échevins, ressortiraient à la juridiction échevinale, après que
la plainte aurait été portée devant le vicomte » (2)..
On ne peut dire avec précision si les procès étaient fréquents.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur cette partie de l'activité
judiciaire du tribunal échevinal. Cela devait dépendre des épo-
ques, des lieux et de bien d'autres circonstances. A l'origine
on devait admettre difficilement une contestation quelconque
au sujet des chirographes. On se relacha ensuite de cette rigueur.

(1) Supra. Chap. XII, p. 100.


(2) Aug. THIERRY. IV, p. 26.
Les institutions municipales, plus ou moins bien gérées, étaient
susceptibles de donner lieu à des réclamations justifiées, tout en
enhardissant les contractants de mauvaise foi. On ns pouvait
cependant laisser s'implanter ces manières de procéder sans
entamer et même détruire l'autorité de l'institution. Aussi fut-on
contraint de prévoir en pareil cas de sévères sanctions. Le pre-
mier inconvénient qui résultait de ces contestations, sans parler
de l'impossibilité où elles mettaient le créancier d'utiliser son
titre avec la vigueur nécessaire, était l'encombrement des affaires
au tribunal. L'ordonnance suivante de l'échevinage d'Amiens,
destinée à remédier à cet état de choses, l'expose avec netteté :
« Par les estans en eschevinage fu ordonné pour ce que plusieurs

personnes nyoient chirographes contre eulx produis en tesmoi-


gnage, et que par ce les causes estoient oultre mesure prorogiez,
que quiconques nyera chirographes contre lui produit, puis que
le nyant ara chirographe recognut, il enquerra en XL sols
d'amende, touteffoiz que chirographes ainsi nyez sera prouvez
estre chirographes. Item fu adjousté que quiconque nyera
chirographe d'aucun fait, il paiera X sols d'amende à cheulx
qui le contre-partie querront et trouveront par devers le ville » (1).
Ce réglement vise le cas où l'on contestait l'existence même de
l'acte. Mais dès que l'habitude fut établie de conserver un
exemplaire du chirographe aux archives, cette circonstance ne
put se présenter que dans des cas très rares. C'était donc l'acte
lui-même qu'il fallait attaquer. Si la controverse portait sur un
point accessoire, il était possible de plaider, l'acte urbain
n'emportant pas pleine foi de tout son contenu. Il fallait cepen-
dant empêcher la multiplication de ces procès. On infligeait
donc une amende à celui qui engageait un « faux claing » (2).

(1) Aug. THIERRY. I, p. 800. Texte de la 2e moitié du xive siècle.


(2) Archives du Pas-de-Calais. A. 10012 (1267).
Mais si l'on contredisait directement le témoignage échevinal, la
chose était plus grave. Cela entraînait le paiement d'une amende
de LX livres~ automatiquement et sans discussion possible (1).
On y ajoutait aussi fréquemment une indemnité au profit des
échevins contredits, et même parfois du seigneur. Le principe
de cette sanction se trouve déjà dans les privilèges octroyés à
Gézaincourt par son seigneur en avril 1240. « Si quis testimo-
nium eorunl contradixerit, michv per decem solidos et, cuilibet
juratorum per duos solidos et quinque denarios emendabit » (2).
Le tarif qui fut ensuite pratiqué partout était celui de l'amende
de LX livres, la plus élevée qui existât, plus X livres pour chaque
échevin contredit. On le rencontre dans la Charte d'Arras, soit
au cas de contradiction apportée au témoignage échevinal,
soit pour opposition non fondée à leur sentence (3).
Car s'opposer à l'exécution du jugement était à plus forte
raison un « mesfaict » punissable, non seulement d'amende,
mais même encore de bannissement. Nous en avons l'indication
sous l'article 130 du Recueil des décisions rendues par les éche-
vins d'Ypres, chef de sens de Saint-Dizier. Il s'agit d'un bour-
geois « contre lequel li baillis maintenoit que il s'estoit mesfais,
et si aloit contre le saellé d'eschevins envers les Lombards
d'Ancerville en la somme de LX £. et on feist exécution sus luy
de ladicte somme, et il se soit opposeiz en disant que exécucion
ne devoit estre faite sus luy que de la moitié de cette somme » (4).
Parfois cependant, on admettait les plaideurs à prouver leur
assertion opposée à celle des échevins. A Ardres, l'amende de
LX £. n'est due qu'au cas où on « s'oppose et contredit, et puis

II, p. 706. St-Dizier.


(1) OLIM.
(2)BOUTHORS. II, p. 122. Privilèges de Gézaincourt, art. 4.
(3) WIGNACOURT. Op. cit., p. 90. Charte de Philippe-Auguste de 1194, art. 91.
(4) OLIM. II, p. 781 et suiv. Cité par Testaud. Op. cit., p. 95.
dequiet par bon procès », ou bien lorsque « l'on va contre leur
sentence et en dequiet » (1). La loi de Beaumont permet aussi
d'envisager cette éventualité : « Saucun avait contredit au juge-
ment des jurés et il les avait prouvé de faulx jugement, par le
tesmoignage des jurés de Bryères, les jurés payeraient 100 sols.
Et sil ne les puet convaincre, il payera 100 sols et les despens des
jurés : au seigneur 60 sols, au maïeur 5 sols et aux jurés 35
sols » (2).
Il était presque impossible de produire de fausses lettres
d'échevinage en raison des marques évidentes d'authenticité
que la lettre scellée et le chirographe, comportaient en eux-
mêmes. Une simple falsification dans le corps de l'acte avait
également peu de chances de réussir. Aussi voit-on rarement
prévoir ce délit. La coutume d'Ardres le sanctionne de l'amende
de LX livres (3).

(1) BOUTHORS. II, p. 673. Coutume d'Ardres, art. 23.


(2) BONVALOT. Beaumont. XXXV, p. 115.
(3) BOUTHORS. II, p. 673. Coutume d'Ardres, art. 22.
CHAPITRE XXI

Les concurrents de l'échevinage

Même à la plus belle époque de son histoire, l'échevinage ne


fut jamais seul à conférer l'authenticité aux actes privés. Il est
nécessaire, pour avoir une idée exacte de notre sujet, de passer
en revue les institutions analogues qui précédèrent celle que
nous étudions, fonctionnèrent concurremment avec elle, et
finalement la supplantèrent.
Pour être volontaire, la réception des contrats n'en constitue
pas moins un acte de juridiction. Nous avons vu (1) que dès
l'époque carolingienne, on procède au moyen de la recognitio
in jure. Le droit de recevoir les contrats est en effet confondu à
l'origine avec celui de rendre la justice. Chaque tribunal donne
aux conventions que les parties passent librement devant lui,
la force exécutoire attachée à ses arrêts. Lorsque le comte tenait
les plaids, les contrats se passaient devant lui en présence de
témoins. Bientôt, les cours féodales comprennent de vrais
juristes. Ce sont les scabins nommés par le comte et le peuple.
Rien n'empêche qu'ils aient en même temps le titre de notaires(2).
On prtnd alors régulièrement l'habitude de faire intervenir ces
juridictions dans la passation des conventions privées. Dans les
Assises de Jérusalem, et les Assises de la Cour aux Bourgeois, ce
mode de contracter devant la justice paraît le mode normal (3).

(1) Supra. Chap. 1er, p. 13.


(2) Ex. de Scabins notaires ou clercs dans : Muratori. II, 979. III, 167,
1018, 1030.
(3) SABOI t.AHD. Op. cit., p. 235.
Le droit de recevoir les actes passa des seigneurs à leurs baillis et
ensuite aux secrétaires de ces derniers, auxquels on donnait le
nom romain de « notarii » avec la
signification qui y était
primitivement attachée, celle de simples scribes. Mais il faut
remarquer que si, dans le Midi, ces notaires prenant le titre de
juges parvinrent à faire reconnaître à leurs actes l'authenticité
et l'exécution parée, leurs confrères du Nord n'eurent pas avant
longtemps la faculté de conférer ces avantages à leurs écrits.
Ils se contentent d'enregistrer l'aveu des parties.
Les seigneurs, bien avant le roi, établirent des notaires dans
leurs domaines. Ils pouvaient se baser pour cela sur les capitu-
laires de Charlemagne de 803 et 805, prescrivant, le premier
aux missi dominici, le second à chaque évêque et abbé et à tous
les comtes, d'avoir chacun leur notaire. La découverte du droit
romain au XIIe sièelc contribua à la création de nombreux no-
taires seigneuriaux. A cette époque, l'institution fonctionne,
normalement. C'est en 1232 que Mathieu II, duc de Lorraine,
les installe dans ses Etats ; les « passeurs » existent à peu près
vers la même date dans le duché de Bretagne. Dès 1280, Charles
d'Anjou est contraint de prendre certaines mesures pour défendre
son sceau contre la concurrence. En 1282, le tabellionage du
Comte de Champagne est supprimé par le Parlement sur la
plainte de l'évêque (1).
Ce n'est pas avec ces fonctionnaires que les échevinages eurent
à entrer en lutte. La juridiction de seigneur céda le pas en effet
au tribunal urbain qui ne fit bien souvent qu'en prendre la
suite. Avec lui, disparurent ses notaires. Le notaire seigneurial
ne subsista plus que dans les campagnes qui n'avaient pas été
touchées par le mouvement communal, et où l'autorité du Roi
n'y substitua point son officier. On peut considérer que notaires

