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Logistique & Management

Mise en place des flux synchrones


dans l’industrie automobile :
cas d’un équipementier sur le site
de Renault Brésil

Patrice COLOMB,
associé de PROCONSEIL CONSULTING GROUP
Christophe DEVULDER,
consultant chez PROCONSEIL département gestion intégrée des flux

L’installation de l’usine Renault-Ayrton Senna au Brésil est un événement majeur


pour le monde industriel. C’est l’occasion, pour le constructeur, de mettre en place
de nouvelles options dans de multiples domaines.
La synchronisation des échanges avec les grands équipementiers n’échappe pas à
cette règle de la nouveauté. Avec Vallourec, nous découvrons les dernières exigen-
ces en matière de flux synchrones et leurs incidences sur toute la chaîne logistique.
Partant de la définition des différents flux synchrones et du cahier des charges
Renault, nous abordons les points clés du projet qui ont guidé la mise en place de
l’organisation logistique, humaine et des installations physiques de Vallourec do
Brasil.
Au niveau technique, nous détaillons les choix concernant picking et production
synchrones et leurs incidences sur l’organisation. Notre conclusion s’attache enfin
à généraliser les principes et mettre en relief les enjeux de ce type de projet.

Origine et définition la livraison des produits finis auprès des lignes


des flux synchrones de montage. Certains produits sont même
directement fabriqués dans l’ordre du mon-
Les flux synchrones trouvent leur origine tage (figure 1).
dans la complexité croissante des produits
fabriqués et livrés par les sous-traitants auto- Ce type de fonctionnement demande dès le
mobiles aux constructeurs. La diversité des départ un niveau de performance élevé. Les
composants, le nombre important d’options et degrés de liberté deviennent très faibles et
de variantes rendent désormais impossible le l’équipementier doit caler la production et la
stockage de ces produits aux pieds des lignes livraison de ses produits directement et sans
de montage. délais sur les besoins du constructeur. Le préa-
vis donné par le constructeur automobile pour
Le flux synchrone se propose de livrer les pro- se faire livrer les pièces est appelé temps de
duits finis des équipementiers, dans l’ordre de réquisition.
leur montage sur la chaîne automobile. Un
appel du constructeur (OR) déclenche chez Le schéma page suivante précise le fonction-
l’équipementier la préparation, le transport et nement en flux synchrone.

Vol. 6 – N°2, 1998 31


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Figure 1 Pour traiter une demande synchrone, le


  sous-traitant se trouve ainsi devant trois possi-
bilités résumées sur la figure 2.
 
Le premier cas nommé Picking synchrone
     (PS) est celui de la livraison synchrone à partir
d’un stock de produits finis du sous-traitant.
      
Ce dernier, après réception des O.R d’un
  véhicule, place les produits à livrer suivant
  
la/les séquence(s) exacte(s) de montage (voir
       
figure 3). D’autre part, les prévisions données
par le constructeur permettent au sous-traitant
 
   de lancer sa production indépendamment
 de la séquence de picking synchrone. Ce
  mode offre l’avantage de permettre au
    sous-traitant de fabriquer par lot de quelques
sous-ensembles. Mais il demande aussi une
capacité de stockage suffisante pour placer
La séquence des véhicules prend naissance à l’ensemble des variantes et options. Le stock
l’entrée de la tôlerie mais n’est figée qu’à la synchrone représente en général quelques
sortie de la peinture pour prendre en compte les heures de consommation tout au plus.
problèmes de qualité. Les sous-ensembles vont
ensuite venir s’insérer au fur et à mesure de Dans le deuxième cas, le sous-traitant attend
l’avancement des véhicules sur la chaîne de l’ordre de réquisition pour produire le
montage. En général, on intègre d’abord les sous-ensemble (voir figure 4). Cette produc-
sous-ensembles mécaniques, puis le tableau de tion, directement liée à la demande du client,
bord et les sièges, pour terminer par les roues. est appelée fabrication synchrone coordonnée
(FSC). Le lot de fabrication est le véhicule
La séquence des véhicules, sur la ligne de unitaire et le stock est réduit à son minimum.
montage ou film, est transmise à un rythme En général, le sous-traitant en amont a fabri-
cadencé par la chaîne de montage et traduite qué ses propres sous-ensembles lui permet-
sous forme d’O.R.(Ordre de Réquisition) tant d’assembler ou de personnaliser dans un
pour chaque sous-ensemble. Le sous-traitant temps de cycle court le produit fabriqué et
automobile peut alors livrer ses produits finis livré en synchrone. Ce mode demande que le
dans la séquence voulue ; c’est le flux syn- temps de cycle de fabrication du produit addi-
chrone coordonné. Lorsque le temps de cycle tionné au temps de livraison soit inférieur au
de fabrication du sous-traitant est supérieur à temps de réquisition. Il est de l’ordre de plu-
la fenêtre de réquisition, ce dernier est con- sieurs dizaines de minutes.
traint à démarrer sa fabrication dès l’O.F.
(Ordre de fabrication) ; c’est le flux syn- Le troisième cas est celui de la fabrication
chrone anticipé. synchrone anticipée (FSA). Celle-ci est
imposée lorsque le temps de cycle de fabrica-
tion additionné du temps de livraison du
sous-ensemble ne rentre pas dans la fenêtre de
Figure 2 réquisition. On anticipe alors la fabrication à
Temps de réquisition partir des OF et on ajuste la séquence dès
réception des OR.
Presses Tôlerie Peinture temps
La définition des flux synchrones met l’accent
OF OR

