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CHRONIQUE

Belgique

Colloque
— L’année jubilaire (1872-2022) et le centenaire de la mort du Bienheu-
reux Dom Columba Marmion (1923-2023), troisième abbé de Maredsous,
ont été marqués par de nombreuses manifestations. Quatre colloques Co-
lumba Marmion ont été organisés : à l’Université de Namur, le 27 janvier
2023, Spiritualités du 21e siècle ; à Maredsous, le 20 mars 2023, Traditions
spirituelles chrétiennes et spiritualité de C. Marmion ; deux autres colloques
se sont tenus à Rome, le 28 avril 2023 à St-Anselme et le 29 au Collège
irlandais. Les célébrations majeures à Maredsous furent la messe d’ouver-
ture (1er octobre 2022) présidée par le cardinal Jozef De Kesel, archevêque
de Malines-Bruxelles en présence des Souverains et de nombreux abbés et
supérieurs religieux, et la fête de S. Benoît (21 mars 2023), occasion de
faire mémoire du centenaire de la mort de Columba Marmion, présidée par
M gr Noël Treanor, nonce apostolique auprès de l’Union européenne. Plu-
sieurs conférences et expositions ont présenté Maredsous, hier et aujourd’hui
et Trésors de l’abbaye (orfèvrerie, vêtements liturgiques, mobilier, documents)
ainsi que dans le cloître, l’exposition Dom C. Marmion, un saint à Mared-
sous ?. Divers concerts d’orgue et de chant choral ont ponctué le 150 e anni-
versaire. Le Musée des arts anciens du Namurois (Namur) a présenté à son
tour l’essentiel des Trésors de l’abbaye (août-septembre 2023). Last but not
least, le Bréviaire enluminé de l’abbaye St-Adrien de Grammont, en quatre
volumes (vers 1450), conservé à Maredsous, a fait l’objet d’une restauration
et d’une publication (Éditions de Maredsous).
Le 20 mars 2023 s’est tenu le colloque à Maredsous intitulé Traditions
spirituelles chrétiennes et spiritualité de C. Marmion. La matinée du col-
loque a été consacrée aux diverses spiritualités monastiques chrétiennes.
M gr Joseph Murphy, postulateur de la cause de Marmion, a évoqué les spi-
ritualités chrétiennes qui se sont déployées au cours des âges : 1) la « voie
ascétique » des premiers siècles, avec le « retrait du monde » ; 2) la « voie
mystique » du temps de S. Bernard, de la mystique rhénane, de Thérèse
d’Avila et Jean de la Croix ; 3) la « voie pratique », vécue dans le monde :
les moines missionnaires, les Prémontrés, les Franciscains et Dominicains,
sans compter Ignace de Loyola, François de Sales, Vincent de Paul, etc. ;
4) la « voie esthétique » comme profondeur de l’expérience humaine : arts,
poésie, nature, etc. ; 5) la « voie prophétique », la justice sociale et les théo-
logies contextuelles : libération, inculturation, écologie, etc. Ces divers
chemins expriment une même aspiration, celle de suivre le Christ sous la
conduite de l’Esprit Saint. Le père Michel Van Parys, abbé émérite de
l’abbaye de Chevetogne, a souligné que les diverses spiritualités chrétiennes
ont en commun l’accueil et la rencontre. Le dialogue entre spiritualités oc-
cidentales et orientales n’a jamais cessé, même aux moments de tensions et
de crises, grâce à des pèlerinages, des échanges culturels et la réception des
sources des uns et des autres. Ainsi, les Apophtegmes, écrits en copte ont

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circulé en traduction grecque en occident. La Vie de S. Benoît de Grégoire
le Grand a été diffusée en orient, sous forme de traduction. Des figures
comme celles de S. Nil, S. Macaire, Grégoire de Narek, ont été fédératrices
pour les uns et les autres, sur la base d’un même monachisme fait de prière
en commun, d’hospitalité, de dialogue, d’amour compatissant. Le moine est
à la fois « ange » et « operarius » (travailleur) par la louange ; il est aussi soli-
daire du monde et miséricordieux, prenant sur lui les péchés de ses frères.
Le père Guillaume Jedrezak, trappiste du Mont-des-Cats, s’est deman-
dé s’il existe une spiritualité bénédictine spécifique ou si cette spiritualité
est simplement une manière de vivre le baptême. La spiritualité bénédictine
est comme le fruit mûr de l’âge d’or de la patristique. Celle-ci ne se pro-
longe-t-elle pas jusqu’à S. Bernard, le « dernier père de l’Église » ? La vie
monastique est un art de vivre, fait de spiritualité, de théologie, d’éthique.
L’affrontement de Bernard et d’Abélard est le signe d’une rupture qui mar-
quera l’histoire ultérieure. La « théologie rationnelle » devient la « reine des
sciences ». Inaugurée par Abélard, elle va progressivement creuser la dis-
tance entre théologie et spiritualité, foi et raison, la spiritualité devenant
le refuge de la piété et de l’intime. De nouvelles spiritualités vont naître au
cours des siècles, autres que monastiques. Toutefois, de nombreuses com-
munautés nouvelles du 20 e s. s’inspirent explicitement du monachisme, de
son rapport si spécifique au temps et à l’espace, signe sans doute de son
actualité, même en pleine modernité. Le père François de B É thune, prieur
bénédictin de Clerlande, a partagé avec l’assemblée son expérience du dia-
logue interreligieux monastique, pratiqué lors de séjours chez des moines
bouddhistes du Japon et lors de la venue de ceux-ci dans des monastères
chrétiens d’occident. Cette hospitalité réciproque permet d’expérimenter
ensemble la fraternité, la prière, le silence, le travail manuel. N’est-elle pas
le cadre indispensable pour une expérience de rencontre « inter-religieuse »,
voire même « intra-religieuse » ?
L’après-midi s’est centrée sur la figure et l’œuvre de Colomba Marmion.
Dominique Lambert, professeur de science et de philosophie à l’Université
de Namur, présente la position de Dom Marmion concernant les rapports
des sciences à la philosophie. Il le fait sur la base d’un article de Marmion
intitulé Philosophie et Science, découvert par le père Pierre-Maurice Bogaert
(Maredsous) dans la Revue bénédictine (1894). En bon thomiste, Marmion af-
firme qu’on ne peut séparer les sciences de la philosophie, pas plus que l’âme
du corps. Les sciences seraient-elles seulement un travail de classement et
de description des phénomènes naturels, comme l’affirmait le scientifique
chrétien Henri Duhem (1861-1916), qui craignait d’être taxé de concordiste
par les positivistes ? Pour Marmion, les sciences s’intéressent aux « causes
secondes » (phénomènes), et la philosophie (métaphysique), dans le prolon-
gement, s’intéresse aux « causes sourdes » et à la « cause première ». La
position de Marmion évite à la fois le fidéisme et le concordisme (absorp-
tion) ainsi que le positivisme et le rationalisme (séparatisme). C’est dans ce
sens que le concile Vatican I a défini le rapport foi-raison. La position de
Marmion est proche de celle du père Teilhard de Chardin, du philosophe
Maurice Blondel et des pères Joseph Maréchal et Pierre Scheuer SJ. Ainsi
le travail scientifique est au cœur de la vie spirituelle. Dans notre monde
d’hyper-spécialisation et de fragmentation, il y a une unité à refaire, dans
la confiance que la vérité peut être recherchée, dans le respect de chaque