(1) GIRY. Manuel, p. 842.


seigneuriaux et échevinages subsistèrent dans des zones d'action
différentes et sans aucunement se heurter.
La juridiction religieuse au contraire, offrit une vive résis-
tance à l'échevinage, partout où la libération des villes avait été
dirigée contre elle, ou avait eu lieu en dehors d'elle. Elle fut,
en matière d'authentification des contrats, le premier adver-
saire sérieux avec lequel l'échevinage eut à lutter. Elle avait
à ce sujet de lointains antécédents. On se souvient que fréquem-
ment investis du rôle de dejensores civitatis, qui comprenait
notamment dans ses attributions l'authentification des actes,
les évêques, furent pendant la période anarchique qui suivit
l'effondrement de l'Empire Romain, la seule autorité qui sub-
sistât (1). On conçoit que leur puissance très réelle, dans un milieu
chaotique, et l'exercice continu de la juridiction depuis des
siècles les désignait tout particulièrement pour donner leur appui
aux contractants. Aussi furent-ils les premiers à organiser des
tabellionages. Leurs écrivains, monastiques ou épiscopaux
dénommés nolarii, clercs le plus souvent, répandus dans le ressort
de la juridiction, transmettaient à la Cour les contrats à authen-
tifier, rédigés par eux. La province de Reims fut la première à
organiser des officialités sur ce modèle. Cambrai suivit en 1205
et Tournai en 1220. Le Concile de Latran en 1215 ordonne
d'ailleurs au juge religieux de ne pas négliger ce point. « Judex
semper adhibeat, aut publicam (si potest habere) personam,
aut duos viros idoneos » (2). Cette prescription concernant les
actes de procédure n'eut pas une moindre influence sur l'organi-
sation de la juridiction gracieuse. Dès lors, au moins dans le
Nord de la France et les régions voisines on a recours constam-
ment, surtout à la campagne, mais même en ville, et parfois les

(1) Supra. Chap. Ier, p. 11.


(2) LABBE et GOSSART. Sacro sancta concilia. T. XI. Pars 1, Col. 1S9.
municipalités les premières, aux notaires d'officialité et doyens
de chrétienté (1).
Lorsque se produisit le mouvement communal, les contrac-
tants qui n'utilisaient la juridiction religieuse que parce qu'elle
était seule à offrir les capacités nécessaires à la réception des
actes adoptèrent avec empressement le nouveau tribunal. Vers
1270, les cours échevinales, féodales et allodiales ont remplacé
les chancelleries officiales en tant que bureaux d'écriture (2).
C'est alors qu'apparaissent des officiers nouveaux : les notaires
publics. C'étaient à l'origine des Italiens du Nord, généralement
des clercs, tenant leurs fonctions directement du Pape, qui, à
cette époque de début du grand commerce international,
paraissent être venus dans nos régions à la suite des marchands
et financiers lombards. Le premier connu s'établit à
Carignan, dans les Ardennes en 1269. Il était citoyen
de Parme et avait exercé précédemment à Cologne. Car ces
notaires n'eurent dabord pas de résidence fixe et se déplaçaient
fréquemment, exerçant en vertu de l'autorité universelle
du Pape, dans nimporte quelle juridiction. On en rencontre
ensuite un autre en 1281, venant de Bologne, qui joint à son
titre d'officier apostolique celui de notaire impérial. Il y avait
avantage en effet à cumuler ces deux investitures puissantes.
Dans le Midi on trouve à cette époque fréquemment, des notaires
réunissant les titres d'impériaux et communaux, ou comtaux,

(1) En 1152, le maire et des membres de la commune d'Amiens apposent


leur sceau à un acte de transaction entre l'évêque et un bourgeois « datum per
manum Roberti Gyganti, iiotarii ». (Aug. THIERRY, I, p. 62).
(2) Cf. sur cette matière et la suite. H. NÉLIS. Les origines du notariat en
Belgique (1270-1320), dans Revue Belge de Philosophie et d'Histoire. Bruxelles
1923. T. II, p. 267, sur les notaires d'officialité. P. FOURNIER. Des oflicialités au
Moyen-Age. Paris 1880.
à celui d'apostolique. Dans les dernières années du xine et les
premières du xive siècle, ces notaires finissent par se recruter
dans la population indigène et deviennent stables. On conçoit
qu'ils faisaient le plus grand tort aux notaires d'officialité
particulièrement. On finit par les admettre dans les chancelleries
ecclésiastiques dont les officiers sont désormais publics. En 1281,
le notaire de l'official de Cambrai donne à l'acte rédigé par lui
le titre d'instrument public. Dès 1230, dans les diocèses de
Cambrai, Tournai et Thérouanne les notaires officiaux sont
publics. Ils portent généralement le titre de notaires aposto-
liques et parfois impériaux.
A partir de la fin du XIIIe siècle, les Papes prennent l'habitude
de conférer aux évêques ou même aux seigneurs la « licentia
creandi notarios » ou « conferendi officium tabellionatus ». C'est
ainsi que le Pape Benoît XII, par une bulle du 19 juin 1334,
accorde à Guillaume, comte de Hainaut, de conférer à trois
clercs non mariés la qualité de tabellions apostoliques, pour
servir principalement en Hainaut (1). Voici donc une institution
poursuivant un des buts de l'échevinage, qui va subsister dans
les mêmes lieux que lui. Tout l'effort des municipalités, allié en
cela à la Royauté, consistera à restreindre la compétence de ces
notaires aux véritables objets dont elle n'aurait jamais dû
sortir : les matières touchant la religion et les intérêts des clercs.
Il est inutile d'entrer dans le détail de la lutte entreprise
fréquemment par les évêques et leurs chapitres, contre les
communes. Souvent Roi et Parlement y intervinrent au grand
détriment de chaque partie. En ce qui concerne la réception des
actes, on ne parvint pas aisément à cantonner l'activité des

(1) Voir cette bulle et la formule du serment qui devaient prêter ces officiers
dans PRUD'IIOMME. Op. cit. Annexes, p. 12.
officiers ecclésiastiques dans leurs attributions originaires. Bien
que la ville de Strasbourg eut joui comme ville libre et impériale
de privilèges particuliers, les contrats s'y passaient au Moyen-
Age devant le juge du palais épiscopal (1). Ce n'est qu'en 1587,
que des notaires jurés purent y être nommés par le magistrat
urbain. Fréquemment les deux institutions existèrent côte à
côte dans un accord relatif, et il est parfois difficile de déterminer
le rôle de chacune et leur compétence. La coutume de Luxem-
bourg, après avoir indiqué que la vente se passe devant « deux
de la justice», ajoute «sans préjudice s'il y a lieu des droits
des tabellions » (2). A Douai, nous rencontrons l'intervention de
notaires apostoliques dans les actes mêmes de l'échevinage, où
généralement ils ne jouent d'ailleurs qu'un rôle simplement
testimonial. On possède un chirographe échevinal du 18 décem-
bre 1313, de la sentence rendue par trois arbitres, choisis en
vertu d'un compromis fait pardevant Henri Laustin, « tabellion
publike, de l'auctorité impérial » (3). En 1323, un acte urbain,
est validé par un officier ecclésiastique. En fin de la lettre éche-
vinale se trouve la mention : « En tiesmognagne desquelle
choses, nous prevos et esquievin de le cité de Cambray descure
dit, avons fait escrire ces presentes lettres par Mahiu dit Ma-
senghe, clerch, tabellion publike, chi dessous escript et signé...
Et jou Mahieus de Masenghe, clercs de le dyocese de Cambray,
par le auctorité no Saint Pere le pape de Romme et de l'Empereur,
tabellion publikes..., ai ces présentes lettres, dou comman-
dement dou prevost et esquievin escripte de me main » (4).

