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ÉLÉMENTS

DE MICROBIOLOGIE GÉNÉRALE.

ET D'IMMUNOLOGIE
OUVRAGESDES MEMES AUTEURS

Traitéde Technique par M.Nicolle et P. Remlinger. O. Doin,


microbiologique,
Paris, 1902{Epuisé).
par M.Nicolle, E. Césari et G.Jouan, Masson,Paris,
Toxineset Antitoxines,
1919.
LesAntigènesetlesAnticorps,par M.Nicolle. Masson,Paris, 1920.
LesMaladiesparasitairesdes Plantes,par M.Nicolle et ,T.Magrou, Masson,
Paris, 1922.
LaLymphangite desSolipèdes(Contribution
épizootiç[ue à VÉludedes Mycoses),
par A. Boquet et L. Nègre. Masson,Paris, 1920.
Manueltechnique.deMicrobiologieet Sérologie,par A. Galmette, L. Nègre et
A. Boquet.Masson,Paris, 1925.
Tous droits réservée.
'
Copyrightby Gaston Doin, 19J
AVANT-PROPOS
DE LA PREMIÈRE ÉDITION

L'enseignement, que nous donnons depuis plusieurs années


aux médecins et aux vétérinaires, comprend trois parties :
technique, organismes pathogènes, microbiologie générale.
N'ayant pas le loisir de publier cet enseignement dans sa tota-
lité, nous avons choisi la dernière partie et nous nous sommes
efforcé de la présenter d'une façon à la fois concise et suffisam-
ment complète.
Nous espérons que cet opuscule pourra servir d'introduction
aux traités plus étendus, tels que celui de M. Duclaux. '
Le plan suivi est fort simple : anatomie. et physiologie des
microbes, anatomie et physiologie des phagocytes, lutte des
microbes et des i^hagocytes.
Nous prions notre maître, M. le Dr Roux, Membre de l'Ins-
titut et Sous-directeur de l'Institut Pasteur, d'agréer l'hommage
de ce travail, en reconnaissance de ses bonnes leçons et de
l'affectueuse amitié qu'il nous a toujours témoignée.
NichanTacli, février 1900.

Microbiologiegénérale, 2eédit.
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME EDITION

Depuis longtemps, j'avais été sollicité de publier une seconde


édition de mon livre Eléments de Microbiologie générale, mais le
temps m'avait toujours manqué. Maintenant que ma mauvaise
santé s'y oppose, je ne pouvais même pas envisager un tel pro-
jet, lorsque mon excellent ami Boquet émit le désir de se charger
de cette édition, si je n'y voyais point d'inconvénient. Comme j'ai
toujours constaté, avec plaisir, la parfaite conformité de vues,
quant aux questions bactériologiques, entre Boquet et moi,
j'acceptai volontiers son offre, en lui faisant cependant remar-
quer qu'il serait plus naturel de le voir seul signataire de l'ou-
vrage, étant donné le dur travail que lui imposerait la refonte
de celui-ci. A quoi il répliqua que certaines raisons plaidaient
dans le sens opposé : le plan d'ensemble et bien des passages du
livre devaient être conservés ; nombre de mes publications
(résumées) s'encadraient dans les chapitres refondus ; enfin, je
pouvais lui donner d'utiles conseils et revoir sa rédaction. Ces
arguments (et, surtout, le sentiment qui les dictait) m'ont décidé
et fait encore méditer sur ce qui concerne les microbes : in tenui
labor.
M. N1COLLE.

taris, institut Pasteur, oetobre 1925,


ELEMENTS
DE

MICROBIOLOGIE GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE

MORPHOLOGIE DES MICROBES

On désigne sous le nom de microbes tous les organismes infé-


rieurs qui"ne peuvent être étudiés sans le secours du microscope.
Cette définition, dépourvue de tout caractère scientifique, per-
met d'englober dans un même groupe artificiel,,les ultimes re-
présentants du règne végétal et du règne animal.'
Les microbes végétaux comprennent des Champignons (Fungi
imperfecti, Ascomycètes et Phycomycètes) et, surtout, les Bac-
téries (Schizomycètes) ; les microbes animaux les Protozoaires
(Spirochètes, Rhizopodes, Sporozôaifes, Flagellés et Infiisoires).
Saprophytes, ils constituent les principaux agents de la décompo-
sition des matières organiques. Parasites, ils attaquent les êtres
vivants et causent un grand nombre de maladies des plantes,
des animaux et de l'homme. Leur rôle dans la pathologie géné-
rale et spéciale est d'une extrême importance.
CHAPITRE PREMIER

CHAMPIGNONS

I, — Caractères généraux,
A. — Structure.

Ce sont des végétaux uni ou pluricellulaires, dont le proto-


plasme ne contient pas de pigment chlorophyllien. De ce fait,
ils ne peuvent utiliser l'énergie solaire pour l'édification synthé-
tique de leurs propres composés hydrocarbonés (sucres, amidon),
et doivent se nourrir de substances organiques provenant de
la décomposition des végétaux.ou des animaux (Champignons
saprophytes), ou prélevées dans les tissus vivants des hôtes qui
les hébergent {Champignons parasites).
Ceux qui nous intéressent sont essentiellement constitués
par un appareil végétatif, thalle ou mycélium, composé de cellules
filamenteuses de longueur et de diamètre variables (1 à plu-
sieurs ii.ou millièmes de millimètre). Simple et continu, ou divisé
par des cloisons transversales, ce mycélium s'accroît par ses
extrémités et donne souvent naissance à des ramifications
(hyphes), diversement disposées. Le protoplasma vacuolaire ou
granuleux des cellules mycéliennes, généralement riche en
noyaux est nu, ou entouré d'une paroi cellulosique, callosique,
ou pectosique résistante. Chez quelques espèces placées dans des
conditions d'existence défavorables, il disparaît de certains
segments filamenteux et se condense dans d'autres, dont les
ramifications enchevêtrées, étroitement serrées, cutinisées à leur
périphérie, forment des éléments arrondis, compacts, d'aspect
parenchymateux, les sclérotes.

B. — Polymorphisme.
Un des caractères généraux des champignons est leur poly-
morphisme très étendu, qui est fonction de leur plasticité propre
CHAMPIGNONS - 7
et des conditions physico-chimiques du milieu dans lequel ils
évoluent. Quand, par exemple, on immerge au sein d'un liquide
sucré des Mucor, dont le mycélium, développé au contact de
l'air, est constitué par de longs filaments continus, ils se trans-
forment en cellules arrondies ou ovoïdes, isolées ou groupées en
chaînettes, tout à fait comparables à des globules de levures
Comme les levures encore, ces oïdies des Mucor, qui vivent d'une
vie anaérobie dans la profondeur des milieux liquides, se repro-
duisent par bourgeonnement et font fermenter les sucres. Repor-
tées au contact de l'oxygène, ces pseudo-levures donnent de
nouveau naissance à des filaments mycéliens.

C. — Modes de reproduction.
Les champignons présentent deux modes de multiplication
qui coexistent souvent chez une même espèce : une reproduction
sexuée (formes parfaites) dans laquelle deux cellules identiques
{isogamie) ou différentes (hétérogamie) se conjugent en formant
un oeuf ou zygospore, et une reproduction asexuée (formes im-
parfaites) au moyen de spores constituées aux dépens de l'appa-
reil végétatif.
Ces spores sont endogènes, groupées à l'intérieur d'un élément
renflé en sporange, ou exogènes et disposées à l'extrémité de
filaments dont elles se séparent ensuite pour germer (conidies).
Elles sont tout à fait distinctes des chlamydospores, ou formes de
résistance, qui résultent de l'enkystement de cellules termi-
nales ou intercalaires du mycélium.
Selon le mode sexué de reproduction, on distingue trois grandes
classes parmi les champignons :
1° Les Piiycomycètes, dont les éléments reproducteurs, les
-gamètes, se forment dans les renflements sphériques ou gamé-
tanges, l'un mâle (anthéridic), l'autre femelle (oogone), des articles
terminaux multinucléés du mycélium.
2° Les Ascomycètes, chez lesquels le cycle sexuel aboutit à
la production d'appareils clos, les asques, dont le noyau se divise
à plusieurs reprises pour donner naissance à quatre ou huit
ascospores qui s'individualisent et s'accroissent en s'entourant
d'une couche protoplasmique. Les asques sont nus, isolés, ou
groupés sur des appareils massifs, les péritheces. Us apparaissent
parfois sans fécondation préalable (apogamié), mais ne se forment
jamais dans les tissus des animr.ux parasités,
"MORPHOLOGIE
8 DES MICROBES
3° Chez les Basidiomycètes, des appareils spéciaux, les basides,
homologues des asques, portent sur des stérigmates, des spores
exogènes ou basidiospores, généralement au nombre de quatre.
lies espèces parasites, agents des mycoses de l'homme et des
animaux, appartiennent aux Fungi imperfecti, aux Ascomy-
cètes et aux Phycomycètes. Les Basidiomycètes contien-
nent un certain nombre de parasites des végétaux (les Urédinées
agents des rouilles, par exemple).

II. — Principales espèces pathogènes.


A. — Fungi imperfecti (Moisissures).

On désigne sous ce nom, toutes les espèces de champignons


dont les formes de reproduction parfaites ou sexuées sont incon-
nues. Ce groupe est, par conséquent, artificiel et provisoire. De
nombreux représentants en ont déjà été distraits, et cette élimi-
nation se poursuivra au fur et à mesure des progrès de la myco-
logie.
Parmi les Fungi imperfecti, seuls les Hyphomycètes renfer-
ment des espèces parasites de l'homme et des animaux supé-
rieurs. On range dans ce groupe : les Microsiphonês ou Strepto-
thricés caractérisés par de très fins filaments (1 u.de diamètre, ou
moins), dépourvus de noyaux définis, souvent ramifiés ou disso-
ciés en articles bactéroïdes ou coccoïdes, se colorant bien par les
couleurs d'aniline, prenant le Gram et, parfois, acido-résistants.
Us comprennent les Cohnistreptotlirix, anaérobies, non sporulés
dans les cultures, et les Nocardia, aérobies et sporulés, qui pro-
voquent les actinomycoses humaines et animales (C. Israeli,
N. bonis renflé en massues à la périphérie des grains actino-
mycosiques), les mycétomes à grains jaunes ou rouges (N. asté-
roïdes, N. maduroe du mycétome à grains blancs de Vincent).
On tend de plus en plus à classer toutes ces espèces parmi les
Schizophytes, près des Corynébactéries (bacille diphtérique) et des
Mycobactéries (bacille tuberculeux), bactéries filamenteuses,
parfois ramifiées, qui présentent les mêmes caractères généraux
et les mêmes réactions microchimiques.
Aux Thallosporés. qui se multiplient par morcellement du
thalle, appartiennent les Trichophyton des teignes, les Miero-
sporon, les Achorion du favus, les Maduretta et les Indiella des
mycétomes à grains noirs, les Malassezia du pityriasis versicolor.
CHAMPIGNONS 9
Les Conidiosporés se reproduisent par conidies. Us contiennent
les Rhinocladium des sporotrichoses.

B. — Ascomycètes.
Les Saccharomycètes ou Protoascinés constituent une des plus
importantes familles de ce groupe. Leurs principaux représen-
tants sont les levures, cellules arrondies ou ovoïdes, isolées ou
réunies en chapelets. Elles se multiplient par gemmation. Sur
un point du globule, on voit naître un petit mamelon qui s'ac-
croît peu à peu et devient finalement aussi volumineux que la
cellule-mère. Il se sépare alors de celle-ci ou lui reste accolé.
Quelques espèces de levures se multiplient par scissiparité, à la
manière des bactéries (Schizosaccharomycètes). Dans certaines
conditions, principalement lorsque la nutrition est défavorable,
les levures se reproduisent par des ascospores, corpuscules habi-
tuellement sphériques, mais parfois irréguliers, groupés, en
nombre variable suivant les espèces, dans des asques nus, isolés,
qui se forment aux dépens des globules. Ces ascospores restent
contenues dans la cellule-mère, jusqu'au moment de la germina-
tion. Alors, la paroi de cette cellule se déchire ou se résorbe,
les spores libérées augmentent de volume, puis se transforment
en globules de levures. Des phénomènes sexuels précèdent la
sporulation des levures appartenant aux genres Schizosàccharo-
myces, Zygosaccharomyces,Debaryomyces (Barkcr, Guilliermond).
Plusieurs espèces de Saccharomycès sont pathogènes : S.
granulatus et S. tumefaciens isolés de tumeurs chez l'homme,
S. anginoe, d'une angine.
Bien que leur mode de multiplication par spores ne soit pas
encore connu, on range provisoirement dans la famille des Saccha-
romycètes, les Cryptocoques, cellules globuleuses et bourgeon-
nantes, qui sont les agents de certaines blastomyeoses. : Crypto-
coccus farciminosus, de la lymphangite épizootique des solipèdes,
C. hominis, trouvé par Busse dans une ostéo-arthrite, C. Gil-
christi, qui provoque une dermatite chez l'homme, C. Vinguce
pilosoe de la langue noire pileuse.
Aux Protoascinés, se rattache également YEndomyccs albi-
cans du muguet, depuis que Vuillemin a découvert la formation
d'asques dans les cultures.
Les champignons des teignes sont souvent classés dans la
famille des Gymnoascés, dont les asques sont contenus dans un
périthèce transparent formé d'hyphes enchevêtrées.
10 MORPHOLOGIE
DES MICROBES

D'après la forme de leurs appareils conidiens, on distingue


dans la famille des Pêrisporiacés, caractérisée par un périthèce
massif, pseudo-parenchymateux : les Aspergillus, dont les conidies,
portées par de courts stéiïgmates, sont disposées en goupillon,
à l'extrémité d'un filament înycélien renflé et non cloisonné; les
Sterigmatocystis qui présentent des chapelets de conidies portés
par des stérigmates secondaires issus, par division, de stérig-
mates primaires ; les Pénicillium, dont les hyphes conicliennes,
ramifiées et cloisonnées, terminées par des chapelets de conidies
globuleuses, ont l'aspect d'un pinceau.
ISAspergillus Bouffarcli est l'agent du mycétome à grains noirs
de Bouffard ; VA. jumigatus, de l'aspergillose pulmonaire de
l'homme et des oiseaux et de l'otomycose. Les Sterigmatocystis
provoquent le mycétome à grains noirs de C. Nicolle et Pinoy.
Les Pénicillium ne sont qu'exceptionnellement pathogènes.

C. — Phycomycètes.
Caractérisés par leur mycélium dépourvu de cloisons, les
Phycomycètes se reproduisent généralement par des oeufs ou
zygospores résultant de la conjugaison de deux éléments sexués
semblables (isogamie) ou dissemblables (hétérogamie). De ce
groupe, la famille des Mucorinês nous intéresse particulièrement.
Ces champignons se multiplient le plus souvent par des spores
endogènes formées dans des sporanges qui se développent à
l'extrémité d'hyphes sporangifères dressées, issues du thalle.
Ils présentent aussi, mais exceptionnellement, une reproduction
agame, par conidies. Quelques espèces des genres Mucor et
Rhizopus sont pathogènes pour l'homme et pour les animaux :
M. mucecloet, surtout, AI. corymbifer, R. parasiticum, R. equinus,
qui provoquent des mycoses pulmonaires et une otomycose
CHAPITRE II

PROTOZOAIRES

Les Protozoaires sont des êtres unicellulaires appartenant an


règne animal. Avec Brumpt, nous les diviserons en cinq classes :
Spirochètes, Rhizopodes, Sporozoaires, Flagellés, Infusoires,

I. — Spirochètes.
Ce groupe, dont la position systématique n'est pas encore
définitivement fixée, comprend des organismes spirales, grêles,
flexibles, souvent effilés à leurs extrémités, non colorables par
la méthode de Gram. Leur chromatine, au lieu d'être rassem-
blée en un noyau homogène, est disséminée dans le protoplasme
que les colorants nucléaires teintent uniformément. Bien que
dépourvus de flagelles moteurs, ce qui les différencie des spirilles,
ils se déplacent par des mouvements actifs.
Schématiquement, ils doivent être considérés comme constitués
par un axe élastique autour duquel le cytoplasme s'enroule en
hélice, dépasse le corps aux deux extrémités et forme un pseudo-
flagelle (Mesnil).
Les Spirochètes se multiplient par division transversale ou
longitudinale (Noguchi). Leur culture en milieu artificiel a été
pour la première fois réalisée par Noguchi. Dans certaines condi-
tions, ils prennent une forme granuleuse, coccoïde, comparable
à des spores, parfois même une forme invisible, puis ils font retour
à la forme spiralée. Quelques espèces parasites présentent une
évolution cyclique, analogue à celle des trypanosomes, et caracté-
risée par un stade avirulent de cinq à six jours après leur absorp-
tion par l'hôte vecteur.
Brumpt, Mesnil, Duboscq et Lebailly les classent dans un
seul genre Treponema, qui comprend de nombreuses espèces
pathogènes : T. recurrentis de la fièvrt, récurrente, dont l'hôte
12 MORPHOLOGIE
DES MICROBES
intermédiaire est le poux de corps et parfois le poux de tête
(Sergent et Foley, Ch. Nicolle, Blaizot et Conseil); T. Duttoni
de la fièvre récurrente africaine à tiques, transmise par des aca-
riens de la famille des Ixodidés : Omithodorus moubata (Dutton
et Todd) et O. Savignyi (Brumpt) ; T. Venezuelense inoculé
à l'homme par Omithodorus venezuelensis (Brumpt) ; T. pallidum,
qui cause la syphilis (Schaudinn et Hoffmann) ; T. ictero-
hemorragioe de la spirochétose ictéro-hémorragique de l'homme
et du rat (Inada et Idô) ; T. icteroïdesdelà fièvre jaune (Noguchi) ;
T. morsus mûris du sodoku ; T. Vincenti de l'angine de
Vincent, etc.

II.—.Rhizopodes.
Parmi ces êtres, seules les Amibes offrent quelque intérêt au
point de vue pathologique, car elles sont la cause de plusieurs
affections dont la plus redoutable est la dysenterie amibienne
de l'homme, due à Entamoeba dysenterioe. Les Amibes sont des
cellules nues, nucléées, de 10 à 18 \>.de diamètre, d'aspect
irrégulier et de réfringence à peine supérieure à celle du liquide
ambiant. Leur protoplasme, parfois creusé de vacuoles pulsa-
tiles, est-divisé en deux couches: une externe, hyaline, ou ecto-
plasme, Une interne, granuleuse, ou endoplasme. Il émet des pro-
longements actifs temporaires, des pseudopodes, au moyen des-
quels les amibes se déplacent et saisissent les particules voi-
sines.
La multiplication des Amibes s'effectue suivant un mode sexué,
par scissiparité (schizogonie), qui comporte un cycle évolutif
encore inconnu pour les Amibes parasites de l'homme, et un
mode sexué (gamogoiiie). Dans la reproduction asexuée, deux
cellules-filles naissent par division binaire (bipartition) d'une
cellule-mère. La reproduction sexuée fait suite à la précédente
après un nombre variable de générations asexuées. Elle débute
chez l'hôte vertébré par l'enkystement des amibes et la division
du noyau en deux, quatre, puis huit éléments, à l'intérieur des
kystes sphériques, ou légèrement ovoïdes, de 12à 14 jj.de diamètre.
Ces kystes, rejetés au dehors et repris par un hôte, donnent nais-
sance à des cellules nucléées ou gamètes. Les gamètes se fusionnent
en un oeufou zygotequi se transforme en amibe par simple accrois-
sement de volume.
PROTOZOAIRES 13

III. — Sporozoaires.
Les Sporozoaires ont mie évolution complexe, dont une des
phases au moins s'effectue dans les cellules d'un hôte (Hémo-
sporidies, Coccidies). Ce sont des êtres d'une organisation plus
élevée que les précédents. En général, ils n'émettent pas de pseu-
dopodes. On les divise en deux grands groupes : 1° les Télospo-
ridies, dont la reproduction sexuée est distincte de la phase de
croissance ; 2° les Néosporidies, dont la sporulation se jDroduit au
cours de la période de croissance.

A. — Télosporidies.

Elles comprennent :
1° Coccidies. — Parasites des cellules épitliéliales, hérjatiques
et intestinales des animaux et, exceptionnellement, de l'homme..
Parvenues au terme de leur croissance intracellulaire, elles se
multiplient, suivant le mode asexué, par division du noyau en
un grand nombre de noyaux secondaires, qui s'entourent .de
protoplasme et constituent les mérozoïtes.Ces éléments, ..libérés,
pénètrent daiis les cellules, et le cycle asexué recommencé.
Dans certaines conditions, mal connues,: la reproduction s'effec-
tue suivant le mode sexué-: le noyau se divise comme précédem-
ment, mais au lieu de produire des mérozoïtes, il donne naissance
à des gamètes qui se conjuguent et forment un oeuf, zygote ou
oocyste. Le contenu de cet oeuf, bordé par une membrane, se divise
en petites masses nucléces ou spores. Lorsque l'oeuf est expulsé
de l'intestin de l'hôte, les spores se segmentent à leur tour en
sporozoïtes. Absorbées par un animal réceptif, les spores sont
attaquées par les sucs digestifs, et les sporozoïtes libérés pénètrent
dans les cellules épitliéliales. Les Coccidies du genre Eîmeria
produisent quatre spores à deux sporozoïtes. E. perforons est
l'agent de la coccidiose intestinale et E. Stiedài, celui de la cocci-
diose hépatique des lapins.
2° Hémosporidies. — Les Hëmosporidies parasitent les globules
blancs et, surtout, les globules rouges des Vertébrés. Elles offrent,
comme les Coccidies, un mode de reproduction asexué (schizo-
gonie) dans les cellules de l'hôte vertébré et un mode de reproduc-
tion sexué (sporogonie) qui s'effectue chez un hôte intermédiaire
invertébré. L'hémosporidie du paludisme (Plasmodium malarioe,
P. vivax et P. falciparum), découverte par Laveran, se présente
14 MORPHOLOGIE
DES MÎCKOBËS

dans les hématies de l'homme sous l'aspect d'une petite masse


protoplasmique, la plasmodie, pourvue d'un noyau, d'un nucléole,
le karyosome, et de pigment. A un certain moment, le noyau se
divise en mérozoïtes disposés en rosace (corps en marguerite), qui
s'entourent de protoplasma. Au cours de l'accès de fièvre, les
mérozoïtes, libérés dans le plasma sanguin, pénètrent dans de
nouvelles hématies, et le même cycle asexué recommence. Par-
fois, les plasmodies subissent, dans le sang, une série de transfor-
mations qui aboutissent à la production de gamètes sexués.
L'évolution ultérieure du parasite s'accomplit dans l'estomac
des moustiques du genre Anophèles : le macro gamète fécondé par
un micro gamète devient un oeuf mobile, zygote ou oocinète, puis
un oocyste sphérique, dans l'intérieur duquel naissent les sporo-
zoïtes. Ces sporozoïtes, libérés dans la cavité générale de l'ano-
phèle, par rupture des parois de l'oocyste, s'accumulent dans les
glandes salivaires de l'insecte qui les inocule à l'homme par
piqûre.
Les Hémogrégarines, d'aspect vermiculé, dépourvues de pig-
ment, parasitent surtout les leucocytes des vertébrés à sang froid
et, exceptionnellement, les hématies des mammifères. Au con-
traire, les Piroplasmes (Piroplasma, Theileria, Nicollia, Nuttallia,
Anaplasma) sont uniquement observés dans les globules rouges
des vertébrés. Ils se multiplient par division binaire ou par bour-
geonnement chez l'hôte vertébré et par sporogonie chez les
Ixodes, hôtes intermédiaires.

Ë. — Néosporidies. "

ïb Sarcosporidies. — Parasites du système musculaire ets


parfois, du tissu conjonctif des Vertébrés, les Sarcosporidies
ont la forme de tubes allongés (tubes de Rainey ou de Miescher),
limités par une cuticule contenant un très grand nombre de
spores nucléées, falciformes ou réniformes. Leur évolution est
mal connue. Il semble cependant que l'infection des animaux
résulte de l'ingestion de spores et qu'un stade intestinal précède
la fixation des sarcosporidies dans les fibres musculaires (Th.
Smith, Nègre, Negri). .' .
2° Haplosporidies. — Observées presque uniquement chez les
Invertébrés, les Haplosporidies sont caractérisées par leurs spores
pourvues d'un seul noyau volumineux. On les rencontre dans les
tissus sous une forme amiboïde (pansporoblasie). dont le noyau
PROTOZOAIRES 15
se divise à plusieurs reprises au cours du développement de la
cellule et donne naissance à un nombre variable de spores qui
s'entourent de protoplasme.
On range également parmi les Néosporidies, les Myxosporidies,
parasites des organes urinaires, des muscles, du système nerveux
des poissons et les Microsporidies, dont les espèces les plus impor-
tantes sont : Nosema bombycis de la pébrine du ver à soie et, pro-
bablement, le microbe de l'encéphalite du lapin (J.-H.-Wright et
E.-M. Craighead, Doerr et Zdansky), Encephalitozoon cuniçuli, de
Levaditi, S. Nicolau et R. Schoen, et Encephalitozoon rabiei,
agent de la rage (Manouëlian et Viala), représenté par des éléments
libres ou agglomérés (corps de Negri).

IV. — Flagellés.

Ces protozoaires, d'une structure plus complexe que les jjrécé-


dents, sont caractérisés par un protoplasma contenant un noyau
et une ou plusieurs petites masses chromatiques (kinétonucleus,
blépharoplaste) sur lesquelles s'insèrent les flagelles libres (Herpe-
tomonas, Leptomonas) ou bordés par une membrane ondulante.
Les flagelles, au nombre de un à huit selon les esjîèces, sont
constitués par un axe chromatique entouré d'une mince couche
de protoplasma contractile. Chez les Trypanosomes, le blépha-
roplaste est situé en arrière dii noyau ; chez les Crithidia, il se
trouve en avant ou au niveau du noyau.
Parmi les flagellés parasites de l'homme et des animaux, les
Trypanosomidés sont les plus importants. A cette famille appar-
tiennent :
1° Les Leishmania qui vivent dans les cellules épithéliales ou
dans les leucocytes et sont la cause des leishmanioses cutanées
(clou de Biskra, leishmaniose forestière américaine) et viscérales
de l'homme (KalaAzar, leishmaniose splénique infantile). Leur
forme diffère suivant les milieux où elles se développent :
ovoïdes et dépourvues de flagelle libre au cours de leur vie intra-
cellulaire, les Leishmania j:>roduisent des formes flagellées, mo-
biles dans les milieux artificiels où on a réussi à les cultiver
(Ch. Nieolle). Elles se multiplient par scissiparité et leur cycle
évolutif,' en dehors de l'hôte vertébré, est mal connu. La Leishma-
nia tropica du clou de Biskra est transmise à l'homme par des
Phlébotomes (Ed. et Et. Sergent, Parrot, Donatien et Béguet)
1(3 MOTIPHOLOGIE
DES MICROBES
et la Leishmania infantum de la leishmaniose splénique infantile,
par les ectoparasites du chien (Ch. Nicolle).
2° Les Trypanosomes sont des microorganismes fusiformes,
dont le protoplasma contient un noyau volumineux, en arrière
duquel se trouve le blépliaroplaste où s'insère le flagelle. Celui-ci,
.en s'accolant au corps, produit la membrane ondulante. Certains
trypanosomes sont cultivables dans les milieux artificiels. Ils se
multiplient par scissiparité binairé~ou multiple. Ceux des Mam-
mifères sont transmis par des Insectes piqueurs, chez lesquels ils
subissent une évolution plus ou moins longue, selon la tempéra-
ture. Trypanosoma gambiense et T. rhodesiense provoquent, chez
l'homme, la maladie du sommeil, qui sévit dans la région du
Congo où elle est transmise par les mouches tsétsés : Glossina
palpalis et Glossina morsitans. T. Cruzi, agent de la maladie de
Chagas (tryp'anosomose américaine), dont l'hôte vecteur est un
réduvide (Triatoma megista). T. Evansi, transmis par des taons
et des stomoxes, est la cause d'une maladie des Solipèdes, des
Bovidés et des Chameaux en Asie méridionale : le surra. Le
nagana, qui frappe en Afrique du Sud un grand nombre d'es-
pèces animales, est dû à T. Brucei, inoculé par les mouches
tsétsés. Une trypanosomose des Solipèdes, la dourine, causée par
T. eqwiperdum est transmise directement par le coït.
3° Les Herpétomonas, parasites des insectes et des acariens,
n'ont pas de membrane ondulante. Sur leur blépharoplaste,
situé à la partie antérieure du corps, s'insère un flagelle bien déve-
loppé.
Les Tétrainidés ont un, à six flagelles antérieurs et un flagelle
dirigé en arrière, libre ou formant une membrane ondulante.
Cette famille contient, entre autres, les Enter omonas, les Chilo-
mastix (C. Mesnili, parasite de l'intestin de l'homme), les Tri-
chomonas (T. vaginalis et T. intestinalis de l'homme) et les
Giardia qui provoquent, chez l'homme, une entérite tenace
( G. intestinalis de la diarrhée de Cochinchine ou sprue) et habitent
le tube digestif d'un grand nombre d'animaux.

V. — Infusoiiîes.

Ce sont des protozoaires ciliés. Leur protoplasma, bordé d'une


cuticule, contient deux noyaux : un macronucleus végétatif et
un micronucleus reproducteur, des vacuoles et des inclusions.
PROTOZOAIRES 17
Les Infusoires ont un mode de reproduction asexué, temporaire,
auquel fait suite un mode sexué : deux infusoires semblables
(isogamie) ou dissemblables (aniso garnie) s'accolent ; leur miero-
nucléus se divise et les cellules échangent un des fragments nu-
cléaires avec l'élément correspondant resté dans le protoplasme.
Un noyau mixte, constitué par la substance nucléaire des deux
cellules, se forme ainsi. Il se divise à son tour en micronucléus
et en macronucléus, puis les fleux infusoires se séparent et se
reproduisent de nouveau, pendant un nombre variable de généra-
tions, suivant le mode asexué. Bes formes de résistance sont
représentées par des kystes. Une seule espèce joue un rôle patho-
gène important, le Balantidium coli de la dysenterie balanti-
dienne de l'homme.

Microbiologiegénérale, 2e éclit.
CHAPITRE III

BACTERIES

I. — Morphologie générale.
A. — Caractères généraux.

Microorganismes végétaux, mobiles ou immobiles, les bactéries


.sont toujours unicellulaires. Dépourvues de noyau différencié,
elles se reproduisent par division transversale ou par spores.
L'absence de pigment 1 chlorophyllien les rend, comme les
champignons, incapables d'utiliser le rayonnement solaire pour
l'édification de leur propre substance. Aérobies ou anaérobies,
elles ne peuvent assimiler que des produits complexes dont elles
ramènent une partie à l'état dTPO et de CO2, au cours de trans-
formations énergétiques qui entretiennent leurs fonctions vitales.
La longueur de ces êtres varie de quelques dixièmes de jj. à 8
ou 10 [j. et même 50 \j.(Sulfobactéries). Quelques espèces ont des
dimensions de même ordre que les longueurs d'ondes lumineuses ;
de ce fait, elles échappent à l'examen microscopique. Ces ultra
ou inframicrobes traversent les filtres de porcelaine (filtres
Chamberland) ou de terre d'infusoires (filtres Berkefeld), d'où leur
nom de virus filtrants. Leur existence n'est soupçonnée que par
la virulence des humeurs qui les contiennent.
Les Bactéries se présentent sous quatre formes principales :
sphérique (Cocci), droite et cylindrique (Bacilles), incurvée
(Vibrions) et spiralée (Spirilles). Les Cocci ont parfois un aspect
lancéolé (pneumocoque), ou réniforme (gonocoque) ; les Bacilles
sont longs et fins, filamenteux (b. de la tuberculose, b. diphté-
rique), ou courts et trapus,'à peine plus longs que larges, ou
encore de forme intermédiaire. De nombreuses bactéries sont
mobiles, principalement des bacilles, les vibrions et les spirilles,
Leur mobilité est due à la présence de cils ou flagelles, dont la
quantité et le mode d'insertion sont très divers
BACTÉRIES 19

B. — Polymorphisme.

Lorsqu'on caractérise les espèces bactériennes par leur forme,


on suppose, ou sous-entend, que leurs conditions d'existence sont
définies et toujours identiques. Car des êtres aussi rudimentaires,
chez lesquels l'activité formatrice se réduit à la croissance et à
la multiplication sous leurs modes les plus simples, sont exposés
à des variations très étendues quand le milieu qui les baigne, les
circonstances de leur culture, c'est-à-dire les facteurs externes
mécaniques, physiques et chimiques, et les facteurs biologiques
se modifient. Ces variations peuvent être légères, et le microbe
peut passer pour 'monomorphe ; souvent elles sont considérables,
et traduisent une plasticité telle, que le savant allemand Koch
se refusait à admettre que des formes aussi différentes pussent
appartenir au même type initial. Ainsi le B. prodigiosus se présente
sous l'aspect de cocci dans les milieux alcalins et de bacilles droits
ou spirales dans le bouillon additionné d'acide lactique ; le b. pyo-
cyanique, bâtonnet rectiligne dans le bouillon normal, prend la
forme sphérique des cocci dans le bouillon créosote à 1 p. 1 000,
la forme spirillaire dans le bouillon borique à 7 p. 100, filamen-
teuse dans le bouillon additionné de 0,15 p. 1 000 de bichromate
de potasse.
De même, l'aspect des bactéries pathogènes varie quand elles
sont transplantées des humeurs de leurs hôtes dans les milieux
de culture artificiels : la bactéridie charbonneuse, qui pullule
dans le sang et les tissus sous la forme de bâtonnets isolés, tra-
pus, souvent entourés d'une membrane, donne à 37°, dans le
bouillon ordinaire, de longs filaments flexueux, enchevêtrés,
composés d'articles nus, égaux, soudés par leurs extrémités.
Toutes ces modifications morphologiques s'accompagnent
de variations physiologiques qui seront étudiées par la suite.
Mais, si importantes qu'elles soient, elles n'offrent généralement
aucun caractère de fixité. Elles constituent de simples variations
temporaires, traduisant la plasticité structurale et l'instabilité
fonctionnelle des bactéries", leur étroite dépendance du milieu
extérieur, et non des phénomènes de mutation comparables aux
mutations brusques, définitives et héréditaires, décrites par de
Vries chez les esj^èces végétales supérieures. En effet, reportés
dans un milieu normal, même après un très grand nombre de
générations dans les milieux modifiés, les microorganismes font
plus ou moins rapidement retour au type originel,
2Q MORPHOLOGIE
RPS MICROBES
Nous verrons cependant, en étudiant la physiologie des mi-
crobes, qu'il est possible de provoquer des modifications si
p.rp.fqndes dp Jeujçs prppriétés, qu'ils perçjent définitivement
quelquesTims de leurs caractères essentiels.

0. — F-ormes cVinvolution.

§ouver4, lqrsqu'pllpg cr.piss.ent dans des condition!! défavo^


rabjes pu qu'elles, spnt ypisjnes du ternie de leur développe-
ment, leç bactéries présentent des formes anormales, dites f-apnes
d'involyiion:- boules géantes ppur les pppci, aspects massues.,
bossues, fuselés, pirifprmes ppur les bapilLes, formes allongées,
pseudobacillaires pour, Ips miprpcpques et les vibrion?. On a consi-
déré ces formes, d'inyplutiqn. cpjnnie des fprqi.es de dégénères^
cenpe. En npalité, eljeç cpnçpryent toutes les propriétés des
germes dont elles proviennent et se multiplient activement, en
reprpduisant lp type initial, dès qu'elles spnt replacées dans un
milieu neuf.

II. — Structure.
Les Bactéries sont constituées par une masse protoplasmjque
brprçlée par une nienrbranp plus, pu inoins nettement délimitée.
ÏUles ne possèdent pas de npyau dpfmi, c'es.tr,4-dire un petit blpp
dp chrpmatjne, à cpntqm'S nets, parlajterpent djstinpt du prpto-
plasma enyirpnnant à la fois par spn aspect, sa réfrijygenpe, sa
structure, sa comppsitipn p}|jipique, ses réactions tinptprialps
et ses paraptèr.es fpnctipnnpls. Quelques espèpes s'entQurenf;
d'une. cap§ule, d'aufres présentent, ppmme nous, l'ayons yu, des
cils, qui assurent leur, mpbilité.

A. •— Membrane.

Dans -fpute pe.Uuleplongée dans, un milieu liquide, les cons-


tituants protoplasmiques qui abaissent la tension superficielle se
condensent à la surfacp pu ils dpssinpnt unp membrane
limitante. Les lipoïdes e|; les. graissps ppllulaires, qui diminuent
cpnsidérablement la tpnsip.n superfipiellp, jpug.nt un rôle impor-
tât dans cet^e fprmatiqn ; mais les prptpines n'y sont pas
indifférentes, car/ elles subissent; une véritable poagujatipn
lorsqu'elles sont amenées à un certain pleg-rédp cpnpentratipn.
isAfrr'ERiÊs §i
Là §tir'fàéë de séparation entre M cellule et le milieu liitërtîiê-
diaifë aux deux pliâsës (contenu prbtbplâsriiicpië et înilîëii àrit-
biârit) cëhtierit ddiic tdiis' les ëlëhiënts de ëës deux phases
qui diminuent l'ëhërgië superficielle ; sa ebfastitiltioh varie sëlbn
là ëbmpds'itibh dti milieu environnant et ëellë du protoplasme à
iiîi moment donne: C'est pour cette raison que le coiitbur des
amibes se îiidhtrë instable; et dil'il présente dès dëfdtiiiâtidhs
psëiiddpddiqiiës cbritiriùëllës sdiis la double action du métabo-
lisme cellulaire et des ëbh&itibris extérieures.- Ail ëbhtrairë,
le protoplasme des bactéries est entouré par une meriibrane résis-
tante qui ëbiifère à ces organismes là rigidité et assure, dans les
Conditions nbrmâlës; là permanence de leur fdr'irië: Quelques-
gr&ndës espèces présentent niênie une ëiiveloppe bien différëhëiéë
une véritable pàrdi ëëllùlàir'ë; dans laquelle léuristlër et Busquét
dht distingué utië cbùëlië extérrië; liyàiihë; gélatineuse et ùhë
couché interne^ où ëbuchë cùticulàir'ë; miri.ee et dërise; gëhëràtriëë
de là précédente: Apres là plàsriidlysë dii ëbntënu cellulaire du
là forniàtibh de là spdre, ëëttë pârbi appâtait àvëë une grande
tiëttetë:
Ii'èiivëldppë des bactéries' est ëlàsticjuë, ëdmriie le prouve là
flexibilité de ëërtaifis hiicrbbes mobiles; Bile est parfois' doublée
d'une gâinë d'épaisseur vài'iâblë cpië nous retrouverons ëii étu-
diant les' Capsules.

B. — Contenu.

Lé ëdritéhù dés petites bactéries apparaît généralement homo-


gène, mais, ëri réalité, il présente lilië structure cdmpîëxë àvëë
un ctdiiblé r'ësëàù prdtdplàSniibjtie et nucléaire plus" dii mollis
différencié et des inclusions' gl-anùlëusës.
De même que le pfdtdpiàshià cellulaire des êtres supérieurs,
le pfotoplà§rnâ des bàëtëriëS rëprësëritë un système bdlloïdal
ddiit les nombreuses parties cbhsti tuantes; dii phases' sdlldës et
liqiiidës, sdht intimehiëiit à§stiëièës. Dàn§ quelques ëspêëès, il se
cbndënsë aux extrémités' de là ëëlltilé. Là partie dëritfàlë, plus
réfringente, vàcfidlàirè, ihcdlbràblë par les mëthtidës habituelles'
dii làbbràtbifë, offre âldïs I'àgpëët d'un espace dlàir, arrondi du
ovalaire (bactéries à espace clair: Pasteurella, bacille de là
peste j:
S'il n'existe pas dàiis les Ëàètëriès^ tiominë dâiig les Champi-
gnons et les Protozoaires,' un noyâU bien dëntil; Mû tinMÛ*
22 DES MICROBES
MORPHOLOGIE

organismes n'échappent cependant pas à la loi morphologique


générale et forment, comme toutes les autres cellules, libres ou
groupées en tissus, un couple nucléo-plasmique dont chacun
des éléments présente une importance variable suivant les espèces.
Butschli, le premier, a décrit, dans les grandes bactéries (sulfo-
bactéries), un système chromatique diffus, réticulé et granuleux,
occupant la partie centrale du microbe (corps central) et bordé
d'une couche souvent très réduite de cytoplasme. Au moment
de la sporulation, ce réseau nucléaire se disvjoserait en un véri-
table noyau.
.Divers auteurs comme Mencl, Meyer, Péneau attribuent aux
bactéries un noyau typique, d'autres, un noyau sans cytoplasme
(Ruzicka, Ambroy). Pour Schaudinn, Guilliermond, Swellen-
grebel et surtout Dobell, le noyau des bactéries consiste tantôt en
un filament axial, tantôt en un réticulum chromatique, tantôt en
un système chromidial. Mais, quelle que soit sa nature, le système
nucléaire des bactéries ne peut être identifié chimiquement,
car les réactions microchimiquejs et colorantes, qui lui sont
applicables, n'ont aucune spécificité. Seuls les caractères morpholo-
giques présentent, d'après Dobell, une réelle valeur scientifique.
De ce fait, les grains colorables du protoplasma bactérien peuvent
être assimilés à un noyau, lorsqu'à tel stade du développement
ils se disposent en un corps morphologiquement comparable à un
noyau.
Dans la partie centrale de quelques microcoques et sarcines
de l'intestin de Mabuia carinata et de Bufo melanosticus, Dobell
a observé la présence, constante d'un corps sphérique, ayant les
caractères de coloration de la chromatine nucléaire et se divisant
au moment du partage de la cellule. Cette formation nucléaire
existe également dans certains cocci de l'intestin de Lacerta
muralis, où l'on rencontre tous les types de transition entre les
formes cocciennes et les formes bacillaires. A mesure que les
cocci s'allongent en cocco-bacilles, puis en bacilles, leur noyau
subit des transformations correspondantes ; il prend l'aspect
d'un filament disposé dans l'axe longitudinal de la cellule, court,
droit ou recourbé dans les. cocco-bacilles ; spirale ou en zigzag
dans les bacilles. Ce filament nucléaire participe à la division de
la cellule.
Le Bacillus spirogyra de l'intestin des grenouilles et des cra-
pauds ne possède pas, comme les microbes précédents, de noyau
initial sphérique. On ne distingue, dans la cellule, qu'un filament
BACTERIES 23

spirale qui, au moment de la sporulation, se condense" à un pôle


en un gros granule chromatique, origine de la spore. Enfin, chez
le Bacillus saccobranchi de Saccobranchus fossilis, le noyau,
d'abord filamenteux et spirale, se transforme en un réticulum
qui se dissocie en un grand nombre de grains disséminés dans la
cellule. Ce noyait diffus ou chromidial se condense également au
moment de la sporulation pour former l'ébauche de la spore.
D'après Guilliermond, dont les travaux cytologiques confirment
et étendent ceux de Dobell, l'hypothèse d'un noyau typique doit
être définitivement rejetée. Le noyau décrit par Mencl dans
quelques bactéries très spéciales du genre Cladothrix correspond,
en réalité, aux cloisons transversales qui, au moment de leur for-
mation, ont une affinité très vive pour les colorants.
En dehors des grains chromatiques, on trouve dans le proto-
plasme de plusieurs espèces bactériennes, des inclusions dont les
réactions microchimiques diffèrent de celles du contenu cellu-
laire. Les inclusions du bacille diphtérique offrent l'aspect de
grains réfringents disséminés dans le cytoplasma. Elles ont une
vive affinité pour les colorants basiques et se teintent diffé-
remment du reste de la cellule sous l'action du bleu de méthy-
lène, d'où le nom de corpuscules métachromatiques qui leur a été
donné par Bùtschli. A l'intérieur du Spirillum volutans, elles
constituent les grains de volutine. Le rôle de ces éléments est
d'autant plus mal connu que leur composition diffère d'une
espèce à l'autre : tantôt ils se colorent en brun par l'iode,
comme s'ils étaient constitués par du glycogène ; tantôt ils
noircissent sous l'action de l'acide osmique, qui décèle la
présence de matières grasses ; tantôt, enfin, ils paraissent
formés de substances protéiques complexes, phosphorées. Guil-
liermond les considère comme des grains de réserve.
Les Thiobactêries ou Sulfobactéries, hôtes des eaux sulfureuses,
ont la propriété de réduire IFS et de libérer le soufre qui se con-
dense dans leur protoplasma en grains parfois volumineux. Chez
les Bactéries pourprées, les inclusions sont formées de grains pig-
mentaires, rouges, bruns ou violets (grains de bactériopurpu-
rine).
C. — Capsules.
Certaines bactéries s'entourent d'une gaine d'aspect muqueux,
hyalin, propre à un ou deux éléments (pneumocoque), ou com-
mune à un grand nombre (capsules géantes des Leuconostoc
24 DES MICROBES
MORPHOLOGIE
ihësenieroïdês cjui eritouf'ëiit une bii plusieurs Chaînettes). Ces
productions bactériennes' peuvent ënnii englober une îilassë
éhbr'me de hiicfbbes à là manière jaune véritable substance
intërcëllulairë Unissante, de consistance variée. On à alors
affaire à Une' zbbglêe. Leur ibihiàtidn Se traduit par un vbilë â
la sùriUcë des' iriiliëitx liquides, par des âiiiàs noConnCux dans
leur profondeur. Il y â des zbbglees de hiicrbcoqûës, de
bacilles et de vibribhS; dbiit il est parfois difîicile de décider si
la consistance gélatineuse qu'elles communiquent aux liojûidës
tiëiit à la cbalëScetice d'éilbfnies capsules ou à une trànsfbrmà-
tibii in siûi dii substiatùrii nutritif.
Cette gainé riiicfdbiehiié jSëiit àvbir iiiië consistance sèche, pàpy-
racée, choiidfbidë {Àé'cob'o'ccUs Billràthi), graisseuse cliëz lés
organismes cultives dàris des niiliëttx àdditi'orihés de corps gras,
cireuse criée i'ës bacilles àëidb^ësistàrits. Ses féàëtions tincto-
riales différent de. celles' dû bdntëriù cellulaire et se rapprochent
dé celles dés ëils. te jpllià sbùveht, elle ehveibppë la totalité du
corps dé la Bactérie dërit elle dérive. Parfois elle iië se fdfhië que
sûr ùhé partie de celle:ci, siif un côté ëofnifie chëià ië Sà'cteriûm
pêdliulûtum qui produit, àiiisi que le LêhcàriôStôé, là gomme des
sucreries.
L'ériëàpsulàtibri des Bactéries paraît liée à là cbhipositioh dés
rùiliëux où ëlleâ Se développent et aux circonstances de leur cul-
ture. JDâfiSles tis^Us'et les huniëurs de l'hôte, les bactéries patho-
gènes présentent une càp'sùië positive coibfàble, bu une Capsulé
négative ihcblbfàblë. Elles en sont dëp'burvuës dans lés milieux
àrtifibiëis, sauf ldfsqùe fcésmilieux sont additionnés de liquides
tifgânibjùëS : SërUifi, liquide d'ascitfe. Cependant ii ne semble pas'
que les niàtiëfeS âlbitminoïdeS mtérviërineht^ directement dans
la production de la ba]3suië: Eii effet, celle de la bactëfidië char-
bonneuse, j3àf exemple, iië Sefbiitië bas dans lès Solutions d'âlbu-
liiihë sërique, iii dans Un sêrùhi dialyse dbiit l'albuminé a été
rëdissdute p'àr àdditibii de ÏJaCl. ËUe âjjpafait, au contraire,
cdmirië dans le sërUm tdtâl, dàn's l'ëâii qui à servi â là dialyse dti
sêïuhi et daiis lé liquide cëphàio-ràchidiëri diliiè; pourtant très
pauvre en matières âlbuminoïdes (Rotky). L'enveloppe mUëila-
gineuse du Leuconostoc mcsentcr'ôïdes, qui présente certaines réac-
tions de la callose, ne se forme que dans les milieux renfermant
dii sacëliàrOS'ëdii dii gfuebse. Le L'eVicoii'ùsio'c produisant de l'in-
vërtihé, il est p'rbBàBië qiië c'est Unibjnéhient aux dépens dii
gllicb'se 'djifese constitue lé mÛciiàge,
BACTERIES 25

D'après Tcennissëh, les capsulés du Bacille de Ffiëdlàrider, de


nature llydi'dcarbdiië'ë (gâlàctâhë), rië sont pas fixées par les
coagulants Habituels des àlburiiiiiës. Si dii parvient a les mettre
en évidence par des artifices de coloration, cela tient uniquement
aux pi'btëiriës cdloràblës qui se déposent à leur surface dâiis les
humeurs diï dâiis les nlilieux aibùiriinëux. Ces formations iië
Constitueraient ddilc pas tin caractère contingent du pnëùmo-
bacillë; niais ùii caractère cdnstàht, observable seulement dans
certaines cbilditidiis de culture, par l'intermédiaire des substances
protéiquës d'origine externe ddiit il est imprégné.

D: — Cils.
Ce sont de fins nlàniëiits analogues a ceux des ëpitliéliuiris
vibratilës 'et des Irifusdirés, qui assurent la iiibbilitë des mi-
crobes. Leur ldriguéùr dëp'assë souvent celle de la bactérie qui
les porte, dbiit ils peuvëîit atteindre jusqu'à vingt fois le plus
grand diamètre. tJrêiës', flexibles, ondules, ils apparaissent mal
â l'ëxàmen miëfbsfôpicjue direct. Dii lès met ëii évidence par
des ïiiëthodës de fcbldfatibii spéciales, cbmb'iiiëes àii mdrdàri-
çagè. Mais, très fragiles, siirtdut quand ils pi'oviëiihérit de cultures
: tm jJeii aiiëièhiiës; ils se brisent facilement au cours des
manipu-
lations.
P'bùr qiieiqvles auteurs, ëbnime Vàii Tiëgliëm et Biitscnli, les
cils seraient dés dépendances de là membrane d'éhvëlbppë â
laquelle ils testeraient âdhërënts. Pour 'd'autres (Trënkmâiih), ils
cdiistitùëiit de vëtitàblës expansions protbplasiriiquës à travers
la membrane. Prenant cbrisTdërfemême que lès psèudbpddës dès
Myxomycètes et des Amibes, les flagelles des Protozoaires et lès
cils sont trois formes dérivées successivement l'une de l'autre au
cours de la phylbgëilèsë. Chez les Irifusbifës; Où il est plus facile
de les étudier, chaque cil est pourvu d'un corpuscule basai situé
dans le- plateau de là éellule et d'une fine racine qui se prolonge
dans le cytoplasme, où elle disparaît après avoir contourné le
noyau et s'être jointe aux racines voisines. Chez une Sulfobactérie
étudiée par Dangeard : Chr'dniiitiùm Okéhii, les racines du long
flagelle inséré à l'avant émanent d'un corps central chromatique,
sorte dé noyau sans enveloppe. Ce flagellé, qui diffère de celui
des Bactéries et se rapproche du flagelle dés Infusoires, traverse
là membrane par ùfi petit orifice eh s'effilant de la base à son
extrémité; il comprend iihë partie corticale amincie vers la
26 MORPHOLOGIE
DES MICROBES

pointe et une partie axiale constituée par un grand nombre de


fibrilles unies par une substance intercellulaire. C'est la substance
corticale qui produit les mouvements, la partie axiale, élastique,
sert d'appui (Petschenko).
Habituellement, les cils n'apparaissent que lorsque la division
cellulaire est déjà très avancée. Us croissent alors très vite, car
on n'a pu observer leurs stades de développement. Comme les
flagelles des Protozoaires, ce sont des organes moteurs agissant
soit directement sur la cellule elle-même, soit indirectement,
en déplaçant les liquides dans lesquels elle baigne. Leurs mouve-
ments, dont les variations de la tension superficielle au contact
du milieu ambiant paraissent être la cause essentielle, sont in-
fluencés par tous les excitants : mécaniques, calorifiques, lumi-
neux, électriques et chimiques du protoplasme.
Les Microcoques en sont rarement pourvus. On peut citer,
à titre d'exception, le Micrococcus agilis et le M. agilis flavus,
appartenant au type Mérista, ainsi que la Sarcina mobilis.
Les bacilles possèdent tantôt un cil polaire, comme le b. pyo-
cyanique {Bactéries monotriches) ; tantôt un cil unique ou un fais-
ceau de cils à chacun des pôles (Bactéries amphitrich.es et bactéries
lophotriches) ; tantôt plusieurs cils répartis sur divers points de
leur surface (Bactéries péritriches : B.coli,b. typhique, b. téta- •
nique, Bacterium Chauvoei, B. subtilis, B. proteus, etc.).
Sauf quelques espèces qui portent deux cils à chacune de leurs
extrémités (vibrion de Massaouah, par exemple), lesvibrions n'ont,
d'ordinaire, qu'un flagelle polaire. Sur les Spirilles, ils sont dis-
posés en buissons à chaque extrémité. On les observe également
chez la plupart des bactéries pourprées, rondes, longues ou courtes
et chez les Cladothrioemobilis.

III. — Reproduction des bactéries.


Elle s'effectue suivant deux modes : 1° par division directe ou
scissiparité ; 2° par sporulation observée chez certaines espèces
seulement.
A. — Scissiparité.
Le début de la reproduction est annoncé intérieurement par
l'apparition d'une ligne claire qui cloisonne le contenu cellulaire
et, extérieurement, par un sillon qui étrangle peu 4l peu la cel-
lule pour la diviser en deux éléments bientôt complètement
BACTÉRIES 27
distincts. Les cellules-filles se séparent ensuite de la cellule-
mère et se dispersent dans le milieu. Parfois, elles restent
accolées et donnent naissance à des chaînettes de deux à trois
éléments, ou davantage, qu'on désigne, suivant leur nombre
et leur forme, sous le nom de diplocoques, diplobacilles, strepto-
coques, streptobaciïles. Lorsque dans les formes rondes, la division
a lieu suivant une seule direction de PesjDace, les deux moitiés,
une fois séparées, arrondissent leur face plane et deviennent
identiques à la cellule-mère. Si la scission a lieu dans deux ou
trois directions, il en résulte des groupements d'éléments plus
ou moins nombreux, plans ou cuboïdes : tétrades (mérista) ou
sarcines. Un mérista, le gonocoque, se présente donc sous la
forme de quatre cocci réunis; et une sarcine, sous celle d'un petit
cube comprenant seize individus intimement associés.
La division des bacilles s'effectue de la même manière. Elle
aboutit à la genèse de deux cellules-filles, dont les extrémités
voisines s'arrondissent, s'effilent ou se séparent par une ligne
droite, selon que le microbe est à bouts ronds, grêles ou carrés.
La division par scissiparité se produit toujours transversale-
ment.
B. — Sporulation.

Ce mode de multiplication apparaît par intermittence chez


un grand nombre de bactéries, sous l'influence de conditions
extérieures diverses. Il est plus communément observé chez les
espèces anaérobies que chez les espèces aérobies ; les cocci et
les microorganismes spirales ne sporulent jamais.
Ordinairement, chaque germe ne donne naissance qu'à une
seule spore ; quelques espèces seulement (B. Bûtschlii, Meta-
bacterium polyspora, B. caucasicus du Képhir) en produisent
deux ; d'autres, un plus grand nombre.
1° Formation des spores. — Au sein du protoplasme apparaît
un point brillant, qui s'accroît peu à peu et prend un aspect >
arrondi ou ovalaire pendant que sa réfringence augmente.
A mesure que le contenu cellulaire se condense ainsi sur une éten-
due croissante pour engendrer la forme de résistance, le reste du
protoplasma s'appauvrit en matériaux nutritifs et devient
trouble, granuleux. Bientôt la spore, n'est plus séparée de la
membrane que par une mince couche de liquide ; finalement,
elle est mise en liberté par dissolution du reliquat microbien.
Les spores constituées par une membrane épaisse et un con-
28 MORPHOLÔËiË
DES MICROBES
tenu très réfringent, pauvre ëri eau, sont tantôt situées àvi centre
de là eellulë, tantôt à ùiië bu aux deux extrémités. Selon les
espèces, leur diariiëtfë dépasse du reste inférieur â ëelùi de là
'cellulé-mèrë. Quand la spore est plus volumineuse que le corps
dti bacille; célui-ëi présente; datis là p'aftié médiane de son âxë,
dû â ses extrémités; un renflement cjùi; liii donne un aspëët
singulier: battant de clbchë (vibridii Séptibjiië); épiiiglé (b. téta-
nique). Un bacille disteiitlu par sa spdfe se iioiiifrie Closiri-
âiinn.
Des phëildifiënës Beaucoup plus c'diiiplexës, auxquels participe
le systèrïië nucléaire clifoiiiidiàl prëëédemhiëht décrit, accom-
pagnent là sporulation' endogène de Quelques grandes espèces bac-
tériennes. Sciiàudiiih â ainsi observé; dàlis B. BûsichliiA'e mode de
sporulation suivant; qu'il cdiisidëfë cdiilmë tin processus sëxùël
rudimëiitairë bii dëgënëi'àtif, cdmp'ài-àblë àù phéiibniërië de conju-
gaison (àûtdgàriiië) des levures' et de Certaines ihfusdires. Les
ëellules destinées' â p'rddUiré des spores éifiëttëiit d'àbdfd uriè
cldisdii médiane; cdhlrhé si elles devaient éë diviser. Mais cette
cldisdh iië tarde pas à se rësbrber; et les deux éléments qu'elle
séparait se confondent de nouveau en un seul qui, par échange et
fusion des granules chromatiques, produit bientôt deux corps
sphériques polaires : matrices des spores, pourvues de tous les
caractères dii noyau. Les deux cdrps nucléaires s'ëntoùrërit ensuite
de protoplasme, se délimitent rjàr tthë iriëmbfàfië et se trans-
forment èri spdi-ës définitives'; ihcdldfablès par les mdyèiis ordi-
naires, là mërïibfâiië s'bpp'dsant à là përiétràtidii des réactifs;
Dans un dernier stade, le sporange se désagrège; éëlatë et libère
les deux spores.
Malgré l'autorité dé Scliàudinh, il cbriviëht de faire toutes
réserves sur l'existence Où là signification d'un tel jifdbëssùs
d'autogamie. Selon Dobell, àù riiBhient de là sporulation de
B. spifogyrâ, par exemple, la spirale ëhrbhiàticjùë centrale se
renfle d'abord à chacun de ses pôles. Ces renflements' nùcléàiret!
se transforment ensuite en spdres par' âdjbiictibh d'une mëni- '
bl'âûe; On observe bien; comme l'a vu Scliàudinh, un partage des
cellules ëil voie de sp'Omlëf; niais non là fùsioh des ëellùlës-filles ;
qui démontrerait le caractère sëxùël du jjliëhbhiènë:
2° Germination idessp'ores: — Elle n'est ëdhnùë ëxàdtëhiéht que
pour un petit nombre d'ëspëcës: Placées dàiis des cbhditibhs' favo-
rables; les spores germent ëii clbiiiiaiit hàisSàhëè à dé hduvëàùx
baeilles. Une bactérie ëhdbspbrëë est ddiic; à ëë pditit de Vue,
BACTÉ^IPS 29

comparable à une plante suspep/tjbje c[e se rpprqdujre à la fpis


par graine et par bquture.
Tout d'abord, la spprp se gonfle, sqn yplurne s'apprpît et sa
réfïingpncp diminue. Puis diverses ,éyep"j:ualjtps,peuvent s.e prq-
'duire. Tantôt la membrane çjispar.afj;rapidement, pj; le nouveau
bacille se substitue à la spprp. Tanfpt l'pnyplpppe pprsjstp pen-
dant un temps très cqurt, mais, appréciable, et lp mjcrpbe fait
hernie à un des pôles, qu au niveau de l'équateur (B. $ipp,tilis),
par une étroite ouverture, le ijiicrapyle. Tan.{;q{;enfin, et c'pst le
cas pour la baptéridie charbonneuse, à pjéhjs^cpncepplairp, l'issue
se fait encore à travers la membrane, mais pplle-pi §e liquéfie
ensuite presque immédiatement, et le phénomène dpyient diffici-
lement discernable. , .
On ne confondra pas pes spprps yraies, çmj sont des, fprmatipns
nouvelles, apparaissant dans l'intérieur- même dp? hapilles, avec
certaines formes de résistanpe pu fi,rtliïp,&flç>rçs q^s.eryées. çhpz
divers cocci en chaînettes. Ces. faussas s.ppres, assimilables aux
chlamydospores des champignons, ne se distinguent des éléments
normaux de la chaînette que par un vplump plus grand et une
résistance un peu plus marquée à la chaleur.

IV. — Classification.
Les bactéries qui forment la classe des Schizomycètes sp relient
par plusieurs caractères aux Çhampignpns, par d'autres aux
Algues. Quelques espèces sont si peu distinctes cjes Champignons
que les Actinomycétales, bactéries filamentpuses, produisant
parfpis des cpnidies, sont tantôt rangpps parmi les, Hyphomy-
cètes, tantôt parmi les bactéries. Par ailleurs, pluçipuxç bacfprips,
de grande taille constituent des types, jntermépliairps, aux Algues
cyanqphycées et aux bactéries proprement dites.
Les Algues cyanpphycées sont des végétaux inférieurs dpnf
chaque élément contient, au sein du prptpplasmej un noyau peu
différencié, pu chromidium^ dépouryu de mpmbrane et de nucléole,
et assimilable au système chrprnidiai des baptéries. Cpmme les
Schizomycètes, elles présentent des, formes, rondes, lpngiies,
cpurbes, clés mérista, degsarcines, dps,zqcjglpes.Mais,d'importantps
différences séparent ces deux classes de végétaux, par.tipulière-
ment l'existence d'un pigment dissous daps le cytoplasme cortical.
Ce pigment, pu pliycoçhrome, est constitué par un mélange de
chlorophylle et de diverses substances colorées désignées spus le
30 MORPHOLOGIE
DES MICROBES
nom de phycocyanine. Il communique aux Cyanophycées une
teinte bleu verdâtre, d'où leur nom. Parfois la couleur vire au
jaune, au rouge ou au violet. Les Cyanophycées ne produisent
ni oeufs, ni spores ; cependant, dans certaines conditions, les
Nostoc gélatineux donnent naissance à des kystes, ou spores de
conservation, par hypertrophie de leur protoplasme et cutinisa-
tion de leur membrane. Elles se multiplient par division transver-
sale avec partage du système chromidial, le plus souvent dans
une seule direction de l'espace. Chez les Oscillaires, on voit cer-
taines cellules se tuméfier, s'entourer d'une membrane épaisse,
gélatineuse et brunâtre, puis se désarticuler pour former une
sorte de bouture ou hormogonie. L'hormogonie, d'abord douée
de mouvements d'oscillation, perd bientôt sa mobilité et recons-
titue un nouveau filament. Enfin, les Algues cyanophycées sont
presque toujours plus volumineuses que les Bactéries et leurs
espèces mobiles ne possèdent pas de cils.
Le Comité des bactériologistes américains distingue six ordres
dans la classe des Schizomycètes ou Bactéries :
A. Les Myxobactériales, avec pseudoplasmodes conduisant à
des kystes très différenciés.
B. Les Thiobactériales, avec granules de soufre, ou avec un pig-
ment, la bactériopurpurine.
C. Les Chlamydobactériales, entourées d'une gaine généralement
ferrugineuse.
D. Les Actinomycétales, filamenteuses, tendant à se ramifier.
E. Les Eubactériales ou Bactéries.
F. Les Spirochoetales.
De ces six ordres, ce sont les trois derniers qui nous inté-
ressent plus particulièrement.
Actinomycétales. — Elles comprennent deux familles : les
Actinomycétacêes, dont les filaments ramifiés portent des conidies,
et les Mycobacténacêes, peu ramifiées et dépourvues de conidies.
Dans la famille des Actinomycétacêes, on trouve les genres :
Actinobacillus, Actinomyces et Erysipelothrix (microbe du rouget
du porc) ; dans la famille des Mycobactériacées, les genres Myco-
bacterium (type bacille tuberculeux), Corynebacterium (type
bacille diphtérique), Fusiformis (bacille fusiforme), Pfeifferella
(bacille de la morve).
Eubactériales. — Se répartissent en cinq familles :
1° Les Nitrobactêriacées, formes en boules ou bâtonnets, par-
fois mobiles, avec des cils polaires ; ne donnent jamais de spores.
BACTÉRIES 31
Ces microorganismes sont essentiellement caractérisés par leur
propriété d'oxyder directement le carbone, l'hydrogène, l'azote,
ou des composés simples de ces corps. Ils se répartissent en deux
tribus : les N itrobactérées avec les genres Ilydrogenomonas,
Méthanomonas, Carboxydomonas, Acetobacter, Nitrosomonas,
Nitrobacter, Thiobacillus qui oxydent respectivement l'hydrogène
le méthane, l'oxyde de carbone, l'acide acétique, NH 3,Az203 et le
soufre ; les Azotobactérées, microbes fixateurs d'azote, les uns
libres : Azotobacter, les autres parasites ou symbiotes : Rhizo-
bium.
2° Les Spirillacées, corps spirale, mais non flexueux, avec des
cils polaires. Vivent dans l'eau ou l'intestin, mais à l'inverse des
Spirochètes, ils n'envahissent qu'exceptionnellement les tissus.
Vibrio, courts avec un cil ; Spirillum, plus allongés avec touffes
de cils polaires.
3° Les Coccacées, microbes sphériques répartis en trois tribus :
a,)Neisserées, aveclegenre Neisseria (gonocoqueet méningocoque),
cellules disposées par paires en grains de café, se décolorant par
le Gram ; b) Streptococcées, avec le genre Diplococcus,. microbes
disposés par paires, faisant fermenter l'inuline ; le genre Strep-
tococcus, microbes en chaînettes ne faisant pas fermenter l'inu-
line ; le genre Stapliylococcus, microbes disposés en groupes irré-
guliers, producteurs de pigment ; le genre Leuconostoc, microbes
saprophytes, inclus dans les zooglées ; c) Micrococcêes, caractéri-
sées par l'agglomération des individus en masses, la pigmenta-
tion et la décoloration par le Gram ; elles comprennent les genres
Micrococcus, à pigment jaune, Sarcina, disposées en paquets et
Rhodococcus à pigment rouge.
4° Les Bactériacées, formes en bâtonnets ne produisant pas
d'endosjaores : onze tribus.
a) Chromobactérées avec les genres Serratia, Flavobacterium
(espèce-type F. aquatilis), Chromobacterium et Pseudomonas.
b) Achromobactérées : genre Achromobacter (espèce-type B.
liquefariens).
c) Cellulomonadées : genre Cellulomonas (espèce-type B. biazo-
teus).
d) Enoinées, parasites des plantes ; deux genres : Erwinia,
à cils péritriches et Phytomonas, à cils polaires ou dépourvus de
cils.
e) Zopfées, ne se décolorant pas par le Gram (B. Zopfi).
f) Bactérées: genres Aerobacter (type B. lactis aerogènes) ;
32 MORPHOLOGIE
JpES MICROBES
Esclieriçhiq (type B. cpli) ; Promus ; Ehprthella (type Bt. typhi) ;
Alçaligçnes (type B. foeçalis) ; $almo,nella ayec les espèces
Sçhoftviulleri, qertrycke^ typhi tnurium, cohmibçusis, epteritidi.^
psittqcosis, siiipestifer, içterpïçles, pqrqtyplii (paratyphique B,),
pullorq, Melitensis-qbgrtus, etc.
g) Encapsulées : genre Encqp$ulqtus (type B. de ÏMedlander).
h) Lqçtobapillées : genre Lqçtabaçillus, micrpbes non décolqr
râbles par le Gram.
i) B acieroidées : genre Bacteroïdes (type Z?. f);qgilis).
j) Pasteurellées : genre Pasteurella, espèces avicida, muriseptiçq,
cuniculicida. suisepticax bovisepficq, tularensiç, pestis.
\) Hémop]\ïlée§: genres Hemophilus (b. de Pfpiffpr) et Dialister
(B. pneumosintes).
5° Les Bacillacêes qui produisent dps pndpsppres et ne §e déco-
lorent pas, en général, par le Gram. Deux genres : IfqçiHiis, niir
crobes aérobies et Clostridium, plus ou moins strictement anaé-
robies.
L'ordre des Spirpichcetales comprend les geiir.es Spirqne^q,
Trëponema, Leptospirq, que nous avons examinés au chapitre
des Protozoaires.

