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REMERCIEMENTS ________________________________________________________ 4
INTRODUCTION _________________________________________________________ 5
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2.4 Présentation des observables ________________________________________ 24
CONCLUSION __________________________________________________________ 34
BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________ 35
ANNEXES _____________________________________________________________ 38
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AVANT-PROPOS
Résumé : Ce mémoire porte sur l’étude du travail de groupe lors de l’apprentissage des sciences
en cycle 3. Le travail de groupe a été mis en place afin de tester ses répercussions sur les
conceptions erronées des élèves. En effet, il s’agit de voir l’évolution des conceptions des élèves
avant et après un travail de groupe.
REMERCIEMENTS
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INTRODUCTION
Pour la réalisation de notre mémoire, nous avons décidé de nous intéresser au travail de
groupe, et plus particulièrement à l’influence qu’il peut avoir sur les apprentissages des sciences.
La volonté de faire travailler les élèves ensemble, en groupe, est une volonté de l’Éducation
nationale qui transparaît dans ses programmes. Toutefois, la mise en groupe des élèves en classe
est bel et bien un choix de l’enseignant en fonction des activités qu’il propose. Si l’on regarde le
programme d’enseignement de la maternelle on remarque que le troisième objectif de cette
école est “une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble”. Or pour
apprendre à vivre ensemble il ne faut pas travailler les uns à côtés des autres et c’est ce
comportement que vont adopter les élèves qui entrent dans le monde de l’école. Il va s’agir tout
au long du cycle 1 d’apprendre aux élèves à travailler ensemble, les uns avec les autres. Cet
apprentissage est fondamental pour le bon fonctionnement de la suite de la scolarité des élèves.
Enfin, si l’on reprend les finalités exposées par les programmes de l’élémentaire le groupe va
permettre la construction d’une citoyenneté et l’acquisition des principes de vie en société. Le
groupe n’est pas seulement constitué par un petit nombre d’élèves à un moment précis, mais il
s’agit également du groupe classe. A ce niveau de scolarité, les élèves doivent apprendre à vivre
avec tout un groupe classe, il ne s’agit plus d’être centré sur soi mais d’être ouvert aux autres.
Si l’on se rapporte maintenant au socle commun qui couvre toute la scolarité obligatoire
des élèves, le domaine 2 à savoir “les méthodes et outils pour apprendre”, énonce très clairement
la nécessité de confronter les élèves entre eux à travers des travaux nécessitant une
collaboration, notamment pour les projets. Ce texte développe également le fait que l’élève doit
comprendre qu’il peut s’appuyer sur le groupe pour apprendre ce qu’il ne sait pas mais il peut
également apprendre au groupe ce qu’il sait. Le travail en groupe permet aux élèves d’échanger
entre eux, de mutualiser leurs savoirs, de les confronter pour accéder à un savoir définitif.
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répondant à un besoin” et “organiser seul ou en groupe un espace de réalisation expérimental”.
La nécessité de mettre les élèves en groupe de travail est donc explicite dans les programmes.
Nous avons donc décidé de travailler sur ce sujet, toutefois plusieurs questions gravitent
autour de la notion de travail de groupe : comment organiser le travail de groupe, peut-on
toujours travailler en groupe, comment gérer un travail de groupe, comment l’évaluer…
Afin de répondre à ses questions nous commencerons par une première partie théorique
où nous étudierons l’apprentissage des sciences, la remise en cause des conceptions des élèves
ou encore le travail de groupe. Dans une seconde partie nous présenterons notre
expérimentation au regard de nos recherches documentaires pour enfin finir sur l’analyse de
cette dernière pour répondre à notre problématique.
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PARTIE 1 - Fondement théorique
Ces trois points fonctionnent comme un tout, des aller-retours se font entre ses trois
aspects essentiels qui constituent le pilier de la démarche expérimentale. Cette dernière va tenter
de répondre à une question. Tout au long du travail des feedbacks (Informations qui permettent
à l'apprenant de confirmer, compléter, remplacer, régler, ou restructurer l'information en
mémoire, WINNE et BUTLER, 1994) vont permettre d’affiner les hypothèses pour répondre au
problème.
Concernant les hypothèses, il s’agit du moment créatif du travail, il faut inventer une
explication possible au problème que l’on se pose. La démarche scientifique n’est jamais simple
et linéaire, il est impossible de trouver la bonne hypothèse du premier coup. Cette réponse doit
être cohérente, en lien avec nos savoirs et argumentée. Il ne s’agit pas de proposer quelque chose
sans aucun fondement. Avant de passer à la phase d’expérimentation il est nécessaire de faire le
bilan de ce que l’on sait déjà. Cela est possible en cycle 3 (le niveau que nous étudions), mais en
cycle 1 et cycle 2, il s’agit d’avantage de demander des suppositions aux élèves.
L’expérimentation c’est l’action de tester par des expériences la validité d’une hypothèse.
Cette dernière répond à un protocole précis dans lequel est écrit le matériel utilisé ainsi que la
démarche ou le dispositif technique mis en place. La validation de l’hypothèse passe par la
recherche documentaire et les expériences réalisées. Toutefois il n’est pas possible de valider
totalement une hypothèse même avec une multitude d’expériences qui la confirment. Par contre,
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une expérience contraire suffit à remettre en cause l’hypothèse. Si l’hypothèse et les expériences
vont dans le même sens on peut dire que l’expérience corrobore les hypothèses.
Une expérience est considérée comme valide si elle est reproduite plusieurs fois à
l’identique et qu’elle donne le même résultat à chaque fois. Cependant, en classe il n’est pas
souvent possible de tester plusieurs fois une même expérience dans le même contexte. En
général, une expérience est proposé par la classe entière et plusieurs groupe peuvent la réaliser.
Dans ce cas on peut estimer que l’expérience est répétée plusieurs fois. Si cela n’est pas possible,
en classe on considère que l’expérience valide notre hypothèse si elle fonctionne une fois. Il est
toutefois important de préciser aux élèves que pour une réelle validation de l’hypothèse
normalement il faut répéter l’expérience plusieurs fois.
