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UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON1 – ECOLE SUPERIEURE DU

PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION, ACADÉMIE DE LYON

L’INFLUENCE DU TRAVAIL DE GROUPE


SUR L’APPRENTISSAGE DES SCIENCES EN CYCLE 3

MÉMOIRE présenté pour l’obtention du Master MEEF


(Métiers de l'Enseignement, de l'Éducation et de la Formation)
Mention 1er degré : professorat des écoles
Par :

Avec la collaboration de :

Sous la direction de

Examinateurs :

Année 2019-2020 N° d’étudiant : 11808173


SOMMAIRE
AVANT-PROPOS _________________________________________________________ 4

REMERCIEMENTS ________________________________________________________ 4

INTRODUCTION _________________________________________________________ 5

PARTIE 1 - Fondement théorique ___________________________________________ 7

1.1 Le fonctionnement des apprentissages __________________________________ 7

1.1.1 Démarche expérimentale _________________________________________ 7

1.1.2 Éducation scientifique____________________________________________ 8

1.1.3 Les représentations initiales _______________________________________ 9

1.1.4 Apprendre ____________________________________________________ 11

1.2 L’intérêt du travail de groupe ________________________________________ 13

1.2.2 Les interactions sociales _________________________________________ 13

1.2.4 Le conflit socio-cognitif __________________________________________ 16

1. 3 Définir le travail de groupe __________________________________________ 17

1.3.1 Le choix de la constitution des groupes _____________________________ 17

1.3.2 L’objectif de travail _____________________________________________ 18

1.4 La gestion du travail de groupe _______________________________________ 20

1.4.1 La gestion en amont ____________________________________________ 20

PARTIE 2 - PRÉSENTATION DE L’EXPÉRIMENTATION____________________________ 21

2.1 Problématiques et hypothèses _______________________________________ 22

2.2 Le contexte de réalisation de la séquence_______________________________ 22

2.3 Présentation de la séance d’observation _______________________________ 23

2.3.1 Séance en amont. ______________________________________________ 23

2.3.2 Séance 1 : évaluation diagnostique ________________________________ 23

2.3.3 Séance 2 : travail de groupe ______________________________________ 24

2
2.4 Présentation des observables ________________________________________ 24

2.4.1 Les indicateurs ________________________________________________ 24

2.4.2 Construction de l’observation ____________________________________ 27

PARTIE 3 - ANALYSE DES RÉSULTATS ________________________________________ 29

3.1 Présentation des résultats ___________________________________________ 29

3.2 Analyse des résultats _______________________________________________ 31

CONCLUSION __________________________________________________________ 34

BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________ 35

ANNEXES _____________________________________________________________ 38

3
AVANT-PROPOS

Résumé : Ce mémoire porte sur l’étude du travail de groupe lors de l’apprentissage des sciences
en cycle 3. Le travail de groupe a été mis en place afin de tester ses répercussions sur les
conceptions erronées des élèves. En effet, il s’agit de voir l’évolution des conceptions des élèves
avant et après un travail de groupe.

Mots-clés : travail de groupe, conceptions initiales, conflit socio-cognitif, apprentissage.

REMERCIEMENTS

Je souhaiterais remercier toutes les personnes qui ont permis la réalisation de ce


mémoire.
Dans un premier temps je tiens à remercier mon binôme, , et notre
directrice de mémoire, qui nous a aidé, guidé et conseillé tout au long de la
rédaction.
J’adresse également mes remerciements à mes élèves, sans qui la mise en place du travail
de groupe n’aurait été possible.
Enfin, je remercie mes collègues de l’école de Béard-Géovreissiat et ceux de l’INSPE, pour
leurs conseils et leur soutien durant cette année.

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INTRODUCTION

Pour la réalisation de notre mémoire, nous avons décidé de nous intéresser au travail de
groupe, et plus particulièrement à l’influence qu’il peut avoir sur les apprentissages des sciences.

La volonté de faire travailler les élèves ensemble, en groupe, est une volonté de l’Éducation
nationale qui transparaît dans ses programmes. Toutefois, la mise en groupe des élèves en classe
est bel et bien un choix de l’enseignant en fonction des activités qu’il propose. Si l’on regarde le
programme d’enseignement de la maternelle on remarque que le troisième objectif de cette
école est “une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble”. Or pour
apprendre à vivre ensemble il ne faut pas travailler les uns à côtés des autres et c’est ce
comportement que vont adopter les élèves qui entrent dans le monde de l’école. Il va s’agir tout
au long du cycle 1 d’apprendre aux élèves à travailler ensemble, les uns avec les autres. Cet
apprentissage est fondamental pour le bon fonctionnement de la suite de la scolarité des élèves.
Enfin, si l’on reprend les finalités exposées par les programmes de l’élémentaire le groupe va
permettre la construction d’une citoyenneté et l’acquisition des principes de vie en société. Le
groupe n’est pas seulement constitué par un petit nombre d’élèves à un moment précis, mais il
s’agit également du groupe classe. A ce niveau de scolarité, les élèves doivent apprendre à vivre
avec tout un groupe classe, il ne s’agit plus d’être centré sur soi mais d’être ouvert aux autres.
Si l’on se rapporte maintenant au socle commun qui couvre toute la scolarité obligatoire
des élèves, le domaine 2 à savoir “les méthodes et outils pour apprendre”, énonce très clairement
la nécessité de confronter les élèves entre eux à travers des travaux nécessitant une
collaboration, notamment pour les projets. Ce texte développe également le fait que l’élève doit
comprendre qu’il peut s’appuyer sur le groupe pour apprendre ce qu’il ne sait pas mais il peut
également apprendre au groupe ce qu’il sait. Le travail en groupe permet aux élèves d’échanger
entre eux, de mutualiser leurs savoirs, de les confronter pour accéder à un savoir définitif.

Enfin si l’on s’intéresse plus particulièrement à l’apprentissage des sciences au cycle 3, il


est énoncé dès la présentation des apprentissages que la diversité des démarches et des
approches va permettre, notamment, le développement de la collaboration. De plus, deux des
compétences travaillées sont “réaliser en équipe tout ou une partie d’un objet technique

5
répondant à un besoin” et “organiser seul ou en groupe un espace de réalisation expérimental”.
La nécessité de mettre les élèves en groupe de travail est donc explicite dans les programmes.

Nous avons donc décidé de travailler sur ce sujet, toutefois plusieurs questions gravitent
autour de la notion de travail de groupe : comment organiser le travail de groupe, peut-on
toujours travailler en groupe, comment gérer un travail de groupe, comment l’évaluer…

Afin de répondre à ses questions nous commencerons par une première partie théorique
où nous étudierons l’apprentissage des sciences, la remise en cause des conceptions des élèves
ou encore le travail de groupe. Dans une seconde partie nous présenterons notre
expérimentation au regard de nos recherches documentaires pour enfin finir sur l’analyse de
cette dernière pour répondre à notre problématique.

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PARTIE 1 - Fondement théorique

1.1 Le fonctionnement des apprentissages


1.1.1 Démarche expérimentale

La démarche expérimentale repose sur un système composé de trois points :

- une ou plusieurs question(s) relative(s) à un problème


- une explication possible que l’on appelle hypothèse
- l’argumentation qui tente d’étayer l’idée que l’on a, cette argumentation découle des
recherches documentaire et des expérimentations.

Ces trois points fonctionnent comme un tout, des aller-retours se font entre ses trois
aspects essentiels qui constituent le pilier de la démarche expérimentale. Cette dernière va tenter
de répondre à une question. Tout au long du travail des feedbacks (Informations qui permettent
à l'apprenant de confirmer, compléter, remplacer, régler, ou restructurer l'information en
mémoire, WINNE et BUTLER, 1994) vont permettre d’affiner les hypothèses pour répondre au
problème.
Concernant les hypothèses, il s’agit du moment créatif du travail, il faut inventer une
explication possible au problème que l’on se pose. La démarche scientifique n’est jamais simple
et linéaire, il est impossible de trouver la bonne hypothèse du premier coup. Cette réponse doit
être cohérente, en lien avec nos savoirs et argumentée. Il ne s’agit pas de proposer quelque chose
sans aucun fondement. Avant de passer à la phase d’expérimentation il est nécessaire de faire le
bilan de ce que l’on sait déjà. Cela est possible en cycle 3 (le niveau que nous étudions), mais en
cycle 1 et cycle 2, il s’agit d’avantage de demander des suppositions aux élèves.

