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Culture et médias : quelles approches aujourd'hui ?

Laurent Martin
Dans Le Temps des médias 2009/1 (n° 12), pages 261 à 277
Éditions Nouveau Monde éditions
ISSN 1764-2507
ISBN 9782847364552
DOI 10.3917/tdm.012.0261
© Nouveau Monde éditions | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 92.186.1.21)

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LE POINT SUR…

Culture et médias :
quelles approches aujourd’hui ?

Laurent Martin*

Aujourd’hui, tout semble culturel l’identité et à l’éducation,à l’exception


comme, hier, tout semblait politique. et à la diversité culturelles,d’autre part,
Les guerres sont des guerres entre ont marqué ces dernières décennies.
« cultures », des « chocs » ou des Dans le même temps, et répondant
« conflits de civilisations », la politique en grande partie à cette demande
est un affrontement entre des « cul- sociale, ou du moins s’adaptant à l’air
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tures » politiques, le succès ou l’échec du temps, les sciences humaines et
d’une entreprise tient à sa « culture sociales ont connu un tournant cultu-
d’entreprise », etc.Au-delà des usages rel qui a délaissé les explications fon-
et mésusages d’un mot particulière- dées sur les rapports de classe, relati-
ment plastique et polysémique,ce que visé le poids du politique et de l’évé-
la généralisation de son emploi indique nementiel dans l’explication des phé-
me paraît être la prise de conscience du nomènes sociaux, au profit d’une
caractère central, dans le monde approche privilégiant l’analyse des dis-
contemporain, de la production, de la cours, des images, des représentations
diffusion et de la réception des outils en tant qu’ils pouvaient révéler mais
du sens, des moyens et supports de la aussi régler des conduites, des actions,
signification symbolique. L’essor et des comportements.Le succès à la fois
l’emprise des médias, des industries éditorial, médiatique, institutionnel,
culturelles,des nouvelles technologies universitaire des Cultural Studies et des
de l’information et de la communica- Media Studies, en Grande-Bretagne et
tion,d’une part,l’urgence nouvelle des aux Etats-Unis,des Kulturwissenchaften
questions d’acculturation interne et en Allemagne, de l’histoire et de la
externe des sociétés, les débats liés à sociologie culturelles ainsi que des

* Chargé de recherche au Centre d’histoire de Sciences Po, membre du comité de rédaction du Temps
des Médias.

N °1 2 – printemps-été 2009 261 Le Temps des M édias


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LE POINT SUR…

sciences de l’information et de la com- 2007) organisée par l’association cana-


munication en France ont été les tra- dienne-française pour l’avancement
ductions intellectuelles de ce mouve- des sciences (ACFAS) sur le thème sui-
ment d’ensemble. vant : « Les Cultural Studies dans le
Sans doute était-il inévitable,du fait monde francophone3 » ;ou le colloque
de l’autonomie relative des traditions de Cargese de novembre 2007 sur la
nationales et disciplinaires, des bar- rencontre (manquée) entre Sciences
rières linguistiques, des enjeux insti- de l’information et de la communica-
tutionnels, de l’immensité des terri- tion et Cultural Studies ; ou encore le
toires à explorer, que ces divers cou- colloque de Dijon de la société fran-
rants aient plus d’une fois manqué çaise de littérature générale et compa-
leurs rendez-vous. La réception des rée (SFLGC) en septembre 2008
Cultural Studies (CS) est généralement autour des rapports entre études litté-
interprétée en termes de « retard » raires comparées,anthropologie cultu-
voire de « résistance », comme dans relle et « études culturelles »4.
l’étude menée par Armand Mattelart Force est de constater que les his-
et Erik Neveu1. Les passeurs français toriens ne sont pas les plus avancés sur
des CS dénoncent volontiers, à l’ins- la voie de cette reconnaissance, en
tar d’un Eric Maigret, un provincia- dépit de cas isolés qui,comme d’habi-
lisme et une frilosité français, aboutis- tude, confirment la règle. J’examine-
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sant à une forme de méconnaissance, rai les raisons de cette indifférence dans
de déni du potentiel scientifique voire une première partie, qui dira aussi
d’un rejet politique des CS. « Les Cul- pourquoi les historiens du culturel sont
tural Studies dérangent (...) parce aujourd’hui les plus sensibles aux
qu’elles bousculent la division bien apports mais aussi aux limites des CS.
établie entre sciences sociales et Dans un deuxième temps, je traiterai
méthodes littéraires, parce qu’elles des rapports entre Media Studies (MS)
incarnent certains méfaits de la moder- et CS pour tenter d’évaluer la place
nité pour ceux qui sont peu habitués qu’occupent les études sur les médias
à penser l’univers culturel comme un au sein de la galaxie CS de langue
processus en démocratisation, abolis- anglaise. J’en ferai autant dans une troi-
sant l’extériorité et la prééminence du sième partie concernant cette fois l’es-
penseur, conférant à la marginalité le pace français dans lequel les Sciences
statut de quotidienneté culturelle de l’information et de la communica-
et/ou de contre-public2. » Les indices tion (SIC) travaillent des objets
d’un rattrapage, à tout le moins d’une proches de ceux des CS. Enfin, dans
curiosité nouvelle du monde franco- une quatrième et dernière partie, en
phone sont néanmoins nombreux. forme d’étude de cas, je m’interroge-
Ainsi la rencontre de l’université du rai sur les conditions d’une histoire de
Québec à Trois-Rivières (7-11 mai la pornographie dans l’Occident

