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Jean-Marie Marchal
TABLE DES MATIERES
1
cours correspondant au cours de Bachelier 1 (2016-2017).
Nous entamerons cette partie en remontant jusqu’aux
origines-mêmes de la musique en général. Nous nous attarderons en
particulier sur l’art musical grec.
Puis nous sillonnerons l’ensemble de la culture musicale du Moyen
Âge en alternant musique sacrée et profane pour finalement en
arriver à la Renaissance sur laquelle nous nous pencherons de
manière plus sérieuse.
Bon début de lecture !
Par manque de sources, il est très difficile de pouvoir se faire une idée claire et précise
quant à l’apparition de la musique dans l’Histoire de l’Homme. Sans doute en jouait-il déjà
durant la Préhistoire « avec les moyens du bord ». L’image d’un Homme de Cro-Magnon
faisant quelque chose ressemblant à de la musique en frappant sur des os, imitant le son
d’un xylophone, nous est en effet bien familière.
1
En réalité, les musiques grecques étant essentiellement populaires et par conséquent
transmises de manière orale, les pertes n’ont pas été trop importantes. Il faudra
Dans la Grèce Antique, la musique détient une fonction religieuse et sociale. C’est ainsi
qu’elle va souvent être synonyme d’une sorte de rituel dans le cadre des cérémonies.
Comme nous l’avons précédemment, selon les philosophes grecs, la musique possède
de nombreuses vertus, entre autres dans l’éduction, dans la construction mentale ainsi que
dans le développement social de chaque individu. C’est pourquoi ces philosophes vont
vouloir l’inscrire dans la cité, notamment par le biais du théâtre, des jeux2 ou des victoires
militaires.
2
En effet, certaines villes intégraient dans leurs jeux, olympiques ou non, des épreuves
artistiques (essentiellement poétiques et musicales) au sein des épreuves sportives.
Un peu d’organologie …
Jusqu’à l’arrivée de la « lutherie électronique », les modes de transmission et les
principes utilisés pour produire un son ont en réalité toujours été identiques à travers
l’Histoire. On peut décider soit :
# de frapper un objet (c’est le cas des percussions), que ce soit sur une peau tendue,
sur du bois, du métal ou même sur des cordes ;
# de jouer grâce à une corde, soit en la pinçant, soit en la frottant ;
# de se servir des mouvements et des vibrations de l’air. Pour cela, il y a trois
moyens possibles :
→ Soit l’air passe à travers une embouchure en biseau (comme pour l’orgue ou la
flûte).
→ Soit l’instrument est constitué d’une anche en roseau. Si celle-ci est simple, la
anche est simplement accrochée au bec de l’instrument et l’air passe entre elle-
même et le bec, créant des vibrations – c’est le cas de la clarinette, du
saxophone, etc. Si elle est double, comme dans le cas du hautbois ou du basson,
alors l’air passe entre deux anches créant par frottement des vibrations
acoustiques.
→ Soit l’air passe à travers une simple embouchure mais ce sont les lèvres de
l’instrumentiste qui produisent les vibrations (c’est le principe des cuivres).
Ces trois principes d’émission du son ont été repris dans à peu près toutes les cultures.
NB : Il n’y a pas d’exception pour les instruments à clavier : tous se fondent sur les
modes de production expliqués ci-dessus. Ainsi, l’orgue est un instrument à vent
comportant des tuyaux avec chacun une embouchure en biseau, le piano peut être intégré
tant à la famille des cordes qu’à celle des percussions (les marteaux ne font que frapper
sur des cordes !) et le clavecin n’est rien d’autre qu’un simple instrument à cordes pincées.
A B C D E
Cependant, tous ces instruments ne permettent pas au musicien une grande liberté étant
donné qu’ils sont construits autour d’une seule et unique harmonique centrale; les
instruments grecs ne sonnaient donc pas toujours très juste sur tous les degrés de la
chromatique.
Tout à l’heure nous avons parlé de bourdon, mais nous n’avions pas tout dit à son sujet.
En effet, certains instruments grecs étaient conçus de telle façon à ce qu’ils puissent
produire une mélodie ainsi que de créer le bourdon simultanément. C’est par exemple le
cas de la vielle, un instrument à cordes frottées étant l’ancêtre du violon, qui comporte une
corde isolée des trois autres et dont l’usage se limite à la production d’un bourdon. De
même, dans le cas de l’aulos, l’instrumentiste souffle en réalité dans deux flûtes : l’une
possède des trous pour pouvoir produire une mélodie tandis que l’autre n’en possède pas
(ou du moins très peu) dans le but de produire un bourdon.
Puis, trois autres modes secondaires ont été formés à partir de ceux de bases en
transposant simplement ces derniers un tétracorde vers le bas (d’où le préfixe utilisé
« hypo ») :
# le mode hypodorien (ou mode de la) ;
# le mode hypophrygien (ou mode de sol) ;
# le mode hypolydien (ou mode de fa).
Enfin, dans le but de former un cycle, un septième mode a été formé, en partant du
degré de la gamme n’ayant pas encore été utilisé par les six autres :
# le mode mixolydien (ou mode de si).
Ces modes ont été repris sur des portées à la page suivante pour y voir plus clair. Nous
y avons également mis en évidence les positions des tons et demi-tons au sein de chaque
tétracorde. Car ceux-ci sont en effet d’une importance cruciale.
Comme nous l’avons dit plus haut, chaque tétracorde des modes ci-dessus ne possède
qu’un seul demi-ton dans leur structure. Or, si nous analysons bien chacun d’entre eux,
l’on peut constater que dans des modes hypolydien et mixolydien se trouve un tétracorde
commun : si-la-sol-fa. Mais ce dernier ne possède pas de demi-ton et est donc plus grand
que les autres. Ce phénomène inattendu a pour effet de provoquer une dissonance, que les
moines du Moyen-Âge nommeront plus tard Diabolus in musica et que la plupart des
adeptes de solfège aujourd’hui reconnaîtront en temps que triton (vu que ce tétracorde
possède trois tons).
Cette dissonance pouvait parfois convenir (une dissonance étant souvent une source de
tension et donc d’expressivité), parfois pas. De là vint l’idée de rendre ce tétracorde juste
en baissant le si d’un demi-ton, qu’on appellera plus tard si bémol.
Sur cette figure ont été repris respectivement les genres diatonique, chromatique et
enharmonique pour le premier tétracorde du mode dorien. On peut donc remarquer que les
extrêmes de chaque tétracorde demeurent immobiles.
En règle générale, les Romains vont rester fort fidèles aux conventions et pratiques
musicales de leurs prédécesseurs les Grecs. Ils vont d’ailleurs même conserver toutes les
notions philosophiques et mathématiques transitant autour du concept musical (cf. page 8).
Il y a donc une véritable transmission du savoir entre la Grèce et la Rome Antique,
que ce soit au niveau de la musique ou même de l’art en général.
Cependant, avec le temps, la musique se fait de plus en plus prosaïque et est de moins
en moins liée à la religion ou à un côté sacré.
C’est grâce à ce contexte de « désacralisation » de la musique que cette dernière est de
plus en plus mêlée aux événements païens. On l’utilise ainsi de manière plus importante
dans le contexte militaire (que ce soit sur les champs de bataille eux-mêmes ou lors du
retour victorieuses des légions) ainsi que dans le domaine des jeux et du cirque.
C’est pourquoi on constate à l’époque romaine une véritable émancipation des cuivres
dans les œuvres musicales. On a effectivement besoin d’instruments faisant du bruit et
pouvant se faire entendre dans de telles conditions. D’ailleurs, les Romains seront enfin les
premiers à penser à enrouler les tubes des instruments en cuivre pour ne pas obtenir des
tubes trop longs et encombrants, donnant en conséquences le genre d’instruments « en
zigzag » comme nous en avons aujourd’hui.
Parmi la famille des cuivres de l’époque romaine se trouvent des instruments comme le
tuba (A), le comu (B), le bucina (C) ou encore le lituus (D).
A B C D
Un début ambigu
Lorsqu’apparaît la doctrine chrétienne au sein de l’Empire Romain, celle-ci est
immédiatement très mal vue, à tel point que les premières communautés chrétiennes
formaient en effet des sectes (interdites) au sein de l’Antiquité païenne. Ce n'est en effet
qu'en 313, avec l'édit de Milan, que les chrétiens eurent droit à une liberté religieuse. Les
empereurs romains, trouvant intéressant de renforcer leur pouvoir temporel, en firent la
religion d'État.
En attendant cet édit crucial, les Chrétiens étaient pourchassés et traqués pour être
massacrés à tort dans des conditions inhumaines. Cet acharnement envers ces Chrétiens
s’explique par le fait que leur esprit rompt totalement avec les usages en fonctionnement
dans l’Empire Romain (qui est bien un empire païen4).
En effet, que ce soit au niveau de la décadence dont les Romains faisaient souvent
preuve, que nous avons abordée il y a quelques instants, ou au niveau de la brutalité voire
de la barbarie en vigueur dans tout l’Empire surtout au moyen des jeux (les amphithéâtres
étaient effectivement le lieux de nombreux massacres et d’atrocités rien que pour le plaisir
des spectateurs), l’image de pureté et de respect que prône la doctrine chrétienne est en
totale rupture avec les coutumes de l’époque dans laquelle elle a été créée.
3
Contrairement à nous, l’orgue de l’époque n’était absolument pas relié à la religion mais
bien au cirque. Cet instrument ne perdit son caractère purement profane qu'au haut Moyen
Âge.
4
Certes, il existait bien un culte religieux dans l’Empire Romain (qui provient des célèbres
dieux grecs du Mont Olympe), mais celui-ci n’est pas réellement considéré comme une
religion à en proprement parler. Les Romains de l’époque n’y croyaient pas la plupart du
temps et considéraient plus ces histoires mythologiques comme des légendes, des
coutumes.
5
C’est notamment à cause de cela que le Judaïsme fut rejeté par le Christianisme, dans un
premier temps, puis par toutes sortes d’autres groupes, qu’ils soient de l’ordre religieux ou
même simplement idéologique, pour finalement en arriver au génocide des Juifs durant la
Seconde Guerre Mondiale sous l’influence nazie.
6
Jésus étant né à Nazareth, c’est-à-dire dans l’actuel Israël, la religion chrétienne provient
bien des contrées orientales.
7
Cf. page suivante.
8
Bien qu’il fût souvent d’usage à l’époque de broder autour de la fondamentale.
9
D’où l’existence de huit modes de base et non quatre.
10
Le plain-chant représente le type de chants monodiques composés après l’Empire
Romain pour accompagner les messes chrétiennes. Tout ce corpus est entièrement
anonyme.
11
Cette première partie peut d’ailleurs être la seconde dans l’ordre chronologique de
certains psaumes ; la hiérarchie suivie par cette explication n’est présente qu’à titre
indicatif.
12
Dans un premier temps, ces chœurs étaient mixtes : chanter dans un de ces chœurs était
la métaphore du peuple se réunissant pour venir se recueillir et prier à la messe ; ainsi
acceptait-on tout le monde, les hommes comme les femmes. Mais par la suite, ces
dernières ne seront plus acceptées pour chanter dans le milieu ecclésiastique (si ce n’est
dans les monastères exclusivement féminins).
13
Les cathédrales ont d’ailleurs la plupart du temps été conçues pour pouvoir accueillir en
leur sein de telles formations chorales. C’était entre autre le rôle que possédaient les stalles
sur lesquelles s’assaillaient les moines durant l’office.
14
Le Grec a été en effet la langue primitive de la liturgie jusqu’au IIe siècle PCN, et celle
dans laquelle les premiers papes écrivaient. Les livres qui devinrent le Nouveau Testament
furent initialement rédigés en grec, et ne furent traduits en latin que par la suite.
15
Le Latin resta d’ailleurs la langue ecclésiastique officielle jusqu’au concile Vatican II
qui eut lieu de 1963 à 1965.
16
La seconde est effectivement celle provoquée par les fameuses réformes de Luther et de
son Protestantisme.
Un pape ambitieux
Face à toutes ces divergences, il a bien fallu réduire l’œuvre musicale chrétienne et
éliminer tous chants futiles qui ont été créés inutilement par le passé. C’est l’idée qu’a eue
le Pape Grégoire Ier (540 – 604) à la fin du VIe siècle PCN dans le but de rendre le plain-
chant plus cohérent et plus unifié. L’ensemble des chants composés suite à cette réforme
seront alors appelés chants grégoriens. Ces derniers se veulent exclusivement diatoniques
et se basent de manière théorique sur les modes ecclésiastiques (cf. page 16) ; les chants
grégoriens sont donc plus proches de la culture occidentale qu’orientale.
Une exception est tout de même à signaler. Les moines de cette époque ont, à l’instar
des Grecs, dû s’interroger et s’attaquer à l’épineux problème du Diabolus in Musica, déjà
évoqué plus haut. En effet, dans un système entièrement diatonique, il subsiste une
inégalité dans la gamme, que d’aucuns reconnaîtront sous le nom de « quarte triton ». Pour
y remédier, une altération sera tolérée, le si bémol17, afin de raccourcir ladite quarte et par
conséquent l’adoucir jusqu’à la rendre juste.
Mais revenons à la réforme de notre cher Grégoire. Dans ce processus d’unification de
la musique sacrée de l’Église, il a également fallu établir la liste des textes et des chants
importants afin de les conserver. C’est ainsi qu’une sélection18 de chants s’est mise en
œuvre.
En effet, comme nous l’avons dit plus tôt, il était auparavant permis de composer de
nouveaux chants sacrés : ce sont les hymnes. Par conséquent, n’importe qui ayant un brin
de connaissance en musique pouvait en écrire.
C’est pourquoi la plupart de ces hymnes n’ont pas été retenus par les réformes de
l’Église au VIe siècle. Ces chants sacrés, jugés inintéressants par la Communauté
Chrétienne, vont alors disparaître et petit à petit sombrer dans l’oubli.
17
Que l’on appelait alors si altéré ; ce n’est que plus tard qu’il a été renommé si bémol.
18
En réalité, le taux de survie suite à cette sélection était très faibles pour ces chants sacrés
(il est d’environ 0,00025 %) car sur des milliers de séquences, seules cinq survivront à la
réforme de Grégoire. C’est notamment le cas du Dies Irae ou du Stabat Mater, qui font
tous deux partie des vétérans de cette sanglante réforme du pape.
Un oubli vital
Dans sa réforme, Grégoire délaissa un aspect de la musique (peut-être l’oublia-t-il) : la
notation musicale. Celle-ci, à l’instar des plains chants d’avant ladite réforme, comportait
beaucoup de divergences en fonction de l’endroit où on se trouvait. La transmission de ce
« savoir » relevait souvent d’une tradition orale très peu fiable.
Ce que nous appelons aujourd’hui « notes » était à l’époque des neumes, à savoir des
sortes de figures losangiques censées représenter grosso modo le dessin que formait la
ligne mélodique ; mais rien de très précis ni détaillé ne semblait exister. La notation
musicale avait plus le rôle d’un aide-mémoire que d’une véritable base sur laquelle se
reposer.
Il faudra attendre les XIIe et XIIIe siècle siècles pour voir apparaître une notation
quelque peu plus convenable et hiérarchisée, et ce en grande partie grâce à l’apparition de
la polyphonie, requérant une notation plus claire, plus précise et surtout beaucoup plus
cohérente. Et ce n’est qu’à cette époque que l’on verra également apparaître par exemples
les notions de notes et de portées.
En guise de conclusion pour le deuxième volet de ce document, nous pouvons dire que
le Moyen-Âge ecclésiastique ne fut certainement pas synonyme de nouveauté. Les
religieux de cette époque se sont la plupart du temps contentés de recopier « bêtement » les
us et coutumes de leurs prédécesseurs, entraînant une évolution quasi inexistante sur plus
d’un millénaire, à savoir de l’Empire Romain jusqu’aux prémices du mouvement
artistique de la Renaissance.
19
A cette époque, le Français parlé dans le Nord de la France était différent de celui parlé
dans le Sud. Ainsi, au Sud de la Loire, on parle la langue d’Oc, qui ressemble d’ailleurs
fort à l’Occitan actuel, tandis qu’au Nord de la Loire est parlée la langue d’Oïl. Cette
remarque est importante pour la suite du document.
20
Les cinq noms en gras sont donnés en langue d’Oc.
21
Cette vision idyllique de l’amour fait également partie de notre culture à nous vu que
reprise à de nombreuses reprises dans la plupart des contes pour enfants ainsi que dans une
grande partie des œuvres d’animation de Walt Disney avec le légendaire « prince
charmant ».
Pour clore définitivement le troisième volet de bien trop long syllabus d’histoire
musicale, quoi de mieux que de nommer enfin la musique que nous venons de décrire
pendant cinq pages ?
Car, et vous ne l’aviez sans doute pas remarqué, nous n’avons donné aucun nom
générique en ce qui concerne la littérature musicale profane et poétique de la première
moitié du second millénaire.
Comme souvent, tout se situe dans le titre : ce genre de musique est nommée musique
lyrique courtoise et perdurera jusque la fin du XVe siècle.
22
C’est donc de ces œuvres musicales transgressives dont Carl Orff (1895 – 1982) s’est
inspiré dans la composition de son œuvre la plus connue, les Carmina Burana.
Replongeons à présent dans la musique sacrée avec ce grand événement dans la culture
musicale qu’est l’apparition de la polyphonie. Cela est considéré comme un élément clé de
l’évolution de la musique sacrée car, en plus d’être un concept extrêmement original et
inédit pour l’époque étant donné le contexte (cela fait en effet plus d’un millénaire que l’on
produit le même genre de musique !), la polyphonie un changement drastique qui va porter
sur toute la littérature musicale sacrée de cette période.
La maîtrise de la polyphonie
Si l’on oublie l’Angleterre, c’est la France qui se distingue particulièrement en terme de
musique polyphonique. D’une part, l’on retrouve beaucoup de manuscrits à son sujet,
notamment avec les écrits de Chartres et de Limoges.
D’autre part, la France couve en elle la plus grande école en ce qui concerne la
polyphonie, à savoir celle qui se trouve rattachée à la Cathédrale Notre-Dame de Paris24.
Alors qu’auparavant les compositeurs ne signaient jamais leurs œuvres (ils font une
sorte de « don » à Dieu), certains commencent à les dédicacer. Ainsi, deux noms ressortent
clairement de ladite école :
# Léonin (environ 1150 – 1210), qui fut l'un des principaux pionniers de la polyphonie
de l'organum. Il fut notamment l'auteur du Magnus Liber Organi qu'employa plus
tard Pérotin.
# Pérotin (environ 1160 – 1230), qui fut, tout comme Léonin, un des « fondateurs » de
la musique polyphonique. Il fut maître de chapelle à Notre-Dame de Paris, et révisa
notamment le Magnus Liber Organi de Léonin. Il fit progresser la polyphonie en
composant des œuvres à trois ou à quatre voix.
23
C’est de là que provient le mot ténor que nous utilisons aujourd’hui. Ainsi, selon sa
première définition, la voix de ténor s’avère être la base et la basse de la musique, or
aujourd’hui ce n’est plus le cas (c’est plutôt le rôle des basses voire des barytons).
24
Dont les travaux débutèrent en 1163 et durèrent environ quatre-vingts ans.
2. L’Ars Antiqua
Arrive ensuite le XIIIe siècle qui fut synonyme de nombreux changements dans la
musique polyphonique. Cette période d’un siècle sera surnommée Ars Antiqua par les
compositeurs du XIVe siècle, qui se diront appartenir à l’Ars Nova. Mais nous reviendrons
plus tard sur ce mouvement musical. Pour l’heure, concentrons-nous ce cet Ars Antiqua.
notation
Bien sûr, comme dit plus tôt, ces longueurs de notes sont faites pour un système
ternaire, faisant référence à la sainte Trinité.
# Rythmes
Il existait tout un processus compliqué pour permettre de combiner les différentes
valeurs de notes ci-dessus et ainsi créer différents rythmes.
Exemples :
# équivaut à
# équivaut à
équivaut à
#
# Pauses
Il y avait en tout quatre grands types de silences, chacune correspondant à une valeur de
note ci-dessus.
TEXTE C TEXTE A
Quadruplum :
Triplum : TEXTE B TEXTE B TEXTE A
Tenor :
motet simple motet double motet triple motet-conduit
25
Attention : l’utilisation du français dans des motets ne s’effectue que dans le duplum, le
triplum ou le quadruplum, la teneur se basant en effet strictement sur des textes sacrés et
par conséquent immuables ou étant reprise textuellement de mélodies issues du plain-
chant.
L’isorythmie peut quant à elle être vue comme l’opposée du hoquet. On parle
d’isorythmie lorsque les différentes voix d’une musique évoluent selon la même structure
rythmique. Les trois voix ont donc les mêmes rythmes au sein de mélodies différentes.
26
Il n’y a donc pas de paroles : le compositeur de ladite pièce l’a écrite expressément pour
un ensemble instrumental, en opposition avec l’usage des instruments dans des chants
liturgiques comme le motet où ces instruments ne faisaient qu’arranger une musique
vocale à la base.
Contexte historico-politique …
Comme dit plus en amont dans ce document, l’Ars Nova est un courant de la
musique médiévale occidentale qui vient en opposition avec son prédécesseur, l’Ars
Antiqua. L’Ars Nova est spécifiquement française et aura pour centre Paris. Ce
mouvement, centré en France, englobera à peu de choses près toute la littérature musicale
du XIVe siècle, ou plus précisément de 1320 à 138027.
Le principal fondateur de ce mouvement musical est Philippe de Vitry (1291-
1361), poète, musicien et homme politique, disciple de Pétrarque, évêque de Meaux à
partir de 1351. C’est de lui que vient le terme « Ars Nova », qu’il utilisa dans le traité Ars
nova musicae publié en 1322 qui devint vite une sorte de base pour la musique du XIVe
siècle.
Philippe de Vitry va notamment critiquer la sécularisation28 du motet, c’est-à-
dire le fait que celui-ci passe de temps en temps dans le domaine de la musique profane
(cf. page 34), et va dès lors faire en sorte que le motet soit « rapatrié » dans le domaine
strictement sacré. Philippe de Vitry souhaite donc une plus grande distinction entre
musiques profane et sacrée.
Un autre grand fondateur de ce mouvement, bien que moins important que le
premier, est Jean des Murs, ou Johannes de Muris (vers 1290 - vers 1351-1355),
mathématicien et astronome à la Sorbonne. Ce dernier publie en effet en 1321 Notitia artis
musicae dans lequel sera présentée le système mensuraliste de l’Ars Nova qui viendra
préciser le système franconien (cf. page 32).