L’expérimentation c’est l’action de tester par des expériences la validité d’une hypothèse.
Cette dernière répond à un protocole précis dans lequel est écrit le matériel utilisé ainsi que la
démarche ou le dispositif technique mis en place. La validation de l’hypothèse passe par la
recherche documentaire et les expériences réalisées. Toutefois il n’est pas possible de valider
totalement une hypothèse même avec une multitude d’expériences qui la confirment. Par contre,

7
une expérience contraire suffit à remettre en cause l’hypothèse. Si l’hypothèse et les expériences
vont dans le même sens on peut dire que l’expérience corrobore les hypothèses.

Une expérience est considérée comme valide si elle est reproduite plusieurs fois à
l’identique et qu’elle donne le même résultat à chaque fois. Cependant, en classe il n’est pas
souvent possible de tester plusieurs fois une même expérience dans le même contexte. En
général, une expérience est proposé par la classe entière et plusieurs groupe peuvent la réaliser.
Dans ce cas on peut estimer que l’expérience est répétée plusieurs fois. Si cela n’est pas possible,
en classe on considère que l’expérience valide notre hypothèse si elle fonctionne une fois. Il est
toutefois important de préciser aux élèves que pour une réelle validation de l’hypothèse
normalement il faut répéter l’expérience plusieurs fois.

1.1.2 Éducation scientifique

André GIORDAN, met en avant la « méthode OHERIC » comme étant celle souvent utilisée
par les enseignants. Cette méthodologie se décline sous plusieurs étapes : Observation,
Hypothèse, Expérience, Résultat, Interprétation, Conclusion. Pour lui cette méthode n’est pas
adaptée puisqu’elle ne correspond pas à la méthode scientifique et qu’elle crée une sorte de
rituel. Les élèves entrent dans la démarche, font toujours la même chose mais ils ne comprennent
pas ce qu’ils font.
Il faut également faire attention à la méthode active dans laquelle l’élève va s’activer avec
les mains mais où il ne va pas réfléchir à ce qu’il fait. Il est actif sans être acteur. Pour éviter ces
écueils il ne faut pas passer par des fiches-guides ou encore des questionnaires à trous qui ne
laissent pas la place à l’imagination des élèves. L’important dans l’éducation scientifique c’est le
questionnement.
Les élèves se questionnent constamment sur le monde qui les entoure et c’est de ces
questions qu’il faut partir pour réaliser les expériences. En amont, il s’agit de poser le problème.
Les élèves n’arrivent pas toujours à formuler leurs questions, il ne faut pas aller trop vite et les
laisser s’imprégner du problème. Il peut être nécessaire de leur demander de mettre par écrit ce
qu’ils cherchent et ce qu’ils pensent qu’il va se passer. Cette phase s’apparente à la phase
d’hypothèse de la démarche scientifique.

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Lors de travail de groupe il peut alors y avoir plusieurs hypothèses, cela est bénéfique pour
les élèves car elles permettent la confrontation des idées, une prise de recul et la mise en oeuvre

de l’argumentation.
De plus, il est important de faire comprendre aux élèves que l’éducation scientifique ne
passe pas seulement par de l’expérimentation. Leurs connaissances et les recherches
documentaires sont tout aussi importantes pour la construction de savoirs nouveaux.
Un autre type de démarche peut également être proposé, cette dernière se veut plus
significative pour les élèves. Pour point de départ de cette méthode, l’enseignant va proposer une
situation initiale permettant de déboucher sur une question productive. La situation initiale
correspond à un problème à la portée des élèves qui pourrait correspondre à un problème de la
vie quotidienne. Le choix de cette situation initiale est donc très important car elle doit être
compréhensible par tous les élèves et elle doit permettre des questionnements. Toutefois, il
précise que la question qui découle de cette situation initiale doit être productive. Il faut donc
faire la différence entre question productive et question signifiante. La question signifiante a du
sens et sa réponse apporte une meilleure connaissance du monde. Elle transpose de vraies
questions mais elle est générale ou plus limitée. La question productive peut découler de la
précédente. Elle va déboucher sur des expériences, des observations, des réalisation faisables en
classe. Elle conduit à une connaissance nouvelle.
A la suite de ce questionnement l’élève entre dans une investigation productive, il est
acteur de la recherche. Enfin, l’investigation débouche sur une conclusion provisoire ou une
connaissance ponctuelle. Le motif central de cette démarche est donc le suivant :
1. (Question signifiante non productive) → Question (reformulée) productive
2. Investigation productive
3. Conclusion provisoire ou connaissance ponctuelle
Lorsque le problème est plus général, cette démarche va être réalisée plusieurs fois.
L’ensemble des conclusions provisoires vont former à la fin une connaissance générale.

1.1.3 Les représentations initiales

Notre présente réflexion voue un intérêt particulier à ce que sait l’enfant. Loin de l’idée
de la tabula rasa de LOCKE du XVIIème siècle (modèle pédagogique dans lequel l’enfant est vu
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comme une page vierge où le maitre vient écrire les savoirs) propre au modèle théorique de la
transmission ; nous intégrons les recherches de certains pédagogues qui développent l’idée de
conceptions initiales. D’après GIORDAN et DE VECCHI (Les origines du savoir, 1987) le terme de
conception initiale est un : « ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes, explicatives,
utilisées par les apprenants pour raisonner face à des situations problèmes et traduisant une
structure mentale sous-jacente responsable de ces manifestations contextuelles ». En d’autres
termes, pour chaque notion, l’élève va faire appel à des expériences antérieures et les mettre en
lien dans le but de trouver une réponse, une solution ou une explication. Pour J-P ASTOLFI, « c’est
à la fois sa grille de lecture, d’interprétation et de prévision de la réalité que l’individu a à traiter ».
Ses propos rajoutent une donnée importante. Au-delà d’une structure de réflexion, les
conceptions initiales peuvent fonctionner comme un prisme qui permettrait de percevoir le
monde qui nous entoure. Un élève interprète son environnement proche en faisant des constats
et en créant des liens de causalité en références à certaines expériences déjà vécues.

Certains spécialistes différencient conceptions de représentations initiales : Jean-Pierre


ASTOLFI, Éliane DAROT, Yvette GINSBURGER-VOGEL, Jacques TOUSSAINT s’accordent pour dire
qu’une conception est « un nœud de relations définies en termes opératoires » alors que la
représentation peut être vu comme « un mode de connaissance à prédominance figurative » (
Chapitre 15. Représentation (ou conception), 2008). Nous n’irons pas jusqu’à cette distinction
dans notre propos. Nous emploierons les deux termes de la même manière dans le but de
souligner les imageries utilisées par l’élève au début de ses apprentissages afin de comprendre,
produire une réponse, se faire un avis.

Une conception est donc présente chez l’élève dès la première situation d’apprentissage.
En effet, elle s’appuierait d’après GIODAN sur « le CORS ». Quatre facteurs influencent les
représentations initiales de l’élève. Le cadre de référence, les opérations mentales, le réseau
sémantique et les signifiants sont ces facteurs.

• Le cadre de référence constitue l’ensemble des savoirs intégrés par l’apprenant. Ce sont
des éléments encrés qui vont lui permettre d’appuyer la création d’une conception.

• Les opérations mentales (invariants opératoires pour Gérard VERGNAUD) sont les mises
en réseau des éléments mobilisés dans le cadre de référence. Cette plasticité a pour but

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de faire des inférences entre certains éléments du Savoir enregistrés.

• Le réseau sémantique comprend les deux éléments précédents d’après les travaux de
GIORDAN. C’est en interaction de ces deux pôles que le sujet va mettre du sens dans la
construction de la conception. De façon complexe, se tissage produit une représentation
logique pour l’élève, de ce qu’il perçoit, connait, ressent et est capable cognitivement de
produire.

