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UNIVERSITE TOULOUSE I – CAPITOLE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

LICENCE 1 DROIT – GROUPE 1


ANNEE UNIVERSITAIRE 2023/2024

INTRODUCTION AU DROIT PRIVE

Equipe pédagogique :

Chargée de cours : Adeline COSTES

Chargés de travaux dirigés :


Margot ARBERET
Sarah BOUZIANE
Margaux CAPPELAERE
Aima CETTOLO
Adèle HOURCADE
Clémence MAISONNAVE
Chloé MAITRE DAVID
Vincent METOIS

Séance 1 : Introduction à la méthode du commentaire d’arrêt

▪ Documents :
1) Schéma de l’organisation juridictionnelle
2) Tableau simplifié de présentation des juridictions judiciaires
3) Schéma simplifié du cheminement juridictionnel d’une affaire
4) Exemples d’arrêts de la Cour de cassation
5) La classification des décisions de la Cour de cassation
6) Le nouveau mode de rédaction des décisions de la Cour et la motivation en forme développée
7) J.Y. Frouin, « La construction formelle et intellectuelle d’un arrêt », LPA 25 janvier 2007, n°19, p. 15.
8) Méthode du commentaire d’arrêt
9) Comprendre et lire le code
10) Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile (sur moodle)

▪ Exercices :
1) Vocabulaire :
Faits, espèce, qualification juridique, procédure, action en justice, requête, assignation, demande
introductive d’instance, interjeter appel, partie, demandeur, défendeur, intimé, appelant, juridiction,
juridictions du fond, juridiction de droit commun, juridiction d’exception, taux de compétence, taux de
ressort, tribunal, chambre, jugement, arrêt, décision, moyen, motifs, pourvoi en cassation, cassation,
cassation partielle, renvoi, rejet, cas d’ouverture à cassation, violation de la loi, défaut de base légale, visa,
branche de moyen, attendu, statuer en premier et dernier ressort, voie de recours, dispositif, arrêt de
principe, arrêt d’espèce, jurisprudence, revirement de jurisprudence.
2) Exercices de manipulation du Code civil, en séance.
3) Analyse d’arrêts, en séance.

Pour cette première séance de TD, vous devez lire l’ensemble des documents et rechercher le vocabulaire.
Documents

1) Schéma simplifié de l’organisation juridictionnelle :

*N’apparaissent pas les juridictions pour mineurs et le tribunal paritaire des baux ruraux.
2) Tableau simplifié des juridictions judiciaires :

Premier Jugement – Juridiction du premier degré – 1ère instance


Juridictions civiles Juridictions spécialisées Juridictions pénales
Tribunal judiciaire Conseil de prud'hommes Cour d'assises
Litiges entre salariés ou Crimes (infractions les plus graves)
apprentis et employeurs passibles de la réclusion jusqu'à la
portant sur le respect des perpétuité
contrats de travail ou
d'apprentissage Cour criminelle
départementale
Crimes passibles de 15 ou 20 ans
de réclusion criminelle
Tribunal de commerce Tribunal correctionnel
Litiges entre commerçants ou Délits passibles d'emprisonnement
sociétés commerciales jusqu'à 10 ans et d'autres peines
(amendes, peines
complémentaires, travail d'intérêt
général)
Tribunal paritaire des Tribunal de police
baux ruraux
Litiges entre propriétaires et Contraventions de cinquième
exploitants de terre ou de classe passible d'amendes. Il statue
bâtiments agricoles à un juge unique et siège au tribunal
d'instance.
À compter du 1er juillet 2017, les
contraventions seront jugées par le
tribunal de police, transféré au
tribunal de grande instance.

Juridictions pour mineurs


Juge des enfants Tribunal pour enfants Cour d'assises des mineurs
Prend des mesures de Délits commis par les Crimes commis par des mineurs de
protection à l'égard des mineurs. Crimes commis par plus de 16 ans
mineurs en danger. Juge les mineurs de moins de 16
les infractions commises ans
par des mineurs

Appel – 2ème degré de juridiction


Cour d'appel
Lorsqu'une ou plusieurs personnes ne sont pas satisfaites du premier jugement, elles peuvent faire appel. La Cour
d'appel réexamine alors l'affaire.
Depuis le 1er janvier 2001, les verdicts des cours d'assises peuvent faire l'objet d'un appel devant une nouvelle
cour d'assises composée de 3 juges professionnels et de 12 jurés.

Contrôle (Pourvoi)
Cour de cassation
Cette juridiction ne juge pas l'affaire une troisième fois. Elle vérifie que les lois ont été correctement appliquées
par les tribunaux et les cours d'appel. Il y a une Cour de cassation pour toute la République car son rôle est de
faire en sorte que la loi soit appliquée de la même manière sur tout le territoire.
3) Schéma simplifié du cheminement juridictionnel d’une affaire
4) Exemples d’arrêts de la Cour de cassation

Exemples d’arrêts de cassation

Références de l’arrêt
Cour de cassation Chambre civile 1, 4 juillet 2006,
Formation de la Cour de cassation, date
N°05-17.883, Publié au bulletin
n° de pourvoi, publication au bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu les articles 373-2 et 373-2-11-3 du code civil ; Visa
Attendu qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents et, lorsqu’ils sont Chapeau
séparés, d’entretenir des relations personnelles avec chacun d’eux ; qu’à cette fin, tout Facultatif, le chapeau développe le
changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de principe juridique issu des textes énoncés
l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre dans le visa.
parent ; que le juge, lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit
notamment prendre en considération l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et
respecter les droits de l’autre ;
Attendu que des relations entre M. X… et Mme Y… sont nés deux enfants, Marvyn le 10 mai Faits
1994 et Mélina le 19 août 2000 ;
que Mme Y… a quitté le domicile commun de juin 2003 à décembre 2003 en laissant les enfants
au père ; que le 9 janvier 2004, après quelques semaines de reprise de la vie commune, Mme
Y… est partie avec les enfants à l’insu de M. X… pour s’établir en Nouvelle-Calédonie, sans
laisser d’adresse ;
que par ordonnance du 9 mars 2004, le juge aux affaires familiales a rappelé que l’autorité Procédure antérieure
parentale sur les enfants mineurs était exercée par les deux parents, fixé la résidence des enfants
chez le père et le droit de visite et d’hébergement de la mère, fait interdiction à Mme Y… de
sortir les enfants du territoire national sans l’autorisation du père et ordonné l’inscription de cette
interdiction sur le passeport de Mme Y… ; que Mme Y… a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que pour fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère et accorder au père Motivation de la décision attaquée
un droit de visite et d’hébergement s’exerçant un mois par an, du 1er au 31 janvier pendant les Motifs censurés
vacances scolaires, l’arrêt énonce que si l’on peut regretter la décision secrète et unilatérale de
Mme Y… d’aller s’établir aux antipodes avec ses enfants, il n’en demeure pas moins qu’au
regard de l’intérêt des enfants, qui seul doit être pris en compte par la cour, ceux-ci sont bien
intégrés socialement et au plan scolaire à Poindimie ainsi que cela ressort de très nombreuses
attestations versées aux débats ; qu’après une période de doute, Mme Y… a retrouvé l’assurance
et la stabilité qui lui sont nécessaires pour assumer ses obligations éducatives et que seule la
certitude de pouvoir offrir aux enfants des conditions de vie indiscutablement meilleures chez
leur père pourrait justifier un retour de ceux-ci chez M. X… ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le comportement de la mère ne traduisait pas Motivation de la Cour de cassation
son refus de respecter le droit des enfants à entretenir des relations régulières avec leur père, la Motif de censure
cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : Dispositif
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 avril 2005, entre les Solution de la Cour de cassation
parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état Dans un arrêt de cassation, elle censure
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel la décision attaquée
de Rennes, autrement composée ;

Références de l’arrêt
Assemblée plénière, 29 octobre 2004, Formation de la Cour de cassation, date,
n° 03-11238, Publié au bulletin n° de pourvoi, publication au bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 900, 1131 et 1133 du Code civil ; Visa
Attendu que n'est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité Chapeau
consentie à l'occasion d'une relation adultère ; Facultatif
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Première Chambre civile, 25 Faits et procédure antérieure
janvier 2000, pourvoi n° D 97-19.458) que Jean X... est décédé le 15 janvier 1991 après avoir
institué Mme Y... légataire universelle par testament authentique du 4 octobre 1990 ; Remarque : il n’est pas rare que faits et
que Mme Y... ayant introduit une action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille, procédure soient mêlés.
Mme Micheline X..., ont sollicité reconventionnellement l'annulation de ce legs ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du legs universel, l'arrêt retient que celui-ci, qui n'avait Motivation de la décision attaquée
"vocation" qu'à rémunérer les faveurs de Mme Y..., est ainsi contraire aux bonnes mœurs ; Motifs censurés

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Motivation de la Cour de cassation
Motif de censure
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : Dispositif
Solution de la Cour de cassation
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2002, entre les Dans un arrêt de cassation, elle censure
parties, par la cour d'appel de Paris ; la décision attaquée
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt
et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles

