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Chapitre 3 : Le contrat d’intermédiation commerciale

En droit des affaires, le thème de l’intermédiation est central, et pourtant difficile à


saisir. Il convient dès lors de clarifier la notion d’intermédiaire de commerce avant
d’examiner le régime juridique du contrat d’intermédiation.

Section 1 : La notion d’intermédiaire de commerce

Le commerçant étant amené à conclure une multitude de contrats avec un nombre


important de clients, il est fréquent qu'il recoure à un intermédiaire de
commerce dont le rôle est de faciliter la réalisation de ses contrats.

L'article 169 de l’AUDCG définit ainsi l’intermédiaire de commerce comme


la personne physique ou morale qui a le pouvoir d'agir, ou entend
agir, habituellement et professionnellement pour le compte d'une autre personne,
commerçante ou non, afin de conclure avec un tiers un acte juridique à caractère
commercial.

L'intermédiaire de commerce est donc un professionnel qui a reçu le pouvoir


d'agir au nom et pour le compte d'une autre personne 2. Il exerce dès lors son
activité professionnelle en vertu d'un mandat. Le mandat de l'intermédiaire est
un acte consensuel 4, qui n'est soumis à aucune condition de forme et peut être
écrit ou verbal.

En outre, l'intermédiaire a la qualité de commerçant puisque l'article 3 de l'Acte


uniforme relatif au droit commercial général dispose que les opérations des
intermédiaires de commerce, telles que la commission, le courtage et l'agence
constituent des actes de commerce. Ces actes doivent, bien entendu, être accomplis
professionnellement pour que la personne puisse être considérée comme
intermédiaire de commerce, ce qui implique une activité déployée de
manière continue, régulière et indépendante.

Les intermédiaires de commerce étant commerçants, ils sont soumis aux règles
régissant le statut du commerçant (capacité à exercer le commerce, incompatibilité,
obligation comptable, liberté de la preuve 8, prescription, etc…).

En principe, l'activité de l'intermédiaire de commerce consiste en la conclusion de


contrats mais aussi en l'accomplissement de tout acte en vue de la conclusion ou
pour l'exécution de ces contrats.

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L'intermédiaire de commerce peut donc intervenir à trois niveaux : avant la
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conclusion du contrat, à la conclusion du contrat et après la conclusion du
contrat.

Avant la conclusion du contrat, l'intermédiaire peut accomplir tout acte de nature à


aboutir à l'échange des consentements. Il peut, par exemple, aider son
cocontractant à déterminer ses besoins ainsi que le contenu du contrat à conclure.
Il peut également rechercher des partenaires potentiels et leur fournir des
informations quant aux caractéristiques du futur contrat.

En outre, l'intermédiaire peut parfois être amené à conclure le contrat au nom et


pour le compte de son mandant.

Enfin, l'intermédiaire doit participer à la mise en œuvre de l'exécution du


contrat qu'il a aidé à conclure. A cet effet, il peut être amené à accomplir des actes
juridiques et matériels permettant de réaliser le contrat.

L'article 173 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général précise quelles
sont les activités exclues du champ d'application des dispositions relatives aux
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intermédiaires de commerce . Il s'agit de la représentation dans les relations
familiales, de la représentation dans les ventes aux enchères ou dans les ventes
publiques ainsi que de la représentation résultant d'une habilitation légale ou
judiciaire à agir pour des personnes qui n'en ont pas la capacité juridique.

En ce qui concerne les pouvoirs de l'intermédiaire de commerce, ceux-ci sont


déterminés par les usages dont l'intermédiaire avait ou devait avoir connaissance,
et qui, dans le commerce, sont largement connus et régulièrement observés par les
parties à des rapports de représentation de même type, dans la branche
commerciale considérée sauf si les parties au contrat ont expressément écarté
l'application de ces usages. L'existence de relations d'affaires suivies entre
l'intermédiaire et le mandant permet également de déterminer le contenu des
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pouvoirs dont bénéficie l'intermédiaire de commerce .

Par ailleurs, sauf stipulation expresse du contrat, l'étendue du mandat de


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l'intermédiaire est déterminée par la nature de l'affaire à laquelle il se rapporte .
L'intermédiaire ne peut toutefois engager une procédure judiciaire, transiger,
compromettre, souscrire des engagements de change, aliéner ou grever des
immeubles ainsi que consentir des donations que s'il dispose d'un mandat
exprès l'autorisant à accomplir cet acte.