Y. VlRTJSINVISIBLESET INCULTIVABLES.. UlTRAMICROBES


(Calmette) ou ixeramiprobes (Ç. Nlpplle).
Certains germes, dont la présence est révélée par la virulenpp
des humeurs qui les contiennent, spnt invisibles au irner.p§pqpp,
aussi bien qu'à rultramicrpscopp. Ils franchissent les filtres, pje.
porcelaine (filtres de Chamberland) pu de terre d'infuspires
(filtres de Berkefeld), ce qui permet de les séparer des bactéries
visibles auxquelles ils sont associés dans les produits pathplor
giques, et de les obtenir à l'état de pureté.
Les principaux d'entre eux sont ceux de la fièvre aphteuse
(Lpffler et Frosch), de la peste bovine (M. Nicplle et Adil-bey), de
la rjeste porcine (Dorset, Bolton et Bryde), de l'anémie perni-
cieuse du cheval (H. Carré et Vallée), du sarcome de la poule
(Rous), de la maladie des jeunes chiens (H. Carré), de la clavelég
(Borrcl), de la vaccine (M..Nicplle et Adjl-bey, Çarini, Negri), de
la grippe (C. Nicolle pt Lebailly), du trachome (Bertarelli et
Cecetti), des oreillons (Granata), de l'herpès (G. Blanc), de l'eneér
phalite léthargique (Levaditi et Harvier).
Presque à la limite de la visibilité au microscope et à l'ultra-
BACTERIES 3g

microscope, mais filtrables sur bougie, se trouvent les virus de


la péripneumonie (Nocard et Roux, Borrel, Dujardin-Beaumetz
et Salimbeni), de l'agalaxie contagieuse de la brebis et de la chèvre
(Bridré et Donatien).
Enfin, diverses bactéries d'assez grandes dimensions, tels le
b. tuberculeux (Fontes, Vaudremer, J. Valtis) et le b. dysenté-
rique (Hauduroy), peuvent engendrer, comme le spirochète de la
fièvre récurrente (C. Nicolle), des formes filtrables à travers les
bougies de porcelaine.

Microbiologiegénérale, 2uédit.
CHAPITRE IV .

COMPOSITION CHIMIQUE ET RÉACTIONS


TINCTORIALES DES MICROBES

1. — Composition chimique.
A. — Champignons.

L'enveloppe contient de la cellulose ; le corps cellulaire, riche


en eau, est constitué par des matières ternaires (hydrates de
carbone ou glucides, graisses* ou lipides) et quaternaires (pro-
téines ou protides de la nomenclature actuelle) en proportions
variables et des sels minéraux en petite quantité. Les graisses
existent à la fois dans le mycélium et dans les spores. On en
trouve jusqu'à 60 p. 100 dans les sclérotes de Claviceps purpurea
(ergot de seigle).
Les plus communes sont des éthers glycériques des acides
oléique, palmitique et stéarique. Dans les levures, Mac Lean et
Thomas ont également identifié les acides linoléique, laurique et
arachidique. La cholestérine existe soit à l'état libre, soit à l'état
d'éthers d'acides gras. On observe une forte augmentation des
matières grasses dans les cellules vieillies, dégénérées, et dans
les cellules cultivées dans des conditions de température défavo-
rables ou en présence de poisons protoplasmiques, comme l'acide
phénique. Une fraction importante de ces substances est com-
binée sous une forme encore inconnue avec le plasma cellulaire
(Mac Lean).
Chez les levures, le glyeogène forme jusqu'à 33 p. 100 du poids
sec. Il apparaît, s'accumule et disparaît souvent avec une grande
rapidité. Au début de la fermentation, il se présente sous l'aspect
de graini? réfringents disséminés dans le protoplasme ; après
quelques heures, ces granules font place à des vacuoles qui
s'étendent rapidement et envahissent la plus grande partie de la
cellule. Cette extension de la vacuole paraît résulter de la pré-
COMPOSITION
CHIMIQUEET KÉACTIONSTINCTOIIIALKS 35
sence de gaz, d'acide carbonique principalement, provenant de
la décomposition zymotique du glycogène (Harden et Rowland).
Le glycogène ne constitue pas seulement une réserve nutri-
tive. Comme il manque dans les spores des Mucors et dans les
sclérotes de certains champignons, et qu'il apparaît seulement au
moment où le mycélium se développe, son élaboration semble
liée au métabolisme cellulaire. Chez les levures, certains auteurs
le considèrent comme un produit intermédiaire de la formation
de l'alcool à partir des sucres.
L'azote total oscille entre 5,5 et 9 p. 100 du poids de la levure
sèche, prélevée au maximum dejla fermentation ; le carbone, entre
32 et 45 p. 100 ; l'hydrogène, entre 6 et 7 p. 100. Parmi les subs-
tances minérales, l'acide phosphorique domine et constitue jus-
qu'à 50 p. 100 du poids des cendres ; puis viennent la potasse
30 rj. 100, la magnésie 6 p. 100, la chaux, la silice et le soufre.
Une hémicellulose insoluble dans le réactif de Schweitzer a
été isolée de la membrane des levures.

B. — Protozoaires.
Leur composition chimique est mal connue.

C. — Bactéries.
Comme tous les êtres vivants, les bactéries sont formées de
C, II, O, N, combinés en substances ternaires (hydrates de car-
bone, cires, graisses) et quaternaires (protéines, nucléo-pro-
téines). Elles renferment également de petites quantités de
matières minérales : K, Na, Ca, Mg, Fe, du phosphore, de la
silice, du soufre, du chlore et une forte proportion d'eau : 73 à
85 p. 100.
La composition chimique des bactéries varie non seulement
avec 1,'âge de la culture, la température de végétation, mais
encore, et surtout, avec la nature des milieux ensemencés. D'une
manière générale, les germes jeunes et les bactéries cultivées à
37° sont plus riches en résidu sec que les cellules vieilles et les
cultures entretenues à 20°. Les matières organiques azotées sont
plus abondantes dans les bactéries développées en milieu pep-
toné simple que dans les bactéries obtenues en milieu peptoné
additionné de glucides (Cramer et-Lyons). Par contre, les subs-
tances extractives : graisses, lipoïdes, augmentent dans les
milieux azotés et hydrocarbonés.
86 MORPHOLOGIE
DÈS MICROBES
1° Membrane. — Très abondante dans la paroi cellulaire des
végétaux supérieurs, la cellulose est rare ou absente dans la
membrane des bactéries. On l'a cependant signalée dans le
B. subtilis (Dreyfuss), le b. tuberculeux (Hammerschlag) et le
b. diphtérique, à l'état d'hémiceimlose (Tamura). La chitine,
uniquement produite par les cellules des animaux, a été identifiée
dans la membrane de B. xylinum (Emmerling), B. pyocyaneus,
B. megatherium et B. anthracis (Iwanoff).
2° Contenu cellulaire. — a) Teneur en eau. — a. Cultures
solides. B. encapsulés : Des cultures sur milieux variés, pendant
un temps plus ou moins, long et à des températures diverses,
ont donné, comme chiffres extrêmes,. 84,20 et 87,71 p. 100 d'eau.
B-.prodigiosus : Teneur en eâu allant de 75,85 à 90,61 p. 100 selon
les conditions réalisées : maximum dans le cas de culture à la
température ordinaire et de culture prolongée dans un milieu
riche en eau ; minimum dans le cas opposé. Notons encore : b. du
oeerosis,84,93 p. 100 ; b. charbonneux, 85,44 p. 100 ; b. tubercu-
leux, 85,90 p. 100.
p. Cultures liquides. Vib. cholériques : Voiles obtenus sur des
milieux variés (trois jours d'étuve) : 86,94 p. 100 en moyenne;
peu de différences d'un échantillon à un autre.
b) Cendres. — a. Cultures solides. B. encapsulés : Grandes
différences selon les échantillons et les milieux ; la quantité de
cendres diminue par addition de glucose et proportionnellement
à celle-ci : 2,97 et 13,94 p. 100 du poids sec* B. Prodigiosus :
Maximum dans le cas de culture à la température ordinaire et
de culture prolongée. Les microbes contiennent plus de cendres
que les milieux : B. du xerosis, 9;52 p. 100 ; B: coli, 8,5 p. 100 ;
b. tuberculeux, 8p. 100.
fi. Cultures liquides. Vib. cholériques : Voiles obtenus sur bouil-
lon fortement alcalin ; moyenne, 31 p. 100 ; peu de différences
d'un échantillon à un autre. Voiles obtenus sur le même milieu
additionné de fortes doses de chlorure de sodium et de phosphate
de soude : la teneur des germes en cendres augmente avec celle
des liquides nutritifs. Les microbes sont toujours moins riches en
chlore que les milieux, plus riches en acide sulfurique et en acide
phosphorique, à moins que les liquides ne contiennent un grand
excès de phosphate sodique. Voiles obtenus sur le milieu de
Uschinslyi : faible teneur en cendres et grandes différences d'un
échantillon à un, autre.
c) Azote total. — a. Cultures solides. B. encapsulés : Va-
COMPOSITION
CHIMIQUEET RÉACÏt'ONSTINCTORIALES 37
riations très marquées selon les échantillons et les milieux ; la
quantité d'azote des germes croît avec celle du milieu, niais bien
moins rapidement ; elle diminue par addition du glucose : 23 et
71,81 p. 100 du poids sec (azote évalué en matière azotée). Il
n'existe aucun rapport entre l'abondance des cultures et la teneur
des milieux en azote. B. prodigiosus, 71,3 p. 100; b. du xerosis,
75,2 p. 100 ; b. tuberculeux, 56,8 p. 100.
p. Cultures liquides. Vib. cholériques : Voiles obtenus sur
bouillon fortement alcalin : moyenne, 65 p. 100 ; peu de diffé-
rences d'un échantillon à-un autre. Voiles obtenus sur milieu de
Uschinski : bien moins d'azote et différences marquées selon les
échantillons (moyenne, 45 p. 100). B. diphtérique, 69,7 p. 100 ;
b. de la morve, 87, -5 p. 100 ; b. tuberculeux, 45,3 à 58,7 p. 100.
d) Extraits alcoolique et éthéré. — a. Cultures solides.
B. encapsulés: Grandes différences selon les échantillons et les
milieux; quand on ajoute du glucose, l'extrait éthéré augmente
jusqu'à 5 p. 100 de sucre et diminue ensuite, l'extrait alcoolique
augmente régulièrement jusqu'à 10 p. 100 de sucre au moins.
Extrait éthéré, 1,68 à 3,84 p. 100 (poids sec), extrait alcoolique,
11,39 à 29,60 p. 100.
|3. Cultures liquides. Vib. cholériques : Voiles obtenus sur bouil-
lon fortement alcalin : extrait éthéré + extrait alcoolique, 2 à
3 p. 100.
e) Protides. — On a isolé, de bactéries très diverses', les
substances suivantes, plus ou moins bien définies : Albumines
coagulables dans les sucs de presse (Bucfmer et Hahn), globulines,
une « protamine » (b. tuberculeux, Ruppel) ; protéoses (par
digestion peptique), glycoprotéides, phosphoprotéides (bac-
téries très nombreuses, Buchner, Galéotti, Aronson, Vaughan
et ses élèves) et leurs dérivés : nucléines (Klebs, Galéotti), acides
nucléiques (Aronson, Ruppel, Leach), bases xanthiques (Nishi-
mura, Aronson, Wheeler, Leach), bases pyrimidiques (Levehe).
Une substance voisine de la chitine ou de la kératine (b.
tuberculeux, Ruppel), Produits d'hydrolyse des protéines ;
amino-acides, bases hexoniques (Leach, Wheeler).
f) Glucides. — Sucres, en général mal caractérisés, dont la
majeure partie doit provenir de la destruction des glyco et des
phosphoprotéides.
g) Lipides et lipoïdes phosphores. .— Graisses neutres
(b. encapsulés, b. diphtérique, b. tuberculeux), acides gras
libres; (b. tuberculeux, Aronson, Ruppel), cires (b. tuberculeux,
38 DES MICROBES
MORPHOLOGIE

Aronson) ; lécithine (un b. encapsulé : 0,68 p. 100 du poids sec,


d'après Nishimura; bacilles tuberculeux :0,16 p. 100 d'après Kres-
ling; B. aceti : 1,56 p. 100 d'après Alilaire); graisses phosphorées
autres que la lécithine (Alilaire, voir le tableau ci-dessous).
La teneur du b. tuberculeux en graisses et cires varie selon'les
échantillons, l'âge des cultures et surtout la composition des
milieux.
Les spores ont la même composition que les bactéries dont elles
proviennent. Elles contiennent cependant beaucoup moins d'eau
et une plus faible proportion de cendres.

Compositiongénérale des bactériescultivéesà 37° sur gélose-pointe


de terre (M. Nicolle et Alilaire).
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B. de la morve . . 76,49 10,47 11,69 8,59 3,10 2,530 8,0


B. du choléra des
79,35 10,79 7,54 6,30 1,24 2,370 7.5
Vib. cholérique
(Bombay) .... 73,38 9,79 8,70 6,77 1,93 2,370 7,5
B. de Shiga 78,21 8,89 12,80 10,57 2,23 1,570 5,0
Proteus vulgaris . 79,99 10,73 10,87 7,10 3,77 1,580 5,0
B. typhique .... 78,93 8,28 15,44 10,64 4,80 1,169 3,5
B. charbonneux
(asporogène). . 81,74 9,22 6,31 1,48 4,83 0,948 3,0
B. de la pseudo-
tuberculose .. . 78,83 10,36 15,63 10,31 5,32 0,793 2,5
Pneumobacille .. 85,55 8,33 15,45 7,36 8,06 0,790 2,5
73,35 10,32 15,25 11,77 3,48 0,790 2,5
B.Prodigiosuspa-
thogène (de
Fortineau) . . . 78,00 10,55 9,00 6,60 2,40 0,474 1,5
B. de la psitta-
78,05 9,55 11,08 7,03 4,05 0,474 1,5
B. diphtérique . . 84,50 7,04 5,23 1,81 0,158 0,5
B. pyocyanique . 74,99 9,79 15,77 10,67 5,10 0,157 0,5
B. de la lym-
phangite (de
Nocard) 77,90 9,17 6,83 2,53 4,30 0,157 0,5
Levure (Frohber) 69,25 10,00 4,22 2,92 1,30 0,000 0,0
Chlorella vulga-
gans 63,60 3,96 21,10 12,81 8,29 0,000 0,0
CHIMIQUEET RÉACTIONSTINCTORIALES 39
COMPOSITION

II. RÉACTIONS
TINCTORIALES.
Sauf de rares exceptions, toutes les matières colorantes utili-
sées en microbiologie sont des sels neutres. Les couleurs dites
basiques sont des sels d'une base organique colorée et d'un acide
inorganique, l'acide chlorhydrique le plus souvent ; les couleurs
acides sont des sels d'acide organique coloré et d'une base inorga-
nique, la soude généralement. Il s'ensuit que leur effet tinctorial
ne peut dépendre de la réaction faiblement acide ou basique des
constituants cellulaires. En réalité, quand les sels colorants sont
dissociés, l'ion positif coloré de la couleur basique est adsorbé
par les colloïdes négatifs de la cellule, tandis que l'ion négatif
des couleurs dites acides est adsorbé par les colloïdes positifs.

A. — Champignons.
La plupart des champignons, fixés par la chaleur, s'imprègnent
en masse des matières colorantes, surtout lorsqu'on emploie la
méthode de Gram, dont il sera question plus loin. On ne peut
étudier leur structure qu'à l'aide de colorations ménagées, au
bleu coton lacto-phénolé, par exemple, qui teinte le contenu pro-
toplasmique ou la membrane quand elle contient de la cellulose.
Les matières grasses sont colorées électivement en rouge par le
Soudan ; l'amidon, en bleu, et le glycogène, en brun par l'iode.
Matruchot a obtenu la coloration vitale d'une Mucorinée :
Mortierella reticulata par culture mixte avec deux bactéries
, chromogènes : Bacillus violaceus et Bacterium violaceum et un
champignon, Fusarium polymorphum ; le pigment violet des bac-
téries et le pigment vert du champignon colorent le proto{)lasma
granuleux de la Mortierella ainsi que des inclusions huileuses et
des éléments assimilables à des noyaux, mais ils ne se déposent pas
dans la membrane. Les levures fixent par adsorjrtion les couleurs
de la série de l'acridine, la thionine et la safranine, mais non les
dérivés de la benzidine, sauf la benzopurpurine.

B. — Protozoaires.
En solution très étendue, les colorants vitaux, le rouge neutre
en particulier, soluble dans les lipoïdes, diffusent assez facilement
dans le protoplasme cellulaire et se fixent sur certaines granula-
tions incluses dans les vacuoles. Le noyau des amibes vivantes
40 MORPHOLOGIE
BES MICROBES

peut être teinté à l'aide au violet dahlia et du rouge de ruthénium


(Mouton) ; mais les cellules, une fois colorées en masse, meurent.
On obtient des résultats tout à fait remarquables, après avoir fixé
les préparations par l'alcool, avec les mélanges d'azur de méthy-
lène, d'éosinate de violet de méthylène et de bleu de méthylène
dissous dans l'alcool méthylique (Romanowsky, Giemsa). L'éosi-
nate agit comme mordant et f azur colore en rouge violacé avec
une extrême sensibilité et d'une manière presque spécifique, la
chromatine 'des protozoaires.

C. — Bactéries.

Vivantes, elles opposent une résistance considérable à la péné-


tration des substances tinctoriales qui, en général, sont toxiques
pour les mieroorganismes. Lorsqu'on veut étudier comment les
bactéries se comportent en présence des couleurs, il ne faut pas
employer des colorants puissants comme le cristal violet. Ces
substances, en effet, se fixent très rapidement et d'une façon
massive sur la membrane d'enveloppe ; elles augmentent ainsi
le volume du microbe et masquent sa structure. Les solutions
très étendues de composés, qui ne surcolorent pas, permettent,
au contraire, de mettre en évidence les plus fins détails du contenu
cellulaire.
L'éosine en solution faible est inoffensive pour le B. coli et le
b. typhique, les bactéries pigmentées et le bacille de Fried-
lander, qui s'en imprègnent. Le b. tyjjhique se laisse même
colorer instantanément par le vert malachite, mais il meurt assez
rapidement : sa mobilité disparaît d'abord, puis il cesse de se divi-
ser et la mort survient en cinq minutes. De même, la bactéridie
charbonneuse succombe après s'être colorée. Comme l'éosine à
très faible dose, le violet dahlia et le bleu Victoria n'empêchent
pas la division des bâtonnets, mais ils s'opposent à la sporulation.
Tuées et fixées par la chaleur, ou l'alcool absolu, les bactéries
adsorbent facilement un grand nombre de colorants. Certaines
d'entre elles présentent une grande affinité pour les dérivés ba-
siques de l'aniline. Cette affinité tinctoriale comporte d'ailleurs
des degrés selon les espèces : la bactéridie charbonneuse est aisé-
ment teintée par les colorants faibles, tandis que le bacille de la
morve exige des colorants plus énergiques ; les bacilles lépreux et
tuberculeux nécessitent un contact prolongé avec la couleur
phéniquée.
COMPOSITION
CHIMIQUEET RÉACTIONSTINCTORIALES 41
Une fois teintées, les bactéries résistent plus ou moins à l'action
des décolorants.
On sait en quoi consiste la méthode de Gravi couramment em-
ployée en bactériologie pour la distinction des espèces : colora-
tion des germes par des dérivés basiques, phéniqués de la para-
rosalinine (violet de.gentiane, violets penta et hexaméthylés),
suivie d'un contact avec la solution iodo-iodurée, d'où résulte la
formation d'un composé iodé de teinte bleu-noirâtre, plus ou
moins alcoolo-résistant. Pour Guerbet, Mayer et Scheffer, ce
sont les acides gras saturés et non saturés des microbes, qui se
colorent par le violet d'aniline ; les graisses neutres ne se co-
lorent pas. La propriété de conserver la teinture, après traite-
ment par la solution iodo-iodurée, tiendrait, d'après Deuszen, à
la présence, dans les cellules, de certains nucléo-protéides. On
dit que ces bactéries prennent le Gram. Celles qui ne prennent pas
le Gram abandonnent à l'alcool de lavage la combinaison iodo-
pararosaniline.
D'autres germes, comme les b. tuberculeux et lé23reux,
surcolorés par la fuchsine phéniquée, restent imprégnées de cou-
leur lorsqu'on les traite successivement par l'acide nitrique dilué
et par l'alcool absolu. On les qualifie d'acido-résistants.
Les spores sont également acido-résistantes. Elles se colorent
et se décolorent difficilement.
Sauf pour le vibrion cholérique, un mordançage énergique
(tanin ferrique de l'encre de Lôffler) doit précéder la coloration
des cils. Quant aux capsules, souvent visibles chez les microbes
vivants, on les met parfaitement en évidence à l'aide de décolo-
rations ménagées.
DEUXIÈME PARTIE

PHYSIOLOGIE DES MICROBES

Les microbes se trouvent partout ; le sol, l'eau, l'atmosphère,


les minéraux, les végétaux, les animaux en contiennent des quan-
tités innombrables. Leurs fonctions chimiques sont très variées,
leur puissance de multiplication extrême, et ils jouent un rôle
capital dans la circulation de la matière.
Parasites, ils tendent à détruire les autres êtres organisés, végé-
taux ou animaux. Saprophytes, ils réduisent la substance organique
morte à des termes simples, préparant ainsi les aliments indis-
pensables aux végétaux supérieurs. La vie des plantes et, par
conséquent, celle des animaux est subordonnée à leur activité.
Réciproquement, la matière qui a vécu constitue la source presque
exclusive de leur nutrition. Ils apparaissent donc comme les
intermédiaires obligés entre l'existence qui finit et celle qui com-
mence.
Nous examinerons dans l'ordre suivant les diverses fonctions
des microorganismes ,: nutrition, production de chaleur et de
lumière, chromogenèse, locomotion et manifestations sensitives,
évolution et vitalité.
CHAPITRE V

NUTRITION

Elle est liée :


' 1° A la nature même des
microbes, dont chacun manifeste des
exigences particulières, souvent très étroites, par suite de la spéci-
ficité rigoureuse de leurs enzymes. C'est ainsi que certaines moi-
sissures (Pénicillium) décomposent l'acide racémique en ne con-
sommant que l'acide tartrique droit (Pasteur) ; 2° à la nature
chimique de l'aliment. Parmi les monosaccharides susceptibles de
fermenter sous l'influence des levures, on ne rencontre que des
corps à trois, six ou neuf atomes de carbone ; de même pour les
hexoses, la structure stéréochimique commande d'aptitude à la
dislocation zymotique {Fischer) ; 3° aux influences extérieures :
présence ou absence d'oxygène, température, lumière.
L'étude des fermentations et des actions diastasiques ne sau-
rait être séparée pratiquement de celle de la nutrition. Nous passe-
rons donc successivement en revue : les aliments des microbes et
les milieux de culture, le rôle des conditions ambiantes, les fer-
mentations, les actions diastasiques, les échanges nutritifs et les
modifications des milieux.
Il convient d'appeler aliment, «toute matière à laquelle un
microbe donné peut emprunter les matériaux de son organisation
et la chaleur nécessaire pour se rendre indéjDendant de la chaleur
solaire. Le total de l'action protoplasmique doit être exother-
mique et même, d'ordinaire, il reste un peu de chaleur en excès
qui élève la température du milieu... Mais, dans le détail, le
protoplasma peut parfaitement s'adresser, pour une partie de
son alimentation, à des substances brûlées, incapables de four-
nir de la chaleur par une voie quelconque, à la condition de les
faire entrer dans une combinaison nutritive où figurent, en quan-
tité suffisante, des transformations exothermiques. Le ferment
nitrique peut, comme l'a montré Winogradsky, emprunter son
charbon à l'acide carbonique, à la condition d'oxyder de l'acide
N.tUTîK.MIO^ 45

nitreuix pour lie transformer en acide nitrique » (Duclaux).


Les. aliments, absorbés, par les microbes sont utilisés par eux
au remplacement des produits, de déchets, éliminés et,, par des
processus encore mal connus, à l'édèficatioa d'une nouvelle quan-
tité de substance vivante, d'où résulte leur accroissement. Toutes
les modifications mternes ou externes, des: cellules,, leur activité
pkysieor chimique,, leurs fonctions biologiques et leur reproduc-
tion sont étroitement subordonnées aux transformations, que
subissent, les-; matériaux absorbés.. Parmi les. aliments,, les. uns,
comme les protides, les acides aminés et les sels ammoniacaux
fournissent les éléments azotés constitutifs de la matière vivante.
D'autres, comme les glucides, s'ils participent également à l'édifi-
cation protoplasmique et nucléaire, sont avant tout des produc-
teurs d'énergie : ils libèrent, ea se disloquant, les calories néces-
saires aux réactions synthétiques, endothermi'ques. Les diastases
président à. la fois à la décomposition des>aliments énergétiques
et à la synthèse du contenu cellulaire.

I. — Nutrition des champignons.

Raulin, prenant comme'type d'étude VAspergillus. niger,. s'est


efforcé de réaliser, à l'aide de composés chimiques- bien définis
(acide tartrique, sucre et sels minéraux), le milieu le plus conve-
nable au développement de ce- champignon. Ses. recherches,
vieilles déjà de plus de trente ans, ont été confirmées et étendues
par de nombreux expérimentateurs. Elles, servent encore d'intro-
duction fondamentale à la physiologie microbienne.
Le liquide de Raulin fournit une récolte constante à 1/20: près.
Ii comprend les, éléments, suivants :

Eau 1. 500 centim. cubes.


Sucre candi 70 grammes
Acide tartrique 4 —
Nitrate d'ammoniaque 4i —
Phosphate d'ammoniac ue 0sr,6
Carbonate de potasse 0sr,6
— de magnésie 0sr,4
Sulfate d'ammoniaque 0er,25
|— de zinc. ()er,07
— de fer 0Bf,07
Silicate de potastc 0er,07;

La. réaction est acide.. Pour, avoirt des-récoltes abondantes, il


faut ensemencer en couche- mince;, au. large- contact de l'air., et
46 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

porter les cultures à 37°, dans une atmosphère bien humide.


Après vingt-quatre heures, la surface du liquide se recouvre d'une
membrane blanchâtre, qui s'épaissit rapidement, se plisse et
prend, dès le quatrième jour, un ton noir dû à la couleur des
spores mûres. Si l'on veut évaluer le poids de la récolte, il con-
vient, le troisième jour, de prélever la totalité du voile mycélien ;
une nouvelle récolte peut alors être obtenue après trois nouveaux
jours. C'est la dernière. Les deux membranes séchées et pesées
représentent environ 25 grammes pour 1 500 centimètres cubes de
milieu einployé.

A. — Aliments minéraux.

En éliminant séparément chacun des éléments minéraux pré-


sents dans le liquide de Raulin, on peut se rendre compte de leur
utilité respective. Après la suppression de l'acide phosphorique,
la récolte tombe à 1/182 ; de la magnésie, à 1/91 ; de la potasse,
à 1/25; de l'acide sulfurique, à 1/25, etc.. Ces résultats sont assez
comparables à ceux que donnerait un végétal supérieur cultivé
dans des conditions expérimentales analogues. Il n'en est plus de
même pour les suivants. Si l'on supprime l'oxyde de zinc, la
récolte tombe au 1/10 ; l'oxyde de fer, à moins de la moitié.
Comment expliquer ce rôle imprévu de deux substances qui ne
représentent qu'une minime fraction des constituants chimiques
du milieu? Raulin a répondu à cette question par une expérience
d'une admirable simplicité. Il cultive YAspergillus sur deux liquides
privés respectivement de zinc et de fer. La mucédinée pousse
médiocrement. Alors il restitue à chaque culture le corps qui
lui manquait, et voici ce qu'il observe : la restitution du zinc
rétablit l'intensité normale de la végétation ; la restitution du
fer n'a aucun effet. Raulin en conclut que si le zinc représente
un véritable aliment, le fer ne doit être considéré que comme
une sorte d'antidote neutralisant quelque poison, peut-être
l'acide sulfocyanhydrique excrété par YAsipergiïlus et nuisible
à son développement.
D'après Javillier, les cultures d'Aspergillus dans le liquide de
Raulin privé de zinc n'atteignent, au bout de quatre jours, que.
les 37/100 du poids obtenu dans les conditions normales. En
outre, les conidies apparaissent plus rapidement. Parvenue au
terme de son développement, la moisissure laisse, inutilisé, envi-
on 60 p. 100 du sucre qu'elle aurait consommé en présence de
NUTRITION 47

zinc. Mais il suffit d'ajouter 1/10 000 000 de ce métal au milieu


pour que VAspergillus épuise tout le sucre mis à sa disposition
et fournisse la même récolte que dans le liquide de Raulin-type.
Le zinc favorise aussi la fixation du silicium, du fer et du man-
ganèse par VAspergillus, mais non celle de la magnésie, du soufre
et de l'azote. Il est lui-même fixé en totalité par la mucédinée,
lorsque la quantité de métal est égale ou inférieure à 1 milli-
gramme par 250 centimètres cubes de milieu, soit 1/250 000.
De même que certaines substances minérales sont indispen-
sables à la croissance de la moisissure à des doses extrêmement
faibles, d'autres se montrent dangereuses à l'état de traces quasi
impondérables. Tel est le cas du sublimé et du nitrate d'argent,
qui empêchent la germination des spores, le premier à 1/500 000,
le second à 1/1 600 000. La sensibilité de VAspergillus aux sels
d'argent est même si grande, qu'il ne se développe pas dans un
vase de ce métal. A la dose de 1/25 000, le zinc est également
toxique et il abaisse très notablement le poids de la récolte
(Javillier).
B. — Aliments hydrocarbonés.

L'acide tartrique agit de deux façons dans le liquide de Raulin :


d'abord il maintient l'acidité du milieu, condition défavorable
à la culture des bactéries de souillure, d'où croissance exclusive
de VAspergillus, alors même qu'on n'opère pas aseptiquement ;
puis il sert d'aliment à la plante quand tout le sucre a disparu.
Avant d'être consommé, le sucre candi est interverti par une
diastase, la sucrase que secrète la moisissure. Deux tiers du saccha-
ride assimilé fournissent à VAspergillus l'énergie nécessaire aux
réactions profondes dont il est le siège ; le reste est employé à
la construction de son contenu protoplasrnique et nucléaire.
On a également étudié la valeur nutritive de divers composés
ternaires. Le lactose et la mannite constituent des aliments mé-
diocres ; l'amidon cru ne convient pas ; l'amidon cuit est assimilé
après avoir subi une hydrolyse diastasique. L'alcool nuit à la ger-
mination des spores, mais, comme l'acide citrique, il est consommé
par le champignon adulte.

C. — Aliments azotés.

Dans le liquide Raulin, l'azote se trouve à l'état purement


minéral ; la suppression de l'ammoniaque fait tomber la récolte à
48 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
. 1/153. Au fur et à mesure que l'ammoniaque est consommé, l'aci-
dité du milieu augmente par suite de la libération de l'acide des
sels-. Mais, après une semaine, cette acidité disparaît, soit par
l'action neutralisante des produits- de désassimilation de la moi-
sissure (Wehmer), soit parce que l'acide dissocié est entièrement
consommé (Ritter).

II. — Nutrition des levures.

Normalement, les Champignons du type Aspergillus vivent


au large contact de l'air, où ils trouvent l'oxygène nécessaire à
la combustion des-aliments, qu'ils n'utilisent pas directement pour
la synthèse de leur contenu. Maintenues à l'abri de l'air, dans
la profondeur des milieux, les levures brûlent également les
aliments sucrés, qui! ne participent pas à leur entretien et à leur
développement. Mais cette combustion est alors incomplète et
les termes de la dégradation des saccharides n'atteignent pas la
simplicité chimique observée dans les cultures d'Aspergillus :
CO2 et H 20. De ce fait, pour que le même nombre de calories né-
cessaires aux réactions intracellulaires soit néanmoins, obtenu,
l'attaque des sucres doit porter sur un plus grand nombre de
molécules. Il en résulte un mode particulier d'activité vitale,
une «fermentation liée à la vie anaérobie » que nous définirons
par la suite.
Aucune différence essentielle n'existe donc quant au fonctionne-
ment intime du protoplasma de ces microorganismes. Seules lès
circonstances externes de leur nutrition créent une sorte d'oppo-
sition, entre la vie aérobie des moisissures et la vie anaérobie des
levures. Et cette opposition, dont on a voulu faire un caractère
distinctif des deux modes fondamentaux de la vie élémentaire,
s'évanouit lorsqu'on modifie les conditions de la culture des
germes. Qu'on immerge, en effet, une moisissure dans un liquide
sucré, elle déterminera, une véritable fermentation. Qu'on cultive
les levures au large contact de l'air, elles brûleront, les sucres
jusqu'aux termes ultimes : acide carbonique et eau.

A. — Aliments minéraux.

Pasteur et Mayer ont montré que l'acide phosphorique, le


soufre,, le magnésium et le potassium sont indispensables à la vie
des- levures. En l'absence de soufre sous une forme eonvenable>
NUTRITION 49

une partie des sulfates est d'abord réduite en EPS qui, décomposé
en milieu acide, fournit du soufre assimilable (Stern).
La chaux, également utile, ne peut pas remplacer la magnésie.
Elle paraît avoir pour effet de neutraliser les acides qui se forment
dans le protoplasma de la cellule (Hayduck, Henneberg).
Les sels de fer ne sont pas absolument indispensables à la nutri-
tion des levures, mais ils accélèrent leur multiplication (Molish,
Wehmer, Kossowicz).

B. — Aliments liydrocarbonês.

Les hexoses constituent l'aliment d'élection, surtout pendant


la vie aérobie. Les di et trisaccharides sont assimilables après
transformation en hexoses ; le lactose est peu utilisé, sauf par
quelques levures spéciales. Mais les levures assimilent également
l'alcool éthylique (Kayser et Demolon), la glycérine, divers acides
organiques : tartrique, pyruvique, malique, citrique, lactique,
succinique et leurs sels. Le phénol, la résorcine, le tanin, les
acides galliqueet pyrogalliqùe, l'hydroquinone, les aldéhydes,
les éthers, la cellulose ne valent rien.

C. — Aliments azotés.
Peuvent servir de source d'azote:les peptones, les acides ami-
nés, principalement quand on ajoute au milieu du sucre et, mieux
encore, de l'acide pyruvique (F. Ehrlich), l'asparagine, l'acéta-
mide, surtout en présence d'azote ammoniacal, la propionamide
et la butyramide en très petite quantité, la formiamide davan-
tage (Thomas), l'acide urique, l'urée, les sels ammoniacaux.
Certaines races assimilent les nitrates de potasse, de manganèse ;
mais, d'une manière générale, les nitrates constituent de mé-
diocres aliments azotés et les nitrites arrêtent le développement
des levures.
Les albuminoïdes complexes : ovalbumine, fibrine ne sont
pas utilisés (Pasteur, Ad. Mayer), Cependant, les levures de bière
assimilent lentement la caséine du lait, dont elles poussent la
dégradation jusqu'au terme ammoniaque (Boullanger).

Microbiologiegénérale; 5J°édit.
50 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

III. — Nutrition des protozoaires.

Ce sont les protéines qui constituent l'aliment principal des


protozoaires. Elles sont fournies aux amibes par des bactéries :
autour des germes ingérés, une vacuole protoplasmique se
forme, dont la réaction, d'abord acide, devient ensuite alcaline.
Pendant la période d'acidité, aucun processus digestif ne se pro-
duit ; la digestion vraie ne s'effectue généralement qu'après la
mort des bactéries dans le contenu vacuolaire, et seulement pen-
dant le stade ultérieur d'alcalinité. En effet, les enzymes ex-
traites des amibes n'ont aucune action sur les bactéries vivantes,
alors qu'en milieu alcalin elles attaquent les bactéries mortes et
agissent comme une trjrpsine en produisant d a la tyrosine (Mou-
ton). Les amibes des genres Wasileiaskia, Wahlhampfia, Hart-
mannella vivent mieux aux dépens des microbes Gram-positifs
que des autres ; elles n'ingèrent ni les spores bactériennes, ni
les grains d'amidon (OEhler). Parmi les microbes, certains sont
nuisibles aux amibes par les substances toxiques : ammoniaque ou
triméthylamine qu'ils élaborent.
D'autres protozoaires digèrent l'amidon cuit, grâce à une dias-
tase, Yamylase qu'ils sécrètent. Mais, si les flagellés, comme Poly-
toma, se nourrissent de produits liquides ou dissous, les ciliés
(Colpodes) exigent des corps figurés assez volumineux. Ces micro-
organismes ingèrent des bactéries vivantes ou mortes ; Colpoda
Steinii digère même des spores de champignons et de levures
(OEhler).
De même que les amibes, les infusoires ciliés.ne contenant pas
de lipase sont incapables de digérer les graisses. Les inclusions
graisseuses de leur protoplasma proviendraient de la transforma-
tion des protides et des glucides assimilés (Staniewicz).
Colpidium colpoda (cilié) ne se développe qu'en présence
d'ammoniaque ou d'acides aminés, de phosphates, de chlorures
et de faibles quantités de potasse et de magnésie (Peters). Les
glycérophosphates constituent l'élément carboné de choix poul-
es infusoires. Mais la synthèse des matières albuminoïdes par
Glaucoma piriformis ne peut être effectuée à partir du glycéro-
phosphate d'ammoniaque (Lwoff).
Les Leishmania et divers trypanosomes se multiplient active-
ment dans les milieux artificiels additionnés de sang frais (Novy,
NUTRITION '51

Mac Neal, Ch. Nicolle) ou d'extraits filtrés de moelle osseuse


rouge et de rate (Legroux et Jimenez).

IV. — Nutrition des bactéries.


Au point de vue de leur nutrition, ces microorganismes diffè-
rent infiniment plus entre eux que les champignons.

A. — Aliments minéraux.

Le chlorure de sodium, le sulfate de magnésie et le chlorure de


calcium sont nécessaires à la majorité des bactéries. De fortes
proportions de sel marin sont même indispensables aux microbe,
lumineux pour engendrer la phosphorescence.
Combiné aux nucléo-protéides, aux gluco-nucléo-protéides,
aux acides nucléiques et à certains lipoïdes (phosphatides), le
phosphore constitue un des éléments essentiels du contenu bacté-
rien. Souslaforme de phosphate mono ou dipotassique et sodiques
il joue même un rôle très important dans l'activité cellulaire en
maintenant entre des limites étroites la réaction protoplasmiqùe
(Henderson).
Le soufre intervient également dans la nutrition des bactéries.
En dehors des sulfates, il se rencontre, à titre accessoire, au sein
desmatières albuminoïdes assimilées par les microbes. Mais, si
beaucoup d'entre eux peuvent s'en passer sans dommage, il n'en
est plus de même des sulfobactéries. Celles-ci, dont nous étudie-
rons plus loin les modes d'utilisation du soufre, habitent les eaux
chargées d'hydrogène sulfuré. Elles décomposent ce gaz et fixent
le soufre. Quand H2S fait défaut, elles oxydent leurs propres
réserves soufrées protoplasmiques, en produisant des sulfates
qui se répandent dans le liquide ambiant (Winogradsky).
Le fer est utile à divers microorganismes, notamment sous la
forme d'hémoglobine.
Notons cependant, avec Agulhon et Legroux, que les substances
qui favorisent la culture des bactéries dites liêmoglobinophiles,
comme le cocco-bacille de Pfeiffer, sont indépendantes des albu-
mines et de la matière colorante du sang. Contenues dans les
globules rouges, d'où on peut les extraire facilement au moyen
d'une technique spéciale, ces substances joueraient, à l'égard
des microbes, le rôle de vitamines ou hormones de croissance.
Pour les ferro-bactéries, le fer constitue un aliment essentiel;
52 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
elles l'accumulent dans leur gaine à l'état d'oxyde, après une
élaboration intracellulaire ou extracellulaire encore mal connue.
Le manganèse peut être substitué au fer (Molish).

B. — Aliments carbonés.

Les bactéries trouvent généralement dans les protéines et


leurs dérivés : peptones et acides aminés, dans les hydrates de
carbone et, parfois, dans les graisses, le carbone nécessaire à leur
nutrition. Mais elles peuvent également attaquer des substances
organiques de composition plus simple : des acides (acétique,
tartrique, lactique, pyruvique), des polyalcools (glycérine, man-
nite), des monôalcools (alcooléthylique). On connaît, à ce point
de vue, le rôle essentiel joué par la glycérine dans le développe-
ment du bacille tuberculeux. Parmi les sucres, dont la décomposi-
tion diastasique fournit aux bactéries l'énergie nécessaire aux
réactions synthétiques, les hexoses et les bioses, qui contiennent
respectivement six et douze atomes de carbone, conviennent parti-
culièrement: Les pentoses et, d'une manière générale, tous les
saccharides dont le nombre d'atomes de carbone ne correspond
pas à un multiple de 3,, ne sont pas ou rarement attaqués.
Quelques bactéries décomposent le méthane, et les germes
nitrifiants empruntent directement leur carbone à CO2.

C. — Hydrogène et Oxygène.

L'hydrogène est fourni aux bactéries en même temps que le


carbone, l'azote et l'oxygène, par les sels organiques et inorga-
niques ajoutés aux milieux de culture, mais non par l'eau qu'elles
ne peuvent décomposer. L'oxygène libre de l'air, ou dissous dans
l'eau, préside aux réactions d'oxydation qui constituent poul-
ies bactéries aérobies un des processus vitaux essentiels. Sous
cette forme, au contraire, il est toxique pour les bactéries anaé-
robies. Ces microbes ne peuvent utiliser pour leur nutrition que
l'oxygène engagé dans des combinaisons organiques, des glu-
cides principalement.

D. — Aliments azotés.

Certaines bactéries, parasites stricts, ne vivent guère que dans


les milieux additionnés de matières protéiques, de sérum liquide
NUTRITION 53
en particulier (gonocoque, microbe de la péripneumonie), d'autres
s'accommodent mieux de sérum coagulé (bacille tuberculeux,
bacille diphtérique, bacille de Preisz-Nocard). Mais la plupart des
germes pathogènes se développent abondamment dans les milieux
renfermant des peptones ou des albumoses. Lès acides aminés et
l'asparagine, dissous dans l'eau glycérinée, suffisent au bacille
tuberculeux. La plupart des saprophytes empruntent leur azote
aux sels ammoniacaux, le Micrococcus ureoe à l'urée, les microbes
nitrifiants aux nitrates et aux nitrites alcalins ou alcalino-terreux.
Enfin les microbes des nodosités des légumineuses fixent directe-
ment l'azote atmosphérique par un mécanisme que nous étudie-
rons dansjunjprochain chapitre.
CHAPITRE VI

MILIEUX DE CULTURE

Ils sont liquides ou solides. Les premiers conviennent surtout


à l'étude des propriétés bio-chimiques des microbes ; les seconds,
à la séparation des espèces. Parmi les milieux liquides, on dis-
tingue : les milieux synthétiques, tel le liquide de Raulin, dont
tous les constituants sont chimiquement définis ; les infusions et
décoctions végétales (eau de levure, thé de foin) et animales
(bouillon), véritables milieux empiriques, précieux pour les
manipulations courantes de bactériologie, mais inutilisables pour
l'étude précise de la nutrition et du métabolisme des microbes
les humeurs organiques (sang, lait, sérum, liquide d'ascite, urine,
humeur aqueuse, sucs de fruits, etc.). Les milieux solides compren.
nent les substances nutritives solidifiées par coagulation (sérum t
albumine d'oeuf) ou par addition de gélatine, gélose, amidon,
silice colloïdale et les milieux solides animaux (tranches de vis-
cères) et végétaux (pommes de terre, carottes, artichauts, etc.).
On cultive les microbes aérobies en exposant au large contact de
l'air les surfaces ensemencées. Pour la culture des microbes anaé-
robies, il est nécessaire de chasser l'air environnant au moyen de
la pompe à vide ou de la trompe à eau, ou de recouvrir les milieux
d'huile de paraffine stérile.
La plupart des champignons et des bactéries se développent
sur ces différents substrats, mais il est souvent difficile de trou-
ver, chimiquement ou empiriquement, les substances qui con-
viennent le mieux à leur culture. De nombreux protozoaires et
des bacilles, comme le bacille de la lèpre, n'ont pu être encore
cultivés, bien qu'ils trouvent aisément dans les organes et les
hum eurs de leurs hôtes, toutes les conditions favorables à une
intense pullulation.
Nous distinguerons dans les milieux nutritifs trois qualités
principales : la consistance, la richesse et la réaction.
MILIEUXDE CULTURE 55

I. — Consistance.

Les microorganismes végètent dans les liquides et sur les


solides. Il faut noter que ces derniers, préparés suivant les for-
mules habituelles, sont toujours très riches en eau. Progressive-
ment desséchés, ils deviennent de moins en moins favorables au
développement des bactéries et des levures. Lorsque la concentra-
tion aqueuse ne permet plus la culture de ces germes, la crois-
sance des moisissures est, au contraire, encore possible pendantun •
certain temps. Une très petite quantité d'eau suffit, en effet, à
assurer la végétation des champignons. On sait qu'ils se.ren-
contrent d'une façon banale sur les écorces sèches, les feuilles
mortes, etc.

II. — Richesse.
Diverses bactéries, notamment celles des eaux, poussent dans
des liquides très pauvres. Micrococcus aquatilis, Bacillus erythros-
porus et quelques mucédinées se développent même dans l'eau
distillée (Meade Bolton). Ils empruntent tous leurs aliments aux
gaz ambiants (acide carbonique, ammoniaque) solubles dans l'eau.
Mais la très grande majorité des microbes exige une certaine
concentration, extrêmement variable du reste, des substances
nutritives. Chaque espèce a son optimum en deçà et au delà duquel
la récolte ne tarde pas à baisser. Cesont les pathogènes qui exigent
les milieux les plus riches, c'est-à-dire les plus comparables aux
humeurs.

III. — RÉACTION.

Le développement des microbes, leur métabolisme, leurs pro-


priétés toxigènés et zymogènes sont influencés au jdIus haut degré
par la réaction des milieux nutritifs. Pour chaque germe, il
existe une réaction optimum de culture et des limites d'acidité et
d'alcalinité au delà desquelles aucune végétation ne se produit.
On a observé, dès le début de la microbiologie, que les moisissures
et les levures préfèrent les milieux acides, et les bactéries, les
milieux faiblement alcalins ou neutres. Actuellement, grâce à des
méthodes précises, on est arrivé à déterminer, pour les diverses
espèces microbiennes, l'acidité ou l'alcalinité vraies les plus favo-
rables à leur pullulation, à dresser des courbes de croissance en
56 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
fonction de la concentration du milieu en ions hydrogène, et à
établir des zones optima de développement pour chaque micro-
organisme envisagé.
La mesure de la réaction des milieux (1), en vue de déterminer
la concentration en ions hydrogène est basée sur la théorie de la
dissociation des électrolytes, formulée en 1887 par Svante Arrhé-
nius. D'après cette théorie, les molécules d'électrolytes en solu-
tion aqueuse sont en partie dissociées à l'état d'ions, c'est-à-dire
d'atomes ou de groupes d'atomes chargés électriquement. Ainsi
une solution aqueuse d'HCl renferme des ions H+ chargés
positivement et des ions Cl ~ chargés négativement, à côté de
molécules HC1 non dissociées.
Ce qui caractérise un acide, c'est la présence, dans sa molécule,
d'un ou plusieurs atomes d'H remplaçables par un ou plusieurs
atomes de métal, tandis que ce sont les groupements OH qui
déterminent la nature basique des alcalis. Une solution normale
d'un acide renferme, par litre, un gramme d'H remplaçable par
des ions métalliques, quelle que soit la constitution moléculaire
de l'acide. Une .solution normale d'HCl renferme donc autant de
cet hydrogène qu'une solution normale d'acide acétique ; elles
ont la même acidité totale et exigent la même quantité d'alcali
pour être neutralisées. C'est cette acidité totale qu'indiquent
les méthodes habituelles de titration.
Mais la dissociation de ces deux acides est bien différente, c'est-
à-dire qu'en solution équimoléculaire, le nombre d'atomes d'hy-
drogène, qui se séparent de leurs molécules respectives à l'état
d'ions H, est différent. L'intensité de cette dissociation varie
selon la concentration et, surtout, la nature de l'électrolyte envi-
sagé.Elle estde 91p. 100, par exemple, pour une solution décinor-
male d'HCl et seulement 1,3 p. 100 pour une solution décinormale
d'acide acétique. Cela signifie que sur les 100 milligrammes d'H
que renferme un litre de solution décinormale d'HCl, 91 milli-
grammes se trouvent à l'état d'ions H ; tandis que dans la solu-
tion décinormale d'acide acétique, ce chiffre est réduit à lmsr3.
La force d'un acide est déterminée, non par la quantité totale
d'hydrogène remplaçable par un métal, mais seulement par le
degré de sa dissociation. Son acidité réelle, qui dépend du nombre
d'ions H, peut différer de son acidité totale. Ainsi l'acidité réelle

(1) Cesnotionssur la réactiondes milieuxsont extraites des conférences


faites par M. Schcen, à l'Institut des Hautes Études de Belgique(Ann. de
la Brasserieel dela Distillerie,1924).
58 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

lui donner la valeur 1, ce qui ramène la formule de la disso-


ciation de l'eau à H X OH = k. Il s'ensuit que lorsqu'on ajoute
à l'eau un sel ou un acide, qui augmentent le nombre d'ions H,
le nombre d'ions OH diminue. C'est l'inverse qui se produit
quand on ajoute à l'eau un alcali ou un sel alcalin. Le nombre de
l'un des groupes d'ions détermine donc le nombre de l'autre

D'après les mesures de Sôrensen, la constante de dissociation


de l'eau est égale à 10- 14'14,à 18°. Or, par définition, il y a dans
l'eau pure et neutre, autant d'ions II que d'ions OH ; elle ren-
ferme donc 10-' grammes d'ions H par litre, soit 0er,0000001.
Prenons l'exemple de la soude décinormale dont la concentration
en ions OH = 10_1'os.Pour exprimer cette valeur en concentra-

chiffre indique le poids d'ions H contenu dans un litre de solu-


tion de soude normale : Pn = 13.06. Une solution neutre est une
solution dans laquelle la quantité d'ions H est égale à la quantité
d'ions OH, c'est-à-dire dont le PH = 7,07, car 10-'- 07 x 10-7'" 7=
10~14,u.Dans une solution acide, le nombre d'ions II est supé-
rieur au nombre d'ions OH ; inversement, clans une solution
alcaline, ce sont les ions OH qui prédominent. L'acidité se trouve
ainsi exprimée par des Pu inférieurs à sept et Valcalinité par des
PH supérieurs à sept. Le Pn exprimant un exposant négatif,
plus ce chiffre augmente, plus la valeur absolue qu'il indique
diminue.
A côté des substances acides ou alcalines qui séparent des
ions H et OH, et des substances neutres qui ne séparent pas ces
ions ou ne se dissocient pas, il existe toute une série de corps qui
fournissent tantôt des ions H, tantôt des ions OH et parfois les
deux simultanément. Ce sont les substances amphotères, qui jouent
un rôle très important en biologie. Les matières albuminoïdes
et leurs produits de dégradation sont précisément des ampho-
lytes et leur dissociation s'effectue soit d'après la formule géné-
rale :

. soit d'après là formule :


MILIEUXDE CULTURE 59

Or, la nature des ampholytes est en relation étroite avec la


réaction du milieu. Ainsi le caractère acide de ces substances se
manifeste avec une intensité d'autant plus grande que le milieu
est plus pauvre en ions H, c'est-à-dire plus alcalin et, inverse-
ment, la dissociation alcaline prédomine lorsque le milieu est
acide. La concentration en ions H, à laquelle cette dissociation
atteint son minimum, est le point isoélectrique, qui a une valeur
constante et caractéristique pour chaque substance anrphotère.
En réagissant contre l'acidité par leur dissociation basique
c'est-à-dire par la dissociation d'ions OH, et contre l'alcalinité
par la séparation d'ions H, les substances ampliotères s'opposent
à tout changement brusque de la réaction du milieu. Elles inter-
viennent comme des tampons amortisseurs (buffers des Anglais),
suivant l'expression imagée de E. Fernbach.
Deux méthodes sont employées pour mesurer la concentration
en ions. H des milieux : la méthode électrométrique et la méthode
calorimétrique. La première est basée sur le principe suivant.
Lorsqu'on plonge une électrode métallique dans une solution
renfermant des ions équivalents (une électrode d'argent dans
une solution de sel d'argent, par exemple), une différence de
potentiel s'établit entre le liquide et l'électrode, et cette diffé-
rence est projDortionnelle à la quantité d'ions métalliques con-
tenus dans le liquide. Il en est de même lorsqu'on plonge une
électrode de platine couverte de noir de platine et saturée d'hy-
drogène, dans un liquide renfermant des ions H. La chute de
potentiel qui s'établit au contact de l'électrode et de la solution
est fonction de la concentration en ions H corresjoondante.
On la mesure par les méthodes habituelles employées en phy-
sique.
Plus simple, mais aussi moins précise, est la méthode colori-
métrique ou des indicateurs colorés que nous devons à Sôrensen.
Elle est fondée sur les changements de coloration que produisent
les variations d'acidité ou d'alcalinité sur certaines substances
nommées pour cette raison indicateurs. Chaque indicateur vire
d'une couleur à une autre entre des limites très étroites de concen-
tration en ions H. Entre ces limites, tout changement de
teinte correspond à une valeur définie du PH. Dans la pratique
microbiologique, 1' « ajustement » cles milieux de culture s'effec-
tue en les additionnant d'une quantité d'acide ou de base suffi-
60 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
santé pour obtenir le virage correspondant au PH cherché.
Sauf le rouge de mëthyle et le rouge de propyle, les indicateurs
colorés sont des dérivés de la série des phtaléines. Leurs zones
utiles de Pn sont les suivantes, d'après Clark :

Bleu de thymol 1,2 à 2,8


Bleu de bromophénol 2,8 à 4,6
Rouge de méthyle 4,4 à 6,0
Rouge de propyle 4,8 à 6,4
Pourpre de bromocrésol 5,2 à 6,8
Bleu de bromothymol 6,0 à 7,6
Rouge de phénol 6,8 à 8,4
Rouge de crésol 7,2 à 8,8
Phtaléine du crésol 8,2 à 9,8

Les limites d'acidité et d'alcalinité de végétation des microbes


et la valeur optimum du Plr varient avec l'espèce considérée et les
constituants du milieu. Cultivées dans un bouillon privé de
sucres, la plupart des bactéries se développent entre Plr 5,5 et
Pn 8,5. Certaines sont plus exigeantes et, du point de vue de leur
zone de croissance, Dernby les divise en deux groupes : 1° les
bactéries qui supportent de grandes variations de la concentra-
tion en ions H : B. subtilis, b. paratyphiques A et B, B. coli,
b. pyocyanique, staphylocoque, bactéridie charbonneuse, b. tuber-
culeux, B. proteus et de nombreux anaérobies. 2° Celles qui ne
supportent que d'étroites variations : b. typhique, b. de Pfeifjer,
Pneumocoque, Vibrion cholérique.
Entre ces limites de croissance, la concentration ionique opti-
mum est encore plus précise. Cet optimum diffère selon la pro-
priété microbienne envisagée : rapidité ou abondance de la cul-
ture, vitalité, production de toxines, virulence. D'une manière
générale, il est inférieur à P„ 7 (réaction acide), pour le B. coli,
le B. proteus, le b. paratyphique A ; voisin de 7 pour le b. typhi-
que et le b. paratyphique B, les b. dysentériques, tuberculeux,
pesteux et les anaérobies des plaies ; supérieur à 7 (réaction alca-,
line) pour le gonocoque, le méningonocoque, le vibrion cholérique,
la bactéridie charbonneuse (7,7) et le pneumocoque (8).
CHAPITRE VII

RÔLE DES CONDITIONS AMBIANTES

Le- développement des microbes et leur activité physiologique


sont soumis à un certain nombre de conditions mécaniques
(agitation), physiques (pression, température, lumière, magné-
tisme) et chimiques (dont l'oxygène est le facteur le plus impor-
tant).

I. — Agitation.
Nombre de bactéries et la plupart des champignons ne se mul-
tiplient activement qu'à la surface des milieux liquides où ils
forment, par leur réunion, une membrane plus ou moins épaisse,
d'aspect varié. L'apparition de ce voile, souvent caractéristique
des espèces, exige que les cultures soient maintenues à l'étuve
dans un repos absolu, à l'abri de toute vibration. Lorsque au
début de son développement, on disloque la membrane super-
ficielle, ses fragments tombent dans le liquide nutritif, puis elle
se reforme plus ou moins facilement. Ainsi, pour le bacille tu-
berculeux, un second voile apparaît, mais il s'étend avec
lenteur et n'atteint jamais l'épaisseur du voile primitif. Pé-
riodiquement agité, ce même microbe s'adapte peu à peu aux
conditions nouvelles de sa culture au sein du liquide (bacille
homogène d'Arloing et Courmont). Dans la nature, c'est à
l'agitation continuelle de leur masse, autant qu'à l'action stéri-
lisante de la lumière, qu'il faut attribuer la pauvreté relative des
eaux vives en germes, comparativement aux eaux stagnantes.-

II. —Pression.
Toutes conditions chimiques restant identiques (en évitant
la dissolution, dans le milieu, des gaz comprimés) l'action de la
pression sur la croissance des microbes est négligeable.
62 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

III. — Température.

Les microbes se développent à des températures variées, mais


il existe, pour chaque espèce, un maximum, un minimum et
un optimum. Les températures favorables à la végétation des
germes sont dites eugenésiques ; les températures défavorables,
mais encore suffisantes pour la culture, sont dites dysgenésiques.
Quand la température s'élève au-dessus du maximum, la vita-
lité ne tarde pas à être compromise, quand elle descend au-
dessous du minimum, elle persiste, au contraire, mais le microbe
se trouve dans un état de vie très ralentie, latente, très favorable
à sa conservation. Enfin, au point optimum, la reproduction
et la nutrition atteignent leur plus grande intensité. Toutefois,
il n'en est pas nécessairement de même pour les autres fonc-
tions. Chacune de ces fonctions s'exerce, en effet, avec une
puissance maximum à une température qui, suivant les espèces,
est plus ou moins éloignée de l'optimum de développement.
Par exemple, 1les bactéries chromogènes et photogènes mani-
festent, en général, leurs propriétés caractéristiques à des tem-
pératures inférieures à celles qui fournissent les récoltes les -plus
abondantes.

A. — Chamjrigncns.

Dans les conditions naturelles, ils se multiplient à basse tem-


pérature : 10-20°. Beaucoup d'entre eux cependant préfèrent un
peu plus de chaleur, et les espèces susceptibles de vivre en p&r&-
sites croissent mieux àla température du corps. Comme exemples
de ces trois catégories, on peut citer des Champignons très
voisins : YAspergillus glaucus, YAspergillus niger, et YAsper-
gittus fumigatus (pathogène), dont les ojDtima sont resjsective-
ment 10-12°, 35-37°, 38-40°. Les levures tolèrent des variations
thermiques, très étendues. Nous indiquerons plus tard ce qu'on
entend à ce sujet par levures hautes et basses.

B. — Protozoaires.

Conservés à 5 ou 7°, les trypanosomes non rjathogènes restent


vivants pendant un mois ou deux. Leur culture est facilement
obtenue à 31-37°, dans les milieux au sang. La température
AMBIANTES
ROLEDES CONDITIONS 63

optimum de développement est de 22° pour les Leishmania


(Ch. Nicolle) ; de 40 à 41° pour Plasmodium vivax et falciparum
(Bass et Johns) ; de 30 à 37° pour Spirochoeta icterohemorra-
gioe (Noguclii).