André GIORDAN, met en avant la « méthode OHERIC » comme étant celle souvent utilisée
par les enseignants. Cette méthodologie se décline sous plusieurs étapes : Observation,
Hypothèse, Expérience, Résultat, Interprétation, Conclusion. Pour lui cette méthode n’est pas
adaptée puisqu’elle ne correspond pas à la méthode scientifique et qu’elle crée une sorte de
rituel. Les élèves entrent dans la démarche, font toujours la même chose mais ils ne comprennent
pas ce qu’ils font.
Il faut également faire attention à la méthode active dans laquelle l’élève va s’activer avec
les mains mais où il ne va pas réfléchir à ce qu’il fait. Il est actif sans être acteur. Pour éviter ces
écueils il ne faut pas passer par des fiches-guides ou encore des questionnaires à trous qui ne
laissent pas la place à l’imagination des élèves. L’important dans l’éducation scientifique c’est le
questionnement.
Les élèves se questionnent constamment sur le monde qui les entoure et c’est de ces
questions qu’il faut partir pour réaliser les expériences. En amont, il s’agit de poser le problème.
Les élèves n’arrivent pas toujours à formuler leurs questions, il ne faut pas aller trop vite et les
laisser s’imprégner du problème. Il peut être nécessaire de leur demander de mettre par écrit ce
qu’ils cherchent et ce qu’ils pensent qu’il va se passer. Cette phase s’apparente à la phase
d’hypothèse de la démarche scientifique.
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Lors de travail de groupe il peut alors y avoir plusieurs hypothèses, cela est bénéfique pour
les élèves car elles permettent la confrontation des idées, une prise de recul et la mise en oeuvre
de l’argumentation.
De plus, il est important de faire comprendre aux élèves que l’éducation scientifique ne
passe pas seulement par de l’expérimentation. Leurs connaissances et les recherches
documentaires sont tout aussi importantes pour la construction de savoirs nouveaux.
Un autre type de démarche peut également être proposé, cette dernière se veut plus
significative pour les élèves. Pour point de départ de cette méthode, l’enseignant va proposer une
situation initiale permettant de déboucher sur une question productive. La situation initiale
correspond à un problème à la portée des élèves qui pourrait correspondre à un problème de la
vie quotidienne. Le choix de cette situation initiale est donc très important car elle doit être
compréhensible par tous les élèves et elle doit permettre des questionnements. Toutefois, il
précise que la question qui découle de cette situation initiale doit être productive. Il faut donc
faire la différence entre question productive et question signifiante. La question signifiante a du
sens et sa réponse apporte une meilleure connaissance du monde. Elle transpose de vraies
questions mais elle est générale ou plus limitée. La question productive peut découler de la
précédente. Elle va déboucher sur des expériences, des observations, des réalisation faisables en
classe. Elle conduit à une connaissance nouvelle.
A la suite de ce questionnement l’élève entre dans une investigation productive, il est
acteur de la recherche. Enfin, l’investigation débouche sur une conclusion provisoire ou une
connaissance ponctuelle. Le motif central de cette démarche est donc le suivant :
1. (Question signifiante non productive) → Question (reformulée) productive
2. Investigation productive
3. Conclusion provisoire ou connaissance ponctuelle
Lorsque le problème est plus général, cette démarche va être réalisée plusieurs fois.
L’ensemble des conclusions provisoires vont former à la fin une connaissance générale.
Notre présente réflexion voue un intérêt particulier à ce que sait l’enfant. Loin de l’idée
de la tabula rasa de LOCKE du XVIIème siècle (modèle pédagogique dans lequel l’enfant est vu
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comme une page vierge où le maitre vient écrire les savoirs) propre au modèle théorique de la
transmission ; nous intégrons les recherches de certains pédagogues qui développent l’idée de
conceptions initiales. D’après GIORDAN et DE VECCHI (Les origines du savoir, 1987) le terme de
conception initiale est un : « ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes, explicatives,
utilisées par les apprenants pour raisonner face à des situations problèmes et traduisant une
structure mentale sous-jacente responsable de ces manifestations contextuelles ». En d’autres
termes, pour chaque notion, l’élève va faire appel à des expériences antérieures et les mettre en
lien dans le but de trouver une réponse, une solution ou une explication. Pour J-P ASTOLFI, « c’est
à la fois sa grille de lecture, d’interprétation et de prévision de la réalité que l’individu a à traiter ».
Ses propos rajoutent une donnée importante. Au-delà d’une structure de réflexion, les
conceptions initiales peuvent fonctionner comme un prisme qui permettrait de percevoir le
monde qui nous entoure. Un élève interprète son environnement proche en faisant des constats
et en créant des liens de causalité en références à certaines expériences déjà vécues.
Une conception est donc présente chez l’élève dès la première situation d’apprentissage.
En effet, elle s’appuierait d’après GIODAN sur « le CORS ». Quatre facteurs influencent les
représentations initiales de l’élève. Le cadre de référence, les opérations mentales, le réseau
sémantique et les signifiants sont ces facteurs.
• Le cadre de référence constitue l’ensemble des savoirs intégrés par l’apprenant. Ce sont
des éléments encrés qui vont lui permettre d’appuyer la création d’une conception.
• Les opérations mentales (invariants opératoires pour Gérard VERGNAUD) sont les mises
en réseau des éléments mobilisés dans le cadre de référence. Cette plasticité a pour but
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de faire des inférences entre certains éléments du Savoir enregistrés.
• Le réseau sémantique comprend les deux éléments précédents d’après les travaux de
GIORDAN. C’est en interaction de ces deux pôles que le sujet va mettre du sens dans la
construction de la conception. De façon complexe, se tissage produit une représentation
logique pour l’élève, de ce qu’il perçoit, connait, ressent et est capable cognitivement de
produire.
Comme exprimé plus haut par la citation de DE VECCHI et GIORDAN, nous pouvons parler
de « structure mentale sous-jacente ». L’élève n’est pas toujours au clair avec le cheminement
qui l’a amené à une réponse. C’est pourquoi, il peut lui être difficile d’exprimer clairement ce qui
pour lui justifie une réponse.
Dans le cadre des sciences scolaires, les conceptions initiales apparaissent tout le temps.
