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Réactions de Brunissement

Introduction

I) Réaction de brunissement non enzymatique

I-1) réaction de carbonyl-amination : réaction de Maillard

I-1-a) mécanismes de la réaction de Maillard

I-1-b) facteurs influençant la réaction de Maillard

I-1-c) produits de Maillard et coloration

I-1-d) produits de Maillard et arômes

I-1-e) produits de Maillard et action antioxydante

I-1-f) produits de Maillard et acrylamide

I-2) réaction de caramélisation

I-3) dégradation de la vitamine C

II) réaction de brunissement enzymatique

II-1) les substrats de la réaction

II-3) rôle physiologique des polyphénol-oxydases

III) inhibition des réactions de brunissement

III-1) procédés communs pour inhiber les réactions de brunissement

III-1-a) élimination des substrats

III-1-b) modification du pH

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III-1-c) modification de la température

III-1-d) utilisation des agents réducteurs

III-2) procédés spécifiques pour inhiber les réactions de brunissement

III-2-a) action au niveau des polyphénoloxydases

III-2-c) action au niveau du site de fixation des structures


polyphénoliques

III-2-d) action de vis-à-vis de la fixation d’oxygène.

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Introduction

Ces réactions mettent en œuvre d'une part une fonction carbonylée et une fonction amine
libre et peuvent d'autre part concerner soit la réaction de chauffage des saccharides dans
le cadre de la fabrication du caramel soit encore la dégradation de la vitamine C. Il est
assez difficile de suivre correctement l'évolution de ces réactions complexes où les
produits obtenus sont en perpétuel remaniement. La méthode la plus utilisée est l'analyse
en spectrométrie où l'on mesure l'apparition d'une coloration, encore faut il parfaitement
définir à quel moment de la réaction celle-ci sera déterminée. Les mesures sont
généralement réalisées entre 420 et 490 nm mais on peut aussi mesurer en lumière
ultraviolette. Dans ce dernier cas on peut mettre en évidence que le glucose et la lysine
vont donner des prémélanoïdines qui présenteront un maximum d'absorbance à 300 et
375 nm alors que le glycocolle, l'alanine et la proline ne donneront qu'un maximum
d'absorbance à 370 nm, le tryptophane, la phénylalanine ne donneront qu'un maximum à
300 nm. Il existe d'autres techniques qui permettent d'apprécier l'évolution de la réaction
de Maillard. Il est possible de doser les fonctions amines libre, la modification du pH du
milieu, le dégagement de gaz carbonique (celui-ci n'est détectable que pour des fortes
concentrations en saccharides et acides aminés)...

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Schéma général des réactions impliquées dans le brunissement non enzymatique

I) Réactions de brunissement non enzymatique

I-1) Réaction de carbonyl-amination : Réaction de Maillard

Introduction

Louis Camille Maillard, chef de travaux de chimie biologique à la Faculté de Médecine


de Paris a pour préoccupation de recherche la synthèse des polypeptides. A l'époque, on
ne connaissait pas encore le mécanisme par lequel la cellule était capable de bâtir de tels
édifices que sont les protéines. Il s'intéresse donc à la synthèse chimique de polypeptides
en traitant les acides aminés de façon à obtenir des enchaînements linéaires. A cet égard,
il utilise le glycérol comme catalyseur. Il met en évidence après chauffage du glycocolle
en présence de glycérol qu'il obtient des produits cycliques mais aussi des composés à

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structure linéaire. Il pense remplacer le polyalcool qu'est le glycérol par une structure
plus réactive (et plus proche de ce qui devait se passer dans la réalité) : un
monosaccharide qui renferme à la fois fonctions alcool et fonction carbonylée. Il est
étonné de voir qu'en présence de monosaccharide et d'acide aminé il obtient une réaction
de brunissement plus ou moins importante qui dépend des conditions de chauffage et, qui
au bout d'un certain temps donne un dégagement gazeux. Maillard s'étonne que cette
réaction simple à mettre en oeuvre n'ait pas fait l'objet de publications antérieures bien
qu'en 1908 Ling attribuait la coloration du malt en fin de touraillage comme le résultat
d'une réaction entre acides aminés et saccharides. Il confirmait cette hypothèse en
obtenant une coloration après avoir fait agir du glucose sur de l'asparagine. Les résultats
obtenus par Maillard font l'objet d'une première communication en 1911 puis une
deuxième en 1912 suivis par la publication de sa thèse intitulée : « Action de la glycérine
et des sucres sur les acides aminés : cyclo-glycyl-glycines et polypeptides ; mélanoïdines
et matières humiques » en 1913. Le terme de réaction de Maillard est employé pour la
première fois en 1914 par Ruckdeschel puis il faut attendre 1946 pour trouver une
publication de Seaver et Kertesz sur ce thème. C'est très certainement la revue générale
de Ellis, parue en 1959 qui a consacré définitivement cette appellation. Depuis, le
nombre de publications qui concerne cette réaction n'a fait qu'augmenter (700
publications pour l'année 2004) afin de mieux expliciter cette réaction et les produits qui
en découlent tant au niveau du secteur agroalimentaire qu'en santé humaine.

I-1-a) Mécanismes de la réaction de brunissement non enzymatique

Introduction

Les réactions de Maillard se composent de trois étapes principales. Une première étape
conduit à la formation d'une carbonylamine, correspondant à une liaison covalente entre
un groupement carbonyle et une fonction ou ε-NH2 d'un acide aminé libre ou protéique.

Puis une seconde étape aboutit à des produits bruns ou fluorescents appelés AGE
(Advanced Glycated End products) ou PTG (Produits Terminaux de Glycation) pour
décrire les produits obtenus dans le cadre de l'utilisation d'un dérivé saccharidique avec
une fonction amine libre. Dans les aliments, cette étape conduit à de nombreux

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composés. Certains deviennent des molécules aromatiques mais d'autres sont
potentiellement toxiques. Enfin, l'étape finale conduit à la polymérisation en
mélanoïdines.

Réaction de condensation

Les fonctions carbonylées qui réagiront sont de différents types et la réactivité dépendra
de leur structure. Ainsi on peut dégager une règle générale concernant la réactivité des
structures :

aldéhyde saturée < cétone saturée < aldéhyde insaturée < cétone insaturée <
aldéhyde insaturée < cétone insaturée < réductone < composé dicarbonylé insaturé

Structure de quelques dérivés carbonylés

Le composé carbonylé et l'amine vont donner un produit d'addition hautement


instable en milieu aqueux, qui en perdant une molécule d'eau, donnera une base de
schiff. Ces réactions sont réversibles

Mécanisme de la réaction de condensation

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Aldéhyde et cétone saturée représentent les structures typiques des aldoses et des cétoses.
La glycation est la formation non enzymatique d'une liaison covalente entre le
groupement carbonyle d'un aldose ou d'un cétose et le groupement amine libre d'un acide
aminé. D'une façon générale, il y a formation d'une carbonylamine qui est en équilibre
avec une forme intermédiaire qui est une base de schiff. Dans le cas des aldéhydes
aromatiques, l'équilibre est en faveur de la base de schiff. Dans le cas des aldéhydes
aliphatiques il n'y a pratiquement pas de base de schiff l'équilibre étant en faveur de la
carbonylamine. Dans le cas des saccharides, la base de schiff est un intermédiaire qui se
cyclise très rapidement en glycosylamine. Les glycosylamines d'amines véritables sont
stables, les glycosylamines d'acides aminés sont instables et vont se réarranger.

Mécanisme réactionnel de la condensation en présence de glucose

Ces réactions sont réversibles et en milieu fortement acide, le sucre et l'acide aminé
peuvent se régénérer totalement

Les différents réarrangements

Toutefois, une isomérisation irréversible de la base de Schiff donne des produits


plus stables. Il s'agira du réarrangement d'Amadori à partir de la condensation
d'aldose avec des acides aminés pour obtenir des cétosylamines.

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Mécanisme du réarrangement d'Amadori

Il y a possibilité d'une deuxième condensation avec le glucose pour obtenir une


dicétosylamine. Dans le cas d'une condensation entre un cétose et un acide aminé on
obtiendra par le mécanisme de réarrangement de Heyns-Carson une aldosylamine
dans un premier temps puis une dialdosylamine.

Structure d'une aldosylamine

Au cours de cette étape, on a pu mettre en évidence la formation de radicaux libres. Ces


produits se forment en milieu acide et apparaissent bien avant la coloration. On peut

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même se demander s'ils ne sont pas les véritables précurseurs des réactions de
brunissement. La polymérisation de cette molécule conduit à la synthèse de
dialkyldihydro pyrazine selon le schéma suivant :

Formation des alkylpyrazines

Un autre mécanisme peut être évoqué c'est celui qui aboutit à la formation de glyoxal,
structure qu'on a caractérisée dans les stades précoces de la réaction.

Formation du glyoxal

Ces molécules à petits nombre d'atomes de carbone et très réactives sont synthétisées très
rapidement en présence d'alkylamines par rapport à ce qu'on obtient avec des acides
aminés.

La réaction de dégradation de Strecker

Cette étape est plus complexe car composée de différentes réactions. Toutefois, trois
voies se distinguent : deux selon le pH, et une troisième de scission des aldosamines ou
cétosamines. La première est appelée déshydratation modérée. Elle est favorisée aux
pH neutres et légèrement alcalins, et consiste en une énolisation irréversible entre les
carbones 2 et 3 et une perte du résidu aminé. Le composé intermédiaire, 1-méthyl-2,3-
dicarbonyle, est une réductone (dicétone) responsable du caractère autocatalytique de la

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réaction de Maillard via la dégradation de Strecker. Cette réductone se décompose de
manière complexe en une grande variété de composés à fonction mono et dicarbonylée :
furanone, cyclopentanone, isomaltol.

Formation des dérivés du furane en milieu basique et à chaud

On peut aussi obtenir des tricétones

Formation des tricétones

La deuxième est appelée déshydratation forte, favorisée par les pH acides. Elle est la
principale voie de dégradation des cétosamines. Elle débute par la formation d'un ène-
diol entre les carbones 1 et 2 de la glycosylamine N-substituée. Puis un réarrangement
conduit à une double liaison 2, 3 et à la désamination du carbone 1. Ce produit
intermédiaire est aussi une réductone participant à la dégradation de STRECKER. La
perte d'une molécule d'eau donne un composé dicarbonylé insaturé qui, par cyclisation,
amène aux furfuraldéhydes, dont fait partie l'hydroxyméthyl furfural (HMF).

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Réaction de dégradation de Strecker en milieu acide et à chaud

A partir du composé dicarbonylé insaturé, il est possible d'obtenir en milieu acide, par
déshydratation et cyclisation des dérivés du furfural.

Structure du 5 hydroxyméthyl furfural

Le 5 hydroxyméthyl furfural est un composé qu'on retrouve dans les jus de fruits, sa
concentration indique la sévérité du traitement thermique.

