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sous-produits superfétatoires (les « épiphénomènes ») des

événements physiques [22].

Comme on le voit, ce qui constitue ici une menace pour la liberté


n’est plus du tout le destin ou la prescience divine, mais l’existence
d’une théorie physique qui confère à l’univers un caractère fermé et
le rend inaccessible à toute intervention extérieure, en particulier à
celles qui sont censées résulter de l’exercice de la pensée et de la
liberté. Popper note, à propos de la façon dont les choses ont
changé à un moment donné en physique, que :

L’indéterminisme, tenu jusqu’en 1927 pour un équivalent de


l’obscurantisme, devint la mode dominante ; et de grands
savants, comme Max Planck, Erwin Schrödinger et Albert
Einstein, qui hésitaient à abandonner le déterminisme, furent
considérés comme de vieilles badernes, bien qu’ils aient été à
mon avis à l’avant-garde du développement de la théorie
quantique. J’ai moi-même entendu un jour un jeune et brillant
physicien qualifier Einstein, alors encore vivant et en pleine
activité, d’« antédiluvien ». Le déluge qui avait prétendument
emporté Einstein, c’était la nouvelle théorie quantique, qui a pris
son essor entre 1925 et 1927, et à laquelle sept personnes tout
au plus ont autant contribué qu’Einstein [23].

Si j’ai cité ce passage, c’est parce que la tentation pourrait venir


assez facilement aux gens éclairés que nous sommes de considérer
que le déluge qui est censé avoir emporté Einstein a emporté a
fortiori un défenseur aussi convaincu que l’était Leibniz du
déterminisme le plus rigoureux et a fait de lui encore plus clairement,
au moins sur ce point-là, une sorte de vieille baderne philosophique.
La première chose que l’on peut répondre à cela est, comme je l’ai
déjà fait, que, pour Leibniz, le monde physique n’est justement pas
un monde fermé, autarcique et autosuffisant, au sens dont il s’agit,
et qu’aucune théorie ne pourrait prétendre expliquer, en tout cas
expliquer complètement, ce qui s’y passe sans faire intervenir des
causes finales, des intentions et des valeurs. Pour cette simple
raison, puisque c’est, d’après Popper, la clôture du système et elle
seule qui engendre le cauchemar déterministe, ce genre de
cauchemar n’est pas à craindre, du point de vue leibnizien.

De toute évidence – dit Popper – ce que nous voulons, c’est


comprendre comment des choses non physiques comme les
projets, les délibérations, les plans, les décisions, les théories,
les intentions et les valeurs peuvent jouer un rôle en provoquant
des changements physiques dans le monde physique. Qu’ils en
provoquent, cela saute aux yeux, semble-t-il, n’en déplaise à
Hume, Laplace et Schlick. Il est manifestement faux que ces
énormes changements physiques continuellement provoqués
par nos stylos, crayons ou bulldozers, puissent être expliqués
en termes purement physiques soit par une théorie physique
déterministe, soit par une théorie stochastique, comme fruits du
hasard [24].

Leibniz pense que les changements en question sont, comme tous


les autres, complètement déterminés et peuvent être expliqués par
une théorie déterministe, mais sûrement pas par une théorie
purement physique, au sens que nous donnons à cette expression
dans les discussions qui ont lieu sur ce sujet.

Popper a été frappé, en lisant Compton, par un passage qui fait


ressortir avec une netteté particulière le caractère
extraordinairement improbable, pour ne pas dire impossible, que
revêtiraient certaines de nos actions les plus ordinaires si l’on
entreprenait de les expliquer à partir de considérations purement
physiques :

Il y a quelque temps, j’ai écrit au secrétaire de l’Université de


Yale que j’acceptais de donner une conférence le 10 novembre
à 5 heures de l’après-midi. Il a eu une telle confiance en moi
qu’il a annoncé publiquement que je serai là, et le public a eu
une telle confiance dans sa parole qu’il est venu dans la salle à
l’heure dite. Mais considérez l’énorme improbabilité physique
qu’il y avait à ce que leur confiance fût justifiée. Dans l’intervalle,
mon travail m’avait appelé dans les montagnes Rocheuses puis
à travers l’Océan pour le soleil d’Italie. Un organisme
phototropique (il se trouve que j’en suis un) ne devrait pas
pouvoir facilement […] s’arracher de là pour gagner les froidures
de New Haven. Il y avait un nombre infini de possibilités qu’à
l’heure dite je me trouve ailleurs. Considéré comme un
événement physique, l’acquittement de ma promesse aurait eu
une probabilité extrêmement faible. Pourquoi alors la confiance
de mes auditeurs était-elle justifiée ? […] C’est qu’ils
connaissaient mon projet, et c’est mon projet qui a déterminé
que je devais être là [25].

Leibniz aurait, bien entendu, approuvé entièrement ce qui est dit


dans ce passage et qui signifie que l’on peut effectuer et effectue
régulièrement des prédictions qui ont un degré de certitude tout à fait
suffisant à propos d’événements qui ne sont pas encore arrivés, en
s’appuyant sur la formulation de choses comme des projets, des
intentions et des promesses ; mais cela n’empêche pas, à ses yeux,
les événements en question d’être déterminés et ne peut pas
constituer un argument contre le déterminisme. Autrement dit, le fait
que le cours futur des événements soit conditionné, dans une
mesure importante, par des projets, des intentions, des
engagements contractés, etc., et prédictible seulement sur cette
base, ne l’empêche pas forcément d’être néanmoins déjà décidé
jusque dans le plus petit détail.

Wittgenstein, dans les Recherches philosophiques, fait remarquer


que, quand on dit qu’on ne peut pas connaître l’avenir, on oublie
régulièrement qu’on le peut tout à fait et que qu’on le fait
régulièrement en s’appuyant sur ce qu’on a l’intention de faire ou sur
ce que d’autres nous disent avoir l’intention de faire :

Quand les gens parlent de la possibilité d’une prescience du


futur, ils oublient toujours le fait de la prédiction des
mouvements volontaires [26].
Bien qu’une déclaration d’intention ne soit pas une prédiction et ne
soit pas réfutée si, pour une raison ou pour une autre, l’intention ne
se réalise pas, c’est un fait important qu’elle puisse justifier et justifie
souvent une prédiction :

Nous pouvons fréquemment, à partir de l’expression de la


décision, prédire l’action d’un homme. Un jeu de langage
important [27].

C’est un fait incontestable qu’il serait incomparablement plus


compliqué et même peut-être impossible d’effectuer la même
prédiction en s’appuyant sur des connaissances physiques,
physiologiques, psychologiques ou neuropsychologiques
suffisamment précises. Et on peut également admettre que
l’occurrence de l’événement serait sans doute extraordinairement
improbable s’il n’y avait pas d’intentions ou si elles n’étaient pas en
mesure d’influencer et d’orienter le comportement. Mais la question
qui se pose ici n’est pas celle qui a trait à la façon dont l’événement
est déterminé en l’occurrence. Qu’il le soit par une décision de
l’agent ou par des causes qui sont en fin de compte purement
physiques, la seule question, pour Leibniz, est de savoir s’il est ou
non déterminé. Et la réponse ne fait aucun doute pour lui. Ce qu’il
nous demande d’admettre et qui, à première vue, est peut-être plus
facile à admettre que ce que nous demande Spinoza, mais pas
forcément beaucoup plus, est que la liberté de choix est tout à fait
réelle, bien que le résultat du choix soit déterminé et le soit même
depuis toujours.

Pour essayer d’être un peu plus précis, considérons encore ce que


dit Popper à propos de deux problèmes distincts qui se posent ici et
qu’il appelle le problème de Compton et le problème de Descartes.
Le problème de Compton peut être formulé en gros de la façon
suivante : comment des contenus de sens, qui sont des réalités
abstraites – par exemple le contenu de projets, de délibérations, de
plans, de décisions, de théories, etc. – sont-ils en mesure de
provoquer des changements physiques dans le monde physique ?
Popper pense que ce problème (que, selon lui, peu de philosophes
ont vu) est plus important que le classique problème corps-esprit,
qu’il appelle « le problème de Descartes ». Le problème de
Descartes peut être énoncé comme suit :

Comment est-il possible que des choses comme les états


mentaux – volitions, sentiments, attentes – influencent ou
contrôlent les mouvements physiques de nos membres [28] ?

Leibniz a proposé une réponse très élaborée à chacun de ces deux


problèmes. Mais c’est une réponse sur laquelle on se méprend
facilement parce qu’on a tendance à oublier le rôle essentiel qu’y
joue l’idée de l’harmonie préétablie.

Le problème crucial, tel que le formule Popper et tel qu’il est


généralement compris, est : comment peut-il y avoir une interaction
de nature causale entre des choses aussi différentes et même
hétérogènes que des contenus de signification et des événements
physiques, ou entre des états mentaux et des mouvements dans le
corps ? Mais, du point de vue de Leibniz, il n’y a aucun espoir de
réussir à résoudre le problème tant qu’on continue à le poser en
termes de causalité, car le genre de causalité dont on aurait besoin
pour ce faire est précisément inintelligible et impossible à envisager.
Nous avons tendance à penser qu’une interaction effective entre le
monde des causes finales et celui des causes efficientes ne pourrait
se faire que sur le mode d’une perturbation et d’un dérèglement du
jeu normal des causes concernées dans le domaine qui leur est en
principe réservé. Par exemple, si la volonté doit être capable
d’exercer une influence sur ce qui se passe dans le monde physique
et de produire des changements réels dans celui-ci, elle ne peut le
faire, semble-t-il, qu’en interrompant ou en modifiant de façon
appropriée le jeu des causes purement physiques. C’est, bien
entendu, ce qui incite à supposer que l’indéterminisme est une
condition nécessaire de la liberté, même si ce n’en est assurément
pas la condition suffisante. C’est la position que défend Popper et
elle tire sa plausibilité de l’idée que la chaîne des causes physiques
ne doit pas être absolument compacte et imperméable à toute action
et influence susceptibles de s’exercer de l’extérieur : il faut qu’il y ait
des endroits où les effets d’actions et d’influences de cette sorte
puissent trouver une place. Or ce n’est pas du tout de cette façon
que Leibniz perçoit les choses. Il n’y a pas pour lui de rivalité réelle
et de compétition pour l’hégémonie, et encore moins pour
l’exclusivité, entre le monde des causes efficientes et celui des
causes finales :

Mais nous avons déjà posé des fondements qui détruisent une
erreur si pernicieuse, laquelle résultait de ce que ces auteurs
dans leur temps [ il s’agit de Spinoza et de Hobbes] ne
connaissaient pas encore la beauté merveilleuse et l’artifice
divin et infini dans l’univers qui ne souffre ni atomes ni vide <ni
même de substance purement matérielle>, sans vouloir de la
nécessité absolue mais absurde et du hasard ; <qui fait comme
deux règnes, s’entrerépondant exactement, l’un des causes
finales, l’autre des efficientes ; qui soumet le monde matériel ou
des corps à celui des esprits et le physique au moral, le
mécanique à la métaphysique réelle, les notions abstraites aux
complètes, les phénomènes ou résultats aux vraies substances,
qui ne sont que des unités et subsistent toujours > ; qui exige
une liaison parfaite de toutes choses et un ordre achevé, en
sorte qu’il est impossible que rien se conçoive de mieux et de
plus grand. Et c’est ce qui parait plus que jamais par le Système
Nouveau de l’Harmonie Préétablie, expliqué ailleurs, qui donne
une tout autre face à l’union, aussi différente à son avantage de
celle qu’on lui donnait auparavant, que le système de Copernic
est différent de celui qu’on donnait ordinairement du monde
visible [29].

Et, dans Les principes de la nature et de la grâce, Leibniz écrit :

Et les perceptions dans la monade naissent les unes des autres


par les lois des appétits ou des causes finales du bien et du mal
qui consistent dans les perceptions remarquables réglées ou
déréglées, comme les changements des corps et les
phénomènes au dehors naissent les uns des autres par les lois
des causes efficientes, c'est-à-dire des mouvements. Ainsi, il y a
une harmonie parfaite entre les perceptions de la monade et les
mouvements des corps, préétablie d’abord entre le système des
causes efficientes et celui des causes finales. Et c’est en cela
que consiste l’accord et l’union physique de l’âme et du corps,
sans que l’un puisse changer les lois de l’autre [30].
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 21. Causes efficientes et causes finales

Les mêmes effets, dit Leibniz à l’article XXII du Discours de


métaphysique, peuvent, dans certains cas, s’expliquer
indifféremment par la considération des causes efficientes et par
celles des causes finales.

XXII. Conciliation des deux voies par les finales et par les
efficientes pour satisfaire tant à ceux qui expliquent la nature
mécaniquement qu’à ceux qui ont recours à des natures
incorporelles.

Il est bon de faire cette remarque pour concilier ceux qui


espèrent d’expliquer mécaniquement la formation de la
première tissure d’un animal et de toute la machine des parties
avec ceux qui rendent raison de cette même structure par les
causes finales. L’un et l’autre est bon, l’un et l’autre peut être
utile, non seulement pour admirer l’artifice du grand ouvrier,
mais encore pour découvrir quelque chose d’utile dans la
physique et dans la médecine. Et les auteurs qui suivent ces
routes différentes ne devraient point se maltraiter [1].

Dans le même article, Leibniz insiste sur la valeur heuristique de


l’utilisation des causes finales :

Cependant, je trouve que la voie des causes efficientes, qui est


plus profonde en effet et en quelque façon plus immédiate et a
priori , est en récompense assez difficile, quand on vient au
détail, et je crois que nos philosophes le plus souvent en sont
encore bien éloignés. Mais la voie des finales est la plus aisée
et ne laisse pas de servir souvent à deviner des vérités
importantes et utiles qu’on serait bien longtemps à chercher par
cette autre route plus physique dont l’anatomie peut fournir des
exemples considérables. Aussi tiens-je que Snellius, qui est le
premier inventeur des règles de la réfraction, aurait attendu
longtemps à les trouver, s’il avait voulu chercher premièrement
comment la lumière se forme. Mais il a suivi apparemment la
méthode dont les Anciens se sont servis pour la catoptrique, qui
est en effet par les finales. Car, cherchant la voie la plus aisée
pour conduire un rayon d’un point donné à un autre point donné
par la réflexion d’un plan donné (supposons que c’est le dessein
de la nature), ils ont trouvé l’égalité des angles d’incidence et de
réflexion, et comme on peut voir dans un petit traité d’Héliodore
de Larisse, et ailleurs [2].

En ce qui concerne la subordination du physique au métaphysique,


Leibniz écrit par exemple dans une lettre à Philipp :

Pour moi je crois que les lois de la Mécanique qui servent de


fondement à tout le système dépendent des causes finales,
c’est-à-dire de la volonté de Dieu déterminée à faire ce qui est
le plus parfait, et que la matière ne prend pas toutes les formes
possibles, mais seulement les plus parfaites ; autrement, il
faudrait dire qu’il y aura un temps où tout sera mal en ordre, ce
qui est bien éloigné de la perfection de l’auteur des choses [3].

Mais dire que les lois de la mécanique dépendent des causes finales
ne veut pas dire que les premières, dans leur application, sont
soumises à l’influence des causes finales. Ce que cela veut dire est
uniquement que la nature des lois et également celle des exceptions
qui y seront faites (là où la présence de miracles a été jugée
nécessaire et incluse dans le plan d’ensemble) ont été décidées en
fonction de considérations qui font intervenir de façon essentielle la
finalité, en l’occurrence l’exigence de la plus grande perfection
possible.

Je montrais […] – dit Leibniz – que ces mêmes lois de la


Mécanique ne découlent pas de principes Géométriques, mais
de principes Métaphysiques, et si toutes les choses n’étaient
pas gouvernées par un esprit, elles seraient de beaucoup
différentes de ce que nous expérimentons [4].

La finalité, pour Leibniz, n’a évidemment pas seulement une utilité


heuristique, mais également une réalité objective. Mais que peut-on
se proposer légitimement d’expliquer à l’aide des causes finales ?
Les lois de la nature ou ce que l’on peut appeler les principes
généraux de la nature, comme par exemple le principe de
continuité ?

XIX. Utilité des causes finales dans la physique.

Comme je n’aime pas de juger des gens en mauvaise part, je


n’accuse pas nos nouveaux philosophes, qui prétendent de
bannir les causes finales de la physique, mais je suis
néanmoins obligé d’avouer que les suites de ce sentiment me
paraissent dangereuses, surtout quand je le joins à celui que j’ai
réfuté au commencement de ce discours qui semble aller à les
ôter tout à fait, comme si Dieu ne se proposait aucune fin ni
bien, en agissant, ou comme si le bien n’était pas l’objet de sa
volonté. Et pour moi, je tiens au contraire que c’est là où il faut
chercher le principe de toutes les existences et des lois de la
nature parce que Dieu se propose toujours le meilleur et le plus
parfait [5].

Une des raisons essentielles pour lesquelles Descartes et Spinoza


se sont privés de la possibilité de distinguer entre la nécessité
purement géométrique, autrement dit aveugle, et la nécessité
morale, c’est-à-dire finalement entre la nécessité et la contingence,
est, selon Leibniz, qu’ils n’ont pas connu les véritables lois de la
dynamique. Voyez sur ce point la lettre à Rémond du 22 juin 1715 :

Ma Dynamique demanderait un ouvrage exprès ; car je n’ai pas


encore tout dit ni communiqué ce que j’ai à dire là-dessus. Vous
avez raison, Monsieur, de juger que c’est en bonne partie le
fondement de mon système, parce qu’on y apprend la
différence entre les vérités dont la nécessité est brute et
géométrique, et entre les vérités qui ont leur source dans la
convenance et dans les finales. Et c’est comme un commentaire
sur ce beau passage du Phédon de Platon, que j’ai cité quelque
part dans un journal, qu’en supposant qu’une intelligence
produit toutes choses, il faut trouver leurs sources dans les
causes finales. Socrate y blâme Anaxagore, qui avait dit qu’une
intelligence νοῦς avait produit les choses, et après cela n’avait
parlé que du concours des corpuscules, sans employer cette
Intelligence et sans marquer les fins des choses [6].

Et également la Théodicée :

Ces considérations font bien voir que les lois de la nature qui
règlent les mouvements ne sont ni tout à fait nécessaires, ni
entièrement arbitraires. Le milieu qu’il y a prendre est qu’elles
sont un choix de la plus parfaite sagesse. Et ce grand exemple
des lois du mouvement fait voir le plus clairement du monde
combien il y a de différence entre ces trois cas ; savoir :
premièrement une nécessité absolue, métaphysique ou
géométrique qu’on peut appeler aveugle, et qui ne dépend que
des causes efficientes ; en second lieu, une nécessité morale,
qui vient du libre choix de la sagesse par rapport aux causes
finales ; et enfin, en troisième lieu, quelque chose d’arbitraire
absolument, dépendant d’une indifférence d’équilibre qu’on se
figure, mais qui ne saurait exister, où il n’y a aucune raison
suffisante ni dans la cause efficiente ni dans la finale. Et, par
conséquent, on a tort de confondre, ou ce qui est absolument
nécessaire avec ce qui est déterminé par la raison du meilleur,
ou la liberté qui se détermine par la raison avec une indifférence
vague [7].

Sur la concordance entre les causes efficientes et les causes finales,


voyez également ce passage :
Ainsi […] ils décrétaient que les causes finales doivent être
éliminées [de la nature] comme n'étant pas naturelles, mais
morales, et imaginées par nous qui nous livrons à une
estimation de la nature à partir de nos propres dispositions; que
tous les possibles sont tirés du sein de la nature selon un
certain ordre nécessaire ; aussi ce que nous nous imaginons à
propos de la sagesse et du discernement de la providence est-il
vain ; ou bien il n'y pas de Dieu, ou bien il n'est rien d'autre que
cette force qui produit les possibles selon un ordre nécessaire ;
quant à l'ordre en question, il consiste dans les lois
mathématiques ; nos esprits ou bien sont corporels, ou bien
s'éteignent avec les corps ; ou du moins ils oublient tout,
comme c'est l'opinion de quelques-uns d'entre eux, et
retournent à l'âme du monde. Pour ma part, au contraire, je
soutenais que même les causes finales peuvent être rapportées
aux efficientes, étant donné que, quand l'agent est intelligent, il
est alors mû par la connaissance, et même les causes morales
sont naturelles, car elles sont empruntées à la nature de
l'esprit ; c'est pourquoi, si toutes les choses sont gouvernées
par l'esprit, la production et la conservation des choses ne sera
pas nécessaire et aveugle, mais libre et pleine de sagesse. Ce
dont procèdent déjà des éléments de piété et de justice. Et je ne
rejette pas les lois mathématiques dans les choses physiques
[…] et je reconnais volontiers que les actions des corps varient
les unes par rapport aux autres selon la grandeur et la figure ;
mais la substance des corps elle-même, et ce qui agit et pâtit
dans les corps, cela implique des notions bien différentes de la
grandeur et de la figure, il nous faut donc revenir […] aux
Anciens qui ont posé certaines formes substantielles. […] Je
leur montrais […] que les lois Mécaniques elles-mêmes ne
découlent pas de principes Géométriques, mais de principes
Métaphysiques, et que, si toutes les choses n'étaient pas
gouvernées par un esprit, elles seraient bien différentes de ce
que nous expérimentons [8].
Les nécessitaristes moraux insistent particulièrement sur la
nécessité de bien distinguer la nécessité morale non seulement de
la nécessité logique, mais également de la nécessité physique. La
différence entre les trois espèces de nécessité est formulée la
plupart du temps à peu près de la manière suivante. Un sujet est
dans la nécessité métaphysique d’agir si, au cas où il ne le ferait
pas, une contradiction se produirait. Une chose est physiquement
nécessaire si elle ne peut pas ne pas se produire naturellement et
sans un miracle. Une chose est moralement nécessaire si elle se
produit toujours ou presque toujours, en vertu d’une inclination,
comme par exemple celle qui nous amène à choisir le plus grand
des biens qui se présentent. Une chose moralement nécessaire peut
très bien ne pas l’être physiquement, puisque le fait qu’elle n’ait pas
lieu n’est pas forcément en contradiction avec une loi de la nature
quelconque. J’ai cité l’année dernière des textes d’où il ressort que
Leibniz incline à considérer que l’esprit est moralement nécessité, au
sens indiqué, tout en étant physiquement indifférent, en ce sens qu’il
n’existe pas de loi de la nature dont nous puissions espérer réussir à
déduire le choix qu’il fera. Il y a une très forte présomption que
quelqu’un choisira dans tous les cas le plus grand bien apparent ;
mais aussi forte que puisse être l’apparence, il n’y a cependant pas
de nécessité physique qu’il le fasse.

Ceux qui se sont intéressés de près à la question des trois espèces


de nécessité, chez Leibniz, se sont demandé à quoi exactement
s’oppose, chez lui, la nécessité morale et ont suggéré trois espèces
de réponse :
(1) uniquement à la nécessité métaphysique (la nécessité
spinoziste) ;
(2) à la « nécessitation aveugle » ;
(3) à la fois à la nécessitation métaphysique et à la nécessitation
physique.

Parmi les auteurs que j’ai déjà eu l’occasion de citer, on peut dire
que Robert Sleigh opte pour (1), Robert Adams pour (2) et Michael
J. Murray pour (3).
Ce qu’Adams entend par « nécessitation aveugle » est la
nécessitation qui opère sans passer par la prise en considération de
valeurs quelconques. Selon lui, ce qui choque Leibniz n’est pas tant
le nécessitarisme que le caractère aveugle de la nécessité. Par
conséquent, il rejette la nécessité métaphysique et la nécessité
physique aussi bien dans le choix humain que dans le choix divin,
non pas parce qu’elles sont nécessitantes, mais parce qu’elles ne
nécessitent pas par la voie du bien et de la perfection. Je dois
avouer qu’en dépit de toutes les lectures que j’ai pu faire, je n’ai pas
réussi à me faire une opinion absolument arrêtée sur cette question.
Ce qui rend quelque peu difficile à accepter l’option (2) est le fait qu’il
y a tout de même un bon nombre de textes qui suggèrent que
Leibniz a des difficultés non pas seulement avec le caractère
aveugle de la nécessité, mais également avec la nécessité elle-
même.

Ce qui parle en faveur de (1) est le fait qu’il affirme régulièrement, et


il le fait souvent avec insistance, que la seule forme de nécessité qui
est susceptible de menacer réellement la liberté est la nécessité
logique ou métaphysique. C’est ce qu’il se propose, en tout cas, de
démontrer dans la Théodicée. On pourrait évidemment objecter que
c’est peut-être simplement parce qu’il essaie de parer au plus pressé
et de se prémunir d’abord contre le danger le plus sérieux, à savoir
le nécessitarisme spinoziste. D’autre part, il ne semble pas y avoir à
l’époque beaucoup de défenseurs du déterminisme causal des
causes efficientes.

Murray a des doutes sur la possibilité que (1) représente la position


réelle de Leibniz, en dépit de son insistance sur le fait que l’action
libre ne comporte aucune nécessité qui soit de nature logique et du
fait qu’il lui arrive de souligner que la nécessité physique et la
nécessité morale sont d’une certaine façon équivalentes du point de
vue modal et s’opposent toutes les deux à la nécessité logique, en
ce sens qu’elles inclinent sans nécessiter. C’est ce qui est suggéré
notamment dans un passage des Nouveaux essais, que j’ai déjà
cité :
Non seulement les vérités contingentes ne sont point
nécessaires, mais encore leurs liaisons ne sont pas toujours
d’une nécessité absolue, car il faut avouer qu’il y a de la
différence dans la manière de déterminer entre les
conséquences qui ont lieu en matière nécessaire et celles qui
ont lieu en matière contingente. Les conséquences
géométriques et métaphysiques nécessitent, mais les
conséquences physiques et morales inclinent sans nécessiter ;
le physique même ayant quelque chose de moral et de
volontaire par rapport à Dieu, puisque les lois du mouvement
n’ont point d’autre nécessité que celle du meilleur [9].

Les choses deviennent cependant ici rapidement très compliquées,


pour la raison suivante. On peut dire que les lois de la nature
nécessitent ce qui a lieu dans l’ordre naturel, puisque ce sont les lois
que Dieu a choisies en choisissant un monde possible et qu’elles
gouvernent les événements qui ont lieu dans ce monde-là, même s’il
est vrai que la nécessité dont il s’agit n’est pas totale, puisqu’elles
admettent des exceptions. Mais ce n’est pas la même question que
celle qui consiste à se demander si la nécessité des lois, dans ce
sens-là, est ou non elle-même nécessaire, et en quel sens elle l’est.
Leibniz répond justement que les lois ne sont pas nécessairement
nécessaires, si ce n’est au sens de la nécessité morale. Ce qui les a
rendues valides et, par conséquent, nécessaires est un choix libre
de Dieu. Mais Leibniz a une tendance caractéristique à faire
redescendre la nécessité morale au premier niveau, et à dire que
même la nécessité à laquelle obéit la succession des événements
dans le monde physique a d’une certaine façon un caractère moral,
puisqu’elle n’existe qu’en vertu d’une décision volontaire de Dieu.

Dans les passages comme celui des Nouveaux essais que je viens
de rappeler, Leibniz semble dire que non seulement les propositions
contingentes, comme leur nom l’indique, ne sont pas nécessaires,
mais encore les liaisons qui existent entre elles peuvent ne pas être
non plus nécessaires. De sorte qu’il n’y a pas forcément et qu’il n’y a
même peut-être jamais un lien nécessaire entre, par exemple, la
proposition contingente qui affirme l’existence d’un désir déterminé
dans l’âme, aussi fort qu’il puisse être, et celle qui décrit
l’effectuation de l’action correspondante. Et la même chose est vraie,
sur ce point, de la relation de conséquence physique et de la relation
de conséquence morale. Dans les deux cas, du reste, si on se
demande pourquoi, telle ou telle chose étant donnée, telle ou telle
autre en résulte normalement, la réponse est en dernière analyse de
nature morale.

Malheureusement, comme le dit Murray :

Leibniz formule parfois des assertions incompatibles, et il nous


reste à juger, à partir de raisons systématiques, quelle est la
meilleure façon de comprendre ses intentions, toutes choses
dûment considérées. Il me semble que la prépondérance des
textes pèse contre l’interprétation de Sleigh [la réponse (1)]
dans ce cas [10].

Murray estime que Leibniz a une raison théologique d’éprouver des


doutes à propos de la compatibilité de la nécessité physique et de la
liberté. Elle peut être résumée de la manière suivante :

Leibniz dépense des efforts considérables pour établir que la


détermination causale des actes de la créature (par Dieu dans
ce cas) est suffisante pour détourner la responsabilité de la
créature (et la reporter sur la cause ultime, dans ce cas Dieu).
Si Leibniz se satisfaisait de la compatibilité de la liberté et du
déterminisme causal, de telles inquiétudes n’apparaîtraient tout
simplement jamais. Et pourtant elles le font. C’est, me semble-t-
il, une preuve forte de l’existence de sympathies
anticompatibilistes dans la pensée de Leibniz. Qui plus est,
quels que soient les arguments qui peuvent être invoqués
contre le déterminisme divin, ils peuvent également être
employés avec force contre le déterminisme causal efficient de
l’espèce ordinaire dans le choix. Pour empêcher cela, on aurait
besoin d’un amortisseur analogue à celui que Leibniz installe
entre Dieu et les créatures. La nécessité morale des jésuites
fournit précisément un amortisseur de cette sorte [11].

Si c’est vrai, la conclusion de cela est que Leibniz est plutôt un


compatibiliste plus mitigé que le compatibiliste pur et dur qu’il donne
souvent l’impression d’être et pour lequel on le prend généralement.
Et l’acceptabilité de sa position dépend de façon essentielle de la
possibilité de trouver une place pour une modalité plus faible que la
nécessité physique, à savoir la nécessité morale, telle que Leibniz
se l’approprie.

Comme le dit André Charrak, il y a un débat qui a une importance


centrale à l’époque des Lumières et dont le xviiie siècle a hérité
directement de Leibniz – un débat lié étroitement à la question du
rôle que les causes finales sont susceptibles de jouer dans
l’explication des phénomènes : c’est celui qui porte sur la
contingence des lois de la nature.

Il est patent que les auteurs des Lumières, lorsqu’ils posent la


question de la contingence ou de la nécessité des lois de la
physique, ne se réfèrent directement qu’à la tradition
leibnizienne, tout à la fois parce que l’examen technique des
modalités acquiert dans ce contexte une portée métaphysique
décisive et parce que les procédures méthodologiques
mobilisées dans l’établissement des lois, avec et après Leibniz,
engagent directement leur statut modal. Il va de soi que
plusieurs thèses cartésiennes – portant, par exemple, sur
l’apparente nécessité de la formation du monde à partir du
chaos primitif –, mais aussi spinozistes seront abordées par ce
biais dans les ouvrages du xviiie siècle. Reste que la figure de
Leibniz constitue indéniablement le point de départ de l’histoire
qui nous intéresse [12].

Il y a un passage de la Théodicée dans lequel Leibniz évoque la


position intermédiaire qu’occupent selon lui les lois de la nature, à
mi-chemin entre la nécessité absolue et l’arbitraire complet :
Les lois de la nature, que Dieu lui a prescrites, fondées sur la
convenance, tiennent le milieu entre les vérités géométriques,
absolument nécessaires, et les décrets arbitraires [13].

Autrement dit, elles occupent une position intermédiaire entre des


vérités absolument nécessaires et des conventions arbitraires. Elles
impliquent bien un élément de décision, qui correspond au fait
qu’elles s’appliquent à un monde qui est le résultat d’un acte de
création ; mais la décision dont il s’agit n’a rien d’arbitraire et était
justifié par de bonnes raisons. Le choix de la nécessité géométrique
pour les lois de la nature est celui qui a été fait, d’après Leibniz, par
Spinoza, et le choix de l’arbitraire est celui qui a été fait par
Descartes. Descartes est même allé plus loin que cela, puisqu’il
résulte de la théorie de la création des vérités éternelles que même
les vérités de la logique et des mathématiques résultent d’un décret
qui doit être rapporté à la volonté de Dieu, et non à son
entendement. Si ce que dit Descartes doit être pris à la lettre, même
les vérités géométriques ne possèdent pas plus que les lois de la
nature une nécessité absolue et auraient pu être différentes si Dieu
avait fait, sur ce point, un choix différent.

Comme on l’a vu, les lois de la nature sont, pour Leibniz, fondées
sur la convenance et il y a un lien direct entre cela et leur statut
modal, à savoir le fait qu’elles soient contingentes : elles ont été
choisies en fonction de considérations qui font intervenir le principe
du meilleur et elles auraient pu être différentes si le choix qui a été
fait avait été moins bon. Ainsi, par exemple, Leibniz estime avoir
réussi à démontrer, contre Descartes, que la quantité qui se
conserve n’est pas la quantité de mouvement, mv, mais la quantité
de force vive, mv2 ; mais ce qu’affirme Descartes pourrait
éventuellement être vrai si Dieu avait choisi de créer un monde
physique différent. Comme le dit André Charrak, « les lois de la
nature sont irréductibles à la nécessité brute parce qu’elles
supposent, pour être établies, des principes architectoniques qui ne
relèvent pas de la seule géométrie. Le meilleur exemple est celui du
principe de continuité [14] ». Leibniz lui-même souligne tout à fait
clairement ce point crucial. Il mentionne à plusieurs reprises le
principe pour « montrer qu’on ne les [les lois de la nature] saurait
dériver de leurs sources qu’en supposant des raisons
architectoniques. Une des plus considérables que je crois avoir
introduit le premier dans la physique est la loi de continuité, dont j’ai
parlé il y a plusieurs années dans les Nouvelles de la République
des Lettres, où j’ai montré par des exemples comment elle sert de
pierre de touche des dogmes [15] ». En d’autres termes, si on veut
comprendre pourquoi les lois du mouvement sont ce qu’elles sont, il
faut faire intervenir des principes architectoniques comme, par
exemple, le principe de continuité ; et si on veut comprendre
pourquoi les principes architectoniques eux-mêmes sont ce qu’ils
sont, il faut faire intervenir un principe général qui est un principe
d’ordre, d’harmonie et de perfection. Un monde dans lequel il y
aurait, par exemple, du vide et des atomes, serait en contradiction
avec le principe de continuité ; mais ce qui l’a fait exclure n’est pas
qu’il est impossible absolument parlant, mais seulement qu’il serait
moins bon.

Comme le fait remarquer André Charrak, la question du statut modal


des lois de la nature se pose, chez Leibniz, dans le cadre d’une
théorie des mondes possibles, qui traite le monde réel comme le
résultat d’un choix qui aurait pu être autre. Cette façon de considérer
les choses suscite, comme on pouvait s’y attendre, l’hostilité de tous
ceux qui pensent que la seule chose à laquelle nous pouvons
légitimement prétendre est la connaissance des lois qui régissent le
comportement des phénomènes naturels, et non l’explication des
raisons pour lesquelles elles sont ce qu’elles sont. Ce à quoi nous
devons nous intéresser est uniquement les lois réelles, et non les
lois qui auraient pu éventuellement avoir cours à leur place. C’est un
des principes de base de la philosophie expérimentale qu’il faut s’en
tenir aux lois réelles et s’abstenir de spéculer sur des lois possibles.
Voyez sur ce point ce que dit Roger Cotes dans la préface anglaise
qu’il a écrite pour les Principes mathématiques de la philosophie
naturelle de Newton :
Une vraie philosophie ne doit employer dans l’explication de la
nature que des causes vraiment existantes ; elle ne doit point
chercher les lois par lesquelles le tout-puissant aurait pu
produire l’ordre admirable qui règne dans cet univers, s’il avait
jugé à propos de les employer ; mais seulement celles qu’il a
réellement faites par un acte libre de sa volonté […]. La vraie
cause pour un philosophe est celle qui produit actuellement
l’effet dont il est question : la bonne philosophie n’en reconnaît
point d’autre [16].

Je crois, cependant, qu’il y a ici deux questions différentes qui


entrent en jeu et qu’il est important de distinguer. Il y a d’abord le
problème de la méfiance bien connue que Newton et ses partisans
manifestent à l’égard des hypothèses en général. La tâche de la
philosophie expérimentale consiste, pour eux, à essayer de
découvrir les lois selon lesquelles les corps s’attirent, et non à
spéculer sur les causes possibles de l’attraction. Si on le fait, on se
trouve à peu près inévitablement confronté à une pluralité
d’hypothèses rivales que la philosophie expérimentale n’est pas en
mesure de départager et dont elle n’a par conséquent pas à se
préoccuper. Le deuxième problème est celui qui concerne la
légitimité du questionnement qui a trait à la possibilité que les lois
elles-mêmes aient été différentes de ce qu’elles sont, au fait que
d’autres lois possibles étaient envisageables et auraient pu être en
vigueur à leur place. Ce qui n’est pas contestable, en revanche, est
que, sur le deuxième type de question, le dix-huitième siècle a cessé
pour l’essentiel de raisonner de façon leibnizienne, ce qui, traduit en
clair, signifie que la métaphysique de Leibniz est loin d’avoir suscité
le même intérêt que sa physique. Comme le dit André Charrak :

C’est bien l’histoire de l’occultation de la référence aux mondes


possibles et, du même coup, une redéfinition des tâches de la
cosmologie qui vont marquer, au siècle des Lumières, les
débats sur le statut modal des lois de la nature [17].
Signalons encore, sur cette question, le point de vue défendu par
Maupertuis, qui suggère qu’il n’est pas impossible après tout que la
suprême habileté de l’auteur de l’univers ait consisté à produire,
sans avoir à utiliser pour cela rien d’autre que des principes qui
relèvent de la nécessité mathématico-mécanique et aveugle, des
effets qui donnent l’impression de l’intelligence et de la liberté les
plus parfaites :

S’il est vrai que les lois du mouvement soient des suites
indispensables de la nature des corps, cela même prouve
encore la perfection de l’Être suprême : c’est que toutes choses
soient tellement ordonnées qu’une mathématique aveugle et
nécessaire exécute ce que l’intelligence la plus éclairée et la
plus libre prescrivait [18].

Si on distingue clairement entre les lois de la nature, au sens étroit,


et les principes généraux de la nature (ce que Leibniz ne fait pas
toujours), une question qui se pose est celle de savoir si, parmi les
lois de la deuxième espèce, il n’y en a pas qui doivent
nécessairement être communes à tous les mondes possibles. Si
c’est le cas, les lois logiques ne seraient pas les seules lois à être
vraies dans tous les mondes possibles. Il y aurait aussi des principes
qui, sans pour autant être nécessaires logiquement, sont dans ce
cas. C’est une question importante, que soulève avec raison André
Charrak :

D’un côté, il nous semble permis de penser que certains


principes généraux de la physique, directement subordonnés au
principe de raison et, par là, destinés à ordonner la contingence,
sont en fait valables non seulement pour plusieurs mondes,
mais aussi pour tous les mondes possibles. En effet, du
moment que ceux-ci constituent autant de « systèmes »
différents – ce que Leibniz signale à plusieurs reprises, en des
passages qui peuvent aussi désigner la dimension physique de
la systématicité –, alors on ne voit pas comment ces mondes
pourraient se soustraire, par exemple, au principe d’équivalence
causale, étant entendu que la quantité qui se conserve pourrait
être une autre que la puissance active [19].

André Charrak suggère que, quand on se demande, quelles sont les


propositions dont la vérité a le plus de chance de rester invariante
par rapport à un changement de monde possible, il ne semble
pouvoir être question de cela ni pour les propositions singulières
contingentes comme « César a passé le Rubicon », qui, dit-il,
expriment, à propos des existants concernés, « leur inscription et
leur détermination totale dans le monde créé [20] », ni pour les lois
les plus universelles, qui déterminent l’ordre général de la série
totale de choses que Dieu a choisi de créer et par conséquent sont
liées de façon spécifique à cette série. Dans le cas des lois de la
nature, la question se pose, en revanche, naturellement ; mais,
comme nous venons de le voir, la réponse n’est pas forcément la
même pour les lois de la nature et pour certains des principes les
plus généraux de la nature.

D’un point de vue leibnizien, Charrak a sûrement raison. Mais le


traitement leibnizien du cas des propositions singulières
contingentes n’en est pas moins susceptible de créer un problème
difficile pour le sens commun. À partir du moment où il est entendu
que César décidera librement s’il doit ou non passer le Rubicon, on
a une propension à peu près irrésistible à supposer qu’il lui
appartient de décider si le monde dans lequel il vit sera un monde
dans lequel il passe le Rubicon ou un monde dans lequel il ne le fait
pas, les deux espèces de mondes étant en principe également
possibles. Mais, comme nous l’avons vu, ce n’est pas de cette façon
que les choses se passent pour Leibniz. Le seul monde possible
pour César, c’est-à-dire le seul dans lequel il puisse exister, est le
monde dans lequel il passe le Rubicon. On a raison de penser qu’il
dépend de lui que le monde en question soit ce qu’il est sur ce point.
Mais il n’en est pas moins vrai qu’il ne peut être que ce qu’il sera
effectivement. Pour que César ne passe pas le Rubicon, il faudrait
que Dieu ait créé un autre monde possible. Mais rien ne nous
permet d’affirmer que, dans un autre monde possible, César
existerait encore ou, en tout cas, aurait une contrepartie
suffisamment ressemblante. À première vue, la proposition « César
passe le Rubicon », qui est vraie dans le monde réel, peut devenir
fausse dans un autre monde possible soit parce que César n’y
passe pas le Rubicon, soit parce qu’il n’y existe pas. Mais elle ne
peut pas sûrement pas conserver sa valeur de vérité quand on
passe d’un monde possible à un autre si César ne peut exister que
dans un seul d’entre eux.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 22. Peut-il y avoir une téléologie non
métaphysique ?