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domaine. Ensuite, le père Columba Thomas OP, étudiant en théologie à
Washington DC., s’est interrogé sur la spiritualité sacerdotale de Dom Mar-
mion et de Thomas d’Aquin, son maître à penser. Dans Le Christ, idéal du
prêtre, Marmion traite du prêtre comme d’un « autre Christ » (alter Christus)
sur la base du don sacramentel reçu à l’ordination. Cette thèse est celle de
bien des théologiens jusqu’à Jean Eudes et l’École française de spiritua-
lité (17e s.). Si le prêtre est « relié » au Christ d’une manière particulière,
tout chrétien, en raison de son baptême, peut aussi être qualifié d’« autre
Christ », en tant que fils de Dieu. Le « caractère sacramentel » de l’ordi-
nation et du baptême en est une nouvelle attestation. Mais tout don de
Dieu s’inscrit dans la mission et le témoignage. Le prêtre doit être l’image
parfaite du Christ et sa vie est en quelque sorte la continuation de celle
du Christ. Le concile Vatican II a déployé une autre problématique pour
l’évêque et le prêtre, celle de l’« in persona Christi capitis », mais cette dé-
claration ne déclasse en rien celle de l’ « alter Christus ».
Enfin, le père Eusebius Martis, bénédictin de Marmion Abbey (USA)
et professeur de théologie, se demande si la spiritualité de Marmion peut
encore interpeller l’homme du 21e s. Parfois les livres de Marmion peuvent
apparaître difficiles et austères. Celui-ci a enseigné la théologie aux futurs
prêtres, mais on ne peut oublier qu’il a aussi prêché aux religieux et aux
laïcs et accompagné bien d’entre eux. Il y a donc plusieurs facettes à sa
personnalité, celle du professeur, celle du spirituel et du guide, celle du pas-
teur, celle aussi du prêtre diocésain et du moine. Il avait l’art de « faire par-
ler » les textes bibliques, spirituels et théologiques, au point que certains
de ses étudiants au Mont César (Louvain), après la leçon, prolongeaient son
enseignement par un temps de prière à l’église abbatiale.
La journée s’est achevée par une table ronde réunissant les orateurs du
jour, sous la conduite des deux présidents de séance, Mgr Joseph Murphy
et le père Armand Veilleux, trappiste, abbé émérite de Chimay. C’est une
nouvelle fois la « pensée unitive » de Marmion qui a été soulignée, sa théo-
logie qui nourrit la spiritualité, ainsi que son autorité, respectueuse de la
liberté de chacun. Par ailleurs, sa correspondance, peu travaillée à ce jour,
pourrait révéler d’autres traits du visage du Bienheureux Dom Columba
Marmion. Cette rencontre, illuminée par l’eucharistie de midi, a été parti-
culièrement appréciée, de même que le pique-nique ambulatoire, servi dans
le cloître de l’abbaye, qui a permis bien des échanges et des retrouvailles.
André Haquin

Colloque
— Le président de l’ARCA (Archives du Monde Catholique Belge, Lou-
vain-la-Neuve), Luc Courtois, professeur à l’UCLouvain et directeur du
DHGE (Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique) ouvre le col-
loque Entre tradition et innovation. Ruptures dans les communautés monas-
tiques aux 19e et 20e siècles, tenu à Louvain-la-Neuve, les 24 et 25 novembre
2022. Il rappelle son objectif, l’étude et la contextualisation des mou-
vements d’adaptation et de réforme radicale de la vie monastique dans
les années 1969-1970, particulièrement à l’abbaye de Maredsous (Bel-
gique). S’agissait-il de simples tensions ou fallait-il craindre un véritable
« séisme » ? À la suite du concile Vatican II, les monastères bénédictins et
cisterciens, notamment, se sont interrogés sur les adaptations nécessaires

