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COURS DE DROIT DES

BIENS
LICENCE 2

ANNEE ACADEMIQUE 2022-2023

Dispensé par :
Dr MAYOUGOUNG BUGUE Arlette
Ph. D en Droit Privé
Chargée de cours à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
de l’Université de Ngaoundéré – Cameroun

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CHAPITRE INTRODUCTIF

Le Droit des biens est une branche importante du Droit civil. Il concerne la moitié des
livres contenus dans le Code civil. En effet, le Droit des biens possède des liens étroits avec le
Droit patrimonial de la famille qui intéresse les successions et les régimes matrimoniaux. Le
Droit des biens a également des relations étroites avec le Droit commercial et le Droit des
affaires. L’expression Droit des biens ne révèle pas facilement son contenu et c’est la raison
pour laquelle d’aucuns parlent plus souvent de Droits réels principaux. Le Droit des biens a
pour objet l’étude des différents rapports que les personnes (physique ou morale) entretiennent
avec l’avoir en général en ce sens qu’il peut se décliner en choses, droits (patrimoniaux ou
extrapatrimoniaux) et plus singulièrement, en biens.
En effet, la notion de bien est devenue aujourd’hui relativement difficile à cerner à cause
de la versatilité de plus en plus remarquable des éléments du patrimoine. Le mot bien désigne
d’abord les choses qui servent à l’usage de l’être humain et qui lui permettent de satisfaire ses
besoins. Mais, le mot bien vise aussi les droits qui portent sur les choses. Cependant, tous les
biens ne sont pas des choses : alors qu’un bien peut être matériel ou immatériel, la chose
suppose toujours la matérialité, c’est un objet matériel. De même, toutes les choses ne sont pas
des biens : pour qu’une chose soit un bien, il faut une possibilité d’appropriation c’est-à-dire
qu’il faut que la chose ait une valeur économique.
Pendant longtemps, les auteurs ont cherché à trouver un critère unique de détermination
du bien. Certains ont commencé par l’identifier à la chose, par opposition aux personnes. En
se basant sur la grande summa divisio juridique entre les personnes et les biens, ils ont estimé
que tout ce qui n’est pas une personne est forcément un bien. Cette approche a très vite montré
ses limites. En effet, puisque les animaux sont des biens (art. 528 Code civil), comment
expliquer le fait que le Droit pénal réprime les mauvais traitements à leur égard ? Pour cette
raison et bien d’autres, l’approche négative de la notion de biens, qui consiste à l’appréhender
par opposition à celle de personne, ne peut être retenue.
D’autres auteurs ont adopté une approche positive en abordant la notion de bien en
référence à celle de chose. Contrairement à la chose qui a toujours une signification physique
la notion de bien a un contenu juridique. Pour DEMOLOMBE et TERRE, la notion de bien
peut se définir par rapport à l’utilité pour l’homme. En ce sens, les biens sont les choses qui
servent à l’usage de l’homme et permettent à celui-ci de satisfaire à ses besoins, soit directement
en se servant d’elles, en recueillant les fruits voire en les détruisant, soit indirectement en les
échangeant contre d’autres choses plus propres à satisfaire à ses besoins. Mais, si on définit le
bien par sa seule utilité pour l’homme, on va considérer le sang et les organes qui vont parfois
d’un individu à l’autre comme des biens. Or, ce sont des choses hors commerce.
Pour cette raison, PLANIOL et RIPERT ont proposé le critère de la possibilité
d’appropriation. Ils écrivent que « les choses deviennent des biens au sens juridique du mot,
non pas lorsqu’elles sont utiles à l’homme mais, lorsqu’elles sont appropriées ». La
combinaison du critère de l’utilité et de celui de l’appropriation donne une certaine satisfaction
pour l’esprit. Toutefois, la définition à laquelle ils conduisent n’est pas exempte de reproches.
En effet, l’eau, l’air, les ondes, etc. sont utiles à l’homme et ils sont susceptibles d’appropriation
collective. Pourtant, le Droit a toujours refusé de les intégrer dans la catégorie des biens.
C’est pourquoi d’autres auteurs ont proposé le critère de la valeur. Pour SAVATIER
par exemple, les biens seraient les choses qui ont une certaine valeur. Cette approche ne peut
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être retenue. Le sang humain a une valeur en ce sens qu’il est utilisé comme matière première
pour plusieurs produits pharmaceutiques. Il n’est pas pour autant un bien.
Il en résulte qu’il est impossible au plan théorique d’avoir un critère unique qui
permettrait de définir la notion de bien. Par conséquent, il est préférable de procéder de manière
inductive en partant de la réalité. Celle-ci conduit à une double observation. D’une part, quelle
que soit l’approche, l’existence du bien ne se conçoit pas sans référence à l’homme. Dans cette
logique, le bien serait une chose qui a été soustraite du champ de la collectivité pour être
attribuée à une personne. Mais, il peut ensuite lui être retiré, sur l’initiative de ses créanciers,
lorsqu’elle n’exécute pas ses obligations à leur égard. Ainsi, l’homme exerce sur le bien un
droit de nature particulière appelé droit réel (Section I). Puisqu’il existe une variété des sous-
catégories identifiables, une classification des biens devient nécessaire afin de déterminer le
régime applicable à chaque catégorie (Section II).

SECTION I : LA DISTINCTION ENTRE LE DROIT REEL ET LE DROIT


PERSONNEL

Droit qui porte directement sur une chose, le droit réel ou jus in re confère à son titulaire
un pouvoir qu’il exerce de façon directe, sans intermédiaire sur la chose. L'exemple le plus
caractéristique est le droit de propriété qui est un droit réel principal (tout comme l’usufruit, la
nue-propriété et les servitudes) par opposition aux droits réels accessoires. Le titulaire de droit
réel bénéficie de deux prérogatives essentielles :
- Le droit de suite qui est le pouvoir de revendiquer le bien sur lequel porte le droit
quelles que soient les mains entre lesquelles il se trouve.
- Le droit de préférence qui est le droit de se faire payer par priorité sur le prix de la
chose objet du droit, au cas où celle-ci serait vendue.
A cause de ces deux prérogatives, on dit que le droit réel ne s’exerce pas contre telle
personne déterminée, mais envers et contre tous. C’est un droit absolu contrairement au droit
personnel.
En effet, le droit personnel ou droit de créance est le lien de droit existant entre deux
personnes, en vertu duquel l'une (créancier) peut obliger l’autre (débiteur) à donner, à faire ou
à ne pas faire quelque chose. Il n'a ni droit de préférence ni droit de suite. Il ne peut être invoqué
que contre une ou plusieurs personnes précises. On dit que c'est un droit relatif.

SECTION II : LA CLASSIFICATION DES CHOSES

En réalité, dès le moment où un droit subjectif porte sur une chose, celle-ci devient un
bien dans la mesure où elle rentre dans le patrimoine du titulaire du droit et dans l’ordre
économique. Deux critères servent à classer les choses, leur appropriation ou non (Paragraphe 1)
leur aspect physique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La distinction entre les choses appropriées et les choses non


appropriées

En principe, toute chose est susceptible de faire l'objet d'un droit de propriété et par
conséquent, de devenir un bien.
Exceptionnellement, deux catégories de choses échappent à cette règle. Ce sont :

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- Les choses communes (res communes) qui sont des choses qui appartiennent à la fois à
tout le monde. Exemple : L'air que nous respirons, la pluie qui tombe du ciel, etc.
- Les choses vacantes et sans maitres (res nullius), qui n'appartiennent à personne.
Exemple : les animaux sauvages.
Cependant, si une personne physique ou morale capte l'air et le conditionne par exemple
en séparant les composants, elle en devient propriétaire. De même, celui qui capture un animal
sauvage et l'apprivoise en devient propriétaire.

Paragraphe 2 : La classification des choses selon leur aspect

Selon leur présentation physique, on peut envisager d'une part, la classification


fondamentale meubles - immeubles (A) et des classifications secondaires (B).

A- La classification fondamentale des choses mobilières et des choses


immobilières

Aux termes de l’article 516 du Code civil, « Tous les biens sont meubles ou immeubles ».
Mais, on doit tout de même relever qu’autrefois, les immeubles (1) avaient plus de valeur que
les meubles (2).

1- Les immeubles

Un immeuble est une chose non susceptible d'être déplacée. On en distingue trois types
: les immeubles par nature (a), les immeubles par destination (b) et les immeubles par
détermination de la loi (c).

a- Les immeubles par nature

II existe deux catégories d'immeubles par nature :


- Le sol : c’est le fonds de terre destiné à recevoir des plantations ou des constructions.
C'est l'immeuble par excellence. Lorsqu'on parle du sol, on fait allusion aussi bien à
la surface terrestre qu'au sous-sol.
- Ce qui est fixé au sol : deux types de choses peuvent être fixés au sol :
Les bâtiments : ce sont les constructions édifiées sur le sol. Elles constituent des
immeubles par nature, qu'elles soient bâties en matériaux provisoires ou en matériaux définitifs,
qu’elles soient bâties dans un but ponctuel ou non, qu’elles soient effectuées par le propriétaire
du sol ou non. Ainsi, la construction en planches est un immeuble au même titre que la
construction en briques. Les bâtiments d'une foire sont autant des immeubles par nature que les
maisons d’habitation.
Les végétaux : Ils sont des immeubles tant qu'ils adhérent au sol. Selon les articles 520 et
521 du code civil, il s'agit de tout ce qui est planté dans la terre y compris les tubercules non
encore récoltées et les fruits des arbres non encore cueillis. Mais, dès lors que les grains sont
coupés et les fruits détachés, ils deviennent des meubles. Il importe peu que ces plantations
aient été réalisées pour être ultérieurement enlevées. Les plantes d’une pépinière sont des
immeubles par nature, tout comme les arbres définitivement plantés pour un verger ou pour
toute autre finalité.

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b- Les immeubles par destination

Ce sont des choses mobilières que la loi considère fictivement comme des immeubles
en raison du lien qui les unit à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire. Ils sont
décrits aux articles 522 à 525 du Code civil. La théorie de l’immobilisation par destination a
été imaginée pour empêcher qu’en cas de vente, de partage, de saisie ou toute autre opération
sur l’immeuble par nature, le bénéficiaire de ladite opération ne soit privé des accessoires sans
lesquels cet immeuble ne serait pas complet. Cette théorie se justifie par la règle selon laquelle
l’accessoire suit le principal.

- Les conditions de l’immobilisation par destination

Pour qu’in meuble soit considéré comme étant un immeuble par destination, deux
conditions doivent être réunies :
- Il faut que l’immeuble et le meuble qui lui est affecté ou attaché appartiennent à la même
personne ;
- Il faut qu’il existe entre les deux biens, un lien objectif de destination. Ce lien peut être
matériel ou intellectuel.
Il est matériel lorsque le meuble attaché à perpétuelle demeure sur l’immeuble, de sorte
qu’il devient impossible d’enlever le meuble sans le détériorer ou sans endommager la partie
de l’immeuble sur laquelle il adhérait.
Il est intellectuel lorsque le meuble est affecté au service et à l’exploitation de
l’immeuble. En tout état de cause, la jurisprudence exige que le meuble, objet de l’affectation
soit nécessaire et même indispensable au service et à l’exploitation du fonds.

- Les types d’immeubles par destination

Il existe quatre types d’immeuble par destination :


L’immeuble par destination industrielle : il s’agit des machines fixées au sol dans une usine
et de tout autre matériel utilisé pour l’exploitation de cette usine. Exemple : le matériel roulant
tels les véhicules utilitaires.
L’immeuble par destination agricole : ce sont les tracteurs, charrettes ou véhicules
spécialement affectés à une exploitation agricole. Il s’agit également des semences, des engrais,
des animaux de culture etc…
L’immeuble par destination commerciale : on vise ici tout objet servant à l’exploitation d’un
fonds de commerce c'est-à-dire par exemple : les meubles garnissant un hôtel, les chaises et les
tables d’un restaurant, etc…
L’immeuble par destination civile : cette catégorie concerne les meubles indispensables au
service d’une maison même d’habitation. Exemple : appareils de douche, tapis des escaliers…

- Le régime des immeubles par destination

L’immeuble par destination suit le sort de l’immeuble par nature auquel il est affecté ou
attaché. En cas de vente ou de saisie de l’immeuble par nature, le meuble devenu immeuble par
destination sera également vendu ou saisi. Néanmoins, l’immeuble par destination reprend sa
nature mobilière dès qu’il est détaché de l’immeuble. Par exemple, en cas de vol, le voleur sera

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poursuivi non pas pour avoir soustrait l’immeuble par destination mais plutôt pour avoir volé
un meuble.

c- Les immeubles par détermination de la loi

Encore appelés immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent, cette catégorie
d’immeubles résultant de l’article 526 du Code civil englobe : les droits réels immobiliers
(l’usufruit des choses immobilières, les servitudes), les créances et les actions immobilières.

