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Questions de géographie de la population | Pierre George

CHAPITRE VI

Géographie
économique et
population
p. 149-178

Texte intégral
1 Les grands groupes humains se différencient beaucoup
plus par leurs conditions d’existence que par leurs
caractères physiques ou que par les nécessités
d’adaptation à des milieux naturels divers. On a
appliqué à l’étude de ces conditions d’existence une
méthode strictement descriptive, celle des genres de vie,
qui s’interdit à juste titre le recours à une explication
déterministe simpliste, mais aussi l’évocation des
rapports économiques. Elle permet de faire un
inventaire des caractères essentiels définissant
globalement une collectivité attardée, vivant en
symbiose étroite avec le milieu naturel et n’ayant pas
atteint le stade des différenciations professionnelles ou
sociales. Étendue à des sociétés complexes, cette même
méthode ne peut plus être utilisée que pour décrire le
comportement de petits groupes dominés par les
exigences d’un métier et cantonnés dans un horizon
social limité : pêcheurs, dockers, travailleurs des
chantiers de travaux publics, etc. Elle est impuissante à
évoquer une structure sociale et économique complexe,
et ceci surtout parce qu’elle procède exclusivement d’un
échantillonnage, d’un inventaire purement descriptif,
en un mot parce qu’elle est seulement qualitative, alors
que la connaissance de l’état économique et social d’un
groupe appelle un certain nombre de mesures.

I. Population et niveaux de vie


2 L’étude quantitative des conditions d’existence des
groupes humains est encore très imparfaite. Elle se
heurte à une première difficulté fondamentale : la
disparité entre l’organisation de la vie des sociétés qui
demeurent en économie naturelle et celle des sociétés
qui ont atteint à des degrés divers le stade de l’économie
monétaire.

Essai de mesure des ressources


3 La mesure des disponibilités vitales d’une population
vivant en dehors des circuits de marché, ne
commercialisant qu’une fraction de sa production, ne
peut s’effectuer qu’à partir de l’évaluation de quantité
de denrées, converties éventuellement en calories
alimentaires, pour disposer d’un facteur commun à
plusieurs ressources différentes. Mais l’on sait
l’imperfection d’une pareille évaluation. Elle confond
d’autre part ce qui est effectivement consommé et ce qui
est cédé pour obtenir des outils ou des vêtements, ou à
titre de fermages et d’impôts. Elle a du moins le mérite
de permettre de mesurer l’écart entre les disponibilités
et le besoin minimum de la subsistance de la
population.

Disponibilités en calories
4 Cette mesure ne peut généralement pas être entreprise
à partir des statistiques générales publiées par les États
et les administrations locales, car une partie importante
de la production absorbée par le circuit
d’autoconsommation échappe à l’évaluation statistique.
On ne saurait donc actuellement dresser des cartes
mondiales des disponibilités individuelles alimentaires
pour les sociétés vivant en majeure partie en économie
naturelle, mais des enquêtes locales ou régionales
peuvent définir des ordres de grandeur. Les multiples
travaux de la FAO1 sur ce point assurent la disposition
d’un réseau assez serré d’informations qui peut
permettre, jusqu’à un certain point, de faire à titre
purement indicatif quelques généralisations. Ces
informations ont à juste titre provoqué la stupeur
lorsqu’elles ont été publiées pour la première fois ou
regroupées dans des ouvrages d’ensemble comme
l’Économie alimentaire du globe de MM. Cepede et
Lengelle2. En Amérique latine, on trouve « trois pays
alimentés à peu près convenablement (Argentine,
Paraguay et Uruguay), cependant que tout le reste du
continent, ou à peu près, connaît une véritable famine
(Argentine : plus de 3 000 calories ; Mexique, Brésil,
Colombie et Pérou : de 1 800 à 2 2003) ». L’Asie a le triste
privilège, selon les termes des auteurs de cette synthèse,
de détenir les records de disette chronique :
2 280 calories végétales par jour et par individu à Java,
1 kg de sucre par individu et par an en Chine et en
Corée, 8 kg de viande par individu et par an aux Indes et
à Java… Les conséquences : « avitaminoses multiples,
carences en sels minéraux, mortalité élevée et poids
moyen de l’individu ne dépassant pas quelque 35 kg4 ».
La situation est généralement meilleure en Afrique,
mais une forte poussée démographique risque fort de
ramener les normes au niveau de l’Asie.
5 Or, cette pénurie de production alimentaire a une
double série de conséquences :
6 1o elle engendre diverses carences quantitatives et
qualitatives qui facilitent l’invasion du « terrain » par
les infections d’origine microbienne, provoquant des
maladies spécifiques (béribéri, scorbut) ;
7 2o elle tend tout l’effort vers l’acquisition de la
nourriture et réduit la part de la satisfaction des autres
besoins vitaux à des taux dérisoires. De ce fait, l’homme
est mal outillé, mal protégé contre les intempéries, et,
par cela même, plus fragile encore.
8 Cette situation de grande détresse est celle de près
d’un milliard d’hommes vivant en Asie méridionale, en
Afrique, en Amérique latine. Elle risque de s’aggraver
sans cesse par suite de l’accroissement naturel de
population.

Transcription en signes monétaires


9 Non sans danger, on peut tenter d’évaluer ces maigres
disponibilités en unités monétaires, encore que les
comparaisons faites sur cette base soient illusoires.
Depuis longtemps déjà, un essai de synthèse de cet
ordre a été fait pour l’Extrême-Orient par M. P. Gourou,
qui a évalué le montant des dépenses annuelles en
argent et en produits consommés d’une famille
tonkinoise, en 1930, à 3 francs par jour (au taux
monétaire de l’époque — soit l’équivalent de 300 francs
d’aujourd’hui), et il a été possible de montrer que, pour
des revenus aussi bas, la nourriture représentait les
trois-quarts ou plus des trois-quarts de la consommation
matérielle de la famille. La misère chinoise de la
période 1920-1930 a été également définie par
M. Gourou en termes monétaires :
« Alors que, dans la Chine du Nord, les dépenses
moyennes d’une famille paysanne s’élevaient en 1925 à
190 dollars chinois, elles atteignaient aux États-Unis
2 958 et, pour une famille moins nombreuse que la
famille chinoise, 2 391 dollars au Danemark. Tandis que
la dépense moyenne annuelle d’un paysan chinois était
de 32 dollars, celle d’un cultivateur américain atteignait
616 dollars chinois, soit près de vingt fois plus5… »
(Gourou, 1940, p. 130).
10 En bref, toujours d’après la même source, en 1930, un
paysan chinois vivait une année avec 160 francs
français de l’époque, un Coréen avec moins de
150 francs, un Tonkinois avec 160 à 180 francs — soit, en
équivalents monétaires actuels, avec moins de
20 000 francs en 1958.