(1) Ils commençaient par cette formule : « Coram nobis constituto judice
curia epicopalis », d'où leur est venue la dénomination allemande de Coram nobis
brief. (LOBSTEIN. Op. cit., p. 5).
(2) BOURDOT. II, p. 345. Coutume de Luxembourg, titre V.
(3) ESPINAS. Op. cit. IV, p. 91. P. J. 960.
(4) ESPINAS. Op. cit. IV. P. J. 1010, 30 juillet 1323.
On peut expliquer cette co-existence des deux institutions
pour la raison que l'échevinage avait moins à craindre les
notaires apostoliques, que leurs confrères royaux plus puissants.
Les actes des premiers ne furent en effet jamais exécutoires
par eux-mêmes (1).
A Amiens «les juridictions ecclésiastiques de l'évêque et
du chapitre avaient été rattachées de bonne heure à la prévôté de
Beauvaisis, vraisemblablement après la prise à bail perpétuel
par la ville, de la prévôté du roi. On trouve en 1458, plusieurs
lettres « par lesquelles, appert plusieurs baillifs et prévosts de
Beauvoisis avoir demandé congié ausdis maire et eschevins de
tenir leurs plais et prisons en ladite ville » (2). Il faut avouer que
l'enchevêtrement dans lequel ces différents organismes exer-
çaient leur ministère ne pouvaient occasionner moins de heurts
qu'il ne le fit. Nous connaissons, du 29 janvier 1391, le renvoi
pardevant le bailli d'Amiens, d'une plainte des maire et echevins
contre le prévôt de Beauvaisis et son clerc, fermier des écritures,
à raison de certains exploits faits par ceux-ci, dans les limites de
la juridiction et prévôté d'Amiens (3).
On s'accomoda donc longtemps et tant bien que mal de cette
situation. Il y fallait pourtant une solution. On chercha dabord
à ôter aux notaires apostoliques et impériaux la connaissance
de certains actes. Une sentence du prévôt de Paris du 19 juin
1421, leur défend de dresser des inventaires et de procéder à
des prisées. Cette mesure était insuffisante. Une ordonnance de
novembre 1543, déplore leur « grant et effréné nombre » (4).
Louis XIV procéda d'une manière plus insidieuse et plus efficace

(1) PATOU. Op. cit. II, 746, 28.


(2) MAUGIS. Documents inédits, p. 358.
(3) MAUGIS. Documents inédits. Loc. cit.
(4) DE BOUARD. Châtelet, p. 80.
pour faire passer ces officiers sous son autorité. Un édit de décem-
bre 1691, leur conféra le titre de notaires royaux avec lesquels
ils se sonfondront peu à peu, gardant seulement l'exclusivité
de recevoir seuls tous actes ayant rapport aux bénéfices et
fonctions ecclésiastiques (1).
Les officiers investis par le titulaire du Saint-Empire, portent
le nom de notaires impériaux, auquel ils adjoignent le plus
souvent celui d'apostoliques. Ils sont très répandus à partir
du xive siècle sur tous les territoires soumis à l'autorité de l'Em-
pereur, ce qui représente notamment le Nord, l'Est et une partie
du Sud-Est de notre pays. Un réglement de l'Empereur Maxi-
milien Ier du 8 octobre 1512, détermina pour tout l'empire
germanique, les devoirs et les attributions des notaires impériaux.
En Alsace, ils joignaient souvent à leurs fonctions celles de
greffiers-bailliagers.
Ces officiersparaissent avoir été pour l'échevinage des concur-
rents peu dangereux. Créés en Artois dès 1509 et bien que
Charles-Quint ait ordonné en 1521, « que tous contrats, obliga-
tions, marchés et autres reconnaissances se feront et passeront
doresnavant pardevant les notaires » il y a peu d'actes notariés
en Artois avant le milieu du xvie siècle, c'est-à-dire en somme
avant qu'ils n'aient obtenu l'investiture royale. On procédera
en effet pour les éliminer de la même manière que plus tard
avec les notaires apostoliques. François Ier après avoir en 1535
confirmé leurs droits et privilèges, leur fait défense par ordon-
nance du 16 février 1542, afin de réprimer leurs abus, d'exercer
sans nouveau titre du roi, tout en admettant la validité des
actes antérieurement dressés par eux (2).
(1) E. D. BERGE. Histoire du notariat. Paris 1815, p. 85.
(2) Cf. AUBENAS. Le testament en Provence dans l'ancien droit. Thèse Aix-en-
Provence 1927. Et du même auteur, Etude sur le notariat provençal au Moyen-
A'/r (déjà cité).
La juridiction échevinale ne trouve plus désormais devant
elle que des officiers royaux. C'est donc elle qui aura tenu tête
le plus longtemps à l'autorité centrale. Favorisée jusqu'alors par
la multiplicité même de la concurrence et peut-être aussi
considérée comme la moins dangereuse des institutions non
royales, elle ne tardera pas à succomber dans cette lutte contre
un seul adversaire déterminé.
Au moment d'entreprendre l'étude de l'organisme qui va
faire disparaître notre institution, il est utile d'indiquer les
dates fondamentales de l'existence de cette dernière. On peut
distinguer quatre périodes principales. La première, allant du
XIIe au xive siècle, est celle du plus plein épanouissement des
communes. A cette époque l'authentification par l'échevinage
prévaut sur ses concurrents. La seconde période, s'étend de la
confiscation des libertés communales à l'ordonnance de Moulins.
Pendant ce temps, l'influence niveleuse de la royauté se fait
déjà sentir. Mais dans bien des villes l'échevinage a toutefois
réussi à sauvegarder nombre d'attributions, dont celle qui nous
intéresse. Ensuite commence pour notre institution une ère de
décadence. Les ordonnances de Louis XIV achèvent de suppri-
mer les libertés communales en introduisant les réformes dans les
parties de notre territoire où elles n'avaient pas encore pénétré.
Enfin, jusqu'à la Révolution, dans les rares cités où l'échevinage
a gardé quelque indépendance, il doit le plus souvent se contenter
de procéder en matière d'actes privés, à l'accomplissement des
devoirs de loi.
On sait que Charlemagne, par son capitulaire de 803, tenta
d'instituer, pour conférer l'authenticité aux contrats, des
fonctionnaires sous sa dépendance. Ces dispositions semblent
ne pas avoir été exécutées. Il faut attendre quatre siècles pour
rencontrer des individus auxquels ce rôle est spécialement
délégué par le roi. Jusque là on procède toujours par recognitio
in jure. Les seuls titres authentiques sont les lettres de baillie,
de prévôté et d'échevinage. Les fonctions de notaire et de
greffier sont confondues. Ni l'un ni l'autre d'ailleurs ne confèrent
à l'acte l'authenticité qui lui est donnée par l'apposition du
sceau et la présence de témoins. Mais peu à peu, ces fonction-
naires instrumentèrent seuls « pour ce que quand les parties sont
d'accord, le juge n'y a que voir » (1).
Philippe le Bel, par ordonnance de 1303 (et non Saint-Louis),
fonda véritablement l'institution du notariat. « Au siège de
chaque juridiction royale fut établie une petite chancellerie
composée de notaires chargés de dresser les minutes des actes.
A sa tête se trouvait un tabellion juré, lui-même notaire, qui
devait donner l'authenticité aux actes par l'apposition du sceau,
et délivrer grosses et expéditions » (2). C'est encore le même roi
qui, en 1319, revendiqua pour lui seul le droit de nommer des
notaires, pour la raison « que les seaux et écritures estoient de
son propre domaine ,partant qu'ils seroient d'oresnavant vendus
par enchères à bonnes gens et convenables » (3). Ces ordon-
nances mettent les actes notariés sur la même ligne que ceux
des juges pour la présomption de vérité. L'institution demeurera
telle pendant plusieurs siècles, avec toutefois certaines modifi-
cations de détail.
Malgré la défense à eux faite, les juges persévérèrent à recevoir
eux-mêmes des contrats. François Ier par son Édit d'Angou-
lême de novembre 1542, ne parvient pas à supprimer cet abus.
Il faut son ordre exprès, réitéré à plusieurs reprises pour faire
enfin enregistrer cet édit au Parlement de Paris le 31 juillet

(1) LOYSEAU. Des offices. II, Y. § 49.