C’est particulièrement celles présentent en début de cycle qui nous intéressent car le cadre de
référence de l’enfant n’est pas influencé par les savoirs de l’école. Pour que ce dernier soit modifié
il faudrait qu’il y ait apprentissage de la notion en question.
Mais, « ces représentations vont souvent leur nuire plutôt que les aider dans leurs
apprentissages et vont souvent persister malgré l’enseignement de représentations radicalement
différentes » (M. THOUIN, Revue des sciences de l’éducation, « Les représentations de concepts
en sciences physiques chez les jeunes », 1985). En effet, ces modes réflexifs opératoires sont
difficiles à déconstruire car, comme cité précédemment, ils s’appuient sur un tissage de liens et
d’inférences. De plus certaines conceptions des élèves peuvent être présentes depuis longtemps.
1.1.4 Apprendre
Pour que l’élève apprenne, il va donc falloir le placer dans une situation assez complexe
pour le sortir de sa zone de connaissances et de compétences acquises, pour qu’il essaye de
produire une nouvelle réponse l’emmenant vers un stade cognitif plus élaboré. C’est-à-dire, placé
devant un défi qu’il n’est pas capable de résoudre avec son propre vécu, l’élève va devoir réunir
des éléments (internes et/ou externes) pour émettre quelque chose de nouveau pour lui. Mais,
ce décalage entre ces compétences et ce qui est attendu ne doit pas être trop important. MEIRIEU
parle de « sa propre initiative », Michel DEVELAY parle « d’investir du désir dans l’objet de
savoir ». La notion de motivation est essentielle dans l’apprentissage et, une situation trop
décalée de la réalité de l’élève peut l’amener en situation d’échec continuel et réduire sa volonté
d’apprendre.
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Cette conception de l’apprentissage rejoint une certaine culture du sens pour l’apprenant.
Philippe MEIRIEU exprime cette nécessité du sens dans les apprentissages par cette phrase : « s’il
y a du sens dans nos savoirs, il est là : dans notre capacité à faire entendre que le plus intime se
relie au plus universel. » C’est-à-dire qu’un savoir peut s’apprendre seulement s’il a un
fondement socio-culturel et qu’il fait écho chez la personne qui l’apprend. La notion
d’apprentissage dans cette représentation pédagogique rend indissociable le sujet et son milieu.
Éviter cette déviance est un enjeu de taille. Le socio-cognitivisme s’appuie sur l’utilité du
groupe et de l’environnement pour l’apprenant tout en essayant de mettre en avant le sens pour
l’investir dans la tâche. Ce courant de pensée pédagogique permet de sortir de la
conceptualisation schématiquement descendante entre le maître et l’élève. C’est-à-dire que le
savoir n’est pas une unité sacrée dispensée par le maître savant. Cette façon de concevoir perçoit
l’apprentissage comme un système complexe qui met en jeu un grand nombre de facteurs. Afin
d’analyser les apprentissages des élèves au sein d’un groupe il est nécessaire de s’intéresser aux
interactions sociales du groupe.
face à des conceptions ancrées chez l’élève qu’ils vont devoir déconstruire. À travers des
échanges avec son milieu matériel et social (pairs, enseignants, intervenants…) l’élève va user des
désaccords pour établir cette déconstruction. La verbalisation est alors un élément
d’apprentissage clé.
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Ce ressort peut également s’avérer être un indicateur de l’évolution de l’élève (dès ses
représentations). Il va jouer un rôle important dans notre recherche. Michel DEVELAY (1994, « Le
sens des apprentissages : désir au passage à l’acte ») exprime la nécessité pour l’élève de clarifier
sa relation à l’objet du savoir pour assimiler et apprendre. Pour cela l’élève passe par une
métacognition de son apprentissage. C’est-à-dire qu’il doit examiner le chemin intellectuel qui l’a
mené jusqu’au savoir. La verbalisation est un outil indispensable à cette prise de recul sur son
action d’apprendre car pour exprimer son point de vu l’élève doit être clair avec. Elle permet de
clarifier et de synthétiser la démarche de l’apprenant.
Pour l’enseignant, cette verbalisation permet (partiellement) de comprendre le
cheminement effectué par l’élève. D’après Joël BISAULT, il faut être prudent quant à l’analyse des
interventions verbales des élèves car elles ne reflètent pas toujours les opérations mentales
effectuées par l’apprenant de manière transposée.
Nous ne nous concentrerons pas simplement sur la verbalisation des élèves mais sur les
interactions verbales. C’est-à-dire les échanges entre pairs ou avec un maître qui amèneront
l’élève à exposer les opérations mentales qu’il effectue et que les autres effectuent sur un objet
d’apprentissage donné. Au-delà de la « simple » verbalisation, la notion d’échange amène l’élève
dans un état de clarté supérieur sur ses représentations. « Amené à défendre et à éclairer ses
propos, et à entendre les arguments des autres, il est éventuellement conduit à interroger l’état
de ses connaissances initiales » (V. BIGOT, Analyse des interactions verbales et enseignements
des langues).
Dans un cadre d’expérimentation, l’élève va confronter dans un premier temps son point
de vue à celui de son entourage. Il va ensuite faire évoluer ses réflexions personnelles au fur et à
mesure qu’il change avec son groupe (pairs, enseignant, pairs et enseignants…).
Dans le cas où un élève resterait sur ses représentations, son argumentation, ses propos,
il devrait garder la même logique et donc la même argumentation. En revanche un élève qui
admettait des failles dans ses conceptions devrait être perméables à ce qui lui ai exposé et va
changer une partie de sa réflexion interne en incluant une ou des nouvelle(s) donnée(s). Alors,
dans ce cas, ses propos vont changer.
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En partant de ce postulat, nous pouvons intégrer l’axe consensus-conflit présenté par V.
BIGOT. Il représente l’ensemble des positions que nous pouvons prendre lors d’un échange de
point de vue entre deux bornes : le consensus et le conflit. Dans notre cas, si l’élève aux
représentations erronées se complet dans le discours d’un élève qui émet les mêmes idées, alors
l’échange coupera court. En revanche si ce même élève ne s'investit pas à entretenir l’échange
en tolérant et discutant les arguments d’un avis contraire alors l’échange coupera court
également. Il doit rester au milieu de cet axe pour entretenir un débat où il influencera peut-être
les autres, où il sera influencé par les arguments des autres.
