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COURS DU DROIT DES BIENS

Par CHAIBOU SOULEY M. Bachare


Année 2019-2020

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Introduction

En Droit, Il existe deux grandes disciplines qui gouvernent les biens. L’une fixe le régime
juridique des biens appartenant aux personnes publiques : c’est le Droit administratif des
biens. L’autre en revanche, contient les règles applicables aux biens appartenant aux
particuliers ou personnes privées. Cette seconde discipline, qui forme l’objet de ce cours,
intègre le Droit civil qui est l’ensemble de règles gouvernant les rapports privés à l’exception
de ceux qui sont de nature commerciale.

La compréhension de ce cours nécessite de préciser le sens du mot bien (A) et d’indiquer les
sources du Droit des biens.

A- Définition du mot bien

Le terme « bien » ne dispose de définition ni sur le plan légal ni sur le plan jurisprudentiel.
Devant ce vide, la doctrine a naturellement tenté de le définir. Ainsi, selon Baudry-
LACANTINERIE et M. CHAUVEAU les biens sont « toutes les choses qui, pouvant procurer
à l’homme une certaine utilité, sont susceptibles d’appropriation privée ». Suivant cette
définition, il est possible de dégager les traits caractéristiques d’un bien :

Les biens sont d’abord des choses. Que doit-on entendre par choses ? Il faut entendre par
choses, tout ce que contient l’univers hormis les personnes. Les choses, en effet, s’opposent
aux personnes. Tandis que celles-ci sont des sujets de droit, les choses constituent des objets
de ce dernier.

Mais toutes les choses ne sont pas des biens. Pour correspondre à un bien, une chose doit
être utile et susceptible d’appropriation.

Une chose est utile lorsqu’elle a une valeur patrimoniale, évaluable en argent. Cette
valeur peut être, elle-même, une valeur d’usage ou une valeur d’échange. Une chose a une
valeur d’usage lorsqu’on peut l’utiliser, s’en servir, l’exploiter…c’est le cas d’un champ
qu’on peut cultiver. Une chose a une valeur d’échange lorsqu’elle se prête aux échanges :
c’est le cas d’une voiture qu’on peut vendre, offrir en donation…

Une chose est susceptible d’appropriation lorsqu’elle peut faire l’objet d’un droit
privatif, c’est-à-dire d’un droit de propriété privé. Il existe des choses qui ne peuvent pas
faire l’objet d’un droit de propriété : c’est le cas de la lumière qui éclaire l’univers, de l’air qui

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circule dans l’atmosphère, de la mère ou des océans. Ne pouvant pas être appropriées, ces
choses ne peuvent être des biens. Leur inaptitude à faire l’objet d’un droit de propriété
procède de ce qu’elles sont destinées à l’usage de tout le monde : en latin, on les appelle des
res communis, c’est-à-dire des choses communes (à tous). Mais il faut remarquer que les
parties ou certains produits provenant de ces choses peuvent faire l’objet d’un droit de
propriété. Un sceau d’eau provenant de la mère ou du poisson capturé de celle-ci est
appropriable et, en ce sens, sont des biens.

De manière résumée, Seules les choses répondant au critère de l’utilité et d’appropriation sont
des biens au sens du Droit des biens. Les choses qui ne répondent pas à ces exigences ne sont
pas des biens sur le plan juridique.

B - Les sources du droit des biens

Le Droit des biens englobe des règles qui ont pour fonction d’assurer la répartition des biens
et de leur utilité entre les sujets de Droit. Or, ces règles se trouvent un peu partout car, il
n’existe pas une matière du Droit privé qui ne s’intéresse pas aux biens : même le Droit de la
famille traite des questions patrimoniales notamment à travers les successions et les régimes
matrimoniaux.

Cependant, l’objet de ce cours n’est pas de faire le tour de toutes ces matières car, ce serait
pratiquement impossible. Il se limitera plutôt à l’étude de la théorie générale des biens laissant
le soin aux disciplines particulières l’étude des règles spéciales applicables aux biens.

Cela dit, La source principale des règles générales applicables aux biens constitue le Code
civil de 1804 applicable au Niger. Celui-ci traite dans son livres II, « Des biens, et des
différentes modifications » et dans son livre III, « Des différentes manières dont on
acquiert la propriété ». A ce corps de règles générales s’ajoutent certaines lois spéciales et la
jurisprudence.

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Plan du cours :

Partie I : Présentation générale des biens

Partie II : Le droit de propriété

Partie III : La possession

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Partie I - Présentation générale des biens

Les biens se caractérisent par leur immense diversité. Cette idée est traduite par la belle
formule d’un juriste allemand, Albert GROTE, selon qui, « le Droit a recouvert le monde
bariolé des choses d’un uniforme capuchon gris, la notion de bien, cette abstraction. C’est
toujours une surprise de découvrir là-dessous, indifféremment, un œuf ou un bœuf, mais aussi
les usines Renault, un billet de 100 francs, l’étang de Ville-d’Avray, etc. »

Cette diversité des biens justifie la nécessité de les classer (Chapitre I). Il convient aussi
d’étudier les rapports qui existent entre les biens d’une même personne : le patrimoine
(Chapitre II).

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Chapitre I - La classification des biens

La diversité des biens pose le problème de leur régime juridique. En raison de leur extrême
variété les biens ne peuvent pas être gouvernés par les mêmes règles juridiques. Ainsi, on ne
peut appliquer à l’animal, être sensible, les mêmes règles qu’un fonds de terre qui est une
chose sans vie…Cette même variété des biens fait aussi qu’on ne peut prévoir pour chaque
bien son propre régime juridique. Il serait en effet impossible d’établir pour chaque bien un
corps de règles spécifiques. Pour le faire, il faut être en mesure de recenser tous les biens de
ce monde, ce qui ne serait pas faisable. En plus, un nombre pléthorique des règles nuirait à la
sécurité juridique.

Afin de résoudre la question des règles applicables aux biens, le droit a fait recours à la
technique de la classification. Celle-ci consiste à regrouper les biens par critère de
ressemblance. Ainsi, tous les biens qui s’apparentent sur un point sont mis dans une même
catégorie. Par exemple, tout bien qui peut se déplacer ou être déplacé est mis dans la catégorie
des biens meubles (c’est le cas de l’animal, de l’avion, du navire, de la charrette, de la table,
de la marmite, de la chaise, de la marchandise…) ; aussi, et par opposition à la catégorie des
meubles, tout bien attaché au sol, qui ne peut se déplacer est placé dans la catégorie des biens
immeubles (c’est l’exemple d’une villa, d’un arbre…).

Pour chaque catégorie des biens le droit applique un régime juridique déterminé. Ainsi, les
biens meubles ont leur régime juridique qui n’est pas le même que celui qui régit les biens
immeubles.

Des catégories des biens, le droit en comporte beaucoup. Il convient de les examiner en
fonction de leur ordre d’importance. Ainsi, on abordera tour à tour La distinction des droits
réels et des droits personnels (section I), la distinction des biens meubles et des biens
immeubles (section II) et d’autres distinctions complémentaires (Section III).

Section I - La distinction des droits réels et des droits personnels

La distinction entre les droits personnels et les droits réels est ancienne et domine le droit
patrimonial. Cette distinction implique qu’au sein du patrimoine il y’ a deux types de droits :
les droits personnels et les droits réels (§1) ; mais il existe une catégorie dite mixte (§2).

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§I - les droits réels et les droits personnels

L’opposition entre le droit réel et le droit personnel se fondent deux critères : leur structure
(A) et leurs attributs (B).

A – la structure du droit réel et du droit personnel

Le droit réel se présente comme un lien entre une personne et une chose. Selon J. Carbonnier,
il est « le pouvoir juridique qu’a une personne de retirer directement tout ou partie des utilités
économiques d’une chose ». Il existe plusieurs types de droit réels. Ceux-ci sont classés en
droits réels principaux et droits réels accessoires. Les droits réels principaux sont : la
propriété, l’usufruit, l’usage, l’habitation, l’emphytéose et les servitudes. Les droits réels
accessoires correspondent à des suretés réelles, c’est-à-dire des garanties données en paiement
d’une créance ou d’une obligation. Ils peuvent porter sur des biens meubles ou immeubles.
Les droits réels accessoires mobiliers sont : le gage et le privilège mobilier spécial. Les droits
réels accessoires immobiliers sont : l’hypothèque, du privilège immobilier spécial, de
l’antichrèse.

Tan disque le droit réel unit une personne et une chose, le droit personnel oppose une
personne à une autre, c’est un rapport entre deux personnes au moins. Appelé aussi droit de
créance ou rapport d’obligation, le droit personnel se définit comme le rapport de droit en
vertu duquel une personne (le créancier) a le pouvoir de contraindre une autre (le débiteur)
d’exécuter une prestation, c’est-à-dire un service. Celle-ci peut consister soit en une action (un
travail quelconque, une réparation…) ou une abstention (ne pas faire concurrence, ne pas
acheter chez quelqu’un).