Picking Synchrone
sur les points techniques essentiels que sont
 PS Stock
PF OR
Picking
On peut stocker toutes
les variantes de produits
les temps de cycle, la position des stocks et
Production tirée/poussée de produits-finis synchrone
Livraison Synchrone
et être assez réactif pour
recompléter le stock l’organisation de la livraison synchrone.
Tps Fabrication + livraison >> Tps Réquisition (ex: S/E mécanique)

 FSC Stock
OR Fabrication Synchrone
La mise en place d’une organisation en flux
S/E
Production tirée/poussée de sous-
ensembles
MP Production/personnalisation
synchrone coordonnée Livraison synchrone
Coordonnée : Le produit
est simple et les temps synchrone va bien au-delà des définitions et
sont réduits au maximum
Tps Fabrication + livraison < Tps Réquisition
(ex: roues) relève des choix stratégiques de l’entreprise.
Stock
Pour la partie technique, d’autres paramètres
 FSA OF OR Fabrication Synchrone
Production de
S/E
MP Prod . Synchrone Production synchrone
Livraison Synchrone
Anticipée : La diversité nécessitent une étude approfondie et seront
sous-ensembles anticipée coordonnée ou la taille des produits
rend leur stockage
difficile (ex: moteurs)
détaillés dans les paragraphes suivants :
Tps OF >Tps Fabrication + livraison > Tps Réquisition
l Diversité de composants, encombrement,
OF : Ordre de fabrication OR : Ordre de réquisition S/E : sous-ensemble MP : composants PF: produits-finis
stockage et réponse aux variations de mix.

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l Composition des chariots synchrones ou Figure 3


mode de transfert, synchronisation des            
transports.               
l Temps de réquisition, cycle de transport. 

l Cadences moyennes, lot de fabrication,    

cadences instantanées, flexibilité de           


l’organisation.    
  
l Implantation générale, alimentation des
cellules, surfaces disponibles.   

Cas de l’usine Ayrton Senna


Renault Brésil    


Environnement
L’usine Ayrton Senna est située à Curitiba au Figure 4
sein de la zone Mercosur. Elle comprend les             
lignes de montage où seront produites les Clio             
et les Mégane Scénic ainsi qu’un bâtiment 

regroupant quatre équipementiers synchrones    

(figure 5). Le démarrage de la production


commencera avec la Scénic dès la fin de 1998.          
   
Il se poursuivra avec l’adjonction de la nou-    

velle Clio à une cadence initiale de 20 véhicu-


les à l’heure.
  

Au niveau du plateau synchrone, chaque équi-


pementier dispose d’une surface de 2 500 à
3 000 m2. La distance avec les lignes de mon-    

tage est de 300 m. L’alimentation des lignes en 

composants se fera à l’aide de « petits trains »


constitués de chariots synchrones tirés par une Figure 5
motrice. Ces convois sont propres à chaque
équipementier. Chaque train dépose un cha-  
riot plein et récupère un chariot vide à chaque

point de desserte appelé « pas de travail » dont  

la capacité est de deux chariots.


Pour l’équipementier Vallourec Composants 

Automobiles, il y a deux trajets possibles de 

dépose des pièces au pied des lignes de


montage. Le trajet 1 présente la particularité

   

d’avoir deux compositions 1a et 1b de convois   !



qui s’alternent. 