C. — Bactérien.
La plupart des pathogènes ne se développent bien qu'aux envi-
rons de 37°. Il en est de même pour certains saprophytes ;
les autres ne se multiplient pas, ou se multiplient mal à cette
température, leur maximum thermique oscillant entre 20 et 30°
selon les espèces. Quelques bactéries ne croissent qu'entre des
limites très étroites ; tels les bacilles de la tuberculose humaine
et de la tuberculose bovine qui exigent une température fixe de
38-39° ; le. bacille aviaire tolère, au contraire, des écarts rela-
tivement étendus.
Mais si les facultés reproductrices et la nutrition des bactéries
exigent des conditions thermiques rigoureuses, la vitalité de ces
germes n'est généralement pas atteinte par les froids les plus
intenses. B. subtilis, B. anthracis etB. Chauvoei du charbon symp-
tomatique, microbes sporulés, ne sont pas altérés par des froids
de 70° jjendant cent huit heures et de 130° pendant vingt heures
(Pictet et Young). Des températures légèrement inférieures à 0°,
maintenues pendant plusieurs semaines, sont sans action. C'est
pour cette raison que la glace j:>eut véhiculer, comme l'eau, des
germes pathogènes, (b. typhique, vibrion cholérique).
Une mention spéciale est due aux organismes dits frigoriphiles
et thermophiles. On appelle frigoriphiles les microbes qui poussent
à 10° et, notamment, aux environs de 0°. Nous verrons qu'à cette
dernière température, et même plus bas, plusieurs photo-
bactéries dégagent encore de la lumière, indice d'une nutrition
suffisante. La transition entre les frigoriphiles et les bactéries
communes se fait par de nombreux microbes des eaux, qui
végètent de 10 à 20°. Il est bon de"noter, du reste, que les frigo-
riphiles se développent parfaitement à cette température.
Les bactéries thermophiles sont caractérisées par la propriété
de vivre et de se développer à des températures élevées. La tem-
pérature optimum qui convient à leur culture varie suivant les
espèces.
Certaines sont susceptibles de se multiplier à des températures
assez basses : 20 à 30°. Ce sont des bactéries thermophiles facul-
64 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
tatives (microbes thermo-tolérants des Allemands) ; pour d'autres,
la température minimum de culture varie de 30 à 50°. Ce sont des
bactéries thermophiles strictes ou obligatoires.
On les trouve en abondance dans les eaux thermales, dans les
couches supérieures du sol, surtout dans les milieux à température
élevée, dans les eaux courantes et stagnantes, les eaux d'égout,
les fumiers, les poussières, les végétaux, et les excréments des
Vertébrés. Elles jouent un rôle très important dans la fermentation
des fumiers, des fourrages ensilés (ferments lactiques, B. subtilis,
Granulobacter, B. mycoïdes), des feuilles de tabac (B. tabaci,
B. subtilis).
Elles appartiennent presque toutes aux genres Bacillus,
Bacterium et Streptothrix. Celles des deux premiers genres sont
mobiles ou immobiles, de dimensions variables, souvent en
courtes chaînettes. Beaucoup d'entre elles se multiplient par des
spores très résistantes à la chaleur. Sauf trois espèces décrites
par Oprescu, et les anaérobies stricts a, |3 et y de Veillon, toutes
peuvent vivre en présence de l'oxygène. D'une manière générale,
les bactéries tliermojDhiles strictes sont en même temps aérobies
obligatoires, les bactéries thermophiles facultatives sont aérobies
facultatives. A mesure que la température de culture s'élève,
l'aérobiose devient de plus en plus nécessaire (L. Nègre). Une
des particularités les plus remarquables des bactéries thermo-
philes isolées par L. Nègre des sables du Sahara, consiste dans leur
résistance à une proportion très élevée de sel marin (6 à 9 p. 100)
dans les milieux de culture ; une concentration élevée de sel
marin élève, en outre, la résistance de ces microbes à la chaleur.
Il est possible d'étendre ou de restreindre les limites thermiques
entre lesquelles se développent les bactéries. C'est ainsi qu'on a
habitué progressivement la bactéridie charbonneuse aux tempé-
ratures de 10° et de 42°,5. Par une culture systématique à 20°,
on a fait perdre au vibrion de Deneke la faculté de pousser dans
l'étuve, puis on la lui a rendue, toujours progressivement (Dieu-
donné).

IV. — Lumière.

La lumière est inutile et même nuisible le plus souvent à la


croissance des microbes. Seules quelques bactéries pourprées,
qui contiennent un pigment capable de décomposer l'acide car-
bonique de l'air avec dégagement d'O et fixation de C, sont
ROLE DES CONDITIONS
AMBIANTES 65
favorablement influencées par la lumière. De tous les rayons du
spectre, ce sont les rayons chimiques ultra-violets qui sont les
plus actifs, mais les rayons infra-rouges ne sont pas indifférents.

V. — Électricité.

Son action est difficile à séparer de celle de la chaleur, du


rayonnement lumineux et des modifications chimiques des milieux
qui l'accompagnent. Dans les liquides nutritifs additionnés de
sels, la dissociation électrolytique crée des variations d'acidité
et d'alcalinité assez étendues pour altérer la vitalité des germes.
Cependant, sous la seule action électrique des courants sinu-
soïdaux à haute ou à basse fréquence, on peut, d'après d'Arsonval
et Charrin,' affaiblir les fonctions chromogène et reproductrice
du bacille pyocyanique.

VI. — Oxygène. — Respiration.

Depuis Lavoisier, on admettait, comme une loi fondamentale,


que l'oxygène libre est indispensable à la vie. Pasteur, en 1861,
ruina, ou plutôt élargit cette théorie. Étudiant la fermentation
butyrique du lactate de chaux, il constata qu'elle était causée par
un microorganisme dont le développement ne peut avoir lieu
qu'à l'abri de Pair, par un microorganisme anaérobie, ainsi qu'il
le nomma. Une année après, il découvrit une autre bactérie dé-
composant le tartrate de chaux, puis deux bactéries pathogènes,
le vibrion septique et un petit bacille pyogène isolé de l'eau qu'il
cultiva également dans les milieux liquides, totalement privés
d'oxygène libre, c'est-à-dire en anaérobiose complète.
Cette découverte de Pasteur a profondément modifié la phy-
siologie microbienne. -Elle démontre, notion aujourd'hui fami-
lière et étendue à toutes les cellules vivantes, qu'à côté des êtres
qui utilisent l'oxygène libre, il en est d'autres qui ne peuvent
assimiler que l'oxygène combiné. Pour se le procurer, ils dis-
loquent certains corps chimiques par l'intermédiaire de leurs
enzymes et deviennent ainsi, le plus souvent, des agents actifs
de fermentation. Sans doute, la fermentation ne correspond pas
nécessairement à la vie sans air et la vie sans air ne présente pas
toujours les caractères que nous attribuons aux fermentations.
Mais les deux phénomènes vont si souvent de pair que l'on com-
prend aisément pourquoi Pasteur voulut jadis les identifier.
Microbiologiegénérale. 2eédit. 8
66 PHYSIOLOGIEDÉS MICROBES

A. — Champignons.

Les moisissures, avons-nous dit, se développent normalement


au contact de l'air ; certaines, cependant, comme les Mucor,
sont suscejDtibles de végéter en l'absence d'oxygène lorsque,
par exemple, on les immerge dans les liquides sucrés. Elles jouent
alors le rôle de ferments : en même temps leurs caractères mor-
phologiques se modifient et les rapprochent des levures.
Cultivées à la surface des milieux, au contact de l'air, les levures
absorbent l'oxygène libre nécessaire aux réactions profondes
de leur protoplasma, et dégagent de l'acide carbonique. Elles se
comportent ainsi comme tout être aérobie, et leur activité res-
piratoire se manifeste par cet échange gazeux entre leur contenu
et l'atmosphère. Si l'on met du sucre à leur disposition, elles en
utilisent une partie pour leur entretien et oxydent le reste à l'état
de CO2 et dTPO. A l'abri de l'air, elles peuvent également assi-
miler l'oxygène faiblement combiné et réduire, par exemple, une
solution d'hémoglobine saturée d'oxygène. Lorsqu'elles sont ense-
mencées dans un liquide sucré, elles se développent dans la pro-
fondeur, à l'abri de l'air. Leur respiration est alors comparable à
celle des cellules végétales en état d'asphyxie. Elle suffit ce23en-
dant à la vie des levures qui trouvent, dans les.molécules de sucre,
l'oxygène nécessaire aux processus d'oxydation protoplasmique
et empruntent à la chaleur dégagée au cours de cette réaction,
l'énergie indispensable à leur activité.

B. — Bactéries,

Du point de vue de leurs besoins en oxygène, il convient de


distinguer trois groupes de bactéries : les aérobies stricts, les
anaérobies stricts et les aéro-anaérobies.
Les aérobies stricts ne peuvent se développer qu'au contact de
l'air libre ou dissous. Dans le premier cas, ils forment des voiles
membraneux, plus ou moins épais, à la surface des liquides :
bacille tuberculeux, Bacillus subtilis, Bacterium aceti. Toutefois,
une oxygénation trop intense ou trop prolongée modifie certaines
propriétés des bactéries, comme la Pasteurella du choléra des
poules et labactéridie charbonneuse, qui perdent ainsi, peu à peu,
leur virulence primitive.
Les anaérobies stricts ne végètent jamais en présence de T\xy-
HOLËDES CONDITIONSAMBIANTES 67

gène, qui se comporte vis-à-vis d'eux (vibrion septique) comme


un véritable poison. Par contre, sous la forme sporulée, ces mêmes
germes sont indifférents à l'action de l'air. Les microbes anaérobies
ne se multiplient que dans le vide ou dans les gaz inertes :
H, Az ; mais la présence de sucres, ou de toute autre substance
capable de fournir de l'oxygène en se décomposant, leur est
indispensable. Certains
"
tolèrent des traces d'air dissous (bacille
tétanique), surtout lorsqu'on les a soumis à une adaptation
progressive. On peut même les cultiver sans précautions spé-
ciales si on leur associe un aérobie strict, comme le B. subtilis,
qui épuise rapidement l'oxygène dissous dans le milieu et fixe
l'oxygène libre de l'air. C'est probablement par l'effet de cette
symbiose, que les anaérobies continuent de se multiplier dans
le milieu extérieur, dans les eaux en particulier.
L'action des microbes anaérobies sur les substances organiques
s'exerce par l'intermédiaire de leurs diastases. Elle se traduit
par la fermentation pour les matières hydrocarbonées et par la
putréfaction pour les matières albuminoïdes. Dans la nature,
ces germes provoquent une destruction intense des matières orga-
niques ternaires et quaternaires, dont les termes ultimes, l'acide
carbonique, l'eau et l'ammoniaque, font retour à l'atmosphère
et au sol. Beaucoup sont pathogènes et détruisent les tissus
vivants comme ils disloquent les tissus morts. Ils sont la cause des
suppurations putrides et des gangrènes.
Les aéro-anaérobies ou anaérobies facultatifs constituent la
masse principale des bactéries communes. La plupart se cul-
tivent mieux à l'air, quelques-uns, de préférence, à l'abri de l'air,
surtout dans les milieux sucrés.
Au cours de leur vie 23arasitaire, les aérobies, stricts ou non,
vivent complètement à l'abri de l'oxygène gazeux. Ils peuvent
cependant trouver ce corps dissous dans les humeurs, ou engagé
dans des combinaisons peu stables comme l'oxyhémoglobine.
Aérobiose et anaérobiose ne sont donc que deux modes d'un
même processus fondamental, dont l'effet est de procurer aux
microbes l'oxygène nécessaire à leur nutrition. L'activité de
ces êtres élémentaires ne peut persister que si une certaine
quantité d'oxygène les pénètre et participe aux réactions proto-
plâsmiques et nucléaires. Mais, comme l'a montré Pasteur, ce
corps indispensable à la vie est fourni aux microbes sous deux
formes : libre ou engagé à l'état de combinaisons plus ou moins
stables. Quel que soit le mode d'apport de l'oxygène, les oxyda-
68 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
Lions protoplasmiques exprimées jjar la respiration aboutissent
aux mêmes produits résiduels: CO2 et H 20, qui font retour au
milieu ambiant.
Cette vie sans air, sans oxygène libre, n'est d'ailleurs pas spé-
ciale aux microbes. Pour toutes les cellules vivantes, qu'elles
appartiennent aux animaux ou aux végétaux, l'anaérobiose est
la règle, suivant la formule de Pasteur, et i'aérobiose l'exception.
A l'état d'ozone, surtout dans les milieux liquides, l'oxy-
gène détruit les bactéries, à tel point, que le traitement par l'ozone
constitue un des meilleurs procédés de stérilisation des eaux
polluées.
Parmi les autres substances gazeuses auxquelles les micro-
organismes sont communément exposés, l'hydrogène, l'azote,
l'oxyde de carbone, l'hydrogène phosphore et les carbures d'hy-
drogène sont sans action. L'acide carbonique parfois nuisible,
surtout pour certaines bactéries'chroraogènes, est assimilé par
les microbes nitrificateurs. L'hydrogène sulfuré est indispensable
aux sulfobactéries, qui en supportent des quantités considérables
dans les eaux sulfureuses.
CHAPITRE VIII

FERMENTATIONS (*)

Sous le nom de fermentation, on désignait autrefois toute modi-


fication de la matière organique accompagnée de boursoufle-
ment et de dégagement gazeux, telles les fermentations du moût
de raisin et du pain. Puis on généralisa cette notion et on en fit
le synonyme d'altération spontanée, avec ou sans effervescence.
La digestion, la production du vinaigre, etc., furent considérées
comme des phénomènes fermentatifs, au même titre que la trans-
formation des jus sucrés en boissons alcooliques. Pasteur dé-
montra que toute fermentation est corrélative d'un processus
vital, c'est-à-dire du développement d'un microorganisme dans
le milieu fermentescible : levure de bière, bacilles lactiques, acé-
tiques, butyriques. Bientôt, généralisant sa théorie de l'anaéro-
biose, il émit cet aphorisme célèbre : « La fermentation est la
vie sans air. » Formule à la lois trop absolue, car elle englobe
tous les actes anaérobies parmi les phénomènes fermentatifs, et
trop étroite, puisqu'elle éli.rmie toutes les fermentations pro-
duites au contact de l'oxygène, notamment les oxydations zymo-
tiques.
Cependant, avant Pasteur, Moritz Traub, en 1858, etBerthelot,
en 1860, avaient déjà assimilé la fermentation alcoolique au
dédoublement diastasique de l'amidon en maltose. La décou-
verte, par Buchner, de la zymase, ferment soluble extrait par
pression de la levure broyée et capable de produire, à lui seul,
de l'alcool à partir du glucose, confirma l'hypothèse de Berthe-
lot, déjà étendue par Claude Bernard à toutes les manifestations
de la vie végétative. Mais la doctrine pastorienne restait entière,

(I) Noire excellentcollègueM. Schoen,chefdu laboratoiredes fermenta-


tions à l'Institut Pasteur, a bien voulu relire ce chapitre et nous aider de
ses conseils. Il nous est très agréable de lui en exprimer ici tous nos
remerciements..
70 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

car si «le changement chimique produit dans toute fermenta-


tion se résout en une réaction fondamentale provoquée par un
principe défini, S23écial,de l'ordre des ferments solubles » (Ber-
thelot), il n'en résulte pas moins, en l'espèce, de l'activité de
microorganismes, et traduit un processus cellulaire, donc vital,
de dislocation de la matière organique.
Lors de la vie fermentative, les microbes décomposent incom-
plètement un grand nombre de grosses molécules qui ne leur
cèdent qu'une faible quantité de calories utilisables pour les
réactions protoplasmiques ; lors de la vie aérobie, au contraire,
ils dégradent profondément ces mêmes molécules. Les réactions
exothermiques leur fournissent ainsi une quantité d'énergie
considérable qui remplace, dans les processus cellulaires synthé-
tiques, l'énergie lumineuse empruntée par les plantes aux radia-
tions solaires.
Aussi jouent-ils un rôle primordial dans la nature. Ce sont
eux qui décomposent les produits organiques animaux et végé-
taux accumulés à la surface et dans la profondeur du sol.
Ils en simplifient les molécules ternaires et quaternaires et, finale-
ment, les restituent au monde minéral, sous les formes dégradées
de CO2, H 20, AzH 3, Az, que les plantes élèveront de nouveau à
l'état de substance vivante, achevant le cycle des transformations
biochimiques de la matière.
C'est par l'intermédiaire de leurs diastases ou enzymes que les
microbes attaquent les substances fermentescibles. Mal définies
chimiquement, ces diastases agissent comme des catalyseurs, en
quantité infime, au prix d'une destruction insignifiante compara-
tivement à leurs effets. On est parvenu à en extraire un grand
nombre des êtres vivants qui les élaborent. Leur étude spéciale
fera l'objet d'un prochain chapitre.
Chaque microbe sécrète plusieurs diastases, mais l'une d'elles
domine et imprime à la fermentation son caractère spécifique.
Les uns, comme les ferments alcooliques, décomposent les
sucres jusqu'au stade alcool ; d'autres, comme le Bacterium
aceti, oxydent l'alcool en acide acétique, que différentes espèces
brûlent finalement en CO2 et I-PO.
Par opposition aux diastases ou ferments solubles, on donne
souvent le nom de ferments figurés aux microoïganismes des
fermentations. Ces ferments figurés comprennent des cham-
pignons et des bactéries. Parmi les champignons, on trouve VAs-
dorgillus niger, le Pénicillium glaucum, des Monilia, des Citro-
FERMENTATIONS 71

myces, divers Mucor et surtout les levures, qui sont les véritables
ferments alcooliques. Les bactéries, agents des fermentations
acétique, lactique, butyrique, ammoniacale, forménique et de la
putréfaction, jouent un rôle plus considérable encore dans la
transformation de la matière organique. Comme les levures,
elles sont industriellement employées à la fabrication de divers
produits dont la préparation chimique est irréalisable ou trop
onéreuse.
On classe habituellement les fermentations d'après le caractère
essentiel de la réaction effectuée, et l'on distingue des fermenta -
tions : par décomposition (fermentations alcoolique et lactique),
par réduction (f. butyrique, dénitrification), par oxydation (f. acé-
tique, nitrification), par hydrolyse (f. ammoniacale). En réalité,,
cette division n'est applicable qu'aux diastases, car les phéno-
mènes fermentatifs accomplis par les microorganismes sont
extrêmement variés et, comme nous le verrons à propos de la
fermentation alcoolique, les plus élémentaires en apparence ne
sauraient se traduire par une seule équation chimique. Déjà
Pasteur a montré que la formule classique de la fermentation
alcoolique a seulement la valeur d'un schéma, puisqu'à côté de
l'alcool et de CO2, les levures donnent naissance à ]3lusieurs 'corps
en quantité parfaitement appréciable. Nous trouverons, dans la
fermentation lactique, une série de phénomènes plus enchevêtrés
encore, et la fermentation butyrique nous conduira au seuil de
la dislocation polymorphe de la matière organique par les germes
microbiens.

I. — Fermentation alcoolique.

La fermentation alcoolique, ou transformation des sucres en


alcool et en acide carbonique, sous l'influence des levures, est
connue depuis la plus haute, antiquité. C'est la fermentation-
type. Lavoisier en a donné le premier schéma. Cagniard-Latour
et Schwann en ont découvert l'agent entrevu par Leuwenhock.
Pasteur, enfin, a établi que la dislocation des corps sucrés est
corrélative de la vie des levures. Depuis, on a reconnu que ce
phénomène n'est pas spécial aux levures. Un grand nombre de
champignons; dont le Pénicillium glaucum et, surtout, les Mucor
disloquent également les molécules de sucre, et les transfor-
ment en alcool lorsqu'ils sont immergés dans les liquides
nutritifs. UAmylomyces Rouxii étudié par Calmette et VAsper-
72 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

gillus oryzoe, dits levures d'Extrême-Orient, transforment l'ami-


don en alcool. Enfin, cette dernière substance peut encore
apparaître, à-titre de produit accessoire, dans la décomposition
de divers corps ternaires (sucres, alcools polyatomiques) par
les bactéries. Les seules différences observées résident dans
la vitesse des réactions et la nature des corps intermédiaires.
Lorsqu'ils sont privés d'oxygène libre, les tissus des végétaux
supérieurs, les fruits en particulier,- produisent une certaine
quantité d'alcool aux dépens de leurs sucres et se comportent
comme de véritables ferments. Cette respiration intracellulaire
des plantes est, en tous points, comparable à la fermentation
alcoolique vraie, qui apparaît ainsi comme un phénomène très
général de la vie cellulaire, probablement lié à la présence d'un
complexe diastasique, la zymase découverte dans les levures par
Buchner.

A. — Ferments alcooliques.

Ce sont, avant tout, les levures dont on connaît un grand


nombre d'espèces appartenant aux genres Saccharomyces,
TIansenia, Toj'ulasporées, Zygosaccharmnyces, Saccharomycodes,
Pichia, Willia, Schizosaccharomyces, Mycoderma, Torula, Moni-
lia, etc..
On distingue, industriellement, parmi les levures de bièTe
(Sàcharomyces cerevisioe), deux types : les levures hautes et les
levures basses. Les premières, groupées en amas ramifiés, fonc-
tionnent à 10-20°. Elles jjrovoquent rapidement la fermentation
des milieux sucrés ; soulevées par l'acide carbonique dégagé,
elles remontent à la surface du liquide. Les secondes, formées de
cellules isolées ou groupées deux à deux, agissent plus lente-
ment, à température plus basse, G à 8°, et se déposent au fond
de la masse. Levures basses et levures hautes se distinguent
encore par la manière dont elles attaquent le raffînose. Mais cette
différence physiologique ne correspond à aucun caractère spéci-
fique. Une même race de levure contient à la fois des cellules
hautes et des cellules basses, dont les unes dominent lorsque les
irconstances extérieures leur sont favorables.
Depuis Pasteur, l'industrie enrploie, pour la fermentation des
moûts, des levures pures et même des races sélectionnées quant à
leur fonction fermentative et à leurs propriétés de communiquer
une saveur spéciale aux liquides fermentes.
FERMENTATIONS 73

B. — Corps fermentescibles.

Ils appartiennent au groupe des saccharides. Parmi les moiio-


sacchafides, ne fermentent que des composés possédant trois
ou un multiple de trois atomes de carbone (Fischer). Exception
devrait être faite pour Saccharomyces tliermantitonum, s'il fait
fermenter réellement les pentoses C5Hl0O 5 (arabinose et xylose).
Les sucres en C" (hexôses) sont les plus intéressants. Leurs repré-
sentants lévogyres, sauf le fructose, résistent à la fermentation.
Au contraire, plusieurs dextrogyres sont attaqués (glucose et
mannose). Le galactose ne fermente que « par entraînement »
lorsqu'on lui associe un sucre facilement décomposable, tel le
glucose, ou lorsque le milieu est très riche en matières nutri-
tives .
Comme tous les sucres dont le nombre d'atomes de carbone est
un multiple de trois, ne sont pas fermentescibles, Fischer émit
cette hypothèse que l'aptitude fermentative des corps sucrés est
liée, non seulement au nombre, mais encore à l'arrangement des
atomes de carbone dans la molécule de saccharide, et il compara
l'action de la zymasc sur les sucres à celle d'une clef qui ouvre
une serrure.
Enfin la fermentation dépend aussi des propriétés particu-
lières du microorganisme-ferment et des circonstances extérieures.
C'est ainsi que la levure de Sauternes, en agissant sur le sucre
interverti, fait fermenter le lévulose d'abord, tandis que la grande
majorité des levures font disrjaraître le dextrose plus vite que
le lévulose, de telle sorte que vers la fin de la fermentation, le
liquide ne renferme plus que du lévulose (Gayon et Dubourg).
Cependant, lorsqu'on fait une série de fermentations compara-
tives dans un milieu dont on diminue peu à peu l'acidité pour
l'amener jusqu'à la neutralité, et, plus encore, en lui donnant
une réaction alcaline, la fermentation élective opère comme celle
de la levure de Sauternes : à partir d'une certaine réaction, et
d'un bout à l'autre de la fermentation, le lévulose disparaît
plus vite que le glucose (A. Fernbach et N. Schiller).
Contrairement aux monosacchafides, les disaccharides (sac-
charose, maltose, tréhalose) ne fermentent pas directement.
Ils doivent être, au préalable, transformés, dédoublés en hexoses,
intervertis par une action diastasique spéciale, hydrolysante.
Grâce à la sucrase qu'elle élabore, la levure de bière hydrolyse
et dédouble d'abord le saccharose en glucose et lévulose, puis
74 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

attaque ces sucres en produisant de l'alcool, et de l'acide carbo-


'
nique.
Une hydrolyse préalable, aboutissant à la formation d'hexoses
est également nécessaire à la fermentation- alcoolique des tri-
saccharides : rafflnose, mélibiose, et des polysaccharides conden-
sés : inuline, dextrine, amidon. Cette transformation s'effectue,
ici encore, .sous l'action de diastases spéciales sécrétées, par
exemple, par les levures chinoises : Amylomyces Rouxii et
Asjjergillus orizoe, qui transforment- l'amidon en maltose (amy-
lase), puis en glucose (maltase) et, finalement, en alcool (zymase).
Ainsi se trouve confirmée cette loi générale suivant laquelle
toute cellule ne peut attaquer les saccharides que si elle renferme
les enzymes nécessaires à leur hydrolyse.
Le glycogène ne fermente pas directement.
Les levures de bière comme S. cerevisioe, les levures de distil-
lerie et la plupart des levures de vin font fermenter : dextrose,
lévulose, sucre interverti, saccharose, maltose ; les levures de
boulangerie : saccharose, galactose, sucre interverti, maltose,
rafflnose.
C'est dans le protoplasma même des levures, et non dans le
milieu que se produit la dislocation diastasique des molécules.
Après une longue série de réactions intermédiaires, que nous
étudierons à propos de la zymase, la fermentation des ma-
tières sucrées, aboutit à la formation d'alcool et d'acide carbo-
nique, suivant la formule générale de Gay Lussac :
CcHI20g = 2 CaHeO+ 2 CO2

et s'accompagne d'un dégagement de chaleur intense : 21 cal. 4


pour 180 grammes de sucre détruit (Brown). En réalité, le pro-
cessus fermentatif ne présente pas cette simplicité chimique.
Outre l'alcool et CO2, la levure, comme Pasteur l'a observé, donné
naissance à des produits secondaires, dont les principaux sont :
la glycérine, 3,5 p. 100 de sucre, l'acide succinique, 0,6 à 0,8
p. 100, des alcools supérieurs, de l'aldéhyde éthylique, des acides
volatils et des éthers en petite quantité.
La glycérine est surtout abondante vers la fin des fermenta-
-tions, quand les conditions de nutrition déviennent défavorables
à la levure,ou lorsque la température est élevée. L'acide succinique
se rencontre également à la fin de l'opération. Il provient de
l'attaque des substances protéiques de la levure elle-même
FERMENTATIONS 75

(F. Ehrlich) ; VAmylomyces Rouxii en produit une quantité


importante lorsqu'il est cultivé en présence de l'air. Quant aux
alcools supérieurs (butylique, amylique, propylique, etc.), dont
le mélange constitue Vhuile de fusel, ils proviennent, par une série
d'oxydations et de réductions, des acides aminés libérés au cours
de Pautolyse de la levure, ou ajoutés au milieu. Ces acides sont
d'abord oxydés à l'état d'hydrate d'acide iminé qui, après élimi-
nation de NH 3, donne un acide cétonique, l'acide pyruvique.
L'ammoniaque est assimilée par la levure, et l'acide pyruvique,
en perdant CO2, se transforme en aldéhyde, qu'une réaction ulté-
rieure dégrade à l'état d'alcool (Neubauer et Fromherz), d'après
le tableau suivant :

L'isoleucine donne l'alcool amylique droit, actif; la tyrosine,


l'alcool- paraoxyphényléthylique, et la phénylalanine, l'alcool
phényléthylique, principe de l'essence de rose.
Un grand nombre de levures produisent un arôme qui consti-
tue le « bouquet » si recherché dans la vinification. Cet arôme
est dû à la présence de corps odorants, à des éthers dont la for-
mation dépend à la fois de la race de la levure et des substances
nutritives azotées qui servent à sa nutrition. Certaines espèces
donnent beaucoup d'éthers avec l'azote albuminoïde, tandis que
d'autres préfèrent l'azote ammoniacal ou pejrtoné (Kayser),
Les éthers aromatiques, comme l'acétate d'amyle, apparaissent
surtout dans les liquides très aérés, pauvres en azote et riches
en sucre, ou quand la température de fermentation est élevée
(Lindner).
Les aldéhydes, parmi lesquels prédomine l'aldéhyde formique
76 DES MICllOBES
PHYSIOLOGIE

prennent naissance en petite quantité au cours de la fermentation


dans les milieux très aérés. Ils paraissent provenir de l'oxydation
des alcools déjà formés (Kayser et Demolon, Trillat et Sauton).
Quant aux acides volatils, dont la proportion atteint OSr.I
par litre, ils sont représentés principalement par l'acide acétique
auquel s'ajoutent parfois des traces d'acides formique, buty-
rique, valérianique, etc. Ils correspondent à un stade intermé-
diaire de la dislocation des sucres et de certains acides aminés
(acide formique, acide valérianique pour la leueine), ou résultent
de l'hydrolyse de diverses amides.

C. — Causes qui influent sur la fermentation.


Les levures d'une même espèce diffèrent les unes dés autres
par l'intensité de leur pouvoir ferment et leur activité. Le pouvoir
P
ferment s'exprime par le rapport —, entre le poids du sucre con-
sommé et le poids de la levure produite. L'activité correspond à
la quantité de sucre détruit par l'unité de poids de levure, pen-
dant l'unité de temps. Par sélection,on réussit à obtenir des races
très actives, dont les propriétés se transmettent héréditairement.
En dehors de leurs variations, apparemment spontanées, les
levures se montrent d'une grande sensibilité aux modifications
du milieu. Certaines substances, comme les nitrates, qui cependant
entravent la multiplication, les sels de manganèse, le chlorure
d'étain, les fluorures, le sublimé corrosif, l'acide chromique, l'acide
oxalique, l'acide formique, lorsqu'elles sont ajoutées à des doses
faibles : 8 milligrammes par litre pour le sublimé, 40 milligrammes
pour le fluorure d'ammonium, 5 milligrammes pour l'acide for-
mique, exaltent la fonction fermentaire. D'après Effront, la con-
centration efficace des fluorures diffère pour l'activité végétative
et pour la fonction ferment, mais on peut accoutumer les levures
à supporter des doses croissantes de ces corps, d'acide sulfureux
et de sulfites, jusqu'à ce que la concentration optimum pour la
végétation et la fermentation coïncident. Il est également pos-
sible d'habituer des levures normalement sans action sur le galac-
tose, à faire fermenter ce sucre (Diénert, Dubourg), et de transfor-
mer des levures basses en levures hautes (Hansen). Cette variabi-
lité des caractères fonctionnels des levures correspond, par ail-
leurs, à leur extrême plasticité morphologique.
La température optimum de fermentation diffère selon les
FERMENTATIONS /7

races de levures, 30 à 35° pour les unes, 25 à 30° pour les autres.
Au delà de 40-42°, sauf de rares exceptions (Musso), toute fermen-
tation cesse.
Quelles que soient la concentration des sucres dans les moûts
et l'activité de la levure, la fermentation diminue lorsque la
proportion d'alcool atteint un certain taux, variable selon
les espèces et même les races. La décomposition biochimique des
saccharides cesse également sous l'influence des antiseptiques :
l'acide eyanhydrique, par exemple, à la dose de O&'^OISpour
5 grammes de levures, l'acide borique à 1 p. 100, les acides
minéraux à closes plus faibles, l'acide phénique et le thymol à
1 p. 2 500, le sublimé à lp. 25 000. Une solution saturée de chloro-
forme ralentit simplement la fermentation. En général, les acides
organiques sont beaucoup mieux supportés que les acides
minéraux : l'acide acétique à 1 p. 100, l'acide lactique à 2 p. 100
sont sans effet.
Bien que \a, levure paraisse mener une existence strictement
anaérobie au sein des liquides sucrés, une petite quantité d'oxy-
gène libre lui est indispensable. Pasteur a observé, en effet, que
des fermentations languissantes redeviennent actives à la suite
d'une aération presque imperceptible, et il résulte des expériences
de D. Cochin, que la fermentation s'arrête complètement en
l'absence totale d'oxygène.

II. — Fermentation panaire.

La farine de blé contient des substances organiques ternaires


et quaternaires, de l'eau et une petite quantité de matières miné-
rales. Délayée avec de l'eau, elle forme une pâte qui, largement
aérée pendant l'opération du pétrissage, ne tarde pas à fermenter
sous l'action des germes microbiens. Les gaz qui apparaissent au
cours de cette fermentation restent inclus dans la masse dont le
volume augmente. Pour activer la levée du pain,' le boulanger
incorpore intimement à la pâte, de la levure de brasserie ou un
peu de levain, qui n'est autre chose que de'la pâte en voie de fer-
mentation. Les produits ultimes de cette fermentation sont l'acide
carbonique et l'alcool formés aux dépens des sucres, comme dans
la fermentation des moûts. L'amidon n'est pas attaqué, mais le
gluten est parfois peptonisé par des microbes de l'eau et de
la farine. Parmi ces microbes, on trouve des ferments lactiques
7*8 PHYSIOLOGIE
DÉS MICROBES

qui acidifient légèrement la pâte et favorisent le développement


de la levure ajoutée.

III. — Fermentation du saccharose.


Les jus sucrés, obtenus par compression des betteraves pul-
pées, ou par diffusion, sont fréquemment envahis par un grand
nombre de germes qui transforment le saccharose en acides orga-
niques et en alcool et souvent en une matière glaireuse caractéris-
tique, Ce sont des espèces sporulées du genre Granulobacter, des
Cocci, des Saccharomyces (S. Zojifi) et surtout le Leuconostoc
mesenteroïdes, qui provoque la gomme des sucreries.
Leuconostoc mesenteroïdes se présente sous l'aspect de grains
sphériques en diplo ou streptocoques, entourés d'une gaine com-
mune, épaisse et gélatineuse. Il se développe, de préférence, en
milieu neutre, à des températures comprises entre 30 et 45°, avec
un optimum vers 36°. Par la sucrase qu'il sécrète, il intervertit
rapidement le saccharose et consomme le sucre ainsi formé. Sa
faculté de prolifération et son activité sont prodigieuses, puisque,
en l'espace de douze heures, il peut transformer complètement
49 hectolitres de mélasses à 10 p. 100 de sucre. On conçoit facile-
ment quelles pertes il peut causer à l'industrie sucrière, et com-
bien il importe de le combattre. Les deux tiers du glucose assi-
milé par le microbe servent à l'édification de la gaine dont la
composition se rapproche de celle de la cellulose. De plus, en
donnant naissance à du sucre interverti, le Leuconostoc empêche
la cristallisation ultérieure du saccharose. Le lactose et lemaltose
sont également attaqués avec production d'acide lactique,
mais ces sucres ne participent pas à la formation de la gaine.

IV. — Fermentation lactique.


Abandonné au contact de l'air, le lait devient acide et se coagule
par précipitation en masse de la caséine qu'il contient. Ce phéno-
mène résulte du dédoublement du lactose en acide lactique par
.les microorganismes qui pullulent rapidement dans le lait recueilli
et conservé sans précaution d'asepsie.

A. — Ferments lactiques.
Nombreux sont les microbes capables de produire la fermenta-
tion lactique. Mais on réserve le nom de ferments lactiques aux
FERMENTATIONS •' '

germes qui transforment en acide lactique, principalement, les


sucres incorporés aux milieux de culture : bacille de Pasteur,
Bacterium lactis, B. lactis acicli, B. acidi lactici de Grotenfeld,
Micrococcus lactis I de Hueppe, Streptococcus acidi lactici de
Grotenfeld. Tous ces microbes produisent de l'acide lactique aux
dépens du lactose, dans une proportion qui peut atteindre
95 p. 100. Ils sont immobiles, aérobies ou anaérobies facultatifs,
asporogènes, très sensibles aux agents physiques, à la chaleur en
particulier. Certains d'entre eux communiquent au lait une grande
viscosité. Puis viennent des germes des eaux, de l'air et de la terre
et des bactéries pathogènes dont la fonction ferment, envisagée
du point de vue de la production d'acide lactique, est secondaire :
bacilles typhique et paratyphique, Bacterium coli, vibrion
cholérique, cocco-bacille du choléra des poules, streptocoque de
la mammite des vaches.
Tous les sucres capables de fermenter directement sous l'action
des levures peuvent être transformés en acide lactique par les
ferments: Les disaccharides, saccharose, lactose, doivent subir
une hydrolyse diastasique préalable. D'autres composés ternaires
se prêtent également à la fermentation lactique : des pentoses
(arabinose, xylose), des polyalcools (mannite, dulcite), des poly-
saccharides (inuline), des glucosides de synthèse et même des
matières quaternaires azotées : peptones, albumine, caséine
(B. coli, bacille de Friedlander, cocco-bacille du choléra des
poules).

B. — Produits de la fermentation.

"Théoriquement, la dislocation de la molécule de glucose pâl-


ies ferments lactiques s'effectue suivant la formule générale :
= 2C3H6Oâ
C6H120G

Mais, en fait, le processus est infiniment plus complexe.


L'acide lactique n'est pas l'unique produit de la fermentation.
Même avec des ferments très actifs, cultivés dans les meilleures
conditions, le taux de cet acide ne défiasse pas 85 p. 100, excef>-
tionnellement 95 p. 100, du poids du sucre décomposé. Un certain
nombre de produits secondaires se forment au cours de la réac-
tion : acide butyrique, acide acétique, alcool, acide carbonique,
quelquefois de l'hydrogène, en proportions variables selon la
nature du germe.
80 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

L'acide lactique de fermentation se présente sous trois formes :


droit et gauche, suivant la manière dont il agit sur la lumière
polarisée, et raeémique dont le pouvoir rotatoire est nul. C'est ce
dernier que l'on obtient dans la plupart des fermentations lac-
tiques spécifiques. Plusieurs microbes produisent l'un ou l'autre
des acides actifs, d'autres un mélange d'acide raeémique et d'un
acide actif.
Il n'existe pas, comme pour la fermentation alcoolique, de
relation étroite entre la structure stéréochimique de la molécule
attaquée et la nature des produits de la fermentation. Un même
ferment agissant sur un même sucre peut, selon les conditions
de sa culture, donner naissance à des produits différents ou, ré-
ciproquement, des produits identiques aux dépens de sucres diffé-
rents. D'après Péré, la variété des acides produits à partir des
sucres par le bacille typhique et les bacilles coliformes tient à la
fois à la proportion et à la nature de ces substances fermentes-
cibles, autant qu'à la nature et aux proportions de l'aliment
azoté contenu dans le milieu de culture.
Les ferments lactiques jouent un rôle important dans un grand
nombre d'industries : laiterie, distillerie, tannerie et dans la
préparation de divers produits alimentaires (choucroute). Ce
serait également, d'après Buchner, par l'intermédiaire d'une
diastase, Vacidolactadase, qu'ils transforment le sucre en acide
lactique.
C. — Conditions de la fermentation.

Les ferments lactiques aérobies n'agissent qu'en présence


d'oxygène libre ; d'autres sont anaérobies, d'autres enfin aéro-
anaérobies. Une température de 30 à 35° convient particulière-
ment à la fermentation. Quelles que soient les précautions prises,
la formation d'acide lactique dans les milieux artificiels s'arrête
lorsque le taux de ce corps atteint environ 8 p. 100. Dans le lait,
elle se poursuit encore quelque temps, grâce à la fixation d'une
partie de l'acide par la caséine et les phosphates.
On obtiendra une bonne fermentation lactique dans le milieu
suivant, composé de 100 grammes de sucre dissous dans un
litre d'eau, 10 grammes de vieux fromage et du carbonate de
chaux en excès pour neutraliser l'acide au fur et à mesure de
son apparition. La culture doit être maintenue à 30-35° dans un
vase ouvert qu'on remue de temps en temps. Après huit à dix
jours, la transformation du sucre est accomplie.
FERMENTATIONS 81
Les ferments lactiques se développent mieux dans les milieux
neutres. Ceux du lait produisent, en général, 0,4 à 0,7 p. 100
d'acidité exprimée en acide lactique ; dans le yoghourt, cette
acidité peut atteindre 2 à 5 p. 100. La présence de peptones ou
de caséine, parfois des deux, est nécessaire à la culture des fer-
ments lactiques. Aucune végétation n'apparaît dans les-milieux
synthétiques ne renfermant, comme source d'azote, que'des sels
ammoniacaux ou des acides aminés.

V. — Fermentation butylèneglycolique.

La fermentation butylèneglycolique est caractérisée par la


formation du 2-3 butylèneglycol, de Pacétylméthylcarbinol et
du diacétyle. Un ou deux de ces trois produits peuvent manquer.
Le plus fréquent est l'acétylméthycarbinol, le plus rare, le dia-
cétyle.

Cette fermentation est produite par un grand nombre de


microbes qu'on trouve partout : dans les sols, dans les eaux de
rivière ou d'égout, dans les fumiers, etc.. On peut citer les bacilles
du groupe du Subtilis, ceux du groupe du B. lactis aerogenes, le
B. prodigiosus, le B. proteus, dans certains cas les ferments
acétiques et, parmi les microbes pathogènes, ceux du charbon,
de la diphtérie, du choléra et les staphylocoques (M. Lemoigne).
La fermentation butylèneglycolique s'effectue aux dépens de
tous les glucides que ces bactéries peuvent attaquer. Elle peut
également être due à la transformation de produits ternaires plus
simples, tels que la glycérine, l'acide lactique, l'acide pyruvique
et l'aldéhyde acétique. Son mécanisme est très obscur. Le
schéma le plus correct actuellement proposé est le suivant :

2e éditr
MicrobiologieGÉïsÉftALE 6
82 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
La signification physiologique de cette fermentation est tout
â fait inconnue. N'est-el.le qu'un processus particulier de la dislo-
cation des composés ternaires ou une phase de la synthèse de
composés plus complexes? On ne peut encore répondre à cette
question.
Pratiquement, la fermentation n'a jusqu'à
' donné lieu à aucune butylèneglycolique
jDrésent application industrielle. Cepen-
dant, elle joue un rôle très important dans la dégradation des
sucres. On doit la classer à côté des fermentations lactique et
alcoolique, qui l'accompagnent souvent.

VI. — Fermentation butyrique et butylique.


Cette fermentation, caractérisée par la formation en quantité
importante d'acide butyrique ou. d'alcool butylique normal, est
très communément observée. Tantôt elle est produite par des
microbes aérobies, comme le bacille butyrique de Hueppe, tantôt.
et le plus souvent, elle s'accomplit à l'abri de l'air : Vibrion de
Pasteur, Closlridium, de Prazmowski ; Amylobacler de van
Tieghem, bacille amylozyme de Perdrix, B. orthobulylicuft de
Grimbert, etc., anaérobies mobiles et sporulés. Très répandus dans
le lait, les fromages, le sol, les fumiers, les macérations aqueuses
de graines riches en matières protéiques, etc., ces microbes se
développent dans les milieux neutres ou alcalins. Leur tempéra-
ture optimum d'action est de 35°.
Fréquemment, la fermentation butyrique succède à la fermen-
tation lactique, par décomposition des lactates formés au cours
du phénomène zymotique initial. Il n'est donc pas étonnant que
dans son travail fondamental, Pasteur ait décrit, pour la première
fois, comme fermentation butyrique, la transformation micro-
bienne du lactate de chaux.
Les substances attaquées sont très diverses : certaines cellu-
loses ; des polysaecharides, amidon, dextrine, inuline ; des
sucres, glucose, lactose, saccharose ; des sels organiques,'lactate
de chaux; des albuminoïdes et jusqu'aux matières grasses conte-
nues dans le lait. La décomposition du lactate de chaux s'effec-
tue selon la formule :

Di et polysaecharides sont également hydrolyses avant de


subir la fermentation.
FERMENTATIONS 83
De même, les produits de la fermentation sont extrêmement
variés. Ils dépendent de la matière fermentescible, du ferment
et de l'âge de la fermentation. Ce sont, en dehors de l'acide buty-
rique qui domine, de l'alcool butyrique normal, de petites quan-
tités de CO2, H, acide' acétique, acide formique, etc. Dans la
fermentation butylique, il y a production de quantités très appré-
ciables d'acétone (A. Fernbach).
Il est absolument impossible, tant les phénomènes sont com-
plexes, de donner une idée générale de la fermentation, ou plutôt
des fermentations butyriques, qui se relient d'une j>art aux altéra-
tions bactériennes de la cellulose et, d'autre part, à la réduction
desels organiques relativement simples, commele lactate de chaux,
en passant par les dislocations variées des sucres.
On réalise facilement cette fermentation en ensemençant, avec
de la terre ou du vieux fromage, un milieu composé de 100 gram-
mes d'amidon ou de dextrine, 1 gramme de sel ammoniac et
50 grammes de carbonate de chaux dans deux litres d'eau.

VII. — Fermentation des corps pectiques.


Les faisceaux fibreux du chanvre et du lin contiennent une
grande quantité de matières pectiques, qui donnent, par hydro-
lyse, des pentoses et des hexoses. Pendant l'opération du rouis-
sage, divers microbes de l'eau, comme le Bacterium amylobacter
(van- Tieghem), le Bacillus subtilis (Marinier), le Granulobacier
pectinovorum (Beijerinck et V. Delden), le Plectridium pectino-
vorum (Stormer) attaquent les pectines des fibres, grâce à leur
diastase la pectosinase, et les transforment en sucres, qui sont
ensuite détruits. Les tiges de chanvre et le lin ainsi dissociés
forment la filasse souple et élastique. Selon les microbes qui
interviennent, les produits de cette fermentation sont les acides
'
lactique, acétique et surtout butyrique. Lorsque les eaux de
rouissage sont riches en sels calcaires, une partie de la pectine
coagulée par la pectase reste sur la fibre végétale où elle forme un
vernis brillant.
Limitée jusqu'en ces dernières années à quelques régions, dont
les eaux sont particulièrement favorables, l'industrie du rouis-
sage a été considérablement améliorée, comme l'industrie de la
brasserie, par l'introduction des cultures microbiennes pures.
Le Plectridium pectinovorum et le Granulobacter pectinovorum
sont, à cet effet, largement employés.
84 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

VIII. — Fermentation de la cellulose.


Dans îes fumiers et l'eau stagnante des marais, riches en débris
végétaux de toutes sortes, des fermentations se produisent conti-
nuellement. Un abondant dégagement gazeux les accompagne,
qui se traduit par l'émission- de bulles au sein des eaux. Non seu-
•lement les sucres réducteurs, les tanins et les gommes, mais encore
la cellulose des fibres végétales sont ainsi décomposés, et leurs
constituants font retour au milieu extérieur sous la forme sim-
plifiée de carbures d'hydrogène, de CO2, d'EPO. Cette destruc-
tion est l'oeuvre de microbes aérobies et de microbes anaérobies,
de bactéries principalement, qui pullulent dans lé sol, dans les
déjections animales et les limons.
Suivant la nature très variée des celluloses et les microorga-
nîsmesqiii interviennent, la marche et les produits de la fermen-
tation diffèrent. La fermentation anaérobie décrite par Hoppc-
Seyler s'effectue en deux stades, dont le premier est une
hydrolyse :

Dans certaines circonstances, surtout lors de fermentation


anaérobie, il se forme, avec de l'hydrogène et de l'acide carbo-
nique, des acides acétique et butyrique et des produits volatils :
alcool, acide valérianique, etc...
La fermentation aérobie de la cellulose est produite par des
champignons : Mucor stolonifer, Dematium pullulons, Botrytis
vulgaris, Cladosporium -herbarum dans les milieux acides, et
par des bactéries dans les milieux neutres ou alcalins. Oméliansky
a cultivé deux espèces de bactéries anaérobies qui attaquent la
cellulose du papier Berzélius en dégageant l'une de l'hydrogène,
l'autre du méthane. Toutes deux agissent en l'absence de nitrates.
Pans la nature, la fermentation forménique semble se greffer
FERMENTATIONS 85
, sur les fermentations acétique et butyrique dont les produits
sont assimilés par les ferments de la cellulose.

IX. — Fermentation acétique.

Souvent, lorsqu'on les expose à l'air, les boissons alcooliques,


le vin notamment, se recouvrent d'un voile mince, gras, velouté,
et dégagent une odeur caractéristique de vinaigre, pendant que
le liquide alcoolique sous-jacent se transforme en s'acidifiant de
plus en plus.

A. — Ferments acétiques.

Kiïtzing, le premier, a observé que le voile, mère du vinaigre, est


constitué par un amas de microcoques. Mais c'est à Pasteur que
nous devons la description précise de ces germes et l'étude du
phénomène de l'acétification qu'ils provoquent.
Les bactéries acétiques de Pasteur sont des organismes aérobies
de 0,3 ij.à 1 \j. de large. Ordinairement disposés en chaînettes de
diplobactéries, elles se reproduisent par division transversale.
Très polymorphes, elles prennent les formes les plus variées
et les plus monstrueuses lorsque leurs conditions d'existence
viennent à changer : formes d'involution renflées, filamenteuses,
atteignant jusqu'à 200 p. de long. D'autres espèces microbiennes
jouissent également de propriétés acétifiantes très marquées, en
ce sens que l'acide acétique représente le produit principal de
leur action sur l'alcool : Bacterium Pasfeurianum et B. Kutzin-
gianum de Hansen, B. oeylinum et B. rances. Elles se distinguent
par l'aspect de leur voile, leur pouvoir ferment, leur mode de
nutrition et leur optimum thermique d'action, qui varie de 20
à 30°. Le chauffage en milieu humide les tue rapidement, mais,
desséchées, elles résistent à l'ébullition.
Ces microbes, très répandus dans le milieu extérieur, sont sou-
vent transportés dans les liquides acétifiables par un insecte,
la mouche du vinaigre : Drosojjhila altaris. On les cultive facile-
ment dans les milieux additionnés d'un peu d'acide acétique ;
mais les acides propionique et butyrique, lactique, succinique,
malique, tartrique leur sont nuisibles, même à la faible dose de
0,4 à 1 p. 100.
86 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

B. — Mécanisme de la fermentation.

La fermentation acétique consiste essentiellement en une oxy-


dation de l'alcool éthylique. Tous les alcools et les composés
hydrocarbonés renferment, dans leur molécule, un ou plusieurs
groupements susceptibles d'une oxydation plus ou moins com-
plète. Cependant, les divers microbes oxydants se comportent
différemment vis-à-vis des alcools homologues de l'alcool éthy-
lique : B. aceti, B. Pasteurianum et B. Kutzingianum oxydent
plus ou moins facilement l'alcool propylique, mais seules les
deux dernières espèces attaquent l'alcool butylique normal et
l'alcool isobutylique. L'alcool amylique n'est attaqué que par
B^ Kutzingianum.
Le mécanisme général des oxydations microbiennes est mieux
connu depuis les travaux de G. Bertrand sur la bactérie du sor-
bose. Cette bactérie oxyde la sorbite, alcool polyatomique, et la
transforme en un sucre réducteur, le sorbose. Parmi les alcools
polyatomiques et les sucres qui renferment tous, dans leur molé-
cule, une ou plusieurs fonctions alcool primaire ou secondaire,
formant, selon la position des éléments II et OIT, des composés
stéréoisomères, la bactérie du sorbose attaque uniquement les
FERMENTATIONS 87

des corps cétoniques. Dans les mêmes conditions, la glycérine est


d'abord transformée en dioxyacétone.
|f Tous les sucres possédant une fonction aldéhyde ou cétone
sont également susceptibles d'être oxydés par voie biochimique.
La bactérie du sorbose transforme en acide correspondant, les
sucres .aldéhydiques :

Sous l'action de B. aceii, B. oxydons, B. xxjlinum, B. Pasteu-


rianum, le glucose passe ainsi à l'état d'acide gluconique.
Les ferments acétiques attaquent non seulement l'alcool éthy-
lique, 'mais encore ses homologues, l'alcool propylique, l'alcool
butylique normal, l'alcool isobutylique, en donnant naissance à
l'acide correspondant. Ils oxydent de même l'érythrite, la sorbite,
la mannite, en produisant principalement des sucres, érythrose,
sorbose, mannose, transformés ultérieurement en acides : le
glucose en acide gluconique, le galactose en acide galactonique.
Les autres saccharides ne sont pas ou peu attaqués.

C. — Conditions de la fermentation.

Une forte aération est nécessaire pour l'oxydation de l'alcool


en acide acétique par les ferments. Si l'apport d'oxygène est
insuffisant, l'alcool, au lieu de s'acidifier, se transforme en aldé-
hyde. La teneur en alcool doit atteindre 10 p. 100 pour éviter
que l'aldéhyde intermédiaire (éthanal) apparaisse seul dans le
liquide. Si l'alcool fait défaut et si l'oxydation est trop intense,
l'acide est finalement décomposé en CO2 et H20.

L'acétification se produit de préférence entre 20 et 30° ; elle


cesse lorsque la quantité d'acide formé atteint 10 à 12 p. 100.
A côté du B. aceti, on observe parfois, dans le voile qui recouvre
le liquide fermentescible, un microorganisme assez volumineux,
analogue à la levure de bière, c'est le Mycoderma vini, qui brûle
à la fois l'acide acétique et l'alcool en CO2et Ii 20. Il convient donc
d'éviter toute contamination par ce germe. On -y parvient en
additionnant les milieux de 2 p. 100 de vinaigre avant l'ensemen-
cement du B. aceti. C'est ainsi qu'on procède dans la fabrication
88 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
industrielle du vinaigre, dont les procédés sont au nombre de
trois :
1° Procédé de Pasteur. — Il consiste à déposer en couche mince
de 20 à 25 centimètres, un mélange de deux parties de vin et d'une
partie de vinaigre, et à ensemencer la surface avec un fragment
de voile provenant d'un milieu en fermentation. On aère large-
ment et, de temps en temps, en évitant de déchirer le voile, on
ajoute du vin dans la partie inférieure, jusqu'à ce que la fermen-
tation se ralentisse. On la laisse ensuite s'achever.
2° Procédé d'Orléans. — L'acétification du vin se fait en couche
profonde, dans des tonneaux aérés par des bondes ; aussi est-elle
plus lente et plus fréquemment interrompue par les maladies du
vinaigre causées surtout par des anguillules. Mais la simplicité
du procédé est telle, que, malgré ses inconvénients, il ne cesse
d'être employé. Il permet d'obtenir un rendement, d'ailleurs
assez faible en vinaigre très apprécié pour son bouquet.
3° Procédé allemand ou de Schùtzenbach. — On fait couler len-
tement les liquides alcooliques (flegmes de distillerie addition-
nées d'un peu de bière tournée) sur des copeaux de hêtre, à la sur-
face desquels s'est développé le B. aceti. Ces copeaux sont disposés
dans des tonneaux constamment traversés par un courant d'air.
La méthode est très rapide, mais dispendieuse, à cause de l'énorme
perte d'alcool, jusqu'à 25 p. 100, qu'elle entraîne.
L'oxydation de l'alcool est favorisée par la présence de doses
1
infimes : de sulfate de manganèse,
s > par
i l'uranium et
40 000
certaines substances colloïdales. L'addition d'oxyde de fer ou
de noir animal au ferment augmente son rendement de 30 à
40 p. 100 (Sohngen).

X. — Fermentation gluconique et oxygluconique.


Due à un microcoque : M, oblongus (Boutroux), elle peut être
également provoquée, comme nous l'avons vu, par B. aceti,
B. xylinum, B. oxydans, B. Pasteurianum. Elle est caractérisée
par l'oxydation du glucose,

XI. — Fermentation ammoniacale.


Abandonnée à l'air, l'urine se trouble et devient alcaline par
transformation de l'urée en carbonate d'ammoniaque. En même
FERMENTATIONS 89

temps, il se forme un dépôt de phosphate et de matières orga-


niques.
Pasteur a démontré, en 1860, que la fermentation ammoniacale
est ordinairement due à l'action d'un microcoque en chapelet
que van Tieghem étudia ensuite sous le nom de Micrococcus
urese. On a reconnu depuis qu'un-grand nombre de germes jouis-
sent de la même propriété : Urobacilles sporulés, Urococci, Vro-
sarcines et jusqu'à des moisissures.
Ces microorganismes se développent facilement dans l'urine
et dans les milieux additionnés d'urée ou d'acides aminés. Ils
sont aérobies, bien que de petites quantités d'oxygène leur suffi-
sent généralement, et se montrent très sensibles à la lumière.
Leur température optimum d'action oscille entre 30 et 33°.
Une réaction acide des milieux est préjudiciable à leur culture.
Par contre, ils supportent une alcalinité ammoniacale très, forte,
correspondant à 12 p. 100 de carbonate d'ammoniaque.
Les ferments ammoniacaux peuvent trouver dans les humâtes
les substances hydrocarbonées nécessaires à leur nutrition.
Certains d'entre eux décomposent l'acide hippurique en acide
benzoïque et glycocolle, puis le glycocolle en ammoniaque.
D'autres, l'acide urique en CO2 et NH 3, avec production inter-
médiaire d'urée, d'allantoïne et d'acide oxalique.
Tous hydrolysent l'urée, grâce à une diastase, Vuréase, suivant
la formule générale :

Mais le carbonate d'ammoniaque ainsi formé, très instable,


s'altère presque immédiatement et se transforme en sesquicar-
bonate et en bicarbonate, avec dégagement de NH 8.
Le rôle des ferments de l'urée dans la dégradation de la matière
organique est d'une extrême importance. En simplifiant, jusqu'au
stade ammoniacal, les matières azotées d'origine animale, ils
créent une abondante source d'azote utilisable par les végétaux.
Les sels ammoniacaux, attaqués à leur tour par les microbes
nitrificateurs, sont transformés en nitrates directement assi-
milés par les plantes, pour l'édification de leurs tissus.
CHAPITRE IX

NITRIFICATION ET DÉNITRIFICATION

I. NlTItlFICATION.
Il existe, en divers points du globe, d'immenses gisements de
nitrates qui constituent une précieuse source d'engrais minéral
pour l'agriculture : efflorescences de nitrate de potasse des Indes,
de l'Egypte, etc., bancs de nitrate de soude du Chili et du Pérou ;
nitrate de chaux des terres nitrées de l'Amérique du Sud. A une
plus petite échelle, on peut observer la formation des nitrates alca-
lins sur les murs humides et dans les caves, où ils s'accumulent à
l'état de salpêtre. Enfin le sol est le siège d'une incessante et invi-
sible formation de sels ammoniacaux, dont le rôle est capital,
car elle prépare aux végétaux supérieurs leurs aliments azotés
essentiels.
D'abord attribuée à des phénomènes catalytiques, ou à l'action
de l'ozone sur l'ammoniaque,- la nitrification est provoquée par
des mieroorganismes spécifiques, comme Sehloesing et Muntz,
Warrington l'avaient, les premiers, supposé. Très active dans la
terre fraîche, elle ne se produit plus, en effet, dans la terre chauffée
à 70° ou additionnée d'antiseptiques, et elle est favorisée, à la
température de 37°, par des matières organiques : glucides,
glycérine, alcool, blanc d'ceuf. Un excès de base alcaline l'en-
trave. Mais si leur présence était logiquement démontrée par les
précédents auteurs, la nature des germes nitrificateurs restait
ignorée. Elle devait être bientôt connue, grâce aux belles re-
cherches de Winogradsky.
Dans un milieu purement minéral composé de :

Sulfate d'ammoniaque 1 gramme.


Biphosphate de potasse !" 1 gramme.
Carbonate de magnésie : . 5 à 10 gr."
Eau 1 000 c.c.
NITEIFICATIONET DÉNITRIFICATION 91

ensemencé d'un peu de terre, le savant russe observa l'apparition


successive de nitr-ites et de nitrates aux dépens du sel ammonia-
cal. En même temps, une abondante flore microbienne se déve-
loppait dans le liquide et formait un voile à sa surface. Wino-
gradsky reconnut dès lors que cette double décomposition du sul-
fate d'ammoniaque était l'oeuvre de deux espèces microbiennes
distinctes : un ferment nitreux qui amène NH 3 à l'état de nitrite
et un ferment nitrique qui transforme le nitrite en nitrate. Grâce
aux travaux ultérieurs du même auteur, d'Oméliansky, de Boul-
langer, de Massol, de Beijerinck, la purification de ces germes
nitrificateurs et leur culture peuvent être aujourd'hui aisément
réalisées sur des milieux sélectifs à base de silice gélatineuse ou
de gélose, auxquels on incorpore diverses substances minérales.
Plusieurs espèces de ferments nitreux ont été ainsi isolées dans
]es diverses, parties du monde. Ce sont des bactéries qui appar-
tiennent à deux genres : les Nitrosococci, petits éléments arrondis,
immobiles, de 3 \i. de diamètre (N. de Quito et N. du Brésil) et
les Nitrosomonas, bâtonnets courts, ciliés et mobiles, dont les
principales espèces sont : Àr. Europem des terres d'Europe,
Afrique et Japon, caractérisé par la présence d'un cil court, et
N. Javanica pourvu d'un cil long, qui affectent souvent, dans
les cultures, la forme zoogléique. Tous sont aérobies et très sen-
sibles à la chaleur ; un chauffage à 40-42° les tue en cinq minutes.
Leur aspect, surtout celui des ferments européens varie avec la
composition du milieu et l'âge de la culture. Us poussent facile-
ment à 37°, température optimum, dans les solutions minérales
additionnées d'une base alcalino-terreuse (carbonate de chaux).
L'ammoniaque et les nitrites en excès suspendent leur activité.
Seul l'azote ammoniacal subit la nitrification ; l'azote des
protides, des aminés, des amides et de l'urée n'est pas directe-
• ment transformé par les ferments; les peptones, à des doses supé-
rieures à 0,025 p. 100, retardent ou empêchent le phénomène,
de même le glucose. L'oxydation de l'ammoniaque s'accompagne
d'un.' dégagement de chaleur que les ferments utilisent pour dé-
composer l'acide carbonique et les carbonates, dont ils assimilent
le carbone.
On ne connaît qu'un ferment nitrique, la Nitrobactérie isolée,
en 1891, d'une terre de Quito, par Winogradsky. C'est un bâton-
net immobile, 'aérobie, qui se développe abondamment à 37°,
mais ne résiste pas à un chauffage à 55° prolongé pendant cinq
minutes. La nitrobactérie n'agit que sur les nitrites, dont elle oxyde
92 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

jusqu'à 20 grammes par litre, quand on ajoute le sel progressive-


ment (Boullanger et Massol). Elle est moins sensible aux matières
organiques que les ferments nitreux, beaucoup plus aux sels de
l'ammoniaque. Toutefois, ces sels ne sont nuisibles qu'en présence
de substances capables de libérer NH 3 en quantités appréciables.
L'ammoniaque n'agit d'ailleurs qu'en entravant la prolifération
des microbes ; elle est sans effet sur les germes adultes. Comme les
ferments nitreux, la nitrobactérie assimile le carbone de CO2
et des carbonates, grâce à la chaleur produite par l'oxydation
de l'acide nitreux.
Ferments nitreux et ferments nitriques sont très abondam-
ment répandus dans la terre qu'ils enrichissent incessamment en
azote. Une bonne aération du sol convient à leur développement
et à leur dissémination. Si l'apport d'oxygène libre est insuffisant,
la nitrification est suspendue et se trouve remplacée par le pro-
cessus microbien antagoniste de dénitrification. L'humidité doit
être modérée : 18 p. 100 environ, d'après Coleman ; excessive,
elle favorise la dénitrification ; insuffisante, la multiplication des
bactéries s'en trouve gênée. La lumière est également nuisible.
Expérimentalement, l'optimum thermique d'action des germes
nitrifiants est de 37°. Dans les conditions naturelles, l'oxydation
de l'ammoniaque commence à 5° et atteint son maximum entre
24 et 30° suivant les terrains (Muntz et Laine).
Une bonne nitrification ne se produit que dans les sols légère-
ment alcalins; des terres acides, comme la terre de bruyère et
la terre de certaines forêts, sont défavorables, de même que les
sols rendus trop alcalins par un chaulage trop abondant. Les
sels de manganèse à dose modérée (112 kilogrammes par hectare)
activent l'oxydation de l'azote ammoniacal (Brown et Minze), de
même les composés arsenicaux à dose minime. Mais les sels de
sodium : NaCl à 0,9 p. 1 000, SO4 Na 2 à é p. 1 000, C08Na à
2,5 p. 1 000, et à des doses plus faibles lorsqu'ils sont associés, se
montrent toxiques.
Très sensibles, dans les milieux artificiels, à la présence des
matières organiques qui paralysent leur action, les ferments
nitreux ne sont pas incommodés par l'humus des sols lorsque
l'humidité est convenable et la température optimum.
Nous avons vu que, dans les liquides nutritifs, l'oxydation de
l'azote, s'effectue en deux stades :transformation de l'azote ammo-
niacal en azote nitreux par les ferments ' nitreux, puis for-
mation de nitrates par les ferments nitriques. Dans la nature,
NITRIFICATIONET DÉNITEIFICATION 93

au contraire, les deux phénomènes paraissent se produire simul-


tanément : les deux espèces nitrifiantes vivent en contact, de
telle sorte que la phase nitreuse passe souvent inaperçue. En
outre, les microbes nitrifiants, incapables d'oxyder l'azote
protéique, sont aidés dans leur action par les germes qui disloquent
la matière organique et en libèrent l'azote ammoniacal. Ainsi est
complété le cycle de la dégradation microbienne des matières
azotées, depuis la matière vivante jusqu'au stade minéral, depuis
les protides complexes jusqu'aux nitrates qui, assimilés par les
végétaux supérieurs, serviront à l'édification de leur propre
substance et à l'entretien de leur activité.