2- Les meubles

Au contraire des immeubles, les meubles sont les différentes choses susceptibles d'être
déplacées. Il existe trois catégories de meubles : les meubles par nature (a), les meubles par
anticipation (b), les meubles par l’objet auquel ils s’appliquent (c).

a- Les meubles par nature

II s'agit de toute chose susceptible de déplacement, que ce déplacement puisse être


spontané comme un animal, ou qu'il se fasse sous l'impulsion de l’homme ou d'une force
étrangère, comme les choses inanimées. (Exemple : Les meubles meublants tels que les chaises
et les tables, les véhicules, etc.).

b- Les meubles par anticipation

Ce sont des immeubles par nature destinés à être détachés du sol et à devenir des
meubles par nature, à l’égard desquels le propriétaire et son cocontractant se comportent comme
si le détachement s'était déjà produit. Autrement dit, le bien est actuellement immeuble, mais,
le propriétaire et le cocontractant l'envisagent dans sa nature future. Exemples : fruits vendus
sur pieds, matériaux devant provenir de la destruction d’une maison, pierres devant provenir
d’une carrière.

c- Les meubles par détermination de la loi

On les appelle également les meubles incorporels parce que ce sont des droits
incorporels portant sur des meubles. Il s’agit notamment : des droits réels portant sur des
meubles, à l'exception du droit de propriété qui se confond avec son objet ; des créances
mobilières ; des parts d’associés ; des droits intellectuels (droit d'auteur, brevet d'invention),
etc.

B- Les classifications secondaires

Elles sont de moindre importance par rapport la summa divisio entre biens mobiliers et
biens immobiliers. On en dénombre plusieurs : la distinction entre les choses consomptibles et
les choses non consomptibles (1), la distinction entre choses fongibles et choses non fongibles
(2), la distinction entre les biens corporels et les biens incorporels (3).

1- La distinction entre les choses consomptibles et les choses non consomptibles

Les premières sont celles qui se détruisent du seul fait que l’on s’en sert selon leur
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destination. Exemple : les aliments que l’on consomme, la monnaie que l’on utilise en
dépensant, charbon,
Quant aux secondes, elles sont susceptibles d'un usage prolongé. Exemple : une maison.

2- La distinction entre les choses fongibles et les choses non fongibles

Les choses fongibles ou choses de genre sont celles qui s’envisagent dans leur genre ou
espèce et non dans leur identité et qui peuvent donc être remplacées indifféremment par d'autres
choses semblables ressortissant au même genre. Exemple : tel montant d'argent, telle bière ...
Les choses non fongibles ou corps certains sont au contraire les choses qui, dans un
rapport juridique, sont envisagées dans leur individualité. Exemple : telle maison particulière,
tel tableau d’un grand artiste, tel bijou d’une célébrité.

3- La distinction entre les biens corporels et les biens incorporels

Les biens corporels sont ceux qui peuvent être touchés par les sens, notamment par la
main. Ils ont un corps susceptible d’appréhension. Par contre les biens incorporels ne
comportent aucune matière. Le droit reconnait l’existence de ces derniers par une opération
intellectuelle.
Ces différentes classifications ne doivent pas être cloisonnées. En effet, la propriété
d'une bouteille de bière Regab est un droit réel portant sur un meuble corporel par nature. Cette
bière est une chose consomptible et fongible. A l'inverse, la propriété d'un terrain est un droit
réel portant sur un immeuble par nature, ce terrain étant une chose corporelle, non consomptible
et non fongible.
Comme on peut le remarquer, le rapport entre l’homme et la chose est prédominant dans
l’ensemble de ces classifications. Ce rapport se cristallise dans le droit de propriété qui est un
droit exercé immédiatement sur la chose par l’homme. Il convient de noter que le régime de la
propriété n’a pas été précisé dans les deux parties du Code civil adoptées après les
indépendances. Ainsi, puisque le législateur gabonais n’a pas expressément prononcé
l’abrogation ou l’abandon de l’ancien code, c’est lui qui continue à régir les matières sur
lesquelles il n’a pas été spécifiquement légiféré en Droit gabonais. C’est donc le Code civil
hérité de la période coloniale qui trouvera principalement son application ici. De même,
certains textes spéciaux, surtout en matière immobilière seront également convoqués tels que
l’ordonnance n°5/2012 du 13 février 2012 fixant le régime de la propriété foncière.
En tout état de cause, nous aborderons la propriété dans sa double dimension : d’une
part, la propriété exclusive (1ère PARTIE) et d’autre part la propriété concurrente (2ème
PARTIE)

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PREMIERE PARTIE : LA PROPRIETE EXCLUSIVE

La propriété exclusive est celle qui est totalement exercée par une personne sur un bien.
Selon l'article 544 du Code civil, le droit de propriété suggère un bon nombre de prérogatives
qui sont cependant limitées. Ainsi, il nous appartient de revenir sur le contenu de la notion de
propriété (Chapitre 1) et sur l'acquisition et la perte de ce droit (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA NOTION DE PROPRIETE

Aux termes de l'artic1e 544 du Code Civil, « La propriété est le droit de jouir et de
disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage
prohibé par la loi ou par les règlements ». Cette définition laisse apparaitre l'étendue et l'objet
du droit de propriété (Section 1) ainsi que de ses caractères (Section 2). Mais, au-delà de cet
aspect individuel, le droit de propriété conserve un aspect social qui explique les restrictions
aux caractères du droit de propriété.

SECTION 1 : LES ATTRIBUTS ET L'ASSIETTE DU DROIT DE


PROPRIETE

Le droit de propriété confère un certain nombre d’attributs (Paragraphe 1) qui portent


sur une assiette bien définie (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les attributs du droit de propriété.

Encore appelés prérogatives du propriétaire, les attributs du droit de propriété sont au


nombre de trois : l’usus (A), le fructus (B) et l’abusus (C).

A- L’usus

Encore appelé le droit d'user de la chose, c'est le pouvoir de se servir personnellement de


sa chose, de l’utiliser ou de ne pas le faire. Exemple : habiter sa maison, porter son vêtement,
garder son bien dans un tiroir, etc.

B- Le fructus

C'est le droit aux fruits que génère la chose. Le propriétaire a également le droit de ne
pas en jouir en laissant les biens inexploités. La notion de fruit au sens juridique est plus étendue
qu'au sens vulgaire. En effet, le fruit en droit c'est ce que génère périodiquement la chose et
sans altération de sa substance. Il existe trois types de fruits :
Les fruits naturels que produit naturellement la chose, sans le travail de l'homme.
Exemple : les fruits des arbres non cultivés.
Les fruits industriels qui supposent l'intervention de l’homme. Exemple : le lait
de vache.
Les fruits civils qui sont les revenus en argent obtenu en contrepartie de la cession à
autrui, de l'usage de la chose. Exemple : loyers d'un immeuble donné à bail.
La notion de fruits s’oppose à celle de produits. Ceux -ci sont des éléments issus de la
chose mais qui n'ayant pas la périodicité des fruits, en altèrent la substance. Exemple : les

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pierres issues d’une carrière.
La distinction fruit-produit n'a pas d'intérêt lorsque la jouissance du bien est l'œuvre du
propriétaire lui-même car celui-ci a droit à tout ce qui vient de la chose. Par contre, elle est
importante si cette jouissance est accordée à un tiers. Exemple : un usufruitier.

C- L’abusus

C’est le droit de disposer de la chose c’est-à-dire le droit de la transformer, la détruire


ou l’abandonner. Exemple : donner, vendre un bien.

Paragraphe 2 : L’assiette du droit de propriété

Le droit de propriété porte par principe sur la chose et ses accessoires. Cette règle permet
de déterminer la dimension matérielle(A) et temporelle du droit de propriété (B).

A- La dimension matérielle du droit de propriété

En matière mobilière, la détermination des dimensions matérielles de l'objet ne pose


généralement pas de problème.
En matière immobilière, l'article 552 du Code civil pose comme principe que la propriété
du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. C’est la règle « supercies solos credit » (le
sol l’emporte sur ce qui est en sa surface).
Dire que l'on est propriétaire du dessus signifie que le propriétaire peut faire sur le sol,
toute plantation ou construction qu'il juge nécessaire, sous réserve des servitudes bénéficiant
au voisin ou à la collectivité. De même, le propriétaire du sol est présumé propriétaire de toutes
les constructions et plantations, même si elles sont faites par les tiers et il a le droit de
contraindre le voisin à couper les arbres débordant au-dessus de son sol ou de s'opposer à
l'établissement d'un câble passant au-dessus de son fonds.
Quant à la propriété du dessous ou du tréfonds elle est forcément plus limitée que celle
du dessus, compte tenu du fait qu'il est quasiment impossible pour un propriétaire de creuser
jusqu'à une certaine profondeur. Cependant, ce droit signifie pour le propriétaire du sol la
possibilité de faire toute construction souterraine ou fouille de sa convenance, de s'accaparer
toute grotte, objet ou eau souterraine qui s'y trouvent, de couper lui-même les racines qui
avancent sous son fonds etc. Les limites de ce droit viennent essentiellement de la législation
relative aux mines et aux carrières. Ainsi, l’article 552 du Code civil restreint le principe de
l’étendue absolue du droit de propriété en réservant les modifications résultants des lois et
règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de polices. A cet effet, le législateur
gabonais a prévu à travers l’article 4 du Code minier que : « Toutes les substances minérales
utiles contenues dans le sol et le sous-sol de la République gabonaise sont la propriété de l’Etat
». En d’autres termes, le droit de propriété foncière en République Gabonaise ne porte pas sur
les ressources naturelles contenues dans le sol et le sous-sol du fonds.

B- La dimension temporelle du droit de propriété

Le droit de propriété ne s’applique pas seulement à la chose elle-même. Avec le temps,


la chose objet de la propriété peut produire un autre bien. C’est ce qu’on appelle le droit
d’accession (cf. infra). Ainsi, la propriété d'un meuble ou d'un immeuble comprend ce qui s'unit

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ou s'incorpore à la chose. Cette propriété s'étend aux produits de la chose et aux eaux qui coulent
ou jaillissent sur le fonds.

SECTION 2 : LES CARACTERES DU DROIT DE PROPRIETE

Le droit de propriété a trois caractères qui contribuent à confirmer sa puissance : le


caractère absolu ou souverain (Paragraphe 1), le caractère exclusif et le caractère perpétuel
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le caractère absolu du droit de propriété

Il est de loin le plus important (A). Mais, il connait certaines restrictions (B).

A- La signification du caractère absolu du droit de propriété

Ce caractère a été prévu par l’article 544 du Code civil. Il signifie que le propriétaire a
la maitrise totale de la chose que ses pouvoirs sur cette chose sont illimités, contrairement aux
titulaires des autres droits réels qui n'ont que des pouvoirs spécifiques. Ainsi, le droit de
propriété est souverain et confère à son titulaire tous les trois attributs du droit de propriété (cf.
suppra) que sont : l’usus, le fructus et l’abusus. Le propriétaire a donc la plénitude de pouvoirs.
Mais, il ne doit en jouir que dans les limites permises par les lois et les règlements.

B- Les restrictions au caractère absolu du droit de propriété

Deux groupes essentiels de restrictions atténuent la toute-puissance du droit de


propriété. Le premier est constitué des servitudes, limites établies par la loi dans l’intérêt du
voisinage ou de la collectivité. Celles-ci peuvent également s’analyser comme des
démembrements au droit de propriété (v. infra).
Le deuxième est constitué de restrictions d'origine à la fois législative et
jurisprudentielle. II s'agit des règles qui permettent de retenir la responsabilité du propriétaire
en application du droit commun (1) ou de la théorie des troubles de voisinage (2).