Sur la question des relations entre la liberté de la volonté et le


déterminisme, Ernst Tugendhat écrit :

Le problème réel de la liberté du vouloir (Willensfreiheit) – le


problème qui a occupé les philosophes pendant des siècles –
n’est pas celui que l’on peut exemplifier par le fait de lever une
main [parce qu’on le veut, ce qui est un exemple de liberté de
l’action, et non de la volonté], mais le problème de la
responsabilité. Comment faut-il comprendre le fait que nous
puissions nous rendre responsables les uns des autres de nos
actions et que nous puissions nous faire les uns aux autres et
également à nous-mêmes des reproches ? Cela présuppose
que la personne non seulement peut faire ce qu’elle veut, mais
également qu’elle peut contrôler ce qu’elle veut. C’est
seulement à cet endroit que cela un sens de parler, au lieu de
liberté de l’action, de liberté de la volonté. Nous disons : il
dépend de moi de me décider à agir conformément à un désir
ou à un autre. Ce vouloir de la personne elle-même est, comme
on peut le dire avec Harry Frankfurt, un vouloir de deuxième
ordre, un vouloir réflexif, dont l’objet est constitué par les désirs
immédiats que l’on trouve en soi. Également dans le cas
d’autres animaux, nous pensons qu’ils ont la liberté d’action ;
eux aussi peuvent, s’ils ne sont pas contraints, mouvoir leurs
membres comme ils le veulent ; mais nous ne croyons pas
pouvoir leur faire des reproches ; on ne tient pas les animaux ou
les petits enfants pour responsables. Le problème de la liberté
de la volonté n’est donc pas un problème qui concerne le vouloir
en général, il se rapporte spécialement à cette capacité
humaine qui est sous-entendue quand nous pouvons dire « il
dépend de lui, d’elle ou de moi » [1].
Le déterminisme bien compris ne conduit pas à mettre en doute
le fait que la personne était dans un espace qui lui laissait une
latitude (ein Spielraum) et donc aurait pu réellement agir
autrement. Il est, il est vrai, toujours possible que la personne
n’ait réellement pas pu agir autrement. Cet état de choses n’est,
toutefois, réalisé que si le vouloir de la personne était sous une
contrainte interne, et cela veut dire, si elle n’était pas capable de
diriger son action par des jugements de valeur – c’est-à-dire,
des raisons. Le droit de faire des reproches est donc réellement
limité, pas par le déterminisme, mais par le fait qu’une personne
n’est responsable que dans la mesure où elle a réellement la
capacité de suspendre ses désirs immédiats et d’agir d’après
des raisons ; et, pour ce qui est de savoir si et dans quelle
mesure cette capacité existe, ce n’est pas toujours clair. Dans le
cas particulier, quand une personne n’agit pas comme elle le
doit, cela reste toujours une question ouverte de savoir si elle ne
le voulait seulement pas ou ne le pouvait pas. Qu’une capacité
existe, cela ne peut jamais être reconnu qu’en général, par des
tests, donc dans notre cas par l’observation qui permet de
reconnaître si et dans quelle mesure une personne peut
modifier son comportement par des raisons et par l’effort. On
doit donc distinguer entre deux questions : celle de savoir ce qui
est impliqué dans la liberté de vouloir (et je n’ai traité ici que de
cela), et la question de savoir jusqu’où elle va. Elle ne va sans
doute souvent pas aussi loin que l’on croit, et cela peut amener
à ne pas en user trop légèrement avec le cruel instrument des
reproches adressés à d’autres et à soi-même [2].

Le problème discuté dans ces deux passages de Tugendhat est un


problème que nous avons déjà rencontré antérieurement et qui peut
être formulé ainsi : la liberté, et la responsabilité qui la présuppose,
ne dépendent-elles pas, tout compte fait, encore plus de la capacité
de vouloir autrement que de la capacité de faire autrement ? Une
personne ne peut être considérée comme libre et tenue pour
responsable de qu’elle fait que dans la mesure de la capacité qu’elle
a, comme dit Tugendhat, non pas seulement de faire ce qu’elle
désire, mais également, et peut-être même plus fondamentalement,
« de suspendre ses désirs immédiats et d’agir d’après des raisons ».
Et c’est une capacité qui est, de façon générale, probablement
beaucoup plus restreinte qu’on ne le suppose la plupart du temps,
ce qui, estime Tugendhat, devrait nous rendre plus prudents et plus
modérés dans les reproches que nous adressons à autrui et à nous-
mêmes.

C’est un point sur lequel Leibniz, qui distingue lui aussi


soigneusement entre la liberté de faire et la liberté de vouloir,
pourrait être tout à fait d’accord avec Tugendhat. Il est en effet le
premier à souligner que nous ne disposons que d’un pouvoir de
contrôle relativement limité et essentiellement indirect sur ce que
nous voulons. Comme il le dit dans la Théodicée :

Il faut avouer qu’il y a toujours assez de pouvoir en nous sur


notre volonté, mais on ne s’avise pas toujours de l’employer.
Cela fait voir, comme nous l’avons remarqué plus d’une fois,
que le pouvoir de l’âme sur les inclinations est une puissance
qui ne peut être exercée que d’une manière indirecte, à peu
près comme Bellarmin voulait que les papes eussent droit sur le
temporel des rois. À la vérité, les actions externes qui ne
surpassent point nos forces dépendent absolument de notre
volonté ; mais nos volitions ne dépendent de la volonté que par
certains détours adroits qui nous donnent les moyens de
suspendre nos résolutions ou de les changer. Nous sommes les
maîtres chez nous, non pas comme Dieu l’est dans le monde,
qui n’a qu’à parler, mais comme un prince sage l’est dans ses
États, ou comme un bon père de famille l’est dans son
domestique [3].

Or il ne suffit sûrement pas de façon générale à un prince sage ou à


un bon père de famille de parler pour être entendus et obéis. Leibniz
suggère qu’il en va de même avec le pouvoir dont nous disposons
chez nous et, plus précisément, sur notre volonté, qui est loin d’être
absolu. Même Dieu ne dispose pas d’un pouvoir de cette sorte par
rapport à sa volonté :

Il ne peut point changer sa nature, ni agir autrement qu’avec


ordre ; et comment l’homme pourrait-il se transformer tout d’un
coup ? […] Il n’y a que Dieu […] qui ait toujours les volontés les
plus désirables, et par conséquent il n’a point besoin de pouvoir
les changer [4].

Mais nous avons besoin, pour notre part, de ce pouvoir, et nous n’en
disposons que d’une façon qui est limitée par notre nature, que nous
ne pouvons pas espérer réussir à changer du jour au lendemain,
même s’il serait, du point de vue de Leibniz, tout à fait inexact et
certainement contraire à l’idée de la liberté elle-même de supposer
que nous n’avons absolument aucun moyen d’agir sur elle.

C’est un aspect du problème qu’il faut se garder de négliger quand


on se demande en quoi consistent au juste la possibilité de faire
autrement, que la liberté semble impliquer, et l’impossibilité de faire
autrement – autrement dit, la nécessité –, qui aurait pour
conséquence de l’exclure. Il n’est sûrement pas nécessaire d’être un
déterministe strict pour trouver déjà en elle-même pour le moins peu
plausible la conception qui subordonne la réalité de la liberté à la
possession d’une sorte de pouvoir absolu aussi bien d’agir que de
ne pas agir, ou de ce que Leibniz appelle, à propos de Bayle, qui est
tenté par ce genre d’idée, « un pouvoir absolu indépendant des
raisons et des moyens que nous devrions avoir chez nous pour nous
vanter d’un franc arbitre [5] ».

En quel sens du mot « nécessité » la liberté peut-elle être


considérée comme incompatible avec la nécessité ? Elle est
sûrement incompatible avec la nécessité logique, géométrique ou
métaphysique, qui exclut radicalement la possibilité de faire
autrement, puisque cela constituerait une contradiction logique. Mais
elle pourrait être également incompatible avec la nécessité physique
et même avec la nécessité morale, si on estime que la liberté, pour
être réelle, devrait impliquer la possibilité de choisir, si on le veut,
autre chose que le plus grand bien apparent. Il y a des philosophes
qui pensent que la (vraie) liberté est incompatible avec les trois
espèces de nécessité. Leibniz, la plupart du temps, soutient qu’elle
l’est seulement avec la première.

Ce qui est incompatible avec la liberté est-il non pas la nécessité


elle-même, mais seulement le caractère aveugle de celle-ci ? Si
c’est le cas, cela exclut à nouveau clairement la nécessité logique,
géométrique ou métaphysique, qui est la seule forme de nécessité
qui soit réellement brute, autrement dit, complètement étrangère au
monde de la valeur. Mais qu’en est-il de la nécessité physique, dont
on peut dire qu’elle comporte déjà un aspect moral, puisque les
nécessités physiques (et également les exceptions qu’elles peuvent
comporter ponctuellement) sont le résultat d’une application du
principe du meilleur ? Quant aux nécessités morales, elles ne
peuvent évidemment, dans cette hypothèse, représenter une
menace réelle pour la liberté. La seule forme de nécessité qui pose
réellement un problème difficile et sérieux est donc finalement la
nécessité physique.

Comme le rappelle Charrak, Leibniz constate qu’un bon nombre de


phénomènes peuvent être expliqués aussi bien par la considération
des causes efficientes que par celle des causes finales ; et il ne
devrait pas y avoir, d’après lui, de conflit réel entre ces deux modes
d’explication.

J’ai coutume de dire qu’il y a, pour parler ainsi, deux Règnes


dans la nature corporelle même, qui se pénètrent sans se
confondre et sans s’empêcher : le règne de la puissance,
suivant lequel tout se peut expliquer mécaniquement par les
causes efficientes, lorsque nous en pénétrons assez l’intérieur ;
et aussi le règne de la sagesse, suivant lequel tout se peut
expliquer architectoniquement, pour ainsi dire, par les causes
finales, lorsque nous en connaissons assez les usages. Et c’est
ainsi qu’on peut non seulement dire avec Lucrèce, que les
animaux voient parce qu’ils ont des yeux ; mais aussi parce que
les yeux leur ont été donnés pour voir, quoique je sache que
plusieurs n’admettent que le premier pour mieux faire les esprits
forts. Cependant, ceux qui entrent dans le détail des machines
naturelles ont besoin d’une grande prévention pour résister aux
attraits de leur beauté, et Galien même, ayant connu quelque
chose de l’usage des parties des animaux, en fut tellement ravi
d’admiration qu’il crût que de les expliquer était autant que de
chanter des hymnes à l’honneur de la divinité [6].

Il arrive aussi à Leibniz de dire, que d’une certaine façon, tous les
phénomènes peuvent être expliqués aussi bien par les causes
efficientes que par les causes finales, bien que certains d’entre eux
le soient plus facilement par une des espèces de causes et d’autres
par l’autre :

Comme tout se peut expliquer dans la Géométrie par le calcul


des nombres et aussi par l’analyse de la situation, mais que
certains problèmes sont plus aisément résolus par l’une de ces
voies, et d’autres par l’autre, de même je trouve qu’il en est ainsi
des phénomènes. Tout se peut expliquer par les efficientes et
par les finales ; mais ce qui touche les [hommes] [esprits] [âmes
raisonnables] substances raisonnables s’explique plus
naturellement par la considération des fins, comme ce qui
regarde les [corps] autres substances s’explique mieux par les
efficientes [7].

Leibniz veut-il dire littéralement que le comportement des esprits,


par exemple, pourrait en principe s’expliquer entièrement par la
considération des causes efficientes, mais seulement avec
beaucoup plus de difficulté ? La réponse à cette question n’est pas
facile. Leibniz semble à d’autres moments s’exprimer comme s’il n’y
avait aucun espoir de réussir à rendre compte des actions des êtres
rationnels sans faire intervenir de quelque façon que ce soit les
causes finales. Et il exclut, comme on l’a vu, l’existence de lois
universelles subalternes de forme causale, au sens de la causalité
efficiente, qui seraient capables de faire pour les actions libres des
substances raisonnables l’équivalent de ce que les lois de la nature
font pour les mouvements des corps. Dans le « Tentamen
anagogicum », il essaie de définir une position moyenne entre celle
des théologiens, qui soutiennent que, même pour l’explication des
phénomènes naturels, la mécanique ne suffit pas, et celle des
philosophes corpusculaires, qui pensent qu’elle suffit pour tout
expliquer :

L’on sait que s’il y a eu des philosophes habiles qui n’ont


reconnu dans l’univers que ce qui est matériel, il y a en échange
des théologiens savants et zélés, qui, choqués de la philosophie
corpusculaire et non contents d’en réprimer les abus, ont cru
être obligés à soutenir qu’il y a des phénomènes dans la nature
qu’on ne saurait expliquer par les principes de Mécanique,
comme par exemple la lumière, la pesanteur, la force élastique ;
mais comme ils ne raisonnent pas en cela avec exactitude, et
qu’il est aisé aux philosophes corpusculaires de leur répondre,
ils font du tort à la religion, car ils confirment dans leur erreur
ceux qui ne reconnaissent que des principes matériels. Ce
véritable milieu qui doit satisfaire les uns et les autres est que
tous les phénomènes naturels se pourraient expliquer
mécaniquement si nous les entendions assez, mais que les
principes mêmes de la Mécanique ne sauraient être expliqués
Géométriquement, puisqu’il dépendent des principes plus
sublimes qui marquent la sagesse de l’auteur dans l’ordre et la
perfection de l’ouvrage [8].

Il n’y a donc pas à choisir, aux yeux de Leibniz, entre l’explication


par les causes efficientes et l’explication par les causes finales,
puisque nous avons besoin de l’une et de l’autre, le recours aux
causes finales étant de toute façon nécessaire au moins pour
parvenir à l’explication complète. Mais les deux types d’explication
ont l’un et l’autre leurs inconvénients et leurs limites. La faiblesse de
l’explication par les causes finales, quand elles sont utilisées pour
rendre compte de phénomènes particuliers, et non de lois ou de
principes généraux de la nature, est le risque du verbalisme ; et celle
de l’explication par les causes efficientes est l’excès de complexité
auquel elle est condamnée dans certains cas, où l’explication par les
causes finales se révèle justement beaucoup plus simple et
naturelle. Il est clair qu’on ne pourrait pas, par exemple, expliquer un
événement particulier, en disant qu’il a eu lieu parce que son
occurrence faisait partie du meilleur des mondes possibles, dont on
sait qu’il est celui que Dieu a choisi. Car le principe selon lequel ce
qui est est toujours le meilleur peut s’appliquer une fois pour toutes à
tous les événements qui sont susceptibles de se produire, et il reste
purement formel tant que l’on ne dispose pas d’une connaissance
réelle de ce qui est le meilleur dans un cas donné et des raisons
pour lesquelles il l’est, ce qui est malheureusement la situation dans
laquelle nous nous trouvons : nous savons que ce qui arrive est le
meilleur, mais nous ne savons généralement pas pourquoi il est le
meilleur et devait par conséquent être préféré.

La tendance générale de Leibniz, sur ce genre de question, est de


recommander de pousser dans tous les cas le plus loin possible
l’explication par les causes efficientes, aussi difficile et même à
première vue impossible qu’elle puisse sembler. On peut, du reste,
avoir parfois, dans ce domaine, de bonnes surprises et découvrir,
par exemple, que des mécanismes relativement simples peuvent
expliquer des effets dont seules des considérations empruntées à la
finalité semblaient à première vue en mesure de rendre compte. On
ne pourrait donc en aucun cas invoquer le fait que l’explication
ultime fera nécessairement intervenir, en dernier ressort, les causes
finales et que l’on aura par conséquent besoin à un moment donné
de celles-ci si on veut compléter et achever l’explication, pour
dévaloriser la recherche des causes efficientes ou essayer de
diminuer ses prétentions et ses ambitions légitimes.

Il y a des lois de la nature qui donnent l’impression de porter déjà,


dans leur formulation elle-même, la marque de la finalité. C’est le
cas en particulier des principes de maximum et de minimum et des
principes de conservation. Les principes de cette sorte peuvent
aisément donner le sentiment que la nature elle-même cherche à
son insu à réaliser des fins d’une certaine sorte. On peut constater
que la science moderne a fait le choix qui consistait à ne
s’accommoder de la finalité que quand ses effets apparents peuvent
être simulés de façon satisfaisante par un mécanisme approprié.
Mais ce n’était évidemment pas l’attitude de Leibniz. Toute la
question est de savoir si les considérations qui font intervenir
explicitement ou implicitement la finalité – dont tout le monde, y
compris les Modernes, admet qu’elles peuvent être autorisées à
jouer un rôle heuristique et régulateur – peuvent également
prétendre jouer un rôle véritablement constitutif. C’est, bien entendu,
la deuxième option qui correspond à la position défendue par
Leibniz.

Voyez, sur ce point, ce que dit Mach, dans son livre sur l’histoire de
la mécanique, à propos du principe de moindre action :

Le principe de Maupertuis aurait sans doute bientôt disparu de


la scène, seulement Euler a utilisé l’incitation. L’homme
vraiment important qu’il était a laissé au principe son nom, à
Maupertuis la réputation de l’invention, et a fait à partir de cela
un nouveau principe réellement utilisable. Ce que Maupertuis
avait en tête est difficile à expliquer tout à fait clairement. Ce
qu’Euler veut dire, on peut le montrer facilement sur des
exemples simples. Si un corps est contraint de rester sur une
surface fixe, par exemple la surface de la terre, alors il se meut
à la suite d’une impulsion d’une manière telle qu’il emprunte le
chemin le plus court entre sa position initiale et sa position
finale. Tout autre chemin que l’on lui prescrirait serait plus long
et prendrait plus de temps. Le principe trouve une application
dans la théorie des courants d’air et d’eau à la surface de la
terre. Euler a conservé le point de vue théologique. Il s’exprime
d’une façon qui signifie que l’on peut expliquer les phénomènes
non pas seulement à partir des causes, mais également à partir
de la fin. « Car, étant donné, que la facture du monde tout entier
est la plus parfaite qui soit et qu’elle a été exécutée par le
créateur le plus sage, il n’arrive absolument rien dans le monde,
dans lequel ne se manifeste pas un certain procédé de
maximum ou de minimum ; c’est pourquoi on ne peut pas douter
que tous les effets du monde puissent être déduits aussi
facilement des causes finales par la méthode des maxima et
des minima, que des causes efficientes elles-mêmes. [9] » […]

Pendant tout le xvie et le xviie siècle jusque vers la fin du xviiie


siècle, on était enclin à voir partout dans les lois physiques une
disposition particulière du créateur. Mais une transformation
progressive des conceptions ne peut pas échapper au regard
de l’observateur attentif. Alors que chez Descartes et Leibniz la
physique et la théologie sont encore mélangées de bien des
façons, on voit se manifester par la suite un effort net non certes
pour éliminer l’élément théologique, mais pour le dissocier de
l’élément physique. L’aspect théologique est relégué au début
ou à la fin d’une recherche physique. L’aspect théologique est
concentré autant que possible sur la création, afin de gagner à
partir de là de l’espace pour la physique.

Vers la fin du xviiie siècle, il s’est produit une inflexion qui saute
aux yeux extérieurement, qui a l’air de constituer une étape
franchie d’un seul coup, mais qui au fond n’est qu’une
conséquence nécessaire de l’évolution indiquée. Après que
Lagrange a essayé dans un travail de jeunesse de fonder toute
la mécanique sur le principe de moindre action d’Euler, il
explique dans une réélaboration du même objet qu’il veut faire
abstraction de toutes les spéculations théologiques et
métaphysiques comme étant des choses très précaires et qui
n’ont pas leur place dans les sciences. Il effectue une
reconstruction de la mécanique sur d’autres fondements, et
aucun lecteur compétent ne peut méconnaître ses avantages.
Tous les scientifiques importants qui ont suivi se sont ralliés à la
conception de Lagrange, et cela a déterminé pour l’essentiel la
position actuelle de la physique par rapport à la théologie [10].
Mach estime qu’il y a, sur ce point une différence importante entre
l’attitude de Leibniz et celle de Newton :

Près de trois siècles ont donc été nécessaires pour que la


conception selon laquelle la théologie et la science naturelle
sont deux choses différentes se développe jusqu’à une clarté
complète depuis son apparition chez Copernic jusqu’à
Lagrange. Dans cette affaire, il ne faut pas méconnaître que
pour les grands esprits comme Newton cette vérité a toujours
été claire. Jamais Newton, en dépit de sa religiosité profonde,
n’a impliqué la théologie dans les questions de science
naturelle. Il est vrai qu’il conclut aussi son Optique, alors que
dans les dernières pages encore brille la luminosité de l’esprit
clair, par l’expression de la contrition portant sur le néant de
toutes les choses terrestres. Seulement ses recherches
optiques elles-mêmes ne contiennent, à la différence de celles
de Leibniz, aucune trace de théologie. On peut dire la même
chose de Galilée et Huyghens. Leurs écrits correspondent
presque complètement au point de vue de Lagrange et peuvent
être considérés dans cette orientation comme classiques. Mais
la façon de voir et l’état d’esprit d’une époque ne peuvent pas
être mesurés d’après les extrêmes, ils doivent l’être d’après la
position moyenne [11].

Mais, naturellement, si Leibniz ne croit pas que la physique puisse


être séparée complètement de la métaphysique ni même de la
théologie, il ne cède jamais, pour autant à la tentation de croire
qu’une explication théologique peut tenir lieu, en cas de besoin, de
l’explication physique que nous cherchons. De plus, l’intervention de
la finalité devient certainement beaucoup moins choquante quand on
se rend compte que le point de vue de la finalité n’est, en fin de
compte, rien d’autre que celui du tout. Voyez sur ce point ce que dit
Vuillemin :

Dans l’hypothèse de formes substantielles, la prédication


substantielle déterminant l’identité numérique, l’accident ne
consistera que dans le rapport de compossibilité avec les autres
individus de l’individu défini comme possible par la Forme. La
finalité qui résultera de cette vision globale des choses
soumettra donc le tout de la création choisie par Dieu à un
principe de maximum de perfection parmi les mondes
intrinsèquement possibles. Les fins, au lieu de distinguer les
dispositions individuelles réussies au sein de la réalité,
s’identifieront à la réalité même. Sous sa forme la plus générale,
le principe de finalité énonce alors que la différence entre l’acte
et la puissance est toujours un minimum. Car c’est à cette seule
condition que les êtres imparfaits et qui contiennent quelque
puissance du fait qu’ils appartiennent à un tout qui les dépasse,
réduiront cette puissance autant qu’ils le peuvent. En d’autres
termes, ils obéiront aux lois extrémales du calcul des variations.
Mais le principe du mouvement (principe d’Hamilton) que ce
calcul énonce permet de retrouver le principe causal du
mouvement (loi de Newton). Loin que la finalité, ainsi entendue,
s’oppose à la causalité déterministe, elle ne fait qu’exprimer en
termes intégraux ce que celle-ci exprime en termes locaux. À la
validité des universelles de l’accident fondée sur leur caractère
stationnaire, on a reproché le revêtement théologique qu’on leur
donne quand on les habille dans le langage de la finalité [cf.
Mach]. Ces reproches, cependant, perdent leur apparence dès
qu’on oppose clairement cette finalité à celle dont on anime les
efforts incertains des formes naturelles aux prises avec la
matière pour lui assigner le seul rôle de détermination intégrale.
Le départ fait entre Pangloss et le docteur Akakia, les lois
extrémales retrouvent leur signification, qui consiste à ramener
toujours les recherches à la considération du tout [12].

Sur l’importance qui doit être reconnue, dans la science elle-même,


au point de vue du tout, voyez la Mécanique de Mach et le
commentaire de Vuillemin.

On peut soulever avec raison la question : si le point de vue


théologique qui a conduit à l’énonciation des principes de la
mécanique, était un point de vue erroné, comment se fait-il que
ces principes soient néanmoins pour l’essentiel corrects ? On
peut répondre aisément à cela. Premièrement, la vision
théologique n’a pas fourni le contenu des principes, mais
seulement déterminé la coloration de l’expression, alors que le
contenu a été obtenu par l’observation. C’est de la même façon
qu’aurait agi une autre vision dominante, par exemple une
vision mercantile qui a probablement exercé aussi une influence
sur le mode de pensée de Stevin. Deuxièmement, la conception
théologique de la nature elle-même doit son origine au désir
d’adopter un point de vue plus englobant, donc à un désir qui
est également propre à la science naturelle et qui se concilie
tout à fait bien avec les buts de celle-ci. Si, par conséquent, la
philosophie de la nature théologique doit être caractérisée
comme une entreprise malheureuse, comme une retombée à un
niveau culturel inférieur, nous n’avons tout de même pas besoin
de rejeter la racine saine dont elle est sortie, qui n’est pas
différente de celle de la vraie science naturelle.

Effectivement, la science de la nature ne peut parvenir à rien


par la seule considération du détail si elle ne dirige pas aussi de
temps à autre son regard vers les grands ensembles. Les lois
de la chute des corps galiléennes, le principe des forces vives
de Huyghens, le principe des déplacements virtuels, le concept
de masse lui-même n’ont, comme nous nous en souvenons, pu
être obtenus que grâce à une façon de considérer les choses
alternant entre le détail et le tout des processus naturels. On
peut, lors de la reproduction des processus naturels
mécaniques dans les pensées, partir des masses individuelles
(des lois élémentaires), et composer l’image du processus. Mais
on peut également s’en tenir aux propriétés du système tout
entier (aux lois intégrales). Mais, étant donné que les propriétés
d’une masse contiennent toujours des relations à d’autres
masses, que par exemple dans la vitesse et l’accélération
réside déjà une relation au temps, donc au monde tout entier,
on reconnaît qu’il n’y a à proprement parler pas du tout de lois
élémentaires pures. Il serait donc inconséquent de vouloir
exclure comme moins sûr le regard pourtant indispensable sur
le tout, sur des propriétés plus universelles. Nous exigerons
seulement, plus un principe nouveau est universel et plus sa
portée est grande, compte tenu de la possibilité de l’erreur, des
preuves d’autant meilleures pour lui [13].

À propos des avantages que comporte « la considération du tout »,


Vuillemin observe que :

(1) Si les lois de Newton sont des lois objectives de la nature (et
n’expriment pas seulement, comme le pense Mach, une
« économie de la pensée », il en va de même pour les lois
stationnaires qui leur correspondent. On ne saurait, en tout cas,
lorsqu’on a réduit la finalité à l’intégralité des conditions, comme
le fait Leibniz, opposer une finalité simplement régulatrice à la
causalité constitutive de la nature. Elles ont même statut
objectif.

(2) Les lois intégrales disent plus que les lois différentielles. Par
exemple, la loi de réfraction de Descartes-Snellius :

sin i = n sin r (n = indice de réfraction)

est, à elle seule, impuissante à déduire l’indice de réfraction nij


entre deux média (par exemple eau par rapport à verre) i et j à
partir des indices de réfraction connus nj (eau par rapport à air)
et ni (verre par rapport à air). Cette déduction résulte
directement du principe stationnaire du temps minimum de
Fermat :

nij = vi/vj = nj/ni. [14]

Voyez également ce qu’écrit, sur cette question, Max Planck:


La physique moderne a depuis Galilée obtenu ses plus grands
succès en s’abstenant de toute espèce de considération
téléologique ; elle se comporte, par conséquent, encore
aujourd’hui avec raison de façon négative à l’égard de toutes les
tentatives faites pour amalgamer le principe de causalité avec
des points de vue téléologiques. Mais si, pour la formulation des
lois de la mécanique, l’introduction d’intervalles de temps finis
n’est pas nécessaire, on ne pourra cependant pas rejeter pour
autant a priori les principes intégraux. La question de leur
justification n’a absolument rien à voir avec la téléologie ; elle
est plutôt une justification purement pratique et se ramène à la
question de savoir si la formulation des lois de la nature, telle
que la permettent les principes intégraux, fournit davantage que
d’autres formulations ; et c’est une question à laquelle on doit
répondre positivement du point de vue de la recherche actuelle,
ne serait-ce que déjà à cause de l’indépendance dont il a déjà
été question par rapport au choix spécial des coordonnées
ponctuelles. La compréhension complète non seulement de
l’importance pratique, mais même de la nécessité de
l’introduction d’intervalles de temps finis dans les principes
fondamentaux de la mécanique ne nous est, il est vrai, comme
nous le verrons plus loin, procurée que par le principe de
relativité moderne [15].

Puisque j’ai déjà évoqué brièvement la position de Maupertuis sur la


question des relations entre causalité efficiente et finalité, je voudrais
m’attarder un instant sur ce qui constitue, à mes yeux, le meilleur
article existant sur l’histoire de la découverte du principe de moindre
action. Il s’agit d’un article malheureusement peu connu et trop peu
cité de Suzanne Bachelard, à laquelle je saisis cette occasion de
rendre publiquement hommage. L’article est intitulé « Maupertuis et
le principe de la moindre action ». L’auteur commence par rappeler
que, dans le livre qu’elle a publié la même année (1958), La
conscience de rationalité, elle a « essayé de montrer que l’idée qui
inspire le calcul des variations s’inspire d’une nette téléologie » [16].
C’est évidemment pour cette raison que je me suis risqué l’année
dernière à vous parler un peu du calcul des variations, et de la
relation qui existe entre l’idée fondamentale qui l’inspire et la
démarche de Leibniz, pas seulement dans les mathématiques et la
physique, mais peut-être plus encore dans la métaphysique.

Pour ceux d’entre vous qui s’intéressent à la querelle de priorité


fameuse qu’il y a eu, à propos de la formulation du principe de
moindre action, entre les partisans de Maupertuis et ceux de Leibniz,
je citerai simplement la conclusion, pour le moins défavorable à
Leibniz, à laquelle aboutit Suzanne Bachelard :

En résumé, mise à part la lettre à Hermann dont l’authenticité


est contestée, tous les textes de Leibniz invoqués par les
défenseurs de la priorité de Leibniz sur Maupertuis concernant
l’énoncé du principe de moindre action ne nous ont pas paru
pouvoir donner crédit à une telle thèse. Le principe d’optique,
énoncé par Leibniz en 1682, qui, au premier abord, prêterait le
plus au rapprochement avec le principe de moindre action, ne
peut s’accorder avec lui que « par un pur hasard », comme le
disait Euler. D’ailleurs, bien que Leibniz affirme la
proportionnalité de la vitesse de la lumière et de la résistance
des milieux, il n’a songé aucunement à introduire la notion de
vitesse dans l’énoncé de son principe. Quant aux traités où
Leibniz fait une large place à la notion d’action comme l’Essai
de Dynamique ou la Dynamica de potentia et legibus naturae
corporeae, ils ne mettent en œuvre aucun principe variationnel.
Enfin le Tentamen Anagogicum, en revenant à un principe de
temps minimum, détruit toute possibilité d’assimilation du
principe optique leibnizien au principe de moindre action [17].

Suzanne Bachelard souligne également (avec raison, me semble-t-


il) que ce qui importe le plus à Leibniz est moins la spécification du
mode d’action de la finalité dans le cas concerné que la
démonstration du fait que l’on peut aboutir au même résultat que
Descartes par une voie différente et qu’il récuse dans son principe, à
savoir celle des causes finales :
On peut supposer que ce qui importe le plus pour Leibniz, c’est
de pouvoir retrouver la loi des sinus de Descartes par une
méthode opposée à celle de Descartes, c’est-à-dire par une
méthode qui fasse appel aux causes finales et non aux causes
efficientes. Il semble que Leibniz, une fois sa méthode
« finaliste » sanctionnée par le succès, accorde moins
d’importance aux spécifications de ce finalisme. Qu’importe que
la voie la plus aisée soit la voie du temps minimum ou
simplement la voie du produit minimum de la longueur du
chemin et de la résistance des milieux ! Mais, quoi qu’il en soit
de la justesse de cette supposition, l’on doit se rendre à
l’évidence que les conclusions dernières du Tentamen
anagogicum écartent tout rapprochement possible entre le
principe optique de Leibniz et le principe de moindre action [18].

Le premier principe que l’on s’accorde généralement à reconnaître


comme un principe variationnel de physique mathématique est le
principe de Fermat (1662). Comme je vous en avais déjà dit
quelques mots l’année dernière, je me contenterai, sur ce point, de
citer ce que dit Suzanne Bachelard à propos de la spécificité de la
démarche de Fermat, comparée à celle de Descartes :

Fermat […] conçut qu’il était possible de déterminer le trajet des


rayons lumineux par un principe d’économie, à savoir que « la
nature agit toujours par les voies les plus courtes » : le chemin
que suit la lumière pour aller d’un point à un autre est tel qu’il
soit parcouru en un minimum de temps. Au terme de sa
démonstration, Fermat retrouvait la même loi de proportion que
Descartes. Le principe de Fermat a prévalu et l’explication de
Descartes ne conserve aucune valeur. […]

L’intérêt du principe de Fermat pour l’épistémologue nous


semble résider dans la situation suivante : Fermat n’a pas peur
de proclamer les intentions téléologiques qui dirigeaient son
principe dans une époque dominée par le mécanisme cartésien.
Mais ce qui nous semble nouveau n’est pas que Fermat ait fait
revivre un principe de finalité de la Nature déjà affirmé dans
l’Antiquité, c’est le fait que le principe de Fermat est
effectivement un principe sur lequel se fonde une explication
mathématique des phénomènes de la nature [19].

Or ce qui pourrait sembler choquant, d’un point de vue moderne,


dans l’intervention d’une notion et d’un principe de finalité dans
l’explication d’un processus physique, devient beaucoup plus
acceptable quand on se rend compte que le point de vue de la
finalité n’est en fait rien d’autre que le point de vue du tout. Suzanne
Bachelard fait sur ce point la même constatation que Vuillemin à
propos de la signification réelle du principe de Hamilton :

Le mouvement réel est un mouvement qui se distingue des


mouvements fictifs : il est caractérisé par le fait que la variation
de l’action au sens de Hamilton est nulle quand on passe de ce
mouvement à des mouvements fictifs voisins. Cette « régularité
remarquable » du mouvement réel se révèle quand des
problèmes essentiellement globaux sont posés. C’est pourquoi
nous pensons que, le finalisme métaphysique étant rejeté, il ne
faut pas en conclure qu’il ne reste dans un principe comme celui
de Hamilton qu’un simple langage finaliste. Le langage finaliste
moderne traduit en vérité le sens global des problèmes étudiés
[20].

En ce qui concerne la signification du principe de moindre action,


Suzanne Bachelard écrit :

En réalité, reconnaître une téléologie du principe de la moindre


action, dans un style scientifique et non métaphysique, c’est
mettre au premier plan, comme nous venons de le dire, le point
de vue global pour la détermination des fonctions. […] La
donnée de conditions initiales reste le moyen de détermination
le plus usuel en mécanique. Mais le mathématicien moderne, à
côté de ce point de vue local, donne une valeur en eux-mêmes
aux problèmes globaux, où ce qui est donné, c’est, pourrions-
nous dire brièvement, non plus les conditions de départ, mais
une sorte de programme comportant le point d’arrivée. C’est
pourquoi la téléologie du principe énoncé par Hamilton ou du
principe de Maupertuis rectifié par Lagrange, prend tout son
sens mathématique à l’époque moderne, une fois reconnue
l’importance des problèmes globaux [21].

Or il est clair que la téléologie d’un principe comme le principe de


moindre action, une fois qu’elle est reconnue dans son sens
scientifique et non plus métaphysique, cesse d’être une chose à
laquelle on pourrait se contenter d’attribuer un rôle simplement
régulateur. Les causes finales, si l’on peut encore parler de choses
de ce genre, retrouvent, d’une certaine façon, un rôle constitutif et
une valeur objective, ce qui, bien entendu, aurait réjoui
profondément Leibniz.

Il faut ajouter à cela que, pas plus qu’il n’y a, à ses yeux, une
incompatibilité entre le monde des causes et le règne des fins, il n’y
en a une entre la liberté et le règne des lois en général. Un point sur
lequel j’ai déjà insisté à plusieurs reprises est le fait qu’il ne perçoit
pas, comme nous avons tendance à le faire, une antinomie entre le
fait que des actions sont libres et le fait qu’elles donnent lieu à des
régularités, y compris des régularités de l’espèce la plus stricte, et
sont soumises à des lois. Il n’y a évidemment rien qui soit plus
éloigné de la conception leibnizienne de la liberté que l’idée que
l’acte libre par excellence est l’acte gratuit, celui qui n’obéit à aucune
autre règle que celle de l’inspiration et de l’instant. C’est, bien
entendu, une raison de plus de ne pas supposer que l’intervention
de la liberté ne peut manquer d’introduire des complications et des
perturbations dans le cours régulier et ordonné des choses. Dans
l’«Abrégé », ajouté à la fin de la Troisième Partie de la Théodicée,
Leibniz écrit :

On nie la majeure de cet argument [Quiconque ne peut


manquer de choisir le meilleur n’est point libre] : c’est plutôt la
vraie liberté, et la plus parfaite, de pouvoir user le mieux de son
franc arbitre, et d’exercer toujours ce pouvoir sans en être
détourné, ni par la force externe [liberté d’agir], ni par les
passions internes [liberté de la volonté], dont l’une fait
l’esclavage des corps, et les autres celui des âmes. Il n’y a rien
de moins servile que d’être toujours mené au bien, et toujours
par sa propre inclination, sans aucune contrainte, et sans aucun
déplaisir [22].

Si, comme on le dit, Dieu ne peut vouloir et faire que le bien, un être
qui a été fait à son image – Leibniz parle, à son propos, d’un « petit
Dieu » ou d’une sorte de « divinité diminutive » – et qui a pour devoir
d’essayer de l’imiter devrait s’efforcer de se rapprocher, lui aussi,
autant que possible de cet idéal. De la nécessité morale, Leibniz dit :

Cette nécessité est appelée morale parce que, chez le sage,


nécessaire et dû sont des choses équivalentes ; et quand elle a
toujours son effet, comme elle l’a véritablement dans le sage
parfait, c’est-à-dire en Dieu, on peut dire que c’est une
nécessité heureuse [23].

En lisant des passages de ce genre, on mesure à quel point la


position de Leibniz est éloignée de celle de Kant. Il n’est
aucunement gêné par l’idée d’un être qui ferait en quelque sorte le
bien naturellement, en suivant à chaque fois sa propre inclination,
sans effort et sans déplaisir. Cela ne compromet à ses yeux ni la
liberté de l’agent ni la valeur morale de l’action effectuée. Même un
être dont la vie morale serait gouvernée par une sorte de loi
naturelle qui aurait pour conséquence qu’il fait toujours le bien et est
d’une certaine manière incapable de faire le mal n’en serait pas
moins libre et le serait même plus que n’importe qui d’autre.

Autant que nous avons des lumières et agissons suivant la


raison, autant serons-nous déterminés par les perfections de
notre propre nature et, par conséquent, nous serons d’autant
plus libres que nous serons moins embarrassés du choix [24].
Une des raisons pour lesquelles la liberté peut sembler incompatible
avec le déterminisme – et elle pourrait l’être, en fait, non seulement
avec le déterminisme des causes efficientes, mais également avec
celui des causes finales – est le fait qu’elle est souvent perçue
comme étant en quelque sorte l’antithèse de la régularité. Or le
déterminisme implique que les mêmes causes agissant dans des
circonstances identiques doivent nécessairement produire les
mêmes effets et peut sembler, de ce point de vue, en contradiction
avec l’idée même de la liberté. J’ai appelé l’année dernière la
« conception du caporal Trim », en référence au roman de Laurence
Sterne, La Vie et les opinions de Tristram Shandy, la conception de
la liberté qui tend à identifier celle-ci à peu près à l’absence
complète de régularité et de loi.

– Rien de plus triste, poursuivit le caporal, qu’une prison à vie –


rien de plus doux que la liberté.
– Rien, Trim, dit mon oncle Toby rêveur—
– Tant qu’un homme est libre – s’écria le caporal, tandis que son
bâton décrivait le moulinet page suivante [25]

J’avais cité également ce qu’écrit Valéry dans ses Analecta :

CXVI. IMAGE DE LA LIBERTÉ. Je ne sais plus où j’ai


représenté le « problème de la liberté » par cette image : qu’on
se figure deux mondes identiques. On remarque sur chacun
d’eux un certain homme, le même agissant mêmement. Tout à
coup, l’un des deux agit autrement que l’autre. Ils deviennent
discernables. Tel est le problème de la liberté. J’ajoute
aujourd'hui ceci : on peut représenter la nécessité par l’identité
de deux systèmes. Dire qu’une conséquence est nécessaire,
c’est dire que deux systèmes identiques en A. B. C. seront
identiques en D [26].