(2) GIRY. Manuel, p. 843.
(3) LOYSEAU. Op. cit., § 59.
1543 (1). Un autre édit du 4 octobre 1554 dût d'ailleurs renou-
veler les réglements antérieurs mal exécutés. Nul doute que les
dissensions ainsi manifestées parmi les fonctionnaires royaux
profitèrent aux échevinages, dont l'exercice ne fut point direc-
tement entravé par eux pendant cette période.
Une autre infériorité de l'organisation royale consistait dans
la multiplicité même, des fonctionnaires entre lesquels était
répartie la tâche que l'échevinage était seul à remplir. A côté
des notaires qui se bornent à rédiger l'acte, existent les gardes-
scels, dont le rôle consiste à l'authentifier au moyen de l'appo-
sition du sceau et les tabellions gardes-notes, qui ont la charge
d'en assurer la conservation etd'en délivrer grosses et expéditions.
Il existe aussi des enquêteurs et examinateurs qui prétendent
« bailler commissions de scellés et faire inventaires après décès ».
Enfin les lieutenants de baillis sont assistés pour la réception
des actes, par les auditeurs du roi, chargés uniquement de valider
les actes de leur présence et de leurs sceaux. Mais tous ces officiers,
jaloux de leurs prérogatives, se gênent entre eux. C'est ainsi
qu'une ordonnance de 1425, article 12, fait défense aux audi-
teurs « d'appointer en écritures aucune partie plaidant devant
eux » et « que ne seuffrent les clercs des procureurs des; parties
occuper pardevant eux, ne signer par leurs tabellions aucuns
appointements prins avec lesdits clercs » (2).
Dès la confiscation des libertés communales au xive siècle,
ces fonctionnaires procèdent seuls à l'authentification des
contrats dans les cités frappées de cette sanction. On les ren-

(1) «Plusieurs de nos greffiers et juges, leurs lieutenants et commis reçoivent


souvent plusieurs contrats, promesses et obligations volontaires, en entreprenent
sur lesdits tabellions. » ISAMBERT. Recueil des anciennes lois françaises. XII, p. 790.
(2) MAUGIS. Essai sur le Recrutement des offices du Bailliage d'Amiéns de
1300 à 1600. Thèse complémentaire de Lettres. Paris 1906.
contre également dès le xve siècle dans les villes ayant conservé
leurs privilèges. Mais leur présence n'entama pas profondément
les attributions de l'échevinage et l'avantage principal de leurs
instruments, qui était d'avoir force exécutoire par tout le royaume
semble ne pas avoir tenté les contractants. Le bailli est souvent
plus agressif. A Amiens il conteste à l'échevinage la connaissance
des lettres obligatoires (1) ainsi que des lettres de baillie à
laquelle cette juridiction prétendait comme titulaire de la
prévôté (2). Notaires royaux et échevins semblent au contraire
vivre en bonne intelligence. A Saint-Quentin, on trouve au
cours du xvie siècle, de nombreux jugements du tribunal
urbain grossoyés par des notaires royaux, ainsi que des expédi-
tions d'ordonnances échevinales (3). Depuis longtemps, il
existait à Amiens un garde-scel et des auditeurs royaux. Nous
possédons même d'eux le vidimus d'une lettre échevinale (4).
Cela n'empêchait en rien l'échevinage de fonctionner. A Abbe-

(1) Du 24 juillet 1402. Appointement donné par la Cour. MAUGIS. Documents


inédits, p. 324.
(2) Plaidoiries du 5 mars 1425. MAUGIS. Documents inédits, p. 121.
(3) LEMAIRE. Op. cit., notamment pp. 259 et 319.
(4) « A tous ceulx qui ces présentes lettres verront ou orront, Wistaces de
Dargies, ad présent garde du seel de le baillie d'Amiens, establi en ladite ville et
prévosté d'icelle pour sceller et confermer les contraux, convenences, marquiés et
obligacions qui y sont faites et receues entre parties, Salut. Sacent tous que
pardevant Pierre Bailly et Pierre Dubus, chitoiens d'Amiens, mis et establis de
par le bailli d'Amiens ou nom du Roy nostre Sire, ad ce oir, furent aujourd'uy
apportées, leues et diligemment regardées, unes lettres des maïeur et esquevins
de le cité d'Amiens, saines et entières, si comme par le inspeccion d'icelles pooit
apparoir contenans cette fourme : ».
Suit la teneur desdites lettres obligatoires de 1296. (A. A. 5, fo 92, vo).
« Et tout ce nous ont tesmoigné lidit auditeur et nous à
leur tesmoingnage
avons mis le seel de ladite baillie à cest présent vidimus sauf le droit du Roy
nostre Sire et l'autruy en tout. Ce fu fait l'an de grâce MCCCLIX, le XXIe jour
de juillet ». MAUGIS. Documents inédits, p. 405.
ville également on trouve dès 1334 un garde-scel et des auditeurs
qui vers le milieu du xvie siècle prendront le nom de notaires (1).
Il est vrai que ces fonctions royales pouvaient être remplies
par des membres de l'administration ou du tribunal urbain.
A Montdidier, Louis Dagombert, secrétaire et commis de la
ville en 1437, s'intitule tabellion-juré (2). On trouve un autre
exemple frappant à Amiens : dans la première partie du xive siè-
cle, tous les noms d'auditeurs sont des noms d'échevins (3).
Nous avons vu en effet que c'était un procédé utilisé par la
royauté pour abattre les organismes indépendants que de les
attirer à elle en leur conférant une investiture royale, de manière
à lier ainsi leur compétence à la délivrance du nouveau titre.
Cette mesure avait d'ailleurs l'inconvénient de faire entrer
dans les conseils urbains, des praticiens plus aptes à exercer les
fonctions judiciaires, et capables d'atténuer le discrédit que
l'incompétence des magistrats élus commençait à faire peser
sur eux. Elle put en ce sens permettre à l'échevinage de maintenir
son prestige. C'est probablement pour ces dernières raisons que
l'Ordonnance de Blois (mars 1498), n'autorisait pas le cumul
de ces fonctions. Un édit de septembre 1503, vint à nouveau
interdire aux officiers royaux l'accès de l'échevinage (4). Il dût
d'ailleurs être rapporté par ordonnance du 8 mai 1552, en raison
des protestations qu'il souleva (5).
Mais sans entrer dans une lutte acerbe avec le conseil de ville,
ces officiers ne lui avaient pas moins causé le plus grand tort.

(1) PRAROND. Les gardes-scel, auditeurs et notaires d'Abbeville (1333-1867).


Amiens 1867, p. 7.
(2) V. DE BEAUVILLÉ. Op. cit., T. II, p. 128. La seule copie de la charte de
cette ville de 1195 qui nous soit parvenue, est un exemplaire de la main de cet
officier.
(3) MAUGIS. Essai sur le recrutement..., p. 49.
(4) Aug. THIERRY. II, p. 495.
(5) Aug. THIERRY. II, p. 762.
Ils étaient prêts à profiter des luttes intestines qui se produisent
fatalement dans une assemblée politique. Cela se produisit
notamment à Amiens, où l'on se plaint en séance du désordre et
de la négligence des échevins et de leurs officiers subalternes (1).
Leurs connaissances faisaient ressortir nettement l'infériorité
des magistrats municipaux dans l'exercice de la justice : « Mar-
chands et autres de robbe courte ne peuvent bonnement y
satisfaire, n'ayant la cognoissance des lettres, droictz et coustu-
mes,qui est très nécessaire pour l'administration de la justice » (2).
Toutefois, les officiers royaux ne pénétrèrent pas partout.
Il ne faut pas oublier qu'à cette époque une grande partie de nos
régions était hors du royaume. Dans d'autres villes soumises au
roi l'attachement marqué par la population à ses institutions
traditionnelles leur en interdirent l'accès. Il en fut ainsi à Saint-
Omer jusqu'en 1550 (3) et plus longtemps encore dans le Pays
de l'Alleu : ( Les notaires de la Chatellenie de Lille qui préten-
daient instrumenter seuls en Lalloeue n'avaient pas été plus
heureux (que le greffier du gros). Quant aux notaires d'Artois,
ils agirent sagement en reconnaissant le privilège de l'échevinage.
« Un de leurs
confrères s'étoit établi à La Ventie ; il ne tarda pas
à demander des lettres de translation de résidence, sentant bien
qu'inutilement il resteroit à La Ventie et audit pays de Lallœue,
puisque les échevins pouvoient faire fonctions de notaires, et
que les habitants avoient confiance dans leurs échevins » (4).

(1) Séance du 6 février 1565. MAUGIS. Les transformations..., p. 330.


