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Carbonnier (J), Droit civil, Tome3, Les biens, Coll. Thémis, Puf, 2000.
Malaurie (Ph) et Aynès (L), Droit civil, Les biens/la publicité foncière, éd CUJAS,
1992 .
Terré (Fr) et Simler (Ph), Droit civil, Les biens, précis Dalloz, 8 e ed, 2010.
Code Civil
Code immobilier
INTRODUCTION
Ce cours a pour objet les Biens et a pour objectif d’indiquer aux étudiants tous les
types de droit qu’une personne peut avoir sur un bien ou une chose. Les biens ou les
choses peuvent avoir différentes natures, elles peuvent être matérielles ou immatérielles,
corporelles ou incorporelles. Mais dans le cadre de ce cours nous n’insisterons que sur les
biens ou choses corporelles ou matérielles, et particulièrement les terrains ou fonds de
terre.
Remarquons que le mot « Bien » a de nombreux sens. Mais en droit, il désigne
toute chose susceptible d’appropriation et évaluable en argent. C’est pourquoi même les
droits portant sur cette chose sont considérés comme des biens. Toutefois, toutes les
choses ne sont pas des biens. Certaines choses par leur nature répugnent à toute
appropriation. Il s’agit des choses qui ne sont pas appropriables. Ce sont celles dont
l’usage est commun à tous les êtres humains, on les appelle les choses communes, c’est
par exemple le cas de l’air, la lumière solaire, l’eau courante, etc.
Le rapport qu’une personne peut avoir avec un, bien ou une chose, peut être un
rapport réel, on dit qu’il a sur cette chose un droit réel, ou un rapport personnel, dira qu’il
a à l’égard de cette chose un droit personnel.
Le droit réel est celui qui donne à une personne un pouvoir direct et immédiat sur
une chose, pouvoir qui lui permet de retirer de cette chose toutes les utilités
économiques possibles. Du point de vue de sa structure, il comporte une personne, le
titulaire ou sujet du droit, et une chose, objet du droit. On distingue les droits réels
principaux et les droits réels accessoires. Les droits réels principaux sont : le droit de
propriété qui en est le plus complet et ses démembrements qui sont le droit d’usufruit, le
droit de nue-propriété, la servitude, le droit d’usage et le droit d’habitation. Les droits
réels accessoires sont les droits de garanties à l’instar des sûretés réelles comme le gage
d’un meuble ou l’hypothèque d’un immeuble. Ils permettent d’utiliser la chose pour
garantir le paiement d’un emprunt, d’une dette ou une créance.
Le droit personnel est le pouvoir qui permet à une personne, appelée le créancier,
d’exiger d’une autre, appelée le débiteur, une prestation, un service, consistant à faire, à
donner ou à ne pas faire quelque chose. Structurellement, le droit personnel, encore
appelé droit de créance, met en place le créancier en face du débiteur. Ces deux
personnes sont liées par un lien de droit qu’on appelle obligation ou dette ou encore
créance.
L’ensemble des droits réels et des droits personnels d’une personne forment sont
patrimoine.
II- Le patrimoine
A- Composition du patrimoine
Le patrimoine est composé d’actif et de passif. L’actif d’un patrimoine, ce sont des
droits réels et des droits de créances. Il s’agit des choses et droits évaluables en argent.
C’est pourquoi on parle de droits patrimoniaux par opposition aux droits extra
patrimoniaux qui sont des droits qui ne sont pas évaluables en argent, par ex. les droits
de la personnalité, comme le droit au nom.
Le passif du patrimoine, ce sont les dettes, les charges et obligations qui pèsent sur le
titulaire du patrimoine. En sorte que recueillir ou hériter d’un patrimoine, ce n’est pas
seulement devenir propriétaire des biens qui le composent, c’est aussi devenir débiteur
des dettes qui le grèvent ou qui pèsent sur lui.
Les biens et les dettes qui constituent un patrimoine sont indissociables, les premiers
servent à payer les seconds. C’est pourquoi on dit que les biens d’un individu servent à
payer ses dettes.
Bien que se soient ces éléments qui composent le patrimoine, celui-ci reste distinct de
ces éléments qui peuvent varier à un moment donné. Ainsi un bien pour une raison
quelconque peut sortir du patrimoine (le propriétaire peut le vendre par exemple) et un
autre peut faire son entrée (par ex le propriétaire peut acheter un bien). De même
qu’ayant besoin d’argent, il peut s’endetter, puis rembourser, puis s’endetter encore, etc.
Les éléments qui constituent le patrimoine sont en constante fluctuation. C’est pourquoi
le patrimoine ne se confond pas avec ses éléments. Dans ce sens on dit que le patrimoine
est une universalité de droit. Cette dernière s’oppose à l’universalité de fait qui est la
réunion par un propriétaire de ses actifs (ses biens), qui normalement peuvent être
séparés, mais qui sont réunis par le propriétaire en vue d’atteindre un objectif donné.
Le caractère principal du patrimoine est qu’il est étroitement lié à la personne de son
titulaire. C’est pourquoi l’on affirme que le patrimoine est la projection de la personne
dans le terrain des intérêts matériels (actifs et passifs). Le patrimoine étant une
émanation de la personnalité de son titulaire, on en déduit que :
-Toute personne n’a nécessairement qu’un patrimoine, car elle est apte à avoir des
droits et des obligations qui prennent place dans ce contenant. Même si cette personne
n’a momentanément rien ou même si elle n’a que des dettes.
Les biens qui composent un patrimoine peuvent être mobilier ou immobilier, corporel
ou incorporel, etc. On parle de classification des biens.
Il existe plusieurs critères de classification des biens. Mais le droit n’en retient que
7. Nous ne présenterons que qui les classifications principales car seules celles-ci ont
un intérêt pratique évident avec la question foncière ou immobilière. Il s’agit de la
distinction bien meuble et immeuble (A) et la distinction bien corporels et incorporels
(B).
C’est la distinction la plus ancienne. Elle est prévue par le code civil à l’article 516 qui
dispose que « Tous les biens sont meubles ou immeubles ». Un bien est meuble lorsqu’il
peut être facilement déplacé d’un lieu à un autre, alors qu’un bien est immeuble lorsqu’il
ne peut être facilement déplacé du fait de sa fixité au sol.
Du fait de leur fixité, la liste des biens immeubles est close. Alors que celle des biens
meubles est ouverte à cause de leur variété et mobilité. Ainsi, lorsqu’il n’est pas facile de
déterminer la nature d’un bien, lorsque cette nature est douteuse ou lorsqu’un bien ne
peut rigoureusement être défini comme immeuble, il est classé comme meuble.
1- le bien immeuble
-Les immeubles par nature. Il s’agit, d’abord, du sol ou fonds de terre ou terrain
(art.518c.civ). C’est l’immeuble par excellence. Il s’agit, ensuite, de tout ce qui est fixé au
sol. Tout ce qui est planté au sol ou dans la terre fait partie de l’immeuble et prend cette
nature. C’est le cas des végétaux (y compris les plantes ou cultures pendantes par leur
racine et les fruits des arbres non encore recueillis, mais dès qu’ils sont coupés, ils
reprennent leur individualité et redeviennent les meubles) et des constructions. Toute
construction fixée ou adhérant au sol est immeuble. Il s’agit des bâtiments ou tout autre
édifice ou ouvrage comme les ponts, digues, barrage, etc, ainsi que tous les accessoires
incorporés à la construction, qui sans eux serait incomplète. C’est le cas des ascenseurs,
des canalisations d’eau ou de gaz, des convecteurs électriques, des antennes
paraboliques, les paratonnerres, etc.
-Les immeubles par destination. Ce sont les biens meubles qui sont fictivement
considérés comme des immeubles en raison du lien qui les unit à un immeuble par nature.
Cette solidarité créée entre le meuble et l’immeuble s’explique par la règle accessorium
sequitur principale (l’accessoire suit le principal). L’immeuble étant le bien principal tout
autre bien meuble qui s’unit à lui prend la même nature que lui.
Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que deux conditions soient réunies :
L’intérêt de l’immobilisation par destination est que les biens meubles qui sont
affectés à l’immeuble augmentent sa valeur. L’aliénation d’un fonds agricole ou industriel
par exemple englobera les immeubles par destination ; l’hypothèque d’un fonds portera
sur les immeubles par destination en même temps que sur l’immeuble par nature. La
saisie du fonds emporte aussi saisie des biens meubles qui lui sont affectés. L’évaluation
d’un fonds agricole, industriel ou commercial intègre à la fois l’immeuble par nature et les
immeubles par destination.
On distingue le bien meuble par nature, le bien meuble par détermination de la loi
(art.527 c.civ.) et le bien meuble par anticipation.
Meuble par nature, ce sont les choses mobiles de part leur nature, c’est-à-dire les
animaux et autres corps ou choses qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit
qu’ils se meuvent eux-mêmes, soit qu’ils ne peuvent changer de place que par l’effet
d’une force étrangère, comme les choses inanimées, tels les meubles meublants, c’est-à-
dire les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements (tables, lits, chaises,
fauteuil, téléviseurs, etc.). A ces biens, on ajoute le titre au porteur. C’est le document,
papier ou autre instrument sur lequel est inscrite la créance qu’un créancier a à l’encontre
d’un débiteur et qui en constitue la preuve. Il est dit au porteur parce qu’il ne porte pas le
nom du créancier, en sorte que celui qui le détient est considéré comme étant le
créancier. En effet, lorsqu’un droit de créance est constaté dans un titre au porteur, on
considère qu’il y’a incorporation de la créance dans le titre et la facilité de transmission de
main en main de ce titre fait que la créance qui y est incorporée est traitée comme
meuble corporel.
Meuble par détermination de la loi (art.529 c.civ.). Ce sont les biens à qui la loi
attribue la qualité de meuble. C’est la loi qui les qualifie comme tels. Il s’agit des actions
ou obligations des sociétés.
