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Equipe pédagogique :
▪ Documents :
1) Schéma de l’organisation juridictionnelle
2) Tableau simplifié de présentation des juridictions judiciaires
3) Schéma simplifié du cheminement juridictionnel d’une affaire
4) Exemples d’arrêts de la Cour de cassation
5) La classification des décisions de la Cour de cassation
6) Le nouveau mode de rédaction des décisions de la Cour et la motivation en forme développée
7) J.Y. Frouin, « La construction formelle et intellectuelle d’un arrêt », LPA 25 janvier 2007, n°19, p. 15.
8) Méthode du commentaire d’arrêt
9) Comprendre et lire le code
10) Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile (sur moodle)
▪ Exercices :
1) Vocabulaire :
Faits, espèce, qualification juridique, procédure, action en justice, requête, assignation, demande
introductive d’instance, interjeter appel, partie, demandeur, défendeur, intimé, appelant, juridiction,
juridictions du fond, juridiction de droit commun, juridiction d’exception, taux de compétence, taux de
ressort, tribunal, chambre, jugement, arrêt, décision, moyen, motifs, pourvoi en cassation, cassation,
cassation partielle, renvoi, rejet, cas d’ouverture à cassation, violation de la loi, défaut de base légale, visa,
branche de moyen, attendu, statuer en premier et dernier ressort, voie de recours, dispositif, arrêt de
principe, arrêt d’espèce, jurisprudence, revirement de jurisprudence.
2) Exercices de manipulation du Code civil, en séance.
3) Analyse d’arrêts, en séance.
Pour cette première séance de TD, vous devez lire l’ensemble des documents et rechercher le vocabulaire.
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*N’apparaissent pas les juridictions pour mineurs et le tribunal paritaire des baux ruraux.
2) Tableau simplifié des juridictions judiciaires :
Contrôle (Pourvoi)
Cour de cassation
Cette juridiction ne juge pas l'affaire une troisième fois. Elle vérifie que les lois ont été correctement appliquées
par les tribunaux et les cours d'appel. Il y a une Cour de cassation pour toute la République car son rôle est de
faire en sorte que la loi soit appliquée de la même manière sur tout le territoire.
3) Schéma simplifié du cheminement juridictionnel d’une affaire
4) Exemples d’arrêts de la Cour de cassation
Références de l’arrêt
Cour de cassation Chambre civile 1, 4 juillet 2006,
Formation de la Cour de cassation, date
N°05-17.883, Publié au bulletin
n° de pourvoi, publication au bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu les articles 373-2 et 373-2-11-3 du code civil ; Visa
Attendu qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents et, lorsqu’ils sont Chapeau
séparés, d’entretenir des relations personnelles avec chacun d’eux ; qu’à cette fin, tout Facultatif, le chapeau développe le
changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de principe juridique issu des textes énoncés
l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre dans le visa.
parent ; que le juge, lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit
notamment prendre en considération l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et
respecter les droits de l’autre ;
Attendu que des relations entre M. X… et Mme Y… sont nés deux enfants, Marvyn le 10 mai Faits
1994 et Mélina le 19 août 2000 ;
que Mme Y… a quitté le domicile commun de juin 2003 à décembre 2003 en laissant les enfants
au père ; que le 9 janvier 2004, après quelques semaines de reprise de la vie commune, Mme
Y… est partie avec les enfants à l’insu de M. X… pour s’établir en Nouvelle-Calédonie, sans
laisser d’adresse ;
que par ordonnance du 9 mars 2004, le juge aux affaires familiales a rappelé que l’autorité Procédure antérieure
parentale sur les enfants mineurs était exercée par les deux parents, fixé la résidence des enfants
chez le père et le droit de visite et d’hébergement de la mère, fait interdiction à Mme Y… de
sortir les enfants du territoire national sans l’autorisation du père et ordonné l’inscription de cette
interdiction sur le passeport de Mme Y… ; que Mme Y… a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que pour fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère et accorder au père Motivation de la décision attaquée
un droit de visite et d’hébergement s’exerçant un mois par an, du 1er au 31 janvier pendant les Motifs censurés
vacances scolaires, l’arrêt énonce que si l’on peut regretter la décision secrète et unilatérale de
Mme Y… d’aller s’établir aux antipodes avec ses enfants, il n’en demeure pas moins qu’au