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

contemporain. Autrement dit, et sence relativement faible de l’histoire


conformément à l’usage bien établi qui et des historiens dans les travaux CS et
veut que les historiens s’approprient les le poids relatif bien supérieur des lit-
concepts des disciplines s’intéressant à téraires n’a pas contribué à une
leurs objets, je me propose d’exami- meilleure réception par le milieu des
ner très concrètement de quel usage historiens français. On peut avancer
pourraient être les CS,les MS,la socio- d’autres explications :le lien serré entre
logie culturelle et les SIC pour une his- histoire sociale et histoire culturelle
toire de la pornographie à construire, dans le contexte français, la configu-
à quelles conditions une telle appro- ration institutionnelle nationale avec
priation, un tel transfert intellectuel une forte clôture disciplinaire (du fait,
seraient possibles et féconds. notamment, du poids de l’agrégation
d’histoire), l’autonomie, le caractère
autochtone de la spécialité « histoire
Histoire culturelle
culturelle » qui a pris en partie le relais
et Cultural Studies
de l’histoire des mentalités ou des ima-
Comme l’ont montré plusieurs tra- ginaires implantée solidement en
vaux récents, l’histoire culturelle et les France.L’Ecole des Annales et l’histoire
CS sont deux histoires parallèles plu- culturelle à la française ont pris la place
tôt que croisées5.L’histoire de la récep- qu’aurait pu occuper la version histo-
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tion des CS en France est plutôt celle rienne des CS alors que,dans le même
de leur non-réception. Les causes en temps, les historiens français férus de
sont à la fois épistémologiques,métho- dialogue transatlantique ont plutôt
dologiques, politiques et institution- regardé du côté de la Cultural History,
nelles. à l’instar d’un Roger Chartier.Ajou-
Du point de vue (dominant) des tons, dans le même ordre d’idée, l’im-
historiens, le mélange entre engage- portance de la réflexion et de l’action
ment politique et travail à prétention culturelles propres à la France,notam-
ou horizon scientifique a longtemps ment le courant,polymorphe,de légi-
posé, et pose encore problème. Si le timation des cultures subalternes (les
succès des CS aux Etats-Unis peut être mouvements « philiques ») qui a rendu
en partie imputé à la « mauvaise moins nécessaire l’importation des
conscience américaine »,les historiens problématiques CS.
français ont récusé une posture qui Cela dit,et du fait même de ces phé-
consiste à « accorder un primat moral nomènes de proximité-substitution,de
quelconque à la recherche sur le nombreux points d’accords,des lignes
dominé, au seul motif qu’il l’a été »6. de convergence apparaissent à l’exa-
Par ailleurs,la méfiance envers le poids men entre histoire culturelle et CS :
jugé trop lourd de la subjectivité et la l’idée de culture comme domaine mais
tendance à la surinterprétation,la pré- surtout comme regard, la culture

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LE POINT SUR…

comme concept opératoire pour morale.Elle milite,en ce sens,pour un


déchiffrer l’ensemble du monde social, certain relativisme culturel tout en
le lien entre pratiques et représenta- connaissant les effets de légitimation de
tions et l’accent mis sur les représen- l’intérêt savant et universitaire. Enfin,
tations, concept central aussi bien des de même que les CS et les SIC sont la
CS que de l’histoire culturelle à la fran- cible de critiques qui visent leur « flou
çaise. On peut y ajouter la méfiance conceptuel », l’histoire culturelle se
commune envers les théories déter- voit reprocher l’indétermination de ses
ministes,le refus d’essentialiser les caté- frontières et soupçonner d’impéria-
gories usuelles qui ont une historicité, lisme ou d’hégémonie disciplinaire.
laquelle peut être retracée ou décons- Destin commun aux disciplines ou
truite ou retrouvée de manière généa- spécialités carrefours en même temps
logique.Les historiens pourraient faire que rançon du succès éditorial,média-
leur cette remarque de Lawrence tique ou universitaire.
Grossberg : « la culture importe parce Au total, estime Stéphane Van
qu’elle est une dimension clef de la Damme,faisant le bilan des apports des
transformation ou construction de la CS pour les historiens,si de nombreux
réalité. Mais cela ne veut pas dire que points d’achoppement, d’évitement
la culture construise par elle-même la ou d’affrontement doivent être relevés,
réalité »7.L’histoire culturelle et les Cul- le « renouvellement des objets et des
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tural Studies ont encore en commun le questionnements en matière d’analyse
scepticisme devant le quantitativisme des pratiques culturelles » opéré par les
et la préférence pour une approche CS est riche d’enseignements pour
plus compréhensive, interprétative l’histoire, et « on peut reconnaître en
(plus subjective aussi ?) des phéno- écho des débats qui ont agité l’histoire
mènes sociaux. socio-culturelle sur la culture popu-
Avec aussi,du côté de l’histoire cul- laire, sur les consommations ou sur les
turelle,la volonté d’échapper à des his- intellectuels organiques8. »
toires « qualitatives »,internalistes,for-
malistes comme l’histoire de l’art tra-
Cultural Studies et Media Studies
ditionnelle. De là l’intérêt pour le tri-
vial, des objets ou des domaines igno- Les champs des CS et des MS ne
rés, méprisés, qui rapproche CS, his- coïncident pas mais se recoupent par-
toire culturelle et SIC. Aucun objet tiellement. De même que tous ceux
n’est jugé indigne ou ignoble, que ce qui travaillent dans le champ des
soit en direction du massif, du popu- « études médiatiques » n’utilisent pas
laire, d’une part, ou du marginal, du les concepts, les références, les problé-
minoritaire,d’autre part.L’histoire cul- matiques des « études culturelles »,tous
turelle refuse le jugement de valeur ceux qui travaillent dans le champ des
esthétique autant que l’évaluation « études culturelles » ne travaillent pas

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

sur les médias.Cependant,des zones de tural Studies et utilisait les notions de


recouvrement existent que l’on peut “culture” et de “communautés” pour
mettre en évidence de deux manières. contrer la pression exercée par la
La première consiste à repérer,dans les science, le positivisme, la psycholin-
ouvrages canoniques des MS, la place guistique,les théories de l’information,
réservée à la perspective CS ; la la vision technophobe de la techno-
deuxième procède à l’inverse en esti- logie,les statistiques dans les études sur
mant le poids des études sur les médias les médias11. » Plus récemment, des
dans les travaux se réclamant des CS. ouvrages comme ceux de Judy Giles et
La lecture d’un certain nombre Timothy Middleton12, de Lawrence
d’ouvrages anglophones traitant des Grossberg, Ellen Wartella et Charles
questions médiatiques, en particulier Whitney13, ou encore de John Hart-
des anthologies (Readers) destinées aux ley14, mettent en valeur et en pratique
étudiants, montre que l’étude de la l’approche culturaliste. A vrai dire,
culture n’y coïncide pas nécessaire- s’agissant de Grossberg et plus encore
ment avec les CS, même si c’est sou- de Hartley (fondateur en 1998 de The
vent sous cette modalité qu’elle appa- International Journal of Cultural Studies
raît9. Comme le note Angharad Valdi- et auteur de plusieurs manuels de réfé-
via, une revue comme Media, Culture rence et d’anthologies sur les CS),nous
& Society comporte un grand nombre avons plutôt affaire à des gens très
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d’articles qui se revendiquent des CS engagés dans le courant CS et qui ont
mais elle ne s’y réduit pas. Autre fait des médias leur champ de
exemple,le livre Media and Culture :an recherche et d’expérimentation privi-
Introduction to Mass Communication10, légié.
best-seller de l’édition universitaire, lie Ce n’est pas le cas de tous les auteurs
communication de masse, étude de la CS. À consulter quelques grandes
culture et MS sous une forme qui ne anthologies de textes CS publiées par
relève pas exclusivement des CS. En l’éditeur Routledge – très actif dans ce
fait, les études américaines sur les secteur – ainsi que les programmes de
médias restent majoritairement fidèles l’association qui,depuis 1996,organise
à un modèle théorique qui combine tous les deux ans des colloques réunis-
les sciences sociales, l’économie poli- sant la communauté académique
tique et un fonctionnalisme structurel. mondiale se réclamant de ce courant
Le paradigme positiviste et quantitatif (Crossroads in Cultural Studies), on
reste dominant. s’aperçoit que les études médiatiques
Cependant, les contre-exemples stricto sensu ne représentent qu’une par-
sont nombreux. Marie-Hélène Bour- tie des thèmes de recherche.Dans l’ou-
cier relève que, dès les années 1960, le vrage de Lawrence Grossberg, Cary
spécialiste de la communication James Nelson et Paul Treichler, aucun des
Carey « parlait explicitement de Cul- trente-neuf articles n’est spécifique-