VYGOTSKI définit un second cercle distant du premier. Au-delà de celui-ci les compétences
requises sont trop éloignées de l’apprenant. Donc toute tâche faisant appel à des compétences
dépassant ce cercle sera source d’échec. Même accompagné d’un adulte l’apprenant n’aura pas
les prérequis pour mettre du sens derrière ce qui lui est demandé.
Entre ces deux cercles reste un espace. C’est particulièrement celui-ci qui intéresse cette
façon de penser l’apprentissage. Cette zone intermédiaire ne nécessite pas que les compétences
acquises par le sujet. En revanche, les notions, éléments de réponse, compétences sont proches
de ce que l’enfant sait (ou sait faire ou sait être). Il va pouvoir, avec l’aide d’un tiers créer des
connections logiques entre son vécu et la tâche demandée. C’est-à-dire que les explications et
étayages faits par quelqu’un ‘ou par un dispositif) lui permettront de relier les éléments nouveaux
à ceux déjà systématisés et ancrés durablement.
Dans cette logique, VYGOTSKI émet l’idée que « chaque fonction psychique supérieure
apparaît deux fois au cours du développement de l'enfant: d'abord comme activité collective,
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sociale et donc comme fonction interpsychique, puis la deuxième fois comme activité individuelle,
comme propriété intérieure de la pensée de l'enfant, comme fonction intrapsychique ».
Ce schéma est donc sans fin. Une fois intégrées, les nouvelles informations élargissent le
cercle des savoirs propre à l’élève, puis, la zone proximale de développement va elle aussi se
déplacer sur des apprentissages plus experts.
Le conflit socio-cognitif part des représentations de l’élève. Correct ou erroné, l’élève aura
un point de vue sur un problème qui lui sera présenté. Il va faire appel à des situations qu’il a déjà
rencontrées, à des propos qui lui ont été rapportés ou toute expérience déjà vécue.
L’intérêt de la situation est de pousser l’apprenant à sortir de ces idées prescrites. C’est là
qu’intervient le facteur social. Grâce à des échanges avec des camarades autour d’une question
ou avec le professeur ou par un aménagement de l’espace et/ou du temps, cette remise en
question doit s'effectuer. DOISE et MUGNY définissent même que les interactions entre pairs ou
avec l’enseignant ne sont cognitivement constructives seulement s’il y a présence d’un conflit
cognitif. Il est donc nécessaire, d’après eux qu’il y ait des désaccords pour pousser à l’échange et
à l’évolution des représentations. Si deux élèves d’un même groupe expriment un point de vue
opposé ils vont devoir justifier et débattre de la pertinence des points de vue. Dans ce cas un
savoir commun au groupe peut être construit. Les savoirs des pairs nourrissent, dans ces cas-là le
questionnement sur sa représentation initiale et les évolutions qu’il voudrait opérer.
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En partant de cet avis VYGOTSKI a défini le concept de la « zone proximale de développement ».
Pour lui, « le trait fondamental de l'apprentissage consiste en la formation d'une zone proximale
de développement. »
De nombreux auteurs ont étudié le travail de groupe mais chacun en se basant sur des
critères plus ou moins différents. En effet, il existe différents moyens d’approcher le travail de
groupe, selon le choix ou non de la constitution des groupes ou encore selon l’objectif de travail
donné.
Dans un premier temps il s’agit de s’intéresser aux groupes de niveaux. Ces groupes sont
très souvent utilisés pour les apprentissages car ils permettent la mise en œuvre de la
différenciation. « Un travail individuel préalable au travail de groupe est nécessaire. Il permet
d’évaluer les capacités méthodologiques de chaque élève » (Géraldine DARGENT et Olivier
DARGENT, 2004). Ce travail individuel est essentiel, c’est sur ses résultats que l’enseignant va se
baser pour constituer des groupes de niveaux de maîtrise de compétences. Ces groupes
rassemblent donc des élèves de niveau scolaire sensiblement égal, cela permet d’apporter à
chaque groupe le soutien nécessaire dont il a besoin (pour le groupe dit “faible”) ou bien
d’approfondir les connaissances (pour le groupe dit “fort”).
Dans un second temps les groupes peuvent aussi être vu comme une microsociété où
l'hétérogénéité est inductrice d’apprentissages. En cassant les barrières des “niveaux”, les élèves
font face à des situations où ils doivent composer avec d’autres individus de vécus et de
représentations différentes. Ainsi, chaque membre du groupe doit être en mesure d’apporter son
savoir, ses compétences. Des notions de vivre ensemble (propre à l'Éducation Morale et Civique)
sont mises en jeu avec la tolérance et l’écoute de chacun. Cette modalité de regroupement peut
cependant être source de déviances. L’impatience des élèves moteurs peut les pousser à travailler
individuellement aux dépens des autres membres du groupe.
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MEIRIEU aborde la notion de groupe en s’inspirant de ses modalités dans la vie courante.
Nous exposons des exemples sociaux définis par l’auteur autour de trois idéologies: religieuse,
moderniste et révolutionnaire.
Exemple
Type de groupe Objectif
social
Groupe productif/affectif Réuni pour une tâche puis améliore les Formation
relations interpersonnelles. des adultes
Deux auteurs, MEIRIEU et ASTOLFI, partent du principe que pour définir clairement un
travail de groupe il faut se baser sur les objectifs auxquels on souhaite aboutir. Philippe MEIRIEU
fait alors la distinction entre la tâche et l’objectif. L’objectif c’est « l’acquisition mentale stabilisée
qui peut être utilisée à la propre initiative de la personne peu importe le contexte ». La tâche
quant à elle sert à évaluer les objectifs visés. Il définit alors 5 objectifs de travail de groupe :
- La finalisation (besoin de savoir)
- La socialisation (réseau de communication)
- Le monitorat (enseignement pas l’élève à un autre)
- La confrontation (conflit socio-cognitif)
- L’apprentissage (acquisitions individuelles)
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D’après ASTOLFI, le travail de groupe repose sur l’idée que la vie sociale, la confrontation
d’idées apprend à penser. Ce travail doit répondre à des objectifs précis c’est pourquoi il a défini
une typologie des groupes de travail.
