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Champignon-algue

Phycomycètes

Illustration des structures du


parasite Saprolegnia ferax.

Les « champignons-algues », ou Phycomycètes, sont des


organismes de petite taille dont la systématique a longtemps fait
débat. Ils montrent en effet des points communs avec les algues,
notamment au niveau de leurs structures reproductrices, tout en
ayant un mode de vie typiquement fongique, qui les rapproche des
champignons.

Dans les classifications modernes, basées sur des critères


phylogénétiques, ce regroupement n'a plus qu'une valeur
descriptive et forme un ensemble polyphylétique dont l'usage est
à proscrire. Certains de ses membres sont désormais classés
parmi les Hétérocontes, un groupe de protistes qui comptent
aussi de nombreuses algues, comme les Diatomées et les Algues
brunes.

Histoire

En 1858, le botaniste allemand Nathanael Pringsheim relève les


affinités morphologiques des structures reproductrices de
certains champignons « inférieurs », comme Saprolegnia, avec
celles de l'algue jaune-verte Vaucheria[1]. Le mycologue Anton de
Bary crée en 1873 la classe des Phycomycetes (construit sur les
racines grecques phyco, « algue », et myco, « champignon ») pour
regrouper ces organismes. Selon sa théorie, ils auraient évolué à
partir d'ancêtres de type algue en perdant leur chlorophylle et en
changeant leur mode de nutrition pour adopter celui des
champignons, l'absorbotrophie. Les opposants de cette hypothèse
affirment que les ressemblances avec les algues proviennent au
contraire de développements parallèles au sein de lignées
distinctes[2]. Malgré ces observations et des contestations
précoces[3], les champignons-algues restent étudiés par les
mycologues et sont classés dans le règne des Fungi, au même
niveau que les Ascomycètes et les Basidiomycètes, jusque dans
les années 1960[4].

Par la suite, plusieurs études mettent en évidence des différences


fondamentales entre certains Phycomycètes et le reste du règne
fongique : ils utilisent des voies métaboliques distinctes[5],[6] et
leurs parois cellulaires sont majoritairement constitués de
cellulose, et non pas de chitine[7]. Dans les années 1980, Thomas
Cavalier-Smith reconnait que les principales lignées de
Phycomycètes ne doivent plus être considérées comme des
champignons, et il crée le groupe des Pseudofungi pour les
différencier. Il classe ces organismes dans un nouveau règne, les
Chromistes, qui rassemble également les Diatomées et les Algues
brunes[8],[9]. Cette séparation est entérinée quelques années plus
tard par les premières analyses phylogénétiques moléculaires, qui
démontrent que les champignons-algues n'entretiennent aucun
lien évolutif en commun avec les champignons vrais[10],[11].

Étendue et caractéristiques

Les principaux traits distinctifs des Phycomycètes étaient le


caractère cœnocytique de leur thalle, ainsi que leur multiplication
asexuée à l'aide de spores flagellées, analogues aux gamètes des
algues. Le groupe a eu des dimensions variables selon les
auteurs, et a parfois été synonyme de « champignons inférieurs »,
par opposition aux « champignons supérieurs » formant des
structures de reproduction multicellulaire (sporophores). Il
rassemblait classiquement les Oomycètes, les Chytridiomycètes
et les Hyphochytridiomycètes[12], et a pu englober également les
Plasmodiophoromycètes, les Zygomycètes et les
Trichomycètes[13].
Dans une définition plus restreinte, le terme « champignon-algue »
peut s'appliquer aux groupes de champignons exclus du règne
des Fungi et appartenant désormais aux Hétérocontes. Ils sont
caractérisés par un mode de vie aquatique et une reproduction
assurée par des cellules nageuses présentant deux flagelles
distincts. Les principaux groupes sont les Oomycètes
(700 espèces), les Hyphochytridiomycètes (20 espèces) et les
Labyrinthulomycètes (anciennement rattachés aux Myxomycètes,
40 espèces)[14].