Mais cela est sans compter sur Jacques de Liège (vers 1260 - après 1330), un
théoricien de la musique de nos contrées, qui rassembla l’ensemble de la théorie musicale
du Moyen Âge dans les sept énormes livres de son Speculum musicae de 1321-1324,
traitant tantôt des consonances, tantôt des modes ecclésiastiques, le tout en défendant
subtilement la musique de l’Ars Antiqua, sans pour autant dénigrer l’Ars Nova.
Les principales innovations du XIVe sont donc les suivantes :
# le motet, qui deviendra le genre musical par excellence de l’Ars Nova, à l’inverse
de l’organum et du conduit, dont l’usage se fait rare ;
# la chanson profane polyphonique ;
# le système mensuraliste ;
# la notation mesurée.
27
Pour être totalement précis, l’Ars Nova brasse plutôt la période comprise entre l’écriture
du Roman de Fauvel de 1310 à 1314 et la mort de Guillaume de Machaut en 1377, illustre
compositeur du courant en question. Mais nous reviendrons en aval dans ce document sur
ces deux éléments majeurs de la fin de la musique médiévale.
28
Une sécularisation décrit le passage du sacré au profane, car « vivre dans le siècle »
signifiait à l’époque « vivre dans le profane ».
29
Une bulle pontificale, ou bulle papale, est un document, originellement scellé, par lequel
le pape pose un acte juridique important.
30
En effet, on considère maintenant que le binaire peut enrichir la musique et ne plus
seulement évoquer le mal ou le péché. Cependant, la pureté du système ternaire n’est pas
remise en question.
Le Roman de Fauvel
Ce roman, qui est d’ailleurs une œuvre littéraire emblématique de l’Ars Nova,
est en réalité un poème écrit entre 1310 et 1316 par plusieurs auteurs. Douze manuscrits
nous sont parvenus, souvent en excellente condition, dont un contient une mise en
musique de la part de Philippe de Vitry dans le style musical de l’Ars Nova,
comptabilisant au total 132 pièces musicales. Cette large fresque musicale comprend de
nombreuses pièces monodiques, mais également des pièces polyphoniques — comme le
motet « La mesnie fauveline » — formant le plus riche recueil de musique de l’époque.
Le texte allégorique raconte l'histoire de Fauvel, un âne qui s'approprie la
maison de son maître, et est interprété comme une critique de la corruption de l'Église et
du système politique. Le nom du protagoniste, Fauvel, est un acronyme de ses six
principaux défauts du siècle : la Flatterie, l'Avarice, la Vilenie («U» typographié en V),
la Variété (inconstance), l'Envie et la Lâcheté.
Le Roman de Fauvel est sans aucun doute le meilleur exemple d’œuvre satirique
e
du XIV siècle.
31
C’est en réalité le nombre des couplets et des refrains qui détermine s’il s’agit d’un
Rondeau, d’une Ballade, d’un Virelai, …
Guillaume de Machaut
Guillaume de Machaut, né probablement à Machault, près de Reims en
Champagne-Ardenne, vers 1300 et mort à Reims en 1377, est le plus célèbre
compositeur et écrivain français du XIVe siècle.
Guillaume de Machaut eut une vie assez prestigieuse : il côtoya les plus grands
(il devint entre autre à partir de 1323 secrétaire de Jean, roi de Bohême et comte de
Luxembourg) et fut connu un peu partout en Europe grâce à ses nombreux voyages qui le
menèrent en Allemagne, en Italie, et même jusqu’en Lituanie.
Parallèlement à son activité musicale, Guillaume de Machaut était également un
religieux. Il fut d’ailleurs chanoine à Reims à partir de 1340.
32
Cette messe n’est sûrement pas la première messe unitaire de l’Histoire de la musique
sacrée, mais c’est cependant la plus ancienne que nous connaissons.
33
Bien qu’il semblerait que cette fameuse messe de Tournai n’ait finalement pas été écrite
par un seul compositeur mais soit une sorte de compilation de plusieurs œuvres de
compositeurs différents.
La notation mensuraliste
La notation mensuraliste représente l'extension du système franconien. Si le
système de Francon de Cologne (cf. page 32) proposait la semi-brève comme plus petite
valeur, à présent, la plus petite valeur est la semi-minime qui vaut la moitié de la minime
valant elle-même le tiers ou la moitié de la brève suivant le mode de division36. Deux
modes de division sont effectivement utilisés : la division parfaite, lorsque les valeurs sont
divisées par trois37, et la division imparfaite, lorsque les valeurs sont divisées par deux (cf.
figure I-13).
34
Comme dit plus tôt, les intervalles de tierce et de sixte sont ce qu’on appelle des
« fausses consonances » : en Angleterre, ces intervalles sont considérés comme des
consonances tandis que sur le continent, ils tirent vers la dissonance (cf. page 29).
35
Les partitions sont effectivement encore et toujours écrites pour le milieu vocal :
l’utilisation des instruments se faisait donc sur base purement personnelle en adaptant
l’une ou l’autre voix de ladite pièce à un instrument quelconque.
36
La valeur de note de référence demeure néanmoins la semi-brève.
37
En référence à la Sainte-Trinité.
A côté de cela, différents signes de mesure peuvent être utilisés d’une part
lorsque le changement de division est plus long, et d’autre part pour pouvoir différencier
les différentes combinaisons de temps et de prolation.
Le principe de notation n’est pas compliqué : lorsque le temps est parfait (c’est-à-
dire lorsqu’il y a trois temps par mesure), nous utiliserons un cercle comme symbole,
lorsqu’il est imparfait, un demi-cercle, et lorsque la prolation est majeure, nous utiliserons
un point.
Figure I-13 : Exemple de mesure à 3/4 Le symbole utilisé sera donc un cercle
mais sans point au centre39 :
38
La prolation majeure correspond à la division parfaite de la semi-brève alors que la
prolation mineure correspond à la division imparfaite de cette même semi-brève.
39
Ce symbole fut entre autres encore utilisé parfois par Jean-Sébastien Bach lors de
mesures à 3 4.
40
La verve désigne une éloquence ou une chaleur de l'imagination chez l'artiste
Et en Angleterre ?
Nous avons déjà pu parler de l’Angleterre, notamment avec ses fameuse
consonances, plus larges que celles du continent. Mais quelle sorte de musique pouvait
bien être pratiquée sur ce territoire ?
En réalité, la musique anglaise du XIVe siècle reste assez fidèle à celle de l’Ars
Nova français. Un type de chanson est néanmoins à relever : le Carol.
Les Carols sont des chants de Noël à deux ou parfois trois voix et devinrent
rapidement une tradition très forte en Angleterre, à tel point que ces chants hivernaux
sont toujours chantés et composés aujourd’hui (avec les harmonies actuelles, bien
entendu !).
Les Carols furent entre autres repris par l’illustre compositeur anglais du XXe
siècle Benjamin Britten (1913-1976).
ballade et le rondeau.
41
L'euphonie est une qualité des sons agréables à entendre.
qu’est celui de la France, que tout se jouera : ladite chapelle deviendra un épicentre
important en ce qui concerne l’unification du concept de consonance.
42
La circumnavigation désigne la navigation en bateau autour d'un lieu, couramment une
île, un continent, ou la Terre entière dans ce cas-ci.
43
Cette grande ignorance est en grande partie due à l’hégémonie religieuse et politique
exercée par l’Église pendant tout le Moyen Âge. En effet, l’idée d’une Terre ronde au XVIe
siècle n’est pas nouvelle vu que la plupart des philosophes grecs de l’Antiquité donnaient
déjà cette hypothèse des millénaires plus tôt.
44
Il faudra cependant attendre tout un temps pour que l’Église n’accepte cette théorie
qu’elle rejette activement dans un premier temps. Il faudra en réalité attendre le XXe siècle
avec le pape Jean-Paul II pour que ces traités soient enfin reconnus du dogme catholique.
45
Le Vatican actuel n’est rien comparé au territoire que détenait l’Église en Italie.
46
Les offices d’alors étaient bien plus longs que ceux d’aujourd’hui.
47
Les Huguenots sont les calvinistes français.
48
Suite à ce second chiisme, l’on ne parlera désormais plus de religion chrétienne mais
bien catholique, le mot Christianisme regroupant le Catholicisme, le Protestantisme et
l’Orthodoxie.
49
La culture musicale était très forte dans les grandes dynasties de l’époque. Certains ducs
de Bourgogne tels que Charles le Téméraire, le fils aîné de Philippe le Bon, étaient
d’ailleurs également compositeurs à leurs heures perdues.
50
Bien que ce contexte soit surtout valable pour le XVIe siècle, c’était déjà le cas au XVe.
Outre l’apogée qu’atteint la musique avec Guillaume Dufay (qui fait la jonction
entre les deux premières générations de la Renaissance), l'apothéose du XVe siècle est
marqué par Johannes van Ockeghem (1410-1497), compositeur franco-flamand
originaire de Saint-Ghislain, en Belgique (dans le Hainaut). Il fut un des grands maîtres du
canon et porta le procédé intellectuel de l'imitation à son apogée. Les thèmes sont lancés
mais les reprises sont renversées, en miroir ou en miroir renversés. Les plans intellectuels
sont de plus en plus complexes, au point que cela peut devenir des dérives intellectuelles
ou des délires de composition.
Il fit sa carrière en France, à la cour du duc de Bourbon, puis comme maître de
chapelle du roi. Il composa pour ainsi dire que de la musique sacrée (il ne composa que 20
chansons profanes) et deviendra même religieux.
Comme Dufay, Ockeghem devint le compositeur le plus renommé de son temps :
sa rigueur implacable et sa grande maîtrise technique de la composition sont souvent
imitées voire copiées. On se bat un peu partout pour accéder aux écrits de van Ockeghem,
considéré comme le summum de l’architecture musicale.
Un autre compositeur de cette génération, la seconde de la Renaissance, est
Antoine Busnois (vers 1430-1492), un collègue vu que lui aussi a été formé à la Chapelle
de Bourgogne. Busnois resta d’ailleurs fidèle à sa cour d’origine, étant entre autres le
musicien de Charles le Téméraire, à l’inverse d’Ockeghem qui quant à lui partit pour la
cour de France. Toujours contrairement à Ockeghem, Antoine Busnois préféra la musique
profane à la musique sacrée (il écrivit 60 chansons contre seulement une messe et neuf
motets). Antoine Busnois et Johannes van Ockeghem, à l’instar de John Dunstable et
Gilles Binchois pendant la génération précédente, sont donc complémentaires.
Vient ensuite la troisième génération qui fait le pont entre les deux siècles que
couvre la Renaissance. On y arrive à une certaine maturité dans les techniques développées
au cours des générations précédentes, comme la notion de consonance, la fluidité et la
plénitude sonore.
Au tournant du XVe siècle, toute l'évolution se résume dans l'œuvre d'un seul
homme. Une œuvre telle qu'elle est appelée de son vivant, Ars Perfecta. Cet homme se
nomme Josquin des Près (ou Desprez). D'origine picarde, ses œuvres sont l'aboutissement
de l'évolution du siècle ; on retrouve dans sa musique une certaine expressivité, voire
sensualité : des harmonies pleines, … Bref tout ce qui était l’incarnation du beau à cet
époque.
Bien qu’il soit français, Josquin a exercé une majeure partie de sa carrière en
Italie, où il fut en contact permanent avec les musiques profanes typiquement italiennes,
comme la frottola (cf. page 74). Il eut en entre autres des contacts avec la chapelle papale
de Rome où l’on peut trouver de nombreuses copies de ses œuvres.
Mais quelles pouvaient bien être les us et coutumes en matière de composition à
cette époque ?
I. Les œuvres musicales de la troisième sont à l’image de celles de la Renaissance :
elles possèdent une immense complexité d’écriture et d’interprétation,
masquée par un caractère simple et pur.
51
On dit que le soleil ne se couche jamais sur son Empire.
4. Le XVIe siècle
52
En réalité, son nom de famille reste inconnu. L’insigne « non papa » permet simplement
de le distinguer du pape de l’époque qui lui aussi s’appelait Clément.
53
Parfois, des dissonances peuvent également survenir suite à un principe d’imitation et de
contrepoint strictes : il y a superposition de deux thèmes différents dont un des deux
module en une autre tonalité. Ce phénomène survient déjà chez Nicolas Gombert, mais se
retrouvera également plus tard comme chez Henry Purcell (1659 – 1695).
54
Voir encadré sur la musique polychorale à la page suivante.
3. Espagne
55
Lassus sera en effet fort publié, preuve de sa renommée à l’époque.
56
C’est d’ailleurs la principale différence entre l’Ancien Testament et le Nouveau : c’est
Jésus qui l’apporte parmi les hommes.
Tour d’horizon
Après avoir fait un aperçu des franco-flamands présents à l’étranger, faisons à
présent pour chaque pays :
# un aperçu des différentes formes musicales typiques ;
# un aperçu des compositeurs autochtones.
1. Allemagne
Comme dit plusieurs fois à travers ce documents, la Renaissance est marquée par
un grand désordre au niveau de la religion : de nombreuses guerres vont ensanglanter
l’Europe sous le prétexte du Tout-Puissant et à cause de la création de l’embranchement
protestant de la religion catholique, notamment avec les réformes de Martin Luther en
1517, formant le Luthérisme, de Jean Calvin, formant ainsi le Calvinisme, et également de
Henri VIII, roi d’Angleterre, formant l’Anglicanisme, qui s’avère être encore aujourd’hui
la religion principale du Royaume-Uni.
L’Allemagne, quant à elle, influencée par Luther (qui est allemand), va à l’instar
du Danemark et du Nord de l’Europe se placer du côté luthérien. Or, Luther, contrairement
à Calvin, aimait beaucoup la musique. Ses principales idées musicales étaient d’ailleurs :
# les offices dans la langue du peuple. Ainsi, toute la musique luthérienne sera en
Allemand, plus en Latin (excepté quelques rares exceptions) ;
# l’abandon du côté magistral des offices. En effet, selon lui, les musiques liées au
culte sont des musiques de spécialistes, peu comprises par le peuple (on voit
effectivement mal un paysan chanter un motet à seize voix !), et Luther n’aime pas
cela : lui souhaite que le peuple participe à l’office religieux musical. C’est
pourquoi Luther inventera le choral, à savoir une petite mélodie de huit mesures,
parfois issue du plain-chant catholique ou bien de mélodies populaires, très simple
et chantée par toute l’assemblée de manière monodique ou homorythmique à
harmonisation très simple. Le choral va avoir un essor très important ; Luther en
écrira lui-même quelques-uns.
Excepté ces deux éléments, les compositions autochtones allemandes ne feront
pas preuve de grande nouveauté ; l’idéal esthétique de composition ressemble fort aux
techniques franco-flamandes.
Certains compositeurs restent cependant fidèles au Catholicisme, comme
notamment Hans Leo Hassler. Dès lors, les œuvres sacrées seront en Latin et fort proches
de l’idéal esthétique de Lassus. En débouche des œuvres fort opulentes, parfois à triple
chœur. Il y a en effet une grande dualité entre le Catholicisme et le Protestantisme : alors
que l’un se trouve dans une richesse ostentatoire, l’autre recherche beaucoup plus de
simplicité.
2. France
Il existe une grande dichotomie entre les Français, fidèles au catholicisme, et les
Allemands, qui prônent le Protestantisme. Cependant subsistent des Calvinistes en France,
que d’aucuns nomment Huguenots. Dans la religion calviniste, la musique est strictement
évitée. Les seules musiques qui survivront seront quelques psaumes issus de l’Ancien
Testament. L’on verra par conséquent apparaître à la fin du XVIe siècle des Psautiers, à
savoir des recueils de psaumes, destinés aux Huguenots.
Ces derniers « inventeront » encore un autre genre musical : les chansons
spirituelles, à savoir des chansons françaises à texte moralisateur. Psaumes et chansons
spirituelles demeureront chantées également chantées dans le cadre familial, comme pour
rehausser sa foi.
Ces psaumes issus du culte calviniste seront en quelque sorte la seule grande
originalité au niveau de la musique sacrée propre à la France, ce qui est assez surprenant
étant donné que les Calvinistes méprisent la musique dans le cadre de la liturgie.
En-dehors des œuvres sacrées, l’on voit encore un beau développement de la
chanson française et donc les musiques profanes. Comme en Allemagne avec Lassus, les
chansons françaises vont tenter de faire un tableau musical d’un sujet plus savant.
Un nouveau genre de la chanson française est la chanson parisienne qui, quant à
elle, sera presque uniquement descriptive. Parfois, l’on décrit les bruit des oiseaux,
indépendamment du chant ou du texte ; des onomatopées peuvent être insérées à l’œuvre
musicale afin de traduire l’effet sonore produit par l’entrechoquement des armes ou le bruit
des canons pendant une bataille, ou encore le chant des oiseaux dans une forêt. Le grand
spécialiste de la chanson parisienne sera Clément Janequin. Les autres compositeurs sont
Roland de Lassus, Thomas Créquillon et Claude Lejeune.
57
Le figuralisme est la traduction musicale des idées ou images du texte
3. Angleterre
Bien que Lassus et de Monte y soient temporairement passés, il n’y a pas de réelle
tradition franco-flamande dans l’Angleterre de la Renaissance. En effet, il y a là déjà une
tradition plus forte qui sévit depuis les débuts de la polyphonie, qui s’avère être d’un idéal
esthétique fort proche de celui des franco-flamands mais qui a une tendance à multiplier
considérablement les voix, et ce dès le XVIe siècle (les normes étaient effectivement 8, 12
voire 16 voix).
En résultent des œuvres vocales dans lesquelles les voix possèdent des ambitus
extrêmement étendus : les anglais aiment goûter aux limites des capacités humaines, que
ce soit en terme de technique vocale ou en terme de patience, car les motets ainsi que les
autres œuvres anglaises duraient beaucoup plus longtemps que les motets des autres pays
(certains pouvaient même aller jusque dix-sept minutes). Les anglais sont en effet friands
des mélismes qui étirent les syllabes à l’infini et qui expliquent le côté interminable
desdites œuvres.
En réalité, cette tradition musicale anglaise peut être activement comparée au
Gothique flamboyant : on se trouve ici dans une dimension plus extravagante, plus
ostentatoire, que l’on ne retrouve pas forcément chez les Franco-flamands. C’est un style
inédit que l’on ne retrouve qu’en Angleterre. Le maître indéniable de ce genre de musique
est John Taverner, compositeurs anglais le plus cité en général et qui fut entre autres formé
à Oxford ainsi qu’à Cambridge.
Un élément va cependant semer la discorde dans cette tradition : la religion. En
effet, à cause des nombreuses crises de successions qui vont sévir durant la Renaissance.
58
En effet, alors qu’en France, la norme pour un chœur est plutôt de quatre voix, en
Angleterre, il est courant que les chœurs soient composés de cinq voix.
59
Le virginal est un instrument à clavier de forme rectangulaire et qui se rapproche très
fort du clavecin, en modèle réduit. C’était un instrument qu’affectionnait entre autres
Elisabeth 1re.
4. Péninsule ibérique
60
En réalité, à l’époque, les dames étaient obligées de porter des robes si encombrantes
qu’il leur était quasiment impossible de danser rapidement.
61
Il existe surtout deux grandes formes musicales typiquement andalouses: le Cante Jondo
au caractère plus tragique) et le Cante flamenco (ancêtre du fameux flamenco).
5. Italie
62
Il faudra en effet attendre le XIXe siècle pour voir une Italie unifiée.
63
Un doge est le chef élu de la République de Venise ou de celle de Gênes ; c’est sans une
des personnes les plus riches d’Europe.
64
Les différents maîtres de chapelle à Saint-Marc seront en effet Adrien Willaert,
Cypriano de Rore, Giovanni Gabrieli et Claudio Monteverdi.
Petite introduction
La période baroque s'étend de 1600 jusqu'à 1750, des premières grandes œuvres
de style baroque jusqu'à la mort de Jean-Sébastien Bach. L'étendue de ce siècle et demi se
divisera en deux parties pour le baroque :
1. 1600 – 1680 : il s'agit essentiellement de la mise au point, des essais nouveaux, de
la création de genres, pièces, formes, …
2. 1680 – 1750 : Il s'agit de la thésaurisation, de la consolidation de ce qui fut créé
durant la période précédente.
L'époque baroque rassemble sous son égide les compositeurs par la tonalité ; la
musique baroque sera d'ailleurs exclusivement tonale. Il y a aussi un certain formalisme et
surtout l'utilisation de la basse continue, technique employée à l'unanimité. Cette période
est aussi l'aboutissement de l'évolution de fond de la Renaissance : réduction des grandes
polyphonies à une monodie accompagnée, le reste de l'harmonie étant recréée par cette
basse continue.
C'est à la fin du XVIe siècle que l'évolution est enclenchée avec les Cénacles
florentins (Camerata Fiorentina). Ces derniers s'efforcent de retrouver le « merveilleux
effet » de la musique antique, en particulier dans ce principe de la voix accompagnée par la
cithare. Ils se tiennent de 1577 à 1592, et sont composés de toute sorte d'intellectuels
passionnés par tous les domaines de la connaissance qui se réunissent chez le comte Bardi
dans un premier temps puis chez le comte Corsi. La thèse qui les poussait à se rassembler
était : « Comment faire évoluer l'art ? ». Ainsi, ce cercle d'initiés se préoccupent
essentiellement de réformer la musique : de leur point de vue, seules des compositions
monodiques sont susceptibles de traduire la vérité expressive des sentiments soutenus par
un texte.
Toutefois, il n’est pas question de revenir à une simple monodie, comme le
faisaient les Grecs de l’Antiquité : on parlera ici de monodie accompagnée. La voix
soliste va être accompagnée par une sorte de grille harmonique, soutenue par une basse
présente tout au long de l’œuvre. C’est ainsi que, pour faciliter l’impression, deux voix
vont finir par être écrites : la voix soliste et la basse. Le remplissage harmonique va quant à
lui être synthétisé par le biais de chiffrages : c’est la basse continue.
65
Le théorbe est un luth renforcé au niveau des cordes basses afin d’assurer le rôle de
basse continue. L’apparition de cet instrument correspond à peu de choses près à la
prolifération du mouvement baroque en Europe.
66
Désigne l’art de l'expression gestuelle, sans parole.
