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UNIVERSITE QUISQUEYA

Cours de droit des


biens
Faculté des sciences juridiques et politiques

Par
Fabrice FIEVRE
Avocat au barreau de Port-au-Prince
Enseignant à l’Université Quisqueya
DEA de droit privé général
Master professionnel en droit international
et comparé de l’environnement
Diplômé de droit comparé
Introduction
- Sens du mot bien
- Distinction entre bien, chose et animal

I- La notion de patrimoine
- Définition du patrimoine
- Caractère du patrimoine
- L’affectation du patrimoine

II- Les éléments du patrimoine

A- Les biens
1- La classification principale
a) Le régime de la distinction
b) Intérêt de la distinction
2- Les classifications secondaires
a) La classification des biens fondée sur leur disponibilité
b) La classification des biens fondée sur leur mode d’utilisation

B- Les droits patrimoniaux


1- La distinction des droits réel et personnel
a) Les droits réels
b) Les droits personnels
2- Comparaison des droits réel et personnel
3- Le dépassement de la distinction
a) Remise en cause doctrinale
b) Remise en cause pratique

Titre I- Théorie générale du droit des biens

Chapitre I- Les prérogatives de fait sur les biens : la possession

Section I- La notion de possession

Par 1-Justification de la possession

A- Les conceptions en présence


1- La conception de Savigny
2- La conception de Ihering

B- La complémentarité des conceptions

Par 2- Le profil de la possession

A- L’identification de la possession
1- Les éléments de la possession
a) Le corpus

2
b) L’animus
2-L’importance de ces éléments
a) Acquisition et perte de la possession
b) La distinction entre possesseur et détenteur précaire

B - Les qualités de la possession


1- Les qualités de l’article 1997 du code civil
2- La bonne foi

Section II- Les fonctions de la possession

Par 1- L’effet probatoire de la possession

A- La présomption de droit

B- La présomption de titre

Par 2- L’effet acquisitive de la possession

A- L’acquisition des droits

B- L’acquisition des fruits

C- Conditions et limites de l’acquisition des fruits

Section III- La protection possessoire

Par 1- Les conditions de la protection possessoire

A- Les meubles et immeubles et la protection possessoire

B- L’existence d’un trouble

Par 2- Les types d’action possessoire

A- La complainte

B- La réintégrande
1- Conditions de l’action en réintégrande
2- Les effets de l’action en réintégrande

C- La dénonciation de nouvel oeuvre

Par 3- Le régime procédural de la protection possessoire

A- Le délai pour agir

B- Les titulaires

3
C- Le tribunal compétent

D- La règle de non-cumul du possessoire et du pétitoire

Chapitre II- Les prérogatives de droit : la propriété

Section I- Profil du droit de propriété

Par 1- Les attributs du droit de propriété

A- Le droit d’user de la chose

B- Le droit de jouir de la chose

C- Le droit de disposer de la chose

Par 2- Les caractères du droit de propriété

A- Le caractère absolu

B- Le caractère exclusif

C- Le caractère perpétuel

Section II- Les types de propriété

Sous-section I- La propriété individuelle

Par 1- L’acquisition de la propriété

A- L’acquisition par un acte juridique


1- L’acquisition par acte unilatéral : le testament
2- L’acquisition par convention : Le contrat

B- L’acquisition par un fait juridique


1- L’occupation
2- La possession de bonne foi
3- L’usucapion

Par 2- L’étendue du droit de propriété

A- L’objet du droit de propriété


1- Les règles propres aux immeubles
2- Les règles propres aux meubles

B- Les limites du droit de propriété


1- Les limites d’origine légale : les servitudes

4
2- Les limites résultant du rapport de voisinage

Par 3- Le contentieux du droit de propriété

A- La protection de la propriété
1- La protection de la propriété face à la puissance publique
2- La protection de la propriété contre les personnes privées

B- La preuve du droit de propriété


1-La preuve de la propriété d’un meuble
2- La preuve de la propriété d’un immeuble

Sous-section II- La propriété démembrée

Par 1- L’usufruit

A- La constitution de l’usufruit
1- Les sources de l’usufruit
2- L’entrée en jouissance de l’usufruitier

B- Les effets de l’usufruit


1- La situation de l’usufruitier
2- La situation du nu-propriétaire

C- L’extinction de l’usufruit
1-Les causes d’extinction de l’usufruit
2-Les suites de l’extinction de l’usufruit

Par 2- Les servitudes

A- La notion de servitude
1- Les éléments constitutifs de la servitude
2- Les caractères de la servitude
3- La classification des servitudes

B- Le régime juridique des servitudes


1- L’établissement des servitudes
2- Le fonctionnement des servitudes
3- L’extinction des servitudes

Par 3- L’emphytéose et le droit de superficie

A- L’emphytéose

B- Le droit de superficie

Sous-section III- La propriété collective

5
Par 1- L’indivision

A- Le maintien de l’indivision

1-Le maintien conventionnel


2-Le maintien judiciaire

B- La situation des coindivisaires

Par 2- La mitoyenneté

A-L’acquisition de la mitoyenneté
1-Les modes d’acquisition
2-La preuve

B-Le fonctionnement de la mitoyenneté


1-Les droits des propriétaires mitoyens
2-Les charges supportées par les propriétaires mitoyens

C-L’extinction de la mitoyenneté

Par 3- La copropriété

A- Constitution de la copropriété
1- L’assiette de la copropriété
2-Les documents de copropriété

B- La mise en œuvre de la copropriété


1-Les organes de la copropriété
2-Les droits des copropriétaires

Titre II- De quelques biens spéciaux

Chapitre I- La monnaie

Section I- La notion juridique de monnaie

Par 1- L’unité monétaire

Par 2- Les instruments monétaires

Section II- Les fonctions juridique de la monnaie

Par 1- La monnaie comme moyen de paiement

Par 2- La monnaie comme instrument d’évaluation

Par 3- La monnaie comme objet de propriété

6
Chapitre II- La propriété littéraire et artistique

Section I- Domaine de la protection

Section II- Nature de la protection

Section III- Les protections complémentaires

7
Introduction

Sens du mot bien. La loi No 11 du code civil porte sur la distinction des biens. En principe, l’être
humain ne peut être considéré comme un bien, exception faite du temps de l’esclavage. Si cependant des
éléments du corps humain peut être transmis a quelqu’un d’autre après son détachement de l’ensemble
corporel, il ne faut pas y voir pour autant un bien puisqu’il ne peut faire l’objet de transaction pécuniaire d’où
sa classification parmi les choses hors du commerce.
La définition du bien peut être abordée d’un triple point de vue. En premier lieu, le sens le plus
ordinaire, le mot bien désigne les choses qui sont utiles à l’homme et lui permettent de satisfaire ses besoins,
soit directement en se servant d’elles, en recueillant les fruits et même en les détruisant, soit indirectement en
les échangeant contre d’autres choses. Le mot bien peut désigner aussi les droits qui portent sur ces choses.
Ceci s’explique par le fait que les choses ont moins de valeur en elles-mêmes que par les droits qui peuvent
porter sur elles. En réalité ce sont ces droits qui ont une valeur et non les choses elles-mêmes. Un troisième
sens doit retenir notre attention. Par biens, on peut envisager aussi les choses et les droits portant sur celles-ci,
comme par exemple les droits de créances dont une personne peuvent être titulaire à l’égard d’une autre. Bien
que ses droits fassent partie de son patrimoine, par tradition juridique, ils sont étudiés dans le cadre du droit
des obligations.
Le Législateur a utilisé tout à tour les deux premiers sens du mot bien. En effet, dans la distinction
faite aux articles 427 et 431 du code civil, il s’agit de choses pouvant être objet de droit, tandis que les
immeubles énumérés à l’article 429 du code civil ne sont que des droits portant sur des choses immobilières.

Distinction entre bien, chose et animal. Toutes les choses ne sont pas des biens. Pour qu’une chose
soit un bien, il faut que ce dernier soit susceptible d’appropriation. Or il existe des choses qui, par leur nature
échappent à toute appropriation. Ce sont les choses communes auxquelles il est fait allusion à l’article 575 du
code civil. L’usage étant commun à tous les hommes on ne saurait y voir un bien. Mais une chose peut
changer de nature et devenir un bien par l’effet de l’appropriation. Tel est le cas du gibier. Un bien peut aussi
changer de nature et devenir une chose par son abandon volontaire par le propriétaire. Elle pourra redevenir
un bien en cas d’apppropriation par une autre personne1.
Une sorte d’idéologie a conduit à l’affirmation solennelle des droits des animaux à travers une
Déclaration de l’UNESCO et une autre, en 1982, dans le cadre du Conseil de l’Europe. Cette reconnaissance
des droits des animaux ne manque pas de soulever des critiques. Certains ont affirmé que reconnaître aux
animaux des droits semblables aux droits humains revient à les admettre comme des personnes. Des
interrogations concernant leur nature se sont aussi élevées2. Sont-ils des sujets éthiques ayant des droits et des
obligations ? Il est impensable de dire que les animaux sont soumis à des obligations. En réalité les droits
qu’on leur reconnaît ne visent pas à les assimiler à des êtres humains mais à les protéger plutôt contre la
cruauté des hommes.

I- La notion de patrimoine

Le patrimoine est vu le plus souvent par le non juriste comme ce que possèdent les individus. Celui
qui n’a pas de biens n’aurait pas de patrimoine. Cette vision du patrimoine se rapproche surtout de sa
définition économique qui consiste à y voir l’ensemble de biens d’une personne destinés à satisfaire ses
besoins matériels. Cette définition économique du patrimoine se base surtout sur sa fonction, ce qui est
différent pour sa définition juridique.

1
On parle dans ces situations de choses sans maitre qui se divisent en res nullius et res delictae
2
F. TERRE D. FENOUILLET, Droit civil, (les personnes,la famille et les incapacités), 6e edition, Dalloz, #13

8
Définition du patrimoine. Le terme patrimoine n’est pas défini dans le code civil. On le rencontre de
manière éparpillée dans le code civil (articles 708 et 711 par exemple). Selon la doctrine3 le patrimoine
est l’ensemble des biens et des obligations d’une personne envisagée comme formant une universalité de droit
c’est-à-dire un tout, une unité juridique. La théorie du patrimoine trouve son fondement dans l’article 1859 du
code civil qui laisse supposer que les biens d’une personne forme un tout. En effet ledit article prévoit que
celui qui s’est obligé personnellement devra remplir son engagement sur tous ses biens présent et à venir.
Le mot patrimoine ne se rencontre pas uniquement en droit civil. D’autres matières s’y sont référées
pour décrire des situations présentant une sorte d’analogie sans pour autant rejoindre sa conception civiliste.
C’est ainsi qu’en droit international de l’environnement on retrouve la notion de patrimoine commun de
l’humanité4. Le droit de l’urbanisme a consacré la notion de patrimoine national.

- Les caractères du patrimoine

Selon Aubry et Rau, le patrimoine est une émanation de la personnalité et par là il doit en épouser les
caractères. Ainsi ont-ils pu avancer les idées suivantes :
Seules les personnes peuvent avoir un patrimoine. Il est inconcevable qu’un patrimoine existe sans
qu’il y ait une personne qui en soit le titulaire. Il ne s’agit pas uniquement des personnes physiques. Les
personnes morales peuvent aussi avoir un patrimoine.
Toute personne a un patrimoine. Peu importe qu’il soit composé uniquement de dettes. Cette
proposition se comprend dans la mesure où le patrimoine peut être considéré comme le pouvoir d’acquérir des
droits. Il faut cependant souligner deux cas où un individu peut perdre son patrimoine. Il s’agit d’abord de la
mort civile. Ce cas ne pose pas vraiment de problème puisque la mort civile, si elle n’emportait pas la mort
physique, lui enlevait la personnalité juridique de telle sorte qu’il était considéré comme mort juridiquement5.
Un cas plus intéressant est celui de la confiscation. Il s’agit s’une peine qui attribue à l’Etat l’ensemble des
biens d’un individu, même ses biens à venir.

Le patrimoine est incessible. Il est nécessaire de faire la distinction entre la cession à cause de mort et
la cession entre vifs. La cession à cause de mort est possible soit par la volonté de la loi (succession ab
intestat), soit par la volonté du titulaire du patrimoine (succession testamentaire). La transmission peut porter
alors sur un patrimoine sous réserve de la distinction faite entre légataires universels, légataires à titre
universels et légataires à titre particulier. Entre vivant, la cession du patrimoine est interdite car ce serait
annihiler la personnalité du cédant6.Même s’il est possible, par une donation-partage, de céder tous ses biens à
ceux qui ont vocation à succéder, et prendre selon l’expression de Jean Carbonnier « sa retraite de
propriétaire7», on n’a pas pour autant aliéner son patrimoine puisqu’il peut s’analyser en un pouvoir d’acquérir
de nouveaux droits.

Le patrimoine est indivisible. La personnalité étant indivisible, il en résulte qu’une même personne ne
peut avoir qu’un seul patrimoine. Sur ce point, la théorie du patrimoine a prêté le flanc aux plus vives
critiques. En effet, il y a des cas dans lesquels on se retrouve à la tête de plusieurs masses donnant ainsi
l’apparence de patrimoines distincts. Une masse de biens peut donc avoir son passif propre et se détache du
patrimoine général. C’est le cas par exemple des régimes matrimoniaux de communauté, les biens communs
formant une sorte de patrimoine propre sont soumises à des règles particulières d’administration ou de
liquidation. De même quand une succession est acceptée sous bénéfice d’inventaire, l’héritier se trouve à la
tête de deux patrimoines qui ne se confondent pas.
3
CARBONNIER Jean, Droit civil, les biens, tome 3, PUF, page 13
4
KISS Alexandre et BEURIER J-P, Droit international de l’environnement, Pedone
5
A noter que la mort civile a été abolie par le décret du 30 août 1988
6
CARBONNIER Jean, op cit, page19
7
idem

9
- L’affectation du patrimoine

Les inconvénients que présente la notion classique du patrimoine ont amené à se tourner vers la
théorie du patrimoine d’affectation inspiré de la doctrine allemande. On a pu montrer que la notion classique
du patrimoine ne permettait pas de donner ssatisfaction à de justes besoins et qu’elle entravait certaines
initiatives privées8. Par exemple, un commercant devrait pouvoir affecter une partie de son patrimoine aux
aléas de ses affaires et sauvegarder le reste pour la sécurité de sa famille.
La théorie du patrimoine d’affectation veut que les biens soient regroupés en fonction de leur
utilisation ou plus largement de leur affectation. Il découle de cette théorie :
- qu’une seule personne peut avoir, outre son patrimoine général, des patrimoines affectés à des destinations
particuières
- les patrimoines spéciaux peuvent être transmis entre vifs à titre universel
Il faut mentionner que la théorie du patrimoine d’affectation reste chez nous une théorie dans la
mesure où elle n’a pas encore recu de consécration juridique.

II- Les éléments du patrimoine

A- Les biens

L’article 425 du code civil pose la principale classification des biens en disposant que : « Les biens
sont meubles ou immeubles ». Cette classification n’est pas l’unique manière de regrouper les bines. Il existe
des classifications secondaires.

1-La classification principale

L’opposition entre meuble et immeuble nous vient du droit français qui l’a puisé dans le droit romain.
Ce n’est qu’au Moyen-Age qu’elle est devenue la Summa Divisio et traduisait à cette époque la distinction
entre les res mobilis et les res vilis. Aujourd’hui, même si la Summa division ne s’adapte pas à tous les biens
existant ( les fluides, les ondes ou l’énergie), elle reste fondamentale.

a)Le régime de la distinction

Les immeubles sont strictement délimités par la loi tandis que les meubles forment une catégorie
ouverte. Les immeubles sont énumérés à l’article 426 du code civil.

- Les immeubles

L’article 426 du code civil dispose que les immeubles sont de trois sortes : les immeubles par nature,
les immeubles par destination et les immeubles par l’objet auxquels ils s’appliquent.

Les immeubles par nature. Ils sont composés du sol et de tout ce qui y est fixé : les végétaux (art 427
C.c.), les constructions, les tuyaux permettant la conduite des eaux. Le critère de l’immeuble par nature reste
sa fixité ou encore son adhésion au sol. Ce critère peut poser certains problèmes en ce qui concerne les
constructions qui sont déposées sur le sol et qui s’y maintiennent de leur propre poids. Pour retenir la
qualification d’immeuble la jurisprudence française exige un dispositif de liaison comme les fondations.

8
F. TERRE et P. SIMLER, droit des biens, Dalloz, 5e édition, # 10

10
Les immeubles par destination. Les immeubles par destination sont des choses mobilières que l’on
considère comme immobilière en raison de leur attache à un immeuble par nature duquel il constitue
l’accessoire ( ex :les ustensiles aratoires attachées à une exploitation agricole). L’immobilisation d’un meuble
suppose deux éléments : d’abords un élément subjectif qui est la volonté du propriétaire d’affecter un meuble
à un immeuble, ensuite un élément subjectif constitué par la relation de destination entre le meuble et
l’immeuble. Cette relation de destination peut être physique ou économique. La relation ou encore
l’affectation est physique lorsque les choses sont attachées à perpétuelle demeure (art 428 C.c.). L’affectation
est économique lorsqu’elle repose sur l’idée de favoriser l’exploitation des fonds immobiliers ( ex : les
animaux et les instruments servant à une exploitation agricole ou industrielle).
Les immeubles par l’objet auxquels ils s’appliquent. L’article 429 du code civil précise les immeubles
par l’objet auxquels ils s’appliquent. Il s’agit de l’usufruit des choses immobilières, des servitudes ou services
fonciers et des actions qui tendent à revendiquer un immeuble. A proprement parler, ce ne sont pas des biens
mais plutôt des droits qui ont pour objet un immeuble.

- Les meubles

Selon les termes de l’article 429 du code civil « les biens sont meubles par leur nature ou par la
détermination de la loi ». Mais cette distinction n’est pas complète puisqu’il y a les meubles par anticipation.

Les meubles par nature. Les meubles par nature sont les meubles corporels. Contrairement aux
immeubles qui sont fixes, les meubles peuvent se mouvoir soit par eux-mêmes soit par l’effet d’une force
étrangère. Un doute s’est installé sur la nature des animaux. En tenant compte des articles 428 et 431 du code
civil, la tendance est forte de voir les animaux comme des meubles. Mais les animaux sont toujours évoqués
dans le deuxième livre du code civil intitulé « des biens et des différentes modifications de la propriété », ce
qui fait qu’ils demeurent des biens.

Les meubles par anticipation. « Les meubles par anticipation sont des biens qui, étant immeubles, ont
vocation naturelle à devenir des meubles9 ». C’est le cas par exemple des coupes de bois, des récoltes.

Les meubles par la détermination de la loi. Les meubles par détermination de la loi sont en réalité des
droits qui portent sur un immeuble. Ce sont des droits et des obligations qui ont pour objet des sommes
exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans des compagnies de finance ou les rentes (art 432
C.c.)
b) L’intérêt de la distinction

La qualification d’un bien en meuble ou immeuble entraîne des conséquences s’expliquant d’abord
par la fixité de l’immeuble et par la mobilité du meuble et ensuite par la tendance à accorder une plus grande
valeur à l’immeuble.

Conséquences à partir de la fixité de l’immeuble et de la mobilité du meuble. En matière de


compétence des tribunaux, le tribunal compétent est celui du lieu de situation de l’immeuble tandis qu’en
matière mobilière le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. En outre les immeubles sont
soumis aux formalités de la publicité foncière. C’est aussi la fixité des immeubles qui explique la différence
avec les meubles en ce qui concerne la possession d’un bien.

9
J-B SEUBE, Droit des biens, Litec, 2002, # 25

11
Distinction fondée sur la valeur de l’immeuble. Une plus grande valeur est reconnue aux immeubles.
C’est ainsi que la vente en matière immobilière est rescindable pour lésion. La saisie immobilière n’est valable
qu’après avoir discuté les biens mobiliers du débiteur. A souligner aussi que la procédure de saisie mobilière
est moins lourde que celle de la saisie immobilière.

2-Les classifications secondaires

Plusieurs classifications secondaires sont venues s’ajouter à la classification principale. Elles


s’appuient soit sur la disponibilité des biens, soit sur leur mode d’utilisation.

a) Classification fondée sur leur mode de disponibilité

Il y a des biens qui sont disponibles et il y a des biens qui ne le sont pas. L’indisponibilité peur
résulter de l’appartenance au domaine public ou d’une stipulation particulière.

L’appartenance au domaine public. Les biens du domaine public concernent deux catégories.
Certains biens font partie naturellement du domaine public. Tel est le cas des routes, des rues. Une très longue
liste est donnée par les articles 442 à 446 du code civil. Par contre, d’autres biens relèvent du domaine public
par affectation, c’est-à-dire qu’ils n’en font partie que par suite d’une décision motivée par un intérêt général.
Nous pouvons citer à titre d’exemple un château ou une œuvre d’art. Ces biens ne pourront être vendus qu’à la
suite d’une décision de déclassement par laquelle l’Etat décide de les rendre apte à l’appropriation privée

Les clauses d’inaliénabilité. Un bien peut être inaliénable sans pour autant appartenir au domaine
public. Cette inaliénabilité peut être le fruit de la volonté du législateur ou d’une volonté privée. Les clauses
d’inaliénabilité ne sont acceptées que de manière restreinte. On les rencontre en matière de succession à
travers les clauses de substitution qui permettent à une personne de donner un bien à une autre à charge pour
cette dernière de le conserver et de le transmettre à une autre expressément désignée ( art 853 et suivants). En
matière de libéralité, la clause d’inaliénabilité ne sera admise que si elle est temporaire et justifiée par un
intérêt sérieux. A défaut le donataire ou ses créanciers, par le biais d’une action oblique pourront obtenir une
autorisation judiciaire d’aliéner le bien malgré l’existence de la clause d’inaliénabilité.

b) Classification fondée sur le mode d’utilisation des biens.

Les biens peuvent être distingués selon leur mode d’utilisation. Nous présenterons trois catégorie à
savoir les biens consomptibles et non consomptibles, les biens fongibles et non fongibles, et enfin les fruits et
les produits.

