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UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAITI

École Normale Supérieure

Département de Philosophie 2ème Année

Cours d’introduction à la philosophie Leibnizienne

Dispensé par le professeur : Odonel PIERRE-LOUIS

Mercredi 9h-11h

Sujet : La question du mal chez Leibniz

Travail réalisé par : Shakespeare EMILE

Le 11 juin 2022
Plan du devoir

1. Introduction……………………………………………………………………….3
2. Les différentes conceptions du mal chez Leibniz……………………………….4-6
3. Conclusion………………………………………………………………………...7
4. BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………….8
« Dieu est Tout-puissant ; Dieu est absolument bon ; pourtant le mal existe. »
Commençons notre travail par cette citation de Paul Ricœur prononcée lors d’une conférence à
l’université Lausanne qui traduit un problème qu’on rencontre souvent et qui a fait l’objet de pas
mal de débat dans l’histoire de la philosophie. Malgré la perfection de Dieu, sa bonté infinie, le
monde n’a jamais cessé de connaitre le mal. Alors si Dieu est parfait, puissant et infiniment bon,
comment se fait-il que le mal puisse exister dans un monde qu’il a lui-même créé ? Est-ce là une
limite à sa toute-puissance ou, pour être plus radicale, est-ce un argument en faveur de son
inexistence 1? Ce sont là des questions inévitables pour presque toutes les théologies ou toutes
philosophies intéressées par cette dernière et qui, malheureusement n’ont apporté jusqu’à présent
aucune réponse précise. Mais il faut admettre que ces questions ne sont pas des questions
essentiellement théologique dans la mesure où il y a souvent cette tentative des philosophes de
penser le mal à la lumière de la Raison. Déjà notre citation d’introduction s’inscrit dans cette
démarche. Face au mal de la création, la raison n’a jamais cessé de se questionner. La bonté
divine est-elle conciliable avec le mal subi et exercé par ses créatures, à savoir le mal moral et le
mal physique 2? C’est un problème qui n’est pas nouveau, d’ailleurs Épicure en avait déjà
confronté et proposé quelques réponses possibles : « Ou Dieu veut empêcher le mal et ne le peut,
ou il le peut et ne le veut, ou il ne le peut ni ne le veut, ou il le veut et le peut.  3» Ce passage nous
montre clairement que, d’après Épicure, le mal qu’il y a dans le monde, moral ou physique,
pourrait dépendre de la volonté et la capacité de Dieu, tout dans une certaine mesure dépendrait
de lui. Cependant, il est plus que vraisemblable que l’expérience du mal et la bonté d’un Dieu
omnipuissant s’exclure l’une l’autre. Par rapport aux multiples Illusions présentes dans le
monde, des inévitables contradictions qui font de ce monde un monde mauvais, pas mal d’autre
tentative d’explication ou de solution ont fait surface. Il y a la solution athée du problème, il y a
également, par rapport à la charge qui pèse sur le dos du créateur de ce monde, en l’occurrence
Dieu, une tentative ou un effort extrême pour l’en exonérer, pour prouver sa non-culpabilité.
Cette tentative d’acquittement, ou d’exonération est souvent qualifiée sous le nom de théodicée.

1 PHILIPPE Grossos, (2017). CAIRN. INFO. « Le MAL COMPRIS. THÉOLOGIE ET PHILOSOPHIE FACE AU MAL. »
numéro 47, 2 pp.
2 NICOLAS, Stricker (2006). CAIRN. INFO.  « LES STRAGTÉGIES ARGUMENTATIVES D’UNE (ANTI-) THÉODICÉE: BAYLE
ET LEIBNIZ. » pp.475 à 484
3 Ibid. 476.pp
Par « Théodicée », pour reprendre la définition de Kant, même s’il allait la critiquer
après, citée par Odo Marquard, « on entend la défense de la sagesse suprême du créateur du
monde contre l’accusation que la Raison porte contre cette sagesse en se fondant sur ce qui,
dans le monde, est contraire à ses fins4 ». Cette théodicée traduit une forme d’optimisme à
l’égard de la bonté du créateur. Leibniz est le premier à avoir employé cette expression. C’était
dans une tentative de sauver l’intégrité divine face à la question du mal. Toute sa théodicée
pourrait se résumer en ses questions : Si Dieu est doté d’une perfection infinie et il agit toujours
de la manière la plus souhaitable, alors comment se fait-il que dans le meilleur des mondes
possibles, qui est une création de Dieu, il y ait de mal ? La souveraine bonté peut-elle produire
une créature malheureuse ? La souveraine puissance, jointe à une bonté infinie, ne comblera-t-
elle pas de biens son ouvrage 5? L’essentiel de notre travail se portera sur la façon dont Leibniz,
tout au long de son système de pensée, a procédé pour résoudre, à la lumière de la raison, ce
problème tant complexe.