Ces deux premières voies sont suivies par la dégradation de Strecker. Cette réaction est
autocatalytique dans le sens où les réductones réagissent avec les acides aminés selon le
même schéma que la réaction initiale de Maillard. Cette réaction entraîne un dégagement
de gaz carbonique, pouvant former des mousses dans les produits à longue durée de
conservation. Cette réaction génère un nouvel aldéhyde, correspondant à l'acide aminé de
départ avec un atome de carbone en moins, qui peut à nouveau réagir. Il y a, en partie, la

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régénération de la réductone, ce qui augmente considérablement les réactions de
brunissement

Réaction de dégradation de Strecker

La condensation de deux aminocétones, produits secondaires de la réaction de


Strecker, donne des pyrazines, substances aromatiques très actives. Elles sont
présentes dans les produits alimentaires auxquels elles donnent des arômes
particuliers plus ou moins désirable : comme les dérivés de la pyrazine.

Structure de la diméthyl pyrazine

La diméthyl pyrazine est l'arôme des pommes chips. Les réductones donnent
également, par réaction avec des acides aminés puis par de multiples réactions
intramoléculaires, des composés très colorés.

La troisième voie est la scission. Une coupure des cétosylamines et des aldosylamines
obtenues peut conduire à la formation de petites molécules carbonylées ou acides, qui,

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par aldolisation, donneront les polymères et produits odorants caractéristiques de la
réaction de Maillard.

Les composés obtenus lors des réactions précédentes donnent :

 par scission : des produits volatils et odorants.

 par aldolisation : des mélanoïdines.

Interaction lipide-protéine

 Généralités
Les lipides qui renferment des acides gras insaturés vont pouvoir subir une attaque
radicalaire puis s'oxyder et donner des radicaux très actifs comme les peroxydes, les
hydroperoxydes, les oxiranes et de nouvelles fonctions carbonylées. L'autoxydation de
la matière grasse découle d'un mécanisme radicalaire où l'attaque s'effectue sur le
carbone placé en alpha de la double liaison (si on est en présence d'un acide gras
monoinsaturé) ou sur le carbone placé entre les doubles liaisons conjuguées (quand il
s'agit d'un acide gras polyinsaturé). Quand une huile de poisson est soumise à une
oxydation on met en évidence la formation de propanal. Cette molécule réagit très
rapidement avec la lysine du muscle pour bloquer cet acide aminé. In vitro on a pu
mettre en évidence qu'un mélange de gélatine et de méthyl-linoléate soumis à un cycle
de congélation-décongélation ne permettait plus de doser la lysine par la technique au
dinitro-fluorobenzène. L'acide linolénique en association avec le cytochrome C, à pH
7,0 entraîne un blocage équivalent à 17,2% de la lysine et 59% pour l'histidine. On
remarque que 20% des acides aminés perdus ne sont plus récupérables par une
hydrolyse acide ce qui confirme que nous sommes très engagés dans la réaction de
condensation.
 La réaction devrait se dérouler selon la figure suivante :

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 Mécanisme général d'interaction lipide-protéine

 Le réseau tridimensionnel formé devient insoluble, coloré et partiellement résistant
aux acides.

I-1-b) Facteurs influençant la réaction de carbonyl-amination

Plusieurs facteurs influent sur la vitesse et les voies de réaction: la température, le pH,
l'activité de l'eau, la nature des molécules mises en jeu, la présence de certains sels et
vitamines.

Action de la température

La température est certainement le facteur le plus influent par sa participation dans


l'équation d'Arrhénius. En effet, la vitesse de réaction est en moyenne doublée lorsque la
température augmente de 10°C. A l'époque, Maillard avait noté que la réaction était
violente à 150°C (la réaction entre le glucose et l'histidine est une réaction
exothermique), rapide à 100°C et qu'on pouvait encore l'observer après quelques jours
d'incubation à 37°C. La réaction de Maillard a lieu même à 4°C avec des vitesses de
réaction qui sont faibles.

Il faudra aussi et surtout prendre en compte le couple température-durée des conditions


de traitement (procédé de fabrication, stockage). Ainsi on a pu mettre en évidence que
pour obtenir une intensité de coloration identique au traitant du glucose avec du
glycocolle 2 heures à 100°C il fallait un temps de chauffage de 250 heures à une
température de 56°C. Cela se vérifie aussi lors du traitement de la caséine par le glucose
qui s'établit 25 fois plus rapidement à 60°C qu'à 37°C. A basse température, en présence
d'eau, la réaction de condensation peut être réversible

Plus la température sera élevée plus la réaction de Maillard se déroulera rapidement.

Action du pH

La réaction de Maillard est favorisée à pH alcalin du fait de la réactivité de l'amine


libre sous sa forme basique et de la valeur de son point isoélectrique dans le cas d'un
peptide.

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La nécessité du pH alcalin s'explique par le fait qu'une fonction amine ionisée ne peut se
condenser avec une fonction carbonylée (doublet d'électrons non réactif).

Il faut noter que lors de la réaction de condensation entre une fonction carbonylée et une
fonction amine d'un acide aminé il peut y avoir une diminution du pH du milieu car la
fonction amine disparaît alors que la fonction acide carboxylique peut toujours
s'exprimer. Cependant la réaction de Maillard peut s'établir plus facilement en milieu
acide quand on est en présence de peptides, de protéines et d'acides aminés aromatiques
par rapport aux acides aminés aliphatiques. L'acide p-aminobenzoïque peut donner avec
des aldoses des réactions de Maillard dès pH 5,3. En milieu acide, les premiers composés
de la réaction de Maillard peuvent être hydrolysés.

A la lecture de ce tableau où le glucose avait été chauffé à 90-95°C, pendant des temps
variables, en présence de différents acides aminés, on voit bien qu'en milieu non
tamponné la réaction n'est pas favorisée puisqu'il y a diminution du pH. Cette
acidification peut s'accompagner d'une ionisation possible de la fonction amine libre ce
qui diminue d'autant le niveau de la réaction (on remarque cependant que les ions

H30+ qui favorisent la déshydratation sont des activateurs de la réaction de

brunissement). On observe aussi que la fonction amine lorsqu'elle est bloquée ne peut
plus donner de réaction de Maillard (cas de la sarcosine et du N-diméthylglycocolle).
Enfin et surtout il faut garder en mémoire le fait qu'il ne faut jamais tenter de généraliser
le comportement des deux réactants à partir d'une condition expérimentale (cas de
l'aminobutyrate). Dans une telle expérience que celle décrite précédemment il faut
encore ajouter un facteur supplémentaire qui risque de fausser les interprétations. Quand
on soumet un saccharide en présence d'une fonction amine en pH alcalin et à chaud, il
faut prendre en compte la stabilité du saccharide et sa propension à donner une
coloration par déshydratation interne et production de dérivés du furfural.

C'est ce qui en ressort de l'étude suivante où le glucose et la lysine sont chauffés soit seul
soit en présence l'un de l'autre pendant 30 minutes à 120°C.

On observe que la lysine est stable quelque soit le pH alors que le glucose seul va donner
une coloration dès pH 6,0. On voit bien qu'en mélange des deux composés et à partir de
pH 8,0 deux types de coloration sont obtenues l'une due uniquement au glucose l'autre
résultant de la réaction de maillard, vérifiée par la perte d'azote aminé. Le brunissement
global qui sera mesuré sera l'addition de ces deux réactions.

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La figure ci-dessous récapitule les réactions où :

AB représente la courbe de stabilité du saccharide et de l'acide aminé,

AB-AM représente la destruction du saccharide et de l'acide aminé par la réaction de


Maillard (RM), AM-AC représente la perte de sucre supplémentaire due à la
déshydratation interne et la formation de dérivés du furfural (caramélisation),

OM-OS représente la perte supplémentaire de l'acide aminé par la réaction de


dégradation de Strecker (DS).

Dans le milieu réactionnel la dégradation du sucre suit la courbe AC, celle de l'acide
aminé la courbe AO puis la courbe OS dès qu'il y a des réductones dans le milieu.

En abscisse l'intensité de chauffage et en ordonnée l'évolution des constituants.

Caractérisation des différentes étapes de la coloration lors de la réaction de Maillard

Action de la teneur en eau

La figure ci-dessous rappelle l'influence de l'eau libre sur l'évolution de certaines


réactions chimiques ou biologiques.

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Influence de l'eau libre sur l'évolution de certaines réactions chimiques ou biologiques

L'eau est un produit de la réaction de Maillard et aura une grande influence sur
l'évolution de la réaction. Les réactions de brunissement vont dépendre de l'activité de
l'eau du milieu (aw). Rappelons que l'activité de l'eau (a w) dans un produit est analogue

à l'humidité relative d'équilibre (HRE).

D'une manière générale, la vitesse de brunissement est maximale pour une HRE
équivalente à 40% et le brunissement est maximum quand l'HRE est au voisinage
de 60-70%. En deçà de 40% la réaction a des difficultés à s'établir par manque d'eau
libre de solvatation (diminution des vitesses de diffusion des substrats) de même
pour des teneurs en eau libre élevée (HRE équivalente à 90%) où la dilution des
substrats diminue l'interaction (loi d'action de masse).

La réaction de Maillard ne se produit pas uniquement en milieu hydraté, on a pu


remarquer que de la poudre d'œuf voyait sa couleur varier en cours de stockage. Des
mélanges secs de glucose et de glycocolle ont été soumis à des chauffages de 50°C sans
qu'il y ait modification de coloration. Si on ajoute une faible quantité d'eau, on remarque
l'apparition du brunissement en moins de 24 heures. Le maximum de coloration est
obtenu pour une teneur en eau de 10%. Si on effectue la réaction avec du xylose à la

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place de glucose à une température de 65°C, le maximum de coloration est obtenu pour
une teneur en eau de 30%. Dans les milieux renfermant une a wélevée on peut imaginer

introduire des dépresseurs de l'activité de l'eau afin de diminuer les réactions de


brunissement. Des expérimentations ont été réalisées en présence de glucose et de
caséine en présence de glycérol (dépresseur). On devrait s'attendre dans ces conditions à
obtenir une diminution des réactions de brunissement. Ce qu'on constate c'est
uniquement un déplacement de la réaction vers des niveaux de plus faible a w provoqué

par la diffusion accrue des substrats en présence de glycérol.

Influence des saccharides

L'initiation de la réaction de Maillard dépend de plusieurs paramètres, la nature des


sucres, la nature de la source aminée et les conditions physico-chimiques. Si on chauffe
des protéines du lactosérum en présence de différents saccharides, on observe les
résultats suivants lorsqu'ils sont exprimés en intensité relative de réaction :

Influence de la nature des saccharides

On peut conclure que plus le saccharide est à nombre réduit d'atomes de carbone
plus il est réactif. Parmi les saccharides, on remarquera que les cétoses sont plus
réactifs que les aldoses (isomérie de fonction).

On pourra caractériser les réactivités suivantes :

D-xylose > L-arabinose > D-fructose > D-galactose > D-mannose > D-glucose

D-glucose > maltose > lactose > saccharose

L'intensité du brunissement est plus élevée de 34,15 % pour la perte en lysine avec les
pentoses, contre 21,15 % avec les hexoses. Une chair de poisson traitée avec du glucose
et du ribose met en évidence en fin d'expérience que 80% du ribose a disparu alors qu'il
reste encore 90% de glucose. On peut imaginer dans un premier temps que la réactivité
des petits saccharides est due à un encombrement stérique moindre qui facilite leur
interaction avec les protéines et dans un deuxième temps attribuer cette capacité à réagir
plus facilement au taux de forme carbonylée vraie présent dans ces structures. Si le
saccharide est sous une forme hémiacétale stable il n'y aura pas de réaction de

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brunissement. Ainsi la réactivité serait proportionnelle au taux de forme ouverte sous
laquelle apparaissent les saccharides. Le tableau ci-dessous montre le pourcentage de
formes ouvertes existant au niveau de différents saccharides en fonction du pH du
milieu.

