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Donations et Testaments
Une page d'histoire de la codification française
I
Les racines du Code Napoléon s’enfoncent et se perdent dans le travail
grandiose de la pensée juridique des siècles passés ; c’est là la véritable
source de sa grandeur. Mais la hâte avec laquelle il a été confectionné, a
laissé des traces trop visibles sur l’ensemble de l’œuvre.
Là où la coutume et le droit écrit ont eu le temps de se fondre
complètement dans les œuvres des pères spirituels du Code, là également le
travail des codificateurs marchait tout seul ; des institutions entières de droit
prenaient corps, se mettaient en relief, comme frappées sur une médaille,
dans une forme légère, élégante, exempte de tout pédantisme. Mais là où la
coutume tenace ne se mettait pas d’accord avec le système romain si entier et
si fini, là où les auteurs du Code essayaient, à leurs propres risques et périls,
de choisir, comme ils s’exprimaient eux-mêmes, « de deux systèmes, le
meilleur », là nous constatons la présence de fissures très sensibles. Et le plus
étrange c’est que ces fissures sont restées et qu’elles n’ont pas été comblées
jusqu’ici. La génération des commentateurs qui a suivi celle des codificateurs
a sous bien des rapports mal compris sa tâche. Au lieu de rétablir d’une façon
organique les institutions de droit encore vivantes et défigurées par la main
imprudente des auteurs, au lieu de rassembler les parties disjointes, au lieu de
laisser les éléments non conciliés encore se fondre dans la vie même, par la
voie de l’interprétation judiciaire, les commentateurs se sont figés dans une
vénération aveugle devant la grande œuvre du génie national, ils se sont
arrêtés devant elle comme devant un tout à jamais fermé qui ne doit être
compris qu’en lui-même, au moyen d’une simple dialectique de forme. Une
erreur évidente de la loi est érigée par eux en principe, un fait concret de la
vie qu’il a fallu violenter pour le mettre à une place qui ne lui est pas
destinée, est introduit dans un schéma unique et infaillible. Les besoins de la
vie qui frappent aux portes ne peuvent pas être satisfaits par des procédés
aussi naïfs. Des institutions non achevées, enregistrées à la hâte, mal
comprises dans ce qu’elles ont d’essentiel, de cette façon demeurent
inexpliquées et sans prendre d’essor. Malgré ces constructions bizarres que
sont les exégèses et qui sont dressées pour chaque lettre du Code, beaucoup
de questions essentielles attendent en vain la réponse que leur donne
cependant la vie réelle.
Un point d’interrogation se dressait pour moi depuis longtemps en face du
chapitre du Code intitulé : « Des dispositions entre époux soit par contrat de
mariage, soit pendant le mariage », le dernier du grand titre : « Des donations
entre vifs et des testaments ».
Les dispositions sur les donations alternent dans le Code avec les
dispositions sur les testaments ; en trois chapitres sont exposées d’abord les
règles communes aux deux institutions ; puis vient un chapitre sur les
donations entre vifs (IV), un chapitre spécialement sur les testaments (V),
deux chapitres communs : sur les dispositions par testament ou par donation
en faveur des petits-fils et des neveux et sur le partage entre descendants ; et
enfin, deux chapitres sur les donations en faveur des époux. Le premier
(portant dans l’ordre le numéro VIII) est intitulé : « Des dispositions entre
époux, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage ».
La ligne de démarcation entre la donation et la disposition par testament
repose sur un principe clair et simple : le donateur se prive de l’objet dont il
fait don « actuellement et irrévocablement » (art. 893) ; on ne peut donc
donner que ce dont on peut se séparer immédiatement, ou, comme s’exprime
le Code, « des biens présents » (art. 943), Le testateur ne cède pas
immédiatement le droit de propriété ; voilà pourquoi il peut primo disposer
de choses qui lui appartiendront et qu’il n’a pas encore, c’est-à-dire des biens
à venir, et secondo, il peut révoquer en tout temps ses dispositions (art. 895).