• Les signifiants sont les éléments métacognitifs permettant à l’élève d’exprimer la


conception qu’il se fait en réponse à une situation donnée. C’est-à-dire que ce sont les
éléments productibles par l’élève : explication, expression de résultats…

Comme exprimé plus haut par la citation de DE VECCHI et GIORDAN, nous pouvons parler
de « structure mentale sous-jacente ». L’élève n’est pas toujours au clair avec le cheminement
qui l’a amené à une réponse. C’est pourquoi, il peut lui être difficile d’exprimer clairement ce qui
pour lui justifie une réponse.

Dans le cadre des sciences scolaires, les conceptions initiales apparaissent tout le temps.
C’est particulièrement celles présentent en début de cycle qui nous intéressent car le cadre de
référence de l’enfant n’est pas influencé par les savoirs de l’école. Pour que ce dernier soit modifié
il faudrait qu’il y ait apprentissage de la notion en question.

Mais, « ces représentations vont souvent leur nuire plutôt que les aider dans leurs
apprentissages et vont souvent persister malgré l’enseignement de représentations radicalement
différentes » (M. THOUIN, Revue des sciences de l’éducation, « Les représentations de concepts
en sciences physiques chez les jeunes », 1985). En effet, ces modes réflexifs opératoires sont
difficiles à déconstruire car, comme cité précédemment, ils s’appuient sur un tissage de liens et
d’inférences. De plus certaines conceptions des élèves peuvent être présentes depuis longtemps.

1.1.4 Apprendre

« Apprendre, c’est construire des connaissances et pouvoir les réutiliser à sa propre


initiative. Tout individu apprend de manière singulière et en interaction avec les autres ; il
le fait à partir de ce qu’il est et sait déjà, en fonction des contraintes et des ressources de
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la situation dans laquelle il se trouve… Et c’est cette situation que l’enseignant ou le
formateur doit concevoir de manière aussi rigoureuse que possible afin de faire échapper
l’apprentissage à l’aléatoire des rencontres individuelles et de permettre à chacune et à
chacun d’accéder à un niveau supérieur de développement cognitif. » (Philippe MEIRIEU).

Cette définition de l’apprentissage met bien en évidence la complexité du processus. La


finalité est d’atteindre un niveau de réflexion supérieur par l’acquisition de connaissances et de
compétences. Cette dernière se base sur le vécu de l’individu, c’est-à-dire ce qu’il a déjà intégré
de façon durable. Pour se faire l’individu se retrouve dans une situation nouvelle où la réponse
n’est pas directement induite par le dispositif. « Il y a apprentissage quand un individu placé
plusieurs fois dans la même situation modifie sa conduite de manière systématique et durable »
(REUCHLIN, 1977).

Pour que l’élève apprenne, il va donc falloir le placer dans une situation assez complexe
pour le sortir de sa zone de connaissances et de compétences acquises, pour qu’il essaye de
produire une nouvelle réponse l’emmenant vers un stade cognitif plus élaboré. C’est-à-dire, placé
devant un défi qu’il n’est pas capable de résoudre avec son propre vécu, l’élève va devoir réunir
des éléments (internes et/ou externes) pour émettre quelque chose de nouveau pour lui. Mais,
ce décalage entre ces compétences et ce qui est attendu ne doit pas être trop important. MEIRIEU
parle de « sa propre initiative », Michel DEVELAY parle « d’investir du désir dans l’objet de
savoir ». La notion de motivation est essentielle dans l’apprentissage et, une situation trop
décalée de la réalité de l’élève peut l’amener en situation d’échec continuel et réduire sa volonté
d’apprendre.

De même, la situation complexe dans laquelle se trouve l’apprenant nécessite d’être


munie d’éléments constructifs et inductifs. Le socio-constructiviste défend l’idée que
l’apprentissage dépend du milieu dans lequel on se trouve. En effet tout apprenant se construit
dans un certain contexte. L’apprentissage peut être perçu comme étant l’intériorisation
d’éléments extérieurs (communication, moyen de compter, observations naturelles…). A ce sujet
BROWN, COLLINS et DUGUID (1989) définissent ce mécanisme comme étant une interprétation
d’un phénomène saisi dans son contexte.

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Cette conception de l’apprentissage rejoint une certaine culture du sens pour l’apprenant.
Philippe MEIRIEU exprime cette nécessité du sens dans les apprentissages par cette phrase : « s’il
y a du sens dans nos savoirs, il est là : dans notre capacité à faire entendre que le plus intime se
relie au plus universel. » C’est-à-dire qu’un savoir peut s’apprendre seulement s’il a un
fondement socio-culturel et qu’il fait écho chez la personne qui l’apprend. La notion
d’apprentissage dans cette représentation pédagogique rend indissociable le sujet et son milieu.

1.2 L’intérêt du travail de groupe


« Le travail de groupe est cependant une stratégie qui permet au maître de ne pas se
laisser happer par la spirale perverse où il s’épuise, émet désespérément et perd ses
auditeurs chemin faisant, donnant toujours plus de la même chose, parlant et répétant,
logomachant pour l’infime fraction des élèves qui suivent et grattent jusqu’au bout, les
autres mentalement dans les starting-blocks, prêts à en jaillir à la sonnerie. » (Raoul
PANTANELLA, Cahiers pédagogiques, Mai 2004).

Éviter cette déviance est un enjeu de taille. Le socio-cognitivisme s’appuie sur l’utilité du
groupe et de l’environnement pour l’apprenant tout en essayant de mettre en avant le sens pour
l’investir dans la tâche. Ce courant de pensée pédagogique permet de sortir de la
conceptualisation schématiquement descendante entre le maître et l’élève. C’est-à-dire que le
savoir n’est pas une unité sacrée dispensée par le maître savant. Cette façon de concevoir perçoit
l’apprentissage comme un système complexe qui met en jeu un grand nombre de facteurs. Afin
d’analyser les apprentissages des élèves au sein d’un groupe il est nécessaire de s’intéresser aux
interactions sociales du groupe.

1.2.2 Les interactions sociales

Comme expliquer au-dessus par le conflit socio-constructivisme, les apprentissages font

face à des conceptions ancrées chez l’élève qu’ils vont devoir déconstruire. À travers des
échanges avec son milieu matériel et social (pairs, enseignants, intervenants…) l’élève va user des
désaccords pour établir cette déconstruction. La verbalisation est alors un élément
d’apprentissage clé.

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Ce ressort peut également s’avérer être un indicateur de l’évolution de l’élève (dès ses
représentations). Il va jouer un rôle important dans notre recherche. Michel DEVELAY (1994, « Le

sens des apprentissages : désir au passage à l’acte ») exprime la nécessité pour l’élève de clarifier
sa relation à l’objet du savoir pour assimiler et apprendre. Pour cela l’élève passe par une
métacognition de son apprentissage. C’est-à-dire qu’il doit examiner le chemin intellectuel qui l’a
mené jusqu’au savoir. La verbalisation est un outil indispensable à cette prise de recul sur son
action d’apprendre car pour exprimer son point de vu l’élève doit être clair avec. Elle permet de
clarifier et de synthétiser la démarche de l’apprenant.
Pour l’enseignant, cette verbalisation permet (partiellement) de comprendre le
cheminement effectué par l’élève. D’après Joël BISAULT, il faut être prudent quant à l’analyse des
interventions verbales des élèves car elles ne reflètent pas toujours les opérations mentales
effectuées par l’apprenant de manière transposée.
Nous ne nous concentrerons pas simplement sur la verbalisation des élèves mais sur les
interactions verbales. C’est-à-dire les échanges entre pairs ou avec un maître qui amèneront
l’élève à exposer les opérations mentales qu’il effectue et que les autres effectuent sur un objet
d’apprentissage donné. Au-delà de la « simple » verbalisation, la notion d’échange amène l’élève
dans un état de clarté supérieur sur ses représentations. « Amené à défendre et à éclairer ses
propos, et à entendre les arguments des autres, il est éventuellement conduit à interroger l’état
de ses connaissances initiales » (V. BIGOT, Analyse des interactions verbales et enseignements
des langues).
Dans un cadre d’expérimentation, l’élève va confronter dans un premier temps son point
de vue à celui de son entourage. Il va ensuite faire évoluer ses réflexions personnelles au fur et à
mesure qu’il change avec son groupe (pairs, enseignant, pairs et enseignants…).
Dans le cas où un élève resterait sur ses représentations, son argumentation, ses propos,
il devrait garder la même logique et donc la même argumentation. En revanche un élève qui
admettait des failles dans ses conceptions devrait être perméables à ce qui lui ai exposé et va
changer une partie de sa réflexion interne en incluant une ou des nouvelle(s) donnée(s). Alors,
dans ce cas, ses propos vont changer.