regard de l’intérêt des enfants, qui seul doit être pris en compte par la cour, ceux-ci sont bien
intégrés socialement et au plan scolaire à Poindimie ainsi que cela ressort de très nombreuses
attestations versées aux débats ; qu’après une période de doute, Mme Y… a retrouvé l’assurance
et la stabilité qui lui sont nécessaires pour assumer ses obligations éducatives et que seule la
certitude de pouvoir offrir aux enfants des conditions de vie indiscutablement meilleures chez
leur père pourrait justifier un retour de ceux-ci chez M. X… ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le comportement de la mère ne traduisait pas Motivation de la Cour de cassation
son refus de respecter le droit des enfants à entretenir des relations régulières avec leur père, la Motif de censure
cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : Dispositif
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 avril 2005, entre les Solution de la Cour de cassation
parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état Dans un arrêt de cassation, elle censure
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel la décision attaquée
de Rennes, autrement composée ;
Références de l’arrêt
Assemblée plénière, 29 octobre 2004, Formation de la Cour de cassation, date,
n° 03-11238, Publié au bulletin n° de pourvoi, publication au bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 900, 1131 et 1133 du Code civil ; Visa
Attendu que n'est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité Chapeau
consentie à l'occasion d'une relation adultère ; Facultatif
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Première Chambre civile, 25 Faits et procédure antérieure
janvier 2000, pourvoi n° D 97-19.458) que Jean X... est décédé le 15 janvier 1991 après avoir
institué Mme Y... légataire universelle par testament authentique du 4 octobre 1990 ; Remarque : il n’est pas rare que faits et
que Mme Y... ayant introduit une action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille, procédure soient mêlés.
Mme Micheline X..., ont sollicité reconventionnellement l'annulation de ce legs ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du legs universel, l'arrêt retient que celui-ci, qui n'avait Motivation de la décision attaquée
"vocation" qu'à rémunérer les faveurs de Mme Y..., est ainsi contraire aux bonnes mœurs ; Motifs censurés
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Motivation de la Cour de cassation
Motif de censure
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : Dispositif
Solution de la Cour de cassation
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2002, entre les Dans un arrêt de cassation, elle censure
parties, par la cour d'appel de Paris ; la décision attaquée
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt
et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles
Références de l’arrêt
Cour de cassation Chambre civile 1 Formation de la Cour de cassation,
Audience publique du 24 février 2006 date,
n° de pourvoi, publication au
bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... et Mme Y... vivent ensemble depuis 1989 et ont conclu un pacte civil de Faits
solidarité le 28 décembre 1999 ; que Mme X... est la mère de deux enfants dont la filiation paternelle
n'a pas été établie, Camille, née le 12 mai 1999, et Lou, née le 19 mars 2002 ;
Sur le premier moyen et sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les Procédure
conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile : Moyens au pourvoi
Attendu que le procureur général près la cour d'appel d'Angers fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, C’est l’argumentation du
11 juin 2004) d'avoir délégué partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X... demandeur au pourvoi, ce en quoi
est seule titulaire et d'avoir partagé entre elles cet exercice partiellement délégué, alors, selon le il considère que la décision
premier moyen, que l'article 377 du Code civil subordonne la délégation volontaire de l'autorité attaquée n’a pas respecté le droit.
parentale d'un des parents au profit d'un tiers à l'existence de circonstances particulières (…), et alors Attention, cela n’est pas la Cour de
qu'a été relevé d'office un moyen concernant la question de savoir si l'exercice de l'autorité parentale cassation qui parle ici.
dont un parent est seul titulaire peut être délégué en tout ou partie, à sa demande, à une personne de
même sexe avec laquelle il vit en union stable et continue ; Ici, on a un exemple de moyen
relevé d’office par la Cour de
cassation (elle soulève elle-même
une question de droit).