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de la vie monastique souvent refondée au 19e s., dans un contexte post­
révolutionnaire et ultramontain. Ce questionnement avait déjà commencé
à Maredsous, dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale,
avec l’abbé Godfroid Dayez. Dans les années 1970, l’abbaye de Maredsous
et le jeune abbé Olivier du Roy1 ont été particulièrement engagés dans ce
mouvement. À la suite d’une dénonciation à Rome, l’abbé démissionne en
1972, l’année du centenaire de l’abbaye, et plusieurs moines quitteront le
monastère. Ils ont déposé leurs archives à l’ARCA, organisatrice du présent
colloque. Jean Pirotte, professeur émérite à l’UCLouvain et directeur de
recherche au FNRS, retrace la fresque de la fondation de l’abbaye en 1872,
une époque marquée par le romantisme et le rêve de l’âge d’or médiéval :
Maredsous, révélateur des contradictions du monde vivant des moines bénédic-
tins xixe-xxe siècles. Le monde catholique du 19 e s. est dans la posture de
l’assiégé, face aux revendications du monde moderne en matière notamment
de « libertés ». Les catholiques belges se divisent entre ultramontains et
libéraux. Ils entreprennent la reconquête de la société. L’Action catholique
sera un de fleurons du catholicisme belge du 20 e s. Par ailleurs, se retrouver
moine au milieu du 20 e s., dans un tout autre contexte, c’est être affronté
à des questions inédites, notamment le choix entre deux « utopies », l’utopie
eschatologique et celle du témoignage dans un monde en pleine évolution,
selon la logique de la Dynamique du provisoire (Roger Schütz). Une telle
contestation et transformation au sein du monde monastique pouvait-elle
réussir ou n’était-elle pas vouée à l’échec ?
Danielle Hervieu-Leger, sociologue et directrice honoraire à l’EHESS
(École des hautes études en sciences sociales, Paris) a suivi l’expérience de
la réforme monastique de Maredsous à deux moments2 : lors de la prépara-
tion du colloque du centenaire (1972) et, par après, de 2009 à 2011, avec
Paul Servais, historien de l’UCLouvain, lorsque s’est constitué le groupe
de travail des anciens moines, dont du Roy, et de quelques moines qui ont
persévéré, réunis pour réfléchir à cette rude page d’histoire. Après un cer-
tain temps, les participants ont été invités à rédiger leurs mémoires3. Dans
L’expérience de Maredsous, la sociologue rappelle aussi que les changements
avaient déjà commencé lors de l’abbatiat de Dayez, qui avait réformé les
œuvres et l’administration, supprimé la distinction moines-convers et en-
voyé des jeunes moines étudier en diverses universités comme Strasbourg,
Lyon, Paris. Les questions devinrent prégnantes avec du Roy : autour de
l’ascèse et de l’obéissance qui doit intégrer l’idée de l’autonomie du moine,
autour de l’autorité de l’abbé, moins « paterfamilias » à la façon romaine que
« frère » parmi ses frères. Pour du Roy, il fallait dans l’Église en finir avec

1
Voir Olivier du Roy, Moines d’aujourd’hui. Une expérience de réforme institution-
nelle, Paris, 1972. Ce livre, qui rassemble bien des articles publiés dans diverses revues,
dessine le programme de la réforme monastique engagée par l’abbé. Récemment, l’au-
teur a publié un complément intitulé Moines d’aujourd’hui ? Retour sur un projet inter-
rompu de réforme monastique, Paris, 2022.
2
Danielle Hervieu-Leger, Le temps des moines. Clôture et hospitalité, Paris, 2017.
Voir notamment le chap. 8 : En finir avec la double éthique. Réformes monastiques au tour-
nant des années 1960, p. 431-509, dans lequel l’auteure s’intéresse au monastère cister-
cien de Boquen et à l’abbaye de Maredsous.
3
Ces documents ont été déposés à l’ARCA (Louvain-la-Neuve).

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la « double éthique » (Max Weber et Ernst Troeltsch), celle des « virtuoses »
(moines) et celle des chrétiens « ordinaires » (laïcs), comme Vatican II semble
le suggérer en invitant tous les baptisés à vivre leur vocation à la sainteté
(Lumen Gentium, chap. 5 Appel universel à la sainteté). L’heure n’était-elle
pas à la reconnaissance de la pluralité des vocations spirituelles au sein de
l’unique peuple chrétien ? Il s’agissait aussi de rendre possible sur d’autres
bases une existence monastique dans le monde contemporain. Les tensions
internes à Maredsous se sont polarisées sur deux figures, celle du moine
« contemplatif » et celle du moine « prophète ». André Haquin, professeur
émérite à l’UCLouvain, a traité de L’ouverture de Maredsous aux réalités du
temps, dans la ligne d’un monachisme « apostolique » et même « missionnaire ».
Les monastères bénédictins de Belgique se sont en effet inscrits dans cette
ligne où un certain pragmatisme « à la belge » a pu jouer. Les nombreuses
initiatives de l’abbaye n’ont pas été choisies en fonction d’une théorisa-
tion préalable, mais plutôt de choix successifs qui semblaient réalisables
et féconds. Il faut mentionner d’abord l’enseignement, à l’École abbatiale
(1881) pour les classes aisées de la société et à l’École des arts et métiers
(1903) pour la promotion de la classe ouvrière. En ce qui concerne la prédi-
cation de retraites, un nom se détache, celui de Columba Marmion, prêtre
irlandais devenu moine de Maredsous et plus tard abbé. Il a renouvelé le
genre de la retraite spirituelle, en prenant distance de la tendance dévo-
tionnelle ou psychologisante et s’est appuyé sur les Écritures et la Tradition
de l’Église. Maredsous et d’autres abbayes se sont également investies dans
le Mouvement liturgique du 20 e s., résolument pastoral et même paroissial,
fondé au Mont César (1909) avec comme pilote dom Lambert Beauduin, qui
plus tard s’inscrira dans la ligne du rapprochement des Églises et fondera
le monastère d’Amay-Chevetogne. Maredsous et d’autres abbayes belges
ont pris une part active au Mouvement liturgique contemporain, sans le-
quel la réforme liturgique de Vatican II n’aurait pas été ce qu’elle est. Les
études bibliques, comme les études patristiques et les travaux d’histoire du
monachisme sont également une des spécialités de Maredsous. Leur apport
à l’action pastorale est devenu important lorsque Pie XII a publié l’ency-
clique Divino afflante Spiritu (1943) consacrée à l’interprétation de la Bible.
La traduction de la Bible de Maredsous (père Passelecq), la revue Bible et
Vie chrétienne (Célestin Charlier) sont ici à rappeler. De même, le Centre
Informatique et Bible (Ferdinant Poswick) a apporté sa participation par
des contributions significatives, notamment les Concordances bibliques, le
Dictionnaire encyclopédique de la Bible et la Bible pastorale (1997). La biblio-
thèque de Maredsous est le lieu où les enseignants peuvent se documenter ;
c’est aussi le lieu de la recherche savante, et notamment de l’édition de la
Revue Bénédictine. La bibliothèque compte aujourd’hui 400 000 livres infor-
matisés, en réseau avec l’UCLouvain, l’UNamur et les Bollandistes. Les
fondations de Maredsous sont le Mont César (Louvain), l’abbaye de Glenstal,
la restauration de la vie bénédictine au Brésil (1893), la mission bénédictine
au Katanga, et la création du monastère de Gihindamuyaga (Rwanda) en
1957. Sans oublier la participation du père Gresnigt, parti en Chine pour
réaliser les plans de l’Université catholique de Pékin et de plusieurs sémi-
naires, avec la préoccupation d’une réelle « inculturation » exprimée jusque
dans l’art. En conclusion, comme on le devine, le rapport entre « clôture »