Enquêtes sur les niveaux de vie


11 Des calculs plus sûrs peuvent être tentés dans les
économies où, bien qu’il subsiste un important secteur
d’autoconsommation paysanne, une certaine fraction de
la population est employée à titre de salariés
permanents ou épisodiques. Le fait que des ruraux
déracinés endurent des souffrances inouïes dans les
campements suburbains (bidonvilles) pour accéder à
cette misérable condition de salarié permet d’évaluer
par extrapolation la condition matérielle d’une partie
importante de la société paysanne. Les enquêtes menées
par M. P. Sebag et ses collaborateurs sur les salariés de
la région de Tunis6 montrent qu’en milieu urbain
d’économie non industrielle, il n’est pas rare de
rencontrer des familles vivant avec un quotient
individuel de ressources de 2 000 francs par mois et ne
disposant que de 20 % de leurs misérables ressources
pour se vêtir, se meubler, se nettoyer, se soigner, se
distraire, 80 % du gain total étant consacrés à
l’alimentation et au logement. Encore les auteurs de
cette enquête observent-ils qu’aux taux des produits
comestibles au lieu et au moment de l’enquête, il fallait
3 500 à 4 000 francs par mois au moins pour assurer à
un individu adulte effectuant un travail léger le
minimum alimentaire indispensable en quantité et en
variété : 2 350 francs permettent d’absorber
2 400 calories, mais sans matières azotées ni fruits. Ils
concluent :
« Compte tenu des prix pratiqués à Tunis au mois de
juillet 1955,
1o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle,
par unité de consommation, dépasse 4 000 francs, une
alimentation normale — quantitativement et
qualitativement — est théoriquement possible ;
2o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle,
par unité de consommation, s’abaisse au-dessous de
4 000 francs, l’alimentation peut encore être suffisante,
du point de vue quantitatif, mais non du point de vue
qualitatif (malnutrition) ;
3o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle,
par unité de consommation, s’abaisse au-dessous de
2 500 francs, l’alimentation ne peut même pas apporter
la quantité d’énergie indispensable (dénutrition) »
(Sebag et al., 1956, p. 46).

12 L’habillement est acheté chez le fripier, le logement est


un taudis ou une cabane dans un bidonville. La collecte
de déchets et la mendicité peuvent fournir des appoints.
13 Ici, il s’agit d’une situation sociale qui n’est pas celle de
toute une population, mais d’une fraction d’une
population. Dans la mesure où cette situation est enviée
par des paysans pauvres et des paysans sans terre, on
peut déduire que les niveaux de vie de ces catégories ne
sont pas plus élevés. La notion de niveau de vie moyen
n’a pas de sens concret à partir du moment où des
différenciations tranchées sont observées entre les
diverses fractions de la population. Elle ne peut servir
qu’à des comparaisons entre pays. Encore doit-on lui
préférer celle de répartition quantitative des effectifs de
la population le long d’une échelle de valeurs s’étendant
au-dessous et au-dessus de ce niveau de vie moyen. Si
l’on prend comme point de départ un « minimum vital »
tel que, dans son milieu habituel d’existence, la famille
puisse se nourrir convenablement et suffisamment, se
vêtir décemment, se loger proprement et dépasser la
simple couverture des besoins matériels, ce qui importe,
c’est de connaître le pourcentage de ceux qui dépassent
ce minimum et celui de ceux qui ne l’atteignent pas. Or,
le propre des sociétés sous-développées est de
comporter une séparation radicalement tranchée entre
une petite minorité qui se situe très loin au-dessus du
niveau de vie moyen et une masse qui est au-dessous de
la moyenne.
14 Dans l’Inde, en 1956, plus de 90 % de la population
ouvrière gagnaient moins de 200 roupies par mois, soit
moins de 16 000 francs. Le quotient moyen de
disponibilités individuelles est de l’ordre de 3 000 à
4 000 francs de 1958. Ici encore, compte tenu des prix
des denrées et objets, on tombe au-dessous du minimum
nécessaire, et l’ouvrier qui doit entretenir une famille
avec un tel salaire — mal garanti contre le chômage
chronique — doit consacrer les trois-quarts de son
budget à l’alimentation, loge dans un bustee (bidonville),
se couvre de haillons, ne peut faire aucune dépense
d’hygiène ou de culture. Une enquête menée dans les
taudis de Calcutta a révélé que 1,04 % des familles n’y
avaient aucun revenu, 19,14 % 50 roupies par mois,
39,23 % entre 50 et 100 roupies par mois, 41,63 % plus
de 100 roupies. Les revenus au-dessous du minimum
vital sont largement le lot du plus grand nombre.

Quotients individuels du revenu national


15 Mais seule l’enquête peut définir des ordres de
grandeur. L’évaluation des ressources de la famille
rurale ne peut reposer sur aucune donnée statistique
valable. Si misérable que soit l’Union indienne, un
revenu national publié de 8 000 milliards de francs,
représentant un quotient individuel de l’ordre de
20 000 francs par an, ne tient compte que d’une partie
de la production du pays et escamote la majeure partie
de la production absorbée par les circuits de
consommation domestique. Il n’en reste pas moins vrai
que la majeure partie de la population ne mange pas à
sa faim, supporte des carences alimentaires graves et ne
dispose que de ressources infimes pour satisfaire ses
autres besoins matériels. Mais est-il possible d’en
conclure que la population est trop nombreuse pour
l’assiette géographique qui la supporte ?
16 Le calcul des revenus nationaux, pour imparfait qu’il
soit, montre pour les pays industriels des disponibilités
(réparties en équipement, en crédits de gestion et en
produits de consommation et d’usage) d’un tout autre
ordre que celles que l’on peut apprécier sans pouvoir les
chiffrer dans les pays économiquement attardés. En
1956-1957, le quotient individuel du revenu national est
de 800 000 francs aux États-Unis, de 320 000 francs en
Angleterre et en France, de 100 000 francs en Italie, ce
qui évoque une gamme déjà assez étendue de pays
inégalement riches. Ces pays sont, d’autre part, ceux où
les salaires journaliers moyens sont compris entre 1 200
et 5 000 francs (Italie-États-Unis) contre 150 à 600 francs
dans les pays sous-développés (Inde-Mexique).
17 Le problème majeur apparaît donc être plus un
problème d’inégal développement technique et
économique qu’un problème de surpeuplement posé a
priori et sans distinction des bases économiques du
peuplement.

II. Population et inégal développement


technique et économique
18 Les pays attardés techniquement et économiquement ne
pouvant être convenablement définis par des critères
numériques relatifs à leurs revenus, aux disponibilités
individuelles d’existence, en raison de l’impossibilité des
conversions de facteurs matériels d’existence en
données chiffrées, il paraît sage de les caractériser par
des quotients directement expressifs de leur sous-
développement technique et économique, tels que
quotients de consommation d’énergie mécanique,
quotients de production d’acier ou de ciment. Par
extrapolation, on admettra que les pays à quotients
faibles dans ces domaines sont aussi des pays à niveaux
de vie bas où le seuil de saturation du peuplement est
rapidement atteint. L’expérience confirme d’ailleurs
cette hypothèse de travail.