Pourcentage de formes ouvertes existant au niveau de différents saccharides en fonction


du pH du milieu

Le passage d'une forme ouverte à une forme cyclique chez les saccharides est plus connu
sous le nom de phénomène de mutarotation. On sait que si on prend une forme
cristallisée pure d'un anomère béta d'un saccharide et qu'on le met en solution il y aura
après un certain temps un équilibre entre les anomères alpha et béta.

Schéma de la mutarotation des saccharides

Il est possible de caractériser une vitesse de mutarotation qui est très représentative du
brunissement.

Influence de la vitesse de mutarotation sur l'expression de la réaction de Maillard

Selon les conditions expérimentales on peut ou pas visualiser les produits de la réaction
de Maillard. Mais là, encore une fois, on ne pourra pas généraliser à partir d'une
observation. Ainsi le fructose a donné des résultats contradictoires. Si Maillard plaçait la
réactivité du fructose au dessus de celle du glucose dans le cas d'interaction avec des
acides aminés d'autres auteurs annonçaient son inactivité. On peut démontrer aujourd'hui
que le fructose donne des réactions de brunissement avec des amines aliphatiques ou de
l'ammoniac et qu'en règle générale, les acides aminés ou les amines vont avoir une
influence sur la réaction de brunissement

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Influence des acides aminés

Dans l'expérimentation rapportée ci-dessous, le glucose 25 mM est chauffé à une


température de 114°C pendant 20 minutes avec différents acides aminés.

On pourrait en conclure que seule la lysine est susceptible de donner des réactions de
brunissement. Ceci peut évidemment se concevoir dans le cadre de peptides ou de
protéines puisque chaque fonction alpha aminée (à l'exception de celle en position N-
terminal) est impliquée dans la mise en place de la liaison peptidique. Dans ces
conditions seuls les acides aminés qui présenteront une fonction amine dans leur chaîne
latérale seront susceptibles de donner des réactions de brunissement (lysine, arginine,
histidine). Si on considère des acides aminés, on remarque que les plus réactifs sont la
lysine, le glycocolle et la méthionine, les moins réactifs sont la cystéine, l'acide
glutamique et l'asparagine. On peut mettre en évidence que la fonction acide
carboxylique si elle est libre est inhibitrice des réactions de brunissement.

Cette inhibition diminue si la fonction amine est éloignée de la fonction acide mais si la
longueur de la chaîne est trop importante la fonction amine peut revenir (par flexibilité
de la structure) dans l'entourage de la fonction acide et subir à nouveau son influence.
Lorsqu'on est en présence de structure diaminée c'est la fonction amine la plus éloignée
de la fonction acide qui réagit.

Influence de différents facteurs

Action de la teneur en oxygène

La production de gaz carbonique lors de la réaction a laissé supposer dans un premier


temps que l'oxygène de l'air pouvait participer à la réaction. Maillard a montré que si la
réaction était effectuée sous atmosphère d'azote la réaction se déroulait de façon
identique.

On sait maintenant qu'il s'agit d'une réaction de décarboxylation des acides aminés lors
de la réaction de dégradation de Strecker.

L'oxygène néanmoins peut jouer un rôle au niveau des produits de la réaction de


Maillard. Les réactions d'oxydation entraînent la formation de produits acides qui

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diminuent (par ionisation des fonctions amines) la réaction de condensation et entraîne
une diminution de la coloration.

Action des métaux

La réaction de brunissement est accélérée en présence de métal ou de sel (Cu 0, Cu2+,

Fe0...).

L'efficacité des métaux est mise en évidence dans une zone de concentration comprise
entre 10 et 40 ppm

Dans le cas des sels cuivriques (Cu 2+), il y a augmentation de la coloration sans qu'on
constate une diminution du taux des fonctions alpha aminées. Il y a en fait une réaction
d'oxydo-réduction des saccharides et production d'une coloration. Les sels ferriques
accélèrent la réaction de brunissement d'un facteur 4 à 5 ainsi que les sels de cobalt qui
favorisent la fixation des fonctions amines alors que les sels de manganèse vont inhiber
la réaction lorsque celle-ci se déroule en phase aérobie. Les produits de la réaction de
Maillard forment avec les métaux des complexes métalliques stables en milieu acide.

Action du temps

Le temps est un facteur important de la réaction de brunissement.

D'une façon générale, l'intensité de coloration augmente avec le carré du temps.

L'insolubilité des produits de la réaction de Maillard, le pouvoir réducteur, la perte des


acides aminés et l'abaissement du pH augmentent avec le temps réactionnel. On peut
mettre en évidence que les dérivés du furfural augmentent pour atteindre un maximum et
rester constants alors que la réaction de coloration se poursuit.

Quand on analyse le développement de la coloration on peut mettre en évidence que


la réaction s'effectue par étape avec une étape où il est possible de caractériser une
diminution du pH qui se stabilisera pour donner une phase stationnaire au bout de
laquelle on pourra mettre en évidence une nouvelle baisse de pH suivie par une
nouvelle phase stationnaire et le cycle continuera tout le temps où il y aura des
substrats en présence.

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Les phases stationnaires vont dépendre des conditions expérimentales. La coloration
apparaît à la fin de la deuxième phase stationnaire. La figure qui suit montre le cas
général du développement de la coloration.

Influence du temps sur le développement de la réaction de brunissement

La figure suivante illustre à la fois l'influence du temps en relation avec la vitesse de


mutarotation des saccharides.

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Influence du temps et de la vitesse de mutarotation des saccharides sur la réaction de
brunissement

Action des radiations

La lumière favorise les réactions de brunissement quand le milieu ambiant est


pauvre en oxygène

Dans le cas contraire on observe un blanchiment qui est proportionnel à l'intensité


lumineuse et au temps d'illumination. Il y a diminution du nombre de doubles liaisons
conjuguées. Les radiations ionisantes entraînent une augmentation des réactions de
brunissement. Des composés fluorescents sont formés mais il n'y a pas de furfural ou de
dérivés du furfural

Action des ions phosphate

La coloration est augmentée en présence des ions phosphate

Ceci est important quand on se trouve en présence de saccharides qui peuvent être
phosphorylés. La phosphorylation au niveau de la fonction hémiacétale inhibe la réaction
de brunissement car il n'y a plus de possibilité d'ouverture du cycle par contre la

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phosphorylation d'une autre fonction hydroxylée favorise la réaction de brunissement et
on peut mettre en évidence que la vitesse d'hydrolyse du groupement phosphorylé est
proportionnelle à celle de la réaction de brunissement.

I-1-c) Produits de Maillard et coloration

La coloration brune plus ou moins prononcée des mélanoïdines est obtenue par
l'intermédiaire d'un grand nombre de molécules qui jalonnent la réaction.

A un stade précoce, la glycosylamine peut se cycliser et se déshydrater par une


condensation entre l'azote et la fonction hydroxylée du carbone 5 de l'hexose. Cette
réaction donne un dérivé de la pyridine qui pourra s'associer avec des métaux

comme le Fe2+ ou le Fe3+ (rapport 1/1) pour donner une coloration.

Il peut aussi se produire une double condensation avec la production de pyrazine. Sur ces
molécules, il est possible par réaction de substitution et d'addition d'obtenir des produits
colorés.

Condensation intra et intermoléculaire des glycosylamine

La coloration peut aussi résulter de la polymérisation de petites molécules du type :


pyrole ou furfural.

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La coloration dépend du nombre de double liaisons conjuguées qui apparaissent au
niveau de la structure de condensation.

Réaction de condensation des dérivés du furfural

I-1-d) Produits de Maillard et arômes

La génération de composés aromatiques peut provenir de la condensation d'acides


aminés et de saccharides. La qualité de l'arôme dépend de la nature de l'acide aminé,
du saccharide et des conditions expérimentales.

On peut définir différentes classes de produits qui interviendront dans l'expression de


l'arôme. Il y aura d'une part les dérivés hétérocycliques renfermant un atome d'azote qui
seront par exemple responsables des arômes de noisette, céréales grillées, de pain frais...
et d'autre part des dérivés hétérocycliques renfermant un atome d'oxygène qui seront
responsables de l'arôme caramel. A ces produits, il faut ajouter des aldéhydes et des
cétones. La note aromatique sera variable d'un produit à un autre mais aussi pour un
même produit.

Produits de Maillard et arômes

2
Les arômes de viande sont obtenus à partir de la cystéine, la méthionine et la cystine
selon le schéma réactionnel suivant :

Production des structures à arome de viande

Les pyrazines sont obtenues quand on fait réagir une structure peptidique avec du
glyoxal. Les arômes des chips sont dus à ce type de molécule. Les arômes de pain sont
obtenus à partir de la réaction engendrée par la proline avec des réductones selon le
schéma réactionnel suivant :

2
Production des molécules à arome de pain

Les arômes de cacao représentés par le méthyl- 5-phényl-2-hexanal sont bien


réalisés dans le cadre d'une réaction de Maillard faisant intervenir l'isovaléraldéhyde
(issue de l'isoleucine) et la phénylacétaldéhyde (issue de la phénylalanine) lors du
grillage des fèves de cacao.

I-1-c) Produits de Maillard et action antioxydante

De nombreux produits sont susceptibles à l'action de l'oxygène de l'air et du milieu


ambiant. Dans les aliments il s'agira surtout des lipides insaturés qui subiront
l'autoxydation, réaction radicalaire mettant en jeu : peroxyde, hydroperoxyde. Au cours
de la dégradation des acides gras on observera la synthèse de nouvelles molécules
comme les aldéhydes, qui pourront bien évidemment se condenser avec des acides
aminés, peptides ou protéines. On peut empêcher l'établissement des réactions
d'oxydation par le biais des antioxydants comme le BHA (ter butyl hydroxyanisole) ou le
BHT (di ter butyl hydroxytoluène). Ces composés sont de plus en plus discutés quant à

2
leur utilisation en industries agroalimentaires car ils peuvent être potentiellement
toxiques. On essaie de plus en plus de remplacer ces antioxydants de synthèse par des
molécules naturelles comme les tocophérols (vitamine E) ou la vitamine C bien que leur
efficacité soit moindre.

