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BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

Carbonnier (J), Droit civil, Tome3, Les biens, Coll. Thémis, Puf, 2000.

Malaurie (Ph) et Aynès (L), Droit civil, Les biens/la publicité foncière, éd CUJAS,
1992 .

Terré (Fr) et Simler (Ph), Droit civil, Les biens, précis Dalloz, 8 e ed, 2010.

Tientcheu Njiako (A), Le Titre foncier au Cameroun, éd. Arika, 2010

-Droits réels et domaine national au Cameroun, PUA, 2004.

-Droits fonciers urbains au Cameroun, PUA, 2003.

Code Civil

Code immobilier

INTRODUCTION

Ce cours a pour objet les Biens et a pour objectif d’indiquer aux étudiants tous les
types de droit qu’une personne peut avoir sur un bien ou une chose. Les biens ou les
choses peuvent avoir différentes natures, elles peuvent être matérielles ou immatérielles,
corporelles ou incorporelles. Mais dans le cadre de ce cours nous n’insisterons que sur les
biens ou choses corporelles ou matérielles, et particulièrement les terrains ou fonds de
terre.
Remarquons que le mot « Bien » a de nombreux sens. Mais en droit, il désigne
toute chose susceptible d’appropriation et évaluable en argent. C’est pourquoi même les
droits portant sur cette chose sont considérés comme des biens. Toutefois, toutes les
choses ne sont pas des biens. Certaines choses par leur nature répugnent à toute
appropriation. Il s’agit des choses qui ne sont pas appropriables. Ce sont celles dont
l’usage est commun à tous les êtres humains, on les appelle les choses communes, c’est
par exemple le cas de l’air, la lumière solaire, l’eau courante, etc.

Le rapport qu’une personne peut avoir avec un, bien ou une chose, peut être un
rapport réel, on dit qu’il a sur cette chose un droit réel, ou un rapport personnel, dira qu’il
a à l’égard de cette chose un droit personnel.

I-Distinction sommaire droit réel et droit personnel

C’est important de rappeler cette distinction parce qu’elle permet de comprendre


certains développements en régime foncier et en régime domanial. Par exemple vue de
l’extérieur, peut-on distinguer l’usufruitier d’un terrain et un simple locataire d’un terrain ?
Ils occupent de la même manière le terrain, pourtant l’un a le droit d’en jouir ; l’autre a le
droit que le bailleur l’en fasse jouir. L’un a un droit réel et l’autre à un droit personnel

Le droit réel est celui qui donne à une personne un pouvoir direct et immédiat sur
une chose, pouvoir qui lui permet de retirer de cette chose toutes les utilités
économiques possibles. Du point de vue de sa structure, il comporte une personne, le
titulaire ou sujet du droit, et une chose, objet du droit. On distingue les droits réels
principaux et les droits réels accessoires. Les droits réels principaux sont : le droit de
propriété qui en est le plus complet et ses démembrements qui sont le droit d’usufruit, le
droit de nue-propriété, la servitude, le droit d’usage et le droit d’habitation. Les droits
réels accessoires sont les droits de garanties à l’instar des sûretés réelles comme le gage
d’un meuble ou l’hypothèque d’un immeuble. Ils permettent d’utiliser la chose pour
garantir le paiement d’un emprunt, d’une dette ou une créance.

Le droit personnel est le pouvoir qui permet à une personne, appelée le créancier,
d’exiger d’une autre, appelée le débiteur, une prestation, un service, consistant à faire, à
donner ou à ne pas faire quelque chose. Structurellement, le droit personnel, encore
appelé droit de créance, met en place le créancier en face du débiteur. Ces deux
personnes sont liées par un lien de droit qu’on appelle obligation ou dette ou encore
créance.

L’obligation de donner consiste à transférer la propriété d’un bien du débiteur vers


le créancier, par exemple transférer la propriété d’un terrain du vendeur à l’acheteur.
L’obligation de faire consiste pour le débiteur à accomplir une prestation au profit du
créancier, par exemple le dessinateur qui élabore le plan d’une maison au profit du
propriétaire d’un terrain. L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur à s’abstenir
de faire quelque chose, par exemple le vendeur d’un terrain doit s’abstenir de ne pas
revendre le même terrain à une deuxième personne.

L’ensemble des droits réels et des droits personnels d’une personne forment sont
patrimoine.

II- Le patrimoine

Le patrimoine est l’ensemble des biens et obligations d‘une personne envisagé


comme formant une universalité de droit, c’est-à-dire un tout, une unité juridique. De
cette définition découle la composition du patrimoine et ses caractères.

A- Composition du patrimoine

Le patrimoine est composé d’actif et de passif. L’actif d’un patrimoine, ce sont des
droits réels et des droits de créances. Il s’agit des choses et droits évaluables en argent.
C’est pourquoi on parle de droits patrimoniaux par opposition aux droits extra
patrimoniaux qui sont des droits qui ne sont pas évaluables en argent, par ex. les droits
de la personnalité, comme le droit au nom.

Le passif du patrimoine, ce sont les dettes, les charges et obligations qui pèsent sur le
titulaire du patrimoine. En sorte que recueillir ou hériter d’un patrimoine, ce n’est pas
seulement devenir propriétaire des biens qui le composent, c’est aussi devenir débiteur
des dettes qui le grèvent ou qui pèsent sur lui.
Les biens et les dettes qui constituent un patrimoine sont indissociables, les premiers
servent à payer les seconds. C’est pourquoi on dit que les biens d’un individu servent à
payer ses dettes.

Bien que se soient ces éléments qui composent le patrimoine, celui-ci reste distinct de
ces éléments qui peuvent varier à un moment donné. Ainsi un bien pour une raison
quelconque peut sortir du patrimoine (le propriétaire peut le vendre par exemple) et un
autre peut faire son entrée (par ex le propriétaire peut acheter un bien). De même
qu’ayant besoin d’argent, il peut s’endetter, puis rembourser, puis s’endetter encore, etc.
Les éléments qui constituent le patrimoine sont en constante fluctuation. C’est pourquoi
le patrimoine ne se confond pas avec ses éléments. Dans ce sens on dit que le patrimoine
est une universalité de droit. Cette dernière s’oppose à l’universalité de fait qui est la
réunion par un propriétaire de ses actifs (ses biens), qui normalement peuvent être
séparés, mais qui sont réunis par le propriétaire en vue d’atteindre un objectif donné.

Le patrimoine demeure identique malgré cette fluctuation. Il est un contenant qui


reçoit les biens présents et mêmes les biens futurs ou biens à venir. C’est-à-dire les biens
qui seront acquis plutard à titre gratuit ou onéreux. C’est dans ce sens que même un
individu qui à l’heure actuelle n’a aucun bien, est considéré comme ayant un patrimoine.

B- Les caractères du patrimoine

Le caractère principal du patrimoine est qu’il est étroitement lié à la personne de son
titulaire. C’est pourquoi l’on affirme que le patrimoine est la projection de la personne
dans le terrain des intérêts matériels (actifs et passifs). Le patrimoine étant une
émanation de la personnalité de son titulaire, on en déduit que :

-Seules les personnes physiques ou morales peuvent avoir un patrimoine.

-Toute personne n’a nécessairement qu’un patrimoine, car elle est apte à avoir des
droits et des obligations qui prennent place dans ce contenant. Même si cette personne
n’a momentanément rien ou même si elle n’a que des dettes.

De ce caractère principal découle des caractères dérivés :

Les caractères dérivés sont :


L’incessibilité du patrimoine entre vif. Le patrimoine est incessible entre vif, c’est-à-dire
qu’il ne peut être cédé tant que son titulaire est encore vivant. Le patrimoine est
intransmissible entre vif (vivant). Le titulaire d’un patrimoine peut aliéner ou transmettre
tout l’actif de son patrimoine, vendre tous les biens dont il est actuellement propriétaire,
jusque là il n’aura pas transmis son patrimoine puisqu’il ne peut transmettre ses dettes
(passif), or patrimoine égale actif plus passif ; puisqu’il garde la possibilité d’acquérir
d’autres biens. Le patrimoine ne peut être transmis qu’à la mort de son titulaire. Il sera
recueilli par ses héritiers qui sont les continuateurs de sa personne. On dit qu’il est
transmissible à cause de mort.

L’indivisibilité du patrimoine. Toute personne n’a qu’un seul patrimoine. Cette


conception est aujourd’hui dépassée d’abord parce que parfois à l’intérieur d’un
patrimoine il peut y avoir une masse des biens qui a son propre passif et qui se détache du
patrimoine général pour être soumise à des règles qui lui sont propres, par exemple
lorsqu’une succession est acceptée sous bénéfice d’inventaire, l’héritier se trouvera à la
tête de deux patrimoines (le sien et celui du défunt) qui ne se confondent pas. Et ensuite,
la loi permet dans certain cas au titulaire d’un patrimoine de fractionner celui-ci. Ainsi, le
titulaire d’un patrimoine peut affecter une partie de son patrimoine à une personne
morale créée à cet effet. C’est ainsi qu’existe aujourd’hui, les sociétés unipersonnelles (la
même personne à un patrimoine propre et un patrimoine social ou un patrimoine général
et un patrimoine spécial), c’est aussi le cas des fondations ou des mécénats. Le
mouvement en faveur du patrimoine d’affectation se poursuit encore, c’est ainsi qu’en
France depuis juin 2010, une personne peut affectée certains actifs ou une partie de son
patrimoine propre ou privé à une activité particulière ou professionnel sans créer de
personne morale. On parle d’entreprise individuelle unipersonnelle à responsabilité
limité(EIRL).

Les biens qui composent un patrimoine peuvent être mobilier ou immobilier, corporel
ou incorporel, etc. On parle de classification des biens.

III- La classification des biens

Il existe plusieurs critères de classification des biens. Mais le droit n’en retient que
7. Nous ne présenterons que qui les classifications principales car seules celles-ci ont
un intérêt pratique évident avec la question foncière ou immobilière. Il s’agit de la
distinction bien meuble et immeuble (A) et la distinction bien corporels et incorporels
(B).

A- Bien meuble et immeuble

C’est la distinction la plus ancienne. Elle est prévue par le code civil à l’article 516 qui
dispose que « Tous les biens sont meubles ou immeubles ». Un bien est meuble lorsqu’il
peut être facilement déplacé d’un lieu à un autre, alors qu’un bien est immeuble lorsqu’il
ne peut être facilement déplacé du fait de sa fixité au sol.

Le bien immeuble est toujours susceptible d’une individualisation géodésique. Il peut


faire partie du fichier cadastral. Lorsqu’il est immatriculé, il est inscrit dans le livre foncier
tenu à la conservation foncière. Son aliénation (vente) est facilitée par cette publicité, sa
preuve aussi. Alors que le bien meuble du fait de sa mobilité, sa fongibilité et son
instabilité peut être facilement déplacé, caché, confondu. La preuve de son aliénation
n’est pas toujours facile. Il n’est pas possible en principe d’organiser sa publicité. Sa
preuve est constituée des présomptions organisées à partir de sa possession actuelle et
physique, sa maîtrise de fait, matérielle et visible.

Du fait de leur fixité, la liste des biens immeubles est close. Alors que celle des biens
meubles est ouverte à cause de leur variété et mobilité. Ainsi, lorsqu’il n’est pas facile de
déterminer la nature d’un bien, lorsque cette nature est douteuse ou lorsqu’un bien ne
peut rigoureusement être défini comme immeuble, il est classé comme meuble.

1- le bien immeuble

Il existe trois catégories d’immeuble :

-Les immeubles par nature. Il s’agit, d’abord, du sol ou fonds de terre ou terrain
(art.518c.civ). C’est l’immeuble par excellence. Il s’agit, ensuite, de tout ce qui est fixé au
sol. Tout ce qui est planté au sol ou dans la terre fait partie de l’immeuble et prend cette
nature. C’est le cas des végétaux (y compris les plantes ou cultures pendantes par leur
racine et les fruits des arbres non encore recueillis, mais dès qu’ils sont coupés, ils
reprennent leur individualité et redeviennent les meubles) et des constructions. Toute
construction fixée ou adhérant au sol est immeuble. Il s’agit des bâtiments ou tout autre
édifice ou ouvrage comme les ponts, digues, barrage, etc, ainsi que tous les accessoires
incorporés à la construction, qui sans eux serait incomplète. C’est le cas des ascenseurs,
des canalisations d’eau ou de gaz, des convecteurs électriques, des antennes
paraboliques, les paratonnerres, etc.

-Les immeubles par destination. Ce sont les biens meubles qui sont fictivement
considérés comme des immeubles en raison du lien qui les unit à un immeuble par nature.
Cette solidarité créée entre le meuble et l’immeuble s’explique par la règle accessorium
sequitur principale (l’accessoire suit le principal). L’immeuble étant le bien principal tout
autre bien meuble qui s’unit à lui prend la même nature que lui.

Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que deux conditions soient réunies :

D’abord, il faut que les biens immeuble et meuble appartiennent au même


propriétaire.

Ensuite, il faut qu’un rapport de destination existe entre le bien immeuble et le


bien meuble. Ce lien de destination doit être objectif. Ce lien objectif de destination peut
être établi par deux procédés :

Premier procédé, le bien meuble est affecté à l’exploitation ou au service d’un


immeuble par nature ou d’un fonds et est nécessaire ou indispensable au service ou à
l’exploitation de ce fonds. Ce dernier peut être agricole, on parle d’affectation agricole,
c’est le cas des plantations où selon, l’article 524 c.civ, les animaux affectés à son
exploitation, le matériel agricole (ustensiles aratoires, pressoirs, cuves, tonnes, etc.), les
semences, les pailles et les engrais nécessaires à son exploitation sont des immeubles par
destination. C’est aussi le cas du fonds industriel, on parle d’affectation industrielle.
Toutes les choses qui servent à l’exploitation de l’industrie ou à la fabrication de ses
produits (matières premières, matériel et outillage, animaux et voitures mis au service de
l’usine, etc) sont des immeubles par destination. C’est encore le cas du fonds commercial
ou de l’affectation commerciale. Tous les biens meubles indispensables à l’exploitation
du bâtiment et du fonds de commerce sont immeubles par destination, c’est le cas des
meubles garnissant un hôtel, des cabines et des matériels d’un établissement de bains ou
d’un établissement de télécommunication. C’est enfin le cas de l’affectation au service
particulier d’une maison. Tous les biens meubles indispensables à l’exploitation d’une
maison sont des immeubles par destination. Il en est ainsi des appareils de douche,
baignoires, clefs des portes, volets mobiles, etc.

Second procédé, le bien meuble est attaché au bien immeuble à perpétuelle


demeure. Peu importe qu’il soit indispensable ou nécessaire à l’immeuble. Ou qu’il serve à
son exploitation ou non. La seule condition qui vaut c’est que le meuble soit attaché à
perpétuelle demeure. Le lien d’attache doit être visible et durable. Il ne doit pas s’agir
d’une simple mise en place, mais il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une incorporation.
L’article 525 c.civ indique des procédés d’attache : d’abord le bien meuble doit être scellé
au bien immeuble à plâtre, à chaux, à ciment ou à tout autre procédé tel que le meuble
ne puisse être détaché sans être fracturé ou détérioré, ou sans détériorer la partie du
fonds à laquelle ils sont attachés. Ensuite en ce qui concerne les tableaux et autres
ornements leur attache est établie si le parquet sur lequel ils sont fixés fait corps avec la
boiserie. Enfin, en ce qui concerne les statuts leur lien d’attache est établi par
l’aménagement d’une niche pour les recevoir.

L’intérêt de l’immobilisation par destination est que les biens meubles qui sont
affectés à l’immeuble augmentent sa valeur. L’aliénation d’un fonds agricole ou industriel
par exemple englobera les immeubles par destination ; l’hypothèque d’un fonds portera
sur les immeubles par destination en même temps que sur l’immeuble par nature. La
saisie du fonds emporte aussi saisie des biens meubles qui lui sont affectés. L’évaluation
d’un fonds agricole, industriel ou commercial intègre à la fois l’immeuble par nature et les
immeubles par destination.

-Immeuble par l’objet auquel il s’applique. Cette dernière catégorie d’immeuble


comprend les biens qui à l’origine ne sont ni meuble ni immeuble comme les droits. Mais
qui parce qu’ils portent sur un bien prennent la nature de ce bien. Ainsi un droit qui porte
sur un immeuble devient un droit immobilier et est de ce fait soumis au régime des
immeubles. C’est également le cas des actions qui tendent à revendiquer un immeuble et
au-delà de l’action en revendication, toute action portant sur un immeuble, on parle
d’action réelle immobilière. C’est enfin le cas, dans une certaine mesure, des créances
portant sur un immeuble, on parle de créance immobilière.
2- le bien meuble

On distingue le bien meuble par nature, le bien meuble par détermination de la loi
(art.527 c.civ.) et le bien meuble par anticipation.

