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Histoire Politique Robert Poujade (1972)

du Paysage

Le document qui m’a été donné est un extrait du


livre «Le ministère de l’impossible», écrit en 1975 par
Robert Poujade.

Robert Poujade est connu comme étant la première Dans son livre «Le ministère de l’impossible», publié
personnalité politique chargé des sujets de la en 1975 aux éditions Calmann-Lévy dans la collection
protection de la nature et de l’environnement, de 1971 «Questions d’Actualités», Robert Poujade retrace son
à 1974. parcours en tant que Ministre de l’Environnement.
Né en 1928 à Moulins, Robert Poujade poursuit des Il y évoque à la fois le contexte dans lequel s’est
études de littérature, et devient professeur agrégé créé ce ministère, les actions politiques qu’il a mené
de lettres, après s’être formé à l’École Normale au cours de son mandat, mais aussi les difficultés
Supérieure pour ensuite passer l’agrégation de lettre sociales, politiques et financiaires qu’il a dû affronter.
en 1953. Il développe un regard très critique sur son
En parallèle de ses études, il s’engage à partir 18 mandat, en se qualifiant notament de «ministre de
ans au sein de mouvements gaullistes (RPF, puis l’impossible», tant ses possibilités d’agir étaient
UNR, UDR et RPR), ce qui l’amène à occuper des contrainte par le contexte politique de la France
postes importants dans plusieurs de ces partis dès et l’absence d’intérêt porté aux enjeux liés à
les années 60. C’est dans cette même période que l’environnement et au paysage à cette époque.
Robert Poujade commence à s’intéresser aux enjeux
de l’environnement, et devient membre de la Ligue « C’est intéressant, votre ministère. Il ne devrait rien
Urbaine et Rurale, entre autres. En 1970, la DATAR coûter à l’État », glisse Valéry Giscard d’Estaing,
crée le Haut Comité de l’Environnement dont Robert alors ministre des Finances, à Robert Poujade. « En
Poujade prend la présidence. L’année suivante, il est somme, tu es préposé à embêter tout le monde…
nommé ministre délégué du Premier ministre c’est un métier plutôt risqué », enchaîne son collègue
J. Chaban-Delmas, chargé de la protection de la de l’Équipement, Albin Chalandon. Avant que l’ancien
nature et de l’environnement. président du Conseil (sous la IVe République), Edgar
Suite aux évènements de Mai 68 qui fait émerger de Faure, ne résume l’état d’esprit général. « Comme
nouvelles thématiques comme l’émancipation des c’est difficile et qu’on ne vous donnera pas de
mœurs, la libération des femmes, le refus de la société moyens, parlez surtout, parlez beaucoup, brassez des
de consommation et la protection de la nature, un idées. Au besoin, je vous en donne ! »
groupe de hauts fonctionnaires de la DATAR suggère
au Premier Ministre de s’intéresser à la thématique Extrait d’un article de la revue WE DEMAIN n°30, écrit par
de l’environnement, qui réserve une petite partie du Gérard Leclerc
budget national à la création d’un nouveau ministère.
Robert Poujade devient alors en avril 1973, le premier Le public visé par cet ouvrage est pour moi,
ministre de l’environnement, poste qu’il occupe principalement la classe politique de l’époque,
jusqu’en février 1974. dans l’objectif qu’elle apprenne de ses erreurs. Il
Il devient par la suite président du Conservatoire du démontre parfaitement la manière dont l’Etat échoue
littoral en 1976, président de la Commission nationale à se saisir des questions de l’environnement et de
des Secteurs sauvegardés en 1978, et président de l’aménagement du territoire. Il partage ainsi son
l’Association des Villes et Pays d’art et d’histoire en expérience, ses échecs, ses réussites, et met le doigt
1978. De 1971 à 2000, Robert Poujade est aussi maire sur de nombreux dysfonctionnements ou mécanismes
de la ville de Dijon, pour laquelle il développe de politiques qui réduisent voir empêche son ministère
nombreuses politiques d’aménagement du territoire d’avoir une réelle efficacité.
plutôt visionnaires pour l’époque (avec notament Je pense que les objectifs de ce livre sont pour
l’élaboration d’un «plan paysage»). Robert Poujade Robert Poujade à la fois de faire un bilan de son
décède le 8 avril 2020 à Paris. mandat, faire état de ses actions, des difficultés qu’il a
rencontré, de faire en quelques sortes le «deuil» de
son mandat au ministère de l’impossible, mais aussi
de pouvoir exposer un ensemble de raisonnements
qu’il n’a pas pu développer pendant son mandat, qui
apparaissent finalement comme très visionnaires.
Certaines de ces idées se retrouve dans l’extrait que et de l’autre côté, il fait une politique de protection,
j’ai eu à étudier, le chapitre 9 de son livre, intitulé en préparant le projet de Conservatoire du Littoral,
« Le paysage, cet inconnu ». qui prévoit d’acquérir des terres pour les préserver.
Il commence par développer sa vision du paysage, en Lorsque R. Poujade parle de ses accomplissement, on
affirmant que le paysage est en constante évolution comprend que ceux-ci ont été obtenu avec beaucoup
et qu’il est illusoire de le penser comme éternel et de peine, et que les politiques d’urbanismes de
immuable, car presque intégralement déjà transformé l’époque sont très fortes, et imperméables face aux
par l’Homme. Pour Robert Poujade le paysage est politiques du ministère de l’environnement.
un « objet d’usage », qui évolue en fonction des
usages qu’il supporte et contient. Il ne fait donc pas Le type de discours que R. Poujade emploie est très
de distinction entre les paysages « naturels » et les convaincant, articulant des faits historiques avec des
autres, sans vraiment porter de jugement de valeur, affirmations, des concepts, construisant au fur et à
qu’elle soit esthétique, économique ou historique. mesure une démonstration de sa vision du paysage
Il écrit même que « s’intéresser seulement aux et de sa politique. On sent qu’il est du métier mais
« grands sites » et abandonner les autres au qu’il maîtrise aussi son sujet, et qu’il y croit dur
laisser-faire serait nous condamner tous à vivre comme fer. Il a une approche très contemporaine du
quotidiennement dans la laideur envahissante et à paysage, conscient des nombreux enjeux écologiques,
perdre en fait le sens et le goût de la beauté ». environnementaux, patrimoniaux et politiques, de la
pluralité de ces représentations, de ces perceptions
Ainsi, pour R. Poujade, la société doit prendre soin mais aussi des lacunes politiques, juridiques, et
de ces paysages, quels qu’ils soient, et ne pas les tuer d’éducation à la question de l’aménagement du
de manière irréfléchie à travers une urbanisation territoire. Je trouve qu’il propose une vision de la
anarchique et incontrolée, ou une dénaturation politique du paysage qui va dans le bon sens, et qui
des paysages à cause de « créations manquées » contient en puissance celle que l’on a aujourd’hui.
comme des grands ensembles urbains ou des fermes Je trouve aussi qu’il a une sensibilité vis-à-vis du
industrielles. À l’inverse, il ne faut pas tomber non plus paysage, de la nature et de l’environnement. Il termine
dans une « dictature du paysage », le respect extrême même par rêver d’un monde où l’on parlerait du
de la tradition, ce qui pour lui, produirait au final une paysage, d’urbanisme et d’architecture à l’école
société « sans imagination, sans personnalité et primaire, au collège, et qu’une génération éveillée
sans avenir ». L’approche de R. Poujade, c’est une surgirait, pour qui le paysage ne serait pas un inconnu.
approche transversale, mêlant des connaissances Définitivement visionnaire. Le fait que ce rêve ce soit
d’histoire, d’écologie, de climatologie, mais aussi du presque réalisé (cela résonne particulièrement car
social, de la politique et de l’esthétique. À travers une nous sommes dans une école du paysage) me permet
analogie entre l’étude des écosystèmes et le paysage, de penser qu’un futur comme celui décrit dans le
il affirme que l’aménagement du territoire repose sur « Petit traité d’écologie sauvage » n’est peut être pas
un équilibre subtil, et qu’il ne peut s’abstenir d’une si loin.
analyse fine et poussée. Une politique du paysage,
démontré comme vivant et en constante évolution, ne
peut que se construire à son image, et se construire
sur le principe du « paysage bien collectif ». Un projet
d’aménagement doit s’accompagner pour lui de
recherche sur les potentialités du territoire,
« d’analyse des structures même du paysage », ce qui
ressemble aujourd’hui à une phase de diagnostique
d’un projet, mais aussi de projection de l’impact du
projet sur le paysage. Il esquisse le concept d’avoir
un « plan de paysage » pour prévoir, organiser
et harmoniser les politiques d’aménagement et
d’urbanisme, pour éviter le conflit entre l’expension
urbaine et la préservation de l’environnement.
Il explique aussi que la question du paysage doit
s’intégrer aux documents d’urbanismes (SDAU, POS).
Et R. Poujade semble s’être appliqué lors de ces
quelques années pour promouvoir cette pensée,
faute de moyens et de considération politique pour
mener ces projets à bien. D’un côté il crée le CNERP,
et les « ateliers régionnaux des sites et des paysage
», qui représentent des moyens de recherche et des
outils opérationnels de l’aménagement du territoire,
1970
Création du Haut Comité de l’Environnement par la