On s'est rendu compte pour la première fois en 1954 que les produits agroalimentaires
semblaient plus stables à l'oxydation quand s'était effectuée une réaction de Maillard. La
première observation concernant ces propriétés antioxydantes a été réalisée après
introduction des produits de la réaction entre glucose et glycocolle dans le procédé de
fabrication de la margarine. Ce rôle antioxydant a aussi été mis en évidence lors de la
fabrication des chips de pomme de terre qui voyaient une diminution de rancidité quand
l'huile de soja qui était employée pour la cuisson renfermait les produits de la réaction de
Maillard issus de l'interaction entre du glucose et de l'isoleucine pendant 5 minutes à
175°C. Cette action est aussi caractérisée lors du stockage des biscuits, des coockies
(addition d'acides aminés comme la valine, le glycocolle, la lysine aux farines), des
saucisses stockées à basse température (addition du glucose et de l'histidine), des pâtés
(produits de la réaction entre xylose et lysine ou entre xylose et tryptophane). Dans le lait
avant atomisation, il est possible d'introduire et de préchauffer du glucose et de l'histidine
afin d'éviter l'oxydation de la matière grasse. Cela n'empêche cependant pas la
disparition de la lysine et l'apparition d'une coloration. Comme on peut le remarquer avec
les observations précédentes, il est indispensable que la réaction de Maillard s'établisse
au cours du procédé de fabrication ou que les produits de la réaction de Maillard soient
introduits dès le début du procédé. Les meilleurs résultats on été obtenus avec l'arginine,
l'histidine, lysine, leucine et tryptophane. Les produits de la réaction de Maillard entre
xylose et glycocolle présentent un pouvoir antioxydant équivalent au BHA mais inférieur
à celui du BHT.

Le mécanisme par lequel les produits de la réaction de Maillard développent leurs


propriétés antioxydantes est encore mal connu. Mais, ce qui est certain c'est que la
présence des produits de la réaction de Maillard diminue très fortement le taux de
peroxyde dans le milieu comme le montre le tableau suivant dans l'étude de l'oxydation
du méthyl linoléate à 20°C en présence ou non de produit de la réaction de Maillard.

Propriétés antioxydantes des produits de la réaction de Maillard

2
L'indice d'acide gras polyinsaturé est déterminé en dosant le malondialdéhyde par l'acide
thiobarbiturique.

On suppose que les réductones, les donneurs d'électrons ainsi que les mélanoïdines vont
réagir avec les métaux de transition qui jouent un rôle important dans l'oxydation de la
matière grasse. Si les mélanoïdines ont un pouvoir antioxydant important, on ne peut pas
en introduire de grandes quantités dans un produit agroalimentaire au regard de la forte
coloration qui peut apparaître. On a pensé diminuer l'intensité de coloration soit par
hydrogénation soit encore par ozonolyse ou traitement par des micro-organismes des
produits. La décoloration préalable par hydrogénation diminue les propriétés
antioxydantes alors qu'une décoloration des produits par ozonolyse ne modifie pas les
propriétés de même que des traitements par certains micro-organismes (Coriolus
diversicolor, Streptomyces wearrensis). Dans ces deux derniers cas il apparaît donc
possible d'utiliser ces techniques pour augmenter la stabilité à l'oxydation de la matière
grasse alimentaire

I-1-f) Produits de Maillard et acrylamide

Après l'annonce de la découverte de résidus d'acrylamide dans les aliments par l'Agence
Suédoise des Aliments, l'AFSSA a été chargée de faire le point sur les risques et
l'exposition de la population à l'acrylamide dans les aliments. En février 2003 elle publie
un premier bilan avec plus de 200 données provenant de l'industrie agroalimentaire et de
l'AFSSA. Elles ont été regroupées selon la classification du Codex alimentarius. Les
teneurs sont extrêmement variables en fonction : de la méthode d'analyse, de l'origine du
produit et pour un même produit des conditions expérimentales, par exemple pour un
snack extrudé par rapport à un snack frit la teneur peut varier de 40 à 900 µg/kg.

Un rapport de l'AFSSA rassemble les teneurs moyennes détectées dans certains aliments
et le tableau ci-après résume ces valeurs.

Teneur moyenne en acrylamide de quelques produits alimentaires

L'acrylamide n'est pas mutagène selon le test d'Ames ni dans d'autres tests de
mutagenèse mais il agit au niveau des lignées germinales où il induit des mutations
transmissibles.

2
A haute dose, il provoque la méthylation de l'ADN. L'acrylamide est un produit
clastogène (qui provoque des aberrations chromosomiques) donc il est considéré comme
génotoxique.

L'acrylamide ne présente pas d'effet cancérogène sur le rat à des doses de 0,5mg/kg de
poids corporel mais en présente pour des doses de l'ordre de 2mg /kg. Dans ce dernier
cas, cela se traduit par l'apparition de tumeurs bénignes et malignes au niveau de la
thyroïde, de la glande mammaire, du scrotum et au niveau du système nerveux central.
Aucun effet n'a été mis en évidence chez l'Homme sauf des adduits à l'hémoglobine chez
les sujets exposés et une neurotoxicité spécifique au niveau du sciatique. L'acrylamide
est une molécule probablement cancérogène pour l'homme. La FAO/OMS a défini un
seuil d'acrylamide à ne pas dépasser (DJA) : il est compris entre 0,3 et 0,8 µg/kg de poids
corporel et par jour.

L'acrylamide a été détecté essentiellement dans des produits d'origine végétale soumis
aux conditions de la réaction de Maillard et plus particulièrement quand il y a présence
d'acides aminés et de saccharides libres ou rajoutés. Lorsqu'on soumet à pH 5,5 (tampon
phosphate) pendant 20 minutes à 185°C,1 mmole d'asparagine et 0,1 mmole de glucose
on obtient une production de 221 mg d'acrylamide par mole d'acide aminé. Dans les
mêmes condition la teneur en acrylamide est comprise entre 0,5 et 1 mg/mole d'acide
aminé pour les molécules suivantes : cystéine, méthionine, glutamine et acide aspartique.
La fabrication de snacks de pomme de terre sans introduction de saccharide et d'acide
aminé engendre des teneurs en acrylamide inférieures à 50 ppb, l'addition d'asparagine
entraîne la production de 117 ppb d'acrylamide et l'addition d'asparagine associée a celle
du glucose produit 9270 ppb d'acrylamide. On observe donc que la synthèse élevée
d'acrylamide est en relation directe avec une concentration élevée en asparagine libre qui
se trouve dans les ingrédients de fabrication. Dans la pomme de terre, 40% des acides
aminés libres sont représentés par l'asparagine soit l'équivalent de 940 mg/kg. La farine
de blé renferme 14% d'asparagine libre (173 mg/kg), les amandes 34%, le café 12% alors
qu'on trouve moins de 5% d'asparagine libre dans la viande. Ceci expliquerait les fortes
variations en acrylamide observées dans les différents produits manufacturés d'origine
végétale.

2
I-2) Réaction de caramélisation

Introduction

La production de caramel s'élève à 200 000 tonnes par an et pratiquement 80% de la


production est consacrée au caramel colorant.

Historique
C'est Sénéque en 65 avant JC qui parle pour la première fois des réactions de
caramélisation. Les premières études furent effectuées par Peligot en 1838 puis reprises
20 ans plus tard par Gelis, Gerhardt et Mulder.

A cette époque, on propose de scinder la fraction non volatile du caramel soit 95%
du produit de caramélisation en trois composants : le caramélane, le caramélène et
le caraméline.

Le caramélane possède une structure chimique du genre : C 24H36O18, il est constitué de

particules dont la taille est voisine de 0,45µm. C'est un produit brun, cassant à saveur
amère, très hygroscopique. C'est le produit majeur qu'on obtient quand, après chauffage
la perte en masse du produit n'excède pas 12%.

Le caramélène correspond à une structure du type C 36H48O24, la taille des particules

est de l'ordre de 0,95 µm. L'augmentation de taille correspond à une polymérisation du


produit. La coloration est plus intense que pour le caramélane. Il est moins
hygroscopique et sa température de fusion est voisine de 153-154°C.

Le caraméline est une structure du type C 96H102O51, il renferme des particules qui sont

de l'ordre de 4 µm. La teinte est beaucoup plus noire que les précédents. On ne peut pas
l'obtenir sous forme fondue. Comme on peut le constater les caramels sont des solutions
colloïdales. L'homogénéité va dépendre de la viscosité du produit.

D'une façon générale, le caramel est obtenu par chauffage de différents types de
glucides quand ils sont concentrés, chauffés ou séchés. Ces glucides peuvent être les
seuls composés de la réaction ou être utilisés en présence de certains additifs
comme : des acides (acétique, phosphorique, sulfurique, sulfureux), des anhydrides
(SO2), des bases (ammoniaque, soude, potasse) des sulfites (sodium, potassium,

ammonium).

2
Parmi les produits de la réaction, on distinguera des molécules hétérocycliques à
oxygène et des structures renfermant un ou plusieurs atomes d'azote. Dans le
premier cas nous serons en présence de caramel aromatique, dans le second cas
nous serons en présence de caramel colorant.

Production de caramel aromatique

D'une façon simple, la réaction de caramélisation est un procédé de déshydratation d'un


saccharide comme le saccharose ou le glucose suivie par des étapes d'isomérisation et de
polymérisation. En réalité la réaction résulte d'un processus complexe de réactions
chimiques qui sont encore mal connues. D'autres saccharides peuvent être utilisés
comme le lactose, le maltose, les sirops de glucose voire même dans certains cas des
mélasses de canne à sucre qui ont comme avantage de déjà renfermer des produits
analogues à ceux qu'on trouve dans les caramels. L'inconvénient principal de cette source
saccharidique est sa trop forte teneur en ion potassium.

La caramélisation est un procédé simple qui consiste à traiter thermiquement les


saccharides au dessus de leur point de fusion par des procédés sous vide, sous
pression ou à pression atmosphérique. La température varie entre 190 et 250°C. Au-
delà de cette température, il y a carbonisation du saccharide.

La caramélisation débute à haute température (180°C pour le maltose, 160°C pour le


saccharose, le glucose, le galactose, 110°C pour le fructose). La caramélisation peut se
réaliser en présence de catalyseur ce qui permettra d'abaisser la température vers 120-
130°C. Cette technique donne des caramels correctement colorés et sans saveur amère.
La caramélisation en présence d'acide ou de base minérale permet de travailler à des
températures encore plus basses. Cette technique repose sur la fabrication de dérivés du
furfural (pour les cétoses) et en 5 hydroxyméthyl furfural (pour les aldoses) par
déshydratation interne des monosaccharides.

La modification des saccharides sous l'action de la température, si on prend l'exemple du


saccharose, peut se résumer de la façon suivante :

Modification des saccharides sous l'action de la température, exemple du saccharose

2
Les appellations correspondent à des comportements rhéologiques bien particuliers : Le
grand perlé: il se forme de grosses perles à la surface du sirop, Le petit boulé: le sucre
se roule en boule molle lorsqu'on le prélève avec une cuillère et qu'on le plonge dans
l'eau froide. A travers l'écumoire trempée dans le sirop, les bulles se détachent....

Le saccharose est la matière première la plus utilisée pour la production de caramel


aromatique. La réaction se déroule de la façon suivante : il y a dans un premier temps
hydrolyse du saccharose en ses deux monosaccharides constituants : le glucose et le
fructose. C'est d'ailleurs cette étape qui sera le facteur limitant de la réaction.

Dans un deuxième temps on observe que la caramélisation du fructose s'effectue plus


rapidement que celle du glucose (un cétose est plus réactif qu'un aldose) et donne des
colorations qui sont légèrement supérieures à celles obtenues avec d'autres saccharides.
Ainsi pour un saccharose qui aura été chauffé 8 heures entre 170 et 190°C on obtiendra
presque exclusivement du caramélane alors que pour un chauffage de 11 heures à la
même température on obtiendra un mélange des trois formes avec cependant une
prédominance du caramélène.