Meuble par nature, ce sont les choses mobiles de part leur nature, c’est-à-dire les
animaux et autres corps ou choses qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit
qu’ils se meuvent eux-mêmes, soit qu’ils ne peuvent changer de place que par l’effet
d’une force étrangère, comme les choses inanimées, tels les meubles meublants, c’est-à-
dire les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements (tables, lits, chaises,
fauteuil, téléviseurs, etc.). A ces biens, on ajoute le titre au porteur. C’est le document,
papier ou autre instrument sur lequel est inscrite la créance qu’un créancier a à l’encontre
d’un débiteur et qui en constitue la preuve. Il est dit au porteur parce qu’il ne porte pas le
nom du créancier, en sorte que celui qui le détient est considéré comme étant le
créancier. En effet, lorsqu’un droit de créance est constaté dans un titre au porteur, on
considère qu’il y’a incorporation de la créance dans le titre et la facilité de transmission de
main en main de ce titre fait que la créance qui y est incorporée est traitée comme
meuble corporel.

Meuble par détermination de la loi (art.529 c.civ.). Ce sont les biens à qui la loi
attribue la qualité de meuble. C’est la loi qui les qualifie comme tels. Il s’agit des actions
ou obligations des sociétés.

Meuble par anticipation, Cette catégorie des biens meubles a été crée par la
jurisprudence. Ce sont les biens qui naturellement sont immeubles, mais parce que
destinés dans un proche avenir à devenir des meubles, les parties à un contrat les
considèrent dès à présent comme meuble. On dit que les parties au contrat anticipent
leur nature mobilière. C’est le cas de la vente des cultures qui pendent encore dans le sol
par leur racine, parce qu’elles sont destinées à être récoltées (à être coupées du sol et à
devenir meubles), les parties au contrat de vente anticipent sur leur nouvelle nature dès
la vente (sans attendre qu’elles soient récoltées) et les considèrent comme les biens
meubles. C’est le cas aussi de la vente des matériaux à extraire d’une mine ou d’une
carrière.
L’intérêt du meuble par anticipation est qu’il facilite les transactions. Le régime de la
vente d’une chose mobilière est plus simple que celui de la vente d’une chose immobilière
(cette dernière oblige par exemple de passer par un notaire) et fiscalement moins
onéreux que celui de la vente des immeubles.

B- Bien corporel et incorporel

Un bien corporel est un bien matériel, c’est-à-dire un bien qui peut être touché, qui
tombe sous les sens. Il est immeuble ou meuble. Un bien est incorporel, lorsqu’il est
immatériel, c’est-à-dire qu’il ne peut être touché, il ne tombe pas sous le coup des sens. Il
n’est pas pour autant imaginaire, car il représente dans le patrimoine une valeur
économique certaine, ex. le droit d’un auteur sur son œuvre.

Comme souligné précédemment, les droits qu’un individu peut avoir sur un bien sont
soit le droit de propriété (Titre I), soit un démembrement du droit de propriété (Titre II).

TITRE I- LE DROIT DE PROPRIETE

C’est un droit fondamental de l’Homme. Il est sur le plan international consacré par la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 17 qui dispose que « Toute
personne, aussi bien seule qu’en collectivité a droit à la propriété. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa propriété ». Les différents pactes internationaux
respectivement relatifs aux droits politiques et aux droits économiques consacrent
également le droit de propriété. Sur un plan régional, la charte africaine des droits de
l’Homme et des Peuples dispose que « le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être
porté atteinte que par nécessité publique ou dans l’intérêt général de la collectivité. Ce
conformément aux dispositions des lois appropriées » (art.14).

Au plan interne, le droit de propriété est affirmé par la constitution révisée du 18


janvier 1996. La constitution dispose dans son préambule que la propriété est le droit
d’user, de jouir et de disposer des biens garantis à chacun par la loi. Nul ne peut être privé
si ce n’est pour cause d’utilité publique et sous la condition d’une indemnisation dont les
modalités sont fixées par la loi. Ce droit est organisé par le code civil et les textes
subséquents notamment en matière immobilière.
Les développements qui vont suivre porteront essentiellement sur la catégorie des
biens que constituent les immeubles et spécifiquement le terrain.

Le doit de propriété foncière peut au sens courant être entendu comme le droit
d’exercer une complète maîtrise sur un terrain. Nous verrons successivement les pouvoirs
du propriétaire (Chapitre I) , les caractères de son droit (Chapitre II) et l’étendue du droit
de propriété(Chapitre III).

CHAPITRE I- LES POUVOIRS DU PROPRIETAIRE FONCIER

Le droit de propriété est le droit réel par excellence, car il permet à son titulaire
d’exercer sur le terrain la plénitude des prérogatives d’une personne sur une chose.
L’article 544 du code civil le définit comme : « le droit de jouir et disposer des choses de
la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements ». De cette définition découle les pouvoirs du propriétaire qui, sont le
droit de jouir et le droit de disposer. Le droit de jouir pouvant être concrètement divisé en
droit d’user ou usus, droit de jouir ou de percevoir les fruits ou fructus. En somme un
propriétaire a l’usus, le fructus et l’abusus. Ces pouvoirs que le propriétaire a sur son
terrain peut être envisagé isolément (Section I) et en rapport avec son voisinage (Section
II).

Section I- LES POUVOIRS DU PROPRIETAIRE PRIS ISOLEMENT

Ne pris isolément c’est-à-dire pas dans ses rapports avec ses voisins, le propriétaire
foncier est titulaire d’un droit d’usage (PI), d’un droit de jouissance (PII) et d’un droit de
disposition (PIII).

PI- Le droit d’usage

L’usus ou jus utendi, que les mots français usage ou droit d’usage, traduisent
exactement, c’est le droit de faire de la chose tous les emplois, tous les usages qui ne la
modifient pas ou ne la modifient qu’imperceptiblement et qui peuvent se répéter autant
de fois qu’on veut1. Le jus utendi consiste en le droit, pour le propriétaire, d’utiliser la
chose. De s’en servir pour son agrément ou pour son exploitation économique. Cette
1
De Vareilles-Sommières, La définition et la notion juridique de la propriété, RTD Civ., 1905, p. 448,

n°11.
utilisation correspond à ce qu’il entend qu’elle soit. Par exemple c’est utiliser une maison
que de l’habiter ; c’est utiliser un terrain que d’y construire. Le plus souvent, le
propriétaire s’en tient aux utilisations que lui dicte la nature de la chose 2. L’utilisation peut
être matérielle (A) ou juridique (B).

A- L’utilisation matérielle

Comme tout titulaire du jus utendi, le propriétaire foncier utilise son fonds de terre
comme bon lui semble.

Ainsi il peut ériger sur son terrain des constructions diverses (habitation et autres).
Sous réserve du respect des règles d’urbanisme. Il peut utiliser sa terre pour y faire des
cultures. Monsieur le professeur Christian Larroumet affirme que « c’est utiliser un fonds
de terre que de le cultiver soi-même ou de le louer »3. Il peut y élever des plantations, en
faire une terre de pâturages, de parcours et d’industries. Le propriétaire a la liberté
discrétionnaire de choisir l’usage auquel la terre sera appliquée. C’est ainsi qu’il peut en
faire un terrain de football ou de tout autre sport, une prairie ou une forêt, une terre de
culture de fourrages destinés à la nutrition des troupeaux.

Il a aussi le pouvoir de modifier ou de transformer l’aspect de la terre. Aussi, il peut


détruire les constructions que supportait la terre pour en faire une terre de cultures,
ensuite la laisser en jachère. A la fin de la jachère, il peut décider de ne plus rien y cultiver
ou planter et en faire un terrain de football. Évidemment comme tout titulaire de jus
utendi, il supporte seul la charge d’entretien, de réfection, de transformation ou
d’amélioration de son bien4.

B- L’utilisation juridique

Les utilisations d’un fonds de terre peuvent être fort diverses. A côté des utilisations
purement matérielles, il y a les utilisations juridiques.

2
Atias (C), Les biens, T. I., Paris, Litec, 2000 n° 61, p.85.
3
Larroumet, Les biens – Droits réels principaux, T. II, Paris, Economica, 4 e éd., 2004, p.
121, n° 221.

4
Atias, op.cit., p. 87, n° 61.
Par l’utilisation juridique, tout propriétaire peut conclure les actes juridiques sur la
parcelle de terre qu’il occupe ou exploite. Il s’agit exactement des actes d’administration 5.
Ce sont des actes de mise en valeur de la terre, les actes d’exploitation normale de la
terre6. Le propriétaire potentiel ou occupant du domaine national a d’ailleurs l’obligation
de mettre la parcelle de terre qu’il occupe ou exploite en valeur. C’est la condition sine
qua non d’existence de son droit ; c’est aussi la condition nécessaire à l’obtention d’un
titre de propriété foncière.

Le propriétaire peut conclure tout type d’actes ordinaires d’exploitation du fonds de


terre, à l’exception des actes qui lui sont expressément interdits par la loi ou par les
règlements. Il peut conclure les contrats relatifs à l’entretien de la terre, à l’entretien des
plantes. Il peut vendre les récoltes, etc. Le Doyen Carbonnier reconnaît que « L’acte de
mise en valeur, d’exploitation normale, peut impliquer une consommation et
éventuellement une aliénation des revenus, mais le capital n’est pas entamé, ni
compromis »7.

PII- Le droit de jouissance

Le fructus ou jus fruendi, « c’est le droit de recueillir les fruits de la chose et de lui en
faire produire »8. Les fruits que peut retirer le propriétaire de la chose, naturellement ou
avec le travail de l’Homme, sont constitués par tout ce que fournit la chose régulièrement
et sans que sa substance en soit altérée. Habituellement on distingue les fruits et les
produits, qui sont tous acquis au propriétaire de la chose.

A- La perception des fruits

Le propriétaire a le droit de percevoir les fruits de son fonds de terre. Il existe trois
catégories de fruits : les fruits naturels, les fruits industriels et les fruits civils. Le
propriétaire a pleinement droit aux fruits naturels, c’est-à-dire tout ce qui est fourni
spontanément par son fonds de terre sans son travail ou celui d’un autre. C’est ainsi qu’il
a par exemple droit aux fruits recueillis sur des arbres non cultivés, aux produits et croît
des animaux utilisés pour l’exploitation de son fonds.
5
Voir Verdot, La notion d’actes d’administration en droit privé français, Paris, LGDJ, 1965 ; Hebraud et Verdot,
Encyclopédie Dalloz, Droit civil, n° 150 et s. ; Leduc, L’acte d’administration en droit privé, Nature et fonctions,
Thèse, Bordeaux, L’espace juridique, 1991.
6
Voir Cornu (G), op.cit., p. 53, n° 129.
7
Carbonnier, Droit civil, les personnes, Paris, PUF, 2e ed., 2000, p. 189, n° 102.
8
Voir De Vareilles-Sommières, op.cit., p. 449, n° 12.
Il a également et pleinement droit aux fruits industriels, c’est-à-dire tout ce qui est
fourni par son fonds en raison de son travail. Ainsi en est-il, par exemple, de tous les
produits agricoles issus de son fonds, du lait des vaches, pêche des étangs, coupe de bois,
loyer des maisons bâties et données à bail.

S’agissant des fruits civils, c’est-à-dire les revenus procurés par l’utilisation juridique
de la chose, le droit de les percevoir est aussi entier que pour les deux autres catégories
de fruits ci-dessus étudiées. Le droit d’occuper ou d’exploiter un terrain donne au
propriétaire le pouvoir de construire sur celui-ci et a fortiori d’occuper ou d’exploiter lui-
même sa construction. Son droit n’ayant pas un caractère personnel, il est cessible à titre
gratuit ou onéreux. Le propriétaire peut, au lieu d’occuper ou exploiter lui-même sa
construction, transférer ce pouvoir à un tiers et percevoir de lui un loyer ou non.

Il ne lui est pas interdit de percevoir les fruits civils lorsque ceux-ci résultent d’une
utilisation juridique de la chose qui n’est pas expressément prohibée par la loi ou les
règlements. C’est ainsi par exemple qu’il peut prêter son fonds de terre ou les outils
utilisés pour l’exploiter contre rémunération.

Le propriétaire a le droit de décider du mode de fructification de sa terre. Ce droit


lui permet de transformer à son gré l’exploitation de son fonds. Il peut changer les
cultures pratiquées sur son fonds, défricher les forêts, remplacer les terres arables par les
cacaoyers ou les caféiers, etc. Le propriétaire a le droit de conserver, consommer ou
aliéner à son gré les fruits perçus de même qu’il a le droit de percevoir les produits.

B- La perception des produits

Les produits sont constitués par tout ce qui résulte de l’exploitation d’une chose
en l’altérant. Ils se distinguent des fruits par deux caractères principaux : Ils n’ont pas de
périodicité alors que les fruits en ont une ; ils altèrent la substance de la chose alors que
les fruits les préservent en principe.

Le propriétaire a le droit de percevoir les produits résultant de son fonds.


Autrement dit, il a le droit d’altérer la substance de son fonds. C’est là une différence
fondamentale avec l’usufruitier qui a l’obligation de préserver la substance de la chose.

Le droit du propriétaire d’exploiter son fonds l’autorise en principe à altérer la


substance de la parcelle exploitée. C’est ainsi par exemple qu’il a droit de couper pour lui
ou pour autrui les arbres dans sa forêt non aménagé pour les coupes régulières 9. La
législation sur les forêts10 reconnaît aux titulaires des droits fonciers coutumiers et à
fortiori un propriétaire, un droit d’exploitation domestique de la forêt appelé droit
d’usage coutumier. Ce droit permet au propriétaire d’exploiter tous les produits issus de
la forêt située sur son fonds pour la satisfaction de ses besoins domestiques. Il a le droit
de récolter le volume des produits forestiers correspondant à ses besoins. Lorsque
l’exercice de ce droit est reconnu incompatible avec les objectifs assignés à la forêt située
sur son fonds, le propriétaire bénéficie d’une compensation 11. Il a le droit de vendre ou de
louer le droit de coupe dans sa forêt non aménagée. Il a également droit à tous les
produits issus de la faune et de la pêche lorsque celle-ci sont situées sur son fonds 12.

L’extraction des matériaux dans une carrière est généralement considérée comme
constitutive de produit. La question se pose de savoir si un propriétaire peut extraire les
matériaux dans une carrière située dans son fonds ? La réponse à cette question
comporte des nuances selon le type de matériaux ou minerais et le mode d’exploitation.

Il convient au préalable de préciser que les carrières relèvent de la législation


applicable aux substances minérales. En effet, aux termes de l’article 2 de la loi n° 64/LF-3
du 6 avril 1974 portant régime des substances minérales « les gîtes naturels de substances
minérales sont classés, relativement à leur régime légal en carrière et en mines ».

Sont à considérer comme étant des carrières les gîtes de matériaux de


construction et d’amendement pour la culture des terres et autres substances analogues,
à l’exception des calcaires, des phosphates, des nitrates, des sels alcalés et autres sels
associés dans les mêmes gisements. Les tourbières sont également classées parmi les
carrières.

Lorsqu’il s’agit de l’extraction de matériaux de construction, telles les pierres, pour


ses besoins propres par exemple pour monter une fondation afin d’y construire une
maison, on est en présence d’une extraction domestique. Le propriétaire foncier n’a pas

9
Lorsque la forêt est aménagée par les coupes régulières, les coupes ne sont plus des produits, mais des fruits
en raison de ce que l’aménagement en coupe réglée a pour effet de préserver la substance de la forêt.
10
La loi n° 94/01 du 20 mars 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche et le décret n° 94/436-
PM du 23 août 1994 fixant les modalités d’application du régime des forêts.
11
Voir Analyse des conflits et du cadre juridique et institutionnel de l’environnement au Cameroun. Document
rédigé sous les auspices du Ministère de l’Environnement et des Forêts dans le cadre de l’élaboration du Plan
National de Gestion de l’Environnement au Cameroun, Octobre 1995, p. 113.
12
Ibidem.
besoin d’informer l’administration de son initiative ou d’obtenir d’elle une autorisation. Il
devrait bénéficier en la matière des « droits d’usage coutumiers » identiques à ceux qui lui
sont reconnus en matière forestière.

Lorsque l’extraction prend la forme d’une exploitation véritable et quel que soit le
matériau à extraire, il faut se reporter aux directives du décret n° 90/1477 du 9 novembre
1990 réglementant l’exploitation des carrières. L’article 3 al. 1 de ce décret précise que
« l’exploitation des carrières (…) est soumise à autorisation ». Le décret n° 90/1477 ci-
dessus cité s’applique tant aux exploitations artisanales qu’industrielles. L’article 1 de ce
décret précise que ses dispositions s’appliquent à l’exploitation des carrières de toute
nature.

