« L’humanité serait depuis longtemps heureuse si les hommes mettaient leur génie non à réparer leurs
bêtises; mais à ne pas les commettre. »
« La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il paraît raisonnable de douter. »
Une éthique du discours médiatique est-elle possible?
Pour pouvoir répondre à une telle question, il convient d’examiner quelles sont les conditions de réalisation de ce discours, quelle place il occupe dans les pratiques sociales, quelles sont ses contraintes et quelles sont ses possibles stratégies de mise en scène. Seront donc envisagés ici, et successivement, les domaines d’activité qui structurent la société, le dispositif et les contraintes propres au discours médiatique d’information, enfin, les dérives auxquelles il se livre, engageant ainsi sa responsabilité. C’est alors que pourra être posée la question de l’éthique au regard de ce que sont les caractéristiques de ce type de discours. Société et domaines d’activité Une société est comme une fourmilière (ou une ruche) « Lieu où vit et s'agite une multitude de personnes» organisée en divers secteurs d’activité qui se définissent selon leur but, la répartition des statuts et des rôles des acteurs qui s’y trouvent et les rapports d’influence qui s’instaurent entre eux. Voici donc une vue d’ensemble de quelques-unes des sphères qui structurent la vie sociale: la sphère politique, la sphère économique, la sphère médiatique, la sphère judiciaire, la sphère éducative, la sphère scientifique, la sphère religieuse. Le dispositif communicationnel et les contraintes discursives dans l’espace public Dans toute sphère sociale, cette double logique est mise en scène à travers un certain dispositif qui détermine un certain « contrat de communication» et certaines contraintes discursives. Mais avant de décrire les spécificités de chaque dispositif et contrat de communication, il convient de constater que du seul fait de se trouver dans un espace public, les différents dispositifs ont des caractéristiques communes: Une instance de production qui représente toujours une entité collective, même quand elle se trouve configurée par une personne en particulier: une entité politique derrière tel homme ou telle femme politique; une entité commerciale derrière telle affiche publicitaire; une entité éducative derrière tel professeur, etc. Cette instance de production est légitimée par une norme sociale qui dit son droit, ici à vanter un produit (pour faire acheter), là à vanter un projet politique (pour faire voter), là encore à transmettre du savoir (pour instruire). Elle agit de façon volontaire, ce qui l’oblige à faire preuve de crédibilité; Une instance de réception qui représente, sous des configurations diverses, un public, non homogène, composite et non captif à priori. C’est pourquoi l’instance de production doit construire ce public en destinataire cible, plus ou moins segmenté, qui est présenté comme bénéficiaire d’un bien futur s’il se laisse persuader, séduire ou instruire. D’une façon ou d’une autre, l’instance cible est placée en position de devoir croire qu’elle peut être l’agent d’une quête qui lui sera bénéfique. De ces caractéristiques communes, il s’ensuit un certain nombre de contraintes discursives, elles aussi communes aux dispositifs qui se trouvent sur la scène publique, dont la principale est la contrainte de simplicité. Car s’adresser à un public, c’est s’adresser à un ensemble d’individus hétérogènes et disparates du point de vue de leur niveau d’instruction, de leur possibilité de s’informer, de leur capacité à raisonner et de leur expérience de la vie collective. L’instance de production doit donc chercher quel peut être le plus grand dénominateur commun des idées du groupe auquel il s’adresse, tout en s’interrogeant sur la façon de les présenter: il lui faut simplifier. Simplifier la langue en usant d’une syntaxe et d’un vocabulaire simples; simplifier le raisonnement, ce qui conduit l’orateur à abandonner la rigueur de la raison au profit de sa force de persuasion; simplifier les idées en mettant en exergue des valeurs qui puissent être partagées et surtout comprises par le plus grand nombre. Évidemment, simplifier n’est pas toujours aisé et comporte surtout un risque, celui de réduire la complexité d’une pensée à sa plus simple expression, et donc à son dévoiement. Dérives et désinformation de la machine médiatique Lorsque l’enjeu de captation est dominant — et il l’est souvent —, la visée informative disparaît ou se trouve occultée par une mise en scène plus ou moins spectacularisée ou dramatisée, ce qui finit par produire des dérives qui ne répondent plus à l’exigence d’éthique qui est celle de l’information citoyenne. […]. On peut repérer deux lieux dans lesquels prennent naissance ces dérives: celui de ce que l’on a appelé la « machine médiatique », celui de la « mise en discours » des nouvelles et de leurs commentaires. Dans chacun de ces cas, les dérives qui s’y font jour doivent être l’objet d’une réflexion morale. Détournement : ………………………/ ………………………..; Discordant……….…………/………………… : Ensemble de conceptions morales de tout peuple en vue d’établir ses devoirs, ses normes sans oublier ses limites.