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LE POINT SUR…

ment consacré aux médias ou à un tation et le façonnement de la réalité


média ou à un type de contenu média- par les médias, la représentations des
tique en particulier ; mais une bonne groupes et des minorités, l’usage des
moitié des articles sont fondés sur nouvelles technologies, l’analyse du
l’analyse des productions médiatiques contenu d’émissions, la réception dif-
(de masse)15. Dans celui de Douglas férenciée des grandes productions
Kellner, qui comporte trente-sept internationales,les jeux d’échelle entre
articles, une sous-partie est consacrée le local,le national et le global.Comme
à : « culture médiatique, politique et le notent les organisateurs du colloque
idéologie » et toute la troisième et der- d’Urbana-Champaign de 2004 – le
nière partie à : « culture médiatique, colloque CS le plus tourné vers les
identités, politique »16. Enfin, l’antho- questions de communication, du fait
logie de « textes canoniques » qu’a diri- du rôle joué par l’Institut de recherche
gée Simon During ne consacre qu’une en communication de l’université de
de ses onze parties aux médias ; mais l’Illinois dans son organisation –,« on
certains articles qui ne sont pas rangés peut soutenir que les Cultural Studies
dans cette partie sont en fait des ana- ont revigoré les Media Studies, propo-
lyses de cultures mass-médiatiques17. sant de nouvelles méthodologies per-
La même observation peut être faite mettant d’interroger les médias en
à propos des colloques de l’Association relation avec la société, l’action poli-
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pour les Cultural Studies (ACS) : les tique,les transformations culturelles,et
études médiatiques sont toujours encourageant le travail interdiscipli-
représentées parmi les communica- naire qui met à l’épreuve les frontières
tions mais sont loin de représenter la des études filmiques, télévisuelles ou
majorité des thèmes et des communi- communicationnelles. Et les Media
cations ; cependant, si les médias n’ap- Studies offrent aux Cultural Studies des
paraissent pas dans les titres des com- modèles permettant de comprendre
munications,ils en fournissent souvent les représentations culturelles et leur
la matière ou la base principale.Dans le matérialité19. »
dernier que j’ai pu étudier – le col- La principale contribution des CS
loque d’Istanbul de 200618 – une qua- aux MS a été de proposer des mé-
rantaine de propositions de commu- thodes de traitement qualitatif de la
nication sur près de deux cents (envi- question des publics ou de la réception
ron 20 %) relèvent explicitement des ou des audiences – trois termes pas
MS mais les médias au sens large sont exactement synonymes mais qui cir-
présents dans beaucoup d’autres com- conscrivent un même espace de
munications.Celles-ci portent notam- recherche.Comme je l’écrivais précé-
ment sur le rôle des médias dans la demment,les CS sont venus renforcer
construction des identités, des imagi- ceux qui, s’intéressant aux médias,
naires et des rôles sociaux,la représen- mettaient en question le modèle posi-

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

tiviste, quantitatif et behavioriste do- Cultural Studies, sociologie des


minant. Le rejet du paradigme des médias, sciences de l’information
« effets » au profit de celui des « usages » et de la communication
a été l’une des clefs de ce changement
de perspective. Il est à l’oeuvre dès les Et en France ? À côté d’une tradi-
premiers travaux des CS britanniques, tion ancienne d’études de presse,déve-
notamment dans le livre pionnier de loppée notamment par l’Institut de
James Halloran, The Effects of Television science de la presse fondé en 1937 au
(1970) où,constatant qu’on ne pouvait sein de l’Université de Paris25 et cen-
prouver de relation de cause à effet trée sur l’information, une sociologie
entre la violence montrée à la télévi- des médias émerge au début des années
sion et la délinquance juvénile, il en 1960, animée en particulier par le
arriva à se demander si la question Centre d’études de communication de
même des effets était pertinente. Il masse (CECMAS) que Georges Fried-
passa de l’analyse classique des médias mann crée au sein de la sixième section
aux CS en s’intéressant à la « vision du de l’EPHE,devenue EHESS en 1975.
monde » développée par la télévision Il est frappant de voir combien ces
au moyen d’analyses de contenu20. Le deux courants et leurs institutions se
modèle de l’interprétation active et le sont mutuellement ignorés, l’IFP
rejet du déterminisme technique,tous développant sous l’autorité de Fernand
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deux présents chez Stuart Hall21 et Terrou des études centrées sur l’infor-
appliqués par David Morley22,ont mar- mation et la presse écrite tandis que les
qué les CS britanniques ; l’usage de la travaux des chercheurs les plus inno-
méthode ethnographique,les concepts vants du CECMAS – Roland Barthes,
de « communauté imaginée » et de Christian Metz, Edgar Morin – s’in-
« culture fan » ont plutôt caractérisé téressent très tôt à la problématique du
leur version américaine ou les subaltern « divertissement » et aux médias audio-
studies des universités anglophones, visuels. Il faut également mentionner
avec des livres comme ceux de Janice le courant dit de « l’économie poli-
Radway23 ou de Ien Ang24, qui ont tique de la communication » qui
manifesté le souci de rendre la parole émerge à la fin des années 1960,repré-
aux « dominés », de « prendre les senté en France par un auteur comme
acteurs au sérieux » en échappant aux Armand Mattelart,et qui met l’accent
discours de surplomb de l’Université. sur la production des industries cultu-
Ces travaux ont été discutés,contestés, relles, la dimension macro-sociale des
accusés notamment de « populisme » ; relations de pouvoir dans une vision
les meilleurs d’entre eux n’en consti- inspirée du marxisme hétérodoxe26.
tuent pas moins une précieuse source Les sciences de l’information et de
d’informations et d’inspiration. la communication proprement dites
sont venues plus tard, au cours des