De ce qui précède, on peut affirmer que le propriétaire peut ouvrir et exploiter une
carrière dans son fonds. Il devra seulement obtenir l’autorisation de l’administration pour
une exploitation artisanale ou industrielle.

Il a le droit de vendre les produits extraits de sa carrière, même lorsqu’il s’agit


d’une extraction domestique.

Il y a dans cette possibilité de porter atteinte à la substance du fonds de terre qu’il


occupe ou exploite, non seulement une traduction de la vigueur des prérogatives de
jouissance reconnues à un propriétaire foncier, mais aussi et surtout une manifestation
réelle du pouvoir de disposer matériellement de son fonds. Le droit d’exploiter son fonds
permet également au propriétaire d’exercer un abusus sur sa terre.

PIII- Le droit de disposition

L’article 544 du code civil précité présente la propriété comme le « (…) droit de
jouir et de disposer des choses ». Le droit de jouir a déjà été étudié précédemment. Il s’agit
maintenant d’examiner le droit de disposer encore appelé abusus ou jus abutendi.
L’abusus13 est considéré comme la prérogative caractéristique du droit de propriété.
L’abusus est l’expression suprême de la maîtrise des biens qui n’est véritablement
13
L’abusus est un concept qui existait déjà à Rome où il avait une signification non attachée spécifiquement à la
propriété. Le digeste en parle à propos du possesseur de bonne foi (D. 5, 3, 25, 11) et de l’usufruitier (D. 7, 1,
15, 1). Il recouvrait l’idée de suppression partielle ou totale de la jouissance de la chose (Cicéron, Topiques, 3),
celle de la perte, de dissipation d’un bien (D. 5, 3, 25, 11 précité), voire celle d’une manière d’user qui fait
disparaître la chose (Ortolan, Législation romaine, T.I, 9e éd., par Bonnier, n° 219).
reconnue qu’au propriétaire. Ce pouvoir n’appartient ni à l’usufruitier, ni au locataire, ni à
l’emprunteur. Le propriétaire est seul maître de la substance de la chose. Il est seul à
décider du sort de la chose.

L’abusus peut s’entendre comme le pouvoir qu’a le propriétaire non seulement de


faire de la chose tous les usages qui affectent sa substance et son existence -
transformation, consommation, destruction, etc.-, mais encore d’accomplir sur elle des
actes juridiques.

Il en résulte que l’abusus consiste soit en un acte de disposition portant sur le droit
de propriété : c’est l’abusus juridique14(A) soit en un acte matériel en vertu duquel le
propriétaire dispose de la chose elle-même : c’est l’abusus matériel(B). Il s’agit de deux
versants du droit de disposer.

A- L’abusus juridique

Il signifie que le propriétaire foncier peut conclure tout type d’acte juridique ayant
pour objet sa terre. Les manifestations du pouvoir de disposition juridique sont assez
diverses.

1- Disposition à cause de mort

Le propriétaire peut décider du sort de son terrain pour le temps qui suivra son décès,
par de disposition à cause de mort conformément à l’article 895 du code civil qui dispose
que : « le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il
n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».

2- Transmission entre vifs(vivants) de la propriété foncière

Le propriétaire peut transférer à autrui, en partie ou en totalité, le droit de propriété


qu’il a sur son terrain. S’il transmet seulement l’usage, il démembre sa propriété et crée
sur son terrain un droit d’usage. S’il transfère en plus la jouissance, il crée sur son terrain
un droit d’usufruit, d’emphytéose ou de servitude. Si au contraire, il transmet la totalité
de son droit, il aliène son terrain, il fait alors un acte translatif de propriété.

14
Pour certains auteurs, l’abusus est un pouvoir essentiellement juridique, Voir Berra (D), Le principe de libre
disposition des biens en droit civil, Thèse, Nancy, 1969, pp. 118 et s. Le Doyen Carbonnier écrit à cet effet, que
disposer, c’est avant tout accomplir des actes juridiques sur la chose : aliénation, abandon, constitution de
droits réels (Carbonnier (J), op.cit., T.III, n° 68).
L’abusus juridique du propriétaire foncier connaît aujourd’hui beaucoup de limites.
L’État peut, dans certains cas, soumettre l’exercice de ce pouvoir à un contrôle, par
exemple soumettre l’acte d’aliénation d’un terrain à une autorisation ou un visa de
l’administration compétente; subordonnée l’aliénation d’un terrain à droit de préemption
au profit des certaines personnes, etc.

B- L’abusus matériel

C’est le pouvoir qu’a le propriétaire de faire sur son terrain tous les actes matériels
que lui permet son droit de propriété. Il peut faire exécuter tous travaux, abattre les
arbres, raser les constructions qui existent, transformer la substance de son terrain,
épuiser une carrière.

C’est l’abusus matériel qui consacre la suprématie du droit de propriété sur les autres
droits réels. Tous les autres droits réels donnent à leurs titulaires le pouvoir de jouir de la
chose d’autrui, mais à charge d’en conserver la substance.

Section II- les pouvoirs du propriétaire et le voisinage

Le propriétaire foncier vit dans la société avec d’autres propriétaires ou non. Il faut
tenir compte de leur existence. La relation de voisinage a été pris en compte par les
textes. Ces derniers ont été conçus dans le but de faciliter la coexistence, d’éviter les
heurts, d’assurer l’indépendance nécessaire à la vie des hommes, de préserver leur
sphère d’intimité et de tranquillité. Deux techniques juridiques ont été utilisées afin de
tenter d’assurer l’harmonie entre les voisins. Il s’agit des servitudes de voisinage (PI) et
les responsabilités nées des rapports de voisinage (PII).

PI- Les servitudes de voisinage

La servitude ou servitude réelle parce qu’elle concerne essentiellement les choses et


non les personnes ou encore servitude prédiale, parce qu’elle est relative aux fonds de
terre ou immeubles peut être définie à partir de l’art. 637 c.civ comme une charge
imposée à un terrain (fonds servant) pour le service d’un terrain voisin (fonds dominant),
qui appartient à un autre propriétaire. Une charge c’est-à-dire une obligation qui pèse sur
tous les propriétaires, présents et à venir, du fonds servant : l’obligation de ne pas
exercer chez eux certaines des prérogatives inhérentes au droit de propriété (servitude
négative ; ex. servitude de ne pas bâtir, afin que la maison voisine ne soit pas privée d’air
et de lumière) ou, à l’inverse, l’obligation de laisser exercer chez eux certaines de ces
prérogatives par les propriétaires, présents et à venir, du fonds dominant (servitude
positive ; ex. servitude de passage ou de puisage).
Toute servitude est considérée comme accessoire du fonds du fonds qui la supporte
et du fonds qui en profite. Elle est inséparable du fonds servant et du fonds dominant. La
charge constituée par la servitude se transmet aux propriétaires successifs.
A ce caractère d’accessoire se rattachent deux corollaires : 1° la perpétuité : la
servitude a vocation à durer aussi longtemps que les deux fonds (sauf cause
exceptionnelle d’extinction, art. 703 et s.c.civ.) ; 2° la réalité : activement, la servitude est
un droit réel (immobilier, art. 526 c.civ.) ; passivement, c’est une charge réelle, qui grève
le fonds servant et même plus précisément la partie du fonds servant sur laquelle doit
s’exercer la servitude (avec cette conséquence pratique que le propriétaire intéressé
pourrait s’affranchir de toute obligation résultant de la servitude par le déguerpissement,
c’est-à-dire en faisant abandon à d’autres de la portion d’immeuble correspondante).
On verra les différents types de servitudes(S/PI) avant de présenter leurs modes
d’extinction (S/PII)

S/PI- Les différents types de servitudes

L’article 639 du code civil annonce la distinction de trois espèces de servitudes : les
servitudes dérivant de la situation des lieux (art. 640 s.) (A), les servitudes légales (art.
649 s.) (B), les servitudes établies par le fait de l’homme (art. 686 s) (C).

A – Les servitudes dérivant de la situation des lieux

Les plus typiques dérivent d’une différence d’altitude entre les deux fonds voisins.
L’idée générale est celle d’un assujettissement du fonds d’en bas au fonds d’en haut
(dominant au sens plein du terme). Le fonds inférieur est assujetti à recevoir toutes les
eaux qui découlent naturellement du fonds supérieur (art. 640 c.civ.) ; à l’inverse, il est
assujetti à se contenter des eaux qui restent après satisfaction des besoins de ce fonds
(art. 642 s c.civ.).
Les servitudes dérivant de la situation des lieux se distinguent des servitudes
légales en ce qu’elles résultent d’une situation naturelle et de la force des choses (du
droit naturel), non pas d’une disposition du législateur. La conséquence de cette
nécessité est qu’elles ne peuvent, à la différence des servitudes légales, donner lieu à
indemnité au profit des fonds assujettis.

B – Les servitudes légales

L’art. 649 en distingue deux : servitudes légales d’intérêt public et d’intérêt privé.
Les premières (ex. art. 650 c.civ.) relevant du droit administratif, les seconds seules
entrent dans le champ de notre étude (art. 651 c.civ.). Elles sont, du reste, assez variées :
tantôt unilatérales, lorsque chacun des deux fonds se détache dès le principe, soit comme
fonds dominant, soit comme fonds servant ; tantôt réciproques, chacun des deux fonds
ayant, au départ, indifféremment vocation à jouer l’un ou l’autre rôle.

1-Des servitudes légales unilatérales

Leur trait caractéristique est de donner lieu à une indemnité au profit du


propriétaire du fonds servant ; ce qui s’explique car elles s’analysent en une véritable
expropriation pour cause d’utilité privée. Dans le code civil est réglementée l’hypothèse
type, la servitude de passage en cas d’enclave, sur le modèle de laquelle d’autres
servitudes ont été organisées par des lois spéciales.

a) Servitude de passage en cas d’enclave (art. 682 s.)

Quand un fonds se trouve enclavé, c’est-à-dire n’a pas d’accès à la voie publique,
ou n’y a qu’un accès insuffisant eu égard aux besoins, il bénéficie d’un droit de passage
sur les terrains voisins à travers lesquels la route ou la rue peut être atteinte. La nécessité
crée ici le droit et dès que la nécessité a cessé, le droit s’éteint (art. 685-1). Les besoins du
fonds sont entendus largement : ils comprennent non seulement les besoins actuels
d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale, mais les besoins virtuels d’une
construction ou d’un lotissement à réaliser.
La servitude doit être reconnue par la seule force de la loi, partout où existe un
état d’enclave. Elle grève dès ce moment d’une manière virtuelle et diffuse tout ce qui
sépare le fonds enclavé de la voie publique. Mais, pour devenir actuelle et précise, elle
requiert un aménagement qui peut être l’œuvre soit d’une convention, soit (à défaut
d’entente), d’un jugement. Cet aménagement conventionnel ou judicaire a un double
objet :
1° Fixer l’assiette du passage (aussi est-il soumis à la publicité foncière). Pour le
tracé de l’itinéraire, le code civil pose des critères à l’intention des juges (lorsque les
parties n’ont pu s’accorder). Le critère essentiel est celui du moindre dommage (art. 683
al. 2) ; le critère simpliste de la brièveté du trajet n’intervient, malgré les apparences (art.
683 al. 1) que secondairement, pour décider entre deux parcours également
dommageables aux fonds parcourus. A priori, le passage doit être cherché sur des
terrains ouverts et nus, plutôt qu’au travers d’enclos et surtout de bâtiments :
néanmoins, il peut en être autrement s’il est nécessaire (le propriétaire du fonds
dominant recevra alors une clé de l’enclos ou du bâtiment assujetti). Un critère
d’imputabilité peut d’ailleurs neutraliser les précédents (art. 684) : si l’état d’enclave
résulte d’un acte juridique auquel a participé l’un des propriétaires voisins ou son
prédécesseur (ex. : il a acheté séparément la portion de terrain bordant la voie publique),
c’est sur lui que doit être pris le passage, et non sur les autres, étrangers à l’opération.
Enfin un dernier critère : l’habitude, consolidée en prescription acquisitive (art. 685 al. 1).
2° Régler l’indemnité due au fonds servant. Cette indemnité, qui peut consister soit
dans un capital payé une fois pour toutes, soit dans une redevance annuelle, doit être
mesurée sur le préjudice effectif qu’occasionne au propriétaire du fonds servant
l’exercice de la servitude (art. 682). Le droit de la réclamer se prescrit par 30 ans (art. 685
al. 2).

b) Servitudes établis par des lois spéciales

Ex. un propriétaire peut, pour irriguer ses terres, faire passer un aqueduc sur les
fonds voisins ; la délivrance d’un permis de construire par l’administration peut être
subordonnée à la création, sur les terrains voisins, de servitudes de ne pas construire ou
de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant (servitudes de cours communes,
qui existent virtuellement en vertu de la loi mais qui nécessitent pour leur mise en œuvre
soit une convention, soit un jugement, texte sur l’urbanisme). Les propriétaires des fonds
bénéficiant de ces servitudes doivent une indemnité aux propriétaires de fonds servants.

2-Servitudes légales réciproques

Leur caractère réciproque a fait souvent douter qu’elles fussent de véritables


servitudes : elles représentent, le droit commun de la propriété foncière alors qu’une
servitude devrait se définir comme une dérogation au droit commun. C’est parce qu’elles
représentent un droit commun que leur exercice ne peut donner lieu à indemnité au
profit du fonds servant (d’où une différence visible avec les servitudes légales
unilatérales).
Les servitudes les plus typiques de cette catégorie concernent les distances que
doit observer chacun des propriétaires voisins, soit pour faire des constructions ou
plantations sur son terrain, soit pour ouvrir des vues ou des jours dans ses bâtiments. Ce
sont des servitudes négatives qui traduisent l’idée d’un espacement nécessaire entre les
hommes, nécessaire à la paix de tous.

a) Constructions et plantations

1° Constructions. – Un propriétaire peut, en principe, construire à l’extrême limite


de son fonds. Cependant, pour certaines constructions, puits, fosses d’aisances,
cheminées, etc., dont le voisinage immédiat peut être dommageable, des règlements
administratifs ou des usages locaux (à défaut le juge) peuvent lui imposer de respecter
des distances, ou d’élever à ses frais des ouvrages protecteurs, des contre-murs (art. 674
c.civ). Quoique le texte (in fine) semble n’avoir en vue que l’intérêt du voisin (c’est-à-dire
la protection d’un mur appartenant en propre à celui-ci ou d’un mur mitoyen), les
distances ainsi prescrites le sont parfois aussi dans un intérêt public (ex. pour les
cheminées, il s’agit d’empêcher la propagation des incendies) ; dans ce cas, elles sont
applicables même quand le mur séparatif appartient exclusivement au propriétaire qui
veut faire la construction dangereuse.
2° Plantations. – Sauf pour les cultures en escaliers (art. 671 al. 2, 3 c.civ.), qui sont
possibles à la limite même des fonds, tout contre le mur séparatif (du moins si celui qui
plante est propriétaire exclusif du mur ou copropriétaire en mitoyenneté) – il faut pour
les plantations, observer certaines distances car la proximité des arbres peut être pour les
voisins une source d’incommodité (ombre, chute des feuilles, pénétration des racines,
etc.). Il convient d’abord d’appliquer les usages locaux s’il y en a . A défaut d’usages, l’art.
671 al. 1 c.civ. pose une règle forfaitaire : pour un arbre de plus de deux mètres de haut, le
minimum de distance est de 2 m ; pour un arbre de taille inférieure, il est de 0,50 m. La
sanction est dans l’art. 672 c.civ. : arrachage ou, pour un arbre de plus de 2 m, réduction à
cette hauteur. Le propriétaire de l’arbre peut d’ailleurs avoir acquis le droit de le
conserver à une distance moindre que la distance coutumière ou légale (art. 672 al. 1 in
fine), par titre (ex. convention passée avec le voisin) .

b) Vues et jours

Les vues sont des fenêtres libres, susceptibles d’être ouvertes, donnant passage
tout à la fois à la lumière et à l’air, tandis que les jours (de souffrance, de tolérance) sont
des fenêtres qui ne peuvent s’ouvrir, qui ne laissent donc passage qu’à la lumière (art.
676). Aux fenêtres libres doivent être assimilés à plus forte raison les balcons et les
terrasses. Les vues sont, pour le voisin, plus gênantes que les jours parce qu’elles
permettent de jeter chez lui non seulement les regards, mais bien d’autres choses. D’où
des règles différentes : 1° les vues ne peuvent être pratiquées que dans un mur situé à une
certaine distance du fonds voisin (art. 678 s.) : 1,90 m ou 0,60 m selon que la vue est droit
ou oblique (le torticolis tue la curiosité) ; 2° les jours peuvent être pratiqués dans un mur
situé à la limite extrême des deux fonds (art. 676), mais seulement par le propriétaire
exclusif de ce mur (art. 675).Encore faut-il qu’il le pratique assez haut (art. 677) au-dessus
de son plancher pour s’enlever l’envie d’aller y voir..
Enfin, il n’est pas tenu d’observer les normes légales lorsqu’il dispose déjà d’une
servitude de passage sur le fonds voisin, ce qui rendrait assez vaine la protection que l’on
voudrait donner à l’intimité de celui-ci au nom des art. 678 et 679.