Dans La question du mal chez Leibniz, Paul Rateau nous dit que la Théodicée de Leibniz
n’est pas une exhortation à l’optimisme, mais c’est un traité sur Dieu. On peut voir en cet énoncé
une tentative de réponse à l’ensemble des critiques adressées à la pensée de Leibniz pour la faire
passer comme un simple optimisme. Ce n’est pas que l’optimisme ne soit pas présent, mais de
manière subtile et très nuancée. Il est présent par rapport à la capacité de Dieu comme cause
existentifiante à produire le meilleur. De tous les possibles, celui qui existe, ou celui que Dieu a
produit est le plus parfait. La perfection dans ce cas n’est autre chose que la quantité d’essence6.
Le fait même que quelque chose puisse advenir à l’existence signifierait qu’elle soit le possible
élu et le plus parfait. Cette perfection de laquelle sont dotées les créatures de Dieu traduirait la
présence d’une mathématique divine ou du mécanisme métaphysique dans la formation
originelle des choses. C’est pourquoi Leibniz nous dit ce qui suit : « on comprend avec
admiration comment, dans la formation originelle des choses, Dieu applique une sorte de
mathématique divine ou de mécanisme métaphysique, et comment la détermination du maximum
y intervient. 7» Et de là découlerait l’idée de l’optimisme. Le monde qui existe, existe parce qu’il
4ODO Marquard (1973). Des difficultés avec la philosophie de l’histoire. MSH, Paris, 57.pp
5 NICOLAS, Stricker (2006). CAIRN. INFO.  « LES STRAGTÉGIES ARGUMENTATIVES D’UNE (ANTI-) THÉODICÉE: BAYLE
ET LEIBNIZ. » pp 479.

6 LEIBNIZ, De la production originelle des choses prise à sa racine, Paris, Vrin, pp. 85-86
7 Ibid.
est le meilleur possible. Dans la troisième partie des Essais de théodicée, S124 plus précisément,
Leibniz nous dit que : « C’est le tout, ou l’univers, qui est bon, non les parties, qui prises une à
une ne sont pas nécessairement les meilleures, mais dont l’imperfection, si elles sont médiocres,
est nécessairement telle qu’elle doit pour que le tout soit meilleur 8. » Il y a là un point important
avancé par Leibniz en disant que c’est le tout qui soit bon et non les parties. Alors qu’en est-il
des parties, en tant que créature de Dieu pourquoi ne sont-elles pas parfaites comme le tout ? Le
Tout serait chez Leibniz une créature raisonnable tel n’est pas le cas des différentes parties. C’est
pourquoi il affirme que : « La nature a eu besoin d’animaux, de plantes, de corps inanimés ; il y
a dans ces créatures non raisonnables des merveilles qui servent à exercer la raison. » Alors
doit-on considérer le mal, par rapport à ce que nous dit Leibniz comme une nécessité
hypothétique dans la mesure où il n’est pas permis à Dieu de faire autrement ?

On peut parler du mal chez Leibniz à trois niveaux à savoir, le niveau métaphysique, moral et
physique, le mal métaphysique, le mal moral et le mal physique. Le mal moral constitue le
problème principal de toute théodicée par rapport au lien direct qu’il entretient à la liberté
humaine. Le mal physique permis par Dieu n’est en rien aussi horrible que le mal moral produit
par l’homme. Pour argumenter, il fait une comparaison entre les conséquences de l’action d’un
homme comme Néron, le Caligula, par rapport aux conséquences d’un tremblement de terre qu’il
juge moins désastreux9. On pourrait dire autant pour les deux guerres mondiales qu’on peut
considérer comme un mal moral, qui avaient des conséquences désastreuses sur l’humanité
comparativement au séisme de 12 janvier qui a ravagé Haïti. Le mal, physique et moral plus
précisément, pourrait être ce que Machiavel appelle une fortune, comme une femme qu’il faut
tenir soumise, il faut la dompter10. La permission du mal chez Leibniz est caractérisée de façon
très positive comme la nécessité morale qu’il appelle « heureuse ». C’est le plus haut degré de
liberté. Il faut penser la liberté chez Leibniz par rapport à une double nécessité, « la nécessité
absolue, par exemple celle des propositions géométriques, et la nécessité hypothétique qui
exprime la contingence des existences. »11 La liberté n’exclut que la nécessité absolue, elle n’est
pas de faire n’importe quoi d’imprévisible même par Dieu, mais plutôt la faculté permettant de
s’accomplir entièrement, comme il était prévu depuis l’harmonie préétablie. La liberté est une