14
En partant de ce postulat, nous pouvons intégrer l’axe consensus-conflit présenté par V.
BIGOT. Il représente l’ensemble des positions que nous pouvons prendre lors d’un échange de

point de vue entre deux bornes : le consensus et le conflit. Dans notre cas, si l’élève aux
représentations erronées se complet dans le discours d’un élève qui émet les mêmes idées, alors
l’échange coupera court. En revanche si ce même élève ne s'investit pas à entretenir l’échange
en tolérant et discutant les arguments d’un avis contraire alors l’échange coupera court
également. Il doit rester au milieu de cet axe pour entretenir un débat où il influencera peut-être
les autres, où il sera influencé par les arguments des autres.

1.2.3 La zone proximale de développement

Lev VYGOTSKI définit l’apprentissage dans la situation de conflit socio-cognitif d’après un


schéma de l’impact de l’environnement sur l’enfant. Il définit un premier cercle de compétences
et de connaissances qui sont propres à l’enfant. En partant de ce principe si l’on demande une
tâche à l’élève qui mobilise uniquement des éléments de ce cercle, il va trouver une réponse
rapide sans besoin de construire de nouvelles facultés. De plus si l’élève reste dans ce niveau de
complexité il risque de stagner et de s’ennuyer.

VYGOTSKI définit un second cercle distant du premier. Au-delà de celui-ci les compétences
requises sont trop éloignées de l’apprenant. Donc toute tâche faisant appel à des compétences
dépassant ce cercle sera source d’échec. Même accompagné d’un adulte l’apprenant n’aura pas
les prérequis pour mettre du sens derrière ce qui lui est demandé.

Entre ces deux cercles reste un espace. C’est particulièrement celui-ci qui intéresse cette
façon de penser l’apprentissage. Cette zone intermédiaire ne nécessite pas que les compétences
acquises par le sujet. En revanche, les notions, éléments de réponse, compétences sont proches
de ce que l’enfant sait (ou sait faire ou sait être). Il va pouvoir, avec l’aide d’un tiers créer des
connections logiques entre son vécu et la tâche demandée. C’est-à-dire que les explications et
étayages faits par quelqu’un ‘ou par un dispositif) lui permettront de relier les éléments nouveaux
à ceux déjà systématisés et ancrés durablement.

Dans cette logique, VYGOTSKI émet l’idée que « chaque fonction psychique supérieure
apparaît deux fois au cours du développement de l'enfant: d'abord comme activité collective,
15
sociale et donc comme fonction interpsychique, puis la deuxième fois comme activité individuelle,
comme propriété intérieure de la pensée de l'enfant, comme fonction intrapsychique ».

Ce schéma est donc sans fin. Une fois intégrées, les nouvelles informations élargissent le
cercle des savoirs propre à l’élève, puis, la zone proximale de développement va elle aussi se
déplacer sur des apprentissages plus experts.

Schéma 1 : La zone proximal de développement schématiquement.

1.2.4 Le conflit socio-cognitif

Le conflit socio-cognitif part des représentations de l’élève. Correct ou erroné, l’élève aura
un point de vue sur un problème qui lui sera présenté. Il va faire appel à des situations qu’il a déjà
rencontrées, à des propos qui lui ont été rapportés ou toute expérience déjà vécue.

L’intérêt de la situation est de pousser l’apprenant à sortir de ces idées prescrites. C’est là
qu’intervient le facteur social. Grâce à des échanges avec des camarades autour d’une question
ou avec le professeur ou par un aménagement de l’espace et/ou du temps, cette remise en
question doit s'effectuer. DOISE et MUGNY définissent même que les interactions entre pairs ou
avec l’enseignant ne sont cognitivement constructives seulement s’il y a présence d’un conflit
cognitif. Il est donc nécessaire, d’après eux qu’il y ait des désaccords pour pousser à l’échange et
à l’évolution des représentations. Si deux élèves d’un même groupe expriment un point de vue
opposé ils vont devoir justifier et débattre de la pertinence des points de vue. Dans ce cas un
savoir commun au groupe peut être construit. Les savoirs des pairs nourrissent, dans ces cas-là le
questionnement sur sa représentation initiale et les évolutions qu’il voudrait opérer.

16
En partant de cet avis VYGOTSKI a défini le concept de la « zone proximale de développement ».
Pour lui, « le trait fondamental de l'apprentissage consiste en la formation d'une zone proximale
de développement. »

1. 3 Définir le travail de groupe


Selon le dictionnaire Le Robert, le groupe se définit comme “un ensemble de personnes
ayant quelque chose en commun”. Lorsque l’on parle de travail de groupe, c’est donc le travail
qui lie chaque personne du groupe.

De nombreux auteurs ont étudié le travail de groupe mais chacun en se basant sur des
critères plus ou moins différents. En effet, il existe différents moyens d’approcher le travail de
groupe, selon le choix ou non de la constitution des groupes ou encore selon l’objectif de travail
donné.

1.3.1 Le choix de la constitution des groupes

Dans un premier temps il s’agit de s’intéresser aux groupes de niveaux. Ces groupes sont
très souvent utilisés pour les apprentissages car ils permettent la mise en œuvre de la
différenciation. « Un travail individuel préalable au travail de groupe est nécessaire. Il permet
d’évaluer les capacités méthodologiques de chaque élève » (Géraldine DARGENT et Olivier
DARGENT, 2004). Ce travail individuel est essentiel, c’est sur ses résultats que l’enseignant va se
baser pour constituer des groupes de niveaux de maîtrise de compétences. Ces groupes
rassemblent donc des élèves de niveau scolaire sensiblement égal, cela permet d’apporter à
chaque groupe le soutien nécessaire dont il a besoin (pour le groupe dit “faible”) ou bien
d’approfondir les connaissances (pour le groupe dit “fort”).

Dans un second temps les groupes peuvent aussi être vu comme une microsociété où
l'hétérogénéité est inductrice d’apprentissages. En cassant les barrières des “niveaux”, les élèves
font face à des situations où ils doivent composer avec d’autres individus de vécus et de
représentations différentes. Ainsi, chaque membre du groupe doit être en mesure d’apporter son
savoir, ses compétences. Des notions de vivre ensemble (propre à l'Éducation Morale et Civique)
sont mises en jeu avec la tolérance et l’écoute de chacun. Cette modalité de regroupement peut
cependant être source de déviances. L’impatience des élèves moteurs peut les pousser à travailler
individuellement aux dépens des autres membres du groupe.
17
MEIRIEU aborde la notion de groupe en s’inspirant de ses modalités dans la vie courante.
Nous exposons des exemples sociaux définis par l’auteur autour de trois idéologies: religieuse,
moderniste et révolutionnaire.

Tableau 1 – Typologie des groupes selon MEIRIEU

« Itinéraire des pédagogies de groupes », Philippe MEIRIEU

Exemple
Type de groupe Objectif
social

Groupe productif Performance, rentabilité du groupe. Atelier

Groupe affectif Bien être commun et authenticité des Aumônerie


relations.

Groupe productif/affectif Réuni pour une tâche puis améliore les Formation
relations interpersonnelles. des adultes

Groupe affectif/productif Mettre la sympathie présente dans le Centre social


groupe au service d’une tâche commune.

1.3.2 L’objectif de travail

Deux auteurs, MEIRIEU et ASTOLFI, partent du principe que pour définir clairement un
travail de groupe il faut se baser sur les objectifs auxquels on souhaite aboutir. Philippe MEIRIEU
fait alors la distinction entre la tâche et l’objectif. L’objectif c’est « l’acquisition mentale stabilisée
qui peut être utilisée à la propre initiative de la personne peu importe le contexte ». La tâche
quant à elle sert à évaluer les objectifs visés. Il définit alors 5 objectifs de travail de groupe :
- La finalisation (besoin de savoir)
- La socialisation (réseau de communication)
- Le monitorat (enseignement pas l’élève à un autre)
- La confrontation (conflit socio-cognitif)
- L’apprentissage (acquisitions individuelles)

18
D’après ASTOLFI, le travail de groupe repose sur l’idée que la vie sociale, la confrontation
d’idées apprend à penser. Ce travail doit répondre à des objectifs précis c’est pourquoi il a défini
une typologie des groupes de travail.
Tableau 2 – Type de groupe en fonction des objectifs de travail
« Typologie des groupe de travail selon ASTOLFI », J.P ASTOLFI

Logique de
Types de groupe Objectif visé
travail

Groupe de Une situation-problème est posée à la classe, chaque groupe Projet


découverte propose ensuite des solutions répondant à un des aspects du
problème. La classe effectue ensuite une synthèse collective
afin que chacun apporte ses conclusions.