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et « hospitalité » a toujours fait l’objet d’un subtil équilibre à Maredsous et
dans les monastères bénédictins de Belgique.
Daniel-Odon Hurel, professeur à l’Université de Limoges et directeur
de recherche au CNRS, a présenté quelques éléments d’un travail en cours
sous le titre Faire l’histoire de La Pierre-qui-Vire au 20e s. : foisonnement, gé-
nérations et relectures. Cette abbaye bénédictine a cherché à s’adapter à la
fois aux orientations de Vatican II et de la culture actuelle. On en trouve
une bonne présentation dans le livre du père Ghislain Lafont Des moines et
des hommes (1975). Dépasser la « structure patriarcale » du monastère et le
« surnaturalisme » de la vie monastique sont deux acquis essentiels. La com-
munauté est au cœur des préoccupations, ainsi que le style de gouverne-
ment de l’abbé ; comment celui-ci peut-il susciter la liberté des moines, une
liberté fortifiée par l’obéissance ? L’église abbatiale a été réaménagée et les
moines ont pris place au milieu du sanctuaire. Les moines sont aussi invités
à participer à de petits groupes de prière et de réflexion à propos des ques-
tions de l’Église et du monde, et même de la vie affective. Ils réfléchissent
à la signification des vœux monastiques, notamment la pauvreté qui pour-
rait peut-être s’accommoder d’un salaire minimum. L’ascèse personnelle et
le jeûne pourraient faire l’objet d’un dialogue avec l’abbé. La Pierre-qui-
Vire est connue pour ses nombreuses fondations monastiques, notamment
en Angleterre et en France, au Vietnam, à Madagascar et au Congo. Chris-
tian Sorrel, professeur à l’Université Lyon 2, se proposait de présenter
Dom Jean-Baptiste Porion, procureur général de l’ordre des chartreux, le concile
Vatican II et la vie contemplative, mais des ennuis de santé l’ont empêché de
rejoindre Louvain-la-Neuve. Françoise Mélard, collaboratrice scientifique
à l’UCLouvain, a abordé la question de l’oblature : De dom P. Guéranger à
Maredsous et à la Squadra Belga, l’oblature séculière bénédictine, de l’intériori-
té à l’extériorité. Pour comprendre l’oblature, il faut s’interroger sur la quête
de sens des fidèles, dans la France du 19e s. jusqu’à nos jours. L’oblature
séculière a été créée à Solesmes par dom P. Guéranger à la fin de sa vie et à
la même époque en Allemagne, à Rome et à Maredsous. Dans l’existence de
l’oblat, prière et liturgie sont intimement liées. Sur la base de l’histoire de
cette association de fidèles et du droit actuel, on peut se poser la question
de son avenir. Entre le monastère et le monde, quel est le statut, quelle est
la mission de l’oblature ?
Le sujet présenté par Yvan Tranvouez, professeur émérite à l’Universi-
té de Brest, est Boquen en suspension (1950-1959). L’aventure du monastère
cistercien de Boquen court de 1936, avec l’arrivée de dom Alexis Presse,
ancien abbé de Tamié, jusqu’à 1976, après la destitution du prieur, Besnard
Besret. Une triste et difficile histoire, faite de tâtonnements, de malenten-
dus entre les deux hommes, ou de deux dialogues qui ne se rencontrent pas.
Maredsous était un véritable paquebot à conduire, engagé dans de nom-
breux projets, y compris économiques, en quête d’une réforme qui n’a pas
abouti. Boquen est un petit monastère de Bretagne avec quelques moines,
qui entre 1950 et 1959 s’est trouvé comme en « suspension », s’interrogeant
sur son avenir, celui de la famille cistercienne et celui du monachisme
contemporain4. Silvia Scatena, professeure aux Universités de Modène et

4
Pour prolonger cette étude, voir « Boquen ou l’emballement de l’expérience pro-
phétique », dans Le temps des moines, p. 464-509.

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de Regio Emilia, présente La Communauté évangélique réformée de Cluny et
la légitimation d’une communauté régulière en terre réformée. Au cours des
années 1942-1944, le jeune Roger Schutz, futur fondateur de Taizé5, est
étudiant à la faculté de l’Église libre du Canton de Vaud ; il s’exerce à une
vie communautaire embryonnaire avec d’autres étudiants et expérimente
les réticences du monde protestant envers cette forme de vie disparue de-
puis tant de siècles et qui semble trop « catholique ». Sa thèse de licence en
théologie L’idéal monacal jusqu’à saint benoît et sa conformité avec l’Évangile
(1943) a été fondatrice, à la fois pour assurer l’héritage et pour le réin-
terpréter. Il a été question aussi de son livre Introduction à la vie commu-
nautaire qui dessine le projet qui se réalisera à Taizé, y compris pour la
difficile acceptation des trois vœux monastiques, la pauvreté, la chasteté,
l’obéissance.
Maria Antonia Paiano qui enseigne à l’Université de Florence a trai-
té de La réforme liturgique en question. L’affrontement entre les liturgistes du
CNPL (Paris) et Gérard Calvet sur l’histoire de la liturgie. Après avoir gra-
vité autour de M gr Lefebvre, dom Gérard Calvet, a opté pour la communion
avec Rome et est devenu abbé du Barroux. Il publie à ce moment le Missel
préconciliaire et deux livres, en traduction française, de l’historien de la
liturgie bien connu, Klaus Gamber, La réforme liturgique en question (1991)
et Tournés vers le Seigneur (1992). Les liturgistes du CNPL (Centre Natio-
nal de Pastorale Liturgique de Paris), s’émeuvent de ces initiatives qui
entravent la bonne marche de la réforme liturgique conciliaire. Le P. Gy
et M gr Martimort répondent à ces écrits par un retour à l’histoire, témoin
de la Tradition. Des évêques français s’étonnent que le Saint-Siège laisse
faire et que même le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation de la
Doctrine de la Foi, ait, en quelque sorte, préfacé les volumes dont il a été
question. Le CNPL a poursuivi en organisant un colloque (1990) consa-
cré à M gr Duchesne et son célèbre ouvrage Les Origines du culte chrétien. Il
apparaît que Gamber a prétendu pouvoir justifier sa thèse apologétique à
partir de l’histoire. Ko Goubert, régisseur en chef des collections du Mu-
sée L (Leuven), prépare un doctorat d’histoire de l’art à la Vrije Universiteit
Brussel sur dom Martin. Son exposé s’intitule L’art au service de la litur-
gie : l’orfèvre-designer dom Martin Martin (1889-1965). Né à Paris, celui-ci
devient moine du Mont César (Louvain). Il est actif dans les années 1920
au service du mouvement liturgique. Il pratique l’Art déco dans le domaine
du vitrail, de la paramentique et surtout de l’orfèvrerie, en collaboration
avec les maisons Wolfers Frères, de Bruxelles (1927-1939) et Tétard Frères,
de Paris (1937-1960). Il participe à diverses expositions universelles (1935,
1937, 1938). Il a été actif à Amsterdam, Lisbonne, Rome et Rio de Janeiro.
Le Musée L de Leuven a exposé ses œuvres en 2015. Jean-Pascal Gay, pro-
fesseur à l’UCLouvain, présente une réflexion intitulée La mort du jeune
moine et la redéfinition de la spiritualité monastique après Vatican II. À partir
de la mort de quelques très jeunes moines, surtout français, entre 1930 et
aujourd’hui, il étudie plusieurs discours hagiographiques ou para-hagiogra-
phiques à usage, tant de la société que du monastère, en rupture avec le
genre hagiographique de l’âge confessionnel. Ce n’est plus la mort du moine