      
 
Vallourec do Brasil autopeças (VdoBa) four-           
 

       
nit les éléments porteurs (EP), les éléments
tournants (ET), les trains arrières (TA) et les
roues montées des Scénic (J64) et Clio (X65). l’encombrement impose un module de 6 véhi-
cules seulement.
Les temps de réquisition sont :
l De 88 minutes pour les EP/ET droits et Vallourec reçoit les ordres de réquisition
gauches déposés en A1 et A2. (O.R) d’un véhicule toutes les 3 minutes.
l De 113 minutes pour les TA déposés en A3. Vallourec reçoit chaque semaine 12 semaines
de prévisions.
l De 180 minutes pour les roues déposées en
B1 et B2. Schéma de pilotage
L’unité de transport est un module de douze Le schéma de pilotage complet (figure 6)
véhicules, sauf pour les TA dont le poids et comprend les boucles d’approvisionnement,

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de fabrication et de livraison synchrone des quelques minutes. Elle est de quelques heures
sous-ensembles. En fabrication, Les roues pour le stock picking synchrone.
sont montées de façon synchrone alors que les
EP, ET et TA utilisent un stock picking. Les
livraisons sont organisées autour de deux bou- Etude de faisabilité technique
cles : constitution du convoi et livraison chez Diversité de composants et encombrement
le constructeur.
Le premier élément à étudier est l’importance
Les boucles ont des unités de temps relative-
de la diversité des composants et variantes.
ment différentes. Pour les boucles les plus en
Comme nous l’avons écrit dans l’intro-
aval, il s’agit de quelques minutes (18 pour la
duction, c’est là l’origine des flux synchrones.
plus courte). Pour les boucles les plus en
Il faut, pour les justifier, que le nombre de
amont, les fournisseurs brésiliens approvi-
références de produits finis et leur encombre-
sionnent toutes les semaines, alors que les
ment soient suffisamment élevés pour empê-
fournisseurs européens ont des cycles de
cher tout autre pilotage. Dans l’industrie
6 semaines.
automobile, le nombre de variantes et
Les stocks sont dimensionnés en fonction du d’options entraîne en général un nombre de
temps de cycle et des aléas de la boucle amont références suffisant. L’encombrement est
qui les alimente. Ainsi pour le stock de pro- quant à lui intrinsèque à la nature des pièces.
duction et livraison synchrone, l’échelle est de Les pièces mécaniques ou les siéges ont donc
Figure 6 ce type de contraintes. C’est un peu moins vrai
   
pour les éléments d’habillage du véhicule.


! %
Nature du chariot synchrone
     

 
   ou mode de transfert
! "! #      
 
             

 

    
Le mode de transfert est une contrainte impor-
!
 !  tante pour les flux synchrones. Il est souvent

  imposé par le constructeur automobile. Dans
  

 !  
le cas du trajet 1a de Vallourec (figure 5), le
  !   

! 
convoi est constitué de 3 chariots (figure 7) qui
$  

alimenteront dans l’exemple les véhicules 13
 
à 24 pour les EP/ET et 7 à 12 pour les TA.
       
Chaque chariot emporte donc les pièces adap-
tées aux douze ou six véhicules identifiés de la
Figure 7 ligne de montage. Les pièces diffèrent en
                       
fonction des types, option et variantes des vé-





 


     





 


     
     
hicules. Elles sont disposées dans la séquence
       
 


   


  


    
croissante de montage. La conception du cha-
riot doit permettre la préhension aisée des piè-
ces et faciliter les phases de chargement et de
      déchargement.
   
     
Temps de réquisition
Figure 8 Le délai de réquisition est, rappelons-le, le
   
             
préavis avec lequel le constructeur automo-
     

                  ! " 
           
bile prévient son sous-traitant. Plus ce délai
    
   #   $"%$&
 
'
est court et plus la contrainte est forte. Il faut
     ( )   * *+ * 
.
( ) ,   -  + (* ( (( () (, ( ( (- ( (+ )* ) )( )) ), ) ) )- ) )+ ,* , ,( ,) ,, , ,
donc tenir compte de cette fenêtre de réquisi-
 .


     . tion pour savoir si le sous-traitant automobile


.
    

   
  .
.
) 
 
)-
+
)
(*
)+
(
,*
((
,
()
,(
(, 
,)
(
,,
(
,
(-
,
(
,-
(+
, 
)* 
sera à même de produire et livrer en flux syn-
     

     


.
.

     

 
chrone ou uniquement de livrer en flux syn-
.  + *  ( ! ) ,   -  + (*
        

     ! .    chrone. Le premier choix impose que la


       .  ( ) ,   -  + *  (  )

   
.
. () (,  ( ( (- ( (+ )* ) )( )) ), )
somme du temps de cycle de fabrication et de
  


  

      
.
.

livraison entre dans la fenêtre de réquisition,
       . 
       "

       
.
.
   le second que le délai de livraison soit infé-
.
"       
rieur au délai de réquisition.
  # #    )       (          /#    ,       (       (  
         2      ) 1 ()
$    % !  "

      &" 


"    #      
Dans tous les cas, il est indispensable
"    $                   
d’étudier le simogramme (figure 8) de