II. DÉNITRIFICATION.
Par un processus inverse des précédents, d'autres micro-
organismes décomposent les nitrates : ce sont les germes déni-
trifiants qui se répartissent en deux groupes, selon le terme de
leur action sur les matières azotées : 1° les bactéries dénitrifiantes
vraies, qui décomposent les nitrates et les nitrites jusqu'au terme
azote ; 2° les bactéries dénitrifiantes indirectes, qui n'attaquent
les nitrates que par l'intermédiaire des substances amidées et
dont l'action s'arrête au stade nitrite.
Toutes ces bactéries pullulent dans l'air, l'eau, le sol, les débris
organiques. Gayon et Dupetit (1886) en ont isolé les premières
espèces : Bacillus denitrifians a et fi, aérobies, très avides d'oxy-
gène qu'ils empruntent aux nitrates lorsque l'aération de leurs
milieux est insuffisante. Dans le bouillon nitrate, additionné d'as-
paragine, elles produisent NO. D'autres microorganismes comme
B. denitrifians de Giltay et Aberson, B. denitrifians II de Bûrri
et Stûzer donnent naissance à de l'azote pur, indemne de pro-
toxyde d'azote.
La propriété dénitrifiante, très commune chez les microbes
saprophytes, ne leur est pas spéciale. De nombreux germes patho-
gènes comme Stayhylococcus citreus, le bacille pyocyanique, le
vibrion cholérique, la bactéridie charbonneuse, le microbe du
choléra des poules décomposent également lesnitrates en nitrites,
ammoniaque et azote. Le Bacterium coli ne réduit les nitrates en
nitrites que lorsque le milieu où ils se développent contient à la
fois des substances aminées o.u amidées et des aliments carbonés
fermentescibles, dont les produits de transformation acidifient les
milieux.
94 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
Pour libérer l'azote de ses combinaisons, il est nécessaire que
les microbes dénitrifiants disposent d'une certaine quantité
d'énergie. Celle-ci leur est fournie principalement par des com-
posés hydrocarbonés : alcools polyatomiques (glycérine, man-
nite) ; sucres ; acides organiques (lactique, citrique, malique,
butyrique, propionique) et leurs sels calciques ; amidon ; pento-
sanes ; celluloses. Les acides organiques sont utilisés directement,
mais les glucides doivent être disloqués, au préalable, par les
bactéries de la putréfaction. Dans les conditions naturelles, les
glucides sont apportés par les fumiers. Quelques microbes déni-
trifiants, comme Thiobacillus denitrifians, trouvent, dans les
combinaisons du soufre, les calories nécessaires à la décomposition
des nitrates.
Une température et une aération modérées du sol favorisent
le développement et l'action ' des bactéries dénitrifiantes :
63,9 p. 100 des nitrates sont décomposés à 17°,5, au lieu de
10 p. 100 à 32°, et 23,3 p. 100 à 9P (Guistani). La déni tri fication
est particulièrement intense dans les sols très humides et en pré-
sence de fumiers frais.
Un tel processus, en libérant sous sa forme gazeuse l'azote
minéral indispensable à la nutrition des végétaux supérieurs, est
fort préjudiciable à l'agriculture. On le combat surtout par l'in-
corporation au sol de superphosphates, dont la réaction acide est
nuisible aux germes dénitrifiants, et par- l'addition de chaux qui
jouit d'un pouvoir antiseptique assez marqué. Il convient égale-
ment de ne pas associer les fumiers frais aux nitrates employés
comme engrais et, surtout, de favoriser l'action antagoniste des
microbes nitrifiants par l'ameublissement des terres.
CHAPITRE X

PUTRÉFACTION

Les diverses actions microbiennes que nous venons d'envisager


ont pour résultat de restituer au sol, aux eaux et à l'atmosphère,
sous forme d'aliments simples, l'oxygène, l'hydrogène, le carbone
et l'azote primitivement engagés dans descombinaisons organiques '
complexes.
Schématiquement, les matières mortes, animales et végétales,
sont formées de glucides (hydrates de carbone), de lipides (ma-
tières grasses), de protides (substances protéiques) et de sels miné-
raux en j^roportions variables. L'étude des diverses fermenta-
tions nous a précédemment montré les modes multiples de la dislo-
cation des matières hydrocarbonées. Repris par des bactéries et
des moisissures, les produits de ces fermentations sont finale-
ment réduits à l'état de CO2 et d'H 20. Les matières grasses résistent
davantage à la destruction. Elles doivent d'abord subir un dédou-
blement en glycérine et en acides gras ; la glycérine ainsi libérée
est facilement décomposée par de nombreux microorganismes et
les acides gras disparaissent sous l'action des moisissures, prin-
cipalement. Quant aux substances protéiques, dont la dislocation
répond plus spécialement à l'idée vulgaire de putréfaction, elles
sont dégradées par de nombreux microbes aérobies et anaérobies,
qui les attaquent au moyen de diastases et entrent en jeu succes-
sivement.

I. — Putréfaction des tissus animaux.

Parmi les germes putréfiants, Tissier distingue des ferments


simples qui trouvent, surtout dans les matières protéiques, leurs
aliments plastiques • et leurs aliments,énergétiques, et des fer-
ments mixtes qui décomposent, à la fois, les protides, les glucides
et les lipides.
96 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

, Les ferments simples attaquent peu ou pas les sucres et dé-


truisent lesmatières albuminoïdes en produisant de l'ammoniaque
qui communique au milieu une réaction alcaline croissante
(alcalinitéd'arrêt). On les classe en trois groupes: protéolytiques,
peptolytiques et acidaminolytiques, suivant qu'ils attaquent les
matières albuminoïdes et leurs dérivés à l'état de protéines, de
peptones ou d'acides aminés. Ce sont les premiers qui détruisent
les plus grandes quantités d'albuminoïdes ; les uns, anaérobies :
B. putrificus, B. colicogenes, B. histolyticus hydrolysent rapide-
ment la molécule protéique avec dégagement gazeux, fétide, en
albumoses d'abord, puis en acides aminés, sans produire d'indol
ni de phénol; les autres, aérobies': b. pyoayanique,[B. mesentericus
décomposent lentement les protides jusqu'au stade ammoniacal
avec un dégagement gazeux très faible ou nul.
Dans les ferments simples peptolytiques, on range des microbes
anaérobies : Diplococcus orbiculus, B. proecutus, B. ventricosus, etc.,
dont les propriétés sont assez mal connues. Ils utilisent surtout
les peptones et peu les sucres, en acidifiant faiblement les milieux.
Les ferments simples pepto-aminolytiques : B. foecalis aerogenes,
Proteus Zenkeri assimilent les déchets des précédents microbes et
donnent naissance à une grande quantité d'ammoniaque.
Les ferments mixtes se divisent également en protéolytiques,
peptolytiques et peptoaminolytiques. Ils attaquent avec une inten-
sité particulière, les glucides qu'ils transforment en acides orga-
niques. Sous leur action, l'acidité des milieux croît ainsi jusqu'à
un maximum ou acidité d'arrêt qui suspend la fermentation
putride.
D'après leurs caractères biologiques, Tissier distingue trois
groupes de ferments mixtes protéolytiques : le groupe des pyo-.
gènes, celui du B. perfringens et celui du Vibrion septique. Parmi
les pyogenes, on rencontre : Streptoeoecus pyogenes, Staphylo-
coccus pyogenes et Proteus vulgaris ; les deux premiers agissent
au début dçs putréfactions, surtout en présence de matières sucrées.
-Ils ne donnent pas de gaz, tandis que le Proteus décompose les
matières albuminoïdes jusqu'au stade NH 3. Le groupe du B.
perfringens comprend : B. perfringens et B. bifermentans, tous
deux anaérobies stricts et ferments puissants des graisses et des
sucres. Dans le troisième groupe, figurent les microbes anaérobies
de la gangrène et B» sporogenes. Ils hydrolysent beaucoup plus
activement les matières albuminoïdes que les précédents et
attaquent également les sucres,
PUTEÉFACTION 9"?
Les jermcnls mixtes peptolytiques n'agissent qu'en présence
d'une forte proportion de sucre. Leur acidité d'arrêt est, en géné-
ral, plus élevée. Suivant l'acide qu'ils produisent en plus ou
moins grande abondance, on les classe en :
Ferments acétiques (B. bifidus, B. acidophilus, Entero-
coque, etc.) ;
Ferments lactiques (B. acidiparalactici) ;
Ferments butyriques (B. saccharobutyricus, B. lacto-
propylbutyricus).
Les ferments mixtes peptoaminolytiques assimilent à la fois les
peptones et surtout les acides aminés. Ils attaquent moins les
sucres que les précédents, mais produisent beaucoup de NH 3.
Certains : B. lactis aero gènes et B. amiiiophilus de A. Berthelot
et Bertrand donnent des phénols aux dépens de la tyrosine,
d'autres comme le B. coli, donnent de l'indol aux dépens du
tryptophane.
Voici, d'après Fffront, les principaux' corps- qui prennent rïais-
sanoe au cours de la fermentation putride dés matières albùmi-
îïoïd-es : de l'ammoniaque et des aminés (éthyl, prô'pyl et tri-
méthylamine) ; des acides volatils normaux et leurs isomères,
comprenant tous les termes de la série grasse jusqu'à l'acide
caproïqu-e (les plus fréquents sont les acides acétique et bùty
rique) ; des acides et oxyacides aromatiques (acides phénylpfo
pionique, oxypliénylacétique et oxyphénylpropionique) ; du
phénol, de l'indol, du scatol, du pyrrol et ses dérivés en propor-
tions parfois très faibles ; des dérives sulfurés (méthylmercap
tan) ; des acides aminés divers (leucinc, tyrosine, trypto-
phane, glyeocolle quelquefois) ; enfin des ptomaïnes variées
.(putrescine, cadavérine, guanidine, choline, neuriiie, pyri
dine, etc.).
De même que les microbes des fermentations, les germes de la
putréfaction agissent par l'intermédiaire de diastases : pro-
téases, trypsine, érepsine, amidase pour les matières albumi-
noïdes et leurs dérivés ; lipases pour les graisses, enzymes diverses
pour les sucres. Ils interviennent successivement dans la décom-
position des tissus animaux : d'abord les ferments mixtes aérobies,
qui produisent des acides aux dépens des sucres ; puis le B. coli,
qui donne NH 3 et neutralise l'acidité primitive. Plus tard, les —
anaérobies augmentent la formation de peptones et de.NIî\Vi!
saponifient les graisses et détruisent la glycérine. En neimier
lieu, apparaissent les ferments simples protéolytiques qtoTaecp-j
'
Microbiologie,générale, 2° édit. \ " 1•
98 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

lèrent la dégradation des protides, et les ferments simples pepto*


lytiques et peptoaminolytiques qui l'achèvent (Tissier);

II. — Putréfaction intestinale.

Stérile au moment de la naissance, le tube digestif dés ani-


maux est immédiatement envahi par les microorganismes ingérés
avec le lait. Ces germes ne tardent pas à pulluler, surtout dans le
gros intestin. Ils attaquent les produits de la digestion gastro-
intestinale et les aliments eux-mêmes.
Une fermentation bactérienne méthanique décompose la cellu-
lose des aliments végétaux en acides acétique, propionique, buty-
rique, etc.. CO2,H, CH4. Les matières amylacées sont sacchari-
fiées, les sucres dédoublés et les graisses saponifiées. Les matières
protéiques se trouvent également en partie dégradées ; leur putré-
faction dans le gros intestin est moins active lorsque les fermen-
tations acides des glucides, la fermentation lactique principa-
lement, sont très abondantes. Cette action antiputride des fer-
ments lactiques a été utilisée en thérapeutique par Mctchnikoff.
Les produits ultimes de la putréfaction intestinale des matières
protéiques sont NIF, IPS, CO2, H, des phénols, des acides oxy-
aromatiques, de Pindol, du scatol et un grand nombre de corps
toxiques mal connus. Les produits aromatiques auxquels Mctchni-
koff attribue un rôle pathogène considérable (sclérose, dégéné-
rescence athéromateuse de l'aorte), dérivent des acides aminés :
les corps phénoliques, de la tyrosine ; les corps phényliques, de
la phénylalanine et les corps indoliques, du tryptophane. 13. per-
fringens (Welch, lissier et Martelly) est un actif producteur de
phénols; B. plwnologènes, isolé par A. Berthelot de l'intestin d'un
malade en fournit jusqu'à 500 et 800 milligrammes par litre dans
les milieux contenant de la tyrosine ou des polypeptides à tyro-
sine. Bacterium coli, S. pyogencs, B. proteus donnent naissance à
de l'indol. On sait que le foie transforme les phénols et l'indol en
composés sulfoconjugués atoxiques : les phénols en phényl-
sulfates, l'indol en indoxylsulfate.
Parmi les substances toxiques de la putréfaction des protides
sous l'influence des microbes intestinaux, on a identifié la
p. oxyphényléthylamine qui provient de la tyrosine (A. Gau-
tier)3 la putrescine ou tétraméthylène-diamine, la cadavérine ou
pentaméthylène-diamine que fournissent respectivement l'or-
nithinc, Parginine et la lysine. Le B. aminophilus, qui se déve-
PUTREFACTION 99

loppe dans l'intestin de certains sujets atteints d'entérite, donne


naissance à de l'imidazoéthylamine ou histamineen décarboxy-
lant l'histidine (A. Berthelot).

III. — Putréfaction des matières végétales.


Les végétaux morts sont immédiatement attaqués par les
microorganismes qui pullulent à leur surface, transformés peu à
peu en une matière colloïdale complexe, l'humus et, finalement,
brûlés à l'état de CO2, I-FO et NIP.
Phase intermédiaire de la putréfaction, l'humification est pro-
duite par des microbes aérobies qui empruntent aux glucides
l'énergie nécessaire à leur métabolisme. Sous leur action, les sels
organiques sont transformés en carbonates ; ceux qui contiennent
du soufre, en sulfates ; une partie des matières quaternaires azo-
tées passe successivement à l'état d'azote amidé, puis d'azote
ammoniacal repris par les germes nitrifiants ; une autre partie
persiste sous la forme de composés stables. En présence de l'eau,
les germes anaérobies interviennent activement dans cette décom-
position.
Les pailles des litières et les déjections des herbivores domes=
tiques constituent les fumiers employés comme engrais pour la
fertilisation des sols. Ces fumiers contiennent des glucides :
celluloses, sucres, amidon, gommes, des tanins, des sels et acides
organiques et des matières albuminoïdes avec leurs dérivés (acide
urique, acide hippurique, urée, etc.). Accumulés en tas, ils su-
bissent des actions chimiques et microbiennes : les moisissures
et bactéries aérobies agissent en surface ; les anaérobies, surtout
dans la profondeur. Les sucres et les tanins hydrolyses sont brûlés
en CO2 et H 20 ; les matières grasses oxydées par l'air sont sapo-
nifiées : la glycérine libérée est détruite, et les acides gras volatils
disparaissent par oxydation microbienne ou s'échappent dans
l'air. La cellulose fermente en CH4, H, CO2, I-PO ; les matières
albuminoïdes passent à l'état de CO2, H 20 et NH 3, sous l'in-
fluence des microbes aérobies, de CH1, EPS, NH 3 et d'acides gras
quand les anaérobies interviennent ; l'urée, les acides urique et
hippurique donnent des sels ammoniacaux, dont une partie est
3
décomposée avec production de NH gazeux, pendant que l'autre,
reprise par les germes nitrifiants, est transformée en nitrites et
nitrates assimilables.
100 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

IV. — Épuration biologique des eaux d'égout

La dislocation des. matières, organiques, contenues dans les


eaux d'égout s'effectue en plusieurs stades sous l'action des
microbes- aérobies et anaérobies. Ce sont surtout l'es afiaérobies
qui interviennent dans la destruction dès matières ternaires :
celluloses, sucres, amidon, acides organiques, en donnant nais-
sance à H, CO2 et CH4. Les matières àzotéfes quaternaires sont
d'â-bbrâ liqttëfîte'es', peptonïs€es, puis décomposées en acides.
aminés (lettrine, tyroshïe, acide gïutamiqué), en arirîdes et en
-urée. Finalement, les ferments ammoniacaux donnent naissance
à de l'ammoniaque que les germes nitrifiants oxydent en
nitrites et en nitrates".
Cette- épuration petit être réalisée dans un système de fosses
dites septiqnes ou les' eaux d'égout s'accumulent pendant que l'es
microbes" s'y mnïtipîfeHt aTtivèmèn't. Apres un temps variable,
toutes lés-nTatfères organiques Sont liqlië'Këes où gazéifiées. Un
fait alors passer la masse résiduelle sur des lits 'aérobies- ou
s'achève l'oxydation, ©arrs-fa-pratiqué, là dégradation préalable
des matières organiques-par les anaérobies n'est pas nécessaire:
les lite-aérobies, cm bas'siiis d'oxydation, Constitués par de vastes
réservoirs- Ouverts, garnis de eoke, de scories ou de mâchefer,
suffisent à l'épuration- complète des eaux d'égout. On l'ait d'abortl
passer les liquides grossièrement décantés sur un premier lit
aérobie, on les laisse en corrtact pendant d'eux heures, puis on les
déverse sur un deuxième lit placé à un niveau inférieur.
Après un--nouveau séjour de d'eux heures, l'opération est très
avancée.
Bans le premier lit, déjà plus de 50 p. LQO'des matières orga-
niques en suspension ou dissoutes sont transformées en nitrates
et en NH 3.
On remplace avantageusement ces lits dits de contact par dès
lits dit-s..percolateurs de lm6© d'épaisseur, formés de scories,
mâchefer ou briques concassées, qui multiplient les surfaces d'oxy-
dation. La masse liquide, préalablement décantée, est distribuée
sur ces lits, par intermittence, an moyen de pulvérisateurs à
pression ou de siphons. Les matières organiques y sont parfaite-
ment retenues, la nitrification se montre très intense et le liquide
se charge rapidement de nitrates (Calmette). Les microbes déni-
PUTRÉFACTION 101
trifîcateurs agissent simultanément sur les nitrates formés, d'où
un dégagement d'azote libre. Ainsi épurées, les eaux ne con-
tiennent plus de composés azotés putrescibles, elles peuvent être,
sans danger, rejetées dans' une rivière, ou être envoyées pour
l'agriculture, après contrôle bactériologique.
CHAPITRE XI

DIASTASES ET. ACTIONS DIASTASIQUES


I. — Caractères généraux des diastases.
Ce qui caractérise les diastases, ferments solubles ou enzymes,
c'est la propriété qu'elles possèdent de modifier, sous un poids
impossible à préciser, mais certainement très minime, des quan-
tités considérables de matières. A l'opposé des substances chi-
miques, les diastases ne se détruisent pas au cours des réactions
qu'elles provoquent et ne se combinent pas, tout au moins d'une
manière stable, avec les substances attaquées. Toutefois, leurs
effets s'affaiblissent sous l'influence des corps formés. Elles
effectuent un travail positif de dislocation ou de synthèse qui
s'accompagne d'un dégagement de chaleur. Si leur composition
exacte est encore mal connue, leurs caractères réactionnels les
rapprochent des catalyseurs inorganiques, et l'on peut dire
avec J. Duclaux, que les enzymes sont des catalyseurs naturels
élaborés par les êtres vivants.
Le rôle des diastases est multiple : tantôt elles transforment
les substances non directement nutritives en éléments assimi-
lables ; tantôt elles disloquent les composés fermentescibles,
engendrant ainsi l'énergie utilisable pour d'autres réactions
protoplasmiques ; tantôt, enfin, elles président aux actions syn-
thétiques qui permettent aux cellules de construire et de renou-
veler leur propre matière vivante.
En pathologie, le rôle des diastases apparaît d'une grande
importance. On l'apprécie facilement quand on étudie les mala-
dies des animaux et des plantes dues à des parasites très divers.
C'est par leurs enzymes que ces parasites attaquent et spolient
les hôtes envahis. C'est par elles qu'ils disloquent les tissus,
engendrant ainsi les « pourritures » sèches ou humides qui suc-
cèdent aux escarres sèches ou humides. C'est encore par les
enzymes que l'économie prépare la résorption des exsudats et des
ET ACTIONSDIASTASIQUES
DTASTASES 103

éléments détruits et que les microbes, une fois morts, sont digérés.
Par ailleurs, les modifications qualitatives et quantitatives des
diastases rendent compte de nombreux troubles de la nutrition.
Bref, les êtres vivants se débarrassent au moyen d'actions zymo-
tiques de ce que Sydenham appelait, si heureusement, les « hété-
rogènes ».
On n'a pu, jusqu'ici, obtenir les diastases à l'état de pureté.
Quels que soient les. modes de leur préparation, elles renferment
toujours des substances étrangères qu'on ne peut éliminer sans
faire disparaître, en même temps,leurs propriétés caractéristiques.
Solubles dans l'eau (la lipase des graines de ricin exceptée) et
dans les solutions salines diluées, elles dialysent, en général,
fort mal, ce qui permet de les ranger parmi les substances colloï-
dales. Elles adhèrent aux précipités (phosphate de chaux) qu'on
provoque au sein du liquide qui les contient ; la poudre de char-
bon et le kaolin les extraient de leurs solutions.
L'instabilité des diastases, leur sensibilité aux agents phy-
siques et chimiques résultent de leur structure complexe. Dans
les cendres de la laccase, diastase oxydante extraite de l'arbre
à laque, lihus vernicifera, G. Bertrand a observé la présence
constance de manganèse, doué, comme on le sait, de propriétés
oxydantes. Cette diastase est d'autant plus active qu'elle est
plus riche en manganèse, et tout se passe comme si elle représen-
tait un sel manganeux à acide faible. D'où l'hypothèse qu'une
diastase est formée de deux substances complémentaires, l'une
inorganique ou complémentaire active, capable de produire à elle
seule la réaction considérée, l'autre organique, colloïdale, alté-
rable par la chaleur ou complémentaire activante, dont le rôle con-
siste à multiplier l'action de la première par l'effet de sa division
extrême et de son immense surface. La première ou co-ferment
peut être une substance organique comme Venterokinase, qui
active le trypsinogène ; ou un acide dans la sucrase, la pepsine,
Vamylase, la lipase; ou une combinaison phosphorée, dans la
zymase ; ou enfin un métal : manganèse dans la laccase, cal-
cium dans la présure, la pectase et le suc pancréatique, sodium
(chlorure) dans les protéases des végétaux, etc. Cependant Wills-
tatter et A. Pollinger ont démontré que la peroxydase végé-
tale, purifiée par adsorption, conserve ses propriétés même
lorsqu'elle est privée de la plus grande partie de la substance
ferrugineuse à laquelle elle est naturellement associée. L'acti-
vité de cette diastase est donc indépendante de sa teneur en fer,
104 * PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

Un même microbe peut sécréter plusieurs diastases : Sierig-


matocystis nigra, par exemple, fournit de la .tucrane, de Vinulase,
de la malta-ie, de la trypsinc, de la lipasc, une chymosine qui coagule
la caséine et une caséasc qui dissout le caillot. Pénicillium gl.au-
cum produit une invertine, une maltase, une tréhalase, une inu-
lase, une ehymosine, une caséase et une lipase (Bourquelot,
E. Gley). Inversement, des microbes différents élaborent des
diastases identiques. C'est ainsi qu'un grand nombre de germes
liquéfient la gélatine, attaquent le sérum coagulé, hydrolysent
les glucides (hydrates de carbone) et les graisses, décomposent
les sucres. Mais chaque diastase a son individualité propre,, sa
spécificité, et n'agit que sur une substance donnée en formant
parfois avec elle, comme certains catalyseurs, une combinaison
instable. 1511eest facilement libérée de cette combinaison inter-
médiaire sans subir elle-même aucune altération.
Comme dans les phénomènes d'éthérification par les acides,
les réactions diastasiques s'arrêtent dès qu'un certain équilibre
est atteint entre les substances dédoublablcs et les produits
formés qui s'accumulent. Souvent même, leur action est réver-
sible. C'est ainsi que la lipase et les protéaxes, à la fois décompo-
santes et synthétisantes, jouent un rôle considérable dans l'acti-
vité biochimique du protoplasma cellulaire.

II. — Élaboration, des diastases.


Les diastases sont élaborées dans le protoplasma des cellules.
Comme les pigments microbiens et les toxines, elles peuvent
rester à l'intérieur du protoplasma ou diffuser dans le milieu
ambiant. Leur diffusion à travers la membrane cellulaire est
d'observation facile.
Si l'on veut étudier, par exemple, les enzymes de Sterigmasto-
cystis migra en pleine végétation, on emploiera le procédé suivant
dû à A. Fernbach. Après avoir cultivé la moisissure sur le liquide
de Raulin, prélever le mycélium, le laver à plusieurs reprises dans
l'eau distillée et le laisser macérer pendant quelques heures
dans l'eau à laquelle elle abandonne ses enzymes.
Par cette méthode, Fernbach a recherché parallèlement la
suerase demeurée dans le champignon et celle qu'il abandonne
au liquide. Il a constaté que les cellules jeunes renferment plus
de diastase que le milieu, tandis que le mycélium.vieilli en con-
tient moins. Ainsi la dégénérescence du mycélium favorise la
DÏASTASESET ACTIONSDÏASTASIQUES 105
diffusion de la diastase. Par conséquent, on doit admettre qu'au
début de la croissance, l'hydrolyse du saccharose se produit sur-
tout dans les cellules et, à la fin, en dehors d'elles. De même,
d'après Malfitano, la protéase du Stcrigmatocystis atteint son
maximum au moment de la sporulation ; puis le protoplasma
mycélien s'altère, se solubilise en partie et diffuse avec la dias-
tase. Au contraire, la Monilia candida et diverses levures
n'intervertissent le saccharose qu'au sein de leur protoplasma.
On démontre la présence de la sucrase dans ces cellules en les
soumettant au broyage ou à la macération.
L'élaboration zymotique est intimement liée à la composition
des milieux de culture. Toutefois les diastases peuvent se former
dans les solutions nutritives qui ne contiennent pas de corps sen-
sibles à leur action. C'est ainsi qu'en présence de lactate de chaux
et de sels minéraux, VAspergillus glaucus donne de l'amylase et
le Pénicillium glauciim, une sucrase. Monilia candida sécrète de
la sucrase quelles que soient le.s substances nutritives dissoutes
dans les milieux ensemencés. A l'abri de l'air, les anaérobies facul-
tatifs produisent en moindre quantité certaines de leurs en-
zymes.

III. — Extraction des diastases.


On extrait les diastases intracellulaires en faisant macérer les
microbes dans l'eau ou la glycérine, l'éther ou le chloroforme,
ou encore en les broyant ayec du sable. On peut aussi les traiter
par l'alcool-éther ou l'acétqne après dessiccation modérée. Lorsque
ces moyens sont insuffisants, on provoque l'éclatement des cel-
lules en les comprimant en masse dans une presse puissante,
comme l'a fait Buchner pour isoler la zymase de la levure.
Pour purifier les enzymes et les concentrer, on les entraîne
mécaniquement de leurs solutions au moyen du phosphate de
chaux, de cholestérine ou de fulmi-coton, ou en les précipitant
à plusieurs reprises par de l'alcool après redissolution dans
l'eau.
Selon L, Michaelis et M. Ehrenreich, Iscovesco et Willstàtter,
certaines enzymes possèdent des propriétés à la fois basiques, et
acides, ce qui permet de les séjDarerpar adsorption. A cet effet,
on emploie le kaolin qui adsorbe les substances basiques et
l'hydroxyde d'aluminium qui adsorbe les substances acides, ou
des adsorbants organiques comme la cholestérine et la tristéarine.
106 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE
On obtient alors des préparations diastasiques très concentrées
et privées en grande partie des substances étrangères qui les
accompagnent ordinairement : la sucrase, purifiée par ce pro-
cédé, est exempte de protides et de glucides, et son activité se
montre 1 600 à 1 700 fois plus grande que dans la levure (Will-
stâtter).

IV. — Causes qui influent sur les actions diastasiques.


A. — Température.

Il existe pour chaque diastase un maximum, un minimum et


un optimum thermique d'action. La température optimum, en
général assez basse, varie avec la nature de l'enzyme, la tempéra-
ture qu'elle a antérieurement subie et les substances étrangères
auxquelles elle est associée.
Faible ou nulle à 0 , l'intensité du phénomène diastasique
augmente avec la température jusqu'à un maximum, puis décroît
et, finalement, redevient nulle. Pourtant, à ce moment, la dias-
tase n'est pas complètement détruite, comme on peut s'en assurer
en la mettant en contact, à la température optimum, avec la
substance transformable.
La destruction des enzymes se produit à des températures très
variées, selon leur nature, leur concentration, la présence ou
l'absence d'eau, d'électrolytes et de matières transformables.
Le froid, même, poussé jusqu'à — 190°, est sans effet. La tem-
pérature mortelle peut être supérieure (amylase)ou égale (sucrase)
à la température optimum d'action. Préalablement desséchées, les
diastases sont infiniment moins sensibles à la chaleur qu'en solu-
tion aqueuse. La trypsine, par exemple, détruite à 70 ' à l'état
humide, résiste jusqu'à 160° à l'état sec.

. B. — Lumière.
Les effets nuisibles de la lumière sur les diastases sont
souvent liés aux oxydations qu'elle détermine, mais les phé-
nomènes observés diffèrent suivant la nature et le mode d'action
des rayons lumineux. La sucrase de Sterigmatocystis migra,
par exemple, est complètement détruite par une exposition de
quelques heures aux rayons solaires dans le vide ; elle s'altère
plus rapidement si on la dissout dans l'eau insolée que dans l'eau
DIASTASESET ACTIONSDIASTASIQUES 107
conservée à l'obscurité. Enfin, une solution de sucrase conser-
vée dans un flacon insolé s'affaiblit plus vite que dans un fla-
con laissé à l'ombre.
Du point de vue de l'action de la lumière on peut classer
les diastases en trois groupes (Agulhon) :
1° Celles qui sont attaquées seulement en présence d'oxygène
moléculaire par formation d'eau oxygénée. La destruction est
rapide par les rayons visibles, plus lente par les rayons ultra-
violets seuls : sucrase, laccase, tyrosinase.
2° Celles qui sont détruites dans le vide par toutes les radia-
tions : émulsine, catalase.
3° La -présure, qui est insensible aux rayons visibles du spectre,
mais est attaquée par les rayons ultra-violets en présence ou en
l'absence d'oxygène.

C. — Agents chimiques.

Quelques-uns accélèrent les actions diastasiques, d'autres les


ralentissent, d'autres encore les suppriment totalement. Tantôt
les enzymes manifestent leurs propriétés en milieu acide (sucrase,
pepsine), tantôt en milieu alcalin (trypsine), mais il existe pour
toutes un degré optimum de réaction qui correspond aune certaine
concentration en ions H.
Le rôle des sels, nous l'avons déjà vu à propos de la composi-
tion des diastases, est très important. Vis-à-vis de chaque action
zymotique, on trouve des sels inorganiques ou organiques favo-
risants, comme les sels de chaux pour la présure et la pectase,
les sels-de manganèse pour la laccase ; ou empêchants, comme le
citrate de soude pour les diastases coagulantes. Mais un même
corps peut se comporter d'une façon diamétralement opposée
en présence de diastases différentes : par exemple les sels de chaux,
qui favorisent l'action de la présure et entravent celle de Famylase.
Rappelons enfin que les actions diastasiques engendrent des
substances inhibantes dont l'influence se manifeste plus ou
moins suivant les cas.
En solution concentrée, les acides et les alcalis détruisent les
enzymes ; les acides et les sels minéraux sont plus efficaces que
les acides et les sels organiques.
108 PHYSIOLOGIE
DES MICllOBES

D. — Antiseptiques..

11 n'y a aucun rapport entre les propriétés antiseptiques d'un


composé à l'égard des cellules zymogènes et son pouvoir anti-
diastasique. Le thymol, le chloroforme, l'essence de moutarde,
l'acide phénique, l'acide salicylique, qui détruisent les germes,
n'ont aucun, effet sur les diastases.

V. — Caractères des principales diastases.

S.elonleur mode d'action sur les matières organiques, on répartit


J.es diastases en quatre groupes.

A. — Diastases hydbolysantes.
I. — Des sucres et de leurs dérivés.
DIASTASESET ACTIONSDIASTASIQUES 109

A-.— Diastases hydroiysantés des sucres et de leurs dérivés.


1° Sucrase ou invertine. — Elle dédouble le saccharose en une
molécule de glucose et une molécule dé lévulose. Très diffu-
sible, elle est produite par diverses moisissures dont Stm-ignïa
tocystis nigra,. Amylomyces Rouoeii;:par diverses levures du type
S. Cerevisioe et S. ellipsoïdeus; des bactéries, b. de Kiel, B. mega-
therium, Proteus vulgaris, B. fluorescens liquefaciens,. etc. Déjà
activé à 0°, son optimum thermique est de 52°,5 ; elle est
détruite à 55-75° à l'état humide, à 160° à l'état sec. Le pou-
voir hydrolysant de la sucrase ne se manifeste qu'en milieu
110 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

acide ; il augmente quand elle provient de levures cultivées en


eau de levure (Euler).
2° Maltase. — Peu diffusible, existe dans toutes les levures
de brasserie, de vin et plusieurs moisissures, sauf dans quelques
levures apiculées et dans le Saccharomyces Marxianus. Décom-
pose le maltose et les a glucosides en deux molécules de
glucose. Son optimum thermique est de 40". Elle agit en milieu
neutre ou très légèrement acide. Tout excès d'alcalinité ou d'aci-
dité lui est également défavorable. Son action est réversible
dans certaines conditions (Croft Hill.)
3° Mélibiase. — Décompose le mélibiose provenant du rafll-
nose préalablement hydrolyse par la raffinase. Elle est produite
par les levures basses de brasserie, certaines levures de vin et de
boulangerie. Température optimum 45°.
4° Tréhalase. — Produite par plusieurs moisissures. Hydro-
lyse le tréhalose en glucose.
5° Lactase. — Transforme le sucre de lait ou lactose en d-
glucose et galactose. Existe dans Oïdium lactis, Amylomyces
Rouxii, Pénicillium glaucum et les levures dites levures du lactose.
Son action, le plus souvent intracellulaire, est réversible. Tem-
pérature optimum 89°.
6° Amylase etdextrinase. — V amylase est élaborée par de nom-
breux microbes. Elle transforme l'amidon en dextrine après que
l'amidon a été solubilisé par une diastase liquéfiante. La dextri-
nase convertit la dextrine en maltose. L'amidon des industries de
fermentation, composé de 90 à 92 p. 100 d'amylose et de 8 à
10 p. 100 d'amylopectine (Maquenne et Roux), doit subir, pour
être totalement hydrolyse, l'action de Yamylase, d'une amylo-
pectinase et de la dextrinase. Les levures d'Extrême-Orient
poussent la transformation de l'amidon jusqu'au terme alcool.
Amylase et dextrinase agissent en milieu légèrement acide
(PH = 4,4 à 4,6), aussi sont-elles très sensibles aux alcalis.
Le chlorure de calcium et le sublimé les paralysent. Le phosphate
d'ammoniaque, le chlorure de potassium, l'acétate d'alumine et
l'asparagine favorisent leurs effets.
7° Inulase. — Découverte par Green en 1888. Existe dans les
moisissures (Pénicillium et Sterigmatocystis nigra). Hydrolyse
l'inuline.
8° Cellulase. — Les parois cellulaires des végétaux sont atta-
quées par cette diastase que sécrètent des bactéries et. des
moisissures, ferments hydrolysants de la cellulose.. Température
DIASTASESKT ACTIONSDIASTASIQUES ïll

Optimum 35 à 50°. Température mortelle 70°. La gélose solu-


bilise la gélose.
9BEmulsine. — Cette diastase, qui hydrolyse les (3glucosides
en donnant naissance à de l'aldéhyde benzoïque et à de l'acide
cyanhydrique, se trouve dans un grand nombre de moisissures :
A. glaucus, orizoe, fumigatus, niger, etc.. Elle attaque également
le lactose. Température mortelle, 70' à l'état humide, 100° à
l'état sec. Température optimum, 40 à 45°. Elle agit en milieu
neutre, même en présence de l'alcool qui la précipite. Les acides
minéraux lui sont nuisibles. D'après Fischer, G. Bertrand et
Compton, elle serait constituée par deux diastases, Vamygda-
Linase, qui sépare le disaccharide du nitrile de l'acide phényl-
glycolique, et Y-amygdalasequi dédouble le biose ainsi formé.
10° Myrosine. — Dédouble le myronate de potassium. Elle est
contenue dans les téguments de Lunaria biennis, alors que le
myronate de potassium se trouve dans les cotylédons (Gui-
gna rd).
11° Tannase. —Un mycoderme, M. tani,en secrète une quantité
suffisante pour décomposer 30 p. 100 de tanin. Le tanin des jus
tannants donne naissance à de l'acide gallique sous l'action de
la tannase (Fernbach) de diverses moisissures dont les plus com-
munes sont Sterigmatocystis nigra et P. glaucum. Pour éviter la
dégradation jusqu'à l'état de CO2 et H20 des substances atta-
quées, il est nécessaire d'immerger constamment le feutrage
mycélien au fur et à mesure de sa formation.

B. — Diastases hydrolysantes des 'protides.

Certaines, comme Vendotryptase de la levure, agissent en milieu


acide ; d'autres, comme la trypsine, agissent en milieu alcalin ;
d'autres, enfin, en milieu neutre, comme la caséase.
Pepsine, trypsine, caséase, fibrinase, gélatinase, protéases diverses.
— Liquéfient, puis dédoublent les
protides et donnent nais-
sance à des peptones solubles formées de polypeptides en propor-
tions variées. Ces 23eptonesjouent un grand rôle dans la nutrition
des microbes et constituent leur principale source d'azote. La
trypsine et Vérepsine les attaquent et les transforment en poly-
peptides puis en acides aminés. Nombre de moisissures, levures et
bactéries (B. anthracis, B. prodigiosus, B. fiuorescens, B. méga-
therium, B. pyocyaneus, vibrion cholérique) produisent des pro-
téases diverses : exoenzymes traversant la paroi cellulaire et
112 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE

endoenzymes agissant uniquement dans le corps de la cellule.


Une diastase microbienne très commune, la gélatinase, glu-
tinase ou gélatase liquéfie et dégrade plus ou moins profondé-
ment la gélatine. La température optimum de ces protéases
varie de 30 à 40°. En milieu humide, elles sont généralement
détruites à 70° ; desséchées, certaines résistent jusqu'à 120°.
L'intensité de leur action protéolytique dépend de la réaction
et de la composition des milieux et de l'âge de la culture.

G. — Diastases hydrolysantes des lipides.


1° Lvpase. — Dédouble les matières grasses en glycérine et
acides gras. Elle est sécrétée par des champignons : Aspergillùs
glaucus, jwnigatus, des levures et des bactéries : B. fluorescens,
B. pyocyaneus, B. prodigiosus, etc. Température optimum i&\
Température mortelle 60° en milieu aqueux.
La réaction se produit en milieu acide ; elle est favorisée par
les. sels-alcalins neutres (chlorures, sulfatés), le sulfate de manga-
nèse. ËHe-est retardée-par les sels de fia, Sr, Ca, l'asparagine, la
leucine (Tanâkâ). Lès bases alcalines l'empêchent. Son action est-
réversible'.
2° Monobutyrase. — Hydrolyse uniquement les- monoéthers-.

D. — Diaslase-a coagulantes.

Présure, Chyn]psine ou Lab. — Coagule le lait. Très répandue


chez les animaux (caillette des jeunes mammifères) et chez les
végétaux (fleurs d'artichaut, feuilles de figuier, ivraie, etc.). Elle
est également produite par de nombreux microbes, des moi-
sissures : Aspergillùs, Pénicillium, des levures et des bactéries,
B. mesentericus vulgatus, B. fluorescens liquejaciens, B. indiens,
B. prodigiosus, Proteus vulgaris. Il ne faut pas confondre la
coagulation diastasique que provoquent ces microbes avec la
précipitation de la caséine qui résulte de la fermentation acide
du lactose sous l'influence, par exemple, dû B. coli.
L'optimum thermique delà présure est de 36°. Elle est détruite
en milieu aqueux vers 56° ; à l'état sec, celle de la levure résiste
pendant une heure à 110°. Son action, retardée par les alcalis,
est favorisée par l'acidité du lait due à la fermentation lactique.
Elle consiste dans la précipitation des miceïles cdUoïdales de la
caséine. Mais une partie de celle-ci, dissoute à l'état de phospho-
DIASTASESET ACTIONSDIASTASIQUES 113
caséinate de chaux, reste dans le sérum avec les albumines. Le
temps de la coagulation dépend d'un grand nombre de facteurs :
quantité de la présure, nature et quantité du lait, traitements qu'il
a subis antérieurement. Les laits chauffés, puis refroidis, se
coagulent plus lentement que les laits frais, par suite de la préci-
pitation des sels de chaux, adjuvants de la réaction.

E. — Diastases oxydantes ou oxydases.


Découvertes par G. Bertrand, elles provoquent des oxydations
énergiques en fixant l'oxygène sur divers composés phénoliques.
Nous avons vu que ce savant les considère comme formées par
un anion organique et un cation manganeux.
1° Laecase. :— Extraite de l'arbre à laque Rhus vemicifera,
elle existe également chez certaines bactéries, des levures et des
moisissures (Aspergillus). Sa température optimum est de 20°,
mais elle résiste à 100° ; les acides la paralysent. Elle agit en
fixant l'oxygène de l'air aussi bien sur le îaccol de l'arbre à laque
que sur les phénols susceptibles de donner une quinonqe hydro-
quinone, pyrogallol.
2° Tyrosinase. — Oxyde la tyrosine qui vire au rouge brun,
puis au noir, pour former les mélanines. On la trouve dans un
grand nombre de champignons : russules, lactaires, bolets : de
bactéries : B. pyocyaneus et B. fluorescens liquejaciens et dans
certains insectes (Gessard).
S0 Peroxydases. — Décomposent l'eau oxygénée et fixent l'oxy-
gène sur divers phénols : TPO2 + 0 = II 20 + O2.

F. — Diastases décomposantes.
1° Catalase. — Décompose directement l'eau oxygénée :
I-PO2 = H20 + Q.
2° Zymase ou alcoolase. — Dédouble les hexoses en .alcool et
acide carbonique dans la fermentation alcoolique. Sa découverte
est due à Buchner qui l'obtint en soumettant à des pressions
considérables la levure préalablement broyée. Il est plus facile de
la préparer en faisant macérer avec deux ou trois parties d'eau
à 25-80°, de la levure de bière de fermentation basse, desséchée
(Lebedeff).
Le suc de levure est un mélange complexe de matières albumi-
noïdes, de diastases, dont un ferment trypsique qui l'autodigère
Microbiologiegénérale, 2e édit. S
114 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

(endotryptase), et de sels. Au contact d'une solution sucrée, il


produit presque instantanément une véritable fermentation
akoolique avec formation d'alcool et CO2, d'un peu de glycérine
et d'acide lactique. La zymase qu'il contient ne dialyse pas. Celle-
ci s'altère rapidement et perd son activité à 40°. En milieu
liquide elle est détruite à 55°. Beaucoup de substances gênent son
action ; d'autres la favorisent. La présence de phosphates dans
le milieu est indispensable à la décomposition du sucre. Cette
décomposition est accompagnée de la formation d'un hexo-
sephosphate qui, libéré par une diastase, Yhexosephosphatase,
interviendrait indéfiniment dans la réaction. L'addition de suc
de levure bouilli à la zymase augmente considérablement les
quantités d'alcool et deCO 2 qu'elle produit. D'autre part, quand
on filtre du suc de levure sur bougie Chamberland enduite de
gélatine, le filtrat obtenu et le résidu sont inactifs séparément ;
réunis, ils provoquent la fermentation comme le suc total. Le
résidu non dialysable, ou zymase proprement dite, est coagulable
par la chaleur ; le filtrat, ou coenzyme, contient le coferment
dialysable, thermostabile, hydrolysablej par la lipase des graines
du ricin (Harden et Young).
Comme nous l'avons indiqué à propos de la fermentation alcoo-
lique, le dédoublement du sucre en alcool par la zymase s'effectue
par stades successifs, avec formation de corps intermédiaires
dont on commence à connaître exactement la nature. Parmi ces
corps intermédiaires, l'acide pyruvique et l'aldéhyde acétique
jouent un rôle prépondérant. La levure renferme, en effet, une
diastase spéciale la carboxylase qui décompose très facilement
l'acide pyruvique et le transforme en aldéhyde acétique et CO2.
suivant la formule :

Finalement, l'aldéhyde acétique est transformée en alcool éthy-


lique par hydrogénation.

La carboxylase n'est détruite qu'à 70°. Son pouvoir ferment


croît, comme celui de la zymase, jusqu'à 60°, mais elle est beau-
coup plus résistante au vieillissement et à l'action des antisep-
tiques. Elle est activée par les phosphates et divers acides.
DIASTASESET ACTIONSDIASTAsIQUËS 115
Dans! e complexe d'enzymes contenus dans la levure, il existe
encore une diastase synthétisante, la carboligase, découverte par
Neuberg. Cette diastase est capable de souder entre elles des
chaînes carbonées. Ainsi, dans la fermentation du sucre ou
de l'acide pyruvique par la levure, en présence d'aldéhyde ben-
zoïque, la carboligase produit un corps cétonique en C9 constitué
par la soudure de l'aldéhyde benzoïque ajoutée et de l'aldéhyde
acétique qui a pris naissance au cours de la fermentation comme
corps intermédiaire. *
CHAPITRE XII

ECHANGES NUTRITIFS, MODIFICATIONS


DES MILIEUX

I. — Assimilation.

A. — Assimilation de l'azote organique.


Du point de vue chimique, ou distingue deux phases dans le
métabolisme microbien, une phase anabolujue et une phase cata-
bolique. L'anabolisme est l'ensemble des processus synthétiques
qui aboutissent à l'édification de substances complexes caracté-
risées par un potentiel énergétique élevé ; le catabolisine corres-
pond aux j^i'ocessus inverses, analytiques et destructeurs qui
libèrent des molécules simplifiées, en même temps qu'une quan-
tité considérable d'énergie. Les végétaux supérieurs dits auto-
trophes assimilent directement l'acide carbonique, l'eau et les
nitrates, et les synthétisent sous la forme de molécules organiques,
donc de matière vivante, grâce à l'énergie lumineuse solaire cap-
tée et utilisée par le chlorophylle de leurs feuilles. Au contraire,
les champignons et les bactéries hétêrotrophes, dépourvus de
pigment chlorophyllien, empruntent généralement l'azote, le car-
bone, l'oxygène et l'hydrogène à"des molécules complexes, amides,
acides aminés, peptides, protéines, glucides, les désintègrent
d'abord au moyen de leurs diastases, puis construisent leur propre
substance en regroupant par synthèse les molécules simplifiées.
Le Sterigmatocystis nigra, les levures et de nombreuses bacté-
ries, qui se développent sur des milieux contenant des acides
aminés ou des peptides comme unique source d'azote, édifient
aux dépens de ces substances leurs propres matières protéiques
dont la composition reste constante, quelle que soit la nature de
l'aliment aminé (Abderhalden et Rôna). On peut admettre, avec
P. Thomas, que «chez les végétaux hétêrotrophes, l'assimilation
de l'azote, que celui-ci soit donné sous forme minérale (sels amrr.c-
ÉCHANGESNUTRITIFS 117

niacaux, nitrates) ou organiques (protéiques, peptides, acides


aminés, amides, aminés, noyaux divers), revient toujours, en
définitive, à une formation de NH 3 qui se fixe ensuite sur le sucre
ou un de ses produits de transformation ». Nous verrons, par la
suite, qu'un certain nombre de germes fixent directement l'azote
atmosphérique.
Le métabolisme intime des corps azotés diffère pour chaque
espèce microbienne. C'est ainsi que Alternaria tennis, Mucor
racemosus, Asyergillus glaucus,B. pyocyafteuspréfèrent les nitrates
aux sels ammoniacaux et que B. coli, B. subtilis assimilent les
nitrates en présence de glucose et ne peuvent utiliser les sels
ammoniacaux qu'en présence de glycérine (A. Fischer).
D'une manière générale, la transformation des acides aminés
s'effectue au cours d'une série de réactions, dont les principales,
d'après Kcndall, sont les suivantes :
1" Désamination réductrice des acides aminés en acides gras
ayant le même nombre d'atomes de carbone :
118 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE
De même, la levure attaque les acides aminés avec formation
de NH 3 dans les réactions intermédiaires (Neubauer et From-
herz) :
1° Formation d'un acide cétonique par perte de NH 3 ;
2^ Dëcarboxylation et formation d'aldéhyde pyruvique;
3° Transformation de cet aldéhyde pyruvique en alcool par
fixation d'hydrogène. L'ammoniaque libérée au deuxième stade
se combine avec des substances ternaires dérivées des sucres,
sous l'influence des enzymes. Les composés azotés sont ensuite
synthétisés en polypeptides, en peptones et, finalement, en
matières protéiques.
Il résulte des expériences de P. Thomas que la levure assimile
également l'azote de l'urée. Cette assimilation est précédée de la
décomposition de l'urée en NH 3, car la marche des fermentations
d'une même levure, dans un milieu donné, est constante, que
l'azote soit fourni à l'état d'urée ou de sels ammoniacaux.
Notons encore que le bacille tuberculeux, cultivé sur des mi-
lieux synthétiques ne contenant comme source d'azote que de
l'asparagine ou du succinate d'ammoniaque, réalise la synthèse
du tryptophane (Wollman).

B. — Assimilation de l'azote atmosphérique.

Beaucoup de terrains, comme les prairies des montagnes et les


forêts, qui ne reçoivent qu'une fumure négligeable, continuent
cependant à se couvrir d'une luxuriante végétation herbacée.
Tout se passe comme s'ils ne perdaient pas d'azote. Plusieurs
espèces végétales, les légumineuses en particulier, fixent même
une quantité d'azote supérieure à l'azote minéral du sol où
elles se développent, de telle sorte que, loin d'épuiser la terre,
elles contribuent, au contraire, à l'enrichir.
1° Bactéries des nodosités. — Depuis longtemps on avait observé
sur les racines des légumineuses, de petits tubercules que Mal-
pighi considérait comme des productions pathologiques (galles) ;
et déjà Ville avait émis l'idée que les pois assimilent l'azote
atmosphérique. Berthelot, le premier, a montré que les microbes
jouent un rôle capital dans l'enrichissement du sol; mais ce furent
Hellriegel et Wilfarth qui établirent une relation fondamentale
entre la fixation de l'azote et la présence de bactéries dans les
nodosités radicales des légumineuses. Nous ne pouvons rapporter
ici les belles expériences des savants allemands et'nous nous bor-
ÉCHANGESNUTRITIFS 119
nerons à exposer les points suivants qui les résument. Dans les
sols stérilisés et protégés contre les germes de l'air, il n'y a
jamais produetion de tubercules sur les racines des pois, et ces
plantes y dépérissent rapidement. Si l'on arrose les sols stérilisés
avec de la délayure de terre fraîche, provenant d'un champ ense-
mencé de légumineuses, les nodosités apparaissent et le développe-
ment des pois se poursuit normalement. L'ébullition de la dé-
layure de terre lui fait perdre cette propriété.
L'isolement et la culture des microbes radicicoles (B. radicicola)
ont été réalisés par Prazmowski et Beijerinck. Bréal parvint à les
inoculer à des racines de légumineuses indemnes, en les piquant
avec une aiguille trempée dans une nodosité fraîche. On les cultive
in vitro en ensemençant le contenu d'une nodosité dans une in-
fusion de feuilles de légumineuses additionnée de 7 à 8 p. 100 de
gélatine, de 0,25 p. 100 d'asparagine et de 5 p. 100 de saccha-
rose. La température optimum varie entre 10 et 38° suivant les
types.
Ce sont des microorganismes aérobies, mobiles et ciliés. Très
sensibles à l'action de la. chaleur qui les tue vers 40° dans les
nodosités, ils résistent, au contraire, jusqu'à 70°-75° dans les
milieux artificiels. Leur polymorphisme est très marqué ; dans
les vieilles cultures ils se transforment en bactéroïdes souvent
ramifiés en Y ou T, de grandes dimensions. Quand ils pénètrent
dans les poils radicaux des légumineuses, ils se propagent jus-
qu'aux cellules corticales ; ils se multiplient dans une sorte de
tissu formé par la segmentation des cellules des poils et s'entou-
rent d'une masse glaireuse que la sève résorbe peu à peu. Â mesure
que les nodosités se développent, elles s'enrichissent en matières
azotées assimilables par la plante, pendant que les bâtonnets
se transforment en bactéroïdes polymorphes.
Toutes les bactéries des nodosités n'ont pas le même pouvoir
infectant. Leur aptitude plus ou moins grande à se multiplier
dans les racines des légumineuses rappelle ainsi en tous points
la virulence des germes pathogènes. Certaines ne peuvent se
fixer dans les poils radiculaires faute de diastases capables de
provoquer la formation, aux dépens de la membrane du poil,
de la matière glaireuse dont elles s'entourent '; d'autres sont
résorbées peu après leur pénétration et ne réussissent qu'à créer
des tubercules avortés ; d'autres, enfin, produisent des nodosités
plus ou moins volumineuses et une grande quantité de matière
glaireuse.
120 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE
A partir du moment où les bactéries s'implantent dans les
racines.où s'édifie une véritable lésion nodulaire, des échanges
actifs et réciproques s'établissent entre la plante et ses com-
mensaux. Ceux-ci utilisent les glucides du végétal et les trans-
forment en aliments azotés, en les combinant avec l'azote qu'ils
fixent. Mais ces produits synthétiques du métabolisme micro-
bien ne sont absorbés et utilisés par les légumineuses que s'ils
sont finalement désassimilés sous une forme spéciale. Seules
sont aptes à cette ultime transformation profitable à la plante,
les bactéries qui affectent le type ramifié de bactéroïde normal,
riche en amidon et en azote.
2° Microbes du sol fixateurs d'azote. — Outre ces bactéries des
nodosités, les sols renferment d'autres microorganismes fixateurs
de l'azote atmosphérique qui agissent soit directement, soit en
symbiose avec des algues.
Les fixateurs directs comprennent des microbes anaérobies
et des microbes aérobies. Parmi les premiers, les plus importants
sont les Clostridium de 1 \j.5 à 2 a de long, sporulés et encapsulés,
voisins des ferments butyriques : C. Pasteurianum (Winogradsky).
C. americanum, C. giganteum et de nombreuses espèces d'Amylo-
bacfer. Les fixateurs directs aérobies appartiennent au genre
Azotobacter. Ils dominent dans les sols riches en carbonate de
chaux où ils pénètrent jusqu'àune profondeur de 0m,50 à 0m,60.
On les répartit en quatre groupes :
A. chroococcum: faiblement mobile, produit un pigment allant
du brun au noir.
A. Beijerinckii : faiblement mobile, produit un pigment jaune.
A. agile: très mobile, fluorescent.
Ai vitreum: immobile, sphérique.
Les microbes des trois premières espèces sont très poly-
morphes : sphériques, cocco-bacillaires, bâtonnets fins et trapus.
Certains sont sporulés.
Des champignons comme Pénicillium glaucum, Sterigmato-
cystis nigra, Mucor stolonifer, Mqnilia candida, Oïdium lactis
et des Saccharomyces assimilent également, mais en assez faible
quantité, l'azote atmosphérique.
: Enfin, un troisième groupe de microbes fixateurs d'azote est
constitué par des germes qui vivent au contact des algues :
Chorella, Stichococcus, Cystococcus et desJ'Nostocs. Celles-ci four-
nissent aux bactéries, sous la forme de glucides- qu'elles laissent
diffuser, le carbone qu'elles utilisent pour leurs synthèses proto-
ÉCHANGESNUTRITIFS 121

plasmiques ; les bactéries apportent aux algues de l'azote assi-


milable.
3° Culture et développement des microbes fixateurs d'azote. —-
Dans les milieux artificiels, le développement des bactéries des
nodosités exige la présence de glucides, d'oxygène et d'un peu
d'azote combiné pour amorcer la nutrition. Au sein des végétaux,
ces bactéries trouvent les matières hydrocarbonées nécessaires ;
dans la sève ou dans le sol, l'oxygène ; dans le parenchyme radi-
cal, l'azote combiné. Si, comme l'a fait Mazé, on ensemence les
microbes des nodosités sur de la gélose au bouillon de haricots ne
contenant pas moins de 2 p. 100 de saccharose et 0sr,0005 d'azote
par litre et si, maintenant la température à 20-25°, on fait passer
un courant d'air sur ces cultures, on observera à la fois la dispari-
tion d'une certaine quantité d'azote combiné eotla formation d'un
dépôt glaireux exubérant, semblable à celui des nodosités. Cette
matière glaireuse renferme l'azote fixé, combiné avec les produits
de transformation du saccharose. Dans les meilleures expériences,
les bactéries des nodosités fixent 1 gramme d'azote libre pour
100 grammes de saccharose consommé.
Les Clostridium se développent bien dans le vide, sur pomme
de terre et sur carotte. Ils attaquent les sucres, la glycérine, la
mannite et trouvent, dans la " destruction de ces substances,
l'énergie nécessaire à leurs réactions synthétiques.
De même les Azotobacter aérobies ne peuvent fixer l'azote en
l'absence de glucides dans leurs milieux de culture. Ils attaquent
aussi la cellulose ; l'humus du sol et les humâtes favorisent leur
développement, grâce aux composés ferriques qu'ils contiennent.
Les sels de calcium, le phosphore, le soufre et surtout l'oxygène
leur sont nécessaires. L'arsenic stimule leur action.
L'assimilation de l'azote par ces germes débute vers 15° et
atteint son maximum entre 18° et 30° suivant les espèces. Les
composés azotés solubles, que laissent diffuser dans le sol les
Clostridium et les Azotobacter; deviennent directement assimilables
par les végétaux supérieurs après qu'ils ont été décomposés par
les ferments ammoniacaux et oxydés par les ferments nitrifica-
teurs,
La découverte de la fixation bactérienne de l'azote et la possi-
bilité de cultiver les microbes spécifiques devaient conduire à des
applications pratiques. Nobbe et Hiltner tentèrent d'abord de
fertiliser les sols au moyen de cultures artificielles de microbes
radicicoles désignées sous le nom de nitragine-. Les résultats furent
122 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
très médiocres, ce qui ne saurait surprendre, étant donné la com-
plexité du problème : influence des sols, de leur composition, de
leur structure, de leurs réactions, influence des espèces végétales
ensemencées, etc. Aussi les auteurs allemands s'efforcèrent-ils
de perfectionner leur méthode en renforçant l'activité végétative
in vivo du microbe, sa virulence, si l'on veut, en les entretenant sur
des substrats mieux appropriés et en effectuant un grand nombre
de passages par inoculation à des légumineuses de même espèce.
Ils assurent y avoir réussi. 82 p. 100 des essais de Hiltner auraient
été favorables, surtout pour la culture des lupins qui produi-
raient une récolte six fois supérieure en présence de nitragine.
La tourbe stérilisée, ensemencée avec les fixateurs de l'azote,
jouit également de hautes propriétés fertilisantes (Chittenden).
Elle contiendrait, d'après Bottomley, des auximones de synthèse
élaborées par les microbes, très efficaces à la fois pour la nutrition
des végétaux et la multiplication des bactéries nitrifiantes, mais
dépourvues d'action activante sur les germes dénitrifiants.

C. — Assimilation du soufre.
Les matières albuminoïdes en voie de putréfaction, les eaux
stagnantes, les boues riches en débris organiques dégagent, en
abondance, de l'hydrogène sulfuré. Cette production d'H2S
résulte à la fois de processus chimiques et de processus biolo-
giques : action des sulfates sur le méthane, par exemple, et dislo-
cation des matières albuminoïdes par les microbes de la putré-
faction. L'H2S apparaît encore sous l'action de diastases, par
un phénomène de réduction des combinaisons oxygénées, lié à la
présence d'hydrogène naissant. Selon de Rey Pailhade, le philo-
thion, diastase élaborée par la levure alcoolique cultivée dans un
milieu renfermant du soufre, jouirait de cette propriété.
De même que les ferments nitreux et nitriques transforment
l'azote ammoniacal en nitrites et en. nitrates, diverses bactéries
réduisent H2S, fixent le soufre dans leur protoplasma et, finale-
ment, oxydent ce corps à l'état de sulfates. Ces bactéries végètent
abondamment dans les eaux sulfureuses où elles constituent
des amas désignés sous le nom de sulfuraires, glairine, barégine.
Elles appartiennent principalement à deux genres de bactéries
filamenteuses : Beggiatoa et Thiothriw essentiellement aérobies.
Mais certains cocci, des vibrions et des bacilles présentent la
même propriété de réduire BPS et d'accumuler sous la forme
ÉCHANGESNUTRITIFS 123

de grains réfringents le soufre libéré. Lors de disette d'H2S,


le soufre est oxydé, puis transformé en acide sulfurique et en sul-
fates par combinaison avec le carbonate de chaux. Pendant la
phase d'oxydation, les bactéries se nourrissent aux dépens de
leurs réserves (Jacobsen).
Les bactéries sulfureuses puisent l'azote et le carbone néces-
saires à leur développement dans les sels ammoniacaux et les
carbonates alcalins. CO2 libre ne paraît pas assimilable. Les ni-
trates sont réduits à l'état d'azote libre, mais les nitrites ne peu-
vent les remplacer. Les combinaisons sulfurées : BPS et hypo-
sulfite de soude, offertes comme source d'énergie pour l'assimila-
tion de CO2 des carbonates, sont graduellement oxydées jus-
qu'à l'état de sulfates avec formation de corps intermédiaires
instables (Leisk).
Beggiatoa alba, une des principales espèces, forme des flocons
blancs dans les eaux sulfureuses ou stagnantes. Elle offre l'aspect
de filaments longs de 3 à 6ix, larges de 3 jx,segmentés, dont chaque
article est mobile. Des grains de soufre très réfringents sont obser-
vés en grand nombre, surtout dans les articles terminaux. Beggia-
toa mutabilis atteint jusqu'à 30 \x de long.
Les TMothrix sont immobiles, fixés à une de leurs extrémités
aux parois du vase qui les contient et formés d'articles d'autant
plus longs qu'ils sont plus proches de l'extrémité libre du fila-
ment.
Les Thiophysa contiennent, dans leur protoplasme, des grains
de soufre et, dans une vacuole centrale, de petits corpuscules
(oxalites) constitués par de l'acide oxalique. En présence d'une
grande quantité d'oxygène, les grains de soufre disparaissent et
les oxalites persistent. En présence d'H2S et d'une petite quan-
tité d'oxygène, les grains de soufre s'accumulent seuls (Nadson).
Quelques espèces de sulfuraires sont pigmentées : Beggiatoa
rosea persicina sécrète une matière colorante, une bactêrio-
purpurine dont la teinte varie du rose au violet et au brun, sui-
vant l'âge de la culture. Monas Okenii s'étend en taches rouges
sur les objets immergés.

D. — Assimilation du fer.
On trouve souvent dans les eaux des marécages et les eaux
ferrugineuses, des masses glaireuses, parfois colorées en jaune,
riches en sels de fer, qui sont constituées par des filaments bacté-
124 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
riens entourés d'une gaine. Ce sont.des jerrobactéries. Ces singu-
liers microbes ne se multiplient que dans les liquides additionnés
de carbonate de fer qu'ils oxydent à l'état de protoxyde, puis de
peroxyde, en utilisant la chaleur développée au cours de ces
transformations (Winogradsky). Le fer peut être remplacé par
le manganèse (Molish et Adler) qui semble même plus favorable
à la croissance des ferrobactéries.
Celles-ci sont facilement cultivables, même en l'absence de
matières organiques, surtout quand on ajoute un peu d'acétate
de soude au milieu. Elles appartiennent à un grand nombre
d'espèces : Crenothrix Kuhniana constitué par des articles inclus
dans une membrane gélifiée, chargée d'oxyde de fer, Cladothrix
dichotoma ramifié, Leptothrioe ochracea filamenteux, cylindrique,
Spirillum ferrugineum contourné en hélice. Un actinomycès
A. odorifer jouit également de la propriété d'oxyder les sels de
fer ; il se multiplie dans le sol et produit l'odeur spéciale que dé-
gage la terre labourée.
Les oxydes de fer formés par tous ces germes peuvent être
ensuite réduits au cours de fermentations anaérobies, comme
la fermentation cellulosique, et transformés en carbonates jmr
CO2 de l'air. Mais une certaine proportion de ces oxydes, en
se combinant aux phosphates et aux silicates du sol, devient
directement utilisable par les végétaux supérieurs.

II. DÉSASSIMILATION.
La désintégration de la matière organique par les microbes
s'effectue suivant des modes très complexes, souvent peu connus.
Elle aboutit à la formation de substances multiples, associées aux
reliquats des actions zymotiques, aux toxines, aux déchets de
Pautolyse protoplasmiqUe dont la séparation, par l'analyse chi-
mique, présente les plus grandes difficultés.
Comme nous l'avons vu à propos de la putréfaction, diverses
bactéries de l'intestin produisent de l'indol aux dépens du
tryptophane de la molécule protéique. B. proteus dégrade le
tryptophane, tantôt jusqu'à l'indol, tantôt seulement jusqu'à
l'acide indolacétique (Herter, A. Berthelot, Vallé, Miranda).
La tyrosine dégradée après une série de réactions analogues
. donne naissance à des corps phénoliques. Comme l'indol, ces
corps sont inassimilàbles par les bactéries j on les retrouve
intacts dans lès milieux de cultures.
ÉCHANGESNUTRITIFS 125

Indol et corps phérioliques ne sont élaborés par les bactéries


aux dépens du tryptophane et de la tyrosine qu'en l'absence de
glucides assimilables.