Les deux caractères distinctifs de la donation (la remise immédiate de la
propriété et l’irrévocabilité) sont étroitement liés l’un à l’autre. Le centre de
gravité est en réalité dans le premier de ces caractères, dans le fait que l’un
s’enrichit aux dépens de l’autre, que le donateur se dépouille de quelque
chose. L’irrévocabilité n’est qu’une conséquence inévitable de ce fait
fondamental ; ce n’est que la garantie de sa réalisation, mais une garantie qui
s’est jointe si étroitement à la base que l’idée que ces deux caractères
distinctifs se suivent l’un l’autre s’est complètement perdue. A partir du
moment où la donation a passé du domaine des rapports familiaux et sociaux
dans la sphère juridique son seul titre possible est devenu l’irrévocabilité ;
sans ce titre elle n’a pas de place dans la vie juridique.
Le testament est tout autre chose. Le testament en réalité ne dessaisit
personne, car ce qu’il a pour objet n’appartiendra point au donateur au
moment où se produira l’enrichissement du donataire, celui qui se dessaisit
ne sera plus en vie et les biens passeront en d’autres mains non pas par sa
volonté, mais par le fait d’un événement supérieur, irréfutable aussi pour la
sphère juridique, qui est la mort. L’objet laissé par celui qui l’avait possédé
doit entrer dans le domaine des biens d’autrui ; la loi, par des considérations
d’ordre public, désigne seulement les personnes appelées à s’enrichir de ces
biens qui en somme n’appartiennent à personne. Le possesseur, ce donateur
malgré lui, n’a que le droit de choisir entre des successeurs inévitables. Et
c’est justement le fait que le possesseur est dans ce cas donateur malgré lui
qui sépare complètement la disposition par testament de la donation et
l’éloigne jusqu’au pôle opposé. Toute la vigueur, toute la force vitale de la
donation est dans l’élément volontaire, dans ce pouvoir de changer le rapport
juridique, de transmettre la possession suivant son arbitraire ; là où il n’y a
pas de pouvoir sur les biens il ne peut y avoir non plus aucune analogie avec
la donation. Le pouvoir le plus large de répartir entre telles ou telles
personnes des biens qui ne sont pas à moi ne contient rien qui ressemble à un
véritable dessaisissement, ne fût-ce que d’un seul atome de mes biens. Et l’on
a vraiment tort de parler de la gratuité comme d’un caractère commun à ces
deux institutions. Cette gratuité, en ce qui concerne les dispositions par
testament, est presque de l’ironie. Quel est donc le prix qui pourrait être payé
à un mort ? Il n’y a que les conventions entre des personnes vivantes qui
peuvent avoir un caractère gratuit ou onéreux. La donation est gratuite. Il n’y
a pas dans le monde extérieur un seul fait, fait juridiquement palpable, qui
puisse forcer le donateur à diminuer l’ensemble de ses biens. La seule source
de son action est sa volonté, volonté qui se réalise tout de suite entièrement et
jusqu’au bout et qui n’obtient sa sanction juridique, objective, que par cette
réalisation et rien que par elle. Cette réalisation est irrévocable, comme un
fait qui s’est définitivement accompli comme un fait qui, contrairement à
l’obligation, ne contient même à l’état embryonnaire, rien en dehors de ce qui
a résulté de l’accomplissement de ce fait.
L’irrévocabilité est ainsi, au point de vue juridique, le seul caractère
distinctif de la donation, et il n’y a rien d’étonnant que dans la construction
de l’institution ce caractère ait été pris comme pierre angulaire. Pothier qui
est le prédécesseur immédiat et l’inspirateur des créateurs du Code, tire déjà
de l’irrévocabilité la base même de la donation — la transmission immédiate
de la propriété1. Quoi qu’il en soit, les deux caractères distinctifs de la
donation (la transmission immédiate et l’irrévocabilité) se trouvent dans le
Code avec des titres et des droits égaux et qui à eux seuls épuisent la
définition de la donation. Et ce n’est pas tout : c’est par ces seuls caractères
distinctifs que la donation diffère de la disposition par testament que les
rédacteurs du Code ont liée pourtant à la première.