Exemples d’arrêts de rejet

Références de l’arrêt
Cour de cassation Chambre civile 1 Formation de la Cour de cassation,
Audience publique du 24 février 2006 date,
n° de pourvoi, publication au
bulletin
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... et Mme Y... vivent ensemble depuis 1989 et ont conclu un pacte civil de Faits
solidarité le 28 décembre 1999 ; que Mme X... est la mère de deux enfants dont la filiation paternelle
n'a pas été établie, Camille, née le 12 mai 1999, et Lou, née le 19 mars 2002 ;
Sur le premier moyen et sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les Procédure
conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile : Moyens au pourvoi
Attendu que le procureur général près la cour d'appel d'Angers fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, C’est l’argumentation du
11 juin 2004) d'avoir délégué partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X... demandeur au pourvoi, ce en quoi
est seule titulaire et d'avoir partagé entre elles cet exercice partiellement délégué, alors, selon le il considère que la décision
premier moyen, que l'article 377 du Code civil subordonne la délégation volontaire de l'autorité attaquée n’a pas respecté le droit.
parentale d'un des parents au profit d'un tiers à l'existence de circonstances particulières (…), et alors Attention, cela n’est pas la Cour de
qu'a été relevé d'office un moyen concernant la question de savoir si l'exercice de l'autorité parentale cassation qui parle ici.
dont un parent est seul titulaire peut être délégué en tout ou partie, à sa demande, à une personne de
même sexe avec laquelle il vit en union stable et continue ; Ici, on a un exemple de moyen
relevé d’office par la Cour de
cassation (elle soulève elle-même
une question de droit).
Mais attendu que l'article 377, alinéa 1er, du Code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule Motivation de la Cour de
titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit cassation
en union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à C’est l’argumentation de la Cour
l'intérêt supérieur de l'enfant ; de cassation. Elle rappelle la règle
Attendu qu'ayant relevé que Camille et Lou étaient décrites comme des enfants épanouies, équilibrées de droit et l’applique au fait.
et heureuses, bénéficiant de l'amour, du respect, de l'autorité et de la sérénité nécessaires à leur
développement, que la relation unissant Mme X... et Mme Y... était stable depuis de nombreuses années Dans les arrêts de rejet, la Cour de
et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants et que cassation peut simplement
l'absence de filiation paternelle laissait craindre qu'en cas d'événement accidentel plaçant la mère, approuver la motivation de la Cour
astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, d’appel ou ajouter une motivation
Mme Y... ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle avait toujours eu propre.
aux yeux de Camille et de Lou, la cour d'appel a pu décider qu'il était de l'intérêt des enfants de Il peut également arriver que la
déléguer partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X... est seule titulaire et Cour de cassation approuve la
de le partager entre elles ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; solution de la Cour d’appel mais en
substituant une motivation distincte.
PAR CES MOTIFS : Dispositif
REJETTE le pourvoi ; Solution de la Cour de cassation
Dans un arrêt de rejet, elle
approuve la décision attaquée.

Cour de cassation, chambre civile 1, 20 juin 2012, Références de l’arrêt


n° 11-30120, Publié au bulletin Formation de la Cour de cassation,
date,
n° de pourvoi, publication au
bulletin
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 janvier 2011), que M. X... et Mme Y..., de Faits
nationalité algérienne, se sont mariés à Beni Mouhli (Algérie) le 14 décembre 1962 et se sont installés Remarque :
en France où ils ont eu six enfants ; (…) que, saisi par le mari le 7 avril 2008, le tribunal de Beni Les éléments relatifs à une
Ourtilane (Algérie) a rendu le 24 mai 2008, un jugement prononçant le divorce des époux ; procédure distincte appartiennent
aux faits.
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée Procédure
attachée au jugement de divorce qu'il a obtenu en Algérie, déclarer recevable l'action en contribution
aux charges du mariage formée en France par Mme Y... et fixer en conséquence à 500 euros par mois
sa contribution à ces charges,
alors, selon le moyen : Moyens au pourvoi
1°/ que les articles 1 a et 1 d de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 stipulent qu'en Remarque :
matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions Les arguments du moyen sont
parfois simplement annoncés par
siégeant en France ou en Algérie ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre « alors que », sans la mention ici
Etat (…) ; présente du moyen
2°/ que l'ordre public s'appréciant de manière concrète, la cour d'appel ne pouvait affirmer que la
juridiction algérienne avait constaté la répudiation unilatérale du mari sans rechercher si la référence
du jugement au droit pour le mari d'obtenir la dissolution du lien conjugal n'était pas totalement
inopérante, (…) ; qu'ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale (…) ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations et des appréciations souveraines des juges du fond, que Motivation de la Cour de
M. X..., qui avait quitté le 28 juin 2007 le domicile familial en France où il résidait depuis plusieurs cassation
dizaines d'années, a saisi le 7 avril 2008 le juge algérien d'une demande en divorce pour échapper à C’est l’argumentation de la Cour
une condamnation au versement d'une contribution aux charges du mariage (…) ; de cassation. Elle rappelle la règle
Que la cour d'appel a pu en déduire que les circonstances de cette procédure précipitée en Algérie de droit et l’applique au fait.
constituaient une fraude au jugement (…) ; que, par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS : Dispositif


REJETTE le pourvoi ; Solution de la Cour de cassation

5) La classification des arrêts de la Cour de cassation

Source : site internet de la Cour de cassation.

Dans le contexte de la dématérialisation du Bulletin de la Cour de cassation et de la suppression du Bulletin d’information


de la Cour de cassation (BICC) en juin 2021, il a été décidé de faire évoluer la classification et la hiérarchisation des arrêts de
la Cour de cassation.

Jusqu'au 15 juin 2021 :

Jusqu’alors, les arrêts signalés de la Cour de cassation étaient siglés « P.B.R.I».

Pour mémoire, le « P » visait les arrêts publiés au Bulletin de la Cour ayant une portée doctrinale, soit par la nouveauté de la
solution, soit par une évolution de l’interprétation d’un texte au regard de la jurisprudence antérieure, soit enfin parce que la
Cour n’avait pas publié cette solution depuis longtemps et qu’elle entendait manifester la constance de sa position. Les
sommaires de ces arrêts étaient également publiés, ainsi que leur titrage.

Le siglage « B » faisait référence à la publication au BICC.

Les arrêts classés « R » sont les arrêts dont la portée doctrinale est plus forte que les précédents. Ils sont analysés au rapport
annuel de la Cour de cassation.

Le siglage « I » permettait une mise en ligne de l’arrêt le jour même sur le site internet de la Cour.

Depuis le 15 juin 2021 :

Dans un double but de clarification et de simplification, il a été décidé de faire évoluer le siglage des arrêts en « B » et « R »
au regard de leur portée jurisprudentielle, et « L » et « C » pour préciser qu’il s'agit d’arrêts pour lesquels la Cour de cassation
souhaite communiquer plus largement.

Le « B » vise les arrêts publiés au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Il correspond à l’ancien « P ».

Le « R » continue de viser les arrêts qui sont publiés et commentés dans le Rapport annuel d’activité de la Cour de cassation.

Le « L » pour Lettres de chambre et le « C » pour Communiqué, à usage interne de la Cour de cassation, sigles de la communication,
englobent, en étant plus large, l’ancien « B » et l’ancien « I ».

Ainsi, depuis le 15 juin, seules les classifications « B » ou « B/R » ont vocation à hiérarchiser les arrêts de la Cour de
cassation. Elles sont les seules à figurer sur la minute des arrêts et sont accessibles par le moteur de recherche de
jurisprudence du site internet.
À des fins de communication, certains arrêts sont diffusés dans les Lettres de chambre « L » et/ou font l’objet d’un
communiqué de presse « C », parfois d’une notice explicative.

Les lettres de chambres ont vocation à présenter de manière concise et pédagogique une sélection d’arrêts récents de chacune
des chambres de la Cour. Les lettres de chambres présentent aussi bien les arrêts déterminants au plan du droit que
des décisions de moindre portée juridique.

Les arrêts susceptibles d’avoir une forte incidence sur la vie quotidienne des citoyens, un fort impact social ou
économique, ou encore qui font écho à l’actualité ou à un sujet émergent, peuvent donner lieu à une communication
immédiate à destination du grand public, livrant de façon synthétique le sens de la décision.

C’est ainsi qu’un arrêt ayant une portée normative importante et qui est susceptible d’avoir une grande incidence sur la vie
quotidienne des citoyens peut être siglé « B » et « R » sur la minute de l’arrêt, tout en faisant l’objet d’une communication
plus large dans une lettre de chambre « L » et dans un communiqué « C ».
6) Le nouveau mode de rédaction des décisions de la Cour et la motivation en forme développée
7) J.Y. Frouin, « La construction formelle et intellectuelle d’un arrêt », LPA 25 janvier 2007, n°19, p. 15.