Valéry n’a pas tort, me semble-t-il, de considérer que la situation qu’il


décrit dans ce passage correspond, sinon à notre idée de la liberté,
du moins à une certaine image que nous nous faisons de celle-ci. Or
cette image est clairement en contradiction avec l’idée de l’unicité de
trajectoire ou d’évolution, qui constitue l’élément essentiel de ce
qu’on peut appeler le déterminisme leibnizien. Nous avons tendance
à penser qu’un être libre est un être qui, s’il avait la possibilité de
revenir en arrière, pourrait en principe réécrire son histoire et lui
imposer, à partir d’un point donné, une orientation différente, sans
que cela exige un changement quelconque dans la façon dont les
choses s’étaient passées jusqu’alors. Dans la trajectoire du système
que constitue un individu, la liberté est susceptible, chaque fois
qu’elle intervient, de faire par elle-même une différence et
d’introduire une bifurcation. Mais, comme on l’a vu, Leibniz soutient
que l’histoire d’un individu était inscrite de toute éternité dans sa
notion et n’aurait pu en aucun cas être différente de ce qu’elle a été,
ce qui, à ses yeux, ne l’empêche nullement d’avoir été influencée de
façon importante et même déterminante par des décisions libres.

Pour Leibniz, il y a une unicité complète de l’évolution, qui est aussi


bien celle de l’évolution qui a conduit à un état donné que celle de
l’évolution qui aura lieu à partir de lui. On peut formuler cette idée de
la façon suivante : un état donné de l’univers est toujours suivi (et
également précédé) par la même histoire des transitions d’états.
Cette condition exprime la croyance que Laplace exprimera en
disant que nous pouvons et devons considérer l’état présent de
l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de
l’état qui suivra. Voyez par exemple ce passage, déjà cité aussi l’an
passé, dans lequel Leibniz dit :
Et étant donné que toute série ordonnée implique une règle de
continuation ou une loi de progression, Dieu en examinant à
fond n’importe quelle partie de la série voit par le fait en elle
toutes les choses qui précèdent et toutes celles qui suivent. Et
pourtant la liberté des esprits n’est pas supprimée pat là [27].

Or la suite des états par lesquels passe une substance individuelle


dans le cours de son existence est, ne l’oublions pas, une série
ordonnée en ce sens-là, soumise à sa propre règle de continuation
ou à sa propre loi de progression. En termes techniques, l’unicité de
l’évolution signifie que, si le modèle mathématique dont nous nous
servons pour décrire l’évolution du système est ramené à son état
initial (ou à l’un quelconque de ses états dans l’histoire des
transitions qui s’effectuent d’un état à un autre), il reproduira
exactement la même histoire et repassera par la même succession
d’états. Autrement dit, une fois spécifiées les conditions initiales et
les conditions aux limites, il n’y a réellement qu’une seule évolution
possible. Et la même chose est vraie si on considère le système
dans son état terminal et se demande par quelle succession d’états
il est passé pour y arriver.

La question que j’ai abordée dans ce cours était : « Peut-il y avoir


une téléologie non métaphysique ? » Si elle signifie : « L’explication
mécanique peut-elle se substituer entièrement à l’explication
métaphysique, en particulier à celle qui fait un recours essentiel aux
causes finales ? », la réponse de Leibniz est clairement négative.
Mais il peut y avoir également une tentation inverse, à laquelle il
résiste avec une vigueur au moins aussi grande : celle de croire que
l’explication métaphysique et les principes qui gouvernent le
royaume des fins peuvent remplacer avantageusement la
mécanique et l’explication par les causes efficientes dans le
domaine qui leur appartient en propre.

Bien que les attributs des corps qui sont confus puissent être
ramenés à des attributs distincts, il faut savoir que les attributs
distincts sont de deux genres, les uns en effet doivent être
empruntés à la science mathématique, les autres à la
métaphysique. À la science mathématique assurément la
grandeur, la figure, la situation et leurs variations ; mais à la
métaphysique l’existence, la durée, l’action et la passion, la
puissance d’agir et la perception de la fin de l’action ou de
l’agent. C’est pourquoi j’estime qu’il y a dans tout corps un
certain sens ou appétit, ou encore une âme, et que, par
conséquent, attribuer au seul homme la forme substantielle et la
perception ou l’âme est aussi ridicule que de croire que toutes
les choses ont été faites à cause de l’homme et que la terre est
au centre de l’univers. Mais, d’un autre côté, je suis d’avis
qu’une fois que nous aurons démontré à partir de la sagesse de
Dieu et de la nature de l’âme des lois de la nature mécaniques
générales, recourir partout dans l’explication de phénomènes
particuliers de la nature à une âme ou à une forme substantielle
est aussi inepte que de recourir en tout à une volonté de Dieu
absolue [28].
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 23. Vérités de raison et vérités de fait

Dans son livre Les Lumières radicales (dont l’original anglais est
paru en 2001 et la traduction française en 2005), Jonathan Israel a
défendu, d’une part, l’idée que le courant de pensée qui correspond
à ce que l’on peut appeler les Lumières radicales a joué, au sein du
mouvement des Lumières lui-même et en général, un rôle beaucoup
plus déterminant qu’on ne l’admet généralement et, d’autre part,
l’idée que l’inspirateur et le penseur le plus important de la tradition
des Lumières radicales a été incontestablement Spinoza :

Les Lumières radicales, loin de n’être qu’un développement


marginal au sein des Lumières, en furent partie intégrante et,
probablement plus encore que les Lumières modérées, furent
un facteur de cohésion internationale. Souvent, les Lumières
modérées se contentèrent de réagir au formidable danger que
représentait aux yeux de tous la pensée radicale, ce dont elles
étaient d’ailleurs douloureusement conscientes. De nombreux
chercheurs seront, je suppose, assez surpris de l’importance
majeure accordée ici au rôle de Spinoza et du spinozisme, non
seulement sur le continent, mais aussi en Grande-Bretagne, où
l’historiographie traditionnelle refuse de reconnaître que
Spinoza a eu la moindre influence. Pourtant une lecture
attentive des sources suggère fortement, du moins me semble-
t-il, que Spinoza et le spinozisme constituaient, en fait,
l’armature intellectuelle des Lumières radicales, partout en
Europe, non seulement aux Pays-Bas, en Allemagne, en
France, en Italie et en Scandinavie, mais aussi au Royaume-Uni
et en Italie [1].

Jonathan Israel rend un hommage mérité, au début de son livre, à


Paul Hazard, auteur d’un ouvrage qui est paru en 1935 et qui est
devenu rapidement un classique, La Crise de la conscience
européenne, 1680-1715. Paul Hazard avait déjà souligné que
les audaces de l’Aufklärung […] apparaissent pâles et menues,
à côté des audaces agressives du Tractatus theologico-
politicus, à côté des audaces vertigineuses de l’Éthique. Ni
Voltaire, ni Frédéric II, n’ont atteint la frénésie anticléricale,
antireligieuse d’un Toland [2].

Mais, par rapport à celui de Hazard, le livre de Jonathan Israel


innove de façon importante, au moins sur deux points. D’une part, il
se propose de montrer qu’il faut faire commencer, en réalité, la crise
dont il est question une trentaine d’années plus tôt, dans les années
1650, et que, si Hazard ne l’a pas fait, c’est parce qu’il s’est attaché
trop exclusivement aux évolutions qui ont eu lieu en France. D’autre
part, le rôle absolument central qui doit être attribué à Spinoza dans
l’histoire de la première Aufklärung et de l’Aufklärung en général y
est souligné, argumenté et documenté de façon beaucoup plus
détaillée. La raison pour laquelle la question nous intéresse est
évidemment le fait que, si Spinoza peut être considéré comme le
penseur de référence des Lumières radicales et athées ou, en tout
cas, déistes, Leibniz peut être perçu, pour sa part, comme le
défenseur par excellence des Lumières modérées et chrétiennes, et
s’est trouvé lui-même, de ce fait, confronté, de la façon la plus
directe qui soit, au problème posé par Spinoza et le spinozisme.

Selon Israel,

ce fut […] Spinoza, plus qu’aucun autre penseur, qui fournit aux
esprits forts du début et du milieu du dix-huitième siècle leurs
plus puissantes armes intellectuelles [3].

Il n’y a donc rien d’étonnant dans le fait qu’il soit apparu assez
rapidement comme une sorte de croquemitaine philosophique, non
seulement aux yeux des traditionalistes, mais également à ceux d’un
bon nombre de défenseurs des Lumières eux-mêmes.

Spinoza devint […] le grand croquemitaine philosophique de


l’Europe des premières Lumières. C’est là un fait que les
historiens n’ont guère souligné. Il a été et il reste beaucoup plus
courant de souligner que Spinoza fut rarement compris et que
son influence était réduite, exemple typique d’une ritournelle
historiographique persistante qui est parfaitement erronée, mais
n’en a pas moins exercé, depuis le XIXe siècle, un attrait jamais
démenti sur des universitaires aux sensibilités les plus diverses.
En fait, Spinoza, durant un siècle, de 1650 à 1750, n’a eu aucun
rival ayant approché sa notoriété en tant qu’adversaire principal
des fondements de la religion révélée, des idées reçues, de la
tradition, de la moralité, et de ce qui était considéré, aussi bien
dans les États absolutistes que dans ceux qui ne l’étaient pas,
comme une autorité politique de droit divin [4].

Il n’en a pas fallu davantage pour qu’être soupçonné de sympathies


pour Spinoza et pour le spinozisme devienne, à peu près la pire des
choses qui puisse arriver à quelqu’un qui avait une position et une
réputation, intellectuelle ou autre, à défendre.

Dès le début du xviiie siècle, le spinozisme fut communément


perçu comme la parfaite antithèse et l’adversaire le plus résolu
de l’autorité reçue, de la tradition, des privilèges et du
christianisme. Cela créa une tension psychologique manifeste
dans le monde universitaire et la « république des lettres », qui
n’était pas sans ressembler à la paranoïa intellectuelle et
idéologique suscitée par le marxisme dans les sociétés
occidentales au cours de la première moitié du xxe siècle.
Désigner quelqu’un comme « spinoziste » ou lui attribuer des
penchants spinozistes revenait en fait à le diaboliser et à exiger
qu’il fût traité en paria, en ennemi public et en traitre. Qu’un
universitaire, un courtisan érudit, un officier, un homme de
lettres, un éditeur ou un ecclésiastique, se voie accusé de
« spinozisme » par une dénonciation publique ou une rumeur
plus diffuse, et c’était sa situation personnelle, ses projets et sa
réputation, l’image qu’il laisserait à la postérité, qui étaient
menacés. Bien souvent, la seule façon de protéger son statut
social et son bien-être était de riposter en retournant
l’accusation contre ceux qui l’avaient formulée, ce qui pouvait
exiger une certaine ingéniosité [5].

Le jeune mathématicien Jean Bernoulli (1667-1748), qui à l’époque


hésitait plutôt entre Descartes et Leibniz et n’était certainement pas
tenté par la philosophie de Spinoza, fut pourtant impliqué lui-même
en 1702, à Groningue, dans une affaire de cette sorte. Ce fut un
exemple remarquable d’un type de confrontation assez fréquent à
l’époque, dans lequel chacun des deux adversaires en présence
s’efforçait de démontrer que le plus spinoziste des deux n’était peut-
être pas celui qu’on croyait.

Il n’est pas difficile de comprendre le problème délicat que cette


situation a pu créer pour Leibniz. La volonté de mettre la plus grande
distance possible entre ses propres idées et celles des Lumières
radicales, tout en restant en principe entièrement fidèle au projet et
aux idéaux des Lumières, a évidemment joué un rôle très important
dans l’évolution de ses conceptions philosophiques et dans la
construction de son propre système. Leibniz a toujours été
particulièrement attentif à ce qu’écrivait Spinoza et désireux d’en
prendre connaissance le plus vite possible. La première mention
qu’il fait de Spinoza date de 1669, dans une lettre à Jakob
Thomasius, dont il avait été l’élève à Leipzig. L’année suivante, il a
fait une lecture approfondie et assortie de commentaires critiques du
Tractatus theologico-politicus, qui était paru à la fois en Hollande et
en Allemagne. Quelques années plus tard, alors qu’il était à Paris, il
a essayé d’obtenir de Spinoza, par l’intermédiaire de Tschirnhaus,
l’autorisation de lire le manuscrit non publié de l’Éthique. Il n’est
finalement pas parvenu à ses fins, mais il s’est fait une idée assez
précise du contenu de l’ouvrage, notamment grâce aux
conversations qu’il a eues sur le sujet avec Tschirnhaus, et il s’est,
comme on pouvait le prévoir, empressé de lire l’Éthique et de réagir
à ce qu’il était en train lire, dès que le texte fut devenu accessible,
dans les Opera posthuma de Spinoza, qui ont été publiés à
Amsterdam en 1677-1678. En 1676, lors d’un séjour au Pays-Bas il
avait pu, du reste, rencontrer enfin directement Spinoza à La Haye
et il avait eu plusieurs entretiens avec lui. Mais, pour les raisons dont
j’ai essayé il y a un instant de vous donner une idée, il s’est abstenu
de façon générale de mentionner le fait qu’il le connaissait et l’avait
rencontré (de même que certaines des personnes qui comptaient,
du point philosophique, parmi ses sympathisants), et qu’il y avait eu
entre lui et Spinoza un échange de correspondance. Il n’a parlé de
cela qu’à certains de ses proches comme le landgrave Ernest de
Hessen-Rheinfels.

Jonathan Israel a certainement raison de remarquer qu’il n’y avait


pas seulement, chez Leibniz, la curiosité intellectuelle ressentie pour
la personnalité et l’œuvre d’un penseur qui passait à l’époque pour
un des plus importants et le désir d’entrer en contact avec lui. J’ai eu
l’occasion de vous parler l’année dernière de la façon dont Leibniz a
reconnu lui-même qu’il était allé à un moment donné très loin dans le
sens du spinozisme, avant de reculer au dernier moment au bord du
précipice. Son aveu, écrit Jonathan Israel, « montre clairement que
Leibniz manqua lui-même un temps d’être aspiré dans l’orbite de la
pensée radicale » [6]. C’est peut-être beaucoup dire, mais il avait en
tout cas certainement été tenté pendant un temps d’accepter le
nécessitarisme radical, qui constitue une des caractéristiques
centrales de la conception spinoziste.

Pour ce qui concerne sa réception des idées de Spinoza et la façon


dont il s’est comporté à son égard, le cas de Leibniz reste malgré
tout, pour plusieurs raisons, réellement à part. Pour commencer, il y
a certainement peu de philosophes qui aient jamais été aussi
étrangers qu’il l’était à la peur du croquemitaine et à toute espèce de
paranoïa. À la différence de la plupart des adversaires de Spinoza, il
ne dramatise jamais réellement la situation et ne perd jamais son
calme, ni un certain souci d’honnêteté et d’équité dans la discussion
critique, qui manque à la plupart d’entre eux. De toute façon, pour
lui, l’existence d’un penseur comme Spinoza, aussi pernicieux que
puisse être son enseignement philosophique, fait partie après tout
du meilleur des mondes possibles et ne peut que contribuer, elle
aussi, au moins indirectement, à rehausser la qualité de l’ensemble.
Elle est non seulement compatible avec elle, mais même exigée par
elle. On peut remarquer, à ce propos, que la conviction que nous
vivons dans le meilleur des mondes possibles, si elle peut sembler à
première vue tout à fait naïve et difficile, pour ne pas dire impossible
à prendre au sérieux, a au moins un effet positif, celui de rendre
tolérant à l’égard du mal apparent que constituent les doctrines
religieuses et philosophiques que l’on estime fausses. Bien qu’il soit
un chrétien convaincu, Leibniz est réellement un penseur de la
tolérance, aussi bien en matière religieuse qu’en matière
philosophique, et il est sur ce point très en avance par rapport à la
mentalité de l’époque.

Vouloir traiter de la réunion avec les protestants – écrit le Prince


de Hesse-Rheinfels dans une lettre à Nicole, qui apparemment
n’a jamais été envoyée – avant que d’avoir adouci les esprits
par la tolérance, c’est vouloir s’amuser à catéchiser un homme
qui est prêt à se noyer, au lieu de le tirer de son péril [7].

Leibniz approuve, bien entendu, complètement ce point de vue et il


s’oppose, lui aussi, radicalement aux conversions obtenues par la
force, qui ne peuvent constituer une aide à la vraie religion mais
seulement un encouragement à l’hypocrisie :

On ne doit point faire des hypocrites, car un véritable Huguenot


vaut mieux sans comparaison qu’un faux catholique, et sera
bien plus tôt sauvé sans aucun doute [8].

On peut remarquer en passant que Leibniz approuve également


sans réserve le point de vue défendu par le landgrave à propos des
juifs et sa condamnation de l’antisémitisme des Églises chrétiennes :

Je suis tout à fait d’accord sur ce point, et crois qu’on doit traiter
les juifs avec beaucoup de douceur, et même quelques fois je
suis étonné du dérèglement de notre goût en fait d’estime. Il n’y
a point de race plus noble que celle des juifs, puisque le Messie
en est issu, sans parler des patriarches et des apôtres [9].

La raison invoquée n’est sans doute pas la meilleure et la plus


déterminante possible, mais cela n’enlève rien à la justesse de la
conviction exprimée par Leibniz

Deuxièmement, Leibniz est généralement beaucoup mieux informé


que ne le sont, de façon générale, les détracteurs de Spinoza, et
plus conscient de la nature aussi bien des enjeux réels que de la
difficulté de la tâche.

Le penseur à qui la première Aufklärung devait le plus et, à en


croire Formey, le « plus grand génie que l’Allemagne ait
produit », Leibniz, était aussi un critique et un observateur sans
égal de la philosophie de son époque. La façon dont il
interprétait chacun des nouveaux développements intellectuels
en Europe témoignait d’un discernement hors du commun.
Souvent, comme dans le cas de Locke et de Newton, son
jugement précédait celui de la plupart des autres savants de
plusieurs décennies. Il n’est donc pas négligeable pour l’histoire
des idées que Leibniz, plus que tout autre observateur de la
pensée de son époque, excepté peut-être Bayle, ait compris
dès le départ les implications majeures pour l’humanité du
nouveau mouvement philosophique radical. Son dévouement à
la défense de l’autorité du prince et de la tradition, ainsi que son
désir de réunifier et de consolider les Églises, en firent le
premier et le plus résolu de tous les adversaires de la pensée
radicale, ainsi que le plus éminent architecte des Lumières
modérées dominantes en Allemagne, en Scandinavie et en
Russie [10].

Un troisième élément qui confère à Leibniz une place un peu


exceptionnelle dans la confrérie des adversaires de Spinoza est qu’il
n’a manifestement jamais eu aucun doute sur le fait qu’il s’agissait
réellement d’un penseur d’une importance majeure et qu’il avait été
dès le début et est resté jusqu’au bout très impressionné par l’attrait
et par la force philosophique et intellectuelle de ses conceptions et
de sa démarche, aussi fallacieuses et dangereuses qu’elles puissent
être à ses yeux. Alors que les réfutations de Spinoza qui se
multiplient à l’époque sont souvent le fait de gens qui ne peuvent
pas ou ne veulent pas comprendre et relèvent assez fréquemment
de la diffamation intellectuelle pure et simple, Leibniz, comme
toujours, tient à comprendre ; il pense que Spinoza doit être discuté
avec précision et réfuté, au lieu d’être calomnié et injurié, et qu’il est
beaucoup plus difficile à réfuter qu’on ne se l’est imaginé la plupart
du temps. En fait, il semble s’être convaincu assez rapidement qu’il
n’y avait pas eu jusqu’à présent de réfutation réellement
convaincante de la doctrine spinoziste et qu’aucun des adversaires
qui essayaient de s’opposer à lui ne disposait véritablement des
moyens philosophiques qui lui auraient permis de l’emporter.
Comme le dit Israel :

À ses yeux, ni l’aristotélisme, ni le cartésianisme, ni le


malebranchisme, ni le fidéisme de Huet et Sténon, ni, plus tard,
l’empirisme de Locke, en fait, aucun des systèmes alternatifs
existants, n’était capable de fournir un nouveau cadre
convaincant, viable et complet [11].

À partir d’un certain moment, Leibniz semble avoir pensé que, parmi
le grand nombre de ceux qui partageaient son inquiétude, il était le
seul à avoir ou en tout cas à être en train de construire le genre de
système philosophique qui pouvait permettre de triompher de la
menace que le spinozisme était susceptible de représenter pour
l’autorité, la tradition et la religion. Et c’est un système dont il n’y a
pas lieu d’être surpris qu’il fasse effectivement des concessions très
importantes et, aux yeux de certains de ses critiques, beaucoup trop
importantes au spinozisme.

À peu près dans toutes les attaques qui sont formulées à l’époque
contre la philosophie de Spinoza, on retrouve, dans la liste des
calamités dont il est censé être le responsable principal, des choses
comme le fatalisme, l’athéisme ou le déisme, le naturalisme, le
matérialisme, le mécanisme, l’incrédulité religieuse, l’impiété et
l’immoralité. « Fatalisme » est le terme péjoratif qui est utilisé
communément pour désigner toutes les conceptions que nous
appellerions plutôt aujourd’hui, de façon plus neutre,
« nécessitaristes ». Tous les adversaires de Spinoza se rendent
compte que la question du fatalisme est bel et bien centrale, parce
que toutes les conséquences funestes de la doctrine résultent d’une
certaine façon déjà effectivement de lui. Bien que Spinoza soutienne
que Dieu est une cause libre et qu’il est même la seule cause qui
soit réellement libre [12], parce qu’elle est la seule qui ait la capacité
d’agir entièrement en vertu de la nécessité de sa propre nature, il
s’agit d’une cause qui produit ses effets sous la forme d’une
causalité qui est purement immanente et qui n’implique rien de tel
que la volonté et le choix. En détruisant complètement, en premier
lieu dans le cas de Dieu lui-même, l’idée que l’on se fait
habituellement de la liberté, Spinoza détruit également, aux yeux de
ses détracteurs, celle de la responsabilité et de la rétribution
morales, et, par conséquent, ébranle directement les fondements de
la morale et de la religion elles-mêmes.

Dans les Cogitata Metaphysica, une œuvre de jeunesse qui était


parue en 1663, il avait affirmé que :

Si les hommes connaissaient clairement l’ordre entier de la


nature, ils trouveraient toutes choses aussi nécessaires que
toutes celles dont il est traité dans la mathématique [13].

Cela signifie clairement que toute la nécessité existante est de type


mathématique, ce que conteste justement Leibniz. Puisque « la
volonté et la puissance de Dieu, quant à leur action extérieure, ne se
distinguent pas de son entendement [14] », il ne peut pas y avoir
dans la nature deux espèces de nécessité, dont l’une est à mettre en
rapport avec son entendement, et l’autre avec sa volonté. Une
conséquence qui résulte immédiatement de cela est qu’il ne peut
pas y avoir le genre de différence que l’on imagine généralement
entre les nécessités qui ont trait à l’essence et celles qui ont trait à
l’existence, les premières étant supposées dépendre de ce que
connaît l’entendement de Dieu et les secondes de ce que veut sa
volonté.

Nous disons […] que la nécessité d’exister dans la réalité ne se


distingue pas de la nécessité de l’essence (chapitre IX,
partie II) ; en disant que Dieu a décrété que le triangle doit être,
nous ne voulons dire que ceci : Dieu a établi l’ordre de la nature
et des causes de telle sorte qu’à tel moment déterminé le
triangle doive être nécessairement ; et, par suite, si nous
comprenons l’ordre des causes tel qu’il a été établi par Dieu,
nous trouverons que le triangle doit exister dans la réalité à tel
moment déterminé avec la même nécessité que nous trouvons
maintenant, quand nous considérons sa nature, que ses trois
angles doivent être égaux à deux droits [15].

C’est évidemment tout à fait inacceptable pour Leibniz, pour qui les
nécessités qui relèvent de l’essence, comme celles de la logique et
des mathématiques, ne font intervenir que l’entendement de Dieu et
sont complètement indépendantes de sa volonté, alors que les
nécessités qui ont trait à l’existence impliquent, de sa part, une
décision de la volonté, qui choisit de faire exister le meilleur des
mondes possibles.

Une idée qui choque particulièrement Spinoza et dont on peut dire


sans paradoxe qu’elle est, à ses yeux, complètement irréligieuse, est
celle qui veut que la nécessité qui gouverne les processus et les
événements naturels puisse comporter des exceptions voulues par
Dieu. Elle ne le peut pas plus, en réalité, que la nécessité
mathématique. Dans le Tractatus theologico-politicus, Spinoza s’en
prend ouvertement à la possibilité même des miracles en donnant
comme raison le fait qu’agir contre les lois de la nature reviendrait en
réalité, pour Dieu, à agir contre sa propre nature. Dans le sommaire
du Court Traité, il est dit que l’auteur
réfute l’opinion de ceux qui veulent que Dieu se révèle et se
fasse connaître à l’homme par quelque autre chose que sa
propre essence ; à savoir quelque chose de fini ou de limité, ou
sous quelque signe extérieur, par exemple des paroles ou des
miracles [16].

Il va sans dire qu’en s’en prenant ainsi directement à l’idée même de


Révélation, qui suppose que Dieu ne peut se faire connaître à nous
que par des choses particulières qu’il dit ou fait, et non pas
simplement par ce qu’il est, par des paroles ou par des actes
spéciaux, qui constituent en outre des dérogations à la nécessité qui
gouverne tout ce qui a lieu dans la nature, Spinoza ne pouvait
manquer d’apparaître comme un ennemi déclaré et particulièrement
radical de la religion, en tout cas d’une religion comme la religion
chrétienne.

Alors que, pour Leibniz, les lois de la nature doivent être


considérées en quelque sorte comme des coutumes de Dieu,
auxquelles il peut choisir, pour de bonnes raisons, de déroger,
Spinoza affirme que les lois de la nature ont une nécessité qui est de
type géométrique et une validité qui est absolument universelle,
autrement dit, ne souffre pas d’exceptions. Leibniz est, comme nous
l’avons vu, en désaccord total avec lui sur ces deux points : les lois
de la nature, pour lui, n’ont pas de nécessité logique ou
géométrique ; elles pourraient sans contradiction être différentes de
ce qu’elles sont ; autrement dit, elles sont contingentes ; et elles ne
sont même pas vraies sans exception. Quand Leibniz parle d’une
réduction de toute la nécessité à la nécessité géométrique, il a
évidemment de bonnes raisons pour cela. Spinoza soutient que Dieu
ne pourrait pas plus faire que les effets qui résultent nécessairement
de sa nature ne se produisent pas qu’il ne pourrait faire que la
somme des angles d’un triangle ne soit pas égale à deux droits [17].
Selon lui,

Il n’est pas de la nature de la Raison de contempler les choses


comme contingentes, mais comme nécessaires. (De natura
Rationis non est res, ut contingentes, sed ut necessarias,
contemplari. [18])

La nécessité des choses, telles qu’elles résultent de la nature de


Dieu, est de la même nature que celle de la démonstration
rationnelle. Un corollaire important qui résulte de cela est que la
distinction du nécessaire et du contingent dans les choses qui
arrivent n’a aucun caractère proprement rationnel et ne dépend en
réalité que de l’imagination :

De là suit qu’il dépend de la seule imagination que nous


contemplions les choses, à l’égard tant du passé que du futur,
comme contingentes [19].

C’est, bien entendu, encore une conclusion que Leibniz ne peut que
rejeter totalement. Que les progrès de la connaissance rationnelle
aboutissent en un certain sens à une réduction toujours plus
poussée du domaine de la contingence et nous persuadent que tout
est d’une certaine façon nécessaire, est une chose qu’il peut
admettre. Mais le point important est que tout n’est pas et ne peut
pas être nécessaire dans le sens dans lequel Spinoza affirme qu’il
l’est.

Voyez sur ce point la remarque de Philon dans les Dialogues sur la


religion naturelle de Hume. Si nous disposions de la connaissance
mathématique requise, nous découvririons peut-être que l’ordre et
l’harmonie, que nous admirons comme des propriétés
extraordinaires, n’empêchent pas les choses de n’être, en fin de
compte, jamais rien d’autre que ce qu’elles ne peuvent, de toute
façon, éviter d’être :

N’est-il pas probable […] que toute l’économie de l’univers est


conduite par […] la nécessité, bien qu’aucune algèbre humaine
ne puisse fournir une clé qui résolve la difficulté ? Et, au lieu
d’admirer l’ordre des êtres naturels, ne peut-il pas se faire que,
si nous pouvions pénétrer dans la nature ultime des corps, nous
verrions clairement pourquoi il était absolument impossible qu’ils
puissent jamais admettre une autre disposition quelconque
[20] ?

C’est la conception que C.S. Lewis caractérise comme celle du


naturalisme.

Par naturalisme nous entendons la doctrine selon laquelle seule


la nature – tout le système interconnecté – existe. Et si c’était
vrai, toute chose et tout événement serait, si nous en savions
suffisamment, explicable sans reste comme […] un produit
nécessaire du système. Le système tout entier étant ce qu’il est,
cela devrait être une contradiction dans les termes si vous
n’étiez pas en train de lire ce livre en ce moment [21].

C’est exactement ce que pense Spinoza : il n’y a rien en dehors de


la nature elle-même et, pour expliquer ce qui, quoi que ce puisse
être, se passe dans le monde naturel, on n’a jamais besoin
d’invoquer autre chose que l’ordre fixe et immuable de la nature.

Pour ce qui concerne le contexte historique dans lequel la question


est discutée, Jonathan Israel observe que :

Au moment d’aborder la seconde moitié des années 1670,


Spinoza se trouvait à la tête d’un mouvement philosophique
radical dont l’ancrage était hollandais, mais l’horizon résolument
européen. Bien que ses livres fussent illégaux, paradoxalement
aucun penseur contemporain, à la seule exception de
Descartes, n’avait bénéficié d’une réception aussi large en
Europe durant ce dernier quart de siècle, même si, dans son
cas, cette réception était massivement (mais pas exclusivement,
loin de là) hostile [22].

Or c’est justement à cette situation que Leibniz s’est trouvé


confronté pendant la période au cours de laquelle il a élaboré ses
propres solutions et est arrivé progressivement à ce qu’on est
convenu d’appeler sa philosophie de la maturité. Je n’ai pas besoin,
je pense, d’en dire davantage, pour que vous compreniez clairement
pourquoi la question de la nécessité et de la contingence a pris,
dans le débat, une importance aussi centrale. Et il n’est peut-être
pas inutile de rappeler à ce propos que, si on peut éventuellement
trouver étonnant et un peu regrettable que Leibniz manifeste autant
d’empressement à défendre la cause de la religion, il n’a pas
nécessairement tort, en revanche, de chercher à défendre, contre
Spinoza, la réalité de la contingence. Pour ce qui est de savoir dans
quelle mesure il y parvient effectivement, c’est évidemment une
autre question.

Spinoza présente son Éthique comme « démontrée more


geometrico », ce qui signifie qu’elle n’a consisté, en principe, qu’à
expliciter les conséquences qui résultent logiquement d’un certain
nombre de définitions et d’axiomes admis au départ. Jonathan Israel
note que :

Un opposant de la fin du xviie siècle [Poiret] dénonça en


Spinoza le fondateur d’une nouvelle idolâtrie, le culte du
« spectre » de la « certitude mathématique ». C’est en effet la
« logique mathématique » qui informe la conception spinoziste
de la vérité et lui fournit une norme pour juger de ce qui est
vrai ; et cette application universelle de la rationalité
mathématique constitue, de Spinoza à Marx, le lien essentiel
entre la révolution scientifique et la tradition de pensée radicale
[23].

Je ne sais pas si le terme de « logique mathématique » est


réellement approprié pour désigner ce dont il s’agit. Mais ce qui n’est
pas contestable est que l’accusation formulée sur ce point contre
Spinoza n’est pas totalement dénuée de pertinence, puisqu’il est
incontestablement, de tous les penseurs importants de l’époque,
celui qui manifeste la confiance la plus grande dans les possibilités
de la rationalité mathématique et est le moins disposé à imposer des
limites quelconques à son application. Ce n’est évidemment pas
l’aspect de sa doctrine et de sa méthode auquel ses admirateurs et
ses disciples actuels accordent le plus d’intérêt, mais cela n’en est
pas moins un aspect tout à fait essentiel :

Spinoza, en tant que penseur, affirme être en quête d’« idées


vraies » à propos de la nature et de la manière dont elle opère,
conçue en termes de cause et effet mathématiquement
vérifiables. Cela le conduisit à adopter une conception de la
rationalité scientifique unique par sa rigueur et sa globalité et à
rejeter sans relâche et souvent avec mépris les arguments, les
croyances et les traditions qui contredisent les lois de la nature
exprimées en termes mécaniques, mathématiquement
vérifiables. Cette position plus extrémiste et maximaliste à cet
égard que celle de tout autre penseur scientifique jusqu’à La
Mettrie et Diderot – Boyle ou Newton étant notamment
beaucoup plus modérés – fait de lui une figure exceptionnelle et
remarquable dans l’histoire de la modernité et de la pensée
scientifique [24].

Incontestablement, la pensée scientifique de Spinoza est celle qui


accorde à la science l’autonomie la plus grande et l’extension la plus
illimitée :

Ce que la pensée scientifique de Spinoza comporte de plus


important et de plus exceptionnel est somme toute l’idée que le
champ d’application de la philosophie naturelle, c’est-à-dire de
la science, est universel et qu’il n’existe aucun domaine réservé
au-delà. D’où le grand contraste entre la rationalité scientifique
de Spinoza et celle de n’importe quel philosophe ou savant
majeur de l’époque, à commencer par Descartes. « J’ai
souvenir – nota Oldenbourg, en octobre 1665, en évoquant
sans le savoir les remarques faites en vérité par Meyer dans sa
préface de l’ouvrage de Spinoza sur Descartes [25] – que vous
avez donné à entendre quelque part qu’il était possible aux
hommes de connaître et d’expliquer clairement beaucoup de
ces matières que Descartes déclarait passer notre
compréhension, et même parmi les plus hautes et subtiles. »
[…] Il fallait pour cela […] étendre de façon radicale la
conception mécaniste du monde de Descartes à l’ensemble de
la réalité [26].

Leibniz est évidemment tout à fait d’accord avec l’idée qu’il faut
dorénavant essayer de penser et de raisonner mathématiquement
sur le plus grand nombre de sujets possibles en dehors des
mathématiques proprement dites, y compris dans la métaphysique
elle-même. Et il est convaincu, comme Spinoza, que la conception
mécaniste du monde peut être étendue bien au-delà des limites que
Descartes lui imposait encore. Mais il n’en reste pas moins que,
même si les ressources du mécanisme étaient exploitées en totalité
et son domaine d’application étendu au maximum, cela ne
permettrait cependant pas, selon lui, d’expliquer l’ensemble de la
réalité, puisque celle-ci comporte des aspects essentiels qui exigent
un autre type d’explication, dans lequel interviennent
nécessairement les causes finales et le principe de perfection. Pour
expliquer le réel dans sa totalité, il faut faire appel à un autre type de
nécessité que la nécessité géométrique et un autre type de
rationalité que la rationalité mathématique, au sens strict, même s’il
est vrai que le calcul du meilleur relève encore d’une mathématique
d’une certaine sorte, qui est cependant réservée à Dieu. Qui plus
est, du point de vue de Leibniz, il y a malheureusement une distance
considérable entre la pratique de Spinoza et l’idéal dont il se
réclame. Ses définitions de notions cruciales comme celles de la
nécessité et de la contingence sont imprécises et fluctuantes, et ses
démonstrations sont souvent fautives.

La tâche qui s’impose est donc double : il faut (1) fournir une analyse
beaucoup plus précise et, si possible, une explication réelle de la
distinction entre vérités nécessaires et vérités contingentes, et (2) se
mettre d’accord sur ce que l’on doit entendre exactement par une
démonstration.

En ce qui concerne le premier point, Leibniz a reconnu lui-même


qu’il lui avait fallu du temps pour aboutir à la réponse et qu’elle lui est
venue d’un endroit où on ne penserait pas spontanément à la
chercher, à savoir l’analyse des infinis. Or ce que la réponse
confirme et qui est essentiel pour quelqu’un qui tient par-dessus tout
à réfuter Spinoza est que les distinctions modales comme celles du
nécessaire et du contingent sont bel et bien objectives – aussi
objectives, en fait, que peut l’être la distinction entre deux espèces
de nombres, en l’occurrence, les nombres rationnels et les nombres
irrationnels. Loin d’être un pur produit de l’imagination, la distinction,
qui repose sur l’analyse des propositions, a un caractère
mathématique et peut être mathématiquement fondée ou en tout cas
représentée.

Il y a une distinction essentielle entre vérités nécessaires ou


vérités éternelles, et vérités de fait ou vérités contingentes, et
elles différent entre elles à peu près comme les nombres
rationnels et les nombres sourds. Car les vérités nécessaires
peuvent être ramenées à des identiques, comme les quantités
commensurables peuvent l’être à une commune mesure ; mais
dans les vérités contingentes, comme dans les nombres sourds,
la résolution va à l’infini, et ne se termine jamais ; c’est pourquoi
la certitude et la raison parfaite des vérités contingentes n’est
connue que de DIEU, qui embrasse l’infini d’un seul coup d’œil.
Et une fois connu ce secret, la difficulté concernant la nécessité
universelle de toutes choses est éliminée, et ce qu’il y a entre
l’infaillible et le nécessaire devient manifeste [27].

Une des difficultés principales que soulève la réponse que Leibniz


estime avoir été en mesure d’apporter à la question – et c’est une
difficulté sur laquelle j’aurai à revenir plus tard – est celle qui est
mentionnée par Mates. Leibniz propose, en fait, deux
caractérisations différentes pour les notions de vérité nécessaire et
de vérité contingente ; et il considère manifestement comme allant à
peu près de soi qu’elles sont équivalentes, mais il n’éprouve à aucun
moment le besoin d’essayer de le démontrer. Après avoir cité un
certain nombre de passages typiques dans lesquels Leibniz procède
de cette façon, Mates écrit :
Comme le montrent de façon évidente ces citations et de
nombreux passages semblables, deux caractérisations
différentes (bien qu’à première vue parfaitement compatibles)
de la nécessité et de la contingence peuvent être trouvées chez
Leibniz. D’un côté, une vérité nécessaire est définie comme une
proposition dont l’opposée implique une contradiction, tandis
que de façon correspondante une proposition contingente est
définie comme une proposition vraie qui n’est pas nécessaire.
De l’autre, il y a la présomption, presque jamais énoncée
explicitement, mais toujours visible à l’arrière-plan, qu’une vérité
nécessaire est une proposition vraie de tous les mondes
possibles, de sorte qu’une vérité contingente sera une
proposition vraie du monde actuel, mais fausse d’au moins un
des autres mondes possibles.

Chacune de ces façons de considérer la nécessité et la


contingence est assez plausible. Dire qu’une proposition est
vraie dans tous les mondes possibles semblerait vouloir dire
qu’elle est vraie et qu’il n’y a pas de circonstances concevables
dans lesquelles elle serait fausse, ce qui revient à dire que c’est
une vérité nécessaire. Et dire que son opposée implique une
contradiction semblerait vouloir que, si l’opposée était vraie,
c’est-à-dire si les choses n’étaient pas comme elles sont
décrites par la proposition donnée, une contradiction devrait être
vraie, ce qui ne peut pas être le cas – par conséquent, à
nouveau, il n’y a pas de circonstances concevables dont la
proposition donnée serait fausse. De ce fait, les deux
caractérisations semblent être seulement deux façons
différentes de dire la même chose et sont donc parfaitement
compatibles [28].

Ces deux façons de caractériser la nécessité et la contingence


semblent effectivement compatibles. Mais qu’est-ce qui permet
d’être certain qu’elles sont équivalentes ? Mates admet qu’il y a là
véritablement un problème pour lui et il n’est sûrement pas le seul
pour qui il y en a un.
Hao Wang note qu’en ce qui concerne le développement de la
logique mathématique, il y a deux idées de Leibniz qui se sont
révélées être d’une importance centrale. La première est la
caractérisation des vérités de raison comme étant les vérités qui
sont vraies dans tous les mondes possibles. C’est, dit-il, une
conception qui s’applique aussi bien aux tautologies du calcul
propositionnel (telles qu’elles sont comprises et traitées par
Wittgenstein dans le Tractatus) qu’à la notion plus générale de
proposition logiquement valide ou logiquement vraie dans le calcul
des prédicats du premier ordre. Il semble y avoir là, en fait, un
malentendu historique assez curieux, puisque Leibniz, à ma
connaissance, n’a dit nulle part littéralement que les vérités de
raison pouvaient être définies comme les vérités qui sont vraies
dans tous les mondes possibles. Ce qui se rapproche le plus de
cette idée est sans doute les passages dans lesquels il souligne que
Dieu aurait pu assurément créer un monde pourvu de lois
physiques, mais pas de lois logiques et mathématiques, différentes.
On peut dire des vérités nécessaires, qui ont trait uniquement à
l’essence et à la possibilité, que

elles seront valides non seulement tant que le monde


subsistera, mais auraient été valides également si DIEU avait
créé le Monde d’une autre façon [29].