(2) Aug. THIERRY. II, p. 631.
(3) DE PAS. Op. cit., p. 283.
(4) Ch. DEPOTTER. Op. cit., p. 219.
CHAPITRE XXII

Suppression définitive de l'institution

Au milieu du xvie siècle, la création de nombreux officiers


royaux n'était donc pas parvenue à abattre les juridictions
communales. Dans toutes les cités qui depuis le XIIIc siècle
avaient réussi à garder l'intégrité de leurs libertés, elles demeu-
raient à l'autorité centrale un obstacle qu'elle ne pouvait
tolérer. Les temps étaient changés ; la force accrue du pouvoir
royal lui permettait d'agir directement sur ce sujet par voie de
réglement général. D'autre part, il possède partout des repré-
sentants disposés à faire exécuter ses prescriptions et en état
d'exercer les attributions des tribunaux urbains. Confiant dans
cet appui le roi attaque l'échevinage sans détour. C'est l'objet
de l'ordonnance de Moulins de février 1566 sur la réforme de la
justice. Son article 71 enlevait aux municipalités les causes
civiles, pour les réserver aux juges royaux. L'échevinage ne
conservera plus que des poùvoirs en matière criminelle et de
police. Il va sans dire que la juridiction gracieuse, liée à la
compétence en matière civile était visée au premier chef.
Il est difficile deporter un jugement d'ensemble sur l'effet
de cette ordonnance. Il varie suivant les lieux en raison de l'état
très différent de la question. On peut dire cependant qu'elle
porta un coup mortel à l'échevinage. Elle pose en effet un prin-
cipe inverse de celui qui jusqu'alors régissait la matière : il n'y
aura plus désormais d'autres tribunaux civils que ceux du roi,
bailliage ou prévôté ; aucun acte ne recevra plus la valeur
authentique qu'au nom du souverain. Et cependant, nous allons
voir notre institution tenter de se survivre à elle-même encore
pendant deux siècles. Jj

C'est que la réglementation enchevêtrée de l'ancien droit


permit aux villes d'opposer à l'ordonnance un grand nombre
d'exceptions : « Or quand on voulut exécuter cette ordonnance
de Moulins, et oster en effet aux villes la justice civile, plusieurs
villes y formèrent opposition, les unes disans que cette justice
leur appartenoit de toute ancienneté, mesme avant l'establis-
sement de ceste monarchie ; autres que leurs privilèges ayans
esté deüement renouvelez et confirmez par le roy lors régnant,
ils ne devoient estre abolis » (1). Il y avait de nombreuses circons-
tances où la résistance était possible. L'ordonnance n'était pas
applicable aux villes qui jouissaient du privilège de juridiction
« avant que la France ne fut en royaume, » telles que Reims,
ni à celles « qui le tenoient à titre onéreux » comme Chauny.
Certaines villes, parce qu'elles devaient leur justice en partie à
une investiture royale n'auraient pas dû être atteintes par le
nouveau règlement : c'était le cas d'Amiens, fermière de la
prévôté. L'ardeur des fonctionnaires royaux ne tint pas toujours
compte de ces droits. Il n'en reste pas moins d'ailleurs que désor-
mais la situation est très nette : il est nécessaire qu'une cité
oppose des titres spéciaux à la loi commune, pour avoir droit à
sa juridiction civile.
La plupart des cités que frappait l'ordonnance émirent de
vives protestations, et beaucoup obtinrent gain de cause. A
Saint-Quentin, le lieutenant du bailli de Vermandois voulut
transporter au prévôt l'exercice de la juridiction civile et se
réserver le droit de vest-devest, saisine et dessaisine. Les maire,
échevins et jurés portèrent plainte devant le roi. Le 14 octobre
1579, Henri III ordonna au Parlement d'enquêter à ce sujet.

(1) LOYSEAU. Des seigneuries. XVI, p. 151.


Henri IV en 1590, confirma aux maire, échevins et jurés, l'exer-
cice entier de la juridiction (1). Abbeville obtint de même en
1575, moyennant le paiement d'une rente, de rentrer dans ses
prérogatives (2). Péronne ne souffrit pas non plus de l'ordon-
nance. Un arrêt du 23 février 1643, « confirma à MM. de la Ville,
la justice civile et criminelle » (3). Amiens eut plus de difficulté
pour rentrer en possession de ses droits. Une ordonnance de
1572 lui conteste encore la justice civile. Ce n'est qu'en 1575
qu'un édit de Charles IX maintient les magistrats municipaux
dans la connaissance des causes civiles et criminelles (4).
Il est évident que ces longues contestations étaient peu favo-
rables au raffermissement des droits des villes mêmes auxquelles
ils finirent par être reconnus. En fait, beaucoup d'entre elles
virent la juridiction gracieuse leur échapper malgré tout. Si
Péronn3 garde jusqu'à la Révolution sa compétence en matière
civile, les notaires royaux y exerceront désormais seuls. A
Amiens, durant la période de procédure qui suivit l'ordonnance
de Moulins, on usa d'un moyen terme ; le greffe de la ville fut
confié à un officier revêtu du titre de notaire royal (5). Les
baillis n3 cessent d'ailleurs d'attaquer les droits de la ville. En
1577, ils lui contestent celui d'apposer les scellés et de faire
inventaire. En 1583, c'est la possibilité de faire rendre la justice

(1) LEMAIRE. Op. cit. Introduction, p. XXXVIII.


(2) Aug. THIERRY. IV, p. 432.
(3) MALICET. Op. cit., p. 122.
(4) Aug. THIERRY. II, p. 827.
(5) « Registre notarial de Claude Bazin, commenchantle mardy IIIe de janvier
mil CIII-xx quinze, à ce temps le dit Bazin commis au greffe de la ville d'Amyens ».
(Archives de l'étude de Me Fournier, notaire à Amiens). Ce fonctionnaire fut
expressément maintenu en charge par le roi lors de la suppression du tribunal
urbain, « en récompense des services par lui faits à Sa Majesté ». (Aug. THIERRY*
Il, p. 1100. Règlement du 23 novembre 1597, art. 28 et 30.
par ses membres de robe courte aussi bien que par d'autres que
le juge royal refuse de reconnaître à l'échevinage. Le Parlement
a beau admettre par la suite le bien fondé des agissements du
tribunal urbain, les critiques incessantes auxquels il est soumis
de la part des ofliciers royaux, jointes au désordre incontestable
qui fréquemment se manifeste dans le conseil de ville, en détour-
nant les contractants. En 1574, on ne reçoit à l'échevinage
d'Amiens que trois actes de vente (1) et le dernier contrat
proprement dit est un bail à cens par le maïeur d'Amiens du
10 janvier 1578. On n'y trouvera plus ensuite que des œuvres
de loi.
Il subsiste donc peu de chose de notre institution. La royauté
saisira la première occasion qui lui sera fournie pour en effacer
désormais toute trace : le moindre abus, le premier désordre, en
donneront le signal. L'exemple d'Amiens est significatif. Cette
ville qui avait embrassé le parti de la Ligue, se laissa surprendre
ensuite par les Espagnols. Henri IV, redevenu maître de la cité
en 1597, maintient en fonctions les échevins coupables, amnistie
tous les crimes et délits commis, allège même les impôts, mais il
réunit au bailliage la justice civile de l'échevinage, y compris
le droit de dessaisine-saisine.
Les ordonnances qui suivront porteront atteinte plus ou moins
directement aux privilèges urbains, soit en renforçant la compé-
tence des notaires royaux, soit en mettant les administrateurs
des cités à la merci du pouvoir central. En mai 1597, Henri IV,
réunit les fonctions de notaire et celles de tabellion garde-notes
qui étaient jusqu'alors distinctes. Une ordonnance de juin 1607,
établit en chaque ville deux notaires certificateurs (2). Louis XIII
prescrit, en juin 1627, que toute convention excédant 100 £. sera

(1) 6 mars, 21 juillet et 14 octobre, F. F. 1255.


(2) ISAMBERT. XVI, p. 205.
passée devant notaires. Mais ce sont surtout les ordonnances
de Louis XIV qui abolissent toute tentative de particularisme
dans les différentes villes du royaume. Depuis l'édit de juillet
1690 les greffiers des hôtels de ville sont titulaires de charges
royales. Enfin, c'est en 1709 que les notaires scellent leurs actes
aux armes du roi.
Mais l'importante fraction du territoire actuel de la France
qui échappait alors à l'autorité du roi, avait conservé intactes
ses institutions urbaines. Au fur et à mesure de ses conquêtes
Louis XIV s'efforcera d'unifier le droit sur ce point. Il faut
cependant reconnaître le souplesse avec laquelle il fut procédé
à ces réformes. On tient compte des vœux de la population
chaque fois que cela est possible, de sorte que dans certaines
villes, des actes seront reçus jusqu'à la Révolution par les éche-
vinages ou les fonctionnaires commis par eux.
A Cambrai et dans le Hainaut existaient de nombreux abus :
divers gens de loi et hommes de fief, parés du titre de notaires,
recevaient les contrats. Ils ne possédaient pas de sceau et leurs
actes n'avaient que la valeur de simples sous-seings privés.
D'autre part, Fédit de Henri III de 1575, instituant les garde-
notes n'ayant pas été appliqué dans ces régions, un exemplaire
de leurs actes devait être déposé au greffe de la ville (1). Les
formalités des devoirs de loi, accomplies par l'échevinage
donnaient ensuite aux contrats un caractère officiel. Un arrêt
du Parlement de Metz du 29 octobre 1674, tenta de substituer
les notaires royaux aux magistrats locaux pour la réception
de ces devoirs de loi ; il dût être rapporté devant la résistance
des habitants (2). C'est un Édit d'avril 1675, qui réglementa
l'institution pour le ressort du Conseil Souverain de Tournai :

(1) SABOULÂRD. Op. cit., p. 229.