En douterait-on, les arrêts de la Cour de cassation sont rédigés, et doivent l'être en tout cas, pour être compris 1.
Il y a à cela plusieurs évidentes raisons :
_ la première, c'est qu'il s'agit de décisions de justice qui apportent une solution définitive (arrêt de rejet) ou une évolution
possible (arrêt de cassation) à un litige particulier et que, directement ou par l'intermédiaire de leurs conseils, les parties au
litige doivent être en mesure d'en percevoir le sens et d'en comprendre les motifs ;
_ la deuxième, c'est que la Cour de cassation a pour fonction d'unifier la jurisprudence de toutes les juridictions du fond en
posant les principes selon lesquels doivent être interprétées et appliquées les dispositions légales et qu'elle ne peut assurer sa
fonction unificatrice que si ses arrêts sont compris de ceux qui sont chargés d'en faire application ou d'en rendre compte
(juges du fond et doctrine) ;
_ la troisième raison, qui est le corollaire de la précédente mais vient singulièrement la renforcer, c'est que la jurisprudence,
et notamment celle de la Cour de cassation, est devenue une véritable source de droit et a pris une importance primordiale
dans la production des normes juridiques. « L'essentiel du droit civil français, nous dit Jacques Ghestin 2, spécialement le
droit des contrats et de la responsabilité, résulte actuellement des arrêts de la Cour de cassation ». On peut certainement en
dire autant du droit social, et du reste le pouvoir politique en a pris acte puisqu'il a demandé aux organes chargés de la
recodification du Code du travail d'y intégrer « les éléments de nature jurisprudentielle », ce qui est la reconnaissance, et
même la consécration, du caractère prétorien du droit du travail. Mais cela étant, c'est une raison de plus pour que les arrêts
de la Cour de cassation soient connus et compris puisque la fonction sociale du droit, avant de servir à trancher les litiges,
c'est tout de même de les prévenir en posant les règles que chacun est tenu de suivre dans la vie sociale.
Alors, qu'en est-il de la bonne ou mauvaise compréhension des arrêts de la Cour de cassation, de leur intelligibilité, de leur
lisibilité ? Ce n'est pas à nous qu'il revient ici de répondre à cette question.
En revanche, ce qui est vrai _ et c'est tout l'intérêt du débat ouvert par Jacques Ghestin 3 et qui sert de prétexte à ce colloque
_ c'est qu'il existe à la Cour de cassation « une dogmatisation du raisonnement, une normalisation de la présentation des
moyens et du mécanisme d'examen des pourvois, une codification de la construction et de la sémantique des arrêts » 4, bref
toute une casuistique 5 ou si l'on veut des clés de compréhension des arrêts, sans la possession desquelles ceux-ci peuvent
demeurer incompris ou être mal compris.
Ce sera l'objet d'une première partie consacrée à la construction formelle d'un arrêt, et donc à la technique de cassation, que
de rappeler dans le détail l'ensemble de ces éléments sans la connaissance préalable desquels le déchiffrement d'un arrêt peut
demeurer vain et son interprétation sujette à erreur. Après quoi, on reviendra quelques instants sur ce qui relève davantage
de la construction intellectuelle des arrêts, c'est-à-dire au fond sur la question de la rédaction proprement dite des arrêts et
de leur motivation.

I. La construction formelle d'un arrêt : la technique de cassation


La prise en compte de quatre éléments est nécessaire à « une compréhension techniquement correcte des arrêts de la Cour
de cassation » 6.
Il s'agit :
_ de la structure des arrêts ;
_ des moyens soutenus et des cas d'ouverture à cassation ;
_ du contrôle exercé par la Cour de cassation ;
_ du mode de diffusion des arrêts.

A. La structure des arrêts


La structure des arrêts de la Cour de cassation est étroitement formalisée, toujours la même, sauf à distinguer l'arrêt de rejet
et l'arrêt de cassation qui sont structurés un peu différemment parce qu'ils obéissent à une logique différente.
Une connaissance préalable de la structure des arrêts de la Cour de cassation est indispensable à leur bonne compréhension
car il importe de déterminer dans la lecture que l'on fait d'un arrêt ce qui revient effectivement à la Cour de cassation en le
distinguant d'autres éléments qui sont sans doute nécessaires à la compréhension de l'arrêt et de sa solution mais qui ne sont
pas l'oeuvre de la Cour de cassation. Or, il semble bien que l'on rapporte parfois à la Cour de cassation ce qui n'est que
l'énoncé du moyen dans un arrêt de rejet et qui sera donc réfuté, et ce qui est le motif de la décision attaquée dans un arrêt
de cassation et qui sera censuré ; ce qui conduit à une évidente contradiction intellectuelle puisqu'on fait alors dire à l'arrêt
très précisément le contraire de ce qu'il a entendu dire. À quoi il y a lieu d'ajouter que la structure des arrêts renseigne aussi,
au moins partiellement, sur la portée doctrinale de l'arrêt.
Alors, concrètement, quelle est la structure des arrêts ?
_ S'agissant d'un arrêt de rejet, il comporte en principe trois paragraphes successifs :
- le premier est consacré à l'exposé des faits et de la procédure nécessaires à la présentation et à la compréhension de la
question de droit posée ;
- le deuxième comporte, d'abord, l'énoncé du grief fait à la décision attaquée puis, en continuation, l'énoncé du moyen de
droit soutenu à l'appui du pourvoi, c'est-à-dire l'argumentation juridique du demandeur au pourvoi expliquant en quoi la
décision attaquée ne serait pas conforme aux règles de droit applicables (Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir
décidé que... alors, selon le moyen, que...) ;
_ le troisième paragraphe consiste dans la réfutation par la Cour de cassation du moyen soutenu à l'appui du pourvoi et
corrélativement par l'approbation en droit de la décision attaquée. Il est introduit par la formule : Mais attendu que... ;
Il arrive que, dans un arrêt de rejet, la Cour de cassation estime nécessaire d'énoncer ou de rappeler la règle de droit applicable
au litige. C'est ce que l'on appelle un chapeau intérieur. Dans ce cas, la réponse de la Cour (c'est-à-dire le troisième paragraphe)
comporte deux sous-paragraphes : un premier consacré à l'énoncé ou au rappel de la règle applicable (Mais attendu que...) et
un second consacré à la bonne application qui en a été faite par la décision attaquée dans le cas de l'espèce (Et attendu que...).
On imagine aisément que les arrêts de rejet comportant un troisième paragraphe avec deux sous-paragraphes ont une portée
doctrinale plus grande puisqu'ils énoncent ou rappellent une règle, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour un arrêt de
rejet avec un troisième paragraphe unique.
Il va de soi, en tout cas, que seul ce troisième paragraphe exprime la position de la Cour de cassation. Il faut donc se garder
d'une erreur ou d'une confusion qui consisterait à prendre l'énoncé du moyen pour la position de la Cour de cassation.
_ S'agissant d'un arrêt de cassation, il mentionne toujours en tête de l'arrêt le visa des textes applicables à la solution du litige
et qui ont été méconnus par hypothèse par la décision attaquée et il comporte ensuite, selon les cas, trois ou quatre
paragraphes.
Dans la première hypothèse (trois paragraphes) :
- le premier paragraphe est consacré à l'exposé des faits et de la procédure nécessaires à la présentation et à la compréhension
de la question de droit posée ;
- le deuxième paragraphe reprend en partie la décision critiquée par le pourvoi dans ce qu'elle a décidé et dans les motifs de
droit qu'elle a énoncés ou retenus (et qui vont être censurés). Ce paragraphe est introduit par la formule : Attendu que, pour
condamner, ou pour décider..., la Cour d'appel a retenu, énoncé que... ;
- le troisième paragraphe comporte deux sous-paragraphes : Un premier paragraphe, introduit par la formule : Attendu
cependant... énonce ou rappelle, dans ce qu'on appelle un chapeau intérieur, ce qui était la bonne règle de droit applicable
au litige, et le second paragraphe tire la conséquence de sa non-application par la décision attaquée avec le conclusif habituel
: D'où il suit, qu'en statuant comme elle l'a fait...
_ L'arrêt de cassation se présente parfois différemment, avec un paragraphe supplémentaire situé en tête, notamment quand
il s'agit d'un arrêt de principe :
- il comporte alors pour commencer, juste après le visa, un paragraphe consacré à l'énoncé de la règle applicable au litige et
(ou) de l'interprétation qu'il convient de donner à cette règle. C'est ce que l'on appelle le chapeau en tête de l'arrêt : Attendu,
que, selon ce texte,... qu'il en résulte que... ;
- le deuxième paragraphe est celui consacré à l'exposé des faits et de la procédure ;
- le troisième est celui qui reprend partie de la décision critiquée par le pourvoi et qui va être censurée ;
- le quatrième paragraphe tire les conséquences de la contradiction entre les motifs de la décision attaquée et la règle de droit
applicable énoncée en tête de l'arrêt, soit brutalement quand la contradiction est évidente (Qu'en statuant ainsi, la Cour
d'appel a violé...) soit en précisant en quoi la décision attaquée a fait une mauvaise application (interprétation) de la règle de
droit applicable au litige (Qu'en statuant ainsi, alors que..., la Cour d'appel a violé le texte susvisé).
Là encore, il va de soi que la position de la Cour de cassation n'est exprimée que dans le chapeau intérieur (Attendu
cependant...) ou dans le chapeau en tête de l'arrêt (Attendu, que, selon ce texte,... qu'il en résulte que...). Or, force est de
constater qu'une confusion est parfois opérée entre la position de la Cour de cassation et les motifs de la décision censurée,
ceux-ci étant pris pour celle-là.
Par ailleurs, comme il a été indiqué précédemment, les arrêts de cassation qui comportent un chapeau en tête de l'arrêt sont
des arrêts qui énoncent ou rappellent un principe ou une règle et qui ont donc une portée doctrinale ou normative plus
grande.