B - Les attributs du droit réel et du droit personnel

Ensuite, le droit réel et le droit personnel se diffèrent par leurs attributs. Cette différence tient
en premier lieu au fait que le droit réel est opposable erga ommnes alors que le droit personnel
est relatif ; elle se traduit en second lieu par le fait que le droit réel confère à son titulaire un
droit de suite et un droit de préférence que le droit personnel ne donne pas à son tributaire.

§II - La catégorie mixte : l’obligation propter rem

Une obligation est dite propter rem lorsqu’elle oblige une personne en raison d’une chose
qu’elle détient. Ainsi, cette catégorie se rapproche du droit personnel par l’obligation qu’elle
impose au débiteur ; elle ressemble aussi au droit réel par le fait que c’est en vertu de la chose

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qu’elle s’impose au débiteur. De ce fait, l’obligation propter rem, appelée encore l’obligation
réelle est une catégorie intermédiaire.

L’obligation réelle ou propter rem se manifeste d’abord en matière de servitude. Ainsi,


suivant les articles 698 et 699 du Code civil, le propriétaire d’un terrain grevé d’une servitude
est tenu de réaliser les ouvrages nécessaires à l’exercice de cette servitude.

L’obligation réelle ou propter rem se rencontre également dans le domaine de l’hypothèque.


Ainsi, une personne qui achète un immeuble grevé de l’hypothèque est tenue de subir les
effets de celle-ci. Concrètement, cela signifie que le créancier bénéficiaire de l’hypothèque
pourra saisir l’immeuble entre les mains de cette personne alors même qu’elle n’est pas
débitrice de la dette.

On la retrouve enfin en matière de la mitoyenneté. Ainsi, selon la cour de cassation française,


« l’obligation de participer au coût de réfection d’un mur mitoyen, à laquelle sont tenus les
copropriétaires, est une obligation réelle liée à la chose qui leur appartient et cette charge
cesse lorsqu’ils ne sont plus copropriétaires »1.

Section II - La distinction entre les meubles et les immeubles

La distinction des biens en meubles et immeubles est la classification principale retenue par le
Code civil. Sa base est posée à l’article 516 selon lequel, « tous les biens sont meubles ou
immeubles ».

Il convient d’examiner la définition des meubles et immeubles (§1) avant de voir l’intérêt de
la distinction (§2)

§I - La définition des biens immeubles et des biens meubles

A- Le bien immeuble

Selon l’article 517 du Code civil, « Les biens sont immeubles ou par leur nature, ou par leur
destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent ». Il résulte de cette disposition qu’il existe
trois types d’immeubles : l’immeuble par nature ; l’immeuble par destination et l’immeuble
par l’objet auquel il s’applique.

L’immeuble par nature : c’est la terre et tout ce qui s’y attache ou qui s’y incorpore. Les
articles 518, 519, 520, 521 et 523 énumèrent les immeubles par nature qui sont : les fonds de
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V. Cass. (Fr.) Civ. 3ème, 17 juin 1981, Administrer, 1982, p. 36, 1ère espèce, note J.-L. COSTA.

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terre, les bâtiments, les récoltes pendantes par les racines, les tuyaux servant à la conduite des
eaux dans une maison (ces derniers s’appellent aussi des immeubles par incorporation)…

L’immeuble par destination : ce sont des meubles par nature que la loi considère comme
des immeubles pour certaines raisons. Cette situation intervient dans deux cas. Dans le
premier cas, c’est lorsque le meuble est affecté à l’usage ou à l’exploitation d’un fonds. C’est
le cas des animaux attachés à la culture, des ustensiles aratoires, des pigeons des
colombiers…visés par l’article 524 du Code civil. Dans le second cas, c’est lorsque le meuble
est attaché à un immeuble à perpétuelle demeure. Il y a attache à perpétuelle demeure des
meubles à un fonds, lorsque ceux-ci «… y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou
lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser ou
détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés » (article 525 du Code civil). A titre
d’exemple cette dernière disposition évoque « les glaces d'un appartement…lorsque le
parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie » et « il en est de même des
tableaux et autres ornements ».

L’immeuble par l’objet auquel il s’applique : ce sont des droits ou actions en justice que la
loi qualifie d’immeuble parce qu’ils portent sur un immeuble. Les droits qualifiés
d’immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent sont : l’usufruit immobilier et la servitude
immobilière. Les actions en justice qualifiées d’immeubles par l’objet auquel elles
s’appliquent sont : les actions pétitoires ; les actions possessoires et les actions en
revendication de l’immeuble.

B - Les biens meubles

Suivant la logique du Code civil, la catégorie des meubles est résiduelle et celle des
immeubles est limitée. Cela signifie que tout bien qui n’est pas immeuble est meuble.

La loi distingue deux catégories de meubles (article 527 du Code civil). La jurisprudence en a
ajouté une. Ainsi, il existe des meubles par nature, des meubles par détermination de la loi et
des meubles par anticipation.

Les meubles par nature : selon l’article 528 du Code civil, « Sont meubles par leur nature,
les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-
mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une
force étrangère, comme les choses inanimées ». Ainsi, les biens meubles par nature se
caractérisent par leur faculté de mobilité qui peut être intrinsèque ou extrinsèque.

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Les biens meubles par nature ayant une faculté de mobilité intrinsèque, c’est-à-dire ceux qui
peuvent se déplacer par eux-mêmes, sont les animaux (mais il ne faut pas oublier que les
animaux peuvent aussi être des biens immeubles par destination notamment lorsqu’ils sont
affectés au service ou à l’exploitation d’un fonds) ; Les biens meubles n’ayant qu’une faculté
extrinsèque de mobilité, c’est-à-dire ceux qui nécessitent l’action d’une force extérieure pour
se déplacer, sont les meubles meublants, les fluides, le gaz, le courant électrique…

Les meubles par détermination de la loi : ce sont des biens incorporels, des créances
qualifiés comme meubles par la loi en raison de leur objet : le meuble. Il en est ainsi des
droits et actions portant sur un meuble, de la créance relative à une somme d’argent, des
droits intellectuels, des parts sociales et des actions des sociétés…

Les meubles par anticipation : ce sont des immeubles dans leurs état, car incorporés à la
terre, mais considérés comme des meubles car ils sont destinés à être détachés du sol dans un
futur proche : c’est le cas de la récolte sur pied et des matériaux qui proviendraient de la
démolition d’un bâtiment...

§2 - L’intérêt de la distinction des biens meubles et biens immeubles : différence de


régime juridique

L’intérêt de la distinction entre les biens immeubles et les biens meubles réside dans la
différence des règles auxquelles ces biens sont soumis. Cette divergence de régime s’observe
à plusieurs égards :

Il en va ainsi d’abord de la publicité des actes portant sur les biens : les actes sur l’immeuble
sont par principe soumis à une publicité pour être opposables aux tiers. C’est le cas de la
vente immobilière qui, pour pouvoir s’imposer aux tiers, doit être rendue publique au livre
foncier. Les actes portant sur le meuble ne le sont pas par principe, mais exceptionnellement
la loi prévoit la publicité de certains actes portant sur un meuble : cession des valeurs
mobilière ; des aéronefs ; de créance…

Il en va ainsi ensuite en ce qui concerne les suretés réelles. Les suretés portant sur les
immeubles ne sont pas les mêmes que celles portant sur les meubles et sont soumises à des
règles différentes. La principale sureté sur les immeubles est l’hypothèque tandis qu’en ce qui
concerne les meubles il s’agit du gage.

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Il en va ainsi en plus en ce qui concerne la protection juridique des biens. L’immeuble est un
bien de grande valeur et ayant une fonction sociale voir politique beaucoup plus importante
que celle du meuble. C’est pourquoi, l’immeuble est protégé beaucoup plus par rapport au
meuble. C’est en raison de cela que la rescision pour lésion n’est recevable qu’en matière
immobilière (là aussi sous certaines conditions). Toutefois, elle est exceptionnellement
admises pour les œuvres d’art (souci de protection de l’artiste, de favoriser la création et
l’innovation). La même raison explique que la saisie immobilière est plus protectrice du droit
de propriété que la saisie mobilière : cette protection se matérialise par la multiplication des
formalités et se justifie par la fonction sociale ou familiale de l’immeuble. Enfin, la
restriction des pouvoir d’administrateur d’un immeuble est plus accentuée que celle de
l’administrateur d’un bien meuble.

Il en va ainsi en outre relativement à la compétence des juridictions pour les litiges portant
sur les biens. Pour les litiges portant sur l’immeuble est compétente la juridiction dans le
ressort (géographique) de laquelle celui-ci se trouve. Pour les litiges portant sur les meubles,
est compétente la juridiction du domicile du défendeur.

Section III - Les classifications secondaires ou complémentaires

Les classification secondaires sont nombreuses et n’en sont pas moins importantes. Elles
seront passées en revue une à une.

§1 - La distinction des biens corporels et des biens incorporels

Après avoir dégagé le critère de distinction entre les biens corporels et les biens incorporels
(A), un accent sera mis sur l’intérêt de cette distinction (B).