C’est là le principe fondamental qui sert de ligne de démarcation et qui est
clair et simple. Son application n’est pas moins claire et simple jusqu’aux
dispositions concernant les donations entre époux. Là le fil directeur se rompt
tout à coup. Déjà, dans les règles générales sur les donations (art. 947), il est
fait une exception pour les donations en faveur des époux en ce sens qu’elles
ne sont pas soumises à la première règle fondamentale d’après laquelle
l’objet de la donation ne peut consister que dans des biens présents : la règle
de l’article 943 ne s’applique pas, d’après l’article cité plus haut, aux
donations dont il est fait mention aux chapitres VIII et IX. L’article 1082
confirme la même chose en ce qui concerne les donations par contrat de
mariage : le père ou la mère, d’autres ascendants ou parents, ainsi que des
étrangers peuvent disposer dans le contrat de mariage au profit des époux de
tout ou partie des biens qu’ils laisseront au jour de leur décès. Donc, il n’est
pas question de la transmission du droit de propriété ; et néanmoins on
maintient à ces donations, dans l’art. 1083 qui suit le second caractère
distinctif inséparablement lié au premier, l’irrévocabilité.
La transmission de la propriété est la matière première de la donation ;
qu’elle disparaisse, qu’est-ce qui reste ? Pourquoi son autre titre juridique,
l’irrévocabilité, n’a-t-il pas disparu en même temps ? Et comment est-on sûr
que l’institution, qui n’est classée parmi les donations que par le fait de
l’irrévocabilité, n’est pas dans son essence quelque chose d’autre ! N’y a-t-il
pas là malendendu, n’écrasons-nous pas sans y faire attention une création
vivante d’un autre genre ?
Ces questions opportunes deviennent tout à fait obsédantes quand, en
abordant la catégorie spéciale des donations entre époux qui s’appellent
« donations pendant le mariage », on tombe sur l’art. 1096 qui textuellement
est ainsi conçu : « toutes donations faites entre époux pendant le mariage,
quoique qualifiées entre-vifs, seront toujours révocables ». L’irrévocabilité a
ainsi également disparu, — il n’est même pas resté l’illusion d’une donation.
Je dispose des biens qui resteront après ma mort, je conserve le droit de
révoquer en tout temps ces dispositions et néanmoins je fais une donation et
non pas une disposition par testament ! Que sont devenus les caractères
distinctifs ? Pourquoi a-t-on maintenu pour ces dispositions la forme
compliquée de la donation, qui n’a nullement été inventée pour raisons de
sûreté, mais exclusivement afin d’entraver la transmission immédiate à titre
gratuit des valeurs quand le donateur est encore en vie ?
C’est en vain que vous adresserez ces questions aux commentateurs. On
vous répondra à peu près ceci : « La donation a deux caractères distinctifs :
elle doit être actuelle et irrévocable ; il est fait abstraction pour le contrat de
mariage du premier caractère distinctif, ce sera donc une donation moins un
des caractères distinctifs de cette institution » ; pour les donations entre
époux il fait abstraction de deux caractères distinctifs, il restera donc « une
donation moins deux de ses caractères distinctifs ».
Car, continuent les commentateurs d’une façon classique, la loi est claire :
elle ne connaît que deux modes de dessaisissement à titre gratuit, le testament
et la donation ; et puisque la donation entre époux n’est pas un testament,
donc c’est une donation. Et quand, pour sauver le caractère des donations aux
actes faits pendant le mariage, vous faites ressortir que dans le chapitre IX les
dispositions concernant les biens à venir ne sont mentionnées que pour le
contrat de mariage, qu’il n’en est pas du tout question pour les donations
pendant le mariage, que, par conséquent, ces actes pendant le mariage se
rapportent, peut-être, aux biens présents seulement et peuvent ainsi, tout en
étant révocables, transmettre le droit de propriété immédiatement entre-vifs :
alors pour toute réponse on vous renvoie victorieusement à l’art. 947 qui dit
que les règles sur les biens présents ne « s’appliquent point aux donations
dont est mention aux chapitres VIII et IX », et dans le nombre des donations
dont fait mention le chapitre IX se trouvent également les donations entre
époux2.
Toute tentative d’ébranler ces bases provoque un étonnement très sincère.