Groupe de Les groupes sont constitués de façon à rendre possible les Conflit socio-
confrontation confrontations de point de vue entre élèves. Il faut tout de cognitif
même veiller à ce que les idées ne soient pas trop opposées
pour ne pas aboutir à des dialogues sans fin.
Ce type de groupe va avoir des effets sur les représentations
initiales.

Groupe d’inter- Il s’agit de donner à lire à chaque groupe le travail des autres Communicati
évaluation dans l’optique de faciliter l’autocorrection. on

Groupe Ces groupes permettent aux élèves de parler entre eux, avec Reformulation
d’assimilation leurs propres mots, sur les notions qui viennent d’être
étudiées.
Ces groupes peuvent être utilisés dans le cas de l’élaboration
d’un résumé collectif.

Groupe Le travail effectué favorise la coopération entre les élèves. Il Appui collectif
d'entraînement s’agit d’utiliser un travail individuel pour aboutir à une Pédagogie de
mutuel production collective qui formalise les apprentissages. projet

19
Groupe de besoins Ils permettent de mettre en place la différenciation pour Remédiation
répondre au problème de l’hétérogénéité d’une classe. Les
groupes sont homogènes. Toutefois il ne faut pas tomber
dans des groupes fixes.

Les objectifs des deux auteurs, MEIRIEU et ASTOLFI, sont sensiblement les mêmes. Il
semble donc nécessaire de se baser sur ses objectifs pour constituer les groupes en classe et alors
fournir un travail productif.
Lors de débats et d’échanges la dimension affective peut jouer un rôle majeur. Pour être
source d’apprentissage dans un cadre collectif, il faut que la configuration soit propice à la
coopération. Chacun doit être partie prenante des actions collectives ou interindividuelles
menant à l’objectif. Pour ce faire il faut que chacun se sente membre du groupe : c’est le besoin
d’affiliation, la dimension affective joue donc un rôle majeur. Pour FRAYSSE (Relation entre le
développement cognitif et compétences interactives, 1992) : les relations cordiales favorisent les
interactions dans le groupe.

1.4 La gestion du travail de groupe


Si le travail en groupe nécessite un réel apprentissage pour les élèves, il en constitue un
aussi pour l’enseignant. En effet gérer plusieurs groupes ne relève pas de la même organisation
que de gérer un groupe classe. Il est toutefois nécessaire de distinguer deux moments : le premier
concerne l’organisation en amont de la séance et le second la gestion des groupes lors de la phase
de travail.

1.4.1 La gestion en amont

ASTOLFI définit différent points à étudier pour mettre en place un travail de groupe.
Dans un premier temps il s’intéresse à l’organisation matérielle de la classe. Il faut
anticiper la manière dont on va organiser les tables. 2 possibilités s’offrent à l’enseignant, la
première est d'opter pour un regroupement permanent. Toutefois, cela peut gêner les temps de
travail individuel et un bon angle de vue sur le tableau n’est pas toujours possible. La deuxième
possibilité est le regroupement temporaire, dans ce cas on déplace les tables au moment du
travail de groupe mais cela provoque généralement des manipulations bruyantes. Il est donc
important de réfléchir à cela en amont, afin de ne pas perdre de temps lors de la mise en place
du travail de groupe.
20
Dans un second temps concernant la gestion des groupes lors du temps de travail, il
évoque la nécessité pour les élèves d’apprendre et de respecter certaines règles de vie
spécifiques. Ces règles de vie doivent être transmises par l’enseignant lors du premier temps de
travail de groupe et rappelées régulièrement.

1.4.2 La gestion des groupes pendant le travail

Concernant la mise au travail, l’enseignant doit s’assurer que les consignes ont bien été
comprises par tous, il peut alors demander à un ou plusieurs élèves de reformuler ce qui est
demandé. Cela évite à l’enseignant d’interrompre trop souvent la dynamique des groupes. En
définissant les objectifs d’apprentissages en amont de la séance, l’enseignant sait où il veut aller
avec ses élèves et il peut donc prendre une posture d’accompagnateur. Cette posture est définie
par DUMAS-CARRÉ et GOFFARD « en aucun cas, il n’apporte de réponses toutes faites, ne tranche
ni ne juge en acceptant certaines propositions des élèves et en en disqualifiant d’autres ». Cette
posture d’accompagnateur est très importante car elle permet de laisser aux élèves le choix du
chemin qui les mènera à l’apprentissage. Toutefois, l’enseignant peut créer des situations
d’impasse dans lesquelles les élèves ne pourront plus avancer. Ces situations vont les obliger à
remettre en cause leurs conceptions.
Pendant la phase de restitution, le rôle du professeur change. « Il organise une discussion,
attire l’attention sur les points de convergence et divergence et demande des justifications »
(DUMAS-CARRÉ et GOFFARD, 1997). A ce moment du travail, son rôle est donc de gérer le groupe
classe et de permettre à chaque groupe, à chaque élève d’intervenir. A la fin de ce temps collectif,
il apporte une validation des résultats proposés et il institutionnalise les savoirs.

PARTIE 2 - PRÉSENTATION DE
L’EXPÉRIMENTATION

Après avoir défini les différents éléments relatifs à l’apprentissage des sciences et aux
travail de groupe nous pouvons maintenant nous questionner sur ces théories et les mettre en
pratique dans notre classe.

21
2.1 Problématiques et hypothèses
L’étude des différentes théories que nous avons réalisée précédemment nous amène à
nous poser certaines questions. En effet, l’analyse du socio-constructivisme et la zone proximal
de développement nous questionnent sur les conceptions des élèves et nous laissent penser que
les connaissances des élèves se construisent petit à petit en remplacement de leurs conceptions
erronées. Toutefois, lorsque le savoir est apporté par l’enseignant le changement de conception
peut facilement se comprendre mais lorsque les élèves sont en groupe comment un élève peut-
il accepter de changer ses représentations initiales par le simple échange avec ses camarades. La
figure d’enseignant comme source de savoir n’étant pas présente puisque dans le travail de
groupe l’enseignant est seulement là pour encadrer, guider les élèves mais il ne doit pas apporter
toutes les réponses. À la fin, lors de la mise en commun, c’est à lui de rendre le travail productif.
C’est donc cette question que nous avons décidé d’étudier : comment le travail de groupe
permet-il à un élève aux conceptions erronées d’accéder aux savoirs ?

Ce questionnement nous amène à formuler plusieurs hypothèses.

Le travail de groupe permet aux élèves aux conceptions erronées d’accéder aux savoirs car il leur
permet de confronter leurs idées entre eux et d’argumenter avec leurs propres mots, ce qui rend
la compréhension plus facile.

L’échange entre élèves est plus libre, les élèves sont plus à l’aise pour faire part de leurs idées et
dans un second temps pour écouter celles des autres.

L’accès aux savoirs se fait donc par le biais d’échanges, ce qui va permettre à l’élève aux
conceptions erronées de comprendre à son rythme quels sont les savoirs à retenir.