Mais attendu que l'article 377, alinéa 1er, du Code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule Motivation de la Cour de
titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit cassation
en union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à C’est l’argumentation de la Cour
l'intérêt supérieur de l'enfant ; de cassation. Elle rappelle la règle
Attendu qu'ayant relevé que Camille et Lou étaient décrites comme des enfants épanouies, équilibrées de droit et l’applique au fait.
et heureuses, bénéficiant de l'amour, du respect, de l'autorité et de la sérénité nécessaires à leur
développement, que la relation unissant Mme X... et Mme Y... était stable depuis de nombreuses années Dans les arrêts de rejet, la Cour de
et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants et que cassation peut simplement
l'absence de filiation paternelle laissait craindre qu'en cas d'événement accidentel plaçant la mère, approuver la motivation de la Cour
astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, d’appel ou ajouter une motivation
Mme Y... ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle avait toujours eu propre.
aux yeux de Camille et de Lou, la cour d'appel a pu décider qu'il était de l'intérêt des enfants de Il peut également arriver que la
déléguer partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X... est seule titulaire et Cour de cassation approuve la
de le partager entre elles ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; solution de la Cour d’appel mais en
substituant une motivation distincte.
PAR CES MOTIFS : Dispositif
REJETTE le pourvoi ; Solution de la Cour de cassation
Dans un arrêt de rejet, elle
approuve la décision attaquée.
Pour mémoire, le « P » visait les arrêts publiés au Bulletin de la Cour ayant une portée doctrinale, soit par la nouveauté de la
solution, soit par une évolution de l’interprétation d’un texte au regard de la jurisprudence antérieure, soit enfin parce que la
Cour n’avait pas publié cette solution depuis longtemps et qu’elle entendait manifester la constance de sa position. Les
sommaires de ces arrêts étaient également publiés, ainsi que leur titrage.
Les arrêts classés « R » sont les arrêts dont la portée doctrinale est plus forte que les précédents. Ils sont analysés au rapport
annuel de la Cour de cassation.
Le siglage « I » permettait une mise en ligne de l’arrêt le jour même sur le site internet de la Cour.
Dans un double but de clarification et de simplification, il a été décidé de faire évoluer le siglage des arrêts en « B » et « R »
au regard de leur portée jurisprudentielle, et « L » et « C » pour préciser qu’il s'agit d’arrêts pour lesquels la Cour de cassation
souhaite communiquer plus largement.
Le « B » vise les arrêts publiés au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Il correspond à l’ancien « P ».
Le « R » continue de viser les arrêts qui sont publiés et commentés dans le Rapport annuel d’activité de la Cour de cassation.
Le « L » pour Lettres de chambre et le « C » pour Communiqué, à usage interne de la Cour de cassation, sigles de la communication,
englobent, en étant plus large, l’ancien « B » et l’ancien « I ».
Ainsi, depuis le 15 juin, seules les classifications « B » ou « B/R » ont vocation à hiérarchiser les arrêts de la Cour de
cassation. Elles sont les seules à figurer sur la minute des arrêts et sont accessibles par le moteur de recherche de
jurisprudence du site internet.
À des fins de communication, certains arrêts sont diffusés dans les Lettres de chambre « L » et/ou font l’objet d’un
communiqué de presse « C », parfois d’une notice explicative.
Les lettres de chambres ont vocation à présenter de manière concise et pédagogique une sélection d’arrêts récents de chacune
des chambres de la Cour. Les lettres de chambres présentent aussi bien les arrêts déterminants au plan du droit que
des décisions de moindre portée juridique.
Les arrêts susceptibles d’avoir une forte incidence sur la vie quotidienne des citoyens, un fort impact social ou
économique, ou encore qui font écho à l’actualité ou à un sujet émergent, peuvent donner lieu à une communication
immédiate à destination du grand public, livrant de façon synthétique le sens de la décision.
C’est ainsi qu’un arrêt ayant une portée normative importante et qui est susceptible d’avoir une grande incidence sur la vie
quotidienne des citoyens peut être siglé « B » et « R » sur la minute de l’arrêt, tout en faisant l’objet d’une communication
plus large dans une lettre de chambre « L » et dans un communiqué « C ».
6) Le nouveau mode de rédaction des décisions de la Cour et la motivation en forme développée
7) J.Y. Frouin, « La construction formelle et intellectuelle d’un arrêt », LPA 25 janvier 2007, n°19, p. 15.