« Troplong », écrit Laurent, « dit que ce n’est pas une donation entre-vifs
puisqu’elle est révocable, ni un testament puisqu’elle se fait par contrat et
qu’elle produit immédiatement ses effets. Il en conclut que c’est un mélange
des deux. Cette doctrine aurait des conséquences pratiques très importantes
si elle était vraie. Troplong en conclut que la donation entre gens mariés ne
peut être rapportée à type unique ; Toullier dit que ce sont des donations à
cause de mort. Il faut rejeter sans hésiter cette doctrine qui tend à créer un
troisième mode de disposer à titre gratuit, alors que l’art. 893 n’en reconnaît
que deux, la donation entre-vifs et le testament ; or la donation entre époux
n’est pas un testament, donc c’est une donation entre-vifs. Il est vrai qu’elle
déroge, en un point essentiel, à la donation ; mais cela n’empêche pas les
auteurs du code de qualifier de donations les libéralités que les époux se font,
ce qui est décisif »3.
« Il faut aussi reconnaître », dit Demolombe4, « que ses5 effets ne peuvent
pas être et ne seront pas de tous points les mêmes, suivant qu’elle
s’appliquera seulement à des biens présents, ou, au contraire, qu’elle
comprendra des biens à venir. Mais... l’art. 947 déclare que les quatre articles
précédents ne s’appliquent point aux donations dont est mention aux
chapitres VIII et IX du présent titre ; or, l’art. 943 qui dispose que la donation
entre-vifs ne pourra comprendre que les biens présents du donateur, fait
partie de quatre articles qui précèdent l’art. 947 ; et l’art. 1096 qui autorise les
époux à se faire des donations pendant le mariage, fait partie du chapitre IX.
Donc l’art. 943 ne s’applique pas à l’art. 1096. »
Ainsi il n’y a d’issue nulle part : on ne peut pas exclure les biens à venir et
on ne peut pas non plus éliminer l’acte de l’ordre des donations : le dilemne
résulte clairement des dispositions combinées des art. 947 et 893.
Il faut donc chercher une solution ailleurs.
L’art. 947 actuel manque donc complètement : il n’était même pas, comme
nous voyons, dans le projet. Mais de quelle façon a-t-il surgi ? Sur la même
page 225 de Locré il est dit : « Le Conseil d’Etat discute l’art. 48 du projet
(art. 943 du Code) qui dit que les donations ne pourront comprendre que des
biens présents. »
« L’art. 48 est adopté avec l’amendement que la rédaction fera apercevoir
qu’il ne préjuge rien sur les donations entre-vifs portées aux contrats de
mariage. » Par conséquent, il est exclusivement question de donations par
contrat de mariage, de l’institution contractuelle, ce n’est que ces donations-là
que comprend l’amendement qui les soustrait à l’application de l’art. 943.
Les législateurs ne se sont pas occupés des donations pendant le mariage et
ils n’ont pas admis pour ces donations les biens à venir. Les auteurs du Code
ne parlaient pas du « chapitre IX », ils parlaient d’une espèce bien déterminée
de donations, à savoir, des donations par contrat de mariage. Mais les
donations par contrat de mariage se trouvaient classées dans les chapitres
VIII et IX, par conséquent le rédacteur pouvait dire que l’art. 943 ne
s’appliquait pas aux chapitres VIII et IX. Seulement, il ne s’est pas aperçu
que, pour l’unité et afin d’éviter de nouveaux titres et des en-têtes à part, on
avait accolé au chapitre IX, sans tenir compte du caractère différentiel, les
donations entre époux pendant le mariage. Il ne s’en est pas aperçu et il a
laissé passer la règle que l’art. 943 ne s’appliquait pas au « chapitre IX » en
général. Ce « chapitre IX », c’est donc le rédacteur, le scribe, on ne sait qui,
qui l’a inventé, mais non la loi, autant qu’on comprend par loi, une volonté
consciemment exprimée par le législateur, et non pas des phrases qui ne se
tiennent pas et qui ont été tracées par une main sans aucune autorité. Si le
législateur a commis une faute quelconque, c’est d’avoir laissé passer sans
observation cette invention d’un rédacteur qui pourtant était soumise deux
fois aux instances législatives supérieures. Il ne s’est pas aperçu que dans les
chapitres VIII et IX, en dehors du maître de la maison, il s’est réfugié quelque
part dans une arrière-cour un hôte très modeste ayant une physionomie très
personnelle.