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l’installation qui décrit minute par minute ce lules de fabrication lorsque celles-ci fonction-
que fait chaque cellule et chaque convoi de nent en kanban. L’en-cours et le stock étant li-
Vallourec en regard du passage des véhicules mités, une taille de lot plus élevée donnera un
sur chacun des points de desserte. nombre de tickets kanban réduit, et donc une
finesse moins grande de variation.
Le temps est placé en abscisse et les différen-
tes activités en ordonnée. La durée, l’enchaî- Cadence
nement, les codes couleurs repérant le type,
permettent de tester la faisabilité technique de La cadence instantanée des cellules de fabri-
la synchronisation des activités à priori et cation des sous-ensembles doit permettre de
d’estimer les marges de sécurité du système. pouvoir répondre à la cadence de la ligne de
montage, notamment dans le cas de la produc-
Cycle de transport tion synchrone. Dans ce dernier cas, le temps
de défilement du produit doit aussi entrer dans
Le cycle de transport est lié à la livraison syn-
la fenêtre de réquisition.
chrone. Sa durée est directement proportion-
nelle à l’équivalent nombre de véhicules Pour la livraison en picking synchrone, ces
de chacun des chariots synchrones et à la contraintes sont moins fortes, la corrélation
cadence de la ligne de montage. Plus les piè- entre la cadence de la ligne de montage et celle
ces sont encombrantes pour une même conte- des cellules de fabrication des sous-ensembles
nance du chariot synchrone, plus la cadence étant cassée par le stock picking.
va être importante, et plus le cycle va être
court. Surface disponible

Dans le cas qui nous occupe, le nombre de piè- Ce critère est essentiel dans le cadre du pic-
ces par chariot est un équivalent douze véhicu- king synchrone. Souvenons-nous que les flux
les, sauf pour les trains avants, plus synchrones trouvent leur origine dans la
encombrants, où le chariot synchrone ne peut complexité et la diversité croissantes des
contenir qu’un équivalent six véhicules. Le sous-ensembles que l’on ne peut plus stocker
cycle de transport est alors entre trente six et au pied des lignes de montage du fait du
dix huit minutes (trois minutes par véhicule). nombre important de variantes et de leur
C’est ici une des contraintes les plus fortes à encombrement.
gérer, la marge de sécurité étant très faible. Il Dans le cas du picking synchrone, il faut
est donc important de vérifier que la durée du impérativement s’assurer que la surface dont
cycle de transport sera compatible avec la on dispose permettra de stocker aisément le
taille des chariots synchrones prévus. Cela stock picking avec un accès direct à toutes les
passe par une décomposition très détaillée de pièces et toutes les références. L’espace doit
ce cycle où chaque geste, chaque déplacement être suffisant pour offrir la possibilité d’une
sera comptabilisé et analysé. organisation claire et ordonnée du stock et
Taille de lot faciliter de même la gestion en « premier en-
tré, premier sorti ».
Comme nous l’avons noté, le chariot syn-
chrone a des conséquences sur beaucoup Les critères de simulation sont donc la diversi-
d’autres éléments. La taille du lot de transport, té du nombre de références, le mix et ses varia-
ici six ou douze suivant le type de sous- tions possibles, le niveau de stock de sécurité,
ensembles, fixe donc de nombreux autres la performance des cellules de fabrication, le
paramètres dans le cas du picking synchrone. type de container, et bien sûr la surface dont on
dispose.
Ce n’est pas le cas pour la production syn-
chrone puisque la fabrication se fait à l’unité, Implantation des cellules de production
directement calquée sur la séquence des véhi- L’étude d’implantation a nécessité d’évaluer
cules de la ligne de montage. l’impact du type de flux synchrone sur la
Le choix de la taille de lot de fabrication est un conception des cellules. Nous avons résumé
arbitrage entre la productivité de la cellule de cette étude dans les figures 9, 10 & 11 dont les
fabrication du sous-ensemble et sa flexibilité. deux premiers cas sont en application chez
Une taille de lot supérieure à l’unité permet de Vallourec.
réduire le nombre de changements de série,
Implantation - Fonctionnement en picking
mais limite d’autant la réactivité. La taille de
synchrone (figure 9)
lot a d’autre part une influence directe sur le
volume du stock picking. Elle a aussi une Le stock picking permet ici de découpler
influence sur la visibilité du pilotage des cel- l’organisation interne de l’atelier de fabrica-

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Figure 9 jusque dans le stock picking. L’avantage est


 de confier cette tâche délicate à des spécialis-

 

 
  
  

tes, les risques d’erreurs à ce niveau pouvant
       
être importants.