Meuble par anticipation, Cette catégorie des biens meubles a été crée par la
jurisprudence. Ce sont les biens qui naturellement sont immeubles, mais parce que
destinés dans un proche avenir à devenir des meubles, les parties à un contrat les
considèrent dès à présent comme meuble. On dit que les parties au contrat anticipent
leur nature mobilière. C’est le cas de la vente des cultures qui pendent encore dans le sol
par leur racine, parce qu’elles sont destinées à être récoltées (à être coupées du sol et à
devenir meubles), les parties au contrat de vente anticipent sur leur nouvelle nature dès
la vente (sans attendre qu’elles soient récoltées) et les considèrent comme les biens
meubles. C’est le cas aussi de la vente des matériaux à extraire d’une mine ou d’une
carrière.
L’intérêt du meuble par anticipation est qu’il facilite les transactions. Le régime de la
vente d’une chose mobilière est plus simple que celui de la vente d’une chose immobilière
(cette dernière oblige par exemple de passer par un notaire) et fiscalement moins
onéreux que celui de la vente des immeubles.
Un bien corporel est un bien matériel, c’est-à-dire un bien qui peut être touché, qui
tombe sous les sens. Il est immeuble ou meuble. Un bien est incorporel, lorsqu’il est
immatériel, c’est-à-dire qu’il ne peut être touché, il ne tombe pas sous le coup des sens. Il
n’est pas pour autant imaginaire, car il représente dans le patrimoine une valeur
économique certaine, ex. le droit d’un auteur sur son œuvre.
Comme souligné précédemment, les droits qu’un individu peut avoir sur un bien sont
soit le droit de propriété (Titre I), soit un démembrement du droit de propriété (Titre II).
C’est un droit fondamental de l’Homme. Il est sur le plan international consacré par la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 17 qui dispose que « Toute
personne, aussi bien seule qu’en collectivité a droit à la propriété. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa propriété ». Les différents pactes internationaux
respectivement relatifs aux droits politiques et aux droits économiques consacrent
également le droit de propriété. Sur un plan régional, la charte africaine des droits de
l’Homme et des Peuples dispose que « le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être
porté atteinte que par nécessité publique ou dans l’intérêt général de la collectivité. Ce
conformément aux dispositions des lois appropriées » (art.14).
Le doit de propriété foncière peut au sens courant être entendu comme le droit
d’exercer une complète maîtrise sur un terrain. Nous verrons successivement les pouvoirs
du propriétaire (Chapitre I) , les caractères de son droit (Chapitre II) et l’étendue du droit
de propriété(Chapitre III).
Le droit de propriété est le droit réel par excellence, car il permet à son titulaire
d’exercer sur le terrain la plénitude des prérogatives d’une personne sur une chose.
L’article 544 du code civil le définit comme : « le droit de jouir et disposer des choses de
la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements ». De cette définition découle les pouvoirs du propriétaire qui, sont le
droit de jouir et le droit de disposer. Le droit de jouir pouvant être concrètement divisé en
droit d’user ou usus, droit de jouir ou de percevoir les fruits ou fructus. En somme un
propriétaire a l’usus, le fructus et l’abusus. Ces pouvoirs que le propriétaire a sur son
terrain peut être envisagé isolément (Section I) et en rapport avec son voisinage (Section
II).
Ne pris isolément c’est-à-dire pas dans ses rapports avec ses voisins, le propriétaire
foncier est titulaire d’un droit d’usage (PI), d’un droit de jouissance (PII) et d’un droit de
disposition (PIII).
L’usus ou jus utendi, que les mots français usage ou droit d’usage, traduisent
exactement, c’est le droit de faire de la chose tous les emplois, tous les usages qui ne la
modifient pas ou ne la modifient qu’imperceptiblement et qui peuvent se répéter autant
de fois qu’on veut1. Le jus utendi consiste en le droit, pour le propriétaire, d’utiliser la
chose. De s’en servir pour son agrément ou pour son exploitation économique. Cette
1
De Vareilles-Sommières, La définition et la notion juridique de la propriété, RTD Civ., 1905, p. 448,
n°11.
utilisation correspond à ce qu’il entend qu’elle soit. Par exemple c’est utiliser une maison
que de l’habiter ; c’est utiliser un terrain que d’y construire. Le plus souvent, le
propriétaire s’en tient aux utilisations que lui dicte la nature de la chose 2. L’utilisation peut
être matérielle (A) ou juridique (B).
A- L’utilisation matérielle
Comme tout titulaire du jus utendi, le propriétaire foncier utilise son fonds de terre
comme bon lui semble.
Ainsi il peut ériger sur son terrain des constructions diverses (habitation et autres).
Sous réserve du respect des règles d’urbanisme. Il peut utiliser sa terre pour y faire des
cultures. Monsieur le professeur Christian Larroumet affirme que « c’est utiliser un fonds
de terre que de le cultiver soi-même ou de le louer »3. Il peut y élever des plantations, en
faire une terre de pâturages, de parcours et d’industries. Le propriétaire a la liberté
discrétionnaire de choisir l’usage auquel la terre sera appliquée. C’est ainsi qu’il peut en
faire un terrain de football ou de tout autre sport, une prairie ou une forêt, une terre de
culture de fourrages destinés à la nutrition des troupeaux.
B- L’utilisation juridique
Les utilisations d’un fonds de terre peuvent être fort diverses. A côté des utilisations
purement matérielles, il y a les utilisations juridiques.
2
Atias (C), Les biens, T. I., Paris, Litec, 2000 n° 61, p.85.
3
Larroumet, Les biens – Droits réels principaux, T. II, Paris, Economica, 4 e éd., 2004, p.
121, n° 221.
4
Atias, op.cit., p. 87, n° 61.
Par l’utilisation juridique, tout propriétaire peut conclure les actes juridiques sur la
parcelle de terre qu’il occupe ou exploite. Il s’agit exactement des actes d’administration 5.
Ce sont des actes de mise en valeur de la terre, les actes d’exploitation normale de la
terre6. Le propriétaire potentiel ou occupant du domaine national a d’ailleurs l’obligation
de mettre la parcelle de terre qu’il occupe ou exploite en valeur. C’est la condition sine
qua non d’existence de son droit ; c’est aussi la condition nécessaire à l’obtention d’un
titre de propriété foncière.
Le fructus ou jus fruendi, « c’est le droit de recueillir les fruits de la chose et de lui en
faire produire »8. Les fruits que peut retirer le propriétaire de la chose, naturellement ou
avec le travail de l’Homme, sont constitués par tout ce que fournit la chose régulièrement
et sans que sa substance en soit altérée. Habituellement on distingue les fruits et les
produits, qui sont tous acquis au propriétaire de la chose.
Le propriétaire a le droit de percevoir les fruits de son fonds de terre. Il existe trois
catégories de fruits : les fruits naturels, les fruits industriels et les fruits civils. Le
propriétaire a pleinement droit aux fruits naturels, c’est-à-dire tout ce qui est fourni
spontanément par son fonds de terre sans son travail ou celui d’un autre. C’est ainsi qu’il
a par exemple droit aux fruits recueillis sur des arbres non cultivés, aux produits et croît
des animaux utilisés pour l’exploitation de son fonds.
5
Voir Verdot, La notion d’actes d’administration en droit privé français, Paris, LGDJ, 1965 ; Hebraud et Verdot,
Encyclopédie Dalloz, Droit civil, n° 150 et s. ; Leduc, L’acte d’administration en droit privé, Nature et fonctions,
Thèse, Bordeaux, L’espace juridique, 1991.
6
Voir Cornu (G), op.cit., p. 53, n° 129.
7
Carbonnier, Droit civil, les personnes, Paris, PUF, 2e ed., 2000, p. 189, n° 102.
8
Voir De Vareilles-Sommières, op.cit., p. 449, n° 12.
Il a également et pleinement droit aux fruits industriels, c’est-à-dire tout ce qui est
fourni par son fonds en raison de son travail. Ainsi en est-il, par exemple, de tous les
produits agricoles issus de son fonds, du lait des vaches, pêche des étangs, coupe de bois,
loyer des maisons bâties et données à bail.
S’agissant des fruits civils, c’est-à-dire les revenus procurés par l’utilisation juridique
de la chose, le droit de les percevoir est aussi entier que pour les deux autres catégories
de fruits ci-dessus étudiées. Le droit d’occuper ou d’exploiter un terrain donne au
propriétaire le pouvoir de construire sur celui-ci et a fortiori d’occuper ou d’exploiter lui-
même sa construction. Son droit n’ayant pas un caractère personnel, il est cessible à titre
gratuit ou onéreux. Le propriétaire peut, au lieu d’occuper ou exploiter lui-même sa
construction, transférer ce pouvoir à un tiers et percevoir de lui un loyer ou non.
Il ne lui est pas interdit de percevoir les fruits civils lorsque ceux-ci résultent d’une
utilisation juridique de la chose qui n’est pas expressément prohibée par la loi ou les
règlements. C’est ainsi par exemple qu’il peut prêter son fonds de terre ou les outils
utilisés pour l’exploiter contre rémunération.
Les produits sont constitués par tout ce qui résulte de l’exploitation d’une chose
en l’altérant. Ils se distinguent des fruits par deux caractères principaux : Ils n’ont pas de
périodicité alors que les fruits en ont une ; ils altèrent la substance de la chose alors que
les fruits les préservent en principe.
L’extraction des matériaux dans une carrière est généralement considérée comme
constitutive de produit. La question se pose de savoir si un propriétaire peut extraire les
matériaux dans une carrière située dans son fonds ? La réponse à cette question
comporte des nuances selon le type de matériaux ou minerais et le mode d’exploitation.
9
Lorsque la forêt est aménagée par les coupes régulières, les coupes ne sont plus des produits, mais des fruits
en raison de ce que l’aménagement en coupe réglée a pour effet de préserver la substance de la forêt.
10
La loi n° 94/01 du 20 mars 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche et le décret n° 94/436-
PM du 23 août 1994 fixant les modalités d’application du régime des forêts.