Quotients de consommation d’énergie mécanique


19 La carte représentant la répartition géographique des
quotients de consommation d’énergie mécanique (figure
19) fait apparaître une opposition radicale entre des
pays consommant plus de 2 000 kWh par habitant et par
an et des pays consommant moins de 1 000 kWh par
habitant et par an. Dans la première catégorie, les taux
les plus fréquemment représentés sont supérieurs à
5 000. Ils intéressent 185 millions d’hommes en
Amérique du Nord, plus de 200 millions en Europe
occidentale, 200 millions en Union soviétique,
14 millions en Union sud-africaine, soit plus de
600 millions. Avec des quotients légèrement inférieurs à
ceux des pays précédemment cités, le Japon, l’Italie,
l’Autriche, la Roumanie, l’Australie représentent un
appoint de près de 200 millions : au total plus d’un quart
de la population du globe.
Figure 19. Consommation moyenne d’énergie
mécanique par habitant (en kWh par habitant et par
an)
20 Plus des deux tiers des habitants du monde disposent de
moins de 2 000 kWh par habitant et par an, plus
généralement de moins de 1 000 kWh. Il est possible de
séparer deux ensembles. Le premier groupe des pays
qui sont partiellement industrialisés ou qui ont
entrepris leur industrialisation, en Amérique latine le
Mexique, l’Argentine, le Pérou, le Chili, le Venezuela, la
Colombie, en Europe l’Espagne, le Portugal, la
Yougoslavie, la Bulgarie (150 millions d’individus
intéressés). Les quotients pour ces pays sont compris
entre 500 et 2 000 kWh. Un sort spécial doit être fait à la
Chine dont le quotient est passé en dix ans de moins de
200 kWh par habitant et par an à près de 700 pour
l’année 1957. L’ensemble de ces pays possède deux
secteurs de vie encore nettement tranchés : un secteur
rural intéressant la grosse majorité de la population et
sous-développé, un secteur industriel et urbain, un
système de transports qui absorbent la totalité de
l’énergie mécanique consommée. L’image serait à
rectifier pour la Chine en raison du caractère très
décentralisé des processus d’industrialisation.
Ensemble, les pays de cette catégorie ont environ
800 millions d’habitants, un peu plus d’un second quart
de la population mondiale. Les conditions d’existence de
la population peuvent être très différentes dans le
secteur rural et dans le secteur urbain et industriel.
Mais, même dans le secteur le plus favorisé, elles
n’atteignent pas pour le plus grand nombre le niveau
d’existence des pays totalement industrialisés. Des
distinctions sont naturellement à faire, comme dans le
cas des pays industriels, entre les États qui
s’industrialisent en économie libérale et ceux qui
construisent une économie socialiste.
21 Le second ensemble, en Amérique latine environ
90 millions d’hommes, en Afrique 200 millions, en Asie
méridionale environ 800 millions, n’est encore touché
par les formes de travail industriel que dans quelques
ports et dans quelques villes. Le quotient moyen est
inférieur à 500 kWh par habitant et par an et, pour une
grande partie de l’Afrique, inférieur à 100 kWh par
habitant et par an. La présence de centres de production
de pétrole, qui jouent un rôle fondamental dans
l’économie du monde, n’influe que fort peu sur
l’économie et le niveau de vie des populations, la quasi-
totalité de la production étant exportée et les bénéfices
financiers de l’opération n’ayant pas, jusqu’à présent,
sensiblement modifié les conditions économiques
générales. De même, les consommations du centre de
l’Afrique et de la Rhodésie, liées exclusivement à
l’exploitation des minerais métalliques, n’ont pas de
signification pour le niveau de vie des populations, à
l’exception de celles qui sont directement attachées à
cette exploitation minière et industrielle.

Quotients de production du ciment et de l’acier


22 La carte de répartition de la production du ciment est
presque identique (figure 20). La production du ciment,
expression du taux d’activité de la construction et des
travaux publics, est un indice sûr de l’état de
développement d’une économie et d’une société
industrielles et des efforts d’équipement et de
transformation. Il n’est donc nullement étonnant qu’elle
coïncide spatialement avec la consommation de
l’énergie mécanique. Du moins cette coïncidence est-elle
une confirmation utile. Un premier groupe se définit
numériquement par une production supérieure à 100 kg
par habitant et par an. Il est, à peu de chose près, le
même que celui de la consommation de plus de
2 000 kWh d’énergie mécanique. Un second correspond
aux pays en cours d’industrialisation : plus de 10 kg par
habitant et par an. Il diffère du groupe des
consommateurs de plus de 500 kWh en englobant l’Inde
et le Moyen-Orient. Les pays les plus déshérités au point
de vue de la construction sont l’Asie du Sud-Est et
l’Afrique intertropicale.
Figure 20. Production moyenne de ciment par
habitant (en kg par habitant et par an)

23 Contrastes du même ordre sur la carte de la production


de l’acier (figure 21). Mais celle-ci présente des
oppositions plus radicales entre le bloc des pays qui
disposent de quotients supérieurs à 100 kg par habitant
et par an, 800 millions d’individus, et celui de ceux dont
le quotient est inférieur à 50 kg : le reste du monde, à
quelques exceptions concernant moins de 50 millions
d’hommes près. Deux groupes à l’intérieur de ce bloc
des très petits producteurs : le premier est représenté
par le Brésil et surtout par la Chine où s’édifie une
sidérurgie originale à un rythme rapide. Le second
rassemble la majeure partie de l’Amérique latine, la
totalité de l’Afrique, sauf l’Union sud-africaine, l’Asie
occidentale et méridionale tout entière.
Figure 21. Production moyenne d’acier par habitant
(en kg par habitant et par an)
24 En résumé, 800 millions d’hommes vivent dans des pays
techniquement et économiquement développés,
800 autres millions dans des pays qui ont entrepris leur
révolution industrielle et peuvent être désignés par le
vocable de pays en cours de développement. Plus
d’un milliard se trouvent encore en marge du grand
mouvement d’industrialisation qui commence
seulement à les effleurer, dans l’Asie du Sud-Est, dans
l’Inde, en Afrique et en Amérique tropicale.
25 La capacité d’entretien humain des divers types
d’économie est évidemment très différente. Une même
densité de population peut correspondre à un degré
assez élevé d’aisance aux Pays-Bas, en Belgique, en
Rhénanie, en Angleterre, et à une profonde détresse
dans les plaines indiennes. Le nord-est du Brésil est
menacé chroniquement par la famine avec 20 habitants
au km2 ; les Pays-Bas supportent une densité de
336 habitants au km2 avec un niveau de vie de type
européen. Les différences climatiques ne saurait suffire
à expliquer une semblable opposition. Les notions de
surpeuplement, de sous-peuplement, d’optimum de
peuplement ne s’y appliquent pas aux mêmes ordres de
grandeur. Suivant les conditions mêmes du devenir
industriel, les philosophies et les politiques de la
population diffèrent aussi, et souvent d’une manière
très circonstancielle.
III. Appréciation des rapports circonstanciels
Impossibilité du calcul d’une densité économique
26 Chaque pays, chaque région sont caractérisés à un
moment donné par un rapport déterminé entre nombre
d’habitants et support économique. Ce rapport, que l’on
a désigné sous le nom de densité économique, est difficile
à chiffrer, car les deux termes ne peuvent être
objectivement exprimés numériquement. Remplacer
une expression de surface par une valeur productive
qu’on n’insère dans la surface considérée qu’au prix
d’artifices discutables, présente des difficultés
insurmontables dès que l’on quitte le domaine
d’économies purement rurales et agricoles. Calculer le
revenu local à l’échelle d’un canton ou même d’un
arrondissement français est une abstraction et même un
non-sens en raison des modalités de circulation des
capitaux, de l’imbrication d’intérêts d’origines
géographiques différentes et de la concentration des
entreprises qui a pour résultat la migration des capitaux
hors des lieux où ils ont été produits. Prétendre que
seuls les habitants du même canton ou du même
arrondissement vivent des produits des activités qui y
sont domiciliées conduit à une autre abstraction, à la
négation des caractères des systèmes économiques
complexes. Comment, par ailleurs, tenir compte dans le
calcul des revenus capitalisés et des investissements à
long terme ? Le risque est grave d’aboutir à des
formulations absurdes par définition, même dans des
cas simples : la densité brute de population de la
principauté de Koweït apparaîtra dérisoire par rapport
à la masse des revenus fournis par le pétrole, mais il
serait sans aucune signification de calculer une densité
économique théorique. Les deux données que l’on
compare, population et revenus, ne se situent
absolument pas sur le même plan, en particulier parce
que la population locale est en majeure partie inutile et
étrangère à l’exploitation du pétrole. Pour la même
raison, les conditions de vie et de peuplement dans les
campagnes vénézuéliennes n’ont pas été modifiées
sensiblement par l’accroissement prodigieux du revenu
national.