B. Les moyens et les cas d'ouverture à cassation


La Cour de cassation se détermine dans ses arrêts au regard d'un ou de plusieurs moyen(s) de cassation qui met(tent) en
oeuvre un cas d'ouverture à cassation.
Par conséquent, pour une bonne lecture, et une parfaite compréhension des arrêts et, plus précisément, de la position
exprimée par la Cour de cassation dans l'arrêt en cause, il importe de la mettre en relation avec le moyen soulevé et de se
demander en outre quel était le cas d'ouverture invoqué, car la portée de l'arrêt et le sens qu'il convient de lui attacher sont
étroitement tributaires de ces deux éléments.
_ En ce qui concerne le moyen de cassation, c'est-à-dire l'argumentation juridique expliquant en quoi la décision attaquée
n'est pas conforme aux règles de droit applicables, il est d'usage de dire selon une formule traditionnelle que la Cour de
cassation se prononce sur le moyen, tout le moyen, mais rien que le moyen, ce qui veut dire qu'elle ne va pas normalement
au-delà de la question de droit qui lui est posée quand bien même l'arrêt soumis à sa censure serait très mal fondé en droit.
C'est partiellement inexact s'agissant d'un arrêt de cassation : il peut arriver que la Cour en considération, soit, d'un arrêt
manifestement mal fondé en droit, soit, d'un arrêt qui lui donne l'occasion de faire avancer sa jurisprudence « force » un peu
le moyen. Mais la formule est généralement exacte s'agissant d'un arrêt de rejet qui, souvent, colle au moyen pour réfuter
celui-ci, en sorte que la réponse de la Cour de cassation peut être mal comprise ou porteuse d'un sens qu'elle n'a pas si elle
est lue pour elle-même, indépendamment du moyen de cassation qui était soulevé 7.
_ En ce qui concerne les cas d'ouverture à cassation, qui peuvent être définis comme « la qualification juridique de la critique
faite par le moyen à la décision des juges du fond » 8, leur connaissance et leur bonne compréhension sont essentielles car
ils induisent, de la part de la Cour de cassation, des réponses de portée doctrinale variable et même, pour certains des cas
d'ouverture, des réponses sans aucune portée doctrinale.
Les principaux cas d'ouverture à cassation sont au nombre de trois : la violation de la loi, le défaut ou manque de base légale,
la dénaturation ou le défaut de réponse à conclusions.
- La violation de la loi est un cas d'ouverture assez simple et facile à appréhender. Il suppose que la décision attaquée n'a pas
fait une bonne application (ou interprétation) de la règle de droit applicable au litige ou n'a pas appliqué la (bonne) règle de
droit applicable au litige. La formule de la cassation sur ce cas d'ouverture est : a violé le texte susvisé. La formule de rejet
du moyen ayant invoqué ce cas d'ouverture est : Mais attendu que la Cour d'appel a exactement (à juste titre, à bon droit),
retenu, (énoncé, décidé) que...
- Le défaut de base légale est un peu plus difficile à appréhender. Ce cas d'ouverture suppose que la règle applicable au litige
impliquait la réunion de plusieurs éléments constitutifs et que la décision attaquée en a fait application sans s'assurer que
tous ces éléments étaient réunis. La solution du litige n'est donc pas nécessairement erronée en droit, elle ne l'est que pour
autant que la recherche ou la vérification nécessaire n'a pas été faite et c'est à la juridiction de renvoi qu'il reviendra de faire
cette recherche ou cette vérification et, le cas échéant, d'adopter la même solution _ mais cette fois fondée en droit _ que
celle qu'avait adopté la décision cassée. La formule de la cassation est : Qu'en statuant ainsi, sans vérifier (ou sans rechercher)
si..., la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (a privé sa décision de base légale). La formule de rejet du
moyen ayant invoqué ce cas d'ouverture est : Mais attendu que la Cour d'appel, qui a relevé ou retenu que..., a légalement
justifié sa décision...
- La dénaturation ou le défaut de réponse à conclusions.
Il y a dénaturation quand la décision attaquée a donné d'un document écrit produit aux débats (contrat, élément de preuve)
ou d'une des écritures de la cause, nécessaires à la solution du litige, une signification différente de celle qui résulte de son
sens clair et précis.
Il y a défaut de réponse à conclusions quand la décision attaquée ne s'est pas prononcée sur un moyen de droit soulevé par
l'une des parties au litige et dont l'examen pouvait avoir une incidence sur la solution du litige. La formulation de la cassation
est : Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen de... qui soutenait que... (sans se prononcer sur...) la Cour de cassation a
méconnu les exigences du texte susvisé.
On comprend bien au vu de ces définitions des cas d'ouverture à cassation que la portée doctrinale des arrêts rendus par la
Cour de cassation va être très variable, voire nulle, selon le cas d'ouverture mis en oeuvre. Dans l'hypothèse d'une
dénaturation ou d'un défaut de réponse à conclusions, la Cour de cassation n'exprime aucune position doctrinale, elle se
borne à relever un vice de la motivation. Dans une large mesure, c'est la même chose quand elle se prononce sur un défaut
de base légale, sauf dans l'hypothèse où le défaut de base légale est le moyen de rappeler les éléments constitutifs de la règle
appliquée ou, ce qui arrive parfois, quand le défaut de base légale est retenu comme l'accessoire en quelque sorte de
l'énonciation dans le même arrêt d'une règle nouvelle ou de conditions nouvelles d'application d'une règle. Pour percevoir
cet apport doctrinal de la Cour de cassation au travers d'un arrêt qui casse pour défaut de base légale, il faut confronter l'arrêt
avec les précédents sur la même question de droit.
En revanche, évidemment, la violation de la loi est le cas d'ouverture qui permet à la Cour de cassation de poser sa doctrine
et de la faire évoluer puisque ce cas d'ouverture l'invite expressément à contrôler la bonne interprétation et la bonne
application de la loi ; ce qui nous conduit à aborder la question du contrôle exercé par la Cour de cassation.

C. Étendue et modalités du contrôle exercé par la Cour de cassation


Dans l'exercice de son office de juge de cassation, la Cour de cassation exerce naturellement un contrôle sur les décisions
qui sont déférées à sa censure pour vérifier leur conformité à la loi. Mais étant juge du droit, elle ne contrôle pas tout. Il peut
même arriver qu'elle n'exerce aucun contrôle, soit que le moyen de cassation qui lui est soumis l'invite à réapprécier des
éléments de fait ou de preuve qu'elle ne contrôle jamais, soit qu'elle soit saisie d'une question sur laquelle par choix de
politique jurisprudentielle elle a décidé de n'exercer aucun contrôle.
Il va de soi qu'un arrêt n'a un caractère normatif, que la Cour de cassation ne dit le droit, que lorsqu'elle exerce un contrôle.
Par ailleurs, l'étendue du contrôle est variable selon que la question de droit posée mêle ou non des éléments de droit et des
éléments de fait, car le contrôle ne va porter alors que sur les éléments de droit.
Comment déterminer s'il y a contrôle ou pas, et quelle en est l'étendue ? Il faut avoir égard au vocabulaire utilisé dans l'arrêt
en ce sens que c'est le vocabulaire utilisé qui renseigne sur l'existence et l'étendue du contrôle.
Trois situations doivent être distinguées :
_ La Cour de cassation exerce la plénitude de son contrôle quand elle vérifie que le juge a fait une bonne application de la
bonne règle de droit au litige, ou l'a bien interprétée. La formulation dans un arrêt de rejet est alors : La cour a retenu (énoncé,
décidé) à bon droit (à juste titre, exactement...) ;
_ La Cour de cassation exerce un contrôle plus réduit lorsqu'elle vérifie l'exacte qualification juridique des faits par les juges
du fond, en présence d'une qualification légale de faits emportant certaines conséquences juridiques. Le contrôle est plus
réduit en ce sens qu'il ne se porte pas sur les éléments de fait relevés ou constatés souverainement par les juges du fond mais
seulement sur la qualification juridique qu'ils leur ont donné. La formulation dans un arrêt de rejet est alors : Ayant relevé,
ou constaté que... (appréciation souveraine des juges du fond), les juges du fond ont pu décider que... (contrôle de
qualification). On utilise ici « a pu » parce que c'est, compte tenu des éléments de fait et de preuve que les juges du fond ont
souverainement constaté ou apprécié, qu'ils ont pu ainsi décider ;
_ La Cour de cassation n'exerce pas de contrôle, en règle générale, sur les éléments de fait et de preuve, sur les contrats, sur
les usages et, de manière plus particulière, sur les questions sur lesquelles par choix de politique jurisprudentielle, elle a décidé
de ne pas exercer de contrôle, notamment sur certaines qualifications juridiques de fait (ex. harcèlement moral 9). La
formulation dans un arrêt de rejet est alors : La Cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine (apprécié
souverainement). Il arrive aussi que la Cour de cassation use d'une formule ad hoc ciselée par ses soins dont il résulte
clairement qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine des juges du fond : Exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient
de l'article L. 122-14-3, la Cour d'appel a décidé que le licenciement (ne) procédait (pas) d'une cause réelle et sérieuse.
Il importe de préciser ici que même lorsque la question de droit posée est une question laissée à l'appréciation souveraine
des juges du fond, la Cour de cassation exerce toujours un contrôle minimum de la motivation en ce sens qu'elle s'assure
que l'appréciation à laquelle se sont livrés les juges du fond pouvait effectivement découler des faits par eux constatés ou a
fortiori qu'ils n'étaient pas en contradiction avec eux 10.