11
Voir Analyse des conflits et du cadre juridique et institutionnel de l’environnement au Cameroun. Document
rédigé sous les auspices du Ministère de l’Environnement et des Forêts dans le cadre de l’élaboration du Plan
National de Gestion de l’Environnement au Cameroun, Octobre 1995, p. 113.
12
Ibidem.
besoin d’informer l’administration de son initiative ou d’obtenir d’elle une autorisation. Il
devrait bénéficier en la matière des « droits d’usage coutumiers » identiques à ceux qui lui
sont reconnus en matière forestière.
Lorsque l’extraction prend la forme d’une exploitation véritable et quel que soit le
matériau à extraire, il faut se reporter aux directives du décret n° 90/1477 du 9 novembre
1990 réglementant l’exploitation des carrières. L’article 3 al. 1 de ce décret précise que
« l’exploitation des carrières (…) est soumise à autorisation ». Le décret n° 90/1477 ci-
dessus cité s’applique tant aux exploitations artisanales qu’industrielles. L’article 1 de ce
décret précise que ses dispositions s’appliquent à l’exploitation des carrières de toute
nature.
De ce qui précède, on peut affirmer que le propriétaire peut ouvrir et exploiter une
carrière dans son fonds. Il devra seulement obtenir l’autorisation de l’administration pour
une exploitation artisanale ou industrielle.
L’article 544 du code civil précité présente la propriété comme le « (…) droit de
jouir et de disposer des choses ». Le droit de jouir a déjà été étudié précédemment. Il s’agit
maintenant d’examiner le droit de disposer encore appelé abusus ou jus abutendi.
L’abusus13 est considéré comme la prérogative caractéristique du droit de propriété.
L’abusus est l’expression suprême de la maîtrise des biens qui n’est véritablement
13
L’abusus est un concept qui existait déjà à Rome où il avait une signification non attachée spécifiquement à la
propriété. Le digeste en parle à propos du possesseur de bonne foi (D. 5, 3, 25, 11) et de l’usufruitier (D. 7, 1,
15, 1). Il recouvrait l’idée de suppression partielle ou totale de la jouissance de la chose (Cicéron, Topiques, 3),
celle de la perte, de dissipation d’un bien (D. 5, 3, 25, 11 précité), voire celle d’une manière d’user qui fait
disparaître la chose (Ortolan, Législation romaine, T.I, 9e éd., par Bonnier, n° 219).
reconnue qu’au propriétaire. Ce pouvoir n’appartient ni à l’usufruitier, ni au locataire, ni à
l’emprunteur. Le propriétaire est seul maître de la substance de la chose. Il est seul à
décider du sort de la chose.
Il en résulte que l’abusus consiste soit en un acte de disposition portant sur le droit
de propriété : c’est l’abusus juridique14(A) soit en un acte matériel en vertu duquel le
propriétaire dispose de la chose elle-même : c’est l’abusus matériel(B). Il s’agit de deux
versants du droit de disposer.
A- L’abusus juridique
Il signifie que le propriétaire foncier peut conclure tout type d’acte juridique ayant
pour objet sa terre. Les manifestations du pouvoir de disposition juridique sont assez
diverses.
Le propriétaire peut décider du sort de son terrain pour le temps qui suivra son décès,
par de disposition à cause de mort conformément à l’article 895 du code civil qui dispose
que : « le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il
n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».
14
Pour certains auteurs, l’abusus est un pouvoir essentiellement juridique, Voir Berra (D), Le principe de libre
disposition des biens en droit civil, Thèse, Nancy, 1969, pp. 118 et s. Le Doyen Carbonnier écrit à cet effet, que
disposer, c’est avant tout accomplir des actes juridiques sur la chose : aliénation, abandon, constitution de
droits réels (Carbonnier (J), op.cit., T.III, n° 68).
L’abusus juridique du propriétaire foncier connaît aujourd’hui beaucoup de limites.
L’État peut, dans certains cas, soumettre l’exercice de ce pouvoir à un contrôle, par
exemple soumettre l’acte d’aliénation d’un terrain à une autorisation ou un visa de
l’administration compétente; subordonnée l’aliénation d’un terrain à droit de préemption
au profit des certaines personnes, etc.
B- L’abusus matériel
C’est le pouvoir qu’a le propriétaire de faire sur son terrain tous les actes matériels
que lui permet son droit de propriété. Il peut faire exécuter tous travaux, abattre les
arbres, raser les constructions qui existent, transformer la substance de son terrain,
épuiser une carrière.
C’est l’abusus matériel qui consacre la suprématie du droit de propriété sur les autres
droits réels. Tous les autres droits réels donnent à leurs titulaires le pouvoir de jouir de la
chose d’autrui, mais à charge d’en conserver la substance.
Le propriétaire foncier vit dans la société avec d’autres propriétaires ou non. Il faut
tenir compte de leur existence. La relation de voisinage a été pris en compte par les
textes. Ces derniers ont été conçus dans le but de faciliter la coexistence, d’éviter les
heurts, d’assurer l’indépendance nécessaire à la vie des hommes, de préserver leur
sphère d’intimité et de tranquillité. Deux techniques juridiques ont été utilisées afin de
tenter d’assurer l’harmonie entre les voisins. Il s’agit des servitudes de voisinage (PI) et
les responsabilités nées des rapports de voisinage (PII).
L’article 639 du code civil annonce la distinction de trois espèces de servitudes : les
servitudes dérivant de la situation des lieux (art. 640 s.) (A), les servitudes légales (art.
649 s.) (B), les servitudes établies par le fait de l’homme (art. 686 s) (C).
Les plus typiques dérivent d’une différence d’altitude entre les deux fonds voisins.
L’idée générale est celle d’un assujettissement du fonds d’en bas au fonds d’en haut
(dominant au sens plein du terme). Le fonds inférieur est assujetti à recevoir toutes les
eaux qui découlent naturellement du fonds supérieur (art. 640 c.civ.) ; à l’inverse, il est
assujetti à se contenter des eaux qui restent après satisfaction des besoins de ce fonds
(art. 642 s c.civ.).
Les servitudes dérivant de la situation des lieux se distinguent des servitudes
légales en ce qu’elles résultent d’une situation naturelle et de la force des choses (du
droit naturel), non pas d’une disposition du législateur. La conséquence de cette
nécessité est qu’elles ne peuvent, à la différence des servitudes légales, donner lieu à
indemnité au profit des fonds assujettis.
L’art. 649 en distingue deux : servitudes légales d’intérêt public et d’intérêt privé.
Les premières (ex. art. 650 c.civ.) relevant du droit administratif, les seconds seules
entrent dans le champ de notre étude (art. 651 c.civ.). Elles sont, du reste, assez variées :
tantôt unilatérales, lorsque chacun des deux fonds se détache dès le principe, soit comme
fonds dominant, soit comme fonds servant ; tantôt réciproques, chacun des deux fonds
ayant, au départ, indifféremment vocation à jouer l’un ou l’autre rôle.
Quand un fonds se trouve enclavé, c’est-à-dire n’a pas d’accès à la voie publique,
ou n’y a qu’un accès insuffisant eu égard aux besoins, il bénéficie d’un droit de passage
sur les terrains voisins à travers lesquels la route ou la rue peut être atteinte. La nécessité
crée ici le droit et dès que la nécessité a cessé, le droit s’éteint (art. 685-1). Les besoins du
fonds sont entendus largement : ils comprennent non seulement les besoins actuels
d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale, mais les besoins virtuels d’une
construction ou d’un lotissement à réaliser.
La servitude doit être reconnue par la seule force de la loi, partout où existe un
état d’enclave. Elle grève dès ce moment d’une manière virtuelle et diffuse tout ce qui
sépare le fonds enclavé de la voie publique. Mais, pour devenir actuelle et précise, elle
requiert un aménagement qui peut être l’œuvre soit d’une convention, soit (à défaut
d’entente), d’un jugement. Cet aménagement conventionnel ou judicaire a un double
objet :
1° Fixer l’assiette du passage (aussi est-il soumis à la publicité foncière). Pour le
tracé de l’itinéraire, le code civil pose des critères à l’intention des juges (lorsque les
parties n’ont pu s’accorder). Le critère essentiel est celui du moindre dommage (art. 683
al. 2) ; le critère simpliste de la brièveté du trajet n’intervient, malgré les apparences (art.
683 al. 1) que secondairement, pour décider entre deux parcours également
dommageables aux fonds parcourus. A priori, le passage doit être cherché sur des
terrains ouverts et nus, plutôt qu’au travers d’enclos et surtout de bâtiments :
néanmoins, il peut en être autrement s’il est nécessaire (le propriétaire du fonds
dominant recevra alors une clé de l’enclos ou du bâtiment assujetti). Un critère
d’imputabilité peut d’ailleurs neutraliser les précédents (art. 684) : si l’état d’enclave
résulte d’un acte juridique auquel a participé l’un des propriétaires voisins ou son
prédécesseur (ex. : il a acheté séparément la portion de terrain bordant la voie publique),
c’est sur lui que doit être pris le passage, et non sur les autres, étrangers à l’opération.
Enfin un dernier critère : l’habitude, consolidée en prescription acquisitive (art. 685 al. 1).
2° Régler l’indemnité due au fonds servant. Cette indemnité, qui peut consister soit
dans un capital payé une fois pour toutes, soit dans une redevance annuelle, doit être
mesurée sur le préjudice effectif qu’occasionne au propriétaire du fonds servant
l’exercice de la servitude (art. 682). Le droit de la réclamer se prescrit par 30 ans (art. 685
al. 2).
Ex. un propriétaire peut, pour irriguer ses terres, faire passer un aqueduc sur les
fonds voisins ; la délivrance d’un permis de construire par l’administration peut être
subordonnée à la création, sur les terrains voisins, de servitudes de ne pas construire ou
de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant (servitudes de cours communes,
qui existent virtuellement en vertu de la loi mais qui nécessitent pour leur mise en œuvre
soit une convention, soit un jugement, texte sur l’urbanisme). Les propriétaires des fonds
bénéficiant de ces servitudes doivent une indemnité aux propriétaires de fonds servants.
a) Constructions et plantations
b) Vues et jours
Les vues sont des fenêtres libres, susceptibles d’être ouvertes, donnant passage
tout à la fois à la lumière et à l’air, tandis que les jours (de souffrance, de tolérance) sont
des fenêtres qui ne peuvent s’ouvrir, qui ne laissent donc passage qu’à la lumière (art.