Le problème de l’évaluation des besoins d’une


population
27 D’autre part, toute comparaison à l’échelle universelle
est également impossible. En langage économique, en
effet, un effectif de population doit pouvoir être
converti en quantité de besoins. L’interprétation d’un
rapport entre nombre d’habitants et somme de
ressources n’est possible que si on attribue un
coefficient de besoins ou de consommation au nombre
d’habitants. Or, cette attribution est une opération
toujours arbitraire. On ne peut déterminer que par une
évaluation conventionnelle le taux de consommation et
de besoins de chaque individu. La ration alimentaire
équilibrée seule peut être scientifiquement établie, ce
qui risque de faire limiter l’évaluation des besoins
minimum à celle des seuls besoins alimentaires dans
une économie non monétaire où elle ne pourra se faire
qu’en termes également non monétaires tels que
calories alimentaires et ventilation des vitamines et des
éléments nutritifs entre les catégories d’aliments. En
outre, dans les faits, dès qu’une société est tant soit peu
différenciée, les habitudes et les obligations sociales
conduisent à une hiérarchisation des besoins. Une
moyenne, même correctement pondérée, devient plus
une interprétation de la structure sociale qu’une
véritable évaluation des besoins. Le problème est sans
issue. À plus forte raison devient-il inextricable dans ses
données mêmes, quand il s’agit de sociétés évoluées et
très différenciées. La détermination d’un minimum vital
procède d’un jugement de valeur toujours contesté. Et
ce n’est qu’au prix d’un long travail d’analyse de la
structure socio-professionnelle et de la composition
sociale de la population que l’on peut déterminer les
proportions d’ayant droit au minimum vital ou au
minimum vital majoré de divers coefficients. Des essais
peuvent et doivent être tentés. Ils n’ont qu’une valeur de
travail d’approche. Et le travail nécessaire pour les
généraliser de façon à pouvoir faire une cartographie
mondiale de la densité économique est hors de
proportion avec l’intérêt de résultats qui seront
fortement contestables et qui ne peuvent avoir qu’une
signification circonstancielle vite périmée.

Inégale efficacité productive des populations


28 La limitation de la considération du problème des
rapports entre population et ressources au seul aspect
offre de produits d’usage et de consommation contre
besoins est, de plus, fort restrictive, abusivement
restrictive. Une population est non seulement une
masse de consommateurs, mais c’est aussi et même
avant tout une force de production variable suivant
l’efficacité (ou l’efficience) individuelle propre à chaque
catégorie de la population. Son potentiel productif
dépend de son état sanitaire, de la régularité et de la
qualité de son alimentation, de son niveau culturel, de
sa formation professionnelle et technique, de son
armature scientifique, de l’instrumentation dont elle
dispose, des formes d’organisation qui lui sont propres.
Ici apparaît un nouveau type de rapports entre
population et ressources, fondé sur la capacité de la
population à mobiliser le potentiel productif local. Avec
une densité de deux personnes actives par kilomètre
carré cultivable dans une économie agricole sous-
développée, on enregistre une sous-exploitation de
l’espace qui peut aller jusqu’à l’impossibilité pour une
collectivité humaine trop peu nombreuse d’assurer sa
subsistance et sa conservation. Avec la même densité,
on obtient les revenus les plus élevés en Beauce par une
occupation continue du sol dans le cadre d’exploitations
rationnelles et solidement équipées en moyens
mécaniques de travail. Dans le premier cas, on parlera
de sous-peuplement, dans le second d’une manière
d’optimum, avec le même effectif. M. R. Dumont7 a
montré comment, dans les conditions actuelles de
travail, le « farmer américain valait 50 naqhés8
tonkinois… » (Dumont, 1949, p. 327).
29 L’estimation du degré de peuplement d’un pays repose
donc sur la connaissance et l’appréciation d’une
multitude de données que l’on ne saurait mettre en
formules. Du moins certains critères externes
permettent-ils de déceler des seuils quantitatifs : la
famine, le chômage chronique, la présence des friches…

Caractères subjectifs et objectifs du surpeuplement


30 La considération des diverses formes de la grande
misère collective de foules humaines conduit à la
conclusion élémentaire que les hommes sont trop
nombreux : surpeuplement. Inversement, de vastes
espaces dont les ressources reconnues restent
inexploitées dans l’intervalle de rares points habités
imposent l’opinion que la population n’est pas assez
nombreuse : sous-peuplement. Ces notions simples
s’appuient, d’autre part, sur des impressions subjectives
de nombre : surabondance visible de population,
entassement rural et urbain apparaissent comme
l’image concrète du surpeuplement, tandis qu’un semi-
désert suggère l’hypothèse du sous-peuplement avant
même que l’on ait examiné s’il pouvait supporter ou
non une population plus nombreuse.
31 Positivement, on peut parler de surpeuplement quand
le maximum de peuplement d’une région est dépassé,
et, inversement, de sous-peuplement quand l’effectif de
la population passe au-dessous du minimum. Mais cette
formulation revient à déplacer la difficulté qui se trouve
reportée sur la définition du maximum et du minimum.
On entendra par maximum l’effectif qui ne peut être
dépassé sans que les conditions d’existence
antérieurement existantes soient mises en cause. Pour
une collectivité vivant en économie naturelle et près du
seuil d’entretien, le critère objectif, dont l’apparition
signale que le maximum est dépassé, est la répétition
annuelle des disettes de soudure et l’extension des
famines au moindre accident réduisant d’un faible
pourcentage les disponibilités alimentaires. C’est le cas
actuel des provinces du nord-est du Brésil avec une
densité moyenne faible ; ce fut, jusqu’à un passé très
récent, celui de l’Inde et de la Chine avec, au contraire,
des densités brutes élevées. C’est encore,
périodiquement, celui de certaines provinces de l’Iran,
de l’Indonésie.
32 Un autre critère objectif dans une société rurale
d’économie naturelle est l’accroissement du nombre des
paysans sans terre, mendiants, vagabonds, solliciteurs
de menues besognes dans les villes, faméliques
populations des bidonvilles suburbains. Pour une
collectivité d’économie différenciée à plus ou moins fort
contingent de salariés, le critère objectif principal du
surpeuplement est la présence permanente de chômeurs
totaux ou partiels : situation réalisée dans l’Italie
méridionale où l’administration distingue subtilement,
en dehors des salariés à emploi permanent, des
travailleurs habituels, des travailleurs occasionnels, des
travailleurs exceptionnels et des travailleurs spéciaux.
Les conséquences ne sont, ni apparemment ni
immédiatement aussi dramatiques dans le cas d’un
surpeuplement en économie naturelle et dans celui d’un
surpeuplement en économie monétaire. Mais la misère
constante des disoccupati de l’Italie du Sud engendre les
mêmes carences que la disette africaine et, dans les
deux cas, un déséquilibre économique est révélé.
L’Afrique du Nord fournit un exemple mixte de
dépassement du maximum en économie semi-naturelle,
semi-monétaire. Deux critères objectifs apparaissent
indiscutablement : l’accroissement du nombre des
paysans déracinés et la permanence du chômage partiel
ou total dans les villes. Le Brésil, qui a une économie
plus complexe encore, présente les trois critères :
disettes et famines à l’échelle régionale, présence d’une
population flottante de paysans déracinés, chômage
urbain.