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LE POINT SUR…

années 1970.On pourrait dire,en for- grammes d’enseignement, d’une part,


çant à peine le trait, qu’elles naissent l’effort entrepris par quelques indivi-
d’un échec intellectuel et d’un succès dualités, appuyées sur des groupes,
institutionnel. L’échec intellectuel, pour donner à ces enseignements nou-
c’est celui qu’enregistre Edgar Morin veaux une base théorique aussi forte et
et le courant d’idées qu’il représente, homogène que possible,d’autre part29.
éclipsé dès le milieu des années 1960 Enfin, parce que cette discipline nou-
par la montée en puissance de Pierre velle, à ses débuts alimentée par des
Bourdieu et de la « sociologie cri- chercheurs et enseignants venus de
tique »27. Le succès institutionnel, c’est toutes les disciplines mais surtout des
l’« invention » d’une discipline et sa lettres,ne s’est pas débarrassée sans mal
reconnaissance par les autorités poli- ni sans reste d’une vision négative des
tiques et scientifiques à partir du milieu médias et de la culture de masse.
des années 1970. Même si ces deux C’est une critique que l’on trouve
phénomènes sont décalés dans le dans plusieurs écrits récents, sous la
temps, ils ne peuvent se comprendre plume de spécialistes qui revendiquent
l’un sans l’autre : c’est, en partie, parce leur appartenance aux SIC ou s’expri-
que la sociologie qui occupait le ment de l’extérieur, en particulier
devant de la scène s’est désintéressée d’une sociologie des médias renouve-
des médias de masse, les réduisant au lée.Ainsi d’Eric Maigret,selon qui « les
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statut peu reluisant d’instruments de sciences de l’information et de la com-
l’aliénation des classes moyennes et munication manquent encore singu-
populaires,qu’une autre discipline,qui lièrement d’audace lorsqu’on les com-
ne partageait pas ces préventions, a pu pare avec les CS », privilégiant avant
se constituer. Dans le détail, les choses tout la théorie de la communication,
sont évidemment plus compliquées l’étude des genres médiatiques,la com-
que cela.D’abord,parce que l’« échec » munication d’entreprise, la médiation
de Morin – qui peut aussi s’interpréter culturelle,certains programmes télévi-
comme sa volonté d’explorer d’autres suels et les technologies de l’informa-
voies que la sociologie des médias – tion et de la communication, « c’est-
fut, d’une certaine façon, compensé à-dire les territoires les moins illégi-
par la diffusion des thèses de Roland times, en affinité avec le marché balisé
Barthes, même si la sémiologie struc- des compétences professionnelles ou
turaliste développée par ce dernier les plus immédiatement accessibles à
était fort éloignée de la sociologie des chercheurs issus des traditions
morinienne28. Ensuite, parce que le sémiologique et philosophique »30. En
succès institutionnel a tenu à d’autres d’autres termes, les SIC, qui occupent
facteurs que le vide creusé par la socio- en France une grande partie de l’es-
logie critique,à savoir les changements pace de recherche couvert par les CS
intervenus dans les filières et les pro- dans d’autres pays, en particulier de

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

culture universitaire anglo-américaine, l’angle de l’analyse des pratiques sa-


représenteraient un obstacle à l’accli- vantes – et un aiguillon, un « choc »
mation d’une conception plus auda- salutaire pour ré-orienter le regard des
cieuse des sciences de la culture. sciences sociales et humaines vers des
Eric Maigret prône la fin du « grand objets délaissés :les « lieux de narration
partage » symbolique et axiologique juvéniles » (le cinéma, la bande dessi-
opéré au XIXe siècle entre culture et née), la télévision dans ses aspects les
médias. Il propose une approche plus prosaïques,le corps,les identités de
constructiviste et pragmatique des genre,la politique au niveau micro et le
phénomènes sociaux et n’a pas de mots transnational, autant de « points d’in-
assez durs pour fustiger la sociologie terrogation majeurs de notre nouvelle
critique et la théorie de la légitimité modernité »32. Il retrouve ainsi – sans
culturelle, qu’il caricature à l’occasion toutefois les citer ni même,semble-t-il,
pour les besoins de sa démonstration. les connaître vraiment – les nombreux
Il met également en avant, pour louer travaux qui ont plaidé et œuvré, cette
les CS, l’élaboration d’un schéma fois dans le champ historiographique,
d’analyse liant pouvoir et culture sans pour une telle ouverture du regard,
rabattre l’un sur l’autre et l’inscription depuis l’histoire des mentalités jusqu’à
du positionnement du chercheur au l’histoire culturelle telle qu’elle se pra-
centre du système interprétatif, ce qui tique notamment en France depuis une
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permet de repenser le rôle de l’intel- trentaine d’années33.Le programme de
lectuel et des minorités en démocratie. recherche sur l’histoire de la porno-
Comme Bernard Darras, autre cher- graphie que je vais maintenant briève-
cheur engagé dans l’aventure des ment esquisser à titre d’illustration ou
« études culturelles »,les CS sont donc d’étude de cas s’inscrit dans cette tra-
perçues comme un outil tout à la fois dition déjà riche et ancienne.
heuristique et politique ou éthique,
démontant les hiérarchies et les essen-
Histoire des cultures
tialismes sur lesquels s’appuient les
médiatiques, Porn studies et
pouvoirs, et posant la démocratie
histoire de la pornographie
comme horizon de la recherche et de
l’action citoyenne31. Les historiens qui s’intéressent à la
Pour ce courant de la sociologie cul- culture et aux médias trouvent un air
turelle, les CS sont tout à la fois une de familiarité, voire de famille, dans la
« porte d’entrée » vers les « médiacul- façon dont certaines disciplines ou
tures »,permettant l’ouverture aux pra- « anti-disciplines » (dans le cas des CS)
tiques culturelles les plus répandues et abordent leurs objets. J’insisterai par-
donc les plus méprisées et niées – ce qui ticulièrement sur trois de ces ressem-
est une autre façon de reconduire la blances. En premier lieu, le nécessaire
théorie de la légitimité culturelle, sous dépassement du clivage entre culture