III, — Modifications des milieux.

A. — Changements de consistance.

Sous l'action de certains microbes, les milieux protéiques


solides : gélatine, sérum coagulé, caséine coagulée subissent une
hydrolyse, véritable digestion, qui aboutit à la formation d'albu-
moses, de peptones et de produits solubles plus simples encore :
polypeptides et acides aminés assimilables directement. Le
milieu se ramollit et se creuse d'une dépression qui, peu à peu,
s'agrandit et s'étend parfois à toute la masse, Cette action liqué-
fiante des microbes est due aux enzymes digestiyes qu'ils éla-
borent.
Un grand nombre de bactéries sécrètent une gélatinase, exq-
enzyme difiusible. Toutefois l'élaboration de cette di&stase est
subordonnée à la composition du milieu de culture. Le B,'pro*
teus et le vibrion cholérique,par exemple, qui hydrolysent la géla-
tine solidifiée, cessent de produire la gélatinase en présence de
glucides assimilables. Cette actioninhibitrice des glucides s'exerce
bien sur la fonction zymogène et non sur la diastase elle-même,
car l'addition de sucre aux filtrats de culture ne diminue pas
leur pouvoir hydrolysant.

1 B. — Changements de réaction. ~

Rappelons tout d'abord les deux exemples classiques : le


bacille lactique acidifie fortement le lait primitivement alcalin ; le
Microooccus weas aloalinise l'urine acide.
Tous les microbes susceptibles de déterminer les fermentations
lactique, butyrique, acétique, etc., acidifient les milieux lorsque
ceux-ci contiennent des sucres ou des alcools. Parmi les saccha-
rides, aucun n'est attaqué par un plus grand nombre de microor^
ganismes que le glucose avec production d'acides variés.
Les viandes employées pour la préparation des milieux nutri-
tifs renferment généralement des sucres fermenteseibles. Aussi
les cultures en bouillon dit simple sont-elles, en réalité, des cul-
tures en bouillon sucré. Lorsqu'on veut éliminer ces sucres de la
126 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

viande, pour la préparation de la toxine diphtérique, par exemple,


il convient de les faire consommer, au préalable, par la levure de
bière (Martin), le B. coli (Smith), ou plus simplement, par une
légère putréfaction (Spronk).
La production d'alcali, dont le terme le plus simple est l'ammo-
niaque, résulte de la décomposition des matières azotées par
l'intermédiaire d'une oxydation initiale. Elle atteint son maxi-
mum chez les aérobies, surtout chez ceux qui se développent
en voile à la surface des liquides (B. subtilis, Tyrothrix tenuis).
Comme ces microbes jouissent également de propriétés fermen-
tatives à l'égard des sucres, il s'ensuit que, selon le germe ense-
mencé, la composition du milieu, l'âge et les conditions de la cul-
ture, la réaction observée peut varier de l'acidité la plus franche
à une forte alcalinité.
Lorsqu'on cultive le vibrion cholérique sous une certaine
épaisseur dans le petit lait additionné de tournesol bleu, on
constate la formation de trois couches différemment teintées
(Dionys Hellin). À la partie supérieure, coloration bleu foncé
(oxydation intense et désamination des. matières protéiques) ;
au-dessous, teinte rouge vif (fermentation du lactose, acidité
non neutralisée) ; profondément, décoloration (réduction liée
à la vie anaérobie).
Semons, comme l'indique Eeyerinck, le B. prodigioms à la
surface d'une gélose sucrée, dans l'épaisseur de laquelle on a incor-
poré de la craie finement pulvérisée. Le microbe émet bientôt des
vapeurs ammoniacales, et la couche bactérienne se montre
fortement alcaline. Cependant, autour de chaque colonie, on voit
apparaître un halo transparent indiquant la décomposition du
C03Ca par un acide qui résulte de la fermentation du sucre.
- Quelques microorganismes, bactéries et levures, présentent cette
propriété curieuse d'acidifier les milieux de culture trop alcalins
et de les alcaliniser lorsqu'ils sont trop acides (Fernbach). Les
quantités d'acides qu'ils produisent se trouvent ainsi déterminées
par la réaction initiale, par le Pn des milieux ensemencés. Ce phéno-
mène est particulièrement net chez le bacille diphtérique qui
provoque une réaction différente pendant les premiers jours de
la culture, selon que le PHinitial est supérieur ou inférieur à 7,2 :
acidification des milieux trop alcalins, alcalinisation des milieux
trop acides, comme si le bacille «corrigeait la réaction du milieu »
(G. Abt et Loiseau).
ÉCHANGESNUTRITIFS 127

IV. — Phénomènes d'oxydation et de réduction.

Les microbes aérotaies sont susceptibles d'oxyder non seule-


ment les substances organiques azotées et ternaires, mais encore
les composés minéraux. Nous en connaissons déjà plusieurs
exemples avec les bactéries nitrifiantes, les sulfo et les ferro-
bactéries. C'est également par un phénomène d'oxydation que
des microorganismes comme B. manganicus, des moisissures
appartenant aux genres Botrytis, Trichocladium, dont la gélose
peut être l'unique aliment carboné, attaquent le carbonate et le
lictate de manganèse (Beyerinck). Dans les milieux alcalins,
B. fluorescens, Azotobacter, B. coli transforment les sels manga-
niques en hydroxyde de manganèse. Sous leur action, les sels
organiques de manganèse passent à l'état de carbonates, les sul-
fures à l'état de sulfates et l'azote nitreux à l'état d'azote nitrique
assimilable sous la forme de nitrate de manganèse (Sohngen).
On est fondé à croire que cette fixation d'oxygène libre sur un
substratum minéral ou organique plus ou moins complexe est
liée à la présence d'oxydases élaborées par les microbes.
Les anaérobies constituent de puissants réducteurs et, par
cela même, de puissants oxydants indirects. Ils peuvent, eux
aussi, attaquer les corps inorganiques. La dénitrification, la dé-
composition des sulfates sous l'influence de divers microbes, en
particulier de Spirillum desulfuricans de Beyerinck, le dé-
montrent suffisamment. Mais les aérobies ne sont pas incapables
de provoquer des phénomènes réducteurs identiques. Ainsi le
Pénicillium brevicaule, étudié par Abba et Bujwid, décompose
l'acide arsénieux et dégage de l'hydrogène arsénié reconnaissable
à son odeur alliacée. L'activité de la moisissure est telle que son
emploi peut rendre des services dans certains cas où les méthodes
chimiques d'analyse se révèlent insuffisantes.
Comme il ressort surtout des recherches de Gosio, les phéno-
mènes de réduction sont dus tantôt à la production d'hydrogène
naissant, notamment lors d'anaérobiose, tantôt à l'action d'une
diastase, le philothion de la levure, par exemple, qui transforme
le soufre et certains de ses composés en H2S (de Rey Pailhade).

V. — Échanges gazeux.
Chez les microbes, respiration et nutrition se confondent.
Nous avons vu que les aérobies absorbent l'oxygène gazeux ou
128 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE
dissous et éliminent CO2. Cet échange est d'autant plus énergique
que les conditions du développement sont plus favorables. Poul-
ies organismes à évolution rapide, on peut distinguer trois phases :
pendant la croissance, la quantité d'oxygène fixée dépasse la
2
quantité de CO dégagé; pendant la période stationnaire, l'équi-
libre se rétablit ; enfin lors du déclin, il se rompt en faveur de
CO 2.
Les an-aérobies n'assimilent que l'oxygène combiné.
CHAPITRE XÎIÎ

PRODUCTION DE CHALEUR, DE LUMIÈRE


et ï)E Matières colorantes

I. — Production de chaleur.
Chez les levures, que nous prenons comme exemple^ lès actes
vitaux simples, même lorsqu'ils s'accomplissent en présence de
gaz inertes, s'accompagnent d*un dégagement de chaleur. Us
en produisent davantage quand les cellules sont en Contact avec
une atmosphère oxygénée et, plus encore, lorsque, privées d'air,
elles font fermenter les matières sucrées. D'après des expériences,
déjà anciennes, d'Eriksson :

la levure, dans un courant d'H élève la température de 0° 9


— à l'air libre -— — 1»2
•—<- pendant la fermentation - — S09

Ces chiffres n'ont évidemment rien d'absolu, mais ils mettent


clairement en évidence le bilan exothermique des réactions intra-
cellulaires >
Diverses fermentations s'accompagnent d'un dégagement de
chaleur si considérable (échauffement des fumiers), qu'elles
peuvent provoquer des combustions en apparence spontanées
(inflammation des balles de coton, etc.).

II. — Production dé lumière ou photo-Genèse.


Les eaux, les eaux marines surtout, les poissons morts, la
viande, le bois, émettent parfois de la lumière et luisent dans
l'obscurité. Cette phosphorescence est due, dans de nombreux
cas, à la présence de microorganismes, ainsi que Pflùger l'a démon-
tré le premier.
En 1878, Cohn, confirmant une hypothèse d'Heller énoncée
Microbiologiegénérale, 2"édit. 9
130 PHYSIOLOGIE
DES MICKOIÎEK

en 1843, isola du saumon cuit, le Micrococcus phosphoreux.


Dunbar et Kutscher ont fait connaître ensuite les vibrions phos-
phorescents de l'Elbe, et d'autres auteurs ont rencontré des bac-
téries photogènes sur divers poissons morts, des animaux marins,
dans l'eau de mer, dans les muscles de petits crustacés marins
vivants, les talitres (Giard) et même sur des articulés terrestres :
des géorjfhles (Macé) et les eourtilières (Ludwig).
Quelques espèces de champignons, dont Agaricus mettais et
Armïllara mellea, communiquent au bois mort la phosphores-
cence qu'on observe fréquemment ; et de nombreuses infusoires,
comme les Noctiluques, qui provoquent le phénomène de la mer
phosphorescente, jouissent d'une luminosité propre, indépendante
de toute infection bactérienne.
La plupart des bactéries photo gènes appartiennent au type
bacille ; des microcoques et des formes vibrioniennes (Photo-
bacter splendidum) ont été également signalés. Ce sont, en
général, des microbes courts, aérobies, asporogènes et mobiles,
grâce à la présence d'un cil vibratil. Us peuvent très bien
végéter sans émettre de lumière, car la fonction photogène est
soumise à des conditions spéciales qui ne se confondent pas avec
les conditions générales de la vie cellulaire.
La phosphorescence affecte une intensité variable. Souvent, la
lumière émise est faible et se présente comme une lueur indécise
à la surface des milieux. Barfois, au contraire, sa puissance est
telle qu'elle éclaire à la façon d'une veilleuse, permettant la lec-
ture à courte distance et même la photographie (lumière froide
de R. Dubois). Elle revêt des teintes diverses : bleuâtre, jaunâtre,
verdâtre, ou parfaitement blanche quand elle contient toutes les
radiations" du spectre. Lorsqu'elles sont abondantes, les bactéries
luminescentes peuvent déterminer un tropisme net sur les plantes
en germination ; mais leur action sur la fonction chlorophyllienne
n'est pas encore définitivement prouvée.
Cultivées à la surface des viandes, les photobactéries émettent
une lueur verdâtre qui s'étend rapidement et persiste jusqu'au
moment où les tissus sont envahis par les agents de la putréfac-
tion. Dans les milieux de culture, cette phosphorescence croît
pendant quelques jours, puis s'atténue et persiste un temps plus
ou moins long, jusqu'à une année.
(JJIALKUR,LUMIERE,MATIERESCOLORANTES 131

A. — Conditions qui influent sur la luminescence.


Ce sont surtout la température, la composition du milieu nu-
tritif, l'aération.
L'optimum thermique n'a rien de constant. Il oscille entre 0
et 10°, 10 et 15°, 15 et 20°, 20 et 25°, 25 et S0f>suivant les espèces.
D'une façon générale, il est en rapport avec les conditions natu-
relles du développement des bactéries. Cet optimum est donc plus
élevé chez les espèces tropicales que chez les espèces provenant des
régions froides. La plupart de ces germes supportent bien les
basses températures : sur la viande de veau, ils émettent encore
leurs radiations à 14° (Ludwig). Mac Fadyen a même réussi à
les conserver vivants et lumineux après une exposition dans
l'air liquide prolongée pendant six mois à — 190° ou dans l'hy-
drogène liquide pendant dix heures à — 252°. Les bactéries de
Fischer cessent de luire au-dessous de 25°, mais des microbes de
la viande restent lumineux jusqu'à 80°.
Aucune relation n'existe entre l'optimum thermique de phos-
phorescence et la végétabilité des bactéries luminescentes. Cepen-
dant toutes les influences qui diminuent la vitalité de ces
microbes altèrent en même temps leur fonction photogène. L'op-
timum thermique de Plwtobacter splendidum des eaux de la mer
et du sable des plages est de 24° pour la luminosité, et 30° pour
la multiplication (Beyerinek). Cultivés en série à une température
assez élevée, les microbes photogènes continuent de se multi-
plier, mais perdent peu à peu leurs propriétés caractéristiques.
On obtient facilement la culture de ces germes sur les milieux
artificiels ; toutefois l'émission de lumière ne se produit qu'en
présence de certains corps. La gélatine au bouillon de poisson,
additionnée de 10 p. 100 de sel marin; convient parfaitement.
Beyerinek ajoute de la glycérine, de la peptone et de l'asparagine
dans les proportions suivantes :

Bouillon de poisson de mer 1 000


Gélatine , 80
' Asparagine : 5
Peptone 5
Glycérine 10

Selon la composition des milieux, la lumière émise varie de


teinte.
Il n'existe pas de bactéries lumineuses dans l'eau douce et il
132 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
semble que le sel marin soit nécessaire à leur développement.
Les alcalis et surtout les acides éteignent la phosphorescence à
des taux assez faibles^ Les àiedols la suspendent, mais ne la sup-
priment pas (E. N. Harvey), de même que le chloroforme lorsque
le contact n'excède pas ttëiite minutes (R. Dubois). L'éther, la
benzine, le xylol, l'oxygène sous pression, l'acide cai'bonique,
le sublimé, sont nocifs ; la saponine, bien que souvent eytoly-
tiqué, se montre sans action.
L'oxygène est indispensable à la photogenèse ; seules luisent
les parties des cultures exposées à l'air. Cependant, si le milieu
est liquide, une vive agitation peut le rendre momentanément
phosphorescent dans toute sa masse. Aucune radiation n'est
émise dans le vide. Le sel marin active nettement la luminescence ;
l'ion Cl de NaCl peut être remplacé par d'autres anions, mais l'ion
Na ne peut être remplacé que par l'ion Mg (Gerresten). La pep-
tone sert de source d'azote .et de carbone : c'est le seul aliment
azoté essentiel à la phosphorescence. Une réaction alcaline ou
au moins neutre est nécessaire à la culture. Dès que l'acidité
apparaît, par suite de l'attaque des sucres, la luminosité décroît
sans que la vitalité du microbe soit altérée.
En transplantant en Série les colonies les plus lumineuses, on
obtient, par cette sorte de sélection, des races chez lesquelles la
phosphorescence atteint son maximum.

B. — Causes de la luminescence.
La luminescence paraît limitée au protoplasma du microbe ;
elle ne se manifeste jamais dans les cultures filtrées ; sa produc-
tion exige même l'intégrité des cellules bactériennes. Broyées
dans Pair (liquide, celles-ci perdent, en effets leurs propriétés
caractéristiques (Mac Fadyen). Cependant, chez les Insectes,
la substance phosphorescente a pu être isolée après destruction
des organes lumineux ; elle serait de nature colloïdale, formée de
granulations de volume variable, assez fines parfois pour tra-
verser les filtres de porcelaine. R. Dubois suppose que la produc-
tion de lumière résulte de la rencontre, en présence de I-PO et
d'oxygène, de deux substances : la lucijérine et la lûciférase.
Celle-ci serait une diastase, l'autre un corps fermentescible pro-
duit par l'action d'une substance destructible par la chaleur, la
coluciférast sur une substance résistante à cet agent, la prélu-
cifêrinê.
CHALEUR,LUMÏÈRE,MATIÈRESCOLORANTES 133
Coluciférase -\- préluciférine = luciférine
Luciférase -j- luciférine = oxyluciférine
Oxyluciférine -j- oxygène = lumière

La taurine, la peptone de Byla, Pesculine et l'ovolécithine


peuvent jouer le rôle de préluciférine.
Comme R. Dubois, N. Harvey appelle luciférine la, substance
luminescente oxydable et luciférase le ferment excitateur. Cette
luciférine est liée aux protéines ; elle en diffère pourtant par sa
solubilité dans l'alcool, les éthers, l'acide acétique glacial et sa
résistance à la digestion trypsique. La luciférase serait une oxy-
dase ; elle déterminerait la luminescence en agissant spécifique-
ment sur la luciférine ; les oxydases ou peroxydases ordinaires
ne peuvent la remplacer dans la photogenèse.

III. — Production de matières colorantes on chromo-


genèse,
A. — Caractères généraux des microbes chromogènes et des pigments.

Un grand nombre de microbes produisent des pigments de.


tejntes variées, les uns, solubles et diffusant dans les milieux de
culture, pendant la vie PU après la mort et l'aut;olyse des germes;
les autres, insolubles et restant adhérents aux cellules comme les
çndotoxims et les endoenzymes. Ces pigments réagissent en preV
sehce de la lumière et des gaz de l'air \ mais ils ne doivent pas
être confondus, avec la chlorophylle et la baçtérippurpurine qui
jouissent de propriétés physiologiques particulières et jouent le
rôle que l'on sait dans l'assimilation d(? CO? atmosphérique.
Cependant, on a décrit un certain nombre de bactéries, B, viride,
B. virens, B- chlorinum (Engelmann), dont le pigment, comme
celui des Algues cyanophyeées, §e rapproche de la chlorophylle,
La chromogenèse est une propriété contingente des microbes,
susceptible de 's'accroître, de diminuer et de disparaître selon les
conditions, de la culture, ïSUereprésente un des agpects de l'aet!-*
vite protoplasmique et du métabolisme, mais son mécanisme
intime reste mal connu.
Certaines levures sont chromogènes : levures noires, brunes,
roses. Il en est de même des Oospora.;-l'agent du pied de Madura
sécrète un pigment rouge à reflets métalliques ; deux espèces
d'Aspergillus produisent également une matière colorante rouge
(Sartory et Barner) ; enfin divers Streptothria;, (iS,violacée, çarmg.
134 PHYSIOLOGIEDES JITCKOISES

aurantiaca) tirent leur nom de la teinte de leurs colonies.


Les bactéries chromogènes sont très répandues dans le milieu
extérieur. Il en est de parasites, tels les staphylocoques et les
bacilles pyocyaniques ; mais le plus grand nombre appartient
aux espèces saprophytes. Les pigments qu'elles élaborent pré-
sentent des teintes très diverses :
Jaune citron : Sarchia lutea, Micmcoccus luteus, M. ccreus
flavui-, St. citreus.
Jaune d'or : B. luteus, Staph. aureus.
Rouge vif : Bactéries pourprées.
Rose : B. prodigiosus.
Violacé : Beggiatoa rosea persicina.
Cinabre : M. cinn&bareus.
Bleu clair : B. syncyaneus du lait bleu.
Bleu verdâtre : B. pyocyaneus du pus bleu.
Brune : B. bruneus, B. mesentericux niger.
Verte : B. de la diarrhée verte des nourrissons, B. chloro-
rapliis.
B. fluorescent liquejaciens et B. fluorescens putridus produisent
une fluorescence verte.
Une même bactérie peut sécréter des pigments différents.
Souvent cette différence résulte des conditions de la culture, de la
concentration de la couleur, de la composition et de la réaction
du milieu (le bacille polychrome de Macé, par exemple, donne,
selon les circonstances, du vert, du jaune, du bleu, du rouge ou
du violet), mais elle .peut également tenir à la coexistence d'autres
pigments dans la cellule (b. pyocyanique).
On connaît mal encore la nature chimique de ces substances
pigmentaires. Les unes sont solubles dans l'eau. D'autres, inso-
lubles clans ce liquide, se dissolvent clans les alcools éthylique et
méthylique, l'acétone, l'éther, le chloroforme, la benzine, le sul-
fure de carbone ; c'est-à-dire dans les solvants des matières
gTasses. Elles ont été rapprochées, pour cette raison, des lipo-
chromes. Ces lipochromes microbiens sont saponifiables à chaud
par la lessive de soude ; ils sont rouges : liporhodines; ou jaunes :
lipoxanthine. En présence de S04H 2 et de N03PI, ils prennent une
teinte verte ou bleu sombre (réaction de la lipocyanine). Au
spectroscope ils offrent deux bandes d'absorption, l'une vers
F, l'autre entre F et G. La chlororaphine et la pyocyanine, qui
sont cristallisables, se rapprochent, au contraire, par leur consti-
tution, des alcaloïdes.
CHALEUR,LUMIÈRE,MATIÈRESCOLORANTES 13S
Avec Sullivan, dont la classification est uniquement basée sur
les caractères de coloration des pigments, nous distinguerons
trois groupes de ces substances :
1° Pigments bleus ou bleu verdâtre, produits par le bacille
pyocyanique et des germes analogues ;
2° Pigments rouges et violets;
3° Pigments jaunes et oranges ;
4° Pigments de couleurs variées, comme ceux du B. roseus,
M. mycoïdes roseus et le pigment noir du b. cyaneo-fluorescens ;
5° Pigments fluorescents des bactéries fluorescentes.

1° Pigments bleus. — La variété la plus intéressante est la


pyocyanine sécrétée par B. pyocyaneus, improprement appelé
bacille du pus bleu parce que, en se développant dans les plaies,
il communique au linge des blessés, mais non au pus, une teinte
bleue ou bleu verdâtre. En 1860, Fordos montra que cette teinte
est due à une matière parfaitement définie, la 'pyocyanine, qu'il
obtint à l'état cristallisé et dont il fit connaître les réactions.
La pyocyanine, de formule C1J-H14N 20, se dissout non seule-
ment dans l'eau, mais dans le chloroforme. Les acides la trans-
forment en un composé rose, soluble dans l'eau et insoluble dans
le chloroforme. On utilise cette propriété quand on veut extraire
le pigment des cultures qui contiennent, en outre, un pigment
vert fluorescent. On traite d'abord le bouillon de culture renfer-
mant les bacilles pyocyaniques par le chloroforme qui dissout
le colorant bleu ; l'autre pigment reste en solution. On décante le
bouillon et, pour séparer les matières grasses que le chloroforme
a pu entraîner, on l'additionne d'un peu d'eau acidulée par
SO*H2 ou HC1, et on agite. La pyocyanine transformée en sulfate
ou chlorhydrate rose passe dans l'eau. On décante cette eau et on
Palcalinise pour régénérer le pigment bleu qu'on redissout dans
le chloroforme. En recommençant à plusieurs . reprises ces
opérations, on obtient finalement une solution chloroformique
de pyocyanine pure qu'on laisse cristalliser par évaporation.
En solution alcaline ou en cristaux, la pyocyanine s'oxyde,
jaunit et se transforme en pyoxanthose (Fordos). Les réducteurs
la décolorent. D'après Ledcîerhosc, elle serait sécrétée sous la
forme d'une leucobase, puis transformée en pigment par oxy-
dation. Mais cette hypothèse ne paraît pas justifiée (Aubel).
Le pigment bleu sécrété par B. Le Monnieri, étudié parPh.Las-
seur et P. Vernier, est un véritable colorant. En effet, il
136 PHYSIOLOGIEDES MTeiiOBES

bleuit la soie immergée dans sa culture en milieu liquide. Cette


teinte persiste après lavage de la soie à l'eau ; elle vire au
violet dans une solution ammoniacale ; elle verdit et disparaît
peu à peu dans un acide fort. La matière colorante de B. Le
Monnieri imprègne le corps bactérien et les cristaux minéraux
et organiques ; elle existe en outre sous }a forme de grains traver-
sant les filtres de papier, mais non les bougies F et L. Légère-
ment soluble dans l'e'au à l'état naissant, puisqu'elle teinte la
soie, elle devient ensuite complètement insoluble dans ce liquide
et les solvants neutres. Elle se dissout 4an§ les acides lactique et
acétique qui se colorent en bleu, puis en vert, par oxydation ; la
solution acétique traitée par NH 3 ou KOH donne un précipité
violet^bleu. La pyridine est un excellent solvant. Lasseur et
Vernier estiment que le pigment de B, Le Monnieri a pour origine,
comme tous les pigments bactériens, une substance mère produite
par la cellule,
2° Pigments rouges et violets. — Les premiers sont élaborés
par B. prodigiosus, B, rosaceus métalloïdes, B. ruber haïtiens.
Les pigments violets de B. violaceus et B. janthirvus n'appa-
raissent que lorsque les milieux contiennent du sulfate de magné=
sie et un phosphate, en particulier Je phosphate de potasse. La
matière colorante rouge de la variété érythrogène du bacille
pyocyanique es^ insoluble dans l'éther, l'alcool amylique,
l'acétone, le xylol, légèrement soluble dans l'alcool éthylique et,
davantage, dans l'alcool méthylique,
B. prodigiosus sécrète un pigment rouge, soluble dans l'alcool
çt le chloroforme, On sait que ce microbe, très répandu, se mani-
feste de temps en temps par l'apparition de « maculatures san-
glantes »sur diverses substances alimentaires, les hosties particu-
lièrement, Sette, en 1819, puis Ehrenberg, en 1848, ont reconnu
la nature de ces taches dans lesquelles on voyait un phénomène
surnaturel de mauvais augure, Dans les cultures, le pigment,
d'abord d'un rouge éclatant, devient de plus en plus foncé et se
recouvre d'une pellicule à reflets fuchsinoïdes. Pour l'extraire,
on dessèche la couche développée sur milieu solide, on épuise par
l'alcool acidifié et on précipite par l'eau, Le dépôt de matière
colorante ainsi obtenu ne contient ni soufre, ni phosphore* ni
azote- H est soluble dans l'éther, le xylol, la térébenthine, l'huile
d'olive, le sulfure de carbone, etç,.; Il se comporte comme une
leucobasg, jaunit par les alcaliSj vire.au rouge-violet sous Faction
des acides, et se décolore par les réducteurs. Il teint la laine et la
CHALEUR,LUMIÈRE,MATIÈRESCOLORANTES 137
soie i la couleur pâle qu'il leur communique résiste à la lessive,
mais s'efface à la lumière. Au spectroseope, la solution présente
deux bandes caractéristiques, une forte dans le vert, une moins
intense dans le bleu.
Un certain nombre de bactéries, décrites ou non comme
B. prodigiosus, n'en sont que de simples variétés :b. de Kiel, B. ruber,
B. indiens, etc. Cependant, on note parfois quelques différences
dans les caractères de solubilité de leur pigment. Celui du bacille
de Kiel, par exemple, est légèrement soluble dans l'eau, plus
soluble dans les alcools éthyliqye et méthylique, insoluble dans
l'alcool amylique, dans l'essence de térébenthine, la chloroforme
et le sulfure de carbone; l'étherle décolore, mais l'acide chlqrhy-
drique le fait reparaître.
3° Pigments jaunes et oranges. — La pyoxanthose (Fordos) du
bacille pyocyanique est un produit d'oxydation de la pyocyâ^
nine. De môme, le pigment jaune feuille-morte, qui apparaît
dans, les cultures de ce microbe, résulte de l'oxydation du pigment
fluorescent. B. clilororaphis sécrète une matière colorante, la
osanthorapliine, susceptible de verdir et de se précipiter sous la
forme de cristaux verts de ohlororaphine lorsqu'elle se trouve en
quantité suffisante dans les liquides nutritifs. La xanthoraphine
est une substance jaune, très soluble dans les acides, soluble
dans l'eau, l'alcool amylique et le chloroforme, peu soluble dans
l'acétone, insoluble dans l'alcool éthylique. Sa solution aqueuge
réduite par le zinc et l'acide chlorhydrique présente une teinte
verte, tandis que sa réduction en milieu alcalin par le zinc, le'fer
et le sulfate d'ammoniaque, permet d'obtenir des cristaux verts de
ohlororaphine. La chlororaphine cristallisée fond à $25.9.Elle, est
insoluble dans l'eau, le sulfure de carbone, le chloroforme, les
carbures d'hydrogène et les alcalis, faiblement soluble dans les
alcools méthylique et éthylique, très soluhle dans l'acétone, Je
phénol et les acides. Par oxydation, elle donne d§ Voççychloro^
raphine de couleur jaune, cristallisant facilement, soluble dan§
l'alcool, l'éther, le chloroforme et les acides minéraux concentrés
et précipitant de ses solutions en présence de tous les réactifs des
alcaloïdes. Sa composition réponde la formule brute C^JF'ÎPQ
(Lasseur).
40 pigments de couleurs variées. — Ceux de M. roseus et de
M. mycoïdes .roseus ne se forment qu'en présence d'acide lac-
tique. Ils sont insolubles dans l'eau, l'alcool, le chloroforme et
l'éther. Le pigment noir observé dans les cultures de bacille
138 rilYStO'LOCilKDES MICROBES

pyocyanique contenant de la tyrosine est dû à l'action d'une dias-


tase, la tyrosinase, sur cette substance. Les cultures de Sporo-
trichum sur carotte, pomme de terre, gélose peptonée, glycosée
ou maltosée à 3 p. 100 prennent également une teinte brune ou
noire après une ou deux semaines ; elles restent blanches si elles
sont insuffisamment oxygénées. La matière colorante est inso-
luble dans l'eau, les acides, les alcalis et les solvants des matières
grasses ; elle paraît se former uniquement clans les spores et à la
surface du milieu (D. J. Davis).
5° Pigments fluorescents. — Quand on examine une solution
d'éosine à la lumière, on observe un dichroïsme très marqué.
Exposée dans une chambre noire, à l'action d'un rayon lumineux,
cette solution émet une lueur qui diffuse autour d'elle et disparaît
en même temps que la cause excitatrice. C'est cette extinction
rapide qui distingue la fluorescence de la phosphorescence
durable produite par certains microorganismes, bien que ces
deux modes d'émission lumineuse aient la même origine phy-
sique et un déterminisme commun.
B. fluorescens liquefaciens, B. fluorescens putridus, B. pyocya-
neus, B. chlororaphis et de nombreux autres germes émettent,
dans leurs milieux de culture, une fluorescence due à des ma-
tières colorantes dissoutes. Le pigment fluorescent du bacille
pyocyanique est soluble dans l'eau et dans le chloroforme ; les
acides le font disparaître, les alcalis le régénèrent et l'avivent ;
par oxydation il se transforme en un pigment feuille-morte.
La fluorescence de B. chlororaphis s'observe dans les milieux
synthétiques dépourvus de fer, mais elle s'évanouit pour faire
place à une coloration jaune brun, puis brune, quand on ajoute
une quantité suffisante de ce métal. Lorsqu'on précipite à
l'aide de l'ammoniaque ou du sulfhydrate d'ammoniaque le
fer de ces liquides brunis, la fluorescence se manifeste de nou-
veau, comme si sa disparition résultait de la combinaison du fer
et du ehromogène qui le produit. D'après Lasseur, les pro-
priétés fluorescigènes du B. chlororaphis dépendent non de la
présence de tel ou tel minéral, mais de la nature des aliments
azotés et carbonés-' et de la proportion relative de ces aliments et
des corps minéraux contenus dans les milieux.
CHALEUR,LUMIÈRE.MATIÈRESCOLORANTES 139

B. — Conditions qui influent sur la chromogenèse. .

Les pigments bactériens sont vraisemblablement élaborés


au sein des cellules à l'état de leuco-dérivés. Leur production est
liée à une série de facteurs que nous allons passer en revue :
température, lumière, pression, réaction et composition des
milieux, aération, passages par l'organisme animal.
1" Température. — L'optimum thermique varie selon les
espèces; le plus souvent, il correspond à 20-25°. B. prodigiosus
et les types voisins croissent abondamment à 37-40°, mais sans
donner de pigment ; Erythrobacillus pyosepticus présente seule-
ment une faible teinte rose. Le pigment du bacille rouge de
Thévenin se développe surtout à 38°, mais il apparaît également
à 12°. A 42° la teinte est rose pâle (Fortineau). Transplanté dans
des milieux à la température optimum, le microbe sécrète
immédiatement la matière colorante caractéristique. Cependant,
par cultures successives de ces divers germes à 37°, on obtient
des races définitivement incolores (Schottélius).
Le chauffage répété à 50° pendant cinq minutes fait également
perdre aux microbes leurs propriétés chromogènes ; mais celles-ci
réapparaissent, après un temps plus ou moins long, dans des
conditions favorables.
En cultivant le B. prodigiosus à des températures croissantes,
Dieudonné est parvenu à lui faire produire son pigment vers 37°
exclusivement. Il en serait de même pour B. fluorescens putridus,
dont la température optimum de développement et de sécrétion
pigmentaire est de 22°. A 35°, la culture est pauvre et incolore ;
après dix-huit passages à 35°, on obtient des colonies vigoureuses,
pigmentées (Dieudonné). Si l'on reporte alors les bacilles à 22°,
ils poussent médiocrement et leurs colonies restent blanches. .
On ne connaît pas exactement le mécanisme de cette variation
qui résulte peut-être d'un accroissement de l'activité diastasique
des bactéries et de la modification corrélative de leur métabo-
lisme.
< D'autres bactéries comme B. pyocyaneus, B. indiens, B. mesen-
tericus niger produisent leur pigment à la température de
l'étuve : 37".
2° Lumière. — La plupart des microbes qui nous occupent sont
indifférents à.un éclairage modéré. B. prodigiosus et B. violaceus
présentent les mêmes propriétés chromogènes au grand jour et à
140 PHYSIOLOOIE
DES MICROBES
l'obscurité. Cependant M. ochroleucus ne donnerait de pigment
qu'à la lumière (Prove), et l'insolation transforme le bacille de
Kiel en un organisme incolore (Laurent). Une longue exposition
à la lumière diffuse décolore les cultures d'Erythrobacillus pyo-
sçpticus ; la lumière solaire totale ou les seuls rayons rouges pro-
voquent Je roême gffet en soixante-dix heures seulement. Un
éclairage diffus ne modifie pas l'élaboration de la chlororaphine
(Lasseur).
3° Pfçssion, '-*- Qn fait perdre toute propriété chromogène au
bacille pyoeyanique, en soumettant ses cultures pendant quatre
heures, à l'acide carbonique, sous la pression de 50 atmosphères
(d'Arsonyal §t Charrin).
4°- Bémtion des milieux. —D'une manière générale, l'alcalinité
entrave la chromQgenèse, tandis que la neutralité ou une légère
acidité des milieux se montrent souvent favorables. Par cultures
$ueQ맧ivesdans les liquides nutritifs très alcalins, surtout à 37?,
le B, prodigiosus peut même devenir incolore. Au contraire, le
bacille pyoeyanique et les bacilles fluorescents exigent une réaer
tion basique.
L/alcalinité et l'acidité des milieux paraissent modifier la
çhromogenèse par simple action chimique sur le pigment. La,
matière colorante du bacille du lait bleu, par exemple, grise en
bouillon neutre, vire au bleu ciel dans les milieux acides et au
rouge dans les milieux alcalins. Un grand nombre d'autres bacté-
ries changent également de teinte avec le temps, par suite des
variations réactionnelles qu'elles communiquent à leurs milieux
de culture. Mais il n'est pas impossible que l'acidité agisse sur
la cellule même et entrave directement l'élaboration pigmentaire,
C'est ainsi que certains microbes chromogènes, cultivés dans des
liquides contenant 1 p. 100 de dextrine, ne forment pas ou très
peu de matière colorante et que celle-ci n'apparaît pas davantage
quand on neutralise la culture.
59 Composition des milieu®. — Habituellement, les milieux
trop riches ne conviennent guère, et les milieux amylacés
constituent le terrain d'élection. Aussi, bien des microorganismes
pigmentés, comme le B, JMithiiyiis isolé des eaux, présentent des
colonies incolores sur gélatine et teintées sur ponime de terre.
Mais ces observations portant sur des milieux très complexes sont
empiriques et d'un intérêt restreint. On ne peut en effet étudier
les variations de la chromogenèse en fonction des substances
nutritives offertes aux microbes qu'en, employant des milieux
CHALEUR,LUMIÈRE,MATIÈRESCOLORANTES 141

synthétiques où se trouvent dissous des corps chimiquement


définis^ en quantités déterminées sacides aminés1,-âniides,- hydratés
de Cârbënéj acideg; bases et Sels organiques ou inorganiques,
Géssard a utilisé dans ses recherchés sur la pyocyànôgéfièse
un milieu renfermant dli sUCCinate d'ammoniaque, du sulfate
de magnésie et du phosphaté d'ammoniaque; Eh 1906s Sullivan
ètj plus récemment, Aubël et Liot ont précisé lés rélatiQns qui
existent entre- la composition des liquidés riutritif§ et là ënrofiio-
genèsè du bacille pyocyaniqtie.
Cultivé en présence de formiates ammoniacaux, le bacille
pyoeyaniqué lie forme pas sa matière colorante Caractéristique ;
avec le sulfate et le chlorhydrate d'ammoniaque, la chrômo-
genèse est inconstante ; avec le nitrate d'ammoniaque la teinte
verte fluorescente apparaît. L'alanine, la tyrôsine et l'acide
glutamique favorisent l'élaboration des pigments, de même que
l'acide aspartique gauche et l'asparagine, mais non l'acide aspar-
tique inactif et le glycocolle. Les acides et les alcalis né suppri-
ment la fonction chromogène du microbe qu'aux doses nuisibles
pour la culture ; le glucose l'entrave ; le saccharose, la mannite
à lS.p. 100 l'empêchent totalement, bien que ces substances ne
produisent pas d'acide (Aubel). D'après Liot, la présence d'un
sel organique ammoniacal est nécessaire à là végétation du
microbe et indispensable à l'élaboration du pigment. Les sels
ammoniacaux dés acides gras Saturés mônobàsiques, principa-
lement les acétate, propionâté, butyrate, valérianàtes et
câproateS sont favorables ; les formiates sont défavorables ainsi
que les Sels ammoniacaux d'aeidés gras non saturés moiiobasi-
ques, Sauf les Sôrbatés et lés sels d'acides aromatiques mônobà-
siques.
Parmi les substances organiques azotées, les aminés à Pétât
de chlorhydrate, les amides, seules ou en présence de glucides,
lie conviennent pas à là production de la pyocyaniné. Si l'urée
fait exception à cette règle, cela tient à ce qu'elle est transformée
en carbonate d'ammoniaque et se combine aux acides organi-
ques provenant de la décomposition des sucres. Les acides
aminés sont moins efficaces que les sels ammoniacaux ; là tyro-
sine est sans effet ; le glycocolle inâctif seul, devient actif au
contact des glucides. Comme pour l'urée, l'ammoniaque dégagée
âîl cours de là désamination de ces corps se combine avec les
àeides organiques qui résultent de là dislocation des alcools
polyatomiques ou des sucres ajoutés au milieu. Les sels ammonia-
142 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

eaux seuls, les glucides (monoses, polyoses) et les alcools poly-


atomiques ne peuvent servir à la nutrition du bacille pyocya-
nique et à la chromogenèse. Mais le microbe se développe et éla-
bore la pyocyanine en présence de glycérine, mamiite, glucose
ou lévulose dans les milieux qui renferment, en même temps, du
carbonate ou de l'azotate d'ammoniaque.
L'uranium colloïdal, à dose infime, active la culture du bacille
pyocyanique et la formation de la pyocyanine, mais ce métal ne
peut faire apparaître la matière colorante chez les races dépour-
vues de fonction chromogène (Agulhon et Robert).
En cultivant divers microbes dans le milieu synthétique sui-
vant :

Asparagine O'r,90
Succinate d'ammonium Oer,l()
Glycérine 2 grammes.
Glucose . . . 1 gramme.
Phosphate dipotassique 0sr,25
Sulfate de magnésium 0sr,5()
Chlorure de calcium 0sr,04
Sulfate ferreux Oer,OI
Eau 100cent, cubes

Lasseur et Thiry ont observé des variations qualitatives et


quantitatives très étendues de la sécrétion pigmentaire et même
la formation de matières colorantes par des bactéries naturelle-
ment achromogènes. Lorsqu'on supprime le sulfate ferreux dans
le liquide nutritif, on obtient, des cultures incolores ; la teinte
caractéristique reparaît instantanément quand on restitue le
sel de fer. Les propriétés chromogènes des microbes considérés
dépendent donc étroitement de la présence du sel de fer, en
particulier de sa base, car le sulfate de fer peut être remplacé
par un sel organique ou inorganique du même métal, mais non
par les sels de manganèse, nickel, cobalt, zinc et chrome. Il
semble que la matière colorante ainsi produite résulte de la
combinaison du sel de fer avec une substance primitivement
incolore élaborée par les bactéries.
6° Aération. — La chromogenèse bactérienne est nulle à l'abri
de l'air, sauf pour quelques espèces comme Spirttlum rubrum,
S. nigrum et Diplococcus pyogenes, de teinte orangée. La pyo-
cyanine bleue, la chlororaphine verte, les matières colorantes
sécrétées par les bacilles violets et certains bacilles rouges
. s'oxydent très facilement. C'est probablement en raison de cette
CHALEUR.,LUMIÈRE,MATIERESCOLORANTES 143

oxydabilité intense que les pigments de Sp.rubrum n'apparaissent


que dans le vide ou dans les gaz inertes. Les cultures de B. clûo-
roraphis effectuées en présence de 35 p. 100 d'oxygène sont d'une
couleur jaune plus ou moins foncé ; les cristaux verts de chloro-
raphine se constituent rapidement quand l'atmosphère contient
de 35 à 65 p. 100 d'oxygène* Au-dessus de 65 p. 100, leur précipi-
tation est retardée; à 85 p. 100, leur formation est ralentie (Las-
seur).
7° Antiseptiques. — Us peuvent engendrer des races achromo-
gènes (B. prodigiosus). En ajoutant aux cultures de bacille pyo-
cyanique des quantités croissantes de sublimé corrosif, on dimi-
nue de plus en plus et on finit par supprimer la sécrétion de la
pyocyanine (Charrin et Roger). L'acide benzoïque à 4 p. 100,
l'anhydride sulfureux à 6 p. 100, l'acide salicylique à 2 p. 100
exaltent la fonction chromogène d'Erythrobacillus pyosepticus ;
l'acide picrique à 1 p. 100 et le permanganate de potasse, au
contraire, l'entravent.
8Û Age des cultures. — Les vieilles cultures se décolorent ou
changent de teinte pour les raisons que nous avons déjà indi-
quées ; elles peuvent aussi abandonner moins facilement leurs
pigments ou les concentrer à leur surface (B. prodigiosus).

C. — Production naturelle et expérimentale de races variées de


bactéries chromogènes.

Les microbes qui ne sécrètent qu'une seule couleur se trans-


iforment parfois, à la longue, en races incolores. Ce phénomène
est fréquemment observé* chez le B. prodigiosus et le B. viola-
ceus ; il se manifeste -moins souvent chez les fluorescents et
devient presque une exception chez les bactéries à lipochromes.
Il convient d'ailleurs de distinguer les variations de l'espèce des
variations individuelles. Celles-ci sont banales et se traduisent
pour le B. prodigiosus, par exemple, par l'apparition de colonies
blanches au milieu de colonies pigmentées. Toutefois ces varia-
tions spontanées semblent plus apparentes que réelles, car elles
peuvent résulter, ainsi que le fait justement remarquer Ph. Las-
seur, du mélange de plusieurs races dans la colonie repiquée sur
les milieux solides pour l'isolement.
Expérimentalement, avons-nous dit, on obtient des variétés
incolores d'un germe chromogène quelconque en faisant varier
la température de culture, la réaction et la composition du mi-
144 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

lieu, etc. Inversement, des bactéries naturellement achromo-


gènes comme B. subtiliSf B. inesentei'icus, B; megatherium pro-
duisent, dans un liquide spécial, un voile coloré en rose ou rouge et
teintent le milieu en rose, rouge ou violet-rouge (Lassëur et Thiry ).
Lés bactéries qui élaborent plusieurs pigments se jDrêtent parti-
culièrement bien à l'étude de ces variations, comme le montrent
les belles recherches de Gessard sur le bacille cyanogène et le
bacille pyocyanique.
1° Races dû bacille cyanogène. *—Ce bacille, décrit par Ehren-
berg, donné un pigment gris dans le lait, Un pigment gris et un
pigment fluorescent dans le bouillon et uniquement ie pigment
fluorescent dans l'albumine d'oeuf. Par cultures successives en
milieu albumineûx, on crée une variété qui, reportée dans le
bouillon, n'y sécrète que le pignlent gris. En chauffant la race
normale, on obtient dans lé bouillon un type exclusivement fluo-
rescigèné. Enfin, en chauffant ce type fluorescigène, on aboutit
à une variété incolore. Reportées sur un milieu glucose additionné
de lactate d'ammoniaque, toutes ces variétés recouvrent leurs
propriétés originelles,
2° Races du bacille pyocyanique. — L'espèce pyocyanique est
caractérisée par la production de pyocyanine, mais elle englobe
différentes variétés stables qui diffèrent par la nature de leurs pig-
ments secondaires. A ce point de vue, Gessard distingue :
' La variété Pe,
pyocyano gène normale, qui sécrète de la pyo-
cyanine et un pigment jaune-rouge, avec prédominance de la
pyocyaninê.-
La Variété E, êrythûgènè-,qui produit les mêmes pigments avec
prédominance du jâùnê-rouge.
Là variété M, mélanogènë) qui produit du pigment noir et de
la fïyôcyâninë.
8"BâcilluS Lé Mônhiéri (Lâssèur). -—Sur la gélatine à 15 p* 100,
glticoséë à 1 pi 100, B. Le Monniefi forme de petites colonies
arrondies, bleues au centré, jaunes ou verdâtres à la périphérie.
Après quatre passages' à là température du laboratoire sur géla-
tine à 15 p. 100, glùcôsëe à 1 p, 100, on observe deux sortes de
colonies, lès unes vertes, lés plus nombreuses ; les autres bleues,
plus petites. Â 20°, la culture est plus rapide. Après trois jours,
les colonies développées sont blêu-èlâir ou jaune-verdâtre. Les
jôuïs guivantSs lé nèrribre dés colonies bleues augmente par trans-
formation dès colonies vôrdâtrès ; éll même temps la protéolyse
s'accroît autour des colonies bleues.-
CHAPITRE XIV

LOCOMOTION ET MANIFESTATIONS
SENSITIVES

I. MOTILITÉ.
Toute particule solide, en suspension dans l'eau ou dans un
liquide peu visqueux, présente des mouvements trémulatoires,
rapides ou lents, plus ou moins étendus, dont la forme et l'ampli-
tude dépendent du diamètre et de la composition des granula-
tions, de la température et de la composition chimique du milieu
ambiant. Cette agitation des particules est liée aux mouvements
moléculaires ; elle constitue le mouvement brownien. Toutes les
bactéries vivantes ou mortes, examinées dans un liquide aqueux,
manifestent cette mobilité passive : mais seules les espèces ciliées
sont capables de se déplacer activement.
Qu'on examine au microscope, entre lame et lamelle, une macé-
ration quelconque abandonnée à l'air et l'on constatera combien
sont variables les mouvements des germes qui la peuplent. Cer-
tains traversent rapidement le champ microscopique, d'autres
sont animés de lentes oscillations ; il en est qui vont et viennent,
s'arrêtent et repartent ; quelques-uns manifestent une sorte de
trépidation incessante ou tournent sur eux-mêmes; les spirilles
se meuvent en hélice, etc.
Un examen systématique des grandes espèces microbiennes
permet d'analyser leurs mouvements, surtout lorsqu'ils ne sont
pas trop rapides. On peut en distinguer deux formes principales :
progression et. mobilité sur place. L'étude des gros spirilles montre
que la progression est due à une rotation autour de l'axe longi-
tudinal. Cette rotation se mesure en prenant comme points de
repère des granulations protoplasmiques ou des corpuscules qui
adhèrent mécaniquement à la surface des microbes. Produit par
l'agitation des cils polaires, le mouvement se propage de l'extré-
MlCROBIOLOGIEGÉNÉRALE, 2'-(Mit. 10
146 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
mité des flagelles vers leur base et, de là, gagne le corps même fle
la bactérie. Il est hélicoïdal et non ondulatoire (Migula).
La mobilité in situ se constate principalement chez les bacilles
garnis de cils sur toute leur étendue ; mais comme ces organismes
sont peu volumineux, il est difficile de préciser le phénomène.
Migula a vu tourner sur eux-mêmes des paquets de Sarcina
mobilis.
Bien que dépourvues de flagelles, les Beggiatoa sont cependant
susceptibles de se déplacer, comme les Oscilfaires, en glissant à la
surface des liquides ou des corpuscules solides.
La vitesse de progression des bactéries est extrêmement va-
riable selon les espèces et, pour une même espèce, selon les condi-
tions de l'observation. Quelques expérimentateurs, comme Fried,
sont parvenus à la mesurer avec une certaine exactitude :
0mm,03 par seconde pour le vibrion cholérique, 0mm,018 pour le
bacille typhique, 0mm,01 pour le B. subtilis, 0mm,0073 pour le
B. megatherium et 0mm,001 pour le bacille tétanique.

A. — Circonstances qui influencent la motilité.


Comme toutes les fonctions microbiennes, la motilité est in-
fluencée par les conditions ambiantes :
L'oxygène, indispensable aux mouvements des aérobies stricts,
arrête net ceux des anaérobies vrais.
D'une manière générale, clans un milieu propice, la motilité
augmente avec la température jusqu'à la température optimum.
Aux températures extrêmes, les cellules s'immobilisent.
D'après Engelmann, le Bacterium photometricum, variété cle
Chromatium, ne se meut qu'à la lumière. Mais cette opinion est
contestée par Winogradsky.
Lorsqu'on transporte les germes clans des solutions salines
concentrées, leurs mouvements cessent ; ils reparaissent quand
on dilue la solution. Si la concentration primitive n'est pas trop
élevée, les microbes s'adaptent au milieu et recouvrent leur moti-
lité. Les sels dissous agissent sur les mouvements microbiens,
non seulement par leurs effets osmotiques, mais encore par leurs
ions positifs et négatifs, car les diverses solutions isotoniques ne se
comportent pas identiquement (Wladimiroff).
Les antiseptiques abolissent la motilité à des doses variables,
de même que les agglutinines des sérums que nous étudierons plus
tard.
LOCOMOTION
ET MANIFESTATIONS
SENSITIVES 147

B. — Perte de la motilité.
Au cours de leur évolution normale, les microbes perdent plus
ou moins rapidement la faculté de se mouvoir. Le B. subtilis
s'immobilise avant de sporuler ; par contre, le Bacterium Chauvoei
conserve des mouvements après la formation de la spore. Les
exemples abondent dans l'un et l'autre sens.
Parfois une espèce cesse spontanément de former des cils.
Tels certains vibrions cholériques et le B. coli dont on rencontre
fréquemment des types mobiles et des types immobiles étroite-
ment associés, à la surface de l'intestin notamment. Le change-
ment de milieu peut jouer un rôle important dans l'abolition de
la motilité. Lôffler cite, à ce propos, un microorganisme isolé de
l'infusion de chou-rave, qui ne possède de flagelles que sur les
milieux au chou-rave et les perd sur les milieux ordinaires. La
culture à haute température n'atteint que transitoirement les
propriétés motrices des microbes. D'après Ferrier, le B. coli
et Iç B. mblilis ne produisent pas de cils à 46°, mais, reportés vers
35°, ils en forment de nouveau. Il est nécessaire de combiner la
chaleur et les antiseptiques pour provoquer la perte de toute
mobilité. Vollinger, cultivant le B. coli à 45° dans le bouillon
phéniqué, a obtenu, en effet, après plusieurs passages, des races
définitivement immobiles.
Les alcools propylique et isopropylique, à la concentration de
2 à 3 p. 100, inhibent les mouvements ciliaires des Paramécies,
sans altérer leurs autres manifestations vitales (C. E. Bills).

II. — Tropismes.

Errera définit les tropismesles «diverses facultés du protoplasma


vivant de ressentir les asymétries dans la distribution des agents
extérieurs et d'y répondre par des courbures d'une direction
déterminée ». Pour j. Loeb, les tropismes sont des mouvements
dirigés par les forces ou stimulants du milieu extérieur : radia-
tions lumineuses (héliotropis-me), chaleur (thermotropisme), électri-
uité.(électrotrojrisme), pesanteur (géotropisme), contact (thigmotro-
pisme). Par suite d'une irritabilité égale des parties symétriques
de leur corps, les animaux s'orientent d'une manière déterminée
par rapport aux lignes de force issues d'une même origine, jus-
qu'à ce que les points symétriques de leur surface (symétrie
148 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

morphologique et symétrie chimique) soient atteints sous un


angle égal. Lorsque des forces égales agissent sur des points sy-
métriques de la surface, les mouvements provoqués restent
symétriques par rapport à l'axe, et l'animal se déplace suivant
une direction parallèle aux lignes de force du stimulant. Lorsque,
au contraire, les stimulants agissent inégalement sur des points
symétriques, les organismes effectuent un mouvement de rotation
jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli.
Les réactions motrices des êtres unicellulaires aux divers sti-
mulants varient non seulement avec les circonstances extérieures,
mais encore avec les nombreux changements chimiques qui se
produisent dans leur protoplasme. Ainsi des Copépodes (infu-
soires) qui s'éloignent le jour (héliotropisme négatif) des surfaces
éclairées, s'en rapprochent la nuit (héliotropisme positif) ; les
Paramécies renversent leurs mouvements quand la réaction de
leur milieu et de leur protoplasme est modifiée.
Parmi les substances qui dirigent les mouvements cellulaires,
certaines attirent les microbes, d'autres les repoussent (chiomio-
taxie de Pfeiffer). Le phénomène se constate aisément en mettant
une goutte de culture en relation avec l'orifice d'un tube capil-
laire fermé à l'extrémité opposée et contenant la substance dont
on veut étudier l'action. Tantôt les organismes s'accumulent
autour de l'orifice (chimiotaxie positive), tantôt ils s'en écartent
et l'ouverture se trouve entourée d'un halo clair où manquent les
bactéries (chimiotaxie négative).
Ce serait juger le phénomène d'un point de vue anthropo-
centrique que de chercher un rapport entre les qualités utiles
ou nocives d'une substance et son influence chimiotactique.
D'une façon générale, les sels de potassium, la peptone, l'aspara-
gine, etc., exercent une action positive ; l'alcool, les acides et les
alcalis insuffisamment dilués, les solutions trop concentrées de
divers corps, exercent une action négative. Les aérobies se
dirigent vers la source d'oxygène, les anaérobies la fuient. Donc,
•quand on observe les aérobies en goutte pendante, c'est à la péri-
phérie qu'on les voit se rassembler et présenter leurs mouvements
lesjplus vifs. Lorsque dans une infusion, des microbes avides
d'oxygène coexistent avec des algues vertes, on constate que les
premiers s'accumulent autour des secondes.
Engelmann a montré que le Chromatium étudié par lui se
dirige incontestablement vers la lumière. Si l'on diminue brus-
quement l'éclairage, les microbes renversent aussitôt leurs mou-
LOCOMOTION
ET MANIFESTATIONS
SENSITIVES 149
vements. Si l'on projette un spectre sous le microscope, ils s'ac-
cumulent en files correspondant aux bandes d'absorption de la,
bactériopurpurine.
B. Zopfi, ensemencé en strie à la surface d'un tube de géla-
tine inclinée, donne une culture dont le curieux aspect rappelle
une plume d'oiseau à barbures parallèles, toujours dirigées vers
le haut lorsque le tube est maintenu droit. Quand le tube est
maintenu horizontalement, les arborisations s'enchevêtrent.
Dans les cultures âgées, en tubes de gélatine renversés, une seconde
.culture, dont les filaments sont dirigés en sens inverse de la pre-
mière, se développe. Cette disposition, qu'on observe uniquement
sur la gélatine, est en rapport avec le degré d'étirement ou de
tassement de cette substance dans les vases de culture. Elle paraît
liée à son état d'élasticité (Sergent).
CHAPITRE XV

ÉVOLUTION. DÉVELOPPEMENT
SPOROGENÈSE

I. — Évolution et développement.
A. — Chamjngnons.
Comme nous le savons déjà, les circonstances extérieures et
la composition, du milieu ambiant exercent une influence capi-
tale sur la forme générale et les modes de reproduction des Cham-
pignons. Immergés, les Mucor se multiplient par bourgeonnement
à la façon des levures ; en surface, au contraire, ils ont l'aspect
filamenteux et produisent des spores externes. Celles-ci, à la/
température convenable, ne naissent donc qu'au contact de
l'oxygène.

B. — Protozoaires.

Rappelons la complexité du développement des Sporozoaires


et des Flagellés et l'impossibilité, pour certaines espèces, d'accom-
plir toute leur évolution chez l'hôte qu'elles infectent : les spores
des coccidies du lapin doivent mûrir dans le milieu extérieur ;
les hématozoaires du paludisme humain se transmettent aux
anophèles ; les piroplasmes, aux ixodes ; les trypanosomes aux
insectes piqueurs et, réciproquement, des invertébrés aux ver-
tébrés.

C. — Bactéries.
1° Evolution des individus. — Les bactéries végètent plus ou
moins rapidement selon l'espèce. Tandis que le microbe du choléra
des poules, par exemple, se développe en quelques heures, les
ÉVOLUTION,DÉVELOPPEMENT.
SPOB.OGENÈSE 151
bacilles tuberculeux croissent lentement et leurs colonies ne de-
viennent visibles, sur la gélose ou la pomme de terre glycérinées,
qu'après plusieurs jours ou plusieurs semaines. D'une manière
générale, il y a parallélisme entre l'intensité de la multiplication
d'un germe et celle de ses autres fonctions. Mais cette règle
n'offre rien d'absolu, et nombre d'organismes croissent d'autant
plus vite que leurs propriétés zymotiques, chromogènes ou photo-
gènes, entre autres, sont moins accusées. Les conditions externes
et internes, qui président à la division dés germes, peuvent donc
différer de celles qui régissent la nutrition, le métabolisme et
l'activité générale des cellules.
Quelque favorables que soient les conditions de la culture, les
bactéries ensemencées ne se divisent pas immédiatement. Il
existe une sorte de « temps perdu », une 'phase latente, dont la
durée (trente minutes à trois heures) varie avec la nature du
milieu, l'espèce microbienne, l'abondance et l'âge de la semence
(Mùller, Hehewerth, Gottschlich et Weigang, G. Smith). Les
germes qui ont souffert des influences extérieures défavorables,
notamment ceux des poussières, ne se multiplient, au début, que
très lentement. Pour obtenir une division rapide, il faut repiquer
des cultures très jeunes (deux à trois heures) : celles de six heures
donnent déjà un retard marqué (Miquel).
Après cette période, les microbes commencent à se multiplier
suivant une progression géométrique. C'est la période de multi-
plication logarithmique. On admet que la division des microbes à
évolution rapide se produit en vingt à quarante minutes. Ensuite,
elle se ralentit. D'après Millier, le bacille typhique se divise en
trente minutes vers la huitième heure, et en soixante-dix minutes
vers la vingt-quatrième. Il va sans dire que toute circonstance
nuisible, autre que l'accumulation des produits d'élimination
à la surface ou dans la profondeur des milieux de culture, ralentit
la multiplication. Vient ensuite la période stationnaire pendant
laquelle nombre de cellules meurent, puis une période de décrois-
sance progressive, plus ou moins longue, dont le terme est la stéri-
lisation totale de la culture.
Les bactéries qui poussent vite meurent aussi dans un temps
très court. A 37°, les cultures de vibrions cholériques, sur gélose,
demeurent longtemps repiquables avec succès. Pourtant, à partir
de la douzième à la vingtième heure, le nombre des microbes dimi-
nue sans interruption. Le troisième jour, il ne reste que 7 p. 100
de germes vivants ; le quatrième jour, 0,8 p. 100 (Gottschlich et
152 riIYSIOLOGIEDES MICROBES

Weigang). Les colonies développées en douze à vingt heures à


37°, conservées ensuite à la glacière, ou à la température ordi-
naire, résistent davantage.
Il arrive souvent que des milieux ayant servi à la culture d'un
microbe, puis filtrés, deviennent impropres à iine seconde cul-
ture du même microbe ou de germes différents. Pasteur, le pre-
mier, a signalé ce phénomène à propos du cocco-bacille du choléra
des poules. Des constatations analogues furent ensuite faites
par Sirotinin, sur des milieux gélatinisés épuisés, par une première
culture, puis chauffés jusqu'à stérilisation ; par Chantemesse et
Widal, sur des milieux géloses dont la première culture était
grattée et éliminée par lavage ; par Manteufel sur des centri-
fugats de cultures. Freudenreich, Garre sur des cultures filtrées,
et Berdnikow sur des dialysats. Les milieux ainsi rendus im-
propres à tout développement ultérieur sont dits vaccinés.
Pasteur attribua cette modification des milieux à l'épuisement
des matières nutritives indispensables à la végétation micro-
bienne. En réalité, si important qu'il apparaisse, cet épui-
sement n'est jamais total, et il semble bien que la vaccination
des liquides de culture soit plutôt due à la présence de substances
exerçant une action inhibitricc sur le développement des germes
réensemencés. Désignés sous le nom à'autotoxincs (Conradi),
kolysines (Regard), antivirus (Eesredka), ces corps n'ont pu
encore être exactement déterminés par l'analyse chimique.
Cependant des substances empêchantes, dont l'activité paraît
liée à la présence d'aminés, ont été isolées par Fernbach des le-
vures de boulangerie. Mais Legroux et Mesnard, rejetant l'hy-
pothèse de l'élaboration de substances inhibantes, attribuent à la
disparition progressive des hormones de croissance contenues
dans les milieux préparés avec des tissus animaux ou végétaux,
leur inaptitude au développement microbien.
2° Evolution des colonies. — Lorsque, sur un milieu solide, on
ensemence un seul germe aérobie, celui-ci, supposé vigoureux,
donne naissance à une masse visible, à une colonie, qui s'étend et
s'épaissit jusqu'à une certaine limite, variable avec l'espèce et
les conditions ambiantes. Les germes se disposent régulièrement
ou irrégulièrement en masses organisées, complexes, plissées ou
creusées de cavités, dont la structure a été étudiée par Legroux
et Magrou. Après avoir atteint son développement maximum,
a colonie s'immobilise. Elle conserve cependant sa vitalité pen-
dant un temps plus ou moins long, puis elle devient stérile par
SPOROGENÈSE
ÉVOLUTION,DÉVELOPPEMENT, 153

suite de la mort successive de tous les individus qui la compo-


sent. Telle est, schématiquement, l'histoire d'une colonie com
pacte.
Dans les liquides nutritifs, les cultures bactériennes présentent
une évolution générale identique. Les germes ensemencés y
forment : tantôt une colonie compacte disposée en voile plus ou
moins épais à la surface du milieu (B. subtilis, bacille tuberculeux) ;
tantôt des masses floconneuses ou granuleuses ; tantôt, au con-
traire, ils restent dispersés ou groupés en amas très fins, qui trou-
blent uniformément le bouillon et finissent par se déposer au
fond des tubes, pendant que le liquide surnageant s'éclaircit.
Si l'on sème un grand nombre de bactéries sur un milieu solide,
l'abondance de la culture ultérieure sera proportionnelle à la
quantité de germes introduits et à. l'intensité de croissance de
l'espèce. Quand cette dernière est faible, les colonies demeurent
toujours isolées et distinctes, quel que soit le nombre des microbes
ensemencés. Dans le cas contraire, la confluence s'opère rapide-
ment et la totalité du milieu se trouve bientôt recouverte par la
(touche bactérienne.
Le développement est plus rapide dans les milieux liquides lar-
gement ensemencés qu'après l'introduction d'un petit nombre de
germes, mais la récolte finale n'est pas forcément supérieure.
De ce point de vue quantitatif, les cultures liquides diffèrent
donc complètement des cultures solides. Cela tient à ce que
l'arrêt du développement microbien ne résulte pas uniquement
de l'épuisement des matières nutritives du milieu, mais encore,
et surtout, de l'accumulation progressive de substances nuisi-
bles (produits de désassimilation ou de fermentation), qui agis-
sent directement sur la vitalité des germes ou indirectement en
modifiant la réaction du substratum. Or, la diffusion de ces
substances est bien plus lente dans l'épaisseur des milieux solides
quedanslesliquides.il s'ensuit que les colonies développées sur
les solides arrivent beaucoup plus tardivement que les autres
au terme de leur vie active.'
La forme des colonies est extrêmement variable. Elle dépend
de l'espèce microbienne et des. conditions extérieures, méca-
niques, physiques et chimiques. Celle des colonies, qui se déve-
loppent dans l'épaisseur des milieux solides, serait déterminée
surtout, d'après Orsos, par l'état de cohésion et la résistance
élastique du substratum. Au début, sous l'effet de la pression du
milieu, les colonies sont sphériques, puis quand elles atteignent
154 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE

leur condensation maximum, elles s'étendent dans deux direc-


tions ; d'où fissuration de la masse. En dernier lieu, elles bour-
geonnent ou rayonnent dans tous les points de moindre résis-
tance. Celles qui croissent lentement restent définitivement
sphériques.
Nous ne pouvons décrire ici les multiples caractères des cul-
tures liquides et solides. Disons seulement que, dans les liquides,
les cultures se montrent plus ou moins abondantes, plus ou moins
riches. La solution nutritive peut se troubler ou rester claire ; le
trouble peut coexister ou non avec un dépôt ou un voile, signe
d'aérobiose, ou une collerette adhérente aux parois du tube.
Inversement, voile ou dépôt se produisent souvent d'emblée,
et s'accroissent sans altération de la transparence du milieu.
Les microbes peuvent encore se rassembler en flocons (streptoco-
ques, bactéridie charbonneuse), ou en grains (bacille de Preisz-
Nocard) qui, peu à peu, se déposent. Parfois ils forment de très
fins amas qui, par agitation de la culture, donnent naissance à
des ondes soyeuses.
Sur les solides, les cultures présentent des aspects bien plus
caractéristiques. La consistance, l'étendue, l'épaisseur, Ja confi-
guration de la surface, la forme des contours, la couleur des
colonies, etc., constituent autant d'indices d'identification des
espèces. Lorsqu'on a affaire à des milieux susceptibles d'être
digérés par les diastases protéoly tiques microbiennes, la liqué-
faction plus ou moins intense et rapide s'ajoute aux autres don-
nées diagnostiques.
Pour les milieux liquides, de précieux renseignements sont four-
nis par les changements de teinte en présence d'indicateurs colo-
rés, la formation de mousse, le dégagement de bulles gazeuses
aux dépens des substances fermentescibles, la coagulation du
lait, etc.
La vitalité des colonies varie selon les espèces et, pour une
même espèce, selon les circonstances de la culture. Les organismes
sporulés peuvent survivre pendant des années, dix-sept à vingt
ans (Duclartx). Quelques microbes sans spores se conservent
pendant dix à quatorze ans, mais c'est là une exception.