1- La responsabilité du propriétaire pour faute

Le propriétaire est responsable en application des articles 1382 et 1383 du Code civil
s'il commet une faute dans l'exercice de son droit. La faute est donc une limite à l'exercice du
droit de propriété. Elle s'apprécie par rapport au type idéal de propriétaire qui concilie son
intérêt personnel avec l'intérêt des autres. La faute peut consister en :
- la violation des lois et des règlements : si par exemple un individu ouvre chez lui un
établissement insalubre sans l’autorisation administrative exigée par la loi, il commet une faute,
source de responsabilité.
- une imprudence ou une négligence: le propriétaire immobilier par exemple a
l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas nuire au voisin. En France,
un propriétaire fut condamné pour avoir répandu sur son fonds un insecticide et omis de
prévenir ses voisins apiculteurs dont les abeilles avaient péri en butinant sur les fleurs traitées
Cass. Civ. 2ème, 14 juin 1972, Gaz. Pal. 1972, somm. 75).
- un abus de droit: il y a abus de droit lorsqu'on use de son droit pour nuire à autrui. Les

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meilleurs exemples sont fournis par le domaine immobilier. Ainsi, a été condamné pour abus
de droit, un propriétaire qui a utilisé son fonds pour organiser un tapage assourdissant destiné
à effrayer le gibier et à rendre infructueuse la chasse en cours sur le fonds voisin (Paris, 2 déc.
1871, D.P. 1873, 2, 185). Un autre a subi le même sort, pour avoir élevé une fausse cheminée
destinée à obscurcir la demeure voisine (Colmar, 2 mai 1855, D.P.1856, 2, 9, affaire Clément
BAYARD). En général, la jurisprudence considère qu'il y a intention de nuire, source d'abus de
droit, chaque fois que le propriétaire a agi sans motif sérieux et légitime ou que, ayant plusieurs
manières d'exercer son droit, il a opté pour celle qui était la plus dommageable pour ses voisins.
Exemple : l'ouvrage qu'il a construit est sans intérêt pour lui ou alors il lui est utile, mais, il
aurait pu le construire autrement. Dans l'ensemble, le propriétaire doit donc agir avec diligence.

B- La responsabilité pour trouble de voisinage

Face à l’insuffisance des règles classiques de la responsabilité qui reposent


principalement sur la faute, la jurisprudence a créé la théorie des troubles de voisinage. D'après
cette théorie habituellement présentée comme une technique d’éducation des proches, le
propriétaire voisin de celui qui construit sur son terrain est tenu de subir les inconvénients
normaux de voisinage. En revanche, il est en droit d'exiger une réparation dès lors que ces
inconvénients deviennent anormaux. Le caractère anormal du trouble est donc la condition
nécessaire pour que la responsabilité du propriétaire puisse être engagée sur la base de cette
théorie. En règle générale, le trouble est considéré comme anormal ou excessif s'il est durable,
continu et répétitif.
Dans l’élaboration de cette théorie, les juges ont dû répondre à trois importantes
questions:
- la première question est double. Elle se réfère à la réceptivité personnelle de la victime
et à la pré-installation de l’auteur du trouble : doit-on prendre en compte ces deux paramètres
pour retenir la responsabilité ou exonérer l’auteur du trouble? Autrement dit, si dans
l’entourage un seul voisin se plaint de subir le trouble, la responsabilité de son auteur peut-elle
être néanmoins retenue ? Il est depuis longtemps admis qu’un voisin plus réceptif que les autres
peut obtenir gain de cause contre l’auteur d’un trouble. Il n’en serait autrement que s’il s’installe
dans une zone pré-occupée par plusieurs personnes exerçant l’activité nuisante. Dans de telles
conditions, les voisins ayant pré-occupé les lieux ont déterminé l’usage de la zone et la mesure
coutumière de ce que doivent supporter les habitants du lieu. Cependant, selon une loi française
du 31 décembre 1976 le premier occupant en matière agricole, artisanale, industrielle ou
commerciale est exonéré de la responsabilité pour troubles de voisinage s’il respecte la
réglementation relative à son activité, et s’il poursuit ses activités dans les conditions qu’a
trouvé le voisin demandeur à l’action, c'est-à-dire sans transformation, ni augmentation. Cette
loi a été qualifiée par certains auteurs de « scélérate » en ce qu'elle édicte une sorte de droit
acquis de nuire à autrui au prétexte de sa propre pré-occupation.
En somme, la victime aura droit à réparation si un seul propriétaire antérieurement
installé exerce une activité qui lui cause un trouble excessif. Par contre, elle perd ce droit si elle
s'installe dans une zone où plusieurs personnes exercent une activité dommageable. Exemple :
celui qui construit une maison d'habitation dans une zone industrielle ne saurait se plaindre
d'être troublé.
La deuxième question est celle de savoir si la responsabilité de l'auteur du trouble peut
être retenue même s’il est titulaire d’une autorisation administrative. La réponse est
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affirmative. L'autorisation administrative n'exonère pas de la responsabilité. Elle ne l'atténue
même pas. Tout au plus, elle peut avoir une incidence sur les modalités de la réparation.
En résumé, il s'agit ici d'une responsabilité objective c'est-à-dire une responsabilité
sans faute prouvée.
Lorsqu'un trouble est commis, il est sanctionné par l'allocation des dommages et intérêts
et/ou la cessation du trouble. Le cas échéant, par la fermeture de l'établissement. Cependant si
l'établissement bénéficie d'une autorisation administrative, le juge judiciaire ne pourra en
ordonner la fermeture. Il pourra dans ce cas, allouer des dommages et intérêts sous la forme
d'une rente qui s'étendra tant que durera le dommage. En fin de compte, on peut dire que le
trouble de voisinage est une activité utile, licite et répétitive qui cause une gêne excessive au
voisin.

Paragraphe 2 : Les autres caractères du droit de propriété

Il s’agit du caractère exclusif (B) et du caractère perpétuel (A).

A- Le caractère perpétuel du droit de propriété

Il a une double signification (1) et il connait quelques atténuations (2).

1- La signification du caractère perpétuel

Le caractère perpétuel du droit de propriété implique deux choses essentielles. D’une


part, il signifie que le droit de propriété dure aussi longtemps que l'objet sur lequel il porte c'est
à dire que tant que la chose n'est pas matériellement détruite, c'est le même droit de propriété
qui se transmet d'un titulaire à l'autre. De fait, lorsque par exemple on vend ou lorsqu'on donne
un bien, l'acheteur ou le donataire n'est pas titulaire d'un nouveau droit. L'ancien propriétaire
lui transmet son droit avec la chose.
D’autre part, il implique que le propriétaire conserve son droit aussi longtemps qu'il ne
s'en défait pas c'est à dire d'une part, que le droit de propriété n'est pas limité dans le temps (la
propriété n'est pas temporaire) et d'autre part, que le droit de propriété ne se perd pas par le non
usage (le titulaire du droit de propriété ne perd pas son droit par prescription extinctive s'il
s'abstient de l’exercer pendant 30 ans). Ces règles protectrices admettent néanmoins des
atténuations.

2- Les atténuations au caractère perpétuel du droit de propriété

Elles sont de deux ordres :


- Celui qui s’empare d’un meuble abandonné devient propriétaire par occupation et donc
titulaire d'un droit nouveau, distinct de celui de l'ancien propriétaire. De même, en vertu de la
règle « en fait de meubles, possession vaut titre » posée par l’article 2279 alinéa 1 du Code
civil, l'acquéreur de bonne foi d'un meuble corporel devient propriétaire même si le vendeur ne
l’était pas.
- Il arrive que le droit de propriété soit temporaire. C'est le cas par exemple des droits
d'auteurs (propriété littéraire et artistique) et des droits sur les inventions (propriété industrielle).

B- Le caractère exclusif ou individuel du droit de propriété

12
Ce caractère signifie que le propriétaire est seul maître de sa chose et que par
conséquent, il peut interdire à quiconque de s'en servir sans son consentement et surtout il peut
faire annuler tous les actes juridiques qu'un tiers a pu accomplir vis-à-vis de sa chose. Il existe
plusieurs situations qui mettent en difficulté le caractère exclusif.
- La première est tirée du fait qu'il peut exister plusieurs propriétaires pour une même
chose : c’est la copropriété.
- La deuxième vient du fait qu'il peut exister sur la chose, un propriétaire réel mais caché
ou inconnu à côté d’un propriétaire dit apparent.
- La troisième résulte de l'importance que la loi accorde à la théorie de la possession (cf.
infra).

13
CHAPITRE 2 : L’ACQUISITION ET LA PERTE DE LA PROPRIETE

A la lecture combinée des articles 711 et 712 du Code civil, il est prévu que la propriété
des biens s'acquiert par succession, par donation entre vifs ou testament, par l’effet des
obligations, par accession ou incorporation et par prescription. A ces modes, il faut également
ajouter l'occupation. Ainsi, les modes d’acquisition de la propriété sont variés (Section 1) tout
comme les procédés de perte (Section 2).

SECTION I : LES MODES D'ACQUISITION DE LA PROPRIETE

La propriété s'acquiert par trois procédés volontaires ou involontaires : soit par un acte
juridique (Sous-section 1), soit par un fait juridique (Sous-section 2), soit encore par l’accession
(Sous-section 3).

SOUS-SECTION I : L'ACQUISITION DE LA PROPRIETE PAR UN ACTE


JURIDIQUE.

La propriété peut être acquise par divers actes juridiques. Ce peut être un acte translatif
de propriété (vente, échange, donation) ou un acte unilatéral comme le testament. Mais pour
les immeubles, la propriété n'est transférée que par un acte juridique revêtant la forme notariée.

SOUS-SECTION II : L'ACQUISITION DE LA PROPRIETE PAR UN FAIT


JURIDIQUE: LA POSSESSION

La possession est un concept fondamental en Droit (Paragraphe 1). Elle s’acquiert et se


perd par l’existence ou l’inexistence de certains éléments déterminants (Paragraphe 2). Lorsque
ses conditions d’efficacité sont réunies (Paragraphe 3), elle produit des effets très importants
(Paragraphe 4).

Paragraphe 1 : La notion de possession

Dans le langage courant, posséder un bien c'est en être propriétaire. Mais en réalité,
possession et propriété sont distinctes. La possession est un pouvoir de fait exercé sur une chose
corporelle et qui correspond dans l’esprit de celui qui l’exerce à un droit réel. Le pouvoir peut
être conforme au droit (lorsque le possesseur est réellement titulaire du droit) ou contraire. Ce
qui est important c’est que le seul fait constitue la possession : autant le voleur est possesseur,
autant le propriétaire l’est. C’est ce qu’exprime maladroitement l’article 2228 du Code civil
selon lequel la possession est « la détention ou la jouissance d'un droit ou d'une chose ». Cet
article, en visant la détention, fait plutôt penser aux notions voisines de la possession (A) qu'il
faut compléter avec les éléments constitutifs de la possession (B).

A- La distinction entre la possession et les notions voisines

- La possession et la propriété apparente


En premier lieu, la théorie de l'apparence a pour objet essentiel la protection du tiers
acquéreur alors que la possession protège avant tout le possesseur. Cependant, si les actes du
possesseur sont caractéristiques de la propriété aux yeux du tiers, il se peut que l’on découvre
un jour qu'il ne s'agissait que d'une propriété apparente.
14
En second lieu et surtout, le propriétaire apparent n'est jamais par définition propriétaire
alors que le possesseur l’est souvent.

- La possession et la détention
La détention est identique à la possession dans sa manifestation extérieure. Ainsi,
comme le disait Carbonnier : « ce n'est pas en regardant un porteur et un voleur aller chacun
avec une valise que l'on apprendra à distinguer possession et détention ».
Le détenteur exerce en effet, un pouvoir de droit sur une chose. Son pouvoir est de droit
parce qu'il le tient d'un acte juridique, de la loi ou d'une décision de la justice. On dit qu'il
détient en vertu d'un titre précaire qui vaut reconnaissance du droit d'autrui sur la chose.
Exemple : le locataire, l'emprunteur, etc...
Au contraire, le possesseur n'a parfois aucun droit sur la chose, mais il ne connait sur
celle-ci aucune autorité autre que la sienne. Cela lui permet de devenir propriétaire par
prescription acquisitive au contraire du détenteur qui ne peut jamais prescrire.

