dominantes) du projet urbain 1. La valeur politique • Elle s'accompagne des mutations du cadre juridique et institutionnel. • En France, les lois de janvier et juillet 1983 ont prévu le transfert de compétences en matière d'urbanisme de l'État aux communes : les maires ont reçu le pouvoir de fixer les règles de l'occupation des sols à travers le plan d'occupation des sols (pos)' et ils n'ont plus besoin d'avoir recours aux structures de l'État (sauf s'ils > ne disposent pas des moyens techniques et financiers nécessaires). - Cela a modifié radicalement les modalités de la planification urbaine, car les outils dévalorisés de l'urbanisme opérationnel ne leur permettent pas de régler les problèmes auxquels ils doivent faire face, comme le chômage, la baisse de l'activité économique ou encore l'exclusion sociale. -De nombreux maires essayent alors de relancer leurs communes ; dans le cas de grandes municipalités, ils choisissent la méthode dite de la planification stratégique, où le projet urbain occupe une place centrale. - Cette expression est en effet utilisée pour simplifier et rendre apparemment clairs à tous des processus en réalité très complexes, liés aux activités de planification désormais renouvelées. •Cette expression est en effet utilisée pour simplifier et rendre apparemment clairs à tous des processus en réalité très complexes, liés aux activités de planification désormais renouvelées intégrant la notion de projet. •La figure traditionnelle cède le pas à celle du maire-manager qui gère sa commune comme une entreprise. •Cette approche s'est affirmée pour répondre au chômage croissant de la population, en grande partie des plus jeunes, et elle considère l'aspect économique et social comme l’objectif principal de la planification. •La ville apparaît comme un lieu favorable au maintien ou à la création d'emplois et d'entreprises. •Les entreprises apparaissent ainsi des acteurs essentiels non seulement de la croissance économique, mais encore du développement urbain, et elles sont aussi porteuses d’un modèle de gestion qu'on tend à appliquer à la ville. •Il faut aussi considérer que les méthodes d’élaboration d'un plan d'urbanisme s'adaptent aux conditions économiques et sociales d'un pays : jusqu’au milieu des années 1970, le plan d'urbanisme accompagnait la croissance en s'efforçant de donner une rationalité spatiale aux mécanismes impliqués par celle-ci. •À partir de la fin des années 1970, la croissance démographique a fléchi et la croissance économique, n'ayant plus de facteurs propres aussi constants que dans les années précédentes, devient un enjeu dans une compétition entre pays, entre régions, entre villes et entre sites. •L'urbanisme est désormais devenu un facteur indispensable pour attirer les activités et les investissements, et un préalable à l'expansion économique. •Ainsi, d'une part, le recours à la notion de projet urbain, en substitution à celle de plan, indique l'effort pour rendre plus attractive une ville vis-à-vis des entreprises susceptibles de s'y implanter. •D'autre part, ce projet se décline à travers une série d'actions concrètes (et non seulement spatiales) obéissant à une stratégie globale, supra communale. Ce double objectif est poursuivi à travers l'introduction de démarches de concertation-négociation préalables à la procédure juridique des instruments d'urbanisme. •L'utilisation de ce terme au lieu de celui de « plan » veut donc indiquer qu'on est passé d'une planification technocratique, imposée, à une planification plus démocratique, négociée entre acteurs sociaux pour aboutir à un « projet collectif ». •Des contradictions. - Cette affirmation se heurte à des contradictions évidentes dues principalement à deux causes : les regards (et donc les intérêts) différents que les maires ont sur leur territoire, chacun pour leur propre compte ; le rythme de la vie municipale, beaucoup plus courte qu'une stratégie qui se situe à moyen terme. •Le projet urbain, dans ce cas, ne peut pas être stratégique et se situe parmi les actes d'un maire qui essaye de négocier avec ses électeurs et de se légitimer. •C'est le cas du maire qui, n'ayant pas les moyens effectifs pour réaliser une quelconque intervention sur son territoire, mais voulant se montrer actif, demande à un architecte de réfléchir à un projet à l'échelle du territoire, sans lui fournir de programme précis. Cette demande assez floue « traduit d'abord le désir d'avoir un projet, c'est-à-dire une vision prospective plus globale et plus concrète que celle du POS »'. • Ce projet est rarement réalisé, mais il utilise l'image comme moyen de communication directe avec les habitants sur le devenir possible de certains lieux de leur ville. • Cette approche spatiale et globale, après l'échec de la planification, vise à leur montrer que finalement une action concrète va être menée pour leur ville. Le but du maire apparaît donc clair : s'assurer d'abord un électorat. 2. La valeur économique et financière. - La valeur économique et financière, est liée à l'idée de ville comme produit à commercialiser et s’inscrit dans la démarche concurrentielle de villes qui cherchent à s'affirmer. -Différentes initiatives peuvent alors être lancées (parfois sous le nom de « projets urbains ») pour en valoriser certains aspects, le but étant de capter un certain nombre de visiteurs, de touristes ou de nouveaux actifs. -Cette démarche se réfère aussi à la logique du «montage» des opérations d'urbanisme, dont l'équilibre financier est la base et la condition indispensable de réalisation. •L’aménageur public effectue les études de faisabilité technique et financière qui doivent montrer d'une part que l'opération envisagée tient la route, autrement dit qu’il y a un marché preneur, donc une demande, et d’autre part qu'il y a les moyens techniques (et juridiques) pour préparer, réaliser et gérer l'opération, ce qui fait dire à Philippe Genestier1 que le projet urbain «est une démarche opérationnelle ayant pour objet la ville qui répond à une logique de marché ». •Cette critique ne porte pas tant sur