La réaction de caramélisation est aussi productrice de molécules aromatiques comme le


diacétyl obtenu dans les premières étapes de la réaction. A côté de cette molécule, des
centaines d'autres sont produites comme l'hydroxymaltol à partir de monosaccharides, le
maltol à partir de disaccharides ou encore des dérivés du furane (hydroxyméthyl furfural,
hydroxyacétyl furane), des furanones (hydroxydiméthyl furanone, dihydro diméthyl
furanone).

Molécules aromatiques du caramel

2
Production de caramel colorant

La production de caramel colorant résulte de l'application de la réaction de Maillard


en utilisant de l'ammoniaque, du sulfite d'ammonium, des acides aminés, des
peptides ou des protéines.

Cette réaction est utilisée car elle donne des colorations plus intenses et apporte plus
d'arome que la réaction de production de caramel aromatique. Ce procédé n'est
cependant pas dénué de dangerosité car on remarque au cours de la fabrication
l'apparition de molécules neurotoxiques dérivées de l'imidazole.

Produits azotés obtenus au cours de la fabrication du caramel colorant

Les 4 et 5 méthyl imidazole entraîne l'apparition de convulsions pour des doses de 360
mg par kilo de poids corporel. Les caramels colorants renferment de 50 à 400 mg par
kilo de ces composés. Le 2-acétyl(4) 5 tétrahydroxy imidazole possède une activité anti-
vitamine B6 et provoque un abaissement du taux des lymphocytes. Une DJA a été
instaurée pour ces caramels (sauf pour les caramels de classe I), elle est de 200 mg par
kilo de poids corporel.

Afin de pouvoir comparer les différents caramels (car parmi ces 4 classes il y a au moins
10 variétés différentes de caramel) on utilise soit l'indice de couleur qui mesure
l'absorbance d'une solution de caramel à 0,1% (P/V) à 560 nm dans une cellule de 10
mm de trajet optique soit l'indice de Hue ou indice de rougeur qui est donné par la valeur
du logarithme du rapport des absorbances à 510 nm/absorbance à 610 nm x 10. La
solubilité dans l'eau est fonction de la taille des produits mais va aussi dépendre de la
viscosité du milieu. Plus le caramel est visqueux moins il est soluble. La stabilité de la
coloration est inversement proportionnelle à la viscosité par contre la stabilité colloïdale
est d'autant meilleure que la viscosité est moins élevée. Le caramel ne doit pas être

2
stocké à des pH inférieurs à 2,5 car il présentera dans ces conditions des phénomènes de
résinification entraînant l'apparition d'un insoluble important.

Réactions chimiques mises en œuvre

Les furanoses sont moins stables que les pyranoses, les monosaccharides sont moins
stables que les disaccharides. Un disaccharide se décompose 20°C au dessus de la
température d'un monosaccharide. Dans les oligosaccharides, une liaison alpha
glycosidique est moins stable qu'une liaison béta glycosidique.

Dans la fraction volatile du caramel on a caractérisé les molécules suivantes : du


formaldéhyde, de l'acétaldéhyde, du méthanol, de l'éthanol, de l'acide furoïque, du
maltol. Dans la fraction non volatile, les composés caractérisés proviennent des réactions
de déshydratation et de couplage des produits obtenus. Ainsi le caramélane correspond à
la déshydratation interne des saccharides selon le principe suivant :

2
Réactions intervenant dans la caramélisation

Il est aussi possible de mettre en évidence des liaisons 1,3, 1,6 et 1,4 entraînant une
polymérisation analogue à celle qu'on met en évidence dans la structure du polydextrose.
On peut aussi caractériser la présence de structure cyclique comme celle représentées ci-
dessous et qui proviennent toutes de la double déshydratation entre deux molécules de
saccharides ce qui entraîne la fabrication d'un troisième cycle hexagonal au milieu des
deux autres.

Production de dianhydride lors de la réaction de caramélisation

2
Après la déshydratation il y a possibilité d'obtenir des dérivés du furfural qui peuvent
évoluer pour donner par exemple de l'acide lévulinique qui donnera des produits
fortement colorés par la suite. Il est aussi possible d'obtenir lors de la réaction de
caramélisation la scission des saccharides en glycéraldéhyde et dihydroxyacétone qui
donneront le pyruvaldéhyde qui peut se condenser pour donner des benzoquinones par la
suite.

Dégradation de la vitamine C

Le chauffage des jus de fruits en particulier lors de la pasteurisation ou de la flash


pasteurisation est responsable de la dégradation d'une partie de l'acide ascorbique.
Cette dégradation s'effectue en milieu acide soit en aérobiose ou en anaérobiose.
Les réactions sont identiques à ce qui a été décrit dans le cadre de la dégradation de
Strecker.

L'addition de vitamine C « synthétique » peut amplifier les phénomènes de brunissement


car cette molécule peut jouer le rôle d'une réductone et s'associer avec des acides aminés
pour donner des mélanoïdines dans le cadre d'une réaction de Maillard déjà initiée. En
anaérobiose, en milieu acide et sous l'action de la température la vitamine C se dégrade
selon le schéma réactionnel suivant :

Dégradation de la vitamine C en anaérobiose

2
En aérobiose, en milieu acide et sous l'action de la température, la vitamine C se dégrade
selon le schéma réactionnel suivant :

Dégradation de la vitamine C en aérobiose

Le principal effet défavorable est la forte chute du taux de vitamine C, en particulier


dans les jus de fruits industriels. D'autre part, l'aspect du produit est notablement
altéré par brunissement. Enfin, le dégagement de CO 2 peut provoquer une

surpression dans les briques de jus de fruits et une mauvaise conservation de


l'aliment.

II- Réaction de brunissement enzymatique

Introduction

Les réactions de brunissement enzymatique concernent surtout les produits alimentaires


d'origine végétale. Cependant ces activités ont aussi été caractérisées chez les micro-
organismes et chez les invertébrés (crustacés). Ces réactions entraînent une modification
de l'apparence, de la flaveur et de la qualité nutritionnelle du produit. Toutes ces
conséquences sont préjudiciables à la qualité organoleptique de l'aliment. Cependant le
brunissement peut dans certains cas être recherché lorsqu'il permet d'améliorer l'aspect et
le goût des produits alimentaires comme dans le cas du café, de la maturation des dattes,
la fermentation du thé ou la fabrication du cidre.

2
Ces réactions sont le résultat de la transformation par l'intermédiaire de système
spécifique des composés phénoliques en polymère colorés, le plus souvent en brun
ou noir sous l'action d'une enzyme : la polyphénol oxydase (PPO).

Cette réaction est d'autant plus importante que les tissus des végétaux sont malades
ou lésés. L'endommagement par contusion peut résulter d'action de pelage,
découpage, broyage, congélation et déshydratation.

La réaction peut être schématisée selon le modèle ci-après :

Réaction générale des polyphénol oxydases

II-1) Les substrats de la réaction

Il existe de nombreux substrats phénoliques : mono-, di-, triphénol susceptibles de


donner des réactions de brunissement. Leur réactivité est plus ou moins grande en
fonction de leur structure (les dérivés méta diphénol sont les moins réactifs par rapport
aux dérivés ortho- et para-). La réaction va aussi dépendre de la spécificité des enzymes
et du degré d'oxydation.

Les pyrocatéchols

Les substrats les plus simples sont les pyrocatéchols et leurs dérivés. Ce sont des
dérivés diphénoliques dont la structure de base est analogue à celle représentée dans
la figure suivante.

Structure des pyrocatéchols

2
Les acides aminés

Les dérivés de la phénylalanine sont les substrats des polyphénol oxydases car cet
acide aminé par l'intermédiaire d'hydroxylase à bioptérine peut être transformé en
tyrosine dans un premier temps puis en dihydroxy phényl alanine (DOPA) dans un
second temps selon le processus réactionnel suivant :

Réaction d'hydroxylation de la phénylalanine

La DOPA sous l'action des PPO va pouvoir donner la DOPAquinone. Dans la banane, la
DOPA va subir une réaction de décarbolxylation (réaction caractéristique des acides
aminés) pour donner la 3,4 dihydroxy phényléthylamine qu'on appelle : la DOPAmine.
C'est cette DOPAmine qui après oxydation sera le principal agent de coloration de la
banane en cours de mûrissement.

Les acides organiques

Les acides organiques sont les substrats privilégiés des PPO. Ces enzymes réagiront sur
des acides organiques polyphénoliques comme dans le cas de l'acide gallique ou l'acide
chlorogénique.

Ce dernier acide est constitué par l'association de l'acide quinique et de l'acide caféique.
Il se rencontre dans les pommes de terre, les pommes, les poires. Lors de la cuisson des
pommes de terre et en présence de sel de fer, il y a développement d'une coloration
bleue-noire. La réaction et la coloration disparaissent si on est en milieu acide. L'idéal
serait de cuire à des pH inférieurs à 4 mais dans ces conditions, le couplage de l'acidité et
de la chaleur se traduirait par une hydrolyse de l'amidon et perte de la structure du
végétal. La cuisson pourrait aussi se réaliser en présence d'agent chélateur si la
législation le permet.

2
Structures des acides organiques impliqués dans les réactions de brunissement enzymatiques

Les flavonoïdes

Les flavonoïdes répondent à la structure générale suivante :

Structure générale d'un flavonoïde

Les noyaux A et B pourront être substitués plus ou moins fortement par des fonctions
hydroxylées. Le noyau A pourra être substitué par des copules saccharidiques. La partie
réactive de cette structure vis-à-vis des PPO est en général le noyau B qui porte les
fonctions mono, di, triphénoliques.

On pourra caractériser plusieurs familles de composés.

Les anthocyanidoles

Les anthocyanidoles regroupent des structures qui pourront être mono ou


polyhydroxylées comme par exemple la pélargonidine, la cyanidine ou la delphinidine.
Ces structures sont représentées dans la figure suivante.

2
Structure des anthocyanidoles

Ces molécules ont la particularité d'être glycosylées en position 3 ou 5 soit par du


glucose, du galactose, du rhamnose ou de l'arabinose soit encore par un disaccharide
constitué par du glucose et du rhamnose. Les saccharides peuvent être par la suite
estérifiés par des acides organiques (férulique, caféique...)

Anthocyanidole glycosylée

Les anthocyanidoles ont la particularité de changer de couleur en fonction du pH du


milieu. Ces molécules passent du bleu au rouge quand le milieu s'acidifie. C'est la
couleur des petits fruits rouges, des bleuets, des coquelicots...

2
Variation de coloration des anthocyanidoles en fonction du pH

Les leucoanthocyanidoles

Ces produits ne sont pas colorés, ils pourront être transformés en anthocyanidoles
par oxydation et déshydratation. C'est ce qui se réalise au cours de la cuisson de
certains végétaux comme les fèves, les pommes, les poires, les salsifis... la
coloration passe alors au rose ou au rouge.

Les flavonols

Les flavonols sont caractérisés par une fonction carbonylée et une fonction
hydroxylée placées en ortho l'une par rapport à l'autre. Ces structures sont
généralement glycosylées en position 7 (réaction d'éthérification).