B- Les éléments constitutifs de la possession

Deux éléments caractérisent la possession. Il s’agit de l’élément matériel et de l’élément


intentionnel.
L'élément matériel ou le corpus de la possession est l'exercice de fait des prérogatives
correspondant au droit. S'il s'agit de la possession de la propriété par exemple, le corpus sera le
fait de se comporter comme propriétaire et d'exercer sur la chose l'usus, le fructus et l'abusus.
L'élément matériel consiste donc en 1'accomplissement d'actes matériels sur la chose.
L’élément intentionnel ou animus renvoie à l'intention de se comporter en propriétaire.
Ainsi, il ne suffit pas d’accomplir des actes matériels pour se dire possesseur. Sinon même le
chauffeur à qui le patron confierait le véhicule le serait aussi. Il faut en plus avoir un certain
état d'esprit.
Pour SAVIGNY, le possesseur doit avoir l'animus domini c'est-à-dire un esprit de
maitrise. Pour cet auteur, cette intention se distingue de l'animus detenindi c'est-à-dire
1'intention de détenir pour autrui (exemple : le locataire). Pour lui donc, le possesseur est celui
qui a une volonté d'appropriation soit parce qu'il est effectivement propriétaire, soit parce qu'il
croit l'être, soit parce que, bien que sachant qu'il ne 1'est pas, il n'en a cure ( Exemple le voleur).
Le Code civil a opté pour cette conception c’est à dire 1'animus domini (article 2229). Faute
de cet esprit de maitrise, l'on ne peut devenir propriétaire par prescription.

Paragraphe 2 : L’acquisition et la perte de possession

La possession s'acquiert par la réunion de l'élément matériel et de l'élément intentionnel.


La réalisation du corpus ne pose aucun problème. Elle se fait par l’appréhension de la chose
soit par soi-même, soit par l'intermédiaire d'autrui. Il suffit même parfois que cette
appréhension ne soit que possible pour qu’on considère le corpus comme réalisé. Exemple : la
remise des clés d'un immeuble vaut prise de possession pour l’acquéreur.
En revanche, la preuve de 1'animus est si complexe que la loi a établi deux
présomptions. La première résulte de l'article 2230 du Code civil: « on est toujours présumé
posséder pour soi et à titre de propriétaire ». Autrement dit, la preuve de l'animus résulte de
celle du corpus.

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La deuxième, par comparaison, résulte de l'article 2231. Selon ce texte : « Quand on a
commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder pour autrui ». Autrement
dit, lorsqu'il a été prouvé qu'on est détenteur, on est toujours présumé détenteur. Néanmoins,
on peut devenir possesseur (on dit qu'il y a interversion de titre). Si par exemple un locataire a
acheté de bonne foi, l'immeuble loué à un propriétaire apparent, il devient alors possesseur.
En résumé, la possession s'acquiert d'une seule manière : l'appréhension de la chose,
laquelle permet de présumer l'élément intentionnel.
Par contre, elle se perd de trois manières :
- Par perte simultanée du corpus et l’animus. Exemple : la vente du bien suivie de sa
remise.
- Par perte du seul animus. Exemple : celui qui vend un bien et ne le livre pas
immédiatement perd possession. Car, il n'a gardé que le corpus.
- Par la perte du corpus pour les meubles. Exemple : celui qui a été volé reste
propriétaire. Mais, il perd la possession au profit du voleur.

Paragraphe 3 : Les conditions d'efficacité de la possession

La possession doit remplir certaines conditions dites objectives pour produire tous ses
effets. Il s’agit de :
- La continuité : la possession est continue lorsque le possesseur a accompli les actes
correspondant au droit auquel il prétend, sans intervalles anormaux comme le ferait un vrai
titulaire de droit. En d'autres termes, la possession est continue quand elle a été exercée dans
toutes les occasions où elle devait l'être. Une possession qui n'est pas continue est affectée du
vice de discontinuité.
- L'absence de violence : la possession doit être paisible, c'est-à-dire que le possesseur
ne doit pas être entré en possession par une violence physique ou morale.
- La publicité : la possession doit être publique comme le droit réel dont elle traduit
l'apparence, c'est-à-dire que le possesseur ne doit pas dissimuler ses actes aux tiers qui auraient
intérêt à les connaitre. La possession non publique est affectée du vice de clandestinité.
- L'absence d'équivoque : on dit qu'il y a équivoque lorsque les faits de possession sur
un bien n'indiquent pas clairement s'ils sont accomplis au titre de possesseur ou de détenteur.
C'est le cas par exemple d'un domestique qui détient un objet ayant appartenu à son maitre
décédé. On peut en effet se demander s'il le détient en tant que légataire, voleur ou préposé de
la succession. Ses actes de possession seront inefficaces parce qu’ils sont équivoques.
Lorsque ces quatre conditions sont réunies, la possession est dite utile et elle peut avoir
des effets importants surtout si le possesseur est de bonne foi.

Paragraphe 4 : Les effets de la possession

La possession exempte de vice produit principalement un effet probatoire (A) et un


effet créateur (B).

A- L’effet probatoire de la possession

Dès lors que l'on est possesseur, l’on est présumé titulaire du droit réel correspondant.
Autrement dit, c'est à celui qui conteste ce droit d'apporter la preuve contraire.

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En outre, il faut souligner que le possesseur est protégé contre les tiers, y compris le
propriétaire véritable. Cette protection résulte de trois actions en justice appelées actions
possessoires. Il s’agit de :
- La complainte : c'est l'action occasionnée par un trouble volontaire et actuel c'est-à-
dire délibéré et déjà réalisé. Il peut s'agir d'une agression matérielle (exemple: traversée
intempestive de la concession du voisin pour rejoindre la route) ou juridique contre la
possession.
- La dénonciation de nouvel œuvre : c'est l'action qui protège contre un trouble éventuel.
Exemple: elle permet d’interrompre des travaux entrepris par un tiers qui occasionneraient un
trouble possessoire s'ils sont menés à terme.
Les deux premières actions sont soumises au même régime. La possession doit être utile
et avoir duré au moins un an.
- La réintégrande : la jurisprudence la défini comme une mesure d’ordre et de paix
publique qui peut être légitimement intentée par celui qui détient simplement un immeuble et
qui a été violemment dépossédé. En d'autres termes, la réintégrande vise avant tout à permettre
la restitution à celui qui a été spolié. Pour l'exercer, une détention paisible et publique au
moment de la dépossession violente suffit.
Ces trois actions protégeant la possession se distinguent de l'action pétitoire qui met en
jeu le droit lui-même et non plus la possession du droit.

B- L’effet créateur de la possession

La possession peut créer le droit. Elle peut conduire à la propriété. Cette conséquence
est logique puisque la propriété est une possession d'une certaine qualité. Trois modes
d'acquisition de la propriété reposent sur la possession : l’occupation, la prescription acquisitive
ou usucapion et la règle «en fait de meuble, possession vaut titre» (2). Mais avant de les étudier,
il faut préciser que la bonne foi permet d'acquérir les fruits si la possession est perdue (1).

1- L’acquisition des fruits par le possesseur de bonne foi

Lorsque le propriétaire d'un bien gagne le procès contre le possesseur, celui-ci doit
restituer ledit bien. Quant aux fruits, l'article 549 du Code civil dispose qu'il les conserve s'il
est de bonne foi. S'il est de mauvaise foi par contre, il en est comptable.
Le possesseur est de bonne foi lorsqu'il a cru en la validité de l'acte juridique qui lui a
transféré la propriété du bien (art. 550 du Code civil). Cet acte en réalité vicié et nul est appelé
juste titre et la cause de nullité qui l'affecte importe peu. Mais, la jurisprudence n'exige pas un
titre distinct de la bonne foi. Elle en fait un élément qui présume la bonne foi elle-même
conformément à l’article 2268 du Code civil.
En tout état de cause, le possesseur de bonne foi fait de toute sorte de fruits siens (à
l'exclusion des produits). Mais, la bonne foi disparait le jour où il est assigné en restitution du
bien. Néanmoins, il ne doit restituer que les fruits générés par la chose telle qu'elle existait au
moment de son entrée en possession et non ceux résultants de son industrie.

2- L'acquisition de la propriété par le possesseur

Le possesseur peut acquérir la propriété du bien grâce à sa possession par trois procédés

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: l’occupation (a), la prescription acquisitive (b) et le jeu de l’article 2279 du Code civil (c).

a- L’acquisition de la propriété par l'occupation

L'occupation a un double sens complémentaire. C'est d'abord l'acte par lequel on prend
possession d'un bien et c'est ensuite le résultat de cet acte.
C'est un mode d'acquisition originaire de la propriété parce que l'acquéreur ne tient son
droit de personne. Mais en réalité, l’occupation ne permet d'acquérir que des meubles sans
maitre et ceux dont le propriétaire est inconnu.
Les premiers englobent les res nullius (Exemple : les produits de la chasse ou de la
pêche), les res communes (Exemple : L’eau recueillie de la pluie) et les res derelictae (choses
abandonnées).
Les seconds (meubles dont le propriétaire est inconnu) renvoient aux trésors (chose
volontairement cachée ou enfouie, mais sur laquelle personne ne peut justifier d'un droit de
propriété parce que la preuve est devenue impossible) et aux épaves (choses égarées par leurs
propriétaires). Elles se distinguent des choses abandonnées car elles ont un maitre qui peut être
ignore qu’il a perdu sa chose et qui peut donc se manifester un jour. (Exemple : un porte-
monnaie ramassé dans la rue est une épave). Ceux-ci font l'objet de l'invention technique
dérivée de l'occupation. Celui qui trouve un trésor ou une épave est appelé inventeur. En
général, il acquiert la totalité du trésor s'il est propriétaire du sol ou du meuble le contenant et
la moitié s'il ne l'est pas. Pour les épaves, la situation est plus complexe. En effet, celui qui
s'approprie purement et simplement une épave se rend coupable de vol. Par conséquent,
l'inventeur doit déclarer au service compétent ce qu'il a trouvé.

b- L'acquisition de la propriété par la prescription acquisitive ou usucapion

L'usucapion est une technique juridique qui permet au possesseur, même de mauvaise
foi, de devenir propriétaire du bien possédé au bout d'un certain délai. Ce délai est en principe
de 30 ans (on parle de prescription ou usucapion trentenaire). Mais, il peut être ramené à 10 ou
20 ans (on parle de prescription décennale ou abrégée). Cette technique se justifie non
seulement par le fait qu’elle facilite la preuve de la propriété mais aussi et surtout, parce qu’elle
est une prime accordée à ceux qui s'occupent des biens et dont l'activité est socialement utile.
Cependant la preuve de la propriété immobilière ne pouvant être faite au Gabon que par un titre
foncier, l’usucapion présente peu d'intérêt car elle ne joue que rarement en cette matière.
L’article 62 de l’Ordonnance de n°5/2012 du 13 février 2012 fixant le régime de la propriété
foncière qui dispose que la prescription ne peut requérir aucun droit réel sur un immeuble
immatriculé, à l’encontre du propriétaire inscrit, ni amener la disparition d’aucun des droits
réels inscrits sur le titre de propriété prévoit implicitement qu’elle ne peut porter que sur des
terrains ne faisant pas encore l’objet d’une immatriculation.
En tout état de cause, à l'expiration du délai, le possesseur doit obligatoirement invoquer
la possession. Son droit est alors rétroactivement consolidé. Il est considéré comme propriétaire
depuis le premier jour de sa possession, comme le possesseur de bonne foi d'un meuble.

c- La règle "En fait de meuble, possession vaut titre"

L’article 2279 alinéa 1 du Code civil énonce une règle juridique fondamentale : « en fait

18
de meuble, possession vaut titre ». Cette règle a une double fonction en ce sens qu’elle rappelle
que la possession fait présumer à la fois la propriété et l'existence d'un titre de propriété (α).
Cependant elle ne joue que si certaines conditions sont réunies (β).

α- Les conditions d’application de la règle

Certaines conditions sont relatives à la chose et d’autres concernent la possession et le


possesseur.
Par rapport aux conditions relatives à la chose, il faut relever qu’en principe, la règle
ne s'applique qu'aux meubles corporels. Mais, il faut nuancer :
- Ces meubles doivent être identifiés et constituer des corps certains.
- Certains meubles corporels échappent à la règle (exemple : les œuvres d'art, les
meubles du domaine public, les meubles inaliénables, les meubles soumis à l'immatriculation à
l'exception des automobiles et les meubles faisant l'objet d'un nantissement, les souvenirs de
famille) ;
- Certains meubles incorporels sont soumis à la règle (exemple les titres au porteur).