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En outre, lorsque le contrat de mandat détermine de manière précise les pouvoirs
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de l'intermédiaire, celui-ci ne peut s'en écarter et accomplir d'autres actes que ceux
qui ont été autorisés par le mandant. L'Acte uniforme relatif au droit commercial
prévoit toutefois deux hypothèses permettant à l'intermédiaire de s'écarter des
instructions reçues. C'est le cas, d'une part, lorsque les circonstances ne lui ont pas
permis de rechercher l'autorisation du mandat, c'est-à-dire lorsqu'il y
a urgence ou force majeure, et d'autre part, lorsqu'il y a lieu d'admettre que le
mandant aurait autorisé cet acte s'il avait été informé de la situation.

Précisons également qu'à côté des règles relatives au pouvoir de l'intermédiaire de


commerce, l'Acte uniforme relatif au droit commercial général règlemente l'activité
de l'intermédiaire dans ses relations avec son mandant et les tiers et détermine
également les règles particulières applicables à chaque catégorie
d'intermédiaires que sont le commissionnaire, le courtier et l'agent commercial.

Section 2 : Les effets juridiques du contrat d’intermédiaire de


commerce

En ce qui concerne les effets juridiques du contrat d'intermédiaire, il y a lieu de


distinguer les effets juridiques entre parties au contrat et les effets juridiques vis-à-
vis des tiers.

§1/ Les effets entre les parties

Le contrat d'intermédiaire de commerce fait naître un certain nombre


d'obligations dans le chef de chacune des parties au contrat.

A/ Les obligations de l’intermédiaire

L'intermédiaire de commerce est tenu d'exécuter le contrat et de rendre


compte à son cocontractant.

L'intermédiaire est, en effet, responsable de la bonne et fidèle exécution du


mandat qu'il a reçu 18. Il n'est donc pas autorisé à utiliser les pouvoirs qu'il a reçus
pour servir d'autres intérêts que ceux de son mandant 19. Par ailleurs, son devoir de
loyauté et de fidélité lui interdit de se porter contrepartie des actes qu'il doit poser
pour son mandant à moins qu'il n'y ait été autorisé par ce dernier. L'intermédiaire
doit également accomplir sa mission avec diligence, c'est-à-dire le plus rapidement
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possible .

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En outre, étant un professionnel, l'intermédiaire est tenu envers son mandant
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à un devoir de conseil sur l'utilité de l'acte envisagé et sur les précautions à
prendre avant d'accomplir celui-ci 21
. Il découle de cette obligation que
l'intermédiaire devra indemniser le dommage causé par l'inexécution ou
la mauvaise exécution du mandat, sauf s'il prouve que ce dommage est survenu
sans sa faute.

Par ailleurs, l'intermédiaire est, en principe, tenu d'exécuter


personnellement le mandat puisque le contrat de mandat est un contrat
conclu intuitu personae. Par conséquent, l'intermédiaire qui fait exécuter ses
obligations par un tiers reste responsable envers son mandant de la bonne
exécution du mandat. L'intermédiaire peut toutefois recourir à un sous-mandataire,
soit lorsque la substitution été autorisée par le mandant, soit lorsqu'il y est
contraint par les circonstances ou soit parce que les usages autorisent la
substitution. Dans ce cas, la responsabilité de l'intermédiaire ne sera engagée que
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s'il a choisi un sous-mandataire notoirement incapable ou insolvable .

Enfin, l'article 187 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général


prévoit que l'intermédiaire est tenu, à la demande du représenté, de
lui rendre en tout temps compte de sa gestion 23
. Cette obligation consiste, d'une
part, à mettre le représenté au courant du déroulement de la mission, des actes
accomplis et des conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, à restituer
au représenté les biens reçus de la part des tiers contractants à l'occasion du
mandat 24.

B/ Obligations du représenté ou mandant

En ce qui concerne les obligations du représenté, c'est-à-dire du mandant, elles


sont au nombre de trois.

Premièrement, le représenté est tenu à un devoir de collaboration envers


l'intermédiaire : il doit donc tout mettre en œuvre pour faciliter l'exécution de sa
mission 25.

Deuxièmement, il a l'obligation de payer à l'intermédiaire le salaire convenu,


lequel est librement fixé par les parties et doit être versé aux périodes convenues
ou, en tout cas, à l'achèvement de la mission.

Enfin, le représenté doit supporter les conséquences financières et


juridiques de la mission qu'il a confiée à l'intermédiaire. Il doit

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donc rembourser à l'intermédiaire, en principal et intérêts, les avances et frais que
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celui-ci a engagés pour l'exécution régulière du mandat et le libérer des obligations
contractées 26.

§2/ Les effets à l’égard des tiers

S'agissant des effets juridiques du contrat d'intermédiaire vis-à-vis des tiers, il y a


lieu de distinguer selon que l'exécution du mandat est conforme ou non à la
mission.