676). Aux fenêtres libres doivent être assimilés à plus forte raison les balcons et les
terrasses. Les vues sont, pour le voisin, plus gênantes que les jours parce qu’elles
permettent de jeter chez lui non seulement les regards, mais bien d’autres choses. D’où
des règles différentes : 1° les vues ne peuvent être pratiquées que dans un mur situé à une
certaine distance du fonds voisin (art. 678 s.) : 1,90 m ou 0,60 m selon que la vue est droit
ou oblique (le torticolis tue la curiosité) ; 2° les jours peuvent être pratiqués dans un mur
situé à la limite extrême des deux fonds (art. 676), mais seulement par le propriétaire
exclusif de ce mur (art. 675).Encore faut-il qu’il le pratique assez haut (art. 677) au-dessus
de son plancher pour s’enlever l’envie d’aller y voir..
Enfin, il n’est pas tenu d’observer les normes légales lorsqu’il dispose déjà d’une
servitude de passage sur le fonds voisin, ce qui rendrait assez vaine la protection que l’on
voudrait donner à l’intimité de celui-ci au nom des art. 678 et 679.
Il en est deux : le titre et la destination du père de famille. Mais, le titre est le mode
principal : celui qui a le plus large domaine d’application et aussi celui qui a valeur de
principe. A de certains égards, la destination du père de famille agit autant que comme
mode indépendant que comme présomption de l’existence d’un titre.
a) Le titre
C’est un acte juridique : soit convention passée entre les deux propriétaires
voisins, soit testament par lequel l’un d’eux lègue une servitude à l’autre sur son propre
fonds. La convention constitutive de servitude est sujette pour sa preuve au droit
commun des art. 1341 s. c.civ (elle peut notamment, à défaut d’écrit, être prouvée par
l’aveu du propriétaire du fonds servant).
On est dans le domaine de l’autonomie de la volonté et des contrats (art. 686
c.civ). Le principe est que toutes les servitudes peuvent être constituées par titre. Il y a
des catégories traditionnellement définies, des servitudes nommées (ex. servitudes de
passage, de puisage, de pacage, non aedificandi, altius non tollendi). Mais, les parties sont
libres d’établir des combinaisons nouvelles à condition de respecter, outre les exigences
générales de l’ordre public, deux exigences propres à la matière et inhérentes à la notion
même de la servitude, qui est un rapport entre deux fonds.
1° La servitude doit être imposée au fonds et non à la personne.
Le principe est que l’activité de l’homme ne peut faire l’objet d’une servitude
(servitus in faciendo consistere nequit). Ex. les services d’une scierie ne pourraient être mis
sous forme de servitude, à la disposition du propriétaire d’une forêt. Toutefois, il peut
être valablement stipulé (art. 698 c.civ) que le propriétaire du fonds servant assurera lui-
même, à ses frais, les travaux nécessaires à l’exercice de la servitude (ex. entretiendra le
chemin par où s’exerce le passage) : c’est que son activité ne constitue pas alors l’objet
principal de la servitude, mais seulement un accessoire ; au surplus, ce n’est là pour lui
qu’une obligation propter rem, et il pourra toujours recouvrer sa liberté en abandonnant
la portion de son fonds sur laquelle pèse la servitude.
2° La servitude doit être établie en faveur du fonds et non de la personne. – c’est-à-
dire qu’elle doit, par son objet, être de nature à faciliter l’usage de l’exploitation du fonds.
Ce qui explique qu’un droit de chasse ou de pêche ne puisse, en thèse générale, être
établi sous forme de servitude: c’est que la chasse et la pêche ne tendent qu’au plaisir de
la personne et non, ordinairement, à l’exploitation ni même à l’usage du fonds. Au
contraire, la jurisprudence admet que l’on puisse constituer en servitude le droit de
prendre sur un domaine voisin le bois nécessaire au chauffage d’une maison, ou bien
encore l’interdiction de construire des immeubles à usage industriel ou commercial sur un
terrain faisant partie d’un lotissement qui est destiné à former un quartier résidentiel ou
même une clause de non-concurrence.
Le propriétaire du fonds dominant a des droits variables suivant son titre, qu’il
peut y avoir lieu d’interpréter (ex. art. 696), ou suivant l’état de fait qui a conduit à
l’acquisition de la servitude par destination du père de famille. L’exercice des servitudes
présente donc d’une espèce à l’autre une grande diversité ; il reste cependant toujours
commandé par deux principes généraux :
1° La réalité de la servitude, son caractère de droit réel. Le propriétaire du fonds
dominant n’est pas créancier de son voisin ; son droit porte, de façon immédiate, sur le
fonds servant. Aussi peut-il, sans avoir besoin d’autorisation préalable, faire même sur le
fonds servant, tout ce qui est nécessaire à l’exercice de la servitude (art. 697 c.civ.).
Réciproquement, le propriétaire du fonds servant n’est tenu que de laisser faire et de
supporter (art. 701 al. 1 c.civ.). Il n’est obligé à aucune prestation positive sauf le cas où,
par exception, il aurait dans le titre constitutif assumé la charge de faire les travaux
accessoires sans lesquels la servitude ne pourrait être exercée (art. 698, 699 c.civ.).
2° La fixité de la servitude, qui est un corollaire de sa perpétuité. Une fois acquise,
la servitude ne peut être modifiée dans son étendue : le propriétaire du fonds dominant
ne doit rien faire qui l’aggrave (art. 702) ; le propriétaire du fonds servant de rien faire qui
la diminue (art. 701 al. 1). Toutefois, sur ce dernier point, l’art. 701 al. 3 prévoit un
tempérament : un déplacement de l’assiette de la servitude peut être imposé au
propriétaire du fonds dominant s’il n’a rien à y perdre et si le fonds servant doit y gagner
(il y aurait abus du droit de sa part à refuser le changement). Et la jurisprudence a
développé l’idée sous-jacente au texte, en acceptant d’adapter le mode d’exercice des
servitudes à de nouveaux besoins des fonds dominants.
Bien que perpétuelles de leur nature, les servitudes sont sujettes à des causes
d’extinction accidentelles. Le code civil (art. 703 s.) prévoit trois de ces causes auxquelles
il convient d’ajouter la renonciation. Mais, à la vérité, il en est qui ne constituent que des
obstacles de fait (A) à l’exercice de la servitude et peuvent n’être que temporaires,
n’ayant pas touché le droit lui-même.
A -Obstacles de fait
1° Le changement des lieux quand il est tel qu’on ne peut plus user de la servitude
(art. 703-704) : la servitude ne s’éteindra vraiment que par le non-usage si l’impossibilité
d’user a duré trente ans. L’impossibilité d’usage ne doit pas être due au fait illicite du
propriétaire du fonds servant. Le simple défaut d’utilité d’une servitude ne suffit pas à
l’éteindre
2° La consolidation ou confusion (art. 705 c.civ.) C’est la réunion dans le
patrimoine d’un même propriétaire des fonds servant et dominant. Elle peut ne pas être
définitive, la servitude renaît lorsqu’ un fonds sort de ce patrimoine.
Sous sa forme la plus générale, la théorie de l’abus des droits revient à dire que
l’exercice d’un droit n’est pas permis, et constitue une faute quand il ne peut avoir
d’autre but que de causer à autrui un dommage. Dans son application à la propriété
foncière, elle signifie que le propriétaire commet une faute lorsque tout en se cantonnant
dans les limites matérielles de sa souveraineté sur le fonds, le dessus et le dessous (art.
552), il accomplit un acte qui ne peut avoir d’autre objet que de nuire à un voisin. Ex. il fait
édifier sur sa maison une fausse cheminée sans utilité pour lui, uniquement à dessein
d’enlever la lumière à un autre immeuble (arrêt Doerr, Colmar, 2 mai 1855, D. 56, 2, 9, qui a
été le point de départ de la théorie).
Quand un propriétaire, par l’usage qu’il fait de son immeuble (par ex. en y
installant un établissement industriel) est, pour les propriétés voisines une source
d’inconvénients (fumées, odeurs, bruits, trépidations, etc.) dépassant la mesure de ce
que la coutume oblige à supporter entre voisins, il en doit réparation. La jurisprudence a
rattaché cette responsabilité à l’art. 1382 et à la notion de faute. Mais, la jurisprudence
considère aujourd’hui comme un principe de droit qui peut se passer de texte que « nul
ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
1-Conditions de la responsabilité
2-Conséquences de la responsabilité
La propriété n’est pas un élément d’un autre droit qui lui serait supérieur 18. Il n’est
ni issu, ni subordonnée à un autre droit. Ensuite, la propriété échappe à la prescription
extinctive19 qui s’applique à tous les démembrements de la propriété. Enfin, le droit de
15
Aubry et Rau, Cours de droit civil français d’après l’ouvrage de C.S.Zachariae, T. III, Paris, Marchal, Billard et
cie, 3e éd., 1863,soulignaient les caractères absolu et exclusif (op.cit., 1839). Démolombe y ajouta le caractère
perpétuel (Cours de Code Napoléon, T.IX, Traité de la distinction des biens, Paris, A. Durand, 4 e éd.,
1870,n°.1854).
16
Qui dispose que : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue
(…) ».
17
Voir Bergel (V) et Alii, Traité de droit civil, Les biens, (sous la direction de J. Ghestin), LGDJ, 2000., pp.
96 97, n° 92.
18
Il s’agit là d’un acquis de la Révolution française de 1789 qui souligne la disparition du domaine seigneurial
divisé en domaine éminent et domaine utile, voir Garaud (M), Histoire générale du droit privé français (1789 à
1804), La révolution et la propriété foncière, Paris, Sirey, 1959.