Par rapport aux conditions relatives à la possession et au possesseur, il faut préciser


que la possession visée à l'article 2279 du Code civil doit être :
- Une possession véritable (à l'exclusion de la détention et de la possession dans laquelle
le corpus a été perdu).
- Une possession exempte de vices (à l'exclusion du vice de discontinuité puisque
l'acquisition de la propriété est instantanée);
- Une possession de bonne foi, c'est une condition essentielle pour le jeu de l'article
2279, même si elle n'est pas expressément énoncée. La bonne foi s'apprécie au moment de
l'entrée en possession, même si par la suite, il s'avère que celui dont le possesseur tient son droit
n'est pas propriétaire.

β- Les fonctions de la règle

La règle de l’article 2279 alinéa 1 a une fonction acquisitive et une fonction probatoire.

β-1- La fonction acquisitive de la règle

En principe, lorsqu'une personne acquiert même de bonne foi, un meuble d'un non
propriétaire, elle n'en devient pas propriétaire, car l’aliénateur n'a pu transférer un droit qu'il n'a
pas. Mais, la fonction acquisitive de la règle de l’article 2279 permet de contourner cet obstacle.
Elle signifie que lorsque l’acquéreur est mis en possession, ce fait même le rend propriétaire.
Et son droit est nouveau parce que purgé de tous les vices éventuels affectant le droit de
l'aliénateur. Il en résulte que la personne à qui appartenait antérieurement le meuble ne peut
plus le revendiquer contre le possesseur. Cependant, il faut atténuer la rigueur de cette
affirmation.
- D’une part, le propriétaire originaire peut prouver que les conditions d'application de
l’article 2279 ne sont pas réunies et que le mécanisme n'a pas joué (il pourra par exemple
prouver que la possession est équivoque, discontinue, clandestine, ou violente. Le propriétaire
peut également prouver que le possesseur n'était pas de bonne foi mais qu'il savait
pertinemment que le vendeur intermédiaire n'était lui-même pas de bonne foi.)

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- D’autre part et surtout, l'article 2279, alinéa 2, complété par l’article 2280, admet que
le propriétaire originaire puisse revendiquer le meuble si celui-ci a été perdu ou volé. Dans ce
cas, la revendication est admise à trois conditions contre le possesseur de bonne foi, c'est-à-dire
celui qui a acquis directement ou indirectement du voleur ou de l’inventeur et qui ignorait
l'origine du bien au moment de l'acquisition.
* la première condition a trait au vol et à la perte : le vol s’entend ici au sens pénal du
terme c'est-à-dire la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui (à l'exclusion de l'escroquerie
et de l’abus de confiance). Quant à la perte, elle doit s'entendre au sens strict c'est-à-dire que
l'on exclut l'abandon qui est une perte volontaire. Ainsi, si le propriétaire véritable prouve qu’il
a été volé ou qu’il a perdu la chose, son action en revendication pourra prospérer.
* la deuxième condition a trait au délai pour intenter l’action en revendication. Il est de
trois ans à compter du jour de la perte ou du vol et non du jour de l’acquisition par le possesseur.
* la troisième condition émane de l'article 2280. Selon ce texte, lorsque le possesseur
de bonne foi a acquis le meuble dans une foire, un marché ou une vente aux enchères publiques
(circonstance laissant présumer l’origine honnête du bien), le propriétaire originaire ne peut
reprendre la chose qu'après avoir remboursé à l'acquéreur le prix qu’elle lui a coûté.
N.B. la situation sus décrite ne concerne que le possesseur de bonne foi. Lorsque
l'action est dirigée contre le voleur ou l'inventeur lui-même, elle se prescrit au bout de
30 ans. Ceux-ci étant toujours présumés de mauvaise foi.

β-2- La fonction probatoire de la règle

Les meubles sont destinés à circuler de main à main et très souvent sans écrit. Il peut
donc s'avérer difficile de prouver son titre de propriété. C'est pourquoi, la règle de l'article
2279 présume l'existence d'un titre de propriété à partir de la possession de bonne foi du
meuble. Cependant, le revendiquant pourra faire tomber cette présomption, notamment en
prouvant que la possession est viciée ou en invoquant une irrégularité affectant l'acte
d'acquisition (exemple : incapacité de l'aliénateur, existence d'un vice du consentement, etc.).

SOUS-SECTION III : L'ACQUISITION DE LA PROPRIETE PAR ACCESSION

Selon l'article 546 du Code civil, « La propriété d'une chose soit mobilière, soit
immobilière donne droit sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s'y unit accessoirement soit
naturellement, soit artificiellement. Ce droit s'appelle droit d'accession ». Autrement dit, par
l’accession le propriétaire s’accapare les accessoires que produit la chose ou qui s'unissent ou
s'incorporent à elle. C'est donc une application du principe général selon lequel l'accessoire suit
le principal. Ce mode d'acquisition de la propriété joue sans l'intervention de la volonté du
propriétaire du principal et sans qu'il soit nécessaire qu'il soit en possession. Il existe deux types
d'accession : une dite naturelle (Paragraphe 1) et une artificielle (Paragraphe 2).

Paragraphe I : L’accession naturelle

C'est celle qui joue sans intervention de l'homme. Elle peut résulter de la production,
mais, elle provient essentiellement de l'incorporation d'une chose à une autre. En effet, selon
l'article 551 du Code civil, tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire
de cette chose. Il faut alors distinguer l'incorporation à un meuble (A) de l'incorporation à un

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immeuble (B).

A- L'incorporation à un meuble : l’accession mobilière


Cette hypothèse ne présente que peu d’intérêt pratique. Aux termes de l’article 565
alinéa 2, on peut relever trois exemples d’incorporation mobilière :
- L’adjonction : elle a lieu lorsque deux choses appartenant à deux personnes différentes
ont été unies de manière à former un tout, mais sont néanmoins séparables (Exemple : le châssis
et la carrosserie d’une voiture). En général, l'accession profite au propriétaire de la chose
principale contre paiement du prix de la chose accessoire à moins que cette dernière soit plus
précieuse et qu'elle ait été employée à l'insu de son propriétaire. Ce dernier peut alors demander
séparation des deux biens ;
- Le mélange : c'est la réunion de deux ou plusieurs choses appartenant à différents
propriétaires à tel point que la séparation est difficile voire impossible. En principe, si le
mélange s'est produit à l'insu de l'un des propriétaires, il peut demander la division et si celle-
ci est impossible, soit ils deviennent copropriétaires, soit le propriétaire de la chose principale
prend le tout en remboursant aux autres la valeur de leurs biens ;
- La spécification : c'est la formation d'une chose nouvelle par le travail d'une autre
personne (Exemple : un artisan fond un bracelet en or pour en faire un collier, un maître sculpte
sur de l’ivoire), sur la matière mobilière appartenant à une autre. En principe, le propriétaire de
la matière peut réclamer la chose moyennant paiement de la main d'œuvre. Mais, si celle-ci
dépasse la valeur de la matière, l'artisan retiendra la chose travaillée et remboursera le prix de
la matière (article 570 à 572 Code civil).

B- L'incorporation à un immeuble

Le propriétaire d'un immeuble peut, par accession, devenir propriétaire de certains


meubles (1) et immeubles (2).

1- L'incorporation de certains meubles

Le propriétaire du fonds acquiert par accession les meubles tels que les animaux
sauvages en provenance d'un autre fonds, mais à condition que ces animaux n'aient pas été
attirés par fraude. C'est aussi l'accession qui explique l’acquisition totale ou partielle d’un trésor
découvert sur un fonds.

2- L'incorporation de certains immeubles

Un immeuble peut s'incorporer naturellement à l'autre. Il s'agit par exemple des terrains
que les eaux d'un cours d'eau découvrent et abandonnent notamment en se portant
insensiblement d'une rive à l’autre, soit en déposant des vases ou des graviers le long des rives
(alluvions), soit en se retirant purement et simplement (relais). Alluvions et relais appartiennent
en général au propriétaire des fonds le long desquels ils se sont formés sauf si le cours d’eau
est du domaine public ou est un lac ou étang appartenant à une personne précise.
Il s’agit aussi des terrains détachés par un cours d’eau d’un fonds riverain vers un fonds
inférieur ou vers un fonds situé sur la rive opposée. Il s’agit des avulsions. Ils changent en
principe de propriétaire. Néanmoins, l’article 559 du Code civil donne à l’ancien propriétaire
un droit de suite pendant un an si la partie détachée est importante et reconnaissable.

21
De façon générale, on peut exprimer un doute sur l’applicabilité de ces différentes
techniques dans notre droit pour lequel le titre foncier est le seul mode d’acquisition de la
propriété immobilière.

Paragraphe 2 : L'accession artificielle

Elle résulte des articles 551 et 552 du Code civil qui posent le principe selon lequel tout
ce qui existe à la surface accroit la propriété du sol. Autrement dit, le propriétaire du sol acquiert
immédiatement et automatiquement tout ce qui est incorporé à son fonds. La règle s'applique
même s'il n'est pas au courant des travaux constituant l'incorporation, même s'il n'est pas en
possession du terrain, et même s'il n'ignorait pas que les matériaux qu'il utilisait ne lui
appartenaient pas. L'accession artificielle permet donc de résoudre trois problèmes : celui des
constructions et plantations faits par le propriétaire avec les matériaux d'autrui (A); celui des
ouvrages construits sur le terrain d'autrui (B) ; celui des constructions empiétant sur le terrain
d’autrui (C).

A- Les constructions et plantations effectuées par le propriétaire avec les


matériaux appartenant à autrui

Ces matériaux et plants deviennent sa propriété car si on les arrachait, ils seraient sans
grand intérêt pour leur propriétaire. Cette solution se justifie parce que les matériaux et plants
ont perdu leur individualité en s’incorporant au sol, le droit de leur propriétaire a disparu pour
renaître chez le propriétaire de ce sol. En outre, la solution ne varie pas en fonction de la bonne
ou de la mauvaise foi du propriétaire du sol. Néanmoins, il paiera la valeur des matériaux ou
des plants et il pourra même être condamné à des dommages et intérêts.

B- Les constructions ou plantations effectuées sur le terrain d'autrui

Ces travaux posent de sérieux problèmes en doctrine et en jurisprudence. L’article 555


du Code civil a tenté une solution suivante : le propriétaire du sol, parce qu'il acquiert par
accession les constructions ou plantations, peut soit les conserver, soit obliger le tiers qui les a
réalisé à les enlever ; Cependant, si l'auteur des travaux était de bonne foi, l'accession joue
nécessairement et le propriétaire du sol sera obligé de conserver les travaux.
Mais quelques précisions sont nécessaires :
- Les travaux litigieux doivent constituer une chose nouvelle, ce qui exclut les simples
améliorations (soumises à la théorie des impenses ou améliorations).
- les personnes visées par l'article 555, sont en premier lieu, celui qui a acquis d'un non
propriétaire, mais aussi l’usurpateur, le locataire, le propriétaire dont le droit a été anéanti par
résolution ou annulation.
Au final, il apparaît que la solution au conflit entre le propriétaire du sol et l’auteur des
travaux dépend de l’état d’esprit de ce dernier :
S’il est de bonne foi, l’accession joue nécessairement. Par conséquent, le propriétaire du
fonds ne peut l'obliger à supprimer les travaux. Il peut soit les conserver soit les supprimer à ses
propres frais et, dans tous les cas, il devra indemniser leur auteur de bonne foi. La bonne foi
peut exister même lorsque le titre foncier du propriétaire est établi postérieurement à
l’occupation ; dans ces conditions, l’indemnité d’éviction doit être payée. Cependant,

22
l'indemnité d'éviction, préalable à l'expulsion du constructeur n'équivaut pas à la valeur des
constructions. Ainsi, le propriétaire du sol a le choix entre le remboursement de la valeur des
matériaux et du prix de la main d’œuvre et le remboursement de la plus-value apportée au
fonds par les travaux.
Si l'auteur des travaux est de mauvaise foi, le propriétaire du sol a le choix entre d'une
part, obliger l'occupant à enlever les travaux à ses propres frais et éventuellement demander des
dommages et intérêts s'il a subi un préjudice, et d'autre part retenir les travaux et indemniser
leur auteur à concurrence du montant des matériaux et de la main d'œuvre.