5
Voir la somme de Silvia Scatena, Taizé, une parabole d’unité. Histoire de la commu-
nauté des origines au concile des jeunes, Turnhout.

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qui fait l’objet d’admiration, mais l’affrontement à la maladie. Par ce type
de publication, les auteurs rencontrent le « non-sens » de ces situations. Ces
écrits s’inscrivent dans une nouvelle médiatisation et une nouvelle séman-
tique, liées à des entreprises de fondation ou de refondation monastique.
Les participants ont ensuite été invités par Guy Zelis, professeur émé-
rite de l’UCLouvain, directeur f.f. de l’ARCA, à visionner — du moins la
partie qui concerne l’abbaye de Maredsous — un document d’archives de
qualité, réalisé en noir et blanc, par la Télévision de Suisse Romande (1972).
À travers les interviews et les images de la vie monastique apparaissent les
questions de pluralisme et de liberté, ainsi que les tensions entre pratiques
et points de vue différents au sein d’une même communauté, ainsi que le
rapport que chacun entretient avec la tradition monastique. Ensuite Oli-
vier du Roy, ancien abbé de Maredsous, a commenté son livre publié en
1972, Moines d’aujourd’hui, détaillant chapitre par chapitre les points en
discussion, notamment l’habit, le travail, le changement de gouvernance,
l’élaboration de la décision à partir des échanges avec la communauté, les
nouvelles perspectives économiques, etc. Enfin Armand Veilleux, moine
cistercien de Chimay, ancien abbé de plusieurs monastères, fondateur de
maisons cisterciennes au Canada, aux États-Unis et au Venezuela, a propo-
sé une réflexion finale Quel avenir pour la vie monastique ?. Le monachisme
occidental a été marqué la Réforme grégorienne et une ecclésiologie de type
universaliste qui a contribué à faire grandir une Église forte où le clergé,
mieux formé, s’est éloigné des fidèles et l’Église de la société. Aujourd’hui,
l’Église développe une ecclésiologie de l’Église locale, au point que l’Église
universelle est conçue comme la communion des diverses Églises locales,
une communauté de communautés. En conséquence, les Églises et com-
munautés locales ont une plus grande autonomie, et vivent l’unité dans le
pluralisme. De nombreuses fondations cisterciennes des dernières décennies
sont de type « petites communautés », en synergie avec l’Église locale et
avec la population proche. Parlant de la rareté des vocations monastiques
aujourd’hui, A. Veilleux estime que le monachisme belge a les vocations que
l’Église locale peut engendrer. Par ailleurs, il reconnaît que l’Église locale
est en droit d’attendre l’entraide et la stimulation des monastères.
Un colloque d’histoire et de sociologie historique ne se clôture pas par
des conclusions, encore moins par des consignes. Il donne toutefois à pen-
ser, à partir de l’analyse des multiples essais entrepris pour « adapter » ou
« réformer » la vie monastique. Il s’agit dans ce colloque, sinon d’un travail
d’« histoire immédiate », en tout cas d’« histoire récente », qui mérite encore
bien des recherches. Les archives ne sont pas encore partout disponibles.
Sans elles, les positions des divers protagonistes ne pourront être approchées
de manière satisfaisante. Le travail doit donc se poursuivre. Les Actes du
présent colloque feront l’objet d’une publication. André Haquin

Journée d’étude
— Près de 150 personnes (historiens d’art et membres des services cultu-
rels de la Fédération Wallonie-Bruxelles, membres de l’IRPA, conserva-
teurs des trésors diocésains et musées religieux, fabriciens et responsables
diocésains) ont répondu à l’invitation du CIPAR (Centre Interdiocésain
du Patrimoine et des Arts Religieux) à l’occasion de la 5 e Journée d’étude