C - Les servitudes établies par le fait de l’homme


D’une manière plus détaillée et plus souple, les rapports de voisinage peuvent être
aménagés par des servitudes résultant de l’initiative privée, du fait de l’homme. C’est une
individualisation du droit de voisinage. Le fait de l’homme, expression générique,
recouvre plusieurs modes d’établissement des servitudes. Par quelque mode qu’elles
aient été établies, les servitudes du faut de l’homme sont d’ailleurs soumises aux mêmes
règles quant à leur exercice et à leur extinction.

1-Modes d’établissement des servitudes

Il en est deux : le titre et la destination du père de famille. Mais, le titre est le mode
principal : celui qui a le plus large domaine d’application et aussi celui qui a valeur de
principe. A de certains égards, la destination du père de famille agit autant que comme
mode indépendant que comme présomption de l’existence d’un titre.

a) Le titre

C’est un acte juridique : soit convention passée entre les deux propriétaires
voisins, soit testament par lequel l’un d’eux lègue une servitude à l’autre sur son propre
fonds. La convention constitutive de servitude est sujette pour sa preuve au droit
commun des art. 1341 s. c.civ (elle peut notamment, à défaut d’écrit, être prouvée par
l’aveu du propriétaire du fonds servant).
On est dans le domaine de l’autonomie de la volonté et des contrats (art. 686
c.civ). Le principe est que toutes les servitudes peuvent être constituées par titre. Il y a
des catégories traditionnellement définies, des servitudes nommées (ex. servitudes de
passage, de puisage, de pacage, non aedificandi, altius non tollendi). Mais, les parties sont
libres d’établir des combinaisons nouvelles à condition de respecter, outre les exigences
générales de l’ordre public, deux exigences propres à la matière et inhérentes à la notion
même de la servitude, qui est un rapport entre deux fonds.
1° La servitude doit être imposée au fonds et non à la personne.
Le principe est que l’activité de l’homme ne peut faire l’objet d’une servitude
(servitus in faciendo consistere nequit). Ex. les services d’une scierie ne pourraient être mis
sous forme de servitude, à la disposition du propriétaire d’une forêt. Toutefois, il peut
être valablement stipulé (art. 698 c.civ) que le propriétaire du fonds servant assurera lui-
même, à ses frais, les travaux nécessaires à l’exercice de la servitude (ex. entretiendra le
chemin par où s’exerce le passage) : c’est que son activité ne constitue pas alors l’objet
principal de la servitude, mais seulement un accessoire ; au surplus, ce n’est là pour lui
qu’une obligation propter rem, et il pourra toujours recouvrer sa liberté en abandonnant
la portion de son fonds sur laquelle pèse la servitude.
2° La servitude doit être établie en faveur du fonds et non de la personne. – c’est-à-
dire qu’elle doit, par son objet, être de nature à faciliter l’usage de l’exploitation du fonds.
Ce qui explique qu’un droit de chasse ou de pêche ne puisse, en thèse générale, être
établi sous forme de servitude: c’est que la chasse et la pêche ne tendent qu’au plaisir de
la personne et non, ordinairement, à l’exploitation ni même à l’usage du fonds. Au
contraire, la jurisprudence admet que l’on puisse constituer en servitude le droit de
prendre sur un domaine voisin le bois nécessaire au chauffage d’une maison, ou bien
encore l’interdiction de construire des immeubles à usage industriel ou commercial sur un
terrain faisant partie d’un lotissement qui est destiné à former un quartier résidentiel ou
même une clause de non-concurrence.

b) La destination du père de famille

L’hypothèse est la suivante (art. 693). Une personne, propriétaire de deux


immeubles voisins, établit entre eux un aménagement matériel qui supposerait une
servitude si ces immeubles appartenaient à des propriétaires différents. Ex. il fait passer à
ciel ouvert des conduites d’eau sur le fonds B afin d’alimenter le fonds A ; il ouvre une vue
droite dans la maison A à moins de 1,90 m du jardin B. Puis, il vend l’un des deux
immeubles ; ou bien il meurt et dans le partage chaque immeuble est attribué à un
héritier différent. Le jour où les deux immeubles cessent d’appartenir au même
propriétaire, la servitude se trouve créée au profit du fonds A : l’aménagement établi vaut
titre (art. 692 c.civ.). La cause efficiente de la servitude est d’ailleurs moins dans la volonté
du pater familias que dans son accord tacite avec son acheteur, ou dans l’accord tacite
des copartageants lors de l’acte juridique qui sépare les deux immeubles.
2-Exercice des servitudes

Le propriétaire du fonds dominant a des droits variables suivant son titre, qu’il
peut y avoir lieu d’interpréter (ex. art. 696), ou suivant l’état de fait qui a conduit à
l’acquisition de la servitude par destination du père de famille. L’exercice des servitudes
présente donc d’une espèce à l’autre une grande diversité ; il reste cependant toujours
commandé par deux principes généraux :
1° La réalité de la servitude, son caractère de droit réel. Le propriétaire du fonds
dominant n’est pas créancier de son voisin ; son droit porte, de façon immédiate, sur le
fonds servant. Aussi peut-il, sans avoir besoin d’autorisation préalable, faire même sur le
fonds servant, tout ce qui est nécessaire à l’exercice de la servitude (art. 697 c.civ.).
Réciproquement, le propriétaire du fonds servant n’est tenu que de laisser faire et de
supporter (art. 701 al. 1 c.civ.). Il n’est obligé à aucune prestation positive sauf le cas où,
par exception, il aurait dans le titre constitutif assumé la charge de faire les travaux
accessoires sans lesquels la servitude ne pourrait être exercée (art. 698, 699 c.civ.).
2° La fixité de la servitude, qui est un corollaire de sa perpétuité. Une fois acquise,
la servitude ne peut être modifiée dans son étendue : le propriétaire du fonds dominant
ne doit rien faire qui l’aggrave (art. 702) ; le propriétaire du fonds servant de rien faire qui
la diminue (art. 701 al. 1). Toutefois, sur ce dernier point, l’art. 701 al. 3 prévoit un
tempérament : un déplacement de l’assiette de la servitude peut être imposé au
propriétaire du fonds dominant s’il n’a rien à y perdre et si le fonds servant doit y gagner
(il y aurait abus du droit de sa part à refuser le changement). Et la jurisprudence a
développé l’idée sous-jacente au texte, en acceptant d’adapter le mode d’exercice des
servitudes à de nouveaux besoins des fonds dominants.

S/PII -Extinction des servitudes

Bien que perpétuelles de leur nature, les servitudes sont sujettes à des causes
d’extinction accidentelles. Le code civil (art. 703 s.) prévoit trois de ces causes auxquelles
il convient d’ajouter la renonciation. Mais, à la vérité, il en est qui ne constituent que des
obstacles de fait (A) à l’exercice de la servitude et peuvent n’être que temporaires,
n’ayant pas touché le droit lui-même.
A -Obstacles de fait

1° Le changement des lieux quand il est tel qu’on ne peut plus user de la servitude
(art. 703-704) : la servitude ne s’éteindra vraiment que par le non-usage si l’impossibilité
d’user a duré trente ans. L’impossibilité d’usage ne doit pas être due au fait illicite du
propriétaire du fonds servant. Le simple défaut d’utilité d’une servitude ne suffit pas à
l’éteindre
2° La consolidation ou confusion (art. 705 c.civ.) C’est la réunion dans le
patrimoine d’un même propriétaire des fonds servant et dominant. Elle peut ne pas être
définitive, la servitude renaît lorsqu’ un fonds sort de ce patrimoine.

B-Causes d’extinction proprement dites

1° La renonciation (gratuite ou payée) du propriétaire du fonds dominant. Elle doit


sans équivoque.
2° Le non-usage trentenaire (art. 706 s.). C’est l’application de la prescription
extinctive aux servitudes comme à tous les droits (art. 2262), le droit de propriété
excepté. L’extinction ne se produit d’ailleurs que dans la mesure du non-usage. Un non-
usage partiel n’entraînera qu’une réduction de la servitude (art. 708). Encore faut-il
supposer que ce non-usage partiel est dû à une force majeure. Si c’est volontairement
que le propriétaire du fonds dominant s’est abstenu pendant trente ans de certains actes
qu’il avait le pouvoir de faire, il reste fondé à reprendre la servitude dans toute son
ampleur ; par là est encouragée la modération dans l’exercice des droits. La servitude n’a
de sens que si elle est utile ; si elle est inutilisée pendant longtemps c’est qu’elle n’était
pas utile : elle doit s’éteindre.
3° la perte de la chose. La servitude disparaît si soit le fonds servant, soit le fonds
dominant disparaissent (hypothèse d’école).

PII- Responsabilités nées des rapports de voisinage


Il existe entre voisins des obligations personnelles auxquelles fait allusion l’art.
1370 al. 3 c.civ, des devoirs de bon voisinage, qui ne sont pas sans une certaine coloration
morale. Deux de ces devoirs retiennent l’attention par leur très grande généralité : le
voisin ne doit pas chercher à nuire au voisin ; le voisin ne doit pas causer au voisin des
gênes intolérables. La jurisprudence suppose ces devoirs en sanctionnant leur violation
par une responsabilité civile. Si le voisin responsable est un propriétaire, il semble
encourir sa responsabilité par la manière dont il exerce son droit de propriété : manière
tantôt abusive, tantôt excessive. Ce qui explique que les deux théories jurisprudentielles
envisagées, l’abus du droit(A) et les inconvénients anormaux de voisinage (B).

A – Responsabilité du propriétaire pour abus du droit de propriété

Sous sa forme la plus générale, la théorie de l’abus des droits revient à dire que
l’exercice d’un droit n’est pas permis, et constitue une faute quand il ne peut avoir
d’autre but que de causer à autrui un dommage. Dans son application à la propriété
foncière, elle signifie que le propriétaire commet une faute lorsque tout en se cantonnant
dans les limites matérielles de sa souveraineté sur le fonds, le dessus et le dessous (art.
552), il accomplit un acte qui ne peut avoir d’autre objet que de nuire à un voisin. Ex. il fait
édifier sur sa maison une fausse cheminée sans utilité pour lui, uniquement à dessein
d’enlever la lumière à un autre immeuble (arrêt Doerr, Colmar, 2 mai 1855, D. 56, 2, 9, qui a
été le point de départ de la théorie).

1-Eléments constitutifs de l’abus du droit de propriété

Ces éléments sont :


1° Un dommage causé à un voisin ;
2° Par un acte de propriété (d’usage, de jouissance, de destruction) que le
propriétaire a accompli sur un immeuble.
S’il n’y avait que ces deux premiers éléments, aucune sanction ne serait encourue
car il est de principe que le dommage causé dans l’exercice d’un droit n’engage pas la
responsabilité : l’existence du droit agit comme un fait justificatif qui exclut la faute. Mais,
la faute reparaît si le droit n’a été, entre les mains de son titulaire, qu’un instrument pour
faire du mal à autrui : la méchanceté gratuite appelle la sévérité. C’est pour cette sorte
d’actes que la jurisprudence a voulue une sanction. De là deux autres éléments du reste
liés qui expriment ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’abus du droit.
3° L’intention de nuire. Ce ne serait pas assez que le propriétaire eût commis une
négligence ou une imprudence en usant de sa propriété ; il doit avoir causé le dommage
intentionnellement, par dol, par esprit de malveillance envers son voisin ;
4° Le défaut d’intérêt sérieux et légitime. C’est-à-dire que l’acte accompli par le
propriétaire ne doit présenter pour lui aucune utilité avouable. S’il avait une telle utilité, il
serait justifié et ne cesserait pas de l’être parce que l’intention de nuire s’y serait
mélangée. Le défaut d’intérêt est donc l’élément essentiel de l’abus du droit. Il est
d’autant plus en pratique qu’il permet de présumer l’intention de nuire, élément
psychologique qu’on aurait de la peine à prouver directement.

2-Sanction de l’abus du droit de propriété

Suivant les principes généraux de la responsabilité civile, le dommage causé au


voisin doit être réparé. Sauf exception, la mesure la plus adéquate consistera à ordonner
la remise des lieux en état par la destruction des ouvrages malicieusement entrepris. C’est
une prévention du dommage futur qui peut aussi être tenue pour une réparation en
nature du dommage passé. A défaut ou en complément, une condamnation à dommages-
intérêts reste toujours possible.

B- Responsabilité du propriétaire pour inconvénients anormaux de voisinage

Quand un propriétaire, par l’usage qu’il fait de son immeuble (par ex. en y
installant un établissement industriel) est, pour les propriétés voisines une source
d’inconvénients (fumées, odeurs, bruits, trépidations, etc.) dépassant la mesure de ce
que la coutume oblige à supporter entre voisins, il en doit réparation. La jurisprudence a
rattaché cette responsabilité à l’art. 1382 et à la notion de faute. Mais, la jurisprudence
considère aujourd’hui comme un principe de droit qui peut se passer de texte que « nul
ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
1-Conditions de la responsabilité

Ces conditions sont :


1° Le dommage est causé aux voisins et, en un sens, à leurs propriétés, dont il
diminue la valeur. C’est un dommage continu. Dans la pratique, les tribunaux prennent en
considération les inconvénients résultant du voisinage non seulement d’une usine ou
d’une ligne de chemin de fer, mais aussi bien d’un théâtre, d’une école, d’un hôpital.
Parfois, les inconvénients dont le propriétaire se plaint ont une origine naturelle ;
multiplication excessive du gibier dans une garenne ; chute de feuilles qui vont obstruer
les chéneaux des maisons voisines. L’inconvénient de voisinage est ordinairement un
dommage direct. Exceptionnellement, il peut s’agir d’un dommage indirect : quand un
immeuble par l’activité qui s’y exerce présente des risques graves d’incendie, les
propriétés contiguës (voisines) doivent payer un surcroît de primes d’assurance ; il pourra
en être demandé raison au propriétaire de l’immeuble dangereux ;
2° La faute n’apparaît pas toujours clairement. Par hypothèse, le prétendu
responsable n’a nullement eu l’intention de nuire à ses voisins, et il a agi dans un intérêt
sérieux et légitime, ce qui le sépare du propriétaire à qui un abus du droit est reproché. Il
ne peut être question que d’une faute de négligence ou d’imprudence. De fait, les arrêts
relèvent souvent que certaines précautions qui auraient pu empêcher le dommage n’ont
pas été prises. Mais, il arrive aussi que le propriétaire incriminé ait pris toutes les
précautions imposées par les règlements administratifs (ex. il a surélevé la cheminée de
son usine, utilisé des désinfectants, etc.) : il n’en sera pas moins déclaré responsable dès
lors que les inconvénients persistent. En pareil cas, la faute, s’il en est une, ne peut plus
être que d’avoir dépassé la mesure coutumière de ce qui doit être toléré entre voisins ;
3° Des faits justificatifs peuvent-ils être invoqués par le prétendu responsable ? Le
droit administratif prévoit, pour l’ouverture des établissements dangereux, incommodes
ou insalubres, une procédure d’autorisation après enquête publique. Mais, si
l’autorisation administrative obtenue dans ces conditions a bien pour effet de mettre
l’exploitant de l’établissement à l’abri des sanctions pénales, elle ne supprime pas sa
responsabilité civile éventuelle envers les voisins.
La jurisprudence n’admet pas que le défendeur s’exonère en opposant
l’antériorité dans l’occupation des lieux, à l’encontre des demandeurs qui ne seraient
venus habiter le voisinage qu’à un moment où l’activité dommageable y était déjà
implantée.

2-Conséquences de la responsabilité

Le tribunal pourra prescrire au propriétaire responsable de procéder aux


aménagements qui peuvent faire cesser le dommage : commencer le remue-ménage
moins tôt, tailler la haie obscurcissante, etc. Il ne saurait aller néanmoins jusqu’à ordonner
la fermeture d’un établissement que l’administration a autorisé. Et puis, il y a l’art. 1142
c.civ. Il est donc des cas où la persistance d’un préjudice est inévitable : ce préjudice sera
réparé par des dommages-intérêts qui pourront être alloués sous forme de rente.

CHAPITRE II- Les caractères du droit de propriété

Traditionnellement, il est admis que le droit de propriété a trois caractères : il est


un droit absolu (section I), exclusif (section II) et perpétue (section III) 15. Il faut dire que le
caractère absolu vient de l’article 544 du code civil 16. La doctrine y a ajouté les deux autres
et proclamé leur nature indissociable17.