2
Les molécules représentatives de ce groupe sont : le kaemférol, la quercétine, la
myricétine. Ce sont des agents mutagènes et la mutagénicité semble augmenter lorsqu'il
y a perte de la copule saccharidique.

Les flavanones

La fonction hydroxylée en C3 est supprimée, le reste de la molécule ne change pas.


On trouve généralement en position 7 un disaccharide le rutinoside qui est un
rhamnose lié à un glucose par une liaison 1,2 glycosidique.

Cette structure est responsable de l'amertume dégagée par certains végétaux (albedo
des agrumes, pépin de raisin...). Ainsi la naringine est l'hétéroside de la naringénine
comme l'hespéridine est l'hétéroside de l'hespérétine. Ces molécules dégagent des
propriétés édulcorantes par ouverture du cycle. La néohespéridine dihydrochalcone
est 2000 fois plus sucrée que le saccharose.

2
Structure des flavanones

Les tannins

Les tannins sont des molécules qui vont subir l'action des polyphénol oxydases mais ils
vont aussi contribuer à la structure des végétaux (incrustation des parois cellulaires) et
participer à la saveur des aliments, plus particulièrement au niveau de l'astringence
(interaction avec les mucines au niveau buccal) et d'une façon générale avec les
protéines. Ils sont responsables de l'inactivation de systèmes enzymatiques, du trouble de
la bière, du noircissement des purées de marrons.

Il existe deux classes de tannins :

 les pyrogalliques qui résultent de l'estérification des fonctions hydroxylées d'un


saccharide par des acides organiques polyphénoliques (acide gallique,

2
digallique, ellargique, lutéïque...). On peut obtenir jusqu'à une estérification
des 5 fonctions hydroxylées. Ces tannins sont hydrolysables.

 les catéchiques dont la structure est assez voisine de celle des anthocyanidoles.

Structure des tannins

Certains tannins semblent posséder des propriétés intéressantes comme par exemple
l'épigallocatéchine 3 gallate qu'on retrouve dans les feuilles de thé vert. Cette
molécule possède des propriétés anticancéreuses de par son action comme
inhibiteur de l'urokinase. Cette action est moins importante que l'amiloride utilisé
conventionnellement dans les traitements mais dont les effets secondaires ne
peuvent tolérer qu'une administration de 20mg par jour. Les extraits de thé vert
renferment jusqu'à 150 mg d'épigallocatéchine 3 gallate par tasse et peuvent
compenser leur plus faible réactivité par des prises de quantités plus importantes
sans effets secondaires.

2
Mécanisme réactionnel

L'activité optimale des PPO se situe généralement dans une gamme de pH comprise
entre 4 et 7. On remarque que pour une enzyme d'origine donnée, le pH optimum
peut varier en fonction du substrat. Ainsi, le pH optimal de la PPO d'abricot est de
4,4 lorsque le 4-méthylcatéchol est employé et de 6,6 lors de l'oxydation de l'acide
chlorogénique dans des conditions similaires. Les enzymes peuvent résister jusqu'à
des températures de l'ordre de 70°C. Les enzymes ont été décrites comme pouvant
exister sous forme de proenzyme qu'il était possible d'activer soit par le biais des

ions H3O+ soit par des acides gras (acide linolénique) soit encore par modification

de la conformation. Dans ce dernier cas, il s'agit plus particulièrement des phénol


oxydases (tyrosinase) des crustacés qui sont activées par protéolyse. Les crustacés
peuvent présenter une mélanose (black spot) qui est due à l'existence au niveau du
céphalothorax (dans les hémocytes et la cuticule) d'une prophénol oxydase qui se
trouve associée dans un complexe macromoléculaire constitué d'un ensemble de
structures différentes les unes des autres. Le complexe prophénol oxydase renferme
des structures capables de reconnaître et de s'associer avec : soit des glucanes, soit
des peptidoglycanes soit encore des lipopolysaccharides provenant de micro-
organismes et d'engendrer une cascade de réactions d'activation en réponse à cette
association. Parmi les enzymes activées il y a une sérine protéase qui agira sur la
prophénol oxydase et la transformera en phénol oxydase dont l'activité est
essentiellement dirigée vers l'oxydation de la tyrosine.

La spécificité dépend de la structure de l'enzyme et des substrats, mais également des


conditions expérimentales. La nature et la position des substituants sur les mono ou les o-
diphénols sont déterminants pour la réactivité du substrat vis-à-vis de l'enzyme. L'affinité
la plus faible est dirigée vers les substitutions en position méta

La réaction de brunissement enzymatique est une réaction d'oxydo-réduction où le

cuivre va jouer un grand rôle avec le passage des formes cuivriques (Cu 2+) aux

formes cuivreux (Cu+) et où la régénération de l‘activité de la PPO va se réaliser à


partir de l'oxygène moléculaire

2
Les différentes réactions engendrées par les polyphénolydases

La régénération de la PPO peut aussi se réaliser par l'intermédiaire de la transformation


d'un monophénol en diphénol.

Transformation des monophénols en diphénols

Les quinones produites sont des inhibiteurs de la réaction.

Si nous prenons comme exemple la coloration qui accompagne le mûrissement de la


banane nous obtenons le schéma réactionnel suivant.

2
Action des PPO sur la dopamine

La figure précédente rassemble les réactions qui permettent d'obtenir une coloration par
action des PPO sur la dopamine présente dans la banane.

Il est à noter que seule la première étape est catalysée par les PPO, toutes les autres
étapes sont des oxydations chimiques. La vitesse globale de coloration dépend en fait de
la vitesse du réarrangement moléculaire qui est le facteur limitant avec une faible vitesse
de réaction. Après l'obtention de l'indol 5,6 quinone, l'obtention de mélanoïdines est très
rapide.

Ces polymères sont obtenus quand les quinones réagissent avec des molécules du type R-
NH2 ou R-SH.

2
Inhibition des réactions de brunissement

Au cours des processus de transformation, il conviendra de prendre des mesures


appropriées pour limiter voire inhiber complètement les réactions de brunissement
qu'elles soient non enzymatiques (réaction de Maillard) ou enzymatiques (Polyphénol
oxydases). On pourra mettre en évidence des traitements qui seront d'une part communs
aux deux types de réactions, en effet quand on examine les produits intermédiaires de ces
réactions on caractérise la présence de structures carbonylées (aldéhyde, cétone,
quinone...) et, d'autre part on aura des traitements qui seront spécifiques de l'une ou
l'autre des réactions de brunissement. Dans ce dernier cas on s'intéressera plus
particulièrement aux facteurs influençant ces réactions (pH, température, a w,

inhibiteurs...).

III-1) Procédés communs pour inhiber les réactions de


brunissement

III-1-a) Elimination du substrat

Cas des réactions de brunissement non enzymatique

Dans le cas des réactions de brunissement non enzymatique, on peut essayer d'éliminer
en tout ou partie l'un des substrats de la réaction.

Lors de la fabrication de poudre d'œuf, par exemple, il faudra éliminer au maximum le


glucose soit par voie fermentaire (utilisation de levure) soit par voie enzymatique avec la
glucose oxydase. Pour fabriquer des chips, on aura intérêt à reconditionner les pommes
de terre par un traitement thermique à 20°C pendant une quinzaine de jours. En effet et
surtout en fin de saison, les pommes de terre présentent des taux d'autant plus élevés de
sucre réducteurs (dus à la dégradation de l'amidon) que la température de stockage aura
été basse. En replaçant les tubercules à 20°C on favorise l'activité de l'amidon synthétase
qui utilisera les sucres réducteurs néoformés pour redonner de l'amidon.

Lors de la formulation de certains aliments, on veillera à n'ajouter les saccharides (même


le saccharose) qu'après le traitement thermique.

2
Cas des réactions de brunissement enzymatique

Dans le cas des végétaux, on sélectionnera des espèces végétales ne renfermant que peu
de composés polyphénoliques. Dans le cas de la préparation des jus de fruits par
exemple, il est possible de traiter les extraits par le polyvinylpolypyrolidone (PVPP), le
charbon actif ou la bentonite qui adsorbera les dérivés phénoliques. On utilise aussi
maintenant des composés comme les cyclodextrines dont l'efficacité a été mise en
évidence pour piéger l'acide chlorogénique et les flavonols. Cependant, de par leurs
structures, les cyclodextrines n'ont aucun effet sur des phénols ayant un fort caractère
hydrophile comme la dopamine (substrat naturel de la PPO de banane). L'efficacité des
cyclodextrines est limitée pour une utilisation en surface de fruits tranchés par une faible
vitesse de diffusion depuis la surface vers l'intérieur de la tranche. Enfin les
cyclodextrines pourraient modifier les propriétés organoleptiques des aliments traités.
Les chitosanes, polymères de N-acétylglucosamine pourraient être utilisés pour inhiber le
brunissement enzymatique de jus de pommes, de poires et des vins car ils présentent une
forte affinité pour les flavonoïdes. D'autres polysacharides anioniques comme les
carraghénanes peuvent inhiber le brunissement enzymatique de jus ou de tranches de
pommes.

III-1-b) Modification du pH

Cas des réactions de brunissement non enzymatique

L'abaissement du pH permet de limiter le phénomène de brunissement non enzymatique


par ionisation de la fonction amine primaire en ammonium quaternaire non réactif. On
pourra aussi ajouter au milieu de la -gluconolactone qui libérera progressivement son
acidité (poudre d'œuf). Dans le cas des boites de concentrés de tomate un dégagement
d'hydrogène peut se produire après attaque acide du métal.

Cas des réactions de brunissement enzymatique

Qui n'a pas utilisé un jus de citron pour éviter le brunissement de champignons émincés
ou la découpe d'un avocat ? Cette technique est très utilisée pour contrer les
brunissements enzymatiques dans la mesure où l'on travaille à des pH de l'ordre de 2,7-
2,5. A ces valeurs de pH les PPO sont inactives. On emploie généralement le trempage

2
dans des bains acides, l'acide le plus utilisé est l'acide citrique mais le plus efficace est
l'acide malique.

Dans les deux cas, encore faut il que le produit à traiter puisse supporter ce type de
traitement.

III-1-c) Modification de la température

Cas des réactions de brunissement non enzymatique

C'est généralement au cours de la réaction de déshydratation que se produit le


brunissement (haute température et teneur en eau critique).

On peut évidemment diminuer la température mais on devra augmenter le temps de mise


en œuvre du procédé et on aboutira pratiquement au même résultat. A basse température
on ne bloque pas la réaction de Maillard on ne fait que diminuer la vitesse de réaction.
Les produits déshydratés doivent être entreposés à des températures inférieures à 25°C,
dans des emballages imperméables à la vapeur d'eau. Pour les jus de fruits concentrés, il
faut parfois envisager de stocker à des températures inférieures à 0°C afin d'éviter la
dégradation de la vitamine C qui produira du gaz carbonique et fera bomber les
emballages.

Cas des réactions de brunissement enzymatique

L'inactivation des PPO peut se réaliser par une opération de blanchiment (pasteurisation,
appertisation).

C'est une méthode qui est efficace mais qui entraîne de profonde modification de texture
et des propriétés organoleptiques des végétaux. Si cela peut se concevoir pour les
légumes, on ne peut l'utiliser pour les fruits. On peut aussi diminuer l'intensité de la
réaction en abaissant la température aux environs de 40°C± 10°C.