A - Critères de distinction : la corporalité ou la matérialité du bien

Les biens corporels sont des choses qui ont une matérialité et qui sont perceptible par le sens.
Exemple : villa, voiture, terrain, argent…par contre, les biens incorporels ne disposent pas de
matérialité et sont imperceptibles par les sens. Malgré leur particularité, les biens incorporels
recèlent une valeur économique autant que les biens corporels. Il existe deux types de biens
incorporels : - les droits portants sur les choses corporels : usufruit, servitude ; -les droits ne
s’attachant pas à un bien corporel : les droit sur la clientèle ; les droits intellectuels.

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B - Intérêt de la distinction

Classiquement on fondait la distinction entre les biens corporels et les biens incorporels sur
l’idée selon laquelle le droit de propriété serait propre aux choses corporelles et non
incorporelles. Mais cette thèse est aujourd’hui abandonnée. Toutefois, malgré son admission,
la propriété des biens incorporels présentent des spécificités par rapport à celle qui porte sur
les biens corporels. Une de ces particularités se manifeste à propos de la propriété
intellectuelle qui est temporaire par opposition à la propriété d’un bien corporel qui est
perpétuelle. Aussi, au chapitre de ces spécificités, il faut noter que les actes sur les biens
incorporels sont soumis à des exigences particulières auxquelles ne seraient soumis les actes
sur les biens corporels : la publicité des cessions des droits intellectuels

§2 - Les biens consomptibles et les biens non consomptibles

L’analyse de l’intérêt de la distinction (B) sera précédée de l’examen du critère servant de


base à celle-ci (A).

A - Critère de distinction : consommation par l’usage et existence des catégories


intermédiaires

Le bien consomptible est celui qui se perd par le premier usage nécessairement. La
consomptibilité peut-être matérielle (brun d’allumette ; le carburant, les produits alimentaires
qui se détruisent par le premier usage) ou juridique (la monnaie, dont on ne peut s’en servir
sans en transférer la propriété à une autre personne). En revanche, le bien non
consomptible est celui peut être utilisé sans perdre sa substance (un terrain).

A cheval entre ces deux catégories il existe des biens présentant une nature intermédiaire : ce
sont les biens de consommation. Ceux-ci sont susceptibles d’un usage continuel mais peuvent
dépérir rapidement, devenir obsolètes avec le temps : voiture ; un stylo, toute machine
quelconque…

B - Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction entre les biens consomptibles, non consomptibles et intermédiaires


tient à l’obligation de restitution imposée dans certaines situations. C’est le cas notamment
lorsqu’une personne acquiert conventionnellement, légalement ou judiciairement le droit
d’utiliser une chose mais à condition de la restituer à l’issue d’un certain temps. C’est le cas
en matière de prêt, d’usufruit…

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Ainsi, selon que le bien est ou non consomptible, l’objet de la restitution varie. Ainsi,
lorsqu’elle porte sur un bien non consomptible, le débiteur doit restituer le même bien dans
son état à la date de la naissance du droit d’usage. En revanche, lorsqu’elle est relative à un
bien de de consommation, la personne tenue de restitution doit rendre le même bien mais dans
son état à la date de l’expiration du droit d’usage. Enfin, l’obligation de restitution d’un bien
consomptible impose au débiteur de remettre simplement un bien équivalent (de même
nature) ou une somme d’argent (indemnité).

§3 - Les biens fongibles et les biens non fongibles

La distinction sera exposée (A) avant de voir son intérêt (B).

A - Exposé de la distinction

Les biens fongibles ou choses de genre sont des biens appartenant à une même espèce,
interchangeables entres eux : les paquets du sucre contenu dans un carton ; les livres d’une
même collection et édition…par contre, les biens non fongibles ou corps certains sont des
choses déterminées ou individualisées par leur nature particulière ou par le fait de la volonté :
un bien quelconque désigné par l’acheteur ; une œuvre d’art par exemple.

B - Intérêt de la distinction

Il existe une différence de régime juridique entre les choses de genre et les corps certains en
matière du transfert de propriété. En effet, lorsqu’elle porte sur un corps certain, la convention
entraine le transfert de propriété dès l’échange des consentements. En revanche, si elle porte
sur des choses de genre, ce transfert n’aura lieu qu’au moment de l’individualisation de la
chose.

NB : La liste des distinctions n’est pas achevée et peut être utilement complétée par le recours
aux ouvrages du Droit des biens.

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Chapitre II - Le patrimoine

La notion du patrimoine n’est pas définie dans le Code civil. Il y est fait seulement référence
dans certaines dispositions du Code. Il en est ainsi dans l’article 2093 qui évoque le pouvoir
du créancier sur le patrimoine du son débiteur ; il en est ainsi aussi de l’article 2111 qui
évoque le patrimoine du défunt…

Sur la base de ces références éparses, deux auteurs, AUBRY ET RAU, systématisèrent la
théorie du patrimoine. Cette théorie, qu’on qualifie aujourd’hui de classique, demeure la
conception de base du patrimoine (section I). Mais elle a connu un infléchissement avec le
temps (section II).

Section I - La conception de base du patrimoine : la théorie subjective ou personnaliste


du patrimoine

Selon AUBRY ET RAU, le patrimoine est « l’ensemble des biens et des obligations d’une
personne, envisagés comme une universalité de droit ».

De cette définition il parait que le patrimoine est un contenant dont il importe de préciser la
composition (§I). Aussi, dans la théorie subjective du patrimoine celui-ci présente un
caractère personne dont il faut préciser la signification (section §II).

§1 - La composition du patrimoine

Le patrimoine est composé des droits patrimoniaux. Les droits patrimoniaux sont ceux qu’on
peut évaluer en argent. Sont donc exclus du patrimoine, les droits extrapatrimoniaux qui ne
sont pas, eux, évaluables en argents.

Les droits qui composent le patrimoine se caractérisent par leur diversité. De façon générale,
on distingue les éléments qui répondent à l’actif du patrimoine et ceux correspondent au
passif de celui-ci. L’actif regroupe l’ensemble des droits réels ou personnels évaluables en
argent et le passif l’ensemble des obligations ou dette évaluables en argent aussi.

Les des droits patrimoniaux présentent les caractéristiques suivantes : ils sont cessibles,
transmissibles et saisissables.

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§II - La signification personnelle du patrimoine

Celle-ci doit être précisée doublement : tout d’abord au regard des caractères personnels du
patrimoine (A) et ensuite vis-à-vis de la corrélation entre l’actif et le passif (B).

A – les caractères personnels du patrimoine

La conception personnelle du patrimoine implique trois maximes : chaque personne à un


patrimoine ; chaque personne n’a qu’un seul patrimoine et seule une personne a un
patrimoine.

Tout d’abord, chaque personne à un patrimoine. En effet, le patrimoine s’attache


consubstantiellement à la personne juridique et nait dès l’acquisition de la personnalité. Le
patrimoine d’une personne doit être distingué de son contenu. Tandis que le contenu du
patrimoine est transmissible, ce dernier ne peut quant à lui être cédé. S’il est vrai que l’on peut
transmettre l’ensemble de ces biens, il n’est pas au contraire possible d’aliéner son patrimoine
entre vif. Mais à la mort de son titulaire, il est transmis aux héritiers.

Ensuite, chaque personne n’a qu’un seul patrimoine. Ce principe découle de l’unité du
patrimoine. En effet, il est impossible de séparer les biens en plusieurs patrimoines distincts.
Aussi il est impossible de soustraire un bien de la corrélation actif-passif (V° infra). Cette
règle implique aussi l’autonomie du patrimoine c’est-à-dire un patrimoine ne peut pas
répondre de la dette d’un autre, les biens d’une personne ne peuvent être grevés par les dettes
d’une autre personne.

Enfin, seule une personne peut avoir un patrimoine. Cela suppose qu’un patrimoine ne peut
exister sans personne : physique ou morale. Le patrimoine est un ensemble des droits, des
biens qui ne peuvent se concevoir qu’en cas de personnalité juridique.

B - Corrélation entre l’actif et le passif

Cette corrélation signifie que l’actif répond du passif (2093). C’est ce qu’on appelle
universalité de droits : toutes les dettes (peu importe leur source grèvent tous les biens
meubles et immeubles ; présents et à venir).

La conséquence principale de cette corrélation réside dans le fait les éléments actifs du
patrimoine du débiteur constitue le gage général du créancier, c’est-à-dire la garantie de leur

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paiement. Ainsi un créancier impayé ne peut avoir d’emprise que sur les biens du débiteur et
non sur la personne de ce dernier.

Section II - L’infléchissement de la théorie de base

Cet infléchissement provient des assauts de la théorie objective du patrimoine (§I) et des
concessions faites par la théorie classique (§II).

§1- La théorie objective du patrimoine

La théorie objective du patrimoine part du postulat selon lequel, le patrimoine n’est pas lié à
la personne mais plutôt à l’idée d’affectation. En d’autres termes ce qui regroupe les biens au
sein d’un patrimoine n’est pas la personne mais plutôt l’activité à laquelle ses biens sont
affectés.