Tableau 2 – Type de groupe en fonction des objectifs de travail
« Typologie des groupe de travail selon ASTOLFI », J.P ASTOLFI
Logique de
Types de groupe Objectif visé
travail
Groupe de Les groupes sont constitués de façon à rendre possible les Conflit socio-
confrontation confrontations de point de vue entre élèves. Il faut tout de cognitif
même veiller à ce que les idées ne soient pas trop opposées
pour ne pas aboutir à des dialogues sans fin.
Ce type de groupe va avoir des effets sur les représentations
initiales.
Groupe d’inter- Il s’agit de donner à lire à chaque groupe le travail des autres Communicati
évaluation dans l’optique de faciliter l’autocorrection. on
Groupe Ces groupes permettent aux élèves de parler entre eux, avec Reformulation
d’assimilation leurs propres mots, sur les notions qui viennent d’être
étudiées.
Ces groupes peuvent être utilisés dans le cas de l’élaboration
d’un résumé collectif.
Groupe Le travail effectué favorise la coopération entre les élèves. Il Appui collectif
d'entraînement s’agit d’utiliser un travail individuel pour aboutir à une Pédagogie de
mutuel production collective qui formalise les apprentissages. projet
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Groupe de besoins Ils permettent de mettre en place la différenciation pour Remédiation
répondre au problème de l’hétérogénéité d’une classe. Les
groupes sont homogènes. Toutefois il ne faut pas tomber
dans des groupes fixes.
Les objectifs des deux auteurs, MEIRIEU et ASTOLFI, sont sensiblement les mêmes. Il
semble donc nécessaire de se baser sur ses objectifs pour constituer les groupes en classe et alors
fournir un travail productif.
Lors de débats et d’échanges la dimension affective peut jouer un rôle majeur. Pour être
source d’apprentissage dans un cadre collectif, il faut que la configuration soit propice à la
coopération. Chacun doit être partie prenante des actions collectives ou interindividuelles
menant à l’objectif. Pour ce faire il faut que chacun se sente membre du groupe : c’est le besoin
d’affiliation, la dimension affective joue donc un rôle majeur. Pour FRAYSSE (Relation entre le
développement cognitif et compétences interactives, 1992) : les relations cordiales favorisent les
interactions dans le groupe.
ASTOLFI définit différent points à étudier pour mettre en place un travail de groupe.
Dans un premier temps il s’intéresse à l’organisation matérielle de la classe. Il faut
anticiper la manière dont on va organiser les tables. 2 possibilités s’offrent à l’enseignant, la
première est d'opter pour un regroupement permanent. Toutefois, cela peut gêner les temps de
travail individuel et un bon angle de vue sur le tableau n’est pas toujours possible. La deuxième
possibilité est le regroupement temporaire, dans ce cas on déplace les tables au moment du
travail de groupe mais cela provoque généralement des manipulations bruyantes. Il est donc
important de réfléchir à cela en amont, afin de ne pas perdre de temps lors de la mise en place
du travail de groupe.
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Dans un second temps concernant la gestion des groupes lors du temps de travail, il
évoque la nécessité pour les élèves d’apprendre et de respecter certaines règles de vie
spécifiques. Ces règles de vie doivent être transmises par l’enseignant lors du premier temps de
travail de groupe et rappelées régulièrement.
Concernant la mise au travail, l’enseignant doit s’assurer que les consignes ont bien été
comprises par tous, il peut alors demander à un ou plusieurs élèves de reformuler ce qui est
demandé. Cela évite à l’enseignant d’interrompre trop souvent la dynamique des groupes. En
définissant les objectifs d’apprentissages en amont de la séance, l’enseignant sait où il veut aller
avec ses élèves et il peut donc prendre une posture d’accompagnateur. Cette posture est définie
par DUMAS-CARRÉ et GOFFARD « en aucun cas, il n’apporte de réponses toutes faites, ne tranche
ni ne juge en acceptant certaines propositions des élèves et en en disqualifiant d’autres ». Cette
posture d’accompagnateur est très importante car elle permet de laisser aux élèves le choix du
chemin qui les mènera à l’apprentissage. Toutefois, l’enseignant peut créer des situations
d’impasse dans lesquelles les élèves ne pourront plus avancer. Ces situations vont les obliger à
remettre en cause leurs conceptions.
Pendant la phase de restitution, le rôle du professeur change. « Il organise une discussion,
attire l’attention sur les points de convergence et divergence et demande des justifications »
(DUMAS-CARRÉ et GOFFARD, 1997). A ce moment du travail, son rôle est donc de gérer le groupe
classe et de permettre à chaque groupe, à chaque élève d’intervenir. A la fin de ce temps collectif,
il apporte une validation des résultats proposés et il institutionnalise les savoirs.
PARTIE 2 - PRÉSENTATION DE
L’EXPÉRIMENTATION
Après avoir défini les différents éléments relatifs à l’apprentissage des sciences et aux
travail de groupe nous pouvons maintenant nous questionner sur ces théories et les mettre en
pratique dans notre classe.
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2.1 Problématiques et hypothèses
L’étude des différentes théories que nous avons réalisée précédemment nous amène à
nous poser certaines questions. En effet, l’analyse du socio-constructivisme et la zone proximal
de développement nous questionnent sur les conceptions des élèves et nous laissent penser que
les connaissances des élèves se construisent petit à petit en remplacement de leurs conceptions
erronées. Toutefois, lorsque le savoir est apporté par l’enseignant le changement de conception
peut facilement se comprendre mais lorsque les élèves sont en groupe comment un élève peut-
il accepter de changer ses représentations initiales par le simple échange avec ses camarades. La
figure d’enseignant comme source de savoir n’étant pas présente puisque dans le travail de
groupe l’enseignant est seulement là pour encadrer, guider les élèves mais il ne doit pas apporter
toutes les réponses. À la fin, lors de la mise en commun, c’est à lui de rendre le travail productif.
C’est donc cette question que nous avons décidé d’étudier : comment le travail de groupe
permet-il à un élève aux conceptions erronées d’accéder aux savoirs ?
Le travail de groupe permet aux élèves aux conceptions erronées d’accéder aux savoirs car il leur
permet de confronter leurs idées entre eux et d’argumenter avec leurs propres mots, ce qui rend
la compréhension plus facile.
