DROIT COMMERCIAL
Focus sur l’agent commercial,
un statut encadré par la loi
L’agent commercial est une profession apparue au 19ème siècle en vue d’assurer la représentation de manière
permanente des besoins et des intérêts des opérateurs du commerce. C’est la loi du 18 juillet 1866 qui a
réglementé cette profession aux côtés du courtier et du commissionnaire et qui a qualifié ces représentants de
commerce d’agents commerciaux. Le contrat de mandat sert de base à la relation entre l’agent commercial et
son mandant avec une particularité créée par la jurisprudence : le concept de mandat d’intérêt commun pour
caractériser leur relation.
A
ujourd’hui, ce sont les articles
L. 134-1 à L. 134-17 du Code
de commerce qui encadrent
le statut de cette fonction.
L’agent commercial est, d’ail-
leurs, défini par l’article L134-1 du
Code de commerce comme « un
mandataire qui, à titre de profes-
sion indépendante, sans être lié
par un contrat de louage de ser-
vices est chargé, de façon perma-
nente, de négocier et, éventuel-
lement, de conclure des contrats
de vente, d’achat, de location ou
de prestation de services, au nom
et pour le compte de producteurs,
d’industriels, de commerçants ou
d’autres agents commerciaux. Il
peut être une personne physique
ou une personne morale ». Il s’agit
d’un intermédiaire qui n’agit donc
pas pour son propre compte, ce qui
a des conséquences sur son statut.
La qualification d’agent commer-
cial est devenue un enjeu (I) car cela
conditionne l’application du statut
protecteur de l’agent commercial,
lequel est d’ordre public (II).
I- La qualification d’agent
commercial
Sera qualifié d’agent commercial
celui qui dispose, de façon perma-
nente, d’un pouvoir de négocier des
contrats au nom et pour le compte
de son mandant.
Pour bénéficier du statut, le pro-
fessionnel doit réunir trois séries
de conditions (article L134-1 du
Code de commerce).
La première condition concerne
la permanence du mandat, c’est-
à-dire que la relation entre l’agent
commercial et son mandant doit
s’inscrire dans la durée. De leur
relation, doit naître une commu-
nauté durable d’intérêts basée sur
une finalité commune caractérisée
par la recherche de la fidélisation
d’une part de marché, laquelle est
développée en faveur du mandant.
Ce sont les notions de permanence
du mandat et de finalité commune
qui fondent donc l’intérêt commun
du mandat.
La deuxième condition corres-
pond à la nature des opérations
effectuées par l’agent. La qualifi-
cation sera subordonnée au pou-
voir permanent du professionnel de
négocier et à son pouvoir, au moins
ponctuel, de conclure des contrats
au nom et pour le compte du man-
dant.
Il a été, récemment, mis fin à
un débat sur ce que recouvrait le
terme « négocier », lequel en juris-
prudence, signifie détenir le pou-
voir de négocier les prix.
Or, la Cour de cassation, depuis
une décision de la Cour de Justice
de l’Union Européenne du 4 juin
2020 dite Trendsetteuse1, a opéré
un revirement de jurisprudence et
considère désormais qu’un inter-
médiaire peut être qualifié d’agent
commercial même lorsqu’il est dé-
pourvu du pouvoir de modifier les
conditions des contrats, et en parti-
culier les prix2.
La troisième condition vise la
qualité du mandant. L’article L134-
1 du Code de commerce vise seu-
lement des professionnels : il s’agit
des producteurs, des industriels,
des commerçants ou d’autres
agents commerciaux. Ainsi, un
mandat octroyé par un particulier
ne peut conférer la qualité d’agent
commercial.
Force est de constater qu’au-
jourd’hui, la plupart du contentieux
concernent la requalification de la
relation entre des opérateurs en
agent commercial, et ceci en raison
de l’intérêt que présente leur statut
et son caractère d’ordre public.
II- Le statut protecteur de l’agent
commercial
L’agent commercial exerce son
activité de manière indépendante, il
n’a pas la qualité de commerçant,
car son activité est de nature civile.