En douterait-on, les arrêts de la Cour de cassation sont rédigés, et doivent l'être en tout cas, pour être compris 1.
Il y a à cela plusieurs évidentes raisons :
_ la première, c'est qu'il s'agit de décisions de justice qui apportent une solution définitive (arrêt de rejet) ou une évolution
possible (arrêt de cassation) à un litige particulier et que, directement ou par l'intermédiaire de leurs conseils, les parties au
litige doivent être en mesure d'en percevoir le sens et d'en comprendre les motifs ;
_ la deuxième, c'est que la Cour de cassation a pour fonction d'unifier la jurisprudence de toutes les juridictions du fond en
posant les principes selon lesquels doivent être interprétées et appliquées les dispositions légales et qu'elle ne peut assurer sa
fonction unificatrice que si ses arrêts sont compris de ceux qui sont chargés d'en faire application ou d'en rendre compte
(juges du fond et doctrine) ;
_ la troisième raison, qui est le corollaire de la précédente mais vient singulièrement la renforcer, c'est que la jurisprudence,
et notamment celle de la Cour de cassation, est devenue une véritable source de droit et a pris une importance primordiale
dans la production des normes juridiques. « L'essentiel du droit civil français, nous dit Jacques Ghestin 2, spécialement le
droit des contrats et de la responsabilité, résulte actuellement des arrêts de la Cour de cassation ». On peut certainement en
dire autant du droit social, et du reste le pouvoir politique en a pris acte puisqu'il a demandé aux organes chargés de la
recodification du Code du travail d'y intégrer « les éléments de nature jurisprudentielle », ce qui est la reconnaissance, et
même la consécration, du caractère prétorien du droit du travail. Mais cela étant, c'est une raison de plus pour que les arrêts
de la Cour de cassation soient connus et compris puisque la fonction sociale du droit, avant de servir à trancher les litiges,
c'est tout de même de les prévenir en posant les règles que chacun est tenu de suivre dans la vie sociale.
Alors, qu'en est-il de la bonne ou mauvaise compréhension des arrêts de la Cour de cassation, de leur intelligibilité, de leur
lisibilité ? Ce n'est pas à nous qu'il revient ici de répondre à cette question.
En revanche, ce qui est vrai _ et c'est tout l'intérêt du débat ouvert par Jacques Ghestin 3 et qui sert de prétexte à ce colloque
_ c'est qu'il existe à la Cour de cassation « une dogmatisation du raisonnement, une normalisation de la présentation des
moyens et du mécanisme d'examen des pourvois, une codification de la construction et de la sémantique des arrêts » 4, bref
toute une casuistique 5 ou si l'on veut des clés de compréhension des arrêts, sans la possession desquelles ceux-ci peuvent
demeurer incompris ou être mal compris.
Ce sera l'objet d'une première partie consacrée à la construction formelle d'un arrêt, et donc à la technique de cassation, que
de rappeler dans le détail l'ensemble de ces éléments sans la connaissance préalable desquels le déchiffrement d'un arrêt peut
demeurer vain et son interprétation sujette à erreur. Après quoi, on reviendra quelques instants sur ce qui relève davantage
de la construction intellectuelle des arrêts, c'est-à-dire au fond sur la question de la rédaction proprement dite des arrêts et
de leur motivation.
Paradoxalement, il y a beaucoup moins à dire sur la construction intellectuelle d'un arrêt, ne serait-ce que parce que tout ce
que l'on a pu dire de la construction formelle d'un arrêt participe évidemment de sa construction intellectuelle.
Il s'agit juste ici de dire quelques mots relativement au style et à la motivation des arrêts en rappelant d'abord succinctement
_ car elles sont bien connues _ les règles générales qui y président, en montrant ensuite en quoi ces règles sont appliquées
en considération d'une certaine intention, d'un certain but de la Cour de cassation, en se demandant enfin _ ce qui tiendra
lieu de conclusion - quelles sont les principales raisons pour lesquelles des arrêts peuvent être mal compris de leurs lecteurs,
même les plus avertis.