- Les biens consomptibles et les biens non consomptibles

Les biens sont consomptibles lorsqu’ils se consomment par le premier usage (un morceau de pain, des
allumettes). Par contre lorsque le bien en question résiste à sa première utilisation, il est non consomptible ;
Tel est le cas d’une voiture, des vêtements.
Cette distinction est importante à un double point de vue. D’abord les choses consomptibles ne
peuvent faire l’objet que de prêt de consommation (art 1660 C.c) et non de prêt à usage étant donné que le prêt
à usage suppose la restitution de la chose prêtée. Cette restitution en nature se révèle impossible si la chose
prêtée est détruite par son utilisation. Ensuite Les choses consomptibles ne sont en principe pas susceptibles
d’usufruit. Ceci s’explique par le fait que si le simple abusus conduit à la destruction de la chose, l’usufruit
d’une chose consomptible revient donc à conférer à l’usufruitier sa propriété. Cependant, la pratique et la loi a

12
mis en place le quasi-usufruit qui permet à l’usufruitier de se servir de la chose consomptible et de rendre des
choses de même quantité ou de qualité équivalente à la fin de l’usufruit ( art 484 C.c).

- Les biens fongibles et non fongibles

Les biens sont fongibles lorsqu’ils sont interchangeables. Tel est le cas des billets de banque de même
valeur ou encore des sacs de riz. Cette possibilité n’existe que pour les choses qui s’évaluent au poids, au
comptant ou à la mesure. On désigne respectivement les choses fongibles et non fongibles par les expressions
« choses de genre » et « corps certains10 ».
La fongibilité des biens permet de déterminer les droits dont on peut se prévaloir à leur égard. Le
transfert de propriété des choses de genre ne peut intervenir qu’à la suite de leur individualisation. Avant leur
individualisation le transfert de propriété ne peut avoir lieu faute d’objet11. La fongibilité peut intervenir aussi
pour apprécier le caractère libératoire d’un paiement. Il est possible de remplacer une chose par une autre
comme fongibles entre elles selon que cette chose a été envisagée dans son individualité ou dans sa valeur.

B-Les droits patrimoniaux

Le droit réel est le droit qu’une personne a sur une chose tandis que le droit personnel est celui qu’une
personne détient à l’encontre d’une autre. Si le premier ramène aux biens c’est-à-dire aux choses le second
relève du droit des obligations. Après avoir analysé successivement le droit réel et le droit personnel nous
procéderons à leur comparaison.

1-La distinction du droit réèl et du droit personnel

La distinction entre droit réel et droit personnel remonte au droit romain12. Cependant cette distinction
n’avait aucune importance sur le plan procédural. Une personne disposait d’un droit réel ( jus in re)
lorsqu’elle pouvait saisir un bien sans que son détenteur puisse s’y opposer. Elle disposait d’un droit personnel
lorsque l’aliénation du bien lui enlevait la possibilité de le saisir. C’est qu’en réalité il avait un droit à propos
de la chose et non sur elle. Le droit réel et le droit personnel sont différents. Il convient de les analyser tour à
tour.

a) Les droits réels

Le code civil n’a pas défini le droit réel. Celle que l’on connaît relève de la doctrine. C’est le pouvoir
qu’a une personne de tirer directement tout ou partie des utilités économiques d’une chose13. Il confère à son
titulaire un pouvoir direct et immédiat sur une chose. Sa structure est binaire en ce sens qu’il y a un sujet de
droit et un objet de droit.
On peut distinguer deux grandes catégories de droits réels. Il y a les droits réels principaux (ou de
premier degré) et les droits réels accessoires (ou de second degré, ou encore droits réels de garantie). Le droit
réel porte sur la substance même de la chose tandis que les droits réels accessoires portent sur sa valeur
pécuniaire. Les droits réels principaux sont le droit de propriété ainsi que les démembrements de la propriété
comme l’usufruit ou les servitudes. Les droits réels accessoires ou droits de créance consiste en l’affectation
d’un bien au paiement d’une créance. C’est le cas par exemple de l’hypothèque.

10
Ces sont les choses qui sont individualisées comme une voiture une chaise, une maison
11
J. CHEVALIER et L. BACH, droit civil tome 1, Sirey, 11e édition, page 336
12
SEUBE Jean-Baptiste, les biens, Litec, 2002, page 16, #44.
13
CARBONNIER Jean, op cit, page 78

13
b) Les droits personnels

Là encore, la doctrine a dû intervenir pour en donner une définition. Le droit personnel peut être
défini comme « le droit qu’a une personne d’exiger d’une autre une certaine prestation14 ». Le droit personnel
est donc ternaire et fait intervenir trois élément à savoir : un élément actif (le créancier), un élément passif (le
débiteur) et une prestation (objet du droit). Le lien existant entre l’élément actif et l’élément passif prend le
nom de droit de créance si on se penche du coté actif, et de dette ou d’obligation si on se penche du coté
passif.
Les droits personnels sont innombrables car ils relèvent de la liberté contractuelle. Les droits
personnels sont classés selon qu’ils portent sur une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner.

2- Comparaison des deux catégories de droits patrimoniaux

La comparaison fait apparaître des antithèses très prononcées (a). Cependant on peut déceler
catégories intermédiaires (b). Les antithèses se retrouvent soit au niveau de la composition, soit au niveau de
l’accomplissement du droit. En ce qui concerne les catégories nous tiendrons compte du cas de l’obligation
réelle et d’autres catégories.

a) Les antithèses

Les antithèses au niveau de la structure. Dans le droit personnel on a deux personnes tandis que dans
le droit réel on a une seule personne en face d’une chose. Il en résulte que le titulaire d’un droit réel peut en
principe l’abandonner par sa seule volonté. Cela ne dépend que de lui. Au contraire le créancier ne peut
renoncer unilatéralement à sa créance ; l’accord du débiteur lui est nécessaire. En second lieu, le droit
personnel a un effet relatif en ce sens qu’il ne s’impose qu’entre les personnes concernées. Il est inopposable
au tiers qui peuvent ignorer son existence. Le droit réel par contre est opposable erga omnes. Toutes personnes
sont obligées de le respecter. Ils ont l’obligation de ne pas en troubler l’exercice. Enfin, le droit réel suppose
l’existence de la chose ainsi que son individualisation tandis que, pour le droit personnel l’existence ainsi que
l’individualisation ne sont pas importantes. Si on ne peut pas être propriétaire de choses futures on peut
néanmoins être créancier à l’égard de celui qui les fabriquera.

Les antithèses au niveau de la réalisation. En ce qui concerne son accomplissement le droit réel
emporte deux attributs à savoir le droit de suite et le droit de préférence qui ne se rencontrent pas au niveau du
droit personnel. Le droit de suite est le pouvoir reconnu à son titulaire d’exercer son droit sur la chose entre
quelques mains où il se trouve, en fait ou en droit15. Le droit de préférence est le résultat qui pèse sur tout le
monde de ne pas troubler l’exercice du droit réel. Le droit de préférence peut se définir comme l’avantage
dont jouit le titulaire du droit réel de ne pas souffrir de l’existence de droit personnel sur la chose. Ainsi si un
conflit existe entre le titulaire d’un droit réel et d’un droit personnel sur une même chose, on préférera celui-
là à la place de celui-ci.

b) Les catégories intermédiaires

Comme catégories intermédiaires il y a l’obligation réelle ou obligation proper rem. Mais il n’en
constitue pas l’unique catégorie.

14
SEUBE Jean-Baptiste, op cit page 17
15
Cependant en matière mobilière le droit de suite est en général paralysé par la règle « en fait de meuble possession vaut titre » (article 2044 C.c.).

14
Le cas de l’obligation réelle. Les articles 560 et suivants du code civil donnent une illustration de
l’obligation réelle. En effet, le propriétaire d’un fonds servant a l’obligation de faire à ses frais les ouvrages
nécessaires à l’exercice d’une servitude. Il existe bien une obligation, mais elle est liée à un bien particulier.
Le débiteur n’y est assujetti qu’en raison de sa propriété de telle sorte qu’il pourrait s’en débarrasser en
abandonnant ou en disposant du bien grevé.

Les autres catégories intermédiaires. Certains droits personnels sont mélangés. C’est le cas du droit
de rétention. En effet, il permet au créancier, s’il se trouve en possession d’un bien appartenant à son débiteur,
de ne pas s’en dessaisir avant son paiement (article 1397 du code civil). En outre, les droits réels entraînent
souvent la naissance d’un droit de créance. Ainsi l’exercice abusif du droit de propriété peut entraîner une
obligation personnelle de réparer le dommage causé aux voisins.

3- Le dépassement de la classification

La distinction droit réel et droit personnel n’est pas aussi absolue qu’il apparait. On a pu se rendre
compte qu’elle n’arrivait pas à repartir correctement tous les droits existants.

a) Remise en cause doctrinale

Selon Marcel PLANIOL, les droits réels ne sont qu’une variété du droit personnel. Le droit réel tout
comme le droit personnel présenterait une structure ternaire. Le droit réel aurait un sujet actif qui est le
titulaire, un objet qui est le bien sur lequel il porte et un sujet passif composé des autres personnes. Ainsi le
titulaire du droit réel exercerait ses prérogatives contre le reste de l’humanité. C’est « l’obligation passive
universelle ».
Cette opinion de PLANIOL est aujourd’hui critiquée en raison du fait qu’elle ne tient pas compte des
divers sens du mot opposable. L’opposablité erga omnes du droit réel signifie que ce droit s’impose à tous et
que nul ne peut le méconnaître. L’opposabilité du droit personnel à l’égard du débiteur signifie que seul ce
dernier en est tenu et que le créancier ne saurait se prévaloir de ce droit à l’égard des tiers. Cependant les tiers
sont tenus de respecter le lien existant entre le créancier et le débiteur.
GINNOSAR a avancé une nouvelle dénition de la propriété en la présentant comme une relation
d’appartenance qui peut s’appliquer non seulement aux choses corporelles, mais aussi aux choses
incorporelles comme les créances.
Pour F. ZENATI, la propriété n’est pas un bien et non plus un droit réel. Elle n’est autre chose que le
mécanisme par lequel une personne établit un rapport privatif sur tous les biens pouvant lui appartenir (choses
corporelles ou non). Ainsi c’est la propriété qui permet aux choses de devenir des biens. Elle ne peut être elle-
même considérée comme un bien. On ne peut s’aproprier le rapport d’appropriation.

b) Remise en cause pratique

La pratique a pu démontrer que cette distinction n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il
existe des catégories intermédiaires sans compter les problèmes que vont soulever l’apparition des droits
intellectuels.
La distinction droit réel/droit personnel a été construite sur les hypothèses les plus courantes
(propriété immobilière, créance de somme d’argent). Les obligations réelles constituent un excellent exemple
où se rencontre le droit réel et le droit personnel. Les droits intellectuels s’adaptent mal à cette classification.
Le droit intellectuel peut se définir comme celui qui donne droit à l’auteur d’une œuvre et ses ayants droit de
tirer profit de son exploitation.

15
Les droits intellectuels ne sont pas en réalité des droits personnels ni des droits réels, mais constituent
des monopoles d’exploitation d’une idée, d’un nom ou d’une clientèle.

Titre I- Théorie générale du droit des biens

Chapitre I- Les prérogatives de fait sur les biens : La possession

La possession est une situation de fait prise en considération par le droit. Si le législateur choisi de
protéger une telle situation de fait c’est parce que souvent elle correspond à des situations de droit ou pour
éviter le recours à la violence. Dans la possession ce n’est pas le droit de propriété qui est pris en
considération, mais l’exercice de ce droit.

Section I- La notion de possession

Il convient de déterminer la justification de la possession avant d’en tracer le profil.

Par 1- Les justification de la possession

La question est de savoir pourquoi la possession est prise en considération au profit d’un individu
alors que ce dernier peut ne pas être le titulaire du droit de propriété. Plusieurs justifications ont été avancées.

A- Les conceptions en présence

1) La conception de Savigny

La conception de Savigny a été qualifiée de subjectivisme en ce sens qu’elle met l’accent sur l’état
d’esprit du possesseur c’est-à-dire sur sa volonté de se comporter comme le titulaire du droit qu’il exerce.
Pour Savigny le possesseur ne peut être que celui qui a la volonté de se comporter comme propriétaire du bien
(animus domini). A ce titre, la protection possessoire ne peut être accordée qu’à celui qui a l’animus domini.

2) La conception de Ihering

La position de Ihering a été qualifiée d’objectivisme. Pour ce dernier la possession doit être reconnue
à tout individu qui exerce d’une façon indépendante un pouvoir sur la chose et la soumet à son emprise sans
qu’il y ait lieu de rechercher s`il a un animus particulier, ce dernier devant être déduit de l’exercice
indépendant du pouvoir.

B- La complémentarité de ces conceptions

En réalité les conceptions de Savigny et de Ihering doivent être considérées comme complémentaires
dans la mesure où Savigny n’a jamais admis que la possession pouvait se faire sans le corpus et Ihering n’a
jamais admis que le possesseur sans l’animus véritable pouvait faire acquérir le droit de propriété par
l’écoulement du temps. Le point central de la querelle a été le bénéfice de la protection possessoire. Ihering
l’admettait au profit de celui qui n’avait pas nécessairement l’animus, tandis que Savigny le lui refusait.

16
Par 2- Le profil de la possession

La possession n’est pas l’unique relation que peut exercer un individu sur un bien. Il est donc
nécessaire de pouvoir déterminer quand est-ce qu’on est en possession et laquelle peut faire jouir des
prérogatives qui lui sont attachées. Ainsi commencerons-nous par identifier la possession (A) avant de traiter
des qualités qu’elle doit cultiver (B).

A- L’identification de la possession

Il est important de connaître les éléments de la possession car ce sont eux qui permettront de mesurer
l’emprise qu’on a sur un bien.

1- Les éléments de la possession

Les éléments de la possession sont au nombre de deux. Il s’agit du corpus (élément matériel) et de
l’animus (élément psychologique).

a) Le corpus

Le corpus est l’élément matériel de la possession. Il s’agit de l’emprise matérielle que le possesseur
doit avoir sur la chose qu’il détient. Cette emprise suppose que le possesseur accomplisse sur la chose les
prérogatives faisant partie du droit qu’il entend posséder. Il n’y a pas de possession sans corpus.
Toutefois il n’est pas nécessaire que le possesseur exerce le corpus par lui-même. Il peut l’exercer par
l’intermédiaire d’autrui. C’est ce qu’on appelle posséder corpore alieno (ex : le locataire d’un immeuble
exerce le corpus pour le compte d’un possesseur à titre de propriétaire ou d’usufruitier). L’emprise est alors
indirecte.
Il existe aussi le constitut possessoire. Il s’agit de l’acquisition du corpus par l’intermédiaire d’autrui.
C’est le cas où une chose vendue est restée en dépôt chez le vendeur. Ce dernier, à dater de la vente possède
pour le compte de l’acheteur qui est un possesseur corpore alieno.

b) L’animus

L’animus est l’état d’esprit du possesseur. Pour être un véritable possesseur il faut vouloir se
comporter en titulaire d’un droit sur la chose. Il s’agit donc de l’élément psychologique de la possession. Le
code civil fait de l’animus un élément indispensable de la possession en ce qui concerne l’acquisition du droit
par la prescription. Cela résulte de l’article 1997 du code civil qui exige une possession à titre de
propriétaire16.
Des problèmes peuvent se poser concernant la preuve de l’animus en raison du fait qu’il fait partie du
for intérieur. S’agissant d’un fait juridique la preuve devrait être libre. Considérant les difficultés qu’il y a à
prouver l’animus, le code civil a énoncé une présomption à l’article 1998 du code civil, présomption selon
laquelle « on est présumée posséder à titre de propriétaire », c’est-à-dire que l’on présume l’animus domini
chez celui qui se prétend être possesseur. Cependant il s’agit d’une présomption simple dont la preuve
contraire pourra être rapportée par tous moyens.

16
Dans le code civil, la possession n’est envisagée qu’à propos du droit de propriété. Cependant il faut faire remarquer que la possession peut s’étendre
aux autres droits réels.

17
2- L’importance des éléments de la possession

Les éléments de la possession conditionnent l’acquisition ainsi que la perte de la possession. Ils jouent
aussi un rôle non négligeable en ce qui concerne la détention d’une chose.

a- Acquisition et perte de la possession

On acquiert la possession par la réunion du corpus et de l’animus. Les deux éléments matériel et
intentionnel doivent être, en principe, réunis. A partir de ces deux éléments on peut aussi traiter la perte de la
possession. Elle peut se réaliser de différentes manières:

- par la perte simultanée des deux éléments. C’est le cas par exemple de l’aliénation d’un bien ou
d’abandon d’une chose.
- par la perte de l’élément corporel. Cette manière consiste à perdre le corpus, l’animus étant
conservé. Il faut signaler qu’un possesseur qui n’userait pas de sa chose, sans qu’un autre vienne l’occuper, ne
perdrait pas pour autant le corpus car le non-usage est encore une façon d’exercer les prérogatives du droit de
propriété et la possibilité d’exercer des actes positifs demeurent.. Dans la perte de l’élément corporel il faut
distinguer selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un immeuble. Dans le cas d’un meuble le possesseur perd la
possession par le seul fait qu’il ne peut plus exercer sur la chose son pouvoir de fait. Pour les immeubles, au
contraire, la perte du corpus n’entraîne pas nécessairement la perte de la possession. On dit qu’en matière
d’immeuble la possession se conserve solo animo.
- par la perte de l’élément intentionnel. On perd la possession si tout en conservant le corpus on
perd l’animus. C’est le cas du constitut possessoire.

b- distinction entre possesseur et détenteur précaire

Définition. ( art 2004 c.c et suivants) Le détenteur précaire peut être défini comme celui qui détient
précairement la chose du propriétaire, soit sur sa demande, soit sur sa prière c’est-à-dire qu’elle devra à un
moment donné la restituer au propriétaire ( ex : le locataire).

Effets de la détention précaire. La détention précaire n’amène pas à l’usucapion car le détenteur
précaire n’a pas l’animus et n’a pas la maîtrise complète du corpus puisqu’il ne peut pas faire d’actes
correspondant à l’abusus.

Preuve. (art 1998 et 1999 c.c.) Lorsqu’un individu a la détention matérielle d’une chose et qu’elle
prétend exercer un droit réel sur cette chose, on doit présumer, jusqu’à preuve du contraire que sa prétention
est exacte. C’est donc à son adversaire de prouver qu’il est un simple détenteur précaire. Et lorsqu’une
personne est un détenteur précaire, on présume qu’elle l’a toujours été. Ainsi il revient au détenteur précaire,
qui prétend avoir acquis l’animus, d’en fournir la preuve en démontrant qu’il y a eu de sa part interversion de
titre.

Le passage de la détention à la possession : l’interversion de titre. Le détenteur précaire peut se


transformer en possesseur véritable par l’effet de l’interversion de titre dont il faut voir le domaine, le
fonctionnement et les effets.

Le domaine. L’interversion de titre ne peut résulter d’un simple changement d’intention de la part du
détenteur ( art 2008 c.c.). Elle ne peut non plus résulter du décès du détenteur précaire ( art 2005 c.c.).

18
Le fonctionnement de l’interversion de titre. L’interversion de titre peut intervenir soit par le fait
d’un tiers soit par un acte contradictoire opposé au droit du propriétaire. Le détenteur peut acquérir la
propriété du bien qu’il détenait précairement, non pas de la personne qui est le véritable propriétaire mais par
l’intermédiaire d’un tiers qui se fait passer pour tel. Il y a une substitution d’un titre de propriétaire à un titre
de détenteur. Pour cela il faut que le détenteur ait agi de bonne foi et qu’un changement dans sa conduite
corresponde au changement de titre ( ex : le locataire ne paie plus les loyers). L’interversion de titre peut
résulter d’une contradiction opposée au droit du propriétaire. Il faut qu’un conflit surgisse du fait du détenteur
au sujet de la question de la propriété ( ex : le locataire refuse de payer les loyers sous prétexte que la chose
louée lui appartient). Le détenteur devient alors un possesseur sans titre.

Effets de l’interversion de titre. L’interversion de titre ne produit effet qu’à partir de la date où elle
s’est produite. Elle purge le vice de précarité erga omnes.

B- Les conditions de la possession utiles

Pour remplir tous ses effets, la possession doit avoir certaines qualités. Certaines sont prévues à
l’article 1997 du code civil. A coté de ses qualités, il y a la bonne foi qui est une qualité générale de la
possession.

1- Les qualités de l’article 1997 du code civil

Les qualités prévues à l’article 1997 du code civil sont au nombre de quatre. Ce sont :

a) La continuité

La possession est discontinue lorsqu’il y a une rupture anormale dans l’exercice du corpus. La
possession peut être continue sans être constante. Il faut une régularité dans l’exercice des actes du possesseur
sur la chose.

b) L’absence de violence

L’article 1997 du code civil parle de possession paisible c’est-à-dire que le corpus ne doit pas avoir
été acquis d’une façon violente. En réalité le caractère paisible de la possession vise l’entrée en possession et
non pas l’exercice de la possession acquise. Il faut noter que la violence est un vice relatif et temporaire.
Relatif : elle n’existe qu’à l’égard de certaines personnes. Temporaire : lorsque la violence a cessé sans
protestation de celui contre lequel elle a été exercée au moment de l’entrée en possession, elle devient
paisible.

c) La possession publique

La possession est encore viciée lorsqu’elle est clandestine. Pour être publique la possession doit
s’exercer ouvertement. Le vice de clandestinité est écarté si la possession est connue de la partie adverse.
Seuls ceux qui l’ont ignoré peuvent s’en prévaloir. Le vice de clandestinité est aussi temporaire et relatif.

d) La possession non équivoque

L’équivoque est un doute sur l’existence de l’animus. La possession non équivoque est celle dans
laquelle le possesseur agit, sans ambiguïté pour son propre compte, sans que cela puisse faire de doute dans

19
l’esprit des tiers. La possession est équivoque si les actes du possesseur ne révèlent pas clairement son
intention de se conduire en propriétaire.

2- La bonne foi

La bonne foi n’est pas une qualité indispensable de la possession pour qu’elle soit utile c’est-à-dire
pour qu’elle produise l’intégralité des effets. La bonne foi joue un rôle en ce sens que le possesseur de bonne
foi est mieux traité que celui qui est de mauvaise foi. Que le possesseur soit de bonne foi ou de mauvaise foi il
peut acquérir la propriété. Cependant si le possesseur de mauvaise foi est tenu de restituer et la chose et les
fruits, le possesseur de bonne foi n’est pas tenu de restituer les fruits. La bonne foi fait jouer au profit du
possesseur la petite prescription qui est de dix ans (art 2033 C.c.) Il faut souligner en dernier lieu que la
possession est présumée être de bonne foi et qu’il s’agit d’une présomption simple qui pourra être combattue
par la preuve contraire.

Section II- Les fonctions de la possession

La possession a deux fonctions. Elle a une fonction probatoire et une fonction acquisitive.