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consacrée cette année aux Trésors d’église de Wallonie. Réflexions et perspec-
tives (Namur, L’Arsenal, 18 novembre 2022). M gr Jean-Pierre Delville,
évêque de Liège et président du CIPAR, a introduit la journée en rappelant
l’importance des trésors d’église, ces objets précieux, liés à l’histoire et au
culte, que les responsables politiques et religieux s’efforcent d’inventorier,
de protéger et de valoriser, avec l’aide des historiens d’art.
Laurent Sterckx, membre du Cabinet de la Ministre de la culture,
Bénédicte Linard, a présenté le Nouveau Décret de la Fédération Wallonie-
Bruxelles pour la protection du patrimoine culturel (17 mars 2022), qui en-
trera en vigueur en 2023, selon lequel le Gouvernement peut classer les
trésors d’intérêt exceptionnel. Grâce à ce classement, les trésors pour-
ront être mieux protégés ; ils pourront faire l’objet de subventions, mais
ne pourront quitter définitivement le territoire national. Une seconde liste
de biens culturels moins prestigieux, mais toutefois d’intérêt patrimonial,
pourra également recevoir des subventions. Leur déplacement, notamment
pour des prêts, devront faire l’objet d’une simple information et non d’une
autorisation. Hélène Cambier, conservatrice du trésor de la cathédrale de
Namur, a présenté les Trésors d’église dans leur mise en perspective historique.
Contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas le 19e s. qui a créé le
concept de « trésor d’église ». Ces ensembles précieux se sont déjà consti-
tués dès l’Antiquité, par des dons de chrétiens fortunés ou des autorités,
comme l’empereur Constantin. Charlemagne a légiféré pour la protection et
le contrôle de ces Thesauri ecclesiastici. Parmi ces ensembles précieux, on
pense à celui de l’abbatiale Saint-Denis (Paris) et du rôle de l’abbé Suger.
C’est au 12 e -13e s. qu’apparaissent les « fabriques d’église » gérées par des
laïcs. De plus en plus, ces ensembles précieux ont eu un rôle mémoriel, gar-
dant le souvenir des donateurs et des saints représentés. Ils feront l’objet de
monstrations à certaines fêtes, voire d’ostensions à des moments plus ex-
ceptionnels, notamment des corps des saints déposés dans les châsses. Ces
ensembles suscitent l’émerveillement et exigent de plus en plus un espace
protecteur.
L’abbé Jean-Pierre Lorette, vicaire épiscopal de Tournai et président
du Centre d’histoire et d’art sacré en Hainaut, a présenté les Enjeux spiri-
tuels des trésors. Alors que l’Évangile invite à ne pas accumuler les trésors
sur la terre et que la Réforme y a vu une sorte d’idolâtrie, bien des textes
historiques témoignent de l’activité religieuse et artistique dans les lieux de
culte. La pécheresse a répandu un parfum précieux sur les pieds de Jésus,
lequel a souligné la valeur religieuse de son geste d’amour. La théologie
chrétienne s’est appuyée sur l’Incarnation pour légitimer les images repré-
sentant soit le Christ, soit la vie des saints et les scènes bibliques. L’art
religieux au cours des siècles s’est inscrit dans les diverses cultures, suggé-
rant et annonçant la vie céleste et le monde à venir. Les arts ne concernent
pas seulement la raison, mais sollicitent les sens en vue d’une expérience
religieuse intégrale. C’est ce que rappelait en 2022 le Dicastère romain pour
la Culture et l’Éducation dans la Constitution Praedicate Evangelium. Les
chrétiens souhaitent entrer en dialogue avec les acteurs de la société enga-
gés dans les arts et témoigner de ce que la foi apporte à l’humanisation. Les
églises sont des lieux de culte et de recueillement ouverts à tous. Expres-
sion du génie humain, elles « proposent » à leur manière la foi évangélique.

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belgique 487
Marie-Anne Sire, inspectrice générale des Monuments historiques dé-
pendant du Ministère de la Culture (Paris) a posé la question de L’apport
et l’aménagement d’un trésor d’église au xxie siècle. Évoquant l’incendie de
Notre-Dame de Paris (2019) et le sauvetage, notamment de la Couronne
d’épines, elle rappelle le lien fort existant entre le patrimoine religieux et
son lieu propre. Depuis 1905, le patrimoine religieux des paroisses fran-
çaises appartient aux communes et celui des cathédrales à l’État. Celui-ci
est conscient de sa responsabilité propre dans la préservation et la mise en
valeur des trésors des cathédrales. L’État et les « affectataires » des cathé-
drales collaborent étroitement. Ainsi, Notre-Dame et son trésor rouvriront
en décembre 2024, date de la fin de la restauration intérieure de l’édifice.
C’est à cette date aussi que le culte reprendra. La publication récente par
Judith Kagan et Marie-Anne Sire du volume Trésors des cathédrales (Paris,
2018) est un signe de cette collaboration entre autorités publiques et autori-
tés religieuses. On apprend dans ce livre que la France possède 265 trésors
d’églises, cathédrales comprises. Sur les 87 cathédrales, 46 disposent d’un
trésor ouvert au public, dont 30 ont été réaménagés ces dernières années et
d’autres le seront dans un avenir proche (cf. Revue théologique de Louvain, 50
[2019/4], p. 621-622).
L’après-midi a été consacrée à la présentation de trois trésors d’église en
Wallonie ainsi qu’à diverses questions d’ordre juridique et administratif,
comme celles des subsides et de la reconnaissance muséale des trésors. Le
Trésor de l’église Saint-Sébastien de Stavelot (Michel Bettonville et Char-
lotte Tassin) va faire l’objet d’une nouvelle présentation, grâce à une ex-
tension du bâtiment qui permettra une nouvelle scénographie développant
six thématiques : la valeur historique du trésor, les saints, les reliques, le
folklore et le patrimoine immatériel, la liturgie et les vêtements liturgiques,
la vie chrétienne hier et aujourd’hui, la châsse de S. Remacle. Le Trésor
de la collégiale de Nivelles (Jean-Paul Étienne) possède cinq œuvres clas-
sées, notamment les restes de la châsse de Ste Gertrude (13e s.) et la nou-
velle châsse de Félix Roulin, mais aussi le char processionnel du 15e s. Au
total, l’inventaire du patrimoine de la collégiale compte 1200 numéros. Le
Trésor de la Cathédrale de Tournai (Florence Renson) à la fois romane et
gothique, est abrité dans les salles du chapitre, la sacristie et une chapelle.
Cinq œuvres sont classées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais cela
ne suffit pas pour que le trésor obtienne la reconnaissance muséale. Les
travaux de la cathédrale commencés en 2000 s’étaleront jusqu’en 2047.
Sophie Balace, membre de la Commission d’avis des Patrimoines cultu-
rels, a présenté la question du Classement des biens religieux, de la candida-
ture des objets à classer jusqu’à l’approbation par le Ministre compétent et
la publication de la décision. Les critères principaux sont l’état de conser-
vation de la pièce, son lien avec l’histoire, la qualité de l’œuvre et son inté-
rêt. Ce classement donne droit à des conseils de professionnels, à l’entretien
et à la conservation préventive des œuvres. Ces dispositifs concernent non
seulement les paroisses, mais le mobilier religieux des communautés reli-
gieuses. Ensuite Julien Maquet, conservateur de la Cathédrale de Liège
et de son trésor, a présenté le Réseau européen de trésors et de musées ec-
clésiastiques Europae Thesauri dont il est le secrétaire général. Fondée en
2005, cette association a pour but de préserver et promouvoir l’image des
trésors d’Église d’Europe. Il s’agit d’une entraide qui parfois aboutit à