Un commentaire d’arrêt consiste à analyser et critiquer une décision de justice, à reconstituer les raisonnements juridiques
qui ont mené à cette solution. Pour parvenir à ce résultat, il faut suivre les étapes suivantes :
- Identifier la structure de l’arrêt : c’est la première étape nécessaire à la compréhension de l’arrêt. Il faut identifier
tous les éléments de structure de l’arrêt, qui sont :
o l’énoncé des faits,
o les différentes étapes de la procédure ayant précédé la décision rendue,
o le contenu de la décision attaquée (solution et motifs),
o le ou les moyens développés par le demandeur au pourvoi,
o les motifs sur lesquels se fondent la Cour de cassation pour rendre sa décision,
o le dispositif,
o l’éventuel visa,
o les éventuels chapeaux intérieurs ou en tête d’arrêt.
- Identifier le problème de droit : le problème de droit désigne la question à laquelle la Cour de cassation doit
répondre. Dans tout litige porté devant la Cour de cassation, la question posée à la Cour de cassation est : le juge
du fond (la cour d’appel, bien souvent) a-t-il bien jugé ? Vous devez préciser cette question compte tenu des
éléments de l’arrêt : la solution de la décision faisant l’objet d’un pourvoi et les motifs de la juridiction de fond, d’un
côté, et les moyens du pourvoi, de l’autre côté. C’est en confrontant ces différents éléments que vous identifierez le
point de désaccord entre le demandeur au pourvoi et la juridiction du fond et que vous déterminerez la question à
laquelle la Cour de cassation devait précisément répondre.
- Evaluer l’importance de l’arrêt par la détection d’indices purement formels. Un faisceau d’indices permet de
mesurer l’importance de l’arrêt. Il en existe deux types : d’un côté, les éléments intrinsèques, qui apparaissent dans
la décision elle-même ; d’un autre côté, les éléments extrinsèques, qui apparaissent en périphérie de la décision.
▪ Le mode de diffusion : le fait que la décision soit publiée, simplement diffusée ou inédite permet
d’évaluer l’importance de la décision (cette information n’est pas toujours disponible).
• Arrêts simplement diffusés (D) se bornent à rappeler une jurisprudence établie
• Arrêts publiés (P, B depuis 15 juin 2021) sont : ceux qui innovent, c’est-à-dire qu’ils
établissement, modifient, infléchissent une jurisprudence ; ceux qui illustrent ou rappellent
une jurisprudence déjà établie mais pas encore fixée ; ceux qui comportent un aspect
technique, notamment quant à la procédure de cassation. Les arrêts publiés peuvent être
différenciés entre :
o Ceux qui sont publiés au bulletin annuel (P ; B depuis 15 juin 2021)
o Ceux qui sont, aussi, publiés au bulletin bimensuel (P+B ; B depuis 15 juin 2021)
o Ceux qui sont publiés en plus dans le rapport annuel (P+B+R ; B+R+L depuis
15 juin 2021)
o Ceux qui sont également mis en ligne sur internet au moment où ils sont rendus
(P+B+R+I ; B+R+L depuis 15 juin 2021).
À partir de l’identification de la structure de l’arrêt et du problème de droit, il faut confectionner la fiche d’arrêt : il
s’agit de retracer l’histoire des faits ayant conduit à la solution de l’arrêt. Vous devez faire l’exposé de l’arrêt dans vos
propres mots (sauf pour les attendus caractéristiques/les chapeaux). La fiche d’arrêt comporte les éléments
suivants (dans cet ordre) :
▪ faits : il faut présenter les faits pertinents, ceux nécessaires à la compréhension du litige tranché
par les juges (par exemple, les dates ou lieux des faits sont pertinents s’il est question
d’application de loi dans le temps ou dans l’espace). Il faut également qualifier les parties
(« Mme X. » et « M. X. » sont à bannir).
▪ problème de droit.
▪ solution de la Cour de cassation : il faut exposer le sens de la décision (le dispositif) et les motifs
(dont font partie le visa et l’attendu de principe le cas échéant).
2/ Interroger la décision
Il faut répondre à plusieurs questions dans le but de dégager le sens et la portée de l’arrêt.