19
Voir Bandrac (M), La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Paris, Economica, 1986,
préface de P. Raynaud, not. Pp. 124-131, n°s 124 et s.
propriété est un droit absolu parce qu’il permet à son titulaire de retirer toutes les utilités
d’une chose, d’exercer sur elle tous les pouvoirs. Nous avons déjà démontré que le
propriétaire foncier avait une jouissance absolue de sa terre et la plénitude de l’usus, du
fructus et de l’abusus matériel et juridique. En conséquence, Il n’est pas possible
d’énumérer ou de décrire tout ce qu’un propriétaire foncier peut faire de sa terre. Il suffit
d’en rechercher les limites. Le caractère absolu du droit de propriété ne signifie pas qu’il
est un droit illimité. Il est également acquis que les multiples limitations qui restreignent
l’exercice du droit de propriété foncière ne remettent pas en cause son absoluité 20.
20
Sur cette question, voir not. Chauffardet (M), Le problème de perpétuité de la propriété – Etude de
sociologie juridique et de droit positif, Thèse, Aix, 1933 ; Barbieri (J.F.), Perpétuité et perpétuation dans la
théorie des droits réels, Contribution à la notion de perpétuité dans les actes juridiques, Thèse, Toulouse, 1977.
21
Exclusivité et exclusivisme signifie la même chose : ces deux termes traduisent l’idée d’une appartenance
personnelle, excluant de la chose tous les autres individus. On peut donc indifféremment utiliser l’un ou l’autre
terme.
22
Voir Jossérand, Cours de droit civil positif français, T. I., Paris, Sirey, 3 e éd., 1938-194,n°1471. Planiol et
Ripert, Tome I, op.cit., n° 2715. Certains auteurs considèrent cependant que le mot même de propriété
suffit à rendre compte de cette idée : Carbonnier (J), op.cit., n° 68.
23
Mazeaud (H)(L)(J) et Chabas (F), Leçon de droit civil, T. II, Biens, Droit de propriété et ses démembrements,
Paris, éd. Montchrestien, 1994 , n° 1332 .
24
Vanel (M), op.cit., n° 115.
l’usage de la chose ou de prétendre exercer sur elle des pouvoirs ou droits concurrents
aux siens. Cette prérogative revêt un double aspect : d’une part le droit de propriété est
par essence un droit individuel conférant un monopole (PI), d’autre part il est opposable
à tous (PII).
Le propriétaire exerce son droit sans partage (A) et est seul titulaire de toutes les
utilités de la chose que lui confère son droit, d’où son monopole (B).
S’agissant des droits collectifs, la doctrine admet à l’unanimité que le code civil de
1804 était hostile à la propriété collective ; il estimait qu’il y avait là un danger politique à
raison de la puissance des groupements, et un danger économique : l’exploitation par un
groupe d’individus paraissant plus négligente, moins efficace que celle assurée par un
individu25. De cette hostilité, le code civil a consacré une propriété individualiste. Le droit
de propriété est un droit individuel : seul le propriétaire, à l’exclusion de celui qui ne l’est
pas, peut exercer les prérogatives attachées à son droit.
25
Voir Colin, Capitant et Julliot de la Morandière, Cours élémentaire de droit civil français, T. II, Paris,
Dalloz, 10e éd., 1948,n°157.
une unité dotée de personnalité juridique 26. Si elle en était dotée, la famille lignagère ou
encore collectivité coutumière serait une personne morale et le droit de propriété
coutumière collective dont elle est titulaire serait un droit individuel car la propriété des
personnes morales est une propriété individuelle, bien que ne présentant pas les mêmes
caractères que la propriété des individus.
Par le biais des attributions préférentielles des droits individuels ont été octroyés
aux membres du lignage sur des parcelles de terre de la collectivité coutumière, de même
que par hospitalité des parcelles de terres coutumières collectives ont été données aux
étrangers à la famille lignagère. Au fur et à mesure que le lignage s’est désintégré pour
laisser apparaître des petites unités sociales, il s’est opéré un passage de la conscience
collective à la conscience individuelle ; les attributions préférentielles ont alors consacré
les droits de certains membres à l’exclusion des autres 27. Ainsi est apparu l’exercice sans
partage du droit de propriété coutumière ou des droits fonciers coutumiers.
Désormais, seuls les auteurs de la mise en valeur d’une terre par voie d’occupation
ou d’exploitation peuvent prétendre y obtenir des titres de propriété. Le caractère
exclusif du droit d’occupation ou d’exploitation du domaine national est mis en exergue
au cours de l’opération d’immatriculation. Il est prévu au cours de cette opération une
26
Voir Méloné (Sta), La parenté et la terre dans la stratégie du développement, l’expérience camerounaise :
étude critique, Paris, éd. Klincksieck, 1972, n° 206.p.160
27
Voir Méloné (Sta), op.cit., p. 42, n° 62.
descente de la commission consultative sur le terrain pour constater l’occupation ou
l’exploitation28. Lorsque celle-ci est effective, la commission procède immédiatement au
bornage de la parcelle à immatriculer au profit de l’occupant.
28
Article 13 al. 2 nouveau du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité modifié et complété par le décret n°
2005/481 du 16 décembre 2005.
29
Voir Tientcheu Njiako (A), op.cit., p. 479
30
L’article 9 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 dispose que « Sont habilités à solliciter l’obtention d’un titre
foncier sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent .
a) les collectivités coutumières, leurs membres, (…) ».
31
L’article 815 du code civil dispose que “Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision, et le partage
peut être toujours provoqué (…) ».
permet à chaque membre de provoquer le partage pour reprendre sa part comme dans
toute indivision32 par la sollicitation de l’obtention d’un titre foncier individuel sur la
parcelle qu’il occupe à travers le procédé du morcellement du titre foncier mère ou titre
foncier initial33.
L’un des critères de détermination du caractère exclusif d’un droit est le monopole
qu’il confère. Le titulaire du droit doit être le seul et unique détenteur des prérogatives
qui y sont attachées. Il est seul à pouvoir accomplir sur la chose des actes qui constituent
les attributs de son droit34. Il est seul à pouvoir retirer de la chose objet de son droit
toutes les utilités possibles. Le monopole, affirme le professeur G. Ripert « c’est la
suppression de concurrence, ou tout au moins sa limitation s’il faut le partager avec un
certain nombre d’autres »35.
32
La loi du 8 juillet 1966 précitée consacrait implicitement mais ostensiblement cette indivision en
reconnaissant aux collectivités coutumières le droit d’immatriculer, à la condition de porter sur la requête
d’immatriculation tous les noms des membres. Cette condition ne figure pas dans le texte de l’ordonnance n°
74/1 du 6 juillet 1974 précitée, ni dans celui du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité. Mais elle est encore
pratiquée de nos jours, puisqu’elle n’est pas interdite et permet d’éviter des conflits familiaux.
33
Sur ce point, l’article 25 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité dispose que « Le démembrement d’un
immeuble à la suite (…) de partage, emporte morcellement du titre foncier initial au profit (…) des
copartageants ».
34
Voir Larroumet (Chr), Les biens – Droits réels principaux, T. II, Paris, Economica, 4e éd., 2004, n°19.
35
Ripert (G), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris, LGDJ, 1951, p. 193, n° 85.
36
Tientcheu Njiako (A), p. 48 Droits réels et domaine national au Cameroun, Yaoundé, PUA, 2004,p.48
La notion d’opposabilité exprime la possibilité d’opposer un droit, la faculté
d’imposer à autrui le respect d’un droit. Il est unanimement admis en doctrine et en
jurisprudence qu’un droit est opposable aux tiers ou opposabilité erga omnès lorsqu’il
permet à son titulaire d’empêcher qu’une personne puisse se servir de la chose, que cet
usage entraîne ou non pour lui un préjudice37.
En effet tant qu’ils ne sont pas publiés, les droits réels immobiliers ne peuvent pas
être opposables aux tiers. Le législateur met ainsi à la charge des titulaires de droits réels
immobiliers un devoir, voire une obligation de publication qui est la condition
d’opposabilité aux tiers d’un droit réel immobilier .Cette obligation de publication se
justifie par la nécessité de porter à la connaissance des tiers tous les droits réels existants
sur un immeuble et leur modification38. Une fois publiés, ceux-ci sont réputés connus des
tiers, peu importe qu’ils aient effectivement ou non consultés le Livre foncier.
L’enregistrement dans le Livre foncier crée une présomption de connaissance par tous du
droit réel publié et le rend opposable à tous ; l’objectif étant qu’aucun droit réel ne puisse
être opposé aux tiers s’ils n’ont pu le connaître.
37
A titre compare Cass.Civ. 13 janvier et 10 février 1965, Gaz.Pal, 1965. 1. p. 236.
38
Voir Méloné (Sta), La publication des droits réels, op.cit., p. 185 ; Gasse (V), Le régime foncier à Madagascar
et en Afrique, op. cit., 1959, p. 15.
contrarie les effets. En cas de conflits d’intérêt relatif à un droit réel immobilier, celui qui
le premier aura publié son droit l’emportera sur l’autre39.
Cette opposabilité est d’ailleurs assurée par la loi. A cet effet, l’article 5 al.3 de
l’ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974, modifiée par l’ordonnance n° 77/1 du 10 janvier 1977
et la loi n° 83/19 du 26 novembre 1983 dispose:« Les compétences des juridictions
39
La publicité foncière est un instrument important de la sécurité des transactions, de la bonne organisation du
marché et du crédit immobilier.
40
Voir Levi (M), L’opposabilité du droit réel. De la sanction judiciaire des droits, Paris, Economica, 1989, p. 186,
n° 211.
41
Requête, 6 avril 1925 et civil 7 décembre 1925, D.P. 1926, 1, p. 185, note Savatier ; Civil 24 avril 1950 (2
arrêts). RTD Civ. 1950, p. 521, n° 2, observations Solus.