Par ailleurs, ce qui caractérise
l’intérêt de ce statut protecteur,
c’est que l’agent commercial n’a
pas de clientèle propre, c’est pour-
quoi, il ne peut pas être propriétaire
d’un fonds de commerce. Néan-
moins, la loi lui reconnaît un droit
sur l’exploitation de la clientèle dé-
veloppée au profit du mandant, ce
qui lui permet, à la fin du contrat
d’agence commerciale, de bénéfi-
cier d’une indemnité compensant
la perte de l’exploitation de cette
clientèle. C’est ce que l’on appelle
la « valeur patrimoniale du contrat
d’agence commerciale ».
En effet, dès lors que le contrat
d’agence commerciale cesse,
l’agent commercial est privé de la
valeur commune que représente
la clientèle ou les parts de marché
qu’il a acquises et entretenues pour
le compte du mandant, que, d’ail-
leurs, seul ce dernier conservera.
C’est la raison pour laquelle on
ne parle plus de « clientèle » mais
de « parts de marché » acquises
et c’est aussi pourquoi, depuis la
création par la jurisprudence du
mandat d’intérêt commun, la ré-
vocation sans faute du mandat de
l’agent commercial ouvre droit à
une indemnité compensatrice.
Ce droit à indemnité est désor-
mais codifié à l’article L134-12 du
Code de commerce et il est géné-
ralisé du seul fait de la cessation du
contrat, qu’il soit à durée détermi-
née ou indéterminée.
Le montant de l’indemnité est
évalué en fonction du préjudice
subi, lequel est constitué par la
seule cessation du contrat d’agence
commerciale. Si, en principe, il est,
désormais, d’usage que l’indemni-
té soit évaluée à la valeur de deux
années de commissions brutes, les
juges conservent toutefois un pou-
voir souverain d’appréciation pour
fixer le montant de ladite indemnité
en fonction des circonstances par-
ticulières de chaque situation.
En revanche, l’agent commer-
cial est privé de cette indemnité
lorsque la cessation est due à une
faute grave de l’agent commercial,
lorsqu’elle est due à son initia-
tive, tel serait le cas de sa démis-
sion volontaire, sauf à ce que cette
cessation ne soit justifiée par des
circonstances imputables au man-
dant ou dues à l’âge, l’infirmité ou
la maladie de celui-ci. L’indemnité
n’est pas due non plus en cas de
transmission à un tiers des droits
et obligations de l’agent commer-
cial. Un cas a fait débat sur le point
de savoir si le départ à la retraite
de l’agent commercial ouvre droit
à l’indemnité compensatrice. La
Cour de cassation a tranché dans
le sens du refus d’octroyer l’indem-
nité à l’agent commercial qui est
à l’initiative de la cessation de son
activité sauf s’il démontre que son
état de santé l’empêchait de conti-
nuer son activité et justifiait la ces-
sation du contrat.
En conclusion : c’est principale-
ment l’indemnité compensatrice
qui est l’enjeu de la qualification
d’agent commercial et au cœur
des débats judiciaires. Or, compte
tenu du caractère d’ordre public
du statut d’agent commercial, la
qualification d’agent commercial
dépendra de l’activité réellement
exercée par le représentant, de
sorte que les juge ne tiennent pas
compte de la volonté des parties,
et notamment de la qualification
qu’elles auraient voulu donner à
leur relation. Il est donc primordial,
au moment de la naissance d’une
relation commerciale, de s’interro-
ger sur les pouvoirs octroyés à l’in-
termédiaire et sur son éventuelle
qualification d’agent commercial.
Jean-Pascal CHAZAL,
avocat spécialiste
en droit commercial
CADRA,
Cabinet d’Avocats
en Droit des Affaires
1
CJUE, 4 juin 2020, Trendsetteuse,
aff. C-828/18, Rec. : « une personne
ne doit pas nécessairement disposer
de la faculté de modifier les prix
des marchandises dont elle assure
la vente pour le compte du
commettant pour être qualifiée
d’agent commercial », au sens de l
a directive 86/653/CEE du Conseil,
du 18 décembre 1986.
2
Cour de cassation, chambre commer-
ciale, 12 mai 2021, n°19-17.042