(2) MEYNIAL. Cours de doctorat. Faculté de Paris 1927-28, p. 473.
j
«Le roi ordonne. qu'à l'avenir, dans l'étendue de chaque cha-
tellerie, gouvernance, bailliage et prévôté qui avaient été cédés
par le Traité d'Aix-la-Chapelle, et du ressort du Conseil Sou-
verain de Tournay, tous les actes et contrats qui étaient reçus
par les échevins et magistrats des villes qui avaient été de tout
temps et étaient encore en possession de passer les actes et
contrats sous le scel échevinal, le seraient par les auditeurs des
bailliages de Douai et de Lille, par le tabellion royal établi à
Tournay, ou par des notaires royaux qu'il créait et érigeait en
titre d'office et dont il fixait le nombre dans les principales
villes de la Flandre » (1). « Mais, même dans la ville de Cambrai,
les sept notaires royaux ressortissant du Parlement de Flandre
n'eurent pas jusqu'à la Révolution le monopole des jugements
volontaires. Le magistrat de Cambrai, dont les privilèges à
cet égard avaient été conservés continua dabord par l'organe
de ses échevins, à recevoir les contrats privés des bourgeois ». (2).
En Artois, français depuis Louis XIII, les contrats étaient
bien reçus par des notaires. Mais ces derniers étaient nommés par
le Conseil d'Artois. C'est le Greffe du gros, qui était chargé de
« sceller et confirmer tous contrats, baux, obligations et tous
autres generallement quelconques, qui ce passent pardevant
nottaires en Artois » (3). Mais ces notaires étaient toujours
dans une certaine mesure, dépendants du magistrat, puisqu'il
fallait une commission exécutoire délivrée par lui pour leur faire
produire tous leurs effets en dehors de leur ressort (4).
En ce qui concerne la Lorraine, nous avons vu le système
particulier existant à Metz (5). Les Amans, tantôt confirmés dans-

(1) Rolland DE VILLARGNES. Code du notariat, p. 206.


(2) CAMIER. Op. cit., p. 307.
(3) Intitulé des registres du greffe du gros aux Archives dît Pas-de-Calais.
(4) PATOU. Op. cit., II, 746, 27.
(5) Supra. Chap. X, p. 55.
leurs droits, tantôt attaqués, durent se résoudre à prendre des
charges de notaires royaux.
En Alsace, un arrêt du Conseil d'État du 24 mai 1684, avait
reconnu spécialement au magistrat de la ville de Strasbourg le
droit d'établir des notaires dans cette cité. Un édit de septembre
1692 avait créé trois notaires royaux pour chacune des villes de
Colmar, Brisach, Fribourg, Sélestat et Landau. Le Conseil
Souverain d'Alsace, les 3 juin 1722 et 2 décembre 1767, fit
défense aux maires, prévôts, maîtres d'école et à tous autres de
s'immiscer dans la rédaction d'actes réservés aux notaires.
Toutefois on avait dû tenir compte des désirs des populations.
Les greffiers de villes pouvaient en vertu d'un arrêt du Conseil
d'État du 15 juin 1694, recevoir tous contrats comme par le
passé. Colmar conserva ainsi ses greffiers ou Stadtschreiber.
Divers arrêts réglèrent la question en bien des endroits où les
commis des villes continuèrent à exercer concurremment avec
les notaires royaux. Enfin il arrivait fréquemment que les
fonctions de notaire et de greffier de ville fussent cumulées par
les mêmes individus (1).
A l'Alleu, on tenta à diverses reprises et toujours sans succès
de supprimer la juridiction gracieuse exercée par les échevins.
Le roi lui-même en 1698, rendit finalement un jugement qui leur
fut favorable (2).
Dans la partie du Hainaut non soumise au roi de France, les
échevins continueront à recevoir les contrats. « Ce rôle ne sera
guère affaibli par l'institution du notariat au XVIIIe siècle (3).

(1) LOBSTEIN. Op. cit.


(2) DEPOTTER. Op. cit., p. 218.
Hainaut (Louvain 1892),
(3) VERRIEST. Le régime seigneurial dans le comté de
et nombreuse bibliographie du même auteur citée par Duesberg. Op. cit., p. 42. 1

1
CHAPITRE XXIII

Fondement du droit des échevins

Nous n'avons pas précisément pour objet de rechercher


l'origine de l'échevinage lui-même. Ce qui nous importe, c'est
de savoir d'où lui provenait le pouvoir d'authentifier les contrats
privés. Il est évident que la première question étant nettement
résolue, nous aurons la réponse de la seconde. Cependant, avant
d'entreprendre cette étude, il importe de diviser nos recherches
e» fltetx points. Nous nous demanderons dabord quelle est
l'origine pratique de l'institution. Ensuite seulement nous recher-
cherons sur quelle base légale elle pouvait s'appuyer pour
justifier l'exercice de la juridiction gracieuse. Il importe en
effet de distinguer le fait et le droit, si l'on veut donner à ce
problème une solution complète. Nos institutions médiévales,
comme les institutions humaines à toutes les époques et dans
tous les pays ne sont évidemment pas des phénomènes spontanés
et inexplicables. Elles ont été amenées par une certaine situation
que de nombreuses circonstances ont contribué à créer et à
laquelle elles paraissaient devoir convenir. Tel est le fait. Ces
circonstances, nous essayerons de les mettre en lumière, grâce
au caractère de généralité que présente notre institution. Mais
si nous voulons, avec la logique de notre raisonnement moderne
justifier dès sa naissance le pouvoir que nous voyons aux éche-
vins, il est fort probable que nous ne trouverons pas aisément
cette base légale, sur laquelle ils pouvaient s'appuyer pour
authentifier les contrats. Là, le droit n'a fait que suivre le fait
auquel on a seulement après coup cherché une justification.
On délaisse aujourd'hui, la théorie en honneur jusqu'au
siècle dernier, suivant laquelle les communes du Moyen-Age
seraient issues, après une éclipse plus ou moins longue et cOln-
plète, des libertés municipales romaines (1). Cela complique
particulièrement notre recherche. Car nous aurions trouvé
dans l'enregistrement à la curie, en même temps que la généalogie
de notre institution, le fondement légal que nous recherchons,
du procédé échevinal. Il nous faut y renoncer. Toutes les auto-
rités modernes déclarent nettement que telle n'est point l'origine,
non seulement de l'échevinage lui-même, .mais non plus de sa
juridiction gracieuse (2). On n'a jamais pu en effet, établir avec
précision, pour une quelconque ville française la persistance
jusqu'au xie siècle, du régime municipal romain. Nul doute que
les échevinages de nos villes du Moyen-Age n'aient pas été les
simples continuateurs des curies. Mais la réaction contre la
théorie ancienne n'a-t-elle pas été poussée trop loin ? Sans avoir
succédé à l'ancien corps urbain, le nouveau nla-t-il pu s'en
inspirer ? La, renaissance du droit romain coïncide en effet à
peu près avec la création des communes. Malgré les plus grands
bouleversements intermédiaires une telle tradition ne se perd
d'ailleurs pas aisément. Nous en avons la preuve dans les divers
capitulaires et actes des ixe et xe siècles (3), à supposer que l'on
n'accepte de les considérer que comme de simples souvenirs.
N'est-on pas autorisé d'autre part à admettre que la juridiction
ecclésiastique, si florissante en matière gracieuse, est d'origine
romaine ? Nous croyons donc que ces réminescences d'un
pouvoir disparu, conservées au moins par la tradition, ont pu
avoir une influence sur l'esprit des révolutionnaires du XIIe siècle.
Du droit romain, nous retiendrons donc qu'il a fourni simplement