Section I- Le caractère absolu du droit de propriété

La propriété n’est pas un élément d’un autre droit qui lui serait supérieur 18. Il n’est
ni issu, ni subordonnée à un autre droit. Ensuite, la propriété échappe à la prescription
extinctive19 qui s’applique à tous les démembrements de la propriété. Enfin, le droit de

15
Aubry et Rau, Cours de droit civil français d’après l’ouvrage de C.S.Zachariae, T. III, Paris, Marchal, Billard et
cie, 3e éd., 1863,soulignaient les caractères absolu et exclusif (op.cit., 1839). Démolombe y ajouta le caractère
perpétuel (Cours de Code Napoléon, T.IX, Traité de la distinction des biens, Paris, A. Durand, 4 e éd.,
1870,n°.1854).
16
Qui dispose que : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue
(…) ».
17
Voir Bergel (V) et Alii, Traité de droit civil, Les biens, (sous la direction de J. Ghestin), LGDJ, 2000., pp.
96 97, n° 92.

18
Il s’agit là d’un acquis de la Révolution française de 1789 qui souligne la disparition du domaine seigneurial
divisé en domaine éminent et domaine utile, voir Garaud (M), Histoire générale du droit privé français (1789 à
1804), La révolution et la propriété foncière, Paris, Sirey, 1959.
19
Voir Bandrac (M), La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Paris, Economica, 1986,
préface de P. Raynaud, not. Pp. 124-131, n°s 124 et s.
propriété est un droit absolu parce qu’il permet à son titulaire de retirer toutes les utilités
d’une chose, d’exercer sur elle tous les pouvoirs. Nous avons déjà démontré que le
propriétaire foncier avait une jouissance absolue de sa terre et la plénitude de l’usus, du
fructus et de l’abusus matériel et juridique. En conséquence, Il n’est pas possible
d’énumérer ou de décrire tout ce qu’un propriétaire foncier peut faire de sa terre. Il suffit
d’en rechercher les limites. Le caractère absolu du droit de propriété ne signifie pas qu’il
est un droit illimité. Il est également acquis que les multiples limitations qui restreignent
l’exercice du droit de propriété foncière ne remettent pas en cause son absoluité 20.

Section II- Le caractère exclusif du droit de propriété foncière

L’exclusivité ou l’exclusivisme21 est un trait caractéristique de la propriété. Le


professeur Georges Ripert affirme de manière péremptoire que « l’exclusivisme est un
attribut du droit de propriété ". En réalité, l’exclusivisme est si caractéristique de la
propriété, bien qu’il ne soit pas énoncé par le code civil 22, que sa parenté avec
l’absolutisme du droit de propriété est constamment mise en exergue. Des auteurs
présentent l’exclusivisme comme une conséquence ou un attribut de l’absolutisme 23 ;
d’autres indiquent qu’il n’est que son complément nécessaire 24 ou son corollaire.

De manière concrète, le caractère exclusif et le caractère absolu du droit de


propriété se confondent parce que le caractère absolu conduit inévitablement à exclure
tout droit concurrent sur la chose. C’est en ce sens que la propriété est un droit exclusif.
L’absolutisme suppose l’exclusivité, pendant que l’exclusivité engendre l’absolutisme.

Le propriétaire, l’occupant est seul à pouvoir accomplir sur la chose les


prérogatives attachées à son droit. Il a seul le pouvoir d’empêcher les tiers de participer à

20
Sur cette question, voir not. Chauffardet (M), Le problème de perpétuité de la propriété – Etude de
sociologie juridique et de droit positif, Thèse, Aix, 1933 ; Barbieri (J.F.), Perpétuité et perpétuation dans la
théorie des droits réels, Contribution à la notion de perpétuité dans les actes juridiques, Thèse, Toulouse, 1977.
21
Exclusivité et exclusivisme signifie la même chose : ces deux termes traduisent l’idée d’une appartenance
personnelle, excluant de la chose tous les autres individus. On peut donc indifféremment utiliser l’un ou l’autre
terme.
22
Voir Jossérand, Cours de droit civil positif français, T. I., Paris, Sirey, 3 e éd., 1938-194,n°1471. Planiol et
Ripert, Tome I, op.cit., n° 2715. Certains auteurs considèrent cependant que le mot même de propriété
suffit à rendre compte de cette idée : Carbonnier (J), op.cit., n° 68.
23
Mazeaud (H)(L)(J) et Chabas (F), Leçon de droit civil, T. II, Biens, Droit de propriété et ses démembrements,
Paris, éd. Montchrestien, 1994 , n° 1332 .
24
Vanel (M), op.cit., n° 115.
l’usage de la chose ou de prétendre exercer sur elle des pouvoirs ou droits concurrents
aux siens. Cette prérogative revêt un double aspect : d’une part le droit de propriété est
par essence un droit individuel conférant un monopole (PI), d’autre part il est opposable
à tous (PII).

PI- Le droit de propriété, un droit individuel conférant un monopole

Le propriétaire exerce son droit sans partage (A) et est seul titulaire de toutes les
utilités de la chose que lui confère son droit, d’où son monopole (B).

A – L’exercice sans partage du droit de propriété

A la différence du droit de créance qui peut appartenir à plusieurs personnes pour


le tout et solidairement, le droit de propriété foncière ne saurait appartenir en totalité à
deux titulaires, bien qu’à l’origine ce droit fut collectif avant de s’individualiser.

S’agissant des droits collectifs, la doctrine admet à l’unanimité que le code civil de
1804 était hostile à la propriété collective ; il estimait qu’il y avait là un danger politique à
raison de la puissance des groupements, et un danger économique : l’exploitation par un
groupe d’individus paraissant plus négligente, moins efficace que celle assurée par un
individu25. De cette hostilité, le code civil a consacré une propriété individualiste. Le droit
de propriété est un droit individuel : seul le propriétaire, à l’exclusion de celui qui ne l’est
pas, peut exercer les prérogatives attachées à son droit.

Historiquement, le droit de propriété foncière au Cameroun était collectif. Sous


son ancien statut coutumier, les titulaires du droit de propriété foncière étaient les
communautés et plus précisément les familles lignagères. Ce sont ces dernières par
l’intermédiaire du chef de famille qui répartissaient et attribuaient des pouvoirs de
jouissance à chaque membre de la famille en fonction des besoins du groupe et selon les
principes assurant la primauté du groupe sur les individus.

Dans un tel contexte de collectivisme agraire, la propriété coutumière collective ne


peut être un droit individuel exercé sans partage parce que la famille lignagère n’est pas

25
Voir Colin, Capitant et Julliot de la Morandière, Cours élémentaire de droit civil français, T. II, Paris,
Dalloz, 10e éd., 1948,n°157.
une unité dotée de personnalité juridique 26. Si elle en était dotée, la famille lignagère ou
encore collectivité coutumière serait une personne morale et le droit de propriété
coutumière collective dont elle est titulaire serait un droit individuel car la propriété des
personnes morales est une propriété individuelle, bien que ne présentant pas les mêmes
caractères que la propriété des individus.

La propriété coutumière collective s’est progressivement individualisée jusqu’à


prendre la nature de droit individuel. En effet, le caractère collectif des droits fonciers
coutumiers (propriété coutumière collective) ne s’est pas opposé à ce que des droits
individuels puissent s’exercer sur les terres ; ceux-ci se sont établis et existent pour autant
que leurs titulaires fussent rattachés à un titre quelconque, aux familles lignagères et
collectivités coutumières ayant pris possession du sol

Par le biais des attributions préférentielles des droits individuels ont été octroyés
aux membres du lignage sur des parcelles de terre de la collectivité coutumière, de même
que par hospitalité des parcelles de terres coutumières collectives ont été données aux
étrangers à la famille lignagère. Au fur et à mesure que le lignage s’est désintégré pour
laisser apparaître des petites unités sociales, il s’est opéré un passage de la conscience
collective à la conscience individuelle ; les attributions préférentielles ont alors consacré
les droits de certains membres à l’exclusion des autres 27. Ainsi est apparu l’exercice sans
partage du droit de propriété coutumière ou des droits fonciers coutumiers.

L’exclusivisme de ce droit est allé se renforçant et se précisant lorsque la terre a


échappé à la souveraineté de la collectivité coutumière pour devenir la propriété des
individus qui la mettent effectivement en valeur. C’est ainsi que même les allogènes ayant
été installé sur les terres du lignage par hospitalité ont acquis sur celles-ci des droits
fonciers coutumiers individuels exercés sans partage.

Désormais, seuls les auteurs de la mise en valeur d’une terre par voie d’occupation
ou d’exploitation peuvent prétendre y obtenir des titres de propriété. Le caractère
exclusif du droit d’occupation ou d’exploitation du domaine national est mis en exergue
au cours de l’opération d’immatriculation. Il est prévu au cours de cette opération une

26
Voir Méloné (Sta), La parenté et la terre dans la stratégie du développement, l’expérience camerounaise :
étude critique, Paris, éd. Klincksieck, 1972, n° 206.p.160
27
Voir Méloné (Sta), op.cit., p. 42, n° 62.
descente de la commission consultative sur le terrain pour constater l’occupation ou
l’exploitation28. Lorsque celle-ci est effective, la commission procède immédiatement au
bornage de la parcelle à immatriculer au profit de l’occupant.

L’acte de bornage, non seulement délimite pour le présent et l’avenir le champ


d’exclusivité, mais aussi atteste de l’exclusivisme qui a prévalu auparavant sur la même
surface. Il n’est plus possible que des droits ou pouvoirs semblables ou concurrents
puissent être exercés par d’autres personnes sur le même espace.

Le processus d’apparition et de consécration de l’exclusivisme du droit


d’occupation du domaine national n’a pas touché seulement les individus, il a également
influencé les collectivités coutumières. Ces dernières sont aujourd’hui fixées
définitivement sur leurs terres ou domaines respectifs. Elles y exercent des pouvoirs qui
se manifestent comme une véritable souveraineté et qui rendent de ce fait illégitime
toute concurrence à l’égard de ces mêmes terres29.

Bien que n’ayant pas de personnalité morale, les collectivités coutumières


relativement au droit d’occupation du domaine national forment une sorte d’indivision
ordinaire, caractérisée par la coexistence sur la même parcelle des membres de la
collectivité ayant tous des droits d’occupation ou d’exploitation. Le titulaire du droit
d’occupation ou d’exploitation n’est pas la collectivité coutumière, mais chaque membre
qui la compose. L’exclusivisme du droit de chacun mis ensemble forme l’exclusivisme du
droit de tous, en sorte que les exclusivismes individuels assurent ceux de la collectivité
représentée par son chef. Il s’agit d’un exclusivisme attaché à un droit indivis dont on sait
que la principale caractéristique est d’être susceptible de partage à tout moment.

Si la collectivité coutumière n’a pas immatriculé son domaine, chaque membre


peut faire immatriculer la parcelle qu’il occupe 30. Ainsi, il provoque le partage de
l’indivision et récupère sa part31. Si la collectivité a immatriculé son domaine, le législateur

28
Article 13 al. 2 nouveau du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité modifié et complété par le décret n°
2005/481 du 16 décembre 2005.
29
Voir Tientcheu Njiako (A), op.cit., p. 479
30
L’article 9 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 dispose que « Sont habilités à solliciter l’obtention d’un titre
foncier sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent .
a) les collectivités coutumières, leurs membres, (…) ».
31
L’article 815 du code civil dispose que “Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision, et le partage
peut être toujours provoqué (…) ».
permet à chaque membre de provoquer le partage pour reprendre sa part comme dans
toute indivision32 par la sollicitation de l’obtention d’un titre foncier individuel sur la
parcelle qu’il occupe à travers le procédé du morcellement du titre foncier mère ou titre
foncier initial33.

Dans les cas ci-dessus exposés, le membre de la collectivité coutumière devenu


copartageant re-individualise son droit et par conséquent l’exclusivisme attaché à celui-ci.

B – Le monopole du propriétaire foncier

L’un des critères de détermination du caractère exclusif d’un droit est le monopole
qu’il confère. Le titulaire du droit doit être le seul et unique détenteur des prérogatives
qui y sont attachées. Il est seul à pouvoir accomplir sur la chose des actes qui constituent
les attributs de son droit34. Il est seul à pouvoir retirer de la chose objet de son droit
toutes les utilités possibles. Le monopole, affirme le professeur G. Ripert « c’est la
suppression de concurrence, ou tout au moins sa limitation s’il faut le partager avec un
certain nombre d’autres »35.

La maîtrise entière de la chose, la plénitude des pouvoirs qu’il y exerce fondent le


monopole du propriétaire foncier.

Le professeur Tientcheu Njiako André parlant des droits fonciers coutumiers ou


droit d’occupation ou d’exploitation du domaine national confirme ce monopole quand il
écrit que ces droits « sont exclusifs, en ce sens qu’ils se traduisent par un monopole au
profit de leurs titulaires »36. L’exclusivisme du propriétaire lui confère les effets de
l’opposabilité erga omnès.

PII- L’opposabilité aux tiers du droit propriété foncière

32
La loi du 8 juillet 1966 précitée consacrait implicitement mais ostensiblement cette indivision en
reconnaissant aux collectivités coutumières le droit d’immatriculer, à la condition de porter sur la requête
d’immatriculation tous les noms des membres. Cette condition ne figure pas dans le texte de l’ordonnance n°
74/1 du 6 juillet 1974 précitée, ni dans celui du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité. Mais elle est encore
pratiquée de nos jours, puisqu’elle n’est pas interdite et permet d’éviter des conflits familiaux.
33
Sur ce point, l’article 25 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité dispose que « Le démembrement d’un
immeuble à la suite (…) de partage, emporte morcellement du titre foncier initial au profit (…) des
copartageants ».
34
Voir Larroumet (Chr), Les biens – Droits réels principaux, T. II, Paris, Economica, 4e éd., 2004, n°19.
35
Ripert (G), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris, LGDJ, 1951, p. 193, n° 85.
36
Tientcheu Njiako (A), p. 48 Droits réels et domaine national au Cameroun, Yaoundé, PUA, 2004,p.48
La notion d’opposabilité exprime la possibilité d’opposer un droit, la faculté
d’imposer à autrui le respect d’un droit. Il est unanimement admis en doctrine et en
jurisprudence qu’un droit est opposable aux tiers ou opposabilité erga omnès lorsqu’il
permet à son titulaire d’empêcher qu’une personne puisse se servir de la chose, que cet
usage entraîne ou non pour lui un préjudice37.

Ainsi compris, l’opposabilité est l’expression vigoureuse de l’exclusivisme. Vérifier


le caractère opposable d’un droit c’est établir son exclusivisme.

D’après l’article 1 al. 3 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité


« L’enregistrement d’un droit dans un registre spécial appelé Livre foncier emporte
immatriculation de ce droit et le rend opposable aux tiers ». Il résulte des dispositions ci-
dessus citées que c’est l’enregistrement d’un droit dans le Livre foncier, c’est-à-dire sa
publication qui le rend opposable à tous. Peut-on en déduire qu’a contrario l’absence de
toute publication d’un droit ne le rend pas opposable à tous ? Là réside toute la
problématique de l’opposabilité aux tiers du droit des occupants du domaine national
(terres occupées ou exploitées mais non encore immatriculées) ou anciennes propriétés
coutumières.

En effet tant qu’ils ne sont pas publiés, les droits réels immobiliers ne peuvent pas
être opposables aux tiers. Le législateur met ainsi à la charge des titulaires de droits réels
immobiliers un devoir, voire une obligation de publication qui est la condition
d’opposabilité aux tiers d’un droit réel immobilier .Cette obligation de publication se
justifie par la nécessité de porter à la connaissance des tiers tous les droits réels existants
sur un immeuble et leur modification38. Une fois publiés, ceux-ci sont réputés connus des
tiers, peu importe qu’ils aient effectivement ou non consultés le Livre foncier.
L’enregistrement dans le Livre foncier crée une présomption de connaissance par tous du
droit réel publié et le rend opposable à tous ; l’objectif étant qu’aucun droit réel ne puisse
être opposé aux tiers s’ils n’ont pu le connaître.

L’information des tiers leur impose un devoir d’abstention en ce sens qu’informés


de l’existence d’un droit réel immobilier, ils doivent le respecter et ne rien faire qui en

37
A titre compare Cass.Civ. 13 janvier et 10 février 1965, Gaz.Pal, 1965. 1. p. 236.
38
Voir Méloné (Sta), La publication des droits réels, op.cit., p. 185 ; Gasse (V), Le régime foncier à Madagascar
et en Afrique, op. cit., 1959, p. 15.
contrarie les effets. En cas de conflits d’intérêt relatif à un droit réel immobilier, celui qui
le premier aura publié son droit l’emportera sur l’autre39.