Il en résulte un certain nombre de conséquences : une personne peut avoir plusieurs


patrimoines en fonction des affectations qu’elle crée : commerciale, civile, activité
caritative… ; - un patrimoine peut exister sans personne.

§2 - Les concessions de la théorie personnaliste du patrimoine

La théorie classique du patrimoine avait admis des dérogations aux caractères personnels du
patrimoine et notamment à la maxime suivant laquelle une personne ne peut avoir qu’un seul
patrimoine. Ces dérogations se rencontrent dans les hypothèses où la loi tolère à ce que les
sujets de droit créent des compartiments au sein de leur patrimoine. C’est le cas du Droit de
société qui autorise les personnes à affecter une partie de leur bien à une activité commerciale.
Ce faisant, elles évitent à ce que le risque lié à cette activité ne s’étende sur l’ensemble de leur
patrimoine. C’est ce qui explique qu’en cas de constitution d’une société par action (SA par
exemple), les actionnaires ne sont tenus de la dette sociale que dans la limite de la valeur des
biens qu’ils ont affectés à cette société. Ils ne peuvent être poursuivis sur leurs biens
personnels.

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Partie II - Le droit de propriété

« Dans toutes les sociétés humaines, les rapports de l'homme aux choses qui l'entourent sont
conçus sur le mode de l'appropriation. Posséder est naturel à l'homme…les posséder en
propre, à titre exclusif, constitue au surplus à la fois une garantie de paix sociale et la sécurité
d'une gestion optimale des biens en cause », affirme Alain SERIAUX.

Comme le dit cet auteur, toutes les sociétés (contemporaines) admettent le droit à la propriété.
En Droit positif, le droit de propriété est consacré et réglementé par le titre II du livre III du
Code civil de 1804. Sur le plan constitutionnel, particulièrement, l’article 28 de la règle
fondamentale du Niger (constitution de la VIIe république du 10 décembre 2011) le consacre
en ces termes : « toute personne a droit à la propriété ».

Le droit de propriété, s’il est admis au sein de nos sociétés contemporaines, c’est à cause de sa
fonction sociale et économique principalement. Socialement, le droit de propriété est une
« garantie de paix sociale » : avoir une chose en propre est source de liberté, d’autonomie
entre les individus et évitent les querelles pouvant provenir d’une situation de concurrence ;
économiquement, le droit de propriété est un moyen de « gestion optimale des biens » :
l’individu est beaucoup plus enclin à prendre soin et à mettre en valeur ce qui lui appartient en
propre.

Mais qu’est que le droit de propriété ? Selon l’article 544 du Code civil « la propriété est le
droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas
un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Cette définition n’est pas complète en ce
qu’elle précise seulement les prérogatives que confère le droit de propriété. Elle garde silence
sur le rapport entre le propriétaire et son entourage, c’est-à-dire le reste de la société constitué
des tiers. C’est pourquoi Alain SERIAUX estime que le droit de propriété est en plus le
« titre en vertu duquel telle personne est fondée à revendiquer erga omnes tel bien pour sien »

Cela dit, en Droit des biens (et de manière générale en droit patrimonial), le droit de propriété
est un droit réel, c’est-à-dire un droit qui porte sur une chose. Cette chose peut être un meuble
ou un immeuble. Et parmi les droits qui peuvent porter sur des choses (droits réels), il est
classé parmi les droits réels principaux.

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L’objet de cette partie est d’aborder de manière détaillée la notion du droit de propriété
(chapitre I) ainsi que les modes d’acquisition et les modalités du droit de propriété
(chapitre II).

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Chapitre I - La notion du droit de propriété

Pour comprendre fondamentalement le droit de propriété, il convient de cerner ses attributs


(section I) et ses caractères (section II)

Section I - Les attributs du droit de propriété

Une chose peut procurer à l’homme une pluralité de services ou d’utilités selon sa nature. Les
romains avaient classé ces utilités en trois catégories : l’usus, le fructus et l’abusus. Etant
donné que le propriétaire d’une chose est la personne qui détient la totalité des pouvoirs sur
cette dernière les romains avaient estimé que les attributs du droit de propriété se ramènent à
l’ensemble des services qu’il peut tirer de cette chose, donc au triptyque l’usus, le fructus et
l’abusus.

Les attributs du droit de propriété sont au nombre de trois (§I) mais peuvent être démembrés
(§II)

§I - L’énumération des attributs du droit de propriété

Les attributs du droit de propriété sont le droit d’usage (A) de jouissance (B) et de disposition
(C) sur la chose.

A- Le droit de se servir de la chose (usus)

L’usus implique la possibilité pour le propriétaire de se servir de son bien. Il peut le faire
suivant la destination naturelle du bien : s’il s’agit d’une maison il peut s’y loge ; s’il s’agit
d’une voiture, il en utilise pour se transporter. Il a aussi la liberté de donner à son bien
n’importe quelle destination : c’est le principe de la libre affectation. Au lieu de loger une
maison, l’utiliser comme un dépôt, pour la culture des volailles ; au lieu d’utiliser un verre
pour boire de la champagne, en faire un objet de décoration exposé dans la chambre. Enfin, le
propriétaire a la faculté de modifier le bien dans sa forme, sa substance, d’en adopter l’aspect
conformément à une destination donnée : changer la couleur d’une maison, de la voiture…

L’usus, c’est aussi la liberté de ne pas utiliser son bien : ainsi, en vertu de son droit le
propriétaire peut abandonner son terrain aux mauvaises herbes ; exposer son véhicule à la
poussière du garage sans en courir une sanction, telle la prescription. – la propriété ne se perd
pas par le non usage.

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Enfin, on dira que le droit d’usage implique une grande liberté du propriétaire sur son bien ; il
autorise toutes les fantaisies sauf celle que la loi et les règlements interdisent formellement.

B - Le droit de percevoir les fruits de la chose (fructus)

Le fructus est défini comme « le droit de percevoir les fruits de la chose » (selon le
Vocabulaire juridique). C’est le droit à la jouissance des fruits de la chose.

Ces fruits peuvent être civils. C’est le cas des revenus pécuniaire tiré du bien en le mettant au
service d’une autre personne. Ainsi, un propriétaire peut tirer revenu de son bien en le
donnant en location. Dans ce cas, l’exercice du fructus implique certaines contraintes pour le
propriétaire : se priver temporairement de son bien, entretenir le bien loué, supporter les frais
d’exploitation…

Les fruits peuvent aussi être industriels. Il en est ainsi lorsque ces derniers sont issus du
travail, de l’industrie du propriétaire : une récolte par exemple.

Enfin, les fruits peuvent être naturels. C’est le cas lorsqu’ils se réalisent spontanément sans
l’intervention directe du propriétaire.

C - Le droit de disposer de la chose (l’abusus)

C’est le droit de disposition sur le bien. Cette disposition peut être soit matérielle soit
juridique.

Matérielle, la disposition se traduit par la destruction physique de la chose ou par son abandon
volontaire.

Juridique, la disposition se traduit par l’aliénation de la chose au moyen d’une convention,


d’un acte unilatérale ou du paiement d’une dette (obligation) de manière générale.

§II - Le démembrement des attributs du droit de propriété/L’usufruit

« L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire
lui-même, mais à charge d’en conserver la substance (article 578 du Code civil) ».

Il convient de préciser le domaine de l’usufruit (A) avant d’examiner ses effets (B).

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A- Le domaine de l’usufruit

Le domaine de l’usufruit sera précisé aussi bien en ce qui concerne da durée (1) qu’en ce qui
touche les biens sur lesquels il peut porter (2).

1 - Le domaine de l’usufruit dans le temps

Début de l’usufruit. L’usufruit peut naitre soit d’un contrat (donation-partage) soit d’un
testament ou même de la loi (usufruit des parents sur les biens de leur enfants ; usufruit du
conjoint survivant).

Fin de l’usufruit. En principe, le décès de l’usufruitier met fin à l’usufruit car c’est un droit
viager.

En dehors de la mort de l’usufruitier, l’usufruit peut prendre fin par l’effet d’une volonté.
Cette volonté peut être celle du constituant (terme dans le contrat ou dans le testament) ; elle
peut être aussi celle du bénéficiaire. Mais sous certaines conditions la renonciation à son droit
par l’usufruitier peut être remise en cause par ses créanciers.

Enfin, l’usufruit peut prendre fin accidentellement. C’est le cas en cas de consolidation
(réunion dans la tête de l’usufruitier de cette qualité et de celle du nu-propriétaire) ou en cas
de prescription extinctive ou de la perte de la chose sur laquelle porte l’usufruit.

2 - Le domaine de l’usufruit quant aux biens qu’il concerne

Tous les biens sont susceptibles d’usufruit mais l’usufruit des biens consomptibles présente
des spécificités.