Par 1- Fonction probatoire de la possession

A- La présomption de droit

La possession est censée refléter, selon toute vraisemblance, le droit possédé. C’est pourquoi on
présume que le possesseur est le titulaire du droit considéré. En vertu de cette présomption le possesseur a la
qualité de défendeur dans le procès. C’est à celui qui revendique le bien de contester le droit du possesseur et
de prouver son droit. Donc la possession fait présumer, dans une certaine mesure, le droit de propriété.

B- La présomption de titre

L’article 2044 du code civil prévoit qu’en fait de meubles, possession vaut titre. Or on est présumé
posséder pour soi et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre (art
1998 du code civil) .Ainsi celui qui a acquis un meuble n’a pas à justifier le fondement de sa possession. Ce
n’est qu’en cas de perte ou de vol que le propriétaire pourrait revendiquer la chose perdue ou volée à
l’encontre de son possesseur actuel.

Par 2- Fonction acquisitive de la possession

A- L’acquisition des droits

La possession a pour effet principal l’acquisition par le possesseur du droit réel qu’il exerce. Le
possesseur l’acquiert par le seul effet de la loi. C’est l’usucapion ou prescription acquisitive. Quand le
possesseur est de bonne foi la possession lui confère la propriété des meubles et permet l’usucapion des
immeubles par la prescription abrégée (art 2033 C.c.). Quand le possesseur est de mauvaise foi la possession
utile conduit à l’acquisition du droit par la grande prescription.

20
B- L’acquisition des fruits

La possession de bonne foi permet au possesseur d’acquérir les fruits contrairement au possesseur de
mauvaise foi (art 454 code civil).

C- Conditions et limites de l’acquisition des fruits

Si le possesseur de bonne foi n’est pas obligé de restituer les fruits, il doit restituer les produits. Il peut
réclamer, s’il est de bonne foi17, le remboursement des dépenses d’amélioration et de conservation du bien.
La condition de l’acquisition des fruits par le possesseur est sa bonne foi, ce qui suppose que le
possesseur détient le bien comme le propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les
vices (art 455 Code civil). Il faut souligner que le titre ne signifie pas forcément un écrit, mais seulement un
acte juridique (negotium). On notera que la bonne foi est toujours présumée (présomption simple). Elle est
cependant temporaire car elle cesse du moment où le possesseur connaît les vices de son titre.

Section III- La protection possessoire

Par 1- Les conditions de la protection possessoire

A-Les meubles et immeubles et la protection possessoire

La protection possessoire ne joue pas pour les meubles. Cette exclusion tient à la règle : « en fait de
meuble possession vaut titre » qui fait présumer le droit de propriété du possesseur contre celui du véritable
propriétaire. En ce qui concerne les immeubles, l’article 2282 du code civil précise que « la possession est
protégée sans avoir égard au fond du droit contre le trouble qui l’affecte ou la menace ». Au regard de cet
article même la possession de mauvaise foi peut donner lieu à des actions possessoires. En outre il faut
souligner que la distinction des actions possessoires et des actions pétitoires ne concerne que les immeubles.

B- L’existence d’un trouble

Tout trouble ne donne pas lieu aux actions possessoires. Le trouble possessoire consiste en un acte
émanant d’autrui et qui vient contredire la qualité de posesseur de celui qui prétend l’être18. Le trouble
possessoire nécessite donc une intervention volontaire de son auteur. Le trouble peut être un trouble de fait ou
un troube de droit.
Le trouble de droit prend sa naissance dans un acte juridique tandis que le trouble de fait est constitue
par une prétention sur la chose d’autrui traduit par un acte matériel. Donc la nature du trouble dépend de
l’évenement à partir duquel il a pris naissance.
Pour donner lieu à une action possessoire, le trouble doit êre le fait d’un tiers ce qui signifie qu’il ne
doit pas résulter d’une obligation née à partir d’un contrat et dont la victime serait créancière. Par exemple si
le propriétaire cause un trouble au locataire en ne respectant pas les obligations du contrat de bail, ce dernier
doit recourir à l’action en justice dérivant du bail et non à une action possessoire.

17
Ce qui suppose soit une ignorance de fait ou une ignorance de droit de la situation.
18
C. LARROUMET, droit civil, les biens droits réels principaux, Economica, 3e édition, # 146

21
Par 2- Les types d’action possessoire

D’habitude, on enseigne que les actions possessoires sont la complainte, la réintégrande et la dénonciation
de nouvel œuvre. Cependant l’article 8 du code de procédure civile peut susciter des doutes quant à leur
classification. En effet, ledit article parle de « …….. autres actions possessoires » Nous pensons qu’il ne faut
pas y voir des actions possessoires mais plutôt des catégories étant donné que toutes les actions sont
susceptibles de revêtir l’une de ces formes.

A- La complainte

Action possessoire par excellence, la complainte n’est accordée qu’au véritable possesseur. Il lui faut
réunir deux conditions à savoir une possession exempte de vices et avoir possédé pendant au moins un an
avant le trouble. Elle est ouverte à tous les cas de trouble actuel de fait ou de droit. Le domaine de la
complainte est défini par opposition à celui de la réintégrande et de la dénonciation de nouvel oeuvre. En
d’autres termes est sanctionné par la complainte, tout trouble qui ne permet pas d’exercer ni la réintégrande ni
la dénonciation de nouvel oeuvre.

B- La réintégrande

La réintégrande a son origine dans le droit canonique. Elle a pour but de réintégrer (d’où son nom)
dans sa possession celui qui en a été privée soit par voie de fait soit par la violence. Elle permet de sanctionner
une atteinte à l’ordre public. En raison de la gravité du trouble, la réintégrande (ou encore l’action en
réintégration) ne nécessite pas la possession annale et peut être mise en œuvre même par celui qui est un
détenteur précaire.
Le trouble en matière de réintégration peut être constitué soit par un voie de fait ou par la violence. Il
y a voie de fait lorsque le possesseur ou le détenteur est dépouillée du bien par la force. La voie de fait se
distingue de la violence dans la mesure où il n’y a pas le recours à la force mais constitue un acte ayant pour
effet de dépouiller le possesseur de son bien19.

C- La dénonciation de nouvel oeuvre

La dénonciation de nouvel oeuvre se rapproche de la complainte. Et selon un auteur20 la distinction


réside dans le fait que la complainte cherche à obtenir la cessation d’un trouble actuel tandis que la
dénonciation de nouvel oeuvre cherche à prévenir un trouble futur. La dénonciation de nouvel oeuvre
nécessite un commencement d’éxécution des travaux car le simple fait de l’envisager ne constitue pas un
trouble pour autant. Le juge reconnaitrera la qualité du possesseur et ordonnera au fauteur de trouble de cesser
son activité.

Par 3- Le régime procédural de la protection possessoire

A- Le délai pour agir

Selon l’article 39 du code de procédure civile il faut justifier soit même d’une possession annale et il
faut agir dans l’année du trouble. L’inaction dans l’année du trouble de la victime signifie que les faits contre
lesquels elle s’élève ne sont pas graves. En outre l’écoulement d’une année fait naître une nouvelle possession

19
Exemple : on s’installe dans l’immeuble en absence du possesseur et on refuse de le lui restituer à son retour
20
C LARROUMET, op cit , # 150

22
en faveur de l’auteur du trouble. Toutefois la prescription annale ne peut commencer à courir que dans la
mesure où le possesseur est au courant du trouble

B- Les titulaires

En principe c’est le véritable possesseur qui exerce l’action possessoire. Exceptionnellement la


réintégrande, en raison de la gravité du trouble, peut être exercée par le détenteur. Soulignons que le
possesseur est celui qui exerce un pouvoir de fait sur une chose tandis que le détenteur précaire est celui qui
détient la chose sans la volonté de se comporter en maître et propriétaire. Le détenteur précaire ne peut agir au
possessoire contre celui de qui il détient ses droits étant donné que la relation existant entre eux est de nature
contractuelle.

C- Le tribunal compétent

Le tribunal compétent est le tribunal de paix du lieu de situation de l’immeuble. Il s’agit d’une
compétence exclusive qui s’exerce quelque soit la valeur de l’immeuble litigieux. Au niveau des tribunaux
civils des Gonaïves et de Saint-Marc il est créé par le décret du 30 Juillet 1986 une section terrienne, qui
remplace le Tribunal Terrien d’Haïti, dont la mission est de connaitre les conflits terriens relevant de la plaine
de l’Artibonite. Il est tout à fait possible pour la victime du trouble de saisir le juge des référés. Dans ce cas il
ne pourra pas invoquer la protection possessoire, mais le trouble dont il demande au juge la cessation21.

D- La règle de non-cumul du possessoire et du pétitoire

Cette fameuse règle est énoncée par le code de procédure civile rédigé en ces termes : « Le
possessoire et le pétitoire ne seront jamais cumulés ». Elle signifie que « le possessoire et le pétitoire ne
peuvent être joints dans la même demande, s’instruire dans la même instance et se décider dans le même
jugement » et traduit l’autonomie et la singularité de la protection possessoire par rapport aux actions
pétitoires22. Le sens de cette règle doit être appréciée tant à l’égard du juge qu’à l’égard des parties.
A l’égard du juge la règle de non-cumul signifie que le tribunal ne peut statuer directement ou
indirectement sur le pétitoire. Sa décision ne saurait avoir autorité de la chose jugée au pétitoire. Le juge ne
peut non plus se baser sur des motifs tirés exclusivement du fonds pour statuer sur le possessoire. Il a pour
mission de rechercher uniquement si les faits de la possession existent.
En ce qui concerne les parties, celui qui a agi au pétitoire n’est plus recevable à agir au possessoire.
Cette interdiction s’explique par le fait que celui qui a agit directement au pétitoire reconnaît implicitement la
possession de son adversaire et il ne peut revenir sur son aveu. Cependant le défendeur au pétitoire peut
parfaitement agir au possessoire.

21
J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure civile, Dalloz, 27e édition, # 86
22
L. CADIET, Droit judiciaire privé, Litec, 3e édition, # 828

23
Chapitre II- Les prérogatives de droit : la propriété

Section I- Profil du droit de propriété

Définition

L’article 448 C.c définit la propriété comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la
plus absolue. Ce texte permet de distinguer deux attributs du droit de propriété à savoir le droit de jouir de
disposer. Il faut mentionner qu’il existe un troisième attribut qui est le droit d’user. Ensuite ledit article ne met
en évidence que le caractère absolu du droit de propriété.

Par 1-Les attributs du droit de propriété

Bien que le code civil n’en mentionne que deux, les attributs du droit de propriété sont au nombre de
trois. Ce sont : le droit d’user, le droit de jouir et le droit de disposer.

- Le droit d’user ou « l’usus ».

Le droit d’user de la chose doit être entendu de façon positive et de façon négative. Si on a le droit de
se servir de sa chose on a tout aussi le droit de refuser de s’en servir. Cependant certaines limites sont
imposées au propriétaire. Ainsi certains usages de la chose considérée comme contraire à certaines
préoccupations générales sont interdites. D’ailleurs l’article 448 du code civil interdit qu’on fasse un usage
prohibé par la loi.

- Le droit de jouir de la chose ou « fructus »

Le droit de jouir lui aussi doit être entendu de façon positive et négative. Du point de vue positif il
signifie que le propriétaire est libre de faire fructifier sa chose en percevant les fruits. Du point de vue négatif,
il signifie que le propriétaire est libre de ne pas faire fructifier sa chose. Cependant le droit haïtien en matière
terrienne comprend une spécificité dans la mesure où la loi du 31 juillet 1975 fait obligation aux propriétaires
fonciers d’exploiter le sol.

- Le droit de disposer ou « abusus »

Le droit de disposer de la chose s’entende de deux façons. Ce peut être une disposition matérielle, ce
qui permet au propriétaire de détruire son bien. Cependant, le plus souvent la disposition revêt de la forme
juridique qui consiste en une aliénation. Que la disposition soit physique ou juridique, elle connaît ces limites.
Par exemple la destruction peut être interdite pour des édifices ayant un caractère historique. De même,
l’aliénation peut être interdite par des clauses d’inaliénation utilisées fortement dès le droit des successions.

24
Par 2 - Les caractères du droit de propriété

Le droit de propriété est caractérisé par son absolutisme, son exclusivité et sa perpétuité.

- L’absolutisme du droit de propriété

Le propriétaire d’un bien dispose de tous les attributs conférés par le droit de propriété. Ceci constitue
la principale distinction du droit de propriété par rapport aux autres droits réels. C’est le cumul de ces trois
prérogatives qui fait dire que le droit de propriété est un droit absolu.
Il ne faut pas croire que l’absolutisme signifie que le propriétaire puisse faire ce qu’il veut de son
bien. En effet l’article 448 C. c. mentionne que le propriétaire ne peut faire de son droit « un usage prohibé par
les lois ou par les règlements ».

- L’exclusivisme du droit de propriété

L’exclusivisme signifie que le propriétaire seul est investi des prérogatives sur la chose. On parle
alors de monopole. Ce dernier peut se trouver à être exercé soit contre l’Etat soit contre les tiers. Toutefois, il
faut mentionner qu’il existe de nombreuses situations où des personnes exercent des droits de même nature
(indivision et copropriété) ou de nature différente (usufruit et nue-propriété) sur une même chose.
- La perpétuité du droit de propriété

La perpétuité du droit de propriété signifie qu’il ne s’acquiert ni ne se perd par le non-usage. C’est
pour cette raison qu’il n’y a pas en matière de propriété de prescription extinctive. Si un tiers est devenu par
suite de son comportement propriétaire, c’est par la prescription acquisitive ou usucapion. Si la prescription
extinctive pouvait jouer, le propriétaire qui n’a pas usé de son bien pendant le délai de prescription devrait
perdre la propriété et si aucun tiers n’a prescrit contre lui, le bien reviendrait donc à l’Etat.
Mentionnons aussi que la propriété peut être temporaire comme c’est le cas en ce qui concerne
l’utilisation de la clause de réserve de propriété ou d’une clause de substitution dans un testament.

Section II – Les types de propriété

Il existe plusieurs types de propriété. Il y a la propriété individuelle, la propriété collective et la


propriété démembrée. En ce qui concerne la propriété individuelle, elle est la forme la plus courante et se
caractérise par l’exercice du droit de propriété par une seule personne.
La propriété collective qui regroupe l’indivision, la mitoyenneté et la copropriété des immeubles bâtis fait
naître l’exercice de droits concurrents par deux ou plusieurs individus. En ce qui concerne la propriété
démembrée des individus exercent des droits différents sur un même bien. Il s’agit d’une séparation des
prérogatives du droit de propriété. Nous l’aborderons au niveau de l’éclatement du droit de propriété.

Par 1 – La propriété individuelle

La propriété individuelle est le modèle de tous les autres types d’exercice du droit de propriété23.
Nous tiendrons compte de son acquisition, de son étendue et de son contentieux.

23
Jean Baptiste SUEBE, Droit des biens, Litec, #106

25
A- L’acquisition de la propriété

Compte tenu de son caractère exclusif, l’acquisition du droit de propriété sur un bien par un individu,
le fait perdre à un autre. Les articles 572 et 573 du C.c. décrit les différentes manières d’acquérir la propriété à
savoir : succession, donation entre vifs ou testamentaire, effet des obligations (contrats translatifs de
propriété), accession, incorporation et prescription. Mise à part, l’accession, on admet en regroupant ses
différentes manières que la propriété s’acquiert par une acte juridique ou par un fait juridique.

1.- L’acquisition de la propriété par un acte juridique

Lorsque l’acquisition résulte d’un acte juridique, l’acquéreur tient ses droits de son prédécesseur.
L’acte peut être un acte unilatéral ou une convention.

a) Acquisition par acte unilatéral

En cas de décès, les droits du défunt sont transmis immédiatement à ses héritiers qui deviendront
propriétaires des biens qui leur seront dévolus à la suite du partage. L’héritier n’acquiert pas des droits
privatifs. Les biens transmis seront en indivision tant que le partage n’a pas eu lieu. En cas de renonciation à
la succession, ce n’est pas l’immédiateté de la transmission qui est atteinte, mais plutôt la transmission elle-
même qui est anéantie.

b) Acquisition par convention

En principe les contrats translatifs de propriété sont marqués par le principe du consensualisme. Ce
qui fait que en cas d’acquisition par contrat, la propriété aussi rapidement que le contrat est formé. C’est le
principe du transfert instantané de la propriété. Ce principe, cependant connaît des limites.

-Limites nées de la volonté des parties. Les parties peuvent décider de limiter l’instantanéité en retardant le
moment du transfert de propriété. (Ex : les clauses de réserve de propriété, les clauses de réitération).

- Limites à la nature de la chose vendue. Si la vente porte sur une chose fongible, le transfert de propriété ne
pourra avoir lieu qu’au moment de l’individualisation des choses. Il en est de même de certaines ventes faites
à la pesée, à la mesure, au comptage (art 1370 à 1372 C.c.).

- Limites résultant de la protection des tiers. L’instantanéité du transfert de propriété tient de la protection des
tiers en matière mobilière et en matière immobilière. En matière immobilière, on a les règles de la publicité
foncière qui viennent perturber l’instantanéité. Ainsi, entre deux acheteurs d’un même immeuble, on préférera
celui des deux acquéreurs qui a procédé aux formalités de publicité plutôt que celui qui a acquis l’immeuble
en premier comme le voudrait le principe de l’instantanéité.
En matière mobilière, la mobilité rejette la nécessité de procéder aux formalités de publicité. C’est
donc la possession qui fait office de publicité24.

2.- L’acquisition de la propriété par un fait juridique

La propriété peut s’acquérir aussi par un fait juridique. C’est le cas notamment de l’occupation, la
possession de bonne foi d’un meuble et de la prescription acquisitive.

24
SEUBE, op. cit. #116

26
a) L’occupation

C’est l’appréhension matérielle d’une chose n’appartenant à personne. Le domaine de l’occupation est
celui des res nullius ou chose sans maître, c’est-à-dire non appropriées. De nos jours, avec l’article 444 Code
civil, les hypothèses d’occupation sont devenues presque impossibles car elles sont attribuées à l’avance à
l’Etat.
Aujourd’hui, les choses sans maître devenant de plus en plus rare, le domaine de l’occupation tend à
se réduire. L’occupation concerne surtout les res nullius (choses sans maître). Les hypothèses d’occupation
sont très difficiles à trouver surtout avec l’article 444 C.c. qui disposent que « tous les biens vacants et sans
maître appartiennent au domaine public » et l’article 574 C.c qui lui aussi attribuent les biens sans maître à
l’Etat. Malgré la formulation utilisée, il ne faut pas croire que l’occupation est pour autant bannie des modes
d’appropriation des biens. En réalité, ces deux articles s’appliquent aux successions en déshérence c'est-à-dire
les successions auxquelles ont renoncé les héritiers celles des personnes décédées sans héritiers. Il est
important de souligner l’article 576 C.c. qui désigne à l’avance le propriétaire d’un trésor trouvé selon que ce
dernier a été découvert dans son propre fonds ou dans le fonds d’autrui.
Actuellement l’occupation se rencontre le plus souvent dans le domaine de la pêche et de la chasse.
En effet c’est par occupation que l’on devient propriétaire du gibier qu’on a abattu. On peut ajouter aussi les
res declitae c'est-à-dire les choses volontairement abandonnées par leur propriétaire et recueillies par d’autres.

b) La possession de bonne foi

L’article 2044 C. c. fait présumer la propriété à celui qui détient de bonne foi un bien meuble.
Cependant ce type d’approbation contient des limites que nous traiterons après avoir abordé le principe posé
par ledit article.

- La règle posée par l’article 2044 C. c.

Il convient de souligner que le principe posé par l’article 2044 C.c. ne concerne pas les biens
immatriculés comme les navires ou les voitures. Les biens meubles visés sont ceux qui ne sont pas
immatriculés.
Les biens corporels sont en principe les seuls soumis à la règle « en fait de meubles, possession vaut
titre » et elle ne s’applique ni aux immeubles, ni aux meubles corporels comme les créances. Cette possession
doit être utile en ce sens qu’elle doit présenter les caractères de l’article 1997 du C.civ. La possession confère
donc au possesseur du meuble un titre nouveau différent de celui qui découle de son auteur et par conséquent
exempt de vices.
Cette possession doit être aussi de bonne foi c'est-à-dire le possesseur doit ignorer de la situation
irrégulière relative au bien. La bonne foi doit exister au moment de l’entrée en possession peu importe que la
vérité apparaisse après. L’appréciation de la bonne foi relève de la compétence des juges de fond et échappe
au contrôle de la cour de cassation.

- Les limites du principe

Malgré la bonne foi du possesseur, on admet qu’en cas de vol ou de perte de la chose que le
propriétaire puisse exercer l’action en revendication. L’action doit être exercée dans le délai de trois ans à
compter de la perte ou du vol. Il s’agit d’un délai préfix qui ne peut pas être suspendu.
En cas de revendication du bien de la part du propriétaire, le possesseur dispose alors d’une action
récursoire contre celui duquel il le détenait. Par exemple en cas d’une vente, l’acheteur pourra assigner le

27
vendeur en garantie. Cependant, si le possesseur a acquis le bien d’un marchand vendant des choses pareilles
(art 2045 C.c.), il pourra avant de restituer le bien exiger que le propriétaire lui rembourse le prix pour lequel
il l’a acquis. Il s’agit ici de préserver la sécurité du commerce.

c) L’usucapion

L’article 1987 C.c. définit la prescription comme « un moyen d’acquérir ou de se libérer par un
certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi ». Cette disposition fait ressortir les deux
fonctions acquisitive et libératoire de la prescription. Quand on parle d’usucapion, il faut voir la prescription
acquisitive. Seuls les droits réels principaux peuvent s’acquérir par usucapion. A souligner l’article 1994 C.c.
qui exclut les choses hors du commerce de l’acquisition par usucapion.

- Les conditions de l’usucapion

Pour que l’usucapion puisse produire des effets, trois conditions tenant au fait de la possession, à
l’inaction du possesseur et à l’écoulement du temps sont nécessaires.

Le fait de la possession. Pour que la prescription puisse être effective, la possession doit être
pleinement constituée dans ses éléments matériel et psychologique et qu’elle soit utile. Ainsi le détenteur
précaire ne saurait prescrire. Un simple acte de tolérance ne saurait donner droit à la prescription acquisitive.
Pour prescrire, il n’est pas nécessaire de remplir soit même la durée de 20 ans ou de 10 ans. En effet, il est
possible de joindre à sa possession celle de son auteur. C’est ce qu’on appelle la jonction de possession prévue
par l’article 2003 C.c. Cette jonction de possession s’explique par la brièveté de la vie au moment de
l’élaboration de notre code civil fortement inspiré par le code Napoléon. Notons qu’ il existe aussi une
prescription de 15 quand le véritable propriétaire se trouve hors du territoire de la République.