Je ne sais pas qui a attribué le premier à Leibniz la paternité de la


définition de la vérité logique comme étant la vérité dans tous les
mondes possibles. Mais c’est un fait remarquable que les créateurs
de la sémantique logique ont présenté spontanément leur définition
de la validité logique par la vérité dans toute interprétation du
système formel ou du calcul comme un équivalent de ce que Leibniz
devait entendre par la « vérité dans tous les mondes possibles » :

Une classe de propositions dans [le langage] S1, qui contient


pour toute proposition atomique ou bien cette proposition, ou
bien sa négation, et pas d’autres propositions, est – explique
Carnap – appelée une description d’état (state-description),
parce qu’elle donne évidemment une description complète d’un
état possible de l’univers des individus relativement à toutes les
propriétés et relations exprimées par les prédicats du système.
De ce fait, les descriptions d’état représentent les mondes
possibles de Leibniz ou les états de choses possibles de
Wittgenstein [30].

Cette transposition de la notion leibnizienne de monde possible


s’appuie évidemment sur une analogie réelle. Mais il y a également
une différence importante qui ne l’est pas moins. Une description
d’état carnapienne fixe simplement un comportement donné de tous
les individus du monde particulier dans lequel on se situe par rapport
à toutes les propriétés et relations dont il est question dans le
système. Un monde possible leibnizien est déterminé, en revanche,
par l’existence d’une classe d’individus qu’il ne partage avec aucun
autre (un individu n’appartient jamais qu’à un seul et unique monde
possible) et qui sont tels qu’il peut être reconstruit en totalité à partir
du concept complet de n’importe lequel d’entre eux. « Vrai dans tous
les mondes possibles », au sens de Leibniz, ne coïncide donc pas,
c’est le moins qu’on puisse dire, avec « vrai dans toutes les
descriptions d’état », au sens de Carnap.

Mais il ne peut y avoir, en revanche, aucun doute sur le fait que le


concept de démonstration que propose Leibniz est rigoureusement
formel et, pour l’essentiel, identique au nôtre. La démonstration des
propositions nécessaires, qui sont les seules que nous puissions
effectivement démontrer, se présente chez lui comme une suite finie
de transformations purement formelles effectuées sur des signes ;
elle peut être assimilée entièrement à un calcul, et testée quant à sa
correction par le même genre de procédure mécanique qu’un calcul
effectué sur des nombres, ou plutôt sur des signes numériques.
Leibniz dispose d’une notion de démontrabilité qui est
rigoureusement syntaxique en ce sens qu’elle repose sur les deux
principes suivants : (1) toutes les propositions qui sont distinguées
par une certaine propriété purement structurale (le fait d’être des
identités formelles ou explicites totales ou partielles, autrement dit
des propositions de la forme « A est A », « AB est A », « AB est B »,
etc.) sont des propositions primitives ou des axiomes, et (2) toutes
les propositions qui résultent de propositions déjà démontrées par
l’application de certaines opérations formelles (la substitution l’un à
l’autre de termes identiques) sont également démontrables.
Descartes rêve, comme le dit Belaval, d’une déduction qui ne serait
rien d’autre qu’une intuition continuée. Leibniz pense que la seule
forme d’intuition dont nous avons besoin ici est l’intuition concrète
des signes. On peut donc parler de formalisme leibnizien, par
opposition à un intuitionnisme cartésien.

Comme le remarque Hacking, et c’est de là que vient la difficulté


soulevée par Mates, Leibniz ignore le problème que pose
l’équivalence de la notion syntaxique de démontrabilité formelle et
de la notion sémantique de vérité nécessaire, comprise, chez lui,
comme étant celle de vérité dans tous les mondes possibles,
autrement dit le problème de la complétude ; et il fait de cette
équivalence une simple définition en postulant que toute proposition
vraie doit être également démontrable – les propositions nécessaires
par un nombre fini et les propositions contingentes par un nombre
infini de substitutions définitionnelles.

De façon générale – écrit-il – toute proposition vraie (qui n’est


pas identique ou vraie par soi) peut être démontrée a priori à
l’aide d’axiomes ou de propositions qui sont vraies par soi et à
l’aide de définitions ou d’idées [31].

Que toute proposition vraie doive être également démontrable ne


constitue pas un problème pour lui, puisque c’est une conséquence
immédiate du principe de raison suffisante, ou plutôt une autre façon
de formuler le principe lui-même. La raison complète de la vérité
d’une proposition ne peut résider, en effet, que dans la
démonstration, qui rend manifeste et pour ainsi dire tangible le fait
que le prédicat de la proposition est effectivement contenu dans le
sujet, ce qui constitue le seul fondement possible de la vérité de
celle-ci. Et c’est pourquoi même les propositions les plus
contingentes doivent être démontrables, au moins par Dieu, puisque
si elles ne l’étaient pas cela signifierait qu’il est impossible de rendre
complètement raison du fait que ce sont elles, plutôt que leurs
négations, qui sont vraies. Un point qui, aux yeux de Leibniz, est
absolument essentiel est que, même si les propositions nécessaires
et les propositions contingentes sont connues généralement de nous
de deux façons très différentes, il ne peut pas y avoir deux notions
de vérité différentes qui s’appliquent à elles. La notion de vérité doit
être, comme nous l’avons vu, la même dans les deux cas et elle ne
peut consister que dans l’inclusion du concept du prédicat dans le
concept du sujet. La différence entre les deux espèces de vérité ne
peut donc résider que dans la procédure qui permet de reconnaître
cette inclusion, à savoir l’analyse. Et elle est que l’analyse est finie
dans le cas des vérités nécessaires, et infinie dans le cas des vérités
contingentes.

Un des avantages majeurs de la langue philosophique que Leibniz


essaie de construire est, comme il le souligne lui-même, de rendre
les raisonnements sensibles en remplaçant la considération des
idées par celle des signes et de les rendre du même coup beaucoup
plus facilement contrôlables et testables quant à leur correction.
Cela devrait permettre, selon lui, de mettre fin à un bon nombre de
controverses en fournissant le moyen de reconnaître, par
l’application d’une procédure qui se réduit à un simple calcul, si un
argument est ou non concluant. Mais il fait preuve d’un optimisme
excessif quand il suppose que, si toutes les inférences valides dans
un langage sont formellement valides, c’est-à-dire peuvent être
représentées dans le langage par une suite de propositions qui
constitue une déduction formellement correcte, il s’ensuit qu’il existe
une procédure de décision algorithmique qui permet de décider dans
tous les cas si une proposition peut ou non être déduite d’une autre
proposition ou d’une classe d’autres propositions. Car la réalité est
bien différente. La notion de déduction ou d’inférence formellement
correcte est évidemment décidable, en ce sens qu’il existe une
procédure de décision qui permet d’obtenir dans tous les cas en un
nombre fini d’étapes une réponse à la question de savoir si une suite
de propositions donnée constitue ou non une déduction correcte de
la dernière proposition qui y figure. Mais la notion de déductibilité,
comme on le sait aujourd’hui, n’est malheureusement pas, pour sa
part, décidable : il n’existe pas de procédure de décision permettant
de déterminer dans tous les cas en un nombre fini d’étapes si une
proposition B est ou non déductible d’une proposition A ou d’un
ensemble de propositions Γ.

De la même façon, Leibniz fait preuve d’un optimisme injustifié


quand il suppose, ou en tout cas semble supposer, que, puisque
toutes les propositions nécessaires peuvent être réduites à des
identités explicites par une succession d’applications de la règle qui
autorise à remplacer un terme défini par sa définition dans une
proposition, il existe une procédure de décision algorithmique qui
permet, de déterminer en un nombre fini d’étapes, pour n’importe
quelle proposition A, si elle constitue ou non une vérité nécessaire.

Pour comprendre où se situe le problème, il peut être utile de se


référer à ce que dit Gödel dans son article sur « La logique
mathématique de Russell ». Peu avant la fin, il se réfère
implicitement à Leibniz, lorsqu’il essaie de répondre à la question de
savoir si les axiomes des Principia Mathematica de Whitehead et
Russell peuvent être considérés comme analytiques. On pourrait,
selon lui, distinguer deux sens du mot « analytique ».

En premier lieu – écrit-il –, il peut avoir le sens purement formel


selon lequel les termes qui apparaissent peuvent être définis
(soit explicitement, soit par des règles qui permettent de les
éliminer des phrases qui les contiennent) d’une manière telle
que les axiomes et les théorèmes deviennent des cas spéciaux
de la loi d’identité et que les propositions réfutables deviennent
des négations de cette loi. En ce sens, on peut démontrer que
même la théorie des entiers n’est pas analytique, pour peu que
l’on exige des règles d’élimination qu’elles permettent
d’effectuer réellement l’élimination en un nombre fini d’étapes
dans chaque cas [32].
La raison de cela est que, comme on le sait depuis Turing, si ce
genre de chose était possible, cela impliquerait l’existence d’une
procédure de décision pour les propositions arithmétiques. Or on sait
justement qu’il ne peut pas exister de procédure de cette sorte. Si
l’on admet des réductions infinies, avec des propositions
intermédiaires de longueur infinie (ce qui correspond plus ou moins
à la façon dont Leibniz se représente la démonstration des
propositions contingentes, mais évidemment pas celle des
propositions nécessaires), alors on peut montrer que tous les
axiomes des Principia sont analytiques pour certaines
interprétations ; mais la démonstration exige, remarque Gödel,

la totalité des mathématiques telle qu’elle est appliquée à des


phrases de longueur infinie [...] ; par exemple, on peut
démontrer que l’axiome du choix est analytique, mais
uniquement si on l’assume comme vrai [33].

J’ai souligné à différentes reprises que ce concept de l’analyticité au


premier sens est clairement inspiré de l’idée leibnizienne que le
propre des vérités logiques et mathématiques et des vérités de
raison en général est d’être réductibles à des identités explicites par
une suite finie d’opérations consistant à substituer l’un à l’autre la
définition et le défini dans une proposition. Ce que dit Gödel peut
évidemment donner l’impression d’illustrer avant tout le caractère
dramatiquement insuffisant des moyens qui, selon Leibniz, suffisent
à la démonstration de toutes les vérités nécessaires.

Mais il y a, heureusement, un deuxième sens, plus large, du mot


« analytique », et dont on peut se demander s’il ne pourrait pas, au
fond, être, lui aussi, leibnizien et même peut-être plus proprement
leibnizien. C’est le sens auquel une proposition est dite
« analytique » si elle est vraie « en vertu de la signification des
concepts qui y figurent », cette signification pouvant être elle-même
indéfinissable (c’est-à-dire, irréductible à quoi que ce soit de plus
fondamental). Gödel accepte l’idée que les propositions
mathématiques, y compris celles de la théorie des ensembles, sont
analytiques, si cela veut dire qu’elles sont vraies en vertu de la
signification des concepts qu’elles contiennent, mais évidemment
pas si cela veut dire qu’elles sont vraies en vertu de règles ou de
conventions concernant la signification des symboles. Il note que

Cette conception concernant l’analyticité rend à nouveau


possible pour toute proposition mathématique l’éventualité
d’être peut-être réduite à un cas spécial de a = a, à savoir si la
réduction est effectuée non pas en vertu des définitions des
termes qui apparaissent, mais de leur signification, qui ne peut
jamais être exprimée dans un ensemble de règles formelles
[34].

De toute façon, il y a évidemment une différence essentielle qui


subsiste entre le point de vue de Leibniz et celui de Gödel. Pour
Leibniz, en effet, ce ne sont pas seulement les propositions
mathématiques qui sont vraies en vertu de la signification des
concepts qui y figurent, mais toutes les propositions vraies. Même
les propositions contingentes vraies sont des propositions dont nous
reconnaîtrions la vérité si nous étions capables de comprendre
parfaitement leur signification.

Il faut remarquer enfin que si l’on est en droit d’attendre de la


construction de la caractéristique universelle la résolution d’un bon
nombre de controverses, il y a néanmoins une limite infranchissable
qui est imposée à ce qu’on peut légitimement lui demander :

Il faut noter que cette langue est juge des controverses (judex
controversiarum), seulement toutefois dans les choses
naturelles, mais pas dans les choses révélées, parce que les
termes de la Théologie révélée ne peuvent recevoir cette
analyse, sans quoi ils pourraient être compris parfaitement, et il
n’y aurait en eux aucun mystère. Et toutes les fois que des mots
ordinaires sont transposés par une certaine nécessité à des
choses révélées, ils revêtent un certain sens plus élevé [35].
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 24. Comment les propositions contingentes sont-
elles possibles ?

Ce que je vous ai dit la dernière fois ne résout pas, bien entendu, la


question de savoir si une spécification purement syntaxique de la
classe des propositions démontrables, du genre de celle que
propose Leibniz, est suffisante pour pouvoir constituer en même
temps une spécification de la classe des propositions vraies
concernées, en l’occurrence les propositions logiquement vraies.
Leibniz semble considérer comme allant à peu près de soi qu’elle
l’est. Et c’est une chose que l’on pourrait difficilement lui reprocher,
puisqu’il a fallu attendre encore étonnamment longtemps pour que
ce genre de question soit posé explicitement et résolu. Pour ce qui
concerne les propositions logiquement valides du calcul des
prédicats du premier ordre, le problème de la complétude a été
résolu seulement en 1930 par Gödel ; et ce qui est remarquable est
qu’il ne l’a été que très peu de temps après avoir commencé à être
réellement posé, puisqu’on considère généralement qu’il a été
formulé pour la première fois explicitement par Hilbert et Ackermann
en 1928, dans les Grundzüge der theoretiscdhen Logik.

Une des difficultés les plus sérieuses que soulève la conception de


Leibniz, et il est lui-même conscient de son existence, est la
suivante : comment une proposition peut-elle ne pas être nécessaire
si comme c’est le cas, selon la conception leibnizienne de la vérité,
de toute proposition vraie, son prédicat est contenu dans son sujet ?
En d’autres termes, comment « A est B » pourrait-il ou peut-il jamais
être faux si le concept B est inclus dans le concept A, et si par
conséquent, semble-t-il, le fait d’être B fait partie du fait d’être A ?

Dans plusieurs passages – constate Mates –, Leibniz dit que ce


problème l’a préoccupé pendant longtemps, jusqu’à ce que,
pour finir, il voie que la solution consistait à définir une vérité
nécessaire comme une vérité qui peut être réduite à une identité
(ou dont l’opposée peut être réduite à une contradiction) en un
nombre fini d’étapes, alors qu’une proposition contingente doit
être une proposition dans laquelle, bien que le concept du
prédicat soit contenu dans le concept du sujet, la réduction va à
l’infini.

Je dois avouer que je ne peux trouver aucune plausibilité


d’aucune sorte dans cette « solution ». Il est difficile de voir ce
que la longueur de la réduction d’une proposition pourrait avoir
à voir avec la question de savoir si la proposition est fausse d’un
monde possible [1].

Pour ce qui concerne le deuxième point que j’ai soulevé – celui qui a
trait à la caractérisation exacte de la notion de démonstration –, la
situation est bien différente puisque Leibniz dispose, comme je l’ai
dit, d’un concept de la démonstration qui est déjà à peu près le
nôtre, ce qui n’était certainement pas le cas de Descartes, et pas
non plus de Spinoza. Voyez, sur ce point, ce que dit Ian Hacking,
dans son livre sur L’émergence de la probabilité :

Depuis toujours la connaissance avait été démonstration à partir


de principes premiers. Leibniz produisit la première analyse
« moderne » de la preuve, comprise comme relation formelle
entre des phrases. Une démonstration d’une proposition p
logiquement nécessaire sera une séquence finie de phrases
s’achevant par p. Une preuve d’une proposition contingente q
sera une séquence infinie convergeant asymptotiquement vers
q [2].

Comme nous l’avons vu, le principe de raison suffisante énonce que,


dans toute proposition vraie, qu’elle soit nécessaire ou contingente,
universelle ou particulière, affirmative ou négative, la vérité doit être
fondée a parte rei (pour ce qui concerne la chose dont il est
question) dans la connexion du sujet avec le prédicat, plus
précisément dans le fait que le prédicat est contenu formellement ou
virtuellement dans le sujet. Toute proposition vraie est donc une
identité explicite, ou une identité implicite qui peut être ramenée à
une identité explicite par une suite d’applications de l’opération
consistant à remplacer un terme par sa valeur supposée. Cela
ressort de façon encore plus évidente si l’on se rend compte que la
prédication elle-même peut être définie à partir de l’identité. « A est
B » est, en effet, équivalent à « A = AB », ce qui suggère clairement
que, si « A est B » est vrai, B est d’une certaine façon une partie de
A.

Si la réduction peut être obtenue par une suite finie de substitutions


de l’espèce considérée, la proposition, dit Leibniz, est nécessaire ; si
elle ne peut l’être que par une suite infinie de substitutions, elle est
contingente. Dans le cas de la proposition nécessaire, on a une suite
de transformations qui aboutit en un nombre fini d’étapes à une
égalité exacte. Dans le cas d’une proposition contingente, ce qu’on
peut avoir dans le meilleur des cas est une suite infinie d’inégalités
qui se rapprochent asymptotiquement de l’égalité exacte. On n’arrive
jamais à l’identité complète ; mais il est possible d’obtenir quelque
chose d’équivalent, si l’on réussit à montrer que l’inégalité qui
persiste peut être rendue aussi peu différente qu’on veut de l’égalité
parfaite. Autrement dit, on démontre la vérité non pas en la
produisant effectivement, mais en indiquant le moyen de rendre
l’erreur aussi petite que n’importe quelle quantité donnée. Leibniz
exprime ce point de la façon suivante :

Si, en ayant déjà continué la résolution du prédicat et continué


la résolution du sujet, on ne peut certes jamais démontrer la
coïncidence, mais que, de la résolution continuée et de la
progression à laquelle elle donne naissance, ainsi que de sa
règle, il ressort du moins qu’il n’apparaîtra jamais de
contradiction, la proposition est possible. S’il apparaît, d’après la
règle de progression dans la résolution, que la chose se réduit à
ceci que la différence entre les choses qui doivent coïncider est
moindre que n’importe quelle différence donnée, il est démontré
que la proposition est vraie ; si, au contraire, il apparaît d’après
la progression que rien de tel ne se produira jamais, il est
démontré qu’elle est fausse, dans les nécessaires s’entend [3].

Avec tout le respect qui est dû à un aussi grand esprit que Deleuze,
on est obligé de constater que la façon dont il rend compte de la
solution que propose Leibniz pour le problème de la distinction entre
les propositions nécessaires et les propositions contingentes est,
dans le meilleur des cas, très approximative et, dans le pire, tout à
fait fantaisiste :

Leibniz semble dire que, dans le cas des propositions


nécessaires ou vérités d’essence (« 2 et 2 font 4 »), le prédicat
est inclus dans la notion expressément, tandis que, pour les
existences contingentes (« Adam pèche » ou « César franchit le
Rubicon »), l’inclusion n’est qu’implicite ou virtuelle. Faut-il
même comprendre, comme Leibniz le suggère parfois, que
l’analyse est finie dans un cas, et dans l’autre indéfinie ? Mais,
outre que nous ne savons pas encore en quoi consiste
exactement le concept ou le sujet dans chaque cas, nous
risquons un double contresens si nous assimilons « exprès » à
fini, et « implicite ou virtuel » à l’indéfini. Il serait étonnant que
l’analyse des essences soit finie, puisque celles-ci sont
inséparables de l’infinité de Dieu lui-même. Et l’analyse des
existences à son tour est inséparable de l’infinité du monde, qui
n’est pas moins actuelle que tout autre infini : s’il y avait de
l’indéfini dans le monde, Dieu n’y serait pas soumis et verrait
donc la fin de l’analyse, ce qui n’est pas le cas [4].

Leibniz ne dit en aucun cas que ce qui caractérise les propositions


nécessaires ou les propositions d’essence est le fait que, dans leur
cas, le prédicat est contenu explicitement dans le sujet, alors qu’il ne
l’est qu’implicitement dans le cas des propositions contingentes. Les
propositions nécessaires elles-mêmes comportent aussi bien des
identités de l’espèce que Leibniz appelle formelle ou explicite
comme 2 = 2 que des identités de l’espèce virtuelle ou implicite
comme 2 + 2 = 4. Contrairement à ce que suggère Deleuze, la
proposition 2 + 2 = 4 n’est sûrement pas une identité explicite, sans
quoi Leibniz ne prendrait évidemment pas la peine de souligner,
comme il le fait, qu’elle peut (et doit) être démontrée et d’en donner
effectivement une démonstration dans les Nouveaux Essais [5] :

Il n’est pas nécessaire de rappeler, je l’espère, qu’une démonstration


a justement pour fonction de transformer une identité implicite ou
virtuelle en une identité explicite ou formelle. D’autre part, le fait que
l’analyse puisse être effectuée en un nombre fini d’étapes dans le
cas des propositions nécessaires et seulement en un nombre infini
d’étapes dans le cas des propositions contingentes n’est sûrement
pas une chose que Leibniz suggère parfois, mais la doctrine
constante qu’il a défendue à partir du moment où il a estimé avoir
résolu le problème de la distinction entre les vérités nécessaires et
les vérités contingentes.

Il faut, semble-t-il, distinguer, aussi bien dans le cas de l’analyse des


termes que dans celui de l’analyse des propositions, non pas deux,
mais trois possibilités, pour Leibniz :

1. La possibilité (pour les termes) et la vérité (pour les propositions)


se manifestent de façon explicite et irrécusable au terme d’une
analyse finie.

2. La résolution va à l’infini, mais d’une manière telle que nous


pouvons tirer des conclusions déterminées de la règle selon laquelle
elle progresse, et démontrer des vérités importantes à propos de ce
qu’elle produirait ou ne produirait pas si on la continuait indéfiniment.
On ne peut pas atteindre la limite vers laquelle converge une suite
infinie de décompositions ; mais on peut éventuellement démontrer
qu’elle converge vers cette limite.

3. La résolution va à l’infini, mais nous n’avons, dans l’hypothèse la


plus optimiste, que les tout premiers éléments de la suite concernée
et aucune idée de la loi d’engendrement à laquelle elle obéit, s’il y en
a une ; ce qui fait que nous ne pouvons rien démontrer à propos de
ce que contiendra ou ne contiendra pas son développement
ultérieur. Leibniz précise que :

Si nous disons que la continuation de la résolution est possible


à l’infini, alors du moins on peut observer si le progrès dans la
résolution peut être ramené à une règle, auquel cas, même
dans les termes complexes dans lesquels entrent des termes
incomplexes résolubles à l’infini, on arrivera par la
démonstration à une telle règle de progression [6].

Ce n’est pas faire injure à Leibniz, que de remarquer que, dans


l’analyse des propositions contingentes, on n’a généralement même
pas une idée quelconque de ce à quoi pourrait ressembler un
segment initial de la suite qui converge, sans jamais l’atteindre, vers
une identité explicite, si la proposition est effectivement vraie, et que
Leibniz ne nous aide pas beaucoup sur ce point. Comme le dit
Mates :

Cela nous serait d’un grand secours dans notre essai de


comprendre la doctrine de Leibniz sur ce sujet si nous avions ne
serait-ce qu’un exemple réel de (la portion initiale de)l’analyse
d’une proposition contingente. Nous avons des exemples, qui
valent ce qu’ils valent, pour le cas de la nécessité. […] Pour les
vérités contingentes, cependant, nous n’avons pas d’exemples
de cette sorte à notre disposition [7].
Il semblerait donc que la distinction cruciale, pour Leibniz, soit moins
celle qui existe entre le cas où la résolution est finie et celui où elle
va au contraire à l’infini, que celle qui existe entre les cas (1) et (2)
d’une part, et le cas (3) d’autre part. Après tout, comme le fait
remarquer Leibniz lui-même, dans la théorie des proportions
irrationnelles nous obtenons bel et bien des démonstrations en
bonne et due forme ; et ces démonstrations sont tout aussi finies
que celles de l’arithmétique ordinaire.

Une proposition contingente vraie – explique-t-il – ne peut être


réduite à des identiques ; elle est cependant démontrée en
montrant qu’en continuant toujours plus loin la résolution, on se
rapproche certes perpétuellement de propositions identiques,
mais sans arriver jamais à elles. C’est pourquoi il n’appartient
qu’à Dieu, qui embrasse tout l’infini par son esprit, de connaître
la certitude de toutes les vérités contingentes [8].

L’avantage que Dieu a sur nous peut être décrit ainsi :

En Dieu est requise uniquement la résolution des concepts


propres [sans aucun recours à des expériences], qui se fait
toute en même temps chez lui. D’où il résulte que celui-là
connaît même les vérités contingentes, dont la démonstration
parfaite transcende tout intellect fini [9].

Dieu a une connaissance de tous les raisonnements possibles,


puisqu’il a une connaissance de toutes les relations de déductibilité
et de toutes les relations logiques en général qui existent entre les
propositions. Mais, précisément pour cette raison, il n’a pas besoin
de raisonner dans le temps :

Il est vrai que Dieu ne raisonne pas à proprement parler, en


employant du temps, comme nous, pour passer d’une vérité à
l’autre ; mais, comme il comprend tout à la fois toutes les vérités
et toutes leurs liaisons, il connait toutes les conséquences et il
renferme éminemment en lui tous les raisonnements que nous
pouvons faire, et c’est pour cela même que sa sagesse est
parfaite [10].

À quoi pourrait ressembler la démonstration d’une proposition


contingente ? Sûrement pas à l’effectuation d’une série infinie
d’opérations.

Nous devons comprendre que ce qui suscitait la perplexité de


Leibniz n’était pas tant le danger qu’une proposition contingente
ait la mauvaise modalité que la question de savoir comment il
pourrait y avoir simplement une démonstration de la vérité – une
façon de partir de la proposition et de parvenir à une identité –
sans passer par un nombre infini d’étapes. Mais il a vu que
quelque chose de semblable pouvait être fait dans le calcul
différentiel. L’analogie jette une lumière sur les problèmes parce
que nous pouvons obtenir une dérivée d’une fonction sans
passer par un nombre infini d’étapes dans l’analyse – ce qui est
impossible même pour Dieu – en comprenant la règle qui
produit le résultat d’une analyse infinie, c’est-à-dire les règles de
la différentiation. Nous pouvons connaître exactement la limite
d’une série infinie, même si, aussi loin que nous poussions
l’énumération des termes de la série, nous ne parvenons jamais
à la limite. Nous avons également une méthode qui permet de
décider, pour un nombre quelconque, s’il est ou non un élément
de la série.

Il en va de même avec les concepts individuels. Dieu a une


méthode a priori qui lui permet de démontrer que le prédicat est
contenu dans le concept individuel, parce que c’est comme le
résultat d’un calcul a priori (concernant, par exemple, le nombre
d’essences actualisées dans un monde) qui était impliqué dans
son choix du monde le meilleur que le concept individuel a été
simplement exemplifié par lui dans la réalité. À la différence de
Dieu, nous ne connaissons pas et ne pouvons pas connaître les
contenus d’un concept individuel complet – c’est-à-dire le
concept qui inclut tous les prédicats vrais d’un individu (puisqu’il
y a une infinité de prédicats de cette sorte et que les connaître
implique connaître tout dans l’univers). Mais nous savons ce
que c’est que d’être un concept d’un individu et d’être la règle
qui donne les contenus de celui-ci [11].

Autrement dit, bien que nous ne puissions décider, pour notre part,
que par une méthode empirique ce que Dieu est en mesure de
décider par une méthode a priori et démonstrative, nous avons
néanmoins, grâce à l’exemple du calcul différentiel, une idée claire
et précise de ce à quoi peut ressembler une méthode de cette sorte
et de la manière dont elle peut être appliquée au cas d’un concept
d’individu complet dont on cherche à déterminer si un prédicat
donné y est ou non inclus.

Il faut comprendre de la même façon l’analogie que Leibniz établit


entre la distinction des propositions nécessaires et des proportions
contingentes, d’une part, et celle des proportions rationnelles et des
proportions sourdes (autrement dit, irrationnelles) d’autre part. La
valeur exacte d’une quantité irrationnelle peut être approchée
d’aussi près qu’on veut, sans jamais pouvoir être atteinte, par une
suite convergente de nombres rationnels, dont on peut démontrer (et
démontrer veut dire, bien entendu, démontrer en un nombre fini
d’étapes ou en effectuant un nombre fini d’opérations) qu’elle a cette
propriété. De la même façon que, dans le cas des quantités
incommensurables, il y a un rapport vrai entre les nombres
concernés, qui toutefois ne peut être atteint en un nombre fini
d’étapes, il y a dans le cas des propositions contingentes (vraies)
une proportion vraie entre le concept du sujet et celui du prédicat,
qui correspond à la connexion réelle entre les deux, en quoi consiste
la vérité.

Toute proposition vraie universelle, soit nécessaire soit


contingente, présente ce caractère qu’il y a une certaine
connexion du prédicat avec le sujet ; et, assurément, celles qui
sont identiques, leur connexion est évidente ; dans les autres,
elle doit apparaître par l’analyse des termes.
Et avec ce secret on découvre la façon de distinguer entre
vérités nécessaires et vérités contingentes, qui ne sera pas
comprise facilement par celui qui n’a pas une certaine teinture
de Mathématiques, à savoir que dans les propositions
nécessaires, en continuant l’analyse jusqu’à un certain endroit,
on en arrive à une égalité identique ; et c’est cela même qui
selon la rigueur géométrique consiste à démontrer la vérité ;
mais dans les propositions contingentes, il y a une progression
de l’analyse à l’infini par des raisons de raisons, de telle sorte
qu’on n’a jamais une démonstration <complète> [parfaite], mais
il y a néanmoins <toujours> une raison de la vérité, et il n’y a
pour la comprendre parfaitement que Dieu, qui seul parcourt
complètement d’un coup de son esprit une série infinie.

On peut illustrer les choses par un exemple emprunté à la


Géométrie et aux nombres [12].

De même que dans les propositions nécessaires, par l’analyse


continue du sujet et du prédicat, la chose peut être ramenée
finalement à ceci qu’il apparaisse que la notion du prédicat est
dans le sujet, de même dans les nombres, par l’analyse
continue (de divisions alternées), on peut parvenir finalement à
une commune mesure ; mais, de même que dans les
incommensurables <eux-mêmes> il y a <aussi> une proportion
ou une comparaison, bien que la résolution aille à l’infini et ne
se termine jamais, comme il a été démontré par Euclide, de
même dans les propositions contingentes il y a une connexion
[et relation] des termes ou une vérité, même si elle ne peut être
ramenée au principe de contradiction ou de nécessité par
l’analyse en identiques [13].

Dans le De libertate, Leibniz exposee cette analogie entre les vérités


et les proportions de la façon suivante :

Plus on concentre son attention afin de ne pas s’égarer parmi


de vagues difficultés, plus s’impose à l’esprit une certaine
analogie des vérités et des proportions, qui semble parfaitement
illustrer toute cette question et l’éclairer d’un jour nouveau. En
effet, de même que dans toute proportion le nombre le plus petit
est dans le plus grand, ou l’égal dans l’égal, de même dans
toute vérité le prédicat est dans le sujet. Et, de même que dans
toute proportion entre des quantités homogènes peut être
établie une analyse des quantités égales ou congruentes, que le
plus petit peut être extrait du plus grand (en ôtant du plus grand
un partie égale au plus petit, et, de la même manière, en
extrayant un reste à partir de ce qui est extrait et ainsi jusqu’à
un certain point ou à l’infini) ; de même dans l’analyse des
vérités on substitue toujours à un terme son équivalent afin que
le prédicat soit résolu dans les termes qui sont contenus dans le
sujet.

Mais, de même que dans certains cas, pour ce qui concerne les
proportions, on parvient à épuiser l’analyse par une mesure
commune, c'est-à-dire par une quantité dont la répétition
mesure parfaitement les deux termes de la proportion, alors que
dans d’autres cas l’analyse peut être poursuivie à l’infini, comme
lorsqu’on compare un nombre rationnel et un nombre sourd, ou
encore le côté et la diagonale d’un carré ; de même les vérités
sont tantôt démontrables, c'est-à-dire nécessaires, tantôt libres
ou contingentes, lorsqu’elles ne peuvent être ramenées par
aucune analyse à l’identité qui serait comme leur commune
mesure. Et tel est le critère essentiel de la distinction, aussi bien
pour les proportions que pour les vérités.

Cependant, les proportions incommensurables relèvent de la


science géométrique et nous possédons aussi les
démonstrations sur les séries infinies. De même – et mieux
encore – les vérités contingentes, c'est-à-dire infinies, sont
l’objet de la science de Dieu, par lequel elles sont connues, non
certes par démonstration, ce qui serait contradictoire, mais par
une vision infaillible. Or la vision de Dieu ne doit en rien être
conçue comme une espèce de science expérimentale, comme
si ce qu’il voit se trouvait parmi des choses distinctes de lui,
mais plutôt comme une connaissance a priori procédant selon
les raisons des vérités, dans la mesure où il voit les choses à
partir de lui-même : pour les choses possibles, il considère leur
nature, mais il accède aux choses existantes par la
considération de sa volonté libre et de ses décrets. Le premier
de ces décrets est d’agir en toutes choses de la manière la plus
parfaite et selon la suprême raison. Quant à la science qu’on
appelle moyenne, elle n’est rien d’autre que la science des
possibles contingents.

Ces choses une fois dûment considérées, je ne pense pas qu’il


puisse naître dans cet argument une difficulté dont la solution
ne pourrait pas dériver de ce qui a été dit. Une fois admise, en
effet, cette notion de nécessité que tous admettent, à savoir que
sont nécessaires uniquement les choses dont le contraire
implique contradiction, il apparaît aisément à qui considère la
nature de la démonstration et l’analyse qu’assurément il peut, et
mieux encore il doit, y avoir des vérités qui ne se ramènent par
aucune analyse à des vérités identiques ou au principe de
contradiction, mais donnent lieu à une série infinie de raisons
que Dieu seul voit dans son intégralité, et que c’est cela la
nature des choses qu’on appelle libres et contingentes. (Mais
surtout celle des choses qui enveloppent le lieu et le temps), ce
qui a été montré plus haut suffisamment à partir de l’infinité
même des parties de l’univers et de l’interpénétration et de la
connexion mutuelles de toutes les choses [14].

Concrètement parlant, ce que veut dire Leibniz peut être précisé de


la façon suivante, en se référant à ce que dit Benson Mates :

L’analogie avec l’algorithme d’Euclide, tel que cet algorithme est


conçu par Leibniz, peut être expliquée de façon un peu plus
poussée. Supposons que a et b soient deux nombres positifs
(ou deux grandeurs – par exemple, des segments de droite), a
étant le plus grand. Dans ce cas ou bien a et b sont
commensurables ou bien ils ne le sont pas. S’ils sont
commensurables, c’est-à-dire, s’il y a une commune mesure (un
nombre rationnel c tel que pour certains entiers p et q, a égale
pc et b égale qc, alors l’algorithme d’Euclide, en un nombre fini
d’étapes, nous donnera une commune mesure – en fait la plus
grande mesure de cette sorte – et, par conséquent, nous
donnera explicitement le rapport (p/q) (exprimé dans les termes
les plus réduits) de a à b. Cela est supposé être analogue au
cas dans lequel la proposition ‘A est B’ est nécessaire : en un
nombre fini d’étapes nous analysons les concepts A et B jusqu’à
ce que l’on trouve que les composants de B sont des
composants de A. Si, en revanche, a et b sont
incommensurables, l’algorithme d’Euclide va à l’infini,
produisant une suite infinie qui converge vers le vrai rapport.
Leibniz insiste sur le fait que, dans ce cas également, il y a un
rapport, même si les termes de la suite l’approchent seulement
de plus en plus près. De la même façon, suggère-t-il, dans une
vérité contingente ‘A est B’ le concept B est effectivement
contenu dans le concept A, mais l’analyse irait à l’infini. […]

Pour appliquer l’algorithme d’Euclide à deux nombres ou


grandeurs a et b, a étant le plus grand, procédez de la façon
suivante. Premièrement, soustrayez b de a autant de fois qu’il
est possible – par exemple, q1 fois – laissant r1 comme reste,
avec b > r1 ≥ 0. Si r1 > 0, soustrayez r1 de b autant de fois que
possible – par exemple, q2 fois – laissant le reste r2, avec
r1 > r2 ≥ 0. Si r2 > 0, soustrayez r2 de r1 autant de fois qu’il est
possible – par exemple q3 fois, laissant le reste r3, avec
r2 > r3 ≥ 0. Et ainsi de suite. De cette façon, nous engendrons
des nombres satisfaisant les égalités
a = q1b + r1
b = q2r1 + r2
r1 = q3r2 + r3
*
*
rn = qn+2rn+1 + rn+2
*
*
Si l’un des restes est 0, supposons que rn soit le premier à être
dans ce cas. Alors rn – 1 (ou b, si n = 1) sera la plus grande
mesure (le plus grand diviseur, dénominateur) commun de a et
de b [15].

Comme exemple [16], Leibniz nous donne a = 17, b = 5. Dans


ce cas-là, nous avons :
17 = 3 x 5 + 2
5=2x2+1
2=2x1+0
Dans ce cas, la plus grande commune mesure est 1 (les deux
nombres concernés n’ont pas de diviseur commun plus grand
que 1), et le rapport est évidemment 17 : 5.

Si a = 175, b = 21, on a
175 = 8 x 21 + 7
21 = 3 x 7 + 0
La plus grande mesure commune est 7, et le rapport est 25 : 3
[17].

Leibniz lui-même explique ce qu’il a en tête de la façon suivante :

Soient données deux droites, qui sont comparées entre elles de


toute manière. Par exemple, que l’on soustraie la plus petite de
la plus grande, autant de fois que cela peut se faire, et le reste à
nouveau de la plus petite, et de la même façon une fois encore
le reste de ce qui a été soustrait autant de fois que cela peut se
faire, jusqu’à ce que ou bien il en résulte une exhaustion, une
commune mesure existant avec la dernière soustraction, si les
quantités sont commensurables, ou bien il y ait une loi de
progression à l’infini, si elles sont incommensurables. Et la série
des nombres quotients sera la même quand la proportion est la
même. Il est certain, n’est-ce pas ? que, si a est à b comme
l + __l__
m + __l___ à l’unité, l, m, n, p, etc.
n + __l__
p + etc.
sera la série des nombres quotients. Par exemple si a est 17 et
b est 5, la série sera constituée uniquement des trois l, m, p, qui
seront les nombres 3, 2, 2. Si a et b sont des parties d’une
droite coupée selon le rapport d’extrême et moyenne raison
[c’est-à-dire que (a + b)/a = a/b, ce qui correspond à ce qu’on
appelle le nombre d’or, un nombre irrationnel dont la valeur
exacte est (1 + √5)/2 = 1, 618 033 989 …], a le plus grand sera
à b le plus petit comme
1 + __1__
1 + __1__
1 + __1__
1 + etc.
à l’unité ; les quotients seront des unités, et leur série ira à
l’infini. Ainsi deux droites quelconques a et b seront l’une par
rapport à l’autre comme 1/1 + m/2 + n/4 + p/8 + q/16 + etc., si
on pose que l, m, n, p, q etc. sont 0 ou 1, laquelle série a une fin
ou est périodique, lorsque les nombres sont commensurables
[18].

On pourrait dire que la démonstration parfaite, qui effectuerait la


réduction complète même dans le cas où celle-ci est infinie, nous
mettrait réellement sous les yeux la vérité, alors que la
démonstration imparfaite nous démontre que la proposition est vraie,
mais ne nous montre pas réellement sa vérité. Mais qu’est-ce qui
nous empêche, malgré tout, de dire que nous pouvons nous-mêmes
donner des propositions contingentes – à défaut de démonstrations
parfaites – au moins des démonstrations imparfaites, comme nous le
faisons pour les nombres irrationnels ? La réponse de Leibniz est
que l’analogie qui existe entre le cas des vérités contingentes et
celui des proportions irrationnelles se révèle justement boiteuse sur
ce point :
Nous pouvons nous-mêmes démontrer qu’une certaine ligne
s’approche perpétuellement d’une autre, et que deux quantités
sont égales, même dans les asymptotes, en montrant ce qui se
passera, aussi loin que l’on continue la progression. C’est
pourquoi même les hommes pourront arriver à la certitude des
vérités contingentes ; mais il faut répondre qu’il y a assurément
une similitude, mais pas une correspondance à tous égards
[19].

Revenons maintenant sur ce que dit exactement le principe de


raison suffisante. Puisqu’il énonce que toute proposition vraie peut
être réduite à une identité explicite (par une analyse finie, ou par une
analyse infinie qui transcende nos capacités mais que Dieu peut
effectuer), il signifie que toute proposition vraie, qu’elle soit
nécessaire ou contingente, est démontrable. Leibniz le formule, du
reste, parfois explicitement de cette façon :

Rien n’est sans raison, ou encore il n’y a pas de proposition


dans laquelle il n’y ait pas une certaine connexion du prédicat
avec le sujet, ou encore qui ne puisse pas être démontrée a
priori [20].