Aspects du surpeuplement dans les pays


industrialisés
33 Dans les pays très industrialisés, le problème se pose
autrement. Certes, la surcharge de population de
certains États s’exprime par la difficulté chronique à
résorber un chômage qui dépasse par ses proportions le
chômage dit technique (correspondant à l’interruption
de travail entre deux emplois, au retard à l’entrée des
jeunes dans la profession, etc.). Ce cas est celui de
l’Allemagne, particulièrement chargée par les reflux de
populations allemandes originaires de l’Europe centrale
et orientale. L’Italie tout entière souffre d’un chômage
qui n’est pas seulement celui des populations rurales du
Sud, mais aussi celui d’une partie des travailleurs
industriels du Nord. Ce qui tient lieu ici de phénomène
d’alarme à la place des famines des pays d’économie
naturelle, c’est la crise périodique liée aux déphasages
entre production et capacité de vente à laquelle les
économistes de l’Europe occidentale et d’Amérique du
Nord donnent le nom de crise cyclique ou, plus
généralement aujourd’hui, de récession. Le phénomène
a été étudié par A. Demangeon lors de la grande crise
mondiale de 19309. Il ne fait pas de doute que la
présence de 14 millions de chômeurs aux États-Unis, de
plusieurs millions dans chacun des États industriels de
l’Europe de l’Ouest ait souligné un déséquilibre grave
entre le système économique et les besoins d’emploi et
de salaires de la population. Il s’agit donc bien d’un fait
de surpeuplement, mais typiquement circonstanciel. On
sait qu’à cette époque la crise contraignait à la
destruction de denrées vitales telles que blé, café, sucre,
etc. parce que leur marché s’était brusquement rétréci.
Le rapport entre les données est donc radicalement
différent de celui qui caractérise le surpeuplement dans
les pays d’économie naturelle. La disproportion n’est
pas entre disponibilités de produits indispensables et
besoins des populations, mais entre la capacité d’emploi
et de vente de l’appareil économique d’une part, les
besoins constants ou minimum des populations d’autre
part. Dans le premier cas, il s’agit d’une crise de
quantités, dans le second d’une crise de mécanismes
économiques, qui s’accompagne au contraire de
gaspillage de marchandises de première nécessité,
parce que le système de répartition et de circulation
monétaire est déréglé.
34 L’objet de la présente étude n’est pas de discuter de la
théorie d’inévitabilité des crises. Il apparaît cependant
que, ni dans le cas d’un surpeuplement en économie
naturelle, ni dans celui de crises en économie monétaire
et industrielle, il n’est possible d’affirmer que l’on se
trouve en présence de données inéluctables présentant
un caractère de fatalité. Les famines sont normales dans
une économie à faible pouvoir de production dès que le
peuplement dépasse un certain taux. Seulement, la
production des pays sous-développés peut être
augmentée, et l’exploitation de richesses spécifiques
permet, par amorçage d’un dispositif d’échanges, de
faire entrer, dans les pays les moins doués pour assurer
leur subsistance, des denrées venues de l’extérieur. Les
crises sont liées à une certaine forme de mécanismes
économiques et, soit par la transformation radicale de
ces mécanismes, soit par des expédients de portée
temporaire, on parvient à les supprimer ou à en réduire
l’ampleur et la durée, quitte à engendrer de nouveaux
processus économiques porteurs à leur tour de facteurs
d’irrégularité. À l’échelle mondiale ou même à l’échelle
d’un continent, il est impossible de concevoir un
maximum absolu de population, tel que le
surpeuplement apparaisse n’avoir d’autre issue que la
disparition d’une fraction de la population.

Maximum absolu et maximum relatif


35 Un maximum absolu se définit en effet comme un
chiffre de population qui ne peut être dépassé sans que
la situation d’une partie de la population soit marquée
par de tels faits de carence que la dégénérescence et la
surmortalité s’installent dans le groupe, sans qu’aucun
remède ne puisse être apporté dans le délai d’une
décennie ou d’une génération. Semblable situation est
pratiquement inconcevable dans une économie
d’échanges. On peut cependant en approcher dans
certains cas d’isolement politique et économique
plaçant une collectivité humaine en marge des systèmes
d’échanges de marchandises ou de services qui
pourraient lui permettre d’accroître ses disponibilités
en regard de ses besoins. Le Japon, coupé de ses
partenaires économiques traditionnels du continent
asiatique, dont l’économie est reliée par un cordon
ombilical d’une longueur démesurée à l’économie nord-
américaine, soumise aux variations de la conjoncture
internationale dans le Pacifique, largement tributaire
des spéculations stratégiques américaines, est, bon gré
mal gré, le meilleur exemple de cette situation dans le
monde actuel.
36 Dans la majeure partie des cas, le surpeuplement
apparaît en fonction d’un maximum relatif qui est
dépassé sans que les facteurs économiques intervenant
dans la définition de ce maximum relatif aient changé.
Suivant les formes de développement et d’organisation
économique, le maximum relatif se définit par rapport à
diverses données :
37 a) Par rapport à l’étendue de l’espace agricole utilisable
par les techniques et les modes de production en usage,
alors que des réserves de terre exploitable demeurent
inutilisées, ou sous-exploitées. Le surpeuplement peut,
dans ce cas, procéder de deux séries différentes de
données : ou bien la responsabilité de la situation
incombe à une insuffisance du développement
technique, à une incapacité de l’organisation
économique et sociale, ce qui fut longtemps le cas en
Chine et l’est encore pour une large part dans l’Inde ; ou
bien la surcharge de régions stériles en lisière de terres
fécondes délaissées est l’héritage de périodes révolues
et, présentement, la conséquence d’une répartition
disharmonieuse de la population : le déséquilibre du
peuplement des montagnes dinariques et des plaines de
la Save en Yougoslavie ; à une échelle plus réduite,
l’accumulation de population sur des terroirs villageois
aux terres usées, à côté des latifundia sous-exploités :
situation des pays de structure foncière féodale avant la
réforme agraire, dont il subsiste des séquelles en
Afrique du Nord (biens Habous notamment) en Sicile,
en Amérique latine, etc.
38 b) Par rapport à l’étendue de l’espace agricole utilisable
au prix d’une révolution technique, et de la réalisation
de grands travaux. La pratique des amendements, de
l’emploi d’engrais, la révolution fourragère, en un mot
tous les éléments de la « révolution agricole » telle
qu’elle a été définie en Europe occidentale sur la base
des transformations réalisées depuis l’élan donné par
les physiocrates au xviiie siècle, sont capables de relever
considérablement le seuil du maximum. Tant que
l’effort n’a pas été fait, on ne peut parler que de
maximum relatif. Il appartient aux techniciens de
définir les éléments de la révolution agricole en chaque
domaine biogéographique du globe.
39 L’ouverture de grands travaux, qui peuvent être le fait
d’une technique hautement mécanisée ou être conduits
par des foules de manœuvres faiblement outillés,
déplace également le seuil du maximum. L’exemple
chinois est suggestif à cet égard. L’Italie du Sud est aussi
le lieu d’une modification profonde des conditions et
des superficies de l’agriculture qui a sensiblement
relevé le maximum régional de peuplement, sans
résoudre totalement le problème du surpeuplement, les
solutions exclusivement agricoles ne pouvant suffire.
40 c) Par rapport aux ressources industrielles
mobilisables : ressources minérales et énergétiques,
potentiel de main-d’œuvre représenté précisément par
les excédents de population de l’agriculture, y compris
la valeur productive que représente la formation
professionnelle et le développement culturel d’une
population.