Venise
Suite à l’Orfeo, Monteverdi postulera aux chapelles Sixtine et Saint-Marc afin de
devenir maître de chapelle dans une des deux plus grandes chapelles d’Italie. Pour ce faire,
il produira un recueil musical en deux parties, l’un écrit selon la prima prattica (c’est la
Messe In Illo Tempore), l’autre selon la seconda prattica67 (ce sont les Vêpres à la Vierge
Marie). Par cette œuvre, Monteverdi voulut démontrer que l’on peut, tout en se basant sur
la tradition, utiliser de nouvelles techniques dans de nombreux domaines, notamment le
milieu musical sacré. Monteverdi voulut montrer le pouvoir expressif que pouvait contenir
cette nouvelle pratique musicale.
Cependant, l’on peut encore voir dans cette œuvre une influence de la
Renaissance toute proche, entre autres via l’utilisation de familles complètes
d’instruments, pratique qui disparaîtra progressivement pendant le XVIe siècle.
À Rome, on est plutôt conservateur ; c’est pourquoi son œuvre ne plaira et n’aura
que très peu de succès. Par contre, à Venise, on est déjà préparé à ce genre d’évolution
dans l’écriture musicale notamment via les œuvres des Gabrieli ; les Vénitiens seront donc
activement intéressés par cette œuvre. C’est ainsi que Monteverdi devint maître de
chapelle à Saint-Marc à Venise.
Comme dit auparavant, il n’y a à Venise aucune Cour Royale étant donné qu’un
doge dirige la Ville. Or, Monteverdi souhaiterait continuer sur la lignée de l’Orfeo et
composer d’autres opéra qui, par définition, sont des spectacles de Cour. C’est ainsi que
Monteverdi va avoir l’idée de dédier ses opéras à des représentations publiques.
Mais il ne sera pas le seul. En effet, la première représentation publique d’un
opéra eut lieu à Venise en 1637 et l’opéra mis à l’honneur ce soir-là ne fut pas de
Monteverdi mais bien Andromède de Francesco Manelli (1594 – 1667), compositeur
méconnu dont la seule action mémorable fut la création de cet opéra. Cela eut un tel succès
que rapidement d’autres spectacles de ce genre vont progressivement apparaître.
En tout, Monteverdi composera quatre opéras pour Venise, dont seulement deux
nous sont parvenus
# Le retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) ;
# Le couronnement de Poppée (1641).
Ces opéras vont devenir la base-même de l’esthétique de ce qu’on appellera plus
tard « opéras vénitiens ».
67
Bien qu’il y ait toutefois dans ces Vêpres une référence aux traditions antérieures car une
voix fait toujours référence au plain-chant ancestral.
Naples
L'opéra dit napolitain, ou opera seria, est très influent à partir du XVIIIe siècle et
déjà vers 1680. Ses liens avec Rome sont étroits : Naples, tout comme Rome, aime une
partie orchestrale riche et soignée.
L’opéra napolitain fera le tournant entre le prima la parola et le prima la musica.
Les opéras napolitains seront menés de loin par Alessandro Scarlatti (1659 – 1725), le père
de Domenico Scarlatti (1685 – 1757).
Il y a dans l’opéra napolitain un aspect assez systématique, très stéréotypé, et ce
notamment au niveau de sa structure très précise. L’opéra commence par une ouverture
d’orchestre, appelée sinfonia, composée de trois très courts mouvements, respectivement
vif-lent-vif. Ensuite arrive l’action dramatique, divisée en trois actes dans lesquels se
trouvent une alternance entre les passages récitatifs, souvent accompagnés au continuo via
de simples accords, et les airs, véritable pause dans l’action pendant laquelle l’on s’attarde
sur un élément en particulier, la plupart du temps sur un état d’âme.
Les aria possèderont dans l’opéra napolitain une structure en da capo de type A-
B-A’ ; B peut ou non se trouver dans un autre sentiment que le A. La plupart du temps, le
A’ se distingue du A par des ornementations68 et des notes ajoutées par l’interprète lui-
même selon son envie. Les aria vont donc finalement devenir de plus en plus virtuoses et
les opéras napolitains vont devenir des sortes de « concours de chant ».
68
Cela est en effet une caractéristique propre au Baroque: il y a une certaine par de liberté
laissée à l’interprète et voulue par le compositeur, ce qui ne sera plus le cas lors des
mouvements suivants où le compositeurs se fera très précis quant à la musique qu’il
compose.
France
A la fin du XVIe siècle, on cherche à créer un genre nouveau à l'imitation du
théâtre antique, et qui engloberait tous les arts : la musique, la poésie, la danse,
l'architecture, la peinture et les costumes. En effet, la France de l’époque était forte et
puissante : c’est l’ère de Louis XIV, le fameux Roi Soleil, lequel ne supporte pas que son
pays n’ai pas la mainmise sur le style musical le plus en vogue à l’époque, à savoir l’opéra.
Ce sera finalement un compositeur italien installé en France, Giovanni Battista Lulli,
mieux connu sous le nom de Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687), qui va réussir dans la
seconde moitié du XVIIe siècle à créer et composer des opéras typiquement français dont
l’aura sera équivalente à celle des opéras italiens.
Avec la création en 1570 de l'Académie de poésie et de musique par Antoine de
Baïf, sous le règne d’Henri IV, est créée une nouvelle forme : le ballet de cour.
Contrairement à l'Italie, la France recherche plutôt des mélodies coulantes et plaisantes
plutôt que des effets saisissants, on préfère l'atmosphère intime aux grandes déclamations
du théâtre. Ainsi le luth demeure l'instrument favori, le Roi Louis XII en jouait.
Dans ce type de ballets sont réunis une action poétique, des danses, de somptueux
costumes, des décors et de la musique : chants, récits et musique instrumentale foisonnent
la pièce du début à la fin. Les sujets, très allégoriques, sont en général empruntés à la
mythologie. D'abord exécuté par la Cour elle-même, puis par des danseurs professionnels,
le ballet français demeurera l'une des caractéristiques de l'opéra français. Parmi ces ballets,
il existe aussi des ballets champêtres, dans un esprit plus pastoral avec des bergers et
bergères « idéalises », vecteurs d'histoire d'amour. À l'origine pièces de théâtre parlé, ces
pastorales seront mises en musique par la suite, vers le milieu du XVIIe siècle avec
toujours cette primauté du texte, contrairement aux œuvres opératiques italiennes.
69
La commedia dell'arte est un genre de théâtre populaire italien, né au XVI e siècle, où
des acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et
l'ingéniosité. Ce genre est apparu avec les premières troupes de comédie avec masques, en
1528.
C’est ainsi que, en se basant entre autres sur les Ballets de Cour et les pastorales et
en s’en inspirant, Lully va créer le véritable opéra typiquement français, qui ne sera
d’ailleurs presqu’exclusivement interprété qu’en France.
À l’époque, les Français raffolent des tragédies de Racine et de Corneille, et Lully
va prendre cela en compte dans l’élaboration des opéras français : étant donné que les
Français aiment savoir ce que l’on raconte, il va placer la priorité sur le texte et non la
musique comme il est d’usage en Italie. Par contre, pour ce qui est des sujets traités, Lully
va s’inspirer des opera seria napolitains avec des sujets plus sérieux, des tragédies, …
Une seconde différence entre l’opéra français en création et l’opéra italien déjà
confirmé est sont aspect extérieur : l’opéra français se veut en effet grandiose et
spectaculaire, mêlant chœurs denses et ballets, absents la plupart du temps des opéras
italiens par manque de moyens. De plus, cela est en accord avec les coutumes françaises de
l’époque, vu que la danse fait partie de la tradition : on danse énormément à la Cour
Royale et le Roi est connu pour être un excellent danseur. La danse est donc un élément
crucial de l’opéra français.
Lully ne nommera pas ses productions « opéras », étant donné qui s’agit d’un mot
d’origine italienne, mais bien tragédie lyrique ou tragédie en musique. La structure de ces
tragédies, bien que moins systématique que celle des opéras napolitains, demeure
néanmoins très précise ;
# La tragédie débute par une ouverture d’orchestre, exacte contraire de la sinfonia
italienne du fait qu’ici, le structure est lent-vif-lent, mouvement vif étant dans un style
fugato. Cette ouverture à la française comportera de nombreux rythmes pointés voire
surpointés, appelé rythme royal, dont le tempo est déterminé par le roi qui marche
jusqu’à son trône. Cette ouverture possède donc un caractère très majestueux.
# Ensuite arrive un prologue, dont la principale fonction est de faire un éloge au roi (sans
pour autant le citer explicitement). Ce prologue, comme celui de l’Orfeo de Monteverdi,
servira également à faire un bref récapitulatif de l’intrigue ; les histoires, souvent tirées
de la mythologie, mettent en scène la plupart du temps beaucoup de personnages.
# Puis enfin commence le cœur même de la tragédie, composée la plupart du temps de
cinq actes. Cela ne veut pas forcément dire que les opéras français sont plus longs que
les italiens : les actes sont en effet plus courts.
70
Cyclope mythologique rencontré notamment par Ulysse dans son périple après Troie.
Angleterre
Le masque, l'un des premiers genres scéniques autonomes avec musique en
Angleterre, est issu des cortèges et mascarades de l'Europe de la Renaissance. Il est
construit de la manière suivante : au prologue succède l'entrée des masques (masquers,
amateurs nobles) puis la pièce proprement dite, sur un sujet mythologique ou allégorique,
avec pantomimes, danses, dialogues, airs (avec luth), chœurs (madrigaux). Un bal conclut
la soirée, auquel tous participent avant de se démasquer.
Le masque devient un spectacle de Cour très complet, composé de poésie, de
musique vocale et instrumentale et de décors souvent fort coûteux, agrémentés de
machines scéniques.
Puis tout se complique par la suite, encore une fois pour une question de politique.
Surviennent au milieu du XVIIe siècle de nombreuses guerres civiles qui oppose le
puritains, menés par Cromwell, et la famille royale avec à sa tête le Roi Charles Ier.
Finalement, ce sera Cromwell qui ressortira vainqueur de ces querelles en 1653 et qui va
2. Musique sacrée
Oratorio
Le genre remonte aux vieilles récitations liturgiques à plusieurs voix des
Évangiles de la Passion durant la Semaine Sainte.
À partir de 1558, à Rome, à l'instigation de Philippe de Neri, laïques et prêtres se
rencontrent à l'Oratoire pour des exercices spirituels. Outre les prières, les sermons et les
lectures bibliques, on chante des airs spirituels semi-liturgiques, des laudes, à une ou
plusieurs voix. Ces laudes ont un caractère lyrique ou narratif, mais sont aussi dialogué.
71
Cette polyphonie n’est plus forcément chantée a capella mais peut être également jouée
à l’orgue.
Cantate
Le mot « cantate » apparaît pour la première fois en 1620 dans un recueil
d'Alessandro Grandi. Le genre apparaît en Italie parallèlement à l'opéra : il s'agit d'une
courte scène fragmentée à un personnage et quelques instruments d'accompagnement. Sa
forme est composée, réunissant au départ l'aria, l'arioso et le récitatif.
Deux types de Cantates existent en parallèle :
# la Cantata da Camera (profane) proche de la scène de l'opera ;
# la Cantata da Chiesa (d'église) d'inspiration religieuse.
Les Cantates sont composées pour une à trois voix accompagnées de la basse
continue et parfois de parties instrumentales ; son sujet est descriptif, théâtral, lyrique ou
spirituel. À partir du XVIIe siècle, l'orchestre se développe, le nombre de personnages
augmente, des ensembles vocaux (duos, parfois trios) et des chœurs apparaissent avec
Rossi et Carissimi. En Allemagne, on y ajoute également le choral. Dans la première
moitié du XVIIIe siècle, on ajoute en France et en Allemagne une masse chorale et par la
suite, la Cantate sera un genre négligé.
Motets
Au XVIIe siècle apparaît le motet concertant monodique en général à une ou deux
voix soutenues par une simple basse continue ou par l'orchestre, popularisé entre autres par
Monteverdi, Carissimi et Schütz.
Parallèlement, il arrive qu'une action s'embauche et que la forme tende à
s'identifier avec la Cantate d'église naissante. L'œuvre se fragmente et prend parfois des
proportions importantes. À la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, le Motet, comme la
Cantate, se truffe de récits, airs, duos, trios. Il devient une pièce de vastes dimensions, sur
72
Langue propre à un pays
Messe
La messe a perdu de son importance par rapport à l'âge d'or de la polyphonie
ancienne. Elle est notamment pour les Italiens le lieu du respect d'une certaine tradition, et
demeure une occasion rêvée de composer pour le chœur. Une écriture contrapuntique se
perpétue ainsi dans toute l'Italie, dans la pure tradition palestrinienne.
En France, peut-être occultée par le succès du Grand Motet, la messe est assez
délaissée, surtout à partir de 1725 où débutent les premiers concerts publics de musique
sacrée avec les Concerts Spirituels. Cependant, la Messe a capella, avec ou sans basse
continue, conserve néanmoins une certaine importance à l'extrême fin du XVIIe siècle et à
l'aube du XVIIIe siècle, surtout à Notre-Dame de Paris. Il existe également des messes
conçues en alternance entre l'orgue et la psalmodie du plain-chant. Parmi les compositeurs
de messes : André Campra (1660 – 1744) et Jean Gilles (1668 – 1705) composent des
Messes de Requiem. À la Sainte-Chapelle, Charpentier donne une messe imposante :
Assumpta est. On lui doit également la Messe pour les trépassés avec orchestre.
L'Allemagne catholique, notamment à la cour d'Autriche des Habsbourg, imite
l'Italie. De très nombreux musiciens italiens ont émigré à Vienne et font jouer leurs messes
et celles de leurs compatriotes : Leo, Durante, Porpora et surtout Caldara (1670 – 1736)
dont les Messes concertantes connaissent un grand succès. Plusieurs compositeurs
allemands marchent sur leurs traces en utilisant les techniques de l'opéra. Parmi eux :
Heinrich Ignaz von Biber (1644 – 1704), Johann Joseph Fux (1660 – 1741) et Johann
Adolf Hasse (1699 – 1783). Fux utilisera à la fois la tradition de composition
palestrinienne et le style concertant.
En Allemagne protestante, le service luthérien comprend une Messe allemande en
opposition avec la Messe latine. La présence de la musique y est principalement assurée
par le choral, qui rythme l'office, entonné par l'assemblée éventuellement en alternance
avec l'orgue. Les ajouts peuvent être un motet ou une cantate. En certaines occasions, deux
mouvements de la messe latine, le Kyrie et le Gloria, peuvent y figurer. Il existe quelques
messes « luthériennes » limitées à ces deux mouvements, écrites notamment par Bach dont
il en composa 4 sur un modèle « italien » qui prévoit le découpage du texte en versets
autonomes.
Anthem
Avec la Restauration en 1660, les services religieux reprennent et il est nécessaire
de constituer un répertoire anglican pour les offices. Encouragés par les goûts du roi
Charles II, les compositeurs se tournent vers le style représentatif qu'ils adaptent aux
impératifs du culte. Peu friand de polyphonie, Charles II fait entrer dans sa Chapelle la
musique concertante et choisit pour Maître de Chapelle Henry Cooke (1616 – 1672), qui
aura notamment pour élève l'illustre Henry Purcell.
Avec la reprise de l'office anglican à la Restauration, la forme sacrée favorite des
Anglais est l'anthem, composition chorale sur un texte sacré en anglais, équivalent du
Motet franco- flamand.
3. Musique instrumentale
73
Le terme « toccata » signifie en réalité le fait de toucher son instrument : toccata est en
effet issu du verbe toccare qui signifie « toucher ».
La fugue
La fugue est une forme polyphonique vocale ou instrumentale très organisée ;
elle se caractérise notamment par l'entrée successive des différentes voix selon le
principe de l'imitation stricte. Le nombre de voix est généralement de trois ou quatre. La
fugue est un genre sévère et rigoureux, ce trait fait qu'il fasse allusion au message
intemporel de la religion. Il n'était pas rare que dans la pratique, on jouait la toccata à
l'entrée et la fugue à la sortie.
74
Heinrich Ignaz von Biber est un compositeur et violoniste autrichien de la génération de
Charpentier ; la cathédrale de Salzbourg étant, comme celle de Saint-Marc à Venise, le lieu
de plusieurs tribunes, Biber va jouer sur la spécialisation et les effets sonores et de timbre
(il va notamment utiliser l’écho ou même le silence).
75
Ainsi donc, pour une sonate en trio, il nous faut quatre musiciens (il en faut deux pour la
basse continue : une pour l’instrument mélodique de basse et un autre pour l’instrument
polyphonique).
76
Tamaso Albinoni est un violoniste et compositeur italien au destin tragique étant donné
que de nombreuses œuvres à lui furent perdues dans le bombardement de Dresde en février
1945. Ainsi, l’une de ses plus célèbres œuvres, le fameux Adagio d’Albinoni, est en réalité
une œuvre composée en 1945 par un autre compositeur, Remo Giazotto, à partir du
fragment d'une sonate perdue d'Albinoni. Bach s'est fort intéressé aux compositions
d’Albinoni, et lui a même emprunté des thèmes musicaux. Il laissait aussi réaliser par ses
élèves des partitions d'Albinoni ne contenant que la basse chiffrée.
Orchestre
La notion d'orchestre à l'époque baroque est assez floue bien qu'il naît
progressivement à partir du XVIIe siècle. Jusque là, il s'agissait essentiellement
d'ensembles tels les 24 violons du Roi, la bandes de 12 hautbois, etc., et les compositeurs
se contentaient d'indiquer les tessitures (soprano, alto, etc.) et ils ne commencent que
progressivement à tenir compte des possibilités sonores et techniques spécifiques des
différents instruments qu'à partir des débuts du baroque.
Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que l'on pourra véritablement et
systématiquement parler d'orchestre. Durant le XVIIe siècle, diverses appellations sont
utilisées pour l'orchestre : « chorus instrumentalis » chez Praetorius, « symphonie » chez
Lully ou encore « concerto » en Italie.
L'orchestre commence à se constituer au XVIIe siècle, autour de la basse continue
et des cordes, véritables fondements de l'orchestre baroque auquel viennent s'ajouter
d'autres instruments, vers la fin du baroque, notamment les vents à qui l'on confie des
parties de plus en plus indépendantes et concertantes. L'orchestre est présent dans trois
types d'institutions :
# les cours, où il sert pour les fêtes, les divertissements, pour l'opera et pour
l'église ; le nombre de musiciens varie en fonction des moyens financiers et du
goût du maître des lieux ;
# dans les théâtres publics d'opéra ;
# dans les églises, où il est généralement de dimension restreinte sauf dans les
grandes occasions avec renfort ponctuel de musiciens extérieurs.
L'écriture orchestrale de l'époque est limitée à quatre voix, le plus souvent avec
deux voix supérieures d'égale importance et la basse continue (doublée à l'octave par la
contrebasse), la partie intermédiaire d'alto n'étant généralement qu'une partie de
remplissage.
Seule exception : la France avec Lully qui cultive une tradition à cinq voix
(dessus – haute-contre – taille – quinte – basse). Cependant, Lully ne se chargeait
généralement que du dessus et de la basse, laissant les autres parties à ses assistants.
Les genres spécifiques de l'orchestre apparaissent au fur et à mesure en s'extirpant
des genres dans lesquels ils étaient inclus.
L'opéra donne naissance à l'ouverture (sinfonia d'opera en Italie, ou ouverture à la
française) et à la ritournelle (prélude, postlude ou interlude de pièces chantées).
Le ballet, en France, régulièrement intégré à l'opéra, donne naissance à la Suite
d'orchestre où l'on reprend les musiques de ballet empruntées aux opéras et ballets, sans
danses et danseurs, dans des « arrangements » et « compilations » destinées au
divertissement de la cour. La Suite d'orchestre française n'utilise généralement pas la
succession de pièces typique de la Suite pour clavecin. Elle commence plutôt par une
ouverture à la française, à laquelle s'enchaînent les danses françaises véritables ou stylisées
(air, gavotte, bourrée, menuet, chaconne, passacaille, etc.).
Biographie
Né à Venise en 1678, Antonio Vivaldi, dit le « Prêtre Roux » à cause de sa chevelure
rousse héritée de son père, est un violoniste virtuose anticipant Paganini et un compositeur
éminent dont l'influence se mesure à l'aulne des pairs qui l'ont imité, le plus fameux parmi
ses disciples indirects, Jean-Sébastien Bach. Il se vantait de pouvoir composer un concerto
entier avec toutes les parties plus vite que le copiste ne pouvait le recopier. Sa musique est
très claire et limpide, une musique « bien faite » avec des modulations simples, autant de
critères qui font de sa musique une anticipation du style galant employé par Telemann, et
par là, du Classicisme.
L’œuvre de Vivaldi est rationnellement différente de celle de Bach, même si ce dernier
l’admirait énormément : la musique de Vivaldi demeure très stable au niveau de la
tonalité77 tandis que celle de Bach module beaucoup plus.
La musique vivaldienne est en général très contrastée, ensoleillée, plaisante, joyeuse et
fait intervenir la plupart du temps des éléments extra-musicaux. C’est par exemple le cas
des fameuses Quatre Saisons qui furent, comme leur nom l’indique, écrites à partir de
poèmes sur les saisons. L’inspiration via des éléments non musicaux sera monnaie
courante lors du romantisme quelques siècles après Vivaldi ; mais pour l’époque baroque,
c’est un fait plutôt singulier.
Le violoniste hors pair qu’était Vivaldi lui valut d'être un éminent professeur à
l'Ospedale della Pietà, un hospice de jeunes filles, l'un des quatre grands hospices financés
par la République Sérénissime pour accueillir les orphelines, les filles bâtardes. Ces
dernières y sont cloîtrées et y suivent une formation musicale très poussée, ce qui fait
d'elles des musiciennes de grands talents et très convoitées. Seules les plus talentueuses
d'entre elles ne pouvaient cependant gagner le droit de jouer en extérieur et d’être
demandée en mariage. Vivaldi devint ainsi un professeur réputé en plus d’un compositeur
doué. Son passage à cet hospice se ressent d’ailleurs à travers son œuvre ; en effet, comme
à l’époque les compositeurs n’étaient pas encore libres de faire la musique dont ils avaient
envie et étaient encore soumis aux commandes de personnes extérieures, Vivaldi dut
remplir de nombreuses commandes pour l’Ospedale della Pietà, ce qui explique
l’utilisation dans son œuvre d'autres voix que celles de soprano et d’alto habituellement
employées.