L’inaction du propriétaire. L’usucapion consacre à la fois un fait positif du possesseur mais aussi un
fait négatif du propriétaire à savoir son désintéressement de son bien. Si le propriétaire réagit avant
l’écoulement du délai de prescription, cette dernière est alors interrompue ou suspendue.
L’interruption anéantit définitivement le temps de possession déjà écoulé. Il faut donc recommencer à
zéro. L’interruption peut être civile ou naturelle. Elle est civile lorsqu’elle résulte d’une citation en justice,
d’une lettre ou d’un commandement signifié à celui qu’on veut empêcher de prescrire (art 2012 C.c.).
L’interruption naturelle résulte de la perte par le possesseur de la jouissance de la chose pendant une durée
d’au moins une année (art 2011 C.c.).
La suspension stoppe provisoirement le cours de prescription. A ce titre, l’article 2019 C.c. dispose
que la « la prescription court contre toute personne à moins qu’elles ne soient dans quelque exception établie
par la loi ». Il ne peut donc exister que des causes légales de suspension de la prescription. Nous pouvons
citer à titre d’exemple l’article 2020 C.c. qui écarte la prescription contre les mineurs non émancipés et les
majeurs en tutelle. Il s’agit d’une consécration du principe selon lequel « la prescription ne court pas contre
celui qui n’est pas à même d’agir ». La suspension de la prescription dans les exemples précités se comprend
amplement dans la mesure où elle sanctionne la négligence ou le désintéressement du propriétaire. On ne peut
parler d’un tel comportement quand le propriétaire se trouvait dans l’impossibilité d’agir.
Condition tenant à l’écoulement du temps. L’écoulement du temps est le facteur le plus important de
la prescription acquisitive. C’est ce qui justifie que le code civil y a consacré deux articles à savoir les articles
2028 et 2029. Il convient ensuite de distinguer la prescription de droit commun qui est de 20 ans et la
prescription abrégée qui est de 10 ans. Selon l’article 2033 du C.c. pour bénéficier de la prescription abrégée il
faut acquérir de bonne foi et par juste titre. La notion de juste titre n’a pas été définie par le code civil. La

28
jurisprudence haïtienne y voit le fait juridique, convention ou déclaration, qui donne naissance à un droit,
plutôt que l’acte ou l’écrit constatant ce fait25.

- Les effets de la prescription

Les effets de la prescription sont liés à son automaticité. Le possesseur n’est pas obligé de devenir
propriétaire une fois qu’il remplit les conditions de la prescription acquisitive ou usucapion. Ainsi peut-on
tenir compte de la volonté de prescrire et de celle de ne pas prescrire.
En ce qui concerne la volonté de prescrire, l’article 1991 C.c. dispose que « les juges ne peuvent pas
suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ». En principe l’invocation de la prescription se fera
par le possesseur par voie d’exception c'est-à-dire qu’il l’opposera au revendiquant. Cependant rien
n’empêche celui qui a prescrit d’exercer une action en usucapion et demande au tribunal de constater sa
prescription. Relativement à la volonté de ne pas prescrire, l’article 1988 C.c dispose que « on ne peut
d’avance renoncer à la prescription acquise. » Donc on ne peut renoncer à une prescription qui n’a pas
commencé à courir, mais on peut renoncer à une prescription acquise. En dernier lieu soulignons que la
prescription a un caractère rétroactif dans la mesure où elle fait acquérir au possesseur le droit exercé depuis le
jour où la possession avait commencé.

B- L’étendue de la propriété

L’étude de l’étendue du droit de propriété peut être envisagée sous deux angles. D’abord on peut se
pencher sur l’objet de la propriété c'est-à-dire ce sur quoi les prérogatives du propriétaire s’exercent et ensuite
la manière dont ce droit s’exerce.

1.- L’objet propre de propriété

La distinction des meubles et des immeubles joue ici un grand rôle dans la mesure où il existe des
mécanismes propres aux meubles et aux immeubles.

a) Les règles propres aux immeubles


Une section du code civil est intitulée « du droit d’accession relativement aux choses immobilières »
Il s’agit d’un consécration de la règle selon laquelle la propriété du sol emporte celle du dessus et de dessus.
En réalité cette règle ne se rattache pas à l’accession mais plutôt à l’assiette de la propriété lorsqu’il porte sur
un immeuble et d’autres relatives à l’accession immobilière.

-L’assiette du droit de propriété exercée sur un immeuble

La propriété d’un immeuble entraîne la propriété du dessus, du dessous. Le cas des droits sur l’eau a
connu une certaine évolution. Nous verrons successivement la propriété du dessus, du dessous ainsi que le cas
des cours d’eaux, rivières……… .

La propriété du dessus. L’article 457 dispose « la propriété du sol emporte la propriété du dessus ».
L’expression propriété du dessus, ne signifie pas que le propriétaire du sol puisse exercer un monopole sur
l’espace se situant au-dessus de son terrain mais plutôt que le propriétaire du sol a le droit d’utiliser l’espace
aérien situé au-dessus du sol pour un usage normal. Ainsi le propriétaire du fond peut s’opposer à tout
empiètement au-dessus de son fond. Il peut donc contraindre son voisin à couper les branches qui débordent

25
C. cass., arrêt du 26 janvier 1948, Bull 1948-1949

29
sur son terrain (art 542 C.c, 3e alinéa). C’est la propriété du dessus qui permettra au propriétaire du terrain
d’effectuer les constructions en hauteur. Mais l’exercice de la propriété du dessus connaît certaines limites. En
effet, l’article 457 C.c prévoit la prise en compte des exceptions établies au titre des servitudes ou services
fonciers. Ces servitudes se sont multipliées notamment avec les textes relatifs à l’urbanisme, l’environnement,
la voirie, l’aviation civile pour ne citer que cela.

La propriété du dessous. De même que le propriétaire a la propriété du dessus, il a aussi la propriété


du dessous. Comme le précise l’article 457 C.c la propriété du dessous permet au propriétaire d’effectuer des
fouilles et de tirer profit de tous les produits qu’elles pourraient fournir. Cependant l’exercice de la propriété
du dessous peut se heurter à des exigences relevant de l’intérêt public ou de certaines législations particulières
(ex : la législation sur les mines et les carrières).

-Les prérogatives sur les eaux

Il convient de distinguer les eaux de pluie, les eaux de source, les étangs et lacs et les cours d’eau. Le
code civil en a établit un régime. Cependant, ce dernier tant à évoluer surtout sous l’influence du droit
de l’environnement.

Les eaux de pluie. L’eau de pluie appartient au propriétaire du fonds sur lequel elle tombe. Ce dernier
peut donc en user et en disposer comme bon lui semble. On peut y voir soit une hypothèse d’accession soit un
cas d’occupation. En usant de cette eau le propriétaire ne doit pas porter atteinte à la servitude d’écoulement
des eaux (Ex : modifier sans indemnisation le débit ou la direction de l’écoulement).
En ce qui concerne les eaux de source, les cours d’eau, les rivières, ils ne peuvent être l’objet de
propriété privé car ils font partie du domaine public de l’Etat (art 15 de la Constitution de 1987). Le
propriétaire du sol pourra avoir qu’une indemnisation en cas d’exploitation par l’Etat ou le concessionnaire.

Le régime juridique des eaux. Devoir pour les étudiants.

a-2) L’accession immobilière

Aux termes de l’article 451 du C.c « la propriété d’une chose mobilière ou immobilière donne droit
sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement, ce
droit s’appelle droit d’accession. » En ce qui concerne les immeubles il faut tenir compte de l’accession par
production et de l’accession par incorporation.

- L’accession par production

L’accession par production est prévue dans les articles 452 à 455 du C.c. et permet au propriétaire
d’exercer son droit sur tout ce que produit son bien (fruits civils ou naturels, produits, le croit des animaux). Il
faut rappeler que si le propriétaire a concédé la jouissance à quelqu’un d’autre, ce dernier pourra récolter les
fruits et non les produits. Il en est de même pour le possesseur de bonne foi tandis que le possesseur de
mauvaise devra restituer non seulement les fruits mais aussi les produits.

- L’accession par incorporation

L’incorporation peut être naturelle ou artificielle. Nous verrons tour à tour ces deux formes
d’acquisition de la propriété.

30
L’incorporation naturelle. On peut parler d’incorporation naturelle lorsque le phénomène a eu lieu
sans la main de l’homme. On peut avoir l’incorporation d’un meuble à un immeuble ou l’inverse. Par exemple
un aérolite appartiendra au propriétaire sur le fonds duquel il s’est déposé. Le plus souvent on rencontre
l’incorporation pour deux immeubles. C’est le cas des alluvions, des relais, des avulsions, des formations d’île
et du changement de cours d’eaux dont le code civil en a consacré des dispositions (voir art 462 et suivant du
code civil). Les alluvions sont « les accroissements de terrain qui se forment le long des rives du fait du dépôt
des sédiments ». Les relais sont « les terrains qu’abandonne l’eau courante pour se porter la rive opposée».
L’alluvion appartient au propriétaire du terrain sur lequel elle se dépose et les relais profitent au propriétaire
de la rive découverte. Le riverain d’à coté ne pourra pas réclamer les terrains qu’il a perdu. Les avulsions sont
des arrachements d’une partie considérable et reconnaissable du terrain que le cours d’eau a déposé sur un
fonds inférieur ou sur la rive opposée. Le propriétaire du fonds arraché pourra le réclamer pendant un an (art
464 C.c).

L’incorporation artificielle. L’incorporation artificielle est le fruit de la main de l’homme et se traduit


souvent par l’érection de construction ou en la plantation de végétaux. En se basant sur la propriété du dessus.
Le code civil (art 457 C.c) pose au profit du propriétaire une présomption de propriété des constructions ou
des plantations érigées sur le fonds. Cette présomption est renforcée par l’article 459 C.c.
En cas de construction ou de plantations faites par le propriétaire d’un fonds avec des matériaux ne
lui appartenant pas, il est tenu d’indemniser le propriétaire de ces matériaux qui n’a pas le droit de les enlever
(art 460 C.c.). Le propriétaire de l’immeuble devient propriétaire des matériaux et des végétaux qui ont été
incorporés à son fonds sans qu’il soit nécessaire de se questionner sur sa bonne foi ou non.
Relativement aux constructions et plantations faites sur le terrain d’autrui, le code civil (art 461 C.c.)
distingue selon que la construction est de bonne foi ou pas. Si le constructeur est de bonne foi il sera
indemnisé mais perd les constructions et végétaux. S’il est de mauvaise foi le propriétaire peut choisir soit de
les conserver et devra alors payer le constructeur, soit d’obliger le constructeur de les enlever. S’il opte pour la
destruction, elle sera faite aux frais du constructeur.

b) Les règles propres aux meubles

Moins fréquente il est vrai, l’accession peut se rencontrer aussi en matière mobilière. Comme pour les
immeubles elle peut avoir lieu naturellement au artificiellement.

-L’accession naturelle

L’accession naturelle concerne surtout le croit des animaux. En général, la progéniture de la femelle
qui met bas appartient à son propriétaire. Cependant des conventions peuvent exister entre le propriétaire du
mal et celui de la femelle en ce qui concerne la propriété

-L’accession artificielle

Les conditions de l’accession artificielle mobilière sont difficiles à remplir de sorte que ses effets se
produisent rarement.

Les conditions de l’accession artificielle mobilière. L’accession mobilière suppose trois conditions :
il faut que deux biens mobiliers appartenant à deux propriétaires différents s’incorporent, l’incorporation ne
doit pas résulter d’une convention, il faut que l’article 2044 C.c ne trouve pas à s’appliquer.

Les effets de l’accession artificielle mobilière. Le code civil distingue trois effets possibles :

31
L’adjonction. C’est l’union de deux choses formant un tout mais restent néanmoins séparables de
sortes qu’elles puissent subsister l’une sans l’autre. L’ensemble formé appartient alors au propriétaire de la
chose qui forme la partie principale selon des critère d’utilité, de valeur ou de quantité à charge pour lui de
payer à l’autre propriétaire la valeur de la chose adjointe (art 467 et 468 C.c).
La spécification. C’est la formation d’une chose nouvelle, par le travail d’une personne, sur un
meuble appartenant à une autre (art 470 C.c.). Dans ce cas, la propriétaire peur récupérer la chose en
désintéressant l’artisan, à moins que le labeur ne dépasse la valeur de la chose ; il faut alors choisir la solution
inverse (art 471 C.c.).
Le mélange. C’est la fusion de deux choses de sorte que la séparation soit impossible (art 473 C.c).
Différentes solutions allant de l’indivision à l’exclusion sont possibles (art 473 et suivants).

2- L’exercice du droit de propriété

Le droit de propriété n’est pas sans limite dans son exercice. Les limitations peuvent provenir des
servitudes ou encore des obligations résultant du voisinage.

a) Les servitudes légales


Certaines servitudes visent la protection de l’intérêt de la collectivité tandis que d’autres visent l’intérêt d’une
personne privée, plus particulièrement celui du voisin.

- Les servitudes légales d’utilité publique

Les servitudes d’utilité publique sont visées par l’article 526 du C.c. Il n’est pas possible de dresser
une liste exhaustive des servitudes d’utilité publique. Cependant nous pouvons citer les servitudes
d’urbanisme, d’environnement, de voirie………. Leur nature juridique a posé certains problèmes dans la
mesure où elles ne contiennent pas l’ensemble des éléments caractérisant les servitudes de droit privé26.

-Les servitudes d’utilité privée

L’exercice du droit de propriété peut entraîner des empiètements sur la propriété de son voisin. Le
code civil a posé des servitudes de voisinage dont le but est de faciliter la coexistence entre personnes privées.
Ce sont les servitudes d’écoulement des eaux, le respect de certaines distances et le passage en cas d’enclave.

L’écoulement des eaux. L’article 548 C.c établit une servitude relative à l’égout des toits. Les fonds
inférieurs peuvent recevoir les eaux qui découlent naturellement des fonds qui sont plus élevés.

Le respect de certaines distances. Le code civil a posé certaines distances à respecter pour planter,
construire ou faire des ouvertures afin de ne pas gêner son voisin. La limite légale est (art 542 C.c) de six
pieds de la ligne séparative des deux propriétés (art 549 C.c).

Le passage en cas d’enclave. La propriétaire du fonds peut réclamer passage, à charge d’une
indemnité proportionnée au dommage occasionné sur le fonds de ses voisins. L’enclave est constituée d’une
insuffisance d’accès à la voie publique qui se justifie par le droit d’accéder à la voie publique et l’utilisation
normale du fonds enclavé. A défaut d’accord entre les parties, le juge pourra déterminer l’étendue de la
servitude ainsi que le montant de l’indemnisation.

26
Par exemple elles n’ont pas de fonds dominant.

32
b) Les relations de voisinage

Le propriétaire dans l’exercice de son droit de propriété ne peut pas causer de dommage à son voisin
sans engager sa responsabilité civile. Deux arguments ont été invoqués : la théorie de l’abus de droit et les
troubles anormaux de voisinage.

-La théorie de l’abus de droit.

Il y a abus de droit lorsqu’une personne en use dans une intention malveillante. Ainsi une personne ne
doit pas poser d’actes sur son propre terrain qui nuiraient inutilement ses voisins. Cette théorie n’est pas
toujours efficace à protéger les voisins. L’ère industrielle a augmenté de façon considérable les cas où une
activité licite occasionne des troubles aux voisins (par exemple : une industrie, la Téléco de Pont-Morin ….).
On ne peut parler de faute commise par le propriétaire dans ces situations sans compter que ses activités sont
utiles à la Société. Face à l’absence de faute on peut recourir aux troubles anormaux de voisinage.

-Les troubles anormaux de voisinage

La vie en société peut entraîner des gênes sans qu’il y ait de faute de part et d’autre. La théorie des
troubles anormaux de voisinage veut que « nul ne doit causer de trouble anormal de voisinage ». En d’autres
termes, les troubles sont acceptés du moment qu’ils ne dépassent pas le seuil normal de nuisance qui doit
résulter de la vie en société. L’anormalité du trouble relève du pouvoir souverain des juges de fond et varie
donc selon des circonstances de temps et de lieux. A noter que le domaine des troubles de voisinage ne
concerne pas uniquement les voisins mais aussi les locataires, les entrepreneurs sur un même fonds. Il faut
donc une proximité entre les individus.

C – Le contentieux de la propriété

Diverses techniques assurent la protection de la propriété. Ces techniques relèvent du droit privé, du
droit public et même du droit international. Nous verrons d’abord la protection de la propriété et ensuite la
preuve de la propriété.

1- La protection de la propriété

Il arrive que la propriété soit l’objet de menace par la puissance publique. C’est pour cette raison que
le Législateur a rédigé l’article 448 C.c en des termes si absolus. Cependant certaines menaces peuvent
provenir aussi de personnes privées.

a) La protection face à la puissance publique

Quoique étant un droit sacré et inviolable, la propriétaire peut se trouver priver de son bien par
l’expropriation, la réquisition, la nationalisation ou la confiscation. Cependant les deux dernières ne pourront
avoir lieu pour motifs politiques (art 36-2 Constitution de 1987). L’expropriation est possible pour cause
d’utilité publique et moyennant le paiement ou consignation ordonnée par la justice (art 36-1 Constitution de
1987). Certaines garanties concernant la procédure d’expropriation existent dans le code civil (art 449 C.c) et
dans la constitution. La défense de la propriété est de la compétence des tribunaux civils. Ils apprécient les
atteintes faites à la propriété.

33
b) La protection de la propriété face aux personnes privées

Dans ce cas, les modes de protection sont forts variés. On se contentera ici de tenir compte de l’action
en bornage et de l’action en revendication.

- l’action en bornage

L’article 525 C.civ. reconnaît à tout propriétaire le droit de se close. A son tour l’article 524 C.civ
reconnaît à tout propriétaire le droit de demander à ce que son fonds soit délimité des fonds voisins. Les droits
pré-mentionnés se matérialisent par l’action en bornage. Elle consiste à déterminer une ligne séparative entre
deux fonds à l’aide de signe matériels. Pour qu’elle soit possible, il faut que les terrains soient contigus et
qu’ils ne se délimitent par aucune frontière naturelle comme un rivière ou un fossé. Lorsque l’un des fonds fait
partie du domaine public, seul l’Etat peut poursuivre le bornage.
L’action en bornage est une action réelle pétitoire immobilière et est un acte facultatif. En tant que tel,
elle est imprescriptible (2000 C.c). Le bornage est définitif et rend irrecevable toute action ultérieure de même
nature, mais n’établit pas la preuve de la propriété.

- l’action en revendication

Action pétitoire par excellence, l’action en revendication est celle par laquelle le propriétaire demande
à ce que son droit de propriété soit reconnu et qu’on lui restitue la possession du bien revendiqué. L’action en
revendication peut porter sur les meubles et les immeubles.
Le plus souvent l’action en revendication mobilière échoue sur la protection conférée par le
possesseur de bonne foi (art 2044 C.c.). Pour avoir gain de cause le propriétaire devra démontrer soit que le
possesseur est en réalité un détenteur précaire soit qu’il est de mauvaise foi.
En ce qui concerne la revendication immobilière, le tribunal compétent est le tribunal civil du lieu de
l’immeuble litigieux. L’effet principal de l’action en revendication immobilière est la restitution de
l’immeuble et de ses accessoires au propriétaire. L’action en revendication entraîne un effet secondaire qui est
celui de l’apurement des comptes c'est-à-dire le calcul des sommes dues par le possesseur (de bonne foi) au
propriétaire et celles dues par le propriétaire au possesseur. Dans tous les cas les produits doivent être restitués
par le possesseur au propriétaire. Pour la restitution des fruits, il faudra tenir compte selon que le possesseur
de bonne ou de mauvaise foi (art 454 C.c).
Dans d’autres situations on peut recourir, pour le calcul des comptes, à la théorie des impenses. Elle
vise à ce que le propriétaire ne profite pas indûment des améliorations et des investissements faits par le
possesseur pendant la possession. Le critère n’est pas la bonne ou mauvaise foi mais plutôt la nature des
impenses réalisées :
Nécessaires c'est-à-dire indispensable à la conservation de la chose, elles lui seront intégralement remboursés
(art 1167 C.c)
Utiles c’est-à-dire sans être nécessaires mais ont procuré une amélioration, elles lui seront remboursées
jusqu’au plus value conféré à l’immeuble.
Somptuaires c'est-à-dire qu’elles relèvent du goût personnel du possesseur, elles ne donnent lieu à aucun
remboursement.
Après avoir comptabilisé les sommes dues, on fait un compte. Si le solde est favorable au possesseur, il
dispose d’un droit de rétention qui lui permet de garder le bien tant qu’il n’est pas désintéressé.

34
2- La preuve de la propriété

a) Preuve de la propriété d’un meuble

Etant donné qu’en matière de meuble possession vaut titre, celui qui possède de bonne foi un meuble,
prouve par là sa propriété. La corrélation existant entre la possession et la propriété enlève à la preuve de la
propriété mobilière une grande partie de son importance. Il en va différemment pour la propriété immobilière.

b) Preuve de la propriété immobilière


Il n’y a pas de dispositions légales spécifiques à la preuve de la propriété. Rappelons que la propriété
s’acquiert par un acte ou un fait juridique. Dès lors la preuve de cet acte ou de ce fait entraînera celle la
propriété. Ce système connaît deux problèmes : d’abord il n’existe pas de preuve officielle de la propriété,
ensuite en application de l’adage Nemo plus juris….il faudrait pour se considérer comme propriétaire remonter
les successions de ventes et de reventes sur un bien pour vérifier que chaque auteur en était effectivement
propriétaire. Une telle preuve est pratiquement impossible. On parle dans ce cas de « probatio diobolica »..

- La charge de la preuve

Conformément à l’adage Actori incumbit probation, c’est celui que se prétend propriétaire d’un bien
qui doit le prouver.