Toute proposition vraie est donc démontrable, sinon par nous, du


moins par Dieu. Par ailleurs, Leibniz n’a évidemment aucun doute
sur la vérité de la proposition réciproque : toute proposition
démontrable est vraie. Les axiomes proprement dits, qui sont des
identités explicites, sont vrais sans contestation possible. Et le
principe de substituabilité des coïncidents, utilisé comme règle
d’inférence, préserve la vérité. Il y a donc coïncidence entre la vérité
et la démontrabilité, si, du moins, on prend le concept de
démontrabilité au sens large.

Leibniz dit que :

Dans les propositions nécessaires, l’analyse étant continuée


jusqu’à un certain point, on arrive à une égalité
identique (aequatio identica) ; et cela même, à la rigueur
géométrique, est démontrer la vérité ; mais, dans les
contingentes, il y a une progression de l’analyse à l’infini par des
raisons de raisons, de sorte que l’on n’a assurément jamais une
démonstration [parfaite], mais la raison de la vérité n’en
demeure pas moins toujours, et n’est comprise parfaitement que
de Dieu, qui seul parcourt entièrement une série infinie d’un
coup de son esprit (uno mentis ictu) [21].

Si l’on se demande d’où provient l’infini dans les raisons, et donc la


contingence, la réponse est que c’est toujours de l’obligation de faire
entrer en ligne de compte le principe du meilleur. Même pour Dieu,
le principe du meilleur n’est pas nécessitant, il est même le principe
de la contingence. On peut, malgré cela, être tout à fait certain que
Dieu a choisi le meilleur. Mais ce qui est certain n’est pas pour
autant nécessaire.

Comme on vient de le voir, une proposition contingente fausse est


une proposition que nous ne pouvons pas réduire à une
contradiction explicite par une analyse finie. Et c’est à cela que se
réduit pour Leibniz le fait que sa fausseté, bien qu’elle soit certaine
et connue de Dieu a priori, n’est cependant pas nécessaire. Mais
elle n’en est pas moins bel et bien, elle aussi, réductible en fin de
compte à une contradiction explicite, bien que ce soit seulement par
une analyse infinie.

Leibniz dit que ce qui est affirmé par une proposition contingente
vraie « est assurément certain, mais pas nécessaire, parce qu’on ne
peut jamais le ramener à une identique ou l’opposer à une
contradictoire. [22] » Mais cela signifie simplement que, bien que la
proposition soit réductible à une identité explicite, nous ne
rencontrerons jamais celle-ci, puisque nous n’arriverons jamais, au
mieux, dans la résolution qu’à des inégalités qui approchent de plus
en plus l’égalité exacte. C’est ce qui permet à Leibniz de dire :
Un point commun à toutes les vérités est, selon mon opinion,
que l’on peut toujours rendre raison d’une proposition non
identique, une raison nécessitante dans les nécessaires, une
raison inclinante dans les contingentes [23].

Dans l’analyse des propositions contingentes, on n’arrive jamais


qu’à des raisons qui inclinent, si l’on peut dire, toujours plus et qui
correspondent à des inégalités toujours plus réduites; on ne parvient
à aucun moment à la forme proprement nécessitante, qui est celle
de l’identité complète. Autrement dit, quel que soit le stade auquel
on est parvenu dans la chaîne des raisons, on a toujours encore
besoin de raisons de raisons pour pouvoir affirmer que la vérité de la
proposition s’ensuit nécessairement, et celle-ci pourrait par
conséquent toujours encore être fausse, même si elle ne l’est pas
dans les faits. C’est ce qui permet à Leibniz d’affirmer qu’une
proposition contingente vraie, telle qu’il l’a caractérisée, est bien,
conformément à la notion usuelle de la contingence, une proposition
qui, bien que vraie, pourrait néanmoins être fausse, alors qu’une
proposition nécessaire vraie ne le pourrait pas.

L’équivalence de la notion de vérité avec celle de démontrabilité


implique comme conséquence immédiate que toute proposition est
soit démontrable, soit réfutable. Pour toute proposition A, en effet, A
est vrai ou A est faux, autrement dit (en vertu de la définition de la
négation), A est vrai ou non-A est vrai, et par conséquent A est
démontrable ou non-A est démontrable. Donc A est soit
démontrable, soit réfutable. En outre, la non-démontrabilité de A
équivaut à la démontrabilité de non-A, et la non-démontrabilité de
non-A à la démontrabilité de A. En effet, si A n’est pas démontrable,
A est faux ; dans ce cas-là, non-A est vrai, et donc démontrable. Et
si non-A n’est pas démontrable, non-A est faux ; dans ce cas-là, A
est vrai et donc démontrable.

Il résulte de cela que, pour démontrer A, il suffit de démontrer que


l’on ne peut pas démontrer non-A ; et, pour démontrer non-A, il suffit
de démontrer que l’on ne peut pas démontrer A. Étant donné la
conception que Leibniz a de la nature de la vérité et de la fausseté,
dire que toute proposition est soit vraie, soit fausse, revient à dire
que toute proposition est réductible à une identité explicite (auquel
cas sa négation est réductible à une contradiction explicite), ou
réductible à une contradiction explicite (auquel cas sa négation est
réductible à une identité explicite). Si donc je peux démontrer que
l’analyse de A, poussée aussi loin qu’on voudra, ne fera jamais
apparaître une contradiction, j’aurai démontré que l’on ne peut pas
démontrer non-A, et donc démontré A. Inversement, si j’ai démontré
que l’analyse de A ne conduira jamais à une identité, j’aurai
démontré que l’on ne peut pas démontrer A, et donc démontré non-
A.

C’est ce qui explique la manière dont Leibniz définit finalement le


vrai et le faux :

Je définis ainsi le vrai, génériquement parlant (verum in


genere) : A est vrai si, en mettant à la place de A sa valeur et en
traitant à nouveau de la même façon que A tout ce qui entre
dans la valeur de A, si du moins cela peut être fait, il n’apparaît
jamais B et non-B, autrement dit une contradiction. Il résulte de
cela que, pour que nous soyons certains de la vérité, il faut ou
bien continuer la résolution jusqu’à des termes vrais en premier
(ou du moins déjà traités par un tel processus, ou dont il est
établi qu’ils sont vrais), ou bien démontrer à partir de la
progression même de la résolution (autrement dit à partir d’une
relation générale entre les résolutions précédentes et la
suivante) que jamais une telle chose n’apparaîtra, aussi loin que
l’on continue la résolution. C’est une chose dont il importe de se
souvenir ; de cette façon, en effet, nous pouvons souvent être
dispensés d’une longue continuation. Et il peut se faire que la
résolution des lettres elle-même contienne quelque chose à
propos des résolutions des suivantes, comme ici la résolution
du vrai [24].
Une chose que l’on sait à coup sûr à propos du vrai est que son
analyse ne peut conduire qu’à du vrai et on peut, dans les cas
favorables, savoir aussi ce genre de choses à propos de la
résolution d’autres termes, sans même que celle-ci ait besoin d’être
poursuivie très longtemps.

La définition générale que Leibniz donne ici du vrai s’applique à la


fois au vrai, au sens usuel du terme, et au possible. Et elle justifie la
décision, au premier abord un peu surprenante, qu’il a prise
d’appliquer le même traitement aux deux notions. Démontrer un
terme incomplexe vrai veut dire démontrer que son analyse ne
conduira jamais à une contradiction. Mais, pour démontrer une
proposition vraie, il n’est pas toujours nécessaire de la ramener à
des propositions vraies par soi ; il est suffisant et il peut être
beaucoup plus commode de démontrer que son analyse, aussi loin
qu’elle soit poussée, ne fera jamais apparaître aucune contradiction.
De façon générale, pour décider une proposition A, il n’est
heureusement pas toujours nécessaire de pousser jusqu’au bout, ni
même de pousser très loin, l’analyse de A. Si l’on peut démontrer,
par un raisonnement sur le processus de décomposition progressive
lui-même, que l’on n’arrivera jamais à une identité explicite, on a du
même coup démontré non-A ; et si l’on peut démontrer que l’on
n’arrivera jamais à une contradiction, on a du même coup démontré
A.

Leibniz donne du faux une définition symétrique de la précédente :

Je définis comme le faux, génériquement parlant (falsum in


genere), ce qui n’est pas vrai [ou encore ce qui contient des
choses dans lesquelles apparaissent B et non-B]. C’est
pourquoi, pour qu’il soit établi que quelque chose est faux, il est
nécessaire qu’il soit l’opposé du vrai, ou qu’il contienne l’opposé
du vrai, ou qu’il contienne une contradiction, à savoir B et non-
B, ou que l’on démontre que, aussi loin que l’on continue la
résolution, on ne peut pas démontrer qu’il est vrai [25].
Puisque la proposition vraie est, selon les termes de Leibniz, celle
qui coïncide avec AB est B ou qui peut être réduite à AB est B – ce
qui signifie, en vertu même de la notion de démonstration, que la
proposition vraie est celle qui est démontrable –, la proposition
fausse est celle qui ne coïncide pas avec AB est B ; c’est-à-dire
qu’« une proposition fausse est la même chose qu’une proposition
qui ne peut pas être démontrée [26] ». Leibniz ajoute que « les
propositions de fait ne peuvent pas toujours être démontrées par
nous, et sont par conséquent admises comme hypothèses [27].

Dire qu’une proposition fausse est une proposition qui ne peut pas
être démontrée semble, toutefois, entraîner une conséquence
éminemment paradoxale. Il existe, spécialement en matière
contingente, un bon nombre de propositions que nous sommes tout
à fait incapables de démontrer ; mais cela ne nous autorise
nullement à conclure qu’elles sont fausses. Sinon, il faudrait
admettre que presque toutes les propositions contingentes sont
fausses. La réponse est évidemment que ce qui démontre la
fausseté de A ne peut effectivement pas être simplement notre
incapacité de démontrer A, mais une démonstration de l’impossibilité
de démontrer A. Or la situation générale dans le cas des
propositions contingentes est celle-ci : nous ne sommes pas
capables de les démontrer, et pas non plus de démontrer qu’elles ne
peuvent être démontrées. Nous connaissons, pour un certain
nombre d’entre elles, leur vérité ou leur fausseté de fait ; mais nous
n’en connaissons pas la raison complète, qui ne pourrait être
donnée que par une démonstration ou une réfutation (une
démonstration de l’impossibilité de démontrer A équivaut à une
réfutation de A).
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 25. Le vrai, le possible et le faux

Leibniz est conscient des objections que l’on pourrait avoir envie de
formuler contre l’idée qu’est vrai tout ce dont on ne peut pas
démontrer qu’il est faux, et faux tout ce dont on ne peut pas
démontrer qu’il est vrai. Ne serait-il pas plus naturel et plus
raisonnable de dire que tout ce dont on ne peut pas démontrer qu’il
est faux est non pas vrai, mais simplement possible, et que tout ce
dont on ne peut pas démontrer qu’il est vrai, est non pas faux, mais
tel que sa négation est possible et peut être vraie ? Autrement dit,
est-ce qu’on ne risque pas d’aboutir à une identification pure et
simple du vrai avec le possible, et du faux avec l’impossible ou le
contradictoire, ce qui une fois de plus risque fort de nous entraîner
d’un côté où Leibniz souhaite par-dessus tout éviter d’aller, à savoir
celui de Spinoza ?

Cette difficulté, qui menace directement la réalité même de la


contingence, est évoquée à deux reprises, dans les Recherches
générales :

Sont possibles les propositions dont on peut démontrer que


jamais dans leur résolution il n’apparaîtra de contradiction. Les
propositions contingentes vraies sont celles qui ont besoin d’une
résolution continuée à l’infini. Les propositions contingentes
fausses sont, quant à elles, celles dont on ne peut démontrer la
fausseté autrement que par le fait que l’on ne peut pas
démontrer qu’elles sont vraies. Il semble douteux qu’il suffise
pour démontrer la vérité qu’il soit certain qu’en continuant la
résolution n’apparaîtra aucune contradiction. Il s’ensuivra, en
effet, que tout possible est vrai [1].

Leibniz rappelle que, pour lui, un terme vrai veut dire précisément un
terme possible ; mais il admet que pour les propositions la chose est
ou, en tout cas, peut sembler plus délicate, parce que bien des
propositions qui pourraient être vraies ne sont pas vraies, et bien
des propositions qui pourraient être fausses sont vraies :

Question : est-ce qu’est vrai tout ce dont on ne peut démontrer


qu’il est faux ? ou bien est-ce qu’est faux tout ce dont on ne
peut démontrer qu’il est vrai ? qu’en est-il donc des choses pour
lesquelles on n’a ni l’un ni l’autre ? Il faut dire que le vrai et le
faux peut toujours être démontré, au moins par une résolution à
l’infini. Mais, dans ce cas-là, il est contingent ; autrement dit, il
est possible que la proposition soit vraie ou possible qu’elle soit
fausse ; et il en va de même dans le cas des notions : il est
possible que dans la résolution à l’infini apparaissent des
notions vraies ou des notions fausses, c’est-à-dire des notions
qui doivent être admises à l’existence ou ne le doivent pas. Cela
étant, si une notion est vraie, elle sera existante ; si elle est
fausse, elle sera non existante. Toute notion impossible est
fausse, mais toute notion possible n’est pas vraie ; c’est
pourquoi sera fausse celle qui n’est ni ne sera, de même qu’est
fausse une proposition de cette sorte, etc. À moins que peut-
être nous préférions n’introduire aucune question d’existence
dans ces choses, et notion vraie est ici la même chose que
possible, fausse la même chose qu’impossible, sauf lorsqu’on
dit par exemple Pégase existant. [2].

On pourrait décider d’appeler « vraie » une notion qui est


simplement possible, mais en interprétant le possible au sens
diodoréen. Une notion vraie serait alors une notion qui a été, est, ou
sera exemplifiée du point de vue existentiel. Ce possible-là est, pour
Leibniz, la même chose que l’existant, si l’on entend par existant ce
qui est compatible avec le meilleur. Mais il tient par-dessus tout à
distinguer le possible, compris dans ce sens-là, du possible au sens
logique ou géométrique, qui est une notion beaucoup plus vaste et
qui se confond avec le non-contradictoire. Tout terme possible au
deuxième sens n’est pas pour autant possible au sens diodoréen du
terme : il y a une infinité de possibles qui ne se réaliseront jamais.
Que l’on choisisse d’appeler vraie une notion qui est simplement
possible logiquement ou, au contraire, une notion existante (au sens
de « possible existentiellement »), cette distinction doit de toute
façon être maintenue.

Leibniz a, il faut le remarquer, au moins deux et même peut-être trois


notions bien différentes de la possibilité.

(1) Le possible au sens que l’on peut appeler « logique », qui est
synonyme de « non contradictoire » [3].

(2) Le possible, au sens dont on parle lorsqu’on attribue aux choses,


comme le fait Leibniz, non pas seulement une consistance interne,
mais également une sorte d’aspiration à l’existence et une certaine
propension à exister, si rien ne s’y oppose. À la différence du
possible au premier sens, ce possible-là admet des degrés, on peut
parler des choses comme plus ou moins, moyennement, très ou très
peu possibles.

Le possible demande à exister par sa nature, et le fait en


proportion de sa possibilité, c’est-à-dire, de son degré
d’essence [4].

Au sens logique, toutes les choses possibles sont également


possibles. Mais au deuxième sens, elles ne le sont pas.
Antérieurement à la décision que Dieu a prise de les faire ou de ne
pas les faire exister et indépendamment d’elle, elles possèdent des
degrés de possibilité inégaux.

(3) Le possible, au sens de ce qui est possible dans le monde réel,


celui que Dieu a choisi parce qu’il était le meilleur. Ce possible-là
coïncide avec l’existant, que Leibniz définit, comme je l’ai dit, comme
étant ce qui est compossible avec le meilleur. Et la conception
diodoréenne de la possibilité peut lui être appliquée. Est possible
dans ce sens-là ce dont on peut dire que, du simple fait qu’il est
compossible avec le meilleur, il a été, il est en ce moment, ou il sera.
Le degré de possibilité, au sens d’une propension plus ou moins
grande à se réaliser, est en relation avec la probabilité. Leibniz
définit même celle-ci comme le degré de possibilité. Voyez sur ce
point ce que dit Hacking :

La méthodologie scientifique de Leibniz reflète toujours sa


métaphysique, mais cet isomorphisme n’est nulle part plus
frappant que dans l’analyse de la probabilité. Ses
contemporains et ses successeurs emploient tous une
terminologie telle que « facilité d’obtenir un résultat aux dés ».
Ce qui signifie, comme il le rappelle « faisable ». Tous les
auteurs de l’époque parlent de la facilité d’obtenir un résultat
avec un dé, mais pour Leibniz la facilité va de pair avec la
possibilité, et la probabilité est le degré de possibilité. […]
expérimenter montre ce qui est plus ou moins faisable « dans
l’état actuel du monde ». Ce qui est facile in re correspond à ce
qui est probable in mente [5].

Tout comme il y a une distinction à faire entre la possibilité


épistémique et la possibilité réelle et objective, il y en a une à faire
entre deux concepts de probabilité correspondants, que Leibniz
utilise l’un et l’autre. L’un d’entre eux lui est venu du monde du droit
et il s’agit d’un type de probabilité qui est par essence conditionnel et
épistémique, l’autre est constitué par ce qu’on peut appeler la
possibilité physique, comprise comme une propension à l’existence.

Leibniz – écrit Hacking – avait retenu du monde juridique que la


probabilité est une relation entre hypothèses et éléments
d’évidence. Mais il apprit aussi de la doctrine des chances que
les probabilités sont affaire de propensions physiques. Même
aujourd’hui, aucun philosophe n’est parvenu à combiner ces
deux découvertes de façon satisfaisante. Bien
qu’insatisfaisante, la combinaison proposée par Leibniz est plus
fascinante que la majeure partie des autres. On a, d’une part,
des degrés de probabilité in re, dont on peut dire qu’il s’agit de
tendances à produire des fréquences stables. Et celles-ci sont à
la base des probabilités in mente [6].

J’ai dit que Leibniz cherchait à pousser le plus loin possible


l’analogie entre le cas des termes non propositionnels ou
incomplexes et celui des termes propositionnels ou complexes.
L’analyse complète d’un terme non propositionnel a pour résultat
d’établir sa possibilité, autrement dit le fait qu’il ne contient aucune
contradiction interne. L’analyse complète d’un terme propositionnel a
pour but de décider s’il est vrai ou non, autrement dit, réductible ou
non à une identité explicite. Leibniz appelle couramment « vrai » un
terme non-propositionnel possible. Mais il y a évidemment, sur ce
point, une différence importante entre les termes non propositionnels
et les propositions. Dans le cas des termes non-propositionnels,
« vrai » coïncide avec « possible » (c’est en tout cas le choix que fait
Leibniz, alors que nous serions probablement plutôt tentés
d’identifier, dans le cas des termes non-propositionnels, « vrai » à
« existant »). Dans le cas des termes propositionnels, la situation est
différente. Une proposition simplement possible – si l’on entend par
là une proposition qui n’est pas contradictoire et pourrait, par
conséquent, être vraie, mais ne l’est pas forcément – ne peut être
identifiée à une proposition vraie.

Comment faut-il comprendre, s’agissant des propositions, la


différence entre le cas d’un terme impossible et celui d’un terme qui
est seulement faux ou inexistant, c’est-à-dire entre le cas d’un terme
qui est faux ou inexistant pour des raisons logiques, à savoir parce
qu’il est contradictoire, et celui d’un terme qui est faux ou inexistant
de façon contingente, autrement dit, qui pourrait ne pas l’être ?
Leibniz est conscient du fait que la différence risque de se ramener
simplement à la différence entre un terme dont l’impossibilité peut
être démontrée par une analyse finie et un terme dont l’impossibilité
ne peut être démontrée que par une analyse infinie :

A = A non-B est l’universelle négative. D’où il suit que la


particulière affirmative est fausse, autrement dit que AB est un
terme impossible, ou plutôt faux (si, en effet, on ne peut
démontrer cela parfaitement en résolvant à l’infini, il est faux, et
non impossible) [7].

Leibniz se rend évidemment compte du danger que l’universelle


négative apparaisse comme exprimant une impossibilité toutes les
fois qu’elle est vraie. Et il l’écarte de la façon suivante :

La proposition vraie est celle qui peut être démontrée ; la


proposition fausse, celle qui n’est pas vraie ; la proposition
impossible, celle dans laquelle entre un terme contradictoire ; la
proposition possible, celle qui n’est pas impossible. Est-ce que,
par conséquent, toute universelle négative n’est pas
impossible ? Il semble en être ainsi parce qu’on entend la chose
des notions, et non des choses existantes, comme si je dis
aucun homme n’est un animal, je ne l’entends pas seulement
des hommes existants, mais il suivra de là que ce qui est nié
d’un être singulier comme Pierre est nécessairement nié de lui.
Par conséquent, il faut nier que toute proposition universelle
négative soit impossible, et on peut répondre à l’objection que A
contient non-B peut être prouvé ou démontré soit par une
résolution parfaite, soit uniquement par une résolution
continuable à l’infini ou toujours imparfaite [8].

Considérons la proposition universelle négative aucun homme n’est


non-pécheur. Elle peut être comprise et on a tendance à la
comprendre comme signifiant qu’aucun homme possible n’est non-
pécheur. Elle semble alors énoncer une impossibilité ; et, si l’on dit
d’un individu déterminé qu’il n’est pas non-pécheur, on le dit alors
nécessairement de lui. Mais on peut également comprendre la
proposition comme portant non pas sur la notion d’humanité elle-
même mais sur ce qui l’exemplifie dans le monde que Dieu a choisi,
c’est-à-dire sur les hommes existants. On est alors beaucoup moins
tenté de considérer qu’elle énonce une impossibilité, parce qu’il
n’aurait sans doute pas été contradictoire que Dieu créât un monde
dans lequel il y aurait eu des hommes non-pécheurs. Ou en tout cas
– et c’est le point important pour Leibniz – il est impossible de
démontrer par une analyse finie que l’existence d’hommes non-
pécheurs impliquerait une contradiction. Il ne nous est donc pas
possible de réduire à une impossibilité la supposition de l’existence
d’hommes non-pécheurs, bien que cela puisse être fait par
quelqu’un qui serait capable de poursuivre l’analyse à l’infini. Leibniz
dit que :

Est faux un terme ou une proposition qui contient des opposés,


quelle que soit la manière dont on le prouve ; est impossible ce
qui contient des opposés, la preuve étant donnée par une
réduction dans un nombre fini de termes. Il convient par
conséquent de distinguer A = AB dont la preuve a lieu par une
résolution finie et A = AB dont la preuve a lieu par une résolution
à l’infini. Tout ce qu’on dit du nécessaire, du possible, de
l’impossible et du contingent procède de cette distinction [9].

Mais cette base n’est-elle pas justement trop fragile pour supporter
la charge considérable que Leibniz lui demande d’assumer ?
Autrement dit, si ce qui empêche une proposition universelle
négative en principe contingente d’exprimer en réalité une
impossibilité pure et simple est uniquement le fait que nous ne
sommes pas en mesure de démontrer (au sens strict) qu’elle est
impossible, est-ce suffisant pour que l’on puisse être tout à fait
rassuré sur ce point ?

Leibniz oppose le cas de la proposition le cercle le plus grand des


isopérimètres est un être nécessaire (circulus isoperimetrorum
maximus est Ens necessarius) à celui de la proposition l’homme
pécheur est un être nécessaire (homo peccans est Ens
necessarius). La première proposition est vraie, mais la deuxième
est fausse, parce qu’on ne peut donner aucune démonstration de la
proposition universelle tout homme pèche. En revanche, la
proposition l’homme pécheur existant est un être nécessaire est
vraie ; mais la nécessité est uniquement celle du conséquent [10]. Il
est vrai que l’homme existant non pécheur est non-étant ou
impossible ; mais cela n’est vrai que sous l’hypothèse qu’ajoute le
mot « existant », qui est que l’on parle d’un homme tel qu’on peut le
rencontrer dans le monde réel. Leibniz cherche à privilégier
« l’expression des propositions par des universaux ou des notions
[11] », sans pour autant risquer de transformer toutes les
propositions vraies en propositions nécessaires. Pour cela, il
soutient que les propositions universelles affirmatives que l’on
pourrait appeler existentielles, lorsqu’elles sont exprimées en termes
d’universaux ou de notions comme l’homme non pécheur n’est pas
existant ou l’homme existant non pécheur est non-étant, ne
deviennent pas pour autant nécessaires absolument parlant, mais
seulement hypothétiquement nécessaires. La notion d’homme,
considérée en elle-même, ne nous permet pas de démontrer la
proposition tout homme pèche. Mais nous pourrions déduire cette
proposition de la notion de l’homme, considéré comme un élément
de la série des choses existantes, si nous étions capables
d’effectuer une analyse infinie. Cela revient précisément à dire que
la proposition n’est pas nécessaire, mais contingente.

Une difficulté particulière se présente cependant à propos de


l’expression des propositions universelles nécessaires elles-mêmes
« per universalia et notiones (par universaux et notions) », c’est-à-
dire à l’aide du seul prédicat « étant » et de sa négation « non-
étant ». Leibniz note que la proposition l’homme pécheur est
pécheur, qui est identique, est plus facile à exprimer par l’impossible
et la contradiction que par le nécessaire. On peut la mettre sans
difficulté sous la forme l’homme pécheur non-pécheur est non-étant.
Mais, si l’on dit que l’homme pécheur pécheur est un être
nécessaire, il faut comprendre que (l’homme pécheur) pécheur est
un être nécessaire. Sans quoi, on pourrait s’imaginer qu’il est
possible de remplacer cette proposition par l’homme pécheur est un
être nécessaire [12]. De même, tout animal est un animal peut être
écrit sous la forme l’animal animal est un être nécessaire. Mais il
n’en résulte pas que animal est un être nécessaire. Ce qui est un
être nécessaire est, remarque Leibniz, non (animal (non-animal)). Il
en résulte qu’« on ne peut pas toujours remplacer plusieurs termes
équivalents apposés l’un à l’autre par un seul [13] ». Dans l’exemple
cité, l’animal n’est pas nécessaire, mais, si quelque chose est un
animal, alors il l’est nécessairement. Ce qui est nécessaire n’est pas
l’animal, mais l’animal qui est un animal.

Puisque Leibniz soutient que « la vérité est toujours soit


expressément soit implicitement identique [14] », la fausseté est
toujours soit expressément soit implicitement contradictoire. La
différence cruciale est, comme on l’a dit, entre les cas dans lesquels
l’identité ou la contradiction peuvent être exhibées en un nombre fini
d’étapes et celles dans lesquelles elles ne le peuvent pas. « A
contient B est une proposition vraie, si A. non-B infère une
contradiction [15] ». Si A est B est vrai, on a A = AB. Dans ce cas, en
substituant AB à A dans A. non B, on obtient AB. non B, qui est une
contradiction.

En soutenant que toute proposition, qu’elle soit nécessaire ou


contingente, est susceptible de recevoir une démonstration a priori
(ce qu’exige le principe de raison), Leibniz n’est-il pas allé déjà
beaucoup plus loin dans le sens du nécessitarisme qu’il ne l’aurait
souhaité ? C’est la question que se sont posée et que continuent à
se poser un bon nombre de ses lecteurs.

Le vrai – dit-il – est soit nécessaire, soit contingent. Le vrai


nécessaire peut être su par une série finie de substitutions ou
par la coïncidence des commensurables ; le vrai contingent, par
une série infinie ou par la coïncidence des incommensurables.
Nous rapportons l’explicable au commensurable, l’inexplicable à
l’incommensurable. Le vrai nécessaire est celui dont la vérité
est explicable, le vrai contingent celui dont la vérité est
inexplicable [16].

Mais, comme je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises, on peut avoir


le sentiment que la différence entre le vrai nécessaire et le vrai
contingent court le risque de se réduire finalement à la façon
différente dont ces deux espèces différentes de vérité peuvent être
sues et, qui plus est, sues par nous, ce qui menace de la faire
apparaître comme elle-même contingente et beaucoup plus petite
qu’elle ne l’est en réalité. Pourtant, Leibniz tient par-dessus tout à
maintenir que la différence a une réalité objective et qu’elle existe
aussi bien pour Dieu lui-même, qui peut cependant démontrer même
les propositions contingentes, que pour nous. On peut remarquer
que, si Leibniz avait songé à fournir quelque chose d’équivalent à ce
que nous appelons une démonstration de complétude, il serait en
droit d’affirmer que toute proposition nécessaire est démontrable, ce
dont on peut déduire que toute proposition qui n’est pas démontrable
n’est pas non plus nécessaire. Il serait donc légitime de considérer
que, si nous sommes certains qu’une proposition n’est pas
démontrable, nous pouvons être certains également qu’elle n’est pas
nécessaire. Mais, même dans ce cas-là, il resterait encore à se
poser la question que soulève Mates, à savoir : quelle relation
exacte y a-t-il entre la longueur infinie de la procédure que nous
serions obligés d’utiliser pour démontrer une proposition, si nous
essayions de le faire et le fait qu’elle est contingente, autrement dit
qu’il y a au moins un monde possible dans lequel elle est fausse ?
Dans l’esprit de Leibniz, la connexion qui existe entre ces deux
choses est néanmoins assez claire. Une des caractéristiques les
plus fondamentales de la contingence est le fait d’impliquer l’infini
dans les raisons ; et, par conséquent, il n’est pas surprenant que,
pour rendre complètement raison d’une proposition contingente, il
faille utiliser une procédure qui a, elle aussi, un caractère infini.

Qu’elle soit nécessaire ou contingente, la proposition vraie est


toujours, nous dit Leibniz, celle qui a la meilleure ou la plus grande
raison. Et la plus grande raison est celle qui est exprimée dans la
forme de l’identité explicite partielle ou totale entre le concept du
sujet et celui du prédicat (A = AB, ou A = A). La meilleure raison que
l’on puisse donner de la vérité d’une proposition est celle qui
consiste à la mettre sous la forme d’une identité explicite. Mais c’est
une forme à laquelle on ne parvient que très rarement et dont on ne
peut la plupart du temps que s’approcher plus ou moins, sauf dans
le cas particulier des vérités nécessaires. Est-il suffisant, cependant,
pour conjurer le risque que la proposition contingente vraie devienne
du même coup nécessaire, de remarquer que, même si elle est la
proposition qui a la plus grande raison, dans ce sens-là, nous
sommes cependant dans l’impossibilité de démontrer que c’est
effectivement le cas ? C’est apparemment la réponse dont Leibniz
semble nous suggérer, au moins à certains moments, de nous
contenter. Pour que la proposition contingente vraie A devienne
nécessaire, il faudrait que nous soyons en mesure de démontrer
qu’elle est celle qui a la meilleure raison :

Si la définition de la proposition nécessaire est que sa vérité


peut être démontrée selon la rigueur géométrique, alors il peut,
il est vrai, se faire que cette proposition puisse être démontrée :
toute vérité et seule la vérité a une raison plus grande, ou ceci :
Dieu agit toujours de la façon la plus sage. Mais on ne pourra
pas pour autant démontrer cette proposition : la proposition
contingente A a une raison plus grande, ou la proposition
contingente A est conforme à la sagesse divine. Et, par
conséquent, il ne s’ensuit pas non plus que la proposition
contingente A est nécessaire. Et c’est pourquoi quand bien
même Dieu choisirait nécessairement le meilleur, le meilleur ne
serait pas pour autant nécessaire. […] Ce qui serait concédé est
qu’il est nécessaire que Dieu choisisse le meilleur, ou que le
meilleur est nécessaire ; mais il n’en résulte pas que ce qu’il
choisit est nécessaire, parce qu’il n’y a pas de démonstration
que ce soit le meilleur [17].

De la proposition « Nécessairement (si Dieu choisit quelque chose,


ce qu’il choisit est le meilleur) », on peut apparemment déduire que :
« Nécessairement (si Dieu a choisi de rendre vraie une proposition
contingente donnée A, A avait une raison plus grande que sa
négation ou correspondait à ce qui est le meilleur) ». Mais on ne
peut inférer de la deuxième proposition que : « Nécessairement (A
avait une raison plus grande que sa négation ou correspondait à ce
qui est le meilleur) », parce qu’il faudrait pour cela être capable de
démontrer que A avait une raison plus grande ou que sa vérité
faisait partie de ce qui est le meilleur ou le plus sage. La
connaissance que nous parvenons à acquérir des choses qui
existent nous permet de connaître jusqu’à un certain point les choix
que Dieu a faits ; mais il n’en résulte pas que nous soyons en
mesure de démontrer qu’ils étaient effectivement les meilleurs et,
par conséquent, ceux qu’il devait nécessairement faire.

Leibniz est convaincu que, si l’on tient suffisamment compte de la


distinction qui doit être faite entre la nécessité logique de la
conséquence et celle du conséquent, l’explication qu’il donne de la
différence entre les vérités nécessaires et les vérités contingentes
ne lui enlève rien de son caractère fondamental et essentiel.

Dans les vérités contingentes – écrit-il –, bien que le prédicat


soit inhérent au sujet, cela ne peut cependant jamais être
démontré de lui, et la proposition ne peut jamais être ramenée à
une égalité ou une identité, mais la résolution va à l’infini, Dieu
seul voyant non certes la fin de la résolution qui n’existe pas,
mais néanmoins la connexion [des termes] et donc l’involution
du prédicat dans le sujet, parce qu’il voit tout ce qui est inhérent
à la série ; de plus, cette vérité elle-même est née en partie de
son intellect, en partie de sa volonté. Et elle exprime à sa façon
sa perfection infinie, et l’harmonie de toute la série des choses
[18].

Par conséquent, même s’il est vrai qu’il y a un sens du mot


« démonstration » auquel on peut dire que les propositions
contingentes peuvent, elles aussi, êtres démontrées (par Dieu) ou,
en tout cas, peuvent faire l’objet d’une connaissance a priori par la
simple analyse des concepts, elles n’en conservent pas moins un
statut bien différent de celui des propositions nécessaires. Celles-ci,
en effet, se bornent (si l’on peut dire) à exprimer des caractéristiques
qui sont communes à tous les mondes concevables, alors que les
premières ont quelque chose à voir en plus avec la perfection infinie
de Dieu, la perfection finie (mais indépassable) du monde qu’il a
choisi, et l’acte libre par lequel il a été produit.
Il arrive à Leibniz de parler des vérités contingentes, qui n’ont pas de
nécessité autre que morale, comme de vérités « libres » :

Les vérités sont tantôt des vérités démontrables, ou


nécessaires, tantôt des vérités libres ou contingentes, qui ne
peuvent être réduites par aucune analyse à une identicité,
comme à une mesure commune [19].

Ces vérités sont néanmoins l’objet, de la part de Dieu, d’une science


authentique, que Leibniz tient particulièrement à distinguer de
quelque chose comme la science expérimentale d’un
développement illimité ou d’une suite infinie, considérés de façon
extensionnelle. Ce qui est crucial n’est pas que Dieu soit en mesure
de percevoir un nombre beaucoup plus grand de termes que nous,
mais qu’il soit capable de percevoir un nombre beaucoup plus grand
de raisons. La science dont il s’agit est « une connaissance a priori
(par les raisons des vérités) », qui, dans la mesure où elle est une
connaissance des existants, et non pas seulement des possibles,
implique

la considération de sa volonté libre et de ses décrets, dont le


premier est de tout faire de la meilleure façon, et avec la raison
la plus haute [20].

Il y a donc bien deux espèces de vérité, pour Leibniz, les vérités


nécessaires et les vérités contingentes. Mais on risquerait de donner
une idée fausse de ce qui les distingue si on disait, dans le
vocabulaire que nous avons pris l’habitude d’utiliser, que les
premières sont des vérités « conceptuelles » et les secondes des
vérités « factuelles », même si Leibniz appelle les secondes des
« vérités de fait ». Car, pour lui, il n’y a pas deux espèces différentes
de fondement de la vérité, un pour les vérités nécessaires (les
concepts) et un autre pour les vérités contingentes (les faits). Toutes
les vérités doivent être considérées finalement comme étant de
nature conceptuelle, et il en va de même des connaissances : toute
connaissance authentique est une connaissance par concepts ; et
ce n’est pas attenter à l’importance et à la dignité de la
connaissance empirique, dont personne n’était plus convaincu que
Leibniz, que de remarquer que l’expérience n’est au fond que le
substitut qui a été octroyé aux êtres finis que nous sommes pour
compenser l’absence de maîtrise de l’infinité dans les raisons.

Mates, dans son livre sur Leibniz, observe que :

Le principe du prédicat-dans-le-sujet est initialement peu


plausible, et il le paraîtra probablement encore moins quand,
dans le chapitre 6, nous considérerons ses conséquences en
relation à la distinction entre propositions nécessaires et
propositions contingentes [21].

Par conséquent, la question que l’on est obligé de se poser est :


comment Leibniz peut-il considérer que le principe est non
seulement vrai, mais évident, et également être si certain qu’il ne
met aucunement en péril la distinction des vérités nécessaires et des
vérités contingentes ? Dans le cas des propositions singulières
comme « César a passé le Rubicon », il soutient que, du moment
que la proposition est vraie, non seulement les essentialia, comme il
les appelle, les attributs essentiels, mais également les existentialia,
doivent être contenus dans le concept du sujet. Et il n’envisage pas
un instant que le principe du prédicat-dans-le-sujet puisse mettre en
question la différence de statut qui existe entre eux, c’est-à-dire
entre les prédicats dont l’attribution au sujet donne lieu à la
formulation d’une vérité nécessaire et ceux dont l’attribution donne
lieu à celle d’une vérité qui est seulement contingente.

Lorsqu’on lui objecte que tous les prédicats de Pierre étant, d’après
lui, contenus dans l’essence ou la nature de Pierre, ils sont tous
essentiels et que, par conséquent, il était essentiel à Pierre de renier
le Christ et connu de Dieu comme une vérité d’essence qu’il renierait
le Christ, il se défend de la manière suivante :
Il faut répondre que dans cette notion complète de Pierre
possible dont j’admets qu’elle est observée par Dieu sont
contenus non seulement les essentialia ou necessaria, à savoir
les choses qui découlent de notions incomplètes ou spécifiques,
et sont pour cette raison démontrées à partir des termes, d’une
manière telle que le contraire implique contradiction, mais sont
contenus également les existentialia en quelque sorte ou les
contingentia, parce qu’il est de la nature de la substance
individuelle que la notion soit parfaite et complète et contienne
toutes les circonstances individuelles, même contingentes,
jusqu’aux plus petites choses, sans quoi elle ne serait pas
ultimée (ultimata) et ne serait pas distinguée de n’importe quelle
autre ; car les choses qui diffèrent, ne serait-ce que dans le plus
petit détail, seraient des individus différents, et la notion, si elle
était encore indéterminée, ne serait-ce que dans la circonstance
la plus minime, ne serait pas ultimée, mais pourrait être
commune à deux individus différents. Cependant, ces
individualia ne sont pas nécessaires pour autant et ne
dépendent pas seulement de l’intellect divin, mais des décrets
de la volonté divine, pour autant que ces décrets eux-mêmes
sont considérés comme des possibles par la volonté divine. Car
des individus possibles différents sont inhérents à des ordres ou
à des séries de choses possibles différentes, et une série
quelconque d’individus possibles ne dépend pas seulement des
notions spécifiques qui entrent en elle, mais dépend de certains
décrets libres par lesquels sont constitués l’harmonie ou l’ordre
fondamental et, pour ainsi dire, les lois de la série. C’est
pourquoi ce que j’ai avancé demeure après cette explication :
les contingents dépendent non seulement des essences, mais
aussi de libres décrets de Dieu, en sorte qu’il n’y a aucune
nécessité en eux, si ce n’est une nécessité d’un mode bien
précis : hypothétique [22].

Un des passages les plus typiques et les plus connus dans lesquels
est énoncé le principe du prédicat-dans-le-sujet est le suivant :
Une affirmation est vraie si son prédicat est dans son sujet ; par
conséquent, dans toute proposition vraie, nécessaire ou
contingente, universelle ou singulière, le concept du sujet est
d’une certaine façon contenu dans le concept du sujet, d’une
manière telle que quelqu’un qui comprendrait le concept du
sujet et le concept du prédicat comme Dieu les comprend
percevrait eo ipso que le prédicat est dans le sujet [23].