2.2 Le contexte de réalisation de la séquence


Afin de répondre à notre problématique et vérifier nos hypothèses nous avons mis en
place une séquence portant sur la distillation. Elle a été réalisée dans une classe de CM1-CM2,
de 29 élèves. Toutefois la fin de la séquence n’a pas pu être mise en place, seule la première partie
sur la vaporisation sera l’objet de notre étude.
Cette séquence a été choisi car elle permet d’aborder une notion complexe et nouvelle
chez les élèves, tout en permettant la mise en place du travail de groupe. La notion de
22
vaporisation est abordée via l’exemple des marais salants et donc de la récupération du sel dans
l’eau de mer. Cette séquence fait appel à des notions proches des élèves puisque le sel est une
aliment qu’il consomme quotidiennement, toutefois très peu d’entre eux se sont déjà posés la
question de sa provenance.
Cette séquence nous semblait intéressante car nous avons pensé que les élèves auraient un
certains nombres de conceptions erronées ou non sur le sujet. Ces différentes conceptions des
élèves nous emmenèrent donc à la mise en place du travail de groupe.
Les choix faits concernant la mise en place du travail de groupe ont été les suivants. Après
analyse des théories de MEIRIEU et ASTOLFI nous avons décidé de mettre en place des groupes
de confrontation afin de permettre le conflit socio-cognitif et donc de faire évoluer les
conceptions des élèves si besoin. De plus ces groupes sont également des groupes
affectifs/productifs. Nous avons choisi ce type de groupe car il nous a semblé être le plus
approprié pour la mise au travail des élèves. En effet, dans la classe choisie nous avons remarqué
que les élèves se mettaient plus facilement au travail lorsqu’ils faisaient le choix d’au moins une
personne avec qui il voulait être, plutôt que dans des groupes imposés par l’enseignant. Le côté
productif du groupe étant nécessaire pour la mise au travail dans un seul et même but.

2.3 Présentation de la séance d’observation


2.3.1 Séance en amont.

Une première séance d’introduction a été réalisée en amont des séances d’observation. Cette
séance avait pour but d’interroger les élèves sur la répartition de l’eau sur Terre. Le constat fait
au cours de ce travail étant que l’eau douce est répartie de manière inégale sur Terre.

2.3.2 Séance 1 : évaluation diagnostique

Partie 1 : Étude des marais salants.


OBJECTIF POUR L’ENSEIGNANT : faire découvrir le fonctionnement des marais salant et donc de
la vaporisation.
À travers une étude documentaire (annexe n°1) les élèves sont amenés à comprendre le
fonctionnement des marais salants. Ils comprennent que le sel est extrait des marais suite à la
vaporisation de l’eau.

23
Partie 2 : Protocole expérimental permettant de séparer l’eau et le sel dans un verre d’eau
salée
OBJECTIF POUR L’ENSEIGNANT : repérer les élèves aux conceptions erronées.
Après avoir étudié les marais salants en classe entière, il est demandé aux élèves de proposer une
expérience permettant de récupérer le sel contenu dans un verre d’eau salée (annexe n°2).

2.3.3 Séance 2 : travail de groupe

OBJECTIF POUR L’ENSEIGNANT : analyser les échanges entre élèves afin de pouvoir valider ou
non les hypothèses.
Au vu des réponses obtenues lors de la séance 1 nous avons pu repérer les élèves dont les
représentations initiales étaient erronées et ceux aux bonnes représentations, ou qui s’en
rapprochaient.
Nous avons alors demandé aux élèves de se mettre avec le binôme de leur choix et nous avons
associé les binômes entre eux afin de constituer des groupes hétérogènes au niveau des
conceptions des élèves.
Le même travail que la séance précédente a été demandé aux élèves (proposer un protocole
expérimental permettant de récupérer le sel dissout dans l’eau), cependant cette fois-ci les élèves
étaient en groupe et ils devaient se mettre d’accord sur un protocole.

2.4 Présentation des observables


2.4.1 Les indicateurs

Pour identifier nos profils nous avons détaillé des indicateurs (cf. tableau ci-dessous) en
se servant des travaux précédents mais aussi de B. PY (Apprendre une langue dans l’interaction
verbale, 1996) et Jean-Marc COLLETTA (Les développements de la parole chez l’enfant âgé de 6 à
11 ans corps, langage et cognition, 2004).
La prise en compte des propos précédents, constitue la perméabilité de l’élève par rapport
à une énonciation précédente. Elle peut se faire de deux manières : prise ou non-prise. La non-
prise relève de causes diverses comme une situation trop complexe pour l’élève, il se situe en
dehors de sa zone proximale de développement et ne pourra pas faire sens avec ce qui est
énoncé. Une argumentation qui ne saurait être assez pertinente, ou alors d’après PY, « l’enfant

24
traite l’information silencieusement ». C’est-à-dire que les changements de représentations ne
seront constatables que plus tard.

La prise, quant à elle, se subdivise en deux. La prise par usage et la prise par mention (toujours
d’après les travaux de PY que nous transposons dans notre cadre d’analyse). La prise par usage
est une intégration de la démarche de l’argumentation comme savoir. L’élève s’approprie le point
de vu car il lui semble pertinent et justifié. Il garde l’essence de la réflexion qu’il peut exprimer à
sa manière.
La prise par mention n’est pas aussi vertueuse. L’élève auditeur reprend les propos de l’élève
énonciateur et intègre simplement l’information comme tel. Comme un énoncé immuable,
l’élève le répète en adoptant cette donnée mais sans en tenir une profonde compréhension. Cela
peut par exemple être dû « aux relations plus ou moins inégalitaires entre les participants »
détaillées par KERBRAT-ORECCHIONI. La hiérarchie d’un groupe peut impacter les la perméabilité
de certains élèves. Dans le choix de notre mise en place nous faisons en sorte d’éviter un
déséquilibre dans le groupe en mettant les élèves en situation d’échanges symétriques : aucun
rôle n’est plus influent dans le groupe qu’un autre (VION, 1992). Toutefois, une hiérarchie sociale
de classe fait que certains avis resteront plus influents que d’autres.
La structuration du propos est révélatrice de connexions cognitives effectuées par l’élève.
Plus ses propos seront justifiés, argumentés et mis en lien, plus ses conceptions seront ancrées
et difficiles à déconstruire. L’élève sûr de ses représentations a des liens de causalité très tissés.
Sa réflexion se nourrit d’arguments. Il est capable de se justifier, de détailler. Un individu qui
remettrait en cause certaines de ses représentations prend de la distance sur son propos. Il
modère ce qu’il dit, minimise certains éléments car il émet des doutes quant à leur fiabilité. Épris
d’incertitudes, son discours présente aussi des hésitations. Il répète sans s’approprier le propos,
il fait simplement référence à ce qui lui semble être une vérité empirique.
Par rapport à l’avis scientifiquement expliqué, les différents types d’élèves réagissent
différemment. En référence au continuum de V. BIGOT entre consensus et conflit, et à la typologie
des interactions de VION, nous proposons différentes réactions typiques.

25
D’abord, le consensus est l’approbation de la démarche réflexive exprimée par un autre membre
du groupe en lien avec les représentations initiales similaires de l’élève. Il est pleinement

d’accord. Le conflit résulte lui d’une opposition très nettes et campées des représentations.
Deux élèves ne se mettent pas d’accord. L’élève aux représentations erronées n’admet
pas la pertinence des arguments exposés par son interlocuteur. L'ancrage de ses représentations
est plus fort que ce qui est exprimé, au point de décrédibiliser tout fondement du propos. Pour
remettre en cause ses représentation en fonction d’un avis correct, l’apprenant va devoir être
dans le débat pour assimiler progressivement les différents éléments justifiés qui lui sont
présentés. Dans ce cas, il se nourrit d’éléments et soulève des problématiques successives qui
amènent elles aussi des éléments de réponse argumentés. Cela à lieu dans le cas où la prise est
d’usage.
Dans le cas de la prise de mention, le consensus est vite là et l’élève admet l’avis correct une fois
de plus comme une donnée non re-mettable en question. Pour l’élève aux représentations
correctes qui changerait de point de vue pour adhérer à des conceptions erronées, malgré le
débat il peut trouver plus pertinentes d’autres représentations que celles correctes et justifiées.
De même, il peut simplement accepter une information exprimée par un pair de par le simple
statut de son camarade.

Tableau 3 - Tableau des différents comportements cognitifs


en fonctions d'indicateurs en situation d'interactions verbales

Types de comportements en situation Prise des propos Structuration du Rapport à un


d'interaction verbale précédents propos avis correct

Non-remise en cause de représentation


Non-prise Liens de causalités Consensus
correcte

Non-remise en cause de représentation


Non-prise Liens de causalités Conflit
erronée

26
Prise par usage Prise de distance Débat
Remise en cause de représentation
Prise par Consensus par
erronée Ânonnement
mention évitement

Prise par usage Prise de distance Débat


Remise en cause de représentation
correcte
Prise par Consensus par
Ânonnement
mention évitement

La construction du propos, les reformulations, les mouvements, les prises en charges


énonciatives sont les quatre grands aspects des observations effectuables.