D. Le mode de diffusion de l'arrêt


C'est le dernier paramètre nécessaire à une bonne compréhension d'un arrêt, qui comporte trois volets : d'abord, la question
de savoir si un arrêt est publié ou non ; ensuite, quel est le mode de publication retenu, car la publication est devenue à
géométrie variable ; enfin, par quelle formation de la chambre l'arrêt a été rendu. La combinaison de ces éléments est censée
rendre compte de l'importance de l'arrêt, telle que perçue par la Cour de cassation elle-même au regard de sa fonction
régulatrice, et elle est formalisée par un sigle en tête de chaque arrêt juste après sa date et son numéro (à titre d'exemples : F-
D, FS-P+B, FS-P+B+R+I).
_ Les arrêts sont d'abord distingués selon la formation de la chambre qui les a rendus et qui peut être une formation restreinte
de chambre (F), une formation de section (FS), la formation plénière de la chambre (FP).
Les arrêts rendus par une formation restreinte, devenue la formation de droit commun des chambres, ont normalement une
faible portée doctrinale sauf dans les hypothèses où ils font application d'une jurisprudence bien fixée dont ils constituent
alors le rappel. Il en va différemment des arrêts rendus par la formation de section ou plénière de chambre, lesquelles
formations ont pour rôle de fixer la jurisprudence de la chambre.
_ Les arrêts sont ensuite publiés (P) ou simplement diffusés (D). Les arrêts simplement diffusés sont normalement dépourvus
d'intérêt doctrinal ou se bornent à rappeler une jurisprudence constante et bien connue. À l'inverse, les arrêts publiés sont «
ceux qui innovent, c'est-à-dire qui établissent, modifient, infléchissent une jurisprudence ; ceux qui illustrent et rappellent
une jurisprudence déjà établie mais pas encore bien fixée ; ceux qui comportent un aspect technique, notamment quant à la
procédure de cassation » 11.
_ Enfin, quand ils sont publiés, les arrêts se distinguent en quatre catégories, d'intérêt normatif croissant :
- ils sont, seulement, publiés au bulletin annuel des arrêts de la Cour de cassation (P) ;
- ils sont, aussi, publiés au bulletin bi-mensuel des arrêts de la Cour de cassation (P+B) ;
- ils sont, encore, publiés au rapport annuel de la Cour de cassation (P+B+R) ;
- ils sont, en plus, mis en ligne sur internet au moment où ils sont rendus (P+B+R+I).
D'une façon générale, les arrêts simplement publiés au bulletin annuel se bornent à énoncer une règle assez constante et bien
connue ; les arrêts publiés au bulletin annuel et au bulletin bi-mensuel rappellent une règle un peu oubliée ou illustrent
l'application peu fréquente d'une certaine règle ; les arrêts publiés au rapport annuel et sur internet posent une règle nouvelle,
nuancent une règle existante, marquent un infléchissement ou une évolution de jurisprudence, ou bien sûr un revirement de
jurisprudence. Ce sont évidemment les arrêts les plus importants.
Il est utile d'ajouter ici que, pour aider à leur compréhension et à leur interprétation, les arrêts sont publiés dans le bulletin
des arrêts de la Cour de cassation ou sur internet avec mention des précédents dont ils se rapprochent, soit, pour les
confirmer, les préciser ou les nuancer, soit, pour les contredire, le but étant de réaliser un « chaînage institutionnel » et cette
mention est désormais accompagnée de la mention des premiers commentaires qui en ont été faits par la doctrine.
Telles sont les différentes clés d'une bonne compréhension des arrêts de la Cour de cassation et dont la maîtrise constitue
un préalable nécessaire à une bonne interprétation et à une critique utile et pertinente qui serait fondée sur leur manque
d'intelligibilité. Pour être tout à fait complet, il faut ajouter à ces éléments le rapport du rapporteur et l'avis de l'avocat général
quand ils sont accessibles et donc publiés, outre les communiqués dont la Cour de cassation assortit parfois la mise en ligne
sur internet de certains de ses arrêts pour en préciser le sens et la portée.
II. La construction intellectuelle : la question de la motivation

Paradoxalement, il y a beaucoup moins à dire sur la construction intellectuelle d'un arrêt, ne serait-ce que parce que tout ce
que l'on a pu dire de la construction formelle d'un arrêt participe évidemment de sa construction intellectuelle.
Il s'agit juste ici de dire quelques mots relativement au style et à la motivation des arrêts en rappelant d'abord succinctement
_ car elles sont bien connues _ les règles générales qui y président, en montrant ensuite en quoi ces règles sont appliquées
en considération d'une certaine intention, d'un certain but de la Cour de cassation, en se demandant enfin _ ce qui tiendra
lieu de conclusion - quelles sont les principales raisons pour lesquelles des arrêts peuvent être mal compris de leurs lecteurs,
même les plus avertis.

A. Les règles générales relatives à la rédaction et à la motivation d'un arrêt


Ces règles sont étroitement tributaires de la nature particulière et de la mission spécifique qui sont celles de la Cour de
cassation.
Elles ont été résumées de manière lumineuse par le Professeur Zenati lors d'une conférence tenue à la Grand'chambre de la
Cour de cassation sur la nature de la Cour de cassation. Celui-ci, après avoir exprimé et défendu l'idée que la Cour de cassation
est une institution de nature législative qui « produit de la législation dérivée » observe _ et c'est ce qui nous intéresse ici _
que cette fonction « rejaillit sur le style de ses arrêts, dont on a vainement et injustement critiqué le laconisme, qui n'est pas
le produit d'un choix esthétique ni celui d'un particularisme culturel mais un indice structurel de souveraineté. Une institution
chargée de poser des règles de nature législative n'a pas vocation à motiver sa décision comme un juge. Le jugement est un
acte rhétorique qui tend à convaincre les plaideurs du bien-fondé de la décision qu'il contient, ce qui explique que le juge soit
enclin, en dehors de toute obligation légale, à motiver ses sentences. Tel est le style des arrêts rendus par les cours suprêmes
de pleine juridiction, et en particulier celles de common law, dont le caractère ampliatif est bien connu. L'autorité chargée de
donner l'interprétation officielle de la loi, n'a, au contraire, pas lieu de se justifier, pas plus que n'a à le faire le législateur lui-
même. Bien mieux, le faire affaiblirait son interprétation ; l'imperatoria brevitas des arrêts suprêmes emprunte au style concis
et ferme des lois » 12.
Tout est dit. Ce sont ces principes qui gouvernent le style et la motivation des arrêts de la Cour de cassation.
Et c'est d'ailleurs ce qui est enseigné dans l'ouvrage que l'on remet à son arrivée à la Cour de cassation à tout nouveau
conseiller pour le préparer à ses nouvelles fonctions et à la rédaction des arrêts 13, et dans lequel on peut lire que :
_ les arrêts doivent être rédigés d'une manière aussi brève et concise que possible, avec des phrases courtes mais nettes dans
leur formulation, un vocabulaire pauvre et sans élégance ni fioritures mais précis,
_ que les arrêts doivent emprunter une forme catégorique dans le principe ou la règle de droit qu'ils énoncent et la solution
juridique qu'ils apportent en réponse à la question de droit posée,
_ que les arrêts sont certes motivés, mais juste ce qui est nécessaire (« il importe de s'abstenir de motiver les motifs »), la
justification étant que la seule question dont est saisie la Cour de cassation est celle de déterminer en quoi une décision
judiciaire est ou non conforme aux règles de droit et que tout ce qui pourrait alourdir ou a fortiori nuancer sa réponse serait
de nature à affaiblir l'arrêt dans sa fonction normative qui est de dire le droit et le sens de la règle de droit.