- Les modes de preuve

Les conflits de preuve sont possibles en matière immobilière. On commencera d’abord par faire un
inventaire des modes de preuve avant d’aborder les conflits pouvant en résulter.
En matière de propriété, la preuve est libre. On peut recourir soit aux titres de propriété, soit à la
possession, soit aux indices. Le titre de propriété n’amène pas la preuve irréfutable que l’acheteur est
véritablement propriétaire. Pour cela il faudrait que le vendeur l’ait été effectivement. Cependant le titre de
propriété rend le droit meilleur et plus vraisemblable. Rappelons tout simplement que la possession,
lorsqu’elle remplit les conditions de durée et qu’elle n’est pas viciée peut amener à l’usucapion. En dernier
lieu divers indices peuvent être utilisés pour conforter la preuve de la propriété. Ce sont par exemple : le
paiement d’impôts, les déclarations de tiers….. etc
Au cours d’un procès, chaque plaideur peut avancer la preuve de sa propriété sur le bien. Trois
hypothèses sont traditionnellement considérées.
D’abord possession contre possession. Si deux plaideurs invoquent des faits possessoires, le juge doit
se prononcer en faveur de la possession la mieux caractérisée. Il tiendra compte alors de l’ancienneté mais
aussi de la qualité.
Ensuite on a le cas de titre contre titre. Le litige sera alors réglé en appliquant les règles de la
publicité foncière s’ils détiennent leur titre d’un même auteur. Le premier à avoir procédé à la publication aura
rendu son droit opposable à l’autre et lui sera préféré. S’ils détiennent leur titre d’auteur différent, on donnera
alors préférence à celui qui est le plus vraisemblable c'est-à-dire celui qui est le mieux conforté par des faits de
possession.
Enfin dans le cas de titre contre possession, le critère est celui de l’antériorité. Si le titre est antérieur
à la date de commencement de la possession, sous réserve de l’usucapion, le détenteur du titre sera préféré.
Inversement si la possession a commencé avec la naissance du titre, le possesseur l’emportera car un titre qui
ne s’accompagne pas d’une entrée en possession parait suspect.

35
Sous-section II- La propriété démembrée

Le propriétaire réunit enter ses mains les trois prérogatives du droit de propriété. Mais ces derniers ne
sont pas indissociables. Il est fort possible que les prérogatives du droit de propriété soient exercées par des
personnes différentes. Dans une pareille situation on parle de démembrements ou d’éclatement du droit de
propriété qui comprend quatre possibilités à savoir l’usufruit (par 1), les servitudes (par 2), l’emphytéose (par
3) et le droit de superficie (par 4). Les deux premiers constituent les principaux cas de démembrement.
L’emphytéose et le droit de superficie ne constituent que des situations exceptionnelles.

Par 1- L’usufruit

L’article 478 du code civil définit l’usufruit comme « le droit de jouir des choses dont un autre a la
propriété comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance ». Juridiquement
l’usufruitier est investit des droits de jouir et d’user de la chose d’autrui. Le propriétaire dépouillée de la
jouissance et de l’usage garde le droit de disposer, d’où le non de nu-propriétaire. Economiquement, l’usufruit
constitue un mode de gestion des biens mettant la conservation de cette dernière à la charge de l’usufruitier. Il
est aussi un mode de vie qui assure à son bénéficiaire un moyen d’existence27.
L’usufruit doit être distingué du droit d’usage et d’habitation (art 512 C.c.) et de ceux du locataire qui
constituent des notions voisines mais qui ne se confondent pas avec lui.
Bien qu’ils constituent des droits réels, les droits d’usage et d’habitation ne visent à satisfaire que les
besoins de leur titulaire et de leur famille. Il en résulte que le titulaire du droit d’usage et d’habitation ne peut
ni le louer ni le céder. On a pu y voir un « diminutif personnalisé28 » de l’usufruit.
La distinction avec les droits du locataire est plus aisée puisqu’ils sont des droits personnels qui prennent
naissance dans le contrat conclu entre le bailleur et le preneur tandis que l’usufruit confère un droit réel sur la
chose.
L’usufruit peut porter sur les meubles comme sur les immeubles (art 478 C.c.), sur les choses corporelles
et sur les choses incorporelles. Il est donc possible d’établir un usufruit sur une servitude, un droit d’usufruit,
un droit de superficie ou encore une simple créance. Sa nature varie en fonction de l’objet sur lequel il porte.
Lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible on parle de quasi-usufruit.

A- La constitution de l’usufruit

1-Les sources de l’usufruit

Les source de l’usufruit sont prévues par l’article 478 du code civil rédigé en ses termes : « l’usufruit
est établi par la loi, ou par la volonté de l’homme ». Cette énumération incomplète mérite qu’on lui ajoute la
possession.

a) Naissance de l’usufruit par effet de la loi

Quelqu’un peut se voir instituer usufruitier d’office du moment que certaines conditions sont
remplies. Il y a usufruit légal dans le cas de l’article 325 du code civil qui confère aux père et mère un droit de
jouissance légale sur les biens de leur enfant mineur.

27
G. CORNU, Droit civil, introduction, les personnes, les biens, Montchrestien,4e édition
28
G. CORNU # 1319

36
b) Naissance par la volonté de l’homme

L’usufruit peut prendre naissance par la volonté de l’homme qui se matérialise soit dans un acte juridique.
Cet acte peut être soit une convention conclue entre le propriétaire et le bénéficiaire ou un testament. La
naissance de l’usufruit par la volonté peut emprunter deux voies. Ce peut être le propriétaire qui concède
l’usufruit à une autre personne en se réservant la nue-propriété ou encore il peut garder l’usufruit et céder la
nue-propriété à une autre personne.

c) Naissance par l’effet de la possession

Rappelons que l’usufruit peut porter même sur des démembrements du droit de propriété. La prescription
ne se limitant pas au seul droit de propriété, il peut arriver que par l’effet d’une possession prolongé l’usufruit
puisse s’acquérir par la prescription. Ainsi celui qui est institué usufruitier de bonne foi et par un juste titre le
devient réellement au bout de dix ans.

2-L’entrée en jouissance de l’usufruitier

a) L’inventaire

L’article 492 du code civil met l’inventaire à la charge de l’usufruitier. Cet inventaire sert à apprécier
l’état des biens au moment où l’usufruit prendra fin. L’usufruitier peut être libéré de l’obligation de dresser
inventaire par le propriétaire qui peut l’en dispenser étant donné qu’il a pour but de protéger les intérêts de ce
dernier. Sinon le défaut d’inventaire est sévèrement sanctionné par le refus par le propriétaire de lui délivrer le
bien29. Le défaut d’inventaire permet au propriétaire de prouver par tous les moyens les biens soumis à
l’usufruit.

b) La caution de jouir du bien en bon père de famille

L’article 478 du code civil met à la charge de l’usufruitier « la conservation de la substance de la chose ».
L’usufruitier doit donc conserver la chose et la restituer au propriétaire en fin d’usufruit. Lorsque le bien a été
détérioré, l’usufruitier sera débiteur envers le nu-propriétaire et les restitutions ne pourront se faire qu’en
valeur. La fourniture de caution a pour but de protéger le nu-propriétaire contre les dégradations éventuelles
de la chose donnée en usufruit.
Le propriétaire peut dispenser l’usufruitier de donner la caution. En cas de refus de la part de l’usufruitier,
il peut refuser de délivrer le bien tant que la caution n’a pas été fournie. A défaut de caution, une tierce
personne pourra administrer l’immeuble tandis que les meubles périssables, objet de l’usufruit seront vendus.
Les sommes provenant de cette vente seront placées sous séquestre (art 439 C.c.).

B- Les effets de l’usufruit

Il n’y a pas d’obligation entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Le deux exercent des droits concurrents
sur un même bien. Les rapports existant entre eux se caractérisent par leur indépendance dans la mesure où
chacun d’eux a des droits distincts sur la chose et par leur complémentarité puisque les prérogatives découlant
de la situation doivent s’exercer dans un respect mutuel.

29
Ce refus de délivrance ne constitue pas une déchéance de l’usufruit et peut s’interpréter comme une exception d’inexécution.

37
1-La condition juridique de l’usufruitier

L’usufruitier est titulaire de certains droits sur la chose. L’usufruit est cependant un droit temporaire et le
droit de propriété peut se retrouver pleinement constitué entre les mains du nu-propriétaire ou de ses ayants
causes. Afin de préserver l’intérêt de ces derniers, l’usufruit emporte aussi des obligations.

a) Les droits de l’usufruitier

L’article 478 du code civil assimile l’usufruit au propriétaire en disposant que «c’est le droit de jouir des
choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même ». Cependant il ne faut pas oublier qu’il
lui faut conserver la substance de la chose. Ce droit de jouissance concerne l’usage de la chose ainsi que la
perception des fruits. Nous verrons enfin le pouvoir de gestion de l’usufruitier ainsi que la cession de
l’usufruit..

L’usage. L’usufruitier peut se servir de la chose en respectant sa destination. Lorsque l’usufruit porte sur
des choses consomptibles, l’usufruitier peut s’en servir mais il devra les restituer à la fin de l’usufruit en
pareille quantité, qualité et valeur ou de restituer la valeur estimée à la date de restitution (art 484 C.c.) C’est
le quasi-usufruit.

La perception des fruits. L’usufruit constitue un moyen de subsistance puisque l’usufruitier perçoit
les fruits pour son compte. Deux points méritent une attention particulière à savoir la distinction entre fruit et
produit et la date de la perception des fruits.
L’usufruitier a droit à la perception des fruits et non aux produits puisque ces derniers altèrent la
substance de la chose30. Cependant la distinction entre les fruits et les produits n’est pas toujours facile. Par
exemple une forêt peut générer des fruits et des produits. On parle de fruits lorsque ce sont des bois de taillis
destinés à être coupés à intervalles réguliers et repoussant sur leur souche et de produits lorsque des bois de
hautes futaies ont mis des années pour arriver à leur âge de coupe31. La destination de la chose joue un rôle
important dans la détermination de la nature de l’usage qu’on peut en faire.
La date de la perception commence le premier jour de l’usufruit et se termine le dernier jour de celui-
ci. Les modalités de la perception varient en fonction de la nature des fruits. En ce qui concerne les fruits
industriels et naturels32, leur acquisition se fait par perception. Pour que l’usufruitier puisse en jouir, ils
doivent être recueillis avant la fin de l’usufruit (art 482 C.c). Par contre les fruits civils33 s’acquiert jour par
jour et appartiennent à l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit.

Le pouvoir de gestion de l’usufruitier. La jouissance de la chose nécessite la capacité de conclure


certains actes juridiques et celle d’intenter certaines actions en justice.
Lorsque la conclusion d’un bail se traduit par la perte de valeur de la chose grevée en usufruit, il faut
chercher à concilier les intérêts de l’usufruitier et ceux du nu-propriétaire.
L’usufruitier peut intenter des actions en justice pour défendre son droit. Il dispose d’une action
pétitoire lui permettant de faire reconnaître son droit en justice. Il dispose aussi des actions possessoires. En
outre il peut intenter toutes les actions personnelles découlant de son droit (action en résiliation, action en
paiement ……………….).

30
Rappelez-vous que l’usufruitier a l’obligation de conserver la substance de la chose.
31
J-B SEUBE, op. cit., # 269-1
32
Les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre (le produit et le croit des animaux). Les fruits industriels sont ceux qu’on obtient
par la culture (art 481 C.c..h)
33
Les fruits civils n’ont pas été définis par le code civil. Le législateur s’est-il contenté de procéder à une énumération (voir art 481 du code civil
haïtien). Certains auteurs (F. TERRE et P. SIMLER, Droit civil. Dalloz, les biens, 5e édition, # 110) les définissent comme « les revenus périodiques
dus par les tiers auxquels le propriétaires a concédé la jouissance de la chose ».

38
La cession de l’usufruit. Aux termes de l’article 489 du code civil « l’usufruitier peut……………….
même vendre ou céder son droit à titre gratuit ». Cependant le cessionnaire ne peut étendre l’usufruit, qui est
temporaire, au-delà de ce qui est prévu initialement pour la reconstitution du droit de propriété. Donc il ne
peut avoir de transmission de l’usufruit à cause de mort. Mais il est possible de percevoir une partie du prix en
cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété.

b) Les obligations de l’usufruit

Le code civil prévoit différentes obligations pesant sur l’usufruitier. Ces charges ne puisent pas leur
source dans un rapport d’obligations avec le nu-propriétaire mais dans la perspective de la reconstitution de la
propriété ou encore par le bénéfice que l’usufruitier retire de la chose. L’usufruitier a deux obligations
principales : jouir de l’usufruit en bon père de famille et supporter les charges usufructuaires.

L’obligation de jouir en bon père de famille. L’obligation de jouir en bon père de famille est prévue
par l’article 493 du code civil ainsi rédigé « Il donne caution de jouir en bon père de famille…….. ». Ceci
signifie que l’usufruitier doit jouir de la chose comme le ferait le propriétaire lui-même. L’expression bon père
de famille entraînent des obligations diverses. Par exemple l’usufruitier doit conserver la substance de la
chose, ce qui est incompatible avec une utilisation abusive ou une utilisation qui ignore la destination de la
chose grevée d’usufruit34. L’usufruitier doit aussi dénoncer au propriétaire les usurpations ou autre atteinte à
son droit de propriété par des tiers et il est responsable de tous les dommages qui peut en résulter pour le
propriétaire ( art 503 C.c.).

L’obligation de payer les charges usufructuaires. L’usufruitier doit payer les charges annuelles (par
exemples : impôts fonciers, charges fiscales) portant sur la chose donnée en usufruit (art 498 C.c.). Cette règle
s’applique même pour l’usufruitier universel ou à titre universel c’est-à-dire lorsque l’usufruit porte sur tous
les biens ou sur une quote-part des biens d’une succession. Parmi les charges usufructuaires il faut
mentionner les réparations d’entretien qui sont les plus lourdes.

Les réparations d’entretien. Selon l’article 496 du code civil « l’usufruitier n’est tenu qu’aux
réparations d’entretien ». Leur définition se fait par opposition aux grosses réparations qui sont à la charge du
propriétaire. En effet l’article 496 ne définit pas les grosses réparations mais en donne une énumération
limitative. Ce sont : les réparations des gros murs, ou de ce qui en tient lieu et des voûtes, le rétablissement
des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement, de clôture, aussi et
entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien et donc à la charge de l’usufruitier. Cette rigueur envers
l’usufruitier s’explique par la volonté de protéger le nu-propriétaire et de ne pas laisser le bien se dégrader du
fait d’un usufruitier négligent35 .

Sanction du défaut de réparations d’entretien. Le refus par l’usufruitier d’exécuter les réparations
d’entretien l’expose à des sanctions. En premier il peut être responsable de des grosses réparations qui sont
rendues nécessaires par le défaut d’entretien (art 496 C.c.) depuis l’ouverture de l’usufruit. Ensuite il s’expose
à des actions judiciaires. Le nu-propriétaire peut faire réaliser les travaux et se retourner ensuite contre conter
l’usufruitier. En revanche, l’usufruitier ne peut pas contraindre le nu-propriétaire à exécuter les grosses
réparations. Signalons que le défaut d’entretien peut être une cause de déchéance de l’usufruit.

34
C’est le cas de l’usufruitier qui transformerait une maison d’habitation en une maison de commerce.
35
J-B SEUDE, op cit , # 280

39
2-La condition juridique du nu-propriétaire

Le nu-propriétaire est titulaire d’un droit réel sur la chose tout comme l’usufruitier. Il en découle des
droits et des obligations.

a) Les droits du nu-propriétaire

Le nu-propriétaire peut disposer de son droit mais non de la pleine propriété dans la mesure où il n’a
que l’abusus. Cet acte de disposition n’affecte en rien la situation de l’usufruitier puisqu’il « continue de jouir
de son usufruit, s’il n’y a pas formellement renoncé » (art 509 C.c). Le nu-propriétaire peut exercer des
actions possessoires et pétitoires pour faire respecter son droit. En outre le nu-propriétaire a un droit général
de surveillance sur la chose. Il peut effectuer des actes conservatoires sur la chose dans la mesure où ces actes
ne constituent pas une immixtion dans la gestion propre de l’usufruitier36 et bénéficie des produits qui
échappent à ce dernier.

b) Obligations du nu-propriétaire

Il est interdit au nu-propriétaire de nuire aux droits de l’usufruitier (art 491 C.c.). En d’autres termes
le nu-propriétaire ne doit pas troubler l’usufruitier.
Les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire moins qu’elles ne soient rendues nécessaires
par le fait de l’usufruitier. Cependant, ce dernier ne peut contraindre le nu-propriétaire aux grosses réparations
(art 496 C.c.). Ceci est dû d’abord au fait qu’aucun lien d’obligation n’existe entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire, ensuite il faut voir derrière le nu-propriétaire le futur propriétaire. Une fois l’usufruit terminé le
bien revient au propriétaire. Celui-ci serait libre de le détruire. Ceci amène, dans la plupart des cas,
l’usufruitier à effectuer les grosses réparations puisqu’il ne peut pas contraindre le nu-propriétaire.

C- L’extinction de l’usufruit

Etant donné que l’usufruit est temporaire, la situation ne peut se prolonger indéfiniment. L’extinction
de l’usufruit entraînera la reconstitution de la propriété.

1-Les causes d’extinction de l’usufruit

L’extinction de l’usufruit est prévue par diverses dispositions du code civil. Les principales causes
sont prévues par l’article 506 du code civil prévoyant l’extinction par la mort, l’expiration du délai pour lequel
il a été accordé, la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualité d’usufruitier et de
propriétaire, le non-usage du droit pendant vingt ans et la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est
établi. A ces causes il faut ajouter l’abus de jouissance ( 507 C.c.) et la renonciation formelle par l’usufruitier
à son droit (509 C.c.). Elles peuvent être regroupées en des causes normales d’extinction et des causes
anticipées d’extinction.

a) Les causes normales d’extinction de l’usufruit

Normalement l’usufruit prend fin lorsque le terme initialement prévu est atteint. Ce peut être un terme
incertain comme la mort de l’usufruitier ou d’un terme certain comme par exemple l’usufruit établit au profit

36
G MARTY, P. RAYNAUD et P. JOURDAIN, Droit des biens, Dalloz, 1995, # 79

40
des personnes morales qui ne peut dépasser vingt ans (art 508 C.c.). Le droit de jouissance des parents sur les
biens de leur enfant cesse le jour de la majorité de ce dernier (art 325 C.c.).

b) Les causes d’extinction anticipée

Beaucoup d’événements peuvent être la cause de l’extinction anticipée. La consolidation étant la


réunion sur une seule tête de l’usufruit et du nu-propriétaire. Nous pouvons citer la résolution du droit du
constituant. Etant donné que le droit du constituant est résoluble, il ne peut céder qu’un droit ayant ce même
caractère. La résolution du droit du constituant entraîne celle de l’usufruit par application de l’adage «
resoluto jure dantis, resolvitur jus accipeintis ». En dehors de ces hypothèses, l’extinction anticipée de
l’usufruit peut résulter soit du fait de l’usufruitier soit de la perte de la chose grevée d’usufruit.

Le fait de l’usufruitier. L’usufruitier peut renoncer à son droit dès qu’il a atteint l’âge de la majorité.
Il faut que la volonté soit certaine et non équivoque. Cette renonciation peut être unilatérale ou basée sur une
convention entre le nu-propriétaire et le bénéficiaire de l’usufruit. En outre, l’article 509 du code civil permet
aux créanciers de l’usufruitier, par le biais de l’action paulienne, de faire annuler une renonciation faite au
détriment de leur droit.
Le non-usage sur une période de trente ans de son droit par l’usufruitier le lui fait perdre. Tous les
droits sauf le droit de propriété se perdent par le non-usage. Il s’agit de l’application de la prescription
extinctive. Selon l’article 507 du code civil « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa
jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds soit en le laissant dépérir faute d’entretien »
Donc l’abus de jouissance ainsi que la négligence de l’usufruitier constituent des causes de déchéance.
Suivant la gravité de la faute, la déchéance peut être partielle ou totale. Le juge peut condamner à fournir des
garanties supplémentaires au nu-propriétaire.

La perte de la chose grevée d’usufruit. L’extinction de l’usufruit peut résulter de la destruction de la


chose sur laquelle porte l’usufruit. L’événement destructeur ne doit pas être imputable à l’usufruitier ou au nu-
propriétaire. L’extinction de l’usufruit ne se produit qu’en cas de perte totale de la chose. En cas de perte
partielle l’usufruit continue sur le reste de la chose37.

2-Les suites de l’extinction de l’usufruit

La reconstitution du droit de propriété, sauf en cas de consolidation, nécessite une solde des situations
de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Ce règlement de compte met des obligations à la charge de chacun
d’eux.
L’usufruitier a pour principale obligation de restituer la chose en l’état dans lequel il était en moment
de l’ouverture de l’usufruit. Cette restitution se fait en principe en nature. Cependant la vétusté des choses
sujettes à l’usure normale du temps ne peut lui être reproché car l’article 497 prévoit que « ni le propriétaire,
ni l’usufruitier ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté ».

Si la restitution en nature est impossible, elle se fait en valeur. C’est le cas des choses consomptibles.
L’estimation de la somme à restituer doit se faire en tenant compte de la valeur de la chose au jour de la
restitution. On compte ainsi protéger le nu-propriétaire d’une éventuelle dépréciation monétaire intervenue
entre l’ouverture et la fin de l’usufruit.

37
F. TERRE, op cit , # 597

41
L’usufruitier peut être tenu de fournir au nu-propriétaire des indemnités lorsque la chose aura été
détériorée par sa faute ou sa négligence. L’usufruitier est traité de façon sévère par le code civil. En effet,
l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, ne peut réclamer aucune indemnité pour les améliorations
qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fut augmentée (art 491 C.c.).
Il est vrai que l’usufruitier a le droit de se faire rembourser par le nu-propriétaire les grosses
réparations qu’il a effectué. Mais cette action est limitée au montant de la plus-value en résultant lors de la
cessation de l’usufruit. Il s’agit d’une application de l’enrichissement sans cause. Cependant on peut arriver à
un remboursement à hauteur des sommes effectivement déboursées par l’usufruitier en appliquant la théorie
des impenses et en voyant dans la réparation une dépense nécessaire38.
Des atténuations existent. En effet, l’article 491 du code civil donne à l’usufruitier ou à ses héritiers la
possibilité d’enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’ils auraient fait placer à charge pour eux de
remettre les lieux dans leur premier état.

Par 2- Les servitudes

L’article 517 du code civil définit les servitudes comme « une charge imposée sur une propriété
foncière pour l’usage et l’utilité d’un fonds appartenant à un autre propriétaire ». Cette définition met en
relief la fonction des servitudes qui permettent d’améliorer l’utilité d’un bien par l’affectation à son service
d’un autre bien. Cependant cette définition ne s’applique ni aux servitudes légales ni aux servitudes d’utilité
publique.