C- L'empiétement

Il y a empiétement lorsqu’un propriétaire construisant sur son fonds dépasse les limites
de celui-ci et occupe une partie du fonds voisin. Cette situation n'est pas expressément prévue
par le Code civil ce qui fait hésiter entre l'article 555 sus étudié et l'article 545 selon lequel nul
ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d'utilité publique. Quelques
éléments de droit comparé permettent de saisir les enjeux du problème.
Dans un premier temps, la jurisprudence française a appliqué l'article 555. Mais lorsque
le constructeur était de bonne foi et que la victime de l'empiétement devenait propriétaire de la
partie débordante, la situation était parfois absurde. Une personne pouvait se retrouver
propriétaire de quelques centimètres sur une construction à plusieurs étages et rien ne s'opposait
à ce qu'il les détruise un jour! Ces incertitudes ont amené les juges français à revenir à l’article
545 grâce auquel on ordonne la destruction des ouvrages, que le constructeur soit de bonne ou
de mauvaise foi.
Au Cameroun, les juges n'ont pas encore expressément choisi entre l'artic1e 555 et 545.
Aucune décision rencontrée ne précise le texte appliqué. Elles se bornent à constater la
mauvaise foi des constructeurs et d'ordonner la destruction. (Voir par exemple cour d'appel du
centre, arrêt N°316/CIV du 4 Août 1995, lex lata n° 18 page 7).
Quant à la doctrine, elle propose une solution équitable qui ne lèserait aucun des voisins.
Il s’agirait, en intégrant des paramètres tels que la bonne foi du constructeur et la valeur
économique et sociale de la construction qui déborde, de maintenir les constructions
importantes à charge d’indemnité au profit de la victime de l’empiètement et d’ordonner la
destruction des travaux de moindre importance : P. G. Pougoué, L’empiètement matériel sur le
terrain d’autrui, Rev. Cam. Droit, n°13-14, p. 25.

SECTION 2 : LA PERTE DE LA PROPRIETE

La propriété se perd volontairement (Paragraphe 1) ou involontairement (Paragraphe


2)
Paragraphe 1 : La perte volontaire de la propriété

La propriété se perd volontairement :


- Par la transmission entre vif (Exemple : vente, donation.) ou à cause de mort.
(Exemple : succession.)
- Par la renonciation ou l’abandon.
Renoncer à son droit signifie non seulement cesser d'utiliser la chose, mais aussi avoir
l'intention de s'en défaire. En matière mobilière, la preuve de cette intention viendra par

23
exemple du fait que le propriétaire a jeté hors de chez lui, la chose. En matière immobilière,
la preuve sera plus difficile à cause du caractère définitif du titre foncier. Si cela était
concevable, la renonciation dans notre droit exigerait des formalités telles que le propriétaire
aurait plutôt intérêt à céder son droit et non à y renoncer ;
- Par la disposition de la chose notamment à la suite de sa destruction volontaire ou
de sa consommation.

Paragraphe 2 : La perte involontaire de la propriété

Elle peut survenir dans plusieurs cas :


- La perte de la chose, par exemple à la suite d'un incendie ou d'un accident ;
- La nationalisation
Elle concerne surtout les entreprises, lesquelles peuvent être enlevées à leur propriétaire
et transférées à la nation entière.
- La confiscation qui fait généralement suite à une condamnation pénale ;
- L’expropriation pour cause d'utilité publique
C’est une procédure utilisée pour transférer les droits immobiliers d'un individu à
l’administration, pour une réalisation d'intérêt public. Elle fait partie des règles spéciales
relatives à la propriété immobilière que l’on systématise par l’appellation : régime foncier et
domanial.

24
DEUXIEME PARTIE : LA PROPRIETE CONCURRENTE

Le droit de propriété peut se prêter à des modalités comportant des droits concurrents
sur la même chose : il est donc susceptible de division. Il en est ainsi dans la mesure où ses
éléments constitutifs peuvent appartenir à des personnes différentes entre lesquelles les
prérogatives du propriétaire se trouvent reparties : on parle dans ce cas de propriété démembrée
(Chapitre 2). De même, la propriété concurrente peut être retrouvée en cas de propriété indivise,
en cas de propriété apparente. Dans ces hypothèses, on est en présence de deux ou plusieurs
personnes qui ont ou qui croient avoir toutes les prérogatives du droit de propriété sur la chose
(Chapitre 1).

CHAPITRE 1 : LA PROPRIETE COLLECTIVE

Le droit de propriété n'est pas toujours d'un exercice facile. Il arrive qu'il soit affecté de
modifications plus ou moins contraignantes pour le titulaire. Ainsi, il peut arriver que le
propriétaire ne soit pas le seul à exercer son droit. C'est l'hypothèse de la copropriété (Section
1). De même, il peut également arriver qu'un tiers s'immisce dans l'exercice des prérogatives
du propriétaire et que d’autres personnes contractent de bonne foi avec lui : c’est l’hypothèse
de la propriété apparente (Section 2).

SECTION I : LA COPROPRIETE OU INDIVISION

La copropriété ou indivision est la situation dans laquelle un bien ou une masse de biens
appartient à une ou plusieurs personnes en même temps. Dans cette situation, chaque
copropriétaire ou indivisaire possède une quote-part de la chose commune c'est-à-dire une
fraction de celle-ci. Mais, cette quote-part n'est pas localisée. Elle porte sur toute la chose et
non sur un des éléments qui la composent. La copropriété est applicable à tout droit réel. Elle
peut se présenter sous deux formes: La première est celle dans laquelle on peut mettre fin par
un partage : c’est la copropriété ordinaire ou simple (Paragraphe 1). Dans la deuxième forme
par contre, il est interdit de partager le bien indivis : c’est la copropriété forcée ou perpétuelle
ou copropriété avec indivision forcée (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La copropriété ou indivision ordinaire

Cette forme de copropriété provient généralement de l'ouverture d'une succession, de la


dissolution d'une communauté conjugale ou d'une société. Elle peut aussi provenir de
l'acquisition convenue d'un bien commun par plusieurs personnes. Elle peut porter sur des biens
meubles ou immeubles. Il importe de s’intéresser aux différents droits des copropriétaires (A),
et à la durée de l'indivision (B).

A- Les droits des coindivisaires

Les copropriétaires ont des droits sur leur quote-part (1) et des droits sur la chose elle-
même (2).

1- les droits sur la quote-part


Chaque copropriétaire a sur la chose, une quote-part idéale non localisée. Il a sur celle-

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ci, les mêmes prérogatives que s'il était seul propriétaire. Cependant, à cause du fait que les
opérations (aliénation, hypothèque etc.) portant sur la quote-part sont dangereuses, certaines
restrictions sont apportées à ses droits.
- L’article 2205 interdit aux créanciers de l'hériter de faire vendre la part indivise de leur
débiteur dans les immeubles de la succession ;
- Si celui qui aliène sa quote-part ou constitue sur celle-ci des droits réels (tels que les
hypothèques) n'est pas en définitive attributaire de la portion aliénée ou hypothéquée, ces
opérations s’effondrent et sont annulées.

2- Les droits sur la chose elle -même

Les droits de chaque copropriétaire sont limités par ceux des autres. Chacun d'eux peut
se servir de la chose, mais à condition de ne pas porter atteinte à sa destination ni au droit des
autres. Mais, pour l'exercice des actions relatives à la chose, ainsi que pour l’accomplissement
des actes d’administration et de disposition, le consentement unanime des coindivisaires est
nécessaire. Cela rend la gestion de la chose indivise très lourde, d'où l'intérêt d'y mettre fin le
plus tôt possible.

B- La durée de l'indivision

L'indivision ordinaire a un caractère essentiellement temporaire. Il ressort en effet de


l'article 815 alinéa 1, du Code civil que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision
et le partage peut toujours être provoqué nonobstant prohibition et convention contraires ».
Ce partage met rétroactivement fin à l'indivision. Néanmoins, on peut la maintenir :
- Par une convention prolongeant l'indivision pour 5 ans. Cette convention prend
automatiquement fin à l'expiration de ce délai, sauf renouvellement express (article 815, alinéa
2 du Code civil)
- Pour les biens particuliers ne devant pas être dispersés. Exemple : les biens de famille.

Paragraphe 2 : La copropriété forcée ou perpétuelle

Cette forme de copropriété porte sur les biens ayant reçu une affectation par la loi ou par
la volonté des particuliers. Le partage ne peut donc pas intervenir tant que durera l'affectation.
Les exemples sont nombreux, on peut citer les murs et autres clôtures mitoyens ; les immeubles
divisés en plusieurs lots appartenant à plusieurs propriétaires. Mais, nous nous attarderons
uniquement sur la copropriété des murs et clôtures encore appelée mitoyenneté. II y a
mitoyenneté lorsqu'une clôture (mur, fosse ou palissade) appartient aux propriétaires des deux
fonds qu'elle sépare. Une clôture non mitoyenne est dite privative. La mitoyenneté pose trois
questions essentielles : son acquisition (A), sa preuve (B), les droits et les obligations des
copropriétaires (C).

A- L’acquisition de la mitoyenneté
La mitoyenneté s'acquiert de manière amiable (1) ou de manière forcée (2).

1. Les modes d'acquisition amiable


Ils sont de deux ordres :
- Le propriétaire d'un mur privatif peut céder à son voisin par vente, donation ou

26
testament, une quote-part de sa propriété du mur. Celui-ci devient alors mitoyen ;
- Deux voisins peuvent, par convention, organiser l’édification d’un mur à frais
communs sur la ligne séparative de leurs propriétés. Cette situation se rencontre de manière
générale dans les grandes villes parce que l’article 663 du Code civil oblige les propriétaires à
se clore.
2- Les modes d'acquisition forcée

On peut contraindre son voisin à céder la mitoyenneté : c’est la cession forcée (a). On
peut également le contraindre à l’acquérir : c’est l’acquisition forcée proprement dite (b).

a- La cession forcée
La loi permet au propriétaire d'acquérir la mitoyenneté du mur séparatif de leurs fonds,
même si le voisin propriétaire du mur ne consent pas. Si en effet le propriétaire du mur refuse
la demande amiable de cession, celle-ci pourra résulter d'une décision de justice. Mais cette
cession forcée n'est possible qu'à trois conditions :
- Il faut qu'il s'agisse d'un mur (à l’exclusion des haies, palissades et fossés) ;
- Il faut que le mur soit édifié à l’extrême limite des deux fonds (quelques centimètres
suffisent pour échapper à la cession forcée) ;
- Il faut que le voisin demandeur paye le prix, c'est-à-dire une somme au moins égale à
la moitié de la valeur du mur et du sol, calculée à la date d'acquisition et non de construction.
Cependant il est possible de n'acquérir qu'une certaine hauteur ou une certaine longueur du mur,
mais pas une certaine épaisseur.

b- L'acquisition forcée
Lorsque le voisin exerce sur un mur privatif, une emprise (par exemple : il a endossé
sur ce mur, une construction), le propriétaire du mur peut faire cesser l'emprise, notamment par
la destruction des ouvrages. Mais, il peut aussi, selon la jurisprudence, forcer son voisin à
acquérir la mitoyenneté.

B- La preuve de la mitoyenneté
La mitoyenneté peut être prouvée par un titre c'est-à-dire par un acte quelconque (contrat
de cession, testament etc.). Elle peut également être prouvée par présomption. Ce mode est
utilisé surtout dans les villes lorsqu'il s'avère difficile de savoir si un mur est privatif ou mitoyen.
Par exemple, le mur sera présumé privatif en faveur de celui qui reçoit les eaux qui s'écoulent
de ce mur si son sommet ne permet l'écoulement que d’un seul côté. Pour les fossés, si la terre
a été rejetée d'un seul côté, le propriétaire du fonds sur lequel la terre a été rejetée est présumé
propriétaire du fossé.