L’échange entre élèves est plus libre, les élèves sont plus à l’aise pour faire part de leurs idées et
dans un second temps pour écouter celles des autres.
L’accès aux savoirs se fait donc par le biais d’échanges, ce qui va permettre à l’élève aux
conceptions erronées de comprendre à son rythme quels sont les savoirs à retenir.
Une première séance d’introduction a été réalisée en amont des séances d’observation. Cette
séance avait pour but d’interroger les élèves sur la répartition de l’eau sur Terre. Le constat fait
au cours de ce travail étant que l’eau douce est répartie de manière inégale sur Terre.
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Partie 2 : Protocole expérimental permettant de séparer l’eau et le sel dans un verre d’eau
salée
OBJECTIF POUR L’ENSEIGNANT : repérer les élèves aux conceptions erronées.
Après avoir étudié les marais salants en classe entière, il est demandé aux élèves de proposer une
expérience permettant de récupérer le sel contenu dans un verre d’eau salée (annexe n°2).
OBJECTIF POUR L’ENSEIGNANT : analyser les échanges entre élèves afin de pouvoir valider ou
non les hypothèses.
Au vu des réponses obtenues lors de la séance 1 nous avons pu repérer les élèves dont les
représentations initiales étaient erronées et ceux aux bonnes représentations, ou qui s’en
rapprochaient.
Nous avons alors demandé aux élèves de se mettre avec le binôme de leur choix et nous avons
associé les binômes entre eux afin de constituer des groupes hétérogènes au niveau des
conceptions des élèves.
Le même travail que la séance précédente a été demandé aux élèves (proposer un protocole
expérimental permettant de récupérer le sel dissout dans l’eau), cependant cette fois-ci les élèves
étaient en groupe et ils devaient se mettre d’accord sur un protocole.
Pour identifier nos profils nous avons détaillé des indicateurs (cf. tableau ci-dessous) en
se servant des travaux précédents mais aussi de B. PY (Apprendre une langue dans l’interaction
verbale, 1996) et Jean-Marc COLLETTA (Les développements de la parole chez l’enfant âgé de 6 à
11 ans corps, langage et cognition, 2004).
La prise en compte des propos précédents, constitue la perméabilité de l’élève par rapport
à une énonciation précédente. Elle peut se faire de deux manières : prise ou non-prise. La non-
prise relève de causes diverses comme une situation trop complexe pour l’élève, il se situe en
dehors de sa zone proximale de développement et ne pourra pas faire sens avec ce qui est
énoncé. Une argumentation qui ne saurait être assez pertinente, ou alors d’après PY, « l’enfant
24
traite l’information silencieusement ». C’est-à-dire que les changements de représentations ne
seront constatables que plus tard.
La prise, quant à elle, se subdivise en deux. La prise par usage et la prise par mention (toujours
d’après les travaux de PY que nous transposons dans notre cadre d’analyse). La prise par usage
est une intégration de la démarche de l’argumentation comme savoir. L’élève s’approprie le point
de vu car il lui semble pertinent et justifié. Il garde l’essence de la réflexion qu’il peut exprimer à
sa manière.
La prise par mention n’est pas aussi vertueuse. L’élève auditeur reprend les propos de l’élève
énonciateur et intègre simplement l’information comme tel. Comme un énoncé immuable,
l’élève le répète en adoptant cette donnée mais sans en tenir une profonde compréhension. Cela
peut par exemple être dû « aux relations plus ou moins inégalitaires entre les participants »
détaillées par KERBRAT-ORECCHIONI. La hiérarchie d’un groupe peut impacter les la perméabilité
de certains élèves. Dans le choix de notre mise en place nous faisons en sorte d’éviter un
déséquilibre dans le groupe en mettant les élèves en situation d’échanges symétriques : aucun
rôle n’est plus influent dans le groupe qu’un autre (VION, 1992). Toutefois, une hiérarchie sociale
de classe fait que certains avis resteront plus influents que d’autres.
La structuration du propos est révélatrice de connexions cognitives effectuées par l’élève.
Plus ses propos seront justifiés, argumentés et mis en lien, plus ses conceptions seront ancrées
et difficiles à déconstruire. L’élève sûr de ses représentations a des liens de causalité très tissés.
Sa réflexion se nourrit d’arguments. Il est capable de se justifier, de détailler. Un individu qui
remettrait en cause certaines de ses représentations prend de la distance sur son propos. Il
modère ce qu’il dit, minimise certains éléments car il émet des doutes quant à leur fiabilité. Épris
d’incertitudes, son discours présente aussi des hésitations. Il répète sans s’approprier le propos,
il fait simplement référence à ce qui lui semble être une vérité empirique.
Par rapport à l’avis scientifiquement expliqué, les différents types d’élèves réagissent
différemment. En référence au continuum de V. BIGOT entre consensus et conflit, et à la typologie
des interactions de VION, nous proposons différentes réactions typiques.
25
D’abord, le consensus est l’approbation de la démarche réflexive exprimée par un autre membre
du groupe en lien avec les représentations initiales similaires de l’élève. Il est pleinement
d’accord. Le conflit résulte lui d’une opposition très nettes et campées des représentations.
Deux élèves ne se mettent pas d’accord. L’élève aux représentations erronées n’admet
pas la pertinence des arguments exposés par son interlocuteur. L'ancrage de ses représentations
est plus fort que ce qui est exprimé, au point de décrédibiliser tout fondement du propos. Pour
remettre en cause ses représentation en fonction d’un avis correct, l’apprenant va devoir être
dans le débat pour assimiler progressivement les différents éléments justifiés qui lui sont
présentés. Dans ce cas, il se nourrit d’éléments et soulève des problématiques successives qui
amènent elles aussi des éléments de réponse argumentés. Cela à lieu dans le cas où la prise est
d’usage.
Dans le cas de la prise de mention, le consensus est vite là et l’élève admet l’avis correct une fois
de plus comme une donnée non re-mettable en question. Pour l’élève aux représentations
correctes qui changerait de point de vue pour adhérer à des conceptions erronées, malgré le
débat il peut trouver plus pertinentes d’autres représentations que celles correctes et justifiées.