Ce passage donne en même temps une idée intéressante de la


façon dont Leibniz a pu en arriver à considérer le principe comme
une proposition qui ne peut pas être contestée sérieusement, à partir
du moment où elle est correctement comprise. Ce qu’il suggère
pourrait être formulé en disant que quelqu’un qui, comme c’est le
cas de Dieu, disposerait d’une connaissance complète de la
signification des termes qui figurent dans la proposition (en
l’occurrence « César » et « a passé le Rubicon ») – autrement dit,
qui posséderait une compréhension idéale des termes et de la
proposition elle-même – serait déjà du même coup en mesure
d’apercevoir sa vérité, et cela bien qu’il s’agisse d’une proposition
contingente et sans que cela l’empêche de rester contingente. On
peut donc considérer comme une façon plausible de reconstruire le
cheminement de pensée qui a été suivi par Leibniz ce que dit
Mates :

Considérons un des exemples favoris de Leibniz :


(1) César a passé le Rubicon.
Comprendre le sens de cette proposition implique comprendre
le sens de son terme sujet, « César », et celui de son prédicat,
« a passé le Rubicon ». En mettant de côté pour un moment la
considération du deuxième, nous pouvons dire que, pour
comprendre (1) parfaitement, on aurait besoin de savoir, au
minimum, de qui on parle. Dans la mesure où on a seulement
une notion vague de qui était César, dans cette mesure on ne
comprend pas ce qui est asserté par la phrase qui a « César »
comme terme sujet. Par conséquent, une compréhension
parfaite exclurait la confusion de César avec un autre individu
quelconque, aussi semblable qu’il puisse être ; en fait, elle
exclurait la confusion de lui avec un autre individu possible
quelconque. En bref, celui qui comprendrait parfaitement (1)
saurait exactement de quel état de choses possible il est
asserté par là qu’il est réalisé, et il ne peut pas savoir cela à
moins que son concept de César soit complet – c’est-à-dire,
suffisant pour distinguer ce général romain de n’importe quel
autre individu réel ou possible.

Par conséquent, le concept de César, qui est la signification que


ce terme aurait pour quelqu’un qui comprend parfaitement les
phrases dans lesquelles il sert de terme sujet, doit être un
concept d’individu complet, suffisant pour distinguer l’individu
que l’on a en vue de n’importe quel autre, réel ou possible.

De cela, en conjonction avec d’autres assomptions assez


ordinaires concernant la composition des concepts il semblerait
résulter que si (1) est vrai, alors le concept exprimé par
« passeur du Rubicon » doit être impliqué dans le concept
exprimé par « César » – c’est-à-dire, que son prédicat est
contenu dans son sujet [24].

C’est ici qu’il peut être intéressant de reparler de Sellars et d’un


principe dont il estime qu’il joue un rôle absolument fondamental
chez Leibniz et qu’il appelle le « principe de nommabilité » (Principle
of Nameability).

S’il y a quelque chose de central dans la métaphysique de


Leibniz, c’est bien le fait qu’il suppose clairement que toute
substance est nommable, et je crois que la reconnaissance de
ce fait jette un flot de lumière sur son système [25].

Leibniz considère comme acquis que toute substance individuelle


est nommable, et que cette acceptation du principe de nommabilité
entraîne avec elle celle du principe d’identité des indiscernables. Car
le nom d’une substance qui est proprement nommée aura comme
sens un critère qui distingue son nominatum de toutes les autres
substances. C’est ce sens, qui peut être appelé le « concept
d’individu », que « représente » le nom. Le principe de l’identité des
indiscernables énonce que deux individus ne peuvent pas différer
solo numero. La différence numérique doit toujours impliquer une
différence qualitative. Or ce que dit le principe de nommabilité, tel
que le comprend Leibniz, est qu’à deux individus numériquement
différents doivent toujours correspondre deux concepts d’individu
différents, qui permettent à quelqu’un qui a une connaissance
complète du sens de leurs noms respectifs (qui est constitué
justement par les concepts en question) de les distinguer. Leibniz
comprend le concept d’un individu d’une manière telle que le nom
propre dont il constitue le sens ne doit pas seulement être associé à
une ou plusieurs descriptions définies qui permettent d’identifier son
objet, mais contenir une description complète de son objet, qui
permet de distinguer celui-ci de tous les autres individus réels ou
possibles. C’est ce que Leibniz veut dire quand il dit, dans la
correspondance avec Arnauld, que, à la différence des notions
spécifiques, les notions des substances individuelles sont
« capables de distinguer entièrement leur sujet [26] ». Il faut
comprendre qu’elles sont capables de le distinguer non seulement
de n’importe quel autre individu réel, mais également de n’importe
quel autre individu possible.

Il est par conséquent évident que Leibniz ne comprend pas ce qu’il


appelle un « concept d’individu » dans le sens dans lequel nous le
faisons nous-mêmes. Comme le dit Sellars :

Alors que nous penserions que le concept d’individu que


représente un nom n’a besoin de spécifier qu’un petit nombre
de faits concernant le nominatum, car nous estimons qu’un petit
nombre de faits suffit à le distinguer des autres choses, Leibniz
interprète le concept d’individu associé au nom comme
spécifiant tout ce que le nominatum fait ou subit tout au long de
sa carrière tout entière [27].
Cela étant, pourquoi Leibniz estime-t-il que le sens d’un nom propre
doit inclure une description complète de l’objet qu’il dénomme ?

La réponse à cette question – écrit Sellars – est d’une simplicité


surprenante une fois que l’on se rend compte que Leibniz
s’occupe non pas de nos noms pour les substances –
effectivement, comme nous l’avons déjà souligné, il pense que
les noms, comme on les appelle, que nous utilisons ne sont pas
réellement des noms, mais une espèce particulière de termes
généraux – mais des noms de Dieu pour les choses. Si
maintenant nous avons à l’esprit l’argument selon lequel le sens
d’un nom doit servir à distinguer son nominatum de toutes les
autres substances, nous voyons immédiatement ce qui est en
train de se passer. Car Leibniz considère simplement comme
acquis que cela a un sens de parler de nommer des substances
possibles ! Et il n’est pas du tout implausible que, bien qu’une
description incomplète d’un objet puisse servir à le distinguer de
toutes les autres choses réelles, seule une description complète
qui épingle l’objet sous tous les aspects concevables
conformément au principe du tiers exclu puisse le distinguer de
toutes les autres choses possibles. S’il devait être admis que
Dieu a des noms pour toutes les substances possibles, il
semblerait effectivement que les concepts d’individus que
représentent ces noms doivent être comme Leibniz les
caractérise [28].

Mais ici une question importante se pose, qui provient d’une


ambiguïté dans la conception de Leibniz. Le sens d’un nom doit
servir à distinguer son nominatum de tous les autres éléments d’un
ensemble de substances possibles qui peuvent être discernées les
unes des autres. Or, s’il est entendu que l’ensemble de toutes les
substances logiquement possibles est un ensemble constitué
d’éléments distinguables les uns des autres, nous sommes obligés
de nous poser le problème suivant : l’ensemble constitué d’éléments
distinguables les uns des autres qui est pertinent pour la
dénomination d’une substance possible est-il l’ensemble de toutes
les substances logiquement possibles ? ou bien la dénomination
n’intervient-elle qu’après que les substances possibles ont été
réparties en mondes possibles en fonction de principes de
compossibilité plus restrictifs ? Rappelons-nous ce que dit sur ce
point Leibniz :

Les possibles contingents peuvent être considérés soit comme


séparés, soit comme ordonnés en mondes entiers possibles en
nombre infini, dont chacun est parfaitement connu de Dieu, bien
qu’un seul d’entre eux soit amené à l’existence ; il ne sert, en
effet, à rien de se représenter plusieurs mondes actuels,
puisqu’un seul pour nous embrasse l’universalité des créatures,
de tout temps et de tout lieu, et c’est en ce sens qu’on prend ici
le mot monde [29].

La différence entre ces deux façons de considérer les possibles est


évidemment importante, parce qu’on ne peut pas, de façon
générale, conclure de la possibilité logique de deux substances
prises séparément à leur compossibilité. Leibniz se plaint lui-même
régulièrement de la confusion qui est fréquemment commise entre la
possibilité et la compossibilité, et qui consiste à inférer abusivement
de :

« M(∃x)P(x) » et « M(∃x)Q(x) »

« M[(∃x)P(x) & (∃x)Q(x)] »

Le fait que deux substances A et B soient toutes les deux


logiquement possibles n’implique pas nécessairement qu’elles
puissent coexister au sein d’un même monde possible. La distinction
entre la possibilité et la compossibilité constitue évidemment un
point tout à fait crucial pour Leibniz. Car, si les deux notions
coïncidaient, tous les individus qui sont logiquement possibles –
c’est-à-dire dont le concept n’implique pas de contradiction –
seraient également compossibles et pourraient, par conséquent,
coexister au sein d’un seul et même monde possible. Il n’y aurait par
conséquent pas d’individus possibles qui n’existent pas, et on
retomberait du coup fatalement dans le spinozisme, que, comme on
l’a vu, Leibniz tient par-dessus tout à éviter.

Or on peut se demander sérieusement s’il est possible de maintenir


la distinction entre la compossibilité et l’incompossibilité tout en
défendant, par ailleurs, la thèse de la non-réalité des relations.

La raison de cela est la suivante. Si A et B sont des prédicats


monadiques (c’est-à-dire, non relationnels), qu’il soient simples ou
complexes, (∃x)A(x) & (∃x)B(x) est satisfaisable (logiquement
possible) si et seulement si (∃x)A(x) et (∃x)B(x) sont satisfaisables
séparément. Par conséquent, tant qu’on en reste à des prédicats à
une place, on ne peut apparemment pas faire de différence, pour ce
qui concerne la possibilité logique, entre la double assertion de
possibilité simple

(1) M(∃x)A(x) et M(∃x)B(x)

et l’assertion de compossibilité

(2) M[(∃x)A(x) & (∃x)B(x)]

La situation change dès qu’on admet des prédicats à plusieurs


places. On peut alors trouver assez facilement des cas dans
lesquels (1) est satisfaisable, alors que (2) ne l’est pas. Un exemple
simple est fourni par les deux assertions existentielles suivantes,
dans lesquelles « être le maître de » et « être l’esclave de » sont
considérées comme deux relations converses :

(3) Il existe quelqu’un qui est le maître de tout le monde

(4) Il existe quelqu’un qui n’est l’esclave de personne

Ces deux énoncés peuvent être vrais séparément, mais leur


conjonction
(5) Il existe quelqu’un qui est le maître de tout le monde et il
existe quelqu’un qui n’est l’esclave de personne

ne le peut pas.

Une façon de résoudre le problème serait de dire que Leibniz n’a


pas cherché à éliminer tous les termes relationnels, mais seulement
ceux qui n’ont pas de fondement dans la chose considérée. Il a donc
admis l’existence de prédicats relationnels irréductibles à la
condition qu’ils soient bien fondés.

PHILALÈTHE. Les termes qui conduisent nécessairement


l’esprit à d’autres idées qu’à celles qu’on suppose exister
réellement dans la chose à laquelle le terme ou mot est
appliqués sont relatifs, et les autres sont absolus.

THÉOPHILE. [On a bien ajouté ce nécessairement et on


pourrait ajouter expressément ou d’abord, car on peut penser
au noir, par exemple, sans penser à sa cause ; mais c’est en
demeurant dans les bornes d’une connaissance qui se présente
d’abord et qui est confuse ou bien distincte mais incomplète ;
l’un quand il n’y a point de résolution de l’idée, et l’autre quand
on la borne. Autrement il n’y a point de terme si absolu ou si
détaché qu’il n’enferme des relations et dont la parfaite analyse
ne mène à d’autres choses et même à toutes les autres, de
sorte qu’on peut dire que tous les termes relatifs marquent
expressément le rapport qu’ils contiennent. J’oppose ici, l’absolu
au relatif, et c’est dans un autre sens que je l’ai opposé ci-
dessus au borné [30].]

La non existence de déterminations purement relationnelles est,


selon Leibniz, une des multiples conséquences qui résultent du
principe du « prédicat dans le sujet » :

Il en résulte également qu’il n’y a pas de dénominations


<purement> extrinsèques qui n’aient aucun fondement dans la
chose dénommée elle-même. Il faut en effet que la notion du
sujet dénommé enveloppe la notion du prédicat. Et, par
conséquent, toutes les fois que la dénomination de la chose est
changée, il faut qu’une variation d’une certaine sorte se fasse
dans la chose même [31].

Cette situation a amené Hintikka à remarquer que :

La distinction de Leibniz [entre le possible et le compossible] est


sans différence tant que des concepts relationnels ne sont pas
employés. C’est un résultat frappant, si on tient compte de
l’affirmation souvent répétée que Leibniz voulait se passer en
dernière analyse des relations et les réduire à des concepts non
relationnels. Si c’était le cas, le système de Leibniz serait
inconsistant de façon ironique. Sa distinction entre possibilité et
compossibilité ne serait une distinction viable que si la réduction
qu’il a tentée des relations à des prédicats non relationnels
échoue [32].

Mais si l’ensemble d’éléments distinguables qui est concerné dans la


nomination d’une substance possible est celui du monde possible
dont elle fait partie avec toutes les autres substances qui sont
compossibles avec elle, alors le concept individuel d’une substance
possible pourrait la distinguer d’une autre substance dans son
monde sans avoir besoin pour cela de la décrire complètement ; et
sa distinguabilité d’avec toutes les autres substances possibles dans
d’autres mondes possibles découlerait de la distinguabilité de ces
mondes.

Or, d’après Sellars, et il a certainement raison sur ce point, il ne peut


guère y avoir de doute sur le choix qu’a fait Leibniz :

Il me semble tout à fait clair que Leibniz pense réellement au


concept de chaque substance possible comme spécifiant sa
place dans un système de substances qui s’ajustent les unes
aux autres et qui se développent de la façon ordonnée selon
une loi qui est caractéristique d’un monde possible. En faisant
cela, soutiendrai-je, il a ruiné son exigence, pour autant qu’elle
est basée sur l’idée d’un nom, que le concept individuel d’une
substance possible sélectionne cette substance dans les termes
d’une description complète [33].
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
Cours 26. La solution leibnizienne de l’aporie de Diodore

Revenons à présent à l’argument de Diodore. Leibniz, comme je l’ai


dit, ne semble pas avoir de problème sérieux avec le principe de
nécessité conditionnelle aristotélicien [1]. Mais il y a, en revanche,
une chose essentielle qu’il n’est pas prêt à accorder à Aristote. Pour
sauver la liberté et la contingence, celui-ci a été amené, selon lui, à
faire une concession regrettable, qui n’était en réalité aucunement
nécessaire :

Cicéron dit dans son livre De fato, que Démocrite, Héraclite,


Empédocle, Aristote, ont cru que le destin emportait une
nécessité ; que d’autres s’y sont opposés (il entend peut-être
Épicure et les académiciens), et que Chrysippe a cherché un
milieu. Je crois que Cicéron se trompe à l’égard d’Aristote, qui a
fort bien reconnu la contingence et la liberté, et est allé même
trop loin en disant (par inadvertance, comme je crois) que les
propositions sur les contingents futurs n’avaient point de vérité
déterminée ; en quoi il a été abandonné avec raison par la
plupart des scolastiques [2].

Du point de vue de Leibniz, il n’y a aucune incompatibilité entre le


destin, bien compris, et la liberté. Le destin ne confère, en effet,
aucune nécessité aux actions que nous effectuons, même s’il est
vrai qu’elles se produiront à coup sûr. Il faut trouver, comme il le dit,
un juste milieu entre un destin qui nécessiterait, au sens absolu, ce
qui arrive et un destin qui laisserait subsister une indétermination
réelle dans ce qui va arriver et, en particulier, dans ce que nous
allons faire. Le juste milieu entre la nécessité absolue et
l’indétermination est constitué précisément par la nécessité
hypothétique, qui permet d’éliminer toute espèce d’incertitude et
d’indétermination dans ce qui arrivera, sans le rendre pour autant
nécessaire. Leibniz reconnaît lui-même que sa conception est,
somme toute, assez proche de celle de Chrysippe, dont elle fournit
une version améliorée :

Si nous étions assez informés des sentiments des anciens


philosophes, nous y trouverions plus de raison qu’on ne croit [3].

J’ai déjà eu l’occasion de souligner les rapprochements qui peuvent


être faits entre la position de Leibniz et celle de Chrysippe, et je ne
reviendrai pas là-dessus.

Leibniz, comme je l’ai également souligné, ne cède en aucune façon


à la tentation très répandue de conclure de l’omniscience divine –
qui implique, chez celui qui la possède, la connaissance préalable et
certaine de tout ce qui arrivera – à la nécessité de ce qui arrivera. Il
est important de remarquer qu’il ne commet pas non plus l’erreur de
conclure, comme on peut également être tenté de le faire, de
l’omniscience divine à la bivalence. La validité universelle du
principe de bivalence n’a aucun besoin, à ses yeux, de l’omniscience
divine pour être à l’abri de toute espèce de contestation possible.
Elle découle, en effet, directement de la nature même de la vérité.
Autrement dit, que toute proposition, y compris les propositions qui
décrivent des événements futurs contingents, soit vraie ou fausse,
ne peut faire aucun doute si c’est bien de la vérité que l’on parle.
Cela ressort clairement de la façon dont Leibniz procède dans les
Generales inquisitiones (les « Recherches générales sur l’analyse
des notions et des vérités »).

La théorie de la vérité qu’il y développe repose sur quatre


propositions primitives dont il dit qu’elles sont simplement
explicatives de la nature de la vérité et de la fausseté. Elles peuvent
donc être considérées en quelque sorte comme des définitions
implicites partielles des termes « vrai » et « faux ». Leibniz écrit :

Les propositions 1, 2, 3, 4 font office de définitions, ce qui fait


qu’elles sont admises sans démonstration ; elles indiquent en
effet l’usage de certains signes, à savoir des signes de la vérité
et de la fausseté, de l’affirmation et de la négation [4].

Ces quatre propositions sont :

1. Il y a coïncidence entre l’énonciation (directe) L et


l’énonciation (réflexive) L est vrai. Donc (L est vrai) est vrai = L
est vrai = L. De même : (L est faux) est vrai = L est faux. D’autre
part, il y a coïncidence entre L est vrai et (L est faux) est faux.
(Cette deuxième équivalence est présentée elle-même comme
une proposition primitive.)

2. Si A et B coïncident, non-A et non-B coïncident également.


Non-non-A et A coïncident.

3. Il y a coïncidence entre le non vrai et le faux, donc également


entre le non faux et le vrai. Cela résulte du fait que si non-A et B
coïncident, non-B et A coïncident également. Leibniz le
démontre en (2) en utilisant la loi de la double négation (il y a
coïncidence entre non-non-A et A) comme axiome.

4. Il y a coïncidence entre (L est vrai) est vrai et (L n’est pas


vrai) n’est pas vrai. Donc L et (L est faux) est faux coïncident.
En effet, L = L est vrai = (L est vrai) est vrai (1). Or (L est vrai)
est vrai = (L n’est pas vrai) n’est pas vrai (4). Et, en vertu de (3),
(L n’est pas vrai) n’est pas vrai = (L est faux) est faux. On peut
démontrer sans difficulté que : L = (L est non faux) est non
faux ; L est faux = (L est non vrai) est non faux ; L est faux = (L
est non faux) est non vrai [5].

Il ne faut pas pousser plus loin qu’on ne peut raisonnablement le


faire le rapprochement, qui vient assez naturellement à l’esprit, entre
Leibniz et Tarski, notamment pour la raison suivante. Chez Leibniz,
le prédicat « vrai » n’est pas appliqué à des expressions
linguistiques, mais à des concepts ou à des termes, en l’occurrence
des concepts ou des termes complexes, c’est-à-dire propositionnels,
et ce n’est pas un prédicat métalinguistique. C’est un point qui est
souligné avec raison dans la présentation que Franz Schupp a
rédigée pour la traduction allemande des Generales inquisitiones de
analysi notionum et veritatum :

« Vrai (Wahres) » n’est pas une expression métalinguistique. La


désignation énoncé « direct » et énoncé « réflexif » dans (1) ne
doit pas être interprétée au sens de langage-objet et
métalangage. Il y a là plutôt une théorie de la définition allant
jusqu’à la généralisation la plus extrême, qui donne la possibilité
d’énoncés de la plus grande universalité [6].

Le principe de bivalence peut être tiré immédiatement de (3). Si L


est non vrai, L est faux. Si L est vrai, L est non faux. Si L est non
faux, L est vrai. Si L est faux, L est non vrai. Par conséquent, toute
proposition est soit vraie, soit fausse.

Aristote lui-même, dans ces conditions, pourrait être soupçonné


d’avoir méconnu à un moment donné

« la nature même de la vérité qui est – dit Leibniz – déterminée


dans les énonciations qu’on peut former sur les événements
futurs, comme elle l’est dans toutes les autres énonciations,
puisque l’énonciation doit toujours être vraie ou fausse en elle-
même, quoique nous ne connaissions pas toujours ce qui en est
[7].

On n’est donc jamais autorisé à conclure du fait que nous ignorons


si une proposition est vraie ou fausse – et sommes peut-être
condamnés à l’ignorer une fois pour toutes – qu’elle n’est peut-être,
après tout, ni vraie ni fausse. Vuillemin exprime de la façon suivante
la confusion que Leibniz reproche sur ce point à Aristote :

Malgré sa sympathie générale pour Aristote et son esprit de


conciliation dans l’interprétation des textes, Leibniz a souvent
critiqué la mise en question du principe de bivalence : cette
mise en question méconnait « la nature même de la vérité qui
est déterminée dans les énonciations qu’on peut former sur les
événements futurs, comme elle l’est dans toutes les autres
énonciations, puisque l’énonciation doit toujours être vraie ou
fausse en elle-même, quoique nous ne connaissions pas
toujours ce qui est [8] ». Comme l’indique la concessive finale,
on peut préciser le genre de confusion qui se serait glissée dans
la conception d’Aristote : il aurait pris l’incertain pour
l’indéterminé et, d’une propriété subjective regardant notre
connaissance, il aurait fallacieusement tiré une propriété
objective regardant l’ordre des choses [9].

Pour ce qui concerne ce que la logique proprement dite a à dire sur


la question, la réaction de Leibniz n’est pas tellement surprenante,
puisqu’il ne fait, de façon générale, pas beaucoup de différence
entre le principe d’identité, le principe de non-contradiction, le
principe du tiers exclu, et le principe de bivalence. Chacun de ces
principes constitue, d’une certaine façon, pour lui, une partie de la
définition de la notion de vérité elle-même. Il n’est donc pas
particulièrement soucieux de reconnaître et de respecter la
différence qu’il y a entre le point de vue d’Épicure (qui conteste
réellement le principe du tiers exclu) et celui d’Aristote (qui conteste
le principe de bivalence, mais pas le principe du tiers exclu).

Ce que Vuillemin veut dire quand il dit qu’Aristote récuse simplement


le principe de rétrogradation de la vérité est ceci. La proposition « Il y
a aura demain une bataille navale » sera peut-être vraie demain.
Mais, même si cela doit être le cas, il n’est pas forcément vrai dès
aujourd’hui et il était encore moins vrai de toute éternité qu’il y aura
demain une bataille de cette sorte. Et c’est cette situation qui oblige
à mettre en question le principe de bivalence dans le cas des
propositions qui décrivent des événements futurs contingents. Pour
ce qui est de la confusion qui est supposée commise entre l’incertain
et l’indéterminé, il faut souligner qu’aux yeux d’Aristote, il y a une
indétermination dans la valeur de vérité de certaines propositions
parce qu’il y a une indétermination objective dans la réalité. Les
choses ne sont pas – en tout cas, pas nécessairement – telles
qu’elles peuvent rendre dès à présent vraie la proposition qui
énonce que tel ou tel événement futur se produira le moment venu.
Mais, comme j’ai eu l’occasion de le souligner à maintes reprises,
c’est justement le genre de chose que Leibniz conteste
catégoriquement.

L’argumentation d’Aristote s’appuie sur le fait que, si on pouvait


attribuer dès à présent la valeur de vérité vrai ou faux à la
proposition qui énonce qu’il y aura demain une bataille navale,
l’événement qu’elle décrit serait nécessaire ou impossible. Or la
seule forme de nécessité qui peut être attribuée à un événement
comme celui dont il s’agit est la nécessité conditionnelle. La
nécessité dont il est question dans le principe de nécessité
conditionnelle porte sur un énoncé ouvert à variable temporelle, et
elle est assujettie à la même variable. Le principe peut s’énoncer de
la façon suivante : « Quel que soit t, si p a lieu pendant le temps t, il
est nécessaire pendant le temps t que p ait lieu pendant le temps t. »

Les modalités aristotéliciennes – souligne Vuillemin– dépendent


des genres de la prédication et du rapport réel du prédicat au
sujet. Lorsque ce rapport est celui de l’accident, il impose à la
nécessité, conçue de re, une validité seulement temporelle. Une
telle nécessité conditionnelle, inséparable de son contexte
temporel, ne saurait, par elle-même, rétrograder, quoique des
circonstances extrinsèques tirées de la causalité puissent,
comme dans le cas de l’éclipse, fonder la rétrogradation [10].

Des énoncés comme « La somme des angles d’un triangle est égale
à deux droits » ou « Le ciel se meut toujours » ont une nécessité
simple. Des énoncés comme « Le soleil est occulté par la lune » ou
« Socrate marche » constituent des exemples de nécessité
conditionnelle, dans lesquels le prédicat n’appartient au sujet que
pendant la durée de l’actualisation de l’événement. Il n’était pas vrai,
avant que Socrate se mette à marcher, de dire qu’il marcherait
nécessairement. Il ne sera pas non plus vrai, après l’événement, de
dire que Socrate a marché nécessairement à ce moment-là. Mais
cela ne signifie pas que la seule forme de nécessité qui puisse être
attribuée aux événements futurs soit dans tous les cas la nécessité
conditionnelle, celle qui ne peut pas rétrograder. Comme le montre
le cas de l’éclipse – dont nous pouvons d’ores et déjà prédire
l’occurrence sur la base d’une connaissance que nous avons des
causes qui font que, le moment venu, elle aura lieu –, il y a des
situations dans lesquelles la nécessité conditionnelle dégénère en
nécessité simple :

S’agissant d’accidents futurs, tout ce qu’on peut dire pour l’état


de choses correspondant, c’est qu’il sera nécessaire qu’il soit
pendant qu’il sera ou qu’il sera impossible qu’il soit pendant qu’il
ne sera pas. En revanche – sauf à invoquer une rétrogradation
extrinsèque, on ne pourra pas dire de l’état de choses
correspondant qu’il est nécessaire simpliciter ou qu’il est
impossible simpliciter qu’il doive être. En conséquence, on ne
pourra pas non plus maintenir que toute affirmation ou négation
portant sur le futur est vraie ou fausse.

La nécessité conditionnelle de l’éclipse dégénère, car, les


positions et les mouvements respectifs du soleil et de la lune
étant donnés, les lois de l’astronomie garantissent la
rétrogradation. Il est donc déjà vrai qu’il y aura éclipse à tel
moment. La nécessité simple s’applique à ce genre d’accidents.
Mais, si rien actuellement dans les causes présentes ne rend
inéluctable l’existence future de la bataille navale, cette bataille
ne sera nécessaire que si elle a lieu et pendant qu’elle aura lieu.
Il n’est donc pas déjà vrai qu’elle aura lieu [11].

Pour ce qui concerne la formulation que Leibniz donne des premiers


principes logiques, on peut remarquer qu’il les ramène généralement
tous à un seul, qu’il appelle d’ordinaire le principe de contradiction, le
deuxième des grands principes sur lesquels finalement tout repose
étant le principe de raison suffisante. De nombreux textes
témoignent de cette tendance.
Il y a deux grands principes, savoir celui des identiques ou de la
contradiction, qui porte que de deux énonciations
contradictoires, l’une est vraie et l’autre fausse ; et celui de la
raison suffisante, qui porte qu’il n’y a point d’énonciation
véritable dont celui qui aurait toute la connaissance nécessaire
pour l’entendre parfaitement, ne pourrait voir la raison [12].

Dans ce passage, Leibniz réunit, sous le nom de principe des


identiques ou de contradiction, le principe de contradiction
proprement dit (deux propositions qui constituent la négation l’une
de l’autre ne peuvent être vraies simultanément, autrement dit, une
au moins des deux est fausse) et le principe du tiers exclu (deux
propositions qui constituent la négation l’une de l’autre ne peuvent
être fausses simultanément, autrement dit, l’une au moins des deux
est vraie). Le principe de bivalence est également inclus dans
l’énoncé du principe de contradiction, tel que le formule Leibniz,
puisque, s’il y avait d’autres valeurs de vérité possibles pour les
propositions que le vrai et le faux (par exemple, la valeur ½ de
Lukasiewicz), une proposition et sa négation pourraient
éventuellement prendre l’une et l’autre cette valeur, de sorte
qu’aucune des deux propositions ne serait vraie et aucune non plus
ne serait fausse.

En fait, comme le remarque Mates, quand on passe en revue les


passages dans lesquels Leibniz parle de ce qu’il appelle le principe
de contradiction, on se rend compte que :

Il ne prête aucune espèce d’attention à un bon nombre de


distinctions qui aujourd’hui seraient considérées comme
importantes ou même essentielles. Il est clair qu’il regarde
toutes les assertions suivantes comme des formulations
différentes d’une seule et unique loi :
1. Une proposition ne peut pas être vraie et fausse en même
temps.
2. Une proposition est soit vraie soit fausse.
3. A est A et ne peut pas être non-A.
4. Dans un couple de contradictoires, une des deux propositions
est vraie et l’autre fausse.
5. La même chose ne peut pas être et ne pas être [13].

Mates cite même un passage qui peut donner l’impression que le


principe de contradiction contient non seulement une partie de la
théorie de la vérité et de la fausseté, mais même la théorie entière :

En premier lieu, j’assume que toute énonciation (c’est-à-dire,


toute affirmation ou négation) est soit vraie soit fausse ; et, bien
sûr, que, si l’affirmation est vraie, la négation est fausse ; si la
négation est vraie, l’affirmation est fausse. Que ce dont on nie
qu’il soit vrai (avec vérité, bien entendu) est faux ; et ce dont on
nie qu’il soit faux est vrai. Que ce dont on nie qu’il soit affirmé ou
affirme qu’il est nié, cela est nié ; ce dont on affirme qu’il est
affirmé et ce dont on nie qu’il soit nié, cela est affirmé. De
même, ce dont il est vrai qu’il est faux ou faux qu’il soit vrai,
c’est faux. Ce dont il est vrai qu’il est vrai, et ce dont il est faux
qu’il soit faux est vrai. Toutes choses qu’on a coutume de
comprendre sous le nom unique de Principe de Contradiction
[14].

Qu’est-ce qui est arrivé au juste à Aristote, pour qu’il ait pu être
victime de l’étourderie que déplore Leibniz et qui aurait consisté à
accepter sans nécessité de renoncer à un principe logique
absolument fondamental, à savoir le principe de bivalence, qui, pour
Leibniz, est aussi peu contestable que le principe de contradiction ou
le principe du tiers exclu ? Mates fait, sur ce point, une constatation
que Leibniz avait déjà faite, à savoir que le langage lui-même nous
encourage à la confusion de la nécessité hypothétique avec la
nécessité absolue, qui, une fois qu’elle a été commise, semble
imposer des mesures de sauvetage radicales pour préserver la
liberté et la contingence. Je me permets de citer à nouveau le
passage qui nous intéresse :
En grec classique, comme en anglais et dans d’autres langues
modernes, quand une conditionnelle modalisée doit être
exprimée, on met naturellement l’opérateur modal dans le
conséquent : nous disons « Si Reagan a été élu, alors il doit
avoir eu le plus grand nombre de voix », au lieu d’utiliser la
phrase logiquement plus claire, mais moins idiomatique
« Nécessairement, si Reagan a été élu, il a eu le plus grand
nombre de voix ». Nous créons donc l’apparence que la
nécessité est prédiquée conditionnellement du conséquent,
plutôt que prédiquée inconditionnellement du tout. Si nous
ajoutons la prémisse vraie « Reagan a été élu », nous pouvons
continuer (si nous sommes suffisamment plongés dans la
confusion philosophique) et détacher par le modus ponens le
conséquent, « Reagan doit avoir eu le plus grand nombre de
voix » ; et alors, puisqu’il n’y avait évidemment pas de nécessité
logique que Reagan ait le plus grand nombre de voix, nous
pourrions supposer qu’une autre espèce de nécessité est
impliquée.

La tendance à tomber dans ce genre de sophisme, que nous


pouvons appeler le « sophisme du glissement de l’opérateur
modal », est très forte, comme on peut le vérifier soi-même en
discutant avec des amis qui ne sont pas logiciens. Les gens
veulent dire des choses comme « Bien sûr, il n’est pas
réellement nécessaire que Smith ait une femme, mais étant
donné que (ou dans l’hypothèse où) il est un mari, c’est
nécessaire » [15].

Visiblement, Leibniz, comme beaucoup d’autres commentateurs,


soupçonne Aristote d’avoir raisonné à peu près de la façon
suivante :

Dans le chapitre du De interpretatione sur la bataille navale,


Aristote semble argumenter comme suit : s’il est vrai maintenant
que quelque chose sera ainsi, alors il ne peut pas ne pas être
ainsi et sera nécessairement ainsi ; et s’il est vrai maintenant
qu’il ne sera pas ainsi, alors nécessairement il ne sera pas
ainsi ; par conséquent, s’il est vrai maintenant qu’il sera ainsi ou
vrai qu’il ne sera pas ainsi, alors ou bien nécessairement il sera
ainsi ou bien nécessairement il ne sera pas ainsi – tout ce qui
arrivera, par conséquent, arrivera nécessairement, et rien
n’arrivera par hasard. L’argument repose clairement sur le
sophisme que nous sommes en train de discuter. La tendance
d’Aristote à faire glisser l’opérateur modal « nécessairement »
dans le conséquent d’une conditionnelle est aussi visible ailleurs
dans ses écrits logiques. Ainsi, dans les Premiers Analytiques,
le glissement est visible dans ses énonciations des formes
valides du syllogisme (par exemple, Barbara : « Si A est
prédiqué de tout B et B de tout C, alors il est nécessaire pour A
d’être prédiqué de tout C »). Et dans le passage de la Physique
dans lequel la notion de nécessité hypothétique est introduite
pour la première fois, nous lisons : « Si une chose doit être une
scie et remplir sa fonction, elle doit nécessairement être en fer.
Mais la nécessité est hypothétique (ex hypotheseos) [16] » [17].

On peut résumer la chose disant que : de (1) « Nécessairement (s’il


est vrai aujourd’hui qu’il y aura une bataille navale demain, alors il y
aura une bataille navale demain) », qui est une affirmation vraie, on
peut déduire logiquement (2) « S’il est vrai aujourd’hui qu’il y aura
une bataille navale demain, alors il y aura une bataille navale
demain », mais sûrement pas (3) « S’il est vrai aujourd’hui qu’il y
aura une bataille navale demain, alors il y aura nécessairement une
bataille navale demain ».

Il peut être utile de rappeler ici la façon dont Aristote argumente


dans le texte du chapitre 9 du De interpretatione auquel nous nous
référons. Vuillemin la résume de la manière suivante :

Il [le texte] se réduit à une chaîne d’implications : si l’on admet le


principe de non-contradiction – les deux énoncés ne sont pas
vrais –, alors si l’on admet le principe du tiers exclu – les deux
énoncés ne sont pas faux -, on ne peut, au cas où l’on admette
encore la validité universelle du principe de bivalence – l’un des
énoncés est vrai, l’autre est faux actuellement –, éviter de tenir
pour nécessaires tous les énoncés portant sur le futur. Par
contraposition, l’existence de futurs contingents exigera, si l’on
conserve la non-contradiction et le tiers exclu, qu’on mette en
question la bivalence et que, par conséquent, l’un des énoncés
soit vrai et l’autre faux mais seulement en puissance [18].

La solution consiste donc à rejeter la conception selon laquelle


« toute affirmation ou négation portant sur le futur est vraie ou
fausse [19] ».

Cela ne revient cependant pas du tout à suggérer que les


propositions qui décrivent des événements futurs contingents
peuvent et doivent avoir une autre valeur de vérité que le vrai et le
faux. Aristote peut maintenir le principe du tiers exclu, tout en
mettant en question la validité du principe de bivalence dans le cas
des énoncés décrivant des événements futurs contingents, parce
que le principe de bivalence doit être compris ici de la façon
suivante : même si une au moins des deux propositions « Il y a aura
demain une bataille navale » et « Il n’y aura pas de bataille navale
demain » est vraie, ce qui signifie que le principe du tiers exclu reste
valide, aucune des deux ne l’est de façon déterminée ; autrement
dit : laquelle des deux est vraie est une chose qui n’est pas décidée
pour l’instant. Le point important est que cela peut être aussi bien
l’une que l’autre qui est vraie. Et on ne pourra même pas dire
demain, s’il y a effectivement une bataille navale, que quelqu’un qui
aurait dit aujourd’hui qu’il y aura une bataille navale demain aurait dit
une chose vraie, puisque cela n’était tout simplement pas encore
vrai.

Comme le dit Joseph Vidal-Rosset :

On rétablit la cohérence de la pensée d’Aristote si l’on rappelle


que, pour lui, c’est en vertu de sa correspondance avec la
réalité qu’un énoncé est vrai. Or, évidemment, un énoncé qui
porte sur un futur contingent ne peut pas être vrai puisque
l’événement futur, par définition, n’est pas. Mais cela ne signifie
pas pour autant que la contradictoire de p soit vraie, car Aristote
ne soutient pas que p, s’il porte sur un futur, est faux parce que
sans référence. Il veut simplement dire que la proposition future
portant sur un événement contingent garde une valeur de vérité
variable : le vrai ou bien le faux […], car ce n’est que la
réalisation de l’événement dont on parle au futur qui peut fixer la
vérité de ce qu’on énonce. Avant cette réalisation, il est inexact
d’un énoncé portant sur un futur contingent que cet énoncé est
vrai (pas plus que l’on ne peut dire qu’il est faux) : sa vérité (ou
sa fausseté) sont en puissance [20].

En d’autres termes, tout se passe comme si on pouvait dire de la


proposition « Il y aura une bataille navale demain » qu’elle possède
le prédicat disjonctif « être vraie ou fausse » (on peut dire d’elle
qu’elle est « vraie ou fausse »), mais pas qu’elle est vraie ou qu’elle
est fausse (puisqu’elle n’est pour le moment aucune de ces deux
choses). Cela semble signifier que le principe de bivalence est
conservé dans un certain sens et rejeté dans un autre. Vidal-Rosset
a essayé d’exprimer cela en distinguant deux versions du principe
de bivalence, la version usuelle, qu’il appelle la bivalence logique :

(biv) : Toute proposition est vraie ou bien fausse

et une version épistémologique plus forte :

(BIV) : Tout énoncé déclaratif est vrai ou faux de façon


déterminée, indépendamment des moyens que nous avons
pour savoir s’il est vrai ou faux.

(biv) est un principe de la logique classique qu’on peut considérer


comme philosophiquement neutre, mais (BIV) ne l’est pas. Si on
peut reconnaître – et si Aristote reconnaît effectivement – la validité
universelle du principe du tiers exclu, il conteste, en revanche, la
validité universelle du principe de bivalence au sens de (BIV), car ce
principe ne s’applique pas aux énoncés portant sur le futur en
matière contingente. L’indétermination du futur impose que l’on
n’applique pas le principe aux énoncés de cette sorte, même si la
bivalence, au sens faible de (biv), doit être maintenue pour que la
validité universelle du principe du tiers exclu puisse être préservée.
Elle le doit parce qu’il n’est pas possible d’affirmer simultanément
que la proposition « p ou non-p » est nécessairement vraie et qu’il y
a malgré tout des cas dans lesquels aucun des deux constituants de
la disjonction, « p » et « non-p », n’est vrai.

Mais, selon la conception réaliste de la vérité que défend Aristote, un


énoncé est vrai s’il correspond à la réalité. C’est cette
correspondance qui le rend vrai, et sûrement pas le fait que nous
soyons en mesure de savoir qu’il est vrai. Or, est-on obligé de
remarquer, ce n’est pas le fait que nous soyons en mesure de savoir
s’il y aura ou non une éclipse demain, alors que nous ne sommes
pas en mesure de savoir s’il y aura ou non une bataille navale
demain, qui peut par lui-même nous autoriser à affirmer que la
première proposition est de façon déterminée vraie ou fausse, alors
que la deuxième ne l’est pas. C’est le contraire de cela qui est vrai
pour Aristote et, bien entendu, également pour Leibniz : cela ne
pourrait être que parce que la première proposition est vraie ou
fausse, alors que la deuxième ne l’est pas, que nous pouvons dire
avec vérité de la première qu’elle est vraie ou fausse, et pas de la
deuxième. Bien entendu, ce qui est susceptible de rendre vraie la
proposition qui affirme qu’il y aura une éclipse demain ne peut pas
non plus être la correspondance avec le fait lui-même, puisque celui-
ci n’est pas encore réalisé, mais le genre de correspondance avec la
réalité qui consiste dans l’existence d’une série causale qui a déjà
commencé et dont l’occurrence de l’événement résultera à coup sûr
le moment venu.

La nécessité conditionnelle de l’éclipse – dit Vuillemin –


dégénère car, les positions et les mouvements respectifs de la
lune et du soleil étant donnés, les lois de l’astronomie
garantissent la rétrogradation. Il est donc déjà vrai qu’il y aura
éclipse à tel moment. La nécessité simple s’applique à ce genre
d’accidents. Mais, si rien actuellement dans les causes
présentes ne rend inéluctable l’existence future de la bataille
navale, cette bataille ne sera nécessaire que si elle a lieu et
pendant qu’elle a lieu. Il n’est donc pas déjà vrai qu’elle aura
lieu [21].