Rôle des échanges et des prélèvements de ressources


41 Les données définies par rapport aux conditions
intrinsèques d’une région au sens très large du terme
peuvent être modifiées par la nature des échanges ou
des prélèvements opérés de région à région : le seuil du
maximum de population est élevé dans les pays qui
ajoutent à leurs ressources propres celles qu’ils
prélèvent dans d’autres pays ; inversement, il est
abaissé dans les pays qui subissent ces prélèvements. La
suppression de ces prélèvements crée de nouveaux
rapports quantitatifs dans l’un et l’autre cas. La vente de
services, l’exportation d’une valeur-travail, comme elles
sont pratiquées par des pays comme la Grande-
Bretagne, la Norvège et, de plus en plus, par l’Italie,
peuvent, dans les faits, apporter les mêmes avantages
que des prélèvements de ressources sur l’économie d’un
autre pays. C’est en ce sens par exemple que l’aide
technique aux pays en cours de développement entre
dans la liste des conditions d’élévation du seuil de
surpeuplement dans les pays industriels, aux lieux et
places de l’exploitation coloniale du xixe siècle. Un Japon
jouant le rôle de fournisseur de produits techniques,
d’études et de brevets, de prototypes pour l’équipement
de l’Asie continentale, verrait son seuil de
surpeuplement sensiblement haussé par rapport à la
situation actuelle.

Aspects sociaux du surpeuplement


42 Le surpeuplement prend généralement les formes d’un
phénomène social. En effet, quand le seuil du maximum
des populations est dépassé, la réduction des
disponibilités vitales n’atteint pas également tous les
membres d’un même groupe humain, nation ou
population d’un continent. Elle peut être spécifique d’un
secteur de la production : une crise industrielle abaisse
le revenu national, donc le quotient théorique
individuel. Mais, en fait, le chômage et la misère sont le
lot des travailleurs du secteur industriel ou d’une
fraction de ce secteur industriel. Dans le même temps, la
population rurale peut continuer à vivre aisément,
même en face d’une crise de marché, si elle peut se
refermer sur un système d’autoproduction qui la
replace dans les conditions d’une économie naturelle de
suffisance, voire d’abondance (avec les avantages
qu’elle peut tirer de l’exploitation d’une situation de
pénurie plus ou moins provoquée). Dans une économie
et une société attardées, la différenciation sociale est
toujours assez grande pour que le poids d’une disette ou
d’une famine repose sur les catégories les plus
déshéritées des paysans. C’est d’ailleurs dans ce fait
d’expérience que repose la revendication agraire dans
quelque pays que ce soit, la révolte contre les fermages
et les impôts en période de pénurie. Cette observation
devra être reprise en considération quand il sera
question de l’inventaire des offres d’émigrants
— provoquées par le surpeuplement régional — dans
l’étude des migrations humaines.

Aspects du sous-peuplement
43 Le sous-peuplement absolu est encore plus exceptionnel
que le surpeuplement absolu. Il suppose la réduction de
l’effectif d’une population isolée au-dessous du nombre
permettant, soit le renouvellement normal des
générations (minimum biologique ou isolat), soit la
production de denrées indispensables à l’existence du
groupe. La notion d’effectif n’est d’ailleurs pas seule en
cause, mais aussi la composition par sexes et par âges de
la population.
44 Mais des minima relatifs peuvent être définis par
rapport aux besoins de population pour mettre en
exploitation rationnelle, dans le contexte de techniques
et d’aptitudes productive du milieu, l’espace disponible.
Le sous-peuplement absolu met en cause l’existence du
groupe, le sous-peuplement relatif n’a pour
conséquence qu’une insuffisance d’utilisation des
ressources locales. Le premier cas est
exceptionnellement celui d’archipels ou d’îles isolées
(îles Andaman par exemple) de groupes arctiques,
encore que ceux-ci soient de moins en moins exposés à
l’isolement du fait de la pénétration du grand Nord par
les techniques modernes, et sous la forme de chute de
l’effectif au-dessous des chiffres correspondant à un
entretien de la productivité du milieu naturel, dans
certaines régions de haute montagne ou de domaines
considérés à un moment donné comme pauvres et, de ce
fait, désertés. Le cas des régions de dépeuplement
excessif en France même a été particulièrement
étudié10. Le sous-peuplement relatif est beaucoup plus
délicat à définir. On sait que diverses thèses ont été
avancées à propos du peuplement rationnel de la
France, allant de 25 millions à 75 millions… Plus
certainement, le continent africain est, sauf quelques
domaines de forte concentration du peuplement en
Nigéria, dans le nord du Cameroun et du Togo et en
Afrique orientale, et naturellement dans l’ensemble de
l’Afrique du Nord, fortement sous-peuplé. Toute
entreprise d’industrialisation rencontre des difficultés
de recrutement de main-d’œuvre, doit s’accompagner
d’une politique systématique d’attraction, de fixation et
d’accroissement de la population. Mais l’évaluation du
degré de sous-peuplement relatif est, par définition, en
relation directe avec les hypothèses de création de
ressources et d’emploi de force de travail appliquées à
chaque région. Elle sort donc du domaine des notions
générales pour entrer dans celui de la planification
régionale.

Optimum de population
45 Rechercher l’optimum de population d’une région, c’est
essayer de « déterminer, pour une humanité
grandissante, le point à partir duquel les inconvénients
qui résultent de la densité l’emporteront sur les
avantages qui résultent de l’état de croissance… »
(E. Dupréel, cité par M. L. Buquet11). Malgré l’intention
de définir l’optimum de population par rapport à une
dynamique de la population et de l’économie, les
chiffres ne peuvent s’appliquer qu’à des rapports
circonstanciels. M. A. Sauvy a écrit12 que définir
l’optimum de population d’un pays ne signifiait pas que
l’on prononçait une condamnation sans rémission à
l’égard des excédents dépassant le chiffre de cet
optimum. Du moins cette définition implique-t-elle une
prise de position sur le volume des besoins de chaque
habitant. Il s’agit de déterminer, par rapport au niveau
de vie moyen actuel ou par rapport au niveau de vie des
diverses catégories sociales, un niveau de vie de
référence qui, rapporté aux ressources du pays, donne
la mesure de sa capacité d’entretien de population. Le
choix de ce niveau de référence est un acte politique,
beaucoup plus que la conclusion d’un raisonnement
scientifique strict, encore que cet acte politique puisse
avoir de solides fondements scientifiques. Ceci signifie
qu’il ne saurait être question, dans une étude comme
celle-ci, de dresser une carte des populations optima des
divers pays du globe. L’optimum peut être relatif ou
perspectif, mais il est toujours régional ou national. Il
est relatif quand il est calculé par rapport à des
conditions déterminées de production et de distribution
de ressources actuellement réalisées. Il est perspectif
quand il fait état de planification de l’économie, ou
d’une politique de la population. Il se définit alors par
des chiffres successifs correspondant chacun à une
étape du développement économique ou de l’évolution
provoquée des effectifs de population.
46 Il n’est pas inutile de remarquer que le calcul d’un
optimum de population suppose au préalable le choix
de certaines hypothèses, qui ont, comme l’ensemble du
calcul, un caractère politique. La première de ces
hypothèses admet la conservation stricte de la structure
sociale existante : les besoins de chaque catégorie
sociale seront alors définis en fonction du niveau moyen
de consommation et des effectifs de la catégorie. Mais
on peut concevoir l’application du calcul dans un
contexte de révolution ou d’évolution économique et
sociale comportant une modification des rapports
numériques des classes sociales, de la répartition des
biens d’usage et de consommation entre elles. Enfin,
selon la position prise à l’égard du devenir économique,
les besoins de main-d’œuvre seront évalués
différemment : une population trop nombreuse pour les
ressources dont elle dispose peut être insuffisamment
nombreuse pour en dégager de nouvelles… On est
conduit ainsi irrésistiblement à passer du statique au
perspectif, à envisager les diverses formes de prévision
et, dans la mesure où un choix est nécessaire, au seuil
des problèmes d’action, c’est-à-dire de politique.