II. — Sporogenèse et germination des spores.

On a beaucoup discuté sur les causes de la sporogenèse, cepen-


dant toutes les conditions externes et internes qui la déterminent
SPOROGENÈSE
ÉVOLUTION,DÉVELOPPEMENT, 15S

ne sont pas encore exactement connues. Pour quelques auteurs,


la sporulation se produirait lorsque les substances cyanophiles
(colorables en bleu par le Giemsa) et les substances chromatiques
(colorables en rouge par le Giemsa) des cellules végétatives attei-
gnent le maximum de leur différenciation. Elle représenterait
donc le terme d'un processus régulateur qui aboutit au mélange
intime des deux constituants cellulaires, formés l'un du cyto-
plasme et d'une partie de la substance nucléaire à laquelle on
attribue des fonctions trophiques, l'autre, par la substance
chromatique qui préside aux fonctions locomotrices et repro-
ductrices.

À. — Champignons.

En. présence de zinc et en l'absence de fer, Sterigmatocystis


nigra ne sporule pas. Lorsque ces deux éléments se trouvent en
quantités convenables dans le milieu, ou lorsque le fer seul est
présent, le mycélium végète normalement et la sporulation se
produit dès le deuxième jour. En leur absence, le mycélium est
plus grêle, mais il sporule également le deuxième jour. Aucun de
ces métaux n'est donc absolument indispensable à la sporulation.;
toutefois celle-ci est empêchée par le zinc quand le fer fait
défaut clans les liquides nutritifs (Javillier et Sauton).
Plansen. suppose que la sporulation des levures est due à l'accu-
mulation, dans les milieux, de produits toxiques qui arrêtent le
bourgeonnement, Klebs l'attribue à une insuffisance d'aliments.
D'après Saïto, pour qu'une levure sporule en milieu pauvre, il est
nécessaire qu'elle ait été cultivée, au préalable, en présence de
certaines substances, de nature variable suivant les espèces :
dextrose, lévulose, galactose, etc. Ces substances stimuleraient
la fonction sporogène, mais la formation des asques serait la
conséquence d'une suppression partielle d'aliments. Les sels de
sodium, potassium, manganèse ou calcium, à une concentration
déterminée, sont indispensables à la sporogenèse ; les sels ammo-
niacaux Pentravent ; les acides ou les alcalis en excès la retardent
ou l'empêchent.
Pour obtenir des ascospores, on expose des cellules jeunes et
vigoureuses au large contact de Pair sur des corps poreux, modé-
rément humides, peu où pas nutritifs : pomme de terre, carotte,
blocs de plâtre,, porcelaine* dégourdie, papier filtre, etc. La tem-
pérature la plus favorable oscille entre 15 et 25° ; les levures sau-
156 PHYSIOLOGIEDES MICROBES

vages sporulent plus vite que les races sélectionnées. En culti-


vant systématiquement le Saccharomyces Pastorianus dans du
moût bien aéré, au voisinage de la température maximum à
laquelle il sporule, on parvient à le rendre asporogène.
Les spores des champignons germent lorsqu'on les transplante
dans un milieu humide. D'ordinaire l'eau suffit, et le premier
développement s'accomplit à l'aide des seules réserves de la cel-.
Iule ; mais parfois il faut ajouter au liquide deg éléments appro-
priés (Mucor mucedo). Une température déterminée est néces-
saire. Pour le Pénicillium glaucum, le maximum thermique est
de 43° ; le minimum, de 0°,5' ; l'optimum, de 22°. L'oxygène est
indispensable.
Il est évident que plus les spores sont vieilles et plus elles
ont été exposées antérieurement à des conditions défavorables,
plus leur développement exigera de temps.
Des conditions générales identiques président à la germination
des aseospores des levures. Les formes végétatives globuleuses
qui en proviennent se multiplient ensuite par bourgeonnement,
dont la durée est en moyenne de quarante minutes (Pasteur.).
Division transversale, observée chez les Schizosaccharomyces, et
gemmation sont rarement concomitantes.

13. — Bactéries.

On dit communément que les milieux pauvres favorisent la


sporulation des bactéries et que les milieux riches la gênent. Il
n'en est rien. Si les spores naissent plus vite dans le premier cas,
elles sont beaucoup moins abondantes que dans le second (Schrei-
ber). Il ne faut pas oublier, en effet, qu'un nombre toujours im-
portant de filaments demeurent stériles et que ce nombre aug-
mente lorsque les conditions sont nuisibles au développement
des germes.
Certaines substances activent la sporulation, d'autres l'entra-
vent. C'est ainsi que B. aerogenes capsulatus produit des spores
en abondance dans les milieux de culture contenant de 1 p. 100
d'arabinose, raffinose, inuline, mannite, dulcite, isodulcite ou
amygdaline. Au contraire, la saccharose, le maltose et le.lactose
sont défavorables, par suite de l'acidité qu'ils développent en
N
fermentant. L'alcalinité des milieux comprise 1 entre et
200
SPOKOGENÈSE
EVOLUTION,DÉVELOPPEMENT, 157
N
— est nécessaire à la sporulation de B. aerogenes capsulatus ;
le chlorure de sodium est indifférent (Fitz-Gerald). Les bactéries
anaérobies, qui attaquent fortement les sucres, ne sporulent géné-
ralement que dans les milieux ne renfermant pas de glucides
utilisables. Dans le même sens, mais sans préciser la nature des
substances actives, Migula avait montré que divers organismes
n'engendrent des formes de résistance que dans des milieux spé-
ciaux : le bacille du lait bleu et plusieurs bacilles fluorescents
sporuleraient seulement sur les mucilages de guimauve et de
coing ; quelques autres microbes sur l'un de ces mucilages exclu-
sivement.
Pour les microbes aérobies, l'oxygène est indispensable à la
formation des spores. La bactéridie charbonneuse réensemencée
systématiquement à l'abri de l'air ne produit que des formes
filamenteuses (Pasteur).
Enfin les spores n'apparaissent qu'entre des limites précises de
température. Tandis que la bactéridie charbonneuse croît de
12 à 45°, elle ne sporule que de 14 à 42°. L'optimum se trouve
autour de 40° (Schreiber).
Quelques spores germent dans l'eau distillée, mais la plupart
exigent un milieu et une température convenables. Il est à noter
que les milieux défavorables à la germination des spores per-
mettent parfois cependant le développement des formes mycé-
liennes correspondantes. Quant à la température et à la réaction
des milieux, les chiffres suivants démontrent clairement leur
influence. Les spores charbonneuses germent en six jours à. 12",
en vingt-quatre heures à 20°, en douze heures à 30°, en dix heures
à 34°, en huit heures à 40°, en quinze heures à 45°. Les spores
de B. subtilis ne germent pas à 5°. Leur germination se produit
entre 25 et 37°, mais seulem.nt lorsque la réaction du milieu est
comprise entre PH5 et P„ 10. Pour Pi, 7 à 8, la germination est
rapide ; à la concentration P" 10, elle est faible et les bacilles
développés redonnent immédiatement des spores (Itano et
Neil).

III. ASPOROGÉNIE.
Pasteur a obtenu des séries de générations de bactéridies aspo-
rogènes par cultures précoces, répétées, ou en l'absence d'oxy-
gène. Chamberland et Roux ont réussi à faire perdre définitive-
158 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
ment à ce même microbe, la propriété de former des spores. En
cultivant la bactéridie charbonneuse dans des bouillons addi-
tionnés de 1 p. 2 000 de bichromate de potasse, ces savants ont
constaté qu'après huit jours les cultures-filles étaient aspoïulées
et qu'elles se reproduisaient uniquement sous la forme mycé-
lienne lorsqu'on les reportait dans les milieux normaux. Les résul-
tats sont identiques lorsqu'on emploie le bouillon phéniqué à
6 ou 10 p. 1 000, ou la gélatine acide (Roux, Behring), ou les ense-
mencements successifs à 42° (Phisalix), ou enfin en combinant
ces divers moyens. Dans les organismes vivants, la bactéridie
charbonneuse ne sporule jamais.
Dans les vieilles cultures en gélatine (Lehman), sur la
pomme de terre glycérinée (Abt), la bactéridie devient parfois
spontanément asporogène. Il n'est pas impossible que cette trans-
formation se produise dans la nature et que certains bacilles
pseudo-charbonneux avirulents et asporogènes ne soient que des
bactéridies dégradées.
CHAPITRE XVI

MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES
DES MICROBES

Un grand nombre d'espèces microbiennes présentent, même


dans les milieux et dans les conditions les plus favorables à leur
développement, une variété d'aspect telle, qu'on pourrait croire
à des cultures impures. Ce polymorphisme spontané, déjà très
marqué chez les champignons, l'est davantage chez les bac-
téries. Il s'accroît encore lorsqu'on fait varier les facteurs sui-
vants :
1° Température. — Plus on se rapproche des températures
limites de végétabilité, plus les caractères extérieurs des mi-
crobes se modifient. Vers 37°, le B. aceti se dispose en chaînettes
de bacilles courts, presque cocciformes, étranglés en leur
milieu. Quand on élève la température de culture, les éléments
s'étirent peu à peu et se transforment en filaments dont la
longueur est parfois si grande, qu'ils se contournent comme des
brins de fouet. Quand, au contraire, on abaisse la température,
les articles se gonflent, acquièrent un volume considérable et
deviennent monstrueux : ils ressemblent à des citrons, à des
outres, à des massues (formes cVinvolution). Reportées à 37°,
les cellules filamenteuses ou renflées engendrent des bactéries
parfaitement normales (Hansen). Les levures cultivées à
.basse température revêtent une forme oblongue ou cylindrique
et restent ordinairement groupées ; cultivées à une température
élevée, elles sont arrondies, de faible diamètre et se détachent
plus facilement les unes des autres (Zikes).
2° Lumière. — Une lumière électrique intense favorise l'allon-
gement des conidiophores de VAspergillus clavatus.
3° Radium. — L'émanation de radium stimule la reproduction
des levures et leur activité diastasique. En même temps, elle
provoque rallongement, l'hypertrophie et la vacuolisation des
160 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
cellules (Nadson). Sous l'action d'une charge de G millièmes de
radium, la fermentation est suspendue, les levures augmentent
de volume mais restent aptes- à se multiplier ultérieurement
(Katzareff et Chodat).
4° Consistance et composition des milieux. — Filamenteuses cl
disposées en longues chaînettes au sein des liquides, les bae-
téridies charbonneuses restent courtes et dispersées sur les mi-
lieux solides. Le contraire s'observe souvent chez d'autres
espèces, le microbe du choléra des poules et le bacille de
Preisz-Nocard notamment.
5° Acidité et alcalinité des milieux. — Lorsque la croissance des
bactéries est entravée par un excès d'acidité ou d'alcalinité,
leur diamètre transversal ou longitudinal s'exagère habituelle-
ment. Dans les milieux alcalins, le bacille pyocyaniquq et le
B. prodigiosus se présentent sous l'aspect de bactéries quasi
arrondies. Quand on les ensemence dans du bouillon additionné
de 0,5 p. 1 000 d'acide tartrique, ils prennent la l'orme de ba-
cilles allongés et même de spirilles ; puis, le bouillon redevenant
alcalin, grâce aux échanges nutritifs et aux actions diastasiques.
les types courts réapparaissent. On peut empêcher ces variations
du Bacillus prodigiosus en maintenant l'acidité des milieux par
des réensemencements quotidiens ou en les additionnant d'acide
lactique (Beyerinck).
6° Vieillissement. — C'est une source de modifications involu-
tives importantes. Un vibrion cholérique isolé à Angers par
Metchnikoff est normalement court et gros ; il s'amincit et
s'allonge à mesure que les cultures vieillissent. Après un mois et
demi il reste définitivement effilé.
7° Substances chimiques. — Cultivé dans des liquides addi-
tionnés d'antiseptique, le bacille pyocyanique et le J3. prodi-
giosus deviennent renilés, filamenteux, spirillaires.
Ces variations 'morphologiques des microbes sont également
favorisées par les matières colorantes ajoutées aux milieux
liquides. En présence de vert malachite, par exemple, ou de
vert brillant en quantités insuffisantes pour entraver la crois-
sance des bactéries, on observe l'apparition de filaments très
allongés et, parfois, la sécrétion de matières mucilagineuses : les
caractères culturaux sont également changés : le B. coli forme un
dépôt épais et visqueux et B. laciis aerogenes, une mince pelli-
cule. Dans les mêmes conditions, les microbes fluorescents se
modifient et se distinguent par l'aspect des colonies (opaques,
MODIFICATIONS DES MICROBES 161
MORPHOLOGIQUES

translucides, transparentes, visqueuses, granuleuses), l'absence


ou la présence de pigments, l'action liquéfiante sur la gélatine,
Palcalinisation plus ou moins prononcée du milieu ; les bactéries
encapsulées fournissent deux variétés caractérisées par la pré-
sence ou l'absence d'une gangue muqueuse (Eisenberg).
Le vibrion cholérique se développe dans les milieux qui con-
tiennent jusqu'à 5 p. 100 de sel marin ; la consistance du voile
atteint son maximum pour une concentration de 3 p. 100. Ce-
pendant, la dégénérescence des germes se produit rapidement
au contact du sel : des formes coccoïdes apparaissent le quatrième
jour et, du sixième au huitième jour, les vibrions sont immo
bilisés. Fait curieux, cette sursalure des milieux augmente la
résistance des .vibrions à la chaleur (Beauverie). Elle accroît
également la longueur des bactéries marines du genre Bacillus
et, dans certains cas, les transforme en spirilles (Coupin).
Dans les milieux privés de soufre, le mycélium de Sterigmato-
cystis nigra olïre une consistance muqueuse, et les hyphes aux-
quelles il donne naissance s'écartent les unes des autres ; en
l'absence de potassium, le mycélium prend un aspect compact;
il contient des formes géantes et demeure indéfiniment stérile
(Molliard).
8° Passage par Vorganisme animal. — Les Sporotrichum et les
cryptocoques de la lymphangite épizootique du cheval, filamen-
teux dans les milieux de culture, présentent, dans les tissus
où ils se développent, une forme globuleuse, arrondie ou
ovoïde. Les Leishmania, arrondies ou ovalaires et dépourvues de
flagelle dans les cellules et les tissus, sont allongées et flagellées
dans les milieux de culture.
Le vibrion cholérique de Courbevoie se raccourcit considéra-
blement après passage par le péritoine du cobaye, mais la race
ainsi créée n'est pas stabk (Metehnikoff).
Formes massuées. — Diverses espèces bactériennes subissent
parfois au sein des tissus une modification singulière, qui consiste
dans l'apparition de formes géantes, renflées à une extrémité,
effilées vers l'autre, offrant l'aspect de massues.
Dans la botryomycose expérimentale, provoquée par le staphy-
locoque doré, les massues, selon Magrou,.sont observées à la péri-
phérie des grains sphériqiies ou mûriformes situés au centre des
nodules inflammatoires. Elles sont disposées radiairement autour
du noyau central constitué par des cocci typiques, et leur
partie effilée est dirigée vers le centre du grain. Ces massues
Microbiologiegénérale, 2"édit. il
i62 PHYSIOLOGIE
DES JIICllOHES

botiyocoeeiques sont acido-résistantes, mais, à l'inverse du


coccus originel, elles ne se colorent pas par la méthode de
Gram ; leur structure stratifiée est caractérisée par une série de
couches concentriques, superposées et emboîtées les unes dans
les autres.
On trouve des formations analogues dans Pactinomycose,
chez des microorganismes filamenteux appartenant aux genres
Nocardia et Cohnistrcptothrix, dans l'actinobacillosc (Lignièrcs
et Spitz) et dans la tuberculose. Nocardia et Cohnisireptotltrix
se développent dans l'organisme de leurs hôtes en pelotons
serrés de filaments ramilles. A-la périphérie du peloton, les extré-
mités libres du mycélium se dégagent et se disposent en courts
bâtonnets radiés, bientôt renflés en massues grêles. Ces massues,
encore peu différenciées du filament mycélien originel, se colorent
comme lui par la méthode de Gram. Ultérieurement, leur paroi
s'épaissit, elles s'imprègnent de sels minéraux et deviennent
acido-résistantes. Au centre, le filament primitif persiste.
Cet épaississement de la membrane ou de la couche cellu-
laire périphérique se produit également in vivo chez le pneumo-
coque et, dans l'organisme de la gerbille, chez le bacille tuber-
culeux (Metehnikoff). Mais ces microbes restent isolés dans les
lésions et ne se groupent pas, comme les germes de l'actino-
mycose et de la botryomycosc, en grains de forme et de
structure bien définies. Enfin, l'influence de l'hôte sur la mor-
phologie des parasites qu'il héberge se traduit, chez les bacté-
ries des Légumineuses, par l'apparition des formes bactéroïdes
que nous avons signalées.
De véritables faillies actinoph.ytes massuées du bacille de Koeh
ont été rencontrées dans les lésions caverneuses pulmonaires
(Coppen-Jones, Jenscn) de la tuberculose expérimentale du
lapin (lïabcs et Levaditi et de nombreux auteurs). Elles
s'ébauchent même parfois dans les vieilles cultures de bacilles
aviaires (Metehnikoff), alors qu'on ne les observe jamais dans
les milieux artificiels chez les Nocardia et Cohnistreptothrix.
Signalons pour finir que des formes bactéroïdes des bactéries
des Légumineuses ont été obtenues sur la gélatine additionnée
de 0,1 à, 0,1 p. 100 de caféine (Zipfel) ou de guanidinc, pyridinc
et chinoline (Barthel).
CHAPITRE XVII

ALTERATIONS ET MORT DES MICROBES

Selon lcuv intensité et la durée de leur action, les diverses


causes nuisibles à la vitalité des microbes produisent des troubles
momentanés ou définitifs, partiels ou généraux. Tantôt il s'agit
d'une simple gêne apportée à leur croissance ou à leurs diverses
manifestations vitales ; tantôt, au contraire, l'atteinte est plus
grave et une ou plusieurs fonctions disparaissent soit transitoi-
rement, soit définitivement. Ailleurs, les effets sont plus sévères
encore : le développement se trouve suspendu, mais il peut re-
prendre lorsque les conditions redeviennent favorables. Enfin la
mort marque le terme de l'effet nocif.
Laissant de côté les deux premiers stades de ces altérations
-cellulaires, qui ont été exposés dans les chapitres précédents,
nous nous bornerons à l'étude des modifications et de leurs
causes, qui aboutissent à la mort réelle ou apparente des mi-
croorganismes.

I. —Principales causes nuisibles a la vitalité des microbes.


A. — Plasmolyse.

Lorsqu'on plonge des microbes dans une solution saline hyper-


tonique, ils se plasmolysent, se déshydratent, et leur contenu,
en se contractant, abandonne peu à peu la paroi limitante. Si
la quantité de sel n'est pas trop considérable, un nouvel équi-
libre osmotique s'établit entre le protoplasma microbien et le
milieu ambiant, et la cellule, dite adaptée à ces conditions nou-
velles d'existence, reprend peu à peu son aspect primitif. Mais si la
proportion du corps dissous est trop considérable, l'organisme
gravement troublé meurt plus ou moins rapidement. Le plus
souvent, il faut un temps très long et une hypertonie très pronon-
cée pour amener des troubles irrémédiables.
164 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
Les cils et flagelles se montrent peu sensibles aux variations de
la pression osmotique, les spores, absolument réfractaires, car
ces formations, pauvres en eau, sont à peu près imperméables,
grâce à l'épaisse paroi qui les entoure.
Des troubles osmotiques inverses se traduisent par .l'irruption
de l'eau au sein du protoplasma. Théoriquement, les microbes
plongés dans une solution hypotonique ou dans l'eau distillée
devraient absorber une quantité de liquide telle, que la rupture
de leur paroi ne saurait tarder à se produire. En fait, d'autres
conditions interviennent fréquemment, qui modifient l'aspcet
du phénomène.

B. — Dessiccation.

Son mode d'action se rapproche évidemment de celui qui vient


d'être étudié. Les niieroorganismes à l'état végéta lit contiennent
75 à 80 p. 100 d'eau. Selon leur espèce et les milieux où ils se sont
développés, ils se trouvent diversement atteints par la dessic-
cation. A ce point de vue, Gcrmano distingue trois catégories
de bactéries : espèces très fragiles, vibrion cholérique, bacille de la
peste, bacille typhique ; espèces moyennement fragiles, strepto-
coques, pneumocoques, bacilles diphtériques; espècespeu fragiles,
staphylocoques, bacilles tuberculeux. D'après cet auteur, les
germes résistent d'autant mieux que la dessiccation a été
moins complète. Le vide sec produit donc l'effet maximum.
Les cultures desséchées sur des étoffes périssent plus lentement
que les cultures desséchées sur des lames de verre. De même, les
milieux albumineux, tissus ou humeurs, protègent les microbes
contre les effets de la dessiccation. Ainsi la bactéridie charbon-
neuse asporogène survit quarante-cinq à soixante jours dans le
sang desséché et huit à vingt et un jours seulement au sein des
cultures évaporées dans les mêmes conditions (Momont). En
réalité, le problème est beaucoup plus complexe, car la bactéri-
die ne résiste dans le sang que si elle s'y est préalablement
développée. On peut, en effet, additionner de 50 p. 100 de sérum
uneVnilture de baetéridies en milieu liquide, sans renforcer leur
résistance à la dessiccation. C'est que la constitution des mi-
crobes, celle de la bactéridie charbonneuse en particulier, est
considérablement modifiée, comme nous le savons, par les milieux
nutritifs et les circonstances de la culture.
Desséchées, les spores ont une vie fort longue. Miguel les a
ALTÉRATIONS
ET MORTDES MICROBES 165

trouvées capables de germer après seize ou dix-sept ans dans, des


poussières ou des particules de terre conservées à l'abri de l'air
et 'de la lumière.

C. — Agitation.
Une légère agitation des milieux fayorise la croissance des
microbes, soit en assurant un contact plus intime de l'air poul-
ies aérobies, soit en dispersant les produits de désintégration
concentrés autour d'eux. Au contraire, une agitation rapide et
prolongée ralentit la multiplication des bactéries- au sein des
liquides nutritifs ; des chocs violents finissent même par les tuer
(Meltzer).

D. — Pression.

D'une façon générale, les microorganismes s'accommodent


assez bien des fortes pressions ; il existe toutefois des différences
marquées selon les espèces. L'oxygène à 8 atmosphères stérilise
le sang charbonneux (P. Bert). Par contre, les spores charbon-
neuses demeurent vivantes après vingt et un jours dans l'oxy-
gène à 10 ou 12 atmosphères.
Des pressions de 2 à 3 000 atmosphères, prolongées pendant
quatre heures, ne tuent pas les bactéries, mais elles affectent leur
vitalité, diminuent leur virulence, leurs propriétés chromogènes
et leur aptitude à se multiplier. Lorsque les microbes sont
exposés dans un liquide à la pression croissante d'un gaz faible-
ment bactéricide, comme CO2, ils périssent peu à peu, par
suite de l'augmentation des propriétés antiseptiques du gaz à
mesure qu'il se concentre en se dissolvant.

E. — Température,

1°. Chaleur sèche. — La chaleur sèche tue les bactéries filamen-


teuses aux environs de 80°. Mais, comme'da dessiccation, la cha-
leur agit différemment sur les cultures et les humeurs infectées.
Tandis que les cultures charbonneuses, asporogènes, par exemple,
périssent en une demi-heure ou une heure à 75°, le sang charbon-
neux sec supporter 92° pendant une heure et demie (Momontl.
Les spores ne sont atteintes qu'à haute température : trois heures
. à 140°, une demi-heure à 180° et jusqu'à 200° pour certaines
166 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
d'entre elles (Cambier). On peut dire que dans une atmosphère
sèche, surchauffée, la spore survit jusqu'au moment où la ma-
tière organique se décompose. Elle meurt carbonisée.
2° Chaleur humide. — La chaleur humide détruit les bactéries
filamenteuses à 55-58° en moyenne. On doit prolonger plus ou
moins son action selon la quantité de germes, la nature du
milieu qui les contient et l'âge de la culture. Une culture de
B. coli, âgée de trois à six heures, par exemple, est stérilisée
en cinq minutes par le chauffage à 55°, alors qu'une culture
de neuf heures résiste.
Comme les formes végétatives, correspondantes, les formes de
résistance sont moins sensibles à l'action de la chaleur sèche qu'à
celle de la chaleur humide. Les spores charbonneuses supportent
95° pendant dix minutes ; mais elles sont tuées après cinq à dix
minutes d'ébullition. La vapeur d'eau détruit la majorité des
spores en cinq heures à 100°, en une heure à 105°, en une demi-
heure à 107°, en un quart d'heure à 110° (Miquel et Lattraye).
Cependant celles du bacille de la pomme de terre résistent à 120°
pendant dix minutes et à 112° durant vingt minutes.
La chaleur humide paraît agir en coagulant le protoplasme des
microbes ; cette altération est plus lente chez les formes de
résistance que chez les germes filamenteux. En maintenant les
spores dans une atmosphère chaude, saturée de vapeurs aqueuses,
on favorise la pénétration de quantités d'eau croissantes au sein
du protoplasma dont la coagulabilité augmente parallèlement.
Le chauffage en milieu acide suffit pour empêcher le développe-
ment des germes sporulés à une température inférieure a la tem-
pérature mortelle (Pasteur). La présence de substances colloï-
dales diminue les effets du chauffage sur les spores (Duclaux).
3° Basses températures. — Elles ont, en général, peu d'effets
sur les microbes et conviennent même à leur conservation.
Divers germes supportent sans dommage un froid de 87° prolongé
pendant une heure. Les spores du B. subtilis et de la bactéridie
charbonneuse restent intactes après cent huit heures à —r 70°
ou vingt heures à — 130° (Pictet et Young). Mais des alternatives
de gel et de dégel sont beaucoup plus préjudiciables aux bac-
téries. La cristallisation répétée de l'eau, qui imbibe le proto-
plasme, provoque alors un véritable broyage mécanique du con-
tenu cellulaire et la vie s'arrête définitivement,
Cette -action des basses températures sur les microbes varie
avec la nature des milieux. C'est ainsi que Tesbactéries en suspen-
ALTÉRATIONS
ET MORTDES MICROBES 167

"sion dans des solutions colloïdales, comme l'ovalbumine, résistent


mieux aux froids intenses, et même aux gels et aux dégels alter-
nés, que dans l'eau. Une fois congelées, elles ne sont plus influen-
cées par un abaissement ultérieur de la température, quelque
considérable qu'il soit. Le bacille typhique et le B. coli ainsi traités
survivent pendant plusieurs heures dans l'air liquide à — 1.76°
et même dans l'hydrogène liquide à — 252°.

F. — Lumière.
La lumière diffuse agit peu sur les microorganismes. Aussi
examinerons-nous surtout les effets de l'insolation qui sont pro-
portionnels à l'intensité des rayons chimiques.
Quand on étudie l'influence de la- lumière sur la vitalité des
microbes, il faut tenir compte des modifications chimiques
qu'elle apporte aux milieux. Celles-ci se traduisent ordinaire-
ment par la production de composés antiseptiques (ozone,
1-PO2, CI-PO) et par une acidification plus ou moins marquée.
Le bouillon insolé pendant trois ou quatre heures s'oppose à la
germination des spores charbonneuses, mais non à la multipli-
cation des bactéridies mycéliennes (ensemencement de sang
infecté).
Les cultures sont, comme toujours, plus sensibles que les
humeurs. D'autre part, l'insolation à l'air agit plus énegiquement
que l'insolation dans le vide. Exposées au soleil après dessicca-
tion, les cultures charbonneuses périssent en cinq heures ou cinq
heures et demie à l'air et en six-heures et demie dans le vide. Le
sang charbonneux sec résiste huit heures à l'action combinée de
l'air et de la lumière; le sang charbonneux humide, plus longtemps
encore (Momont). Les spores charbonneuses sèches résistent
cent heures au soleil et à l'air ; les spores émulsionnées dans l'eau,
quarante-quatre heures à l'air et cent dix dans le vide.
Parmi les rayons du spectre, les rayons rouges et infra-rouges,
leur action calorifique mise à part, ont peu d'effet sur les mi-
crobes. Au contraire, les rayons bleus et ultra-violets, de courte
longueur d'onde, sont nettement germicides, soit directement,
soit indirectement, en provoquant la formation de substances anti-
septiques, d'eau oxygénée surtout, dans les milieux aqueux.
Cette action antiseptique des rayons ultra-violets a été appliquée
à la stérilisation des eaux (Courmont). La lumière bleue retarde
le bourgeonnement des levures et les rayons ultra-violets l'arrê-
168 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
tent avant de tuer la cellule. Les rayons infra-rouges sont sans
action ; les rayons rouges accélèrent la germination (Buchter).
Exposées aux rayons ultra-violets, les bactéries lumineuses
cessent de se multiplier, mais conservent leurs propriétés photo-
gènes (Gerresten). Les spores du B. subtilis, B. mesentericus,
B. megatlierium seraient détruites aussi rapidement que les formes
végétatives par ces mêmes rayons, mais les spores charbonneuses
résisteraient plus longtemps que les bactéridics mycéliennes
(Lagerberg). .

G. — Electricité.

Il est difficile de séparer les effets directs des courants élec-


triques sur les microbes, des effets indirects qu'ils provoquent en
modifiant la composition chimique des milieux ambiants. C'est
ainsi, d'après Zeit, qu'un courant continu de 100 milliampères,
traversant une culture en bouillon, tue à 37° les bactéries peu
résistantes; au pôle positif la réaction devient aeide par forma-
tion d'acide hypochloreux aux dépens du chlore du milieu et de
l'oxygène ; au pôle négatif, où apparaît la soude, elle devient alca-
line. Un courant de 100milliampères agissant pendant deux heures
tue les bactéridies mycéliennes, ainsi que les spores charbon-
neuses et celles du B. subtilin ; ces dernières, cependant, résistent
au pôle négatif.

H. —- Rayons X.
Même lorsque leur action est prolongée pendant quarante-
huit heures, les rayons de Rôntgen ne tuent pas les bactéries non
résistantes, exposées à 20 centimètres de la source rayonnante.

I. — Radium.
Les effets du radium sur les levures et les moisissures se mani-
festent après une période latente. Leur intensité dépend de la
durée de l'irradiation et des propriétés individuelles des cellules
irradiées. Les cellules s'hypertrophient, se déforment ; leur
membrane s'épaissit, puis se résorbe et disparaît ; le cytoplasme
se vacuolise, devient plus fluide ou se charge de granulations.
La mort survient après une exposition prolongée. Au point de
vue du métabolisme, cette action du radium se traduit, en par-
ET MORTDES MICROBES
ALTKttATïONS 169

ticulicr pour S. cerevisioe et une Nadsonia, par la perte de la


gycogenèse. Au contraire, Cryptococcus glutinis qui, normale-
ment, ne fabrique pas de glycogène, forme non seulement cette
substance quand il est irradié, mais encore un glucide colorable
en bleu ou en violet par l'iode. L'irradiation détermine aussi
une hyperproduction des corpuscules métachromatiques et une
accumulation de globules graisseux (Nadson). En général, les
bactéries sont peu influencées.

J. — Aération.

Elle entrave le développement des anaérobies et devient nui-


sible aux aérobies eux-mêmes, soit lentement, à la température
ordinaire, soit rapidement quand on fait usage de la chaleur.
En présence d'oxygène, le sang charbonneux n'est pas altéré
avant cinquante jours à 33° ; il l'est en soixante-six heures à 70°.
A l'abri de l'air, il conserve ses propriétés soixante jours à 33° ;
et cent soixante-cinq heures à 70° (Moment).

K. —- Antiseptiques.

Les antiseptiques agissent en détruisant complètement les


microbes, ou en modifiant leur contenu protoplasmique par coa-
gulation, par solubilisation (l'action de la bile et des sels biliaires
sur les pneumocoques est caractéristique de ce dernier mode),
ou par oxydation ; ou enfin en ralentissant et en paralysant
les diastases cellulaires. Leurs effets dépendent d'un grand
nombre de facteurs : nature, concentration, solubilité de l'an-
tiseptique dans les couches externes de la cellule, dans les
lipoïdes, par exemple, pour le bacille tuberculeux, dissociation
électrolytique (ionisation). Ils varient encore avec la nature du
solvant et la manière dont il agit sur la tension superficielle,
avec la présence de certains corps favorisants ou empêchants,
la tenrpérature du milieu, l'âge et la richesse en microorganismes
de la culture ou du produit pathologique, l'espèce microbienne,
l'état de dessiccation et de résistance des germes.
1° Nature de Vantiseptique, concentration, temps d'action. —
Les antiseptiques gazeux détruisent plus ou moins rapidement les
formes mycéliennes : certains font même périr les spores'. Ce
çcr.t le chlore, le brome, l'iode, les vapeurs d'acide chlohydrique,
170 pnvsroi.ooiK des mtcrobf.s

Je formol, les chlorures de ben/.oyle et de benzyle, l'acide osmique


(Miquel).
Concentré à 10 p. 100 dans une atmosphère sèche, SO2 fait
périr les microbes pyogènes, mais non les espèces sporulées. En
solution à 1 p. 2 000, il tue rapidement les bactéries pyogènes.
le bacille typhique, le vibrion cholérique.
L'iode en solution alcoolique jouit de propriétés mierobieides
très intenses,, mais son action est contrariée par la présence de
matières albuminoïdes, surtout de peptones, avec lesquelles il
contracte des combinaisons peu antiseptiques. En solution
aqueuse iodurée, l'iode tue la bactéridie charbonneuse à 1 p. 100,
le bacille diphtérique à 1 p. 1 850, le bacille typhique à 1 p. 600,
le vibrion cholérique à 1 p. 860 en cinq à trente minutes, à la tem-
pérature du laboratoire ; le bacille tuberculeux à 1 p. 500 en
moins de vingt-quatre heures.
L'eau oxygénée et l'ozone détruisent en quelques minutes les
bactéries peu résistantes : bacille typhique. vibrion cholérique,
staphylocoque, pneumocoque.
Les chlorures décolorants et les hypochlorites agissent par le
chlore qu'ils dégagent.
Le sublimé représente un des meilleurs antiseptiques. Un
millionième empêche le développement de la bactéridie charbon-
neuse (Behring). Il détruit les spores charbonneuses en douze
minutes à la dose de 1,60 p. 100 ; le staphylocoque en trois mi-
nutes à 0,42 p. .100 ; le vibrion cholérique en une heure à
1 p. 60 000 ; le bacille tuberculeux en cinq minutes à 1 p. 1 000
(Yersin). On emploie généralement la solution à 1 p. 1 000, qui
suffit à tuer la plupart des germes. Cependant les microbes con-
tenus dans des liquides organiques résistent par suite de l'action
coagulante .qu'exerce le sublimé sur les ma.tières albuminoïdes.
Le biiodure et l'oxycyanure de mercure sont également très
efficaces.
Les sels d'or se montrent généralement moins actifs que les sels
d'argent : le nitrate d'argent tue rapidement le bacille diphté-
rique à 1 p. 2 500 ; le bacille typhique, le bacille morveux, le
vibrion cholérique à 1 p. 4 000. On n'a pas oublié l'influence spé-
ciale des sels d'argent sur VAspergillus niger.
Les sels de cuivre n'agissent sur les spores qu'à doses massives ;
le sulfate à 5 p. 100.tue en une ou deux heures le bacille typhique,
le vibrion cholérique, les streptocoques et les staphylocoques
pyogènes. Les sels de fer (sulfate) et de zinc (chlorure) sont encore
ET MOKTDES MICROBES
ALTÉRATIONS 171
moins efficaces. À la dose de 3,95 p. 100, le permanganate de
potasse détruit les spores charbonneuses en quarante minutes et
en quatre jours à celle de 1,98 p. 100 ; le bacille de la morve en
quelques minutes à 5 p. 100. Mais le bacille tuberculeux
résiste.
Les acides minéraux et les alcalis jouissent de propriétés anti-
septiques très marquées. En solution suffisamment concentrée, à
6,3 p. 100, par exemple, pour l'acide azotique, les acides forts
tuent facilement les spores charbonneuses : l'acide borique a
peu d'action. On fait périr les spores charbonneuses avec
KOH à 5,6 p. 100, NaOH à 4 p. 100, LiOH à 2,4 p. 100.
La chaux se montre très inférieure.
Parmi les corps de la série organique, les acides n'ont guère
d'influence sur les microbes, au moins à dose peu élevée. Ils
constituent même parfois d'excellents aliments pour les moi-
sissures.
En solution à 35 p. 100, le formol détruit les spores charbon-
neuses en soixante minutes et les spores de B. subtilis en
quatre à six heures, à 40 p. 100. A 1 p. 1 000, il s'oppose à la
germination de la bactéridie charbonneuse, du bacille diphté-
rique, du bacille pyocyanique, du B. coli, du bacille typhique
et du staphylocoque doré ; la solution à 2 p. 1 000 tue le
bacille typhique, le staphylocoque doré et le bacille pyocya-
nique en quinze à vingt minutes ; la solution à 5 p. 100 détruit le
bacille tuberculeux en moins d'une heure. À l'état gazeux, au
titre de 1 p. 100, il fait périr la plupart des microbes de l'air en
quelques minutes. Son pouvoir augmente en présence de vapeur
d'eau. Cependant, d'une manière générale, les moisissures ré-
sistent beaucoup plus que les bactéries. Non seulement l'aldéhyde
formique agit sur ces dernières, mais encore sur leurs toxines :
en solution à 1 ou 3 p. 1 000, elle inactive complètement les
toxines tétanique et diphtérique (Leuwenstein, Ramon), tout
en conservant leurs propriétés antigènes.
Les alcools n'exercent qu'une faible action antiseptique sur-
tout sur les microbes développés dans des liquides albumineux
coagulables. De même l'éther qui, pourtant, tue aisément cer-
taines espèces peu résistantes, comme les streptocoques pyogènes
et le vibrion cholérique. Les alcools stérilisent les cultures micro-
biennes liquides, à doses décroissantes, à mesure qu'ils s'élèvent
dans leur série (Miquel)T
172 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
10,5 p. 100 pour l'alcool méthylique.
9.5 — — cthylique
6 — — propyliquc
3,5 — — — butylique
1,5 — amylique.

Comme le chloroforme, les alcools et l'éther n'ont aucun effet


sur les spores charbonneuses.
Les huiles essentielles, les erésols (crésyl, créoline), le lysol,
la créosote et le thymol sont très actifs. -A la dose de 1 p. 330,
l'acide phénique arrête toute germination ; à 2,5 p. 100, il détruit
la bactéridie mycélienne ; au titre de 1 p. 100, il ne tue pas les
spores charbonneuses, mais à 5 p. 100, à la température de 36° 5,
il suspend leur vitalité (Nocht).
La valeur antiseptique du phénol est modifiée par l'introduction
de certains groupements chimiques dans sa molécule : elle est
accrue par les groupes méthyl ou nitro, diminuée par un hydro-
xyle.
Presque toutes les couleurs d'aniline, à l'exception des cou-
leurs acides, sont bactéricides in vitro. Le violet de gentiane est
très actif sur les microbes qui prennent le Gram, mais faiblement
actif sur ceux qui ne le prennent pas. Pour tuer le B. coli (Gram-
négatif), il faut employer une solution à 1 p. 500 et prolonger
le contact pendant trente minutes. Le violet de gentiane
aniline, tel qu'on l'utilise pour les colorations microbiennes, se
comporte comme un antiseptique énergique : en une minute, il
tue aussi bien les microbes Gram-positifs que les microbes Gram-
négatifs (Jansen).Mêmeà la concentration de 1 p.200 dans l'eau,
le bleu de méthylène a peu d'effet sur les bactéries.
2° Véhicules, corps favorisants et empêchants. — L'eau est
presque toujours le meilleur véhicule des antiseptiques.
Krônig et Paul, les premiers, ont montré l'importance des
phénomènes de dissociation dans les propriétés antiseptiques des
électrolytes. On sait que les acides, les bases et les sels s'ionisent
beaucoup mieux dans l'eau que dans tout autre liquide et c'est,
comme nous l'avons vu, dans ce liquide qu'ils manifestent le
plus énergiquement leur action germicide. Les solutions aqueuses
d'acide formique, par exemple, ont une action désinfectante,
approximativement proportionnelle à leur concentration en
ions H, comme si ces ions étaient les seuls agents antiseptiques.
L'addition de formiate à l'acide formique, c'est-à-dire d'un sel
de même anion, abaisse son pouvoir désinfectant en diminuant
ALTÉRATIONS
ET MORTDES MICROBES 178
le nombre de molécules dissociées et, par suite, le nombre d'ions
IT. Pourtant les solutions d'acide fbrmique additionnées de for-
miate, à un taux tel que la dissociation de l'acide ne soit pas
modifiée, ont une valeur antiseptique plus élevée que les solutions
d'acide seul, de même concentration en ions H. Pour d'autres
acides on a également constaté que le pouvoir antiseptique n'est
pas toujours proportionnel à leur degré de dissociation électro-
lytique.
Certaines substances augmentent ou diminuent l'activité des
antiseptiques en modifiant leur solubilité. C'est ainsi que le sel
marin accroît l'action bactéricide du phénol en favorisant sa
solubilité dans les protéines ; l'alcool a des effets contraires
(Çooper). Pour Christiansen, les propriétés bactéricides des
alcools sont fonction de leur tension superficielle. Cependant,
lorsqu'on associe à divers antiseptiques,' des substances qui
abaissent la tension superficielle, comme la saponinc, les résultats
diffèrent totalement de ceux qu'on obtient avec les alcools. Il
semble que ces derniers, lorsqu'ils contiennent en dissolution
des antiseptiques, interviennent d'abord directement en modi-
fiant la perméabilité de la membrane des bactéries ; la tension
superficielle agit ensuite, car c'est d'elle que dépendent
les proportions de désinfectant adsorbé par les microbes (T. Han-
sen).
8° Température ambiante. — La chaleur multiplie l'effet des
désinfectants : l'acide phénique, inol'fensif pour les spores char-
bonneuses à la température ordinaire, les détruit vers 87° en
trois heures à 5 p. 100, en quatre heures à 4 p. 100, en vingt-
quatre heures à 3 p. 100 (Nocht) ; l'aldéhyde fbrmique fait périr
les spores du B. subtilis en quarante-quatre heures à 15°, au titre
de 40 p. 100 ; en dix-huit heures à 35° et en deux heures à
52° au titre de 2 p. 10.0 (Pottevin).
4° Nature des germes. —Milieu. — Les diverses bactéries mycé-
liemies et les formes végétatives des champignons résistent inéga-
lement aux antiseptiques ; de même les spores. Par exemple,
le sublimé, qui stérilise les cultures du microbe du choléra des
poules à 1 p. 25 000, n'attaque celles du pneumobacille qu'à
1 p. 15 000. En solution à 15 p. 100, l'aldéhyde formique tue en
une heure et demie les spores de la bactéridie et en quarante-
. quatre heures seulement celles du B. subtilis. Le tableau
suivant indique comment se comportent quelques antiseptiques
courants à l'égard du bacille tuberculeux.
174 PHYSIOLOGIEDES MICROBES
L'eau phénolée à 5 p. 100 tue le ta.tub. en 5 minutes.
L'aldéhyde formique à 1 p. 100 — s 1 heure.
L'aldéhyde formique à 1 p. 10 000 — 24 heures.
L'alcool éthylique à 25 p. 100 — 1 heure.
Le bichlorure de mercure à 1 p. 100 000 — 24 heures.
Le bichlorure de mercure à 1 p. 1 000 — 1 heure.
Le chlorure d'or à 1 p. 20 000 — 24 heures.
Le nitrate d'argent à 1 p. 5 000 — 24 heures.

Le nombre de germes contenus dans un volume donné de la


solution désinfectante joue aussi un rôle très important. Que l'an-
tiseptique soit adsorbé par les cellules, ou qu'il se dissolve dans
leur contenu, chaque microorganisme, en effet, fixe une petite
quantité de substance active de la solution qui s'appauvrit
proportionnellement.
Quant au milieu, son influence est encore plus marquée. En
voici une preuve frappante, empruntée à Behring : le sublimé
détruit la bactéridie charbonneuse à 1 p. 600 000 dans l'eau, à
1 p. 40 000 dans le bouillon et à 1 p. 2 000 ou à 1 p. 1 200 dans le
sérum.
Ce même sel perd la totalité ou une partie de ses propriétés
antiseptiques au contact de EPS et du sulfhydrate d'ammoniaque
(transformation en sulfure) ; des alcalis (transformation en
hydrate); des albuminoïdes (production d'albuminatc de mer-
cure et aussi, d'après Behring, réduction de HgCl 2) ; enfin de
divers composés, tels ceux que contient, par exemple, le bouillon.
Pour obvier à ces inconvénients, on a coutume d'additionner le
sublimé d'acide chlorhydrique, ou d'un mélange de NaCl et
d'AzIPCl.
Tous les sels métalliques et les métalloïdes sont, comme le
sublimé, modifiés par les substances organiques ou inorga-
niques des milieux. Nous avons vu que l'iode contracte avec les
peptones des combinaisons dépourvues de propriétés antisep-
tiques ; le nitrate d'argent est précipité à l'état de chlorure
d'argent inactif par NaCl, et réduit par la matière organique,
etc...
5° Accoutumance aux antiseptiques. — Les levures s'accoutu-
ment au formol, d'après Ëi'i'ront, grâce à l'élaboration d'une dias-
tase oxydante qui transforme l'aldéhyde formique en acide for-
mique ; elles s'accoutument également à l'arsenic qu'elles neutra-
lisent peu à peu.
Après avoir séjourné quatre à cinq jours dans l'alcool éthy-
lique à 1 p. 100, les infusoircs deviennent capables de se dévelop-
ALTERATIONS
ET MORTDÉS MICROBES 175
per dans une solution du môme alcool à 2 p. 100 et de résister à
la dilution mortelle qui est de 4 p. 100. Fait intéressant, en
même temps qu'elles s'accoutument à l'alcool éthylique, les
infusoires perdent leur résistance à l'égard d'autres agents chi-
miques : alcool méthylique, glycérine, acides, alcalis (Daniel).
On peut habituer la bactéridie charbonneuse à des doses plu-
sieurs fois mortelles d'acide borique, et faire supporter au pneu-
mobacille jusqu'à 1 p. 2 000 de sublimé (Kossiakoff). Il suffit,
pour cela, d'ensemencer ces bactéries dans des liquides.,nutritifs
de plus en plus riches en antiseptique. De même, les vibrions
cholériques acquièrent la j)ropriété de résister aux matières colo-
rantes. Cette accoutumance s'établit d'abord rapidement, puis
plus lentement, à mesure qu'on augmente la concentration du
colorant.

L. — Changement de milieu.
Toutes les fois qu'on réensemence une culture dans un milieu
différent, nombre de germes succombent presque aussitôt. Ceux
qui résistent ne tardent pas à se multiplier et leur développement
est de plus en plus rapide et abondant, à mesure qu'augmente le
nombre de passages ininterrompus dans le milieu nouveau. Pour
obtenir cette sorte d'accoutumance des microbes, il est parfois
nécessaire de les réensemencer successivement dans des mélanges
contenant une proportion de plus en plus grande du milieu nou-
veau et une proportion de plus en plus faible du milieu initial.
Prenons un bacille typhique, par exemple, cultivé depuis long-
temps en bouillon, et transplantons-le dans l'humeur aqueuse :
la majorité, sinon la totalité des bactéries périra rapidement.
Par cultures successives dans les mélanges bouillon-humeur
aqueuse, nous habituerons les bacilles d'Eberth à végéter dans
l'humeur aqueuse. Inversement, le bouillon deviendra bacté-
ricide pour les germes typhiques ainsi adaptés. De même les
bacilles d'Eberth transplantés directement des liquides organiques
ou de la rate d'individus atteints de fièvre typhoïde se dévelop-
pent beaucoup mieux dans l'humeur aqueuse que les bacilles
entretenus en bouillon (Haffkine).
Souvent, à mesure qu'ils s'accoutument à un nouveau milieu
organique, les microbes subissent des variations morphologiques
et physiologiques très importantes. Un exemple nous en est
fourni par le bacille tuberculeux. Transplanté en série sur pomme
176 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE

de terre cuite dans la bile de boeuf, ce germe fournit des cultures


de plus en plus grasses et abondantes à chaque passage. En même
temps il perd progressivement ses propriétés pathogènes; après
soixante passages sur la pomme de terre biliée. il cesse de produire
des tubercules chez les animaux les plus sensibles ; à closesuffi-
sante, il les vaccine même contre une épreuve ultérieure au
moyen de bacilles très virulents (Calmette et Guérin).

M. — Actions réciproques des germes associés.


Le développement des microbes in vivo peut être influencé
par les cellules des plantes et des animaux qu'ils parasitent et,
in vitro, par des microbes appartenant à des espèces différentes,
introduits avec eux dans les milieux de culture. Le premier cas,
qui se complique parfois d'associations microbiennes, sera étudié
ultérieurement. Nous envisagerons ici le second dans ses traits
généraux.
Un germe A est susceptible de se comporter de trois façons
différentes vis-à-vis d'un germe B ensemencé simultanément clans
le même milieu. Suivant l'espèce et les conditions ambiantes,
il se montrera indifférent, favorable ou défavorable. Uindiffé-
rence, à vrai dire, n'est qu'apparente ; il y a seulement partage
égal des matériaux nutritifs et développement parallèle, non
entravé par les produits élaborés ou éliminés. L!'action favorisante
se manifeste nettement dans maintes circonstances. Ensemen-
çons des plaques de gélatine acide avec le vibrion cholérique,
aucune végétation n'apparaît. Cultivons alors à la surface de ce
milieu, certains microbes grands producteurs d'ammoniaque :
Torula, Sarcines, B. coll. Bientôt, autour des colonies for-
mées par ces germes, naîtront, comme des satellites, de petits
îlots vibrionniens (Metchnikoff). D'après Crassberger, le staphy-
locoque doré favorise pareillement la croissance du bacille de
Pfeiffer. Les bactéries anaérobies se développent bien dans des
bouillons déjà recouverts d'un voile de B. subtilis ou â'Amy-
lomyces Rouxii. Associé à Clostridium Pasteurianum dans un
même liquide, Azotobacter chroococcum absorbe l'oxygène et favo-
rise ainsi la culture de ce germe.
Les myxobactéries sont remarquables par les formes très diffé-
renciées qu'elles' présentent dans certaines conditions. Chon-
dromyces crocatus n'atteint son développement complet que lors-
qu'il est associé à une bactérie voisine de Micrococcus luteus;
ALTERATIONS
ET MORTDES MICROBES 177

ses formes de fructification varient selon les conditions de la


symbiose et l'espèce bactérienne associée (Pinoy).
Rien n'est plus commun que le rôle empêchant manifesté par
les bactéries. Le bacille pyocyanique (Kitasato), un bacille
et un coccus décrits par Metchnikoff entravent la végétation du
vibrion cholérique. Le bacille du pus bleu se comporte de même
vis-à-vis de la bactéridie charbonneuse qui ne sporule pas en sa
présence, et disparaît au bout de deux mois (Fortineau). Non
seulement ce microbe agit en culture mixte, mais encore il
empêche à distance la germination des spores charbonneuses,
par les produits volatils qu'il élabore (Blagovetschensky).
L'influence ,du microbe A sur le microbe associé B peut tenir
à des causes variées : changement utile de la réaction du milieu,
neutralisation ou destruction de substances nuisibles, élabora-
tion de composés hautement assimilables, etc. ; joignons-y la
protection contre l'oxygène, réalisée par les aérobies au profit des
anaérobies. L'influence défavorable de A sur B s'expliquera de
la même manière : changement nuisible de la réaction du milieu,
production de corps empêchants (volatils dans le cas du bacille
pyocyanique), épuisement rapide des substances nutritives
lorsque A croît plus énergiquement que B, etc. Quand plusieurs
espèces de germes coexistent dans le même milieu, les phénomènes
observés sont souvent très complexes, mais leur déterminisme
est toujours identique à celui que nous venons d'exposer.

,11. — Mort naturelle des microbes.


Nous savons déjà que le développement des microbes s'arrête
spontanément lorsque les substances nutritives contenues dans
les milieux de culture sont épuisées, ou lorsque des produits nui-
sibles, élaborés par les germes eux-mêmes, s'accumulent dans le
substratum. Ensuite, les cellules périssent plus ou moins vite,
selon l'espèce et les conditions ambiantes.
L'influence de l'espèce est capitale. Les organismes sporulés
l'emportent, bien entendu, sur les.formes végétatives. Les bacté-
ries non spondées sont les unes très fragiles, (pneumocoque,
bacille de Pfeiffer, gonocoque, méningocoque, etc.), les autres très
résistantes (bacille tuberculeux, bacille du rouget du porc, etc.).
Entre ces deux groupes, on trouve - tous les intermédiaires.
Parmi les conditions ambiantes, qui modifient la vitalité des
microbes, il faut citer d'abord la température. Le froid favorise
Microbiologiegénérale, 2eédit. J2
178 .PHYSIOLOGIEDES MICROBES

d'ordinaire la conservation des germes ; aussi a-t-on coutume de


garder les semences à la glacière. Mais la règle n'est pas absolue :
ainsi le gonocoque et le diplobaciile de la conjonctivite chronique
demeurent vivants pendant plusieurs semaines à 37°, alors qu'ils
meurent en quarante-huit heures, à la température du labora-
toire (Morax). L'aération constitue le plus souvent une cause
puissante de destruction, même pour les bactéries strictement
aérobies ; d'où la nécessité de renfermer les semences dans des
ampoules totalement remplies et scellées, ou de les enrober dans
de la gélatine fondue, puis refroidie. La nature du milieu de
culture joue également un grand rôle. Les colonies développées
à la surface et, mieux encore, dans l'épaisseur des milieux solides,
après piqûre du culot de gélatine ou de gélose avec le fil d'ense-
mencement, survivent plus longtemps que dans les liquides.
Pourtant, les solutions nutritives additionnées de sérum ou de
sérosités organiques, et le sérum dilué, formolé conviennent par-
faitement à la conservation de nombreux organismes. Enfin, on
retardera la mort des microbes en évitant l'action de la dessicca-
tion et de la lumière, précaution assez fréquemment négligée.

III. — Lyse de:; michojîes.


A. — Auioly.se.

Toute cellule privée d'aliments vit un certain temps sur ses


réserves, puis meurt et se dissout plus ou moins complètement.
Pendant toute la période d'inanition, et après la mort, se mani-
festent des transformations importantes du contenu cellulaire,
facilement appréciables lorsque les éléments sont agglomérés :
tissus animaux et végétaux, colonies microbiennes.
Ce qui frappe d'abord, c'est le ramollissement, la fluidifica-
tion plus ou moins complète de la masse cellulaire. Thénard,
Pasteur, Schutzenberger l'ont observé et décrit chez la levure
isolée de son milieu nutritif. L'aspect de cette levure en auto-
phagie, en autolyse, comme on dit depuis Jacoby, ne diffère pas
essentiellement de l'aspect des territoires cérébraux en voie de
ramollissement, à la suite d'oblitérations vasculaires, ou de
fragments de foie exposés à l'étuve dans une atmosphère stérile.
Que l'on brise les cellules de levure par pression, broyage,
gel et dégel (Buehner, Borrel, Alilaire), ou qu'on les chauffe à
48-50°.(van Steenberghe), elles ne tardent pas à se transformer
ALTÉRATIONS
ET MORTDES MICROBES 179
en une masse brunâtre, semi-fluide, puis fluide, dont la composi-
tion chimique varie avec le temps et les conditions de l'expérience.
Mélangée à des solutions sucrées ou salines concentrées (Dumas),
ou mieux encore au sucre et aux sels (Béchamp), la levure se
liquéfie instantanément. On peut obtenir les mêmes effets avec
l'urée et Puréthane, soit pour la levure, soit pour des cellules très
diverses, notamment pour les bactéries. L'action de ces sub-
stances est d'une extrême brutalité ; plus ménagée, elle ne
permettrait que l'issue osmotique de Peau hors des cellules et
celles-ci subiraient uniquement la plasmolyse.
Les vapeurs anesthésiques liquéfient aisément la levure.
Comme elles sont nuisibles aux matières grasses qu'elles dis-
solvent, on admet qu'elles désagrègent les cellules en s'attaquant
à leurs constituants lipoïdes.
Des phénomènes de dissolution s'observent également chez les
bactéries, parfois même, comme l'a montré Emmerich, sans modi-
fication artificielle des conditions ambiantes. Ensemençons, par
exemple, le bacille pyocyanique dans du bouillon ordinaire, un
voile épais apparaîtra rapidement. Faisons tomber ce voile au
fond du vase, un nouveau lui succédera; et ainsi de suite, six à
huit fois et même davantage. Finalement, le bouillon s'éclaircira
au-dessus du dépôt ainsi formé et ce dér)ôt lui-même diminuera
progressivement.
1° Caractères des éléments awtolysés. — La levure en autophagie
commence par fermenter violemment {auto-fermentation des
anciens auteurs). La couleur des amas cellulaires en voie d'auto-
lyse change ; les bactéries, par exemple, s'opacifient dans les
vapeurs de chloroforme et brunissent dans les vapeurs d'éther.
L'odeur varie aussi: elle peut être fétide, même en l'absence de
contamination par les anaérobies. La réaction devient souvent
acide, sauf pour les microbes très alcaligènes, comme le bacille
pyocyanique et le bacille rouge de Fortineau.
Les transformations microscopiques ne sont pas moins frap-
pantes. Chez les Paramécies, l'inanition détermine d'abord
l'éclaircissement et la fonte de l'endoplasme ; puis l'ectoplasme
et les cils sont atteints à leur tour ; la cellule devient vacuolaire,
le macronucleus se résout en une poussière chromatique ; enfin
l'organisme entier n'est bientôt plus qu'un amas de granulations
où persiste encore le micronucleus (Wallengren, Kazanzeff). La
levure inanitiée, ou exposée aux vapeurs chloroformiques, s'é-
clairch. également ; elle perd peu à peu la faculté de prendre le
Ï80 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES

Gram, mais son noyau demeure apparemment intact. Les bacté-


ries subissent des modifications qui varient avec leur nature.
Certaines espèces (pneumocoque, gonocoque, bacille de la morve,
bacille de la peste, vibrion) sont éminemment sensibles à l'auto-
lyse, d'autres (bacilles tuberculeux) le sont beaucoup moins.
Chez les premières, la forme devient d'autant plus indistincte
que Pautophagie a été plus complète : aspect flou, transforma-
tion en une ombre véritable, voire en détritus amorphe ; chez
les dernières, l'apparence reste presque normale. Entre ces
extrêmes, se placent des bactéries tuméfiées, ratatinées, granu-
leuses, vacuolaires, se colorant mal ou ne se colorant plus (bacille
de Shiga, bacille d'Eberth, B. coli, bacille n° 7 de Pfliigge). Les
formations nucléaires et, plus encore, les spores résistent à la
liquéfaction.
En ce qui concerne les transformations chimiques des cellules
autolysées, on sait, depuis Salkowsky, que les substances ter-
naires et quaternaires disparaissent progressivement, laissant à
leur place des produits de décomposition multiples. La levure en
autophagie attaque d'abord ses réserves glycogéniques en pro-
duisant de l'alcool, COa et de l'acide succinique; puis elle digère
ses propres matières albuminoïdes, les peptonifie et les dégrade
en acides aminés et bases puriques. Après vingt-trois heures d'au-
tolyse à 48-49°, tout l'azote protéique de la levure est transformé
en azote soluble, non coagulable par la chaleur (van Steen-
berghe).
Parmi les produits de l'autolyse bactérienne, Ilettger a iden-
tifié de la leucine, de la tyrosine, des bases puriques, des acides
gras et de l'acide phosphorique. Au cours' de la lyse chlorofor-
mique du B. coli, la quantité de matières grasses diminue
progressivement, par suite de la saponification des éthers de
la glycérine, puis de la mise en liberté des acides gras ; l'azote so-
luble, augmente rapidement jusqu'au vingt-cinquième jour,
atteint, alors son maximum et ne subit plus que '<de faibles
variations jusqu'au onzième mois (Alilaire). L'acidité totale
produite au cours de l'autolyse du B. megatherium relève pour
3 p. 100 des phosphates monométalliques et pour 66 à 75 p. 100
de l'acide fi oxybutyrique (M. Lemoigne).
Quant aux transformations que l'on peut appeler biologiques,
elles se traduisent par la libération d'enzymes nombreuses et de
toxines diverses selon les microbes envisages. Les bacilles ty-
phique et dysentérique, le vibrion cholérique autolysés pendant
ET MORTDES MICROBES
ALTÉRATIONS 181

vingt-quatre à quarante-huit heures à 37°, donnent naissance


à des poisons très actifs (endotoxines). Mais ces substances sont
détruites quand on prolonge l'auto-digestion des bactéries pendant
plusieurs jours (Conradi). Il en est de même pour d'autres poi-
sons microbiens qui disparaissent pendant l'autolyse, principa-
lement sous l'effet des diastases protéolytiques et oxydantes
(Salimbeni). Notons cependant, d'après Alilaire. que le poison
de B. coli reste intact après onze mois d'autophagie.
2° Conditions et mécanisme de l'autolyse. — La matière vivante,
nous l'avons exposé dans un précédent chapitre, s'édifie aux
dépens de corps plus ou moins simples selon la puissance syn-
thétique des enzymes cellulaires. Elle acquiert peu à peu une
étonnante complexité et, corrélativement, une instabilité telle,
qu'elle s'écroule avec une extrême facilité. Pendant que s'opère
cette destruction partielle, l'édification recommence. Et ainsi de
suite. Chaque particule de matière animée ne vit que pendant le
temps infiniment petit qui sépare l'apogée de sa croissance et
le début de son évanouissement. La série continue de ces exis-
tences particulaires, intégrée dans la cellule, constitue la vie
élémentaire. Celle-ci est donc, pour ainsi dire, suspendue entre
l'assimilation et la désassimilation, et son. intensité résulte de ce
double mouvement moléculaire, simultané en apparence dans la
substance organisée, successif en réalité.
Du point de vue physico-chimique, la cellule apparaît comme
un système colloïdal complexe formé de micelles protéiques et
lipoïdiques baignant dans un liquide riche en composés variés,
électrolytes et non électrolytes. En même temps qu'elle édifie
sa propre substance, elle élabore les enzymes, agents de sa cons-
truction et de sa destruction incessantes, qui interviennent
avec une parfaite harmonie pendant la vie stationnaire de la
cellule adulte.
Lorsque l'activité normale des cellules est troublée, les pro-
cessus destructeurs l'emportent sur les processus synthétiques ;
les produits de déchets cessant d'être oxydés s'accumulent, les
réserves nutritives disparaissent, le contenu protoplasmique
s'acidifie et la cellule finit par mourir. Sous l'influence des
enzymes autolytiques, inhibées par des anti'ferments, ou compri-
mées pendant la vie, le protoplasma subit d'abord une sorte de
coagulation, puis une véritable frotéolyse, qui aboutit à sa com-
plète liquéfaction.
En ce qui concerne la levure, l'autodigestion est surtout due
182 PHYSIOLOGIE
DES MICROBES
à une pepsine, à une éreptase et une tryptase (endotryptase de
Buchner-Halm) qui présente cette particularité d'agir mieux en
solution légèrement acide qu'en solution alcaline. La dégradation
de la matière protéique ne progresse que si ces enzymes inter-
viennent simultanément. L'optimum de concentration en ions
H correspond à PH 6 (Dernby). Parallèlement, la «lycogénase
transforme les réserves glycogéniques en sucre que la zymaze
dédouble en alcool et CO2. L'action de ces diastases est favori-
sée i^ar toutes les substances dissoutes qui plasmolysent les
levures, mais non par les substances; comme l'urée, qui ne
plasmolysent pas (Harden et Paine). L'alcool à la concentration
de 4 p. lOOparalyse les ferments protéolytiques, de même que les
produits volatils de la fermentation, les phosphates et la glycé-
rine, d'après Euler et Jernby. Au contraire, les hexose-phos-
phates, les arséniates, les acétates et les. citrates accélèrent
Pautolyse de la levure. Ce qui démontre encore la nature zymo-
tique de l'autodigestion cellulaire, c'est que la courbe de ce pro-
cessus est exactement superposable à la courbe d'action des dias-
tases : faible ou nulle à 15°, la liquéfaction protoplasmique est
très rapide à 37°. La température optimum pour l'autolyse de
la levure est identique "à la température optimum de son endo-
tryptase 48 à 50° (van Steenberghe).
Soit que leurs constituants albuminoïdes aient subi des modi-
fications physiques trop prononcées (coagulation), soit que leurs
diastases aient été affaiblies ou détruites, les germes tués par la
chaleur ou les antiseptiques ne s'autodigèrent pas.