A/ En cas d’exécution conforme au mandat

Lorsque l'intermédiaire accomplit les actes prévus dans le contrat de mandat


conformément aux instructions reçues, le principe de la représentation s'applique
pleinement. En d'autres termes, l'intermédiaire va s'effacer, et les actes qu'il a
accomplis, au nom et pour le compte du représenté, produiront leurs effets
juridiques dans le patrimoine de ce dernier 28. C'est donc le représenté qui sera
considéré comme le co-contractant vis-à-vis des tiers 27.

Il existe toutefois deux limites au principe de la représentation : d'une


part, l'ignorance par le tiers de la qualité d'intermédiaire du représentant et, d'autre
part, la référence à un contrat de mandat sans représentation tel que le contrat
de courtage ou de commission 29. Dans ce cas, les actes juridiques qui seraient
accomplis par l'intermédiaire ne lieront pas le mandant et seul l'intermédiaire sera
engagé vis-à-vis du tiers.

B/ En cas d’exécution non conforme

Par ailleurs, en cas d'exécution non conforme du contrat de mandat, c'est-à-dire


lorsque le mandataire s'écarte de la mission qui lui a été confiée, il y a échec au
principe de la représentation. En effet, l'intermédiaire qui agit en dehors du
périmètre de ses attributions ne peut prétendre agir au nom et pour le compte
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du représenté . Dans ce cas, l'acte accompli par l'intermédiaire est nul et ne
lie ni le représenté, ni le tiers 31
. Il existe toutefois une exception à ce principe,
lorsque le comportement du représenté conduit le tiers à croire, raisonnablement et
de bonne foi, que l'intermédiaire avait le pouvoir d'agir pour le compte du
représenté 32. Il s'agit ici de la théorie du mandat apparent qui a pour effet de
restaurer le principe de la représentation 33.

En outre, un acte accompli par un intermédiaire qui agit sans pouvoir, ou au-
delà de son pouvoir, peut être ratifié par le représenté. Cette ratification a

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pour conséquence qu'on considèrera qu'il y a eu mandat valable dès l'origine.
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Par conséquent, les actes accomplis par l'intermédiaire seront réputés avoir
été accomplis régulièrement nonobstant l'absence de mandat initial.

Section 3 : L’extinction du contrat d’intermédiaire de commerce

Les articles 188 à 191 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général
déterminent les causes d'extinction du contrat d'intermédiaire de commerce. On
distingue d'une part, les causes liées aux parties et, d'autre part, les causes
indépendantes des parties.

Le contrat d'intermédiation peut prendre fin comme tout contrat par l'accord de
volonté des parties.

Par ailleurs, l'accomplissement de sa mission par l'intermédiaire met fin au contrat


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d'intermédiaire .

Une des parties peut également mettre fin au contrat de manière unilatérale.

Lorsque c'est l'intermédiaire qui notifie au mandant sa volonté de mettre fin au


contrat qui les unit, on parle de renonciation. Cette faculté de renonciation offerte à
l'intermédiaire se justifie par le fait qu'il serait dangereux pour le mandant de
contraindre l'intermédiaire à poursuivre contre son gré l'accomplissement d'une
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mission fondée sur la confiance . La liberté de renonciation n'est cependant pas
totale. L'intermédiaire doit, en effet, faire le nécessaire pour que la rupture du
contrat ne soit pas préjudiciable au représenté. Par conséquent, l'intermédiaire qui
renonce de manière abusive à l'exécution de son mandat doit indemniser le
représenté des dommages causés.

Lorsque la décision de résilier le contrat d'intermédiaire émane du représenté, on


parle de révocation. Le représenté peut révoquer l'intermédiaire quand bon lui
semble, sous réserve de l'exercice d'un abus de droit, lequel oblige le représenté à
indemniser l'intermédiaire des dommages que lui a causés la rupture abusive du
contrat 38.

Par ailleurs, compte tenu du fait que le contrat de mandat est un contrat
conclu intuitu personae certaines causes indépendantes de la volonté des
parties entraînent l'extinction du contrat de mandat. Il s'agit du décès, de
l'incapacité et de la faillite d'une des parties 39.

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L'extinction du contrat d'intermédiaire entraîne la disparition du contrat avec pour
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conséquence que les obligations respectives des parties cessent. L'intermédiaire doit
donc s'abstenir d'accomplir tout acte d'exécution à partir du moment où il a pris
connaissance du fait qui met fin au contrat de mandat. Tout acte passé après
l'extinction du mandat par l'intermédiaire doit dès lors être considéré comme nul.

Le contrat d'intermédiaire peut toutefois survivre exceptionnellement dans deux


situations : lorsque le tiers n'est pas informé de la cessation du mandat ou lorsqu’il
y a urgence.

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