(1) Raynouard. Histoire du droit municipal en France. Paris 1829. Livre 1er,
T. IV. VIOLLET. Histoire des Institutions politiques et administratives de la France.
T. IV. BRUN-LAVAINNE. Op. cit. TAILLIAR. De l'affranchissem-,-nt des communes
dans le Nord de la France. Cambrai 1837.
(2) GLASSON. Op. cit. GIRY. SLOmer. >

(3) Supra, p. 9.
à notre institution un élément psychologique. Entres le deux
organismes nous distinguerons simplement la même relation
médié-
que l'on peut établir par exemple entre les corporations
vales et les syndicats professionnels modernes. Les seconds ne
sont certainement pas issus des premiers. Ils ne correspondent
pas exactement au même but ; un esprit différent les anime.
Comme entre la curie et l'échevinage un long espace de temps
les sépare. Cela n'empêche cependant pas de les comparer les
uns aux autres et de trouver entre eux des points de contact.
Et puisque, même sur le point particulier qui nous occupe,
nous ne pouvons trouver dans les institutions romaines l'origine
de notre système, il nous faut nous tourner vers cette autre
source : le droit germanique. Nous avons vu qu'on y procédait
à la réception des contrats devant le comte, dans le mallum (1).
Deux éléments concourrent ainsi, à la solennité de l'opération :
l'autorité du seigneur et le témoignage des assistants. Il fallait
à l'origine la présence de toute la population ou du moins d une
grande foule de peuple. On se contente ensuite de celle des
membres du tribunal proprement dits : rachimbourgs, puis
scabins. Il semble bien que nous soyons dès lors en présence
de l'organisme dont va découler notre institution. Longtemps
encore on voit contracter dans l'assemblée du peuple (2). Nous
connaissons aussi la fortune de la recognitio in jure (3). Il est
évident que l'échevinage réunit ces deux éléments. Il constitue
un tribunal et se compose d'individus de la même classe sociale
que ses justiciables. De même que les échevins sont élus, le
peuple prend bientôt part à la nomination des scabins, d'abord
choisis par le comte. Comme les scabins, versés dans la pratique
judiciaire, les échevins sont des viri honesti, des primores urbi.

(1) Supra, p. 13.


(2) Supra, p. 17.
(3) Supra, p. 170.
L'autorité du seigneur seule a disparu dans la nouvelle institution
et d'une manière très explicable. Qua,nd le comte s'absentait
des plaids les scabins n'en étaient pas moins compétents ; on
finit par considérer que c'était eux qui constituaient la fraction
indispensable du tribunal. Nous avons vu le même phénomène
se produire dans les juridictions royales (1). A plus forte raison,
4e jour où par suite de la création de la commune, l'autorité
féodale aura disparu, n'aura-t-on plus de doutes au sujet de
leurs droits. Il est vrai que nous avons été contraints de distin-
guer déjà les échevins proprement dits, fonctionnaires seigneu-
riaux, des jurés qui prirent ensuite leur place, et jusqu'à leur
nom (2). On pourrait craindre que cette substitution n'autorisât
pas les nouveaux magistrats à jouir des droits de leurs prédé-
cesseurs. Elle semble avoir passé inaperçue, ou du moins avoir
été considérée comme insignifiante.
Sans compter la qualité de successeurs des scabins, on a tenté
de fournir du rôle des échevins une explication originale en les
représentant comme choisis parmi les servientes. « A l'époque
domaniale, les habitants de la villa finissent par acquérir le droit
de propriété. Du jour où cette conquête est faite, ils peuvent
vendre, échanger, louer leurs biens immobiliers, devenus trans-
missibles, éventuellement les grever de charges. Pour effectuer
l'ensemble de ces opérations juridiques, l'intervention du seul
villicus s'avère insuffisante : l'acte doit être constaté par de
nombreux témoins. Ceux-ci, au fur et à mesure que ces opérations
se multiplient, prennent un caractère plus ou moins permanent.
En vertu d'un principe qui veutque chaque espèce juridique de
biens relève d'une cour composée exclusivement de ses détenteurs,
ces témoins sont pris parmi les servientes et ne tardent pas à

(1) Supra, pp. A'19.


(2) Supra, p. 24.
s'appeler échevins » (1). Cela ne contredit d'ailleurs en rien le
théorie commune que nous avons exposée : avant de prendre le
titre d'échevins, ce sont ces mêmes servientes qui fourniront
les scabins.
Les échevins avaient bien d'autres raisons pratiques de pro-
céder à la réception des contrats. On a recours à eux dans les
circonstances les plus diverses. Une de leurs fonctions les plus
constantes, consiste en l'arbitrage des litiges qui s'élèvent entre
leurs concitoyens. Même des personnages pour lesquels cette
intervention ne peut aucunement faire présumer d'un assujetis-
sement quelconque vis-à-vis des échevins, les utilisent dans ce
cas (2). C'est assez dire la confiance qjafils inspirent. De même
l'autorité supérieure leur reconnaît un certain pouvoir lorsqu'elle
les interpelle comme représentant de la collectivité (3).
C'est qu'en effet les échevins sont choisis parmi les plus
considérés des bourgeois. On comprend la foi apportée parti-
culièrement à leur témoignage. Et nous savons l'importance que
l'on attachait à ce mode de preuve. A leur capacité de prouver
une convention, les échevins joignent la force nécessaire pour la
faire exécuter. Juges des contestations qui peuvent surgit à
l'occasion des actes privés, ils représentent une autorité
puissante, stable et respectée.
Telles sont les raisons pratiques qui ont amené l'échevinage
à recevoir les contrats. Mais en somme, il ne s'agit jusqu'ici que
de l'exercice d'un droit sans titre, d'une usurpation de pouvoirs
judiciaires que rien n'est venu confirmer. Il est nécessaire de
justifier ce procédé. Pour cela on a dabord invoqué les chartes.

(1) DUESBERG. Op. cit., p. 40.


(2) En 1275, des échevins tranchent un différend entre le comte de Ponthieu
et le curé de N.-D. du Chatel. (BRUNEL. Op. cit., p. 626). On pourrait citer bien
d'autres exemptes.
(3) Supra, p. 18.
Mais on sait qu'elles n'ont souvent fait que sanctionner un état
de fait préexistant. Il faut donc se garder d'en -faire dériver la
juridiction gracieuse. En mettant à part le cas de celles conférées
à des villes neuves, on peut simplement admettre qu'elles
constituèrent l'acte de naissance de l'institution, c'est-à-dire
que sans lui donner la vie, elles lui attribuèrent une existence
légale. Nous avons vu d'ailleurs que nombrè d'entre elles
n'envisagent même pas la question (1) alors que l'authentification
des actes par les magistrats urbains eut un caractère de généralité
très frappant. « Le bon pouvoir d'obliger était le fondement
du rôle des maires a (2). « Il forma l'un des traits les plus origi-
naux et les plus constants de la magistrature échevinale » (3)-
On a prétendu ensuite que si les échevins avaient le pouvoir
d'authentifier, c'est qu'ils possédaient un sceau. Cette explication
ne nous semble pas non plus entièrement satisfaisante. L'exercice
de la juridiction gracieuse est souvent antérieur à la possession
du sceau. Si paradoxal que cela puisse paraître, on est donc
tenté de considérer que cet attribut ne fut pas la cause de l'au-
thentification des actes, mais fut concédé aux communes en
raison du rôle qu'elles jouàient déjà à ce sujet (4). On peut
encore considérer que les villes, elles-mêmes peu certaines de la
.
valeur légale de leurs titres à cet égard, souhaitèrent posséder
un instrument qui mit leurs droits hors de doute.
Car il est évident que devant le silence fréquent des chartes,
l'échevinage, si tant est que la question se soit posée, devait
difficilement prouver le bien-fondé de ses usages. Il y a lieu de
remarquer à ce sujet, qu'il utilise une forme de contrat qui ne
nécessite pas ouvertement son intervention. Le chirographe

(1) Supra;-p. 19.