Frise chronologique
DATAR dont Robert Poujade prend la présidence

du texte étudié 1972 1979


Création du Centre National d’Études Disparition du CNERP au profit de la Direction de
et de Recherche du Paysage l’Urbanisme et du Paysage, et permet la création
de la « Mission Paysage »
Création des « ateliers régionnaux
des sites et des paysages », qui permet aux régions de
se doter de techniciens compétents sur les questions
de protection et d’aménagement du territoire.

1962
Loi Malraux 1974
Création de « secteurs sauvagardés », Approbation du projet de Conservatoire
pour la préservation et la mise en valeur du Littoral par le Conseil des Ministres
du patrimoine des villes françaises
Février
Définition de « notices de Fin du mandat de R. Poujade
recommandations » architecturales
pour les zones sensibles, mais eu peu de
succès. 1975
Prémices de documents d’urbanisme Publication du livre « le Ministère de
1928 l’Impossible 2020
Naissance de Robert Mort de Robert Poujade
Poujade

1930 Avril 1973


Loi du 2 mai 1930 ayant pour R. Poujade devient Ministre de la Protection de
objet de réorganiser la protection la Nature et de l’Environnement
des monuments naturels et des
sites de caractère artistique, his- Septembre
torique, scientifique, légendaire ou Publication dans Le Monde une étude de
pittoresque R. Poujade intitulée « Vie et mort du paysage »

1971
Robert Poujade devient ministre délégué à la
Protection de la Nature et de l’Environnement

Modification du Code de l’Urbanisme


pour faire exister juridiquement les «zones
sensibles»

Publication de la revue
«N’abîmons plus nos rivages»

R. Poujade est élu maire de Dijon 2000


Après 30 ans à la tête de
1967 la ville de Dijon, R. Poujade
Création de la loi d’Orientation Urbaine et ne se représente pas aux
Foncière, qui donne les premiers schémas éléctions municipales
directeurs d’aménagement

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