B. L'application de ces règles selon l'intention de la Cour de cassation


Cela étant, ces règles générales sont appliquées par la Cour de cassation avec une intention (un but, si l'on préfère) qui est
évidemment variable selon les arrêts. Il ne peut être question ici de recenser toutes les catégories d'arrêts selon les buts
poursuivis. On peut très schématiquement les regrouper autour de quatre :
_ il y a d'abord les arrêts qui ne disent strictement rien, c'est-à-dire les arrêts qui se bornent à mettre fin à un procès, à
répondre à un pourvoi sans énoncer la moindre règle de droit utile, et donc sans aucune portée doctrinale. C'est le cas de ce
que l'on appelait autrefois les arrêts « tampon », c'est-à-dire les arrêts qui statuent au moyen d'une formule toute faite pouvant
être reprise dans tous les cas analogues ; c'est encore le cas des arrêts qui rejettent au ras du moyen, c'est-à-dire en reprenant
sous une forme négative le moyen de cassation pour le réfuter ; c'est encore le cas des arrêts qui cassent sur des griefs
disciplinaires, c'est-à-dire en relevant un vice de la motivation de la décision attaquée ;
_ il y a à l'opposé les arrêts qui énoncent ou rappellent distinctement un principe ou une règle dans un chapeau en tête de
l'arrêt ou dans un chapeau intérieur, sachant qu'il n'y a pas lieu à cet égard de distinguer entre arrêt de cassation et arrêt de
rejet, les arrêts de rejet pouvant au même titre que les arrêts de cassation énoncer un principe ou une règle. Il va de soi que
ce sont ces arrêts-là qui expriment la doctrine de la Cour de cassation.
Les arrêts relevant de ces deux premières catégories sont normalement assez faciles à identifier comme tels, c'est-à-dire
comme des arrêts d'espèce ou des arrêts de principe.
_ C'est en revanche plus difficile avec les arrêts qui amorcent une évolution ou qui comportent un obiter dictum, c'est-à-dire
l'énoncé d'une règle nouvelle ou d'une évolution dans une incise de l'arrêt qui ne tend pas spécialement à justifier la décision
qu'elle contient mais à faire connaître le sentiment du juge sur une question autre que celle que la solution du litige en cause
exige de trancher. C'est plus difficile car il importe d'avoir une parfaite connaissance du droit applicable et de la jurisprudence
sur ce qui fait l'objet de l'obiter dictum, et parce qu'il faut aussi avoir l'oeil sur la rédaction de l'arrêt 14.
_ C'est encore plus difficile avec les arrêts qui dégagent ou qui inventent un concept juridique nouveau, lequel servira ensuite
à fonder des solutions en droit mais sans qu'on s'en aperçoive forcément dès le premier ou les premiers arrêts 15.
Et puis il y a enfin les arrêts qui posent une règle un peu abrupte, voire contestable dans sa brutalité justement, à l'effet
d'envoyer un signal aux sujets de droit de manière à ce qu'ils en tirent des conséquences dans la vie juridique 16.

C. Les raisons les plus fréquentes d'une incompréhension des arrêts


Après ces longues explications sur ce qu'il convient de connaître de la construction formelle et intellectuelle des arrêts pour
en saisir le sens et la portée, il reste à se demander pourquoi ils ne sont pas toujours compris : compris en soi, ou compris
pour ce qu'ils entendaient exprimer.
Il y a à cela, nous semble-t-il, deux sortes de raisons : des raisons qui tiennent à la malformation de l'arrêt, des raisons qui
tiennent à une sorte de nécessité fonctionnelle née de l'objet d'un arrêt de cassation.
_ La malformation de l'arrêt.
Elle peut procéder de plusieurs causes distinctes.
D'abord, les magistrats de cassation comme les autres magistrats doivent travailler vite, pour faire face au volume de pourvois
dont est saisie la Cour de cassation. Il en résulte parfois des approximations dans la rédaction, sources d'incertitudes 17, des
contradictions apparentes dans les solutions apportées à une même question 18 ou dans l'exercice ou non d'un contrôle 19.
Ensuite, l'arrêt présenté par le rapporteur à la chambre et sur lequel il va être débattu collégialement est l'oeuvre d'une seule
personne. Il a donc une cohérence, qu'il perd parfois quand il est enrichi ou « mutilé » lors du débat à l'audience par des
ajouts, corrections, modifications. Pour éviter cela, il conviendrait que les corrections soient de la même personne (le
rapporteur lui-même, le doyen) ou qu'il y ait une relecture, ce qui arrive, mais ce n'est pas toujours le cas.
Enfin, il arrive tout simplement que la Cour de cassation soit hésitante, incertaine, dans son interprétation de la règle de
droit. Il peut en résulter une jurisprudence erratique pendant un temps plus ou moins long selon que la chambre concernée
est ou non souvent saisie de la même question de droit jusqu'à ce que la position de la chambre se fixe 20.
_ La seconde raison de la difficulté de compréhension d'un arrêt tient si l'on peut dire à la nature des choses : un arrêt peut
être porteur d'un sens différent de celui que la chambre a entendu lui donner ou avoir une portée qui va bien au-delà de celle
qu'avait entendu lui donner la chambre...
C'est le rôle de la doctrine, notamment, que de l'exprimer, ce qui peut d'ailleurs conduire la Cour de cassation à donner à un
arrêt de portée initialement modeste des prolongements inattendus. Les cas en sont multiples. Peut-être qu'un jour l'arrêt de
la première chambre civile du 16 mars 2004, qui a ouvert ce débat sur le sens des arrêts de la Cour de cassation, sera consacré
dans le sens de l'interprétation qu'une partie de la doctrine lui a initialement prêté.
1–
(1) Il semble bien qu'on en doute : «Il n'est pas sûr qu'ils (les juges) se soucient encore d'une quelconque intelligibilité de
leurs arrêts». F. Berenger, La motivation des arrêts de la Cour de cassation, PUAM, 2003, préf. C. Atias, p. 187.
2–
(2) Les données positives du droit, RTD civ. 2002, p. 20, no 25.
3–
(3) L'interprétation d'un arrêt de la Cour de cassation, Dalloz, 2004, p. 2239. Débat ouvert à la suite d'un arrêt de la première
chambre civile du 16 mars 2004, Bull. civ. no 86, dont le sens et la portée sont controversés, RTD civ. 2004, p. 290, Obs. J.-
L. Mestre et B . Fages, Dalloz 2004, p. 1754, note D. Mazeaud.
4–
(4) G. Canivet, La Cour de cassation et l'interprétation uniforme du droit. Conférence donnée le 21 décembre 2001 à la
Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.
5–
(5) J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, no 124-70.
6–
(6) J. Ghestin, op.cit. p. 2239.
7–
(7) C'est peut-être ce qui s'est produit pour cet arrêt du 16 mars 2004, Cass. civ. 1re, Bull. civ. I, no 86, qui a suscité des
divergences doctrinales d'interprétation. En ce sens, O. Renard-Payen, JCP E 2004, no 737, p. 817.
8–
(8) M. N. Jobard-Bachellier et X. Bachellier, La technique de cassation, Dalloz, 2003, p. 118
9–
(9) Cass. soc., 27 octobre 2004, Bull. civ. IV, no 267 et 23 novembre 2005, Bull. civ. IV, no 334. J.-Y. Frouin, Sur le contrôle
par la Cour de cassation de la qualification juridique de harcèlement moral, RJS 10/2005, p. 671.
10 –
(10) Ex. Faute intentionnelle de l'assuré, Cass. civ. 2e, 23 septembre 2004, Bull. civ. II, no 410 et Difficultés économiques
propres à fonder un licenciement pour motif économique, Cass. soc., 6 juillet 1999, Bull. civ. V, no 327.
11 –
(11) P. Waquet, Les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, D. soc. 1998, p. 62 et s., not. p. 72
12 –
(12) F. Zénati, La nature de la Cour de cassation, publié dans Les Annonces de la Seine, supplément au no 27 du lundi 28
avril 2003 et dans le Bulletin d'information bi-mensuel de la Cour de cassation, 15 avril 2003, p. 3 à 10.
13 –
(13) Droit et pratique de la cassation en matière civile, Litec, 2003, p. 377 et s.
14 –
(14) Ex. prescription quinquennale de l'action en nullité du plan social, Cass. soc., 28 mars 2000, Bull. civ. V, no132.
15 –
(15) Ex. concept de vie personnelle du salarié, Cass. soc., 14 mai 1997, Bull. civ. V, no 175.
16 –
(16) Ex. le refus par un salarié d'un changement des conditions de travail constitue en principe une faute grave qu'il appartient
à l'employeur de sanctionner par un licenciement, Cass. soc., 10 juillet 1996, Bull. civ. V, no 278. Il s'agissait d'inviter les
employeurs à user de leur pouvoir disciplinaire. La jurisprudence a depuis évolué puisqu'il est désormais jugé que le refus
par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
ne constitue pas à lui seul une faute grave, Cass. soc., 23 février 2005, Bull. civ. V, no 64.
17 –
(17) Ex. Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, préc.
18 –
(18) Cass. soc., 15 mars 2006, no 05-41.376, F-P+B et Cass. soc., 3 mai 2006, no 03-46.97, F-P+B.
19 –
(19) Sur la qualification de harcèlement moral, Cass. soc., 27 octobre 2004, Bull. civ. V, no 267 et 29 juin 2005, pourvoi no
03-44.055.
20 –
(20) P. Waquet, op. cit., p. 72.
21 –
(*) Ancien conseiller référendaire à la Cour de cassation, chambre sociale (1993-2003).
PA200701906 urn:PA200701906
8) Méthode du commentaire d’arrêt

Un commentaire d’arrêt consiste à analyser et critiquer une décision de justice, à reconstituer les raisonnements juridiques
qui ont mené à cette solution. Pour parvenir à ce résultat, il faut suivre les étapes suivantes :

1/ Procéder à l’analyse objective de l’arrêt et établir de la fiche d’arrêt.