42
Voir Planiol (M), Ripert (G) et Picard (M), Traité pratique de droit civil français, T. III, Les biens,
Paris, LGDJ, 2e éd., 1952.
judiciaires et celles des commissions consultatives visées à l’article 16 ci-dessous en matière
de règlement des litiges fonciers sont définies comme suit :
Il résulte des dispositions ci-dessus citées que les litiges relevant de la compétence
des commissions consultatives sont de deux sortes : les oppositions et les revendications.
On peut alors distinguer l’action en opposition et l’action en revendication.
La première qui permet de s’opposer est organisée par l’article 16 al.1 nouveau du
décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité modifié et complété par le décret n° 2005/481 du
16 décembre 2005 dispose qu’« A partir du jour du dépôt au district ou à la sous-préfecture
de la réquisition d’immatriculation, et jusqu’à expiration d’un délai de 30 jours à compter de
la publication du bulletin des avis domaniaux et fonciers de l’avis de clôture de bornage,
toute personne intéressée peut intervenir :
La deuxième action qui permet d’affirmer l’exclusivité de son droit est l’action en
revendication ou action en contestation qui vise les litiges survenus en dehors de toute
procédure d’immatriculation et porte sur les contestations de droit de propriété sur un
terrain non immatriculé à l’instar des terrains occupés ou exploités du domaine national.
43
En droit français, on peut voir le siège du caractère perpétuel du droit de propriété à l’article 2 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à laquelle fait référence le préambule de la constitution, en
ce qu’il présente la propriété comme un droit naturel et imprescriptible.
44
Voir Planiol, Ripert et Picard, Traité pratique de droit civil français, T.III, op.cit., n° 352 et s. ; Civ. 10 mai 1937,
D.H. 1937, p. 346 ; Contra Carbonnier (J), T.III, op.cit., n° 76.
45
Bergel (J.L) et Alii, op.cit., p. 101, n° 97 .
Elle ne pose pas de problème particulier du fait du bornage du terrain et le report
des limites spatiales du terrain sur le plan annexé au titre foncier (Hormis les cas de
destruction ou enlèvement des bornes). Les problèmes plus importants naissent lors de
la construction sur le terrain d’autrui (PI) et lorsque les constructions ont été faites avec
les matériaux d’autrui (PII).
Les cas de construction, plantation ou ouvrage élevé sur le terrain d’autrui sont
nombreux en pratique. Distinguons les cas de la pleine construction sur le terrain
d’autrui(A) et les cas de simplement empiétement matériel sur le terrain d’autrui (B).
Les dispositions des articles 546, 551, 552,553 c.civ expriment clairement la règle de
l’accès à la propriété par voie d’accession. C’est la règle « superficies solo cédit » qui
signifie que tout ce qui s’incorpore à un immeuble en fait partie et appartient au
propriétaire (de l’immeuble). Mais en réalité le sort de l’occupant du terrain d’autrui varie
selon que celui-ci est de bonne (a) ou de mauvaise(b).
Lorsque celui qui construit sur le terrain d’autrui est de bonne foi, il devra
néanmoins déguerpir. Mais son déguerpissement sera subordonné à certains avantages à
son profit. Le propriétaire du terrain n’accédera à la propriété des constructions qu’après
avoir versé au constructeur des dommages intérêts. En réalité, le propriétaire doit, soit
rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d’œuvre, soit rembourser une
somme égale à celle de la valeur des constructions réalisées conformément à l’article 555
al.4 c.civ.46 le propriétaire du terrain ne peut conformément à l’article 555 al.3 exiger du
constructeur de bonne foi l’enlèvement des constructions.
Mais il se pose la question de savoir qu’est-ce-que la bonne foi? L’article 550 c.civ.
définit la bonne foi comme l’état psychologique de celui qui « possède comme
propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». par ex.un
constructeur est considéré comme étant de bonne foi lorsqu’il a été autorisé par le
propriétaire initial , mais en violation des règles relatives aux actes constitutifs, translatifs
ou extinctifs de droits réels immobiliers 47 entrainant la nullité d’ordre public de telles
transactions. Concrètement, lorsqu’un acquéreur occupe un terrain en vertu d’un acte de
vente sous seing privé et qu’un second acquéreur dispose d’un acte notarié, ce second
acquéreur a le droit de faire déguerpir le premier, tout en considérant qu’il était de bonne
foi au moment de l’acquisition du terrain ou de la réalisation d’une construction ou d’une
plantation.
Il convient de souligner que la loi n°80/22 du 14 juillet 1980 portant répression des
atteintes à la propriété foncière et domaniale qui a aussi vocation à s’appliquer en cas de
pleine construction sur le terrain d’autrui ne distingue pas selon que le constructeur est
de bonne ou de mauvaise foi. Si elle est appliquée l’acquisition de la propriété des
constructions ou plantations par le propriétaire du terrain serait gratuite c’est-à-dire sans
aucune indemnité pour le constructeur. Ce qui, est très sévère à l’égard du constructeur
qui est de bonne foi. C’est pourquoi la jurisprudence penche pour l’application de
l’article 555 al.4 en cas de bonne foi48. En cas de mauvaise, la solution n’est plus la même.
46
C.S arrêt n°15/cc du 1er nov.1990, aff.Yemi Jacques C/ Edimo jean charles, Juridis-Info n°10,1992, p.49.
47
TGI Yaoundé, jugement n°45 du 7 décembre 1983 ; TGI yaoundé, jugement n°75 du 14 février 1985 ; TGI
Yaoundé, jugement n°415 du 5 juin 1985.
48
C.S. Arrêt n°3/ CC du 18 janvier 1990, aff. Njinou jean et Emassi thérèse C/Siewe Casimir , Juridis-Info, n°10,
1992, p.49 ; TGI Yaoundé, jugement n°236 du 6 mars 1985.
s’apprête à occuper ou à exploiter le terrain d’autrui qu’il ne dispose ni titre ni droit
d’entreprendre des travaux sur le dit terrain.
Le propriétaire du sol ne peut exiger la suppression des réalisations faites sur son
sol qu’en cas de mauvaise foi du constructeur. Cette exigence n’est pas possible en cas de
bonne foi, l’art.555 al.3 l’interdit.
La possibilité de cette suppression est fondée sur l’art.3 al.2 de la loi n°80/22 précité qui
dispose que « Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions,
plantations ou ouvrages, celle-ci est exécutée au frais de l’occupant et sans aucune
indemnité pour ce dernier qui peut en outre être condamné à des dommages intérêts
pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds »50. C’est par ex. le cas
dans l’affaire NOKAM Jeanine51, où le juge « ordonne le déguerpissement des nommés
TCHINDA Jean et consorts, du terrain litigieux ainsi que de tout occupant de son chef ;
Ordonne l’enlèvement, la destruction, aux frais de TCHINDA Jean, de tous leurs biens et
49
TGI Yaoundé, jugement n°63 du 14 décembre 1983 ; TPI Yaoundé, jugement n°224 du 13 juin 1985.
50
TGI Yaoundé, jugement n°287 du 27 mars 1985, aff. Fonjoa Rose C/Sonel ; TPI Yaoundé, jugement n°88 du 8
oct.1985, aff. Ministère public et mekekom Jean C/Nana Michel.
51
TPI de Bafoussam, jugement n° 90/civ. du 02 août 1991, inédit.
tous les aménagements effectués… ». Bien plus, il est parfois promis une assistance de la
force publique au propriétaire qui rencontrerait des difficultés d’exécution de la décision ;
ainsi, le juge précise qu’au cas où TCHINDA Jean et consorts ne procèdent pas à
l’enlèvement de ces constructions, NOKAM Jeanine pourra recourir à l’assistance de la
force publique »52.
La loi n°80/22 précitée s’applique tant en cas de constructions neuves qu’en cas de
simples améliorations.
L’empiètement dont il s’agit ici est l’empiètement matériel. Il est constitué lorsqu’un
propriétaire construisant sur son propre terrain, dépasse les limites de son terrain et
étend ses constructions sur le terrain voisin sans le consentement du propriétaire de ce
terrain. La question de l’empiètement n’est pas encore véritablement tranchée par la
jurisprudence et la doctrine. On note une tergiversation des juges(1) sur la solution à
adoptée en générale. La seule solution acquise est l’expulsion en cas de mauvaise foi de
l’empiéteur(2).
52
TPI de Bafoussam, jugement n° 90/civ. du 0 août 1991 précité, et rendus dans le même sens :
- TPI de Dschang, jugement n° 50/civ. du 27 décembre 1984 ; inédit.
que cette dernière loi n’est en principe appliquée par les tribunaux qu’en cas de mauvaise
foi du constructeur.
Est de bonne foi celui qui a fait débordé ses construction sur le sol de son voisin en
croyant être le propriétaire de cette partie, et dont la croyance erronée s’appuie sur un
titre qu’à tort il a cru valable et efficace 53 . La bonne foi consiste en matière
d’empiètement en la croyance erroné du constructeur qu’il était propriétaire de
l’ensemble des parties du terrain occupées au moment de l’exécution des travaux. La
bonne foi peut reposer sur un titre simplement putatif (titre juridique invoqué par une
personne qui croit à son existence alors qu’en réalité il n’existe pas) ou sur l’autorisation
donnée par un chef traditionnel 54 . Même la simple occupation antérieure à
l’immatriculation d’un terrain litigieux suffit pour qualifier l’occupant de bonne foi.
53
C.S. Arrêt n°26 du 1er janvier 1966 Bull.1966, p.1095 ; C.S. Arrêt n°15 du 4 Janvier 1966 Bull.1966, p.1294.