C- Les droits et obligations du copropriétaire

Nous envisagerons tour à tour les droits (a) et les obligations (b) du copropriétaire.

a- Les droits
Les uns ont trait à l’usage de la clôture et les autres, spécifiques aux murs, ont trait à
son rehaussement.
Par rapport à l’usage de la clôture, on peut citer :
- Le droit de se partager les fruits de la haie mitoyenne ;

27
- Le droit exclusif d’usage pour chaque propriétaire sur sa façade de la clôture ;
- Le droit d’utiliser le mur jusqu'à la moitié de son épaisseur.
Par rapport au rehaussement des murs, la loi permet à un des copropriétaires du mur
de surélever celui-ci. Il doit le faire à ses frais, le cas échéant en recommençant tout le mur si
par exemple l’ancienne fondation ne peut pas supporter la nouvelle hauteur. Pour cela, il n'a
pas besoin du consentement du voisin. Mais, ce dernier pourra, s'il le désire, acquérir la
mitoyenneté sur la partie supplémentaire dans les mêmes conditions que s'il s'agissait
d'acquérir la mitoyenneté à l’origine.

b - Les obligations
La principale obligation du copropriétaire mitoyen est la contribution à l'entretien de la
clôture (réparation, reconstruction etc…). On parle de charges mitoyennes. Il ne peut s’en
affranchir qu'en renonçant à la copropriété de la clôture. Cette faculté de renonciation ne peut
être exercée qu’à condition :
- Que le mur ne soutienne pas un bâtiment appartenant à l’abandonnateur ;
- Que la réparation ne lui soit pas imputable ;
- Que l’abandon se fasse par un acte authentique.
L’abandon est refusé si la clôture est un fossé servant à l’écoulement des eaux car,
bien qu'ayant renoncé à son droit, le voisin continuera d'en bénéficier.

SECTION 2 : LA PROPRIETE APPARENTE

Il peut arriver que tout le monde considère une personne comme propriétaire d'un bien
alors qu'en réalité elle ne l’est pas. Cela signifie que tout le monde a commis une erreur sur sa
qualité de propriétaire. Ce type de propriétaire est appelé propriétaire apparent. Si cette
personne a cédé le bien à un tiers de bonne foi, est ce que le véritable propriétaire peut faire
tomber cette convention? En principe, la réponse doit être affirmative pour au moins deux
raisons: en premier lieu, le caractère exclusif du droit de propriété donne au propriétaire, le
pouvoir de méconnaitre tout acte accompli sur la chose par un tiers ; en plus, on affirme
généralement en Droit, « personne ne peut transférer un droit qu'il n'a pas » (Nemo dat quod
non Habet).
Contre ces deux arguments, on relève que s'il faut permettre au propriétaire véritable de
faire annuler les actes du propriétaire apparent, on portera un coup sérieux à la sécurité des
transactions. C’est pour éviter ces inconvénients que la jurisprudence a décidé que « l’erreur
commune crée le droit». En d’autres termes, l'erreur que tout le monde commettrait sur la
qualité de véritable propriétaire d'une personne crée le droit en faveur du tiers qui contracte
avec lui. En latin, on dira error communis facit jus. Cette théorie sacrifie le propriétaire véritable
au profit du tiers acquéreur du bien. Mais, ce sacrifice se fait à des conditions précises
(Paragraphe 1) et le véritable propriétaire est toujours indemnisé (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions de la théorie de l’apparence

Quatre conditions sont exigées pour que l'apparence crée le droit au profit du tiers
acquéreur :
-L’acte de transfert doit être un acte à titre onéreux. L'annulation d'un acte gratuit
n'entrainerait pas chez l'acquéreur, un dommage aussi important que l'annulation d'un acte à

28
titre onéreux ;
- Le tiers acquéreur doit être de bonne foi. Il faut que le tiers ait cru acquérir du
propriétaire véritable. Cette bonne foi est présumée ;
- Il faut que l’erreur soit commune. Autrement dit, l’erreur individuelle ne suffit pas. Le
tiers acquéreur doit démontrer que chacun aurait pu se tromper à sa place;
- Il faut que l'erreur soit invincible, c'est-à-dire être de nature à tromper même le type
idéal d'homme rompu aux affaires.
Lorsque ces quatre conditions sont réunies, le tiers acquéreur voit son droit conforté. Il
importe peu que dès lors que le propriétaire apparent soit lui-même de bonne ou de mauvaise
foi. Cette théorie s'applique aussi bien aux meubles qu'aux immeubles.

Paragraphe 2 : Les effets de la théorie de l’apparence

Ils s'apprécient dans les rapports conflictuels qui vont se créer à la suite de l'acte
d'aliénation.
Le premier rapport est celui entre le propriétaire véritable et le tiers acquéreur. Nous
avons déjà dit que le premier perd son droit au profit du second. Ainsi, les actes du propriétaire
apparent seront consolidés. On dit alors que l'apparence crée le droit.
Le second rapport est celui entre le propriétaire véritable et le propriétaire apparent. Ici,
la maxime « error communis» ne joue pas. Il y a une reddition de comptes dont les modalités
dépendent de la bonne ou de la mauvaise foi du propriétaire apparent.
S'il est de bonne foi, il restitue au propriétaire véritable la chose ou le prix de la chose
s'il l'a vendue même si ce prix est inférieur à la valeur du bien. Il conserve les fruits
conformément aux articles 549 et 550 du Code civil.
S'il est de mauvaise foi, il doit restituer la chose et s'il l'a vendue, il doit rembourser la
valeur actuelle du bien, même s'il l'a vendu à un vil prix. En plus, il doit restituer les fruits
perçus et ceux qu'il a négligé de percevoir ; il pourrait même être condamné à des dommages
et intérêts si ces restitutions ne suffisent pas à réparer le préjudice subi par le propriétaire
véritable.

29
CHAPITRE 2 : LA PROPRIETE DEMEMBREE

La propriété se définit par les trois attributs que sont l’usus, le fructus et l’abusus.
Certains droits réels ne confèrent à leur titulaire que l’un ou deux de ces attributs. Il s’agit
alors des démembrements de la propriété. Leur liste est assez longue. Il s’agit d’abord de
l’emphytéose, comprise comme le droit reconnu au preneur en application d’un bail de très
long terme et qui confère à l’emphytéote l’usus, le fructus, le droit d’accession et le droit
d’acquérir au profit du fonds une servitude (le propriétaire conservant les autres droits). Il
s’agit ensuite du droit de superficie, qui est le droit accordé à une personne (appelée le
superficiaire) sur la surface d’un fonds dont le dessous appartient à un autre propriétaire
(appelé tréfoncier). Il s’agit enfin, de l’usufruit et de la nue-propriété (Section 1) ainsi que
des servitudes (Section 2) qui constituent les démembrements les plus importants dans la
pratique.

SECTION 1 : L’USUFRUIT ET LA NUE-PROPRIETE

L’usufruit et la nue-propriété sont des démembrements du droit de propriété en ce sens


qu'il s'agit d'une répartition entre deux personnes, des trois attributs du droit de propriété. Ainsi,
l'usufruitier est le titulaire de l'usus et du fructus tandis que le nu-propriétaire est le titulaire de
l'abusus. La constitution de l’usufruit fait naître automatiquement la nue-propriété (Paragraphe
1) tandis que le régime de ce démembrement ménage à la fois son titulaire et le nu-propriétaire
(Paragraphe 2). En outre, lorsqu’il s’éteint, il entraîne une mutation de la nue-propriété en
propriété entière (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 : La constitution de l’usufruit

L’usufruit est constitué selon certaines modes (A) et il peut revêtir deux principales
modalités (B).

A- Les modes de constitution de l'usufruit

Aux termes de l’article 579 du code civil, l’usufruit peut résulter de :


- La volonté
Ici, l'usufruit résulte d'un acte juridique (convention ou testament), lequel doit obéir aux
formes exigées pour l'objet d'un tel acte. Si par exemple le bien objet de l'usufruit et de la nue-
propriété est un immeuble, l'acte juridique y relatif doit être notarié. Quand l’usufruit est
constitué entre vifs et donc par convention, deux procédés sont utilisés :
* la constitution par translation : le propriétaire de la chose transfert l’usufruit de cette
chose à son cocontractant.
* la constitution par voie de réserve : le propriétaire de la chose la vend en se réservant
l'usufruit. Il ne cède donc que la-nue-propriété et conserve pour lui l'usufruit par déduction.

- La loi
II existe les usufruits légaux surtout dans les domaines familial et successoral. C'est par
exemple le cas :
* de l'usufruit du conjoint survivant sur la succession du conjoint prédécédé, si ce

30
conjoint n'est pas appelé en pleine propriété (art. 762 du code civil) ;
* de l'usufruit accordé aux ascendants lorsque dans une ligne successorale, il n'existe
que des collatéraux ordinaires (art. 553 du code civil) ;
* du droit de jouissance accordé aux père et mère sur les biens de leurs enfants mineurs.

B- Les modalités de l’usufruit

L'usufruit peut être solidaire c'est à dire qu'il est constitué conjointement au profit de
plusieurs personnes. Exemple : usufruit des père et mère ; usufruit de deux époux qui ont cédé
la nue-propriété d'un bien commun.
L'usufruit peut être constitué à terme c'est à dire pour un temps plus ou moins long.
Cependant, deux précisions doivent être apportées :
- L’usufruit est un droit viager. Lorsqu’il bénéficie à une personne physique, il s'éteint
nécessairement à la mort de son titulaire. En conséquence, si ce décès survient avant l'arrivée
du terme, l'usufruit s'éteint.
- Lorsque l'usufruit est constitué au profit d'une personne morale, sa durée est d'autorité
limitée à 30 ans par l'article 619 du Code civil.

Paragraphe 2 : Le régime de l’usufruit

Il est organisé autour de l’entrée en jouissance par l’usufruitier (A) et de la situation des
parties prenantes pendant la durée de l’usufruit (B).

A- L'entrée en jouissance par l'usufruitier

Avant d’entrer en usufruit, deux précautions doivent être prises afin de garantir
l’exécution de ses obligations par l’usufruitier. Il s’agit de :
- L'inventaire des meubles et l'état des immeubles : selon l'article 600 du Code civil,
l'usufruitier doit prendre les choses dans l'état où elles se trouvent. Le recours à un notaire est
facultatif. Il suffit qu'un document écrit soit établi, qui fixe la consistance et l’état des biens
donnés à l’usufruit. Si l’usufruitier se met en jouissance sans avoir fait l'inventaire, le nu-
propriétaire peut, à titre préventif, s'opposer à cette entrée en jouissance jusqu'à ce que
l'inventaire soit fait. En outre, à titre curatif, le nu-propriétaire peut, soit obtenir des mesures
conservatoires soit, le moment venu, prouver la consistance et l'état des biens soumis à
restitution par tous moyens, même par commune renommée.
- La caution: l'article 601 du Code civil oblige l'usufruitier à donner une caution de jouir
en bon père de famille. Cette caution légale qui doit être solvable garantit l'exécution de ses
obligations par l'usufruitier et les indemnités qu'il pourrait devoir au nu-propriétaire. S'il ne
parvient pas à fournir la caution, le nu-propriétaire peut s'opposer à l'entrée en jouissance.
L'acte constitutif de l'usufruit peut dispenser l'usufruitier de la caution ou de l'inventaire.
C’est le cas par exemple lorsque l'usufruit est constitué par déduction (un propriétaire a aliéné
la nue-propriété et conservé l'usufruit). La loi prévoit également des dispenses. C'est par
exemple le cas de l'article 601 qui exempte de la caution les père et mère pour leur usufruit sur
les biens de leurs enfants mineurs.

B- La situation des parties pendant la durée de l'usufruit


La situation de l’usufruitier (1) doit être distinguée de celle du nu-propriétaire (2).
31
1- La situation de l’usufruitier
L’usufruitier a des droits, mais aussi des obligations.
Il a le droit de disposer ou d'hypothéquer son droit tant qu'il dure ; d’exercer des actions
possessoires et une action pétitoire appelée action confessoire d'usufruit (action lui permettant
de faire reconnaitre son droit d'usufruit.) ; de jouir du bien comme le ferait le nu-propriétaire ;
de faire des actes d’administration. Exemple : consentir des baux inférieurs ou égaux à 9 ans.
A l'inverse, il a deux obligations principales :
- L'obligation de jouir en bon père de famille, c'est-à-dire comme le ferait un propriétaire
normal, soigneux et diligent. Il doit par exemple effectuer les actes de conservation que
nécessite la chose, effectuer les réparations d’entretien, etc.
- L'obligation de supporter les charges usufructuaires. L'usufruitier est tenu des charges
périodiques de la chose telles que les impôts et les taxes annuelles. Mais, il n'est pas tenu des
charges extraordinaires c’est à dire par exemple celles qui concernent le capital, les frais de
bornage ou les coûts de construction de la clôture.

2- La situation du nu-propriétaire
Le nu-propriétaire peut disposer de la chose ou l'hypothéquer. Il peut également exercer
des actions possessoires (il est possesseur par l'entremise de l'usufruitier). II a aussi un droit de
surveillance contre l'usufruitier. Il peut même accomplir des actes conservatoires sur la chose
sans toutefois s'immiscer dans la gestion. Il a enfin le droit aux produits de la chose.
Comme obligations, il supporte les charges extraordinaires et les grosses réparations.
Exemple : réparation des murs et voutes, rétablissement des poutres, couvertures entières,
digues, clôtures, etc.