Pur vénitien, il ne quittera qu'occasionnellement l'Italie pour se rendre chez ses éditeurs
à Amsterdam. Il ne quittera Venise en réalité qu’à deux reprises, le second voyage lui étant
fatal. En effet, l’empereur Charles VI d’Autriche aimant bien la musique de Vivaldi, ce
dernier mit fin à ses contrats à Venise dans l’espoir de devenir musicien attitré de la Cour
d’Autriche. Cependant, lors de son voyage vers Vienne, l’empereur mourut et par
conséquent la série de représentations avec lesquelles Vivaldi comptait gagner sa vie a été
77
Certaines musiques sacrées plus profondes et tragiques sont toutefois plus riches
harmoniquement et plus complexes au niveau de la tonalité ; l’usage du chromatisme et
d’harmonies denses chez Vivaldi se limite donc à traduire un sentiment douloureux en
musique.
Œuvre
Vivaldi est surtout très connu pour ses concertos parmi lesquels les très fameuses
Quatre Saisons. Il porta le concerto de soliste de Corelli et de Torelli à un sommet inégalé
pour l'époque. C'est d'ailleurs par cette forme qu'il sera largement diffusé dans l'Europe
entière grâce à son éditeur à Amsterdam – effectivement, preuve de sa grande célébrité à
l’époque, Vivaldi a été très rapidement édité à l’étranger. Il utilisera dans ses concertos un
style de ritournelle alternant entre les exécutions des « refrains » par l'orchestre et les
épisodes dominés par le soliste. Il composa des concertos pour tous les instruments
possibles de l'époque (même la trompette marine) ainsi que pour toutes formations78 et en
fixa la forme en 3 mouvements, similaires à l'ouverture à l'italienne : Vif – Lent – Vif. Le
catalogue de ses concertos s'élève ainsi à près de 477 dont 434 nous sont parvenus à ce
jour. Parallèlement à ses concertos, il écrivit de nombreuses sonates (de soliste et en trio)
ainsi que moult variations dont les très connues Variations sur la Folia, reprenant la
plupart du temps des thèmes populaires italiens ou autres.
Il fut également actif dans le domaine de l'opéra et se fit aussi impresario tout en
continuant à mener sa vie plus charitable de professeur à l'Ospedale mais bien moins
payée. Cependant, son succès dans le domaine de l'opéra fut assez chaotique ; le catalogue
actuel n'en identifie qu'une cinquantaine dont seulement 20 sont parvenus, ce qui fait bien
peu en comparaison des 94 affirmés par le compositeur. Les opéras de Vivaldi sont dans la
catégorie de l'opera seria napolitain en 3 actes, découpés en une alternance de récits et airs.
Il emploiera aussi la traditionnelle sinfonia, ouverture à l'italienne en 3 mouvements vif-
lent-vif, style qui aura pour finalité la symphonie des classiques.
Vivaldi composa nombre de cantates aussi bien religieuses que profanes où il fait usage
des voix de castrats tout autant que dans l'opéra. Dans le domaine de la musique religieuse,
il fera moins de percées spectaculaires qu'avec les concertos mais montrera tout de même
une certaine habileté à lier la tradition polyphonique à son caractère festif et enjoué.
Il composa également plusieurs sérénades79 et un oratorio, Judith triumphans.
78
L’on peut par exemple citer le concerto Con molto Strumenti (avec beaucoup
d’instruments) dans lequel figurent dix instruments solistes : deux flûtes à bec, deux
chalumeaux, deux mandolines, deux théorbes, un violon et un violoncelle.
79
La sérénade est fort proche de l’opéra si ce n’est qu’elle n’est pas destinée au grand
public mais bien à de grandes fêtes princières où sont donnés galas et spectacles. Ces
derniers étant donnés le soir, ils furent nommés « sérénades ».
Biographie
Né en 168580 dans une grande famille de musiciens où la musique était un élément
primordial, Jean-Sébastien Bach (1685 – 1750) fit une brillante carrière de musicien en
Allemagne. Compositeur, claveciniste, organiste, maître de chœur, professeur, violoniste et
altiste, ce polyinstrumentiste a cumulé presque toutes les fonctions possibles liées à la
musique. Père de vingt enfants, il forma ses six fils à la musique qui continuèrent à faire
prospérer l'empire musical de Bach sous l'égide du style pré-classique.
Bach passera toute sa vie au service des plus grandes Cours princières d’Allemagne ou
d’autorités religieuses auprès desquelles il avait plus un rôle d’artisan et non de figure
musicale célèbre81. C’est pourquoi l’œuvre de Bach ne comporte pas de pièces musicales
essentiellement tournées vers le public comme l’opéra. C’est d’ailleurs la seule forme de
musique que le compositeur ne traita pas à travers son œuvre monumentale. Pour le reste,
quasiment toutes les formes musicales baroques furent employées par le compositeur
allemand et attinrent leur paroxysme grâce à lui.
Outre son activité de compositeur, Bach était également un organiste de génie et
exerçait son instrument dans plusieurs grandes villes d’Allemagne. Il fut Kapellmeister à
Coethen de 1717 à 1722(3), où il fut au service du prince Léopold d'Anhalt-Coethen qui
s’avéra être un souverain calviniste. Le calvinisme proscrivant la musique « complexe » au
sein de son bastion de foi, Bach interrompit donc sa production de musique sacrée pour le
culte et l’Église. Bach put dès lors consacrer son énergie créatrice à l'écriture de
nombreuses pièces instrumentales telles que les Six Concertos Brandebourgeois, les Suites
pour violoncelle seul, le premier livre du Clavier Bien Tempéré ou encore les Sonates et
Partitas pour violon solo. Ces dernières revêtant une particularité allemande, l'exécution se
faisait seul et le violon égrenait alors non seulement la mélodie, mais aussi l'harmonie dans
laquelle elle baigne rendant le jeu extrêmement virtuose. Quant aux Concertos
Brandebourgeois, écrits en l’honneur du Duc de Brandebourg, les exécutants « solistes »
étaient souvent des musiciens de passage pour lesquels Bach écrivait quelques œuvres,
profitant de leur présence pour certainement expérimenter quelques nouveautés.
Par ces productions, Bach démontra à quel point il maîtrisait bien les divers genres
pratiqués à l'époque baroque dans le cadre de la musique profane instrumentale.
Cependant, lassé de ne pouvoir composer de la musique sacrée à cause de la baisse
considérable de l’intérêt musical du prince et sentant l'inimitié de la nouvelle épouse de ce
dernier, il postula dans divers lieux afin de pouvoir s'en aller.
80
En réalité, l’année 1685 s’avère être « un bon cru », vu que c’est en effet cette année-là
que sont nés trois des plus grands compositeurs baroques, à savoir Jean-Sébastien Bach,
Georg Friedrich Haendel et Domenico Scarlatti.
81
De toute façon, l’idée de « génie » dans le domaine de la composition n’existait pas
encore à l’époque ; il faudra attendre les grands romantiques pour voir apparaître la notion
de « génie » chez les artistes.
Œuvre
Bach composa de la musique sacrée en extrêmement grande quantité, surtout des
Chorals et des Cantates, ce dû au culte Luthérien auquel Bach fut lié une longue partie de
sa carrière. Aujourd’hui, environ 200 cantates du compositeur allemand nous sont
parvenues, mais nous savons qu’il en a écrites bien plus. L’on peut d’ailleurs classer toutes
ses cantates en deux catégories distinctes ; l’on constate en effet un tournant dans leur
écriture aux environs de 1700.
Les cantates d’avant 1700 sont en effet en grande partie inspirées du « style XVIIe » et
tirent profit de compositeurs antérieurs comme Schütz, Buxtehude ou Pachelbel. La cantate
y est plus unitaire, construite d’un seul tenant. Les changements d’ambiances liés au texte
sacré mis en musique doivent se faire de manière douce et fluide.
Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, les cantates du compositeur se voient
fortement influencées par les travaux d’Erdmann Neumeister (1671 – 1756), un écrivant et
théologien baroque qui a produit de nombreux textes de cantates, des chorals, des hymnes,
etc. La cantate de Bach se rapproche dès lors davantage de l’univers de l’oratorio où les
ambiances sont très marquées et se distinguent les unes des autres. En découlent des
cantates scindées en plusieurs coupes décrivant chacune une ambiance spécifique. Les
cantates se rapprochent par conséquent l’aspect systématique de l’opéra napolitain.
82
En effet, bien que Luther ne voulût conserver que des œuvres sacrées dans la langue
populaire, certains textes sacrés ont été jugés indispensables et sont dès lors toujours
chantés en Latin. C’est le cas du Kyrie et du Gloria.
83
La Cour de Dresde est très influente dans l’Allemagne non unifiée de l’époque. Elle a
quoi qu’il en soit une particularité : en effet, bien qu’elle soit catholique, elle se trouve au
beau milieu de la Saxe qui, quant à elle, s’avère être protestante.
84
Ce narrateur constitue d’ailleurs l’une des grandes différences entre un opéra et un
oratorio. Dans ce dernier, les textes sacrés utilisés devant rester inchangés, l’Évangéliste
s’exprime directement au public et organise ainsi toute l’histoire en introduisant chaque
personnage, comme Pierre, Ponce Pilate, Juda ou le peuple romain. Le rôle de
l’Évangéliste est donc un rôle très complexe à assumer et rivalise par conséquent avec les
grands rôles d’opéras.
Le Tempérament égal
La construction des gammes a depuis la nuit des temps toujours été une grande préoccupation
de la part des artistes. L’un des premiers à théoriser sa propre gamme est un grand philosophe de
l’Antiquité, Pythagore. Ce dernier imagina une gamme, la Gamme de Pythagore, fondée
exclusivement sur le rapport de la quinte. Cependant, dans l’élaboration de cette gamme,
Pythagore se heurte à un épineux problème : le cycle ne se boucle jamais complètement. En
effet, les 12 quintes utiles à l’élaboration de la gamme ne couvrent pas exactement 7 octaves :
elles ont une différence qui est de l’ordre d’un comma, le comma pythagoricien. Ainsi, la
solution adoptée par Pythagore est de laisser le système tel quel, d’où la présence d’une quinte
plus courte que les autres que d’aucuns connaissent sous le nom de quinte du loup.
Cette quinte amputée d’un comma soulève toutefois un second problème : étant donné que la
gamme ainsi obtenue est inégale, les intervalles entre les notes ne sont pas homologues dans
chaque tonalité. Ainsi, alors qu’un accord de do majeur sonne incroyablement juste, un accord
de fa dièse majeur sonne immensément faux, rendant d’une part la transposition difficile et
d’autre part l’inutilisation de tonalités comportant trop d’altérations à la clé telles que fa dièse
majeur, sol dièse mineur ou même la bémol majeur, ce à moins de réaccorder systématiquement
l’instrument. Plusieurs autres gammes vont être inventées au cours du Moyen Âge et de la
Renaissance mais ne feront qu’atténuer ce problème récurrent sans pour autant l’effacer.
La « bonne » solution sera apportée par le mathématicien flamand peu connu Simon Stevin
(1548 – 1620) qui eut la brillante idée de découper la gamme en 12 intervalles égaux en
reportant l’erreur de comma sur chacune des notes. Cette gamme, nommée gamme tempérée ou
tempérament égal, bien que ne se basant pas sur les harmoniques naturelles du son, ouvre l’accès
à toute une série de tonalités auparavant volontairement ignorées et rend la transposition enfin
réalisable. C’est notre gamme actuelle, développée surtout pendant l’époque baroque.
C’est ainsi que Bach marque des points en composant le Clavier bien Tempéré, deux cycles
de 24 Préludes et Fugues, chacun écrit dans une tonalité différente, démontrant alors clairement
que chaque tonalité peut être utilisée en conservant une justesse harmonique et ce sans devoir
réaccorder totalement l’instrument.
85
La Chaconne, comme la Passacaille, est une forme musicale qui se base sur la répétition
d’un même motif. Dans le cas de la Chaconne, ce motif ne peut se trouver qu’à la basse
alors qu’il peut voyager à travers les différentes voix dans le cas de la Passacaille.
Biographie
Né d'une famille de pasteur protestants dont le patrimoine est très cultivé, Georg
Philipp Telemann est un enfant extrêmement précoce et doué dans le domaine de la
musique. Issu de Magdebourg, il étudiera au collège et à l'école de la cathédrale le Latin,
la rhétorique ainsi que la poésie allemande comme en attesteront ses écrits
autobiographiques ultérieurement. Il apprit seul à jouer de la flûte, du violon, de la cithare
et du clavecin en fréquentant des petites écoles privées. Ses premières compositions se
font très tôt et souvent en cachette sur des instruments prêtés. Pour anecdote, il put
remplacer son professeur de chant dans les classes supérieures après quelques leçons
seulement. Et excepté un cours de clavecin qui durera deux semaines, Telemann ne suivra
jamais de cours de musique.
Sous la pression de sa mère, il ira étudier le droit à Leipzig, alors capitale de la
musique moderne, en faisant crochet par Halle où il rencontre Haendel avec qui il nouera
une solide amitié. À Leipzig, il essaya d'abord de cacher ses talents musicaux mais un
camarade de chambre amène une de ses compositions à exécution, suite à laquelle le
maire de Leipzig lui commande deux cantates par mois pour le service religieux. Pendant
son séjour, il formera un orchestre d'étudiants, le Collegium Musicum, qui aura encore une
86
Rappelons que le concerto grosso est un genre concertant dans lequel le concertino
(effectif d’une sonate en trio) joue pendant toute la pièce avec le renforcement ponctuel de
l’orchestre.
87
Cette suite a d’ailleurs pour particularité de comporter un instrument soliste, la flûte à
bec.
Œuvre
Comme dit plus haut, l’œuvre de Telemann est incroyablement étoffée (plus de 6000
œuvres) : il aurait écrit près de 1000 suites pour orchestre, dont beaucoup sont perdues,
120 concertos, de multiples sonates en trio, des quatuors, de la musique pour clavier, des
sérénades (qui sont les musiques officielles commandées par la ville de Hambourg), 44
Passions, 12 cycles de cantates (un cycle de cantates correspondant à toutes les cantates
pour une année), 39 opéras, 600 ouvertures à la française et plusieurs recueils de
Tafelmusik, « musiques de table » jouée pour le divertissement des nobles. La
décomposition de cette Tafelmusik se fait en différentes productions composées d'une suite
pour orchestre, d'un quatuor, d'un concerto, d'un trio, d'un solo avec basse continue et d'une
conclusion orchestrale.
Par la nature franche et indépendante de la ville de Hambourg, s'y rassemblent en son
sein une multitude de nationalités. Grâce à sa très bonne connaissance de tous les styles
opératiques, Telemann peut tout écrire et s’est ainsi essayé à l’écriture d’opéras dans les
trois styles majeurs qui composent l’histoire opératique, ce qui est très rare – un
compositeur se cantonne souvent dans un seul et unique style, chacun d’entre eux
possédant en effet des spécificités propres à chaque langue. Ainsi, outre des opéras en
Allemand, dignes de la haute tradition germanique, Telemann écrivit à Hambourg des
tragédies à la française ainsi que des opere buffe à l’italienne en montrant qu’il maîtrise
avec talent les trois traditions opératiques pourtant bien différentes.
Ce qui est au centre du débat concernant Telemann est que ce dernier participe à
l’évolution artistique qui joint le Baroque au Classicisme et est beaucoup plus dans l’ère du
temps que Bach et bien d’autres. D’ailleurs, au fur et à mesure de sa vie, Telemann va
abandonner les thèmes longs, la grande polyphonie, la musique savante, donnant une
musique plus légère, plus claire. Certains considèrent que cela est un peu facile comparé à
la richesse incroyable de l’écriture de Bach bien que ce ne soit nullement le cas.
Telemann est en quelque sorte en accord avec les désirs du public qui, à l’inverse de la
musique de Bach, aime une écriture claire avec des thèmes courts, simples, sans
modulations ostentatoire. Le public d’alors considère qu’avec Bach, Haendel et Vivaldi on
a fait le tour de l’art musical baroque (« Qui peut mieux écrire du Bach que Bach ? »). La
période s’étendant de 1730 et 1750 est de ce fait très instable car correspondant cet
l’instant de mutation où l’on se détache progressivement du Baroque et de son art très
cérébral pour se diriger vers quelque chose de plus simple, de plus « classique », donnant
dès lors une musique galante.
Biographie
Georg Friedrich Haendel est un compositeur allemand, figure de proue de l'époque
baroque aux côtés de Bach, originaire de Hambourg où il fit sa formation et écrivit son
premier opéra avant d'effectuer un voyage de 4 ans pour l'Italie entre 1706 et 1710 grâce à
une invitation d'un prince Médicis, voyage au cours duquel il rencontrera père et fils
Scarlatti ainsi que Corelli, pour ne citer que les plus connus. Ce séjour en Italie le marqua
profondément au point qu'il garda les grands maîtres italiens en mémoire, Corelli pour ses
sonates et concerti grossi et Alessandro Scarlatti en tant que maître de l'opera seria
napolitain. La légende rapporte que Haendel et Domenico Scarlatti se soient mesurés en
duel dans les domaines du jeu à l'orgue et au clavecin. Haendel fut reconnu supérieur à
l'orgue et Scarlatti supérieur au clavecin. En conclusion à cette joute, Haendel et Scarlatti
se lièrent d'amitié. Haendel attira donc rapidement l’attention de mécènes italiens et devint
vite une sorte de « star » ; il fut d’ailleurs reçu dans les meilleurs palais chez les plus
grands d’Italie. Cela s’explique partiellement par le fait que Haendel avait « le sens des
affaires » : il savait très bien ce qu’il devait faire pour plaire au public. C’est ainsi que ses
thèmes sont la plupart du temps très concis et vont à l’essentiel pour ne pas ennuyer le
public mais sont néanmoins riches en émotions afin de capter son attention.
En soi, le simple voyage estudiantin qu’il avait projeté à la base alla donc bien plus loin
que ce qu’il espérait ; l’on lui commanda dès lors beaucoup d’œuvres, dont plusieurs
sacrées – commandes qu’il n’acceptait qu’à contrecœur étant donné que l’Italie est
catholique et lui luthérien.
Lorsque Haendel se décida de rentrer en Allemagne, c’est parce que le duc de Hanovre
était intéressé par lui en tant que maître de chapelle et chef de l’opéra, poste qu’il accepta
mais qu’il quitta rapidement en raison de la fermeture de l’opéra des suites d’une crise. Il
pris donc un mois de congé et tenta sa chance à Londres. Il ne revint finalement jamais à
son poste à Hanovre et laisse donc le duc sans nouvelles.
Ainsi, en 1712, Haendel se lança à la conquête de l’Angleterre pour trois raisons :
d’une, Londres était une ville prospère qui était à même de couver en son sein de
nombreux compositeurs ; de deux, il n’y avait à cette époque pas de compositeur
typiquement anglais, ce à quoi Haendel comptait bien remédier ; et de trois, il n’y avait
toujours pas de tradition opératique concrète en Angleterre, ce malgré les tentatives
antérieures de Purcell – alors que, rappelons-le, le genre favori de Haendel était bel et bien
l’opéra.
À Londres, Haendel se lia d’amitié avec le duc de Chandos pour qui il écrivit de
nombreuses œuvres sacrées, des anthem. Ainsi, en arrivant en Angleterre, il se fit
rapidement intégrer et commença très vite à écrire de la musique officielle pour le culte
anglican ainsi que pour les grands d’Angleterre. Parmi ces œuvres, l’on peut citer l’illustre
hymne du couronnement (Coronation anthem), aujourd’hui détournée puisqu’étant
l’hymne de la Champions League.
88
« Haendel » est en réalité la version francisée de son nom. En Allemagne, ce dernier
s’orthographie « Händel » et en Angleterre « Handel ».
89
Ces Water Music peuvent bien entendu être mises en lien avec les Wassermusik de
Telemann.
90
D’ailleurs, Haendel prendra finalement la nationalité anglaise ; il sera nationalisé.
Biographie
Formé à la musique par son père, organiste, Jean-Philippe Rameau croque au fruit
interdit et démontre une passion et une ferveur impressionnante à l'égard de la musique. À
tel point qu'il bâclera précocement ses études afin de se consacrer pleinement à sa passion,
et cela se ressentira plus tard dans ses difficultés d'expression écrite.
Rameau fera 40 années de carrière provinciale pendant lesquelles les contrats qu'il
décroche ne le satisfont que moyennement. Organiste pendant tout ce temps, il n'écrivit
cependant pas une pièce pour son instrument. Et en 1722, il publie un ouvrage théorique
sur lequel il travaillait depuis longtemps dont les idées ont été mûrement réfléchies, le
Traité sur l'Harmonie réduite à ses principes naturels. Cet ouvrage fait remonter les
principes mathématiques concernant la musique de Pythagore et attire l'attention du monde
philosophique et musical sur lui. Selon lui, toute musique se base d’abord sur l’harmonie et
sa construction et pas la mélodie, renversant ainsi la perception que l’on avait de la
musique à l’époque, surtout en Italie. Il propose ainsi une sorte de voix française et qui
propose d’envisager la composition différemment par rapport à l’esthétique italienne.
91
Le Fermier général est en quelque sorte le ministre des finances de l’époque.
92
Un opéra-ballet est sorte de mélange adroit entre l’opéra et le ballet, avec des thèmes
assez légers, où chaque entrée (on ne parle effectivement pas d’actes mais d’entrées) peut
être en désaccord avec la précédente – il n’y a pas forcément de fil conducteur entre les
différentes entrées, avec cependant un thème, une idée générale pour toutes les entrées. Un
des opéras-ballets les plus connus est Les Indes Galantes, où Rameau va rapporter une
histoire d’amour en Perse, une autre au Pérou, etc. Ce sont chaque fois ce sont des histoires
différentes qui se passent dans un pays lointain, les « Indes » de l’époque n’étant en effet
pas encore assignées à un pays précis mais à tout ce qui se trouve loin de soi, qui est
exotique.
Né à Naples la même année que Haendel et Bach, fils d'Alessandro Scarlatti, l’inventeur
de l'opéra napolitain, formé par ce même père, Scarlatti montre des dons exceptionnels
pour les instruments à claviers, traçant sa vie future très jeune. Bien qu'il ait passé ses
premières années d'activité à l'ombre de son père, il ne tarde pas à briller à son tour,
travaillant à la chapelle de Naples en tant que compositeur et organiste au jeune âge de 16
ans.