B. — Hétérolyse.
Divers microbes, comme le bacille du rouget du porc, commu-
niquent au bouillon dans lequel on les cultive, la propriété de
dissoudre rapidement des germes de la même espèce (Emmerich).
D'autres laissent diffuser dans les liquides nutritifs des substances
qui, non seulement digèrent le dépôt bactérien accumulé dans la
culture, mais encore des microbes appartenant à des espèces
différentes, avec lesquels on les met en contact. C'est ainsi que la
yyocyanase sécrétée par le bacille pyocyanique, ou libérée au
cours de son autolyse dans le bouillon, se montre capable de
solubiliser la bactéridie charbonneuse. Les filtrats de cultures de
B. subtilis dissolvent le pneumocoque, le bacille de la
morve, le B.- coli, le bacille typhique, la bactéridie char-
ALTÉRATIONSET MORTDES MICROBES 183

bonneuse mais non ses spores, le bacille de Shiga ; le staphylo-


coque est moins touché, B. suipestijer fort peu (M. Nicolle).
Lorsqu'on ensemence en surface une parcelle de culture de
B. mycoïdes dans un tube de bouillon troublé par le B.
coli ou le bacille de Shiga, le milieu s'éclaircit rapidement et
devient tout à fait transparent en trois ou quatre jours. Le bacille
paratyphique B, au contraire, résiste à cette lyse (Kimmeslstiel).
Tyrothrix scaber, cultivé dans le bouillon, dissout en cinq ou six
jours les vibrions cholériques ensemencés avec lui. T. tenuis,
T. minimus, T. filiformis, T. distortus, T. geniculatus, dans l'ordre,
se montrent moins actifs que T. scaber. Rosenthal, qui a étudié
l'action dissolvante de ces différentes espèces, propose de désigner
sous le nom de microbes bactériolytiques ou lysobactéries, les
germes doués de propriétés lytiques vis-à-vis d'autres microbes.

C. — Lyse microbienne transmissible.


L'eau de certains fleuves de l'Inde présente, d'après Hankin,
la singulière propriété de détruire rapidement les bactéries qu'ils
véhiculent, le vibrion cholérique notamment. Ainsi la Jumna,
qui contient plus de 100 000 bactéries par centimètre cube
immédiatement en aval d'Agra, n'en renferme plus que 90 à 100,
cinq kilomètres plus bas. Cette propriété bactéricide des eaux de la
Jumma disparaît sous l'influence de l'ébullition, comme si elle
était due à un corps volatil ou à une diastase, ou encore à une
substance vivante de nature inconnue. Hankin attribua peu d'im-
portance à ce fait, et l'étude du phénomène ne fut pas pour-
suivie.
En 1915, Twort observa que la pulpe vaccinale ensemencée
sur gélose, donne naissance à des colonies microbiennes, dont cer-
taines, d'aspect vitreux et transparent, contiennent des micro-
coques transformés en fins granules. Une parcelle de ces colo-
nies dégénérées, transplantée sur une culture pure normale, en
gélose, du même microcoque, provoque l'apparition d'une tache
vitreuse qui s'étend peu à peu sur toute la surface du milieu.
Chauffée à 60°, la substance vitreuse perd ses propriétés. D'autre
part, elle n'exerce aucune action sur les microcoques tués, et la
culture filtrée sur bougie se comporte comme la culture totale.
Twort émit alors l'hypothèse que cette substance renferme soit
une enzyme lytique sécrétée par le microcoque, soit un véritable
virus filtrable.
184 PHYSIOLOGIE
DES MICHOBES

C'est à d'Hérelle que revient l'honneur d'avoir précisé les


caractères et les conditions de cette lyse microbienne. En addi-
tionnant une culture en bouillon de bacille de Shiga, de quelques
gouttes d'un filtrat de déjections provenant d'un malade atteint
de dysenterie, ce savint eut la surprise de constater que le
liquide s'éclaircissait et devenait bientôt stérile. Une goutte de
la culture lysée, reportée dans une culture récente de bacille de
Shiga, la lyse à son tour. Plusieurs passages successifs peuvent
être obtenus et l'action lytique, loin de diminuer d'intensité, paraît
s'exalter progressivement.
Additionnés, peu après l'ensemencement avec du bacille de
Shiga, d'une goutte de culture en bouillon lysée, des tubes de
gélose restent stériles ou se recouvrent d'une couche micro-
bienne irrégulière, avec des plages nues. Lorsqu'on touche ces
plages avec un fil de platine, et qu'on plonge ce fil clans une émul-
sion fraîche de bacilles dysentériques, la lyse se produit en quel-
ques heures.
Ce principe lytique est très répandu dans la nature. J. Dumas
l'a mis en évidence dans les matières féeales d'individus n'ayant
jamais souffert d'infections intestinales, dans les déjections de
cobayes, la terre, l'eau de conduite, l'eau de Seine. Son activité
augmente au cours des passages en série, en présence de bacilles
de Shiga. Détruit à 65°, il paraît se comporter comme une
substance vivante qui se reproduirait uniquement aux dépens des
microbes lysables. D'Hérelle n'hésite pas à le considérer comme
un germe ultramicroscopique, parasite obligatoire des bactéries
normales : un ultramicrobe bactériophàge indéfiniment repi-
quable en série, auquel il attribue un rôle primordial dans l'évolu-
tion des maladies infectieuses et l'immunité.
Tuées par la chaleur ou les antiseptiques, les bactéries ne sont
pas dissoutes par le bactériophàge. Celui-ci se multiplie dans les
cultures vieilles, mais ne les lyse pas. Il n'agit qu'en milieu alca-
lin ; la plus faible trace d'acidité lui est nuisible. Les produits
solubles, qui résultent de la lyse microbienne, inhibent son action.
La présence ou l'absence d'oxygène ne modifie pas la marche du
phénomène, mais la température exerce une influence très mar-
quée : celle qui convient le mieux à la lyse correspond à la tempé-
rature optimum de culture de la bactérie. Les électrolytes sont
nécessaires (Lisbonne et Carrère, Da Costa Cruz).
Le bactériophàge résiste à la plupart des agents de destruction.
En tubes scellés, il conserve son activité pendant plus de six ans ;
ET MORTDÈS MICROBES
ALTÉRATIONS 185

la dessiccation n'a aucun effet, mais un chauffage à 65°, prolongé


pendant trente minutes, le tue. En milieu acide ou alcalin, il est
détruit au delà de Pn 2,5 et Pu 8,54, ce qui correspond aune concen-
N N
tration de — pour les acides et — 1pour les alcalis' K (Eliava et
160* 260
Pozerski). Il résiste au sublimé à 1 p. 200, au sulfate de cuivre à
1 p. 100, à l'acide phénique à 1 p. 100, pendant plus de quatre
jours au chloroforme, et plus d'une semaine à l'essence de thym
ou de girofle. La glycérine pure, les sels de quinine neutres, à
3 p. 100, se comportent à son égard comme des antiseptiques.
L'acétone le précipite des matières albuminoïdes du bouillon
sans l'altérer ; cependant l'alcool, qui produit le même effet, le
tue en moins de vingt-quatre heures.
La lyse des bactéries par le bactériophage s'effectue sans résidu.
La nature des produits dissous est encore mal connue mais,
d'après l'action qu'exerce sur eux la température, ils ne semblent
pas constitués par des albumoses. Leur dégradation se poursuit
après la lyse, pendant que leur toxicité baisse, puis disparaît.
De même que le bactériophage, est plus ou moins actif, les
bactéries se montrent plus ou moins sensibles à ses effets. Les
différentes souches d'un même germe sont dissoutes avec une
intensité variable ; leur résistance peut être exaltée ou diminuées
Sous l'influence du bactériophage, elles subissent alors des modi-
fications morphologiques diverses : apparition de formes en cocci
pour le bacille de Shiga, formation de capsule.
Après son isolement d'un organisme, le bactériophage dissout
généralement plusieurs espèces bactériennes, mais son activité
varie selon ces espèces mêmes. Avec le temps, son pouvoir ly-
tique diminue plus rapidement pour certaines bactéries que pour
d'autres.
D'Hérelle a obtenu le bactériophage des micro-organismes
suivants : bacille dysentérique de Shiga (c'est la bactérie la
plus facilement dissoute), bacilles dysentériques types Flexner
et Hiss, B. coli, bacilles typhique et paratyphiques A et B ;
Salmonella, bacille pesteux, B. typhi murium, B. gallinarum,
bacille diphtérique, staphylocoque, Bacillus proteus, B. subtilis,
vibrion cholérique, bactérie du barbone et bacille de la flacherie.
Pour Bordet et Ciuca, la lyse des bactéries serait due, non
à un ultramicrobe, comme le pense d'Hérelle, mais à une véri-
table autolyse qui peut être engendrée dans certaines circons-
tances par un produit sécrété par les leucocytes. En injectant
186 DES MICROBES
PHYSIOLOGIE
à plusieurs reprises dans la cavité péritonéale d'un cobaye, une
culture de B. coli, ces auteurs ont, en effet, observé que l'exsudat
péritonéal, retiré par ponction, présente à l'égard du B. coli
les mêmes propriétés lytiques que les filtrats de cultures
dysentériques à l'égard du bacille de Shiga. La lyse est ensuite
transmissible en série, de culture en culture de B. coli vivant,
car le ferment autolytique engendré par la vieiation nutritive
cellulaire, suffit à libérer le même principe lytique chez les
microbes sains avec lesquels il entre en contact.'
Lisbonne et Carrère ont réalisé de la manière suivante la lyse
transmissible du bacille de Shiga. On ensemence une culture
liquide de ce dernier microbe avec du B. coli, puis on abandonne
pendant quelque temps à l'étuve cette culture mixte. On filtre
ensuite sur bougie ; on ajoute quelques gouttes du filtrat à une
émulsion de bacilles de Shiga et on porte de nouveau à l'étuve.
On répète ces opérations à plusieurs reprises. Dès le quatrième
passage, la lyse apparaît et devient transmissible en série.
Ces propriétés dissolvantes du B. coli se manifestent même,
avec une égale intensité, lorsqu'on le cultive indépendamment
du bacille de Shiga. Plus encore, les cultures filtrées de B. coli
se comportent à l'égard du bacille de Shiga comme les cultures
totales. Donc la substance lytique du B. coli est contenue dans
les produits d'excrétion de ce germe, et la lyse transmissible,
loin d'être l'effet d'un virus bactériophage, résulte bien, comme
l'avaient supposé Bordet et Ciuca, d'une vieiation nutritive du
bacille de Shiga (Lisbonne et Carrère).
TROISIÈME PARTIE

ACTIONS PATHOGÈNES DES MICROBES


ET RÉACTIONS DES ORGANISMES.
IMMUNOLOGIE

CHAPITRE XVIII

VIRULENCE

Nombre de microbes végètent exclusivement dans les humeurs


et les tissus des animaux (nous laissons de côté, pour le moment,
les plantes), ce sont les parasites stricts; d'autres ne peuvent y
croître, ce sont les saprophytes stricts; d'autres enfin vivent et se
multiplient indifféremment in vitro et in vivo, ce sont les parasites
ou saprophytes facultatifs.
Lorsqu'une espèce microbienne se développe dans les humeurs
ou les cellules d'un organisme donné et engendre des désordres
locaux ou généraux, cette espèce est dite virulente pour l'orga-
nisme. La virulence d'un microbe se trouve ainsi conditionnée par
deux groupes de facteurs : les uns relatifs au germe lui-même, les
autres à l'organisme parasité.
Une espèce qui se multiplie uniquement dans les tissus altérés
ou détruits par les poisons qu'elle excrète, ne peut être considérée
comme virulente, ni même strictement comme parasite. Cepen-
dant, divers germes, comme le bacille tétaniqtie et le bacille
diphtérique, provoquent des troubles généraux plus ou moins
graves par le seul effet des produits toxiques qu'ils élaborent.
Ils se montrent donc pathogènes comme les divers poisons miné-
raux ou organiques ; ils sont saprophages, puisqu'ils se nour-
188 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
rissent des cellules mortes ou altérées et des matériaux contenus
dans les liquides pathologiques. Mais leur virulence apparaît
nulle.
On doit admettre que les microbes se développent au sein d'un
organisme non seulement parce qu'ils trouvent dans ce milieu
vivant des conditions favorables à leur pullulation : substances
nutritives, oxygène dissous ou combiné, acidité ou alcalinité,
température, tension osmotique, tension superficielle, etc., mais
encore parce qu'ils se montrent indifférents aux actions inhibi-
trices ou destructives qu'exerce sur eux leur hôte par l'intermé-
diaire de ses cellules ou de ses humeurs. Comme ces circonstances
favorables et défavorables se combinent de façons très diverses,
il en résulte que l'aptitude des microbes à se multiplier in vivo
et à engendrer des troubles morbides, c'est-à-dire leur virulence,
présente des modalités très nombreuses.

I. •— Aspects qualitatifs de la virulence.


Tantôt les parasites, tels la plupart des champignons, habitent
les surfaces externe ou interne de leurs hôtes, qu'ils envahissent
avec une rapidité très variable ; tantôt, au contraire, ils pénètrent
dans la profondeur des tissus, s'y localisent, ou se répandent
dans toute l'économie. On les rencontre encore dans des cellules
déterminées (cellules épithéliales de l'intestin et des canaux
biliaires pour les coccidies, hématies pour les hématozoaires du
paludisme et les piroplasmes, cellules nerveuses pour le para-
site de la rage), dans certains éléments dits phagocytes normaux
(leucocytes, cellules de Kuppferdu foie) ou pathologiques (cellules
géantes), et, le plus souvent, libres dans les humeurs. Ils résistent
non seulement aux produits du métabolisme de leur hôte, mais
encore à ces .substances spécifiques dont la nature chimique reste
inconnue, auxquelles, jusqu'à plus ample informé, nous conser-
verons le nom d'anticorps.
On a cru observer des relations étroites entre la virulence des
microorganismes et certaines de leurs particularités fonction-
nelles ou morphologiques. C'est d'abord l'abondance de leur cul-
ture in vitro. Ainsi les vaccins pastoriens du rouget du porc et
le premier vaccin charbonneux apparaissent maigres, chétifs dans
les milieux artificiels, comparativement à la souche virulente dont
ils proviennent. En réalité, cette relation n'offre rien de constant. '
Nous en trouvons la preuve dans les différents types de pneu-
VIRULENCE 189

mocoques qui, pour une activité pathogène égale, croissent


avec une intensité différente. Parmi les pneumocoques hyper-
virulents, il en est qui se développent mal in vitro, alors que
d'autres, au contraire, se multiplient très abondamment. Quant
aux échantillons peu virulents, ils fournissent, d'ordinaire, des
récoltes très belles et résistent infiniment mieux que les précédents
aux agents physiques et chimiques (M. Nicolle, Cotoni, Truche).
Enfin, Neufeld a signalé chez cette même espèce microbienne,
une curieuse relation entre la virulence et la solubilité dans la bile.
Effectivement, un. pneumocoque insoluble dans la bile n'est
jamais virulent, tandis qu'un pneumocoque solûble l'est commu-
nément plus ou moins. Toutefois le cas reste isolé et sa significa-'
tion demeure énigmatique.
En ce qui concerne le streptocoque, par exemple, et surtout la
bactéridie charbonneuse, divers auteurs attribuent la cause de
leur virulence à la capsule qui les entoure. Il est évident que
l'interposition d'une gaine entre la cellule bactérienne et le
milieu ambiant protège, dans une certaine mesure, cette cellule
contre les substances bactéricides, et aussi contre l'englobement
et la destruction phagocytaires. Mais, ici encore, le phénomène
est inconstant. Par ailleurs, l'encapsulation est intimement liée
à la composition chimique des milieux, ainsi que nous l'avons
exposé au début de cet ouvrage, et son importance apparaît
secondaire quant à l'activité parasitaire des bactéries.
Souvent, la mobilité est plus intense, les fonctions chimiques
-et les propriétés toxigènes se montrent plus développées chez
les individus très virulents que chez les échantillons peu ou pas
efficaces d'une même espèce. Cependant, il n'y a là encore rien de
régulier.
Plus importantes sont les relations entre la virulerice, la struc-
ture, la composition chimique et, comme l'a montré Mlle Raphaël,
les caractères antigènes des microbes, c'est-à-dire leur aptitude
à former des anticorps chez les sujets infectés. On connaît, par
exemple, la résistance considérable qu'opposent à la digestion
phagocytaire et à la lyse humorale, les bacilles tuberculeux et
lépreux, particulièrement riches en matières grasses et cireuses,
le Cryptococcus farciminosus de la lymphangite épizootique des
solipèdes entouré d'une coque épaisse à double contour, les spores
des bactéries. Et il résulte des recherches de Mlle Raphaël
au laboratoire de M. Nicolle, que les pneumocoques les plus viru-
lents possèdent en même temps le plus grand pouvoir et le plus
190 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

grand domaine antigène. Cela veut dire que, injectés aux animaux,
ils engendrent des anticorps dont l'activité dépasse dans la plus
large mesure le type microbien auquel ils appartiennent.
Enfin, il existe un rapport très net entre l'indifférence des bac-
téries aux substances antagonistes, les anticorps spécifiques,
et leur virulence. Ainsi des germes appartenant à des groupes
très variés semblent, d'ordinaire, d'autant moins agglutinables,
1
lysables par les "'antisérums correspondants et moins phagocy-
tables, qu'ils se montrent plus pathogènes.

II. — Aspect quantitatif de la virulence.


A l'égard d'une espèce donnée, la virulence d'un type micro-
bien présente, comme nous l'avons dit, des degrés très divers
qu'il convient de mesurer. Cette mesure de la virulence consiste à
déterminer la quantité minimum de germes capable d'engendrer
les troubles caractéristiques de leur parasitisme, c'est-à-dire la
dose minimum active ou, pour les microbes qui tuent, la dose
minimum mortelle.
Toutes conditions égales, cette dose minimum active peut
varier considérablement d'un échantillon à l'autre. Parfois, un
seul germe amène la mort ; le plus souvent, il faut inoculer
une quantité plus ou moins importante de microbes, qu'on
évalue en volume de culture liquide ou en poids de corps micro-
biens. Mais lorsque les doses injectées atteignent un taux élevé,
très différent d'ailleurs selon la nature du parasite, les résultats
peuvent être faussés par l'action toxique des corps microbiens
eux-mêmes. Alors, les symptômes provoqués par les microbes
vivants ne se distinguent pas sensiblement de ceux que déter-
minent leurs "poisons, et la mesure de leur virulence devient
impossible.

III. — PtBLATIONSENTRELA VIRULENCEDES MICROBESET LA


RÉCEPTiyrrÉ DE LEURS HÔTES.
La virulence n'est pas une propriété générale, inhérente à
l'espèce microbienne considérée. C'est une propriété essentielle-
ment variable et contingente, qui se manifeste seulement dans
certaines circonstances précises et dans des conditions bien déter-
minées. A côté de germes dont la virulence est très étendue,
comme le virus rabique, la bactéridie charbonneuse, le bacille
VIRULENCE 191
tuberculeux bovin, qui sont aptes à végéter chez un grand
nombre d'espèces animales, il s'en trouve d'autres, comme les
virus de la elavelée, de la peste porcine, les bacilles de la lèpre et
du chancre mou, le gonocoque, des protozoaires, divers champi-
gnons, qui ne se développent que chez de rares espèces. D'autres,
inoffensifs pour des individus normaux, peuvent envahir les
sujets affaiblis ou malades de-la même espèce : la poule normale
résiste à la bactéridie charbonneuse, mais, non la poule refroidie
(Pasteur) ou préalablement traitée par des substances anti-
pyrétiques (Wagner). D'autres encore frappent les animaux
jeunes, et laissent indemnes les individus âgés, ou réciproque-
ment (bacille du rouget du porc, teignes). Il suffit même, dans
quelques cas, de faire varier la voie de l'inoculation pour qu'un
même microbe apparaisse hypervirulent, peu actif ou avirulent
à l'égard d'une même espèce animale. Nous retrouverons ces faits
en étudiant l'infection.
Tantôt l'association microbienne augmente la virulence de
chacun des germes ou d'un seul (B. prodigiosus et B. Chauvoei)
(Charrin et Roger), tantôt, au contraire elle la diminue ou la
supprime (bactéridie charbonneuse avec le bacille pyoeyanique
ou le bacille de Friedlander).
Enfin, souvent, diverses bactéries comme les bacilles tubercu-
leux et morveux végètent lentement in vivo, et leurs effets patho-
gènes se limitent alors à de minuscules foyers. Puis subitement,
dans des conditions encore mal connues, les germes ainsi fixés
se développent avec une extrême intensité, provoquent des
troubles graves et des lésions étendues, qui entraînent la mort
dans un court délai.
La variété de ces aspects, et d'autres sur lesquels nous ne pou-
vons insister, montre qu'il n'existe pas de virulence absolue et
que cette propriété des microbes est liée à un grand nombre de
facteurs dont il faut tenir compte dans sa. détermination et dans
sa mesure.

IV. — Modifications expérimentales de la vitîulexce.


Peut-on transformer les saprophytes stricts en pathogènes?
Les microbes inoffensifs en microbes virulents? Les microbes
virulents en microbes inoffensifs? Peut-on créer des maladies nou-
velles? Pasteur qui, le premier, &posé ces questions, a émis l'hy-
pothèse que de simples saprophytes, trouvant un terrain propice
192 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
chez des individus affaiblis, se sont multipliés aux dépens de
ceux-ci, puis, \~>&rdes passages successifs, se sont adaptés à la
vie parasitaire, et à tel point, que certains d'entre eux sont deve"
nus des parasites stricts. Nous verrons, par la suite, comment avec
Chamberland et Roux, il a résolu le problème inverse de la dégra-
dation progressive du parasitisme microbien et de l'atténuation
de la virulence.
Quand on envisage l'influence qu'exerce le milieu ambiant sur
les diverses propriétés' des microbes, leur métabolisme, leurs
manifestations fonctionnelles et leur morphologie, on est naturel-
lement conduit à admettre que leur virulence est également fonc-
tion des mêmes, facteurs externes : mécaniques physiques, chi-
miques, biologiques, et qu'elle peut s'accroître ou diminuer, pa-
raître ou disparaître, quand on fait varier in vitro et in vivo les
conditions de leur développement. En réalité, s'il est assez facile
de provoquer des variations quantitatives de l'activité patho-
gène d'un germe ou d'atténuer, jusqu'à la rendre complètement
inoffensive, une bactérie virulente, les exemples de transforma-
tion inverse d'un microbe saprophyte en microbe virulent sont
exceptionnels.
Pour adapter des microbes non pathogènes à la vie parasitaire,
Vincent a fait l'expérience que voici : On introduit dans la
cavité péritonéale de cobayes, des petits sacs de collodion
remplis de bouillon ensemencé avec le B. megatherium ou avec
le B. mesentericus vulgatus, originellement inoffensifs. Tous les
cinq ou six jours, on fait un prélèvement et on réensemence les
germes ainsi cultivés in vivo dans un nouveau sac qu'on introduit
dans la cavité péritonéale d'un cobaye neuf. D'abord grêle, le
développement microbien augmente à chaque repiquage, et
l'activité pathogène des bacilles ne tarde pas à se manifester.
Au quatrième passage, le B. megatherium tue la souris par
inoculation sous-cutanée ; après six passages il tue le cobaye par
inoculation intrapéritonéale et le lapin par inoculation intra-
veineuse. Mais la virulence ainsi acquise, ' comme celle du
B. mesentericus obtenue dans les mêmes conditions, disparaît
dès qu'on cesse l'usage des sacs.
De même, des variétés non pathogènes de Sporotrichum
peuvent acquérir un haut degré de virulence quand on les inocule
en série.à des rats (Gougerot) ; et, spontanément, des bactéries
saprophytes, comme le B. subtilis, se sont montrées capables
d'engendrer des troubles et de créer des lésions (Silberschmidt).
VIRULENCE 198
Sans doute ces faits sont bien exceptionnels et les résultats
obtenus incomplets et transitoires. Mais la plasticité des êtres
élémentaires est telle, le champ de leurs variations est si étendu,
leur modificabilité individuelle, qui favorise la sélection, si pro-
fonde, qu'on peut admettre, pour certaines espèces au moins,
qu'un chercheur heureux saura un jour, en multipliant les expé-
riences, et d'étape en étape, accoutumer un microbe saprophyte
â végéter dans ce milieu très spécial que représentent les orga-
nismes supérieurs, transformer les conditions de son métabolisme
au point de rendre pathogène ses produits d'excrétion et de
sécrétion, et fixer héréditairement les propriétés ainsi acquises.

A. — Variations quantitatives.
Ces variations se caractérisent par ladiminution ou l'augmenta-
tion de la dose minimum active des germes inoculés, l'allonge-
ment ou le raccourcissement du temps d'incubation ; ultérieure-
ment, par une gravité plus ou moins grande des troubles observés
et l'évolution plus ou moins rapide de la maladie provoquée.
1° Augmentation, —-L'augmentation de la virulence se produit
généralement à la suite de passages en série sur des animaux
réceptifs. C'est ainsi que Marmorek a obtenu des races de strep-
tocoques hypervirulents, tuant le lapin à la dose de 0,000 001.
au lieu de 1 centimètre cube primitivement. Mlle Tsiklinsky a
également réussi à remonter la virulence du premier vaccin
charbonneux en l'inoculant successivement à des animaux- de
plus en plus résistants : jeunes souris, jeunes cobayes; cobayes
adultes, lapins adultes.
Le mécanisme de cette transformation est encore mal connu.
On peut simplement supposer que les germes s'équilibrent jn-o-
gressivement et s'adaptent de plus en plus étroitement à l'orga-
nisme infecté (Bordèt), ou qu'une véritable sélection des indi-
vidus les plus robustes, mieux pourvus d'antigènes communs à
ceux de l'hôte et plus indifférents aux anticorps, se produit au
sein des humeurs et des tissus (M. Nicolle).-
Mais il ne faudrait pas conclures d'après ces êxerirples, que la
méthode des passages in vivo est applicable à tous les germes pa*
thogènes et permet d'exalter leur activité ou de leur restituer
une virulence éteinte ou affaiblie. Malgré des centaines d'inoeu>
lations poursuivies pendant plus de trente années, avec des
microbes variés et sur des espèces animales diversess M, Nicôllé et
Microbiologiegénérale, 2° «dit. 13
1W ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
ses collaborateurs ont rarement observé un accroissement net
et durable de l'activité pathogène des bactéries. Dans les cas
positifs, l'augmentation obtenue était médiocre, la dose mini-
mum mortelle s'abaissait à l'égard d'une espèce donnée, mais les
mêmes germes se montraient incapables de tuer les animaux
moins sensibles d'une autre espèce animale. Par contre, spontané-
ment, des pneumocoques conservés à basse température, sans
passages in vivo, et repiqués rarement, ont présenté des augmenta-
tions de virulence inattendues. Plusieurs échantillons, inefficaces
ou presque, sont même devenus très actifs après un temps va-
riable. Un pneumocoque A, virulent à l'origine, s'est d'abord con-
sidérablement affaibli à la glacière ; après un an, il est remonté à
sa puissance originelle; il s'y est maintenu pendant quelques mois ,
puis son activité a diminué et, pendant treize ans, il est resté
inoffensif.
2° Diminution. — Cette diminution de la virulence se réalise
d'elle-même dans les cultures entretenues au laboratoire, trop
rapidement au gré des bactériologistes. Nombre de germes
perdent rapidement leur activité pathogène lorsqu'ils sont trans-
plantés en série sur les milieux artificiels (streptocoques, sta-
phylocoques et pasteurella, bacille de la peste, bactéridie char-
bonneuse); d'autres, au contraire, la conservent indéfiniment
presque sans altération. Certains échantillons d'une même espèce
microbienne ne fléchissent pas, alors que d'autres s'affaiblissent
plus ou moins vite : telle souche de streptocoque reste hyper-
virulente pendant plusieurs mois (M. Nicolle et Césari), telle
autre s'atténue après quelques passages in vitro, telles souches
de bacilles tuberculeux humains ou bovins se montrent de moins
en moins actives, telles autres, au contraire, entretenues dans
les mêmes conditions, conservent le même pouvoir pathogène.
Le bacille tuberculeux aviaire s'atténue beaucoup plus vite que
le bacille tuberculeux des mammifères, bien que sa végétabilité
se conserve plus longtemps.
Artificiellement, on produit une chute de la virulence quand on
soumet les microbes à diverses influences physiques ou chimiques
défavorables. Avant d'énumérer celles-ci, nous ferons remarquer
que cette dégradation de l'activité pathogène présente deux
modalités : tantôt elle est transitoire, individuelle, c'est l'affai-
blissement; tantôt elle est définitive^et fixe, c'est l'atténuation.
Quand on affaiblit un microbe, les cellules-filles reprennent l'acti-
vité originelle dès que les conditions du développement rede-
VIRULENCE 195
viennent normales, ou à la. suite d'un passage in vivo. Quand on
atténue les mêmes germes, ils conservent héréditairement l'acti-
vité diminuée. Nous devons à Pasteur cette découverte fondamen-
tale de l'atténuation et de l'affaiblissement provoqués des mi-
crobes, qui lui a permis de préparer les premiers vaccins bacté-
riens.
Les altérations de la virulence sont comparables à celles des
autres propriétés microbiennes, zymogènes, chromogènes, photo-
gènes ; elles reconnaissent des causes analogues que nous allons
passer en revue.

B. — Principales causes des variations quantitatives de la


virulence.
1° Chaleur. — En 1880, Toussaint reconnut que le sang char-
bonneux préalablement défibriné, chauffé à 55° pendant dix
minutes, se montre incapable de transmettre la maladie aux
bovidés. Chauveau, en soumettant à la température de 50° le
sang charbonneux défibriné et contenu dans des pipettes scel-
lées, obtint un premier vaccin après dix-huit minutes et un se-
cond vaccin plus actif, après neuf ou dix minutes.
Lorsqu'il s'agit de germes sporulés, la virulence ne cède qu'à
des températures plus élevées : il faut chauffer pendant sept
heures à 100-104° les tissus envahis par le B. Chauvoei pour
préparer le premier vaccin du charbon symptomatique des
bovidés et pendant sept heures à 90-94° pour préparer le deuxième
vaccin (Arloing, Cornevin et Thomas). On peut également trans-
former les cultures pures de B. Chauvoei en vaccin par le
chauffage pendant deux heures à 70° (Leclainche et Vallée).
Dans tous ces cas, l'abaissement de la virulence e^t transitoire
et les vaccins obtenus sont des virus simplement affaiblis, sus-
ceptibles de récupérer toute leur activité dès leur premier passage
sur des animaux très sensibles ou sur les milieux artificiels.
2° Culture à une température dysgénésique. — Le B. Chau-
voei, cultivé à 43-44° dans le bouillon de foie peptoné, non
additionné de carbonate de chaux, qui saturerait les acides pro-
duits, perd, au bout de quinze jours, tout pouvoir pathogène
vis-à-vis des bovidés et des cobayes. Cette atténuation paraît
définitive et fixe, et les germes ainsi rendus avirulents confèrent
l'immunité au même titre que les cultures chauffées (Leclainche
et Vallée).
196 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
3° Chaleur et aération {méthode d'atténuation pastorienne). -—
Le bacille du choléra des poules et celui du rouget, cultives à
35-37°, au large contact de l'air, perdent graduellement leur acti-
vité pathogène. En prélevant chaque jour, à partir d'un certain
moment, une trace de la culture-mère, et en faisant des réense-
mencements, on obtient une échellede virulence dont deux éche-
lons, convenablement choisis, représentent d'excellents vaccins.
Les mêmes microbes, maintenus à 35-37° dans un milieu pauvre-
ment aéré, ou bien à une température trop basse et au contact
de l'air; ne s'atténuent pas, au moins sensiblement.
La bactéridie charbonneuse est également justiciable de la
méthode pastorienne, mais à la condition d'employer un artifice
de culture. On sait que ce microbe sporule à 35-37° dans les
milieux artificiels et les cadavres, alors que dans les organismes
vivants, il existe uniquement sous la forme mycélienne. Or, les
spores ne sont nullement atteintes' par le séjour prolongé à
l'étuve, quelle que soit l'aération, et leur virulence reste intacte.
Aussi;, pour résoudre le problème de l'atténuation de la bactéridie,
Pasteur, Chamberland et Roux se sont-ils efforcés d'entraver la
sporogenèse. Ce résultat a été obtenu en. maintenant à 42-43°
le bouillon ensemencé avec du sang charbonneux, prélevé pendant
la période septicémique-. A cette température, les bactéridies
végètent encore assez abondamment, mais elles ne produisent
plus-de spores, et leur virulence s'affaiblit peu à peu. Si l'on
féensémence chaque jour les cultures-mères affaiblies, on réalisera,
comme précédemment, une gamme de virulence dans laquelle on
cherchera les deux vaccins classiques. Reportées à 35-37°, les
cultures-filles produisent des spores qui donneront naissance à de
nouvelles formes filamenteuses, dont l'activité sera identique à
celle des cellules-mères-. Ainsi les spores, réfractaires aux méthodes
d'atténuation directes, héritent des modifications imprimées aux
formes végétatives de la bactéridie et les transmettent intégra-
lement aux cellules filamenteuses, L'affaiblissement obtenu est
fixe, stable,, héréditaire. Nous sommes en présence d'une véri-
table atténuation;
4° Dessiccation {méthode pastorienne d'affaiblissement). —
Les microbes secs perdent plus ou moins rapidement leur activité,
C'est en desséchant au contact de l'air les moelles rabiques à 23°
que Pasteur, Chamberland et Roux, ont préparé une série de vaccins
de ViOllenfeedécroissante qui, inoculés successivement aux indi-
vidus mordus par un chien enragé, leur permet de résister aux
VIRULENCE 197
atteintes de la rage. Les moelles, sèches deviennent avirulentes
le cinquième ou sixième jour. On commence les inoculations par
les moelles du quatorzième jour, on continue par celles du trei-_
zième jour et ainsi de suite jusqu'à celles du troisième jour.
En fait, dans cet affaiblissement progressif du Virus rabique
au sein des moelles, l'oxygène de l'air intervient pour une part
très importante.
5° Lumière. Pression. Oxygène comprimé. — On les a utilisés
pour la préparation des vaccins charbonneux (Arloing, Chauveau),
mais ces vaccins ne sont guère entrés dans la pratique.
6° Réaction et composition des milieux de culture. — L'acidité et
l'alcalinité exagérées des milieux, initiales ou consécutives au
développement des microbes, affaiblissent la virulence, surtout
lorsqu'on effectue des passages successifs. Un bel exemple d'atté--
nuation lié à la composition des milieux et, par conséquent, à des
modifications nutritives des germes, nous est fourni par le mi-
crobe de la péripneumonie des bovidés, étudié par Dujardin-
Beaumetz. Ce germe, normalement inoffensif pour la chèvre et le
mouton, devient virulent pour ces espèces lorsqu'il est cultivé
dans un milieu additionné de 30 p. 100 de sérum de chèvre :
cultivé en sérum de cheval, il devient virulent poiir la chèvre et
le mouton, mais s'atténue à l'égard du boeuf ; cultivé en sérum de
boeuf, il reste virulent pour le boeuf, mais ne le devient pas pour
la, chèvre et le mouton. D'après Manfredi, quand on ensemence
la bactéridie charbonneuse dans des milieux contenant 1/8 à
23 en volume de matières grasses, son activité disparaît rapide-
ment.
7° Antiseptiques. — Chamberland et Roux ont montré que les
bactéridies du charbon s'atténuent dans les bouillons addition-
nés de substances antiseptiques (acide phénique à 1 p. 600,
1 p. 2 000, bichromate de potasse à 1 p. 1 200, 1 p. 1 500), et que
les spores elles-mêmes sont atteintes par le séjour prolongé à
85° dans l'acide sulfuriq'ue à 1 p. 200. Des constatations analogues
ont été faites pour divers microbes.

C. — Variations qualitatives.
Soit un microbe x pathogène pour deux espèces animales
À et B ; nous pouvons augmenter son activité à l'égard de A en
l'inoculant en série aux animaux de cette espèce. Que devient
alors sa virulence vis-à-vis de B?Le plus souvent, elle reste inva-
198 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

riablc, parfois elle diminue, plusrarementelleaugmente. Exemples


classiques de diminution : le bacille du rouget, après passage chez
le lapin, devient moins virulent pour le pore ; le virus rabique
devient moins pathogène pour le chien, après avoir passé par
l'organisme du singe (Pasteur). Exemple classique d'augmenta-
tion : le bacille du rouget inoculé en série au pigeon se révèle
plus virulent pour le pore (Pasteur). Cependant, un microbe
exalté par passage chez un animal ne l'est pas forcément pour
un autre. Le bacille du rouget, par exeirmle, complètement adapté
au lapin ne tue ni la souris, ni le pigeon ; complètement adapte à
la souris, il ne tue plus le porc ; venant du porc, il ne tue même pas
toujours la souris (Vogcs). Des streptocoques hypcrvirulcnts
pour le lapin se sont montres inoi'fensifs à l'égard de l'homme
(Koch et Pétrusehky). Les passages par la poule laissent au mi-
crobe du choléra aviairesa virulence initiale vis-à-vis du cobaye,
mais ne l'augmentent pa.s (Yoges). Il y a plus, le vibrion choléri-
que, accoutumé à produire le choléra du type intestinal chez les
jeunes lapins, ne devient, pas plus actif pour le cobaye lorsqu'il est
inoculé par la voie péritonéale, ainsi que l'a démontré-MetchnikoIf.
Donc, en règle générale, si l'on veut exalter un virus vis-à-vis
d'une espèce ou même d'un organe ou d'un tissu, il faut l'habi-
tuer à cette espèce, cet organe ou ce tissu par des passages régu-
liers, en série. C'est probablement ainsi que, dans la nature, au
cours des temps, un grand nombre de germes se sont différenciés
à partir d'une souche commune et, à tel point, qu'on ne peut
souvent leur faire subir expérimentalement la transformation
inverse et les ramener, graduellement ou par un phénomène
de mutation brusque, au type originel.
Cette sorte d'accoutumance étroite à un milieu vivant très
particulier, paraît résulter d'une lente sélection spontanée de
germes plus plastiques, plus aptes à subir des variations plus
étendues, successivement transmises et peu à peu héréditairement
fixées. Elle se manifeste avec une évidence frappante chez les
divers types actuels de bacilles tuberculeux humains, bovins,
aviaires, pisciaires, dont la souche commune primitive a engendré
aussi, peut-être, le groupe, plus nombreux encore et non moins
différencié, des bacilles paratuberculeux, acido-résistants ; chez
les quatre types de pneumocoques pathogènes pour l'homme et
les nombreuses variétés pathogènes pour les autres espèces
ou avirulentes ; chez les méningocoques, les pasteurella, les
streptocoques, etc..
VIRULENCE 199
Si l'on en juge par les expériences de Dieudonné, il est possible
de rendre pathogène un microbe normalement avirulent pour
une espèce dont la température normale, trop haute ou trop basse,
s'oppose à sa végétation. C'est ainsi que le savant allemand
a conféré le charbon aux grenouilles avec des bactéridies accou-
tumées à la température de 10°, et aux pigeons avec des bactéri-
dies accoutumées à la température de 42°. Ces modifications
expérimentales de la virulence sont superposables aux modifica*
tions de la chromogenèse du B. prodigiosus obtenues par
le même expérimentateur. Mais il faut bien se garder de croire que,
dans leur déterminisme, la température de développement consti-
tue le facteur primordial. Après Dujardin-Beaumetz, Brocq-
Rousseu, Forgeot et Urbain ont, en effet, montré le rôle joué
par la composition des milieux de culture dans les variations
qualitatives de la virulence. Le streptocoque gourmeux étudié
par ces auteurs est naturellement inoffensif pour le pigeon ;
cultivé en série sur des milieux au sang de pigeon, il devient
pathogène à l'égard de cet animal.

V. —. Conservation de la. virulence.


La virulence est plus difficile à conserver intacte que la vitalité.
On évitera la chaleur, l'air, la lumière, l'acidité ou la trop grande
alcalinité ; on donnera la préférence aux milieux solides et aux
milieux additionnés de sérum ; enfin, on s'adressera à des cul-
tures riches.
Pour montrer l'influence des solutions nutritives sur la con-
servation de l'activité pathogène, nous rapporterons les formules
suivantes de Marmorek, applicables au streptocoque, et dont
la valeur décroît de la première à. la dernière.
a. Sérum humain 2 parties.
Bouillon 1 partie.
b. Sérum d'âne 2 parties.
Bouillon 1 partie.
c. Sérum de cheval 2 parties.
Bouillon 1 partie.

Le liquide d'ascite peut remplacer le sérum humain, mais il


faut alors changer les proportions.

Liquide d'ascite 1 partie.


Bouillon,,.,,...,..,..., 2 parties.
î?OP ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

Les spores gardent infiniment mieux la virulence que les


formes filamenteuses correspondantes. On peut les conserver
très bien à l'état sec (vaccin Arloing-Cornevin, contre Je charbon
symptomatique ; spores charbonneuses fixées sur des fils de
soie), en les maintenant à l'abri de la chaleur et de la lumière.
On aspirera les humeurs et les pulpes d'organes dans des pipettes
qu'on scellera ensuite aussi près que possible du contenu pour
réduire au minimum le volume d'air inclus dans le tube- Les
fragments de cerveau et de moelle rabiques seront immergés
dans la glycérine neutre à 33° Baume, selon la méthode employée
par Itoux et Calmette. La glycérine convient également à la
lymphe et aux croûtes de la vaccine, mais non au virus clave-
leux ; l'eau physiologique est peu reconimandable. Le sérum
formolé recouvert d'huile de paraffine (Truche), la gélatine nutri-
tive fondue avant l'incorporation des microbes conservent bien
la virulence de diverses, bactéries (M. Nicolle, Truche et Cotoni).
Le sang charbonneux peut être déposé sur des corps absorbants
(plâtre, tige de férule). Tous ces produits doivent être maintenus
à l'obscurité et à basse température.
CHAPITRE XIX

TOXINES ET TOXINOGENÈSE

La virulence, à elle seule, ne suffit pas à caractériser toutes


les propriétés pathogènes des microbes. Nombre d'entre eux,
en effet, peuvent végéter abondamment dans les humeurs ou les
tissus sans altérer gravement leurs fonctions ; d'autres, au con-
traire, provoquent rapidement la mort, bien qu'ils soient inca-
pables de se développer dans le corps des animaux. Ces derniers
germes, avirulents ou presque, agissent uniquement par les
poisons qu'ils sécrètent et dont ils imprègnent l'économie.
Rappelons quelques exemples typiques. Le B. botulïnus
ne se développe jamais dans les tissus vivants. Mais il sécrète
ses poisons au sein de divers aliments azotés qui deviennent
alors très vénéneux et peuvent tuer l'homme ou les animaux qui
les ingèrent. Nullement virulent puisqu'il ne peut végéter
in vivo, ce microbe n'en présente donc pas moins un pouvoir
pathogène élevé, dû à l'extrême toxicité de ses poisons. Le
B. Chauvoei et le vibrion septique qui, d'après M. Nicolle,
Césari et Mlle Raphaël, appartiennent à la même espèce, dis-,
paraîtraient rapidement de l'organisme et demeureraient inoffen-
sifs si les substances toxiques qu'ils sécrètent ne possédaient des
propriétés nécrosantes très marquées. C'est dans les tissus
détruits, c'est-à-dire dans la matière morte, que ces germes se
multiplient ; et leur développement, comme leur action patho-
gène se trouve intimement lié à cette mortification préalable des
éléments anatomiques. Donc virulence mille, mais pouvoir patlio<-
gène très élevé dû, ici encore, à un pouvoir toxique très élevé.
Incapable de végéter in vivo, le bacille tétanique ne devient dan -
gereux que lorsque les germes qui l'accompagnent (Roux, Vail-
lard), ou les traumatismes à la faveur desquels il est inoculé,
provoquent la nécrose des tissus infectés et créent ainsi un milieu
favorable à sa culture. Bien qu'il paraisse jouir d'une certaine
202 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
virulence de surface en développant des lésions caractéristiques
de la muqueuse respiratoire, le bacille diphtérique agit également
surtout par ses poisons. Ces substances jouent même un rôle si
actif dans le développement in vivo du germe, que la thérapeu-
tique antitoxique suffit à arrêter l'extension des fausses mem-
branes.
Quelques bactéries, comme le bacille de Preisz-Nocard, se
montrent à la fois très virulentes et très toxiques. Cependant,
en l'espèce, la virulence représente incontestablement le facteur
pathogène dominant, car si le sérum des chevaux atteints de
lymphangite ulcéreuse possède un haut pouvoir antitoxique
(Nicolle et Loiseau, Césari et Forgeot), il ne peut empêcher les
progrès des lésions engendrées par le bacille spécifique.
Enfin, chez les microbes qui, comme le pneumocoque, déter-
minent une septicémie rapide, la virulence atteint son maximum
et gouverne toute l'évolution des accidents. La fonction toxigène
demeure très réduite pour chaque élément considéré individuelle-
ment et ne constitue un péril, pour le sujet infecté, que par suite
de l'abondance incroyable des germes dans les humeurs et les
tissus, c'est-à-dire de leur intense multiplication in vivo.
Désignés sous le nom de toxines, les poisons microbiens sont
extrêmement variés. Ils se forment dans le protoplasma, d'où
ils diffusent plus ou moins facilement dans le milieu ambiant.
On les sépare des microorganismes, qui les sécrètent, par filtra-
tion des cultures liquides sur bougie de porcelaine ou de terre
d'infusoires, ou par macération, compression, broyage ou auto-
lyse des cellules. Ceux qui se dissolvent facilement dans les
liquides de cultures sont dénommés toxines solubles ou exotoxines,
par opposition aux endotoxines (toxines solides de M. Nicolle,
Césari et Jouan) qui sont inséparables ou difficilement séparables
des corps microbiens.
Plusieurs espèces de champignons, dont VAsjJergillus fumi-
gatus (Bodin et Gautier), des protozoaires et un grand.nombre de
bactéries se montrent toxigènes in vitro ou in vivo. Plasmodium
malarioe sécrète un poison qui se trouve libéré au moment de
la maturation des parasites endoglobulaires ; les sarcosporidies
du mouton produisent une sarcocystine étudiée par Laveran
etMesnil, qui tue le lapin à la dose de Omms,l par kilogramme.
Citons parmi les principales toxines bactériennes : la diphténne
du bacille diphtérique, découverte par Roux, et Yersin (18S8);
la tétanine du bacille tétanique (Knud Faber), la botuline du
TOXINESET TOXINOGENÈSE 203

bacille botulique (Van Ermangen), les poisons du bacille de


Preisz-Nocard (Dassonville, Carré), du bacille dysentérique
(Drigalski et Conradi, Vaillard et Dopter), des microbes anaérobies
de la gangrène gazeuse (Roux et Chamberland, Leclainche et
Vallée, Weinberg et Séguin), du staphylocoque (Christmas,
Rodet et Courmont), du streptocoque (Chantemesse, Roger,
Marmoi-ek).
Des substances analogues sont également élaborées par les
plantes (phytotoxines) et par divers animaux (zootoxines). Les
phytotoxines comprennent entre autres la ricine des graines de
Ricinus communis, Vabrine des graines d'Abrus precatorius^ la
crotine des graines de Croton tigliwm, la robine des feuilles
et de l'écorce des racines de Robinia pseudo acacia; et les zoo-
toxines : les venins de serpents, lézards, araignées, scorpions,
abeilles, les sérums d'anguilles et de serpents, les poisons des
glandes annexées aux épines de divers poissons (Synanceia bra-
chio, Trachinis draco, Scorpoena scorpha).

I. — Nature, propriétés physico-chimiques et biologiques


des toxines.
Toxines solnbles et toxines solides constituent des mélanges
fort complexes que les bactéries synthétisent dans les milieux
habituels et dans les milieux chimiquement définis (corps miné-
raux et organiques). Comme elles n'ont jamais été préparées à
l'état de pureté, leur nature exacte reste inconnue. Elles se
comportent comme des colloïdes électro-positifs et sont le plus
souvent associées à des matières protéiques. On y rencontre parfois
plusieurs substances toxiques qui diffèrent entre elles par leur
action sur les organismes et les cellules. Telle la toxine téta-
nique, dans laquelle Ehrlich et Madsen ont distingué une iéta-
nospasmine convulsivante et une tétanolysine hémolysante
Par plusieurs de leurs caractères : état colloïdal, hltrabilité,
adsorption, résistance à la chaleur, action à des doses excessive-
ment faibles (la toxine tétanique tue la souris à la dose de
0ec,000 001), formation d'anticorps spécifiques chez les animaux,
elles sont comparables aux diastases, dont il est parfois diffieik
de les distinguer.
Selon Ehrlich, la toxine diphtérique serait formée :
1° d'une toxine vraie, dont chaque molécule comprend un
groupe haptopliore doué d'une grande affinité pour certains consti'
204 ACTIONPATHOGÈNEDES MJCRQCES
tuants cellulaires auxquels il s'unit chez les animaux réceptifs,
et un groupe toxophore qui exerce ses effets quand la liaison du
groupe précèdent avec les éléments sensibles s'est produite.
Cette toxine vraie possède également une forte affinité pour
l'antitoxine spécifique ;
2° de toxone faiblement toxique, responsable des oedèmes
locaux, de la cachexie et des paralysies tardives. Son affinité
pour l'antitoxine est moindre [que celle de la toxine vraie ; néan-
moins, elle 'vaccjne et donne également naissance in vivo à des
antitoxines.
Privée de son groupe toxophore, la toxine se transforme en
toxoïde qui, dépourvue de nocivité, reste capable de provoquer
la formation d'antitoxine in vivo et de la neutraliser in vitro.
Dans les milieux de culture, la toxone est associée à la toxine
vraie.
M. Nicolle, Césari et Jouan distinguent deux éléments dans
chaque toxine : un élément actif et non antigène et un élément
actif et antigène, c'est-à-dire susceptible d'engendrer in vivo
des substances neutralisantes ou antitoxines. Le premier corres-
pond à un ou plusieurs composés chimiques simples ou relative-
ment simples. Il se rencontre dans.les divers poisons d'un même
groupe. Le second, représenté par un substratum colloïdal, favo-
rise le jeu des composés chimiques actifs, en multipliant leur sur-
face d'attaque ; son individualité chez chaque représentant d'un
même groupe est démontrée par l'influence spécifique des sérums
correspondants. La justesse de cette conception a été récemment
démontrée par les belles expériences de llamon qui, en faisant
agir sur les toxines le forniol à la température de l'étuve, est
parvenu à supprimer l'élément actif, tout en conservant l'élément
antigène, producteur d'anticorps et immunisant (anatoxines),

A. — Toxines soluhles (Exotoxines).


Les toxines solubles tuent les animaux à des doses parfois,
infimes. Elles sont différemment affectées par les agents phy-
siques et chimiques, dialysent très lentement et s'affaiblissent
par filtration sur les bougies poreuses. Si le chauffage à 50°
pendant une demi-heure les modifie peu, la majorité de ces poi-
sons microbiens s'altèrent à tel point vers 75-80°, qu'il faut en
injecter de fortes doses pour tuer les animaux. A 100°, leur alté-
ration est encore plus profonde, Cependant plusieurs d'entre eux,
toxines et toxinôoenésè 20â
comme les toxines d'origine animale (venin de cobra) supportent
sans grand dommage une ébullition prolongée. Desséchées, les
toxines se montrent, comme les diastases, plus résistantes à la
chaleur. Ainsi latétanine, sous la forme de filtrats-de culture, est
inactivée en une heure et demie à 55° et détruite en cinq minutes
à 68°, alors qu'à l'état sec elle résiste partiellement au chauffage
à 80°, pendant Une heure.
D'une manière générale, le vieillissement, l'autolyse, la lu-
mière solaire, les rayons X, les substances fluorescentes, les
changements de réaction des milieux, l'oxygène^ le chlore, le
formol, les sels bivalents ou trivalents affaiblissent ou inactivent
les toxines ; l'iode et le sulfure de carbone détruisent, leurs
groupes toxophores et, par conséquent, les transforment en
toxoïdes (Ehrlich). Quelques-unes résistent énergiquement aux
acides ; d'autres perdent leur activité, puis la récupèrent après
neutralisation, soit totalement (poison diphtérique, poison du
bacille de Shiga) ; soit partiellement (poison staphylococcique) ;
beaucoup restent détruites pour toujours lorsqu'elles sont addi-
tionnées d'acides. Celles qui tuent par ingestion comme la hotu-
line sont insensibles aux enzymes digestivés et à la bile ; la diphté-
rine et latétanine ingérées sont, au contraire, détruites et lie pro-
voquent alors aucun trouble.
En présence de sulfate d'ammoniaque ou de sels de métaux
lourds, les poisons microbiens se précipitent. Cette propriété est
souvent mise à profit pour les concentrer : on sature par le sul-
fate d'ammoniaque les cultures filtrées^ un précipité d'albumoses
se forme, qui entraîne les produits dissous. Débarrassé du
sulfate d'ammoniaque à l'aide de la dialyse; le précipité se révèle
infiniment plus toxique que le filtrat originel. Le charbon, le
kaolin, la lécithine, la cholestérine (Landsteiner), des graisses
et des cires, le carmin(Stoudensky), l'adrénaline (Marie) fixent les
toxines par adsorption, pendant que la tension superficielle de
leurs solutions augmente parallèlement (Zuiifc),

13. — Toxines solides (Endoioxines).


Les cellules microbiennes sont parfois toxiques, alors même
qu'elles ne laissent diffuser aucun poison dans les liquides de
culture. Depuis Pfeiffer, on désigne sous le nom à'endoioxines
ces poisons fixés sur lé substratum microbien. Elles se côrnpôrtent
comme les toxines solubles dont elles ne différent que par leur
206 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

liaison plus étroite avec le protoplasma cellulaire et, d'après cer-


tains auteurs, par leur incapacité à former des anti-endotoxines
in vivo. Comme les diastases non diffusibles (zymase), on les
extrait par broyage, pression, macération. L'autolyse, l'incorpo-
ration des germes au sulfate de soude anhydre (Rowland, M. Ni-
colle. Debains, Loiseau), ou au sel marin (Besredka), ou encore la
congélation des bactéries clans l'air liquide (Mac Fadyen, Row-
land) sont également employées avec succès.
Leur activité, très variable, est, en général, beaucoup plus
faible que celle des toxines solubles. Si Fendotoxine coquelu-
cheuse, par exemple, exerce, même à une dose minime, une action
irritante et nécrosante très intense, il ne faut 2^as moins de
16 milligrammes de bactéries du choléra des poules, inoculées
dans la cavité péritonéale, pour tuer un cobaye.
On rencontre ces endotoxines chez diverses espèces micro-
biennes : bacille pcsteux, bacilles typhique et paratyphiques,
bacilles dysentériques, bacilles tuberculeux et paratuberculeux.
Quant aux bactéries qui produisent en même temps des poisons
solubles (bacille diphtérique, bacille de Preisz-Nocard, bacille de
Schmorl, staphylocoques), leurs poisons adhérents jouissent exac-
tement des mêmes propriétés que Pexotoxine correspondante
(M. Nicolle, Loiseau et Forgeot).
Les endotoxines sont distinctes des composés protéiques qui
les contiennent et qui constituent, selon l'expression de
M. Nicolle et Loiseau, la substance fondamentale des microbes.
Celle-ci se montre inoffensive à l'égard des sujets neufs, mais
elle les sensibilise activement aux produits homologues (phé-
nomène d'Arthus lors de l'épreuve, réactions tuberculinique et
malléinique).

l£. — TOXINOGNÈS.EML
Les causes qui influent sur la production in vitro des toxines
se rapportent aux microbes, aux milieux de culture et aux cir-
constances extérieures.
Dans la même espèce microbienne, on peut rencontrer des
échantillons atoxigèméS&t des échantillons plus ou moins actifs.
Ce fait est particulièrement hiarqué chez le bacille diphtérique
dont certaines souches sont hypertoxigènes, tel le bacille isolé
par Park et Williams et adopté par la plupart des instituts d e séro-
thérapie, alors que d'autres n'élaborent aucun poison. D'autre
TOXINESET TOXINOGENÈSE 207

part, pour un même échantillon, la fonction toxigène subit par-


fois, et sans cause apparente, des oscillations considérables
(Madsen).
Les solutions nutritives favorables à la production des toxines
varient beaucoup selon l'agent pathogène. Les sels minéraux sont
indispensables ; souvent même, il convient de les employer à des
doses plus élevées que pour obtenir un développement microbien
abondant : le bacille diphtérique a surtout besoin de phosphore,
le bacille tétanique de chlorures. Les sucres qui favorisent la
végétation se montrent généralement nuisibles à cause de la pro-
duction d'acides (bacille diphtérique) Mais ils n'ont aucune
influence sur les fonctions toxigènes des germes qui se déve-
loppent mieux dans les milieux additionnés d'acides (bacille
botulique), ou qui les neutralisent rapidement (bacille tétanique).
D' ordinaire, le milieu doit être ou rester alcalin. Mais si la
basicité devient trop forte, la toxicité des liquides de culture
diminue. Le bouillon Martin ajusté à une réaction qui varie de
P„ 7,5 à P„ 7,9, donne des résultats très réguliers dans la production
de la toxine diphtérique. Au delà de Pu 8,6, le poison ne paraît
pas se former ; au dessous de PH6,8, son activité baisse fortement.
Avec un PKinitial de 5,8 à 6,1, les cultures filtrées ne tuent le
cobaye, en quatre jours, qu'à la dose de 1/10 de centimètre cube
au lieu de 1/700 quand la réaction du milieu varie au départ
entre P„ 6,8 et P„ 7,8 (Abt et Loiseau).
L'azote albuminoïde est indispensable sous la forme de pep-
tones, de gélatine (bacille tétanique, bacille botulique, bacille
diphtérique, vibrion cholérique), ou de sérosités (streptocoques).
La température optimum pour la fonction toxigène oscille
autour de 37°. Rarement on doit descendre à 20° comme pour la
bactéridie charbonneuse (Marinier).
L'aération joue un rôle important vis-à-vis des organismes
aérobies susceptibles de donner naissance à des voiles superfi-
ciels (bacille diphtérique, bacille pyocyanique, vibrion cholé-
rique). Toutefois, si dans les cultures en couche mince et en
large surface, les poisons apparaissent rapidement, ils dispa-
raissent également vite, détruits par une oxydation trop intense.
Pour les anaérobies, comme le bacille tétanique, le bacille botu-
lique et le vibrion septique, il faut assurer l'absence totale d'air.
In vitro, l'élaboration des toxines et leur activité varient
encore avec le temps, suivant une courbe caractéristique pour
chaque espèce microbienne. Dans le bouillon à la peptone de
208 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

panses (bouillon Martin), la toxine du bacille diphtérique, par


exemple, déjà active au bout de vingt-quatre heures, atteint son
maximum de toxicité vers le sixième ou le septième jour à 37°;
elle tue alors à la dose de 0ec,001, un cobaye de 350 grammes,
en quatre jours environ. Par la suite, l'activité du poison dimi-
nue lentement (Martin).
Mentionnons enfin que des substances toxiques peuvent être
sécrétées in vivo par des microbes qui n'en produisent pas dans
les milieux de culture.

III. — Effets des toxines.

Quelle que soit leur origine, animale, végétale ou microbienne,


les toxines solubles offrent ce caractère commun d'engendrer
chez les animaux des antidotes spécifiques : les antitoxines.
Leurs effets pathogènes varient à l'infini selon leuï nature, les
germes dont elles proviennent, la voie de l'inoculation et l'espèce
animale traitée. Tantôt elles déterminent une gamme d'altéra-
tions cellulaires dont la nécrose constitue fréquemment le terme
ultime, tantôt elles provoquent l'hypertrophie et la multiplica-
tion 1des éléments anatomiques. Ici elles excitent les neurones, là
elles les paralysent. Les unes dilatent les vaisseaux capillaires,
lés autres les contractent...
Malgré cette variété de leufs effets, l'étude anatomo-clinique
permet de classer toutes les toxines connues en trois grands
groupes (M. Nicolle, Césari, Jouan) :
1° Les neurotoxines, qui ne provoquent aucun trouble local des
parties molles de l'organisme ;
2° Les toxines qui produisent une escharè humide, c'est-à-dire
des altérations nécrotiques des tissus ; ce sont, de beaucoup, les
plus répandues ;
3° Les toxines qui produisent une eschare sèche (ricine, abrine.
poison diphtérique).
Entre l'eschare humide et l'eschare sèche, il n'existe qu'une
différence dé degré résultant d'une différence de vitesse réaction-
nelle. Le bourbillon représente une réaction moins intense que
l'eschare ;•il est produit par toutes les toxines lorsque la quan-
tité de poison émise par les germes est minime, A l'extrême
limité inférieure des altérations anatomiques, nous trouvons le
gmimloUm qui reconnaît pour cause une action très faible, mais
très pflSkmgée du poisoti.
TQXÏNESfETTOXINOGENÈSE 209
Les endotoxines ou toxines solides provoquent les mêmes effets
que les'toxines solubles, mais avec un intensité moindre, par
suite de leur plus lente diffusion. Localement, selon leur activité
et la vitesse de leur .résorption, elles produisent une eschare
sèche ou humide, un bourbillon précédé ou non d'eschare, un
abcès ou enfin un granulome.
Quelques poisons microbiens ne manifestent leur action
sur les éléments cellulaires qu'après une période d'incubation,
après un temps mort (toxine tétanique, toxine botulinique,
toxines à eschare sèche), tandis que d'autres peuvent tuer
très rapidement, surtout lorsqu'ils pénètrent d'emblée dans la
circulation (venins purs des colubridés, toxines à eschare hu-
mide),
En dernière analyse, la classification des toxines se réduit au
tableau suivant :

Poisons à incubation. sans incubation.


Neurotoxines pures Toxine tétanique Venins de colubridés
Toxines à eschare humide .... Aucune Toutes
Toxines à eschare sèche ...... Toutes Aucune

IV. — Modes d'action des toxines.

Quel est le mode d'action de tous ces poisons? Avec M. Nicolle,


Césari et Jouan, on peut, a priori, le concevoir- comme double :
direct lorsque. les toxines provoquent des troubles graves des
constituants humoraux et. cellulaires essentiels ; indirect quand
la dislocation de ces constituants aboutit à la production de
poisons d'espèce- banale, qui altèrent la substance « noble » des
tissus. L'effet direct paraît être la règle. Comment alors expliquer
l'action des différents types de toxines?