La soumission par le législateur de l’opposabilité d’un droit réel à la condition de


publicité de celui-ci fait de la publicité un critère incontournable de l’opposabilité. La
publication devient un élément nécessaire, voir constitutif de l’opposabilité aux tiers. La
conséquence est qu’en l’absence de publicité, le droit est inopposable aux tiers.
Autrement dit, la sanction du défaut de publicité est l’inopposabilité 40.

Or, le droit d’occupation ou d’exploitation du domaine national est un droit qui


n’est pas publié, et il devrait par conséquent être inopposable aux tiers. Ces derniers, en
toute logique, sont réputés l’ignorer et il ne peut leur être reproché de ne l’avoir pas
respecté. Il n’est même pas permis à l’occupant du domaine national de combattre cette
présomption d’ignorance par la preuve de la connaissance de fait, par les tiers, du droit
non publié41. Le système de publicité foncière manquerait son but s’il fallait sonder la
mentalité des ayants-cause pour savoir s’ils avaient ou non connaissance du droit 42. Le
droit d’occupation ou d’exploitation du domaine national est un droit qui porte sur les
immeubles relevant du domaine national, immeubles qui par définition ne sont pas
immatriculés et dont l’immatriculation est facultative. On en déduit que le droit
d’occupation ou d’exploitation du domaine national n’est pas soumis à l’obligation de
publicité. Son opposabilité aux tiers n’est donc pas liée à son enregistrement ou
publication dans le Livre foncier. C’est un droit doté d’une opposabilité classique
reconnue à tous les droits subjectifs.

Cette opposabilité est d’ailleurs assurée par la loi. A cet effet, l’article 5 al.3 de
l’ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974, modifiée par l’ordonnance n° 77/1 du 10 janvier 1977
et la loi n° 83/19 du 26 novembre 1983 dispose:« Les compétences des juridictions

39
La publicité foncière est un instrument important de la sécurité des transactions, de la bonne organisation du
marché et du crédit immobilier.
40
Voir Levi (M), L’opposabilité du droit réel. De la sanction judiciaire des droits, Paris, Economica, 1989, p. 186,
n° 211.
41
Requête, 6 avril 1925 et civil 7 décembre 1925, D.P. 1926, 1, p. 185, note Savatier ; Civil 24 avril 1950 (2
arrêts). RTD Civ. 1950, p. 521, n° 2, observations Solus.
42
Voir Planiol (M), Ripert (G) et Picard (M), Traité pratique de droit civil français, T. III, Les biens,
Paris, LGDJ, 2e éd., 1952.
judiciaires et celles des commissions consultatives visées à l’article 16 ci-dessous en matière
de règlement des litiges fonciers sont définies comme suit :

a) Relève de la compétence des commissions consultatives, le règlement des litiges ci-


après :

- les oppositions à l’immatriculation en instance aux services des domaines à


l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ;
- les oppositions à l’immatriculation des terrains formulées dans le cadre de
l’application du décret prévu à l’article 7 de la présente ordonnance ;
- toutes les revendications ou contestations d’un droit de propriété sur les
terrains non immatriculés, introduites par les collectivités ou les individus
devant les tribunaux.
b) Est de la compétence des juridictions judiciaires le règlement de tous les autres
litiges fonciers à l’exclusion de ceux relatifs aux conflits frontaliers ».

Il résulte des dispositions ci-dessus citées que les litiges relevant de la compétence
des commissions consultatives sont de deux sortes : les oppositions et les revendications.
On peut alors distinguer l’action en opposition et l’action en revendication.

La première qui permet de s’opposer est organisée par l’article 16 al.1 nouveau du
décret n° 76/165 du 27 avril 1976 précité modifié et complété par le décret n° 2005/481 du
16 décembre 2005 dispose qu’« A partir du jour du dépôt au district ou à la sous-préfecture
de la réquisition d’immatriculation, et jusqu’à expiration d’un délai de 30 jours à compter de
la publication du bulletin des avis domaniaux et fonciers de l’avis de clôture de bornage,
toute personne intéressée peut intervenir :

a) (…) par voie d’opposition, et uniquement s’il y a contestation sur l’auteur, ou


l’étendue de la mise en valeur ».

La deuxième action qui permet d’affirmer l’exclusivité de son droit est l’action en
revendication ou action en contestation qui vise les litiges survenus en dehors de toute
procédure d’immatriculation et porte sur les contestations de droit de propriété sur un
terrain non immatriculé à l’instar des terrains occupés ou exploités du domaine national.

Section III- La perpétuité du droit de propriété foncière


Le droit de propriété est un droit perpétuel. En l’abse9-nce de texte consacrant le
caractère perpétuel du droit de propriété43, c’est à la doctrine puis à la jurisprudence qu’il
revient de lui avoir conféré l’intangibilité qu’on lui connaît aujourd’hui 44.

Le caractère perpétuel du droit de propriété résulte du caractère absolu du droit


de propriété. Certains auteurs soutiennent que la perpétuité prolonge le caractère absolu
du droit de propriété45. La perpétuité est un reflet de l’absolutisme du droit de propriété,
mais il ne faut pas l’entendre dans son sens vulgaire qui l’assimile à l’éternité. La
perpétuité d’un droit ne signifie pas que ce droit est éternel, tant s’en faut. Elle exprime
simplement l’idée que le droit dure autant que son objet, c’est-à-dire indéfiniment en
principe, du moins quand il s’applique à des immeubles ou fonds de terre dont la perte
complète paraît le plus souvent inconcevable. Ce sens sied au droit de propriété foncière
qui est un droit à durée indéfinie. La perpétuité d’un droit signifie aussi que ce droit ne
peut se perdre par son non-usage.

CHAPITRE III- L’étendue du droit de propriété

La question est celle de la délimitation matérielle de l’objet du droit de propriété


foncière. Cet objet c’est le terrain ou la terre, encore faut-il savoir sur un espace donné
jusqu’où s’étend le droit de propriété du propriétaire foncier. La délimitation matérielle et
spatiale est déjà faite lors du bornage et reportée sur le plan annexé au titre foncier. Mais
l’étendu du droit de propriété n’y est pas décrit. C’est l’article 552 c.civ qui détaille cet
étendu en disposant que « La propriété du sol emporte celle du dessus et celle du
dessous ». il convient d’examiner la propriété du sol (Section I) avant d’aborder celle du
dessus (Section II) et du dessous (Section III).

Section I- La propriété du sol

43
En droit français, on peut voir le siège du caractère perpétuel du droit de propriété à l’article 2 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à laquelle fait référence le préambule de la constitution, en
ce qu’il présente la propriété comme un droit naturel et imprescriptible.
44
Voir Planiol, Ripert et Picard, Traité pratique de droit civil français, T.III, op.cit., n° 352 et s. ; Civ. 10 mai 1937,
D.H. 1937, p. 346 ; Contra Carbonnier (J), T.III, op.cit., n° 76.
45
Bergel (J.L) et Alii, op.cit., p. 101, n° 97 .
Elle ne pose pas de problème particulier du fait du bornage du terrain et le report
des limites spatiales du terrain sur le plan annexé au titre foncier (Hormis les cas de
destruction ou enlèvement des bornes). Les problèmes plus importants naissent lors de
la construction sur le terrain d’autrui (PI) et lorsque les constructions ont été faites avec
les matériaux d’autrui (PII).

PI- Construction sur le terrain d’autrui

Les cas de construction, plantation ou ouvrage élevé sur le terrain d’autrui sont
nombreux en pratique. Distinguons les cas de la pleine construction sur le terrain
d’autrui(A) et les cas de simplement empiétement matériel sur le terrain d’autrui (B).

A-La pleine construction sur le terrain d’autrui

Il y’a pleine construction sur le terrain d’autrui, lorsque la construction occupe


complètement le terrain d’autrui. Selon la loi, le propriétaire du terrain sur lequel ces
réalisations ont été faites peut soit en devenir propriétaire par voie d’accession (1), soit en
exiger les suppressions(2).

1- Le propriétaire du sol devient propriétaire des constructions faites par autrui

Les dispositions des articles 546, 551, 552,553 c.civ expriment clairement la règle de
l’accès à la propriété par voie d’accession. C’est la règle « superficies solo cédit » qui
signifie que tout ce qui s’incorpore à un immeuble en fait partie et appartient au
propriétaire (de l’immeuble). Mais en réalité le sort de l’occupant du terrain d’autrui varie
selon que celui-ci est de bonne (a) ou de mauvaise(b).

a)- Le sort du constructeur de bonne foi

Lorsque celui qui construit sur le terrain d’autrui est de bonne foi, il devra
néanmoins déguerpir. Mais son déguerpissement sera subordonné à certains avantages à
son profit. Le propriétaire du terrain n’accédera à la propriété des constructions qu’après
avoir versé au constructeur des dommages intérêts. En réalité, le propriétaire doit, soit
rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d’œuvre, soit rembourser une
somme égale à celle de la valeur des constructions réalisées conformément à l’article 555
al.4 c.civ.46 le propriétaire du terrain ne peut conformément à l’article 555 al.3 exiger du
constructeur de bonne foi l’enlèvement des constructions.

Mais il se pose la question de savoir qu’est-ce-que la bonne foi? L’article 550 c.civ.
définit la bonne foi comme l’état psychologique de celui qui « possède comme
propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». par ex.un
constructeur est considéré comme étant de bonne foi lorsqu’il a été autorisé par le
propriétaire initial , mais en violation des règles relatives aux actes constitutifs, translatifs
ou extinctifs de droits réels immobiliers 47 entrainant la nullité d’ordre public de telles
transactions. Concrètement, lorsqu’un acquéreur occupe un terrain en vertu d’un acte de
vente sous seing privé et qu’un second acquéreur dispose d’un acte notarié, ce second
acquéreur a le droit de faire déguerpir le premier, tout en considérant qu’il était de bonne
foi au moment de l’acquisition du terrain ou de la réalisation d’une construction ou d’une
plantation.

Il convient de souligner que la loi n°80/22 du 14 juillet 1980 portant répression des
atteintes à la propriété foncière et domaniale qui a aussi vocation à s’appliquer en cas de
pleine construction sur le terrain d’autrui ne distingue pas selon que le constructeur est
de bonne ou de mauvaise foi. Si elle est appliquée l’acquisition de la propriété des
constructions ou plantations par le propriétaire du terrain serait gratuite c’est-à-dire sans
aucune indemnité pour le constructeur. Ce qui, est très sévère à l’égard du constructeur
qui est de bonne foi. C’est pourquoi la jurisprudence penche pour l’application de
l’article 555 al.4 en cas de bonne foi48. En cas de mauvaise, la solution n’est plus la même.

b)-Le sort du constructeur de mauvaise foi

La question est celle de savoir ce qu’est la mauvaise foi. Il peut s’agir de la


connaissance du vice qui entache le titre de propriété en vertu duquel le constructeur
croit être le véritable propriétaire du terrain sur lequel il construit. Il peut aussi s’agir du
refus d’obtempérer à une sommation d’arrêt des travaux qui rappelle à celui qui

46
C.S arrêt n°15/cc du 1er nov.1990, aff.Yemi Jacques C/ Edimo jean charles, Juridis-Info n°10,1992, p.49.
47
TGI Yaoundé, jugement n°45 du 7 décembre 1983 ; TGI yaoundé, jugement n°75 du 14 février 1985 ; TGI
Yaoundé, jugement n°415 du 5 juin 1985.
48
C.S. Arrêt n°3/ CC du 18 janvier 1990, aff. Njinou jean et Emassi thérèse C/Siewe Casimir , Juridis-Info, n°10,
1992, p.49 ; TGI Yaoundé, jugement n°236 du 6 mars 1985.
s’apprête à occuper ou à exploiter le terrain d’autrui qu’il ne dispose ni titre ni droit
d’entreprendre des travaux sur le dit terrain.

La solution est que le propriétaire du terrain peut le faire déguerpir et acquérir la


propriété des constructions faites de mauvaise foi sur son terrain. L’article 555 al.3 c.civ
dispose à cet effet que si le propriétaire préfère conserver les constructions ou
plantations, il doit rembourser au constructeur la valeur des matériaux et du prix de la
main –d’œuvre sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le
terrain a pu recevoir. Il est évident que si cette disposition était appliquée, cela
reviendrait à mieux traiter l’occupant de mauvaise foi par rapport à celui de bonne foi.
C’est pourquoi la jurisprudence préfère l’application de la loi n°80/22 du 14 juillet 1980
précité. L’art.3de cette loi prévoit que « La mise en valeur réalisée sur le dit
terrain( terrain d’autrui) sous forme de constructions, plantations ou d’ouvrages de
quelque nature que ce soit est acquise de plein droit au propriétaire, sans aucune
indemnité pour l’occupant 49. Mais le propriétaire du terrain peut également opter pour la
suppression des réalisations faites sur son terrain.

2- Le propriétaire du sol exige la suppression des constructions

Le propriétaire du sol ne peut exiger la suppression des réalisations faites sur son
sol qu’en cas de mauvaise foi du constructeur. Cette exigence n’est pas possible en cas de
bonne foi, l’art.555 al.3 l’interdit.

La possibilité de cette suppression est fondée sur l’art.3 al.2 de la loi n°80/22 précité qui
dispose que « Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions,
plantations ou ouvrages, celle-ci est exécutée au frais de l’occupant et sans aucune
indemnité pour ce dernier qui peut en outre être condamné à des dommages intérêts
pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds »50. C’est par ex. le cas
dans l’affaire NOKAM Jeanine51, où le juge « ordonne le déguerpissement des nommés
TCHINDA Jean et consorts, du terrain litigieux ainsi que de tout occupant de son chef ;
Ordonne l’enlèvement, la destruction, aux frais de TCHINDA Jean, de tous leurs biens et

49
TGI Yaoundé, jugement n°63 du 14 décembre 1983 ; TPI Yaoundé, jugement n°224 du 13 juin 1985.
50
TGI Yaoundé, jugement n°287 du 27 mars 1985, aff. Fonjoa Rose C/Sonel ; TPI Yaoundé, jugement n°88 du 8
oct.1985, aff. Ministère public et mekekom Jean C/Nana Michel.
51
TPI de Bafoussam, jugement n° 90/civ. du 02 août 1991, inédit.
tous les aménagements effectués… ». Bien plus, il est parfois promis une assistance de la
force publique au propriétaire qui rencontrerait des difficultés d’exécution de la décision ;
ainsi, le juge précise qu’au cas où TCHINDA Jean et consorts ne procèdent pas à
l’enlèvement de ces constructions, NOKAM Jeanine pourra recourir à l’assistance de la
force publique »52.

La loi n°80/22 précitée s’applique tant en cas de constructions neuves qu’en cas de
simples améliorations.

B-Simple empiètement sur le terrain d’autrui

L’empiètement dont il s’agit ici est l’empiètement matériel. Il est constitué lorsqu’un
propriétaire construisant sur son propre terrain, dépasse les limites de son terrain et
étend ses constructions sur le terrain voisin sans le consentement du propriétaire de ce
terrain. La question de l’empiètement n’est pas encore véritablement tranchée par la
jurisprudence et la doctrine. On note une tergiversation des juges(1) sur la solution à
adoptée en générale. La seule solution acquise est l’expulsion en cas de mauvaise foi de
l’empiéteur(2).

1- La tergiversation des juges

Il convient de présenter les fondements de cette tergiversation(a) avant d’aborder


ses manifestations(b).

a)- Le fondement de la tergiversation

Aucun texte de loi ne vise expressément l’hypothèse de l’empiètement matériel.


Dès lors l’on se demande s’il faut recourir à l’article 555 c.civ qui prévoit le cas de
construction sur le terrain d’autrui et distingue selon que le constructeur est de bonne ou
de mauvaise foi. Ou s’il plutôt recourir à l’art.545 c.civ. d’après lequel l’expulsion doit être
ordonnée en toute hypothèse d’empiètement (car nul ne peut être exproprié pour cause
d’utilité privée). Doit-on alors appliquer la loi n°80/22 qui exige le déguerpissement
immédiat du constructeur ou la suppression par celui-ci de ses constructions? Signalons

52
TPI de Bafoussam, jugement n° 90/civ. du 0 août 1991 précité, et rendus dans le même sens :
- TPI de Dschang, jugement n° 50/civ. du 27 décembre 1984 ; inédit.
que cette dernière loi n’est en principe appliquée par les tribunaux qu’en cas de mauvaise
foi du constructeur.

b)- Les manifestations de la tergiversation

Le tribunal de Nkongsamba dans un jugement du 13 nov. 1968, La cour d’appel du


centre dans un arrêt du 12 avril 1972, le TPI de Dschang dans un jugement du 12 janvier
1974 et le TGI de Yaoundé le 21 novembre 1984 ont eu à se prononcer sur la question de
l’empiètement. Les différentes décisions rendues constatant la mauvaise foi de
l’empièteur ont ordonné l’expulsion de celui-ci à l’exception du TGI de yaoundé dans sa
décision du 21 novembre 1984. C’est cette mauvaise foi qui semble justifier la solution.
Mais aucune des décisions n’a précisé le texte de loi ou le principe juridique appliqué.
Même l’intervention de la loi n°80/22 précitée n’a pas résolu le problème, puisque cette loi
ne vise pas expressément l’hypothèse d’empiètement et ne distingue pas le constructeur
de bonne foi ou de mauvaise foi. La tergiversation des juges peut encore durée. Une seule
solution est acquise c’est l’expulsion de l’empiéteur de mauvaise foi.