Il est envoyé en formation à Venise par son père, lieu où il fera la rencontre d'éminents
musiciens tels que Vivaldi et Haendel, avec lequel il effectuera une joute musicale à Rome
dont le résultat affirma sa suprématie au clavecin mais celle de son rival à l'orgue. Les
deux musiciens nouèrent cependant une profonde amitié.
Pendant son séjour à Rome, il entre au service de la reine de Pologne alors en résidence
là-bas. Il compose plusieurs opéras pour sa scène privée et assume parallèlement le rôle de
maître de chapelle à la Basilique St. Pierre entre 1715 et 1719. Mais usé par ce
foisonnement de musique « carrée » (on lui commande en effet beaucoup de musique
religieuse, comme un Stabat Mater à dix voix), il s'en va pour la péninsule ibérique en
1720, où il s'installera durablement jusqu'à la fin de sa vie.
Il sera musicien du Roi de Portugal pour lequel il sera le tuteur ainsi que le professeur
de clavecin de sa fille Maria-Barbara, amenée à devenir Reine d'Espagne par la suite.
Outre un bref retour à Naples ainsi que dans les années suivantes à Séville pour étudier le
flamenco, Scarlatti s'installe à Madrid à partir de 1733 où il reprend ses fonctions de maître
de musique pour Maria-Barbara qui lui conserve toujours sa confiance et protection en
dépit de son statut de reine. À Madrid, Scarlatti deviendra l’organisateur des événements
musicaux de la cour d’Espagne ; c’est ainsi qu’il sera amené à produire de grands
musiciens comme le castrat Farinelli.
C'est pendant cette période de sédentarisation qu'il produira son œuvre monumentale de
555 sonates pour clavecin. Sa formation très complète et son talent de virtuose du clavecin,
comme le sera plus tard Liszt pour le piano, se ressentent très fort dans ces sonates
essercizi qui poussent autant l'interprète que l'instrument lui-même dans leurs ultimes
retranchements et limites techniques. Il y a dans ses sonates une certaine référence aux
danses espagnoles, avec des thèmes très concis, des emprunts aux rythmes locaux etc.
Cependant, ce terme sonate n'a rien à voir avec la sonate des classiques. La sonate chez
Scarlatti est davantage plus proche de la toccata de Frescobaldi, avec une idée bipartite en
un mouvement « AABB ».
Contexte esthético-historique
L'art classique général représente un art où brille la clarté, l'unité, l'équilibre, la
simplicité, l'expression et la sensibilité. Son terrain de prédilection sera la musique
instrumentale pour soliste.
Bien que cette période soit relativement courte dans le temps (environ cinquante ans),
son importance dans l’histoire de la musique est fondamentale en tant que moment
d’élaboration de formes importantes qui serviront de modèles pour plusieurs générations
de compositeurs. L’exemple classique sera d’autant plus suivi que le répertoire laissé par
les grands compositeurs de l’époque, au premier rang desquels le trio viennois Joseph
Haydn (1732 – 1806), Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791) et Ludwig van
Beethoven (1770 – 1827), est d’une qualité extraordinaire.
L’interprétation
Contrairement à la période baroque où l’improvisation faisait encore partie intégrante de
l’interprétation d’un œuvre, avec l’arrivée du Classicisme, l’on constate une suprématie de
l’écrit sur l’improvisé : plus de basse continue, plus d’ornements à ajouter, instrumentation
notée, tempi et dynamiques clairement précisés, etc. Seules les cadences de concertos
permettent à l’interprète de démontrer tout son talent d’improvisateur, même si, dès la fin
du XVIIIe siècle, les compositeurs proposent leur propre cadence pour leurs concertos.
Cette suprématie de l’écrit entraîne d’importants changements dans les habitudes
instrumentales : la partition appelle un véritable travail de répétition et la nécessité d’un
chef dégagé de toute obligation instrumentale s’impose à la fin du XVIIIe siècle. Dans un
premier temps, le rôle de chef d’orchestre sera tenu par le compositeur lui-même, qu’il
s’agisse de Johan Friedrich Reichardt (1752 – 1814), Louis Spohr (1784 – 1859), Carl
Maria von Weber (1786 – 1826) ou Felix Mendelssohn (1809 – 1847).
Sociétés de concerts
Comme dit plus tôt dans ce syllabus, à la fin de la période baroque fleurissent plusieurs
sociétés de concerts gérées par des promoteurs privés afin de rompre avec la absolue
trilogie musicale Cour-Église-Opéra. Parmi ce genre de sociétés, nous avons déjà pu citer
Le Concert Spirituel.
Ce type de concerts va se perpétuer pendant la période classique et va même fortement
s’émanciper. À présent, certains compositeurs vont être liés à telle ou telle promotion de
concerts. C’est ainsi que de 1765 jusqu’à sa mort en 1782, Johann Christian Bach s’associa
avec Karl Friedrich Abel (1723 – 1787, un excellent violiste et compositeur allemand, afin
de former les « Bach-Abel Concerts ».
De même, le compositeur belge François-Joseph Gossec (1734 – 1829) va devenir
intimement lié au Concert Spirituel, l’illustre Joseph Haydn à l’association de concerts
appelée Le Concert de la Loge Olympique, fondée en 1780 et dont l’orchestre était
considéré comme un des meilleurs d’Europe, etc.
Ainsi, en-dehors de la musique religieuse, on a besoin de matière pour pouvoir jouer en
concert, surtout de la musique instrumentale. Cette période va donc être une aubaine pour
les compositeurs d’alors, vu qu’on leur commandera énormément d’œuvres musicales. La
notion de répertoire va également devenir d’application : il va bien falloir « réutiliser » les
pièces déjà écrites, les programmes de concerts constituant souvent un mélange de
nouvelles œuvres et d’autres œuvres déjà jouées et appréciées.
Méthodes d’apprentissage
La dernière grande nouveauté classique sera l’imprimerie musicale qui va se faire de
plus en plus démocratique. Cela va permettre notamment aux bourgeois en quête de
« pouvoir » de se mettre à la musique afin de rivaliser avec les nobles qu’ils envient tant.
C’est ainsi que certains compositeurs classiques vont se mettre à l’écriture de recueils de
pièces pour débutants, comme le fit l’excellent pianiste Carl Czerny (1791 – 1857) un peu
plus tard.
Cette crise éclate dans une atmosphère prérévolutionnaire forgée d’idéaux de liberté,
d’égalité, d’indépendance, ce mouvement trouvant lui-même ses origines dans les idées
des Lumières. Son nom a été donné par une pièce du dramaturge Friedrich Maximilian von
Klinger (1752 – 1831), représentée en 1776, pièce intitulée « Sturm und Drang »
(littéralement « tempête et emportement ») et couvant par conséquent en elle des notions
de liberté, d’égalité, de refus de l’autorité et de revendication du droit à l’autorité et à
l’emportement. L’élan prime désormais sur le froid travail de la raison : à l’Aufklärung
(« période des Lumières ») succède une période dominée par les sentiments,
l’Empfindsamkeid (« sensibilité »).
Ainsi donc, liberté et expression constituent les mots-clés de cette nouvelle esthétique
lancée par ce mouvement du Sturm und Drang. Chaque compositeur se forge dès lors un
langage personnel dans un souci d’expression. Moins sophistiqué, le plaisir devient plus
spontané, plus direct. L’artiste ne cherche plus à s’intégrer dans la société pour laquelle il
crée en accord avec la demande qui lui est faite, comme c’était auparavant le cas, mais à
réaliser un apport personnel. L’artiste va désormais s’exprimer à la première personne,
anticipant ainsi le mouvement suivant, le Romantisme.
L’on constate certaines constantes dans les techniques employées : adoption, dans un
but oratoire, d’une ligne mélodique formant « comme des mots », goût d’une dynamique
très contrastée, choix de tonalités sombres souvent chargées de bémols, usage de tonalité
mineures dans des œuvres jusque là presque toujours écrites en majeur, indications très
évocatrices dans la partition (amoroso, espressivo, agitato con smania93), utilisation de
silences à des fins expressives, ruptures expressives, etc.
Ce style « sensible », parallèle au Sturm und Drang littéraire, est dominé par le
compositeur Carl Philipp Emanuel Bach (1714 – 1788), fils de Jean-Sébastien et par
conséquent frère de Johann Christian. On retrouve également ce style sensible chez des
compositeurs comme Haydn ou Mozart : fréquence des tonalités mineures et
particulièrement celles encore peu utilisées, comme fa dièse mineur dans la Symphonie
n°45 « Les Adieux » de Haydn, richesse de l’harmonie dans le rapprochement des
modulations, emploi du chromatisme, abondance de formes rythmiques syncopées, comme
dans la Symphonie en sol mineur n°25 K.183 de Mozart, goût de thèmes présentant des
intervalles très disjoints pour faire intervenir de l’expression, rupture majeur/mineur,
comme dans les Sonates pour piano de Haydn, modulations aux tons éloignés, etc.
En somme, avec l’intervention de cette crise du Sturm und Drang, l’ère classique peut
être subdivisée en trois grandes périodes :
# La première, des années 1750-1770 se veut légère, optimiste, la plupart du temps
majeure. Souvent, les œuvres se veulent distrayantes, sans exaltation inutile et
grandiloquente de sentiments. C’est ainsi que certaines pièces se nomment divertimento.
93
Cela signifie tout simplement « furieusement agité ».
L’opéra
1. L’opéra en Italie
Opera seria
Le XVIIIe siècle est dominé par l’Opera seria italien, que l’on qualifie de façon
restrictive de « napolitain ». Il règne en maître de 1700 à 1770/1780, en passant
progressivement de l’âge baroque à l’esthétique classique.
On distingue dans cette forme d’opéra :
# une volonté de structuration de l’œuvre sur un modèle rigoureux. Un équilibre formel
est recherché activement, se traduisant par une succession de scènes toutes construites
de la même façon : le dialogue en récitatif est suivi de l’expression d’un sentiment bien
défini ou « affection » (air).
# la présence de livrets allégoriques célébrant les valeurs morales comme la justice, la
générosité etc. ou des sentiments nobles tels que l’amour. Le sujet, noble et dramatique,
est tiré de l’histoire antique, de la mythologie ou de fables.
# un intérêt pour les destins individuels, de type héroïque ou pathétique (prétexte à des
airs de solistes souvent virtuoses).
# une suppression des parties comiques qu’admettait auparavant l’opéra vénitien.
Opera buffa
À partir du milieu du XVIIIe siècle, les « grands genres » – opera seria en Italie,
tragédie lyrique en France, le Grand Opéra en Allemagne – perdent de leur monopole et
sont concurrencés par des pièces nouvelles : Intermezzo, Opera Buffa en Italie, Opéra-
comique en France, Singspiel en Allemagne.
Depuis 1630 environ, l’opéra vénitien comportait des scènes comiques (sous l’influence
du théâtre espagnol) qui font appel au parlando, aux chansons légères et aux parodies. Au
XVIIe siècle, des premiers livrets à sujets gais avaient été conçus pour un spectacle entier,
mais le genre avait tenté peu de compositeurs.
2. L’opéra en France
L’opéra-comique
Le petit opéra-comique français, dont personne ne s’était soucié durant la querelle, allait
tirer grand profit de l’exemple de l’opéra bouffe italien. Mêlant le chanté et le parlé,
contrairement à son cousin l’opéra-bouffe, l’opéra-comique était né de l’interdiction de
représenter des spectacles de musique continue ailleurs qu’à l’opéra.
Dans les dernières années du règne de Louis XIV, les tréteaux de la Foire Saint-
Germain, dans le quartier de Saint-Sulpice, et ceux de la Foire Saint-Laurent, près de la
porte Saint-Denis, montraient de petites comédies et pantomimes mêlés de chansons, étant
pour la plupart des « vaudevilles » aux couplets et airs ou « timbres » connus, échantillons
du vieux folklore français.
En 1714, de nouveaux règlements permettent d’employer des musiques originales aux
côtés des vaudevilles. On assiste alors à une multiplication, sous le nom d’opéras-
comiques, d’œuvrettes où la musique ne se limite plus aux chansons mais comporte aux de
petites intermèdes descriptifs de l’orchestre, des ensembles réunissant tous les acteurs avec
quelquefois aussi des danses. Les livrets reprennent à la commedia dell’arte ses fantoches
et ses farces, persiflent l’actualité sous forme de revues, ou parodient les succès de l’opéra.
C’est un Italien venu de la Cour très francisée de Philippe de bourbon à Parme, Egidio-
Romualdo Duni (1708 – 1775), venu vivre à Paris, qui établit la forme définitive de
l’opéra-comique : le récit chanté, jugé trop pesant pour le déroulement d’une intrigue
légère, est remplacé par la déclamation parlée mêlée d’ariettes94 qui prendront ensuite la
place des chansons et vaudevilles qui ne subsisteront plus que dans les comédies parlées.
94
L'ariette (de l'italien arietta : petit aria) est, en musique, un petit air léger et détaché. Le
genre apparut et se développa dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, en France.
Le Grand Opéra
Vers 1774, Wieland, auteur en 1775 d’un ouvrage intitulé « Recherche sur le drame
allemand », collabore avec Anton Schweitzer, directeur de la musique au théâtre de
Seydler à Weimar pour concrétiser l’idéal du grand opéra allemand avec Alceste (1773), un
opera seria écrit à la manière de Metastase, puis avec Rosamunde (1780), avec ouverture à
la française, orchestre important, récitatifs accompagnés, chœurs et ballets. Le goût du
drame prend un essor particulier avec, notamment, les œuvres de Ignaz Holzbauer (1711 –
1783). Pour autant, le genre ne s’implante pas profondément et durablement dans la
tradition lyrique allemande.
Le Singspiel
Parallèlement à ce Grand Opéra, une nouvelle forme de Singspiel se développe en
Allemagne vers 1770 comme s’étaient développés auparavant l’opera buffa en Italie et
l’opéra-comique, auxquels il se rattache d’ailleurs par le choix des sujets traités.
Deux courants du Singspiel se dégagent alors :
L’un foncièrement allemand, situé entre Weimar et Stuttgart et représenté par les
mêmes compositeurs allemands qui tentaient de promouvoir le grand opéra historique ou
mythologique.
Parmi les compositeurs allemands :
# Johann Adam Hiller (1728 – 1804). À Leipzig, il compose de petites comédies
musicales allemandes, Le Diable est lâché, Le Joyeux cordonnier, Le Barbier de
village, imitées des opéras-comiques sur livrets de Favart qu’il avait vus à Paris. Lieder
et chœurs populaires impriment à ces œuvrettes leur ton germanique.
# Christian Gottlob Neefe (1748 – 1798), premier maître de Beethoven à Bonn.
# Philipp Christoph Kayser (1755 – 1822), qui écrivit sur un livret de Goethe Scherz, list
und Rache en 1785.
# Johann Friedrich Reichardt (1752 – 1814), qui composa sur les livrets Erwin und Elmire
et Jery und Bätely de Goethe et qui fit aussi des adaptations d’opéras-comiques français.
Les compositeurs allemands utilisent à l’instar de leurs collègues français le terme de
vaudeville, dans le sens général de « chanson du commun peuple », parfois revêtu d’un
caractère satirique.
L’autre à Vienne et Eisenstadt, plus au sud donc, qui obtient ses lettres de noblesse lors
de l’ouverture par Joseph II d’un Théâtre de Singspiel en 1778 à Vienne. Ici, les Singspiele
ne sont pus interprétés par des acteurs mais bien par des chanteurs d’opéras. Le Singspiel
viennois se distingue dès lors par un haut niveau musical. Il renferme également des
éléments très variés, voire apparemment disparates (merveilleux, sentimentalité, farce,
idéalisme, etc.).
Ainsi, comme relaté ci-dessus, c’est encore une fois le triumvirat Italie-France-
Allemagne qui prime en ce qui concerne l’opéra classique. L’on peut remarquer une
évolution assez similaire en ce qui concerne les différentes formes d’opéras.
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, les formes opératiques dominantes sont les
opéras sérieux, les drames qui tentent à susciter l’émotion et l’admiration de la part du
public. Ce sont les Opere Serie en Italie, les Tragédies Lyriques de Rameau en France et
les Grands Opéras en Allemagne.
Puis, vers le milieu du siècle, un élément nouveau va agrémenter les scènes opératiques
européennes : le comique. Ce dernier se manifestera en Italie avec l’opera buffa, par
l’opéra-comique en France et par le Singspiel en Allemagne. Cette arrivée des ces opéras à
caractère plus joyeux et moins dramatique va ébranler l’équilibre qui était auparavant
présent, à tel point qu’Opere Serie, Tragédies Lyriques et Grands Opéras vont
progressivement disparaître.
Musique sacrée
1. Oratorio
La messe
La messe demeure le genre central de la musique sacrée catholique. Dorénavant, les
textes de la messe sont mis en musique par sections isolées : un Gloria ou un Credo peut
comporter toute une série d’airs ; on parle de « Messe à numéros » ou de Messe-cantate.
Il existe deux types de messes en musique classique :
# la Messe brève (ou Missa brevis), destinée aux dimanches ordinaux, comportant toutes
les saintes sections ou réduite à l’ensemble Kyrie-Gloria (accompagné parfois du
Credo) ;
# la Messe solennelle (ou Missa Solemnis), pour des occasions particulières, comportant
toujours la totalité des sections, ainsi que la plupart du temps une distribution
orchestrale plus importante (trompettes, trombones, timbales, etc.).
En Italie comme en France et en Autriche, pour les offices d’apparat, les Messes
concertantes avec soli, chœurs et orchestre, composées avec les mêmes moyens techniques
que les opéras, se généralisent contre la volonté des dévots.
Pour ce qui est de l’effectif habituel, il réunit quatre solistes du chant, un chœur à quatre
voix et un orchestre à cordes accompagné de deux hautbois. De même, la présence de trois
trombones (qui doublent en général colla parte les voix d’alto, de ténor et de basse) est
fréquente. L’orgue s’associe également volontiers à l’orchestre.
Le style des œuvres est finalement plus varié que l’on pourrait penser, puisque se
côtoient :
# le style napolitain, virtuose, utilisant des instruments concertants au service d’œuvres
aux dimensions assez importantes ;
# le style sévère, plus contrapuntique, qui tente d’illustrer tout le poids d’une tradition
séculaire (pas de virtuosité, contrepoint dominant, fugato, fugues, etc.). On en trouve
des exemples chez Padre Martini, l’un des professeurs de Mozart ;
# le style mixte, prôné notamment par les compositeurs autrichiens tels que Haydn ou
Mozart, qui trouve un équilibre entre le respect du texte, du contenu sacré, et
l’expressivité, la séduction de la musique.
HAYDN composa 16 messes à partir de 1750, dont les plus grands chefs-d’œuvre datent
d’après la réforme de Joseph II. Entre 1796 et 1802, Haydn composa en effet six messes de
vastes dimensions qui ouvrent la voie à la Missa Solemnis de Beethoven et aux
monuments romantiques. Ces six messes portent toutes un nom : Heiligmesse, Messe de
Lord Nelson, Theresienmesse, Missa in tempore belli, Harmoniemesse.
MOZART a écrit ses premières messes en 1768, à 12 ans. La plupart des 20 messes ou
parties de messes de Mozart ont été écrites pour Salzbourg avec 1780. Ses œuvres
catholiques phares sont : Messe du couronnement (1779), Messe en ut (1780), Grande
messe en ut mineur (1782 – 1783), Requiem (1791, achevé par Süssmayer, un jeune élève
de Mozart).
BEETHOVEN n’a quant à lui composa que deux messes : la première en ut majeur, opus
86 (1807), la seconde en ré majeur, opus 123 (1819-1823, dite Missa Solemnis). Œuvre
gigantesque, comparable au final de la Neuvième Symphonie, cette messe ne peut plus
trouver sa place au sein de la liturgie, du fait de la puissance des sentiments qui la
traversent (c’est ici davantage le destin de l’homme que la louange au création qui est le
moteur de l’œuvre). Avec cette Missa Solemnis, c’est l’ère du romantisme le plus généreux
et le plus expansif qui prend le dessus, jusqu’au cœur de la musique religieuse. L’exemple
de Beethoven inspirera les grands romantiques, et notamment Berlioz, Liszt, etc.
Musique instrumentale
1. Musique pour claviers
Le nouvel esprit qui apparaît dans la musique du XVIIIe siècle engendre aussi de
nouveaux genres et de nouvelles formes au sein de la musique pour clavier. On recherche
l’expression dans la ligne mélodie, l’accompagnement devient secondaire, à la polyphonie
baroque succède un type d’écriture dans lequel domine la voix supérieure, au-dessus d’un
accompagnement de caractère homophone, à la main gauche.
95
À quelques rares occasions, le compositeur peut choisir d’appliquer la forme sonate à
d’autres mouvements que le premier, bien que cela demeure minoritaire.
96
Johann Schobert est un musicien autrichien installé à Paris à partir de 1761, remarquable
par son introduction dans la musique pour clavier d’éléments de type symphonique,
inspirés de l’école de Mannheim, comme par exemple une relative densité polyphonique.
97
La notion de musique à programme s'applique généralement à des œuvres instrumentales
(parfois avec parties chorales ou voix solistes), sur un sujet évoqué ou précisé à l'aide d'un
programme plus ou moins détaillé. L’inverse de ce genre de musique, à savoir celle
composée en l’absence de tout élément extra-musical, sera nommé par nombre de
conservateurs agris et bornés « musique pure ».
2. La musique de chambre
La musique de chambre tient son nom de son lieu d’exécution : ni l’église, ni le théâtre,
mais bien la « chambre » du prince, c’est-à-dire des appartements princiers, auxquels se
joignent progressivement, au cours du XVIIIe siècle, ceux de la bourgeoisie. Musique de
solistes, elle se distingue aussi, à la période classique, de la musique de concert qui fait
appel à l’orchestre, voire aux chœurs, pour des prestations publiques. Comme à l’époque
baroque, la musique s’adresse à un petit cercle d’amateurs et de connaisseurs.
À l’époque classique, ce répertoire se répartit en plusieurs catégories :
1. Les sonates réunissant en duo le piano à un autre instrument soliste, le plus
souvent le violon ou le violoncelle ;
2. La musique destinée aux cordes seules (trios, quatuors, quintettes, etc.) ;
3. La musique destinée aux cordes associées au clavier (trios et quatuors à
clavier) ;
4. La musique de chambre spécifiquement destinée aux instruments à vent (trios,
quatuors, quintettes, octuors, etc.).