269
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LE POINT SUR…

et médias ainsi que des questionne- Le troisième point que je retiens de


ments convenus sur les différences ce dialogue est l’utilité, et même la
entre les contenus et les contenants,les nécessité d’approcher un objet, quel
messages et leurs supports. Tout est qu’il soit, par tous les côtés qu’il pré-
média, du cinéma au téléphone sente ; de tenter, individuellement ou
mobile, de la presse écrite à l’affiche collectivement,par la pluri- ou l’inter-
publicitaire ; et tout est culture, en ce disciplinarité, et quelle que soit
sens que ces différentes modalités d’ex- l’échelle d’expérience et d’observation
pression concourent à façonner nos choisie, une histoire totale, qui relie
imaginaires et nos pratiques par le biais entre eux les divers aspects et niveaux
des représentations qu’elles diffusent. d’une réalité par définition complexe.
Elles jouent avec les codes et stéréo- Le schémas d’analyse proposé par Dou-
types,rendent perceptibles les coutures glas Kellner, qui associe l’analyse de la
symboliques d’une société (le bien et production et de l’économie politique
le mal, le masculin et le féminin, de la culture,l’analyse formelle et celle
« nous » et « eux », etc.) et tout ce qui de la réception est un modèle dont je
les traverse, elles fournissent les res- souhaite pour ma part m’inspirer34.
sources à l’aide desquelles nous for- En y ajoutant ce qui manque géné-
geons nos identités, les matériaux des ralement aux études culturelles et
mythes, des croyances, des idéologies médiatiques, qu’elles se réclament des
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qui donnent un sens au monde et à la CS, des MS, de la sociologie ou des
place que nous y occupons. SIC : la dimension historique, la pro-
Dans cette perspective,il y a des rap- fondeur de champ temporelle qui me
ports inégaux de puissance – d’un semble indispensable à la compréhen-
média à l’autre, d’un groupe à l’autre, sion de tout phénomène social d’en-
d’un individu à l’autre – qui peuvent vergure. Les imaginaires sociaux, ce
guider les choix de recherche ; mais qu’on appelait naguère les « mentali-
ceux-ci ne sauraient être fonction de la tés »,ne sont pas nés d’hier ni de la seule
plus ou moins grande « valeur » morale matrice des médias audiovisuels ou
ou esthétique que nous sommes légi- électroniques ; ils précèdent l’appari-
timement enclins,en tant que citoyen, tion de ces médias et les configurent au
amateur ou consommateur,à accorder moins autant qu’ils sont par eux recon-
à telle production médiatique et cul- figurés. Il importe donc de relever les
turelle.C’est là une deuxième ressem- continuités pour mieux saisir les nou-
blance,un point d’accord avec l’histo- veautés sur une durée qui varie évi-
rien du culturel qui doit lutter contre demment selon les objets et l’objectif
les tentations affrontées mais complices poursuivi par l’étude mais qui ne sau-
de l’élitisme et du populisme, ou de rait être inférieure à quelques décen-
l’ethnocentrisme et de ce qu’on pour- nies. Plusieurs travaux, individuels ou
rait appeler l’exo-centrisme. collectifs,ont,en France,appliqué cette

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

démarche aux études médiatiques : trape en partie le retard français, enre-


c’est le cas du projet conduit par gistre une demande sociale en même
Dominique Kalifa et Alain Vaillant sur temps qu’elle y répond et l’amplifie ;le
la « civilisation du journal » au phénomène social massif qu’est devenu
XIXe siècle, des travaux du Centre de la pornographie dans les sociétés déve-
recherche sur les littératures populaires loppées depuis quelques décennies sus-
et les cultures médiatiques que dirige cite la curiosité du public et la volonté
Jacques Migozzi à Limoges, des re- de comprendre chez un nombre crois-
cherches conduites au sein de la sant de spécialistes de sciences hu-
Société pour l’histoire des médias et de maines et sociales. Cette curiosité
sa revue Le Temps des médias tous deux engendre à son tour des effets de légi-
dirigés par Christian Delporte,pour ne timation qui s’ajoutent à ceux des
citer que ces trois exemples.Mon pro- grands médias, pour qui la pornogra-
jet d’histoire de la pornographie se phie n’est plus tabou mais fait désor-
nourrit de tous ces apports. mais partie de la culture de masse. Dès
Le sujet pourra paraître mineur, lors,ce qui était longtemps resté caché,
marginal, à certains bons esprits ; ou honteux, ob-scene, c’est-à-dire hors
prêtant à rire ; ou vaguement répu- scène, a tendance à monter sur scène
gnant. Mais, comme l’écrit Éric Mai- voire à en occuper le devant43.
gret,« ce qui se joue dans les interstices Pour autant, et c’est un paradoxe
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devrait attirer sans retenue et non intéressant, parler de sexe, montrer du
repousser.Dans des sociétés complexes matériel sexuellement explicite, par
fondées sur le changement social, les exemple dans le cadre d’un enseigne-
marges sont très souvent porteuses de ment universitaire,reste embarrassant,
sens, comme l’a démontré le débat notamment en France.La répugnance
tronqué sur la pornographie initié par avec laquelle le savoir académique
le rapport Kriegel, qui a permis de se continue de considérer cet « objet sale »
rendre compte qu’il n’existait pas en qu’est la pornographie n’est que l’un
France de recherche sur des sujets a des indices d’une gêne persistante à
priori exotiques, prêtant à plaisanterie, l’égard de réalités accablées par des
en réalité devenus centraux35. » Ce siècles de stigmatisation – non seule-
jugement reste pertinent,si ce n’est que ment la pornographie, mais aussi le
le vide de la recherche a été partielle- sexe, le plaisir, le corps. De sorte que,
ment comblé depuis le début des malgré les apparences,nous ne sommes
années 2000 par un grand nombre de pas parvenus à la toute « fin de l’obs-
publications,enquêtes36,dictionnaires37, cénité » prédite par Charles Rembar
anthologies38,catalogues d’exposition39, en 196944 ;la pornographie a beau avoir
ouvrages théoriques40, livres de vulga- quitté l’Enfer où la morale laïque
risation41, numéros de revue42… Cette comme religieuse la reléguait pour
actualité éditoriale foisonnante,qui rat- s’exposer dans les lieux les plus presti-