   
 
Implantation - Fonctionnement en produc-
          
             
         
 
 

 

   tion synchrone (figure 10)
 
Dans le cas de la production synchrone,

        l’atelier est organisé autour du chariot syn-
chrone. Le chariot synchrone doit donc être au
    
   
 

centre de l’implantation afin que les opéra-
  
teurs des cellules de fabrication puissent
   
déposer directement leur production sur les
chariots de livraison.
  

   Le manutentionnaire intermédiaire peut ainsi


être supprimé. Certains chariots comportent
des pièces de plusieurs cellules. Ainsi,
Figure 10 l’ensemble des cellules de fabrication doit être
     
  
   synchronisé pour permettre un fonctionne-
 
 
ment correct de la boucle de livraison syn-
 

 
chrone. Cette solution, minimaliste en terme
     
 de main d’œuvre et optimale en terme de syn-
   
 chronisation, est fort risquée.
 
 
 
      
   
  Implantation - Fonctionnement en produc-
  
       tion synchrone découplée (figure 11)
    
  
   Dans ce cas, les cellules de fabrication sont
                      implantées suivant leur logique propre. Un
     
  
manutentionnaire, appelé « préparateur syn-
chrone », place les pièces sur le chariot syn-
   
chrone depuis les cellules de fabrication.
  
Comme dans le cas du picking synchrone,
   cette personne spécialisée est le garant du pla-
cement des pièces sur les chariots. Sa
présence autorise aussi une légère désynchro-
Figure 11 nisation des différentes cellules entre elles.
     Implantation - synthèse
  
En terme d’implantation de cellule de fabrica-

 tion, le picking synchrone est moins contrai-
         gnant que la production synchrone. La
           
      
           
           
production synchrone découplée est souvent
      


utilisée pour les cas compliqués et laisse la
possibilité de cellules orientées produit. Elle
        limite en plus les risques d’erreurs lors du po-
sitionnement des pièces sur les chariots
  
L’implantation repose sur un certain nombre
  

  
de principes fondateurs. L’agencement des

cellules de fabrication doit tenir compte des
   contraintes de picking et de production syn-
  
chrone. Les approvisionnements doivent se
faire en bord de cellule de sorte à privilégier à
tion de la livraison synchrone. L’atelier est la fois l’autonomie des acteurs et la réactivité
du système lors de changement de série.
organisé en cellules de fabrication « tradition-
D’autre part, la gestion des flux physiques
nelle ». Du personnel supplémentaire est doit être aussi claire que possible en intégrant,
nécessaire pour manutentionner les sous- dans la réflexion, à la fois les flux d’appro-
ensembles depuis les cellules de fabrication visionnement et de livraison mais aussi les

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Logistique & Management

flux retour liés à la qualité et les flux des pac- Figure 12


kagings, souvent importants dans les usines
d’assemblage. Enfin, l’implantation doit per- 5//!"  $'()%"  
6/"! !!"  $'()%"  /,"           
7/"!!"  $'()%8  
mettre une gestion visuelle approfondie et 9/"!,! !!"  $'()%"  /
51"  $'()%"   "* &! !$'()
omniprésente. Cette dernière condition est "/"-,"$.')

 "&! ! $'()

essentielle à la bonne marche du système. "/!*"$.')  "!!*"!"+ 


! 4"$'() * ! $'()
Critères de choix entre picking et production

synchrone
"  $!"2%!"2!) "  ! 


Le choix final reste entier en fonction du cas à 


"" $!"23 ) &!",""-""
traiter et de l’entreprise. La figure 12 propose
une étude d’impact d’une vingtaine de critères
sur les deux types de pilotage synchrone. !/,"!/ ,"$'()  "!!!

 ! ! "      " %"

!$'() / ""0&!", ""!"$.') 


Conséquence du mode 1! !    *!!+ ""!"    