- Pour dégager le sens de l’arrêt, il faut :
o Identifier les notions évoquées par la Cour de cassation et les définir.
o Identifier à quels texte, principe, règle chacune des notions se rattachent.
o Identifier les conditions d’application de chaque texte/principe/mécanisme/notion, identifier la condition
particulière qui est discutée dans l’arrêt et le motif de cassation.
Ces éléments vous permettent de reconstituer le raisonnement de la Cour de cassation. Une fois que vous avez identifié tous
ces éléments, vous devez être en mesure de reformuler la solution de la Cour de cassation et les arguments sur lesquels elle
repose avec tous les éléments de connaissance identifiés qui les sous-tendent.
3/ Construire le plan
Le plan doit correspondre à la décomposition logique de la solution de l’arrêt, il doit correspondre aux étapes du
raisonnement adopté par la Cour de cassation.
Il faut aller le plus loin possible dans la décomposition : I/II ; A/B au moins.
o la fiche d’arrêt.
o l’annonce du plan : les axes du commentaire doivent être directement issus de la décomposition de la
logique de la solution. Dès lors, immédiatement après l’explication de cette logique (dernière étape de
la fiche d’arrêt), doit suivre l’annonce des deux axes du plan (I/II). .
- Développements : ils correspondent à l’analyse de la logique de la solution : il faut expliquer la solution. Pour
être sûr de réaliser un véritable commentaire, commencez chacune de vos parties et sous-parties en parlant de
la décision, en citant des extraits. Des éléments d’analyse critique peuvent être apportés au fur et à mesure des
développements, qui consistent à répondre aux questions suivantes : la règle de droit est-elle exactement
appliquée par le juge ? Pourquoi ? Quelles sont les conséquences pratiques de la solution ? Est-elle satisfaisante
de ce point de vue ?
Les développements doivent être organisés dans un plan dont la structure doit être mise en évidence :
Exemple (NB. il n’est pas nécessaire de subdiviser le plan jusqu’aux 1./2.) :
I. Titre de la première partie
A. Titre de la première sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision
B. Titre de la deuxième sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision
Les intitulés sont courts et ne contiennent, en principe, ni verbe conjugué, ni ponctuation, ni de conjonction de coordination.
Ils doivent être aussi courts que possible. Le titre de chaque partie ou sous partie doit refléter le contenu des développements
de manière claire. Il faut absolument bannir les titres exprimant deux idées différentes.
Entre chaque décomposition (c’est-à-dire avant les sous-parties), il faut faire des chapeaux afin d’annoncer les idées de vos
sous-parties et d’expliquer leur articulation. Entre chaque partie et sous-partie, il faut faire une transition, dans le même but.
9)
Exercices
1) Vocabulaire
Retrouvez dans le code les arrêts suivants. Vous indiquerez l’article sous lequel il se trouve et vous donnerez le numéro de
paragraphe correspondant.
Attendu que la société Encore Events fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance conclu le 7 novembre
2008 pour illicéité de sa cause, alors, selon le moyen :
1°/ que les conditions de validité d'une convention s'apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu'en
estimant néanmoins que le contrat d'assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l'illicéité de l'exposition
« Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d'assurance ne résultent, au regard de l'arrêt rendu par la Cour de
cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n° 09-67.456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l'article
16-1-1 du code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d'assurance litigieux, la cour d'appel a violé les
articles 2 et 1131 du code civil ;
2°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en estimant néanmoins que la loi n° 2008-1350