L’usufruit des biens consomptibles. Comment accorder la jouissance à l’usufruitier et la


disposition au nu-propriétaire ? Pour ces biens l’usage et la disposition se confondent. En
effet, les biens consomptibles se consomment (disparaissent, d’où la disposition) par le
premier usage.

Etant donné l’impossibilité, en ce domaine, de séparer (de démembrer) l’usage et la


disposition, l’usufruit des biens consomptibles emporte le transfert de propriété de la chose à
l’usufruitier. Dans ce cas on dit que ce dernier bénéficie d’un quasi-usufruit.

A l’extinction de son droit il sera tenu de restituer un bien équivalent ou une somme
équivalente.

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B - Les effets de l’usufruit entre les intéressés

L’usufruit produit des effets entre les intéressés. Il s’agit des droits et des obligations qu’il fait
naitre sur la tête de ceux-ci.

Les effets de l’usufruit pour l’usufruitier. Il s’agit de préciser les droits et les obligations
que l’usufruit fait naitre sur la tête de l’usufruitier.

Les droits de l’usufruitier. Celui-ci bénéficie d’abord de l’usage de la chose. Qui dit usage dit
usure. Si l’usure est normale, il restitue le bien dans l’état où se trouve. L’usufruitier a
également la jouissance des fruits civils (revenu pécuniaire tiré du capital, du bien), industriels
(fruit issu du travail, de l’industrie de l’usufruitier) et naturels (fruits spontané du bien : fruits,
croit) de la chose. Il en résulte qu’il a la disposition ces fruits : c’est ainsi que l’usufruit est un
mode d’acquisition de la propriété.

Les Obligations de l’usufruitier. Il a des obligations au début de l’usufruit. Il s’agit d’abord de


l’obligation d’inventaire des biens objet d’usufruit. Il est tenu ensuite d’offrir une caution
pour garantir la restitution du bien à la fin de l’usufruit. Toutefois, il existe une dispense de
fournir caution pour le vendeur et le donateur sous réserve d’usufruit et les père et mère pour
l’usufruit des biens de leur enfant mineur.

L’usufruitier a également des obligations en cours de l’usufruit. Il doit utiliser les biens en
bon père de famille et ne pas en faire une exploitation abusive. Il est tenu aussi de conserver la
substance de la chose en entretenant convenablement le bien.

L’usufruitier a enfin des devoirs à l’extinction de l’usufruit. Il s’agit principalement de


l’obligation de restitution du bien.

Les effets de l’usufruit pour le nu-propriétaire. Il convient à ce niveau aussi de faire le tour
des droits et obligations du nu-propriétaire.

Les droits du nu-propriétaire. Il conserve le droit de disposer (sur la nue-propriété et non sur
la pleine propriétaire) ; Il peut donc disposer de la nue-propriété, lui seul. Pour la pleine
propriété il faut l’accord de l’usufruitier

Le nu-propriétaire conserve aussi le droit de recueillir les produits de la chose. À ce niveau, il


convient de préciser que les produits ne se confondent pas avec les fruits. Certes les produits
tout comme les fruits proviennent de la chose. Mais à la différence des fruits, les produits ne

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peuvent être tirés de la chose sans entrainer la dégradation de la substance de celle-ci. Les
articles 598 et 592 donnent des exemples des produits : le premiers renvoie aux matériaux
extraits épisodiquement d’une carrière non exploitée ; le second aux arbres abattus isolément.
En outre, lorsqu’un trésor est découvert sur le fond objet du démembrement, c’est au nu-
propriétaire que revient la moitié que la loi attribue au propriétaire. Enfin, le nu-propriétaire
dispose de certaines actions pour protéger son droit (action en revendication et action contre
les troubles de possession) et d’un droit de surveillance général sur l’utilisation du bien- droit
d’agir contre l’usufruitier en déchéance en cas d’utilisation abusive du bien.

Les obligations du nu-propriétaire. De manière générale il est tenu d’une obligation passive,
celle de ne pas troubler l’usufruitier. En plus, il doit supporter la charge des grosses
réparations.

Section II - Les caractères du droit de propriété

Les caractères du droit de propriété sont les manières par lesquelles ce droit s’exerce. Ils sont
au nombre de trois : l’absolutisme, l’exclusivité et la perpétuité. L’explication de ces
caractères (§I) sera suivie des limites qui leur sont apportées (§II).

§I - L’explication des caractères du droit de propriété

Les caractères du droit de propriété seront explicités un à un.

A - L’absolutisme du droit de propriété

Le droit de propriété s’exerce de manière absolue. Cette règle résulte expressément de


l’article 544 du Code civil selon lequel « La propriété est le droit de jouir et disposer des
choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois
ou par les règlements ».

L’absolutisme du droit de propriété signifie que le propriétaire peut exercer les pouvoirs les
plus étendus sur son bien et tirer de ce dernier la totalité de ses utilités économique. En
d’autres termes, sous réserve des limites que la loi ou les règlements apportent à son droit, le
propriétaire à l’entière disposition de son bien.

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B - L’exclusivité du droit de propriété

A la différence du l’absolutisme qui est visé par un texte, le caractère exclusif du droit de
propriété n’est pas indiqué par le Code civil. Toutefois, la doctrine est quasi unanime qu’il est
un caractère du droit de propriété.

L’exclusivité du droit de propriété signifie que le propriétaire profite de son droit lui seul, à
l’exclusion des tiers (individus comme Etat). Il dispose d’une sorte de monopole sur son bien.
L’exclusivité implique aussi pour ces tiers le devoir de ne pas perturber le propriétaire dans la
jouissance de son bien.

C - La perpétuité du droit de propriété

Le caractère perpétuel du droit de propriété provient, lui aussi, de l’analyse doctrinale et non
d’un texte.

La perpétuité du droit de propriété signifie en premier lieu que ce droit dure autant que l’objet
sur lequel il porte. Tant que cet objet ne disparait pas, le droit de propriété continue d’exister.
Il peut changer de titulaire mais il ne s’éteint pas par le décès du propriétaire par exemple.
Cela permet de distinguer le droit de propriété de l’usufruit qui est un droit viager c’est-à-dire
lié à la vie de son titulaire.

La perpétuité du droit de propriété désigne en second lieu que ce droit ne se s’éteint pas par le
non usage. Le droit de propriété est imprescriptible.

§II - Les limites du droit de propriété

Le droit de propriété est le droit le plus complet qu’une personne peut disposer sur un bien.
Conditions de la liberté individuelle, la loi lui apporte une bonne protection. Cependant, pour
diverses raisons, ce droit peut être limité.

Certaines limites tiennent aux textes (A) tandis que d’autres proviennent de la jurisprudence
(B).

A- Les restrictions textuelles au droit de propriété

Les restrictions textuelles au droit de propriété sont de plusieurs ordres.

Certaines de ces restrictions semblent se justifier par l’exigence de l’intérêt général. A ce titre
on peut souligner quelques limites issues des dispositions du Code civil. Ainsi, l’article 544

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du Code civil prévoit que le droit de propriété ne peut s’exercer contrairement aux prévisions
des lois ou des règlements. Aussi, suivant l’article 545 du Code civil, lorsque la nécessité
publique est justifiée, le propriétaire peut être privé de sa propriété. Toutefois, cette
expropriation doit donner lieu à l’indemnisation de la personne expropriée. En outre, pour des
raisons qui tiennent à l’urbanisme le droit de propriété peut subir des atteintes…

D’autres restrictions paraissent en revanche reposer sur la protection de certains intérêts.


Protection des personnes faibles souvent : par exemple, le nouveau propriétaire d’une maison
donnée en bail ne peut expulser le locataire sous prétexte qu’il est désormais le maitre du
local (le régime juridique du bail d’habitation protège ainsi le locataire en imposant au
nouveau acquéreur de la maison la continuité du contrat de bail) ; protection de l’économie
parfois : dans le but de promouvoir les affaires, l’acte uniforme sur le droit commercial
général consacre le droit au renouvellement du bail au profit de certains professionnels (ce qui
peut être contraignant pour le bailleur, propriétaire).

Ces quelques indications ne résument pas les restrictions textuelles au droit de propriété mais
constituent simplement une illustration.

Il convient d’examiner à présent les restrictions posées par la jurisprudence

B - Les restrictions jurisprudentielles

Le droit de propriété a connu principalement deux catégories de limites en jurisprudence. La


première limite tient à la théorie de l’abus de droit et la seconde à la théorie des troubles de
voisinage.

Selon la théorie de l’abus de droit, le titulaire d’un droit qui l’exerce de manière abusive
commet une faute.

Il existe deux critères qui permettent de détecter l’abus dans l’exercice d’un droit. Le premier
critère est subjectif et repose sur l’intention du titulaire du droit. Ainsi, commet un abus le
titulaire d’un droit qui le met en œuvre avec l’intention de nuire à autrui. Le second critère est
objectif et se base sur la finalité du droit exercé. Dans ce sens, est auteur d’un abus le titulaire
d’un droit qui l’exercice en le détournant de sa finalité et sans aucun intérêt pour lui.