Mais, pourrait-on être tenté de faire remarquer, qu’est-ce qui


empêche que la série causale qui aboutira le moment venu à
l’existence de la bataille navale existe bel et bien dans ce cas-là
aussi et que nous soyons simplement incapables de savoir si c’est le
cas ou non ? C’est la position que défend Leibniz, ce qui l’amène à
soupçonner Aristote d’avoir inféré abusivement de ce que nous ne
pouvons pas savoir à ce qui n’est pas, en contradiction avec la
conception réaliste de la vérité et de la fausseté qu’il défend par
ailleurs.

Ce qu’il faut dire, du point de vue d’Aristote, n’est pas que la valeur
de vérité des énoncés décrivant des événements futurs contingents
n’est pas déterminée parce que nous ne pouvons pas savoir ce
qu’elle est, mais que nous ne pouvons pas savoir ce qu’elle est
parce qu’elle n’est pas déterminée, autrement dit parce que le futur
est ouvert et comporte, à côté des événements qui auront lieu
nécessairement, comme l’éclipse, des événements qui, d’une façon
qui n’est en rien dépendante de ce que nous pouvons savoir ou
ignorer, peuvent aussi bien arriver que ne pas arriver. Si le futur n’est
pas déterminé intégralement, il y a des choses que nous ne sommes
pas en mesure de prédire. Mais ce n’est pas parce qu’il y a des
choses que nous ne sommes pas en mesure de prédire que le futur
est indéterminé. S’il l’est, c’est de façon complètement indépendante
de ce que nous pouvons ou ne pouvons pas prédire. Bien entendu,
si la proposition « Il y a aura demain une bataille navale » avait
d’ores et déjà une valeur de vérité, on pourrait concevoir que
quelqu’un, utilisant des moyens de connaissance dont nous ne
sommes pas capables de nous faire une idée réelle et dont la
plupart des gens sont dépourvus, réussisse à la connaître ; mais
c’est une possibilité que l’on peut écarter sans hésitation si la
proposition n’a non seulement pas de valeur de vérité que l’on
puisse connaître, mais pas de valeur de vérité tout court.

La réalité et l’indépendance du monde – écrit Vidal-Rosset –


font que « Socrate est malade » est un énoncé qui possède
actuellement une valeur de vérité (le vrai ou le faux)
indépendamment de notre connaissance de l’existence de
Socrate et de son état de santé (si Socrate existe). Or c’est
uniquement cette détermination de la valeur de vérité de
l’énoncé portant sur le futur contingent qu’Aristote récuse.
Accepter l’idée que les énoncés des futurs contingents sont
porteurs d’une valeur de vérité déterminée serait accorder un
fondement rationnel à la pratique divinatoire, conséquence
qu’Aristote rejette clairement dans le même chapitre du De
interpretatione. Rien n’empêche, en effet, que dix mille ans à
l’avance, tel homme prédise un événement et que tel autre
prédise le contraire : ce qui se réalisera nécessairement, c’est
celle des deux prédictions, quelle qu’elle soit, qui était vraie à ce
moment-là [22].

Je ne pense pas que Leibniz aurait été très embarrassé pour


répondre à cette façon d’argumenter. Il aurait fait remarquer qu’il est
tout à fait possible que les énoncés décrivant des événements futurs
contingents, comme par exemple l’occurrence d’une bataille navale
demain, aient bel et bien une valeur de vérité déterminée, mais que
nous soyons, pour des raisons qui n’ont rien d’accidentel, incapables
de la connaître dès à présent et que, par conséquent, la prétention
qu’ont les devins d’être en mesure de le faire est dépourvue de toute
espèce de fondement rationnel. Si les énoncés décrivant des
événements futurs contingents n’ont pas de valeur de vérité, il est
certain que nous ne pouvons pas la connaître. Mais, même s’ils en
ont une, il ne résulte pas de cela qu’il existe ou en tout cas pourrait
exister pour nous un moyen rationnel de la connaître. Si on ne peut
parler, à propos des propositions dont il s’agit, que de vérité en
puissance et de fausseté en puissance, ce n’est pas à cause de
notre ignorance partielle ou totale de ce qui arrivera, mais parce que
les choses ont, en l’occurrence, tout au plus une certaine propension
à arriver ou à ne pas arriver, et qu’il n’y a pas de nécessité qui fasse
que, d’une façon qui est d’ores et déjà déterminée, elles arriveront
ou n’arriveront pas. Et, bien entendu, il est à nouveau essentiel de
distinguer entre le degré de vérité en puissance que peut posséder
une proposition, et la connaissance que nous avons de ce qu’il est.

On peut dire d’Aristote, si on suit Leibniz, qu’ayant commis sans s’en


rendre compte le sophisme du glissement de l’opérateur modal – qui
oblige apparemment à attribuer aux propositions décrivant des
événements futurs contingents une nécessité absolue et à accepter
le fatalisme, à partir du moment où on a admis la proposition « Ou
bien il est vrai qu’il y aura demain une bataille navale ou bien il est
vrai qu’il n’y aura pas de bataille navale demain » –, il s’est trouvé
contraint de mettre en question cette dernière proposition et
d’accepter l’idée que ni la proposition « Il y aura demain une
bataille navale» ni sa négation « Il n’y aura pas de bataille demain »
ne sont vraies. Leibniz soutient, pour sa part, qu’il est tout aussi
légitime de dire de la proposition « Il y aura une bataille navale
demain » qu’elle est vraie ou fausse que de le dire de la proposition
« Il y aura une éclipse de soleil demain ». Le fait que nous ne
connaissions pas et ne puissions pas connaître avec certitude la
valeur de vérité de la proposition dans le premier cas, alors que
nous avons les moyens de la connaître dans le deuxième, est tout à
fait dépourvu de pertinence pour ce dont il s’agit. Comme le dit
Vidal-Rosset :

Le système de Leibniz permet de retrouver, au niveau de la


connaissance humaine, à la fois la contingence et l’incertitude
de l’avenir, ainsi qu’une liberté fondée sur la rationalité. Mais il
est indiscutable que, du point de vue de l’omniscience divine, le
système définit intégralement notre monde et interdit de penser
l’existence d’une quelconque incertitude réelle dans le cours
des événements (l’incertitude reste la marque de l’ignorance
humaine). Dieu est libre, parce qu’il choisit. Mais ce choix
s’impose nécessairement [23].

Un point crucial dans cette affaire est que la question de savoir si


une proposition est nécessaire ou contingente ne peut, pour Leibniz,
en aucun cas être liée à celle de la connaissance que nous avons ou
de l’ignorance dans laquelle nous nous trouvons des causes de
l’événement qu’elle décrit. Sinon, il faudrait admettre qu’une
proposition qui était contingente peut changer de statut modal et
devenir nécessaire lorsque nous acquérons une connaissance des
causes qui, le moment venu, produiront inéluctablement l’événement
concerné. Voyez sur ce point la façon dont Jacques Bernoulli
présente les choses :

Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, devoir être ou


avoir été (quod non potest non esse, fore aut fuisse), et cela,
d’une nécessité ou bien physique (de cette manière, il est
nécessaire que le feu brûle, que le triangle ait trois angles
égaux à deux droits, que la pleine lune, qui, la Lune étant levée,
arrive dans les nœuds, soit sujette à des éclipses), ou bien
hypothétique (en vertu de quoi une chose quelconque, aussi
longtemps qu’elle est ou a été, ou est supposée être ou avoir
été, ne peut pas ne pas être ou avoir été – en ce sens-là il est
nécessaire que Pierre, que je sais et pose être en train d’écrire,
écrive), ou enfin d’une nécessité de convention ou d’institution
(en vertu de laquelle le joueur de dés qui a obtenu un six avec
le dé est dit nécessairement gagner, s’il a été antérieurement
convenu entre les joueurs que le gain consistait à faire six en
lançant le dé).

Le contingent (tant le libre, qui dépend de l’arbitre de la créature


rationnelle, que le fortuit et l’accidentel (casuale), qui dépend de
l’accident (casus) ou de la fortune) est ce qui pourrait ne pas
être, devoir être ou avoir été ; comprenez, d’une puissance
éloignée, et non d’une puissance prochaine, car la contingence
n’exclut pas toujours toute espèce de nécessité, même pour ce
qui est des causes secondes. Ce que je vais expliquer par des
exemples. Il est tout à fait certain qu’étant donné la position du
dé, la vitesse et la distance par rapport à la table de jeu au
moment où il quitte la main de celui qui le lance, il ne peut pas
tomber autrement que de la façon dont il tombe réellement ; de
même, qu’étant donné la constitution présente de l’air et étant
donné la masse, la position, le mouvement, la vitesse des vents,
des vapeurs, des nuages et les lois du mécanisme, en vertu
duquel toutes ces choses agissent les unes sur les autres, le
temps qu’il fera demain ne pourrait pas être autre que ce qu’il
sera réellement; de sorte que ces effets ne suivent pas moins
nécessairement de leurs causes prochaines que les
phénomènes des éclipses du mouvement des astres. Et
cependant l’usage s’est établi de compter uniquement les
éclipses au nombre des choses nécessaires, et, en revanche, la
façon dont le dé tombe et le temps qu’il fera au nombre des
choses contingentes. Ce pour quoi il n’y a pas d’autre raison
que le fait que les choses qui sont supposées être données
pour déterminer les effets ultérieurs, et qui sont telles également
dans la nature, ne sont cependant pas suffisamment connues
de nous ; à quoi s’ajoute le fait que, même si elles l’étaient,
l’étude de la Géométrie et de la Physique n’est pas
suffisamment perfectionnée pour qu’à partir des données ces
effets puissent être soumis au calcul ; de la même façon qu’à
partir des principes bien connus de l’Astronomie les éclipses
peuvent être calculées et prédites, lesquelles pour cette raison,
elles aussi, avant que l’Astronomie ait été avancée à ce degré
de perfection, n’avaient pas moins besoin que les deux autres
d’être rapportées aux choses futures contingentes. Il résulte de
cela qu’à l’un et à un moment donné peut sembler contingent ce
qui devient le nécessaire de l’autre (voire du même) à un autre
moment, une fois que ses causes sont connues, de sorte que la
contingence concerne même principalement notre
connaissance, dans la mesure où nous ne voyons pas dans
l’objet de répugnance quelconque à ne pas être ou devoir être,
bien qu’il soit ou ait lieu nécessairement ici et maintenant en
vertu de sa cause prochaine mais inconnue de nous [24].

Je n’ai pas besoin d’insister sur le fait que la conclusion à laquelle


aboutit Bernoulli fait partie de celles que Leibniz tient par-dessus tout
à éviter. Pour lui, la distinction entre le nécessaire et le contingent a
une réalité objective, qui est et doit rester indépendante de l’état de
nos connaissances aussi bien collectives que personnelles.

Est-ce réellement parce qu’il a été lui-même implicitement victime du


sophisme du glissement de l’opérateur modal qu’Aristote s’est trouvé
dans une situation qui l’a obligé à recourir à une solution que Leibniz
juge désespérée ? On peut avoir des doutes sur ce point et la
plupart des interprètes qualifiés d’Aristote en ont. Mais ce qui n’est
pas douteux, en tout cas, est que Leibniz considère la solution
comme positivement désastreuse. Il est convaincu, comme nous
l’avons vu, qu’il ne faut surtout pas confondre, dans le cas des
propositions décrivant des événements futurs contingents,
l’impossibilité pour nous de connaître la valeur de vérité avec
l’absence de valeur de vérité. Et, comme le fait que les propositions
en question sont bel et bien vraies ou fausses et connues de Dieu
comme telles de toute éternité ne risque en aucune manière de les
rendre nécessaires, il pense qu’Aristote s’est inquiété à peu de
chose près pour rien.

Pour résoudre son problème, Aristote devait, semble-t-il, pouvoir


disposer d’un système qui vérifie le principe de nécessité
conditionnelle et le principe du tiers exclu, mais sans valider le
principe de bivalence. Cette exigence semble impossible à satisfaire
si l’on accepte une conception de la vérité telle qu’il y a équivalence
entre l’assertion d’un énoncé et l’assertion de la vérité de cet énoncé
(conformément à ce qu’on appelle le schéma (T) de Tarski :
V(p) ↔ p). En effet, non seulement l’adoption de la définition
sémantique de la vérité, mais déjà simplement celle du schéma (T)
de Tarski, qui est présenté par lui comme une condition d’adéquation
matérielle pour toute définition acceptable de la vérité, semblent
impliquer, si l’on accepte le principe du tiers exclu, l’acceptation du
principe de bivalence. En d’autres termes, si le principe du tiers
exclu est un théorème d’un système, et si le schéma (T) de Tarski
est valide pour ce système, le principe de bivalence est également
valide pour lui.

Par conséquent, il semblerait que, si le système aristotélicien admet


la validité universelle du tiers exclu et, au moins implicitement, le
schéma (T), il doit admettre également la validité universelle du
principe de bivalence. Vuillemin estime qu’il y trois hypothèses
interprétatives possibles concernant la position adoptée par
Aristote :

(1). Le système d’Aristote demande la construction d’une logique à


plus de deux valeurs de vérité.

(2). Il implique que l’on modifie la définition canonique de la vérité.

(3). Il suggère l’introduction des probabilités et la réhabilitation de la


connaissance probable.

Je n’ai malheureusement pas le temps de m’attarder sur la façon


dont Vuillemin écarte la possibilité (1), ni sur celle dont il résout le
problème que soulève la possibilité (2), celui des modifications
qu’Aristote pourrait se trouver contraint d’introduire dans la
conception classique de la vérité, du fait de sa décision de soustraire
certaines propositions à l’application du principe de bivalence. Je me
bornerai, en conclusion, à dire simplement quelques mots à propos
de l’option (3), celle qui fait d’Aristote un défenseur résolu de la
connaissance probable. Vuillemin cite, sur ce point, Cournot, qui
écrit :

Aristote entrevoit, mais de la manière la plus confuse, les


applications de la doctrine des chances et des probabilités, et la
future science de la statistique, ne sachant d’ailleurs s’il faut la
placer dans la « science » ou dans l’« opinion » [25].
Et, pour éviter sur ce point toute espèce d’anachronisme, Vuillemin
prend soin de préciser :

Il est évident que ni Aristote ni l’aristotélisme n’ont élaboré un


concept clair et distinct de la probabilité et qu’ils n’ont pas même
aperçu les questions qui se posent à propos de sa mesure. Il
n’en reste pas moins, comme le dit Cournot, que l’attention
qu’ils ont portée aux déterminations imparfaites du monde
sensible et à l’accident a dû – comme il est arrivé avec le chap.
IX du De interpretatione – susciter des thèmes qui entrent en
conflit avec la logique si l’on ne fait pas sa place, dans le
système, à une théorie primitive des probabilités [26].

La situation change évidemment du tout au tout avec Leibniz, qui


est, comme le souligne Hacking, sinon un acteur principal, du moins
un témoin essentiel dans ce qu’on peut appeler l’émergence de la
probabilité comme concept clair et distinct. Leibniz a beau être
convaincu, à la différence d’Aristote, que la réalité, y compris celle
du futur, ne comporte aucune espèce d’indétermination, on ne
trouve, chez lui, contrairement à ce que l’on croit souvent,
certainement aucune tendance à sous-estimer l’intérêt et
l’importance de la connaissance simplement probable. Couturat
remarque à ce propos que :

La logique des probabilités sert déjà dans les sciences


mathématiques et rationnelles ; mais c’est surtout dans les
sciences naturelles et expérimentales qu’elle trouve son
application : elle est même leur méthode propre, comme on va
le voir [27].

À la différence des vérités de raison, les vérités de fait, pour Leibniz,


ne sont jamais que probables. Nous ne pouvons pas en avoir une
connaissance démonstrative, c’est-à-dire une connaissance
complète par les raisons, puisque ce qui caractérise la vérité qu’elles
possèdent est le fait qu’elle fait intervenir ce qu’il appelle « l’infini
dans les raisons ». Mais il ne faudrait surtout pas en conclure que
nous ne pouvons en acquérir qu’une connaissance qui est affectée
d’une incertitude fâcheuse, et qui est par conséquent d’une
importance qui reste relativement subalterne. Ce n’est pas du tout ce
que pense Leibniz, pour qui il est tout à fait possible, même dans les
sciences naturelles et expérimentales, de parvenir à une certitude
qui en pratique ne se distingue pas vraiment de celle des
propositions mathématiques elles-mêmes. Nous pouvons connaître
une proposition avec une certitude qui est tout à fait suffisante,
même quand nous ne connaissons que partiellement les raisons de
sa vérité, ce qui est le cas pour toutes les propositions dont la
connaissance repose, directement ou indirectement, sur
l’expérience. Comme le dit Couturat, quand Leibniz s’interroge sur le
genre de vérité que l’on peut attribuer aux hypothèses, la réponse
est la suivante :

Une hypothèse est d’autant plus probable, selon Leibniz : (1)


qu’elle est plus simple ; (2) qu’elle explique un plus grand
nombre de phénomènes par un plus petit nombre de postulats ;
(3) qu’elle permet de prévoir de nouveaux phénomènes ou
d’expliquer de nouvelles expériences. Dans ce dernier cas
surtout, l’hypothèse équivaudra à la « vérité » ; elle aura une
certitude « physique » ou « morale », c’est-à-dire une extrême
probabilité, comme est celle d’une clé présumée qui permet de
déchiffrer entièrement un long cryptogramme en lui donnant un
sens intelligible et suivi [28].

Quand nous ne sommes pas en mesure de connaître la vérité elle-


même, nous pouvons néanmoins, dans un bon nombre de cas,
évaluer les apparences de vérité, c’est-à-dire, les probabilités, en
relation avec les données dont nous disposons. Les probabilités, au
sens où les comprend Leibniz, doivent être évaluées et comparées,
autant que possible, en fonction de leur degré de ressemblance
avec la vérité, ce que signifie précisément le mot « vraisemblance ».
Et ce serait une erreur complète de croire qu’à défaut de vérité, une
proposition peut avoir une probabilité, qui en quelque sorte la
remplace. Car la probabilité, qu’elle soit subjective ou objective, ne
peut jamais être autre chose que la probabilité de la vérité. Quand
Philalèthe, le représentant de Locke, dit que « la probabilité est
fondée sur des conformités avec ce que nous savons, ou dans le
témoignage de ceux qui le savent », Théophile répond :

J’aimerais mieux soutenir qu’elle est toujours fondée dans la


vraisemblance ou dans la conformité avec la vérité ; et le
témoignage d’autrui est encore une chose que le vrai a coutume
d’avoir pour lui à l’égard des faits qui sont à portée. On peut
donc dire que la similitude du probable avec le vrai est prise ou
de la chose même, ou de quelque chose étrangère [29].

Leibniz explique que la probabilité peut venir soit d’une


connaissance partielle que nous avons de la chose elle-même, soit
d’une autre source, comme par exemple le témoignage, et que ces
deux sources sont capables l’une et l’autre de garantir une certaine
apparence de vérité objective ou une certaine concordance avec la
vérité. J’ai déjà cité le passage célèbre des Nouveaux essais, où il
explique que nous aurions besoin d’une nouvelle espèce de logique
pour traiter des degrés de probabilités [30].

Pour pouvoir accorder à la notion de probabilité toute l’importance


qu’elle mérite, il n’est évidemment en aucune façon nécessaire de
croire à la réalité du hasard, que, comme j’ai déjà eu l’occasion de le
souligner à maintes reprises, Leibniz rejette catégoriquement, aussi
bien dans la vie mentale que dans les événements du monde
physique. On peut parfaitement être à la fois un adepte du
déterminisme le plus rigoureux et un défenseur fervent de la
connaissance probable, comme l’explique Marc Parmentier dans
son introduction à L’estime des apparences.

Pour contourner le brouillage induit par la superposition des


oppositions respectives successivement introduites dans la
notion de probabilité, on peut dire que l’originalité de la position
leibnizienne est de conférer toujours au probable un sens
« objectif », mais dans un sens qui lui est propre et,
naturellement, sans aucun rapport avec un quelconque
indéterminisme physique : un des fils d’Ariane des textes que
nous présentons est la réduction du hasard vrai au hasard
apparent. Nous trouvons d’autre part une magistrale affirmation
du déterminisme dans cet extrait du compte rendu de l’ouvrage
de Jean Leclerc sur les loteries : « Le pur caprice a aussi ses
causes, et ses déterminations qui dépendent de quelque
prévention, impression, regard, souvenir, sentiment, perception,
disposition, situation ou assiette, en un mot, de l’état de notre
âme, de notre corps, ou des causes externes, quand ce ne
serait qu’une mouche, un souffle de vent, un petit grain de sable
sous nos pieds, un pli dans notre habit, car la moindre chose
peut insensiblement déterminer nos actions et tâtonnements
quand ils sont balancés. [31] » En ce sens, on peut dire que la
conception leibnizienne de la probabilité est à la fois
épistémique et objective. [32] »

Si l’on en croit Hacking :

La philosophie de Leibniz constitue l’une des dernières


défenses désespérées de l’ancienne catégorie de
connaissance. Il lui fallait croire que n’existe aucune interaction
entre les choses réelles de l’univers : il y a seulement « une
relation constante et régulière ». De plus, les objets matériels ne
peuvent être que des « phénomènes bien fondés ». Il est allé
jusqu’à écrire : « Si une chose n’est pas effectivement sentie,
alors elle n’existe pas. » De nombreuses idées humiennes sont
présentes chez Leibniz, mais il en manque une. Pour Leibniz, la
catégorie de la connaissance est encore sacro-sainte. La vérité
consiste, en fin de compte, en une démonstration. Il se peut que
les causes efficaces soient une constante conjonction, mais les
causes finales constitueront les raisons des choses. Il y a une
raison suffisante à toute vérité et elle peut être prouvée a priori.
Alors que des lâches abandonnaient les avant-postes de la
connaissance à un concept d’opinion toujours plus consolidé
par le nouveau concept d’évidence factuelle, Leibniz contre-
attaqua avec une dernière innovation merveilleuse. Depuis
toujours, la connaissance avait été démonstration à partir de
principes premiers. Leibniz produisit la première analyse
« moderne » de la preuve, comprise comme relation formelle
entre des phrases. Une démonstration d’une proposition p
logiquement nécessaire sera une séquence finie de phrases
finissant par p. Une preuve d’une proposition contingente q sera
une séquence infinie convergeant asymptotiquement vers q.
Ainsi, en fourbissant à neuf le concept de démonstration, toute
vérité se retrouve rapatriée dans la catégorie de la
connaissance [33].

Je ne crois pas que l’on puisse dire, en toute rigueur, que, pour
Leibniz, la vérité consiste dans la démonstration. La vérité d’une
proposition consiste comme il le dit, a parte rei, dans le fait que le
concept du prédicat est contenu dans le concept du sujet, et la
démonstration constitue seulement le moyen dont on se sert pour
faire apparaître et rendre manifeste cette inclusion. Mais la façon
dont s’exprime, sur ce point, Hacking n’est sans doute que le reflet
de la difficulté de plus en plus grande que nous éprouvons pour
notre part – et que Leibniz n’avait pas – à distinguer nettement entre
ce qui est vrai et ce qui, pour une raison ou pour une autre et par un
moyen ou par un autre, est reconnu ou en tout cas accepté à un
moment donné comme tel.

Pour ce qui concerne, d’autre part, l’adhésion de Leibniz à l’idéal de


la connaissance démonstrative, on peut remarquer qu’elle est, d’une
certaine façon, tempérée singulièrement par une chose que Hacking
lui-même est le premier souligner, à savoir le fait que : « Dès le
début, Leibniz conçut la théorie de la probabilité comme une logique
des événements contingents. [34] » Incontestablement, Leibniz
considère la connaissance démonstrative, qui n’est possible que
dans le cas des vérités nécessaires, comme la connaissance par
excellence, au moins pour ce qui est de sa valeur :
[La connaissance des faits nous sert, mais la connaissance des
raisons nous perfectionne.]

La connaissance des raisons nous perfectionne parce qu’elle


nous apprend des vérités universelles et éternelles, qui
expriment l’Être parfait. Mais la connaissance des faits est
comme celle des rues d’une ville, qui nous sert pendant qu’on y
demeure, après quoi on ne veut plus s’en charger la mémoire
[35].

Des événements contingents, des êtres constitués comme nous le


sommes ne peuvent justement pas avoir de connaissance
démonstrative ; mais cela n’oblige cependant nullement pas à
rabaisser le genre de connaissance qu’ils sont capables d’en
acquérir au rang de l’opinion. Même dans le cas des faits nous
sommes capables d’accéder à une certaine connaissance, même si
ce n’est pas une connaissance complète, des raisons. Et c’est cela
qui fait toute la différence entre le domaine de la connaissance
authentique et celui de l’opinion et de l’habitude.

Qu’est-ce qui a empêché Leibniz, qui disposait déjà pratiquement de


tous les éléments nécessaires pour cela, d’aller jusqu’à la
formulation d’un problème sceptique concernant l’induction, et cela
au moment même où il inventait la logique inductive ? Selon
Hacking, c’est le fait qu’il restait encore un pas important à franchir
pour cela et que Leibniz n’a pas franchi, même s’il avait déjà, d’une
certaine façon, contribué plus que quiconque à réduire l’idée de
causalité à celle de simple « conjonction constante » :

Quant au problème sceptique, il ne pouvait surgir qu’après le


transfert de la causalité du domaine de la connaissance à celui
de l’opinion [36].

C’est peut-être en partie parce qu’il est un défenseur fervent de ce


que Hacking appelle « l’ancienne catégorie de connaissance » que
Leibniz est un philosophe qui semble, sur certains points, si éloigné
de nous, alors qu’il en est en même temps, sur tant d’autres, si
proche. Mais c’est aussi, vous vous en doutez, parce que je crois
que l’ancienne catégorie de connaissance n’est peut-être pas aussi
périmée qu’on le suggère parfois et que je ne suis pas sûr qu’il faille
se réjouir de voir les philosophes d’aujourd’hui abandonner aussi
facilement ce que Hacking appelle « les avant-postes de la
connaissance » pour ceux de l’opinion, plus facilement dispensée
qu’accompagnée de sa justification, que j’ai tenu à terminer ces
années d’enseignement en vous parlant de Leibniz.

Je conclurai par deux citations, qui, d’une façon qui ne surprendra


sans doute pas certains d’entre vous, sont empruntées à un des
philosophes qui font partie pour moi de ceux auxquels on a tendance
à revenir constamment. Quand Drury lui annonça, en 1930, qu’il
devait pour la préparation de ses examens de licence, étudier
Leibniz et Lotze, Wittgenstein lui dit :

Estimez-vous heureux d’avoir autant de temps pour étudier un


aussi grand homme que Leibniz. Assurez-vous que vous utilisez
bien ce temps quand vous en avez encore le loisir. L’esprit
devient raide bien avant que le corps le fasse [37].

Wittgenstein a dit aussi que la vie mentale s’arrêtait souvent avant la


vie physique. C’est une chose qu’il ne faut pas perdre de vue,
surtout, du reste, quand on est sur le point de prendre sa retraite.
J’espère, en tout cas, avoir convaincu au moins une partie d’entre
vous que le temps consacré à étudier de près un auteur comme
Leibniz peut être réellement bien employé.

L’autre passage de Wittgenstein que je voudrais citer est tiré du


Manuscrit 132 et daté du 11 septembre 1946.

Avons-nous affaire à des erreurs et des difficultés qui sont aussi


anciennes que le langage ? Sont-ce, pour ainsi dire, des
maladies qui sont liées à l’usage d’un langage, ou sont-elles de
nature spéciale, propres à notre civilisation ?
Ou encore : est-ce que la préoccupation pour les moyens
linguistiques qui caractérise toute notre philosophie est une
caractéristique très ancienne de tout philosopher, un combat
très ancien ? Ou bien est-il nouveau comme notre science ? Ou
bien encore : le philosopher oscille-t-il toujours entre
métaphysique et critique du langage [38] ?

Wittgenstein avait affirmé, dans le Tractatus, que « toute philosophie


est critique du langage ». En 1946, il était manifestement moins
certain de la réponse qu’il faut donner à la question de savoir ce
qu’est exactement la philosophie, et de ce que pourrait devenir la
philosophie après lui.

Quand j’ai commencé à enseigner au Collège de France il y a


quinze ans, j’avais tendance à considérer, à la suite de Wittgenstein,
la critique du langage comme étant de beaucoup la partie la plus
importante et la plus prometteuse de la philosophie. Je ne dirais
certainement pas qu’elle est devenue aujourd’hui moins importante à
mes yeux. Mais le fait que j’aie consacré au début de ces années
d’enseignement une attention spéciale à Wittgenstein et que je les
termine aujourd’hui en vous parlant de Leibniz signifie, comme vous
l’avez sans doute compris, que je n’ai pas de réponse véritable à
donner et n’essaierai par conséquent pas d’en donner une à la
dernière des questions que soulève Wittgenstein : le philosopher
oscille-t-il toujours entre métaphysique et critique du langage ?
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
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Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, PS (Gerhardt), VII, p. 191, note.

2 Valéry, Analecta, 1935, p. 296.

3 Jacques Bouveresse, Qu’est-ce qu’un système philosophique ?


Cours 2007 et 2008, La philosophie de la connaissance au Collège
de France, 2012, http://philosophie-cdf.revues.org/84

4 Lovejoy, The Great Chain of Being, 1936, p. 226.

5 Leibniz, PS (Gerhardt), I, p. 337.

6 Russell, A Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, 1937,


p. VII.

7 Antognazza, Leibniz, An Intellectual Biography, Cambridge


University Press, 2009.

8 Ibid., p. 546.

9 Planck, « Das Prinzip der kleinsten Wirkung », 1991, p. 51-54.

10 Prior, Logic as the Basis of Ethics, 1949, p. 13.

11 Leibniz, TI (Grua), I, p. 529.

12 Ibid., p. 15.

13 Davidson, « Video Meliora Proboque, Deteriora Sequor », 2005,


p. 250.

14 Rawls, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, 2002,


p. 133.

15 Leibniz, TI (Grua), II, p. 480.

16 Leibniz, Théodicée, III, § 331, p. 312.


17 Leibniz, Théodicée, III, § 335, p. 315.

18 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 143-144.

19 Dummett, The Logical Basis of Metaphysics, 1991, p. 318-319.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Antognazza, Leibniz, An Intellectual Biography, 2009, p. 543.

2 Nietzsche, La philosophie à l’époque tragique des Grecs, 1975,


p. 9.

3 Whitehead, Process and Reality, 1978, p. 47.

4 Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, 1938, p. 24.

5 Plantinga, The Nature of Necessity, 1974, p. 195.

6 Leibniz, TI (Grua), I, p. 138.

7 Leibniz, « Conversatio cum Domino Episcopo Stenonio [Nicolas


Stensen] de Libertate » (novembre-décembre 1677), AA, VI, 4,
p. 1378.

8 Leibniz, TI (Grua), I, p. 380.

9 Leibniz, Théodicée, II, § 193, p. 232-233.

10 Leibniz, « Von der Verhängnisse », L (Heer), p. 201.

11 Leibniz, « Von der Weisheit », L (Heer), p. 205.

12 Ibid., p. 204.

13 Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 17.

14 Leibniz, « Von der Weisheit », L (Heer), p. 204.

15 Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 17.

16 Leibniz, OFI (Couturat), p. 535.

17 Leibniz, TI (Grua), II, p. 603.


18 Boutroux, La philosophie allemande au XVIIe siècle, 1948,
p. 167.

19 Ibid., p. 161.

20 Leibniz, Confessio philosophi, p. 90.

21 Ibid, p. 93.

22 Fénelon, Lettres sur la religion, 1810, p. 365-366.

23 Leibniz, Théodicée, II, § 195, 1969, p. 233-234.

24 Leibniz, « Méditation sur la notion commune de justice » (1702),


in Leibniz, Le droit de la raison, 1994, p. 111-112.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Lettre à Jaquelot, 6 octobre 1706, TI (Grua), I, p. 66.

2 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 63.

3 Leibniz, Théodicée, II, § 213, p. 246-247.

4 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 82-83.

5 Nietzsche, Considérations inactuelles, I, § 7, 2000, p. 462.

6 Lichtenberg, Aphorismen, 1976, p. 210-211.

7 Cf. Plutarque, Des Contradictions des Stoïciens : « Or remarquez


qu’il [Chrysippe] donne toujours à Dieu de beaux titres indiquant son
amour de l’homme, mais qu’il lui prête des actions de sauvage, de
barbare et de Galate. » (1962, p. 120)

8 Leibniz, « Remarques critiques de Leibniz sur le Dictionnaire de


Bayle », LO (Foucher de Careil), p. 185.

9 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 79.

10 James, La Volonté de croire, 2005, p. 74-75.

11 Ibid., p. 77.

12 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 135.

13 Leibniz, Lettre à Malebranche, 23 juin 1679, PS (Gerhardt), I,


p. 337.

14 Leibniz, PS (Gerhardt), I, p. 119.

15 Leibniz, « Considérations sur la doctrine d’un Esprit Universel


unique » [1702], PS (Gerhardt), VI, p. 531.
16 Hacking, « Leibniz and Descartes : Proof and eternal truths »,
1986, p. 47.

17 Leibniz, PS (Gerhardt), VII, p. 191n.

18 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 138.

19 Ibid., p. 137.

20 Leibniz, TI (Grua), I, p. 147.

21 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 139. – Goethe, Maximen und


Reflexionen, § 1251.

22 Goethe, Maximen und Reflexionen, § 1252.

23 Leibniz, « De rerum originatione radicali » [1697], PS (Gerhardt),


VII, p. 303.

24 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 137.

25 Planck, « Das Prinzip der kleinsten Wirkung », 1991, p. 51-54.

26 Leibniz, OFI (Couturat), p. 534.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Théodicée, I, § 21, p. 116.

2 Leibniz, Théodicée, III, § 247, p. 265.

3 Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 10.

4 Lovejoy, The Great Chain of Being, 1936.

5 Leibniz, Théodicée, Abrégé II, p. 365.

6 Leibniz, Théodicée, I, § 209, p. 243. Voir aussi Théodicée,


Abrégé II, p. 365.

7 Leibniz, « Cogitationes de Physica Nova Instauranda » [1678-


1682], Vorausedition zur Reihe VI in der Ausgabe der Akademie,
Fascicule 3, 1984, p. 642.

8 Leibniz, Théodicée, II, § 124, p. 180-181.

9 Lovejoy, The Great Chain of Being, 1936, p. 224.

10 Ibid, p. 226.

11 Ibid, p. 209

12 Leibniz, TI (Grua), I, p. 147.

13 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 317-318.

14 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 151.

15 Boutroux, La Philosophie allemande du XVIIe siècle, 1948, p. 4.

16 Leibniz, TI (Grua), I. p. 272.

17 Scholz, « Leibniz », 1961, p. 129-130.


18 Leibniz, TI (Grua), II, p. 886.

19 Ibid.

20 Leibniz, PS (Gerhardt), III, p. 606.

21 T.S. Eliot, cité par Robert Sleigh, Leibniz and Arnauld, 1990,
p. 186.

22 Russell, A Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, 1937,


p. VI.

23 Ibid.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Rödel, Spinoza. Le masque de la sagesse, 1998, p. 78-79.

2 Lovejoy, The Great Chain of Being, 1936, p. 174.

3 Leibniz, « Discours sur la démonstration de l’existence de Dieu par


Descartes », NLO (Foucher de Careil), p. 25.

4 Leibniz, MS (Gerhardt), II, p. 258.

5 Leibniz, Nouveaux Essais, II, xvii, § 4, p. 425.

6 Leibniz, OFI (Couturat), p. 177

7 Le premier obstacle est « le manque de volonté sérieuse chez les


hommes » (ibid., p. 418).

8 Ibid., p. 419.

9 Ibid., p. 336.

10 Leibniz, « Fundamenta calculi rationalis » [1688-1689], PS


(Gerhardt), VII, p. 204.

11 Leibniz, PS (Gerhardt), I, p. 148.

12 Antognazza, Leibniz, An Intellectual Biography, 2009, p. 257.

13 Ibid., p. 278.

14 Adams, « Leibniz’s Theories of Contingency »1982, p. 279 ;


citation tirée de Leibniz, PS (Gerhardt), II, p. 419-20.

15 Cité in Henri Lestienne, « Hortus conclusus », introduction à


Leibniz, Discours de métaphysique, 1967, p. 14n.

16 Lestienne, ibid, p. 14.


17 Adams, « Leibniz’s Theories of Contingency », 1982, p. 279.

18 Antognazza, Leibniz, An Intellectual Biography, 2009, p. 483-484

19 Leibniz, PS (Gerhardt), III, p. 321.

20 Donald Rutherford, « Demonstration and Reconciliation : The


Eclipse of the Geometrical Method in Leibniz’ Philosophy », 1996.

21 Rawls, Leçons sur l’histoire sur l’histoire de la philosophie morale,


2002, p. 110-111.

22 Leibniz, OFI (Couturat), p. 375-376.

23 Russell, A Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, 1937,


p. VII.

24 Edward Chandler, « Préface de l’éditeur » [1731], in Cudworth,


Traité de morale & traité du libre arbitre, 1995, p. 37.

25 Ibid., p. 38-39.

26 Leibniz, « Considérations sur les Principes de Vie, et sur les


Natures Plastiques, par l’Auteur du Système de l’Harmonie
préétablie », PS (Gerhardt), VI, p. 543-544.

27 Leibniz, TI (Grua), I, p. 286.

28 Leibniz, TI (Grua), I, p. 324.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Théodicée, I, § 36, p. 124.

2 Russell, A Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, 1937,


p. 192-193.

3 Blumenfeld, « Leibniz’ Theory of the Striving Possibles », 1981,


p. 77.

4 Leibniz, TI (Grua) I, p. 396-397. Leibniz écrit également : « Une


possibilité authentique n’est pas une fiction ; c’est l’existence de la
chose concernée qui peut être une fiction, puisque tous les possibles
ne se réalisent pas. Quand nous délibérons, nous délibérons sur des
choses possibles, et non sur des fictions. » (Ibid., p. 392-393)

5 Rescher, Leibniz, Blackwell, Oxford, 1979, p. 34.

6 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 59.

7 Spinoza, « Les Pensées métaphysiques », Œuvres complètes,


1954, p. 255-256.

8 Spinoza, « Lettre à Schuller », Œuvres complètes, 1954, p. 1251.

9 Leibniz, PS (Gerhardt), I, p. 148.

10 Ibid., p. 149.

11 Spinoza, « Lettre à Schuller », Œuvres complètes, 1954, p. 1253.

12 Adams, « Leibniz’s Theories of Contingencies », 1982, p. 252.

13 Ibid., p. 263.

14 Leibniz, « Von dem Verhängnisse » (1697 ?), L (Heer), p. 199.

15 Descartes, Principes de la philosophie, III, § 47 (Adam & Tannery,


IX-2, p. 126).
16 Le premier mensonge.

17 Leibniz, Lettre à Philipp, janvier 1680, PS (Gerhardt), IV, p. 283-


284.

18 Leibniz, « Lettres de Leibniz sur Descartes et le cartésianisme »,


NLO (Foucher de Careil), p. 4-6. Voir également, PS (Gerhard), IV,
p. 299-300.

19 Leibniz, Lettre à Fontenelle, 7 avril 1703, LO (Foucher de Careil),


p. 225 & 227.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, OFI (Couturat), p. 529-530.

2 Wilson, « Leibniz’ Dynamics and Contingency in Nature », 1981,


p. 122-123.

3 Ibid., p. 123.

4 Ibid., p. 138.

5 Leibniz, « Remarques critiques de Leibniz sur le Dictionnaire de


Bayle », LO (Foucher de Careil), p. 181.

6 Juvénal, Satires, VI, 223.

7 Leibniz, « Méditation sur la notion commune de justice », Le Droit


de la raison, René Sève (éd.), Vrin, 1994, p. 107-113.

8 Leibniz, Discours de Métaphysique, § XIX, 1967, p. 59.

9 Ibid., § XII, p. 45.

10 Leibniz, TI (Grua), I , p. 299-300.

11 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 68-69.

12 Leibniz, Théodicée, I, § 51, p. 132.

13 Spinoza, Éthique, II, Proposition XLVIII (1988, p. 183).

14 Spinoza, « Lettre à Schuller », Œuvres, 1955, p. 1253.

15 Leibniz, TI (Grua) I, p. 287.

16 Leibniz, Nouveaux essais, II, xxi, § 8, p. 148.

17 Leibniz, TI (Grua), I, p. 298.


18 Leibniz, « Elementa verae pietatis sive de amore Dei super
omnia », TI (Grua), I, p. 14-15.

19 Ibid.

20 Leibniz, Confessio philosophi, p. 81.

21 Ibid., p. 69-71

22 Leibniz, « De libertate et gratia » (été 1680 – été 1684), AA, VI, 4,


p. 1456-1457.

23 Leibniz, OFI (Couturat), p. 21.

24 Leibniz, TI (Grua), I, p. 302.

25 Ibid., p. 301-302

26 Ibid., p. 288

27 Ibid., p. 289.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, TI (Grua), I, p. 302.

2 Leibniz, OFI (Couturat), p. 405.

3 Spinoza, Éthique, III, Proposition IX, Scolie.

4 « Imo videtur neutrum alterius esse causa, sed se comitari, ut


cogitatio et motus. » Leibniz, TI (Grua) I, p. 282.