(2) PROST. L'ordonnance des Maiours, p. 190.
(3) PAUFFIN. De l'organisation municipale dans le Nord et l'Est de la France.
Thèse Paris 1886, p. 242.
(4) Cf. Supra, p. 142.
porte en lui-même, par sa disposition, la preuve de l'authenticité
du contrat. L'autorité du corps échevinal n'est nullement
invoquée dans l'acte sur lequel deux de ses membres se conten-
tent d'apposer leurs signatures comme témoins (1). Peut-être
à l'origine a-t-on adopté cette forme à dessein. C'est alors un
procédé diplomatique qui permet à l'échevinage d'éviter toute
discussion sur l'existence ou le fondement de son droit d'authen-
tifier les actes, tout en donnant aux contractants de sérieuses
garanties.
Lors de la renaissance du Droit Romain, on fut sans nul doute
frappé de l'analogie entre les gesta municipalia et l'activité de
l'organisme échevinal. Le peu que l'on savait de l'institution
romaine autorisait à reconnaître entre les deux systèmes une
relation directe, dont la clarté satisfaisait chacun. Telle fut
l'opinion des juristes de l'ancien droit (2).
A vrai dire, et en résumé, le fondement du droit des échevins
était beaucoup plus complexe. Le droit romain fournit à l'origine
la réminiscence d'un précédent ; l'échevinage prit la suite des
institutions carolingiennes ; et c'est la forme testimoniale du
droit germanique qui prévalût pour l'exercice de la juridiction.
L'octroi de chartes, l'attribution de sceaux et l'étude du droit
romain sanctionnèrent légalement la situation ainsi obtenue.

(1) Dans l'acte notarié au contraire, on précise toujours en vertu de quelle


autorité authentifie l'officier. Comparer notamment avec les actes rapportés.
Supra, p. 175.
(2) LOYSEAU. Des offices. II, v. § 49.
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TABLE DES MATIÈRES

PAGES
INTRODUCTION. — Exposé du sujet .
1

CHAPITRE Ier. — Les Précédents 5


A. — Les Gesta Municipalia.
1. Définition.
2. Magistrat municipal et témoins.
3. Survivance au régime municipal romain.
a) d'après les Lois Barbares.
b) d'après les Formules.
B. — Droit Franc et Féodal.
1. Le consentement.
Contrat formaliste et contrat réel.
Pactes consensuels.
2. La preuve.
a) Judiciaire (Ordalies).
b) Testimoniale.
c) Littérale. —

CHAPITRE II. — Sources légales. — Chartes et Coutumes


1. Avant la charte : primores urbi.
.. 16

2. Chartes seigneuriales et chartes royales.


3. Coutumiers et livres de pratique.
CHAPITRE III.

Étendue
1. Son ancienneté.
d'application de l'institution.. 23

2. Sa persistance malgré les suspensions et suppressions


de communes.
PAGES
CHAPITRE IV. — Le Magistrat 29
I. — Début dé l'institution.
1. Tous les communiers.
2. Les prud'hommes. — Auxiliaires des échevins.
Adjoints aux baillis.
3. Échevins seigneuriaux et échevins urbains.
4. Divers échevinages.
II. — Concours d'un officier seigneurial.
III. — Les auxiliaires de l'échevinage : le clerc dela ville.
IV. — Principes de la réception des contrats par les
échevins.
1. a) Nombre nécessaire.
b) Les commissions.
2. Durée de leurs fonctions.
3. Sont-ils tenus de prêter leur concours ?
4. Sont-ils responsables ?

V. — Juridictions gracieuses spéciales.


1. Les voirs-jurés de Tournai.
2. L'échevin souscrit.
3. Les jurés de Catel.

CHAPITRE V.
— Siège de la juridiction 51
I. — Passation des contrats.
1. La Halle.
2. Églises et carrefours.
3. Domicile des contractants.
II. — Conservation des archives ; greffe des « werps ».

CHAPITRE VI.
— Le Record. 58
1. Définition.
2. Le record, unique mode de preuve des conventions :
le « claing ».
3. Le record conjugé avec l'écrit.
PAGES

CHAPITRE VII. — Le cbirographe ou chatte-partie.... 63


I. — Étude diplomatique.
II. — Origine de ce procédé.
III. — Sa diffusion.
IV. — Étude des formes.
1. Langue.
2. Style
.
3. Formule.
4. Signature.
CHAPITRE VIII. — Lettres scellées 71
1. Leur emploi par les particuliers.
Raisons de leur emploi par les villes.
3. Historique.
4. Chirographes scellés.
5. Registre aux embrévures.

CHAPITRE IX. Systèmes spéciaux d'antheritification


échevin

ale 78
1. L'enregistrement d'Amiens.
2. Amans et notaires municipaux (Metz).
3. Système de Tournai (?)

CHAPITRE X. — Sceaux et sigles manuels 86


1. Sceau de la commune.
2. Scel aux causes.
3. Sceaux particuliers.
4. Sigles manuels des clercs.
5. Sceaux d'échevins.

CHAPITRE XI. — Compétence ;-atione loci 92


1. Principe.
2. La banlieue.
3. Restrictions permanentes (les fiefs).
4. Restrictions temporaires.
PAGES

CHAPITRE XII. — Compétence ratione personae 98


1. La ville.
2. Les bourgeois.
3. Les échevins.
4. Les étrangers.
5. Nobles et clercs.
6. L'emploi de l'échevinage est-il obligatoire.
7. Mandataires.

CHAPITRE XIII. — Compétence ratione materiae 109


I. — Principe : toutes conventions.
II. — Exceptions : 1. Terres nobles.
2. Parfois matières immobilières.
III. — La matière des testaments.
IV. — Classification des contrats.
1. Documents de caractère familial.
2. Devises.
3. Convenances diverses.
4. Lettres obligatoires. — Lettres de foire.
V. — Autres fonctions gracieuses.

CHAPITRE XIV. — Formalités.... 115


1. Formes particulières à certains actes.
2. Serments.
3. Publicité.
4. Séquestre.

CHAPITRE XV. — Devoirs de loy 11-J

I. — Dessaisine-saisine.
Rôle des échevins (principal ou secondaire).
II. — Divers contrats.
1. Testaments.
2. Offices.
PAGES
CHAPITRE XVI. - Taxe.
Variation du coût des actes.
126

1. Droits seigneuriaux ou urbains.


Actes entre forains.
2. Honoraires des échevins.
Principe.
Tarif de divers actes.
Droit de scel.
3. Salaire des clercs.

CHAPITRE XVII. Caractéristiques juridiques de l'acte.. 134


I. — Valeur authentique et force probante.
1. Le record.
2. L' « eschevinage » (chirographes et lettres scellées).
Il. — Hypothèque générale et force exécutoire.
1. Principe de l'hypothèque générale.
2. Ressort de validité.
III. — Durée de validité des actes.
1. Décès des échevins.
2. Coutume de Lille.

CHAPITRE XVIII.
— Effets spéciaux à certains actes... 150
I. — Vente.
1. Prépondérance de l'acte échevinal.
2. Retrait lignager.
3. Interdiction d'aliéner.
4. Résolution et rescision des contrats.
5. Éviction.
Il. — Louage.
1. Droits de preneur.
2. Privilèges du bailleur.
PAGES

III. — Reconnaissances de dette.


1. Exécution sur la personne.
2. Les pièges.
3. Gages.
4. Exécution du gage.

CHAPITRE XIX. — Extinction de l'obligation 160

I. — Différents cas.
II. — Exécution des engagements.
1. Remise du titre.
Cas de perte.
2. Quittance.

CHAPITRE XX. — Contestations et procès. 165

I. — Vices de forme.
II. — Incompétence.
III. — Contestations : 1. Sur l'existence de l'acte.
2. Sur le témoignage échevinal.
IV — Faux.
CHAPITRE XXI. — Les concurrents de l'échevinage.... 170

1. Recognitio in jure.
2. Notaires seigneuriaux.
3. Officialités et notaires apostoliques.
4. Notaires impériaux.
5. Notaires royaux.
6. Autres officiers royaux.

CHAPITRE XXII. — Suppression définitive de l'institution. 184

I. — Ordonnance de Moulins.
II. — Opposition des villes.
III. — Désuétude de fait de l'institution.
IV. - Ordonnances postérieures.
PAGES
V. — Résistances et survivance de l'institution.
1. Hainaut.
2. Artois.
3. Lorraine
.
4. Alsace.
5. Pays de l'Alleu.

CHAPITRE XXIII.
— Fondement du droit des échevins... 191
I. — Origine pratique de l'institution.
1. Romaine.
2. Germanique.

II. — Fondement légal.


1. Chartes.
2. Sceaux.
3. Forme diplomatique du chirographe.
ERRATA
Page 31, dernière ligne.
Au lieu de : ,«
n'y a-t-il entre les deux... ».
Lire : « n'y a-t-il pas entre les deux... x
Page 32, 20e ligne.
Au lieu de : «
l'apparition du sceau... »
Lire : « l'apposition du sceau... »
Page 92, note 2. -
Au lieu de : « chapitre XI ))

Lire : «
chapitre XVII »

Page 162, lre ligne.


Au lieu de : « par importe la personne... »
Lire : « peu importe la personne... »
Page 186, note 5.
Au lieu de : « mil CIII-xx quinze »
Lire : « mil CIIII-xx quinze »

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