Paragraphe 3: L'extinction de l'usufruit


L’extinction de l’usufruit repose sur un certain nombre de causes (A) et produits de
nombreux effets (B).

A- Les causes d’extinction de l’usufruit

L’usufruit a une cause normale d'extinction (1), mais il peut également s’éteindre pour
d’autres raisons (2).

1- La cause normale : l'arrivée du terme


L'usufruit à un caractère viager. II s'éteint donc avec la mort de l'usufruitier, sauf à
préciser que s'il y a plusieurs bénéficiaires avec réversibilité, il prend fin qu'au décès du dernier
d'entre eux. Pour les personnes morales, l'usufruit disparait à leur dissolution. Lorsque l'usufruit
est à durée déterminée, on dit qu'il est affecté d'un terme certain. Exemple : les parties stipulent
un nombre déterminé d'années ou l'alignent sur l'âge qu’atteindra un tiers (notamment la
majorité).

2- Les autres causes d'extinction de l’usufruit

L’usufruit peut prendre fin à la suite de la disparition d’une condition pour son existence
(a) d’une déchéance pour abus de jouissance (b).

32
a- L’extinction causée par la disparition d'une condition d'existence de
l’usufruit
Dans certains cas, l'usufruit ne peut subsister parce que l'une des conditions d'existence
fait défaut. Il en est ainsi en cas de :
- Perte totale de la chose : il s'agit de la destruction matérielle de la chose ou de
l'impossibilité de l’utiliser pour l'usage auquel elle était destinée. Si la perte de la chose n'est
que partielle, l'usufruit continue sur le reste. Par exemple : si l'usufruit portait sur un troupeau
qui a péri partiellement, l'usufruit continue sur les têtes restantes.
- Non usage total pendant 30 ans (c'est la prescription extinctive) ;
- L'appropriation par un tiers possesseur : s'il s'agit d'un usufruit sur un immeuble, la
possession d'un tiers ne devrait pas l'éteindre. Par contre, s'il s'agit d'un meuble, le jeu de
l’article 2279 éteint l'usufruit ;
- Consolidation c'est-à-dire réunion sur la tête de la même personne, des deux qualités
d'usufruitier et de nu-propriétaire, par exemple à la suite d'une donation, d'un legs ou d'une
vente ;
- Résolution du droit du constituant : si le droit de celui qui constitue l’usufruit est résolu
(anéanti) par exemple par une condition ou par un terme, l’usufruit subit le même sort.
- Renonciation de l’usufruitier : cette renonciation peut être expresse ou tacite.

b- La déchéance pour abus de jouissance


II y a abus de jouissance en cas d'inexécution fautive de ses obligations par l'usufruitier
il en est ainsi dès lors que l'usufruitier a manqué à ses obligations d'une manière assez grave
pour compromettre la substance même de la chose. Exemple : il a démoli ou laissé dépérir les
bâtiments utiles ; il a arraché des arbres fruitiers. Mais, le juge peut ne pas prononcer la
déchéance. Il peut seulement ordonner des mesures intermédiaires comme une déchéance
partielle ou une indemnité.

B- Les conséquences de la cessation de l’usufruit.


Le nu-propriétaire devient pleinement propriétaire. Ce changement entraine des
redditions de comptes. Ainsi, l'usufruitier à l’obligation de restituer la chose en nature ou en
valeur. S'il est décédé, cette obligation incombe à ses héritiers. Cette obligation disparait si la
chose est perdue par cas fortuit. Il doit également restituer les fruits générés par la chose dès la
date de cessation de l'usufruit. En retour, il a droit au remboursement des sommes nécessitées
par les grosses réparations qui auraient été négligées par le nu-propriétaire alors même que
celles-ci étaient nécessaires pour la continuation de l’usufruit.

SECTION 2 : LES SERVITUDES

La servitude est une restriction que la loi apporte parfois au droit des propriétaires
immobiliers. Techniquement, elle se définit comme une charge imposée à un fonds, au profit
d’un autre fonds ou de l'intérêt général. De cette définition ressortent trois éléments :
- La servitude est une charge imposée à un fonds appelé fonds servant.
- La servitude est une charge civilement organisée au profit d'un autre fonds appelé,
fonds dominant.
- La servitude peut être administrativement organisée au profit de la collectivité.
Elle peut être envisagée soit comme démembrement du droit de propriété (si on se place

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du côté du fonds dominant), soit comme une restriction au droit de propriété (si on se place du
côté du fonds servant).
En général, on classe les servitudes en prenant en compte tantôt l'intérêt du voisinage
(Paragraphe 1) tantôt l'intérêt de la collectivité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les servitudes établies dans l'intérêt du voisinage

Ce sont des servitudes qualifiées de naturelles par le Code Civil. Toutes prévues par la
loi, les unes ont trait à la terre (A) et les autres sont relatives à l'eau (B).

A- Les servitudes relatives à la terre

Certaines concernent la délimitation des terrains (1), d’autres le respect des distances
entre terrains voisins (2). Quant à la dernière, elle vise l'accès à la voie publique en cas d'enclave
(3).
1- Les servitudes relatives à la délimitation de fonds voisins
On en dénombre deux essentielles :
- Le bornage : c'est l'opération juridique consistant à déterminer les limites d'un fonds
de terre et à les matérialiser par des bornes. Il peut être amiable ou judiciaire. C'est ce dernier
cas qui en fait une servitude permettant au propriétaire de vaincre par une action en bornage, la
résistance du voisin qui refuse de borner son fonds (article 646 du Code civil).
- La clôture: selon l'article 647 du Code civil, tout propriétaire a le droit de se clore.
Mais, la clôture devient une servitude (article 643) quand le propriétaire décide de se clore et
peut obliger, à certaines conditions, son voisin à participer aux frais de construction du mur
mitoyen.

2- Les servitudes relatives au respect des distances.


Elles concernenent :
- Les plantations : les articles 671 à 673 du Code civil interdisent à un propriétaire de
planter des arbres, arbrisseaux et arbustes à l'extrême limite de son fonds. En principe, la
distance qui doit séparer la ligne limite du dernier plant doit être déterminée par l'autorité
administrative ou par les usages. A défaut, le Code prévoit qu'elle sera de 2 mètres ou de 0,5
mètres selon que le plant dépasse 2 mètres ou non. En cas de violation de ces distances, le
propriétaire qui subit peut soit couper lui-même les racines, ronces et brindilles et obliger le
voisin à couper les branches qui dépassent sur son fonds, soit faire arracher le plant ou le réduire
à la bonne hauteur.
- Les constructions et les dépôts nuisibles : l'article 674 du Code civil interdit au
propriétaire d’édifier près du mur voisin ou du mur mitoyen, les constructions nuisibles telles
que les fosses d'aisances, les cheminées, les forges, les étables, etc.
- Les jours et les vues
Un jour (parfois appelé jour de souffrance ou de tolérance) est une ouverture à verre
dormant c'est-à-dire ne s'ouvrant et ne laissant donc passer que la lumière et pas l'air et le
regard. Il ne permet pas de voir chez le voisin.
Une vue quant à elle est une ouverture ordinaire (exemple ; porte, fenêtre) qui laisse
passer l'air, la lumière et le regard. Elle peut être droite (si son axe fictivement prolongé aboutit
sur le fonds voisin) ou oblique (si elle ne permet de voir chez le voisin qu'en se penchant ou en

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regardant de côté).
Leur régime varie selon qu'on est en présence d'un mur mitoyen ou d'un mur privatif.
Sur un mur mitoyen, il est interdit de pratiquer un jour ou une vue sans le consentement
du voisin copropriétaire.
Sur un mur privatif, il faut distinguer deux hypothèses :
Si le mur est à la limite des deux fonds, le propriétaire peut ouvrir des jours à conditions
de le faire à au moins 2,60 mètres au-dessus du sol (pour le rez-de-chaussée) et 1,90 mètres du
plancher pour les étages et d’utiliser un verre dormant fixé sur un châssis derrière une grille
métallique à maille de 10 cm maximum ;
Si le mur est en retrait, on peut y faire des jours et des vues si, entre le parement
extérieur de ce mur et la ligne séparative des deux fonds, il y a une distance d'au moins 1,90
mètre pour les vues droites et 0,60 mètre pour les vues obliques.
Cependant, ces règles qui visent à protéger l'intimité du voisin admettent des
tempéraments. Par exemple, si l'ouverture donne sur un toit ou sur un mur plein ou si elle
surplombe une parcelle du domaine public, elle peut être librement pratiquée.

3- La servitude de passage en cas d'enclave


II ressort des articles 682 et suivants que le propriétaire d'un fonds enclavé est fondé à
réclamer un passage à charge d'indemnité.
Un fonds est enclavé lorsqu'il n'a pas d'issue (enclave totale) ou lorsqu'il n'a qu'une issue
insuffisante (enclave partielle) sur la voie publique. Il peut même arriver qu'un passage autrefois
suffisant devienne insuffisant, notamment lorsque le propriétaire du fonds enclavé change
d'activité. Dans toutes les hypothèses, le passage peut être demandé ou agrandi, que le fonds
soit bâti ou non, clos ou non. Cette servitude s'étend aux canalisations souterraines et au passage
aérien pour l'utilisation optimale du fonds enclavé. Le passage doit cependant être pris du côté
ou le trajet est le plus court pour atteindre la voie publique et, à défaut, à l' endroit le moins
dommageable pour le fonds servant.
Quant à l’indemnité, elle vise à compenser uniquement le préjudice subi par le
propriétaire du fonds servant. Elle est fixée à l'amiable ou à défaut par le juge. Enfin, il faut
relever qu’un changement de passage peut être demandé par le propriétaire du fonds dominant
ou par celui du fonds servant. Si l'enclave vient à cesser, pour quelle que cause que ce soit
(construction d’une nouvelle route, acquisition du fonds dominant par le propriétaire du fonds
servant, etc.), la servitude disparait.

B- Les servitudes relatives à l'eau


Elles sont essentiellement au nombre de deux :
- La servitude d’égout des toits : le propriétaire doit construire son toit de sorte que les
eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique. II ne peut diriger celle-ci
directement sur le fonds voisin. En outre, il doit prendre des précautions pour éviter que les
eaux de pluie qui tombent de son toit nuisent au voisin, notamment par affouillement.
- La servitude d'écoulement des eaux : le fonds situé à une hauteur inférieure est tenu
de recevoir les eaux qui coulent naturellement du fonds supérieur c'est-à-dire celles qui coulent
sans intervention de l'homme. Cette servitude concerne les eaux de source et de pluie, à
l’exclusion des eaux ménagères. Elle ne joue pas si la supériorité du fonds dominant est
artificielle.

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Toutes ces servitudes sont établies dans l'intérêt du voisinage. Elles s’éteignent par
l'impossibilité d'exercer la servitude, la perte de la chose (exemple : le fonds servant est intégré
au domaine public) ou par la confusion (exemple : le propriétaire du fonds dominant a acquis
le fonds servant).

Paragraphe 2 : Les servitudes établies dans l'intérêt de la collectivité

Lorsqu'une charge foncière est imposée à un propriétaire au profit de l’intérêt général,


on dit qu'il s'agit d'une servitude d'utilité publique.
En réalité, leur étude relève surtout du droit public. C'est pourquoi, on n’en relèvera que
quelques-unes :
- La servitude de voirie : ce sont des restrictions imposées au propriétaire pour l’usage
des voies publiques généralement destinées à faciliter la circulation routière ; c’est notamment
le cas des servitudes de reculement en vue de l'alignement, frappant les riverains des routes.
C'est aussi le cas, de certaines servitudes relatives à l’aviation civile qui interdisent de bâtir ou
qui limitent la hauteur des bâtiments et des arbres généralement dans les alentours des aéroports.
- Les servitudes d'urbanisme : celles-ci s'expliquent par l'hygiène, l'esthétique ou
simplement le plan d’urbanisme. II s'agit de certaines contraintes de construction (exemple : on
impose un certain plan) ou d'implantation (exemple : on impose une zone déterminée aux
industries).
En général, toutes les fois où les nécessités de sécurité, de salubrité et de développement
l'exigent, l'Etat peut créer une servitude.

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