5 Voir sur ce point le cours précédent, no6, §§ 10 à 14.

6 Leibniz, Lettre à Morell, septembre 1698, TI (Grua), I, p. 139.

7 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 77.

8 Leibniz, Réfutation inédite de Spinoza, 1999, p. 31-32.

9 « Whatsoever is the object of any man’s Appetite or Desire, that is


it, which he for his part calleth Good. » Hobbes, Leviathan, I, 6,
Macpherson (éd.), 2002, p. 110.

10 Aristote, Métaphysique, Λ, 7, 1072a (traduction Tricot, vol. II,


p. 678).

11 Leibniz, Lettre à Magnus Wedderkopf, mai (?) 1671, AA, II, 1,


p. 117-118.

12 In Leibniz, Confessio Philosophi, 2002, p. 16-17.

13 Leibniz, AA, II, 1, p. 118.

14 Leibniz, TI (Grua), II, p. 536.

15 Leibniz, Préface à la Théodicée, p. 37. (« La nécessité absolue,


qu’on appelle aussi logique et métaphysique, et quelquefois
métaphysique, et qui serait seule à craindre, ne se trouve point dans
les actions libres. […] La nécessité hypothétique et la nécessité
morales qui restent dans les actions libres n’ont point
d’inconvénient. »)

16 Leibniz, « Correspondance avec Clarke », PS (Gerhardt), VII,


p. 390.

17 Leibniz, Théodicée, III, § 288-290, p. 290-292

18 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 71.

19 Adams, « Leibniz’s Theories of Contingency », 1982. p. 245-246.

20 Leibniz, AA, VI, I, p. 540 sq.

21 Adams, op. cit., p. 246.

22 Leibniz, Théodicée, III, § 288, p. 290.

23 Sur le sens et l’usage de cette distinction chez Vuillemin, voir


Jacques Bouveresse, Qu’est-ce qu’un système philosophique ?,
cours no19 (à partir du § 13) et no20, http://philosophie-
cdf.revues.org/134 et http://philosophie-cdf.revues.org/135

24 Vuillemin, « Kant’s Moral Intuitionism », 1994, p. 57.

25 Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, 1970, p. 78.

26 Nietzsche, Humain, trop humain II, Deuxième partie : Le


voyageur et son ombre », § 52.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Jacques Bouveresse, Qu’est-ce qu’un système philosophique ?,
Cours 19 http://philosophie-cdf.revues.org/134

2 Rawls, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, 2008, p. 233.

3 Ibid., p. 234-235.

4 Kant, Kritik der praktischen Vernunft, Akademie Ausgabe, V, p. 64 ;


Weischedel (éd.), Werkausgabe, VII, p. 182 ; traduction Picavet,
p. 66.

5 Leibniz, « Éléments de droit naturel » (1670-1671), in Leibniz, Le


Droit de la raison, 1994, p. 103.

6 « Necesse est omne debitum utile esse. Adde nec nisi in bonum
suum obligari quemquam. » (Leibniz, « Elementa juris naturalis »,
AA, VI, 1, p. 466).

7 « Omne ex quo felicitas agentis necessario sequitur, licitum est,


seu nemo felix esse prohibitur » (Leibniz, « De summa juris regula »
(1678 ?), in Mollat, Rechtsphilosophisches aus Leibnizens
ungedruckten Schriften, Leipzig 1885, appendice, p. 90).

8 Leibniz, Le Droit de la raison, 1994, p. 16-17.

9 Ibid., p. 103.

10 Prior, Logic as the Basis of Ethics, 1949, p. 1-2.

11 Moore, Principia Ethica, 1986, p. 6-7.

12 Leibniz, TI (Grua), II, p. 513.

13 Leibniz, OFI (Couturat), p. 474-475.

14 Leibniz, Nouveaux essais, II, xx, § 1, p. 137.


15 Prior, op. cit., p. 13.

16 Leibniz, TI (Grua), II, p. 529.

17 Prior, op. cit., p. 23

18 Cudworth, Traité de morale, 1995, p. 51-52.

19 Prior, op. cit., p. 3.

20 Cudworth, Traité de morale, 1995, p. 54-56.

21 Adam Smith, Theory of Moral Sentiments, partie VII, section iii,


chapitre 2.

22 Cudworth, The True Intellectual System of the Universe, V, v,


§ 24, cité in Prior, op. cit., p. 21.

23 Cudworth, The True Intellectual System of the Universe, 1678,


p. 894.

24 Hobbes, Leviathan, 1946, p. 93-94.

25 Cudworth, cité in Prior, op. cit., p. 22-23.

26 Cudworth, The True Intellectual System of the Universe, 1678,


p. 895.

27 Cudworth, ibid., p. 646.

28 Leibniz, « Extraits de Cudworth » [1689, 1704], TI (Grua), I,


p. 327-328.

29 Moore, Principia Ethica, 1986, p. 110.

30 Moore, ibid., p. 129.

31 Prior, op. cit., p. 26-27.


32 Ibid., p. 27.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 7

2 Leibniz, Théodicée, Préface, p. 29-30.

3 Leibniz, TI (Grua), I, p. 371.

4 Leibniz, « Sur les vérités nécessaires et contingentes » (non titré


et non daté, probablement 1689), OFI (Couturat), p. 19-20 ; et TLM
(Rauzy), p. 342-343.

5 Ibid.

6 Leibniz, Discours de métaphysique, § VII, 1967, p. 34.

7 Leibniz, ibid., § VI, p. 33.

8 Connaissant le fond des cœurs.

9 Leibniz, OFI (Couturat), p. 20-21 ; et Leibniz, TLM, p. 343-344.

10 Leibniz, Principes de la nature et de la grâce, § 5.

11 Leibniz, OFI (Couturat), p. 19.

12 Leibniz, Lettre à Jean Bernoulli, 7 juin 1716, MS (Gerhardt), III/2,


p. 964.

13 Leibniz, Théodicée, III, § 340, p. 317.

14 James, La volonté de croire, 2005, p. 188-189.

15 Leibniz, « Notae in capita quator priora geneseos secundum


principia theologiae cujusdam singularis » (août-septembre 1696 ?),
TI (Grua), I, p. 99.

16 Dummett, The Logical Basis of Metaphysics, 1991, p. 318-319.


17 Leibniz, « De serie rerum , corporibus et substantiis, et de
praedeterminatione » (mars 1690), AA, VI, 4, p. 1667-1668.

18 Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy, traduction


par Charles Maurron, Flammarion ‘GF’, 1982, p. 546-547.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Rawls, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, 2002, p. 128-
129.

2 Ibid., p. 132.

3 Valéry, Analecta, 1935, p. 296-297.

4 Leibniz, « De serie rerum , corporibus et substantiis, et de


praedeterminatione » (mars 1690), AA, VI, 4, p. 1667-1668.

5 Valéry, Analecta, 1935, p. 301-303.

6 Leibniz, Nouveaux Essais, II, xxi, § 39 (1966, p. 164).

7 Rawls, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, 2002, p. 141.


La citation est tirée de Leibniz, Discours de métaphysique, § 30.

8 Reid, Essays on the Active Powers of Man, 1788, IV, vi, p. 322.

9 Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1907, 1964,


p. 183

10 Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 5.

11 Leibniz, Discours de métaphysique, § 15, 1967, p. 51-52.

12 Leibniz, OFI (Couturat), p. 329.

13 Leibniz, « Specimen dynamicum » (1695), MS (Gerhardt), VI,


p. 243.

14 Leibniz, Monadologie, § 78 & 79.

15 Leibniz, Réfutation inédite de Spinoza, 1999, p. 34-35.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, OFI (Couturat), p. 22.

2 Leibniz, Théodicée, I, § 52, p. 132.

3 Leibniz, Théodicée, II, § 170, p. 217.

4 Bayle, Dictionnaire historique et critique, « Chrysippe », lettre ‘S’,


p. 929 ; cité in Leibniz, Théodicée, II, § 170, p. 216.

5 Sur les possibles.

6 « Chrysippe a écrit des merveilles sur ce sujet […]. » Épictète,


Entretiens, II, 19, 9.

7 Sur l’agencement des parties du discours.

8 « Il n’est pas vrai que tout ce qui est arrivé est nécessairement
vrai ; telle paraît être l’opinion de l’école de Cléanthe. »

9 Ibid.

10 Leibniz, OFI (Couturat), p. 25.

11 Ibid.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Cudworth, Traité du libre arbitre, 1995, p. 274.

15 Ibid., p. 275.

16 Ibid, p. 276.

17 Leibniz, Théodicée, III, § 311, p. 302.

18 Leibniz, Théodicée, I, § 51, p. 132.


19 Leibniz, Théodicée, III, § 288-289, p. 290.

20 Jack Davidson, « Video meliora proboque, deteriora sequor »,


2005, p. 250.

21 Leibniz, « Von der Allmacht und Allwissenheit Gottes und der


Freiheit des Menschen » (1670-1671[ ?]), L (Heer), p. 190.

22 Leibniz, Discours de métaphysique, § XIII, 1967, p. 44.

23 Leibniz, OFI (Couturat), p. 21-22.

24 Leibniz, « Von dem Verhängnisse », L (Heer), p. 200.

25 Poincaré, « Le hasard », 1991, p. 138-139.

26 Rousseau, « Lettre sur la Providence », à M. de Voltaire, 18 août


1756 ; cité in Largeault, « Cause, causalité, déterminisme », 1981,
p. 383.

27 Thom, « Halte au hasard, silence au bruit », 1980.

28 Largeault, « Cause, causalité, déterminisme », 1981, p. 395-396.

29 Largeault, ibid., p. 396-397 (la citation est tirée de Thom, op. cit.).

30 Leibniz, TI (Grua), I, p. 291.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, « De libertate », NLO (Foucher de Careil), p. 178-179.

2 Jacques Bouveresse, Qu’est-ce qu’un système philosophique ?


Cours 2007 et 2008 http://philosophie-cdf.revues.org/84

3 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 61.

4 J’ai dû corriger la traduction de l’édition des Belles-Lettres, qui est


ici manifestement fautive (« qui n’a point de réalité actuelle et n’en
aura pas »). Le texte grec dit très exactement : « Il y a du possible
qui n’est pas vrai ni ne le sera. » Ou, si l’on adopte la traduction de
Vuillemin (Nécessité ou contingence, p. 13) : « Est possible ce qui
n’est pas actuellement vrai et ne le sera pas. »

5 Épictète, Entretiens, II, 19 (2002, p. 79-80).

6 Cité in Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 62.

7 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 63.

8 Aristote, An. Pr., I, 23, 41a 23-30 ; cité in Vuillemin, Nécessité ou


contingence, 1984, p. 30-31.

9 Cicéron, Traité du destin, 1962, p. 478-479.

10 Ibid.

11 Dummett, Truth and the Past, 2005, p. 79-80.

12 Ibid., p. 82.

13 Ibid., p. 81-82.

14 Nelkin, « The Sense of Freedom », 2004, p. 109-110.

15 Earman, « What We Have Learned and What We Still Don’t


Know », 2004, p. 43.
16 John Perry, « Compatibilist Options », 2004, p. 252.

17 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 33.

18 Leibniz, Théodicée, II, § 132, p. 186.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Confessio Philosophi, p. 57.

2 Yakira, Contrainte, nécessité, choix. La métaphysique de la liberté


chez Spinoza et chez Leibniz, 1989, p 38.

3 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 356.

4 « La proposition p est hypothétiquement nécessaire relativement à


la proposition q = df La proposition conditionnelle “si q, alors p” est
absolument nécessaire. Cf. le cours précédent, no12, § 21-22.

5 Leibniz, « Von dem Verhängnisse », L (Heer), p. 199.

6 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 352.

7 Leibniz, « Von der Allmacht … », L (Heer), p. 186-187.

8 Leibniz, TI (Grua), I, p. 311-312.

9 Ibid.

10 Ibid., p. 310-311.

11 Leibniz, Théodicée, I, § 41, p. 127.

12 Pour un examen plus complet et détaillé de cette question, voir


« Leibniz et le problème de la “science moyenne », in Jacques
Bouveresse, Essais V. Descartes, Leibniz, Kant, Agone, 2006,
p. 213-244, http://agone.revues.org/index219.html

13 Leibniz, Théodicée, I, § 41, p. 126-127.

14 Ibid., p. 127.

15 Ibid., p. 128.

16 Ibid.
17 Instruction familière sur la prédestination et la grâce par
Demandes et par Réponses, Liège, De l’Imprimerie de Guillaume
Henry Streel, 1711, p. 8-9.

18 Ibid., p. 34.

19 Ibid., p. 108-110.

20 Leibniz, TI (Grua), I, p. 255-256.

21 Leibniz, Théodicée, III, § 280, p. 284.

22 Leibniz, PS (Gerhardt), II, p. 337-338.

23 Ibid.

24 Ibid.

25 Leibniz, Théodicée, III, § 281, p. 285.

26 Ibid., § 282, p. 286.

27 Ibid., § 285, p. 288.

28 Ibid.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p. 33.

2 Ibid.

3 Ibid., p. 51.

4 Leibniz, Discours métaphysique, § 36 (1967, p. 91).

5 Leibniz, « Réponse aux réflexions contenues dans la seconde


édition du Dictionnaire Critique de M. Bayle, article ‘Rorarius’, sur le
système de l’Harmonie préétablie », PS (Gerhardt) IV, p. 557.

6 Leibniz, Théodicée, III, § 401, p. 352.

7 S. Bachelard, « Maupertuis et le principe de la moindre action »,


1958, p. 4.

8 Ibid., p. 7-8.

9 Leibniz, « Correspondance entre Leibniz et Arnauld », Rauzy (éd.),


1993, p. 154.

10 Arnauld, Ibid., p. 157-158.

11 Leibniz, Théodicée, I, § 53, p. 133.

12 Leibniz, TI (Grua), I, p. 385.

13 Leibniz, Théodicée, « Remarques sur le livre De l’origine du


mal », p. 387.

14 Ibid.

15 Russell, « The Elements of Ethics », 1966, p. 42.

16 Ibid., p. 44-45.
17 Leibniz, Lettre à Coste, 19 décembre 1707, PS (Gerhardt), III,
p. 401-402.

18 Descombes, Philosophie par gros temps, 1989, p. 102.

19 Derrida, « Les pupilles de l’Université (le principe de raison et


l’idée de l’Université) », 1986, p. 15-16.

20 Descombes, op. cit., p. 103.

21 Popper, La Connaissance objective, 1991, p. 77.

22 Leibniz, AA, VI, 4, p. 633.

23 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 153.

24 Ibid.,p. 163.

25 Jacques Bernoulli, Ars Conjectandi, 1975, p. 240.

26 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 181, note 53.

27 Couturat, La Logique de Leibniz, 1969, p. 255.

28 Hacking, L’Émergence de la probabilité, 2002, p. 250.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Sellars, « Méditations leibniziennes » (1965), 1981.

2 Leibniz, « Correspondance entre Leibniz et Arnauld », 1993,


p. 154.

3 Arnauld, Ibid., p. 157-158.

4 Leibniz, TI (Grua) I, p. 274.

5 Ibid.

6 Ibid, p. 386.

7 Ibid., p. 362.

8 Ibid, p.368.

9 Ibid., p. 270-271.

10 Leibniz, « Correspondance entre Leibniz et Arnauld », 1993,


p. 161.

11 Ibid., p. 168.

12 ibid., p. 186.

13 ibid., p. 187.

14 Leibniz, Théodicée, « Discours de la conformité de la foi avec la


raison », § 2, p. 51.

15 Leibniz, PS (Gerhardt), VII, p. 304.

16 Ibid.

17 Leibniz, Discours de Métaphysique, § 36, p. 91.

18 Leibniz, Nouveaux Essais, II, 21, § 13, p. 151.


19 Leibniz, Théodicée, I, § 53, p. 133.

20 Cudworth, Traité du libre arbitre, 1995, p. 274.

21 Ibid., p. 275.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Théodicée, « Remarques sur le livre de l’origine du mal
publié depuis peu en Angleterre », § 3, p. 387.

2 Ibid., § 1, p. 387.

3 Leibniz, Lettre à Coste, 19 décembre 1707, PS (Gerhardt), III,


p. 401-402.

4 Leibniz, Théodicée, I, § 49, p. 131.

5 Ibid., § 50, p. 131-132.

6 Leibniz, Théodicée, « Sur le livre de l’origine du mal », § 13,


p. 399.

7 Descombes, Philosophie par gros temps, 1989, p. 102.

8 Derrida, « Les pupilles de l’Université (le principe de raison et


l’idée de l’Université) », 1986, n°2, p. 15-16 ; cité in Descombes, ibid.

9 Descombes, ibid., p. 103.

10 Popper, La connaissance objective, 1991, p. 77.

11 Leibniz, « Cogitationes de Physica Nova Instauranda » (1678-


1682), AA, VI, 4, p. 633.

12 Leibniz, Nouveaux essais, IV, 16, § 9, p. 413.

13 Leibniz, PS (Gerhardt), VII, p. 188.

14 Hacking, L’émergence de la probabilité, 2002, p. 187-188.

15 Leibniz, Nouveaux essais, IV, 2, § 14, p. 327.

16 Murray, « Spontaneity and Freedom in Leibniz », 2005, p. 203.


17 Leibniz, OFI (Couturat), p. 21-22.

18 Leibniz, Théodicée, « Réflexions sur l’ouvrage que M. Hobbes a


publié en anglais, de la liberté, de la nécessité et du hasard », § 3,
p. 376.

19 Leibniz, Théodicée, « Préface », p. 44.

20 Adams, « Moral Necessity », 2005, p. 192.

21 Leibniz, Nouveaux Essais, II, 21, § 13, p. 151.

22 Leibniz, Théodicée, I, § 9, p.109.

23 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p. 31.

24 Ibid., p. 32n.

25 Taylor, Hegel, 1975, p. 314.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Deleuze, Le Pli, 1988, p. 55-56.

2 Leibniz, Théodicée, I, § 66, p. 140.

3 Leibniz, Discours de métaphysique, § 15, p. 51-52.

4 Ibid., p. 51.

5 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p. 35-36.

6 Ibid., p. 36.

7 Ibid.

8 Ibid., p. 36-37. « Leibnoza » est le nom choisi par Sellars pour


dsésigner un hybride philosophique qui emprunte une partie de ses
propriétés à Leibniz et l’autre à Spinoza. Pour plus de détails sur ce
point, voir le cours 17.

9 Leibniz, Discours de métaphysique, § 14, p. 47.

10 Sellars, « Méditations leibniziennes, p. 32.

11 Ibid., p. 32-33.

12 Ibid., p. 33.

13 Spinoza, Éthique, livre I, Deuxième démonstration de la


proposition XI (traduction Pautrat, 1988, p. 29-30).

14 Leibniz, Théodicée, préface, p. 43.

15 Ibid., p. 41-42.

16 Leibniz, « Extrait du Dictionnaire de M. Bayle, article ‘Rorarius’


p. 2599 sqq de l’édition de l’an 1702, avec mes remarques », PS
(Gerhardt), IV, p. 536.
17 Ibid., p. 548-549.

18 Leibniz, Théodicée, III, § 401, p. 352.

19 Leibniz, Théodicée, III, § 403, p. 353.

20 Leibniz, PS (Gerhardt), IV, p. 545.

21 Koyré, Du monde clos à l’univers infini, 1962, p. 265.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, « Réponse aux réflexions contenues dans la seconde
édition du Dictionnaire Critique de M. Bayle, article ‘Rorarius’, sur le
système de l’Harmonie préétablie », PS (Gerhardt). IV, p. 557.

2 Leibniz, Théodicée, III, § 403, p. 354.

3 Wiener, Cybernetics, 1958, p. 19.

4 Ashby, « Les mécanismes cérébraux de l’activité intelligente »,


1951, p. 1-2.

5 Canguilhem, « La formation du concept de régulation biologique


aux XVIIIe et XIXe siècles », 1977, p. 84-85.

6 Samuel Guye et Henri Michel, Mesures du temps et de l’espace.


Horloges, montres et instruments anciens, Paris, Bibliothèque des
Arts & Fribourg, Office du Livre, 1970, p. 104.

7 Spinoza, Lettre à Hugo Boxel, Œuvres complètes, 1955, p. 1257.

8 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p. 33.

9 Ibid., p. 33-34.

10 Spinoza, Éthique, livre I, Scolie de la proposition XI (trad. Pautrat,


1988, p. 33).

11 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p. 34.

12 Ibid.

13 Ibid., p. 37-38.

14 Ibid.

15 Leibniz, Théodicée, « Remarques sur le livre de l’origine du


mal », § 20, p. 408.
16 Leibniz, « Correspondance entre Leibniz et Arnauld », 1993,
p. 191.

17 Sellars, Méditations leibniziennes, 1981, p. 50-51.

18 Ibid., p. 49.

19 Ibid., p. 50.

20 Leibniz, Théodicée, II, § 184, p. 228.

21 La Rochefoucauld, Maximes, § 42 (édition 1678).

22 La Rochefoucauld, Maximes, § 30 (édition 1678).


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Frankfurt, « Alternate Possibilities and Moral Responsibility »,
2003, p. 18.

2 Ibid., p. 24.

3 Leibniz, Theodicée. II, § 153, p. 203.

4 Ibid.

5 Horace, Odes, III, 29, 29 (cité in Leibniz, Théodicée, I, § 57,


p. 135.

6 Leibniz, Théodicée, I, § 5, p. 136.

7 Leibniz, Discours de métaphysique, § 4, p. 30-31.

8 Kapitan, « Deliberation and the presumption of open alternatives »,


1986, p. 141.

9 Russell, « Review of Some Dogmas of Religion, by J. McTaggart »


(1906), 1985, p. 322.

10 Russell, « The Elements of Ethics » (1910), 1966, p. 42.

11 Ibid., p. 44-45.

12 Russell, Science et religion, 1957, p. 166-167.

13 Spinoza, Lettre à Schuller, Œuvres complètes, 1955, p. 1253.

14 Leibniz, TI (Grua), I, p. 385.

15 Leibniz, « Notes sur Bayle » (janvier-février 1706 ?), TI (Grua), II,


p. 493-494.

16 Leibniz, TI (Grua), I, p. 336.


17 Leibniz, TI (Grua), II, p. 493.

18 Leibniz, TI (Grua), I, p. 351.

19 Russell, « Reply to Criticisms », 1963, vol. 2, p. 727.

20 Sur les perplexités de Jean Bernoulli, voir notamment, MS


(Gerhardt) III/2, p. 615-618, 625. Voir aussi p. 552-553, 565, 567-
568.

21 Leibniz à Jean Bernoulli, janvier 1699, MS (Gerhardt), III/2,


p. 565.

22 Jean Bernouilli à Leibniz, 4 mars 1699, MS (Gerhardt), III/2,


p. 579.

23 Leibniz à Jean Bernoulli, 1er mars 1699, MS (Gerhardt), III/2,


p. 576-577

24 Leibniz à Jean Bernoulli, 16 mai 1699, MS (Gerhardt), III/2,


p. 583

25 Jean Bernoulli à Leibniz, 6 avril 1700, MS (Gerhardt), III/2, p. 627

26 Leibniz à Jean Bernoulli, 6 septembre 1700, MS (Gerhardt), III/2,


p. 635.

27 Leibniz, Lettre à Coste, 19 décembre 1707, PS (Gerhardt), III,


p. 400-401.

28 Leibniz, Discours de Métaphysique, § 13, p. 45.

29 Leibniz, Lettre à Coste, 19 décembre 1707, PS (Gerhardt), III,


p. 401.

30 Leibniz, Théodicée, I, § 53, p. 133.

31 Leibniz, avril 1679, OFI (Couturat), p. 54-55.


32 Ibid., p. 55.

33 Coffa, The Semantic Tradition, 1991, p. 14-15.

34 ibid., p. 15
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Russell, A Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, Preface
to the second edition, p. V.

2 Leibniz, « Correspondance entre Leibniz et Arnauld », 14 juillet


1686, PS (Gerhardt), I, p. 52, 56.

3 Leibniz, OFI (Couturat), p. 518-519.

4 Ishiguro, « Contingent Truths and Possible Worlds », 1981, p. 66.

5 Ibid., p. 67.

6 Ibid.

7 Bayle, cité in Leibniz, Théodicée, II, § 173, p. 219.

8 Leibniz, « De libertate creaturae et electione divina » (1697 ?), TI


(Grua), I, p. 383.

9 Leibniz, « De affectibus » (10 avril 1679), TI (Grua), II, p. 536.

10 Leibniz, TI (Grua), II, p. 537.

11 Mondadori, « Reference, Essentialism, and Modality in Leibniz’s


Metaphysics », Studia Leibnitiana, 1973, V, p. 83.

12 Leibniz, Théodicée, « Abrégé de la controverse, III, Réponse »,


p 367.

13 Leibniz, « Von der Allmacht » (1670-1671 ?), L (Heer), p. 186

14 Sorabji, Necessity, Cause and Blame, 1980, p. 123.

15 Leibniz, « Von der Allmacht », L (Heer), p. 185.

16 Horace, Art Poétique, 5.


17 Leibniz, « Von der Allmacht », L (Heer), p. 185.

18 Leibniz, Théodicée, II, § 186, p. 229.

19 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 117.

20 Leibniz, OFI (Couturat), p. 271-272. Voir également Leibniz, PS


(Gerhardt), III, p. 36.

21 Leibniz, AA, VI, 1, p. 541.

22 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 117, note 44.

23 Clarke, « Cinquième réponse à Leibniz », in Leibniz, PS


(Gerhardt), VII, p. 423.

24 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 118.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, « Von der Allmacht und Allwissenheit Gottes », §§ 13-14,
L (Heer), p. 186-187.

2 Rawls, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, 2002, p. 133.

3 Leibniz, TI (Grua), II, p. 480.

4 Ibid, p. 482.

5 Leibniz, Théodicée, « Remarques sur le livre de l’origine du mal »,


§ 14, p. 400.

6 Leibniz, Théodicée, I, § 49, p. 131.

7 Leibniz, Théodicée, « Remarques sur le livre de l’origine du mal »,


§ 20, p. 408

8 Kant, Kritik der praktischen Vernunft, Akademie Ausgabe, V, p. 96-


97 ; 1996, p. 221-222 ; Critique de la raison pratique, 1966, p. 102-
103.

9 Ibid., p. 227, p. 107.

10 Leibniz, lettre à Arnauld du 30 avril 1687, « Correspondance


entre Leibniz et Arnauld », 1993, p. 255.

11 C. Wilson, « Compossibility, Expression, Accomodation », 2005,


p. 118-119.

12 Honderich, Êtes-vous libre ? 2009, p. 132-133, 174-175.

13 Kant, Kritik der praktischen Vernunft, 1996, p. 110 (Critique de la


raison pratique, 1966, p. 4n).

14 Honderich, Êtes-vous libre ?, 2009, p. 174-175.

15 Leibniz, Lettres à lady Masham, PS (Gerhardt) III, p. 341.


16 Ibid.

17 Ibid., p. 356.

18 Ibid., p. 364.

19 Leibniz, Théodicée, I, § 65, p. 139.

20 Leibniz, Théodicée, I, § 64, p. 139.

21 Compton, The Freedom of Man, 1935, p. 1.

22 Popper, « Des nuages et des horloges », La connaissance


objective, 1991, p. 333-334.

23 Ibid., p. 329-330.

24 Ibid., p. 348-349.

25 Compton, The Freedom of Man, p. 53 sq. (cité ibid., p. 349).

26 Wittgenstein, Recherches philosophiques, § 629.

27 Ibid., § 632.

28 Popper, La Connaissance objective, 1991, p. 351.

29 Leibniz, TI (Grua), II, p. 486.

30 Leibniz, Les principes de la nature et de la grâce fondés en


raison, § 3.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Discours de Métaphysique, § XXII, p. 65.

2 Ibid., p. 66-67.

3 Leibniz, PS (Gerhardt), IV, p. 281-282.

4 Leibniz, TI (Grua) I, p. 29.

5 Leibniz, Discours de métaphysique, § 19, p. 59.

6 Leibniz, lettre à Rémond du 22 juin 1715, PS (Gerhardt), III,


p. 645.

7 Leibniz, Théodicée, III, § 349, p. 322-323.

8 Leibniz, également Grua I, p. 28-29

9 Leibniz, Nouveaux Essais, II, xxi, § 13, p. 151.

10 Murray, « Spontaneity and Freedom in Leibniz », 2005, p. 207.

11 Ibid., p. 213.

12 Charrak, Contingence et nécessité des lois de la nature au XVIIIe


siècle, 2006, p. 63.

13 Leibniz, Théodicée, « Préface », p. 37.

14 Charrak, op. cit., p. 64.

15 Leibniz, « Tentamen anagogicum », PS (Gerhardt), VII, p. 279.

16 Cotes, préface à Newton, Principes mathématiques de la


philosophie naturelle, 1759, p. XXXI.

17 Charrak, op. cit., p. 87.


18 Maupertuis, Essai de cosmologie, 1984, Ière partie, p. 24.

19 Charrak, op. cit., p. 70.

20 Ibid.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Tugendhat, « Willensfreiheit und Determinismus », 2007, p. 57-58.

2 Tugendhat, ibid., p. 73.

3 Leibniz, Théodicée, I, § 327, p. 310-311.

4 Ibid., p. 311.

5 Ibid.

6 Leibniz, « Tentamen anagogicum », PS (Gerhardt), VII, p. 273.

7 Leibniz, OFI (Couturat), p. 329.

8 Leibniz, « Tentamen anagogicum », PS (Gerhardt), VII, p. 272.

9 Leonard Euler, Methodus inveniendi lineas curvas maximi


minimive proprietate gaudentes, Lausanne, 1744.

10 Mach, Die Mechanik in ihrer Entwicklung [1883], 1988, p. 436-


437.

11 Ibid, p. 438.

12 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984 p. 317-320

13 Mach, Die Mechanik in ihrer Entwicklung, 1988, p. 440-441.

14 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, note 59, p. 320.

15 Planck, « Das Prinzip der kleinsten Wirkung » [1915], 1991, p. 56.

16 S. Bachelard, « Maupertuis et le principe de la moindre action »,


1958, p 3.

17 Ibid., p. 30.

18 Ibid.
19 Ibid., p. 4.

20 Ibid., p. 7-8.

21 Ibid., p. 9-10.

22 Leibniz, Théodicée, III, « Abrégé de la controverse réduite à des


arguments en forme », Réponse à l’objection VIII, p. 371-372.

23 Leibniz, ibid., p. 372

24 Leibniz, « Initia et Specimina Scientiae novae Generalis », PS


(Gerhardt), VII, p. 111.

25 Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy, traduction


par Charles Maurron, Flammarion ‘GF’, 1982, p. 546-547.

26 Valéry, Analecta, 1935, p. 301-303.

27 Leibniz, « De serie rerum, corporibus et substantiis, et de


praedeterminatione » (mars 1690), AA, VI, 4, p. 1667-1668.

28 Leibniz, « Cogitationes de Physica Nova Instauranda » (1678-


82), Vorausedition zur Reihe VI, Fascicule 3, 1984, p. 642.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Israel, Les Lumières radicales, 2005, p. 22.

2 Hazard, La crise de la conscience européenne, 1680-1715 [1935],


1994, p. 420.

3 Israel, Les Lumières radicales, 2005, p. 199.

4 Ibid., p. 197.

5 Ibid., p. 489.

6 Ibid., p. 566

7 Le landgrave Ernest de Hessen-Rheinfels à Nicole, in Leibniz, TI


(Grua) I, p. 184.

8 Leibniz, Lettre au landgrave de Hessen-Rheinfels, 4-14 mars


1685, Ibid., p. 189.

9 Leibniz, ibid., p. 197.

10 Israël, Les Lumières radicales, 2005, p. 561.

11 Israel, ibid., p. 562.

12 Spinoza, Éthique, Livre I, Proposition 17, Corollaire 2.

13 Spinoza, Pensées métaphysiques, in Spinoza, Œuvres


complètes, 1955, p. 284.

14 Spinoza, ibid., p. 281.

15 Spinoza, ibid., p. 256-257

16 Spinoza, Court Traité, in Spinoza, Œuvres complètes, 1955,


p. 13.
17 Spinoza, Éthique, Livre I, proposition 17, scolie.

18 Spinoza, Éthique, Livre II, proposition 44.

19 Spinoza, Éthique, Livre II, proposition 44, scolie.

20 Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 1964, p. 130-131.

21 C.S. Lewis, Miracles [1960], 2001, p. 18.

22 Israel, Les Lumières radicales, 2005, p. 331-332.

23 Ibid., p. 285.

24 Ibid., p. 184.

25 Cf. Spinoza, Les Principes de la philosophie de Descartes


démontrés selon la méthode géométrique, in Spinoza, Œuvres
complètes, 1955, Préface, p. 153.

26 Israel, Les Lumières radicales, 2005, p. 287.

27 Leibniz, « Specimen inventorum de admirandis naturae Generalis


arcanis », PS (Gerhardt), VII, p. 309.

28 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 107.

29 Leibniz, OFI (Couturat), p. 18.

30 Carnap, Meaning and Necessity, 1956, p. 9.

31 Leibniz, PS (Gerhardt), GP, VII, p. 300.

32 Gödel, « Russell’s Mathematical Logic » [(1944], 1983, p. 467.

33 Ibid.

34 Ibid, p. 468, note 33.


35 Leibniz, OFI (Couturat), p. 285.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 108. Voir aussi p. 117,
137-138 & 157-158.

2 Hacking, L’émergence de la probabilité, 2002, p. 250.

3 Leibniz, « Recherches générales sur l’analyse des notions et des


vérités », TLM (Rauzy), p. 243.

4 Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque, 1988, p. 56.

5 Leibniz, Nouveaux Essais, IV, chap. 7, § 10, p. 364. Comme le fait


remarquer Frege dans les Fondements de l’artihmétique, la
démonstration comporte une lacune sérieuse : Leibniz utilise,
apparemment sans s’en rendre compte, la loi de l’associativité de
l’addition, qui n’est pas une identité explicite et devrait par
conséquent avoir été elle-même démontrée – autrement dit, réduite
à une identité explicite à l’aide du seul principe de substituabilité des
identiques et de définitions.

6 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 243.

7 Mates, The Philosophy of Leibniz, p. 111.

8 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 277.

9 Leibniz, ibid.

10 Leibniz, Théodicée, III, « Réflexions sur l’ouvrage de M.


Hobbes », p. 385.

11 Ishiguro, « Contingent Truths and Possible Worlds », 1981, p. 68-


69.

12 Leibniz, TI (Grua), I, p. 303.

13 Leibniz, TI (Grua), I, p. 372.


14 Leibniz, « Sur la liberté (De libertate) », TLM (Rauzy), p. 334-335
(traduction modifiée).

15 Mates, The Philosophy of Leibniz, p. 109-110.

16 Leibniz, MS (Gerhardt), VII, p. 23-24.

17 Mates, The Philosophy of Leibniz, p. 110.

18 Leibniz, MS (Gerhardt), VII, p. 23-24

19 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 279. Cf.


Leibniz, OFI (Couturat), p. 18 & 272-273.

20 Leibniz, TI (Grua), I, p. 287. Cf. Leibniz, OFI (Couturat), p. 401-


402.

21 Leibniz, TI (Grua), I, p. 303. Cf. Leibniz, OFI (Couturat), p. 408.

22 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 275.

23 Leibniz, TI (Grua), I, p. 303.

24 Leibniz, OFI (Couturat), p. 370-371 ; Leibniz, « Recherches


générales », TLM, p. 235-237.

25 Leibniz, OFI (Couturat), p. 371 ; Leibniz, « Recherches


générales », TLM, p. 237.

26 Leibniz, « Recherches générales », TLM, p. 231.

27 Ibid.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 239.

2 Ibid., p. 243-245n.

3 Sur les raisons pour lesquelles « le principe de contradiction est


contenu dans la définition du possible », cf. Leibniz, TI (Grua), II,
p. 535-536.

4 Leibniz, PS (Gerhardt), VII, p. 194.

5 Hacking, L’émergence de la probabilité, 2002, p. 192.

6 Ibid., p. 193.

7 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 273.

8 Ibid., p. 275. (Cf. Leibniz, PS [Gerhardt] IV, p. 437-438.)

9 Ibid., p. 275-277.

10 Leibniz, OFI (Couturat), p. 271-272.

11 Ibid.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Leibniz, TLM (Rauzy), p. 460.

15 Leibniz, OFI (Couturat), p. 407.

16 Ibid., p. 408.

17 Leibniz, TI (Grua), I, 305-306.

18 Leibniz, « De libertate », NLO (Foucher de Careil), p. 182 ; TLM


(Rauzy), p. 332-333.
19 Leibniz, NLO, p. 184 ; TLM, p. 334.

20 Leibniz, NLO, ibid. ; TLM, p. 335.

21 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 102.

22 Leibniz, « De libertate, fato, gratia Dei », TI (Grua), I, p. 311-312.

23 Leibniz, OFI (Couturat), p. 16-17. Cf également, ibid., p. 402.

24 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 104.

25 Sellars, « Méditations leibniziennes », 1981, p 43.

26 Leibniz, PS (Gerhardt), II, p. 49.

27 Sellars, « Méditations leibniziennes », p. 45.

28 Sellars, ibid.

29 Leibniz, Théodicée, « La cause de Dieu », § 15, p. 427.

30 Leibniz, Nouveaux Essais, II, chap. 25, § 10, p. 194-195.

31 Leibniz, OFI (Couturat), p. 520 (« Sequitur etiam nullas dari


denominationes <pure> extrincas, quae nullum prorsus habeant
fundamentum in ipse re denominata. Oportet enim ut notio subjecti
denominati involvat notionem praedicati. Et proinde quoties mutatur
denominatio rei, oportet aliqualem fieri variationem in re ipsa. »)

32 Hintikka, « Leibniz on Plenitude, Relations, and the “Reign of


Law” », 1972, p. 160-161.

33 Sellars, « Méditations leibniziennes », p. 46.


Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>
1 Leibniz, Théodicée, II, § 132, p. 185-186.

2 Leibniz, Théodicée, III, § 331, p. 312.

3 Leibniz, Théodicée, III, § 335, p. 315.

4 Leibniz, « Recherches générales », TLM (Rauzy), p. 223.

5 Ibid.

6 Gottfried Wilhelm Leibniz, Generales Inquisitiones de Analysi


Notionum et Veritatum, Allgemeine Untersuchungen über die
Analyse der Begriffe und Wahrheiten, herausgegeben, übersetzt und
mit einem Kommentar versehen von Franz Schupp, Felix Meiner
Verlag, Hamburg, 1982, p. 172.

7 Leibniz, Théodicée, préface, p. 30.

8 Leibniz, PS (Gerhardt), VI, p. 30.

9 Vuillemin, Nécessité ou contingence, 1984, p. 172.

10 Ibid., p. 163.

11 Ibid.

12 Leibniz, Théodicée, III, « Sur le livre de l’origine du mal », § 14,


p. 400.

13 Mates, The Philosophy of Leibniz, 1989, p. 153.

14 Leibniz, « De Synthesi et Analysi universali seu Arte inveniendi et


judicandi », PS (Gerhardt), VII, p. 299.

15 Mates, The Philosophy of Leibniz, p. 117-118.

16 Aristote, Physique, 200a, 12-14.


17 Mates, ibid.

18 Vuillemin, Nécessité ou contingence, p. 153.

19 Ibid., p. 163.

20 Vidal-Rosset, Les paradoxes de la liberté, 2009, p. 25-26.

21 Vuillemin, Nécessité ou contingence, p. 163.

22 Vidal-Rosset, Les paradoxes de la liberté, p. 26.

23 Vidal-Rosset, ibid., p. 44.

24 Jacques Bernoulli, Ars Conjectandi (1713), 1975, p. 240.

25 Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances [1851],


1975, p. 450.

26 Vuillemin, Nécessité ou contingence, p. 181, note 53.

27 Couturat, La Logique de Leibniz [1901], 1969, p. 255.

28 Couturat, ibid., p. 268.

29 Leibniz, Nouveaux Essais, IV, chap. 15, § 1, p. 405.

30 Ibid, IV, chap. 16, § 9, p. 413.

31 « Sur les loteries », in Leibniz, L’estime des apparences, 1995,


Annexe V, p. 447.

32 Marc Parmentier, « Introduction » à : Leibniz, L’estime des


apparences, 1995, p. 38.

33 Hacking, L’émergence de la probabilité, 2002, p. 250.

34 Ibid., p. 133.
35 Leibniz, TI (Grua), II, p. 580.

36 Hacking, L’émergence de la probabilité, p. 251.

37 Rhees (éd.), Wittgenstein, Personal Recollections, 1981, p. 120.

38 Wittgenstein, MS 132, p. 7-8. – Nedo & Ranchetti (éd.),


Wittgenstein. Sein Leben in Bildern und Texten, 1983. p. 307.
Jean-luc boutin <Jean-luc@famille-boutin.org>

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