de pilotage
Figure 13
Chaîne logistique
 

 
Lorsque l’on considère la chaîne logistique  

complète, on constate aisément que les hori-

zons des différentes boucles sont très diffé-    
  
rents. Comme le montre la figure 13, alors que  
   
la boucle la plus aval est de l’ordre de quel-    
ques minutes, les boucles amont d’approvi-
sionnements vont de 5 jours pour les Organisation physique
fournisseurs brésiliens à 6 semaines pour les
fournisseurs européens. La gestion simul- L’organisation physique est généralement
tanée de boucles, avec des rythmes si diffé- pensée en fonction des produits, des marchés
rents, mixe plusieurs types de pilotage et ou des processus d’élaboration.
complexifie la supervision logistique. Dans le cadre du flux synchrone, l’organi-
sation doit être pensée avant tout en fonction
Avec une rotation de trains tous les 12 véhicu- du service final apporté au client et de
les (36 minutes) par type de sous-ensemble, l’optimisation des flux autour de ce service.
Renault tend les flux et supprime toutes les
opérations de stockage et de manutention. La conception des cellules intègre :
Pour réaliser cette performance, tous les l L’alimentation en composants.
échanges d’informations se font à base l La position des voies d’accès.
d’échanges de données informatiques (EDI) l Les produits, variantes et modèles à fabri-
aussi bien pour les appels synchrones que les quer.
prévisions à plus long terme ainsi que la factu- l La facilité de passer d’un produit à l’autre.
ration. l L’équilibrage.
l La minimisation de tous les déplacements
Les équipementiers synchrones doivent eux et croisements de flux.
aussi mettre à contribution leurs propres four- l La circulation des produits.
nisseurs en tendant au maximum les flux sans l L’évacuation des contenants.
compromettre la sécurité du système qu’ils l Le confort de l’opérateur.
sont maintenant seuls à assumer. Il est donc
l La gestion visuelle.
nécessaire de mettre sur pied des conventions
logistiques très robustes intégrant toutes les l Des machines qui intègrent les contraintes
contraintes spécifiques. de tous les points précédents.
Le compromis entre ces différents points
Des partenaires logistiques, spécialistes du amène la plupart du temps des cellules orien-
transport et de l’entreposage, sont aussi forte- tées flux avec des caractéristiques d’en-cours,
ment impliqués et jouent un rôle primordial de surface et de capacité tout à fait remarqua-
dans la fiabilité générale du système bles.

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Logistique & Management

L’organisation physique de l’ensemble va modifier le trajet 2 en ayant un convoi à


consister à articuler ces cellules avec 4 chariots permettant la dépose d’un chariot
l’alimentation en composants et l’évacuation TA.
des pièces terminées vers le picking ou les
chariots synchrones. Il faut aussi intégrer L’alimentation directe des postes de montage
toute la partie voies de circulation et la proxi- du client implique une gestion très pointue de
mité du stock picking. la logistique de livraison synchrone.

L’examen de ces différents points se fait tou- Les autres points comme la conception des
jours en considérant les critères : allées de circulation, les moyens de stockage,
l Minimiser les déplacements entre cellules les quais de déchargements... sont plus classi-
et stock ou picking ou chariot. ques.
l Eviter tous les croisements de flux.
Un second aspect de l’organisation physique Organisation du système
touche toute la partie signalisation et intégra- de pilotage
tion du management visuel qu’il faut étudier
avec soin Dans ce type d’organisation, le volume et la
diversité des informations à traiter obligent à
Un troisième aspect important concerne
penser le pilotage en terme de vitesse de déco-
l’organisation des trajets et la conception de
dage de signaux et de facilité d’association, ce
chariots synchrones stockant le maximum de
qui minimise les risques d’erreur. Les codes
pièces dans un minimum de volume et inté-
couleur et formes associées permettent sou-
grant les notions de :
vent d’associer les codes articles, les compo-
l Pièces gauches- pièces droites.
sants sur options/variantes, les étiquettes de
l Plusieurs variétés pour une même pièce. traçabilité, les containers, les emplacements
l Plusieurs modèles de véhicules. de stockage, les cartes kanban ou l’OR syn-
l Plusieurs types de pièces mixées. chrone, les listes de composition des chariots,
l Poka-yoké. les positions de réglage machine… D’autres
l Minimiser le poids total. moyens visuels, comme des signaux lumi-
l Base tournante ou astuces pour faciliter le neux de couleur et des emplacements signali-
chargement des pièces. sés vides ou pleins, sont autant d’autres
signaux immédiats.
En ce qui concerne les trajets, la constitution
des convois et leur enchaînement (figure 14), Ce type d’artifice intègre le pilotage au niveau
il s’agit de bien étudier les compromis entre du physique et soulage la gestion administra-
conception des chariots et scénarios de trajets. tive inutile. En contrepartie, la bonne efficaci-
Ces choix ont une importance capitale sur té de ce management visuel nécessite des
l’implantation et l’organisation. On pourra ci- ateliers à visibilité accrue où les techniques 5S
ter dans le cas Vallourec l’impact du chariot sont appliquées.
TA pouvant emporter 12 véhicules au lieu de 6
sur le trajet 1 ou encore la possibilité de L’organisation synchrone est en communica-
tion permanente avec ses clients et ses fournis-
Figure 14 seurs. L’utilisation des techniques EDI est
donc omniprésente et permet de raccourcir les
 délais en absorbant des volumes importants
d’information.