La congélation n'est pas une solution adaptée car à moins d'être effectuée à très basse
température il y aura formation de cristaux de glace au niveau cellulaire. Ces cristaux
vont modifier la perméabilité membranaire et mettre en présence substrat et enzyme au

2
moment de la décongélation et de la remontée en température favorisant ainsi la réaction
de brunissement.

III-1-d) Utilisation des agents réducteurs

Cas des réactions de brunissement non enzymatique

Dans le cas de la réaction de Maillard le seul agent efficace contre les réactions de
brunissement est l'anhydride sulfureux, utilisé sous forme de sel ou de gaz. Quand le
SO2 est utilisé pour ses propriétés antiseptiques (concentration supérieure à 50 ppm), la

concentration est très largement suffisante pour inhiber les réactions de brunissement.
C'est le cas notamment des jus de raisin, du vin, des fruits déshydratés, des jus
concentrés en fûts ou de la pulpe de fruit pour confiture. Dans les produits où le SO 2 est

utilisé uniquement pour inhiber la réaction de brunissement non enzymatique, les


concentrations sont beaucoup plus faibles. Il s'agit par exemple de la purée déshydratée
en poudre, les pommes de terre déshydratées en tranche, les marrons glacés, les jus
concentrés d'agrumes.

L'addition de SO2 peut entraîner des modifications d'arome, de pigmentation et,

dans les jus d'agrumes produire de l'hydrogène sulfuré (H 2S). Enfin le SO2 détruit

la vitamine B1.

Les bisulfites (KHSO3) réagissent avec les fonctions carbonylées, les bases de

schiff ou les composés carbonylés insaturés pour donner des sulfonates stables.

La réaction suit la loi d'action de masse et, quand tous les sulfites auront réagi avec les
fonctions carbonylées les plus réactives la réaction de Maillard reprendra inévitablement.

2
Action des sulfites sur les réactions de brunissement

Cas des réactions de brunissement enzymatique

Les sulfites vont pouvoir réagir à la fois au niveau des PPO et sur les produits de la

réaction. Ces réactifs, à savoir les ions sulfite (SO 32 -) et bisulfite (HSO3-), sont

capables d'inactiver de manière irréversible les PPO de végétaux supérieurs ou d'origine


fongique. L'inactivation de la PPO peut se produire en 20 minutes pour des
concentrations en sulfite de l'ordre de 1 mg par litre. Il s'avère en outre que l'inactivation
est d'autant plus efficace que le pH est plus acide. Le mécanisme d'inactivation
s'accompagne d'un changement de structure tertiaire et/ou d'ionisation de la PPO,
vraisemblablement suite à la réduction de ponts disulfure.

La seconde série de mécanismes mis en jeu dans l'effet anti-brunissement des


sulfites est leur interaction avec les quinones sous forme de produits d'addition
stables et incolores et la réduction des quinones conduisant à la régénération des
phénols parentaux ( figure ci-dessous).

2
Toutes ces propriétés font de l'emploi des sulfites le traitement chimique anti-
brunissement le plus répandu. L'oenologie est le premier domaine d'application dans
lequel leur effet anti-microbien et leur capacité à stabiliser la couleur et la flaveur
des vins sont exploités. Dans les filières fruits et légumes, ils sont utilisés comme
moyen de prévention du brunissement des fruits et légumes secs (abricots, figues,
haricots) ou frais, qu'ils soient entiers ou pelés et prédécoupés. Enfin, ces
traitements sont largement employés de nos jours dans la conservation de fruits de
mer. Ces produits sont en effet très sensibles au brunissement enzymatique nommé
alors Black Spot. Les crevettes et autres crustacés sont généralement trempés
immédiatement après la pêche dans une solution de bisulfite de sodium. Les
produits alimentaires sont donc traités par trempage dans des solutions ou le plus
souvent par vaporisation de sulfite. Les fruits tranchés ou les pommes de terre
tranchées sont par exemple trempés dans une solution de bisulfite de potassium à
2500 ppm pendant 30 secondes ce qui permet une pénétration de bisulfite de l'ordre
de 50 ppm. Au point de vue de la concentration en bisulfite, la concentration peut
atteindre 5000 ppm sans qu'il n'y ait apparition de mauvais goût. Le principal
inconvénient de cette technique est la non élimination totale du SO 2. On peut pallier

cet inconvénient par un lavage en présence de phosphate dipotassique pendant 5


minutes.

Dans le cas des réactions de brunissement enzymatiques on pourra traiter les


produits de la réaction par la vitamine C qui peut se trouver soit sous forme réduite
ou oxydée.

En France, l'addition de vitamine C ne peut dépasser 300 mg par litre. Son faible
coût et ses propriétés anti-oxydantes et anti-radicalaires en font un traitement
alternatif de choix aux sulfites. Elle est essentiellement utilisée pour traiter les fruits
en tranches, en segments ou en morceaux. L'acide ascorbique est employé contre le
brunissement de la pomme, de l'avocat, de la poire, de la banane et de la pomme de

2
terre, en combinaison avec l'acide citrique, le métabisulfite de sodium (0,05 %) et
l'EDTA ainsi que les ions chlorures.

Mécanisme d'action de la vitamine C

Pour que le traitement soit efficace il faut de grandes quantités de vitamine C


généralement comprises entre 0,5 et 1% du poids du produit à traiter. S'il y a
suffisamment de vitamine C, comme l'activité des PPO va diminuer en fonction du
temps, on pourra bloquer complètement la réaction de brunissement. On ne peut
utiliser cette technique pour les fruits entiers car la vitesse de pénétration (diffusion)
de la vitamine C est très lente dans les tissus végétaux. Sur le même principe que la
vitamine C on pourrait utiliser la cystéine ou le glutathion.

Toxicité et réglementation de l'utilisation des sulfites

Généralités
Jusqu'en 1986, la Food and Drug Administration (FDA) classait les sulfites dans les
additifs alimentaires non toxiques. Les commissions d'experts de l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) déclaraient alors qu'un homme de 60 kg pouvait ingérer
quotidiennement jusqu'à 42 mg de sulfites sans danger. Cependant, dès 1981, un nombre
croissant de rapports montre que certains aliments traités pouvaient provoquer des
allergies chez certains sujets asthmatiques. Les aliments traités aux sulfites contiennent
du dioxyde de soufre (SO2). Ce gaz serait susceptible de provoquer une constriction

bronchique lorsqu'il est présent dans les aliments ingérés. D'autres effets tels que des
chocs anaphylactiques, urticaires, nausées ou diarrhées ont été observés cliniquement
chez certains sujets, mais les liens avec l'ingestion des aliments traités ne sont pas
clairement établis. En outre, des cas d'intoxication dus aux dégagements gazeux de
dioxyde de soufre, au cours du traitement de crevettes, ont été relevés. Dès 1986, la FDA

2
prend une série de mesures visant à contrôler de plus en plus sévèrement l'utilisation des
sulfites dans l'alimentation. Ainsi, depuis 1996, les traitements aux sulfites sont interdits
sur les fruits et légumes servis ou vendus frais aux consommateurs. Ils restent autorisés
sur divers produits comme les crevettes, les fruits et légumes secs et les vins. La présence
de sulfites doit être déclarée sur l'étiquetage au delà de 10 ppm de dioxyde de soufres
résiduel totaux, et ne doit pas dépasser 100 ppm. En Europe, une directive de 1995
(95/2/EU) limite leur utilisation sur les pommes de terres pelées et/ou découpées. Un
arrêté d'octobre 1997 a abaissé les quantités maximales de sulfites autorisées dans les
crustacés, les fruits séchés et certains jus de fruits.

III-2) Procédés spécifiques pour inhiber les réactions de


brunissement

Il s'agira uniquement des techniques qui permettent d'inhiber les réactions de


brunissement enzymatique. Elles concerneront la réaction enzymatique elle-même et on
pourra caractériser 4 niveaux d'intervention qui seront : action au niveau de l'enzyme, au
niveau du cuivre, du site de fixation du substrat polyphénolique et de l'oxygène de l'air.

Action au niveau des polyphénol oxydases

La génétique permet d'envisager de diminuer la teneur en polyphénol oxydase comme il


est possible de diminuer par sélection le taux de dérivés polyphénoliques. Il existe aussi
des réactifs qui seront capables de réagir avec les fonctions amines libres des structures
polypeptidiques des PPO en donnant des bases de schiff stables. Ce groupe d'inhibiteurs
non compétitifs est constitué principalement d'aldéhydes extraits de végétaux.

2
Action des aldéhydes sur les PPO

On pourrait envisager l'utilisation des pressions hydrostatiques dans le cas des


polyphénol oxydases sensibles à la pression (pression supérieure à 100 MPa). Les PPO
partiellement purifiées de pomme, de raisin, de poire et d'avocat sont partiellement
dénaturées (10 à 60 % de l'activité initiale est perdue) lorsqu'elles sont exposées durant
15 secondes à des pressions allant de 100 à 900 MPa et à des températures atteignant
60°C. Cette sensibilité ne semble pas être vérifiée dans le cas des champignons.
Toutefois, la température, la pression et la durée du traitement restent des paramètres à
optimiser pour une meilleure efficacité.

Action au niveau de l'interaction avec le cuivre

Les composés chélateurs de métaux forment des complexes avec les atomes de
cuivre du centre actif des polyphénol oxydases. Cette inactivation s'accompagne de
l'arrachement d'un des deux atomes de cuivre de l'enzyme conduisant à une forme
inactive nommée metapo, l'atome de cuivre encore fixé à l'enzyme restant sous
forme oxydée.

La forme metapo est alors capable de fixer spontanément un atome de cuivre présent
dans le milieu, conduisant ainsi à la régénération de la forme native de l'enzyme et à la
restitution de l'activité catalytique. L'acide citrique qui est utilisé pour modifier le pH est
aussi couramment utilisé pour chélater le cuivre du site actif de l'enzyme. Certains
acides, organiques ou non tels que l'acide malique, tartrique, malonique, phosphorique
ou chlorhydrique peuvent également être employés. Cependant, leur prix et leur effet sur
la qualité organoleptique des aliments représentent leurs principaux inconvénients.
D'autres composés sont aussi utilisés comme le 2-mercaptobenzothiazole, l'azide et le

2
cyanure de sodium, le monoxyde de carbone, l'EDTA, l'acide fusarique (toxine
de Fusarium lycopersicum), le diéthyldithiocarbamate. Les ions chlorure (les halogènes
d'une manière générale) sont également capables de complexer les atomes de cuivre
présents dans le site actif de la PPO. Si le chlorure de sodium ou de calcium est
fréquemment employé en combinaison avec l'acide ascorbique, son utilisation est limitée
par les modifications des propriétés organoleptiques de l'aliment. Parmi les agents
chélateurs employés industriellement se trouve le Sporix™ , un polyphosphate acide de
synthèse, fréquemment utilisé en mélange avec l'acide ascorbique. L'efficacité de cette
préparation dépend fortement du pH de l'aliment traité.