Cela dit, le titulaire d’un droit de propriété peut l’exercer librement. Cependant, cette liberté
connait des limites dans l’abus de droit. Ainsi, la jurisprudence défend au propriétaire
d’exercer son droit de manière abusive.

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S’agissant de la théorie des troubles de voisinage, elle contribue à préciser les règles qui
gouvernent les relations entre les voisins (il peut s’agir des propriétaires voisins, des locataires
voisins ou d’un locataire et un propriétaire qui sont voisins).

Selon les termes de Gérard CORNU, la théorie des troubles de voisinage s’exprime comme
suit : « lorsque, dans l’exercice de ses activités licites et normales, une personne cause à un
voisin ou à son environnement un dommage qui excède la mesure des inconvénients normaux
de voisinage, elle engage sa responsabilité à l’égard des victimes du trouble ».

Pour que cette théorie joue, il faut la réunion des conditions suivantes : le trouble doit résulter
d’une activité non fautive du voisin (la jurisprudence exige que l’activité soit utile, licite, non
malicieuse et non malveillante) ; il faut en plus que le trouble présente un caractère anormal.

Une fois que ces conditions sont établies, les juges peuvent fixer les modalités de la réparation
et dans le cas où cela est possible ordonner la cessation des troubles.

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Chapitre II. Les modes d’acquisitions et les modalités du droit de
propriété

Les modes d’acquisition du droit de propriété (section I) seront étudiés avant de procéder à
l’examen des modalités du droit de propriété (section II)

Section I. Les modes d’acquisition du droit de propriété

Quelles sont les manières par lesquelles le droit de propriété d’un bien s’acquiert ?

Le Droit civil a prévu les modes par lesquels la propriété peut s’acquérir ou se transférer
d’une personne à une autre. Ce sont les articles 711 et 712 du Code civil qui les énumèrent.
Ainsi, selon le premier article, « la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession,
par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations » ; quant à la seconde
disposition, « la propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription ».
À ces listes des articles 711 et 712, il faut ajouter l’occupation.

Dans tous ces modes d’acquisition de la propriété, sauf l’acquisition par l’effet des obligations
(contrat)- où c’est la volonté des individus qui est à la base de l’acquisition de la propriété-,
c’est la loi qui prend en compte un fait pour attribuer la propriété à une personne donnée.
C’est pourquoi on abordera successivement l’acquisition de la propriété par le contrat (§I) et
l’acquisition de la propriété par l’effet de la loi (§II).

§I - L’acquisition de la propriété par le contrat

En faisant référence à l’acquisition de la propriété par l’effet des obligations, l’article 711
renvoie en réalité à l’acquisition de la propriété par le contrat. Le contrat, en effet, peut servir
de moyen pour transférer la propriété. Par exemple, un contrat de vente permet à l’acheteur
d’acquérir la propriété d’un bien ; un contrat de donation rend le donataire propriétaire de la
chose objet de donation ; une convention d’apport en société permet à ce dernier de devenir
propriétaire de la chose donnée en apport…

A quand passe la propriété de l’aliénateur à l’acquéreur en cas de conclusion d’un contrat ?


Par exemple en cas d’une vente à partir de quel moment le vendeur cesse d’être propriétaire et
l’acheteur devient propriétaire. L’on s’accorde à distinguer le moment du transfert de
propriété entre les parties (A) et à l’égard des tiers (B).

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A - Le moment du transfert de propriété entre les parties

Lorsqu’un contrat est conclu pour transférer la propriété d’un bien, l’aliénateur cesse d’être
propriétaire et l’acquéreur le devient dès le moment de la conclusion du contrat. C’est le
principe du transfert de propriété solo consensu posé par l’article 1138 du Code civil.

Ce principe à une portée générale. En ce sens, sauf exception, il s’applique à tous les contrats
qui visent à transférer la propriété d’un bien. C’est le cas en matière de vente (article 1583) et
de la donation (938) et bien d’autres contrats translatifs.

Ce principe connait toutefois des exceptions. Ces exceptions peuvent découler de la loi. Ainsi
en matière commerciale, le moment du transfert de propriété est celui où est effectuée la
livraison de la chose et non celui de l’échange des consentements ; en cas de cession des
actions des sociétés commerciales aussi, le transfert s’opère au moment de l’inscription en
compte…les exceptions peuvent aussi être conventionnelles. Il en est ainsi avec la clause de
réserve de propriété par laquelle les parties à une convention translative peuvent subordonner
le transfert à l’accomplissement d’un évènement postérieure à la formation du contrat.

B - Le moment du transfert de propriété à l’égard des tiers acquéreurs d’un bien déjà
aliéné

Si pour les parties le transfert se réalise à l’échange des consentements, il n’en est pas de
même pour certains tiers et plus précisément les tiers acquéreurs d’un bien déjà aliéné.
L’hypothèse est celle où un vendeur par exemple, vend successivement un même terrain à
deux acheteurs. Il en résulte en un conflit d’acquisition entre ces derniers.

La loi décide que le transfert de propriété ne sera valable à l’égard du second acquéreur que
dans la mesure où certaines formalités sont accomplies. Ces formalités varient suivant qu’il
s’agit d’un meuble ou d’un immeuble.

En matière immobilière le transfert de propriété n’est valable à l’égard du second acquéreur


que si le premier contrat a été inscrit au livre foncier. Au cas où le second acquéreur inscrit
son droit au livre foncier le premier, il sera préféré au premier acquéreur non diligent mais à
condition qu’il soit de bonne foi.

En matière mobilière, le premier transfert de propriété ne sera opposable au second acquéreur


que lorsque le bien a été remis au premier acquéreur. En cas de remise de la chose au second

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acquéreur celui-ci sera préféré au premier acquéreur à condition qu’il soit de bonne foi (article
1141 du Code civil)

§II - L’acquisition de la propriété par l’effet de la loi

La loi attribue l’effet acquisitif de la propriété d’un bien à un grand nombre de faits. Il en est
ainsi en matière de succession et de testament (l’étude de ces questions sera réservée pour le
droit des successions et des libéralités) ; c’est le cas aussi, de l’accession, de l’occupation et
de l’invention qui seront étudiées successivement.

A - L’occupation

L’occupation est un mode d’acquisition du droit de propriété par « appréhension effective


d’une chose n’appartenant à personne » (Vocabulaire juridique de l’association Henri
CAPITANT).

L’occupation est un mode d’acquisition de propriété particulier en ce qu’elle ne s’applique


pas à tous les biens : elle ne concerne que les biens sans maitre de nature mobilière. Parmi les
biens sans maitre on range les choses qui ont eu un maitre mais qui les abandonnées sans
esprit de retour et les choses qui n’ont jamais eu de maitre.

Même sans maitre un bien ne peut faire l’objet d’occupation que lorsqu’il est un meuble. En
effet, les biens immeubles qui n’ont pas de maitre appartiennent à l’Etat (article 713 du Code
civil). Peuvent faire l’objet de l’occupation les produits de la pêche, de la chasse et les choses
abandonnées par leur maitre sans esprit de retour.

B - L’invention

L’invention est un procédé d’acquisition du droit de propriété par la découverte d’un bien. Ce
mode d’acquisition s’applique aux trésors et aux épaves.

Le trésor est défini par l’article 716 alinéa 2 du Code civil. Selon cette disposition, « le trésor
est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est
découverte par le pur effet du hasard ». L’attribution de la propriété du trésor est régie par
l’alinéa 1 du même article qui dispose que « La propriété d'un trésor appartient à celui qui le
trouve dans son propre fonds: si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour
moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds ».

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L’épave est un meuble perdu ou égaré dont le propriétaire ne se présente pas. Dans cette
hypothèse, le propriétaire dispose le droit de revendiquer son bien. Cette revendication se fera
dans les conditions précisées à l’article 2279 du code civil.

C - L’accession

L’accession est un mode d’acquisition de la propriété par lequel une personne acquiert la
propriété de tout ce que produit son bien et de ce qui s’unit à ce dernier de manière accessoire
soir de façon naturelle soit de façon artificielle. Le principe du droit d’accession est posé par
l’article 546 du Code civil dispose que « la propriété d’une chose, soit mobilière, soit
immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur tout ce qui s’y unit accessoirement,
soit naturellement, soit artificiellement ».

Selon que l’accession se rapporte à un bien de nature mobilière ou immobilière, elle est
gouvernée par des règles différentes. L’accession mobilière est traitée par les articles 565 à
577 et l’accession immobilière par les articles 552 à 564.

Section II - Les modalités du droit de propriété

Les modalités de la propriété « sont des manières d’être qui affectent le droit de propriété et se
traduisent toujours, en définitive, par des restrictions des pouvoirs du propriétaire » (Kouliga
N., précis du Droit des biens, Ouagadougou, UFR/SJP). Ces manières d’être peuvent affecter
soit le nombre des sujets du droit de propriété : c’est le cas de la copropriété ; elles peuvent
également porter sur les prérogatives que ce droit confère : c’est l’hypothèse de la propriété
inaliénable, de la propriété conditionnelle…

Seront, l’une après l’autre, abordées la copropriété (§I) et la propriété inaliénable (§II).