Le besoin de systèmes de gestion de produc-
tion mieux adaptés à ce type d’organisation se
fait sentir. Il est donc souvent nécessaire de
coupler un système EDI avec une gestion de
  production “light” permettant un calcul des


besoins, une gestion de stock par code-barre,


une gestion des appels fournisseurs, des
 réceptions et des données techniques simpli-
 fiées. L’essentiel de l’information transitant
  par EDI, ces systèmes n’ont pas besoins des
   multiples écrans de saisie et d’aide à la déci-
sion des grands systèmes intégrés de type
   
ERP.

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Logistique & Management

Au-delà des outils, la nécessité de piloter à La gestion visuelle, au sens plus large du
moyen et long terme se fait aujourd’hui sentir. terme, est aussi une voie puissante d’expres-
Les équipementiers de rang 1 ne souhaitent sion des règles de travail. Les démarches 5S
plus faire le tampon entre des constructeurs « ordre, rangement, propreté, implication »
qui n’ont plus de stocks chez eux et des four- sont tout particulièrement indispensables
nisseurs ou équipementiers de rang 2 dont ils dans le cadre de tel projet. La visualisation
sont obligés de compenser l’éloignement et le physique d’une règle de fonctionnement en-
manque de fiabilité. Ils sont donc amenés à gage à son respect et son maintien. C’est un
donner une visibilité maximale à leurs four- moyen sûr de noter les dérives d’un système.
nisseurs et à resserrer la gestion court-terme La mise en place de détrompeurs à toutes les
en gérant des tournées, en systématisant la étapes de l’approvisionnement, de l’assem-
gestion par appels d’unités de manutention, en blage du produit, de son contrôle et sa livrai-
généralisant les transferts EDI... son sont autant d’éléments qui faciliteront le
travail et la prise de décision de chaque
employé. La figure 15 montre un des aspects
Organisation humaine du pilotage visuel.
Dans un fonctionnement synchrone, la totalité La formation doit prendre en compte la
des processus doit être particulièrement compréhension globale de l’environnement,
fiable, y compris en ce qui concerne l’orga- qu’il s’agisse du produit ou du processus de
nisation humaine. Ceci demande un cadre de fabrication ou de pilotage. La première exclu-
fonctionnement particulièrement étudié et sion c’est la non compréhension. La formation
détaillé. Mais c’est aussi dans la réactivité sera d’autant plus efficace que les acteurs
que réside la bonne marche du système. Le seront placés en situation proche de celle
paradoxe est donc la mise en place d’un cadre qu’ils auront à vivre dans la réalité.
très précis et d’une autonomie importante.
Ces aspects, que l’on peut retrouver dans un
Les composantes de l’organisation humaine système plus classique de pilotage, sont ici
doivent être les suivantes : indispensables.
l Définition très précise des fonctions. Figure 15
l Définition exhaustive des modes de fonc- -.
tionnement nominaux. 
 !"
  
  
l Définition des modes dégradés de fonc- 
     
 
tionnement. 


   
 
l Connaissance de l’entreprise et de son     
 

mode de fonctionnement. '$&&%
   
  
l Connaissance du produit.    
  

 
Ces thèmes doivent être compris et assimilés   
par l’ensemble du personnel de la société y   

compris les opérateurs. L’appropriation du      
  
  $ 
matériel d’information à leur disposition 




   
# 

#% &%
impose la participation à son élaboration. ++++++

  

#  &% 

'  $
($ )  *
Les moyens de mise en œuvre vont de la capi-  $  
 $  !
talisation du savoir-faire au poste de travail, à    
,$%



,$%#$
la gestion visuelle, en passant par la forma- 
 ($ ) 
tion.
 #$
 
La capitalisation du savoir-faire au poste de
travail consiste à mettre en place une cellule
La polyvalence est particulièrement cruciale.
qui permette aux opérateurs de rédiger des
gammes de fonctionnement visuelles. Avec Elle doit être gérée afin de garantir en perma-
une assistance méthodologique, ils sont capa- nence la fabrication et la livraison des pro-
bles de définir, dans le cadre établi, le mode de duits. Chaque employé doit être capable au
fonctionnement qui convient et sa représenta- minimum de tenir le poste amont et le poste
tion. Leur participation en amont garantie une aval. La polyvalence doit être pratiquée régu-
propension forte à respecter le mode opéra- lièrement afin de pouvoir remplacer le titu-
toire ainsi mis en place, et son évolution dans laire au pied levé sans perte de qualité, ni de
le temps. cadence.