98
Le cor de basset fait partie de la famille des clarinettes, instrument à vent de la famille
des bois à anche simple. Basset signifie « petite basse », le cor de basset ayant un son plus
grave que la clarinette classique. Bien qu’il ne soit pratiquement plus joué de nos jours, il
était très en vogue pendant la période classique ; Mozart a d’ailleurs écrit de nombreuses
pièces mobilisant un ou plusieurs cors de basset.
Italie
La sinfonia s’adapte vers les année 1730-1740 au nouveau style (pré-)classique :
abandon de la basse continue, primauté de la mélodie, musique optimiste, pleine d’entrain,
etc. La sinfonia se compose alors de trois mouvements : vif-lent-vif.
Parmi les compositeurs qui s’intéressent à cette sinfonia qui devient progressivement
« symphonie » (en tant qu’œuvre orchestrale devenue indépendante) figurent Giovanni
Battista Sammartini (1700 – 1775), auteur de 80 symphonies environ, et Johann Christian
Bach (1735 – 1782), après avoir pris conseils chez Sammartini.
Sammartini écrivit ses symphonies, encore sous l’appellation sinfonia, à partir de 1734.
Sa musique riche en contrastes, dynamique, très chantante, exempte de réel travail
contrapuntique, plaît énormément et se répand dans l’Europe entière.
Angleterre – Londres
Ce style galant est repris par Johann Christian Bach, qui compose plus de 60
symphonies dans le style italien. Il importe ce modèle en Angleterre lors de son installation
à Londres, et le propose au public londonien notamment grâce aux Bach-Abel Concerts
qu’il organise en collaboration avec le violoniste allemand Friedrich Abel (1723 – 1787).
Les « Mannheimer » offrent à Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart une forme
moderne de symphonie qui ceux-ci vont magnifier et vivifier.
Vienne
À la même époque, les compositeurs viennois introduisent eux aussi progressivement le
menuet, issu de la suite et du divertimento, dans la sinfonia. Pour autant, nombre de ces
œuvres restent fidèles au modèle initial de symphonie en trois mouvements. L’esthétique
dominante est celle du style galant, bientôt rendu plus expressif, plus violement contrasté,
par le mouvement Sturm und Drang.
Les principaux compositeurs de cette génération sont Ignaz Holzbauer (1711 – 1783),
Georg Christoph Wagenseil (1715 – 1777) et Franz Aspelmayr (1728 – 1786), qui vont
préparer la voie aux trois grands viennois Haydn, Mozart et Beethoven.
99
Il avait donc 8 ans à l’écriture de sa première symphonie.
Paris
La capitale française connaît une grande activité de concerts publics, notamment grâce à
la création par Philidor en 1725 du Concert Spirituel. D’autres associations naissent
ensuite, telles les Concerts de la Loge Olympique, dirigés plus tard par le compositeur
hennuyer François-Joseph Gossec (1734 – 1829), installé de longue date à paris, où il
participe également à la création du Conservatoire de Paris en 1795.
La symphonie se développe donc considérablement à Paris, notamment sous l’influence
de Gossec ou Pleyel. Gossec compose plus symphonies intéressantes, restant toujours
fidèle au modèle initial de symphonie à trois mouvements. Il est le premier également à
introduire la clarinette au sein de l’orchestre symphonique français.
Par ailleurs, de nombreux compositeurs européens passent par Paris ou dédient certaines
de leurs œuvres aux concerts parisiens. C’est notamment le cas de Mozart, mais aussi de
Haydn, qui destine le cycle de ses « Symphonies Parisiennes » au Concert de la Loge
Olympique.
Autres instruments
Même si le violon et le clavier dominent largement leur époque en tant que dédicataires
des concertos nouvellement composés, d’autres instruments attirent l’attention et se voient
mis à l’honneur de manière plus ponctuelle. Citons notamment :
# le violoncelle (concertos de Boccherini, de Haydn, etc.) ;
# la guitare (concertos de Carulli, Giuliani, etc.) ;
# la flûte (concertos de Johann Christian Bach, Danzi, Mozart, etc.) ;
# le hautbois (concertos de Eichner, Lebrun, Mozart, etc.) ;
# la clarinette (concertos de Johann Stamitz, Carl Stamitz, Mozart, etc.) ;
# le basson (concertos de Eichner, Johann Stamitz, Mozart, etc.) ;
# la trompette (concertos de Molter, Haydn, etc.) ;
# le cor (concertos de Haydn, Mozart, etc.) ;
# etc.
Les concertos pour plusieurs instruments sont beaucoup plus rares mais, contrairement
aux concertos grossos, ils ne disparaissent pas complètement.
Ce type de concertos survit à Paris sous l’appellation symphonie concertante (on en doit
notamment à Giuseppe Maria Cambini ou aux compositeurs d’origine wallonne François-
Joseph Gossec et Antoine-Frédéric Gresnick).
À Vienne, Haydn n’a laissé qu’une symphonie concertante pour hautbois, basson,
violon et violoncelle (1792). Mozart s’est davantage intéressé au genre, puisqu’on lui doit
8 œuvres de ce type, dont 4 portent le nom de symphonie concertante (dont une célèbre
pour violon et alto), et 4 autres simplement le titre de concerto (dont un magnifique
concerto pour flûte et harpe).
Beethoven, de son côté, n’a laissé qu’un « triple concerto » pour piano, violon et
violoncelle op. 56 (1803-1804).
Né d'une famille d'une condition modeste, Haydn apprend très jeune quelques rudiments
de musique avec un de ses cousins puis à l'âge de 8 ans, il devient enfant de chœur de la
cathédrale Saint-Étienne de Vienne où il reçoit une formation de la part de son maître de
chœur Reutter le Jeune. Il y apprendra les bases du jeu du clavecin et du violon mais hélas,
à 18 ans, sa voix ayant muée, il est chassé de la maîtrise en 1749.
Il restera environ 10 ans à Vienne où il suivra des cours de chant et de composition
auprès de Nicola Porpora qui l'introduira également dans les milieux aristocratiques de
l'époque et se forma en autodidacte avec la méthode de Fux « Gradus ad Parnassum ».
Pendant cette période, il rencontrera des musiciens comme Carl Willibald Gluck. En 1759,
il devient maître de chapelle et directeur de musique du comte Morzin, certainement grâce
à la recommandation du baron von Fürnberg pour lequel il travailla quelques mois pendant
lesquels il composa ses premiers divertimenti et quatuors à cordes qui établirent sa
renommée. Selon son premier biographe, c'est à ce moment que Haydn compose sa
première symphonie. À cette époque, Haydn tombe amoureux d'une de ses élèves, Theresa
Keller, qu'il demande en mariage mais cette dernière étant destinée au couvent, il épouse
Maria Anna Keller, sa sœur ainée, avec qui il n'aura pas d'enfant.
Cependant la roue de la fortune tourne et le comte Morzin se retrouve sur le parvis sans
le sou, forcé de dissoudre son orchestre et de chasser ses musiciens. Haydn retrouve
rapidement un emploi auprès d'un des princes les plus fortunés d'Autriche à cette époque,
Né à Salzbourg d'un père violoniste, auteur d'une importante Méthode de violon et vice-
maître de la chapelle de l'archevêque de Salzbourg depuis 1763, Mozart est avec sa sœur,
les seuls survivants d'une famille de 7 enfants. Le jeune Amadeus témoigna très
rapidement des dons impressionnants et précoces pour la musique : il disposait d'une
oreille absolue très fine, d’une mémoire exceptionnelle, d’une capacité intuitive à saisir
l'essentiel, d’une grande imagination, de dons prodigieux pour l'improvisation, l'exécution
et la composition. À tel point que dès 1761 (il avait alors 5 ans), son père Léopold utilisait
ses compositions dans le cahier de musique de sa sœur. Au même âge, son père lui apprend
le clavecin et le jeune Mozart apprendra par la suite le violon, l'orgue et la composition.
Entre 1762 et 1766, Mozart part avec son père, alors employé par le prince-archevêque
Schrattenbach, et sa sœur Maria-Anna. Ils voyageront durant l'année 1762 d'abord jusqu'à
Munich puis jusqu'à Vienne où Amadeus joua pour l'Impératrice Marie-Thérèse. Et entre
1763 et 1766, ils effectueront une tournée beaucoup plus importante de l'ordre de l'Europe
géographique qui les emmèneront à Paris puis à Londres en passant par Munich de
nouveau, Augsbourg, Mayence, Francfort, Aix-la-Chapelle et Bruxelles.
La famille restera près de 15 mois à Londres où Mozart rencontrera Johann Christian
Bach, le plus jeune des fils de Bach, qui l'influencera énormément en lui faisant découvrir
le pianoforte, l'opéra italien et le forme à la composition des symphonies. Ainsi à 11 ans,
Mozart compose son premier opéra, Apollo et Hyacinthus (K.38). À leur retour, ils
passeront par La Haye, Amsterdam, Lausanne, Genève, Zurich et de nouveau Paris où il
rencontre Johann Schobert dont l'influence avec Johann Christian Bach sera marquante ;
leur tournée s’achèvera à leur retour à Salzbourg.
En 1769, Mozart est nommé Konzertmeister de l'archevêque Schrattenbach. Cette même
année, son père prend un congé sans solde et en profite pour emmener son fils en Italie
pour lui faire découvrir le pays de la musique. Mozart s'y rendra lui-même souvent
jusqu’en 1773. En Italie, Amadeus se forma au genre de l'opéra dans lequel il excellera ; et
grâce à son talent pour le travail sur les harmonies vocales ainsi que sa maîtrise de la
polyphonie, il donnera ses lettres de noblesse à ce genre. À Bologne, il se lie avec le Padre
Martini qui lui donna quelques leçons de contrepoint ; il est également admis membre de la
célèbre Accademia Filarmonica. À Milan, il rencontre des compositeurs comme Niccolo
Piccinni et Sammartini, lequel est très actif dans le domaine de la symphonie. À Naples, il
100
Une hypertrophie désigne un développement excessif, exagéré de quelque chose.
L’évolution beethovénienne
Beethoven, comme écrit plus haut, est un maître équilibriste qui jongle avec une aisance
redoutable entre la forme et l’anticipation romantique sans que l’un ne vienne entacher
l’autre.
Il se passe en parallèle à toutes percées cérébrales des compositeurs à cette époque une
évolution des possibilités instrumentales, de leurs emplois ainsi que de leurs performances,
une évolution que les symphonies de Beethoven permettent de suivre assez aisément,
retraçant ainsi l’évolution de la musique instrumentale sous l’influence du courant
romantique. L’on remarque aussi dans l’analyse de l’instrumentation de ces symphonies
que le maître viennois n’emploie pas systématiquement les avancées qu’il accorde à
certains instruments. Si Beethoven ajoute une série de trombones dans sa Cinquième
Symphonie, dite du « Destin », rien ne l’a empêché de les retirer pour sa Septième
Symphonie. De même que pour le style d’écriture, rien ne l’empêche après une percée
majeure dans l’écriture de revenir à un style plus classique.
Parlant de l’orchestre, Beethoven est l’un des premiers, sinon le premier, à faire sortir
les trombones de la musique sacrée en les ajoutant dans l’orchestre. Il les emploie pour
leur qualité à pouvoir renforcer le son des cuivres et apporter une nouvelle richesse dans la
palette des couleurs sonores. Si la distribution standard de l’orchestre ordonne de grouper
les bois par deux, d’avoir deux cors, deux trompettes, deux timbales, etc. Beethoven fait
allègrement varier cet effectif selon ses désidératas (ajout de chœurs et solistes, piccolos,
trombones, etc.).
101
L’opéra n’était en effet pas sa grande ambition ; il refusera d’ailleurs de nombreuses
commandes d’opéra. Ici, c’est parce que le livret est davantage porté sur l’humanité et le
destin collectif, sujet qui lui porte à cœur, que Beethoven en a accepté la composition
102
Le fait qu’un compositeur romantique soit de nouveau maître de chapelle est un
élément qui se raréfie de plus en plus à l’époque. En effet, les romantiques se dissocient
davantage de l’Église et ne se soumettent dès lors plus forcément aux autorités religieuses
qui ne peuvent qu’enclaver leur génie compositionnel dans des œuvres uniquement dédiées
au culte. Un seul grand compositeur romantique, excepté Wagner, deviendra maître de
chapelle une partie de sa vie: Franz Liszt (1811 – 1886).
103
Pour rappel, les Minnesinger et Meistersinger sont des maîtres de musique et de poésie,
directement issus des troubadours et trouvères en France, qui font partie intégrante de la
culture musicale allemande.
L’opérette
L’opéra-comique allemand, calqué sur le modèle français, naît au XIXe siècle sans pour
autant avoir un catalogue d’œuvres répertoriées aussi vaste que son homologue français.
La principal référence à ce genre est une œuvre d’Otto Nicolai (1810 – 1849) , l’un des
fondateurs de l’orchestre philharmonique de Vienne : Les Joyeuses Commères de Windsor.
Il s’agit en réalité d’une version revisitée de Falstaff de Shakespeare. Cette œuvre de
Nicolai influencera même Verdi pour l’écriture de son propre opéra, elle-même nommée
Falstaff.
Mais le genre de fait guère preuve de notoriété en-dehors de l’Allemagne. L’on peut
tout de même citer une version du Barbier de Séville plus exotique, rebaptisée Le Barbier
de Bagdad de Peter Cornelius, ou même Le Tsar et le Charpentier de Albert Lortzing.
À la fin du XIXe siècle, l’opéra-comique se fixe à Vienne pour se changer en opérette,
genre phare de la famille Strauss. Le ton y est léger, teinté de sentimental et parfois portant
la critique sur le public, voire même se changeant en satire sociale. Cette opérette remplace
l’opéra-comique allemand et l’unique exemple célèbre internationalement fut écrit par
Johann Strauss fils, Die Fledermaus.
Il n’y a que peu de critiques sociales dans l’opérette et les histoires intrinsèques sont
souvent très étriquées. Johann Strauss en profite surtout pour se citer au moyen de danses
et polka qui l’ont rendu célèbre.
2. L’Italie
104
Par ailleurs, ayant déjà amassé une richesse plutôt importante grâce à ses succès passés,
Rossini n’avait plus vraiment besoin de composer pour vivre.
Querelle des Bouffons et Réforme Décors, costumes, etc. sont emprunts d’un faste
de Gluck dérangeant
Spécialiste : A.E.M. Grétry Les livrets proposent une grande quantité de
Présence de dialogues parlés et de personnages, de foules, etc.
musique (similitude avec le Le faste introduit des effets spectaculaires et
Singspiel) impressionnants
Progressive « romantisation » des Le Grand Opéra est entièrement chanté
sujets. L’étranger : Berlioz
1850
Comique : Opérette Tragique : Drame lyrique (similaire à l’opéra romantique
italien et allemand)
L’opéra devient un pur
divertissement, beaucoup plus Supplante entièrement le Grand Opéra
comique La figure de proue : Ch. Gounod ainsi que
Léger retour en arrière vis-à-vis de la Massenet
sentimentalisation de l’opéra- Réaction contre le romantisme exacerbé,
comique amorce du mouvement réaliste puis du
Le spécialiste : J. Offenbach naturalisme entre 1870 et 1900
Direction Temporelle
Durant toutFigure
le XIXeIV – 1 est
, Paris : Évolution deeuropéenne
la capitale l'opéra en France à l'ère
de l’opéra, romantique
devenue activité phare dans
la Ville Lumière.
L’opéra avant 1850
Le Grand Opéra représente le genre noble par excellence avant 1850, très prisé par la famille
impériale.
Durant tout Lesle XIXe, Paris
compositeurs de ce genre
est sont souvent
la capitale des italiens installés
européenne à Paris devenue
de l’opéra, : activité phare
dans la Ville Lumière.
Le Grand Opéra représente le genre noble par excellence avant 1850, très prisé par la
11
famille impériale. Les compositeurs de ce genre sont souvent des italiens installés à Paris :
# Luigi Cherubini (1760 – 1842), qui composa principalement en français. Il était
reconnu comme un orchestrateur raffiné, dont Berlioz s’est beaucoup inspiré, et un
compositeur de transition. Il fut également entre autre directeur du Conservatoire de
Paris. Cherubini oscille entre Grand Opéra et opéra-comique.
Les tragiques
Le drame lyrique constitue durant la seconde moitié du XIXe siècle, le genre sérieux de
l’opéra français. Il est d’une part assez semblable à l’opéra romantique italien notamment
par ses caractéristiques :
# resserrement du nombre de personnages et de l’action ;
# empreintes romantiques générales mais avec une réserve sur le domaine fantastique ;
105
Mendelssohn sera d’ailleurs le précurseur de ce retour à la musique de Bach : outre le
fait que ce soit lui qui ait remonté la Passion selon St-Mattieu en 1829 pour en fêter le
centenaire, avec une orchestration revue aux goûts du jour, Mendelssohn a également
étudié l’esthétique du maître baroque pour écrire lui-même quelques œuvres avec basse
continue.
Le lied et la mélodie
En réalité, il n’y a que très peu d’éléments qui dissocient lied et mélodie, à part le fait
que le lied se limite à la mélodie allemande.
Le violon
L’intérêt du violon ne se voit pas amoindri ; bien au contraire ! Les quelques grands
violonistes virtuoses de l’époque sont Rodolphe Kreuzer, Niccolo Paganini, etc. Étant
donné que les grandes salles de concert apparaissent, les tournées de concerts s’organisent
de plus en plus pour les grands interprètes et virtuoses qui peuvent maintenant vivre
presque uniquement grâce à leur talent. C’est ainsi qu’il faudra dès lors différencier les
compositeurs-musiciens, à savoir des compositeurs avant tout et qui écrivent pour toutes
les formations instrumentales, bien qu’ils soient d’excellents instrumentistes (c’est par
exemple le cas de Schumann ou de Brahms) et les musiciens-compositeurs, à savoir des
virtuoses avant tout qui ont également exercé une fonction secondaire de compositeur en
écrivant essentiellement sinon entièrement pour leur instrument (c’est par exemple le cas
de Kreuzer et Paganini).
Les grands violonistes de l’époque sont les suivants :
# Niccolo Paganini (1782 – 1840) est la superstar violonistique de l’époque. Ses talents
et sa virtuosité époustouflante au clavier suscitent tant l’admiration que la crainte. En
effet, l’on se demande comment un personne humaine peut jouer si vite et si
magnifiquement avec seulement dix doigts. C’est ainsi que Paganini est souvent
comparé au diable, comparaison que Paganini aime diffuser par lui-même.
# Joseph Joachim (1831 – 1907) est très grand violoniste lui aussi ; c’est à lui que
Brahms a dédié son concerto pour violon en ré majeur.
# Charles de Bériot (1802 – 1870) est un grand violoniste belge, premier d’une grande
école du violon essentiellement liégeoise (bien qu’il soit né à Louvain). De Bériot a été
marié à une cantatrice extrêmement connue, qui malheureusement mourut très jeune, ce
qui affecta considérablement de Bériot. En plus d’être un excellent violoniste, il était
aussi un éminent pédagogue et n’a donc eu de cesse de partager son art.
# Henri Vieuxtemps (1820 – 1881) est un violoniste verviétois élève de de Bériot. Ses
grandes tournées lui permettront de faire des rencontres importantes, comme avec
Schumann, son grand ami, Paganini et même Wagner. Il va enseigner quelques années
au conservatoire de Saint-Pétersbourg, y implantant une approche belge de l’instrument.
L’on peut donc dire que l’actuelle école russe du violon est en partie due à l’influence
de Vieuxtemps. À son retour de Russie, il fera la création des Concerts Populaires,
Le piano
Pour le piano, il s’agit approximativement du même topo. Il y a l’apparition dès le début
du XIXe siècle de grands pianistes virtuoses et qui prendront le relais après Czerny,
Diabelli, etc. Souvent, leurs pièces ne sont pas souvent très intéressantes musicalement, ne
faisant état que de prouesses techniques. De nouvelles formes vont être adoptées,
notamment le nocturne de John Field (1782 – 1837), compositeur et pianiste irlandais.
Peu avant la moitié du XVIIIe siècle, le pianoforte cède progressivement le pas au
piano, encore une fois pour plus de puissance sonores et de couleurs harmoniques.
L’on peut considérer que le catalogue pianistique est bipolaire : d’une part il y a une
abondance de grandes pièces, souvent plus classiques et plus « conservatrices », telles que
la sonate, le concerto, etc., et d’autre part une multitude de petites pièces, des miniatures de
forme libre, expliquant l’abondance de la nomenclature des pièces pour piano (comme le
Nocturne, le Prélude, l’Impromptu, la Romance sans parole, la Mazurka, l’Intermezzo, la
Ballade, le Moment musical, etc.).
Les principaux compositeurs à s’intéresser au piano sont les suivants :
# Franz Schubert (1797 – 1828) fait partie des seuls compositeurs pianistes à ne pas
avoir du tout fait carrière à l’instrument, étant donné qu’il n’était pas munis de dons
techniques remarquables. Sa production pour son instrument est de ce fait plus
intérieure et vise quelque chose de plus profond qu’une simple technique ostentatoire.
Son œuvre est emprunte de nostalgie et de débats intérieurs houleux, de paix,
d’admiration et surtout de crainte de la mort, lui qui est décédé à 31 ans de la syphilis.
# Carl Maria von Weber (1786 – 1826) est quant à lui l’extrême inverse de Schubert : sa
musique est extrêmement virtuose et spectaculaire, étant donné qu’il est doté de
capacités pianistiques bien supérieures à la moyenne, à tel qu’elle manque à certains
moments de calme et d’intériorité.
# Felix Mendelssohn (1809 – 1847) est un des rares compositeurs de l’époque à ne pas
avoir de problèmes d’argent : il est issu d’une famille de banquier et reçoit dès lors une
remarquable éducation. En plus d’être un excellent musicien, il est aussi doué pour le
dessin. Il commencera carrière très tôt, non seulement en tant que pianistique,
compositeur mais également en tant qu’organisateur de la vie culturelle de l’époque,
notamment via le retour à la musique de Bach qu’il va remettre au goût du jour et dont
il s’inspirera dans sa production, prenant dès lors part au mouvement cécilien. Il écrira
d’ailleurs quelques pièces avec basse continue, des pièces pour orgues, etc. Il sera aussi
à la base de la création du conservatoire de Leipzig qui deviendra un des pôles les plus
importants concernant l’orchestration et la musique symphonique pour les dizaines de
décennies à venir. Mendelssohn a beaucoup voyagé, ce qui explique les titre de ses
symphonies (L’Italienne, L’Écossaise, l’ouverture Les Hébrides, etc.). Sa production
106
C’est d’ailleurs ce qui inspira Chopin dans l’écriture de son étude célébrissime op. 10
numéro 12 en do mineur, surnommée Révolutionnaire.