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l’organisation d’expositions de prestige qui, sans l’association, auraient été
impossibles à réaliser. L’expertise de l’IRPA en matière de « Conservation
préventive pour la préservation des trésors » a été présentée par Marjolijn
Debulpaep, responsable de l’Unité de conservation préventive de l’IRPA
(Bruxelles). Ce service conseille les responsables d’œuvres d’art afin de lut-
ter contre divers agents de détérioration des œuvres, tels que les chocs,
vols, incendies, dégâts par l’eau, rongeurs, moisissures, polluants, etc., bref
une sorte d’écosystème permettant de garantir l’avenir des œuvres. Enfin,
Maxime Callewaert, membre de la direction du Patrimoine culturel du
Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a présenté la Valorisation du
patrimoine et le concept d’opérateur d’appui. Les trésors d’église et les Musées
religieux aspirent à recevoir le label de musée reconnu et subsidié, com-
portant quatre catégories, mais les conditions sont souvent impossibles à
réaliser, notamment l’acquisition d’œuvres, les nombreux jours d’ouverture,
l’espace réservé aux chercheurs, etc. Toutefois, le décret relatif au secteur
muséal offre depuis 2020 de nouveaux avantages pour les biens protégés,
sous le nom de « Dispositif des opérations d’appui ». Il s’agit notamment de
subventions ponctuelles ou même pluriannuelles accordées aux Fabriques
ou aux trésors et Musées pour diverses initiatives.
Le réseau des Trésors d’églises en Wallonie, suscité par le CIPAR, en est
aujourd’hui à une quarantaine de membres et pourrait s’étendre jusqu’à
une soixantaine. La journée d’étude a été conclue par l’administrateur
délégué et maître d’œuvre du CIPAR, Christian Pacco, qui a encouragé
l’entraide entre les trésors d’église et s’est réjoui de la collaboration fruc-
tueuse entre les autorités publiques, les responsables des trésors d’église et
les fabriciens. André Haquin

France

Colloque
— La Société Française d’Études Mariales a tenu sa 75 e session annuelle
à Lourdes, du 23 au 26 août 2021. Les Actes de la rencontre, qui avait
pour thème « Marie, Consolatrice des Affligés », ont été publiés par Étienne
Richer dans la revue Études mariales, 75 (2022). Cette livraison, outre les
contributions déclinant les éclairages de l’Écriture sainte (Daniel Doré),
de la Tradition vivante de l’Église (Ysabel de Andia, Marielle Lamy), de
la liturgie (Jean Longère), et du Magistère (Étienne Richer) sur le mys-
tère de Marie Consolatrice, sans négliger l’apport de la psychologie (Marie-
Dominique Fouqueray), et les leçons particulières de l’expérience pas-
torale en milieu carcéral (Bernard du Puy-Montbrun), fait aussi une
large place à des réflexions sur le culte marial à la faveur de l’histoire
et du rayonnement des sanctuaires, en particulier ceux qui lui sont spé-
cialement dédiés tels que Notre-Dame de Verdelais (Bernard Ardura) et
Notre-Dame du Luxembourg (Tom Kerger), ou encore ceux de Pellevoisin
(Sylvie Bernay), de L’Île-Bouchard (Jean-Romain Frisch) et bien sûr de
Lourdes (André Cabes). Jean-Marie Auwers

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italie 489

Italie

Colloque
— 2022 marks an important anniversary in the history of Catholicism:
the 4th centenary of the institution now known as the Dicasterium pro
Evangelizatione, previously the Congregatio pro Gentium Evangelizatione,
and before that the Sacra Congregatio de Propaganda Fide. To highlight
the occasion, this dicastery, together with the Pontifical Urban University
and the Pontifical Committee for Historical Sciences, organised an interna-
tional historical conference entitled “Euntes in mundum universum”, which
took place at the Urbaniana in Rome from 16 to 18 November 2022.
True to the global scope of Propaganda, the 24 invited speakers were
an international party, hailing from nine countries on five continents. And
true to the Roman tradition of hospitality, the conference was impeccably
organised. The sessions were held in the aula magna, where proceedings
were facilitated by never-sufficiently-to-be-praised simultaneous transla-
tors, and a large audience was in attendance, drawn from the Urbaniana
student body and otherwise, which participated in the post-session discus-
sions.
Ever since the cultural turn, institutional history —one of church his-
tory’s traditional preoccupations— has disappeared somewhat from the
forefront of historiography. And yet the history of Propaganda shows that
it remains important to understand how curial bodies functioned, both in-
ternally and in cooperation with other Roman parties, such as the Secre-
tariat of State, the Holy Office and, of course, the popes themselves. In his
inaugural lecture, Claude Prudhomme spoke of the importance of “enter-
ing into the internal logic” of the congregation if researchers are to make
proper use of its rich archival holdings, including, it might be added, for
enquiries that go beyond the institutional level.
In his paper, the archivist of the Archivio Storico de Propaganda Fide
(ASPF), Flavio Belluomini, identified various institutional issues that
merit further research, including the role of the popes in the day-to-day
functioning of the dicastery, and the relationship between the congregazione
generale and the congresso, its two main deliberative organs. Mario Grig-
nani’s study of a Propaganda enquiry into de facto slavery of indigenous
people in Latin America (1918-1922) epitomised how knowledge of the con-
gregation’s internal modus operandi and its interaction with other players
can help elucidate the actions of the Holy See.
One striking example of how the ASPF can be made to bear on wider
questions was that of language, specifically the translation of key doctrinal
and liturgical terms into non-European languages. This issue, addressed by
Prudhomme and by Benedict Kanakappally, generated much discussion
within and outside the congregation. It is important because it touches on
fundamental questions about how the transmission of the Christian faith
from one culture to another works, and what the consequences were when
new groups appropriated Catholicism.
Another example was that of funding. Tracing the origins of the mon-
ey disbursed by Propaganda is a useful method, as Christopher Korten
showed in his contribution on Mauro Cappellari, prefect from 1826 to 1831
and then pope as Gregory XVI from 1831 to 1846. Lay funding from France