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Logistique & Management

Enfin, chaque homme et femme de l’entre- l La gestion optimale des surfaces de stoc-
prise doivent être à l’écoute du fonctionne- kage.
ment ici plus qu’ailleurs. La détection au plus
Les autres enjeux sont tout aussi importants au
tôt du dysfonctionnement peut éviter la rup-
niveau du résultat, mais sont plutôt imposés
ture quelques étapes ou heures plus tard. Le
par le choix synchrone :
chauffeur du train est à ce titre un exemple par-
l Organisation réactive.
ticulièrement éloquent. Non seulement cette
personne doit véhiculer les produits depuis le l Robustesse des processus de fabrication et
sous-traitant jusqu’à la ligne de montage, de livraison.
mais il doit aussi être attentif à tout ce qui se l Optimisation des flux physiques.
passe chez le client. Il pourra ainsi, avant que l Flexibilité de l’outil industriel.
les effets soient perceptibles physiquement, l Polyvalence des moyens de production
alerter le sous-traitant de telle ou telle modifi- (hommes et machines).
cation. Les hommes doivent être autant de Un tel projet n’est pas dénué de risques. Le
capteurs intelligents. Cela passe forcément premier d’entre eux est de ne pas satisfaire le
par une bonne connaissance du mode nominal client. En effet, les cycles de fabrication, de
de fonctionnement mais aussi par une véri- livraison et les délais de réquisition doivent
table culture du détail. C’est le rôle de être en bonne adéquation pour permettre une
l’encadrement que de mettre en œuvre cette réponse synchrone efficace.
culture. Le 5S, là encore peut être un moyen
d’y arriver. Les risques sont ensuite financiers car une
telle organisation demande de surdimension-
ner :
Conclusion l L’outil industriel pour répondre aux caden-
ces instantanées du constructeur automo-
Le fonctionnement en flux synchrone est en bile.
théorie très proche du summum de ce que l Le parc machines pour continuer à pro-
la gestion de production peut offrir pour un duire malgré une panne d’équipement.
environnement type sous-traitant/constructeur l L’organisation humaine en intégrant une
automobile. Il offre une flexibilité et une réac- main d’œuvre qualifiée pour permettre la
tivité maximum au client, en donnant au compréhension du système et sa gestion
sous-traitant les moyens de les mettre en opérationnelle.
œuvre. l L’étude initiale qui doit prévoir, dans le
détail et de façon exhaustive, les processus
Pour fonctionner correctement, le flux syn- nominaux, leurs modes dégradés et les
Patrice COLOMB,
associé de PROCONSEIL chrone ne peut souffrir aucune imperfection. réponses à ces dysfonctionnements poten-
CONSULTING GROUP. Le système mis en place ne peut pas être évo- tiels.
Il est ingénieur diplômé lutif et se roder au cours du temps. Il doit être
de l’INSA de Lyon et titulaire bon du premier coup, dès le démarrage. Sa
d’un MBA (Master in Business
mise en œuvre demande donc des études et Bibliographie
Administration). Il est aussi
CPIM (Certified in Production des investissements souvent plus poussés que 1. John D.Hall, William H.Hadley, « An optimizer
& Inventory Production) de pour un mode de pilotage classique. C’est sa for the kanban sizing problem », Production and
inventory management journal, first quarter, 1998
l’APICS (American Production faiblesse. Il est aussi plus coûteux à installer. APICS.
and Inventory Control Society). Sa force, c’est de fonctionner dès le début à 2. « EDI et Logistique », Renault, 1994.
Christophe DEVULDER,
l’optimum. Ses enjeux intrinsèques sont entre 3. « Le Juste-à-Temps chez PSA », juillet, 1997.
autres : 4. Claude Dudouet, « Justification économique
consultant chez PROCONSEIL d’une démarche de logistique globale en flux tirés »,
dans le département gestion Logistique & Management, vol. 4 n° 2, 1996.
l La simplification du flux d’information
intégrée des flux depuis 1997. 5. Roque Alonso, « Du fournisseur au point d’assem-
Il a 13 ans d’expérience entre le constructeur et son sous-traitant. blage sans rupture de charge », Logistique & Mana-
industrielle acquise au travers l La réduction du personnel affecté à la pro- gement, vol. 5 n° 1, 1997.
de postes opérationnels et par 6. Yves Serpette, « EDIFACT pour gérer la produc-
le biais du conseil en gestion de grammation des équipements. tion », La gazette de l’entreprise communicante,
production.Il est ingénieur l La suppression des effets issus d’appels n° 21, 1996.
ESIEA Paris, titulaire d’un 7. Bernard Stroven, « Guide de l’offre EDI et EDI au
MBA de l’ESC Reims et
fournisseur irréguliers et mal lissés. Brésil », La gazette de l’entreprise communicante,
certifié CPIM par l’APICS n° 21, 1996.
l La transparence du système.
(American Production and 8. Utilisateurs Galia/Odette, « Migration à
Inventory Control Society). l Une manutention client/fournisseur faible. EDIFACT », Présentations Renault, PSA et RVI.

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