Structure de quelques agents chélateurs du cuivre

On a pu caractériser des inhibiteurs naturels des PPO chez Dactylium dendroïdes où un


peptide de 13 résidus d'acides aminés inhibiteur de la galactose oxydase inhibe aussi les
catéchol oxydases des champignons et de pommes en agissant vraisemblablement au
niveau du cuivre. On observe le même phénomène chez Agaricus hortensis où un
polypeptide de 1000 à 1200 Da renfermant Phé, Asp et Glu en mélange équimoléculaire.

Action au niveau du site de fixation des structures polyphénoliques

Dans ce groupe d'inhibiteurs, on trouvent des acides carboxyliques et plus


particulièrement des acides benzoïques, cinnamiques et phénylalcanoïques. Ce sont
le plus souvent des inhibiteurs compétitifs des PPO, leur action est due au fait qu'ils
sont des analogues de structure des phénols-substrats et qu'ils possèdent un faible
caractère oxydable.

2
Toutefois, le type d'inhibition observé peut varier selon le substrat ou la source
enzymatique.

L'acide benzoïque présente un Ki de l'ordre de 0,64mM, le p-hydroxybenzoate


possède un Ki de 0,57mM. L'acide vanilique est moins inhibiteur avec un Ki de 10
mM alors que l'acide coumarique a un Ki de l'ordre de 0,04mM. Les dérivés de la
résorcine substitués en position 4 ont une activité inhibitrice vis-à-vis du
brunissement qui est proportionnelle à la longueur de la chaîne.

Cette action a été mise en évidence dans le latex de figue renfermant la ficine.

Inhibiteurs des PPO se fixant au niveau du site de fixation des substrats polyphénoliques

Il est possible d'utiliser des molécules identiques au gaïacol comme inhibiteur des PPO.
Ceci peut s'envisager en utilisant des organismes génétiquement modifiés dans lesquels
on aurait augmenté l'activité des méthyltransférases par amplification des gènes.

Action des méthyltransférases sur les diphénols

2
Action vis-à-vis de la fixation d'oxygène

Une façon de limiter les réactions de brunissement est de limiter la pression partielle
en oxygène au niveau du système enzymatique. Différentes techniques sont utilisées
pour atteindre ce but.

On peut utiliser des agents anti-oxydants synthétiques (E300 à E321) comme on peut
utiliser les techniques du vide ou le barbotage sous gaz inerte (azote). Il faut cependant
éviter que le tissu végétal encore physiologiquement actif ne se retrouve en anaérobiose
car dans ces conditions les processus fermentaires prendraient le dessus. Il est nécessaire
que le traitement de conservation soit immédiat après la diminution de la teneur en
oxygène.

Il est aussi possible de diminuer la concentration en oxygène par le biais de réaction


enzymatique, il s'agira du couplage de la glucose oxydase avec la catalase qui par la
transformation du glucose en gluconolactone permet de réduire la quantité d'oxygène
présente dans le milieu. Cette action se double d'une augmentation de l'acidité qui
diminue aussi la réactivité des PPO.

La limitation de la teneur en oxygène peut se réaliser par une action de croûtage.

Cette technique est utilisée après le tranchage ou le pelage des fruits soit en traitant par
de la saumure soit par des sirops de glucose ou de saccharose. Ces produits vont réaliser
un film à la surface des produits et diminuer ainsi la vitesse de diffusion de l'oxygène
vers l'intérieur du produit. Dans le cas du NaCl cet effet se double par une action de
chélation du cuivre par l'halogène. L'absorption du NaCl ou des saccharides va
augmenter la pression osmotique des morceaux de fruits et raffermir la texture. C'est
généralement le traitement qu'on applique aux fruits devant être congelés. Dans ce cas,
on utilise des concentrations en saccharose de l'ordre de 30 à 50% et pour 1 volume de
fruit on applique 3 à 7 volumes de sirop de sucre en association avec la vitamine C.

Plutôt que de trempage, il serait préférable de recouvrir les tranches des végétaux par une
couche comestible constituée par de la cellulose riche en antioxydants et en agents
acidulants. Il n'y aurait pas de perte de texture par ce procédé.

L'utilisation d'emballage imperméable à l'oxygène permet d'augmenter la durée de


vie des produits.

2
Cependant il faut que ces emballages soient perméables à la vapeur d'eau. En effet s'il y a
phénomène de respiration du végétal dans un emballage totalement imperméable
l'augmentation de la teneur en eau du milieu favorisera le développement des
moisissures. Il est donc nécessaire que les fruits et légumes soient conservés en
atmosphère contrôlée.

Dans le cas de la conservation des pommes et des poires, on parle d'atmosphères


classiques quand on maintient les fruits dans une ambiance comportant autour de 3%
d'oxygène et d'atmosphères ULO (ultra low oxygen) quand on tend à passer sous la barre
de 1% d'oxygène. Sous ces conditions particulières et en associant une réfrigération
adéquate, on est capable aujourd'hui de préserver ce type de fruit pendant 4 à 6 mois
voire 10 à 12 mois.

Il ne peut y avoir d'atmosphère où l'oxygène sera remplacé en totalité par un autre gaz
car dans ces conditions il y a développement des voies fermentaires. La présence
d'éthanol est détectée pour des teneurs en oxygène inférieures à 3%. Si on utilise le CO 2,

la concentration maximale de ce dernier sera de 2,5% pour une teneur en oxygène de 3%


car un excès de CO2 peut provoquer chez certains végétaux sensibles des brunissements

internes avec des cavernes sèches dans la chair du fruit.

2
Oxydation des Lipides

Les principaux facteurs déterminant la durée de vie des lipides sont les réactions
d’oxydation.

Les substrats des réactions d’oxydation sont principalement :

 les acides gras insaturés. Ils s’oxydent en général plus vite lorsqu’ils sont libres et
plus insaturés.

 Les acides gras saturés ne s’oxydent qu’à une température supérieure à 60°C,

 tandis que les acides polyinsaturés s’oxydent même lors de l’entreposage des
aliments à l’état congelé.

Les facteurs qui influencent, ou qui initient, l’oxydation des lipides sont nombreux. Il
s’agit de facteurs intrinsèques tels que :

 la composition en acides gras des lipides (nombre et position des insaturations),

 la présence de pro-oxydants (hème, ions métalliques, enzymes)

 ou d’antioxydants naturels (tocophérols, caroténoïdes…)

et des facteurs externes telles que :

 la température, la lumière, la pression partielle en oxygène, l’activité de l’eau, les


conditions de stockage et de transformation.

En fonction des agents initiateurs, on classe l’oxydation des lipides en 3 types :

 l’auto-oxydation catalysée par la température, les ions métalliques, les radicaux


libres ;

 la photo-oxydation, initiée par la lumière en présence de photosensibilisateurs et

 l’oxydation enzymatique initiée par la lipooxygénase.

Les principaux problèmes posés par l'oxydation des lipides résident dans :

2
 la dégradation des propriétés biochimiques, organoleptiques (formation de
composés volatils d’odeur désagréable : rancissement) et nutritionnelles (par
interaction des produits d'oxydation avec les acides aminés) de l’aliment.

 L'oxydation des lipides conduit également à la formation des peroxydes qui sont
des molécules cancérigènes

Auto-oxydation

L’oxydation des lipides est une réaction auto-catalytique. Il s’agit d’un enchaînement de
réactions radicalaires se déroulant en trois étapes.

 Une première réaction produit un radical libre par élimination d’un hydrogène de
l’acide gras (initiation).

 Puis les réactions s’enchaînent pour produire plusieurs radicaux libres


(propagation)

 qui se combinent pour former des composés non radicalaires (terminaison).

Initiation (figure 10) : En présence d’un initiateur (I), les lipides insaturés (RH) perdent un
proton (H°) pour former un radical libre de lipide (R° ).

L’arrachement du proton est facilité tant par la chaleur (agitation moléculaire) que les
rayonnements ou les catalyseurs (métaux tels que Cu, Fe, Co, Mn, Ni…).

Propagation (figure 11) : Les radicaux libres formés (R°) fixent l’oxygène moléculaire
et forment des radicaux libres peroxydes instables (ROO°) qui peuvent réagir avec une
nouvelle molécule d’acide gras (RH) pour former des hydroperoxydes (ROOH).

2
Terminaison (figure 12) : Les radicaux formés réagissent entre eux pour conduire à un
produit qui n’est pas un radical libre.

Les hydroperoxydes, les premiers produits de l'oxydation des lipides sont instables. Ils
vont donc rentrer dans une série de réactions complexes qui vont aboutir à une myriade
de composés ayant des poids moléculaires variables. A ce stade, le goût de la matière
grasse est altéré et on parle de rancissement

Facteurs influents l'oxydation des lipides

Les principaux facteurs impliqués dans l’oxydation des lipides au cours des procédés
de transformation et de conservation des aliments sont : la température, le pH, l’activité
de l’eau et la pression partielle en oxygène.

 Une élévation de température favorise l’oxydation des lipides. L'oxydation des


lipides est d'autant plus rapide que la température est importante. Ainsi, les
opérations de cuisson sont bien connues pour avoir un effet pro-oxydant marqué.
Au contraire, la congélation est un bon moyen pour augmenter la durée de
conservation des produits, car les vitesses d'oxydations des lipides sont notablement
réduites à faibles températures.

 Le pH influence le déroulement de l’oxydation par le biais de plusieurs


mécanismes.

 Un pH acide favorise donc la réaction d’oxydation, en particulier quand des espèces


pro-oxydantes (ions des métaux de transition) ou antioxydantes (acide ascorbique
par exemple) solubles en phase aqueuse sont présentes.

 Le pH intervient également dans la solubilité des composés impliqués dans


l’initiation de la réaction. Ainsi, plus le pH est bas, plus la solubilité et le potentiel

2
redox de ces ions métalliques, et donc leur réactivité vis à vis des molécules
oxydables est élevée.

 Dans le cas du tissu musculaire, un pH bas favorise la dénaturation des protéines


héminiques et la libération du fer qui est un agent prooxydant.

 L’activité de l’eau d’un système influence les réactions d’oxydation des lipides. En
effet, l'eau permet la mobilisation des substances pro-oxydantes ou antioxydantes.

 La concentration d'oxygène (pression partielle en oxygène) dans l'espace


environnant le produit et dans le produit lui-même influence la vitesse d'oxydation
des lipides. Elle intervient également au niveau de la nature des produits
secondaires formés par décomposition des hydroperoxydes. Son incidence est donc
à la fois sur la durée de conservation du produit et la nature des odeurs perçues
quand le produit est oxydé.

Le contrôle ou l'inhibition de l'oxydation des lipides est donc basée sur la maîtrise de ces
paramètres : température, pH, aw, concentration d'oxygène. L'action sur plusieurs
paramètres en même temps permet d'augmenter ou de réduire davantage la vitesse de
l'oxydation.

L'utilisation des antioxydants (tocophérols, polyphénols, flavonoïdes, vitamine E,


vitamine C, etc.) est souvent utilisée par les industries agroalimentaires pour inhiber
l'oxydation.

Les antioxydants utilisés sont

 soit des agents de prévention qui bloquent la phase d'initiation en réagissant avec
les initiateurs de la réaction (O2, lumière, métaux, ...)

 soit des agents de terminaison qui bloquent la poursuite de la phase de


propagation en réagissant avec les radicaux libres et les transformant en
composés plus stables.

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