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and, surprisingly, state funding from Britain was forthcoming during his
period at the helm of Propaganda, reflecting the changing international
situation for the missions after the French Revolution. This revolution and
the depredations it inflicted upon the congregation were to the fore in Rigel
Langella’s paper on Stefano Borgia, who was secretary of Propaganda be-
fore becoming its prefect in 1802. Langella’s recently published a catalogue
of the inediti of the Borgia funds in the ASPF is likely to stimulate further
research of this crucial period.
As Prudhomme pointed out, the famous transfer of the lay-led Oeuvre de
la Propagation de la Foi from France to Rome in 1922 prompted the congre-
gation to take stock of the global state of Catholicism, an exercise that was
about much more than just where funding was most likely to be found at
the time (i.e., the United States). As the current president of the Pontifical
Mission Societies, Giovanni Pietro dal Toso, emphasised in his paper, the
transfer was motivated in great part by the desire to unfetter the mission-
ary support campaign from Western nationalist sentiments.
Various speakers exemplified the fruitfulness of a contextual reading of
the history of Propaganda. Thus Giovanni Pizzorusso, in his account of
the foundation of the dicastery, pointed to the wider context of papal uni-
versalism with its pushback against the Spanish and Portuguese patronato/
padroado, and of hopes —after the Battle of White Mountain (1620)— of re-
gaining the Protestant territories of Europe for Catholicism. The complex,
often competitive relationship between Propaganda and religious orders
who operated in the Spanish colonies was highlighted by Silvano Giordano
in his talk on the Discalced Carmelites, and inevitably the Jesuits were
mentioned in this context in several papers. Antal Molnár’s contribution
on the role of Propaganda in the confessionalisation of early modern Catho-
lic communities in non-Catholic regions of Europe bore out the importance
of keeping the European context of Propaganda in mind.
In his concluding remarks, Gianpaolo Romanato identified several con-
necting threads of the conference, one of them being Propaganda’s status
as one of the first global organisations. Indeed, Anna Barańska’s contribu-
tion on interconfessional relations in Central and Eastern Europe, Riccardo
Burigana’s on Propaganda Fide and the Reformation, particularly in Swe-
den, Francesco Zannini’s on Islamic-Christian relations and Janakaratne
Kankanamalage Kodithuwakku’s on Buddhist-Christian relations in Sri
Lanka and Japan seem to call for an interconfessional and even interreli-
gious approach to the history of Propaganda. Francis Oborij’s paper on
the contribution of Urbaniana alumni to Catholic theological evaluations
of African traditional religions is one example of how this might be done.
Other aspects of the global character of Propaganda were that it served
as a repository of information from across the world (this was, of course,
the original purpose of its archive, as Prudhomme pointed out) and that
its decisions had grassroots impact in far-flung places. Missionary work on
the ground, between Roman norms and local exigencies, was the subject
of Rodrigo Moreno Jeria’s contribution on Propaganda missionaries on
Chiloé Island in Chile, giving much-needed insight into missionary methods
in practice, and of Françoise Fauconnet-Buzelin’s paper on the Missions
Étrangères de Paris. Her contribution highlighted the stark discrepancy
between the famous 1659 instructions, with their insistence on respect for

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local cultures and the creation of an indigenous clergy, and the reality of
increasing missionary implication in the French colonial project. The ori­
ginal objectives of Propaganda were not generally accomplished until the
20 th century, after the post-World War relaunch of the missions by the apos­
tolic letter Maximum Illud (1919). The late Vefie Poels’s contribution on
Willem van Rossum, prefect from 1918 to 1932, demonstrated that he was
the driving force behind this letter and its all-important implementation.
The forthcoming publication of an English translation of Poels’s biography
of Van Rossum will make her work available to an international audience.
Fauconnet-Buzelin’s paper evoked another issue: the collective mem-
ory of missionary legacies within missionary organisations and religious
institutes and how this has affected historiography. Donato Kivi’s contri-
bution similarly touched on memory, offering testimony of contemporary
indigenous perceptions of the missions in Fiji. The theme of memory was
present also in Cardinal Luis Tagle’s address during the inaugural session.
The current head of the dicastery pertinently asked whose stories we tell
when we write the history of Propaganda. As the above account has shown,
much historiography tells the stories of prefects, bishops and priests, their
deeds and institutions. Refreshingly, Chiara Tanzi’s paper on the Society
of the Sacred Heart’s schools in England in the nineteenth and 20 th centu-
ries was on women and cultural history. Her analysis of the Sisters’ cur-
riculum and of the kind of womanhood they sought to instil in their pu-
pils invites wider enquiry into the gendered aspects of the missions, and
more generally other forms of identity construction. Zannini’s analysis of
the “othering” of Islam by Christians, Ugo Baldini’s work on the forma-
tion of missionaries at the Collegio Urbano, and Giovanni Rizzi’s paper on
the production of catechetical material by Propaganda promise dividends
in this field. The question of Catholic attitudes to slavery, raised by Fidel
González Fernández, is another related, and urgent, field of enquiry.
In the diversity of its speakers and its wide range of subjects and meth-
odologies, this conference was testimony to the richness of historiography
on Propaganda and to the many possibilities for further research that the
ASPF offers. As the geographical shift of Christianity from the global
North to the global South continues apace —a shift portentous for the fu-
ture of this religion— historical study of the missionary project that set it
in motion remains crucially important. The organisers of “Euntes in mun-
dum universum” are to be congratulated for acknowledging this and for ar-
ranging this tour d’horizon. Publication of the proceedings of the conference
will soon make its achievements more widely accessible.
Brian Heffernan

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