54
CA de l’Ouest, Arrêt n°7 du 11 janvier 1973, inédit
b)- La mauvaise foi cas d’empiètement
Est de mauvaise foi l’auteur des constructions qui empiètent sur le terrain qu’il
savait appartenir à autrui. Les décisions ci-dessus citées ont appliqué ce principe de façon
particulière. Dans le jugement de Nkongsamba, les juges ont déduit la mauvaise foi de
l’empiéteur de ce que celui-ci, une expertise étant faite, n’a plus comparu à l’audience. Le
jugement de Dschang a considéré que l’auteur de l’empiètement est de mauvaise foi, du
moment où régulièrement assigné à personne il ne comparaît pas aux audiences ni ne se
fait représenter. L’arrêt de la Cour d’Appel de Yaoundé assimile à la mauvaise foi une
faute commise par l’empiéteur sur le bornage. La mauvaise foi dans cette décision peut
être discutée. Mais la solution montre la tendance des juges à concevoir de façon très
extensive la mauvaise foi de l’empiéteur qui sera alors rigoureusement sanctionné.
C’est exactement le même problème que la plantation faite avec les plantes
appartenant à d’autrui.
Le droit du propriétaire des matériaux ou des plantes s’éteint parce que ceux-ci
ont perdu leur individualité et se trouvent incorporés ou sol ; le propriétaire du sol
acquiert la propriété des constructions ou plantation sur le fondement de l’article 554
c.civ, même s’il est de mauvaise foi c’est-à-dire qu’il savait au moment de la construction
ou de la plantation qu’il utilisait des matériaux ou plantes appartenant à autrui, même s’il
les a volé. Il en acquiert la propriété par voie d’accession.
Le propriétaire des matériaux n’est pas autorisé à les enlever (art.554 c.civ.). Mais
le propriétaire du sol doit lui en payer la valeur estimée à la date du paiement; Le
propriétaire du sol peut en outre, être condamné, s’il y’ a lieu, à des dommages intérêts
(art.554 c.civ), notamment lorsque le propriétaire des matériaux a souffert d’un préjudice
du fait de sa privation de ses matériaux ou plantes, par ex. il a été contraint d’ajourner la
réparation de son propre immeuble pour lequel il s’était procuré les matériaux.
Le dessus c’est l’espace atmosphérique qui s’élève au dessus du sol. L’article 552
al.2 c.civ. indique que le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et
constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions, établies au titre des servitudes ou
services fonciers. Le propriétaire peut l’occuper ou ne l’occuper. Il a le pouvoir de le
défendre contre l’intrusion des tiers sans avoir à prouver qu’il a subi un dommage. Il a
droit de percevoir les fruits tombés naturellement sur son terrain. D’après l’article 673,
al. 1 c.civ. il peut contraindre ses voisins à couper les branches de leurs arbres qui
avancent sur son fonds. Il peut exiger la démolition de tout ouvrage qui surplombe son
terrain.
La jurisprudence sanctionne la violation de l’espace aérien privé. C’est ainsi qu’elle
retient le délit de la chasse sur le terrain d’autrui contre celui qui tue du gibier au-dessus
de la propriété du voisin55 ; qu’elle ordonne, à la demande de celui-ci, la démolition de
toute construction ou ouvrage qui déborde chez lui à quelque hauteur que ce soit 56 ;
qu’elle condamne une compagnie de transport d’énergie électrique à enlever les câbles
qu’elle avait fait passer, sans autorisation, au-dessus d’une propriété située dans un
vallon57. Telle serait la décision concernant les cablo-opérateurs qui font passer leusr
câbles au dessus des propriétés privées sans l’autorisation de leurs propriétaires.
Mais, le droit du propriétaire du sol sur le dessus connaît des limites, qui en
constituent des exceptions.
B-Les limites
58
TPI de Yaoundé, ordonnance de référé n° 849 du 24 juin 1999, aff. Isaac NGATCHOU, Mme veuve NOAH,
Ambroise KAMDEM, André SIAKA, André SIMO et consorts c/ M. et Mme EYOCK, inédit.
59
CA du Centre à Yaoundé (référé), arrêt n° 259/civ. du 28 avril 2000 confirmant l’ordonnance de référé n° 849
ci-dessus.
60
Voir également : CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 249/civ. du 14 mai 2004 (contradictoire), aff. n°
435/RG/02-03 du 10 mars 2003, NZIE ATANGANA Richard c/ MINSONG ONDOUA Faustin, inédit.
Il en est de même du voisinage des stations d’émission de radio et de télévision (arts.
54 et s. du code des postes et télécommunications instituant des servitudes dans l’intérêt
des transmissions et réceptions).
Les propriétés sont alors généralement grevées d’une servitude de ne pas bâtir
(servitude « non aedificandi ») ou de ne pas dépasser une certaine hauteur de
construction (servitude « altius non tollendi »).
D’autres limites à la propriété du dessus sont relatives au droit de construire ou de
surélever et sont prévues par la législation sur l’urbanisme. Aujourd’hui, il n’est plus
possible de bâtir (ou de démolir) sans une autorisation de l’administration (un permis).
Dans certains c’est le propriétaire du sol qui volontairement dissocie la propriété du
sol de celle du dessus en consentant à un tiers un droit de superficie.
1- Signification
C’est un droit réel qu’un propriétaire (appelé superficiaire) exerce sur la surface d’un
terrain, dont le dessous ou tréfonds appartient à un autre propriétaire ( appelé
tréfoncier). Il peut porter sur toute la surface du sol et sur tous les objets établis sur le sol,
seul sous-sol échappe à son emprise ; il peut aussi ne porter que sur les objets se trouvant
à la surface du sol ou sur quelques uns d’entre-deux, tels sur les constructions ou
plantations ou même sur certains arbres isolés. Bien que le code civil n’en fasse nulle part
mention, il en admet l’existence. Sa légalité résulte de nombreux textes comme le décret
foncier de 1932.
2- Mode d’établissement
Au Cameroun, le droit de superficie est établi par un titre par lequel le propriétaire
d’un immeuble ou terrain cédé son droit sur le sol tout en conservant la propriété du
sous-sol, ou, inversement, cède le sous-sol en conservant la propriété des constructions
ou la jouissance du dessus. Le titre peut être un acte à titre onéreux ou à titre gratuit,
entre vif ou à cause de mort.
3- Régime juridique
- Qu’il s’agit d’un droit de propriété immobilière qui est, à ce titre, susceptible
d’être hypothéqué (art. 2133 al. 2 c.civ.) ;
- Que le superficiaire n’est pas en copropriété avec le tréfoncier : les droits du
superficiaire et du tréfoncier ont chacun un objet distinct ;
- Qu’il est en principe perpétuel comme toute propriété immobilière et que son
titulaire aura les prérogatives habituelles d’un propriétaire : usus, fructus,
abusus.
De manière générale les prérogatives du superficiaire sont plus ou moins étendues. Il
peut porter sur la totalité de la surface du sol ainsi que tout ce qui s’y dresse. Dans ce cas,
le droit du tréfoncier se réduit à la propriété du sous-sol : il pourra donc l’exploiter à
condition de ne pas nuire à la superficie et aura droit à tout ce qui peut s’y trouver
(trésor) ou en provenir (redevance d’exploitation des mines dite redevance tréfoncière).
Mais, ordinairement, la propriété du superficiaire est plus réduite : elle porte sur les
constructions et plantations, et parfois même sur certaines d’entre elles seulement. Tout
le reste appartient au tréfoncier, surface du sol inclus : et c’est pourquoi on l’appelle alors
le tréfoncier. Tout dépendra de la manière dont le droit de superficie aura été constitué
4- Durée du droit de superficie
En tant que droit de propriété, le droit de superficie est par nature perpétuel et ne
s’éteint pas par le non usage. Mais puisqu’il est établi par un titre, celui ci peut limiter sa
durée dans le temps. S’il résulte par ex. d’un contrat de bail, il prend fin avec le bail et le
sort des constructions, plantations et autres aménagement est réglé soit par le contrat de
bail, soit par l’article 555 du c. civ.
a) L’emphytéose
C’est un bail de très longue durée 18 à 99 ans et d’origines fortes anciennes, qui
porte sur un fonds et qui est destiné à en assurer la mise en valeur. On parle aussi de bail
emphytéotique
C’est pourquoi le preneur, ou emphytéote, sur qui pèse cette obligation, ne paye
qu’une faible redevance, très souvent même symbolique et il devient titulaire d’un droit
réel immobilier susceptible d’hypothèque. Ce droit réel lui confère des prérogatives très
importantes (l’usage et la jouissance du fonds, le droit aux fruits, le droit d’exploiter
mines et carrières, de changer le mode de culture, etc.), mais surtout le rend propriétaire
des constructions et plantations pendant la durée du bail 61. A l’expiration de celui-ci, cette
propriété revient au bailleur sans indemnité.
Si un locataire élève des constructions et plantations sur l’immeuble loué, qui sera
propriétaire ? la solution varie selon que les parties son en fin de bail(a) ou pendant le
bail(b).
a) En fin du bail63
En principe, le propriétaire acquiert, par accession, la propriété de tout ce qui
s’élève sur son fonds (art. 552 c.civ.). Il ne restera que le problème d’indemnités à régler.
Les parties peuvent avoir prévu une autre solution, spécialement si le bailleur avait
autorisé le preneur à construire ou planter. Dans ce cas, il faudra respecter leurs accords.
62
Lire ROZES L. in « Les travaux et constructions du preneur à bail sur le fonds loué », LGDJ. Paris, 1976.
63
Sur la distinction bail d’habitation et bail commercial, voir :
- CS, arrêt n° 92/cc du 21 mars 2002 (pourvoi n° 23/cc/96-97 du 20 janv. 1996), aff. HAMAN OUMAROU c/ Hôtel
Relais de la Porte Mayo à Maroua, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 225/civ. du 2 mars 2005, aff. n° 704/RG/02-03 : TEMEGHI Boniface c/
DJIMELI Boniface : Constructions sur terrain loué et compensation avec loyer impayé, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 134/civ. du 12 juin 2005 (contradictoire), NANA TCHOUAKAM, MBOCK
Daniel, POUTH Etienne c/ Dame MBANG KOLLO née YONDO Alice Téclaire : opposition à expulsion pour non
paiement de loyer, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 184/01/04-05 du 09 février 2005, aff. n° 160/04-05 du 1 er oct. 2005, NOUPA
Daniel c/ WANKO Moïse : expulsion pour non paiement de loyer, inédit.