De même, il peut simplement accepter une information exprimée par un pair de par le simple
statut de son camarade.
26
Prise par usage Prise de distance Débat
Remise en cause de représentation
Prise par Consensus par
erronée Ânonnement
mention évitement
De même que pour avoir déterminé des indicateurs, il nous faut utiliser les interactions
(et donc des représentations) de l’élève. D’après les travaux de J. BISAULT en 2008 (eux-mêmes
inspirés de GRIZE, 1996 ; JAUBERT et REBIERE, 2000 ; NONNON, 2001) nous avons identifié
plusieurs observables que nous pourrions décliner et adapter à la séquence support de notre
expérimentation.
Dans le but d’analyser les effets des interactions groupales sur les conceptions des
constituants du groupe, nous allons devoir observer les prises de paroles des membres du
groupes qui seront sujets de notre réflexion. Pour se faire il nous faut définir des observables qui
seront en lien avec nos hypothèses et nos indicateurs. Ces observables se définissent par des
principes linguistiques traduisant certains comportements cognitifs en situation d’interactions
verbales. En référence au travail de Patrick CHARAUDEAU (Typologie des genres médiatiques,
1997) deux types d’analyses sont possibles. La première, laborieuse, se base sur un grand nombre
d’observateurs qui rendent le travail de synthèse très complexe mais permettent une lecture du
contexte très pointue. Le deuxième, ne se base que sur deux à trois observables. Elle ne prend
27
pas en compte toute la complexité sous-jacente du contexte étudié mais permet une synthèse
relativement claire et compréhensible. Nous opterons pour ce deuxième choix qui nous semble
plus approprié pour plusieurs raisons. En effet, par rapport à notre échantillon d’analyse, nous
pouvons difficilement l’observer sous une multitude d’axes. De plus, un travail aux multiples
indicateurs nécessite une préparation nettement plus complexe du support, des ressources
théoriques et scientifiques qui sortiraient du cadre de notre réflexion. Nous proposons donc un
cadre d’analyse en trois points. Le but étant d’interpréter rapidement les différents
comportements verbaux des élèves. Pour cela nous nous sommes restreints aux reformulations,
contestations et prises de distance.
Tableau 4 - Les observables
Types de comportements
Prise des propos des Structuration Rapport à un avis
en situation d'interaction
autres membres du propos correct
verbale
Reformulation du Liaisons des Tournure des
Observables
propos propos échanges
Nombreuses,
Proposition
successives et basées Échange long avec
méta-
sur les savoirs, constats ré-explications
discursives
Remise en cause de exprimés par les autres
28
Échange long avec
Proposition
Nombreuses, ré-explications dans
méta-
successives et basées lequel ses
discursives
sur les savoirs, constats représentations
Répétition et
Remise en cause de exprimés par les autres correctes sont
interjonctions
représentation correcte mises de côté
Voici les réponses apportées par ces deux élèves lors de la séance 1 en travail individuel (annexe
n°3).
Consigne 1 : "Comment séparer le sel de l’eau ? Hypothèse” :
- élève 1 : “il faut verser dans une passoire et récupérer le sel”
- élève 2 : “s'il y a un verre avec du sel tu peux prendre une cuillère et commencer à prendre
le sel”
Consigne 2 : “Proposer un protocole expérimental permettant de récupérer, le plus rapidement
possible, le sel dissout dans l’eau ?” :
- élève 1 : “réchauffer l’eau dans une casserole”
- élève 2 : “tu prends le verre et tu le verses dans ta main et l’eau va se transpercer ou sinon
au lieu de la main tu peux (utiliser) une cuillère”
29
Ensuite, nous avons donc mis les élèves en groupe et nous avons procéder à l’enregistrement de
leurs échanges, l’organisation de la classe ne permettait pas l’observation en direct des élèves.
Tableau 5 : Transcription de l’enregistrement audio du travail de groupe sur la vaporisation
des élèves 1, 2, 3 et 4.
2 Élève 4 moi j’ai mis qu’on faisait chauffer l’eau avec le sel
dedans mais dans une casserole
3 Élève 3 ouai ok ↘
6 Élève 2 en fait j’ai mis tu.. .. tu mets l’eau avec du sel et après
tu mets dans une cuillère tu vas prendre tout le sel
ou dans une..
7 Élève 3 à ouai
13 Élève 1 ouai
30
14 Élève 4 c’était le plus rapide, l’eau elle va chauffer plus vite
26 Élève 1 oui
31
Pour étudier cela nous avons construit une grille d’observation que nous avons rempli grâce à
l’enregistrement audio et la transcription que nous avons faite.
ÉLÈVE 1 ÉLÈVE 2
Opérateurs énonciatifs
(en fait, disons, du coup, I II
parce que…)
Propositions méta-
discursives II
(je crois que, il me semble
que, ça veut dire, peut-être
que…)
Reformulations de son
idée III I
Répétition de l’idée d’un
autre I
Inter-jonctions
Prise de paroles
IIIIIII III
D'après notre cadre d'analyse nous pouvons identifier les comportements de ces deux
élèves.
L'élève 1 a tendance à reformuler son propos ou celui des autres. Malgré des références
au travail de l'élève 4, il a essayé de s'approprier les notions énoncées par les autres dans le but
de clarifier son propre propos. La structuration de son propos relève plusieurs connecteurs. Il
participe activement à la structuration de l’idée de groupe. Il tente de comprendre chaque avis
du groupe. Malgré une énonciation transposée de celle d’un camarade, nous pouvons apparenter
ce comportement à celui d’un élève qui remettrait en cause ces représentations initiales à travers
une prise par usage. C’est-à-dire qu’il aura écouté, saisi le sens et l’argumentation d’un camarade
pour faire évoluer son point de vue sur le sujet. Son discours présente des éléments énonciatifs,
des propositions méta-discursives, des reformulations, et de nombreuses prise de paroles.
32
D’après la définitions d’observables spécifiques à chaque indicateurs de chaque profil, cet élève
remettrait en cause certaines de ses représentations. Du moins, il intègrerait les avis du groupe,
en comprendrait le sens et y intégrerait dans son cadre de références.