Notes et références

1. Lévesque 2011.
2. (en) B. R. Vashishta, A. K. Sinha et Anil Kumar, Botany for degree
students : Fungi, New Dehli, S. Chand and company Ltd., 2016
(1re éd. 1962), 794 p. (ISBN 93-5253-300-3, lire en ligne (http
s://books.google.fr/books?id=ZTNlDwAAQBAJ) [archive]),
p. 251.
3. (en) Ernst A. Bessey, « Some Problems in Fungus Phylogeny »,
Mycologia, vol. 34, no 4,‎1942, p. 355–379
(DOI
10.1080/00275514.1942.12020906 (https://dx.doi.org/10.1080/002
).
4. (en) G. C. Ainsworth et G. R. Bisby, Dictionary of the fungi, Kew,
The Commonwealth Mycological Institute, 1961, 5e éd., 547 p.
5. (en) Henry J. Vogel, « Lysine Synthesis and Phytogeny of Lower
Fungi : Some Chytrids versus Hyphochytrium », Nature,
vol. 189, no 4769,‎mars 1961, p. 1026–1027
(DOI
10.1038/1891026a0 (https://dx.doi.org/10.1038/1891026a0) )
.
6. (en) H. B. LéJOHN, « Enzyme Regulation, Lysine Pathways and
Cell Wall Structures as Indicators of Major Lines of Evolution
in Fungi », Nature, vol. 231, no 5299,‎mai 1971, p. 164–168
(DOI
10.1038/231164a0 (https://dx.doi.org/10.1038/231164a0) ).
7. (en) S. Bartnicki-Garcia, « Cell wall differentiation in the
phycomycetes », Phytopathology, vol. 59, no 8,‎août 1969,
p. 1065–1071
(PMID
5822692 (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/5822692) ).
8. (en) Thomas Cavalier-Smith, « Eukaryote kingdoms: Seven or
nine? », Biosystems, vol. 14, nos 3-4,‎janvier 1981, p. 461–481
(DOI
10.1016/0303-2647(81)90050-2 (https://dx.doi.org/10.1016/0303-2
).
9. (en) Thomas Cavalier-Smith, « The origin of fungi and
pseudofungi », dans A. D. M. Rayner, C. M. Brasier & D. Moore,
Evolutionary biology of the fungi, Cambridge, Cambridge
University Press, 1987, p. 339–353.
10. (en) J. H. Gunderson, H. Elwood, A. Ingold et K. Kindle,
« Phylogenetic relationships between chlorophytes,
chrysophytes, and oomycetes. », Proceedings of the National
Academy of Sciences, vol. 84, no 16,‎1er août 1987, p. 5823–
5827
(DOI
10.1073/pnas.84.16.5823 (https://dx.doi.org/10.1073/pnas.84.16.5
).
11. (en) Helga Förster, Michael O. Coffey, Hille Elwood et Mitchell L.
Sogin, « Sequence Analysis of the Small Subunit Ribosomal
Rnas of Three Zoosporic Fungi and Implications for Fungal
Evolution », Mycologia, vol. 82, no 3,‎mai 1990, p. 306–312
(DOI
10.1080/00275514.1990.12025885 (https://dx.doi.org/10.1080/002
).
12. Selosse et Durrieu 2004, p. 98.
13. (en) Kara Rogers, « Phycomycetes (https://www.britannica.com/
science/Phycomycetes) [archive] », sur Britannica (consulté le
21 août 2021).
14. Bouchet et al. 2005, p. 8.
Annexes

Bibliographie

Marc-André Selosse et Guy Durrieu, « Une classification


mycologique phylogénétique francophone (en 2003) », Acta
Botanica Gallica, vol. 151, no 1,‎mars 2004, p. 73–102
(ISSN 1253-8078 (https://portal.issn.org/resource/issn/1253-80
78) et 2166-3408 (https://portal.issn.org/resource/issn/2166-3
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DOI
10.1080/12538078.2004.10516022 (https://dx.doi.org/10.1080/125
, lire en ligne (http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12
538078.2004.10516022) [archive], consulté le 25 mai 2020).
Philippe Bouchet, Jean-Louis Guignard, Yves-François Pouchus
et Jean Villard, Les champignons : mycologie fondamentale et
appliquée, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2005, 2e éd., 191 p.
(ISBN 2-294-02116-9, lire en ligne (https://books.google.com/bo
oks?id=vwV4FCG1HiMC) [archive]), chap. 3 (« Champignons-
algues »), p. 8-16.
(en) C. André Lévesque, « Fifty years of oomycetes—from
consolidation to evolutionary and genomic exploration », Fungal
Diversity, vol. 50, no 1,‎septembre 2011, p. 35–46
(DOI
10.1007/s13225-011-0128-7 (https://dx.doi.org/10.1007/s13225-01
).

Articles connexes

Taxinomie et systématique des champignons

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