§I - La copropriété

Comme tout droit portant sur une chose, le droit de propriété a une structure binaire : d’un
côté le sujet du droit et de l’autre côté l’objet du droit. Le sujet du droit de propriété peut être
au singulier : c’est le cas où une seule personne se trouve être propriétaire d’une chose.
Cependant, le sujet du droit de propriété peut être aussi au pluriel : c’est l’hypothèse où une
pluralité de personnes dispose d’un droit de propriété sur une même chose. La copropriété
correspond à cette dernière hypothèse. Ainsi, la copropriété peut être définie de manière
générale comme une modalité affectant le sujet du droit de propriété et se caractérisant par la
pluralité des propriétaires.

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Classiquement, on distingue trois formes de copropriété : l’indivision ordinaire, la copropriété
forcée et la copropriété des immeubles bâtis. L’étude de cette dernière forme de copropriété
sera réservée au Droit foncier, ce qui nous amène à examiner seulement l’indivision ordinaire
(A) et la copropriété forcée (B).

A - L’indivision ordinaire

L’indivision ordinaire est la situation où deux ou plusieurs personnes ont un droit de propriété
sur une chose dans son ensemble. On dit de ces personnes, appelées indivisaires, qu’elles ont
des droits concurrents sur le bien indivis. L’indivision ordinaire peut être illustrée par la
situation de plusieurs personnes ayant hérité des biens avant le partage : on dit que ces
héritiers sont en indivision ; celle-ci se intervient également lorsque deux ou plusieurs
personnes acquièrent un bien ou plusieurs en commun.

Comment le Droit positif régit cette situation qu’engendre l’indivision ?

S’agissant de sa durée d’abord, le Droit positif considère que l’indivision a, en principe, un


caractère temporaire. Gérard CORNU explique cette idée en ces termes : « La période
d’indivision était considérée comme une transition entre deux états de la propriété : avant elle,
la propriété du de cujus, ou la communauté conjugale, après, les propriétés privatives des
copartageants reposant respectivement sur la portion attribuée à chacun ».

C’est sur la considération de ce caractère temporaire que l’article 815 du Code civil pose la
règle générale selon laquelle : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le
partage peut toujours être provoqué nonobstant prohibitions et conventions contraires.
Cependant on peut convenir de suspendre le partage pendant un temps limité. Cette
convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans, mais elle peut être renouvelée ». il en
résulte que lorsque plusieurs personnes se trouvent dans l’indivision, chacune d’elles a droit
au partage ; le maintien de l’indivision ne peut être imposé à un indivisaire que s’il y a
consenti.

En ce qui concerne la situation des indivisaires pendant l’indivision ensuite, chaque


indivisaire dispose d’un droit sur sa part idéale c’est-à-dire celle que résulterait du futur
partage ; il bénéficie en plus, d’un droit indéterminé sur le bien considéré dans son ensemble
avant le partage.

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Sur sa part idéale, telle qu’entendue ci-dessus, l’indivisaire dispose d’un droit privatif. C’est
pourquoi il peut la céder. En cas de cession de sa part idéale, l’indivisaire perd sa qualité et
cède sa place dans l’indivision au cessionnaire.

S’agissant du droit indéterminé qu’il dispose sur le bien indivis, l’indivisaire tire de ce dernier
la possibilité d’user et de jouir du bien dans l’indivision mais seulement dans la mesure
compatible avec les droits des autres indivisaires.

Enfin, les indivisaires ont la possibilité d’organiser l’indivision au moyen d’une convention.
Cependant, le Droit positif ne règlemente pas cette convention à l’opposé du Droit français.

B - La copropriété forcée

La copropriété forcée porte forcement sur un bien immeuble. Par exemple, sont en copropriété
un puits, un cours d’eau et une allée accessoires à deux maisons voisines ; constitue aussi un
cas de copropriété forcée les parties communes dans les immeubles en copropriété ; c’est le
cas également du mur mitoyen qui sépare deux maisons voisines.

La durée de la copropriété forcée est illimitée : on dit qu’elle est perpétuelle ; aussi, le droit au
partage n’est pas admis dans cette forme de copropriété.

§II - La propriété inaliénable

La propriété est dite inaliénable lorsque son titulaire ne peut la disposer. C’est donc un droit
de propriété privé de l’abusus, ne contenant plus que l’usus et le fructus.

La propriété inaliénable est une situation exceptionnelle en Droit civil en ce qu’elle déroge au
principe de la libre circulation ou de disposition que pose l’article 537 du Code civil selon
lequel « les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent, sous les
modifications établies par les lois ».

En Droit civil, elle trouve sa source essentiellement dans les actes privés, c’est-à-dire ceux
dérivant de la volonté des individus. En raison de son caractère exceptionnel, la clause
d’inaliénabilité est soumise à des conditions strictes (A). après l’examen de celles-ci seront
précisés les effets de la clause d’inaliénabilité (B).

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A- Les conditions de validité de la clause d’inaliénabilité de la propriété

C’est à l’occasion d’une affaire qu’elle avait tranchée en 1881 que la Cour de cassation
française a précisé les conditions de validité de la clause d’inaliénabilité. En l’espèce, un père
de famille avait inséré dans une donation effectuée au profit de ses enfant deux clauses : l’une
par laquelle il s’était réservé l’usufruit des biens donnés jusqu’à sa mort ; l’autre par laquelle
il interdit à ces enfants de vendre la nue-propriété des biens donnés avant sa mort. C’est la
validité de cette dernière clause qui fut l’objet du litige. En effet, il été demandé à la Cour
d’annuler ladite clause car contrevenant au principe d’ordre public de la constitution du droit
de propriété qui est d’ordre public. En effet, la structure du droit de propriété, composé de
l’usus, du fructus et de l’abus, ne doit pas être altérée.

Cependant, la Cour régulatrice avait répondu négativement en estimant qu’aucune règle de


droit n’empêche au père donateur de défendre à ses enfants donataires d’aliéner les biens
donnés de son vivant ; que cette interdiction motivée par l’intérêt du père, n’est ni définitive,
ni absolue : elle est temporaire car limitée à la durée de vie du donataire.

Ainsi, sur la base de l’article 900 du Code civil selon lequel ; « dans tout acte de disposition
entre vifs ou testamentaire, les conditions et charges illicites, impossibles ou immorales sont
nulles, mais n’entraînent la nullité de l’acte que si elles en ont été la cause déterminante », la
Cour de cassation avait dégagé les deux critères que doit observer une clause d’inaliénabilité
pour ne pas être sanctionnée. Ces deux critères sont l’existence d’un intérêt légitime et sérieux
la justifiant et sa durée nécessairement temporaire.

B - Les effets de la clause d’inaliénabilité

Lorsque la clause est valable, le bien est frappé d’inaliénabilité. Il ne peut pas non plus être
hypothéqué car celle-ci est considérée aussi comme un acte de disposition. Il faut préciser les
conditions d’opposabilité de la clause aux tiers ainsi que la sanction de son non-respect.

L’opposabilité de la clause d’inaliénabilité varie selon la nature du bien frappé


d’inaliénabilité. Si la clause porte sur un immeuble, elle doit être publiée au registre foncier
pour être opposable aux tiers. En effet, la clause d’inaliénabilité immobilière vise à modifier
le droit de propriété sur un immeuble et doit à ce titre, pour opposabilité, donner lieu à
publication foncière. Lorsque, en revanche, elle porte sur un meuble, la clause ne sera
opposable qu’aux tiers processeurs (acquéreurs) de bonne foi ; elle ne pourra pas être opposée
aux tiers de bonne foi conformément à l’article 2279 du Code civil.

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En cas du non-respect de la clause d’inaliénabilité, l’opposabilité de celle-ci pourra-t-elle
fonder l’annulation de l’acte posé en sa violation. Pendant longtemps la jurisprudence
n’admettait pas la nullité du contrat conclu avec le tiers ; elle se contentait d’allouer à l’auteur
de la clause une indemnité et, en plus, la résolution de la donation pour le non-respect de la
condition d’inaliénabilité. Mais plus tard, les juges ont admis l’annulation de l’acte conclu
avec le tiers en violation de la clause.

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Partie II - La possession

La possession occupe une place importante en Droit des biens en ce qu’elle emporte de
nombreuses conséquences dans ce domaine. Avant d’examiner les différents effets juridiques
de la possession (chapitre IV), il sera d’abord procéder d’abord à l’étude des points suivants :
la notion de la possession (chapitre I), les éléments constitutifs de la possession (chapitre II) et
les qualités de la possession utile (chapitre III).

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Chapitre I – La notion de possession

Selon l’article 2228, « La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un
droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou
qui l'exerce en notre nom ».

Afin de mieux cerner la notion de possession, il convient de la distinguer du droit de propriété


(section I) et de la détention précaire (section II).