A- La notion de servitude

1-Les composantes de la servitude

Les éléments des servitudes peuvent être déterminés à partir de la définition donnée à l’article 517 du
code civil. Ce sont une charge, deux fonds et des propriétaires différents.

a) Une charge

La servitude est une charge imposée au fonds servant au profit du fonds dominant. Cette charge est
imposée à une chose et non à une personne (art 552 C.c.). Le propriétaire du fonds servant devra supporter les
inconvénients de la servitude, mais il n’est tenu d’aucune obligation personnelle.
Attachée au fonds servant, cette charge se transmet à tous les propriétaires successifs de ce fonds.
Seul l’abandon du fonds permet de se débarrasser de la servitude qui y est établie.
La servitude ne peut porter que sur les terrains non bâtis et les bâtiments ayant le caractère
immobilier. Ainsi ne peuvent pas être l’objet de servitude les arbres (même étant immeuble par nature), les
immeubles par l’objet auxquels ils s’appliquent, les immeubles par destination.

b) Deux fonds

La servitude est une charge au profit du fonds dominant. Elle est établie pour l’usage et l’utilité du
fonds dominant. Plusieurs conséquences peuvent être tirées de leur relation :
- le bénéfice de la servitude se transmet aux propriétaires successifs du fonds dominant
- la servitude dure autant que les fonds dominant et servant existent
- une servitude ne peut être établie que l’intérêt d’un fonds et non dans celui d’une personne

38
J-B SEUBE, op cit , # 297

42
c) Des propriétaires différents

La servitude suppose que les fonds servant et dominant appartiennent à des propriétaires différents.
Donc il ne peut avoir de servitude entre deux fonds ayant un même propriétaire. C’est l’application du
principe « Nemini res sua servit39 ». En matière de lotissement, il est possible de concevoir la constitution
d’une servitude en prévision de la division ultérieure du fonds en plusieurs parcelles. Dans ce cas la naissance
de la servitude dépend de la réalisation effective du lotissement40.

2-Les caractères de la servitude

Les caractères des servitudes découlent de leur nature. Rappelons que ce sont des droits réels
immobiliers. Elles sont nécessairement immobilières, accessoires par nature, perpétuelles et indivisibles

a) Le caractère immobilier des servitudes

Bien que la servitude ne puisse pas exister à l’égard des meubles, cela ne veut pas dire que la
servitude s’applique à tous les immeubles. Rappelons que le code civil parle de fonds.

b) Le caractère accessoire de la servitude

La servitude est attachée à la propriété du fonds dominant et se transmet avec elle. Elle ne peut être
détachée d’elle.

c) Le caractère perpétuel

La perpétuité de la servitude est une conséquence de son caractère accessoire. Liée à la propriété du
fonds dominant dont elle constitue l’accessoire, elle doit épouser aussi sa nature. Cependant cette perpétuité
n’est pas absolue. En effet, les individus peuvent créer des servitudes temporaires ou y mettre fin. En outre
son non-usage pendant vingt constitue une cause d’extinction.

d) Le caractère indivisible

L’indivisibilité doit être appréciée de deux manières. D’abord elle signifie que la servitude grève
l’ensemble du fonds servant et profite à l’ensemble du fonds dominant. En cas de partage du fonds servant en
plusieurs propriétés, ces dernières continueront de supporter la servitude. En outre, l’établissement d’une
servitude sur un fonds en indivision nécessite l’accord de tous les indivisaires. A l’inverse si la servitude était
constituée avant la constitution de l’indivision, tous les indivisaires devront la supporter.

3-La classification des servitudes

Les servitudes peuvent être classées en trois grands groupes. La classification peut se faire suivant le
but poursuivi, leur origine et leur mode d’établissement.

39
« On ne peut avoir de servitude sur son propre fonds ».
40
F. TERRE, op cit , # 621

43
a) Classification suivant le but poursuivi

Les servitudes peuvent être établies soit dans l’intérêt des particuliers, soit dans l’intérêt public. Cette
distinction se retrouve à l’article 526 du code civil qui est rédigé en ses termes « les servitudes établies par la
loi ont pour objet l’utilité publique ou l’utilité des particuliers ».
Les servitudes d’utilité publique n’ont pas manqué de soulever de problème quant à leur nature au
point que cette qualification s’est révélée douteuse. En effet, les servitudes d’utilité publique ne comporte pas
de fonds dominant, il n’existe que le fonds servant qui supporte une charge dans l’intérêt de la collectivité.
Parmi les servitudes d’utilité publique nous pouvons citer les servitudes d’urbanisme, d’environnement,
administratives…………. .

b) La classification en fonction de leur origine

Ce type de classification vient de l’article 517 du code civil qui prévoit que la servitude « dérive ou
de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les
propriétaires ».

Les servitudes naturelles. Il s’agit des servitudes d’écoulement des eaux (art 518 C.c.), du bornage
(art 524 C.c.) et du droit de se clore ( art 525 C.c.). Dans ces hypothèses, c’est l’état des lieux qui fait
apparaître la servitude.

Les servitudes légales. Les servitudes sont établies aussi par la loi. On y retrouve la mitoyenneté, les
ouvertures des jours et vues, les règles relatives aux distances minimales à respecter pour planter, construire.
A mentionner que la loi peut créer des servitudes de droit privé ou de droit public

Les servitudes conventionnelles. On parle dans ce cas de servitude établie par le fait de l’homme.
L’article 517 du code civil prévoit qu’ « il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en
faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble». Les servitudes établies par le fait de
l’homme constituent le droit commun de la servitude.

b) Classification en raison de leur mode d’exercice

Il est possible de classer les servitudes en fonction de leur mode d’exercice. A ce titre nous traiterons
des servitudes positives et négatives, des servitudes continues et discontinues, des servitudes apparentes et non
apparentes.

Les servitudes positives et négatives. La division des servitudes en servitudes positives et servitudes
négatives ne se retrouve pas dans le code civil. Les servitudes positives sont celles qui donnent au propriétaire
du fonds dominant le droit de faire un acte positif sur le fonds servant (ex : la servitude de passage). Les
servitudes négatives attribuent au propriétaire du fonds dominant le droit de réclamer une abstention de la part
du propriétaire du fonds servant (ex : une servitude de ne pas ériger une construction).

Les servitudes continues et discontinues. La distinction des servitudes en servitudes continues et


servitudes discontinues est posée à l’article 553 du code civil qui dispose en son 2e alinéa que « les servitudes
sont continues ou discontinues ». Cette même disposition prend le soin de définir les servitudes continues
comme « celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait de l’homme ; tels sont les
conduites d’eaux, les égouts ……….. » et les servitudes discontinues comme « celles qui ont besoin du fait de
l’homme pour être exercées comme les droits de passage, de puisage et semblable ».

44
Les servitudes apparentes et non apparentes. Cette distinction est prévue à l’article 554 du code civil
qui en donne la définition. Les servitudes apparentes sont celles qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs (
ex : une porte, une fenêtre…). Les servitudes non apparentes sont celles qui ne se manifestent pas par des
signes extérieures (ex : servitude de na pas construire à une certaine hauteur).

B- Le régime juridique des servitudes

Le législateur a construit les autres modèles de servitudes en s’inspirant des servitudes établies par le
fait de l’homme. Ainsi servent-elles de modèle dans l’étude du régime de la servitude. Nous verrons
successivement l’établissement de la servitude (1), le fonctionnement de la servitude et son extinction (3).

1- L’établissement des servitudes

Les articles 555 et 556 du code civil évoquent les différents modes d’établissement des servitudes
selon leur nature. Ce sont : le titre, la possession, et la destination du bon père de famille.

a) L’établissement de la servitude par titre

L’article 552 du code civil permet aux propriétaires d’établir sur leur propriétés « telles servitudes que
bon leur semble ». Il s’agit d’une affirmation du principe de la liberté d’établir des servitudes. Cependant cette
liberté n’est pas absolue.

Sens de la libre institution des servitudes. La technique de la servitude peut être appliquée dans de
nombreuses situations. Plutôt que de définir les nombreux cas de servitudes, le législateur a jugé préférable de
consacrer le principe de leur libre institution. L’acte créateur d’une servitude peut être un contrat ou un
testament ( par ex : le testateur décide de grever un fonds A d’une servitude au profit d’un fonds B. Les
héritiers auront l’un un fonds grevé de la servitude qu’il est obligé de respecter et l’autre un fonds bénéficiant
d’une servitude).
Mais le principe de la liberté d’institution des servitudes comporte des atténuations. D’abord, lorsque
la servitude esr instituée par contrat ou par testament, elle en épouse les modes de preuve et les conditions de
validité. Ce qui signifie que pour prouver l’existence d’une servitude un écrit est nécessaire. En outre le
constituant doit avoir la capacité de faire des actes de disposition. La constitution d’une servitude par titre est
sujette à publicité foncière sous peine d’inopposabilité aux tiers.

Les limites à cette liberté. La libre institution des servitudes doit faire l’objet d’un certain contrôle. Il peut
arriver qu’un propriétaire qualifie de servitudes des charges qui n’en sont pas ou instituent des servitudes sans
le savoir. Le juge devra alors rechercher l’intention des parties. Le juge doit veiller à ce que la servitude ne
soit pas imposée à une personne ni à son profit.
La servitude doit être imposée à un fonds et non à une personne. Le propriétaire du fonds servant ne
peut être tenu d’effectuer des prestations positives. Il a à sa charge des obligations de ne pas faire (ex : ne pas
s’opposer à un passage…). Cependant le propriétaire du fonds servant peut être tenu de certaines obligations
accessoires à la servitude et nécessaires à son exercice (art 562 C.c.).
La servitude ne doit profiter non plus à une personne. Elle est établie au profit d’un fonds et non au
propriétaire. Cette condition n’est pas facile à prouver dans la mesure où il est difficile de distinguer l’intérêt
du fonds de celui de son propriétaire. En effet il y a une relation étroite enter les deux car ce qui profite au
fonds profite également au propriétaire. (droits de chasse, clauses d’habitation bourgeoise, servitude de non-
concurrence).

45
b) L’établissement de la servitude par la possession

Etant un droit réel, la servitude peut être acquise par la prescription. Le code civil a imposé un délai
assez court pour l’acquisition de la servitude par prescription.
Rappelons que pour amener à la prescription, la possession doit réunir le corpus et l’animus et
présenter les caractères utile, paisible, non équivoque et ininterrompue (art 1997 C.c.). Appliquée à la
servitude, la possession suppose deux conditions relatives à la nature et la durée de la prescription.
Selon les termes de l’article 555 du code civil seules les servitudes continues et apparentes peuvent
s’acquérir par possession. Ceci se justifie par le fait que lorsque les servitudes sont discontinues et non
apparentes, elles ne peuvent faire l’objet d’une possession. Cependant cet argument a des limites dans la
mesure où la continuité de la possession n’implique pas un contact permanent avec la chose possédée. Ainsi
une servitude discontinue peut bien faire l’objet d’une possession continue41.
L’article 555 du code civil ne tient compte que de la longue prescription de vingt ans. Il n’est donc
pas possible de bénéficier en matière de servitude de la prescription abrégée de dix ans.

c) L’établissement de la servitude par la destination de bon père de famille

La servitude par destination du bon père de famille ne s’applique qu’aux servitudes continues et
apparentes. Elle est définie par l’article 556 en son 2e alinéa « … lorsqu’il est prouvé que les deux fonds
actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mis dans
l’état duquel résulte la servitude ». Donc la constitution d’une servitude par destination de bon père de famille
nécessite que le propriétaire des parcelles les ait arrangé de manière qu’il y ait une servitude et que le partage
n’ait pas modifié l’aménagement du terrain. La vente de l’une des parcelles ne fait pas disparaître la servitude.
Elle est donc opposable aux tiers.

2- Le fonctionnement des servitudes

Le fonctionnement des servitudes dépend de la manière dont elles ont été établies. Etablissant une
charge sur un fonds au profit d’un autre, la servitude ne manque pas de mettre dans une situation particulière
les deux propriétaires. Nous verrons d’abord la situation du propriétaire du fonds dominant et celle du
propriétaire du fonds servant.

a) La situation du propriétaire du fonds dominant

La situation du propriétaire du fonds dominant est caractérisée par les droits qui lui sont reconnus et
les obligations qui sont à sa charge. Il dispose entre d’actions en justice pour défendre ses intérêts.

Les droits. Le propriétaire du fonds dominant est titulaire d’un droit réel sur la propriété d’autrui. Ce
peut être un droit de passage un droit à une vue. Même si le propriétaire du fonds dominant ne peut réclamer
de celui du fonds servant des prestations, la servitude dont son fonds est bénéficiaire lui confère certains droits
accessoires comme celui d’entretenir sa servitude. Le code civil n’a pas manqué de souligner en son article
559 que « quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user ».
Ainsi une servitude de puisage emporte nécessairement une servitude de passage42 pour y arriver. L’usage et
l’entretien d’une servitude nécessitent des frais. L’article 560 du code civil reconnaît au propriétaire du fonds

41
J-B SEUBE, op cit , # 333.
42
Le texte de l’article 559 du code civil parle de droit de passage, il s’agit en réalité d’une servitude accessoire à celle de puisage.

46
bénéficiant d’une servitude le droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver.
Les frais restent à sa charge à moins qu’il n’y ait de convention contraire (art 561 C.c.) auquel cas le
propriétaire du fonds assujetti peut s’en affranchir en abandonnant le fonds au propriétaire du fonds
bénéficiant de la servitude ( art 562 C.c.).

Les devoirs. Le propriétaire du fonds au profit duquel est établi une servitude ne peut accomplir des
actes qui aggravent la charge pesant sur le fonds servant. L’usage qu’il fait de la servitude doit se limiter à ce
qui est permis par l’acte établissant la servitude (art 565 C.c.). C’est le principe de fixité des servitudes. Ce
principe ne peut être absolu la servitude. En effet il peut arriver que l’évolution de la situation ne permette
plus au propriétaire du fonds dominant d’user de la servitude. Il est donc admis que l’exercice de la servitude
puisse s’adapter aux nouvelles conditions.

Les actions en justice. La servitude étant un droit réel, il est tout à fait normal que le propriétaire du
fonds puisse bénéficier d’une action pétitoire. Le propriétaire du fonds dominant dispose de l’action
confessoire qui lui permet de faire reconnaître l’existence de la servitude à l’encontre du propriétaire du fonds
servant et de la faire rétablir en cas de méconnaissance de la part de ce dernier.
Pouvant être l’objet de possession, la servitude du propriétaire du fonds dominant est protégée aussi
par les actions possessoires. C’est le cas principalement des servitudes apparentes et continuent qui sont
susceptibles d’usucapion.
Le propriétaire du fonds dominant peut agir en dommages intérêts pour la réparation du préjudice
subi. Le juge peut prononcer soit la remise en état ou la démolition, soit des dommages intérêts. La remise en
état constitue une obligation propter rem opposable aux acquéreurs successifs du fonds servant tandis qu’il
faut voir dans les dommages intérêts une obligation personnelle à la charge de la seule partie condamnée.

b) La situation du propriétaire du fonds servant

Le propriétaire du fonds servant supporte lui aussi des obligations. Tout comme le propriétaire du fonds
dominant il a aussi certains droits.

Les droits. Le propriétaire du fonds servant conserve ses prérogatives de propriétaire. Il peut donc
user et disposer de son fonds, ainsi que de la partie supportant la servitude à sa guise. Il ne doit pas cependant
créer de gêne au fonds dominant. Il doit faire un usage normal de son fonds. C’est ainsi que si le propriétaire
du fonds dominant décide de se clore, il ne doit pas méconnaître la servitude de passage du propriétaire du
fonds dominant.
Le propriétaire du fonds servant a la possibilité de demander le changement de l’assiette de la
servitude. Il est vrai que l’article 564 du code civil interdit au propriétaire du fonds servant de diminuer
l’usage de la servitude ou de la rendre plus incommode. Cependant une exception est prévue. En effet lorsque
l’exercice de la servitude primitivement assignée est devenue plus onéreuse ou empêche des réparations
avantageuses pour le propriétaire du fonds servant, ce dernier peut désigner au propriétaire du fonds dominant
un autre endroit tout aussi commode pour l’exercice de la servitude sans pouvoir pour ce dernier d’opposer un
refus (art 564 C.c., 3e alinéa).

Les devoirs. Le propriétaire du fonds servant supporte deux obligations. Il a d’abord une obligation
passive qui est celle de ne rien faire qui tende à diminuer l’usage du fonds ou de le rendre plus incommode. Il
ne peut donc faire obstacles aux empiètements du propriétaire du fonds dominant ni réaliser un ouvrage qui va
à l’encontre de la servitude.
Il est tenu aussi de ne pas modifier les lieux. En effet l’article 564 du code civile dispose « Ainsi il ne
peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle

47
a été primitivement assignée ». On reconnaît là le principe de fixité des servitudes souligné plus haut. Mais il
existe une certaine souplesse dans la mesure ou le propriétaire du fonds servant peut désigner un autre endroit
pour l’exercice de la servitude.

Les actions en justices. Le propriétaire d’un fonds servant dispose d’une action négatoire qui lui
permet de s’opposer aux prétentions d’un tiers désireux d’exercer une servitude. Cette action repose sur une
présomption d’absence de servitude puisqu’il suffit au propriétaire d’apporter la preuve de son droit de
propriété. La charge de la preuve de la servitude incombe donc au propriétaire du fonds dominant et ceci
même s’il est défendeur.
Le propriétaire du fonds servant dispose aussi des actions possessoires. Mais elles présentent peu
d’intérêts car le propriétaire du fonds servant préférera exercer une action négatoire pour faire cesser le
trouble causé par la possession de la prétendue servitude.
Le propriétaire du fonds servant peut intenter aussi une action en dommages-intérêts si le propriétaire
du fonds dominant lui a causé un préjudice dans la jouissance de la servitude.

3- L’extinction des servitudes

Les causes d’extinction sont prévues par les articles 566 à 568 du code civil. Il s’agit de
l’impossibilité d’en user (art 566 C.c.), la confusion (art 567 C.c.) et le non-usage pendant vingt ans (art 568
C.c.). A ces causes d’extinctions qui sont propres aux servitudes, il convient d’ajouter celles qui concernent
tout droit réel.

a) Les causes d’extinction propres aux servitudes

Nous verrons successivement l’impossibilité d’exercice de la servitude, la confusion et le non-usage


pendant vingt ans.

L’impossibilité d’exercice. L’article 566 du code civil est rédigé en ses termes : « les servitudes
s’éteignent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user ». Cette impossibilité peut
résulter d’une cause naturelle (le tarissement du puits en cas de servitude de puisage) ou une cause humaine
comme les opérations de remembrement agricoles. Ces actes ne doivent pas constituer une violation ou une
méconnaissance de la servitude car on ne peut l’éteindre en refusant de la respecter.
Cette extinction peut être temporaire puisque l’article 566 du code civil en son 2e alinéa ne manque
pas de mentionner qu’ « elles revivent si les choses sont rétablies de manière qu’on puisse en user ».
L’expression utilisée est malheureuse. En effet, il n’y a pas eu extinction de la servitude mais uniquement
obstacle de fait à son exercice43.

La confusion. La servitude est éteinte lorsqu’il y a confusion c’est-à-dire réunion sur une même tête
du fonds servant et du fonds dominant (art 567 C.c.). Il n’est pas possible qu’un propriétaire ait une servitude
sur son propre bien. Le procédé par lequel les deux fonds sont réunis importe peu (achat, donation…). La
confusion n’est pas définitive et la servitude peut revivre44.

Le non-usage de vingt ans. Contrairement au droit de propriété qui best perpétuelle, la servitude
s’éteint par le non-usage pendant vingt ans (art 568 C.c.). Ce mode d’extinction peut poser certains
problèmes. En premier lieu un usage partiel de la servitude peut-il être assimilé à un non-usage ? La réponse

43
F TERRE, P. SIMLER, Les biens, dalloz, 4e édition, # 847
44
Par exemple la qualification de servitude par destination de bon père de famille.

48
se trouve à l’article 569 du code civil prévoyant que « le mode de la servitude peut se prescrire comme la
servitude même et de la même manière ». Donc l’usage partiel de la servitude pendant vingt ans entraîne une
restriction de son étendue.
Le point de départ du délai dépend de la nature de la servitude. Si elle est discontinue, le délai
commence à courir lorsqu’on a cessé de jouir. Si elle est continue, le délai commence à courir à compter du
premier acte contraire à la servitude. En dernier lieu il faut noter que l’extinction par le non-usage pendant
vingt ans ne joue pas pour les servitudes légales et les servitudes naturelles.

b) Les causes d’extinction de droit commun


Les causes d’extinction prévue par le code civil ne sont pas limitatives. D’autres causes qui ne sont
pas spécifiques aux servitudes peuvent s’ajouter à la liste. Ainsi une servitude peut ne plus exister par
annulation ou résolution des droits du constituant. Le terme extinctif et la condition résolutoire peuvent aussi
faire disparaître une servitude. Deux causes méritent une attention spéciale. Il s’agit de la perte de l’un des
fonds et de la renonciation.

Perte de l’un des fonds. La servitude suppose l’existence de deux fonds à savoir un fonds servant et
un fonds dominant. Si l’un des deux disparaît la servitude n’est plus possible45. La destruction matérielle des
fonds est très peu concevable. Même si il y a eu érosion et inondation, la disparition suppose l’impossibilité de
remettre en état le fonds. L’hypothèse la plus concevable est celle de perte juridique résultant d’une inclusion
de fonds dans le domaine public au moyen de l’expropriation pour cause d’utilité publique ou de toute autre
manière. L’extinction de la servitude en cas d’expropriation est définitive même si le bien revient à son ancien
propriétaire.

La renonciation. Le propriétaire du fonds dominant peut renoncer gratuitement ou à titre onéreux à la


servitude établie au profit de son fonds. La renonciation peut être expresse ou tacite, mais elle ne se présume
pas. Il en est ainsi lorsque le propriétaire du fonds dominant donne son accord pour un ouvrage empêchant
l’exercice de la servitude ou ne s’oppose pas à un tel ouvrage effectué sans son consentement. Il est censé y
renoncer. La renonciation est exclue dans certains cas. En effet, elle ne peut s’appliquer à la servitude de cour
commune ou encore lorsque la servitude à laquelle un propriétaire a voulu renoncer exige une contrepartie
pour le fonds servant.

Par 3- L’emphytéose

L’emphytéose vient du droit romain et constituait « un droit réel de jouissance sur la chose d’autrui qui ne
pouvait s’établir que sur un les fonds et qui s’obtenait moyennant le paiement d’une rente annuelle appelée
canon46 ». Le droit réel appelé emphytéose prend naissance à partir d’un contrat appelé le bail emphytéotique
qui est une variété du contrat de louage et le bénéficiaire s’appelle emphytéote. Reprenant la position du Code
Napoléon, le législateur haïtien ne l’a même pas mentionné dans le code civil.