Le deuxième sujet d’observation, peu bavard laisse à penser qu’il n’a pas changer ses
représentations initiales. En effet ses rares prises de paroles, présentant principalement des
opérateurs énonciatif et une simple reformulation, tendent vers un profil de non-remise en cause
de représentation. Nous ne pouvons pas spécialement le ranger dans une catégorie de
représentation correcte ou erronée. Nous devrions creuser son point de vue pour le comprendre
au mieux. En attendant sa proposition n’est pas retenue par le groupe et, à aucun moment, il ne
fait signe de reformulation d’un propos énoncé par un autre membre du groupe alors, soit il n’a
rien intégré de nouveau à son cadre de référence, soit il effectue cette démarche de façon
silencieuse. Nous supposons que sa validation finale (dernière prise de parole: “oui oui”) n’est là
que pour s’allier à la décision commune car rien, dans ses prises de paroles précédentes ne font
état d’une intégration de ce protocole dans sa démarche personnelle.
De part ce résultat d'analyse nous pouvons constater que les profils ne sont pas aussi
tranchés que nous l'avions envisagé. Certains éléments d’observations propres à deux profils
différents se retrouvent chez un même élève, sur un même temps d’analyse. Cette donnée est
compréhensible car lors d’une argumentations, nous passons par différents états mentaux :
présentation convaincue de sa propre idée, écoute de l’autre, refus, controverse, adhésion...
Enfin, nous ne pouvons pas conclure sur le réel changement de conception ou non des élèves
observés car nous n’avons pas pu mettre en place d’évaluation sommative. Cette évaluation nous
aurait permis de voir si l’élève avait intégré les représentations correctes puisque seule devant sa
copie, il n’aurait pas eu d’autre choix que de réfléchir par lui-même pour trouver les réponses
attendues. Nous aurions demandé aux élèves de décrire le protocole expérimentale permettant
de séparer rapidement le sel de l’eau dans un verre d’eau salée.
Pour finir et donc pour répondre à nos hypothèses nous ne pouvons pas affirmer que
celles-ci sont vérifiées car l’échantillon d’observation est trop mince et nous n’avons pas pu
pousser l’expérimentation jusqu’au bout.
Toutefois, nous avons pu voir que les élèves échangeaient leurs idées librement et avec leur
propres mots comme nous l’avions suggérer. Cependant, ils ne sont pas forcément plus libres
33
dans l’échange, comme on peut le voir avec l’élève 2 qui prend très peu la parole et qui se fait
couper par d’autres. Dans le groupe certains élèves peuvent se mettre en retrait face à d’autres
camarades qui s’imposent et qui prennent les décisions.
CONCLUSION
En somme, notre étude portait sur l’intérêt du travail de groupe sur les apprentissages des
sciences. Nous n’avons pu pousser notre étude jusqu’au bout et notre échantillon étant faible
nous ne pouvons pas affirmer que nos résultats sont représentatifs.
Toutefois, l’étude faite sur le travail de groupe nous éclaire sur les différentes modalités
de regroupement possibles en fonction de l’objectif de travail que l’on veut atteindre. MEIRIEU
et ASTOLFI définissent des typologies de groupe précises sur lesquelles il est intéressant de se
baser pour construire les groupes en classe.
Même si le travail de groupe n’est pas aussi simple à gérer que le travail individuel il s’avère être
intéressant pour les apprentissages et notamment pour la mise en place du conflit socio-cognitif
chez l’élève. Le regroupement permet les confrontations de représentations de manière plus libre
entre les élèves et donc fait évoluer l'élève sur sa perception du monde. Sa zone de connaissance
s’agrandit et pousse sa zone proximale de développement à s'étendre également.
Cette étude nous a donc permis d’élargir notre répertoire de techniques pédagogiques
afin d’atteindre l’objectif de tout enseignant, qui est celui de faire acquérir des savoirs aux élèves.
En effet, faire varier le travail entre travail individuel et travail de groupe permet de s’adapter à
la diversité des élèves et de mettre en place la différenciation. Les représentations différentes
nourrissent les débats et poussent les élèves soit à argumenter un propos soit à accepter un
propos différent. Chaque élève intègre donc des propositions différentes des siennes soit pour
les réfuter soit pour y adhérer.
34
BIBLIOGRAPHIE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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française de pédagogie, Année 1984, n°68, 15-25 p.
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des sciences de l’éducation, 1985/ N° 11, n° 2, 247–258 p.
ASTOLFI, Jean-Pierre, Les concepts de la didactique des sciences, des outils pour lire et construire
les situations d'apprentissage. Recherche & Formation, N°8, 1990. Les professions de l'éducation :
recherches et pratiques en formation, 19-31 p.
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enonciation> (consulté le 26/04/2020).
37
ANNEXES
38
Annexe 2 : Séance 1, protocole expérimental.
39
Annexe 3 : production des élèves 1 et 2.
40
Autorisation de diffusion
Nous, soussigné(e)s :
Étant entendu que les éventuelles restrictions de diffusion de nos travaux ne s’étendent
pas à leur signalement dans les catalogues des bibliothèques accessibles sur place ou par réseaux.
La présente autorisation de diffusion vaut également pour la reproduction limitée aux
seules fins des diffusions ainsi définies.
Nous renonçons à toute rémunération pour les diffusions et reproductions effectuées dans les
conditions précisées ci-dessus.
41
L’INFLUENCE DU TRAVAIL DE GROUPE SUR L’APPRENTISSAGE DES SCIENCES EN CYCLE 3
44 Pages
Partie 1 : 15 pages - Partie 2 : 8 pages - Partie 3 : 5 pages
Mémoire de sciences
Université Claude Bernard Lyon1 - INSPE
Université de Lyon 2019-2020
RÉSUMÉ
Ce mémoire porte sur l’étude du travail de groupe lors de l’apprentissage des
sciences en cycle 3. Le travail de groupe a été mis en place afin de tester ses
répercussions sur les conceptions erronées des élèves. En effet, il s’agit de voir
l’évolution des conceptions des élèves avant et après un travail de groupe.
MOTS-CLÉS
travail de groupe, conceptions initiales, conflit socio-cognitif, apprentissage
DIRECTRICE DE RECHERCHE
EXAMINATEURS
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