271
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LE POINT SUR…

gieux, elle reste grevée d’interdits, de d’expression qui ont été les vecteurs de
silences,de censures – elle occupe une l’érotisme et de la pornographie – ces
centralité cachée que l’on pourrait lon- deux termes étant indissociables –, et
guement décrire. Faute de place pour qui comparerait les situations de plu-
le faire ici,je voudrais au moins esquis- sieurs pays – deux ou trois pour com-
ser le programme de recherche qui mencer, choisis dans les aires linguis-
pourrait rendre compte de cette schi- tiques et culturelles de l’Occident fran-
zophrénie sociale assez troublante45. cophone et anglophone pour des rai-
Ce programme devrait s’appuyer sons pratiques mais aussi de contraste
sur un certain nombre de travaux qui accusé entre des « styles nationaux » de
relèvent plus ou moins explicitement rapport à la nudité et la sexualité et à
de ce que les universitaires américains leurs représentations.
ont appelé les Porn Studies,dont Linda À la pornographie de la France,de la
Williams apparaît comme la principale Grande-Bretagne, du Canada et des
représentante46. Mais il devrait aussi, à Etats-Unis – c’est-à-dire produite,dif-
mon sens, s’efforcer de s’en distinguer fusée, et/ou consommée dans ces dif-
en évitant leur propension à émettre férents pays – pourrait alors s’appliquer
des jugements de valeur, à prendre le programme d’étude de Kellner48,
position sur le « bien » ou le « mal » qui légèrement modifié pour l’adapter aux
seraient le propre – ou le sale – de la particularités de l’objet : économie
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pornographie et de ceux qui la politique de la pornographie, dédou-
consomment.Rompre avec la position blée entre l’étude des processus de pro-
du censeur, du juge, mais aussi du fan duction et de diffusion, d’une part, et
et du militant serait déjà marquer une l’étude des conditions légales de déve-
première originalité. Il conviendrait loppement de cette activité, d’autre
aussi de ne pas limiter l’enquête à une part ;analyse esthétique,sémiologique,
dimension du sujet – éthique, poli- formelle de la pornographie, en lien
tique,juridique,etc.– ni à un seul pays avec l’évolution des technologies uti-
ni – dans l’idéal – à une seule aire cul- lisées, qui mettrait l’accent sur les dif-
turelle, ni non plus à une forme d’ex- férentes représentations des rapports
pression – par exemple le cinéma – ou entre les genres,les sexes,les « races »,les
à une époque donnée – en particulier, classes;étude de la consommation et de
la plus récente. Même si des travaux la réception, enfin, l’aspect le plus dif-
historiques d’envergure existent déjà47, ficile mais non le moins important de
ce qui manque encore,c’est une étude ce programme, qui conduirait à s’in-
qui croiserait les différentes dimensions terroger sur les publics de cette porno-
de l’histoire longue de la pornographie graphie et leurs façons d’en faire usage.
– au moins sur les deux siècles de Il est bien évident que ces diffé-
l’époque dite « contemporaine » – à rentes dimensions sont liées entre elles,
travers les multiples supports et formes se déterminent les unes les autres, et

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

que je ne les sépare ici qu’à des fins lité de synthèses individuelles qui
didactiques. Il est tout aussi évident échappent à la fragmentation,à la par-
que la mise en œuvre et l’accomplis- cellisation du travail intellectuel.Aussi
sement d’un tel programme nécessi- bien, je ne vise nullement à l’exhaus-
tent des forces qui dépassent les capa- tivité et me contenterais volontiers
cités d’un seul chercheur. C’est pour d’apporter quelques éclaircissements
cette raison que je crois à la nécessité sur des questions qui me sont, pour le
de travailler en réseau, de participer à moment, bien obscures. Dans cette
des groupes de travail, à des enquêtes quête, les apports de toutes les disci-
collectives dans la mesure où ils exis- plines, de tous les auteurs dont j’ai pu
tent49. Mais, comme pour l’histoire de croiser la route, et en particulier de
la censure que je mène en parallèle de ceux qui se réclament des,ou que l’on
cette enquête sur l’histoire de la por- peut rattacher aux Cultural Studies,
nographie (les deux domaines se Media Studies, Porn Studies, sciences de
recoupant au point précis de l’interdit l’information et de la communication,
moral et juridique jeté sur la représen- sociologie de la culture, ne seront pas
tation des corps), je crois aussi à l’uti- de trop.
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Notes Laboratoire des médias audiovisuels sur
1 Armand Mattelart et Erik Neveu, Intro- l’étude des cultures et sociétés (LAMAC&S)
duction aux Cultural Studies, La Découverte, de l’Université d’Ottawa, en collaboration
2003. avec une des presses universitaires intéressées
par ce projet.Le LAMAC&S prévoit de pro-
2 Eric Maigret et Eric Macé, Médiacultures, duire quatre volumes spéciaux, qui se veu-
Armand Colin / INA, 2005, p. 18. lent des références, en français, pour les
3 Cet extrait de l’appel à communication études critiques de la culture, entre 2007 et
associe les thèmes du retard et du rattrapage : 2011 ».
« La production analytique, en français, sur 4 Mêmes préoccupations dans l’appel à
les Études critiques de la culture ou ce qui communication de Dijon, teintées d’une
est communément appelé ‘Cultural Stu- certaine méfiance à l’égard de ce qui pour-
dies’est quasiment absente alors que les rait devenir une mode ou des emprunts sans
Anglo-Saxons ont depuis près de trois précaution : « Les études culturelles se sont
décennies maintenant considéré sérieuse- affirmées dans les pays anglophones comme
ment ce domaine d’analyse des pratiques la matrice d’une redéfinition des études lit-
quotidiennes comme à la fois une discipline téraires, puis de l’ensemble des sciences
et une anti-discipline. L’appel à communi- humaines et enfin, par le biais d’une pro-
cation a pour objectif d’aboutir à l’édition fonde réflexion épistémologique, des
d’une collection en français sur les Cultural sciences exactes.Encore déterminée par une
Studies ; collection qui sera produite par le controverse qui remonte au conflit idéolo-