les « projets urbains » mais sur la manière dont ils sont conduits. •Le projet urbain résulte donc d'une série d’actions qui s'enchaînent comme dans un mécanisme dont la première étape consiste à tester la capacité du « produit-projet » à s'insérer dans le marché. •Cette approche est nécessairement partielle, car elle tient compte principalement : de l'attractivité pour les promoteurs et les commerçants, due à la valorisation foncière et immobilière des lieux concernés par le projet, et d'une demande « solvable », autrement dit de la capacité de l'usager futur à payer les services offerts. •La négociation à laquelle on se réfère toujours comme à un moment de démocratie et d'échange se déroulerait entre deux catégories principales : les entrepreneurs et les «riches». • Celles-ci représenteraient, pour les aménageurs, les groupes sociaux « fortement légitimes... conformément aux impératifs propres des acteurs solvables, c'est-à-dire ceux qui ont les moyens d'imposer leurs intérêts dans la négociation initiale et dans les renégociations permanentes »'. • Le statut de l'usager, selon cette approche, est transformé en celui de « client » ou de « codécideur », révélant que le projet urbain relève complètement d'une « idéologie pragmatique contextualiste (libérale) » qui vise principalement la valorisation économique. • Cette approche, très critique et un peu réductrice, ne tient pas compte des efforts récents des aménageurs publics qui manifestent une plus grande ouverture à l'aspect social, principalement à cause de la montée du chômage et de l'insécurité de certains quartiers qui se vident progressivement. 3. La valeur architecturale et urbanistique. •Les architectes revendiquent la notion de projet urbain à laquelle ils attribuent essentiellement une dimension spatiale. Ils associent souvent à cette notion celle de forme urbaine : le projet urbain serait un outil d'organisation de la forme urbaine par l'imposition de règles d'ordonnancement spatiales bien définies. •Le projet urbain, en somme, tournerait autour d'une problématique : l'articulation de formes et de normes. •Les publications écrites des architectes sur ce thème sont rares, mais dans la plupart de leurs déclarations apparaît cette approche sectorielle du projet urbain qui est encore liée à une tradition dans laquelle l'architecte « décidait » de la forme urbaine d'un quartier. •Les ouvrages consacrés au projet urbain2, pas très nombreux en réalité, montrent un intérêt essentiellement à l’égard de son aspect formel (analyses morphologique, propositions). •Cette approche, un peu décalée par rapport à l’ actuelle, manque aussi d'un recul critique des modes opératoires actuels en matière des espaces urbains, modes qui tendent à marginaliser de plus en plus l'intervention de l'architecte. •Les raisons de ce «mutisme critique des architectes français» sont expliquées par Jacques Lucan un des rares architectes- critiques de l'architecture en France) : d'abord, les architectes sont obligés de se plier au système de la commande qui s'est développé ces dernières années à travers une généralisation des concours qui leur interdisait tacitement de critiquer les confrères. •Le système corporatiste des architectes est en effet encore en vigueur : il s'agit d'un milieu fermé qui entretient de rares relations avec le milieu universitaire, par exemple. • De ce fait, on trouve très peu d'architectes qui souhaitent s'exprimer en public pour manifester leur point de vue sur les questions d'aménagement et d'architecture. Ce qui explique le manque de littérature en ce sens. •Il faut aussi remarquer que ce manque de «critique oratoire», selon l'expression de B. Huet, est lié aussi au manque d'outils d'analyse pour effectuer cette même critique du fait que l'architecte n'est plus le chef d'orchestre de ces opérations, mais un simple maillon de la chaîne de production de l'espace. •Il ne peut donc pas développer une réflexion globale sur le projet urbain en tant que processus. • Dans ces conditions, il lui est difficile d'assumer une position théorique claire. On peut remarquer toutefois récemment des approches théoriques nouvelles et plus ouvertes de la part de certains architectes-urbanistes. •Parmi ceux-ci, Christian Devillers, Grand Prix d'Urbanisme 1998 et auteur d'un petit ouvrage, Le projet urbain, dans lequel il le définit comme « une démarche ayant pour but de rendre l'espace à l'usage », démarche qui implique « une multiplicité d'acteurs qui ne peuvent pas être maîtrisés par une seule pensée ». • Aspects sociaux et aspects spatiaux sont alors également importants, gestion et créativité doivent coexister. C'est une approche qui dépasse les oppositions classiques : entre l'urbanisme entendu comme gestion urbaine et l'architecture considérée comme une production artistique ; entre les spécialistes des sciences sociales, qui pensent l'espace comme s'il était déterminé par les usages et les architectes, qui pensent à une société type à situer dans un espace préconstitué en tenant compte des contraintes d'environnement. CONCLUSION •La notion de projet urbain a une portée globale. Dans la mesure où elle ne détermine pas de schémas stricts, mais s'inscrit plutôt dans une finalité plus large, économique, sociale, culturelle et dans un concours de compétences, elle peut alors se diviser entre une perspective générale économico-sociale-culturelle et les choix spatiaux : organisation de la trame, des espaces publics, du paysage en relation avec la ville existante, édification et affectation des bâtiments. •La notion de projet urbain renvoie aussi à une multiplicité de techniques, parce qu'il se rapporte à plusieurs compétences d'aménagement, de construction, d'écologie. •Cette multiplicité de techniques n'a de sens que si elle a une légitimation globale (dans la conception même des choses et dans les moyens d’articuler toutes ces techniques) de nature politique. Le projet urbain renvoie donc à une notion globale : il s’identifie avec un ensemble d’actions inscrites dans la durée et légitimées par le pouvoir politique.