Avant de décortiquer l’arrêt, il faut quelques connaissances préalables :
o Savoir ce que signifient « arrêt de rejet » et « arrêt de cassation ».
o Savoir ce que recouvrent la notion de « moyen de cassation » et la division d’un moyen en branches.
o Connaître la structure de l’arrêt : ne pas confondre ce que décide la Cour de cassation et ce qu’avait décidé
la juridiction du fond (et qui lui est reproché).
o Savoir à quel cas de figure correspond la saisine de l’Assemblée plénière ou d’une formation en chambre
mixte.
o Savoir ce qu’est un pourvoi dans l’intérêt de la loi.
o Savoir ce qu’est une substitution de motifs (dans un arrêt de rejet).
o Savoir ce qu’est une violation de la loi, un défaut ou manque de base légale, un défaut de réponse à
conclusion et savoir les identifier (dans un arrêt de cassation).
o Savoir ce qu’est une cassation avec renvoi, avec renvoi partiel et sans renvoi.
o Savoir que la Cour de cassation juge en droit et non en fait (et savoir ce que cela signifie).
o Savoir évaluer l’importance d’un arrêt par la détection d’indices purement formels (cas d’ouverture à
cassation, la présence d’un chapeau, la formation de la Cour de cassation saisie (F, FS, FP, Chambre mixte,
Assemblée plénière, le mode de diffusion)

L’analyse objective de l’arrêt suppose de :

- Identifier la structure de l’arrêt : c’est la première étape nécessaire à la compréhension de l’arrêt. Il faut identifier
tous les éléments de structure de l’arrêt, qui sont :
o l’énoncé des faits,
o les différentes étapes de la procédure ayant précédé la décision rendue,
o le contenu de la décision attaquée (solution et motifs),
o le ou les moyens développés par le demandeur au pourvoi,
o les motifs sur lesquels se fondent la Cour de cassation pour rendre sa décision,
o le dispositif,
o l’éventuel visa,
o les éventuels chapeaux intérieurs ou en tête d’arrêt.

- Identifier le problème de droit : le problème de droit désigne la question à laquelle la Cour de cassation doit
répondre. Dans tout litige porté devant la Cour de cassation, la question posée à la Cour de cassation est : le juge
du fond (la cour d’appel, bien souvent) a-t-il bien jugé ? Vous devez préciser cette question compte tenu des
éléments de l’arrêt : la solution de la décision faisant l’objet d’un pourvoi et les motifs de la juridiction de fond, d’un
côté, et les moyens du pourvoi, de l’autre côté. C’est en confrontant ces différents éléments que vous identifierez le
point de désaccord entre le demandeur au pourvoi et la juridiction du fond et que vous déterminerez la question à
laquelle la Cour de cassation devait précisément répondre.

- Evaluer l’importance de l’arrêt par la détection d’indices purement formels. Un faisceau d’indices permet de
mesurer l’importance de l’arrêt. Il en existe deux types : d’un côté, les éléments intrinsèques, qui apparaissent dans
la décision elle-même ; d’un autre côté, les éléments extrinsèques, qui apparaissent en périphérie de la décision.

o Les indices intrinsèques sont :


▪ Le cas d’ouverture à cassation : en fonction du cas d’ouverture à cassation, l’arrêt aura un intérêt
théorique et doctrinal variable. Certains cas d’ouverture relatifs à des défaillances formelles
présentent, sur un plan théorique, un intérêt très faible. D’autres, au contraire, portent sur le fond
du droit et sont alors susceptibles de revêtir un intérêt.
• Les arrêts fondés sur une dénaturation ou un défaut de réponse à conclusions sont de
faible intérêt sur le plan doctrinal puisque la Cour se borne à relever un vice de la
motivation.
• Les arrêts fondés sur l’absence de base légale sont de faible intérêt, sauf dans l’hypothèse
où le défaut de base légale est le moyen de rappeler les éléments constitutifs de la règle
appliquée ou que le défaut de base légale est l’accessoire de l’énonciation dans le même
arrêt d’une règle nouvelle ou de conditions nouvelles d’application d’une règle.
• La violation de la loi est le cas d’ouverture qui permet à la Cour de cassation de poser sa
doctrine et de la faire évoluer puisque ce cas d’ouverture l’invite à contrôler la bonne
interprétation et la bonne application de la loi.

▪ La présence d’un principe :


• Dans les arrêts de rejet, la présence d’un chapeau intérieur est un signe indiquant une
portée plus grande puisqu’il énonce ou rappelle une règle.
• Dans les arrêts de cassation, la présence du chapeau en tête d’arrêt est un signe indiquant
une portée plus grande de l’arrêt.

o Les indices extrinsèques sont :


▪ La formation de la juridiction : Pour les arrêts de la Cour de cassation, la formation de la Cour
renseigne sur l’importance de l’arrêt.
• Assemblée plénière : elle statue sur des questions nouvelles ou en cas de second pourvoi.
• Chambre mixte : elle statue lorsque l’affaire relève de la compétence de deux chambres.
• Formation de section (FS) et Formation plénière de la chambre (FP) : elles ont pour rôle
de fixer la jurisprudence de la chambre.
• Formation restreinte (F) qui est la formation de droit commun : faible portée doctrinale
(jurisprudence bien fixée).

▪ Le mode de diffusion : le fait que la décision soit publiée, simplement diffusée ou inédite permet
d’évaluer l’importance de la décision (cette information n’est pas toujours disponible).
• Arrêts simplement diffusés (D) se bornent à rappeler une jurisprudence établie
• Arrêts publiés (P, B depuis 15 juin 2021) sont : ceux qui innovent, c’est-à-dire qu’ils
établissement, modifient, infléchissent une jurisprudence ; ceux qui illustrent ou rappellent
une jurisprudence déjà établie mais pas encore fixée ; ceux qui comportent un aspect
technique, notamment quant à la procédure de cassation. Les arrêts publiés peuvent être
différenciés entre :
o Ceux qui sont publiés au bulletin annuel (P ; B depuis 15 juin 2021)
o Ceux qui sont, aussi, publiés au bulletin bimensuel (P+B ; B depuis 15 juin 2021)
o Ceux qui sont publiés en plus dans le rapport annuel (P+B+R ; B+R+L depuis
15 juin 2021)
o Ceux qui sont également mis en ligne sur internet au moment où ils sont rendus
(P+B+R+I ; B+R+L depuis 15 juin 2021).

À partir de l’identification de la structure de l’arrêt et du problème de droit, il faut confectionner la fiche d’arrêt : il
s’agit de retracer l’histoire des faits ayant conduit à la solution de l’arrêt. Vous devez faire l’exposé de l’arrêt dans vos
propres mots (sauf pour les attendus caractéristiques/les chapeaux). La fiche d’arrêt comporte les éléments
suivants (dans cet ordre) :

▪ faits : il faut présenter les faits pertinents, ceux nécessaires à la compréhension du litige tranché
par les juges (par exemple, les dates ou lieux des faits sont pertinents s’il est question
d’application de loi dans le temps ou dans l’espace). Il faut également qualifier les parties
(« Mme X. » et « M. X. » sont à bannir).

▪ procédure : il faut retracer chronologiquement la procédure ayant conduit à l’arrêt de la Cour


de cassation sans rien inventer et sans déductions hasardeuses. Evitez les formules du type
« Mécontents du jugement … », « Insatisfaits par la solution… ». Il faut préciser (si les informations se
trouvent dans la décision) : quel est l’acte introductif d’instance ; qui sont le demandeur et le
défendeur, quelle est la solution du premier juge et les arguments sur lesquels il s’est fondé ;
qui est appelant, qui est intimé ; quelle est la solution de la cour d’appel et les arguments sur
lesquels elle s’est fondée ; qui est le demandeur au pourvoi.

▪ moyens du pourvoi : il faut exposer l’argumentation du demandeur au pourvoi, si elle est


reproduite dans l’arrêt.

▪ problème de droit.

▪ solution de la Cour de cassation : il faut exposer le sens de la décision (le dispositif) et les motifs
(dont font partie le visa et l’attendu de principe le cas échéant).

2/ Interroger la décision
Il faut répondre à plusieurs questions dans le but de dégager le sens et la portée de l’arrêt.
- Pour dégager le sens de l’arrêt, il faut :
o Identifier les notions évoquées par la Cour de cassation et les définir.
o Identifier à quels texte, principe, règle chacune des notions se rattachent.
o Identifier les conditions d’application de chaque texte/principe/mécanisme/notion, identifier la condition
particulière qui est discutée dans l’arrêt et le motif de cassation.
Ces éléments vous permettent de reconstituer le raisonnement de la Cour de cassation. Une fois que vous avez identifié tous
ces éléments, vous devez être en mesure de reformuler la solution de la Cour de cassation et les arguments sur lesquels elle
repose avec tous les éléments de connaissance identifiés qui les sous-tendent.

- Pour dégager la portée de l’arrêt, il faut répondre aux questions suivantes :


o Y a-t-il un travail d’interprétation réalisé par le juge ? Si oui, la solution qu’il adopte est-elle conforme à la
loi ?
o Existe-t-il des décisions jurisprudentielles antérieures ou contemporaines répondant au même problème de
droit ? Si oui, le sens de ces décisions est-il le même que celui de la décision commentée ?
o Existe-t-il des décisions jurisprudentielles postérieures confirmant ou infirmant cette décision ? Existe-t-il
une loi (adoptée ou en cours de discussion) consacrant ou combattant cette solution ?
o Quelles sont les opinions doctrinales émises à propos du problème juridique en question ?
Une fois que vous avez répondu à ces questions, vous pouvez construire le plan.