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LE POINT SUR…

gique du Romantisme entre universalisme poraine,octobre-décembre 2004.Cet auteur


français et particularisme culturel allemand souligne notamment « l’importance accor-
ou anglais, l’Université française ignore ou dée à la matérialité,à la production sociale de
discrédite curieusement ce projet qui a la trace, aux échelles, aux temporalités de
pourtant permis des avancées majeures tant l’action, aux discours ou interprétations des
dans l’étude des textes que dans celle des acteurs sociaux compris comme des pra-
liens unissant théorie et critique. Il semble tiques localisées vise à conforter une des-
donc indispensable aujourd’hui de réfléchir cription horizontale du monde social qui
sur ce tournant culturel qui constitue un aligne l’enquêteur sur l’enquêté. »
changement d’importance, et ce d’autant 9AngharadValdivia (ed),Companion to Media
plus que la notion de culture connaît un suc- Studies,Malden,Blackwell Publishing,2003 ;
cès croissant dans toutes les sciences John D. Downing (ed), The Sage Handbook
humaines, provoquant une inflation poly- of Media Studies,Thousand Oaks,Sage,2004 ;
sémique qui tourne au brouillage concep- Gail Dines, Jean Humez (ed), Gender, Race
tuel. (...) C’est cette réticence française à and Class in Media.A Reader,Thousand Oaks,
l’égard du culturalisme, elle-même un phé- Sage 2003. Cette sélection n’a évidemment
nomène culturel, qu’il s’agit désormais de rien d’exhaustif.
vaincre sans pour cela nous plier aux direc-
tives des Cultural Studies anglo-améri- 10 Richard Campbell, Christopher Martin
caines. » Voir le premier numéro de la Revue et Bettina G. Fabos, Media & Culture : an
d’études culturelles (printemps 2005) dont Introduction to Mass Communication,Bedford,
l’avant-propos, signé Sébastien Hubier et Saint Martin’s, 2002.
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Antonio Dominguez Leiva, est repris 11 Marie-Hélène Bourcier, Sexpolitiques.
presque tel quel dans le texte du colloque Queer zones 2, La Fabrique éditions 2005.
de Dijon – les deux auteurs figurant parmi Cette auteure identifie son parcours intel-
les organisateurs du colloque. lectuel à ceux des chercheurs qui jouèrent
5 Marie-Jeanne Rossignol « Histoires cul- la carte des Cultural Studies aux Etats-Unis
turelles : l’histoire et les Cultural Studies en dans les années 1980 pour contrer la résur-
France et aux Etats-Unis » dans André Kae- gence des approches quantitativistes et beha-
nel,Catherine Lejeune,Marie-Jeanne Ros- vioriste dans les études sur les médias et la
signol (dir.),Cultural Studies,Etudes culturelles, communication, « résurgence qui se tradui-
Presse Universitaires de Nancy, 2003. sait notamment par une interprétation
mécanique,psychologique,au mieux socio-
6 Pascal Ory « Qu’est-ce que l’histoire cul- logique des effets des médias sur les publics.»
turelle ? » dans l’Université de tous les savoirs, De James Carey, lire notamment Communi-
O. Jacob, 2002. cation as Culture : Essays on Media and Society,
7 Lawrence Grossberg, « Le coeur des cultu- Winchester, Unwin Hymanet, et (ed.)
ral studies » dans L’Homme et la société, « Pour Media. myths and narratives, Sage, 1988.
une critique des sciences de la culture », 12 Judy Giles et Timothy Middleton, Stu-
n°149, juillet-septembre 2003. dying Culture :a Practical Introduction,Oxford,
8 Stéphane Van Damme, « Comprendre les Blackwell, 1999.
Cultural Studies :une approche d’histoire des 13 Lawrence Grossberg, Ellen Wartella et
savoirs », Revue d’histoire moderne et contem- Charles Whitney, Media making : Mass media

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

in a Popular Culture,Thousand Oaks, Sage, les ouvrages publiés récemment par les édi-
1998. tions Amsterdam, Stuart Hall, Identités et cul-
14 Parmi ses nombreux ouvrages, je signale tures. Politiques des Cultural Studies, édition
particulièrement : Reading Television, établie par Maxime Cervulle,trad.de Chris-
Methuen, London, 1978 ; Understanding tophe Jaquet, Paris, éditions Amsterdam,
news, Methuen, London, 1982 ; Popular rea- 2007. Et Mark Alizart, Stuart Hall, Eric
lity : Journalism, Modernity, Popular Culture, Macé, Eric Maigret, Stuart Hall, Paris, édi-
London - NewYork – Sydney,Arnold,1996; tions Amsterdam, 2007. Nul doute que le
Uses ofTelevision, Routledge,London – New prochain colloque de l’ACS, qui se tiendra
York, 1999. à la Jamaïque,d’où vient Hall,sera placé sous
son saint patronage !
15 Lawrence Grossberg,Cary Nelson et Paul
Treichler,Cultural Studies,NewYork – Lon- 22 David Morley, The Nationwide Audience,
don, Routledge, 1992. London, British Film Institute, 1980.

16 Douglas Kellner, Cultural Studies, Identity 23 Janice Radway, Reading the romance.
and Politics between the Modern and the Post- Women. patriarchy and popular culture, Uni-
modern, New York – London, Routledge, versity of North Carolina Press, 1985.
1995. 24Ien Ang, Watching Dallas. Soap Opera and
17 Simon During (ed), The Cultural Studies the Melodramatic Imagination, London,
Reader, New York – London, Routledge, Methuen, 1985. Il est vrai que le rattache-
1999. ment de Ien Ang à une « école américaine »
est contestable, dans la mesure où, même si
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18 Le dernier colloque a eu lieu du 3 au 7 elle étudie des productions culturelles amé-
juillet 2008 à l’université West Indies à King- ricaines, elle est d’origine indonésienne, a
ston, Jamaïque. Voir le site de l’ACS d’abord travaillé aux Pays-Bas (son travail sur
(http://cultstud. org/index.php?id=5) et la réception de Dallas porte sur des télé-
celui du colloque 2008 (http://www.cross- spectateurs néerlandais) et enseigne aujour-
roads2008.org/). d’hui en Australie.
19 http://cultstud.org/previous/Cross- 25 Qui devient l’Institut français de presse en
roads2004/Sept15PAandC.html 1951, rattaché à Paris II.
20 James Halloran, The Effects of Television, 26 Voir l’article de Bernard Miège « L’éco-
London, Panther, 1970. nomie politique de la communication »,dans
21 En particulier dans son article « Encoding « Les sciences de l’information et de la com-
and Decoding in the Television Discourse » munication. Savoirs et pouvoirs », Hermès
(Culture et Education, n°25, Conseil de l’Eu- n°38, 2004, p. 47-52.
rope,Strasbourg,1974,avec la première ver- 27 Sur la réception critique du travail d’Ed-
sion intitulée « Encoding and Decoding in gard Morin et des « mass-médiologues » par
the Media Discours »,stencilled paper n°7,Bri- Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron,
mingham, CCCS, 1973) et dans son livre et sur le moyen et l’enjeu qu’ont représen-
Encoding/Decoding, London, Hutchinson, tés les travaux de Richard Hoggart dans cette
1980, devenus des classiques. L’oeuvre et la querelle française, voir notamment l’entre-
figure de Stuart Hall font l’objet,en France, tien entre Philippe Corcuff et Brigitte Le
d’un regain d’intérêt,comme en témoignent Grignou « Les sciences sociales et la récep-