8 LEIBNIZ, Essais de théodicée, Partie III, S124, Paris, Aubier, pp 187-188


9 Ibid, p.119
10 NICOLAS Machiavel (1515). Le prince, Ebooks et gratuits.
11 LEIBNIZ, Discours de métaphysique, Art.XIII, Paris, Garnier, pp.97-99
faculté humaine qui est découlée du meilleur possible c’est un don du créateur, c’est le libre
arbitre. L’homme est libre de l’utiliser comme bon lui semble. Dieu n’a pas directement crée le
mal, il l’a seulement permis en créant l’homme libre. C’est de la liberté accordée à l’homme que
découlerait la possibilité du péché, du mal tout simplement.

La théodicée c’est une tentative de saisir rationnellement le problème. Seul Dieu omniscient,
possesseur d’un entendement infini, peut embrasser d’un regard unique la totalité cosmique, et
ainsi justifier dans une certaine mesure les malheurs et les crimes. Seul Dieu maitrise le calcul
entre les mondes possibles qui, d’après Leibniz, eut lieu à l’instant de la création. Par rapport à
l’immensité de la puissance de Dieu, il faut souligner les limites de la raison humaine. C’est
comme si la Raison serait en incapacité de justifier le mal.

Finalement, la théodicée de Leibniz est une tentative de traité la question du mal à la


lumière de la raison. Elle consiste à démontrer que l’existence du mal ne constitue pas une
charge contre le créateur. C’est un procès pour prouver l’innocence de Dieu de manière logique,
en montrant la compatibilité de ces trois propositions : Dieu est tout-puissant, Dieu est bon et
pourtant le mal existe. Toutes les formes du mal, pas seulement le mal moral, également la
souffrance et la mort sont prises en considération et placées sous le mal métaphysique qui serait
inhérent à tout être crée, mais en dehors de la responsabilité de Dieu et c’est là le premier aspect
qui a fait la singularité de la théodicée telle que pensée par Leibniz. Le deuxième aspect c’est
l’enrichissement qui est apporté à la logique classique en ajoutant au principe de non-
contradiction le principe de raison suffisante, qui s’énonce comme principe du meilleur qui nous
permet de voir en ce monde une création issue d’une compétition dans l’entendement du bon
géomètre, autrement dit de Dieu. Cette théodicée, malgré l’originalité avec laquelle Leibniz l’a
pensée, n’est pas exempt des critiques comme beaucoup d’autres philosophies d’ailleurs. L’une
des critiques la plus fondamentale adressée contre cette théodicée était venue de la plume
d’Emmanuel Kant contre la base même du discours onto-théologique sur laquelle la Théodicée
s’était édifiée. On parle même du démantèlement de la théologie rationnelle opéré par l’auteur
des trois critiques dans la première critique, à savoir Critique de la Raison Pure. Kant dans ses
analyses aurait relégué la théodicée sous la rubrique de l’Illusion transcendentale. Cela ne veut
pas dire pour que le problème du mal disparaisse de la philosophie, mais relève seulement de la
sphère pratique. Ce n’est pas une fin que Kant a mis à la théologie rationnelle, il l’a au contraire
contrainte à faire usage d’autres ressources. On pourrait même mentionner l’apport de Hegel à ce
problème par rapport aux travaux de Leibniz, mais on ne traite pas de cela dans ce travail.

BIBLIGRAPHIE

 ODO, Marquard (1973). Des difficultés avec la philosophie de l’histoire. MSH, Paris,
193.pp
 NICOLAS, Machiavel (1515). Le prince, Ebooks et gratuits
 NICOLAS, Stricker (2006). CAIRN. INFO.  « LES STRAGTÉGIES
ARGUMENTATIVES D’UNE (ANTI-) THÉODICÉE: BAYLE ET LEIBNIZ. » pp.475
à 484
 LEIBNIZ. Discours de métaphysique, Art.XIII, Paris, Garnier, pp.97-99
 LEIBNIZ, Essais de théodicée, Partie III, S124, Paris, Aubier, pp 187-188
 PHILIPPE, Grossos (2017). CAIRN. INFO. « Le MAL COMPRIS. THÉOLOGIE ET
PHILOSOPHIE FACE AU MAL. » numéro 47, 2 pp.

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