du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l'entrée en vigueur du nouvel article
16-1-1 du code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
Mais attendu que le principe d'ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait
à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 d'où est issu l'article 16-1-1 du code civil ; qu'ayant relevé que le contrat
d'assurance souscrit le 7 novembre 2008 par la société Encore Events avait pour objet de garantir les conséquences de
l'annulation d'une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, la cour
d'appel en a exactement déduit que, bien qu'ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'article 16-1- 1 précité, le contrat
litigieux avait une cause illicite et, partant, qu'il était nul ;
SUR LE MOYEN D'ORDRE PUBLIC PRIS, D'OFFICE, DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 2 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE, LA LOI NE DISPOSE QUE POUR L'AVENIR ET N'A POINT
D'EFFET RETROACTIF ;
ATTENDU QU'IL RESSORT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE CIVILE
IMMOBILIERE, 18, PLACE DE LA CATHEDRALE A STRASBOURG, EST PROPRIETAIRE, DE LOCAUX A
USAGE COMMERCIAL DANS LESQUELS DAME SARKISSOF X..., DEPUIS LE 9 MARS 1954, EN VERTU D'UN
BAIL CONCLU A CETTE DATE, UN FONDS DE COMMERCE DE TAPIS, TAPISSERIES, MOQUETTES ;
QUE, VOULANT REPRENDRE LESDITS LOCAUX, LA SOCIETE BAILLERESSE, APRES AVOIR DELIVRE, LE
23 JUIN 1966, A LA LOCATAIRE, UN PREMIER CONGE AVEC OFFRE D'UNE INDEMNITE D'EVICTION, A
FAIT SIGNIFIER, LE 30 JUIN 1966, UN NOUVEAU CONGE POUR LE 31 DECEMBRE SUIVANT, EN
PRECISANT CETTE FOIS QU'ELLE REFUSAIT LE RENOUVELLEMENT DU BAIL ET LE PAYEMENT D'UNE
INDEMNITE D'EVICTION AU MOTIF QUE LA DAME Y... N'ETAIT PAS INSCRITE AU REGISTRE DU
COMMERCE ;
QUE DAME Y... QUI, IMMATRICULEE AU REGISTRE DU COMMERCE EN 1952, N'AVAIT PAS RENOUVELE
CETTE IMMATRICULATION, N'A ETE A NOUVEAU IMMATRICULEE QUE LE 5 AOUT 1966, DATE
POSTERIEURE AU SECOND CONGE MAIS ANTERIEURE A L'EXPIRATION DU BAIL ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE DECIDE QUE DAME Y... NE BENEFICIE PAS DE LA LEGISLATION
SUR LES BAUX COMMERCIAUX ET LA DEBOUTE DE SA DEMANDE EN PAYEMENT D'UNE INDEMNITE
D'EVICTION, AU MOTIF QU'A LA DATE DU CONGE DU 30 JUIN 1966 ELLE N'ETAIT PAS INSCRITE AU
REGISTRE DU COMMERCE ET QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE PREMIER DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE
1953, TEL QUE MODIFIE PAR LA LOI DU 12 MAI 1965, CETTE INSCRIPTION EST UNE CONDITION
LEGALE DU STATUT DE LA PROPRIETE COMMERCIALE ;
ATTENDU, CEPENDANT, QU'AU JOUR D'ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 12 MAI 1965, DONT SEUL
L'ARTICLE 15 (ARTICLES 35-1 A 35-6, AJOUTES AU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953) A ETE DECLARE
APPLICABLE AUX BAUX EN COURS, DAME Y... AVAIT ACQUIS, DEPUIS LE 9 MARS 1956, EN VERTU DE
LA LEGISLATION ANTERIEURE (ART 1ER, 4 ET 8 DUDIT DECRET DE 1953, DANS LEUR REDACTION
RESULTANT DES LOIS DES 31 DECEMBRE 1953 ET 5 JANVIER 1957), LE DROIT AU RENOUVELLEMENT
DU BAIL ET, EN CAS DE REFUS DE RENOUVELLEMENT, A UNE INDEMNITE D'EVICTION ;
D'OU IL SUIT QU'EN STATUANT COMME ELLE L'A FAIT, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 2 DU
CODE CIVIL, SUSVISE ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 19 NOVEMBRE 1969 ENTRE LES PARTIES, PAR
LA COUR D'APPEL DE COLMAR
3) Analyse d’arrêts
Pour les deux arrêts précédents :
I. Identifiez la structure :
- énoncé des faits,
- les différentes étapes de la procédure ayant précédé la décision rendue,
- le contenu de la décision attaquée,
- le ou les moyens développés par le demandeur au pourvoi,
- les motifs sur lesquels se fondent la Cour de cassation pour rendre sa décision,
- le dispositif,
- l’éventuel visa,
- les éventuels chapeaux intérieurs ou en tête d’arrêt.
III. Identifiez si, selon les indices purement formels, l’arrêt est important.