2- L’expulsion de l’empiéteur de mauvaise foi

Il résulte de la lecture des jugements que l’expulsion de l’empiéteur sera ordonnée


chaque que sa mauvaise foi sera établie. Il importe alors de préciser ce qu’est la bonne(a)
ou la mauvaise foi(b).

a)- La bonne foi en cas d’empiètement

Est de bonne foi celui qui a fait débordé ses construction sur le sol de son voisin en
croyant être le propriétaire de cette partie, et dont la croyance erronée s’appuie sur un
titre qu’à tort il a cru valable et efficace 53 . La bonne foi consiste en matière
d’empiètement en la croyance erroné du constructeur qu’il était propriétaire de
l’ensemble des parties du terrain occupées au moment de l’exécution des travaux. La
bonne foi peut reposer sur un titre simplement putatif (titre juridique invoqué par une
personne qui croit à son existence alors qu’en réalité il n’existe pas) ou sur l’autorisation
donnée par un chef traditionnel 54 . Même la simple occupation antérieure à
l’immatriculation d’un terrain litigieux suffit pour qualifier l’occupant de bonne foi.
53
C.S. Arrêt n°26 du 1er janvier 1966 Bull.1966, p.1095 ; C.S. Arrêt n°15 du 4 Janvier 1966 Bull.1966, p.1294.
54
CA de l’Ouest, Arrêt n°7 du 11 janvier 1973, inédit
b)- La mauvaise foi cas d’empiètement

Est de mauvaise foi l’auteur des constructions qui empiètent sur le terrain qu’il
savait appartenir à autrui. Les décisions ci-dessus citées ont appliqué ce principe de façon
particulière. Dans le jugement de Nkongsamba, les juges ont déduit la mauvaise foi de
l’empiéteur de ce que celui-ci, une expertise étant faite, n’a plus comparu à l’audience. Le
jugement de Dschang a considéré que l’auteur de l’empiètement est de mauvaise foi, du
moment où régulièrement assigné à personne il ne comparaît pas aux audiences ni ne se
fait représenter. L’arrêt de la Cour d’Appel de Yaoundé assimile à la mauvaise foi une
faute commise par l’empiéteur sur le bornage. La mauvaise foi dans cette décision peut
être discutée. Mais la solution montre la tendance des juges à concevoir de façon très
extensive la mauvaise foi de l’empiéteur qui sera alors rigoureusement sanctionné.

PII- La construction faite avec les matériaux d’autrui

C’est exactement le même problème que la plantation faite avec les plantes
appartenant à d’autrui.

Le droit du propriétaire des matériaux ou des plantes s’éteint parce que ceux-ci
ont perdu leur individualité et se trouvent incorporés ou sol ; le propriétaire du sol
acquiert la propriété des constructions ou plantation sur le fondement de l’article 554
c.civ, même s’il est de mauvaise foi c’est-à-dire qu’il savait au moment de la construction
ou de la plantation qu’il utilisait des matériaux ou plantes appartenant à autrui, même s’il
les a volé. Il en acquiert la propriété par voie d’accession.

Le propriétaire des matériaux n’est pas autorisé à les enlever (art.554 c.civ.). Mais
le propriétaire du sol doit lui en payer la valeur estimée à la date du paiement; Le
propriétaire du sol peut en outre, être condamné, s’il y’ a lieu, à des dommages intérêts
(art.554 c.civ), notamment lorsque le propriétaire des matériaux a souffert d’un préjudice
du fait de sa privation de ses matériaux ou plantes, par ex. il a été contraint d’ajourner la
réparation de son propre immeuble pour lequel il s’était procuré les matériaux.

Section II- La propriété du dessus

Le propriétaire du sol est propriétaire du dessus. Il y’a là une traduction du


caractère exclusif du droit du titulaire du droit de propriété du sol. Ce principe (A) admet
de nombreuses limites (B) renforcées par le droit de superficie (C) et tous les autres
contrats immobiliers pratiqués (D).
A – Le principe

Le dessus c’est l’espace atmosphérique qui s’élève au dessus du sol. L’article 552
al.2 c.civ. indique que le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et
constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions, établies au titre des servitudes ou
services fonciers. Le propriétaire peut l’occuper ou ne l’occuper. Il a le pouvoir de le
défendre contre l’intrusion des tiers sans avoir à prouver qu’il a subi un dommage. Il a
droit de percevoir les fruits tombés naturellement sur son terrain. D’après l’article 673,
al. 1 c.civ. il peut contraindre ses voisins à couper les branches de leurs arbres qui
avancent sur son fonds. Il peut exiger la démolition de tout ouvrage qui surplombe son
terrain.
La jurisprudence sanctionne la violation de l’espace aérien privé. C’est ainsi qu’elle
retient le délit de la chasse sur le terrain d’autrui contre celui qui tue du gibier au-dessus
de la propriété du voisin55 ; qu’elle ordonne, à la demande de celui-ci, la démolition de
toute construction ou ouvrage qui déborde chez lui à quelque hauteur que ce soit 56 ;
qu’elle condamne une compagnie de transport d’énergie électrique à enlever les câbles
qu’elle avait fait passer, sans autorisation, au-dessus d’une propriété située dans un
vallon57. Telle serait la décision concernant les cablo-opérateurs qui font passer leusr
câbles au dessus des propriétés privées sans l’autorisation de leurs propriétaires.

Mais, le droit du propriétaire du sol sur le dessus connaît des limites, qui en
constituent des exceptions.

B-Les limites

Il existe de nombreuses limites au droit du propriétaire du sol sur le


dessus .Certaines sont établies dans l’intérêt privé comme les servitudes étudiées ci-
55
Cass.crim., 24 déc. 1957. G.P. 1958.I. 199.
56
Cass. Civ. 1° 24 mai 1965. B.civ., n° 335, p. 247 ; cf. aussi Rouen. 13 juin 1969. D. 1969. 662 qui juge qu’un
constructeur commet une voie de fait en surplombant la propriété du voisin par la flèche d’une grue ; et les
critiques, Lieutenant D. 1976, 459.
57
Trib. Paix. Bordeaux, 27 nov. 1908, D.P. 1910. 2. 17, note Barthélémy.
dessus, par ex. en cas de servitude de passage reconnu au profit du fonds dominant, le
propriétaire du fonds servant ne peut plus construire ou planter sur la partie de son
terrain couvert par la servitude. C’est ainsi que le TPI de Yaoundé a ordonné en 1999
l’arrêt des constructions entreprises par un propriétaire sur son propre terrain dans
l’intérêt des fonds secondaires58.En l’espèce, le 10 mai 1999, le sieur EYOCK François avait
entrepris de réaliser des constructions sur son terrain sis au quartier Bastos à Yaoundé. Ce
faisant, il obstruait la servitude de passage créée sur ledit terrain par les propriétaires des
fonds secondaires que sont Isaac NGATCHOU, veuve NOAH, KAMDEM Amboise, André
SIAKA, André SIMO et consorts.
Le juge des référés d’instance de Yaoundé, suivi en cela par le juge des référés de la
cour d’appel du Centre59, décida que l’urgence commandait d’ordonner l’arrêt des
travaux entrepris par les époux EYOCK sur leur propre terrain, en attendant le
rétablissement de la servitude de passage originelle. En effet, les propriétaires des fonds
secondaires avaient abandonné la servitude originelle et adopté une servitude de passage
sur le fonds des époux EYOCK60.
D’autres limites sont établies dans l’intérêt général. Dans ce sens, il existe plusieurs
limites ou servitudes administratives.
Ainsi la loi du 31 mai 1924 sur la navigation aérienne (actuellement art. L. 131. 2 du code
de l’aviation civile et accords de Chicago de 1947 pour le survol des appareils étrangers)
consacre la libre circulation des aéronefs au dessus des propriétés privées. Il en résulte
que les aéronefs ont le droit de survoler librement les propriétés privées (principe de
liberté de circulation : art. L. 131. 1), mais qu’ils ne doivent pas gêner par leurs évolutions
l’exercice des droits du propriétaire. Celui-ci peut construire et planter comme il le veut
sous réserve de ne pas abuser de son droit. Toutefois, cette faculté est sensiblement
atteinte au voisinage des aérodromes (servitudes de dégagement ou de balisage,
destinées à assurer la sécurité de la navigation aérienne).

58
TPI de Yaoundé, ordonnance de référé n° 849 du 24 juin 1999, aff. Isaac NGATCHOU, Mme veuve NOAH,
Ambroise KAMDEM, André SIAKA, André SIMO et consorts c/ M. et Mme EYOCK, inédit.
59
CA du Centre à Yaoundé (référé), arrêt n° 259/civ. du 28 avril 2000 confirmant l’ordonnance de référé n° 849
ci-dessus.
60
Voir également : CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 249/civ. du 14 mai 2004 (contradictoire), aff. n°
435/RG/02-03 du 10 mars 2003, NZIE ATANGANA Richard c/ MINSONG ONDOUA Faustin, inédit.
Il en est de même du voisinage des stations d’émission de radio et de télévision (arts.
54 et s. du code des postes et télécommunications instituant des servitudes dans l’intérêt
des transmissions et réceptions).
Les propriétés sont alors généralement grevées d’une servitude de ne pas bâtir
(servitude « non aedificandi ») ou de ne pas dépasser une certaine hauteur de
construction (servitude « altius non tollendi »).
D’autres limites à la propriété du dessus sont relatives au droit de construire ou de
surélever et sont prévues par la législation sur l’urbanisme. Aujourd’hui, il n’est plus
possible de bâtir (ou de démolir) sans une autorisation de l’administration (un permis).
Dans certains c’est le propriétaire du sol qui volontairement dissocie la propriété du
sol de celle du dessus en consentant à un tiers un droit de superficie.

C-Le droit de superficie

Il convient d’indiquer sa signification(1),son mode d’établissement(2), son régime


juridique(3) et sa durée(4) .

1- Signification

C’est un droit réel qu’un propriétaire (appelé superficiaire) exerce sur la surface d’un
terrain, dont le dessous ou tréfonds appartient à un autre propriétaire ( appelé
tréfoncier). Il peut porter sur toute la surface du sol et sur tous les objets établis sur le sol,
seul sous-sol échappe à son emprise ; il peut aussi ne porter que sur les objets se trouvant
à la surface du sol ou sur quelques uns d’entre-deux, tels sur les constructions ou
plantations ou même sur certains arbres isolés. Bien que le code civil n’en fasse nulle part
mention, il en admet l’existence. Sa légalité résulte de nombreux textes comme le décret
foncier de 1932.

2- Mode d’établissement

Au Cameroun, le droit de superficie est établi par un titre par lequel le propriétaire
d’un immeuble ou terrain cédé son droit sur le sol tout en conservant la propriété du
sous-sol, ou, inversement, cède le sous-sol en conservant la propriété des constructions
ou la jouissance du dessus. Le titre peut être un acte à titre onéreux ou à titre gratuit,
entre vif ou à cause de mort.

3- Régime juridique

Le code civil ne vise pas expressément le droit de superficie. Mais on peut la


déduire de l’article 553 c.civ. Ce texte dispose que les constructions, plantations et
ouvrages sur un terrain sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir,
si le contraire n’est pas prouvé. En d’autres termes, il est possible de prouver que les
plantations, constructions et ouvrages n’appartiennent pas au propriétaire du
terrain .Mais plutôt à une autre personne, à qui reviendrai la propriété du dessus donc
parle l’article 552 c.civ.
Le droit de superficie est alors un droit de propriété. On en déduit :

- Qu’il s’agit d’un droit de propriété immobilière qui est, à ce titre, susceptible
d’être hypothéqué (art. 2133 al. 2 c.civ.) ;
- Que le superficiaire n’est pas en copropriété avec le tréfoncier : les droits du
superficiaire et du tréfoncier ont chacun un objet distinct ;
- Qu’il est en principe perpétuel comme toute propriété immobilière et que son
titulaire aura les prérogatives habituelles d’un propriétaire : usus, fructus,
abusus.
De manière générale les prérogatives du superficiaire sont plus ou moins étendues. Il
peut porter sur la totalité de la surface du sol ainsi que tout ce qui s’y dresse. Dans ce cas,
le droit du tréfoncier se réduit à la propriété du sous-sol : il pourra donc l’exploiter à
condition de ne pas nuire à la superficie et aura droit à tout ce qui peut s’y trouver
(trésor) ou en provenir (redevance d’exploitation des mines dite redevance tréfoncière).
Mais, ordinairement, la propriété du superficiaire est plus réduite : elle porte sur les
constructions et plantations, et parfois même sur certaines d’entre elles seulement. Tout
le reste appartient au tréfoncier, surface du sol inclus : et c’est pourquoi on l’appelle alors
le tréfoncier. Tout dépendra de la manière dont le droit de superficie aura été constitué
4- Durée du droit de superficie

En tant que droit de propriété, le droit de superficie est par nature perpétuel et ne
s’éteint pas par le non usage. Mais puisqu’il est établi par un titre, celui ci peut limiter sa
durée dans le temps. S’il résulte par ex. d’un contrat de bail, il prend fin avec le bail et le
sort des constructions, plantations et autres aménagement est réglé soit par le contrat de
bail, soit par l’article 555 du c. civ.

D-L’influence de la pratique de certains contrats immobiliers

Il s’agit des contrats d’utilisation de l’immeuble d’autrui(1) et du contrat de bail


ordinaire (2).

1-Les contrats d’utilisation de l’immeuble d’autrui, autres que le bail ordinaire

Il s’agit de l’emphytéose et le bail à construction.

a) L’emphytéose

C’est un bail de très longue durée 18 à 99 ans et d’origines fortes anciennes, qui
porte sur un fonds et qui est destiné à en assurer la mise en valeur. On parle aussi de bail
emphytéotique
C’est pourquoi le preneur, ou emphytéote, sur qui pèse cette obligation, ne paye
qu’une faible redevance, très souvent même symbolique et il devient titulaire d’un droit
réel immobilier susceptible d’hypothèque. Ce droit réel lui confère des prérogatives très
importantes (l’usage et la jouissance du fonds, le droit aux fruits, le droit d’exploiter
mines et carrières, de changer le mode de culture, etc.), mais surtout le rend propriétaire
des constructions et plantations pendant la durée du bail 61. A l’expiration de celui-ci, cette
propriété revient au bailleur sans indemnité.

b) Le contrat de promotion immobilière


61
Cass. Civ. 3°, 12 mars 1970, D. 70.562.
Aux termes de l’article 2 de la loi n° 97/003 du 10 janvier 1997 relative à la
promotion immobilière, « le contrat de promotion immobilière est un mandat d’intérêt
commun par lequel une personne dite « promoteur immobilier » s’oblige envers le maître
d’ouvrage à faire procéder à un prix convenu au moyen de contrat(s) à la livraison
d‘ouvrage(s) et/ou à la réalisation d’un programme de constructions d’un ou de plusieurs
édifices à ainsi procéder elle-même à faire procéder moyennant une rémunération
convenu, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières
concourant au même sujet ».
Le but recherché par le législateur en instituant ce contrat, a été de tenter de
procurer, facilement et à bon compte aux constructeurs, des terrains à bâtir 62. Ce qui
devrait permettre de diminuer le prix de revient de la construction et d’en augmenter le
rythme ( Voir cours de promotion immobilère).

2-Le contrat de bail ordinaire

Si un locataire élève des constructions et plantations sur l’immeuble loué, qui sera
propriétaire ? la solution varie selon que les parties son en fin de bail(a) ou pendant le
bail(b).

a) En fin du bail63
En principe, le propriétaire acquiert, par accession, la propriété de tout ce qui
s’élève sur son fonds (art. 552 c.civ.). Il ne restera que le problème d’indemnités à régler.
Les parties peuvent avoir prévu une autre solution, spécialement si le bailleur avait
autorisé le preneur à construire ou planter. Dans ce cas, il faudra respecter leurs accords.