C’est ainsi que le juge de Bafoussam a expulsé en 1992 le sieur NOUDEM qui, à l’expiration
du bail, s’était maintenu de force sur le terrain de TSAPI Noël qui le lui avait donné à bail
pour une durée de cinq ans64.
Lorsque le contrat de bail est fait sans écrit, l’une des parties ne peut y mettre fin
qu’après avoir donné congé (préavis) à l’autre. La partie qui donne congé doit observer
les délais fixés par l’usage des lieux (art. 1763 du cc.). Pour permettre à la Cour suprême
de vérifier si le délai du congé a été donné conformément à l’usage des lieux, les juges du
fond qui admettent la validité de ce congé, doivent dire quel est l’usage des lieux où est
situé l’immeuble loué65. En tout état de cause, « le propriétaire d’une maison66 dont les
loyers ne sont pas payés est en droit de demander l’expulsion du locataire devant le juge des
référés67. La restitution de la libre disposition de son bien suffit à caractériser l’urgence
requise par l’article 182 du code de procédure civile et commerciale »68.
Toutefois, en vertu de l’article 1738 du c.civ., « si à l’expiration du bail écrit, le
preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par
l’article relatif aux locations faites sans écrit », en l’espèce, il s’agissait d’un contrat de bail
signé entre les époux HEGA, propriétaires d’une villa et la société ONCPB. Ce bail est
conclu pour une période déterminée, mais renouvelable par tacite reconduction.
A l’expiration de la première période de location, les propriétaires avisent le
locataire (ONCPB) de l’augmentation du loyer. Il ne réagit pas et se maintient dans les
lieux. Un an plus tard, les époux HEGA adressent leur facture au locataire, réajustée en
fonction du nouveau montant du loyer. Après avoir abandonné le loyer, l’ONCPB proteste
64
TPI de Bafoussam, ord. de référé n° 61/civ. du 5 juin 1992, aff. TSAPI Noël c/ NOUDEM.
65
CS, arrêt n° 60/cc du 29 janvier 199, aff. NDO’O Jeannette c/ NGOUBE Albert in Lex Lata n° 001 du 06 oct.
1994, p. 13, présentation Grégoire JIOGUE.
66
Sur la nécessité de la qualité du propriétaire, lire :
- TPI de Yaoundé, ord. de référé n° 1004 du 07 sept. 2000, dossier n° 161/RG/09-00 du 27 juillet 2000 ; aff.
EDJIMBI Henri Georges et BOUMAN Victor c/ EPALE Roger Delare et MBOCK Léo Guy, inédit.
- CA du Centre de Yaoundé, arrêt n° 262/civ. du 16 mai 2001, aff. n° 789/RG/99/00 du 18 août 2000 ;
ATANGANA MVONDO Barthélémy c/ AHMADOU BOBBO, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 310/civ. du 10 juillet 2002 ; aff. 280/RG/2001-2002 du 21 janvier 2002, Succ.
EKANI Luc Gérard c/ FOYANG Etienne, inédit.
- TPI de Yaoundé, ord. n° 398 du 02 mars 2000, aff. Mission d’Aménagement et de gestion des zones
industrielles (MAGZI) c/ Société camerounaise de transformation métallique (SCTM), inédit.
67
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 105/civ. du 05 nov. 2003, EBONGUE Mérimé François c/ MBEZELE
Dieudonné ; « L’urgence commence là ou s’arrête le droit d’une partie, où le droit de l’autre est vidé, et où naît
la nécessité impérieuse de faire cesser cette violation … », inédit.
68
TPI de Yaoundé, ord. du 30 juin 1994, aff. EDOA Pius c/ BIHINA MBARGA in Lex Lata n° 001 du 6 oct. 1994, p.
14.
et refuse d’honorer cette facture. Assigné devant le TGI de Douala, le locataire (ONCPB)
est condamné à régler ladite facture pour l’avoir acceptée tacitement… 69
Cette facture réajustée doit évidemment être au préalable conforme aux
dispositions de l’article 80 du Code de l’enregistrement du timbre et de la curatelle, aux
termes duquel « les tribunaux devant lesquels sont produits des actes non enregistrés,
doivent soit sur les réquisitions du ministère public, soit même d’office, ordonner le dépôt
de ces actes au greffe pour être soumis à la formalité de l’enregistrement », car la Cour
suprême a eu à plusieurs reprises à casser « l’arrêt confirmatif d’une cour d’appel ayant
statué sur un différend portant sur un contrat non enregistré, sans avoir ordonné au
préalable l’enregistrement dudit contrat, alors qu’il s’agit d’une d’ordre public »70. La
haute juridiction rappelle toutefois que le locataire ayant conclu un bail verbal avec sa
bailleresse est mal fondé à contester la qualité de cette dernière lorsqu’il s’agit de son
expulsion pour non-paiement de loyers échus71.
Toutefois, Il convient de préciser que pour la jurisprudence , le contrat de bail
n’expire pas nécessairement à l’échéance convenue. En effet, le bailleur qui continue de
percevoir un loyer, bien qu’ayant adressé un préavis et une lettre sommant le locataire de
libérer les lieux, prolonge sans le savoir (peut-être) ledit contrat. La CA du Centre à
Yaoundé a ainsi déclaré, « qu’en date du 17 avril 1998, dame veuve BELLA HASSAN née
PATOU HADJA avait adressé à son locataire AMBASSA OMBEDE Blaise une lettre de préavis
aux fins de libérer la parcelle de terrain qu’elle lui avait donné en location au quartier
Ngousso à Yaoundé, alors et pourtant qu’elle a continué à percevoir les loyers jusqu’en
février 1999. Qu’ainsi, par rapport au contrat de bail liant les parties, il y eut tacite
reconduction ».
L’article 552 al.1 du c.civ. dispose que « la propriété du sol emporte(…) la propriété
du dessous ». Autrement dit le propriétaire du sol est également le propriétaire du sous-
sol. Tel est le principe(A) qui admet des limites(B).
A-Le principe
Le principe énoncé par l’article 552 du code civil connaît des limites établies dans
un intérêt privé(1) ou dans l’intérêt général(2).
74
Alexandre et Brideau in « L’évolution du droit des constructions et la réparation des dommages causés aux
immeubles voisins », A.J.P.I. 1977, 531.
75
Cass. Crim., 7 juin 1957. D. 1958, 39, note bouchée.
1- Limites dans l’intérêt privé
Un propriétaire peut aliéner ses droits dans tout ou partie du sous-sol : céder la
propriété d’une grotte, le droit d’exploiter le tréfonds, etc. L’acte juridique d’aliénation
(le titre) revêtira une forme quelconque : vente, donation, testament, renonciation…
Lorsque des richesses naturelles présentent un intérêt pour la nation, l’Etat les
retire à leur propriétaire privé. Il en est ainsi des carrières(b) des gisements de minéraux
ou d’hydrocarbures(a). La législation minière contenue dans le code minier 76 et autres
textes limitent les droits du propriétaire du sol sur son sous-sol.
a- Les mines
Les carrières désignent tout gisement qui ne constitue pas une mine (art. 4 du
C.min.) : sources de matériaux de construction, de substances chimiques (sel, phosphore,
…). Antérieurement à la loi du 2 janvier 1970, le code minier distinguait, en outre, les
minières : il s’agissait des tourbières et des gisements de minerais de fer dits d’alluvion.
Cette catégorie a été, depuis lors, supprimée. Les minières sont assimilées aux carrières et
soumises à leur régime.
Le propriétaire du sol a la propriété des carrières 78. L’exploitation d’une carrière
appartenant à toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat ou
l’exploitation d’une carrière sur un terrain donné en bail est subordonnée au
consentement du propriétaire, sauf si cette exploitation a été déclarée d’utilité publique
dans les formes légales79. Elle doit faire l’objet d’une déclaration.
En cas d’exploitation par galeries souterraines, l’exploitant doit établir sur un plan
à l’échelle 1/50e :
- les désignations cadastrales ;
- le périmètre du terrain sous lequel doivent être exécutées les formules ;
- les édifices, chemins et ouvrages publics existant sur ledit terrain sur un rayon
de 250 m au moins ;
- l’emplacement des offices des puits ou des galeries.
Lorsqu’il existe déjà des travaux souterrains, il est fait mention dans la déclaration.
Le délégué régional chargé des mines dispose d’un délai de 30 jours à compter de la date
de réception de la déclaration, pour délivrer au déclarant un récépissé 80. Comme pour les
mines, l’exploitant devient titulaire d’un droit réel immobilier et débiteur de la redevance
tréfoncière. Compte rendu doit en être fait au ministère chargé des mines, dans les 10
jours qui suivent la délivrance du récépissé.
78
Décret n° 90/1477 du 09 nov. 1990 portant réglementation de l’exploitation des carrières (art. 4).
79
CS, arrêt n° 87/cc du 7 mars 2002 (pourvoi n° 162/cc/98-99 du 24 mars 1999, aff. FOUGEROLLE SOFRA et TP
c/ WIRBAM Paul et autres : les carrières relèvent-elles du domaine public, domaine national ou domaine privé ?
inédit.
80
L’exploitation des carrières sur le domaine public ou privé de l’Etat ou sur le domaine national est soumise à
autorisation (art. 3 décret n° 90/1477 précité).
A coté des mines et carrières, il faut indiquer les fouilles archéologiques qui ne
sont pas permises sans autorisation81. De même, des travaux de forage, dans les
périmètres de protection établis autour de sources d’eaux minérales (art. 61, loi du 16 déc.
1964). De sorte que l’on voit s’instituer pour certains biens, contenues dans les sols, un
régime juridique différent de celui des autres éléments qui en font partie. L’observation
est particulièrement valable pour les eaux qui peuvent s’y trouver.
81
Loi du 20 sept. 1941 validée par l’Ord. du 13 sept. 1945.