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Marxisme et fonctionnalisme
Ivan Kuvavic
Kuvavic Ivan. Marxisme et fonctionnalisme. In: L'Homme et la société, N. 23, 1972. Sociologie critique et critique de la
sociologie. pp. 95-109.
doi : 10.3406/homso.1972.1487
http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1972_num_23_1_1487
IVAN KUVAVIC
les problèmes
favorisant
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d'être
développement
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méthodologiques
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sociologie.
en
destant
méthodes
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que science
et techniques
des
empkique
sociologues,
situe
(1) Cette confrontation globale part généralement de l'hypothèse selon laquelle il existe une
conception marxiste monolithique qu'on compare ensuite avec la conception plus ou moins officielle
du fonctionnalisme. Mais cela ne correspond pas à la réalité, puisqu'il existe diverses interprétations du
marxisme comme du fonctionnalisme. Dans la réalité concrète, l'affirmation de l'authenticité de tel ou
tel marxisme a toujours un caractère idéologique, illusoire. Le marxisme, en tant que tel, est une
abstraction : il se concrétise sous diverses formes, par la médiation de la conscience des invididus et des
groupes humains particuliers.
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l'homme et la société n. 23 - 7
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(4) Mario Savio, « The laid of History », in Revolution in Berkeley, New York, 1965.
(5) C. Kerr, « The University and Utopia », in The Daily California. 11 mai, 1967.
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II
Afin de vérifier le second élément de notre thèse, c'est-à-dire montrer
que le fonctionnalisme n'est pas totalement inadéquat à l'étude des
problèmes sociaux, nous devons le comparer avec le marxisme du point de vue
de la méthode.
Une confrontation au niveau de la méthode diffère essentiellement d'une
confrontation au niveau de la théorie : autant la théorie implique
nécessairement que l'on considère la finalité de la recherche et suppose donc une
orientation idéologique déterminée, autant la méthode est à cet égard
indifférente. En effet, en tant qu'instrument, la méthode est certes incluse
dans le cadre théorique et adaptée à l'objet de la recherche, mais considérée
en elle-même elle ne peut pas avok un caractère idéologique. Ainsi, l'analyse
fonctionnelle convient à l'étude de la statique sociale, tandis que la
dialectique marxiste permet de rendre compte de la dynamique sociale. Ceux qui
visent à maintenir et à renforcer l'ordre existant se servent de la première ;
.
ceux qui désirent détruke cet ordre utilisent la seconde. Mais quel que soit
celui qui l'utilise et quel que soit l'objectif recherché, un instrument demeure
toujours un instrument et ne peut rien devenir d'autre (6).
Le point le plus important de la méthode dialectique est la thèse selon
laquelle la connaissance d'un phénomène passe par la connaissance des lois de
son développement ; c'est bien ainsi que procède Marx. Pour lui, il est
(6) La mystification irrationnelle qui veut que les instruments aient un caractère idéologique,
provient des couches élémentaires de l'inconscient, et possède un caractère fonctionnel dans des
situations déterminées. Non seulement les idées, les actions et les aspirations de l'adversaire avec qui
nous luttons à mort nous répugnent, mais aussi tout ce qui est lié à lui d'une manière ou d'une autre :
comportement, langage, vêtements, etc.
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(7) Voir Alain Touraine, L'évolution du travail aux usines Renault. Paris, 1955. Dans cette
monographie, l'auteur, en se fondant sur certaines conclusions de Marx et, chose plus importante
encore, sur sa méthode, analyse les nouveaux moments dans l'évolution du travail. Cependant, par
rapport à celles de Marx, les analyses d'Alain Touraine se ressentent de l'absence d'un cadre théorique
plus net.
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(8) Dans sa comparaison entre la dialectique et l'analyse fonctionnelle, Merton ne prend pas ce
moment en considération. Voir Merton, Social Theory and Social Structure, Glencoe, III, 1957.
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son corps (9). Il est évident qu'une pareille conception ne peut pas prendre
en considération les moments téléologiques que contient la praxis humaine :
l'homme, avec ses motivations, ses aspirations et ses fins, finit par disparaître.
Cependant, ce point de vue est aujourd'hui en principe dépassé. Même si
l'homme est une partie de la nature, le développement social ne se déroule
pas spontanément, mais résulte avant tout des activités humaines finalisées.
L'homme transforme la nature et se transforme lui-même, conformément à
ses besoins et ses potentialités. L'interdépendance entre la production de la
vie matérielle d'une part, et la création de nouveaux besoins et possibilités
d'autre part, implique une application possible de l'analyse causale combinée à
l'analyse fonctionnelle. En répondant à la question : à quoi sert tel phénomène,
nous n'en découvrons certes pas la cause, mais nous indiquons ainsi la direction
à suivre afin d'aboutir à la connaissance des causes. Dans cette perspective, il
importe peu d'établir la différence entre les fonctions dites latentes et les
fonctions dites manifestes ; mais il faut par contre s'opposer fermement aux
tentatives positives pour disqualifier tout procédé de recherche qui ne conduit
pas à la connaissance de la cause efficiente déterminante. De même, il n'est pas
possible d'admettre qu'une différence est à établir, à ce sujet, entre les sciences
de la nature et les sciences de la société, ce qui ne veut pas dire qu'elles soient
identiques. Je voudrais rappeler, pour finir, qu'en sociologie l'analyse objective
doit souvent être complétée par une appréhension intuitive, afin de saisir le sens
de ce que l'esprit humain a créé. Mais c'est là un problème qui pourrait faire
l'objet d'une étude particulière.
(9) Il est intéressant de noter que la conception stalinienne de la liberté en tant que connaissance
de la nécessité débouche sur des conséquences semblables.