107
Stephen Heller, un autre pianiste de l’époque, rapporte que « Sa main [Chopin] couvrait
un tiers du clavier comme une gueule de serpent s’ouvrant tout à coup pour engloutir un
lapin d’une seule bouchée »
108
La légende voudrait que Brahms se soit endormi pendant que Liszt exécutait sa célèbre
Sonate en si mineur.
La musique de chambre va encore une fois occuper une place importante dans le
paysage musical romantique. Cela s’explique par le fait que ce type de musique, à l’instar
de la musique soliste, est parfaite dans le cadre des salons qui bourgeonnent partout depuis
la fin du XVIIIe siècle. La plupart du temps, les modèles hérités du Classicisme seront
conservés, surtout au niveau de leur structure.
Le quatuor à cordes gardera son statut de maître et sera considéré comme le genre
chambriste par excellence. En effet, composer un quatuor à cordes requiert une très grande
habileté d’écriture, cette dernière ne pouvant pas être camouflée derrière une orchestre
maîtrisée ou une virtuosité extravagante. C’est ainsi que le répertoire pour cette disposition
n’aura de cesse de l’élargir, notamment avec les seize quatuors à cordes de Franz Schubert,
les quatorze de Antonín Dvořák, trente-six de Georges Onslow, etc.
Un vœu du XIXe siècle sera de commence à étoffer l’écriture musicale ; c’est ainsi que
parfois viendront se substituer aux quatuors des quintettes, des sextuors voire même des
octuors. Ces derniers peuvent être vus comme un dialogue entre deux quatuors à cordes
comme le fit par exemple Ludwig Spohr.
Pour ce qui est du piano, son répertoire chambriste s’accentue. Le trio à cordes tombe
petit à petit en désuétude après Schubert, au détriment des quatuors à clavier et du quintette
à clavier (ici aussi, il y a une tendance à fournir davantage l’écriture). La Sonate occupera
elle aussi toujours une place très importante, les deux instruments requis pour son
exécution ayant toujours de plus en plus de choses différentes à dire.
Pour ce qui est du répertoire pour vents (avec ou sans clavier), il est d’une très grande
diversité. En effet, excepté le quintette à vent (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson)
hérité du Classicisme et d’Anton Reicha et qui subsistera tout au long du Romantisme, l’on
retrouve dans le répertoire pour vents beaucoup de distributions inédites. Souvent, l’on
greffe aux cordes un instrument à vent. Les exemples sont multiples allant des trios piano,
violoncelle et cor, aux trios et quintettes avec clarinettes chez Brahms, au septuor avec
clarinette ou à l’octuor mêlant cor, clarinette, basson et contrebasse au traditionnel quatuor
à cordes chez Schubert.
Au niveau clairement esthétique, l’on peut diviser la production chambriste du XIXe
siècle en trois catégories distincte :
# les œuvres d’école, comme le quatuor à cordes, où l’écriture est certes pure mais
de très bonne qualité ;
# des œuvres « expérimentales » où l’on teste des choses et qui s’adressent la
plupart du temps aux amateurs éclairés ;
# des œuvres ostentatoires, plus séduisantes, brillantes, un peu extérieures mais qui
font leur effet à l’époque mais qui sont artistiquement inférieures au reste du
répertoire, par leur dimension très (trop) virtuose ; ces œuvres sont souvent
composées par des musiciens-compositeurs et consistent en des bis lors de leurs
nombreuses tournées à travers l’Europe.
3. La musique orchestrale
109
Il suffit par exemple de citer par exemple la Huitième Symphonie de Gustav Mahler
(1860 – 1911), dite des « Milles » car requérant plus de mille personnes
110
Le chiffre neuf n’est pas un hasard, c’est un chiffre « magique » faisant référence aux
neuf symphonies de Beethoven, l’inventeur de la symphonie romantique.
Le poème symphonique
C’est lors qu’il est maître de chapelle à Weimar, où il dispose d’un orchestre, que Liszt
va se placer à l’apogée de sa production symphonique. De cette période de sa vie
surgissent deux symphonies à programme que nous venons de citer mais aussi et surtout
une nouvelle forme symphonique qui va venir supplanter la symphonie à programme
proposée par Berlioz. Cette nouvelle forme musicale, qui est sans doute la seule innovation
formelle de la période romantique, est le Poème symphonique. Avec ce dernier, Liszt
rompt avec le principe même de la symphonie vu qu’il ne s’agit ici que d’un seul
mouvement de forme totalement libre, décrivant un élément extra-musical fort. Ainsi,
grâce à cela, Liszt ne se voit pas obliger comme Berlioz de limiter à découper son génie en
plusieurs mouvements. Le poème peut ou non s’articuler lui-même en une succession
d’ambiances différentes, ou non : le compositeur est le seul maître à bord !
Le premier poème symphonique de Liszt, Ce qu’on entend sur la montagne, date de
1848 et sera suivi par douze autres poèmes, parmi lesquels Les Préludes, Orphée,
Prométhée, Mazeppa, Hungaria, Hamlet, etc. De nombreux compositeurs postérieurs
composeront des poèmes symphoniques : c’est un moyen musical « simple » de s’exprimer
sans devoir se borner à respecter des règles formelles paralysantes idéologiquement
parlant. Parmi ces compositeurs, l’on peut citer César Franck (Le Chasseur Maudit),
Richard Strauss (Ainsi parlait Zarathoustra), Jean Sibelius (Finlandia), Bedřich Smetana
(La Moldau), Nikolai Rimski-Korsakov (Shéhérazade), Modeste Moussorgski (Une Nuit
sur le Mont chauve), Sergei Rachmaninov (L’Île des morts), Claude Debussy (La Mer,
Prélude à l’Après-midi d’un Faune), Alexandre Scriabine (Poème de l’extase), etc.
Autres formes
# L’ouverture est elle aussi issue du classicisme et n’ouvre parfois sur rien et devient
alors une véritable œuvre de concert. L’ouverture présente par conséquent de
nombreuses ressemblances avec le poème symphoniques, si ce n’est qu’elle comporte
moins de contraste de dynamiques et de nuances, qu’elles est moins directement reliée à
un élément extra-musical et que l’unité thématique y est assez limitée. L’on peut par
exemple citer l’ouverture Les Hébrides de Mendelssohn ou bien l’Ouverture pour une
fête académique de Brahms.
# Les ballets pantomimes, c’est-à-dire où les personnages de l’intrigue sont interprétés
par des danseurs, vont commencer à davantage se populariser, notamment en Russie.
Cela vient du fait que le modèle français, très porté sur la danse et les ballets depuis les
débuts du Baroque, est fort imprégné dans la culture russe de l’époque (presque tous les
Russes savent parler le Français). Tchaïkovski est sans doute le premier grand champion
du genre, suivi rapidement par la compagnie des Ballets Russes avec notamment des
œuvres de Stravinski, De Falla, Debussy, etc.
# Les musiques de scène sont statistiquement moins nombreuses au sein de la littérature
orchestrale et sont donc la plupart du temps bien moins connues. L’on peut tout de
1. Les Franckistes
Vincent d’Indy (1851 – 1931), le plus brillant élève de Franck et le défenseur le plus
acharné des idées franckistes. Il créa la Schola Cantorum, institution rivale du
Conservatoire de Paris. Il y a été professeur de direction d’orchestre et maître de Roussel,
Satie, Honegger et Auric, futur grand spécialiste de la musique de film. Outre de
nombreuses œuvres pour piano, il a écrit une Symphonie « Sévenole » avec piano soliste et
s’est également essayé à l’opéra en proposant le seul opéra français ayant tenté de calquer
le modèle wagnérien : Fervaal. D’Indy était le grand rival de Debussy – la rigueur
s’oppose à l’impressionnisme.
Henri Duparc (1848 – 1933) : compositeur excessivement perfectionniste, il brûla
l’essentiel de ses compositions ne laissant que quelques fragments de son œuvre, dont un
cycle 17 mélodies jugées comme le sommet de l’art vocal, composé au prix d’un effort
surhumain, 2 poèmes symphoniques (Léonor et Aux Étoiles), quelques pages pour le piano
(Les Feuilles Volantes) et la musique de chambre avec une Sonate pour piano et
violoncelle.
Ernest Chausson (1855 – 1899), suivit des cours privés avec César Franck et fut
également secrétaire de la Société Nationale de Musique. Chausson était à mi-chemin entre
Franck et Wagner, assistant à diverses représentations de ses opéras. Il est l’auteur de très
belles pièces de mélodie et de musique de chambre mais n’eut que très peu de succès à
l’époque car il n’a pas fait les choses comme tout le monde. Chausson était très exigeant
avec lui-même et était par conséquent très gêné de présenter ses œuvres. Au niveau de
l’argent, il était entre aisance financière et vie bohème mais demeure extrêmement
généreux – il n’a de cesse d’aider les autres mais personne ne l’aide lui en retour. Il
composa des œuvres certes très connues aujourd’hui mais qui n’eurent que très peu de
succès de son temps. Bien que Franckiste, il essaie d’innover notamment du point de vue
harmonique en colorant sa musique de touches impressionnistes voire parfois
wagnériennes avec toutefois beaucoup de finesse. Il excella dans les petites formes ainsi
que dans la musique de chambre mais eut peu d’entrain de la part du public de son époque.
Cependant, en 1892, il créa le Concert en ré majeur op. 21, une œuvre de musique de
chambre en quatre mouvements, pour trois violons, alto, violoncelle et deux pianos, qui
s’illumine de couleurs très impressionnistes, concert qui fut acclamé. Ce concert fut créé à
Bruxelles, à l’ancêtre des Bozar. Chausson est décédé à l’aube du XXe siècle d’une
malheureuse chute de vélo.
111
À vrai dire, Chabrier n’a pas eu beaucoup en ce qui concerne ses opéras: il perdit la
partition d’un d’entre eux à cause d’un incendie survenu dans l’opéra entre la répétition
générale et la première.
Ce n’est que dans les années 1870 qu’il se ressaisit et commence une production
relativement féconde avec son Concerto pour violon (1874) et sa Symphonie espagnole
pour violon et orchestre (1875), œuvres avec lesquelles il remportera un succès plus
important. Plusieurs commandes lui seront dès lors adressées, dont un ballet, fort apprécié
par Debussy. Il écrira plus tard un autre concerto pour violoncelle et un autre pour piano. Il
produit également de la musique de scène et un ballet, Namouna. Il écrivit également des
opéras dont le « Roi d’Ys ». Vers la fin de sa vie, il se remettra à la musique de chambre,
comme au début de son œuvre, notamment avec des Rhapsodies Norvégiennes.
3. L’Impressionnisme
L’impressionnisme est une appellation qui est issue de la peinture impressionniste ayant
elle-même obtenu ce nom d’après le nom d’une toile (Impressions, soleil levant de Monet).
La peinture visait jusque-là à être proche de réalité oculaire, les peintres travaillaient
également dans des ateliers, souvent sur des sujets historiques, affectés par le phénomène
de « gigantisme ». Ces peintures, qu’elles soient réalistes ou naturalistes, dans la période
avant 1860-1870, sont relativement académiques.
112
Le symbolisme en peinture se rapproche de l’impressionnisme à bien des égards vu que
tous deux cherchent à ne pas décrire objectivement la réalité mais à mettre en lumière le
ressenti que l’on en a. Cependant, ce lien avec l’univers du rêve et du subconscient est
apporté chez les impressionnistes par le biais de la technique de peinture floue où lignes et
couleurs se mélangent délicieusement tandis que chez les symbolistes il est amené par le
truchement des symboles. En peinture, les symbolistes sont menés de loin par Fernand
Khnopff (1858 – 1921) ; en poésie, les symbolistes sont nombreux (Verlaine, Rimbaud,
Mallarmé) bien que le courant fût anticipé par Baudelaire.
Ainsi, Debussy est l’un des premiers à faire abstraction de la tonalité et à démontrer
qu’il n’est plus utile de rester dans le cadre strictement tonal pour composer. À ses débuts,
l’impressionnisme musical est donc un phénomène typiquement et uniquement français.
Cependant, en plus d’influencer d’autres compositeurs français comme Maurice Ravel, il
va progressivement contaminer des compositeurs étrangers comme Frederick Delius
(Allemagne), Ralph Vaughan Williams (Angleterre), ou encore Ottorino Respighi (Italie).
Comme dit plus tôt, Debussy ne sera pas seul : plusieurs compositeurs adeptes de ce
genre d’écriture, qu’il soient Français ou non, vont rapidement lui emboîter le pas, sans
pour autant totalement copier son écriture.
113
Il faudra attendra 80 ans plus tard pour que le pianiste et chez d’orchestre hongrois
Zoltán Kocsis n’entreprenne d’orchestrer les deux pièces restantes, la Fugue et la Toccata.
5. Le néoclassicisme
Le néoclassicisme est un mouvement français autour des années 1920, lancé par un
jeune groupe d’artistes qui sont contre tout, autant le postromantisme que
l’impressionnisme. Le parrain de ce mouvement a été désigné a posteriori : Éric-Alfred-
Leslie Satie, dit Erik Satie. La réaction néoclassique se fait sur 2 points :
1. L’attitude objective, à savoir la clarté, l’objectivité, l’ordre et la structure. On ne
cherche pas l’expression mais plutôt des structures pour parvenir au jeu sonore agréable.
Il y a un retour aux formes du passé, classique et baroque (concerto grosso, fugato,
danses anciennes). Ce mouvement influencera notamment Stravinski pour un de ses
ballets. La pulsation est demandée régulière, claire, à l’inverse des constructions
complexes antinaturelles. Tous les adhérents à ce mouvement ont un penchant pour la
musique pure ; et dans la musique vocale, on s’efforce de rester le plus neutre possible.
2. La recherche du plaisir immédiat : les savantes constructions sont délaissées au profit
d’une musique à séduction instantanée, influencée par le jazz, le music-hall.
Vient s’ajouter également une idée nationaliste à ce mouvement défendu comme
français, par l’écriture du poème de Jean Cocteau Le Coq et l’Arlequin. Et dans son rejet,
le futur Groupe de Six ne conservera qu’Erik Satie que se membres considèrent comme le
modèle et la source de leur inspiration. Cette simplicité et ce rapport à la musique tonale
permettent de retrouver une musique « qui fait plaisir » après l’horreur subie lors de la
Première Guerre Mondiale pour enfin retrouver une joie de vivre. Par exemple, les
néoclassiques trouvent que le dodécaphonisme n’est pas une musique optimiste.
Cependant, tous les néoclassiques n’auront pas tous la même esthétique (Honegger,
Milhaud, Satie et Poulenc ne font pas du tout la même musique !) mais ils se fondent sur
un même système. Même des compositeurs étrangers comme Prokofiev et Stravinsky en
résidence provisoire en France vont adopter ce néoclassicisme dans leurs œuvres
personnelles.
114
Il ne s’agit bien sûr pas du dessin-animé Disney (qui n’existait tout simplement pas
encore) mais bien du conte originel sur lequel s’est basé le célèbre businessman américain.
115
Bien qu’il soit également influencé par l’atonalité de Schoenberg, Honegger ne
l’emploie que comme un moyen pour renforcer une couleur particulière, et non comme une
fin en soi.
116
La « Pacific 231 » est un modèle de locomotive utilisé par les Américains pour passer
de la côte Ouest à la côte Est. C’est en quelque sorte la Rolls Royce en terme de
locomotives.
117
Le mot risorgere signifie en français « renaissance » ; le Risorgimento correspond donc
à l’unification italienne au XIXe siècle.
118
En fin de compte, les Russes ne gagneront pas encore leur liberté étant donné que cette
révolution aboutira à la prise du pouvoir des Bolcheviks qui dont le Communisme infectera
l’URSS jusqu’à sa dislocation en 1991.
119
En effet, la France et la Russie sont au niveau des arts plus qu’étroitement corrélées. En
Russie le modèle français et a fortiori le modèle parisien est très présent dans les mœurs de
l’époque, et cela ne se ressent pas qu’en musique : le Français est par exemple une langue
fort pratiquée en Russie à l’époque. Ce n’est donc pas un hasard si Serge de Diaghilev
(1872 – 1929), fondateur des célèbres Ballets russes, en 1909, choisit Le Théâtre du
Châtelet de Paris pour lancer sa première saison. C’est d’ailleurs dans cette idée que ce
développe la Triple Entente, un pacte diplomatique qui lie le Royaume-Uni, France et
l’Empire Russe à l’aube de la première guerre mondiale.
120
C’est pour cela que le Conservatoire de Saint-Pétersbourg s’appelle communément
aujourd’hui le Conservatoire Rimski-Korsakov.
121
Rachmaninov a été en effet volontairement exclu étant donné que d’une part, nous en
avons déjà parlé, et que d’autre part, il fait partie de la génération précédente.
122
Stravinski fait en effet partie des rares compositeurs à être passé par plusieurs
esthétiques radicalement. On classe souvent l’évolution de Stravinski en trois périodes
créatrices : la période russe, la période néoclassique et la période sérielle.
123
Excepté Pluton, qui ne fut découverte par les Américains qu’en 1930.
Il aime donc aller fouiller dans l’histoire du peuple anglais à la recherche de mélodies et
de thèmes oubliés. C’est ainsi qu’il écrivit une Fantaisie sur un thème de Thomas Taillis,
compositeur de la Renaissance, pour grand orchestre à cordes.
Vaughan-Williams est également un grand symphoniste : il est l’auteur de neuf
symphonies, aux caractères très différents, dont une Antartica proche des symphonies de
Sibelius, une autre Pastorale aux couleurs françaises, la sixième composée pendant la
Deuxième Guerre Mondiale. Il a également écrit des opéras : Pilgrim's Progress, Sir John
in Love, Riders to the Sea, mais il ne se sont pas exportés.
Dans l'écriture, Vaughan-Williams se rapproche parfois de Chostakovitch et se veut très
tonal, bien que quelques touches de modalité éparses viennent parfois colorer son œuvre.
1. Finlande
2. Norvège
Le Sibelius norvégien est assurément Edvard Grieg (1843 – 1907). Bien qu’il ne soit
historiquement parlant pas le premier compositeur norvégien à avoir été connu ; le premier
est en effet Rikard Nordraak (1842 – 1866), Grieg est néanmoins celui qui sera connu sur
le long terme. Il étudie au Conservatoire de Leipzig, travaillera au Danemark auprès de
Niels Gade (premier compositeur connu au Danemark, possession de la Norvège jusqu’au
XXe siècle), et travaillera également avec Nordraak. En collaboration avec Johan Svendsen
(1840 – 1911), Grieg va créer une Société de Musique Norvégienne en 1871. Grieg reçoit
en 1874, tout comme Sibelius, une bourse d’État. Il ne quittera presque plus la Norvège
(sauf pour des tournées de concerts) et restera très fidèle à son pays.
La musique de Grieg est avant tout romantique, teintée de couleurs influencées par la
musique populaire et le folklore norvégien. C’est également un inventeur de mélodies qui
restent à l’esprit, raison pour laquelle sa musique est souvent utilisée dans les publicités,
encore aujourd’hui. Il a utilisé l’art de la musique de scène, avec notamment Peer Gynt qui
accompagne un texte d’Henrik Ibsen, créateur entre autres de la petite sirène.
Grieg a composé des mélodies, des œuvres chorales, de la musique de chambre, de la
musique pour piano (notamment le cycle des pièces lyriques), deux quatuors à cordes et
d’autres œuvres d’orchestre (des suites de danses symphoniques, des danses norvégiennes,
la suite lyrique, etc.). Il n’a pas composé de poèmes symphoniques, ni de symphonies, ce
qui est plutôt étonnant pour un compositeur scandinave.
Une autre figure norvégienne moins dominante est Christian Sinding (1856-1941) Ce
dernier étudie le violon à Oslo puis poursuit ses études en Allemagne au Conservatoire de
Leipzig avec Salomon Jadassohn et Carl Reinecke pour la composition. Il y rencontre
notamment le jeune Ferruccio Busoni. Il est nommé comme membre d'honneur de
l'Académie Royale des beaux-arts de Berlin en 1909 avec Giacomo Puccini.
Entre 1920 et 1921, il se rend aux États-Unis afin d'y enseigner la composition à la
Eastman School of Music de Rochester à New York. Il retourne peu après à Oslo où sa
réputation de compositeur fait qu'il lui est attribué une demeure par l'état.
Son style musical reste romantique et son inspiration est assez peu « nationale », moins
que son compatriote et contemporain Edvard Grieg. Il a écrit nombres d'assez courtes
pièces de musique de chambre ou chants, et beaucoup pour le violon, son instrument de
prédilection.
Pour ce qui est du Danemark nous citerons deux compositeurs importants, l’un plus
discret, l’autre davantage connu.
Le premier est Niels Gade (1817 – 1890). Ce denier fut professeur à l’illustre
Conservatoire de Leipzig, avant d’enseigner à Copenhague. Il sera notamment le
professeur de Grieg. Il est un représentant du Danemark (sources populaires), mais ce n’est
pas le principal.
Le second et principal compositeur danois est Carl Nielsen (1865 – 1931), qui est
l’équivalent pour le Danemark de Grieg pour la Norvège et de Sibelius pour la Finlande. Il
a composé six symphonies, deux opéras (dont un opéra-comique, Maskarade, grand opéra
en danois considéré comme l’opéra national fondateur).
Nielsen a également écrit des mélodies et de la musique chorale, donnée permanente
pour tous ces compositeurs du nord. Il a composé une cantate en latin, Hymnus amoris,
dans laquelle il y a des références à l’ancien en quittant le folklore national, ce qui est très
singulier à l’époque.
L’on peut également recenser dans le corpus de Nielsen un concerto pour clarinette.
4. Suède
Europe de l’Est
1. Hongrie
À l’ère classique, le seul grand compositeur hongrois était Franz Liszt. Ce dernier fit
d’ailleurs assez bien référence à sa culture natale, notamment via ses fameuses Rhapsodies
hongroises pour piano, bien qu’il s’agisse en réalité d’une sorte de mélange entre les styles
hongrois, bulgare, tzigane, européen, etc.
