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CRCC CNRS : UMR 7188 24/10/2023 14:40

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Le jaunissement des photographies en noir et blanc lors d’expositions

Par Bertrand Lavédrine


Depuis une dizaine d’années, le jaunissement de tirages photographiques contemporains est
régulièrement signalé lors d’expositions dans des galeries. Une grande confusion règne à ce sujet car
beaucoup attribuent ces changements à un mauvais lavage des tirages lors du traitement alors qu’il
s’agit bien souvent d’un problème de polluants atmosphériques. L’objectif de cette note est de porter à
la connaissance des lecteurs les éléments qui peuvent les aider à identifier les causes de ces
altérations. Pour de plus amples informations, on se reportera aux ouvrages spécialisés [1].
Un tirage photographique en noir et blanc est généralement constitué d’argent finement dispersé dans
une couche de gélatine déposée sur un support en papier. L’argent est un métal qui peut réagir
rapidement avec divers composés chimiques conduisant à l’apparition de taches colorées (jaunes,
brunes, marron sombre). Ces altérations peuvent avoir diverses origines qui sont liées soit à
l’environnement (pollution, température, humidité) soit à la qualité du traitement (fixage, lavage) ou les
deux combinés. Le schéma suivant donnera des éléments utiles pour identifier les causes.

Caractéristiques des altérations dues à un fixage inadéquat


Exemple 1 : vue partielle d’un tirage baryté (recto et verso) altéré par les composés argentiques
résiduels (tirage du fonds Callot Sœurs, archives de la ville de Paris)

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Symptômes
Les parties claires de la photographie (les densités minimales, par exemple les ciels ou les marges
d’une épreuve), sont maculées de taches sombres jaunes, brunes, noires. Ces taches apparaissent
parfois au dos du tirage.
Origine
L’utilisation d’un bain de fixateur usagé conduit à la formation de complexes argentiques insolubles, il
est alors impossible, même avec un lavage prolongé, de les extraire de la couche image. Au cours du
temps, ces sels sont susceptibles de se décomposer en acide sulfurique et en sulfure d’argent ; les
parties claires de la photographie jauniront avec l’apparition de sulfure d’argent, tandis que les demi-
teintes seront attaquées par l’acide sulfurique. Si le fixateur est neuf mais le temps de fixage trop
court, il reste des sels d’argent sensibles qui ne tardent pas à réagir à la lumière et à l’humidité pour
former des taches rougeâtres ou jaunâtres. Généralement leur apparition suit de peu le traitement, ce
qui alerte le photographe sur la précarité de son fixage [2].
Il existe un test (méthode au sulfure de sodium) pour déterminer la quantité la présence de sels
argentiques résiduels. Un fragment de quelques centimètres carrés est découpé sur le bord de la
marge pour y déposer une goutte d’une solution de sulfure de sodium à 0,2%. On évalue alors
visuellement le jaunissement qui est proportionnel à la quantité de sels d’argents résiduels. L’absence
de toute trace visible à l’œil indique un fixage correct.
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Caractéristiques des altérations dues à un mauvais lavage
Exemple 2 : tirages sur papier baryté (4 photos du bas) altérés par du fixateur résiduel

Symptômes
Cette altération touche de façon plus marquée les demi-teintes de l’image qui revêtent des colorations
chaudes, du jaune au marron brun. Celles-ci peuvent s’étendre à toute l’image, on observe également
une perte de contraste et une disparition des détails dans les parties les plus claires.
Origine
Le traitement d’un photographie s’achève par un lavage afin d’éliminer tous les restes de fixateur
encore présents dans l’image. Lorsque ce lavage final est insuffisant, il subsiste des sels résiduels de
fixateur dans la couche image. Ils se décomposent en présence d’humidité et attaquent l’image
argentique pour former du sulfure d’argent coloré, on appelle ce phénomène la sulfuration. L’humidité
joue un rôle déterminant. Dans un environnement sec, ces altérations sont ralenties voire inexistantes.
Il existe des méthodes normalisées pour mesurer la quantité de fixateur résiduel (méthode
densitométrique à l’argent, méthode au bleu de méthylène etc.) et vérifier qu’elle est en accord avec
les recommandations normalisées.
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Caractéristiques des altérations dues à l’environnement
Exemple 3 : détail d’un tirage baryté altéré par des polluants volatils (photo. Roger Pic)

Symptômes
Les symptômes sont identiques à ceux de la sulfuration, les demi-teintes et parfois la surface de

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l’image (excepté les blancs), se couvrent d’un voile jaune qui peut être, dans ce cas, d’une couleur très
vive (jaune citron). Cette coloration est due à la formation d’argent colloïdal qui a tendance à
s’accroître lors de l’exposition à la lumière, elle peut se former en l’espace de quelques jours.
Origine
Pour les tirages sur papiers barytés, ce phénomène survient après qu’ils aient été en contact avec des
polluants oxydants comme le peroxyde d’hydrogène, dégagés par des plastiques, des peintures, des
solvants de vernis, des produits de nettoyage, des cartons de mauvaise qualité, des bois comme des
panneaux isorels ou MDF… L’image photographique est attaquée par ces composés chimiques et
lorsqu’elle est exposée à la lumière, l’argent est réduit en argent colloïdal de couleur jaune vif.
Les tirages photographiques parfaitement fixés et lavés, et particulièrement les papiers barytés à tons
chauds semblent plus sujets à ces phénomènes. Agfa a commercialisé, il y a quelques années, un
traitement stabilisateur (le « Sistan ») pour protéger les tirages contre ce phénomène.
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Exemple 4 : tirage plastifié (RC) en cours d’oxydation

Pour les tirages anciens sur papier plastifié (avant 1980), le jaunissement apparaît fréquemment sur
des images montées sous-verre et exposées à la lumière [3]. La cause n’est pas clairement établie
mais on suspecte une action combinée de la lumière, de l’oxygène et de l’oxyde de titane introduit
comme pigment blanc dans le support en papier plastifié. Lorsque le tirage est exposé encadré,
l’oxygène est transformé au contact de l’oxyde de titane, en une espèce très réactive qui, piégée à
l’intérieur du sous verre, va agir sur l’image. On observe des jaunissements et l’apparition de petites
taches orangées sur certains contours de l’image (entre des zones de différentes densités).
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Références :

[1] Lavédrine B., Gandolfo J-P., Monod S., Les collections photographiques, guide de conservation préventive, Paris,
ARSAG, 2000.
[2] Pouradier J., Maillet A.M., « Conservation des documents photographiques sur papier : influence du thiosulfate
résiduel et des conditions de stockage », Photographic Science, symposium : Paris 1965, London and New-York,
Edited by J. Pouradier, The Focal Press, 1967, p.506-509.
[3] Ctein, « Are black-and-white resin coated papers as permanent as fiber papers ? « , Photo techniques, march/april
1998, p.44-47.

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