Section I – Distinction entre la possession et le droit de propriété

La possession et le droit de propriété sont deux notions distinctes. Cette distinction tient au
fait que la propriété est un rapport de droit qui existe entre une personne et une chose tandis
que la possession constitue un rapport de fait entre ces dernières.

Il est vrai qu’en pratique, il existe une fréquente coïncidence entre le droit de propriété et la
possession : le plus souvent les propriétaires sont des possesseurs et vice versa.

Mais il est possible de rencontrer des cas d’existence de la possession à l’état pur, c’est
détachée du droit de propriété : situation du voleur détenant le bien ; situation d’un simple
acquéreur à non domino (c’est-à-dire, celui qui acquiert une chose appartenant à autrui) entré
en possession…

Section II - Distinction entre la possession et la détention

En général, les notions de possession et de détention se confondent dans le langage courant.


Cependant, en Droit ces termes ont chacun un sens précis et désignent des réalités différentes.
Pour le comprendre, il faut examiner leur nature (§I) et leurs effets (§II).

§I - Différence de nature entre la possession et la détention

Le possesseur et le détenteur exercent tous une certaine emprise matérielle sur la chose. De
l’extérieure, il n’est pas facile de distinguer la maitrise d’un possesseur et celle d’un
détenteur. Comment distinguer le voleur et l’emprunteur qui détiennent tous la chose d’autrui
entre leurs mains ?

En réalité, c’est l’existence du titre qui constitue le point de démarcation entre la situation
d’un possesseur et celle d’un détenteur. Le détenteur, en effet, possède un titre juridique qui
légitime sa situation. Le titre peut provenir d’un contrat. Ainsi, l’emprunteur, le locataire, le

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dépositaire, l’usufruitier sont des détenteurs dont le titre est le contrat qui sert de base à leur
situation. Le titre peut également découler de la loi, comme c’est le cas de l’usufruit des père
et mère sur les biens de leurs enfants. En revanche, et à la différence du détenteur, le
possesseur ne peut justifier d’un titre juridique qui fonde sa situation.

L’existence du titre dans la détention légitime juridiquement la situation du détenteur et


constitue un aveu du droit de la propriété d’autrui sur la chose. Cela démontre que le détenteur
n’est pas propriétaire de la chose sur laquelle il exerce son emprise. L’absence du titre en
matière de possession fait que celle-ci est considérée comme une situation irrégulière ou
anormale au regard du Droit : la possession reste un rapport de fait.

§II - Différences d’effets entre la possession et la détention

Il existe une différence importante entre les effets de la possession et ceux de la détention. La
possession entraine des effets en matière de preuve d’abord. Le possesseur est présumé
propriétaire. Ce qui n’est pas le cas du détenteur car, le titre de ce dernier prouve qu’il n’est
pas propriétaire de la chose. Ensuite, la possession permet, sous certaines conditions,
d’acquérir la propriété de la chose par la prescription. Ce second effet de la possession est
aussi absent dans la détention. Enfin, la possession confère à son titulaire le droit d’exercer
une action possessoire en cas de troubles de jouissance dont il est victime y compris contre le
véritable propriétaire. Cette possibilité n’est pas donnée au détenteur qui ne peut mettre en
œuvre cette action contre celui de qui il détient son droit. Le détenteur n’a qu’une possibilité
en cas de troubles de la part de son auteur d’agir en responsabilité sur la base du contrat.

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Chapitre II - Les éléments constitutifs de la possession

Les éléments constitutifs de la possession sont au nombre de deux : l’élément matériel


(section I) et l’élément psychologique (section II).

Section I - Le corpus : l’élément matériel

Le corpus ou l’élément matériel de la possession est un ensemble d’actes matériels accomplis


sur la chose qui s’apparentent à ceux qui résulteraient de l’exercice des attributs du droit de
propriété. Ces actes peuvent être de diverses natures. L’article 2228 distingue la possessio rei
de la possessio juris.

- Les actes de détention (possessio rei) : ce sont les actes par lesquels on tient une chose en
vertu d’un pouvoir physique : cultiver un champ ; occuper ou aménager une maison…
- Les actes de jouissance (possessio juris) : ce sont des actes d’exploitation, d’utilisation
économique : perception des loyers, bénéfice des dividendes…

Section II - L’animus domini : L’élément psychologique

L’animus ou l’élément psychologique correspond à la volonté de se comporter comme le


propriétaire. Le possesseur qui a l’état d’esprit du propriétaire : n’avoir de compte à rendre à
personne en utilisant le bien ; n’avoir pas à restituer cette chose. Cet état d’esprit existe par
exemple chez le voleur.

Mais il est différent de la bonne ou mauvaise foi : on peut se comporter comme le véritable
propriétaire alors qu’on est de mauvaise foi (voleur) ou de bonne foi (lorsqu’on croit être
propriétaire en vertu d’un contrat alors que ce dernier est nul). Mais, la bonne foi n’est pas
dénuée de tout rôle matière de la possession (v° infra).

NB : La réunion de l’élément matériel et de l’élément psychologique est nécessaire pour que


la possession soit constituée. On devient possesseur en appréhendant matériellement la chose
avec l’intention de se comporter sur elle en propriétaire. Mais pour pouvoir produire certains
effets juridiques, la possession constituée doit répondre à une certaines qualités.

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Chapitre III - Les qualités de la possession constituée

L’examen des qualités de la possession constituée consistera à opposer d’abord la possession


utile à la possession vicieuses (section I) et ensuite la possession de bonne foi à celle de
mauvaise foi (section II).

Section I – La possession utile et la possession vicieuse

Une possession est utile lorsqu’elle est apte à fonder une prescription acquisitive : pour cela
l’article 2229 pose quatre conditions : la possession doit être paisible, publique, continue et
non équivoque.

La possession est paisible lorsque le possesseur n’est pas entré ou ne se maintient pas dans la
possession par la violence physique ou morale (force matérielle ou physique). Toutefois, le
vice de violence, s’il cesse, le possesseur pourra acquéreur (grâce à l’inaction du propriétaire).
Le vice de la violence ne peut aussi être invoqué que par la victime.

La possession publique s’oppose à la possession clandestine. Une possession est clandestine


lorsque le corpus est dissimulé aux personnes qui ont intérêt à éviter la prescription, lorsqu’il
y a dissimulation des actes de la possession : le possesseur exerce sa possession en cachette ;
il ne sort que dans la nuit avec la voiture ; il ne rentre qu’en cachette dans la maison…

La possession continue est celle qui se caractérise par l’accomplissement régulier des faits de
possession sur la chose conformément à sa destination, celle qui n’est pas discontinue. La
jachère, peut-elle faire obstacle à la possession utile ? Une réponse négative s’impose car la
jachère fait partie des actes normaux d’exploitation d’un fonds.

La Possession non équivoque est celle qui ne fait l’objet d’aucun doute.

Section II – La possession de bonne foi et la possession de mauvaise foi

La bonne foi c’est la croyance d’être propriétaire car on ignore le vice du titre qui fonde cette
propriété. Elle implique la réunion de trois exigences : l’existence d’un titre translatif (un
testament ; une vente) ; l’existence d’un vice affectant le titre en question (vice de nullité par
exemple) et l’ignorance du vice par le possesseur.

Sur le plan de la preuve, la bonne foi se présume. Il appartient donc à la personne qui prétend
combattre la bonne foi du possesseur d’apporter la preuve de l’absence de ces éléments.

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Le défaut de la réunion de ces éléments implique la mauvaise foi du possesseur.

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Chapitre IV- Les effets de la possession

Les effets de la possession varient suivant qu’elle est seulement utile (section II) ou utile et de
bonne foi (section III). Cependant, indépendamment de ces qualités, elle produit un effet tant
qu’elle est valablement constituée (section I).

Section I - Effet de toute possession

Toute possession, c’est-à-dire qu’elle soit utile ou vicieuse, de bonne foi ou de mauvaise foi,
tant qu’elle est constituée produit un effet en matière de preuve. Cet effet se traduit par la
règle selon laquelle, le possesseur est présumé propriétaire.

Section II - Effet de la possession utile

Une possession constituée, lorsqu’elle est utile, produit un effet acquisitif de la propriété de la
chose au profit du possesseur : c’est l’usucapion. Cette prescription acquisitive joue lorsque la
possession utile dure trente ans : c’est la prescription trentenaire qui peut jouer
indépendamment de la bonne ou la mauvaise foi du possesseur.

A ce premier effet, s’ajoute, en matière immobilière, la protection possessoire. En effet, la


possession utile portant sur un immeuble fait l’objet d’une protection juridique contre les
troubles de jouissance.

Section II - La possession utile et de bonne foi

Lorsqu’en plus d’être constituée et utile, la possession est de bonne foi, elle produit un effet
particulier. Elle abrège en effet le délai de la prescription. En matière immobilière, au lieu de
trente ans, elle ramène ce délai à 20 ans ; en matière mobilière l’acquisition devient
instantanée.

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