Par 4- Le droit de superficie

Définition. Le titulaire du droit de superficie a la propriété d’édifices ou de plantations reposant sur


un terrain appartenant à autrui. Le droit de superficie en séparant la propriété des superficies de celle du sol
constitue une dérogation à l’accession qui veut que tout ce qui se trouve sur le sol appartienne à son
propriétaire. Le mot superficie désigne les objets qui se trouvent sur le sol.

45
Sous réserve de la notion de servitude d’utilité publique.
46
G. RIPERT, M. PLANIOL et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, tome 1, LGDJ, 1956, # 3795.

49
Ce droit peut porter sur toute la surface du sol, sur tout ce qui y est établi ou seulement quelques
objets qui s’y trouvent. Le domaine du droit de superficie peut donc porter sur tout ce qui ne fait pas partie du
sous-sol.

a) Le régime du droit de superficie

L’existence du droit de superficie. Le code civil ne mentionne pas le droit de superficie mais admet
implicitement son existence à l’article 459 rédigé ainsi « toutes constructions, plantations et ouvrages sur un
terrain ou dans l’intérieur, sont présumés faites par le propriétaire, à ses frais, et lui appartenir si le
contraire n’est pas prouvé ». L’article 459 du code civil pose donc une présomption qui montre que le
contraire est possible, c’est-à-dire qu’il est possible que ce qui se trouve sur le terrain appartienne à quelqu’un
d’autre, ce qui est confirmé par la suite de l’article 459 du code civil qui ajoute « sans préjudice de la
propriété qu’un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription, soit d’un souterrain sous
le bâtiment d’autrui, soit de toute autre partie du bâtiment ».

La nature du droit de superficie. Des controverses se sont élevées concernant la nature du droit de
superficie. Alors que le droit romain en faisait une sorte d’usufruit ou de servitude l’ancien droit français en
faisait un véritable droit de propriété immobilière. C’est cette dernière opinion qui prévaut actuellement.
De cette conception il découle que le droit de superficie ne s’éteindra pas par le non-usage durant vingt ans.
En outre le droit de superficie est susceptible d’hypothèque, ce qui serait interdit au bénéficiaire d’une
servitude. En dernier lieu ce droit peut être acquis par prescription.

La naissance du droit de superficie. Le droit de superficie peut prendre naissance à partir d’un titre
ou de la prescription. Le titre donnant naissance au droit de superficie est celui par lequel le propriétaire cède
son droit sur le sol tout en gardant la propriété du sous-sol. Ce peut être aussi le droit le contrat par lequel un
propriétaire immobilier renonce au bénéfice de l’accession ou cède son droit sur les plantations ou
constructions47.

Le droit de superficie peut résulter d’un contrat de bail ordinaire par lequel le propriétaire donne le sol
à bail tout en renonçant au bénéfice de l’accession étant donné que la règle « superficies solo cedit » n’étant
pas d’ordre public. La renonciation peut être tacite48 ou expresse49. Le droit de superficie peut aussi résulter
d’un bail à domaine congéable50.
La prescription est aussi un élément permettant d’acquérir un droit de superficie. Cette solution
découle du fait que le droit de superficie est considéré comme un droit de propriété. Ce mode d’acquisition
risque cependant de se réaliser difficilement car la prescription, en principe, jouera pour tout le domaine. On
peut alors imaginer le cas d’un non-propriétaire qui établit un droit de superficie sur la chose d’autrui.

b) Les liens entre les deux propriétaires

Le propriétaire du fonds et le propriétaire de la superficie ne sont pas en indivision, donc on ne peut


pas parler de partage entre eux. Le propriétaire du fond est propriétaire du dessous et il aura droit à une
redevance en cas de concession de mine. Le droit du superficiaire ne porte que sur les constructions et est tout
à fait cessible. En cas de constructions empêchant le superficiaire d’utiliser le sol, on ne pourra pas parler de

47
F. TERRE, droit des biens, Dalloz, 2e édition
48
Elle ne résulte pas forcément de l’autorisation de planter et de construire.
49
Par exemple lorsqu’elle est prévue dans une convention.
50
Il s’agit d’un type de bail pratiqué en Bretagne dans lequel le fermier appelé domanier est propriétaire de tous les édifices et superficies qui
comprennent non seulement les bâtiments et les plantations, mais aussi tous les travaux susceptibles d’améliorer le sol, le fossé, puits……etc . Le
propriétaire ou foncier n’a que le terrain nu avec les arbres qui y poussent.

50
conflit de voisinage dans la mesure où il y a juxtaposition et non concurrence de droits de propriété51. En cas
de découverte d’un trésor par le superficiaire, il aura la moitié du trésor et l’autre moitié reviendra au
propriétaire du fonds (art 576 C.c).

c) La durée du droit de superficie

Le droit de superficie, tout comme le droit de propriété, est perpétuelle et ne s’éteint pas par le non-
usage. Une telle affirmation appelle cependant certaines réserves.
En principe le droit de superficie prend normalement fin avec la situation qui lui a donné naissance.
S’il découle d’un contrat de bail, il prendra fin avec celui-ci. Le sort des constructions sera régi soit par le
contrat soit par la loi et particulièrement par l’article 461 du code civil. S’il découle d’un contrat de bail avec
permission de bâtir les constructions resteront au propriétaire. S’il s’agit d’un bail à domaine congéable, le
droit de superficie prendra fin lors du congé donné par l’une des parties avec remboursement de la valeur des
édifices et superficies.
Le droit de superficie peut cesser même en cours de bail lorsque le domanier, étant dans
l’impossibilité de payer, fait l’exponse c’est-à-dire l’abandon des édifices et superficies au foncier.

Sous-section III- La propriété collective

La propriété individuelle reste le modèle de propriété le plus réglementé par le code civil. Le
législateur haïtien n’a pas pu ignorer les formes de propriété collective bien qu’il soit hostile à leur égard. Son
hostilité vient de la méfiance que nourrissait les rédacteurs du code civil français qui voyaient dans la
propriété collective un danger politique en raison de la puissance que des groupements privés pourrait acquérir
et un danger économique lié aux difficultés d’assurer une bonne exploitation des terres52.
Rappelons que la propriété collective se distingue de la propriété individuelle par le fait que plusieurs
personnes exercent des droits analogues sur un même bien. Les formes de propriété collective que nous allons
voir sont : l’indivision, la mitoyenneté et la copropriété des immeubles bâtis53.

Par 1- L’indivision

L’indivision est la situation de personnes qui sont titulaires simultanément de droits identiques et
concurrents sur un même bien54. Ce qui caractérise l’indivision par rapport aux autres formes de propriété
collective est qu’elle est temporaire. L’indivision peut résulter d’une succession, de la dissolution de la
communauté ou même d’un achat.

A- Le maintien de l’indivision

Il ressort de l’article 674 du code civil que l’indivision est une situation temporaire. Cette formule a
été énoncée pour l’indivision héréditaire. Chaque coindivisaire est libre de sortir de l’indivision en provoquant
le partage. Cette prérogative n’est pas absolue dans la mesure ou des atténuations peuvent être apportées par
les coindivisaires ou par le juge.

51
M. PLANIOL, G RIPERT et J. BOULANGER, op cit, # 3091
52
F. TERRE, P. SIMLER, op cit, # 529
53
Il y a la propriété des groupements de personnes morales qui est une forme de propriété collective, mais son étude relève surtout du droit des sociétés
que du droit des biens.
54
J-L BERGEL et alii, Traité de droit civil, les biens, LGDJ, 2000, #468

51
1- Le maintien conventionnel

Les coïndivisaires peuvent décider d’un commun accord de demeurer dans l’indivision. Cet accord
devra être constaté dans une convention dont la durée ne peut excéder cinq ans. Cette limitation ne constitue
pas une barrière au maintien indéfini de l’indivision puisque la convention est renouvelable indéfiniment.
Tous les indivisaires peu importe l’origine de l’indivision et la nature du droit dont ils sont titulaires,
peuvent bénéficier de cette ouverture. Ainsi des ayants droits dont les uns ont sur le bien indivis des droits de
propriétaire et les autres des droits de nu-propriétaire ou d’usufruit peuvent convenir du maintien de
l’indivision.

2-Le maintien judiciaire

Le maintien de l’indivision peut résulter d’une décision de justice. Ce maintien se réalisera de deux
manières : par le sursis au partage et par l’aportionnement d’un indivisaire.

a) Le sursis au partage

Le respect de formalité de procédure peut constituer une cause de sursis au partage. En effet, la
jurisprudence haïtienne55 admet que le tribunal puisse refuser d’ordonner le partage lorsque les formalités y
relatives ne sont pas respectées. Le refus de procéder au partage peut aussi résulter de l’intérêt supérieur de
l’enfant consacré par la convention internationale sur les droits de l’enfant. En effet, le tribunal, dans le souci
de protéger les descendants mineurs, peut retarder temporairement le partage de biens familiaux jugé
inopportun pour le moment. Mais le partage devra être effectué lorsque les intérêts de l’enfant ne seraient plus
en jeu.

b) L’aportionnement d’un indivisaire

Il peut arriver qu’un seul indivisaire décide de provoquer le partage contrairement aux autres qui
veulent rester en indivision. Dans ce cas, l’aportionnement qui est prévu en France est tout aussi applicable
en Haïti. On attribuera sa part en nature (et peut être même en argent) à celui qui veut sortir de l’indivision
tout en conservant cette situation parmi les autres56.

B- La situation des coindivisaires

Les coindivisaires ont des droits mais aussi des obligations les uns à l’égard des autres. En effet,
chaque indivisaire peut jouir et user des biens indivis conformément à leur destination tout en respectant les
droits des autres indivisaires. En cas de désaccord entre les indivisaires, ils pourront saisir le doyen du tribunal
civil pour trancher le conflit.
En ce qui concerne les fruits et produits, les indivisaires peuvent établir une jouissance partagée.
Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis en fonction de ses droits dans l’indivision
et peut donc demander sa part sur une période fixée entre eux.

55
Cass H. arrêt du 12 Mars 1895, aff. Figaro Jn-Philippe
56
G. CORNU, Droit civil (introduction, les personnes, les biens) Montchrestien, 4e édition, # 1239

52
Par 2- La mitoyenneté

La mitoyenneté nécessite deux immeubles contigus. Il y a mitoyenneté lorsque deux propriétaires


exercent une propriété collective sur un mur ou un fossé. Dans les villes, l’espace habitable étant rare, il est
donc nécessaire de partager les frais d’entretien des clôtures. La mitoyenneté ne peut pas être assimilée à
l’indivision qui est temporaire tandis qu’elle est perpétuelle. Nous verrons son acquisition, son
fonctionnement et son extinction.

A- L’acquisition de la mitoyenneté

1-Les modes d’acquisition

Les mécanismes d’acquisition de la mitoyenneté dépendent de l’objet qui y est soumis. L’acquisition
peut se faire soit par des mécanismes généraux soit par des mécanismes spécifiques à la mitoyenneté.

a) L’acquisition par les mécanismes généraux

Il convient de distinguer deux mécanismes. On a :


- la convention. Deux voisins peuvent décider d’ériger un mur mitoyen ou lorsque l’un d’eux a construit une
clôture privative, il peut décider de la céder, à titre onéreux ou à titre gratuit, à son voisin.
-La prescription. La mitoyenneté, étant un droit réel, peut s’acquérir par prescription. Ainsi le voisin qui
appuie des ouvrages sur le mur et qui se comporte comme le véritable propriétaire le devient au bout de vingt
ans.

b) L’acquisition par les mécanismes spéciaux : la cession forcée

La cession forcée est un mode d’acquisition de la propriété spécifique à la mitoyenneté. En effet le


propriétaire voisin a le droit d’acquérir la mitoyenneté contre la volonté du propriétaire du mur privatif (art
535 C.c.). Ceci est un mode d’expropriation assez particulière dans la mesure où elle a lieu dans un intérêt
privé. La cession forcée nécessite des conditions.
En premier le mur doit être construit à la limite des deux fonds. Au-delà de la limite, il faut appliquer
les règles relatives à l’empiètement sur la propriété d’autrui. Ensuite, seul le propriétaire du fonds voisin peut
invoquer la cession forcée. Pour que la cession forcée soit possible, l’acquéreur doit payer au propriétaire
exproprié la moitié de la valeur du mur et la moitié de la valeur du terrain sur lequel la portion est bâtie (art
535 C.c.). A défaut d’accord des parties, le prix est fixé par le juge. Il n’est pas possible d’assimiler la cession
forcée à une vente puisque, outre la possibilité de la fixation du prix par le juge, les articles ne peuvent pas
s’appliquer, en outre le transfert de propriété a eu lieu à la date de la demande et non à celle de l’acte57
constatant la cession.

2-La preuve

La preuve de la mitoyenneté peut se faire de trois manières : par titre, par prescription, par
présomptions légales ou par marques de mitoyenneté.

57
Rappelons que cet acte peut être un contrat ou une décision de justice.

53
a) Preuve par titre

Le titre constitue une présomption, mais n’amène pas la preuve de la mitoyenneté. Le titre est en
principe une convention entre les deux propriétaires ou un acte émanant de leur auteur commun au cas où les
deux immeubles ont appartenu autrefois à la même personne.

b) Preuve par prescription

A défaut de titre, la prescription peut constituer une preuve de la mitoyenneté. Si le mur entre les
deux voisins a été utilisé pendant vingt ans par les deux, il est mitoyen. S’il a été utilisé pendant cette durée
par un seul, il est privatif. Cependant, lorsqu’on a pu démontré que le mur était mitoyen avant l’usage de vingt
fait par l’autre, il restera toujours mitoyen puisque cette qualité tout comme la propriété ne se perd pas par le
non-usage58.

c) Preuve par présomptions

Le législateur a posé un ensemble de présomptions relatives à la preuve de la mitoyenneté.


Lorsqu’elles ne s’appliquent pas, la preuve revient à celui qui invoque la mitoyenneté du mur.
La présomption de mitoyenneté dans les villes et les campagnes est prévue par l’article 528 du code
civil ainsi rédigé « dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre les bâtiments ou
entre cours et jardins et même entre enclos,est présumé mitoyen ,s’il n’y a preuve ou titre contraire ». Il s’agit
d’une présomption simple qui tombe devant une preuve contraire. Il en est de même pour l’article 540 du code
civil relatif aux fossés.

d) preuve par marques de mitoyenneté

On parle de marques de mitoyenneté lorsque des signes laissent croire que le propriétaire qui bâtit un
mur seul ne cherche pas à le rendre mitoyen. Ce sont donc des indices qu’on ne peut invoquer qu’en absence
de tous les autres modes de preuves de la mitoyenneté.

B- Le fonctionnement de la mitoyenneté

Rappelons que la mitoyenneté nécessite deux fonds appartenant à des propriétaires différents. Il en
découle pour chacun d’eux des droits et des charges.

1-Les droits des propriétaires mitoyens

Les droits des propriétaires mitoyens dépendent de l’objet de la mitoyenneté. Le fait est que le mur
s’offre à des exhaussements ce qui n’est pas possible pour les clôtures.

a) Les droits sur les murs

En ce qui concerne les murs, les propriétaires peuvent disposer soit d’une action commune soit d’une
action individuelle. Certains actes exigent le consentement des deux. C’est le cas pour la démolition du mur,
la cession de droit d’affichage sur le mur ou encore la réalisation d’une ouverture ou d’un enfoncement.

58
M. PLANIOL et G. RIPERT, op cit, #3081

54
D’autres actes nécessitent que le consentement d’un seul des propriétaires. En effet chaque
propriétaire peut exercer son droit d’usage59 et d’exhaussement. Lorsque le propriétaire décide d’exhausser le
mur il doit le faire à ses frais et la partie exhaussée est sa propriété exclusive. Cependant le voisin peut
acquérir la mitoyenneté en payant la moitié de la dépense effectuée et la valeur de la moitié du sol fourni pour
l’excédent d’épaisseur, s’il y en a (art 534 C.c.).

b) Les droits sur les clôtures

La situation des haies et fossé ne semble pas différent. En ce qui concerne les droits des propriétaires,
le code civil en son article 541 se limite à poser la présomption de mitoyenneté. Ce qui laisse supposer que les
actes à accomplir nécessite le consentement des deux propriétaires à moins d’apporter la preuve qu’ils ne sont
pas mitoyens en démontrant que la clôture ne porte sur une seule des propriétés et qu’il n’y ait ni titre, ni
possession pour justifier le contraire.

2-Les charges supportées par les propriétaires mitoyens

a) Les charges communes

Les propriétaires mitoyens ont l’obligation de supporter ensemble les frais d’entretien et de
conservation de leur clôture mitoyenne (art 529 C.c.). Il s’agit d’une obligation réelle liée à la propriété d’un
fonds et qui prend fin en même temps qu’elle. Les travaux doivent respecter la destination de la clôture et ne
doivent pas être exécuté dans le seul intérêt d’un propriétaire. Ainsi un propriétaire ne peut pas décider de
quelle façon les travaux doivent être réalisé de l’autre coté du mur.

b) Les charges propres au mur mitoyen.

L’article 544 du code civil interdit de pratiquer des fenêtres ou ouverture dans un mur mitoyen sans le
consentement de l’autre propriétaire. Si ces ouvertures étaient pratiquées pendant que le mur était privatif,
elles doivent être supprimées lorsqu’elles deviennent mitoyennes à moins d’obtenir l’accord de l’autre
propriétaire.

C- L’extinction de la mitoyenneté

L’extinction de la mitoyenneté peut résulter de causes communes c’est-à-dire qui s’appliquent à tous
les droits réels ou de causes qui lui sont propres.

a) Les causes communes

La mitoyenneté peut prendre fin de plusieurs manières. Un propriétaire peut céder son droit à l’autre.
Ce dernier devenant le propriétaire exclusif, la mitoyenneté s’éteint. L’extinction peut résulter aussi de
l’expropriation de l’un des fonds et de son intégration dans le domaine public. Elle n’est pas automatique dans
la mesure où rien ne s’oppose à l’existence d’une mitoyenneté entre propriété privée et domaine public.
Cependant si le fonds exproprié est affecté à la voie publique, le copropriétaire n’est plus tenu aux exigences
de l’article 544 du code civil qui lui interdit de pratiquer des jours et des vues60.

59
Le droit d’usage permet à chaque propriétaire d’appuyer sur le mur mitoyen des constructions ou d’y réaliser des plantations.
60
F. TERRE, P. SIMLER, op cit # 696

55
b) Cause propre à la mitoyenneté : l’abandon de la mitoyenneté

Il peut arriver que l’un des propriétaires mitoyens trouve les charges de la réparation et de la
reconstruction trop lourdes. Dans ce cas l’article 530 du code civil lui permet de s’en décharger en
abandonnant le droit de mitoyenneté. Mais l’abandon du droit de mitoyenneté n’est possible que si le mur ne
soutient pas un bâtiment appartenant à ceux qui envisagent de l’abandonner. La volonté d’abandonner doit
être constatée dans un acte notarié. Cette faculté d’abandon s’explique par la nature de l’obligation dont sont
tenus les propriétaires mitoyens. Il s’agit d’une obligation réelle qui cesse avec la propriété de la chose
mitoyenne.

Par 3- La copropriété des immeubles bâtis

La réduction de l’espace habitable et l’augmentation du coût de la vie ont rendu l’accès à la propriété
assez difficile. Dans les grandes villes, les constructions se font surtout en hauteur ce qui permet de loger
beaucoup plus de personnes dans un même espace. La copropriété des immeubles bâtis a reçu sa première
réglementation à l’article 458 de notre code civil. Les insuffisances de cette disposition ont été comblées
récemment avec le décret du 29 Octobre 198461.

A- Constitution de la copropriété

Le décret du 29 Octobre 1984 sur la copropriété des immeubles bâtis62 détermine les biens qui sont
obligatoirement soumis au statut de la copropriété. Il impose pour ce faire la rédaction de certains documents.

1- L’assiette de la copropriété

Les immeubles soumis à la copropriété sont déterminés à l’article 1 du décret du 29 Octobre 1984. Il
s’agit de « tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs
personnes par lot comprenant chacune une partie privative et un quote-part des parties communes ».Cette
définition fait apparaître les éléments de la copropriété à savoir des immeubles, plusieurs propriétaires et le lot
de copropriété.

a) Les immeubles

Le décret du 29 Octobre 1984 s’applique aux immeubles bâtis et ne peut s’appliquer à un terrain nu. Il
y a deux sortes de copropriété d’immeuble bâtis. Il y a la copropriété verticale qui consiste en un superposition
de copropriété (appartement par étage) et la copropriété horizontale qui consiste en une juxtaposition
d’immeubles. Chaque copropriétaire possède un lot comprenant une partie privative et une partie commune.
Il y a vraiment copropriété lorsque l’immeuble ainsi que le terrain appartiennent à plusieurs
propriétaires. Il faut tenir aussi des ensembles immobiliers complexes. Ces derniers regroupent soit des
maisons ou des constructions à usage individuel, soit des immeubles collectifs ainsi que d’autres
constructions. Ils sont soumis obligatoirement au statut de la copropriété du moment où ils contiennent des
parties privatives et des parties communes.
Mais l’application du statut de la copropriété est soumis à des conditions qui tiennent moins à la
structure de l’immeuble qu’à des aménagements fonctionnels. En effet, l’immeuble à soumettre au statut de la

61
Fabrice FIEVRE, la copropriété en Haïti, hier et aujourd’hui, www.juris-excel.com
62
Mon # 82 du 26 Novembre 1984

56
copropriété doit une sortie sur la voie publique sur une cour commune ou un passage donnant accès à la voie
publique desservant chaque lot (art 3 D. du 29 Oct. 1984).

b) Pluralité de propriétaires

Le décret n’ayant pas indiqué de minimum et de maximum, la copropriété est possible entre deux
personnes au moins. La copropriété peut naître de diverses situations. Ce peut être deux ou plusieurs
personnes qui mettent en commun leur ressource pour construire un immeuble de ce genre. Elle peut résulter
aussi de la vente d’une partie de l’immeuble du moment que cette opération attribue le droit de propriété à
deux personnes au moins. Il en est de même en cas de partage d’un immeuble en indivision susceptible de
donner naissance à des parties privatives et des parties communes.

c) Le lot de copropriété

Le lot de copropriété est composé des parties privatives et d’une quote-part des parties communes (art
1er D. 29 Oct. 1984). Le lot forme un ensemble indissociable de telle sorte qu’on ne peut disposer de l’un sans
l’autre. En d’autres termes le copropriétaire ne peut céder que l’ensemble formé par les parties privatives et la
quote-part des parties commune.
Les parties privatives sont celles qui sont réservées à l’usage exclusif de son propriétaire (art 2 D. du
29 Oct. 1984). Ce dernier y jouit des prérogatives de tout propriétaire. Cependant, il doit respecter la
destination de l’immeuble et par conséquent doit s’abstenir de tout acte qui lui soit contraire. Par exemple il ne
peut faire du commerce dans un immeuble à destination bourgeoise. Il ne peut non plus s’opposer, dans sa
partie privative aux travaux nécessaires pour le compte de l’immeuble. Le législateur a pris le soin d’énumérer
les parties privatives.
Les parties communes, par contre, sont les parties des bâtiments soumises au service de tous les
copropriétaires (art 2 D. du 29 Oct. 1984) ou de plusieurs d’entre eux. Le législateur a pris soin de donner
quelques exemples. Ce sont : le gros œuvre, les sols le parc, les fondations, les voies d’accès, les canalisations,
les équipements et appareils communs, les caves………………. .