2.4.2 Construction de l’observation

De même que pour avoir déterminé des indicateurs, il nous faut utiliser les interactions

verbales comme observables externes des hypothétiques changements internes de la réflexion

(et donc des représentations) de l’élève. D’après les travaux de J. BISAULT en 2008 (eux-mêmes

inspirés de GRIZE, 1996 ; JAUBERT et REBIERE, 2000 ; NONNON, 2001) nous avons identifié

plusieurs observables que nous pourrions décliner et adapter à la séquence support de notre

expérimentation.

Dans le but d’analyser les effets des interactions groupales sur les conceptions des
constituants du groupe, nous allons devoir observer les prises de paroles des membres du
groupes qui seront sujets de notre réflexion. Pour se faire il nous faut définir des observables qui
seront en lien avec nos hypothèses et nos indicateurs. Ces observables se définissent par des
principes linguistiques traduisant certains comportements cognitifs en situation d’interactions
verbales. En référence au travail de Patrick CHARAUDEAU (Typologie des genres médiatiques,
1997) deux types d’analyses sont possibles. La première, laborieuse, se base sur un grand nombre
d’observateurs qui rendent le travail de synthèse très complexe mais permettent une lecture du
contexte très pointue. Le deuxième, ne se base que sur deux à trois observables. Elle ne prend
27
pas en compte toute la complexité sous-jacente du contexte étudié mais permet une synthèse
relativement claire et compréhensible. Nous opterons pour ce deuxième choix qui nous semble

plus approprié pour plusieurs raisons. En effet, par rapport à notre échantillon d’analyse, nous
pouvons difficilement l’observer sous une multitude d’axes. De plus, un travail aux multiples
indicateurs nécessite une préparation nettement plus complexe du support, des ressources
théoriques et scientifiques qui sortiraient du cadre de notre réflexion. Nous proposons donc un
cadre d’analyse en trois points. Le but étant d’interpréter rapidement les différents
comportements verbaux des élèves. Pour cela nous nous sommes restreints aux reformulations,
contestations et prises de distance.
Tableau 4 - Les observables

Types de comportements
Prise des propos des Structuration Rapport à un avis
en situation d'interaction
autres membres du propos correct
verbale
Reformulation du Liaisons des Tournure des
Observables
propos propos échanges

Opérateurs Fin de l'échange


Non-remise en cause de
Absente énonciatifs rapide sur un
représentation correcte
élevés accord

Opérateurs Fin de l'échange


Non-remise en cause de
Absente énonciatifs rapide sur un
représentation erronée
élevés désaccord

Nombreuses,
Proposition
successives et basées Échange long avec
méta-
sur les savoirs, constats ré-explications
discursives
Remise en cause de exprimés par les autres

représentation erronée Présentes, faibles et Fin de l'échange

socialement influencées Répétition et rapide avec


par le statut de certains interjonctions acceptation de
membres l'énoncé tel quel

28
Échange long avec
Proposition
Nombreuses, ré-explications dans
méta-
successives et basées lequel ses
discursives
sur les savoirs, constats représentations
Répétition et
Remise en cause de exprimés par les autres correctes sont
interjonctions
représentation correcte mises de côté

Présentes, faibles et Fin de l'échange


socialement influencées rapide avec
par le statut de certains acceptation de

membres l'énoncé tel quel

PARTIE 3 - ANALYSE DES RÉSULTATS

3.1 Présentation des résultats


Les réponses recueillies lors de la séance 1 nous ont permis de repérer les élèves aux conceptions
erronées. Notre choix a donc été d’observer “élève 1” et “élève 2” lors de la phase de travail de
groupe.

Voici les réponses apportées par ces deux élèves lors de la séance 1 en travail individuel (annexe
n°3).
Consigne 1 : "Comment séparer le sel de l’eau ? Hypothèse” :
- élève 1 : “il faut verser dans une passoire et récupérer le sel”
- élève 2 : “s'il y a un verre avec du sel tu peux prendre une cuillère et commencer à prendre
le sel”
Consigne 2 : “Proposer un protocole expérimental permettant de récupérer, le plus rapidement
possible, le sel dissout dans l’eau ?” :
- élève 1 : “réchauffer l’eau dans une casserole”
- élève 2 : “tu prends le verre et tu le verses dans ta main et l’eau va se transpercer ou sinon
au lieu de la main tu peux (utiliser) une cuillère”

29
Ensuite, nous avons donc mis les élèves en groupe et nous avons procéder à l’enregistrement de
leurs échanges, l’organisation de la classe ne permettait pas l’observation en direct des élèves.
Tableau 5 : Transcription de l’enregistrement audio du travail de groupe sur la vaporisation
des élèves 1, 2, 3 et 4.

N° de Nom de Intervention de l’élève


l’intervention l’élève

1 Élève 3 alors ba moi déjà j’avais mis que on faisait chauffer


ba.. .. le.. verre avec de l’eau et le sel au soleil comme
ça ça s’évapore et voilà

2 Élève 4 moi j’ai mis qu’on faisait chauffer l’eau avec le sel
dedans mais dans une casserole

3 Élève 3 ouai ok ↘

4 Élève 4 pour que ça fasse de la vapeur

5 Élève 3 [à élève 2] et toi t’as mis quoi ↗

6 Élève 2 en fait j’ai mis tu.. .. tu mets l’eau avec du sel et après
tu mets dans une cuillère tu vas prendre tout le sel
ou dans une..

7 Élève 3 à ouai

8 Élève 4 pas faux

9 Élève 1 ba moi j’avais fais un peu comme élève 4 fin j’avais


mis de l’eau dans une casserole fin faire voilà mettre
du sel dans une casserole avec de l’eau et ba après
ba voilà.. ba bref j’ai fait comme élève 4 quoi

10 Élève 4 c’était la même chose

11 Élève 1 donc la consigne ba c’est en groupe proposer un ou


plusieurs protocoles expérimentaux permettant de
récupérer le plus rapidement possible le sel dissout
dans l’eau donc ba on met quoi ↗

12 Élève 4 ba moi je pense c’est l’idée casserole parce que déjà


c’était dans la consigne d’avant c’était le plus
rapidement

13 Élève 1 ouai
30
14 Élève 4 c’était le plus rapide, l’eau elle va chauffer plus vite

15 Élève 2 et le sel ça va plus vite tu le verses d’un coup et après


le sel.. .. dans la cuillère..

16 Élève 1 [coupe la parole] [à élève 3] ouai parce que toi ton


idée c’était de le mettre..

17 Élève 3 à la chaleur mais au soleil

18 Élève 1 au micro-onde et après tu le faisais sécher au soleil


19 Élève 3 mais non ↗

20 Élève 4 faut séparer l’eau du sel

21 Élève 3 tu mets juste le verre au soleil comme ça ça


s’évapore ↗

22 Élève 1 ah ba moi je suis d’accord avec la casserole aussi


sinon là ton idée ça allait prendre trop de temps

23 Élève 3 ouai bon ba on écrit ça t’es d’accord élève 2 ↗

24 Élève 2 oui oui

25 Élève 3 vous êtes tous d’accord ↗

26 Élève 1 oui

27 Élève 4 on est tous d’accord ↗

3.2 Analyse des résultats


Dans un premier temps nous pouvons analyser les réponses faites par les élèves lors de la séance
1. En effet si l’on prend l’élève 2, nous pouvons voir que ces représentations sont totalement
erronées puisque pour lui la séparation du sel dans l’eau peut se faire via l’utilisation d’une
cuillère ou de la main. En revanche, nous pouvons voir que les idées de l’élève 1 sont moins
tranchées puisque pour la question elle répond qu’il faut utiliser une passoire pour séparer le sel
de l’eau (conception erronée). En revanche pour récupérer le sel le plus rapidement possible elle
émet l’idée d’utiliser une casserole pour “réchauffer” l’eau. Nous allons donc voir si lors du travail
de groupe leurs représentations évoluent ou non.