Mais tout va changer au début du XXe siècle vu que de nouveaux compositeurs vont
vouloir se recentrer sur le patrimoine populaire hongrois, qui est malheureusement
essentiellement une tradition orale. Un des ces compositeurs est Zoltan Kodaly (1882 –
1967). Intéressé par la littérature, la langue et l’histoire hongroise ainsi que la musique
tzigane, il est issu d’une famille de musiciens amateurs, ce qui explique son attrait pour les
musiques destinées aux amateurs. Il apprend le piano, le violon, le violoncelle et
continuera l’apprentissage de la composition tout en se lançant d’abord dans des études de
lettres à l’université de Budapest, pour lesquelles il présentera une thèse en
ethnomusicologie portant essentiellement sur la structure des chansons populaires
typiquement hongroises. C’est ainsi que, pour mener son sujet à bien, Kodaly sillonnera les
petits villages hongrois reculés où le folklore national et le style populaire, la « musique
des Magyar », sont encore fort présents. Suite à cette thèse, Kodaly publiera un ouvrage,
Structure strophique dans le chant traditionnel hongrois, qu’il écrira en étroite
collaboration avec Béla Bartók, qu’il rencontra plus tôt durant ses études.
Le plus grand ami et collègue de Kodaly fut sans nul doute Béla Bartók (1881 –
1945), qui demeure indubitablement le compositeur hongrois le plus célèbre.
Bartók ne se classe pas dans un courant particulier : sa musique est très noire et elle a
peu de succès pendant son vivant, ce qui explique la pauvreté dans laquelle il vivait.
Il commence le piano à l’Académie Franz Liszt de Budapest et y sera été engagé
comme professeur de composition juste avant sa mort
L’œuvre de Bartók est loin d’être unitaire ni monolithique vu que, à l’instar de
Stravinski, l’on peut voir une nette évolution à travers son corpus musical. À ses débuts, il
est plutôt postromantique, comme Strauss en Allemagne ; la pièce emblématique de cette
période est sans doute le poème symphonique Kossouth (1903), qui mettent en scène des
thèmes hongrois (bien qu’il découvrira plus tard que ce sont en fait des thèmes tziganes).
Puis, Bartók se fera beaucoup influencer par Kodaly qu’il rencontre vers 1890 pendant
ses études. Il va un peu s’étendre sur le sujet du folklore hongrois, en le comparant aux
musiques roumaines, bulgares, tziganes, etc. Même s’il garde par la suite le contact au
folklore de son pays, il ne s’y limitera pas comme Kodaly. Toutefois, entre 1905 et 1925, il
composera des pièces presque uniquement basées sur le folklore. L’on retrouve aussi la
présence de thèmes populaires dans le recueil Mikrokosmos, pièces pour piano de difficulté
croissante.
Pour autant, il n’est pas imperméable à d’autres courant, comme pendant son passage en
France. Il découvrira l’impressionnisme de Debussy, dont il s’inspire dans son opéra Le
Château de Barbe-Bleue.
Ensuite, Bartók aura vent de l’écriture de Schoenberg, pour lequel il aura beaucoup de
respect mais qu’il ne suit pas. Bartók gardera plutôt une teinte expressionniste jusqu’en
1920. C’est notamment le cas du ballet pantomime Le Mandarin Merveilleux (1919).
Enfin, Bartók va ressentir le besoin de synthétiser tous ses styles dans un seul et unique
système de composition inédit et qu’il sera le seul à utiliser. Ce dernier va mêler au le
folklore hongrois la tonalité, bien qu’élargie ou malmenée par le biais de nombreuses
polytonalités (surtout la bitonalité avec des tons les plus éloignés possibles), le diatonisme,
le chromatisme, le contrepoint (Bartók connaît en effet très bien l’œuvre de Bach), le goût
pour les formes claires et maîtrisées (à l’instar de Beethoven), comme le montrent ses
2. République Tchèque
Cette région a été très mouvante vu que passée dans les mains de diverses grandes
autorités politiques (Empire Austro-Hongrois, Tchécoslovaquie, etc.). Ainsi, les musiciens
tchèques sont actifs depuis longtemps mais ne peuvent pas réellement revendiquer leur
nationalité musicale. On peut donc avancer qu’il n’y a pas de musique authentiquement
tchèque, et ce jusque l’impulsion des écoles nationales, sous laquelle on voit enfin
apparaître une école musicale tchèque, basée surtout à Prague.
Le père de la musique tchèque est incontestablement Bedřich Smetana (1824 –
1884). Il apprend la musique en famille, surtout le piano et violon. Très doué, il compose
déjà à partir de 8 ans. Mais son père, brasseur, ne veut pas que son fils fasse de la musique
son métier. Ainsi, lorsqu’il est à Prague, il fait en cachette des études musicales et, grâce à
un ami de passage en République Tchèque, Franz Liszt, il sera soutenu dans l’édition de
ses premières œuvres, ce qui lui ouvrira énormément de portes. Smetana fut également un
éminent pédagogue.
Smetana s’est marié et eut plusieurs enfants mais malheureusement sa femme et ses
enfants meurent de tuberculose. Il décide suite à ce tragique incident de tout quitter et il
s’envole pour la Suède en 1863 ou il deviendra chef d’orchestre et pédagogue dans une
école privée. Il y tiendra également une société de concerts grâce à laquelle il va
s’intéresser à l’orchestre, notamment dans son cycle de six poèmes symphoniques, Ma
Patrie, dont est issu le célébrissime La Moldau, écrit en référence au cours d’eau sillonnant
la ville de Prague.
Smetana revient ensuite en République Tchèque, devient presque nationaliste et sera
ensuite nommé chef d’orchestre à l’opéra de Prague, dans lequel le jeune Antonin Dvořák
joue de l’alto. C’est ainsi que Smetana produit divers opéras, les premiers en tchèque, dont
le célèbre La Fiancée Vendue.
Antonin Dvořák (1841 – 1904) a donc d’abord connu et côtoyé Smetana avant de
devenir lui-même compositeur à son tour. À la base organiste, il étudie aussi le violon et
l’alto. Il entrera en tant qu’altiste à l’orchestre de l’opéra de Prague, sous la direction de
Smetana. Dans sa carrière de compositeur, Dvořák s’est donc intéressé à l’orchestre avec
ses neuf symphonies, en référence au père de la symphonie romantique Beethoven. Il
écrivit aussi cinq poèmes symphoniques dans lesquels on voit davantage de thèmes
folkloriques inspirés des légendes locales, etc. En musique de chambre, on trouve un peu
de tout : des quatuors à cordes, des quatuors à clavier, etc.
Dvořák est également fort à l’écoute de la culture musicale tchèque et tentera de
l’incorporer dans son œuvre notamment par l’usage de la modalité, bien que ce soit de
manière ponctuelle et peu scientifique, à l’inverse de Kodaly en Hongrie. L’on peut
notamment citer le Trio à clavier op. 90 qui porte le nom de « Dumky » (pluriel de Dumka)
qui est une danse ukrainienne où il y a alternance d’épisodes lents et rapides.
Dvořák est un compositeur qui a toujours été protégé, d’abord par Smetana, mais
également par des gens puissants en Angleterre : il sera d’ailleurs fait Docteur Honoris
Clausa de l’université de Cambridge. Il a écrit de très grandes œuvres chorales comme des
Oratorios ou un Stabat Mater, ce qui plait beaucoup aux Anglais en général. Par ailleurs,
Brahms aimait beaucoup Dvořák depuis leur rencontre lors d’un concours de composition
à Vienne. C’est ainsi que Brahms va sponsoriser Dvořák avec ses éditeurs à Vienne.
Grand nombre des pièces de Dvořák portent des prénoms inspirés de l’Amérique
(Symphonie du Nouveau Monde, Quatuor américain, etc.) En effet, le compositeur a
travaillé outre au Conservatoire de Prague trois ans au Conservatoire de New York.
Dvorak écrivit également une dizaine d’opéra, dont Rusalka, qui jouit rapidement d’une
renommée mondiale.
Enfin, Dvořák écrivit trois grands concertos pour les trois instruments les plus joués, à
savoir pour le piano, pour le violon et pour le violoncelle, ce denier demeurant
incontestablement le plus célèbre des trois.
3. Roumanie
4. Pologne
Hormis Chopin, qui a d’ailleurs vécu loin de son pays natal une bonne partie de sa vie,
la Pologne n’est certainement pas le pays qui a fourni le plus de compositeurs ayant percé
à l’étranger. Il faudra attendre l’arrivée de Karol Szymanowski (1882 – 1937) pour voir
enfin les choses se débloquer quelque peu. Né dans une famille de musicien, Szymanowski
fit d’abord ses études au conservatoire de Varsovie. En 1905, il fait partie du groupe
« Jeune Pologne » qui cherche à intégrer à la musique polonaise les nouveautés musicales
européennes ; il fait donc en quelque sorte par ce groupe l’inverse de ce que prônent les
écoles nationales en règle générale.
Szymanowski va ensuite voyager longtemps, notamment en Orient, et plus
particulièrement en Égypte où on lui propose le poste de directeur de conservatoire. Il est
avant tout une personne très cultivée : il connaît très bien l’Antiquité, la culture française,
l’impressionnisme (sur lequel il se penchera plus en profondeur pour une partie de son
œuvre).
Italie
1. Perpétuation de l’opéra : Giacomo Puccini (1858 – 1924)
L’on le sait tous, l’opéra fait partie intégrante du patrimoine culturel de l’Italie, et ce
depuis les début du Baroque ; il n’y a donc aucune raison qu’il ne perpétue pas après l’ère
de Verdi, Bellini, Rossini et Donizetti.
En réalité, il se passera entre les XVIIIe et XIXe siècles le même phénomène qu’il s’est
passé en Allemagne quelques dizaines d’années plus tôt : un compositeur va occuper une
telle place sur la scène opératique qu’il va subséquemment écraser tous les autres. Sauf
qu’ici il ne s’agit plus de Richard Wagner mais bien de Giacomo Puccini (1858 – 1924).
La plupart du temps, ce dernier est à tort réduit à un compositeur vériste, à savoir un
compositeur dont les opéras ne traduisent que la stricte vérité (le vérisme est en effet la
vision italienne du naturalisme français, dont la figure de proue est Émile Zola). Les opéras
de Puccini pourraient dès lors, selon cette théorie, être comparés aux deux opéras que sont
Pagliacci de Ruggero Leoncavallo (1857 – 1919) et Cavalleria rusticana de Pietro
Mascagni (1863 – 1945), deux opéras véristes souvent joués ensembles lors d’une même
soirée, du fait de leur parenté littéraire et surtout de leur brièveté.
Mais Puccini ne peut en aucun cas n’être réduit qu’à un vériste : Puccini, c’est aussi la
traduction des passions humaines, des sentiments exacerbés, des amours impossible, etc.
L’on peut donc dire que Puccini est un maître équilibriste qui jongle habilement entre le
(post)romantisme, ses opéras faisant bouillonner les passions humaines et les sentiments
paroxystiques (d’où une écriture très lyrique et généreuse), et le vérisme, ses œuvres
opératiques montrant la plupart du temps la vie ordinaire dans tout ce qu’elle a de plus
banale (les personnages sont simples, issus du quotidien, les fins sont souvent
volontairement tragiques, etc.).
Contrairement à Verdi, Puccini est très à l’écoute des avancées musicales et
compositionnelles de son époque. Il est par exemple très intéressé par l’impressionnisme,
par l’apports de percussions orientales dans ses opéras, etc. C’est pourquoi chaque opéra
Espagne
L’on se souvient clairement de la tradition musicale présente en Espagne pendant la
Renaissance et la période Baroque. Bien que plus discrète par la suite, cette tradition a su
perdurer au fil des siècle, notamment par le biais des Zarzuela, des opéras de tradition
typiquement espagnole et qui n’ont pas été à l’étranger. Par ailleurs, le folklore musical
espagnol est également très marqué par les quelques personnalités musicales qui s’y sont
rencontrées, comme Scarlatti et Boccherini.
À l’instar de beaucoup de pays « minoritaire » à la fin du XIXe siècle, l’Espagne va se
réveiller pour exhiber ses particularités et avoir son mot à dire sur la scène musicale
européenne. Cependant, un problème persiste : le folklore espagnol n’est pas unitaire, vu
que chaque région du pays possède le sien (l’on distingue par exemple le folklore catalan
du basque, l’andalous du galicien, etc.). À cela vient s’ajouter le fait que le Nord de
l’Espagne a été occupé jusqu’au XVe siècle par les Musulmans. Un autre élément
folklorique essentiel : le cante flamenco, mélange habile entre le folklore andalous, la
124
Ainsi, bien que cela puisse paraître contradictoire, les deux plus grands compositeurs
romantiques espagnols ne sont pas guitaristes mais bien pianistes. Granados a néanmoins,
en tant que nationaliste convaincu, écrit quelques magnifiques pièces pour guitare.
Allemagne – Autriche
1. Les grands postromantiques
Après la guerre de 1870, Richard Wagner devient le chef de file de toute une génération
de musiciens allemands et autrichiens, avec lesquels les formes musicales deviennent
gigantesques, aussi bien dans la structure que dans les moyens orchestraux. Ainsi en est-il
d’Anton Bruckner (1824 – 1896), qui compose des symphonies monumentales, et son
disciple Gustav Mahler (1860 – 1911), auteur de symphonies romantiques aux immenses
dimensions sonores.
Parmi les émules de Wagner, l’on trouve également Hugo Wolf (1860 – 1903),
Richard Strauss (1864 – 1948), Max Reger (1873 – 1913), Ferruccio Busoni (1866 –
1925), Alexander von Zemlinsky (1871 – 1942), etc.
125
Ce n’est cependant pas Mahler qui détient le record de longueur pour une symphonie
postromantique. En effet, bien que les symphonies n°3 (95 minutes environ) et n°8 (80
minutes environ) peuvent paraître bien longues, elles sont loin de détrôner la Première
Symphonie dite « Gothique » du compositeur anglais Brian Havergal (1876 – 1972) dont
l’exécution ne nécessite par moins de 105 minutes.
126
L’on peut par exemple citer à ce juste titre sa Huitième Symphonie dite “Des Milles”,
qui nécessite pas moins de 1000 instrumentistes sur scène, avec entre autres l’intervention
d’un double chœur mixte ainsi que d’un chœur d’enfants.
127
L’on pourrait d’ailleurs considérer ce Chant de la Terre comme sa Onzième Symphonie
tant le tissu orchestral y est savant.
128
Le Richard Strauss dont nous sommes sur le point de parler n’a en aucun cas à voir
avec la famille Strauss, surtout active en Autriche au niveau de l’opérette au début du
romantisme.
129
Hans von Bülow entretenait de très bons liens avec Richard Wagner et fut notamment le
premier mari de Cosima Liszt, la fille de Franz Liszt. Cependant, suite au mariage entre
Wagner et cette dernière, les liens entre von Bülow et Wagner devinrent quelque peu
compliqués.
130
Stephan Zweig étant juif, cela créera plusieurs tensions lorsqu’il voulut créer un opéra
avec un livret de sa part alors qu’il était encore sous l’emprise du pouvoir nazi.
131
En effet, bien que son puisse évoquer l’Italie, Busoni a passé une grande partie de sa
carrière en Allemagne ; c’est pourquoi nous l’avons classé dans cette partie-ci.
Ce n’est maintenant plus un tabou : la tonalité s’égare de plus en plus à la fin du XIXe
siècle et surtout au début du XXe siècle. Un des premiers à la remettre en cause est Richard
Wagner dans son opéra Tristan et Isolde, dans lequel l’auditeur est plongé au sein d’une
ambiance harmonique très changeante et instable, le compositeur modulant incessamment.
Quelques compositeurs vont dès lors se poser au début du XXe la question suivante :
faudrait-il à un moment donné totalement se détacher du cadre tonal suivi depuis de
nombreux siècles déjà. C’est le cas d’Arnold Schoenberg (1874 – 1951), qui franchira le
seuil de l’atonalité dès 1908, et qui sera rapidement imité par ses deux disciples Anton
Webern (1883 – 1945) et Alban Berg (1885 – 1935), formant dès lors la Seconde École
de Vienne, qui succède à la première qui était essentiellement représentée par Joseph
Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven.
Dans cette école, l’on remarque une évolution stylistique commune allant du
postromantisme tonal vers l'atonal dodécaphonique. Certes en proportions variables, tous
ont écrit dans cette veine.
Leur esthétique est avant tout expressionniste, notamment par l'emploi de l'atonalité
ainsi qu’en mettant un accent sur l'intensité de l'expression. L’expressionnisme mouvement
pictural qui se veut le prolongement du romantisme exacerbé en très noir et très cruel,
initié par le groupe de peintres nommé Der blaue Reiter (Le Cavalier bleu) auquel
Schoenberg prendra d’ailleurs part, aux côtés notamment de Paul Klee ou Kandinsky.
132
En effet, dans sa seconde phase créatrice, Schoenberg invente son système atonal à
mesure qu’il écrit sa musique, ce qui extrêmement fastidieux. Grâce au dodécaphonisme,
le système est enfin théorisé et il ne suffit plus qu’à l’appliquer, ce qui est beaucoup plus
aisé.
133
La pièce est pour piano et récitant. Schoenberg n’a en effet pas fait usage du chant ni
même du Sprechgesang dans son écriture ; il voulait en effet de le texte soit compris !
134
Sa maxime favorite était en effet « non multe, sed multum », c’est-à-dire « peu, mais
dense ».
États-Unis
Le cas américain est finalement un cas à part vu que ce pays n’a pas à proprement parler
de passé historique fort, étant avant tout une colonie anglaise et ce jusqu’à la Révolution
américaine, succession de tensions et d’affrontements entre Britanniques et Américains,
encore sous l’état de « colons », qui eurent lieu entre 1776 et 1783.
135
Ces états du sud étaient d’ailleurs dans un premier temps la propriété du Mexique. Ce
n’est que dans un second temps qu’ils seront cédés aux États-Unis.
Cette première génération de compositeurs américains naît à la fin du XIXe siècle. Ces
derniers vont se mettre à écrire de la musique plus qu’extrêmement tonale, simple et fidèle
aux structures et aux dénominations européennes. En découlent des musique
remarquablement écrites, mais pas suffisamment novatrices pour se faire valoir à
l’étranger, expliquant le nombre de compositeurs de cette veine inconnus en Europe.
Une personnalité est tout de même à relever, et qui est souvent considéré comme le
« père » de la musique américaine : Aaron Copland (1900 – 1990). À la fois compositeur,
écrivain de la musique, pianiste et chef d’orchestre, Copland va se faire connaître comme
étant un des premiers à faire référence aux cultures des minorités hispanique et latine. Il
s’essaiera également à l’opéra ; il est d’ailleurs un des seuls à avoir pu combiner sa
fonction de compositeur indépendant et son poste dans le cinéma.
Une des ses œuvres les plus connues est un de ses ballets, Appalachian Spring, œuvre
qui décrit le mont Appalaches, première chaîne de montagnes que l’on rencontre en allant
vers l’Ouest. Cette œuvre montre donc l’intérêt de Copland, à l’instar de ses compatriotes
conservateurs, à faire une musique sur sujet américain, tout en conservant l’esthétique
européenne. Copland va aussi beaucoup s’amuser à retranscrire de nombreux chants
populaires américains, comme le montrent ses deux recueils Old american songs. Il
s’essaiera également au modernisme, en touchant quelque peu au dodécaphonisme, mais
cette facette de sa personnalité musicale et très minoritaire. Victime de la maladie
d’Alzheimer, il s’arrête totalement de composer dans les années 1970, poursuivant
étrangement sa carrière de chef d’orchestre jusqu’en 1983.
Dans les autres compositeurs de cette même veine sont également à citer, comme
notamment William Schuman (1910 – 1992) et surtout Samuel Barber (1910 – 1981),
ultime post-romantique américain. Le style de Barber est souvent qualifié de
néoromantique, se basant sur des harmonies et des formes très traditionnelles. Son Adagio
pour cordes est indubitablement son œuvre la plus célèbre, pleine de mélancolie, de pureté
et de profondeur.
2. Les avant-gardistes
136
Il est très intéressé par la cause sociale des ouvriers : il a d’ailleurs voulu poser une loi
pour éviter les grosses fortunes, ce qui est tout de même original vu qu’il est riche aussi.
3. Le jazz symphonique
Un troisième de musique américaine peut être vue, caractérisée par l’apport non
négligeable des cultures hispaniques, latines et surtout noires, comme le jazz, surtout au
début sous forme de ragtime, son ancêtre, à la base musique jouée dans les bordels et dans
tout autre salle de spectacle populaire.
Un des plus grands compositeur de ragtime est indéniablement Scott Joplin (1868 –
1917), notamment avec son The Entertainer, issu du film L’Arnaque.
Ainsi, es noirs entrent sur scène progressivement ; le premier compositeur noir à entrer
sur la scène symphonique blanche fut William Grant Still (1895 – 1978), afin d’anoblir
les genres si longtemps considérés comme inférieurs tels que le Jazz et le Blues. Ces
derniers vont d’ailleurs fortement influencer les comédies musicales de Broadway ainsi
que le domaine dite de la « musique savante » comme celle de George Gershwin (1898 –
1937), style que l’on appellera dès lors « jazz symphonique ». D’ailleurs, ce dernier va lui
aussi fortement influencer les grands jazzmen de l’époque, ce qui crée une véritable
relation interactive et d’échange entre les deux milieux, sans que ces derniers ne
collaborent activement ensemble pour autant.
Le jazz va donc finalement être considéré comme une des seules couleurs
emblématiques de la culture musicale américaine, ce qui est paradoxal, vu qu’il est issu en
grande partie de la communauté noire, que les Américains blancs méprisaient ardemment.
Parmi les grands adeptes de ce jazz symphonique, l’on retrouve également Edward
Kennedy Ellington (1899 – 1974). Pianiste, compositeur et chef d'orchestre américain de
jazz, son orchestre était l'un des plus réputés de l'histoire du jazz, comprenant des
musiciens qui étaient parfois considérés, tout autant que lui, comme des géants de la
musique. Certains d'entre eux étaient déjà dignes d'intérêt par eux-mêmes, mais c'est
surtout Ellington qui les transformait. Il avait l'habitude de composer spécifiquement pour
certains de ses musiciens en tenant compte de leurs points forts. Il a aussi enregistré des
morceaux composés par les membres de son orchestre. Après 1941, il collabora
fréquemment avec le compositeur et arrangeur Billy Strayhorn qu'il appelait son alter ego.
Il a laissé de nombreux standards de jazz, à savoir des compositions qui revêtent une
importance particulière pour le jazz.
137
Un kaléidoscope est un instrument optique réfléchissant à l’infini et en couleurs la
lumière extérieure.