2-Les documents de copropriété

L’organisation de la copropriété fait intervenir divers documents que la loi a soigneusement encadrés.
Ce sont : le règlement de copropriété et l’état descriptif de division.

a) Le règlement de copropriété

Le règlement de copropriété est prévu par l’article 9 du Décret du 29 Octobre 1984. La loi en a fixé le
contenu et précise qu’il doit être rédigé en la forme notariée. Il a pour fonction de déterminer la destination
des parties privatives et communes, la superficie de l’immeuble ou groupe d’immeubles ainsi que les
conditions de jouissance et d’administration des parties communes. En résumé c’est le document qui prévoit
les droits et obligations des copropriétaires. Le règlement de copropriété est le document essentiel de la
copropriété.
La nature du règlement de copropriété a soulevé maintes controverses. En effet on a pu y voir un
contrat d’adhésion63, un acte réglementaire privé64 ou un acte juridique obligatoire regroupant à la fois certains
caractères du contrat et certains de ceux d’une institution65.

63
F. TERRE, P. SIMLER, op cit, # 618
64
J-B SEUBE, op ci, # 455
65
Y BUFFELAN-LANORE, droit civil, 1ère année, 7e édition, Masson, # 841

57
b) Les plans des immeubles

Les plans des immeubles sont prévus par l’article 5 du décret du 29 Octobre 1984 sur la copropriété es
immeubles bâtis. Ils contiendront les spécifications des parties privatives, communes et mitoyennes. Ils seront
affichés à un endroit de l’immeuble qui permet de les consulter. Il s’agit surtout d’un document technique.

B- Le fonctionnement de la copropriété

Pour assurer son bon fonctionnement, le décret du 29 Octobre 1984 sur la copropriété des immeubles
bâtis a établi un ensemble d’organes et a tenu compte aussi des rapports existant entre les copropriétaires.
Nous verrons donc les organes de la copropriété et la condition juridique des copropriétaires.

1-Les organes de la copropriété

Les organes de la copropriété présente une structure pyramidale. Au sommet on trouve le syndicat.
Ensuite du syndicat ont pris naissance d’autres organes.

a) L’organe principal
L’organe fondamental de la copropriété est le syndicat. Il est formé par la collectivité des
copropriétaires et la personnalité civile (art 14 D. du 29 Oct. 1984). Le syndicat est un organe assez
particulier. En effet, il ne peut être considéré comme ne société dans la mesure où il n’y a pas d’apport des
copropriétaires. En outre il n’est titulaire d’aucun droit réel sur l’immeuble en copropriété.
La mission du syndicat est la conservation de l’immeuble et la conservation de ses parties communes
(art 14 D. du 29 Oct. 1984, 2e alinéa). Il peut agir en justice contre les tiers et même contre les copropriétaires
seul ou conjointement avec un ou plusieurs d’entre eux pour défendre les intérêts découlant de l’immeuble (art
15 D. du 29 Oct. 1984). Cependant les copropriétaires sont libres d’agir en justice par eux-mêmes par
défendre la propriété et la jouissance de son lot.
Le législateur a gardé le silence sur la responsabilité du syndicat en cas de dommages causés aux tiers
par les copropriétaires. Nous pensons que les victimes doivent avoir le choix entre le syndicat et le
copropriétaire concerné. En effet, la mise en cause de la responsabilité du syndicat permettrait à la victime
d’avoir un débiteur plus solvable. Cependant, le copropriétaire ne peut pas non plus s’abriter derrière le
syndicat pour effacer sa responsabilité. Deux solutions s’imposent. la première consiste à engager la
responsabilité du copropriétaire tout en ayant le syndicat comme caution. La deuxième est d’engager la
responsabilité du syndicat qui exercera par la suite une action récursoire contre le copropriétaire fautif.
Cependant nous pensons que la première est meilleure.

b) Les organes dérivés

Les organes dérivés sont l’Assemblée Générale des copropriétaires et le syndic. Nous les traiterons
successivement.

L’Assemblée Générale des Copropriétaires (AGC).Le pouvoir délibérant revient à l’Assemblée


Générale des copropriétaires (AGC). A ce titre, l’article 16 du Décret du 29 Octobre 1984 dispose « les
décisions du syndicat sont prises en assemblée générale, leur exécution est confiée à un syndicat désigné par
l’assemblée générale, dan les conditions prévues par le règlement de copropriété ». Donc l’AGC prend seule
les décisions que doivent respecter les autres organes du syndicat. Les décisions prises hors de l’AGC sont
nulles même si tous les copropriétaires sont d’accord.

58
L’AGC est composée de tous les copropriétaires ou de leur représentant. Elle intervient pour les
modifications à faire dans le règlement de copropriété ainsi que dans la destination de l’immeuble. La
présence des trois quart (3/4) est nécessaire pour que l’AGC puisse avoir lieu et le vote se fait à la majorité des
deux tiers (2/3). Les modifications acceptées seront consignées dans un procès-verbal, dont copie sera délivrée
à chaque copropriétaire par le notaire dépositaire de la minute.
Le Syndic. Le syndic est nommé par l’AGC (art 16 D. du 29 Oct. 1984), les circonstances de
cessation de sa fonction (faute, durée de son mandat…………….) et sa rémunération est fixées par le
règlement de copropriété (art 18 D. du 29 Oct. 1984). Ce peut être un professionnel ou un copropriétaire, une
personne physique ou une personne morale, le décret ne l’ayant pas interdit. Bien que ledit décret ne l’a pas
mentionné, le syndic peut exercé sa fonction à titre gratuit.
Le syndic est l’organe exécutif du syndicat des copropriétaires. Il est chargé d’assurer l’exécution des
délibérations de l’AGC et des dispositions du règlement de copropriété. Il pourvoit à l’administration, la garde
l’entretien de l’immeuble. Il peut faire procéder en cas d’urgence aux travaux nécessaires à la sauvegarde de
l’immeuble (art 17 D. du 29 Oct. 1984). Il représente le syndicat dans tous les actes de la vie civile et en
justice.
L’importance des attributions du syndic traduit la facilité avec laquelle sa responsabilité peut être
engagée. L’article 19 dudit décret ne manque pas de faire ressortir sa responsabilité en disposant que « le
syndic est responsable de l’inexécution des décisions du syndicat et de toute faute commise dans l’exécution
de son mandat ». Sa responsabilité peut être engagée tant à l’égard du syndicat qu’à l’égard des
copropriétaires. Toutefois, sa responsabilité sera atténuée s’il exerce sa fonction gratuitement par application
des règles du mandat.

2-La condition juridique des copropriétaires

Le copropriétaire est à la fois membre de l’AGC et du syndicat. Il dispose du droit de vote et de


propriétaire. En ce qui concerne leur lot, les copropriétaires ont un droit de disposition. Les droits sur les
parties privatives et les parties communes.

a) Droit de disposition sur le lot de copropriété

Le copropriétaire à la propriété de ce lot. A ce titre il peut en disposer ou y constituer des droits réels
comme des hypothèques ou usufruit. Il peut aussi en attribuer la jouissance à autrui. Ces opérations ne peuvent
porter que sur le lot de copropriété en entier et ne peut concerner que les parties privatives ou que les parties
communes.
Cependant il peut arriver que le règlement de copropriété apporte des restrictions aux droits des
copropriétaires en raison de la destination de l’immeuble. En outre, la cession du lot de copropriété est
nécessite l’information du syndic qui peut mettre en œuvre le privilège qui lui confère le décret si le cédant est
débiteur des charges de la copropriété.

b) Droit sur les parties privatives

Sur sa partie privative, le copropriétaire est titulaire d’un droit d’usage. Etant sonné qu’elles sont la
propriété exclusive du copropriétaire, ce dernier peut en user, les aménager ou les modifier à sa guise. Il peut
aussi exercer toutes les actions en justice attachées à leur qualité : actions possessoires, troubles du
voisinage…… .
Cependant il y a des limites. Une première limite tient au fait que le copropriétaire ne peut s’opposer,
même à l’intérieur de ses parties privatives, de la réalisation des travaux nécessaire pour l’ensemble de
l’immeuble. Une seconde limite tient à la destination de l’immeuble. En effet, un copropriétaire ne peut

59
utiliser ses parties privatives pour une activité contraire à la destination de l’immeuble. Ainsi on ne peut faire
du commerce dans ses parties privatives lorsque l’immeuble est à destination bourgeoise. Le copropriétaire ne
peut non plus changer unilatéralement la destination initiale de ses parties privatives.

c) Droit sur les parties communes

Les copropriétaires sont titulaires sur les parties communes d’un droit indivis. Le droit sur les parties
communes ne peut être cédé indépendamment de ceux portant sur les parties privatives car le lot est
indivisible. En utilisant ses droits sur les parties communes, un copropriétaire ne doit pas porter atteinte aux
droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. Par exemple, il lui est interdit de déposer
des objets personnels dans le couloir.
Pour les parties communes, chaque copropriétaire est tenu de participer aux charges communes. Cette
répartition se fait suivant le rapport existant entre la superficie de sa partie privative et celle de l’ensemble des
parties privatives (art 29 D. du 29 Oct. 1984) .

Titre II- De quelques biens spéciaux

Chapitre I- La monnaie

La monnaie est l’un des instruments les plus utilisés dans notre système juridique. Divers expressions
sont utilisées pour le désigner. On parle de « monnaie comptant, de deniers…… » . La monnaie est un
mécanisme de l’Etat. Il est le seul à en émettre, à les retire et à en régler le cours.
Cette souveraineté monétaire permet à l’Etat de tirer des profits de l’émission en se procurant
gratuitement des moyens de paiements66et lui permet aussi d’agir sur son système social à travers les
fluctuations. C’est cette souveraineté qu’exprime le système monétaire national qui peut être défini comme
l’ensemble des règles juridiques auxquelles est soumise la monnaie haïtienne. Nous verrons d’abord la nation
juridique de monnaie et ensuite les fonctions de la monnaie.

Section I- La notion juridique de monnaie

La monnaie présente des caractères qui n’appartiennent qu’à elle. En effet, elle est d’une fongibilité
absolue car elle peut remplacer toute chose dans les paiements. Elle est parfaitement neutre dans la mesure où
elle ne peut jamais être immorale ou illicite par elle-même. Enfin elle n’a pas besoin d’évaluation et en ce sens
on parle de liquidité congénitale.
La monnaie est une notion double qui recouvre á la fois l’unité monétaire et les instruments de
paiements. Ces deux aspects seront traités successivement.

Par 1- L’unité monétaire

Ce qui faut d’une chose une monnaie, ce n’est pas sa valeur réelle mais plutôt le fait qu’elle est reçue
dans les paiements comme une fraction ou un multiple d’une unité idéale67.L’unité monétaire n’est pas
statique dans sa nature. En effet, elle peut connaître des mutations ou des altérations.

A- L’identification de l’unité monétaire

66
J. CARBONNIER, droit civil, les biens tome 3, PUF, 1995, #9
67
L’unité idéale en Haiti est la gourde. Ainsi un billet de vingt-cinq gourdes est une chose représentant un multiple de vingt-cinq de l’unité idéale
qu’est la gourde tandis qu’une pièces de cinquante centimes est une fraction de ½ de cette unité idéale.

60
Le nom monétaire est un nom. C’est ce postulat qui consacre le principe du nominalisme monétaire
selon lequel une unité monétaire reste la même du moment que son appellation n’a pas changé. Par exemple
un billet d’une gourde de 1880 est égale à un billet d’une gourde d’aujourd’hui bien que le pouvoir d’achat
découlant de l’un et de l’autre soit différent. Il faut souligner que l’unité monétaire peut faire l’objet d’une
relation de valeur entre elle et une devise étrangère68.

B- Modification de l’unité monétaire

Outre une décision de l’Etat, les phénomènes économiques peuvent altérer l’unité monétaire. En
principe l’altération de fait précède l’altération de droit. Il se forme ainsi une chaîne entre l’altération de fait et
l’altération de droit.
L’altération peut se faire dans le sens d’une appréciation ou d’une dépréciation de l’unité monétaire,
l’altération produisant une augmentation de valeur tandis que la dépréciation produit l’effet inverse.
L’altération de droit a eu lieu par l’effet de la loi. C’est le cas lorsqu’il y a substitution légale d’une
définition de l’unité monétaire à une autre. Les altérations de fait sont dus aux variations de prix sur les
marchés commerciaux. La hausse des indices du coût de la vie permet de mesurer la dégradation de fait que
connaît une unité monétaire.

Par 2- Les instruments monétaires

L’unité idéale est incorporée dans des instruments monétaires. Ce sont par exemple les billets de
banque, les pièces de monnaie. Ils constituent les instruments monétaires traditionnels. Aujourd’hui, se sont
développés d’autres instruments de paiement à savoir la monnaie scripturale et la monnaie électronique.

A- Les instruments monétaires traditionnels

Actuellement, les billets de banque et les pièces présente tous les caractères d’une monnaie absolue.
Ils sont détachés de tout support d’où ils tireraient leur valeur. Leur valeur vient en réalité de l’Etat.

1- Les billets de banque

La Banque de la République d’Haïti (BRH) détient le monopole d’émission des billets sur le territoire
haïtien. Le billet de banque est le papier monnaie qui tire toute sa valeur de la souveraineté de l’Etat. Ils sont
nés avec le cours forcé et sont inconvertibles.

2- Les pièces métalliques

Le métal qui sert de support aux pièces métallique a une valeur commerciale très inférieure à sa
valeur nominale. Comme les billets de banques, elles tirent toute leur valeur de la souveraineté de l’Etat.
Cependant, elles se distinguent des billets de banque dans la mesure où ce sont des monnaies d’appoint. Leur
pouvoir libératoire est limité à une certaine somme.

B- La monnaie scripturale

Ce sont des mécanismes de paiement qui se caractérisent par l’absence de déplacements d’instruments
monétaires réels. Ils consistent en des jeux d’écritures d’où leur nom. Tout se fait par inscription au débit et au

68
L’exemple de la gourde par rapport au dollar américain.

61
crédit de comptes en banques. Même s’il existe un titre, le paiement n’a eu lieu que lorsque le compte du
créancier est crédité. Constituent la monnaie scripturale le chèque et la carte de bancaire de paiement ou de
crédit.

1- Le chèque

Le chèque peut s’analyser en comme un paiement par cessions de créance. Le débiteur cède à son
créancier en paiement sa propre créance contre une banque69.

1- Les cartes de paiement

Les cartes de paiement sont récentes en Haïti. La banque délivre une carte à son client et ce dernier au
moment de payer la présentera à son créancier et signera les factures. Ces dernières sont transmises à la
banque, qui procède au virement du compte du client au compte du créancier. Il s’agit encore d’un paiement
par cession de créance. Contrairement au chèque, la carte permet des opérations de crédit. Dans ce cas la
banque garantit aux créanciers qu’ils seront payés même en cas d’insuffisance du compte du débiteur qui
bénéficier d’un certain délai pour l’approvisionner. En ce sens on parle de monnaie informatique ou
électronique dont la nature a été remise en cause70.

Section II- Les fonctions juridique de la monnaie

La monnaie remplit trois fonctions à savoir qu’elle est un moyen de paiement, un instrument
d’évaluation et elle peut être objet de propriété. La force libératoire du chèque dépend de l’existence de la
créance sur autrui

Par 1- La monnaie comme moyen de paiement

Les obligations de somme d’argent sont payées en monnaie. Il en est de même pour les dommages et
intérêts. En payant, le débiteur transfert la propriété d’une somme d’argent à son créancier. Pour effectuer le
paiement on se référera au cours légal.
Le cours légal a son origine dans une injonction de l’Etat. C’est l’obligation faite au créancier de
recevoir un instrument monétaire déterminé en paiement d’une quantité déterminée d’unité monétaire. Le
cours légal contribue à l’application du nominalisme monétaire et traduit l’équivalence entre la valeur
nominale et la valeur réelle. Ainsi celui qui est créancier de cinq cent gourdes doit accepter de son débiteur un
billet de cinq cent gourdes. Il ne peut prétendre recevoir davantage sous prétexte de dépréciation de la
monnaie. Cependant il peut arriver que le nombre d’unités à recevoir varie par l’effet de l’indexation.

A- La notion d’indexation

L’indexation peut avoir lieu soit par voie d’autorité soit par la volonté des parties. L’indexation par
voie d’autorité traduit un certain recul de la souveraineté monétaire devant les conséquences du principe du
nominaliste monétaire.

69
Jean CARBONNIER,op cit, # 15.
70
Serge LANSKOY, la nature juridique de la monnaie électronique, bulletin de la Banque de France, Octobre 1999, # 70

62
1- L’indexation par voie d’autorité

L’indexation par voie d’autorité peut être soit judiciaire soit légale. Elle est légale lorsque c’est la loi
qui dispose que le montant d’une dette variera à proportion du prix d’un autre bien ou service. Les indexations
légales ne sont pas automatiques car les valeurs auxquelles elles se réfèrent sont déterminées par un acte
administratif. Elle est judiciaire lorsque l’indexation est insérée dans un jugement.

2-L’indexation par la volonté générale

L’indexation par la volonté privée se manifeste par les clauses d’indexation qui sont des modalité de
l’obligation de somme d’argent qui tendent à faire varier le montant de plein droit en fonction des variations,
statistiquement constatées, qui pourront affecter à l’avenir le prix de certains biens ou services.
Il y a trois types de clauses d’indexation. Il y a la clause à référence monétaire. Ce sont celles qui
retiennent comme indice le cours de l’or ou d’une devise étrangère. Elles sont nulles au nom de l’ordre public.
Ensuite il y a la clause à référence quasi économique qui est celle où les indices, par leur généralité, font
abstraction des variations particulières qui peuvent affecter telle ou telle catégorie concrète de biens ou
services (par ex : le niveau général des prix). Elles sont en général interdites. Et finalement il y a la clause à
référence économique qui est celle où l’indice est donné par une catégorie concrète de biens, produits ou
services. Par exemple la fixation du prix d’une maison sur le prix de la pierre.
B- Validité de l’indexation

Les clauses interdites sont frappées de nullité absolue car contraire à l’ordre public et leur application
pendant un certain laps de temps ne vaut pas confirmation.

Par 2- La monnaie comme instrument d’évaluation

L’évaluation pécuniaire est très utilisée en matière juridique. Il est souvent nécessaire pour les
institutions juridiques de donner une expression monétaire de donner une expression pécuniaire aux biens qui
n’en n’ont pas c’est-à-dire aux biens en nature.

A--Les types d’évaluation

La monnaie peut servir aux fins de remplacement d’un bien. C’est le cas des dommages qui sont
normalement réparés par des sommes d’argent équivalente (dommages-intérêts). La fixation des dommages-
intérêts nécessite une évaluation monétaire du dommage, ce qui fait intervenir une évaluation du patrimoine
de la victime avant et après l’événement. C’est ce qui justifie que l’évaluation de certains biens se fasse
d’avance, à titre préventif, afin que le calcul soit facilité en cas de remplacement de l’un d’eux.
L’expression pécuniaire permet aussi de comparer deux biens qui sont hétérogènes. En effet si on veut
comparer une maison et une voiture on tiendra compte de leur valeur vénale qui s’exprime pécuniairement. Il
en est de même pour prouver la lésion. Il faudra tenir compte de l’évaluation de l’immeuble vendu avec le
prix de vente pour apprécier le déséquilibre économique.

B- Principes de l’évaluation

L’évaluation peut être absolue ou facultative. Elle est absolue lorsqu’elle résulte soit d’une donné que
fixe impérativement l’autorité publique, soit d’un cours constaté officiellement sur le marché. Elle est
facultative lorsqu’elle est judiciaire ce qui nécessite le recours à un expert. En principe, en matière

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d’évaluation il faut retenir le critère de la valeur vénale c’est-à-dire celle à laquelle on présume que le bien se
vendrait.
Le résultat de l’évaluation peut varier car la monnaie qui sert de mesure à la valeur n’est pas toujours
constante. Si on se place avant la période de dépréciation de la monnaie pour l’évaluation on tend à réduire
l’expression monétaire et par là on favorise le débiteur tandis que si on se place après la période de
dépréciation de la monnaie on tend à gonfler l’expression monétaire et favoriser ainsi le créancier.

Par 3- La monnaie comme objet de propriété

Les instruments monétaires peuvent être l’objet d’un droit de propriété. Ce sont des meubles
corporels, consomptibles et fongibles entre eux. Cependant ce droit de propriété doit supporter des
prérogatives étatiques. Par exemple l’Etat peut décider de retirer certains billets de la circulation. De même on
ne peut les utiliser comme support publicitai

Bibliographie non limitative

OUVRAGES

1. J. CARBONNIER, droit civil, les biens tome 3, PUF, 1995

2. Y BUFFELAN-LANORE, droit civil, 1ère année, 7e édition, Masson

3. G. CORNU, Droit civil (introduction, les personnes, les biens) Montchrestien, 4e édition

4. F. TERRE, droit des biens, Dalloz, 2e édition

5. F TERRE, P. SIMLER, Les biens, dalloz, 4e édition

6. G. RIPERT, M. PLANIOL et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, tome 1, LGDJ, 1956

7. G MARTY, P. RAYNAUD et P. JOURDAIN, Droit des biens, Dalloz, 1995

8. G. CORNU, Droit civil, introduction, les personnes, les biens, Montchrestien,4e édition

9. L. CADIET, Droit judiciaire privé, Litec, 3e édition

10. J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure civile, Dalloz, 27e édition

11. C. LARROUMET, droit civil, les biens droits réels principaux, Economica, 3e édition

12. SEUBE Jean-Baptiste, les biens, Litec, 2002

13. CHEVALIER et L. BACH, droit civil tome 1, Sirey, 11e édition.

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