IV. Prévision démographique et prévision


économique

Mise en phase des rythmes démographiques et des


rythmes économiques
47 Il est impossible de séparer l’étude des rapports
statiques entre économie et population de celle des
perspectives pour la raison fondamentale qu’il ne s’agit
pas de décider si l’on transformera ou non un état en
mouvement, mais il faut appliquer le raisonnement à
l’action, à des données qui sont les unes et les autres en
mouvement.
48 La pression démographique résultant de
l’accroissement naturel a été étudiée dans un autre
chapitre. On rappellera seulement qu’il a été signalé que
tous les pays économiquement attardés pour lesquels le
problème du dégagement rapide de ressources
nouvelles est difficile à résoudre, ont des accroissements
naturels compris entre 1,5 % et 2 % ou même 2,5 % par
an. Ces pays rassemblent, d’autre part, beaucoup plus de
la moitié de la population du monde : 220 millions
d’Africains, 200 millions d’Américains, du Mexique à la
Terre de Feu, 1,5 milliard d’Asiatiques, sans exclure
quelques dizaines de millions d’Européens,
méditerranéens surtout.
49 Mais certains pays avancés ne voient pas sans
inquiétude leur population croître, sans avoir la
certitude de pouvoir assurer le parallélisme des rythmes
d’expansion économique et de développement
démographique. À brève échéance, quelques-uns
d’entre eux ont même la certitude que l’accroissement
démographique signifie recul du niveau de vie : Japon.
D’autres, au contraire, estiment que la conquête de
nouvelles sources de production, la mise en œuvre de
techniques nouvelles, une meilleure utilisation de
l’espace national requièrent des générations plus
nombreuses dans le proche avenir : URSS. Le cas de la
Chine a été diversement interprété, et la politique
chinoise de la population est multiforme.
50 Les deux éléments de tout raisonnement valable en la
matière sont la connaissance de la prévision
démographique et celle de la prévision économique. Les
études de démographie quantitative permettent de
déterminer avec une précision suffisante les effectifs
d’une population et, à l’intérieur de ceux-ci, le nombre
d’actifs et d’inactifs à échéance de 5, 10, 20 ou 30 ans,
dans l’hypothèse d’une certaine constance du
comportement démographique. D’autre part, il est
possible de prévoir, en considération de la structure
économique et professionnelle d’un pays, de
l’application des techniques nouvelles et des méthodes
d’accroissement de la productivité, le nombre d’emploi
aux diverses échéances du proche avenir. Le revenu
national peut lui aussi être calculé à titre prévisionnel,
sous réserve des surprises que peuvent apporter les
variations de la conjoncture, les incidences des rapports
internationaux, les découvertes scientifiques et leurs
applications techniques. On peut donc parfaitement, en
possession des deux séries de données, savoir si en 1965
ou en 1970 le rapport entre besoins d’une population et
capacité d’offre de l’économie correspondante sera le
même qu’aujourd’hui, plus favorable ou moins
favorable.
51 Si l’évolution telle qu’elle est dessinée aboutit à un recul
social, on peut être conduit à choisir entre deux
solutions : exercer une action restrictive de
l’accroissement démographique, ou accélérer
l’expansion économique. En fait, le plus souvent, il
convient de recourir aux deux solutions au moins à
court terme, quelle que soit la position philosophique
qui soit retenue à l’égard de l’action d’une collectivité
sur ses propres rythmes de développement quantitatif :
en effet, l’action économique ne peut engendrer de
résultats qu’à moyen terme quand la pression
démographique est présente et apporte chaque année
un contingent accru de consommateurs dont le nombre,
en période d’expansion démographique, croît plus vite
que celui des producteurs. Pour la commodité de
l’analyse, il est préférable de séparer les deux
problèmes.
52 Celui de la réduction du nombre des naissances est un
problème de propagande, d’éducation et de diffusion de
matériel contraceptif s’insérant dans un contexte
législatif et juridique qui s’étend jusqu’à la définition
des conditions légitimes de l’avortement. Sur le plan
pratique, il interfère avec celui du développement social
et culturel des diverses couches de la population,
puisque le succès des mesures appliquées dépend de la
réceptivité des masses les plus nombreuses à leur égard.
Il est plus facile d’appliquer une politique de réduction
de l’accroissement de la population dans un pays
comme le Japon, à civilisation matérielle et culturelle
avancée, à fort développement urbain, que dans l’Union
indienne. À plus forte raison, dans les pays qui ont
réalisé depuis longtemps leur révolution industrielle, la
réduction des naissances n’est plus une question de
gouvernement ; elle est devenue une question de morale
sociale, et, au contraire, les politiques collectives
peuvent être engagées en sens inverse si les coutumes
sociales ont pour effet un ralentissement trop marqué
des rythmes de renouvellement des générations. Dans
les deux cas, il s’agit d’intervenir pour corriger les effets
économiques de l’augmentation du nombre de
personnes sur la famille. Dans le premier, on aide la
famille à alléger ses charges en réduisant le nombre de
ses enfants et l’on diminue en même temps les
obligations de la collectivité et les tâches du
développement économique. Dans le second, on lui
accorde des subventions et des dégrèvements de
charges en fonction de l’accroissement du nombre des
enfants, pour provoquer une reprise de la natalité
(France depuis 1937).

Le coût de l’accroissement démographique


53 Quand la prévision économique doit s’inspirer
directement des nécessités d’assurer le maintien du
plein-emploi et du niveau de vie, ou, qui plus est,
l’amélioration des conditions d’existence de populations
déjà altérées par le surpeuplement, une des
considérations fondamentales est celle du coût
d’accroissement démographique. Les différents calculs
effectués à cet objet ont été rassemblés par
M. L. Buquet13 et par M. L. Tabah14. M. L. Buquet a
regroupé des évaluations allemandes, anglaises et
américaines. En Allemagne, pour deux époques
légèrement différentes en regard du degré de
développement de l’économie allemande et de la
conjoncture, les estimations de Wagemann (1913) et de
Burgdörfer (1930) varient de 1 à un peu plus de 1,5. En
1913, Wagemann considère qu’un accroissement de 1 %
par an de la population ne peut être toléré sans
incidence sur le niveau de vie moyen que si 6,5 % à 8 %
du revenu national annuel sont consacrés à la
préparation de l’incorporation dans l’effectif national de
la population supplémentaire. En 1930, dans un pays
plus puissamment équipé, malgré les crises de l’après-
guerre, Burgdörfer pense pouvoir abaisser ce taux à
5 %. Les calculs anglais pour la fin du xixe siècle
coïncident avec ceux de Wagemann (6 % à 8,5 %). Par
contre, aux États-Unis, où le suréquipement atteint
après la Première Guerre mondiale assure l’existence
d’infrastructures capables de supporter une population
plus nombreuse, et où le revenu national est
exceptionnellement élevé en raison de la situation de
banquier du monde tenue par l’Amérique du Nord, le
prélèvement destiné à assurer la stabilité du revenu
moyen en considération d’un accroissement
démographique annuel de 1 % est de 2 % à 3 %
seulement. M. L. Buquet reproduit une échelle établie
par Lopin, mettant en parallèle les courbes
d’accroissement de population et des investissements :

54 Les chiffres établis par M. Tabah, dans Le tiers-monde,


pour les pays sous-développés, sont du même ordre de
grandeur. Le niveau de vie moyen à maintenir est très
bas, mais le revenu national est lui aussi fort maigre. Il
est donc normal que les pourcentages soient de même
valeur numérique : 12 % à 22 % pour un accroissement
annuel de 2 % à 2,5 % (Amérique du Sud, Amérique
centrale, Afrique du Nord, Asie du Sud-Ouest…). Mais le
maximum de population étant souvent déjà dépassé
dans ces pays, en considération de leur capacité actuelle
de production et de distribution, il apparaît nécessaire
non seulement d’augmenter l’efficacité de l’économie
selon le rythme de l’accroissement naturel, mais
d’accélérer l’évolution de l’économie à un rythme plus
rapide que celui de l’augmentation de population. On
arrive alors à des chiffres qui appellent des
considérations très importantes. En effet, M. Tabah
montre qu’un accroissement annuel de 2 % de la
consommation par tête, dans un pays où le revenu
annuel par tête est inférieur à 100 dollars (35 000 frs),
correspond à un doublement de la consommation
individuelle en trente-cinq ans et, dans la conjoncture
démographique des pays à haute fécondité, atteint plus
de 30 % du revenu national pendant les vingt-cinq
premières années.