3/ Construire le plan
Le plan doit correspondre à la décomposition logique de la solution de l’arrêt, il doit correspondre aux étapes du
raisonnement adopté par la Cour de cassation.
Il faut aller le plus loin possible dans la décomposition : I/II ; A/B au moins.

4/ Rédiger le commentaire : le commentaire d’arrêt est composé d’une introduction et de développements.


- Introduction : elle se compose de :
o une phrase d’accroche : l’arrêt doit être introduit en ciblant le sujet concerné, suivant une phrase
générale sobre ou une citation (dans ce dernier cas, il faut que cela soit maîtrisé et éviter les lieux
communs).

o la fiche d’arrêt.
o l’annonce du plan : les axes du commentaire doivent être directement issus de la décomposition de la
logique de la solution. Dès lors, immédiatement après l’explication de cette logique (dernière étape de
la fiche d’arrêt), doit suivre l’annonce des deux axes du plan (I/II). .

- Développements : ils correspondent à l’analyse de la logique de la solution : il faut expliquer la solution. Pour
être sûr de réaliser un véritable commentaire, commencez chacune de vos parties et sous-parties en parlant de
la décision, en citant des extraits. Des éléments d’analyse critique peuvent être apportés au fur et à mesure des
développements, qui consistent à répondre aux questions suivantes : la règle de droit est-elle exactement
appliquée par le juge ? Pourquoi ? Quelles sont les conséquences pratiques de la solution ? Est-elle satisfaisante
de ce point de vue ?

Les développements doivent être organisés dans un plan dont la structure doit être mise en évidence :
Exemple (NB. il n’est pas nécessaire de subdiviser le plan jusqu’aux 1./2.) :
I. Titre de la première partie
A. Titre de la première sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision
B. Titre de la deuxième sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision

II. Titre de la deuxième partie


A. Titre de la première sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision
B. Titre de la deuxième sous-partie
1. Titre de la première subdivision
2. Titre de la seconde subdivision

Les intitulés sont courts et ne contiennent, en principe, ni verbe conjugué, ni ponctuation, ni de conjonction de coordination.
Ils doivent être aussi courts que possible. Le titre de chaque partie ou sous partie doit refléter le contenu des développements
de manière claire. Il faut absolument bannir les titres exprimant deux idées différentes.
Entre chaque décomposition (c’est-à-dire avant les sous-parties), il faut faire des chapeaux afin d’annoncer les idées de vos
sous-parties et d’expliquer leur articulation. Entre chaque partie et sous-partie, il faut faire une transition, dans le même but.
9)
Exercices

1) Vocabulaire

V. première page de la plaquette.

2) Exercice de manipulation du Code civil

I. Structure et organisation générale du Code civil

1/ Combien le Code civil comporte-t-il de « Livres » ?


2/ Combien le Livre premier du Code civil comporte-t-il de Titres ?
3/ Quel est le type de numérotation adopté par le Code civil ?
4/ Combien de textes sont intervenus dans le domaine régi par le Code civil en 1980 ? Et en 2017 ?
5/ Par quelle loi le chapitre « Du respect du corps humain » a-t-il été intégré dans le Code civil ?

II. Identification des dispositions du Code civil

1/ Que consacre l’article 8 du Code civil ?


2/ Quel article du Code civil consacre la présomption d’innocence ?
3/ Quel article du Code civil définit le contrat de vente ?
4/ Quel article du Code civil dispose : « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. » ?
5/ Que prévoit l’article 1101 du Code civil ? par quel texte a-t-il été introduit ?

III. Identification de la jurisprudence

Retrouvez dans le code les arrêts suivants. Vous indiquerez l’article sous lequel il se trouve et vous donnerez le numéro de
paragraphe correspondant.

◼ Cour de cassation, chambre civile 1, 29 octobre 2014, n°13-19729

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Encore Events fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance conclu le 7 novembre
2008 pour illicéité de sa cause, alors, selon le moyen :

1°/ que les conditions de validité d'une convention s'apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu'en
estimant néanmoins que le contrat d'assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l'illicéité de l'exposition
« Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d'assurance ne résultent, au regard de l'arrêt rendu par la Cour de
cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n° 09-67.456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l'article
16-1-1 du code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d'assurance litigieux, la cour d'appel a violé les
articles 2 et 1131 du code civil ;
2°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en estimant néanmoins que la loi n° 2008-1350
du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l'entrée en vigueur du nouvel article
16-1-1 du code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;

Mais attendu que le principe d'ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait
à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 d'où est issu l'article 16-1-1 du code civil ; qu'ayant relevé que le contrat
d'assurance souscrit le 7 novembre 2008 par la société Encore Events avait pour objet de garantir les conséquences de
l'annulation d'une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, la cour
d'appel en a exactement déduit que, bien qu'ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'article 16-1- 1 précité, le contrat
litigieux avait une cause illicite et, partant, qu'il était nul ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

◼ Cour de cassation, chambre civile 3, du 21 janvier 1971, n°70-10.543

SUR LE MOYEN D'ORDRE PUBLIC PRIS, D'OFFICE, DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 2 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE, LA LOI NE DISPOSE QUE POUR L'AVENIR ET N'A POINT
D'EFFET RETROACTIF ;
ATTENDU QU'IL RESSORT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE CIVILE
IMMOBILIERE, 18, PLACE DE LA CATHEDRALE A STRASBOURG, EST PROPRIETAIRE, DE LOCAUX A
USAGE COMMERCIAL DANS LESQUELS DAME SARKISSOF X..., DEPUIS LE 9 MARS 1954, EN VERTU D'UN
BAIL CONCLU A CETTE DATE, UN FONDS DE COMMERCE DE TAPIS, TAPISSERIES, MOQUETTES ;
QUE, VOULANT REPRENDRE LESDITS LOCAUX, LA SOCIETE BAILLERESSE, APRES AVOIR DELIVRE, LE
23 JUIN 1966, A LA LOCATAIRE, UN PREMIER CONGE AVEC OFFRE D'UNE INDEMNITE D'EVICTION, A
FAIT SIGNIFIER, LE 30 JUIN 1966, UN NOUVEAU CONGE POUR LE 31 DECEMBRE SUIVANT, EN
PRECISANT CETTE FOIS QU'ELLE REFUSAIT LE RENOUVELLEMENT DU BAIL ET LE PAYEMENT D'UNE
INDEMNITE D'EVICTION AU MOTIF QUE LA DAME Y... N'ETAIT PAS INSCRITE AU REGISTRE DU
COMMERCE ;
QUE DAME Y... QUI, IMMATRICULEE AU REGISTRE DU COMMERCE EN 1952, N'AVAIT PAS RENOUVELE
CETTE IMMATRICULATION, N'A ETE A NOUVEAU IMMATRICULEE QUE LE 5 AOUT 1966, DATE
POSTERIEURE AU SECOND CONGE MAIS ANTERIEURE A L'EXPIRATION DU BAIL ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE DECIDE QUE DAME Y... NE BENEFICIE PAS DE LA LEGISLATION
SUR LES BAUX COMMERCIAUX ET LA DEBOUTE DE SA DEMANDE EN PAYEMENT D'UNE INDEMNITE
D'EVICTION, AU MOTIF QU'A LA DATE DU CONGE DU 30 JUIN 1966 ELLE N'ETAIT PAS INSCRITE AU
REGISTRE DU COMMERCE ET QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE PREMIER DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE
1953, TEL QUE MODIFIE PAR LA LOI DU 12 MAI 1965, CETTE INSCRIPTION EST UNE CONDITION
LEGALE DU STATUT DE LA PROPRIETE COMMERCIALE ;
ATTENDU, CEPENDANT, QU'AU JOUR D'ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 12 MAI 1965, DONT SEUL
L'ARTICLE 15 (ARTICLES 35-1 A 35-6, AJOUTES AU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953) A ETE DECLARE
APPLICABLE AUX BAUX EN COURS, DAME Y... AVAIT ACQUIS, DEPUIS LE 9 MARS 1956, EN VERTU DE
LA LEGISLATION ANTERIEURE (ART 1ER, 4 ET 8 DUDIT DECRET DE 1953, DANS LEUR REDACTION
RESULTANT DES LOIS DES 31 DECEMBRE 1953 ET 5 JANVIER 1957), LE DROIT AU RENOUVELLEMENT
DU BAIL ET, EN CAS DE REFUS DE RENOUVELLEMENT, A UNE INDEMNITE D'EVICTION ;
D'OU IL SUIT QU'EN STATUANT COMME ELLE L'A FAIT, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 2 DU
CODE CIVIL, SUSVISE ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 19 NOVEMBRE 1969 ENTRE LES PARTIES, PAR
LA COUR D'APPEL DE COLMAR
3) Analyse d’arrêts
Pour les deux arrêts précédents :
I. Identifiez la structure :
- énoncé des faits,
- les différentes étapes de la procédure ayant précédé la décision rendue,
- le contenu de la décision attaquée,
- le ou les moyens développés par le demandeur au pourvoi,
- les motifs sur lesquels se fondent la Cour de cassation pour rendre sa décision,
- le dispositif,
- l’éventuel visa,
- les éventuels chapeaux intérieurs ou en tête d’arrêt.

II. Indiquez le cas d’ouverture à cassation.

III. Identifiez si, selon les indices purement formels, l’arrêt est important.

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