Et les commentateurs ont vu dans cette erreur évidente une raison tout à
fait suffisante pour donner une base nouvelle aux institutions juridiques les
plus fondamentales : ad majorent i du principe de classification. Les auteurs
du Code français ne peuvent pas être accusés d’avoir créé sciemment cet être
hybride et difforme « la donation révocable des biens à venir » ; la faute
d’avoir répandu cette monstruosité retombe toute entière sur les
commentateurs qui, aveuglés par l’harmonie et « la. force des principes » de
leur Code, n’ont pas vu qu’ils avaient construit un édifice colossal sur un
malentendu de codification.
La passion naturelle de la dialectique et cette habitude de se prosterner en
extase devant la lettre de la loi comme devant une force extérieure, imposante
et ayant son but propre, ont complètement grisé les Français à partir du
moment où on leur a mis entre les mains un objet aussi classique pour exercer
leurs talents que le Code Napoléon. Tout ce qui avait précédé le Code dut se
plonger dans les ténèbres et rester à jamais ignoré. Il n’y a pas de Dieu, en
dehors de Dieu... C’est cette espèce de griserie seule qui peut expliquer le
fait, qu’aussitôt après l’édition du Code, en 1807, quand les souvenirs
n’étaient pas encore effacés, quand il était encore facile de tout vérifier, que
c’est alors que cette théorie qui atteint son point culminant dans l’œuvre de
Laurent, fit son apparition sur le marché des commentateurs.
Déjà en 1807, le procureur général de la Cour suprême demandait la
cassation d’un arrêt qui avait reconnu comme disposition par testament une
donation de biens à venir entre époux, en soutenant que la loi était claire, que
d’après l’art. 947 « les quatre articles précédents ne s’appliquent point aux
donations dont est mention aux chapitres VIII et IX », que parmi ces quatre
articles il y avait l’art. 943 et qu’au nombre des donations indiquées aux
chapitres VIII et IX se trouvaient les donations entre époux etc., etc. La Cour
de cassation a adopté cette interprétation, et, quoique des fluctuations et des
doutes se fussent manifestés dans la suite, quoique des arrêts dans le sens
opposé eussent surgi, quoique à côté des commentateurs qui répétaient d’une
façon monotone les uns après les autres le raisonnement « sur la clarté de la
loi », eussent paru d’autres commentateurs qui arrivaient à extraire de cette
même loi des thèses non moins « claires » dans un sens diamétralement
opposé — les uns ont été cependant aussi peu convaincants que les autres : ils
souffraient tous de la même maladie — ils considéraient le législateur comme
trop raisonnable.
Un sens juridique qui est sain a horreur d’un « épluchage » des mots de la
loi de quelque côté qu’il aboutisse. Après de nombreuses heures d’un pareil
travail de casse-tête, on peut d’un cœur léger renoncer à ses résultats ; et, en
effet, on peut déplacer les mots et la figure qu’on obtiendra sera tout autre.
Tant que le nerf moteur d’une institution juridique n’est pas trouvé, rien n’est
convaincant, tout n’est que des mots ; quand ce nerf vivant est trouvé, tous
les malentendus disparaissent. Tout ce qui lui est étranger doit apparaître
comme une chose du hasard. Il faut seulement chercher, tout se trouvera ; il
faut chercher sans assoupir la conscience par des combinaisons éphémères et
d’une logique de pure forme. Cette méthode a sa logique à elle, logique qui
n’est pas seulement liée à la pensée, mais qui tient à l’activité tout entière et
si complexe de l’âme, qui, elle participe par tous ces côtés à la création du
droit. Cette logique-là domine non seulement les jurisconsultes, mais la
société tout entière ; elle domine tous ceux qui doivent comprendre la loi ;
elle domine aussi la loi elle-même.
1 Locré, La législation, t. IX, p. 88.
2 Locré, La législation civile, commerciale et criminelle, t. IX, p. 88.
3 Ibidem, t. XI, p. 419.
4 Principes, loc. cit., p. 351.
5 Toullier, Le droit civil français, III, n° 918.
6 Duranton, Cours de Droit français, IX, n° 778.
7 Locré, t. IX, p. 98.
Note au lecteur :
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