Problème du financement extérieur


55 Or, l’expérience, tant dans les pays d’économie libérale
que dans les pays d’économie socialiste, a montré que
prélever 30 % du revenu national pour les
investissements est une opération périlleuse, impliquant
dans l’immédiat une restriction sévère de la distribution
et un abaissement du niveau de vie. Cette compression
peut être masquée momentanément par l’imposition
exceptionnelle des revenus d’une classe sociale
privilégiée, de telle sorte que l’abaissement du revenu
moyen annuel individuel ne se répercute pas sur le
revenu moyen annuel de l’immense majorité de la
population. Semblable opération implique une
révolution sociale. En fait, il s’agit plutôt d’une
récupération de revenus antérieurement accumulés que
d’une ressource permanente, du fait même des
conséquences de son caractère révolutionnaire. C’est
pourquoi elle ne peut présenter qu’un aspect de coup de
fouet, d’expédient circonstanciel et de procédure de
démarrage d’une nouvelle phase de développement
économique. La mobilisation de ressources jusque-là
inexploitées, vente de produits bruts, minerais
métalliques ou pétrole, peut jouer en pays sous-
développé le rôle dévolu à la valorisation des qualités
créatrices d’une main-d’œuvre spécialisée et de la
technicité d’une production en pays développé, en
attirant dans le circuit financier national des capitaux
étrangers. Mais il est difficile d’éluder le problème des
crédits extérieurs et de l’aide technique, encore qu’il se
pose très différemment selon l’étendue, les richesses
naturelles, l’épargne mobilisable du pays intéressé, de
même qu’il est appelé à être résolu différemment
suivant les conjonctures et les structures politiques et
économiques.

Il faudrait 700 milliards d’investissements


démographiques annuels en France
56 Un pays comme la France doit déjà tenir le plus grand
compte des besoins d’investissement imposés par son
accroissement démographique : constructions scolaires
et universitaires, construction de dispensaires, de
crèches et d’hôpitaux, construction de logements,
création de nouvelles entreprises, développement des
activités productives et, à titre de corollaire, des
activités de service offrant un nombre de nouveaux
emplois équivalent à celui des demandes de travail des
nouvelles classes arrivant à l’âge adulte. Il lui faudrait
depuis plusieurs années déjà y consacrer un vingtième
du revenu national, environ 700 milliards par an. Sinon,
l’accroissement de population résultant de la reprise des
naissances depuis 1945 aura pour effet, à partir de 1965,
un engorgement du marché du travail et un
abaissement du niveau de vie moyen.

Un pool de l’investissement démographique pour les


pays sous-développés ?
57 Dans les pays sous-développés à taux de fécondité élevé,
le problème appelle un examen particulièrement
attentif. Trois solutions économiques apparaissent
possibles : la création de ressources nouvelles destinées
en partie à l’exportation et permettant d’acquérir des
services, du matériel de production, ou même des
produits d’usage et de consommation de la part
d’économies plus avancées ; l’organisation de vastes
fédérations de pays sous-développés, mettant en
commun des ressources complémentaires susceptibles
de faciliter la « révolution économique » dans chacun
d’eux ; le recours à des crédits à long terme et à des
fournitures de matériel de production, à l’octroi de
services techniques de la part des pays industrialisés. Si
l’on ajoute que le développement de ces pays
industriels, ne serait-ce que pour répondre à l’appel de
l’accroissement de leur population, ont besoin de
recourir à certaines matières premières dont les pays
sous-développés sont les détenteurs, on voit la
complexité du problème. Les pays sous-développés
peuvent trouver le moyen de transformer leur
économie et d’échapper au drame dont les menace
l’accroissement de leur population dans une économie
stagnante en cédant une partie de leurs ressources
brutes : minerais, combustibles liquides, énergie
hydraulique ou solaire… Si de semblables accords de
cession ne s’effectuaient pas, les économies industrielles
seraient menacées d’asphyxie et ne pourraient plus à
leur tour supporter leurs accroissements
démographiques, si minimes soient-ils. Mais l’exemple
des pays du Moyen-Orient montre que la vente de
richesses fabuleuses et l’accumulation de capitaux ne
suffit pas à résoudre le problème. Celui-ci n’est pas
seulement économique en effet : il est aussi social et
politique et, de ce fait, sort du domaine de cette étude.

Notes
1. FAO désigne communément l'Organisation des Nations unies
pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture
Organization).

2. M. Cepede et M. Lengelle, Économie alimentaire du globe, Paris,


Ėditions de Médicis, 1953, 654 p.

3. Loc. cit., p. 192.


4. Ibid., p. 195.

5. P. Gourou, La terre et l’homme en Extrême-Orient, Paris, Armand


Colin, 1940.

6. P. Sebag et al., Enquête sur les salariés de la région de Tunis, Tunis,


Institut des Hautes études, Paris, Presses universitaires de France,
1956, 80 p.

7. R. Dumont, Les leçons de l’Agriculture américaine, Paris,


Flammarion, 1949.

8. Paysans.

9. A. Demangeon, « La question du surpeuplement », Annales de


Géographie, 47(266), 1938, p. 113-127 et A. Demangeon, Problèmes
de géographie humaine, Paris, Armand Colin, 1952, p. 35-51.

10. A. Sauvy et al., Dépeuplement rural et peuplement rationnel,


Paris, Ined, coll. « Travaux et documents », cahier no 8, 1949, 108 p.

11. L. Buquet, L’optimum de peuplement, Paris, Presses


universitaires de France, 1956, 308 p.

12. A. Sauvy, Théorie générale de la population, Paris, Presses


universitaires de France, 1952.

13. L. Buquet, L’optimum de peuplement, Paris, Presses


universitaires de France, 1956, p. 235 et suivantes.

14. L. Tabah, Le tiers-monde, Paris, Ined, coll. « Travaux et


documents », cahier no 27, 1956, 393 p., sp., p. 227 et suivantes.

© Ined Éditions, 2023

Licence OpenEdition Books

Référence électronique du chapitre


GEORGE, Pierre. Géographie économique et population In : Questions
de géographie de la population [en ligne]. Paris : Ined Éditions, 2023
(généré le 23 juillet 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/ined/18925>. ISBN : 9782733290620.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.ined.18925.

Référence électronique du livre


GEORGE, Pierre. Questions de géographie de la population. Nouvelle
édition [en ligne]. Paris : Ined Éditions, 2023 (généré le 23 juillet
2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/ined/18865>. ISBN : 9782733290620.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.ined.18865.
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