31
Pour étudier cela nous avons construit une grille d’observation que nous avons rempli grâce à
l’enregistrement audio et la transcription que nous avons faite.

Tableau 6 : Grille d’observation des élèves 1 et 2 lors du travail de groupe

ÉLÈVE 1 ÉLÈVE 2

Opérateurs énonciatifs
(en fait, disons, du coup, I II
parce que…)

Propositions méta-
discursives II
(je crois que, il me semble
que, ça veut dire, peut-être
que…)

Reformulations de son
idée III I
Répétition de l’idée d’un
autre I
Inter-jonctions

Prise de paroles
IIIIIII III
D'après notre cadre d'analyse nous pouvons identifier les comportements de ces deux
élèves.
L'élève 1 a tendance à reformuler son propos ou celui des autres. Malgré des références
au travail de l'élève 4, il a essayé de s'approprier les notions énoncées par les autres dans le but
de clarifier son propre propos. La structuration de son propos relève plusieurs connecteurs. Il
participe activement à la structuration de l’idée de groupe. Il tente de comprendre chaque avis
du groupe. Malgré une énonciation transposée de celle d’un camarade, nous pouvons apparenter
ce comportement à celui d’un élève qui remettrait en cause ces représentations initiales à travers
une prise par usage. C’est-à-dire qu’il aura écouté, saisi le sens et l’argumentation d’un camarade
pour faire évoluer son point de vue sur le sujet. Son discours présente des éléments énonciatifs,
des propositions méta-discursives, des reformulations, et de nombreuses prise de paroles.
32
D’après la définitions d’observables spécifiques à chaque indicateurs de chaque profil, cet élève
remettrait en cause certaines de ses représentations. Du moins, il intègrerait les avis du groupe,
en comprendrait le sens et y intégrerait dans son cadre de références.
Le deuxième sujet d’observation, peu bavard laisse à penser qu’il n’a pas changer ses
représentations initiales. En effet ses rares prises de paroles, présentant principalement des
opérateurs énonciatif et une simple reformulation, tendent vers un profil de non-remise en cause
de représentation. Nous ne pouvons pas spécialement le ranger dans une catégorie de
représentation correcte ou erronée. Nous devrions creuser son point de vue pour le comprendre
au mieux. En attendant sa proposition n’est pas retenue par le groupe et, à aucun moment, il ne
fait signe de reformulation d’un propos énoncé par un autre membre du groupe alors, soit il n’a
rien intégré de nouveau à son cadre de référence, soit il effectue cette démarche de façon
silencieuse. Nous supposons que sa validation finale (dernière prise de parole: “oui oui”) n’est là
que pour s’allier à la décision commune car rien, dans ses prises de paroles précédentes ne font
état d’une intégration de ce protocole dans sa démarche personnelle.
De part ce résultat d'analyse nous pouvons constater que les profils ne sont pas aussi
tranchés que nous l'avions envisagé. Certains éléments d’observations propres à deux profils
différents se retrouvent chez un même élève, sur un même temps d’analyse. Cette donnée est
compréhensible car lors d’une argumentations, nous passons par différents états mentaux :
présentation convaincue de sa propre idée, écoute de l’autre, refus, controverse, adhésion...
Enfin, nous ne pouvons pas conclure sur le réel changement de conception ou non des élèves
observés car nous n’avons pas pu mettre en place d’évaluation sommative. Cette évaluation nous
aurait permis de voir si l’élève avait intégré les représentations correctes puisque seule devant sa
copie, il n’aurait pas eu d’autre choix que de réfléchir par lui-même pour trouver les réponses
attendues. Nous aurions demandé aux élèves de décrire le protocole expérimentale permettant
de séparer rapidement le sel de l’eau dans un verre d’eau salée.

Pour finir et donc pour répondre à nos hypothèses nous ne pouvons pas affirmer que
celles-ci sont vérifiées car l’échantillon d’observation est trop mince et nous n’avons pas pu
pousser l’expérimentation jusqu’au bout.
Toutefois, nous avons pu voir que les élèves échangeaient leurs idées librement et avec leur
propres mots comme nous l’avions suggérer. Cependant, ils ne sont pas forcément plus libres

33
dans l’échange, comme on peut le voir avec l’élève 2 qui prend très peu la parole et qui se fait
couper par d’autres. Dans le groupe certains élèves peuvent se mettre en retrait face à d’autres
camarades qui s’imposent et qui prennent les décisions.

CONCLUSION

En somme, notre étude portait sur l’intérêt du travail de groupe sur les apprentissages des
sciences. Nous n’avons pu pousser notre étude jusqu’au bout et notre échantillon étant faible
nous ne pouvons pas affirmer que nos résultats sont représentatifs.

Toutefois, l’étude faite sur le travail de groupe nous éclaire sur les différentes modalités
de regroupement possibles en fonction de l’objectif de travail que l’on veut atteindre. MEIRIEU
et ASTOLFI définissent des typologies de groupe précises sur lesquelles il est intéressant de se
baser pour construire les groupes en classe.

Même si le travail de groupe n’est pas aussi simple à gérer que le travail individuel il s’avère être
intéressant pour les apprentissages et notamment pour la mise en place du conflit socio-cognitif
chez l’élève. Le regroupement permet les confrontations de représentations de manière plus libre
entre les élèves et donc fait évoluer l'élève sur sa perception du monde. Sa zone de connaissance
s’agrandit et pousse sa zone proximale de développement à s'étendre également.

Cette étude nous a donc permis d’élargir notre répertoire de techniques pédagogiques
afin d’atteindre l’objectif de tout enseignant, qui est celui de faire acquérir des savoirs aux élèves.
En effet, faire varier le travail entre travail individuel et travail de groupe permet de s’adapter à
la diversité des élèves et de mettre en place la différenciation. Les représentations différentes
nourrissent les débats et poussent les élèves soit à argumenter un propos soit à accepter un
propos différent. Chaque élève intègre donc des propositions différentes des siennes soit pour
les réfuter soit pour y adhérer.

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BIBLIOGRAPHIE

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o-construction_dialogique_des_points_de_vue_co-enonciation_sur-enonciation_sous-
enonciation> (consulté le 26/04/2020).

37
ANNEXES

Annexe 1 : Séance 1, Découverte des marais salants.

38
Annexe 2 : Séance 1, protocole expérimental.

39
Annexe 3 : production des élèves 1 et 2.

40
Autorisation de diffusion
Nous, soussigné(e)s :

- Agissant en l’absence de toute contrainte et en sachant qu’en dehors de l’obligation


de déposer nos travaux, nous bénéficions de la liberté de permettre ou non leur diffusion,
autorisons sans limitation de temps à diffuser les travaux pour le mémoire ou l’écrit professionnel
que nous avons effectués pour le Master MEEF mention premier degré, dans les conditions
suivantes :
• Consultation sur place en bibliothèque oui non
• Diffusion en texte intégral sur le réseau Internet oui non

Étant entendu que les éventuelles restrictions de diffusion de nos travaux ne s’étendent
pas à leur signalement dans les catalogues des bibliothèques accessibles sur place ou par réseaux.
La présente autorisation de diffusion vaut également pour la reproduction limitée aux
seules fins des diffusions ainsi définies.

Nous renonçons à toute rémunération pour les diffusions et reproductions effectuées dans les
conditions précisées ci-dessus.

Bon pour accord,


Signatures des auteur(e)s À Bourg-en-Bresse , le 02/06/2020

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L’INFLUENCE DU TRAVAIL DE GROUPE SUR L’APPRENTISSAGE DES SCIENCES EN CYCLE 3
44 Pages
Partie 1 : 15 pages - Partie 2 : 8 pages - Partie 3 : 5 pages

Mémoire de sciences
Université Claude Bernard Lyon1 - INSPE
Université de Lyon 2019-2020

RÉSUMÉ
Ce mémoire porte sur l’étude du travail de groupe lors de l’apprentissage des
sciences en cycle 3. Le travail de groupe a été mis en place afin de tester ses
répercussions sur les conceptions erronées des élèves. En effet, il s’agit de voir
l’évolution des conceptions des élèves avant et après un travail de groupe.

MOTS-CLÉS
travail de groupe, conceptions initiales, conflit socio-cognitif, apprentissage

DIRECTRICE DE RECHERCHE

EXAMINATEURS

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