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LE POINT SUR…

tion des médias » dans Contretemps, n°18 34 Douglas Kellner,« Cultural studies,Mul-
février 2007. Voir aussi l’entretien entre ticulturalism and Media Culture » dans Gail
Edgar Morin et Dominique Wolton dans Dines et Jean Humez (ed.),Gender, Race and
« Les sciences de l’information et de la com- Class in Media.A Text Reader », Sage, 2003.
munication. Savoirs et pouvoirs », Hermès 35 Eric Maigret, op. cit., p. 115-116.
n°38, 2004.
36 Xavier Deleu,le Consensus pornographique,
28 Ces deux auteurs posent les bases,entre le Mango Document, 2002. Frédéric Joignot,
milieu de la décennie 1950 et la fin des Gang Bang, enquête sur la pornographie de la
années 1960, d’une sémio-sociologie fran- démolition, Seuil, 2007.
çaise des médias de masse :Edgar Morin avec
le Cinéma ou l’homme imaginaire, essais d’an- 37 Dictionnaire des œuvres érotiques,préface de
thropologie sociologique, Minuit, 1956 et les Pascal Pia, Laffont « Bouquins », rééd. 2001.
Stars, Seuil, 1957 ; Roland Barthes avec Philippe di Folco (dir.),Dictionnaire de la por-
Mythologies,Seuil,1957 et Système de la mode, nographie, Puf, 2005.
Seuil, 1967. 38 Bernard Joubert, Anthologie érotique de la
29 Bernard Miège et Jean Meyrat, « Le pro- censure,La Musardine,2001 et Histoires de cen-
jet des SIC :de l’émergent à l’irréversible (fin sure.Anthologie érotique, La Musardine, 2006.
des années 1960 – milieu des années 1980) » 39 L’Enfer de la bibliothèque.Eros au secret,cata-
dans Robert Boure (dir.) Les origines des logue de l’exposition de la Bibliothèque
sciences de l’information et de la communication. nationale de France, 2007.
Regards croisés,Lille,Septentrion,2002,p.52-
40 Dominique Baqué, Mauvais genre(s). Ero-
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53.
tisme, pornographie, art contemporain, éditions
30 Eric Maigret (avec Eric Macé dir.), Pen- du Regard, 2002. Ruwen Ogien, Penser la
ser les médiacultures : nouvelles pratiques et nou- pornographie, Puf, 2003. Matthieu Dubost, la
velles approches de la représentation du monde, Tentation pornographique, réflexions sur la visi-
Armand Colin / INA, 2005, p. 115. bilité de l’intime,Ellipses,2006.Michela Mar-
31 Bernard Darras, « Les études culturelles, zano Malaise dans la sexualité :le piège de la por-
une mutation démocratique des sciences nographie, Lattès 2006 et la Pornographie ou
humaines », dans B. Darras (dir.), « Etudes l’épuisement du désir, Hachette, 2007 [2003].
culturelles et Cultural Studies », revue MEI, 41 Pierre-Marc de Biasi,Histoire de l’érotisme,
n°24-25, L’Harmattan, 2007. de l’Olympe au cybersexe,Gallimard « Décou-
32 Eric Maigret, op. cit. verte », 2007.
33 Pour un bilan de ces travaux,voir Philippe 42 « Politiques de la pornographie. Le sexe,
Poirrier Les enjeux de l’histoire culturelle,Seuil, le savoir,le pouvoir »,Cités n°15,2003.« Ero-
2004 et,sous la direction du même,L’Histoire tisme et ordre moral », Revue d’études cultu-
culturelle : un tournant mondial dans l’historio- relles, n°1, printemps 2005.
graphie ? Dijon, Éditions universitaires de 43 J’emprunte cette métaphore à Linda
Dijon, 2008, Pascal Ory l’Histoire culturelle Williams :« Les discussions et représentations
Paris, Puf, 2004, Laurent Martin et Sylvain du sexe qui étaient autrefois obscènes au sens
Venayre (dir.), L’Histoire culturelle du contem- littéral de hors-scène sont aujourd’hui appa-
porain, Paris, Nouveau Monde, 2005. rues dans les nouveaux royaumes du
privé/public que sont Internet et la vidéo.

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Culture et médias : quelles approches aujourd’hui ?

Le terme que j’ai forgé pour décrire l’état 5(1), 2002, p. 91-105. Pamela Church Gib-
paradoxal de la situation est on/scenity [surs- son (ed.),More Dirty Looks.Gender,Pornogra-
cène] :le geste par lequel une culture amène phy and Power, London, British Film Insti-
dans l’arène publique les organes,actes,corps tute, 2004 [1993].
et plaisirs qui avaient jusque-là été désignés 47 Annie Stora-Lamarre, L’enfer de la
comme « ob-scènes » et tenus hors de la III e République,Censeurs et pornographes (1891-
scène publique. (…) « Surscène » est une 1914), Paris, Éditions Imago, 1990. Walter
manière de signaler non seulement que la Kendrick,The Secret Museum. Pornography in
pornographie prolifère mais que les scéna- Modern Culture, Berkeley et Los Angeles,
rios sexuels autrefois tenus hors de la scène Californie, University of California Press,
sont aujourd’hui sur la scène, dans la sphère 1996 [1987]. Lynn Hunt (ed.), The Invention
publique. » (Porn Studies, Duke University of Pornography. Obscenity and the Origins of
Press, 2004, p. 3). Cette métaphore ne vaut Modernity, 1500-1800, New York, Zone
pas étymologie. L’étymologie d’obscène en Books,1996.Joan de Jean,The Reinvention of
tant que hors scène – reprise par Linda Obscenity.Sex,Lies,andTabloids in Early Modern
Williams et bien d’autres est certes sédui- France,Chicago,University Press of Chicago,
sante mais très contestée :obscène vient plu- 2002. Il faudrait également mentionner les
tôt d’ob-scaevus, « scaevus » renvoyant au nombreux ouvrages qui ont paru récemment
mauvais présage en latin : cf.Thierry Trem- sur l’histoire du corps et de la sexualité, en
blay,« De l’étymologie au silence :réflexions particuier d’Alain Corbin L’Harmonie des
sur l’obscénité », La Voix du regard n°15, plaisirs. Les manières de jouir du siècle des
automne 2002, 108-112.
© Nouveau Monde éditions | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 92.186.1.21)

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Lumières à l’avènement de la sexologie,Paris,Per-
44 Charles Rembar, The End of Obscenity : rin, 2008.
The Trials of Lady Chatterley,Tropic of Cancer 48 Cf supra note 34.
and Fanny Hill, New York, Random House,
1968. 49 Je mentionne ici l’intéressante initiative
du groupe « Genre, normes et sexualités »
45 Voir également l’article que j’ai consacré de l’Université libre de Bruxelles,qui a orga-
au sujet dans Le Temps des médias n°1, nisé les 18 et 19 avril 2008 deux journées
automne 2003, p. 10-30. d’études sur le thème : « Les mises en scène
46 Lire son livre Hardcore :Power,Pleasure,and de la sexualité et leur (dis)qualification.Obs-
the “Frenzy of the Visible”, Berkeley et Los cénité, pornographie et censure (XIXe-
Angeles,Californie,University of California XXIe siècles). » Voir à l’adresse : http://www.
Press, 1999 [1989].Voir également Feona ulb.ac.be/droit/dchd/normes_genre_et_sex
Attwood, « Reading Porn : The Paradigm ualites.html.
Shift in Pornography Research »,Sexualities,

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