62
Lire ROZES L. in « Les travaux et constructions du preneur à bail sur le fonds loué », LGDJ. Paris, 1976.
63
Sur la distinction bail d’habitation et bail commercial, voir :
- CS, arrêt n° 92/cc du 21 mars 2002 (pourvoi n° 23/cc/96-97 du 20 janv. 1996), aff. HAMAN OUMAROU c/ Hôtel
Relais de la Porte Mayo à Maroua, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 225/civ. du 2 mars 2005, aff. n° 704/RG/02-03 : TEMEGHI Boniface c/
DJIMELI Boniface : Constructions sur terrain loué et compensation avec loyer impayé, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 134/civ. du 12 juin 2005 (contradictoire), NANA TCHOUAKAM, MBOCK
Daniel, POUTH Etienne c/ Dame MBANG KOLLO née YONDO Alice Téclaire : opposition à expulsion pour non
paiement de loyer, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 184/01/04-05 du 09 février 2005, aff. n° 160/04-05 du 1 er oct. 2005, NOUPA
Daniel c/ WANKO Moïse : expulsion pour non paiement de loyer, inédit.
C’est ainsi que le juge de Bafoussam a expulsé en 1992 le sieur NOUDEM qui, à l’expiration
du bail, s’était maintenu de force sur le terrain de TSAPI Noël qui le lui avait donné à bail
pour une durée de cinq ans64.
Lorsque le contrat de bail est fait sans écrit, l’une des parties ne peut y mettre fin
qu’après avoir donné congé (préavis) à l’autre. La partie qui donne congé doit observer
les délais fixés par l’usage des lieux (art. 1763 du cc.). Pour permettre à la Cour suprême
de vérifier si le délai du congé a été donné conformément à l’usage des lieux, les juges du
fond qui admettent la validité de ce congé, doivent dire quel est l’usage des lieux où est
situé l’immeuble loué65. En tout état de cause, « le propriétaire d’une maison66 dont les
loyers ne sont pas payés est en droit de demander l’expulsion du locataire devant le juge des
référés67. La restitution de la libre disposition de son bien suffit à caractériser l’urgence
requise par l’article 182 du code de procédure civile et commerciale »68.
Toutefois, en vertu de l’article 1738 du c.civ., « si à l’expiration du bail écrit, le
preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par
l’article relatif aux locations faites sans écrit », en l’espèce, il s’agissait d’un contrat de bail
signé entre les époux HEGA, propriétaires d’une villa et la société ONCPB. Ce bail est
conclu pour une période déterminée, mais renouvelable par tacite reconduction.
A l’expiration de la première période de location, les propriétaires avisent le
locataire (ONCPB) de l’augmentation du loyer. Il ne réagit pas et se maintient dans les
lieux. Un an plus tard, les époux HEGA adressent leur facture au locataire, réajustée en
fonction du nouveau montant du loyer. Après avoir abandonné le loyer, l’ONCPB proteste

64
TPI de Bafoussam, ord. de référé n° 61/civ. du 5 juin 1992, aff. TSAPI Noël c/ NOUDEM.
65
CS, arrêt n° 60/cc du 29 janvier 199, aff. NDO’O Jeannette c/ NGOUBE Albert in Lex Lata n° 001 du 06 oct.
1994, p. 13, présentation Grégoire JIOGUE.
66
Sur la nécessité de la qualité du propriétaire, lire :
- TPI de Yaoundé, ord. de référé n° 1004 du 07 sept. 2000, dossier n° 161/RG/09-00 du 27 juillet 2000 ; aff.
EDJIMBI Henri Georges et BOUMAN Victor c/ EPALE Roger Delare et MBOCK Léo Guy, inédit.
- CA du Centre de Yaoundé, arrêt n° 262/civ. du 16 mai 2001, aff. n° 789/RG/99/00 du 18 août 2000 ;
ATANGANA MVONDO Barthélémy c/ AHMADOU BOBBO, inédit.
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 310/civ. du 10 juillet 2002 ; aff. 280/RG/2001-2002 du 21 janvier 2002, Succ.
EKANI Luc Gérard c/ FOYANG Etienne, inédit.
- TPI de Yaoundé, ord. n° 398 du 02 mars 2000, aff. Mission d’Aménagement et de gestion des zones
industrielles (MAGZI) c/ Société camerounaise de transformation métallique (SCTM), inédit.
67
- CA du Centre à Yaoundé, arrêt n° 105/civ. du 05 nov. 2003, EBONGUE Mérimé François c/ MBEZELE
Dieudonné ; « L’urgence commence là ou s’arrête le droit d’une partie, où le droit de l’autre est vidé, et où naît
la nécessité impérieuse de faire cesser cette violation … », inédit.
68
TPI de Yaoundé, ord. du 30 juin 1994, aff. EDOA Pius c/ BIHINA MBARGA in Lex Lata n° 001 du 6 oct. 1994, p.
14.
et refuse d’honorer cette facture. Assigné devant le TGI de Douala, le locataire (ONCPB)
est condamné à régler ladite facture pour l’avoir acceptée tacitement… 69
Cette facture réajustée doit évidemment être au préalable conforme aux
dispositions de l’article 80 du Code de l’enregistrement du timbre et de la curatelle, aux
termes duquel « les tribunaux devant lesquels sont produits des actes non enregistrés,
doivent soit sur les réquisitions du ministère public, soit même d’office, ordonner le dépôt
de ces actes au greffe pour être soumis à la formalité de l’enregistrement », car la Cour
suprême a eu à plusieurs reprises à casser « l’arrêt confirmatif d’une cour d’appel ayant
statué sur un différend portant sur un contrat non enregistré, sans avoir ordonné au
préalable l’enregistrement dudit contrat, alors qu’il s’agit d’une d’ordre public »70. La
haute juridiction rappelle toutefois que le locataire ayant conclu un bail verbal avec sa
bailleresse est mal fondé à contester la qualité de cette dernière lorsqu’il s’agit de son
expulsion pour non-paiement de loyers échus71.
Toutefois, Il convient de préciser que pour la jurisprudence , le contrat de bail
n’expire pas nécessairement à l’échéance convenue. En effet, le bailleur qui continue de
percevoir un loyer, bien qu’ayant adressé un préavis et une lettre sommant le locataire de
libérer les lieux, prolonge sans le savoir (peut-être) ledit contrat. La CA du Centre à
Yaoundé a ainsi déclaré, « qu’en date du 17 avril 1998, dame veuve BELLA HASSAN née
PATOU HADJA avait adressé à son locataire AMBASSA OMBEDE Blaise une lettre de préavis
aux fins de libérer la parcelle de terrain qu’elle lui avait donné en location au quartier
Ngousso à Yaoundé, alors et pourtant qu’elle a continué à percevoir les loyers jusqu’en
février 1999. Qu’ainsi, par rapport au contrat de bail liant les parties, il y eut tacite
reconduction ».

Par ailleurs, « la seule existence du contrat de vente de l’immeuble implique en l’état


de notre législation, la caducité des baux passés par le précédent propriétaire ».

b) Le propriétaire pendant la durée du bail72


69
TGI du Wouri à Douala, jugement civil n° 005 du 6 nov. 1989, aff. HEGA c/ ONCPB in « Juridis Infos » n° 13,
Mars 1993, p. 47, observ. Jean Marie NYAMA.
70
CS, arrêt n° 120/cc du 17 nov. 1987, aff. MINFELA c/ REDZEME Esther in « Juridis Infos » n° 15, Sept. 1993 p.
52, observ. Jean Marie NYAMA.
71
CS, arrêt n° 2/cc du 30 nov. 1989, aff. NGASSAM Pauline c/ MBOM Mireille, veuve KOUAM, in « Juridis Infos »
n° 15, sept. 1993, p. 52..
72
Cf. Cass. Civ. 1° ; 7 mars 1955 précité, JCP. 1956. II. 9053, note A. WEILL et K. BECQUE.
En principe le contrat de bail doit avoir réglé ce problème en prévoyant, par
exemple, une renonciation du bailleur à l’accession. Mais, il faut que cette renonciation
soit certaine. A cet égard, une permission de bâtir accordée au locataire n’implique pas
nécessairement, de la part du bailleur, renonciation au bénéfice de l’accession. L’intérêt
de cette autorisation pour le locataire est d’éviter, pendant le bail, la résiliation pour
changement de la destination des lieux (art. 1729-1° c.civ.), et à la fin du bail, d’être qualifié
de constructeur de mauvaise foi.

Si le contrat de bail n’a pas réglé ce problème de manière claire, en principe, on


reconnaît, en faveur du locataire, un droit de superficie temporaire 73. On en déduira que
s’il est propriétaire, le locataire peut aliéner ou hypothéquer les constructions et qu’il
peut, aussi, les démolir, sous réserve de ne commettre aucun abus de droit.

PII- La propriété du dessous

L’article 552 al.1 du c.civ. dispose que « la propriété du sol emporte(…) la propriété
du dessous ». Autrement dit le propriétaire du sol est également le propriétaire du sous-
sol. Tel est le principe(A) qui admet des limites(B).

A-Le principe

Le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol. A ce titre, il peut faire au-


dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles
tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et
règlements relatifs aux mines, carrières et autres règlements. L’article 552 précise
quelques-unes des prérogatives du propriétaire du sol sur le dessous. De même, l’article
673 c.civ. dont l’alinéa 1 définit les droits du propriétaire sur les branches d’arbres qui
avancent sur son fonds, dispose à l’alinéa 2, ce qu’il en est des racines, ronces ou
brindilles qui envahissent son sous sol. Il pourra les couper, lui-même, à la limite de la
ligne séparative et cette sorte de droit de justice privée est imprescriptible.
73
Cf. note anonyme sous Cass. Civ. 1er déc. 1944, S. 1945. I. 47.
L’étendue en profondeur de cette propriété du dessous n’a pas de limite. Elle va
jusqu’aux enfers (« usque ad inferos »).
Le propriétaire du sol a la propriété de tout ce qui se trouve dans le sous-sol :
substances, objets, cours d’eau, grottes qu’il peut exploiter, commercialement, en raison
de leurs beautés naturelles ou des richesses archéologiques comme des fresques
rupestres.
Il pourra faire toutes sortes de fouilles ou de travaux sous réserve de se munir des
autorisations administratives nécessaires (un permis de construire, par exemple) et de
respecter les règlements d’urbanisme. Naturellement, il ne devra pas commettre d’abus,
agir dans l’intention de nuire à ses voisins comme par exemple, creuser pour tarir des
sources, ni causer un trouble dépassant les inconvénients ordinaires du voisinage. Cette
notion est souvent invoquée à la suite des dommages consécutifs à l’édification des
fondations des grands immeubles qui retiennent la responsabilité du propriétaire sur le
fondement d’une faute d’imprudence ou de négligence74.
La propriétaire du sous-sol pourra également interdire aux tiers d’y commettre des
empiètements. Ainsi, il a été jugé que le fait de traquer du gibier au moyen d’un furet,
dans le tréfonds, constitue le délit de chasse sur le terrain d’autrui 75. Toutefois, il paraît
résulter de quelques décisions judiciaires qu’un propriétaire ne pourrait, sans abus,
s’opposer à des atteintes temporaires commises sur les fondations de son immeuble, ni
même, semble-t-il, à des travaux destinés à les renforcer, dès lors que cette gêne est
l’unique moyen de permettre à un voisin de construire un immeuble, sans risque pour
autrui, et qu’elle est compensée par une indemnité.
Si cette jurisprudence devait se confirmer, elle ne traduirait pourtant qu’une
conséquence naturelle du caractère social de la propriété. Son exercice ne doit pas
aboutir à paralyser le droit des autres. Il ne s’agirait pas véritablement d’une limitation.

B – Les limites à la propriété du dessous

Le principe énoncé par l’article 552 du code civil connaît des limites établies dans
un intérêt privé(1) ou dans l’intérêt général(2).
74
Alexandre et Brideau in « L’évolution du droit des constructions et la réparation des dommages causés aux
immeubles voisins », A.J.P.I. 1977, 531.
75
Cass. Crim., 7 juin 1957. D. 1958, 39, note bouchée.
1- Limites dans l’intérêt privé

Un propriétaire peut aliéner ses droits dans tout ou partie du sous-sol : céder la
propriété d’une grotte, le droit d’exploiter le tréfonds, etc. L’acte juridique d’aliénation
(le titre) revêtira une forme quelconque : vente, donation, testament, renonciation…

2-Limites dans l’intérêt général

Lorsque des richesses naturelles présentent un intérêt pour la nation, l’Etat les
retire à leur propriétaire privé. Il en est ainsi des carrières(b) des gisements de minéraux
ou d’hydrocarbures(a). La législation minière contenue dans le code minier 76 et autres
textes limitent les droits du propriétaire du sol sur son sous-sol.

a- Les mines

Les mines désignent les gîtes de matières minérales énumérées à l’article 2 du


code : houille, fer, cuivre, hydrocarbures liquides ou gazeux, etc. elles constituent une
propriété distincte de celle du sous-sol qui est, en principe, attribuée à l’Etat. C’est en tout
cas l’Etat seul qui peut les exploiter ou accorder une concession ou un permis
d’exploitation à un tiers( art. 21 C.min). L’Etat peut en accorder l’exploitation à un
concessionnaire pour une durée en principe illimitée (sauf pour les hydrocarbures, pour
lesquels la durée est de cinquante ans au plus. Il existe aussi des permis pour lesquels la
durée est de cinquante ans, au plus. Il existe aussi des permis d’exploitation limitée à cinq
ans). L’exploitant va alors acquérir un droit réel immobilier distinct de la propriété de la
surface et insusceptible d’hypothèque. Il devra payer au propriétaire de celle-ci une
indemnité77 – la redevance tréfoncière – de nature personnelle et immobilière.
Le propriétaire garde la propriété de tous les autres éléments du sous-sol. Ainsi,
lorsqu’il existe une mine, trois personnes peuvent faire valoir des droits sur le tréfonds :
l’Etat, le concessionnaire, le propriétaire de la surface.
76
Loi n° 64/LF/3 du 6 avril 1964 portant régime des substances minérales.
77
Art. 42 al. 5 du décret n° 485/MP/2000 du 20 juin fixant les modalités d’application de la loi n° 99/013 du 22
déc. 1999 portant Code pétrolier.
b- Les carrières

Les carrières désignent tout gisement qui ne constitue pas une mine (art. 4 du
C.min.) : sources de matériaux de construction, de substances chimiques (sel, phosphore,
…). Antérieurement à la loi du 2 janvier 1970, le code minier distinguait, en outre, les
minières : il s’agissait des tourbières et des gisements de minerais de fer dits d’alluvion.
Cette catégorie a été, depuis lors, supprimée. Les minières sont assimilées aux carrières et
soumises à leur régime.
Le propriétaire du sol a la propriété des carrières 78. L’exploitation d’une carrière
appartenant à toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat ou
l’exploitation d’une carrière sur un terrain donné en bail est subordonnée au
consentement du propriétaire, sauf si cette exploitation a été déclarée d’utilité publique
dans les formes légales79. Elle doit faire l’objet d’une déclaration.
En cas d’exploitation par galeries souterraines, l’exploitant doit établir sur un plan
à l’échelle 1/50e :
- les désignations cadastrales ;
- le périmètre du terrain sous lequel doivent être exécutées les formules ;
- les édifices, chemins et ouvrages publics existant sur ledit terrain sur un rayon
de 250 m au moins ;
- l’emplacement des offices des puits ou des galeries.

Lorsqu’il existe déjà des travaux souterrains, il est fait mention dans la déclaration.
Le délégué régional chargé des mines dispose d’un délai de 30 jours à compter de la date
de réception de la déclaration, pour délivrer au déclarant un récépissé 80. Comme pour les
mines, l’exploitant devient titulaire d’un droit réel immobilier et débiteur de la redevance
tréfoncière. Compte rendu doit en être fait au ministère chargé des mines, dans les 10
jours qui suivent la délivrance du récépissé.

78
Décret n° 90/1477 du 09 nov. 1990 portant réglementation de l’exploitation des carrières (art. 4).
79
CS, arrêt n° 87/cc du 7 mars 2002 (pourvoi n° 162/cc/98-99 du 24 mars 1999, aff. FOUGEROLLE SOFRA et TP
c/ WIRBAM Paul et autres : les carrières relèvent-elles du domaine public, domaine national ou domaine privé ?
inédit.
80
L’exploitation des carrières sur le domaine public ou privé de l’Etat ou sur le domaine national est soumise à
autorisation (art. 3 décret n° 90/1477 précité).
A coté des mines et carrières, il faut indiquer les fouilles archéologiques qui ne
sont pas permises sans autorisation81. De même, des travaux de forage, dans les
périmètres de protection établis autour de sources d’eaux minérales (art. 61, loi du 16 déc.
1964). De sorte que l’on voit s’instituer pour certains biens, contenues dans les sols, un
régime juridique différent de celui des autres éléments qui en font partie. L’observation
est particulièrement valable pour les eaux qui peuvent s’y trouver.

81
Loi du 20 sept. 1941 validée par l’Ord. du 13 sept. 1945.

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