A. — Toxines à eschare humide.


Elles semblent, d'ordinaire, décoaguler directement, lyser,
dissoudre, en quelque sorte, les colloïdes humoraux, les cellules
et les tissus de l'organisme. En réalité, cet effet lytique est précédé
d'une véritable coagulation. On le constate aisément in vivo
avec les venins, qui déterminent la rigidité du sang, suivie de la
phase négative de liquéfaction quand les sujets survivent. On
le constate également in vitro avec le venin de Crotalus adaman-
Microbiologiegénérale, 2eédit. ' 1*
210 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

tus, par exemple, qui coagule le fibrinogène et la cornée du lapin


avant de les dissoudre.
La décoagulation ultérieure peut être due aux toxines elles-
mêmes ou aux humeurs, ou à la fois aux toxines et aux humeurs.
L'action décoagulante, lytique des humeurs, traduite dans le sang
par la phase négative de liquéfaction et dans les tissus par l'es-
chare humide et les nécroses viscérales, a été comparée par
M. Nicolle, Césari et Jouan à celle qu'exercent les métaux lourds
sur les albuminoïdes : coagulation, puis dissolution des coagula
dans un excès d'albumine. Comme les altérations que pro-
voquent in vivo ces composés chimiques rappellent en tous points
celles qu'engendrent les toxines à eschare humide, nous sommes
autorisés à admettre que le mécanisme intime de la liquéfaction
secondaire par dissolution dans un excès d'albumine inter-
vient également dans l'action escharifiante des toxines.

B. — Toxines à eschare sèche.


Leur mode d'action ne difiere du précédent que par une plus
grande lenteur.
C. — Neurotoxines.

Certaines agissent électivement sur les albuminoïdes, d'autres


sur les lipoïdes des éléments nerveux, peut-être en les hydro-
lysant.

V. — Physiologie pathologique de l'intoxication.

A. — Neurotoxines pures.

Injectée sous la peau, la toxine tétanique est absorbée en


partie par les nerfs (Meyer et Ransom, Marie et Morax), en partie
par la circulation. Le coefficient de partage entre ces deux modes
de diffusion est susceptible d'acquérir, selon les circonstances,
des valeurs très diverses : chez les petits rongeurs, la fraction
toxique, qui suit la voie nerveuse, suffit pour déterminer le
tétanos local ; chez les grands animaux, au contraire, cette
-fraction est négligeable, comparativement à celle qui passe dans
la circulation, sauf lorsqu'on injecte une grande quantité de
toxine. Une quantité donnée de poison est nécessaire pour pro-
voquer un tétanos local même chez les petits rongeurs : ceux
TOXINESET TOXINOGENÈSE 211

qui reçoivent chaque jour 1/50 de la dose mortelle de toxine ne


présentent aucun signe local, alors qu'on observe des accidents
de tétanos généralisé (M. Nicolle et Pozersky).
Chez les cobayes inoculés avec une dose mortelle de toxine
tétanique, la fraction absorbée par les nerfs atteint les centres
médullaires correspondants. L'intoxication de ces centres se
révèle par la raideur musculaire et l'hyjjeréflectivité. Quant à la
fraction qui pénètre par la voie circulatoire, elle est résorbée
au niveau des terminaisons nerveuses : elle produit d'abord le
phénomène d'hyperesthésie générale, puis la parésie et enfin
l'arrêt respiratoire mortel.
Lorsqu'on injecte de la toxine tétanique dans les vaisseaux, le
temps d'incubation est plus long qu'après l'inoculation intra-
cérébrale. Cependant sa fixation est rapide chez les animaux sen-
sibles. Lé poison .est résorbé en abondance, d'où rigidité générale
intense, hyperéflectivité extrême et, finalement, paralysie motrice
avec arrêt respiratoire. Chez les animaux non sensibles (lézards,
tortues) il reste libre et intact dans le sang, parfois pendant plu-
sieurs mois.
Le mécanisme de l'intoxication tétanique paraît identique chez
les espèces animales qui présentent toujours, ou habituellement,
du tétanos généralisé d'emblée. On peut attribuer la prédomi-
nance de la raideur au niveau de certains groupes musculaires,
soit à une affinité plus grande des nerfs correspondants pour le
poison, soit, avec Marie et Morax, à leur brièveté.
Introduit par la voie cérébrale, le poison tétanique est abon-
' damaient résorbé et détermine un tétanos généralisé d'emblée,
avec ou sans phénomènes psychiques, selon l'espèce animale.
Inoculé dans la moelle, de préférence dans les racines posté-
rieures, entie la moelle et le ganglion spinal, il engendre le tétanos
douloureux. Pour expliquer cette forme anormale — car le
tétanos offre habituellement un caractère exclusivement mo-
teur — Meycr et Ransom admettent que les cellules du ganglion
spinal fixent et détruisent la toxine tétanique.
Injectée dans les nerfs, la tétanine produit les mêmes effets
que lorsqu'elle est introduite sous la peau.
L'injection intraviscérale provoque le tétanos généralisé ;
l'injection intrapulmonairc amène la mort par troubles respi-
ratoires violents, véritable tétanos local diapliragmatique.
212 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

B. — Toxines à eschare humide.


Selon la dose et leur nature, les toxines à eschare humide in-
jectées sous la peau, tuent après un temps variable ou ne tuent
pas. Injectées dans les veines, à une dose suffisante, elles tuent;
au contraire, toujours. Dans les formes d'intoxication rapides,
la mort paraît résulter surtout de la dépression artérielle et de
l'anémie du centre respiratoire ; dans les formes lentes, elle est
consécutive 1aux altérations viscérales.
La toxine du bacille deShiga offre des propriétés singulières.
Quelle que soit, la voie de l'inoculation, elle s'élimine à travers le
gros intestin et engendre au passage des lésions caractéristiques.
Elle présente également une grande affinité pour les nerfs et
provoque des paralysies éventuellement curables. Enfin elle
trouble profondément la nutrition, d'où les formes cachectiques.

C. — Toxines à eschare sèche;


Ce qui caractérise leurs effets locaux et généraux, c'est le déve-
loppement lent des symptômes et des lésions.
Les toxines végétales peuvent tuer per os. Elles s'éliminent par
l'intestin (lapin, cobaye) et l'estomac (grenouille), et altèrent
rapidement l'organisme.
Chez le cobaye, le poison diphtérique s'élimine par l'estomac,
provoquant assez fréquemment Vulcus rotundum (Rosenau et
Anderson) ; il compromet également la nutrition et manifeste
une affinité élective bien connue pour les nerfs et pour le myo-
carde, d'où la mort subite. Mais, contrairement à la toxine téta-
nique, qui forme avec les albuminoïdes cérébraux des complexes
d'adsorption plus ou moins stables (Marie et Tiffeneau), la
diphtérine se fixe exclusivement sur les lipoïdes des éléments
nerveux (Grigaut et Guy Laroche). Le mécanisme des paralysies
diphtériques locales ou distantes est comparable à celui des
spasmes tétaniques et des paralysies botuliniques. L'ascension
primitive le long des nerfs a été démontrée par les expériences
de Meyer ; l'ascension secondaire, après résorption et avec loca-
lisations électives; est non moins certaine.

VI. PROPRIÉTÉSTOXIGENESDES MICBOBESET VIRULENCE.


Du fait qu'ils se développent plus activement in vivo, les
microbes virulents émettent en plus grande abondance des
TOXINESET TOXINOGENÈSE 213
toxines dont les effets locaux, éloignés et généraux, se trouvent
ainsi multipliés. Par exemple, les pneumocoques avirulents
injectés sous la peau du lapin n'y produisent que de la nécrose
"avec bourbillon hypodermique; avec .des échantillons plus actifs,
on obtient une eschare du type humide ; enfin les races très
virulentes ne lèsent que légèrement les téguments, mais elles
envahissent rapidement l'organisme et provoquent sa déchéance
en l'infiltrant de toxines.
Non seulement la virulence des germes multiplie les effets de
leurs poisons dans l'espace, mais encore dans le temps, car des
microbes, plus ou moins aisément résorbés à l'état mort, peuvent
persister à l'état vivant durant des semaines, des mois, des années.
Le bacille de Malassez et Vignal et. le bacille morveux, par
exemple, introduits morts sous la peau du cobaye, se comportent
comme les pneumocoques avirulents chez le lapin. On sait ce
qu'ils font vivants.

VII. — Toxines partielles.


Les toxines que nous- avons étudiées jusqu'ici peuvent être
désignées sous le nom de toxines générales, par opposition aux
toxines partielles, qui comprennent surtout les hémotoxines et les
leucocidines. Convenons, toutefois qu'une telle distinction ne va
pas sans quelque arbitraire, car certaines toxines dites générales,
comme les neurotoxines, offrent des affinités cellulaires très carac-
téristiques, tandis que plusieurs toxines partielles, comme les
leucotoxines, apparaissent dénuées d'individualité propre.

A. — Hémotoxines.
Encore appelés hémolysines, ces poisons microbiens exercent
leur action sur les globules rouges qu'ils dissolvent en libérant
l'hémoglobine avec une intensité variable. Ils ont été découverts
in vivo par Bordet (1897), qui constata que les lapins infectes
de streptocoques très virulents meurent en présentant une hémo-
lyse totale, et, in vitro, par Ehrlich (1898) dans les cultures en
bouillon de bacilles tétaniques. Depuis, elles ont été observées
dans un grand nombre de cultures microbiennes : streptocoques
(Besredka), un.vibrion paracholéiïque (Kraus et Clairmont) ;
staphylocoques (Neisser et Weichsberg), bacille pyocyanique
(Bulloch et Ilunter), B. coli (Kayser), B. perfringens (Ford et
214 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROUES

Lawrence), B. subtilis (Heyrovski et Landsteiner), B. mcgatlwrium


(Ch. Todd), pneumocoque (Libmann, Rufus Colc), bacille pcs-
teux, (Raybaud et Pélissier, L. Uriarte), B proteus, vibrion
'
septique, baetéridie charbonneuse (Casagrandi, ITeyro-wski,
Landsteiner), pyobacille du mouton de Carré, voisin du bacille
de Preisz-Nocard (Boquet).
Du point de vue de leur résistance à la chaleur, Guyonnet les
classe en trois groupes :
1° Hêmolysines thermolabiles, détruites à une température ne
dépassant pas 60° : B. anthracis, bacille tétanique, B. perfrin-
gens, vibrion septique, pneumocoque, staphylocoque, vibrion
paracholérique, bacille diphtérique, bacille de la suppuration du
mouton ;
2° Hêmolysines thermostabiles, détruites entre 60° et 80' : bacille
typhique, streptocoque, B. megatherium, B. proteus, B. subtilis.
3° Hêmolysines résistantes à haute température, détruites à partir
de 100° : bacilles acido-résistants, bacille pesteux (100°), bacille
pyocyanique et B. coli (plus de 120°).
En général, les hémotoxines apparaissent dans les liquides de
culture clans les vingt-quatre heures qui suivent l'ensemence-
ment ; leur activité augmente ensuite pendant un temps variable
suivant l'espèce et la température, puis décroît rapidement. La
eolilysine n'est décelable que le deuxième jour, la staphylolysine
le troisième ou le quatrième. Les hêmolysines du pneumocoque
et du bacille diphtérique restent adhérentes aux corps micro-
biens ; toutes les autres diffusent facilement.
In vitro, les globules rouges des-différentes espèces animales
sont plus ou moins rapidement dissous selon la nature des hêmo-
lysines. La tétanolysine, par exemple, attaque facilement les
hématies du cheval et du lapin, moins facilement celles du boeuf.
du porc et de la chèvre, dans l'ordre ; la streptocolysine dissout
mieux les hématies du lapin, du chien, du porc, du cobaye et du
mouton que celles du cheval et du jDigeon. Cette dissolution glo-
bulaire est souvent entravée par le sérum normal. Ainsi le sérum
normal humain exerce une action empêchante vis-à-vis de la sta-
phylo, de la streptoco, et de la eolilysine; le .sérum normal du
cheval neutralise la plupart des hémotoxines ; les sérums de
lapin, de cobaye, de boeuf, de mouton, de porc sont également
empêchants, mais à un degré moindre ; le sérum de chien est à
peu près inactif. La cholestérine exerce la même action anti-
hémolytique.
TOXINESET TOXINOGENESE 215 '

In vivo, la streptocolysine, la pyocyanolysine, les hémolysines


du B. perfringens, du vibrion septique et du B. megatherium
attaquent les hématies circulantes et produisent de l'anémie,
parfois de l'hémoglobinurie et des lésions dégénératives des
organes hématopoïétiques.
L'inoculation aux animaux de -filtrats de cultures correspon-
dantes ou de cultures totales provoque la formation d'antihémo-
lysinesplus oumoins spécifiques contre la tétanolysine, la staphy-
lolysine, la typholysine et la colilysine, mais non contre les hémo-
toxines du streptocoque, du bacille pyocyanique et de la bacté-
ridie charbonneuse.

B. — Leucotoxines.

Les leucotoxines, ou Ieucocidines, sont des poisons microbiens


dont l'action agglutinante et lytique s'exerce, en particulier,
sur les globules blancs. Elles ont été observées in vitro dans les
venins, les toxines végétales, qui produisent uniquement l'agglu-
tination des leucocytes, les filtrats et les corps microbiens (sta-
phylocoque— van de Velde ; vibrion septique et B. Chauvoei, —
Eisenberg; bacille pyocyanique).
In vivo, la leucolyse se manifeste par la production d'abcès et
de bourbillons, indices de la mortification des globules blancs que
réalisent, par ailleurs, toutes les toxines escharifiantes représen-
tées par les corps microbiens. Les leucotoxines ne doivent donc
pas être distinguées de ces poisons nécrosants (M. Nicolle, Césari
et Jouan).
La leùcotoxine du staphylocoque apparaît dans les exsudats
que provoque l'inoculation de ce microbe; elle est très sensible à
l'action de la chaleur (58?) et attaque les globules blancs en
dissolvant leur protoplasma.

VIII. — Agressines.

Bail attribue l'action pathogène des bactéries et leur dévelop-


pement in vivo à des substances particulières, les agressines,
qu'elles sécrètent.
On trouve en abondance ces agressines dans les exsudats pro-
voqués par l'inoculation de microbes divers. Lorsqu'on sépare
par centrifugation les germes des humeurs qui les contiennent
et qu'on injecte à des animauxjsensibles le liquide surnageant,
216 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

additionné d'une dose inframortelle de microbes correspondants,


l'infection se produit avec une extrême intensité.
Ces agressines résistent au chauffage à 50°. In vivo, elles
engendrent des antiagressines. Les sérums antiagressiques con-
féreraient même un certain degré d'immunité passiveatix animaux
neufs. Selon Wassermann et Citron, les agressives de Bail se
formeraient également clans les milieux artificiels, Mais Doerr
dénie toute individualité à ces substances et les assimile aux
endotoxines microbiennes.
CHAPITRE XX

MODES ET CONDITIONS GÉNÉRALES


DE L'INFECTION MICROBIENNE

Lorsqu'un germe virulent pénètre dans les tissus ou les*humeurs


d'un individu réceptif, il ne tarde pas à se multiplier et à engen-
drer, par lui-même ou par les toxines qu'il sécrète, des troubles
locaux et généraux caractéristiques. Aux altérations directes
créées par les microbes et leurs poisons, s'ajoutent des réactions
cellulaires et humorales, variables selon la nature de l'agent
pathogène. Et l'ensemble des signes observés constitue la maladie
infectieuse, dont nous allons examiner les principaux aspects.

I. — Nature des agents infectieux.


Les uns,' et c'est la majorité, appartiennent aux protophytes,
les autres sont des protozoaires.
Les champignons inférieurs occasionnent des maladies diverses
selon leur espèce et leur siège : teignes de l'homme et des ani-
maux, pseudo-tuberculose aspergïllaire, pied de Madura, sporo-
trichoses, lymphangites mycosiques, actinomycoses, muguet ;
les levures produisent les saccharomycoses.
Infiniment plus nombreuses et plus variées sont les maladies
bactériennes, humaines, animales ou végétales. Quant aux pro-
tozoaires, leur rôle apparaît chaque jour plus important dejDuis
la découverte, par Laveran, de l'hématozoaire du paludisme. Ils
sont responsables des fièvres paludéennes, des leishmanioses, des
piroplasmoses, des sarcosporidioses, des spirochétoses, des coc-
cidioses, de l'amibiase et même de la rage, comme l'ont montré
Manouëlian et Viala.
Enfin, nous avons vu que certaines maladies infectieuses,
comme la vaccine, la variole, iaclavelée, la fièvre aphteuse, les
pestes bovine, porcine et aviaire, la grippe, etc., sont dues â
des microbes invisibles aux plus forts grossissements et filtrables
218 ACTIONPATHOGENEDES MICKOBES
sur les bougies de porcelaine, d'où les noms génériques de virus
filtrants, ultramicrobes (Calmette) ou injramicrobes (Ch. Nicolle),
sous lesquels ils sont souvent désignés.

II; — Provenance des agents infectieux et modes de la


CONTAGION. .

Les sources de l'infection sont multiples. Les pathogènes, qui


envahissent l'économie, ou l'intoxiquent parleurs poisons, pro-
viennent soit directement d'un individu malade appartenant à
la môme espèce ou à une espèce différente, soit d'individus guéris,
restés porteurs de germes. Ils peuvent aussi provenir du sujet
'
lui-même, car, a la surface de la peau et. des muqueuses, végètent
normalement de nombreux microbes virulents qui, lorsqu'ils
franchissent les barrières épithéliales, sont susceptibles de déter-
miner ce qu'on appelle une auto-injection. Ils peuvent enfin être
apportés par le milieu extérieur (air, eau. sol, objets variés, ali-
ments), ou inoculés par des invertébrés, insectes et arachnides
principalement, dans lesquels nombre d'entre eux accomplissent
une partie de leur évolution. Quelques détails fixeront les idées.

A. — Contagion directe.
Il existe tous les intermédiaires entre les contagions dites
subtiles comme la grippe, la rougeole, la scarlatine, la fièvre
aphteuse et les inoculations brutales, comme la morsure d'un
chien enragé.

E. — Auto-infections.
Le B. coli et, d'une manière générale, les microbes pathogènes
qui pullulent normalement dans l'intestin, sont capables de
provoquer des entérites, des affections rénales, des suppurations
éloignées, des septicémies. Le pneumocoque, le streptocoque,
le bacille de Pfeiffer, le méningocoque, hôtes des premières voies
respiratoires et digestives, engendrent parfois des otites, des bron-
cho-pneumonies, des pneumonies, des septicémies, la méningite
cérébro-spinale, seuls ou à la faveur d'une association avec
d'autres germes (scarlatine, grippe) ; les staphylocoques de la
peau sont la cause des folliculit.es, des furoncles, des anthrax,
de suppurations diverses.
MODESET CONDITIONS
DE L INFECTIONMICROBIENNE 219

C. — Contagion par l'air.


Les produits pathologiques desséchés (fausses membranes
diphtériques, crachats tuberculeux, pus, croûtes varioliques et
claveleuses, poussières souillées de spores charbonneuses) de-
meurent plus ou moins longtemps virulents selon une foule de
conditions. Réduits à l'état de fines particules, ils pénètrent dans
la bouche, le nez et sont absorbes sur place, inhalés ou déglu-
tis : les bacilles tuberculeux, diphtériques, pesteux dans le cas
de pneumonie pesteuse, les virus de la rougeole, de la clavelée, de
la coqueluche, de la grippe, entre autres, sont le plus souvent
transmis sous cette forme par l'intermédiaire de l'air.

I). — Contagion par les eaux.


Les parasites stricts se conservent parfois plusieurs semaines
dans les eaux : bacille diphtérique neuf à trente jours, bacilles
tuberculeux vingt-quatre à cent quinze jours, au moins, bacille de
la morve dix-neuf à cinquante-sept jours, bactéridie charbon-
neuse seize à cent trente et un jours (Straus et Dubarry), mais ne
s'y multiplient pas. Au contraire, les saprophytes facultatifs
comme B. coli, les amibes, les infusoires peuvent végéter dans
les eaux, surtout lorsque celles-ci se trouvent souillées de
matières organiques, ou contiennent en dissolution des nitrates
et des sels ammoniacaux.
Souvent, les épidémies de fièvre typhoïde et de choléra sont
d'origine hydrique. B. proteus, B. fluorescens, le streptocoque,
le staphylocoque, le bacille de Friedlander, le vibrion septique
se rencontrent dans les eaux de mauvaise ou de très mauvaise
qualité.

E. — Contagion par le sol.


Divers microbes pathogènes sont des hôtes du sol : bacille
tétanique, vibrion septique, microbes anaérobies de la gangrène
gazeuse; d'autres peuvent s'y conserver pendant des années,
grâce à leurs spores : bactéridie charbonneuse ; d'autres doivent
y accomplir une partie de leur évolution : coccidies.Ces germes du
sol pénètrent dans l'organisme de différentes façons, notamment.
par effraction (bacille tétanique, vibrion septique) et par inges-
tion (bacille charbonneux, eoccidies).
220 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

F. •— Contagion par les objets.

Très fréquente. On peut contracter la syphilis par l'intermé-


diaire de couverts de table, de verres souillés par un individu
atteint de plaques muqueuses buccales : on s'inocule la pustule
maligne en faisant usage de brosses dont les crins recèlent des
spores charbonneuses. Brosses, peignes et ciseaux des coiffeurs
transmettent les teignes et, chez les animaux, les objets de pan-
sage propagent les trichophyties, l'acné, les lymphangites myco-
siques et bacillaires. Les fièvres typhoïde et paratyphoïdes
peuvent être transmises, comme le choléra, par l'intermédiaire
des ustensiles de cuisine souillés. Assez souvent, les enfants
contractent la tuberculose en manipulant des objets chargés de
.bacilles de Koch. Les habitations, les objets mobiliers, les ten-
tures et tapis surtout, les vêtements, les véhicules, conservent
un temps plus ou moins long les germes pathogènes et repré-
sentent autant de sources de contagion.

G. — Contagion par les aliments.

Les aliments constituent tantôt de véritables produits patho-


logiques, tantôt de véritables milieux de culture où se développent
des microorganismes pathogènes. Dans le premier groupe, se
rangent les viandes septiques, charbonneuses, morveuses, les
laits tuberculeux ou infectés par le M. melitensis ; dans le second,
les produits alimentaires souillés par le B. hotulinus et
imprégnés de ses toxines, les viandes, les crèmes, les laits, conta-
minés par les bacilles typhique et paratyphiques, dysentérique,
B. coli, B proteus et les germes des diarrhées infantiles, le. vi-
brion septique... Parfois, les huîtres véhiculent des bacilles
typhiques et paratyphiques, et les légumes, les germes patho-
gènes du sol et des eaux. Les graines sont susceptibles de
transmettre les actinomycoses, les aspergilloses et, probablement,
les sporotrichoses.

H. •— Contagion par les insectes et arachnides.


Nombre d'insectes et d'arachnides, capables de piquer l'homme
et les animaux et de sucer leur sang, deviennent, par cela même,
des agents de contagion en inoculant les virus dont ils sont por-
teurs. D'autres, comme les mouches, qui se posent sur les cadavres,
MODESET CONDITIONS
DE L'iNFECTIONMICROBIENNE 221
et les déjections, et s'en nourrissent, peuvent ensuite infecter
l'homme indirectement en souillant ses aliments (fièvre ty-
phoïde, dysenterie, choléra), ou directement (conjonctivite gra-
nuleuse).
Souvent, comme nous l'avons déjà exposé, les insectes et les
arachnides sont des intermédiaires obligés des parasites. Rappe-
lons que les diptères : phlébotomes, anophèles, Culcx, Stegomya,
taons, stomoxes, glossines, inoculent respectivement la fièvre de
cinq jours, le clou de Biskra, le paludisme de l'homme et des
oiseaux, la fièvre jaune, les trypanosomiases humaines et ani-
males ; les puces transmettent des leishmanioses, la peste ; les
poux de corps, la fièvre récurrente et le typhus exanthématique ;
les ixodes, les piroplasmoses ; lés argas, des spirochétoses, etc.
Dans quelques cas, les microbes absorbés se montrent pathogènes
à l'égard de leurs hôtes intermédiaires, tel le bacille pesteux
qui tue les mouches (Yersin).

I. — Contagion directe de l'homme par les animaux.


L'homme peut être infecté directement par les suppurations
morveuses du cheval, les déjections et les expectorations des
animaux tuberculeux, le sang et les déjections des animaux char-
bonneux, la salive du chien enragé, l'urine et le lait des chèvres
atteintes de fièvre de Malte, les poils et exfoliations épidermiques
des trichophyties du cheval, les pustules du horse-pox et du cow-
pox, l'urine des rats spirochétosiques... En revanche, il commu-
nique la tuberculose au singe, au chien, au perroquet, la peste
aux rongeurs par l'intermédiaire des puces.

J. — Contagion par les porteurs de germes.


Certains sujets, hommes ou animaux sains, ou guéris d'une
infection antérieure, hébergent, soit au niveau de leurs voies res-
piratoires (bacille diphtérique), soit dans leur tube digestif et
ses annexés (bacilles typhique et paratyphiques, bacille dysen-
térique, vibrion cholérique), soit dans l'appareil urinaire (bacille
typhique) ou dans la mamelle (M. melitensis), des germes patho-
gènes qu'ils éliminent d'une manière continue ou intermittente,
et pendant un temps variable, avec leurs déjections ou leurs
sécrétions. Ces porteurs de germes, souvent méconnus,, constituent
des agents redoutables de contagion.
222 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

K. — Contagion intra-utérine.
Les microbes pathogènes se fixent parfois dans l'oeuf et infec-
tent l'embryon (syphilis). D'autre part, nombre de germes sont
susceptibles de franchir la barrière placentaire, surtout à la fa-
veur de lésions de cet organe, et de contaminer ainsi le foetus :
piroplasmes, spirochètes de la fièvre récurrente, bactéridie char-
bonneuse,, bacille tuberculeux, virus de la rage, de la rougeole,
de la elavelée. Piroplasma bigeminum de la fièvre du Texas des
bovidés pénètre dans l'oeuf de son hôte intermédiaire, une tique,
et infecte la larve. C'est, également par ce mode que se trans-
mettent de génération en génération, aux. vers à soie, les para-
sites de la pébrine ; aux argas, les spirochètes des oiseaux ;
aux Ornithodorus, le spirochète de la tick-fever africaine.

III. POKTES D'ENTRÉEDES MICROBES.


A. — Peau et annexes.
La peau et les poils sont facilement envahis par des champi-
gnons inférieurs qui y trouvent toutes les conditions favorables
à leur développementetprovoquent des affections variées (teignes,
herpès). Cependant, lorsque le revêtement épidermique est intact,
les microbes pathogènes ne le franchissent pas (le spirochète ictéro-
hémorragique — Inada et Ido, Courmont et Durand — et le
M. melitensis, entre autres, font exception à cette règle). Mais il
suffit d'une lésion minime du tégument pour assurer la péné-
tration des germes. C'est ainsi qu'on fait apparaître des furoncles
et la peste en frictionnant la peau nue d'un cobaye ou d'un rat
avec une émulsion de staphylocoques ou de bacilles pesteux.
On facilite la traversée, des microbes par l'épilation, le rasage
(streptocoque, bactéridie charbonneuse, bacilles tuberculeux
et morveux, virus de la vaccinent de la elavelée) ; les scarifica-
tions ont des effets beaucoup plus certains encore. Nous savons
que le paludisme est inoculé par la piqûre des anophèles ; des
trypanosomiases par les glossines ; la fièvre jaune par les Stc-
gomya; la peste par les puces ; les piropla.smoses par les petites
blessures du derme causées par les tiques, le typhus exanthé-
matique et la fièvre récurrente à la faveur des piqûres causées par
les poux. De même, on communique aisément le tétanos, le char-
bon, la gangrène gazeuse, la morve, la tuberculose, en blessant
légèrement la peau avec une aiguille souillie de virus.
MODESET CONDITIONS
DE L'iNFECTIONMICROBIENNE 223

B. — Muqueuses.

Beaucoup plus aisément que la peau, les muqueuses saines se


laissent traverser par les microbes même immobiles. On peut,
par exemple, infecter à coup sûr. un cobaye, en déposant, dans un
de ses culs-de-sac conjonctivaux, une goutte d'émulsion de
bacilles de Koch (Calmette et Guérin). Bien que l'on n'observe
alors aucune lésion locale, les microbes se répandent par les voies
lymphatiques, pénètrent ensuite dans la circulation sanguine et
• créent rapidement une tuberculose splénique. On transmet par ce
même procédé la morve, la peste, la fièvre récurrente (Sergent),
mais non le charbon. Instillé sur la conjonctive, le gonocoque
provoque une inflammation redoutable de cette muqueuse ; on
sait avec quelle facilité il s'installe dans la muqueuse uréthrale.
Sur une grande partie de son étendue, la muqueuse digestive
normale est perméable au bacille tuberculeux, surtout chez,
les très jeunes sujets ; au bacille morveux, aux bacilles typhique
et paratyphiques, au pneumocoque, au streptocoque et au staphy-
locoque, a.u bacille de Preisz-Nocard, au M. melitensis et même
à la bactéridie charbonneuse. Sa perméabilité est surtout pro-
noncée au niveau de l'intestin grêle; elle s'accroît sous l'influence
de troubles inflammatoires et des traumatismes (blessures, lésions
parasitaires).
Les voies respiratoires supérieures hébergent un grand nombre
de germes pathogènes (pneumocoques, streptocoques), qui, dans
des conditions encore indéterminées, peuvent envahir l'économie.
Le méningocoque et le virus de la poliomyélite traversent la
muqueuse nasale. Cependant, malgré l'énorme développement
de la surface broncho-alvéolaire, les bactéries, dans les conditions
normales, ne pénètrent qu'exceptionnellement dans les poumons
avec l'air inspiré. La protection de cet organe est assurée par les
diverticules et les sécrétions de la muqueuse des premières voies
respiratoires,, et, surtout, par Pépithéiium cilié des bronches et
des bronchioles. Dans certaines circonstances pourtant, comme
sous l'influence du froid, qui diminue l'activité des cils vibratiles,
diverses bactéries (pneumocoques, streptocoques) envahissent
l'appareil pulmonaire, puis se disséminent dans l'organisme tout
entier par septicémie. Rappelons que beaucoup d'auteurs
admettent encore que le bacille de Koch, véhiculé par les goutte-
lettes expulsées pendant la toux ou par les poussières, est trans-
porté jusqu'aux alvéoles où il se fixerait ; bien que l'expérience ,
224 ACTIONPATHOGÈNEDES MICKOBES
démontre à l'évidence l'extrême facilité de l'infection tuberc. -
leuse par les voies digestives (Behring, Calmette et Guérin
Vallée). Les microbes de l'influenza et de la coqueluche provo-
quent des lésions inflammatoires de la trachée, des bronches et
des poumons.
Parmi les organes annexes du tube digestif, ou en communica-
tion directe avec lui, sont perméables aux microbes pathogènes :
les amygdales (streptocoque, bacilles tuberculeux), les glandes
salivaires (virus des oreillons), la vésicule biliaire et le foie (mi-
crobes intestinaux).
L'appareil génito-urinaire peut être infecté par le gonocoque,
le tréponème de la syphilis, le streptocoque, le bacille tubercu-
leux, le B. coli, qui provoquent d'abord des lésions locales,
puis se répandent dans toute l'économie. La muqueuse uréthrale
est particulièrement favorable au développement du gonocoque.
Enfin, l'invasion microbienne se produit parfois à la faveur
d'une blessure du tissu conjonctif sous-cutané, des vaisseaux, des
séreuses, des organes profonds.

IV. SoilT DES MICROBESôAPRÈS LEUR PÉNÉTRATIONDANS


l'organisme.
La pénétration des microbes une fois accomplie, plusieurs
éventualités peuvent se produire :
1° lie parasite est détruit presque immédiatement ; l'infection
est tuée dans l'oeuf ;
2° Le développement reste local et éphémère, mais, par ses
sécrétions, le microbe détermine des phénomènes toxiques
.(bacille tétanique) ;
3° Le développement reste encore local ; toutefois, il se pour-
suit assez longtemps pour que les germes engendrent des lésions.
Tantôt il s'agit de germes très toxigènes (bacilles diphtériques,
vibrion cholérique, bacille dysentérique), tantôt on a affaire à
des microbes faiblement virulents (streptobacille du chancre
mou, bactéries des conjonctivites aiguës, subaiguës, gonocoque
dans un grand nombre de cas). La maladie est rapide ou lente
selon les circonstances.
4° Le microbe est hautement virulent, mais les conditions
le localisent aux points où il pénètre (abcès chaud, abcès froid).
5° Virulentes ou toxigènes, les bactéries peuvent être véhicu-
lées par le sang ou la lymphe, se fixer en un point quelconque de
MODESET CONDITIONS
DE l'iNFËCTION MICROBIENNE 225

l'organisme et s'y maintenir vivantes sans produire aucun


trouble apparent. Mais, sous l'influence d'une cause occasion-
nelle quelconque (fatigue, refroidissement, traumatismes, surin-
fections homologues on hétérologues), cette infection latente se
réveille, les germes se multiplient, activement et les symptômes
morbides éclatent (tétanos, charbon de la poule inoculée avec des
spores charbonneuses, tuberculose, morve...).
0° On assiste d'abord à un développement local des microbes,
puis à leur diffusion par la voie lymphatique, la voie sanguine ou
les deux à la fois. La première est la moins rapide, car les virus ren-
contrent dans chaque ganglion un obstacle à leur progression.
Des lymphangites et des adénites traduisent parfois aux yeux
le cheminement des microbes ; elles peuvent même constituer
les manifestations essentielles de l'infection (lymphangites myco-
siques et bactériennes, lymphangites sporotrichosiques, lym-
phangites et adénites tuberculeuses, lymphangites morveuses ou
farcin aigu et chronique, lymphangites banales des microbes
de la suppuration, etc.). Si les' germes franchissent les barrières
ganglionnaires échelonnées sur leur route, ils aboutissent fina-
lement à la circulation générale ; souvent même ils se généra-
lisent précocement par la voie des vaisseaux artériels et veineux
des ganglions lymphatiques, ou lorsqu'ils sont véhiculés par les
phagocytes.
Les effets de cette invasion sanguine diffèrent selon la viru-
lence et la nature des germes qui se fixent en divers points de
l'organisme où ils engendrent, en se développant, de nouvelles
lésions localisées, de véritables métastases (morve, tuberculose
lymphangites mycosiques) ; ou bien ils se multiplient abondam-
ment dans le sang et provoquent des septicémies mortelles (char-
bon,
' 7° peste, pasteurelloses).
Le microbe ne peut végéter que dans le sang et dans les
organes hématogènes. Il se fixe dans les hématies (hématozoaires
du paludisme, piroplasmes) ou dans les leucocytes, ou reste libre
dans le plasma (trypanosomes, spirilles) et provoque une infec-
tion aiguë ou chronique.

V. — Conditions de l'infection.

Les unes tiennent au microbe, les autres à l'organisme et au


mode d'infection.
Microbiologiegénérale) 2 edit. 15
226 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

A. — Conditions tenant au microbe.

Ce sont avant tout le degré de virulence et la dose. Plus la viru-


lence est grande et plus les troubles observés sont graves. En ce
qui concerne les germes susceptibles de créer une lésion au point
d'inoculation, celle-ci décroît, ordinairement, à mesure qu'aug-
mente l'activité du virus. Inoculons, par exemple, à des lapins,
sous la peau de l'oreille, une série de streptocoques de plus en plus
virulents. Voici la gamme lésionnelle ascendante que nous obser-
vons : érythème fugace; induration transitoire, toujours bénigne;
abcès local, compliqué ou non ultérieurement de cachexie; érysi-
pèletype suivi de septicémie; septicémie rapide avec léger oedème
hémorragique, parfois à peine appréciable, de la région inoculée
(Achalme.)
Les signes morbides s'aggravent lorsqu'on augmente les
quantités de germes inoculés : 5 millions de B. proteus, par
exemple, injectés au lapin par la voie sous-cutanée, ne créent
aucun trouble apparent ; 8 millions provoquent un abcès ;
56 millions, un phlegmon mortel en quelques semaines ; 226 mil-
lions amènent la mort en vingt-quatre heures (Watson-Cheyne).
Une faible dose de staphylocoques introduite sous la peau, déter-
mine seulement, chez le lapin, un abcès local ; une dose forte le
tue en quelques heures sans lésion au point d'inoculation (Rodet).
Mais l'accroissement des doses ne produit pas forcément les
mêmes effets que l'augmentation de la virulence.
Souvent, la répétition des inoculations virulentes, à intervalles
convenables, aggrave les effets locaux ou généraux des microbes;
et cette circonstance joue un rôle considérable dans la genèse
d'un grand nombre de maladies microbiennes, des infections
chroniques, principalement. C'est ainsi qu'une petite dose de
bacilles tuberculeux, administrée en un seul repas à des bovidés,
détermine une infection bénigne et curable, alors que l'ingestion
répétée de doses minimes des mêmes germes est suivie d'une
infection d'autant plus grave et plus rapide que les réinfections
ont été plus fréquentes (Calmette et Guérin). De même, quand
on inocule à un cheval, par la voie sous-cutanée, une petite
quantité de Cryptococcus farciminosus, il ne se produit qu'un abcès
local qui se résorbe spontanément après quelques semaines,
tandis que lorsqu'on répète les inoculations dans un délai inférieur
à cinqxiante jours, la lésion initiale, d'abord limitée, s'étend aux
lymphatiques voisins, puis on observe tous les signes cliniques de
MODESET CONDITIONS
DE L'INFECTIONMICROBIENNE 227
la lymphangite épizootique (Boquet et Nègre). Notons que, dans
ce cas. les abcès et nodules de réinfection avortent et que seule
la lésion initiale se propage et finit par se généraliser.

B. — Conditions tenant à l'organisme.


1° Conditions physiologiques. — Ces conditions tiennent :
A l'espèce : sensibilité de l'homme à la lèpre, à la rougeole, à la
scarlatine, au paludisme, à la fièvre jaune, affections auxquelles
la plupart des animaux sont réfractaires ; du porc à la peste por-
cine ; des bovidés à la peste bovine ; des ovins à la clavelée ; du
cheval à l'anémie pernicieuse.
A la race: hypersensibilité des nègres à la méningite cérébro-
spinale (Marchoux) et au tétanos ; des Anglo-Saxons à la suette
miliaire et à la scarlatine ; de la race jaune, à la variole ; des races
améliorées des animaux domestiques à diverses maladies infec-
tieuses. Au contraire, les nègres sont plus résistants au palu-
disme ; les moutons algériens et bretons à la clavelée ; les mou-
tons algériens au charbon.
A l'âge: on connaît la sensibilité des jeunes enfants aux mala-
dies évuptives, aux infections intestinales ; celle de l'adolescent
à la tuberculose ; celle de l'homme mûr au cancer ; celle des vieil-
lards aux infections pneumococciques. La résistance des nou-
veau-nés aux maladies éruptives s'explique par la, transmission
des anticorps maternels au cours de la gestation.
A l'état gravide : tuberculose.
Enfin il existe certaines prédispositions et résistances indivi-
duelles dont quelques-unes paraissent liées à des troubles fonc-
tionnels des glandes endocrines (hypo et hyperthyroïdies dans la
tuberculose)..
2° Conditions pathologiques. — La fatigue, le surmenage et
tous les troubles organiques qu'ils entraînent sont propices au
développement des infections microbiennes (tuberculose, morve,
fièvre typhoïde). Leur influence a été expérimentalement démon-
trée par Charrin et Roger qui ont réussi à communiquer les char-
bons bactérien et symptomatique à des rats normalement réfrac-
taires, en les infectant pendant une période de surmenage arti-
ficiel intensif. Le refroidissement (expérience de l'infection char-
bonneuse de la poule refroidie, Pasteur), les saignées, les trauma-
l ismes, les vaccinations intempestives jouent le même rôle favo-
' risant à l'égard des infections. On produit le choléra expérimental
228 ACTIONPATHOGENEDES MICROBE-ft
chez les singes (Mendoza, Pottevin, Violle) et chez les cobayes
(Cantacuzène) auxquels on fait ingérer des cultures de vibrions
après un purgatif, le charbon symptomatique chez les cobayes
inoculés dans les tissus contusionnés avec un B. Chauvoei.
atténué et inoffensif pour les tissus intacts (Nocard et Roux), le
charbon bactérien chez les pigeons et les poules inanitiés. Nous
avons déjà examiné l'influence réciproque des microbes associés ;
ajoutons 1encore le rôle favorisant du diabète à l'égard de l'in-
fection tuberculeuse et des infections staphylococeique et strepto-
eoecique, de la rougeole, de la coqueluche et de la grippe vis-à-vis
de la tuberculose, des maladies cachectisantes pour l'endomy-
cose.

C. — Conditions tenant au mode d'inoculation.

Souvent, pour un même germe, les résultats observés diffèrent


selon la voie de l'inoculation. La vaccine, par exemple, injectée
dans le cerveau, tue à coup sûr le lapin en quelques jours ; dépo-
sée sur la peau scarifiée ou fraîchement rasée, elle produit, au
contraire, les pustules caractéristiques ; injectée sous la peau,
elle ne détermine aucun trouble et confère assez régulièrement'
l'immunité ; inoculée dans les veines ou dans les séreuses, elle
immunise sans provoquer, d'ordinaire, l'apparition de pustules.
Mais l'éruption pustuleuse se manifeste lorsqu'on rase la peau du
lapin immédiatement après l'injection intraveineuse de virus
(Calmette et Guérin). De même les virus clayeleux, péripneumo-
nique et rabique (pour les herbivores), le 13. Chauvoei, tous
si hautement pathogènes quand ils pénètrent sous la peau
ou dans la peau, ne déterminent^ aucun accident et peuvent même
conférer l'immunité lorsqu'on les injecte dans la circulation san-
guine en évitant de souiller les tissus superficiels.
Déposée sur la peau épilée et rasée ou scarifiée, la bactéridie
charbonneuse provoque, chez le lapin et le cobaye en particulier,
un charbon mortel. Inoculée à dose modérée, dans la veine, dans
les 'cavités séreuses ou dans le tissu conjonctif, sans souillure de
la,peau, elle est rapidement résorbée sans créer le moindre trouble,
mais elle n'engendre pas l'immunité ('Besredka). Ingérée même à
haute dose, elle est également inoffensive pour le cobaye lorsque
la muqueuse digestive est indemne de toute érosion, bien qu'elle
pénètre dans la circulation et s'y maintienne pendant quelques
heures: Mais si pendant la courte période où elle est déce.laMe
MODESET CONDITIONSDE L'iNFECTIONMICROBIENNE 229
dans le sang, on blesse la peau par épilation, rasage, contusion,
scarification ou piqûre, un charbon local se déclare au point lésé
et l'animal meurt eu quelques jours de septicémie (Boquet).
Plus encore, toutes les régions du tégument et du tissu con-
jonctif sous-cutané ne se prêtent pas avec la même facilité à la
pullulation des microbes, et les résultats observés diffèrent selon
les points de l'inoculation. À l'égard du virus péripneumonique,
il existe, chez les bovidés, des régions défendues correspondant à
un tissu conjonctif lâche et abondant; au niveau desquelles toute
insertion de virus provoque une infection grave. Mais il est aussi
des régions permises, comme la partie inférieure des membres et
l'extrémité de la queue pour le virus péri-pneumonique-, la face
inférieure de l'oreille du mouton pour le virus claveleuX, où
l'inoculation crée seulement une lésion locale qui confère l'immu-
nité. Des faits de même ordre se produisent dans certaines con-
ditions chez la souris inoculée dans le tissu dense de la queue
avec le deuxième vaccin anticharbonneux, qui tue invariablement
cet animal lorsqu'il est introduit en tout autre point (Boquet).

VI. — Circonstances qui localisent l'infection. Électivité


ORGANIQUE,TISSULA.IREET CELLULAIRE.
Nombre de'microbes manifestent une électivité quasi absolue
pour tel système organique ou, plus singulièrement, pour tel
tissu ou telle espèce de cellules, c'est-à-dire qu'ils ne sont suscep-
tibles de se développer in vivo que dans certains éléments ou
groupes d'éléments anatomiques. Lorsqu'ils pénètrent dans les
régions inaptes à leur développement, ils sont immédiatement
détruits. S'ils échappent aux actions lytiques des humeurs et
des phagocytes, ils sont entraînés par le sang, la lymphe jusqu'aux
tissus réceptifs où ils se fixent. C'est ainsi que le claveau injecté
dans la trachée du mouton se rend toujours aux téguments,
que le virus péri-pneumonique inoculé sous la peau des jeunes
bovidés va se fixer électivement sur les séreuses ; que le horse-
pox introduit dans les veines du poulain engendre exclusivement
des lésions eutanéo-muqueuses. Parfois même, dans une espèce
microbienne, certaines souches ou races présentent ce caractère
d'élection à un plus ou moins haut degré : tel staphylocoque,
comme celui que Bezançon et Griffon ont isolé, provoque
constamment des lésions articulaires, tel pneumocoque se loca-
lise invariablement dans les articulations.
230 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES
Cette électivité, dont le déterminisme encore mal connu ne
consiste cependant pas dans une mystérieuse affinité ou une
attraction à distance par les éléments réceptifs, n'est pas unique-
ment fonction de l'espèce microbienne inoculée. L'organisme, en
effet, intervient également dans la fixation des germes qui doit
trouver sa cause dans diverses particularités humorales ou cellu-
laires, mécaniques ou physiques, chimiques ou biologiques de
l'espèce et de l'individu. On sait, par exemple, combien les sujets
jeunes sont prédisposés aux ostéo-myélites par l'inflammation
physiologique qui se manifeste au niveau des têtes osseuses
pendant la période de croissance, et l'expérience montre que si
on injecte à de jeunes lapins, par la voie veineuse, un staphylo-
coque modérément virulent, il se localise toujours sur les épi-
physes (Lannelongue et Achard). L'hyperactivité et le surmenage
fonctionnel des organes, les altérations des tissus, toxiques ou
infectieuses, et les traumatismes sont autant de facteurs qui
modifient la réceptivité locale et réalisent les conditions favo-
rables à la fixation élective des microbes banaux (staphylo-
coque, pneumocoque). Ceux-ci se comportent alors comme des
germes spécifiques.

VII. — Infections mixtes.


A côté des infections simples, qui relèvent d'un seul type mi-
crobien, il existe des infections mixtes produites par plusieurs
espèces de germes dont l'action pathogène se trouve, de ce fait,
plus ou moins modifiée. Nous distinguerons dans ces affections
mixtes : les infections associées, les infections secondaires et les
infections dites de sortie.

A. — Infections associées.

Elles peuvent être plus graves que les infections simples.


C'est ainsi, par exemple, que la tuberculose est aggravée par
la rougeole, la coqueluche, la grippe. Mais, souvent, elles n'exer-
cent aucune influence réciproque, et chacune d'elles évolue comme
si elle existait seule : rougeole et coqueluche ; rougeole, variole
ou varicelle et scarlatine. Dans quelques cas, l'évolution simul-
tanée de deux infections a pour effet de modifier heureusement
l'une d'elles : érysipèle et lupus, érysipèle et sarcome, charbon
et streptococcies (Emmerich), paludisme et paralysie générale
MODESET CONDITIONSDE I/INFECTIONMICROBIENNE 231

syphilitique. Rappelons le rôle essentiel que jouent les microbes


de la suppuration dans le développement du tétanos et de la gan-
grène gazeuse et, d'une manière générale, les effets des associa-
tions microbiennes examinées dans un chapitre précédent.

B. — Infections secondaires.
La plupart des auto-infections sont des infections secondaires
et beaucoup d'infections secondaires sont des auto-infections.
Ces nouvelles maladies, ajoutées à la première, en assombrissent
presque toujours le pronostic. Les exemples sont nombreux :
suppurations et gangrènes dans la convalescence des maladies
infectieuses ; pneumonies dans l'érysipèle ; infections secondaires,
suppuratives et gangreneuses des lymphangites ulcéreuse et
épizootique du cheval. Il est souvent assez difficile de les dis-
tinguer des infections dues à des microbes de sortie que nous
allons examiner.

C. — Infections par les microbes de sortie.


Sous ce nom, M. Nicolle désigne les germes d'infections endo-
gènes qui se développent à la faveur d'une maladie virulente
ou d'une intoxication de natures variées. Le premier exemple
des germes de sortie, signalé par M. Nicolle et Adil bey est celui
du Piroplasma biQeminum, latent chez tous les bovidés de
Turquie. Peu après l'inoculation de virus pestique, ce proto-
zoaire abandonne les organes où il s'était réfugié et envahit
l'organisme, en général sa.ns dommage, mais parfois en pro-
duisant tous les symptômes caractéristiques de la fièvre du
Texas.
Quelquefois, les germes dits de sortie proviennent, non de la
profondeur des organes, mais de la surface des muqueuses où ils
végètent sans causer aucun trouble apparent. L'expression
microbes de sortie qui leur est également appliquée est donc
inexacte, puisque l'infection ou l'intoxication surajoutées ont
pour effet de les faire pénétrer dans l'économie : Pasteurella,
Salmonella, par exemple, dans la peste porcine.
Quoi qu'il en soit, les microbes visibles ou invisibles paraissent
souvent intervenir d'une manière quasi, spécifique sur les germes
de sortie : peste bovine pour le piroplasme du boeuf ; peste équine
pour le piroplasme du cheval ; peste porcine pour la Salmonella
232 ACTIONPATHOGENEDES MICltOBEK

du porc ; agalaxie pour le pyobacille du mouton et de la chèvre


(Carré). Moins spéciale est déjà la sortie du streptocoque dans'la
scarlatine et la grippe, moins encore celle de l'herpès dans diverses
infections.
Les microbes de sortie sont ordinairement peu variés. Chez le
cobaye, les injections de microbes vivants ou morts les plus
divers, de toxines ou de poisons chimiques font « sortir » le
pneumocoque et la pasteurella ; chez la souris ce sont, dans les
mêmes conditions, le staphylocoque et surtout le paratyphique B ;
chez- le cheval, le streptocoque.

VIII. —• Infections inapparentes.

Après l'inoculation de virus du typhus exanthématique à des


cobayes, l'élévation thermique caractéristique de l'infection fait
défaut chez certains d'entre eux. Cependant le sang de ces ani-
maux est virulent durant toute la période ou d'autres cobayes,
inoculés au même moment, avec le même virus, présentent leur
fièvre d'infection. Ch. Nicolle et Lebailly ont désigné sous le nom
d'infections inapparentes ces infections aiguës, septicémiques,
impossibles à reconnaître autrement que par l'inoculation. Le
rat blanc ou gris, la souris blanche, la gerbillc contractent un
typhus inapparent, transmissible en série sous cette forme.
Î3ans les espèces sensibles à un germe donné, les individus ancien-
nement atteints et réputés réfractaires reprennent parfois la
maladie sous une forme inapparente, et la transmettent (Ch. Ni-
colle).

IX. — Infections latentes.

Le staphylocoque, le pneumocoque, les spores charbonneuses,


le bacille tétanique peuvent se conserver vivants dans les orga-
nismes réceptif s sans produire aucun symptôme morbide apparent.
Mais sous des influences diverses, dont le mode d'action paraît se
rapprocher du mécanisme des infections de sortie, l'infection
éclate soudainement. Il en.est de même pour les bacilles tuber-
culeux et morveux, le M. melitensis et le B. abortus (Bur-
net), dont la présence dans l'organisme n'est souvent décelée
que par les réactions tuberculinique, malléinique et mélitique,
et par les anticorps spécifiques auxquels ils donnent naissance.
MODESET CONDITIONS
DE L'INFECTIONMICROBIENNE 233
Sont aussi, en quelque sorte, en état d'infection latente, les
porteurs sains de germes (méningocoques, bacilles diphtériques>
vibrions cholérique) qui jouent un rôle si important dans la trans-
mission des maladies infectieuses.
CHAPITRE XXI

SIGNES ET ÉVOLUTION DES INFECTIONS

I. — Signes généraux et locaux.

Selon la nature des microbes, leur virulence, leurs propriétés


toxigènes, la dose inoculée, la voie de l'inoculation, l'espèce et
la résistance individuelle des hôtes, les symptômes et les lésions
des maladies infectieuses apparaissent multiples. Un même mi-
crobe, le streptocoque, par exemple, peut produire du pus, des
fausses membranes, de l'érysipèle, des lymphangites, une septi-
cémie ; le staphylocoque, des furoncles, l'anthrax, des ostéo-
myélites, une septicémie ; le pneumocoque, des suppurations,
des méningites, des pneumonies, une septicémie, etc. Par ail-
leurs, des germes différents produisent des troubles identiques
ou analogues; la dysenterie peut être due à VEntamoeba dyse.nt.e-
rioe ou à des bacilles du groupe dysentérique ; la fièvre typhoïde
aux bacilles d'Ebertb ou aux bacilles paratyphiques ; de telle
sorte qu'il est impossible de déterminer la nature des agents infec-
tieux par les seuls caractères des troubles qu'ils provoquent.
Du point de vue clinique, rappelons les modalités infinies de
l'évolution morbide : fébrile ou apyrétique, aiguë ou chronique,
'
cyclique ou irrégulière, intermittente ou continue. Signalons
encore les crises, les rechutes, les récidives de certaines infec-
tions.
Du point de vue anatonio-pathologique, le tableau n'est pas
moins varié. Il est des maladies générales qui évoluent sans
lésions apparentes ; d'autres qui se'traduisent par la congestion
généralisée des organes. Il peut s'y joindre de l'hypertrophie
splénique (septicémie), des ecchymoses multiples (septicémies
hémorragiques). Localement, on observe des lésions inflamma-
toires, suppuratives, gangreneuses, dont l'évolution est plus ou
moins rapide et la gravité subordonnée à la virulence des germes,
à l'organe ou aux tissus infectés.
SIGNESET ÉVOLUTIONDES INFECTIONS 235

A. — Inflammation.

a) Caractères généraux. — L'inflammation consiste essentielle-


ment en une série de désordres matériels, dégénératifs et fonc-
tionnels (Letulle), qui résultent autant de l'action directe des
microbes pathogènes et de leurs poisons que de la réaction orga-
nique, cellulaire et humorale, dont l'aspect varie avec la nature
des tissus et l'espèce microbienne inoculée, sa virulence et sa
toxicité.
Toutefois ce processus n'est pas spécial aux agents infectieux.
Il peut être produit avec des caractères identiques par des subs-
tances chimiques, des agents physiques (chaleur, électricité,
agents lumineux) ou simplement mécaniques.
Les signes cardinaux de l'inflammation consistent en la dila-
tation des vaisseaux (hyperémie), l'exsudation du plasma (oedème)
et la migration des leucocytes (diapédèse) qui s'accumulent
dans les foyers et englobent les germes infectieux (phagocytose).
C'est de l'excitation des nerfs vaso-dilatateurs ou de la para-
lysie des vaso-constricteurs, ou encore de l'atteinte directe des
fibres musculaires des artérioles que résulte l'hyperémie active.
Cette hyperémie provoque un ralentissement local de la circu-
lation sanguine et favorise la migration des leucocytes. L'exsu-
dation est causée par les altérations des parois des vaisseaux
capillaires, par l'élévation de la pression osmotique du plasma
sanguin dans les tissus, au sein desquels s'accumulent les
substances cristalloïdes provenant de la désintégration mi-
crobienne des matières protéiques : elle paraît liée aussi à
l'hydrophilie des colloïdes tissulaires accrue par une hyperpro-
duction locale, ou à une élimination insuffisante de substances
acides (Fischer). Elle a pour effet de distendre le tissu connectif
et de provoquer une tuméfaction locale plus ou moins étendue.
Ces phénomènes s'accompagnent souvent d'hémorragies inters-
titielles (suffusions sanguines et ecchymoses tégumentaires ou
viscérales) et de la précipitation de la fibrine, soit dans les vais-
seaux sanguins ou lymphatiques (thromboses, lymphangites),
soit dans les espaces interstitiels du squelette conjonctivo-vascu-
laire, soit dans les cavités séreuses (exsudats fibrineux). Parallè-
lement à la diapédèse locale, l'activité des organes hématopoïé-
tiques se trouve augmentée, et le sang se charge d'une quantité
anormale de globules blancs (leucocytose inflammatoire.) Enfin,
les cellules fixes du foyer s'hypertrophient et prolifèrent, des

V
230 ACTIONPATHOGÈNEDES MICKOBES
vaisseaux se forment dans le tissu eonneetif enflammé, et l'hyper-
plasie des fibroblastes aboutit à la production de fibrilles connee-
tives nouvelles. Celles-ci élaborent ensuite une gangue intersti-
tielle lâche, d'où émane un néo-tissu conjonctivo-vasculaire
exhubérant (bourgeons charnus).
Selon Letulle, les lésions dégénératives, inflammatoires ré-
sultent : 1° de la mort des éléments cellulaires dont le noyau est
plus ou moins complètement détruit (pyenose), ou fragmente
(caryorhexie),. pendant que le protoplasme s'altère dans sa struc-
ture et ses affinités tinctoriales (nécrose aiguë, granuleuse,
fibrinoïde, vitreuse ou hyaline) ; 2° de la dégénérescence grais-
seuse, séreuse ou muqueuse du protoplasme qui,, moins profon-
dément lésé que précédemment, subit une transformation grais-
seuse plus ou moins étendue, ou s'imprègne de liquides albumi-
neux ou muqueux; 3° de l'atrophie des cellules, qui se rétractent
(atrophie simple) et s'infiltrent de pigments (atrophie granulo-
-pigmentaire, atrophie pigmentaire).
b) Processus inflammatoires. — Les processus inflammatoires
qui affectent les divers tissus et organes de l'économie sont aigus,
subaigus ou chroniques.
1° Processus aigus. — Nodules toxi-infeciieux. — Souvent
diffuse, l'hyperdiapédèse peut être circonscrite par îlots (infec-
tions nodulaires) arrondis ou fusiformes, au sein desquels les élé-
ments parenchymateux sont plus ou moins envahis par l'afflux
leucocytaire.
Inflammation exsudative. — Elle intéresse les muqueuscs{ les
téguments, les séreuses, les alvéoles pulmonaires et se caractérise
par une abondante exsudation séreuse, une hyperdiapéd èse intense
et le dépôt de fibrine. L'infiltration fibrineuse peut se limiter
aux couches épithéliales des tissus (couenne inflammatoire),,
ou atteindre superficiellement le derme (pseudo-membranes)
et même sa profondeur (processus ulcéro-membraneux).
Thromboses et embolies. — Obstructions vasculaires résultant
de l'extension des processus inflammatoires et de la pénétration
des germes, de leurs poisons et de détritus fibrino-leucocytaires
dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques.
2° Processus subaigus. — Leur aspect est très varié, par suite
de la coexistence des altérations parenchymateuses et intersti-
tielles hypernutritives (hypertrophie, hyperplasie, prolifération
des néo-vaisseaux capillaires, îlots nodulaires toxi-infectieux,
placards de sclérose cicatriciels).
SIGNESET EVOLUTIONDES INFECTIONS 237
3° Processus chroniques. — Ils aboutissent à la sclérose, c'est-
à-dire à la transformation des tissus normaux en tissu fibroïde ou
fibreux cicatriciel. Tantôt la sclérose succède au bourgeonnement
inflammatoire, tantôt elle apparaît d'emblée et se manifeste
surtout par l'accumulation des produits d'élaboration intersti-
tiels (fibrilles connectives, fibres lamineuses, fibres élastiques).
Ces processus inflammatoires 'chroniques présentent 'des
phases régressives d'involution dégénérative et se compliquent
'
de poussées inflammatoires : dystropliies et réactions hypertro-
phiques, dont certaines donnent naissance à des pseudo-néo-
plasmes.
4° Lésions spécifiques. Granulome. — Les plus importantes sont
représentées par des lésions nodulaires et, dans leur forme la plus
élémentaire, par le follicule infectieux. Celui-ci contient, au centre,
une cellule géante à" noyaux multiples, entourée d'une couche de
cellules épithélioïdes qui est elle-même bordée par un amas de
lymphocytes ou de mononucléaires. Enchâssés, dans les tissus par
une série de tractus conjonctivo-vasculaires ou scléréjvx, les folli-
cules se multiplient de proche en proche et se fusionnent en un
nodule tuberculiforme dépourvu de vaisseaux. Ce type de réac-
tion cellulaire, dont résulte le granulome, se manifeste lorsqu'un
corps étranger ïrrésorbable (brins de coton ou de fil, poudre de
lycopo.de, parasites divers) ou des microbes peu toxiques, mais
très tenaces, pénètrent clans les. tissus (champignons, levures, et
surtout les bacilles tuberculeux et morveux). L'action locale des
poisons microbiens émis lentement ou en très petite quantité,
se traduit par la sclérose, ou par la dégénérescence progressive du
centre du tubercule, qui se transforme en un bloc caséeux. Dans
la syphilis, la gomme miliaire correspond en tous points au nodule
tuberculeux. La nécrose caséeuse des éléments cellulaires et des
tissus englobés dans le nodule syphilitique donne naissance à la
gomme, susceptible d'une guérison vraie, cicatricielle.

B. — Suppuration.
Troublés dans leur nutrition par suite de leur accumulation
énorme dans les foyers inflammatoires, lésés par les sécrétions
microbiennes toxiques (leueoeidines), les leucocytes subissent la
dégénérescence granulé-graisseuse et constituent les cellules du
pus. Leurs- enzymes protéolytiques,. libérées en abondance, et
les prot-éases microbiennes, attaquent les cellules environnantes
238 ACTIONPATHOGÈNEDES MÎCBOBES

qui se nécrosent et se liquéfient. Puis la niasse liquéfiée s'épanche


librement ou se collecte en un abcès dont la paroi, rongée par les
enzymes du foyer, finit par se perforer et par livrer passage au
jous. La suppuration peut évoluer rapidement ou lentement,
et, dans ce dernier cas, il n'est pas rare de voir le foyer d'infec-
tion devenir stérile.
Les microbes vivants (moisissures, levures, amibes, bactéries)
et leurs toxines sont la cause essentielle de la suppuration. Mais
les germes morts et diverses substances, comme l'essence de téré-
benthine, le mercure, l'huile de croton, le nitrate d'argent et des
protéines végétales, injectées dans les tissus, peuvent également
produire des abcès aseptiques.

C. — Nécrose. Gangrène.
La nécrose est caractérisée par la mort des éléments et des
tissus coagulés ou lysés. La grangène, c'est la nécrose compliquée
de putréfaction, c'est la pourriture in vivo.
Selon les organes, la gangrène peut être diffuse ou localisée ;
elle s'étend de proche en proche aux tissus sains, ou à distance
par la voie lymphatique, en s'accompagnant de symptômes géné-
raux dus à la résorption des constituants cellulaires et humoraux
désintégrés et des poisons microbiens. Son arrêt est marqué
par un sillon â?élimination, où naissent les bourgeons charnus
réparateurs. Lorsqu'elle est produite par des microbes anaérobies,
on observe une abondante formation de gaz dans les foyers :
H, CO2, NH 3, N (gangrène gazeuse).

II. — Évolution des infections.

A. — Injections aiguës.
D'une manière générale, les infections aiguës présentent quatre
•phases :
1° Incubation. — Phase silencieuse, pendant laquelle les germes
inoculés subissent d'abord l'action inhibante des cellules et des
humeurs de l'hôte. Les moins résistants d'entre eux, c'est-à-dire
les moins virulents, sont détruits, mais les plus actifs ne tardent pas
à se multiplier sur place ou à pénétrer dans la circulation et à
sécréter leurs toxines. Cette période d'incubation est plus ou
moins longue selon la nature des germes, leur nombre, leur viru-
SIGNESET EVOLUTIONDES INFECTIONS- 23&

lence, l'état physiologique ou pathologique de l'hôte, la fatigue,


le surmenage, les maladies antérieures ou concomitantes. Sa durée
moyenne est de un à deux jours pour le chancre mou, de un à
trois jours pour le charbon, vingt à soixante jours et plus pour la
rage. Elle peut être complètement silencieuse ou marquée par de
petits signes locaux (rougeur, oedème, prurit), ou généraux
(ondes fébriles).
2° Invasion. — S'étend depuis le début des manifestations
morbides jusqu'au moment où elles atteignent leur maximum.
Elle est brève, à peine marquée dans la pneumonie dont les
symptômes généraux éclatent brusquement ; lente et progres-
sive, au contraire, dans la fièvre typhoïde. Des prodromes l'an-
noncent parfois. Les lésions locales peuvent suivre la même
courbe ascendante que les signes généraux ; dans certains cas,
elles précèdent ceux-ci; dans d'autres, elles les suivent ; parfois,
enfin, elles apparaissent seules.
3° Période d'état. — C'est au cours de cette phase que.se mani-
festent dans toute leur intensité les symptômes caractéristiques
de l'infection. La maladie reste stationnaire dans le type continu
(fièvre typhoïde) ou présente des rémittences de plus ou moins
longue durée (fièvres rémittentes, fièvres intermittentes). Tantôt
les lésions locales qui l'accompagnent évoluent parallèlement aux
signes généraux, tantôt elles persistent, après leur disparition,
tantôt elles rétrocèdent avant eux.
4° Guérison. — Lente (fièvre typhoïde), après une période de
convalescence plus ou moins longue. Ailleurs, guérison apparente
suivie de rechutes (fièvre typhoïde, grippe), qui peuvent égale-
ment se produire d'une manière brusque au cours de la conva-
lescence. Celle-ci, qui marque le retour progressif à l'état normal,
peut être interrompue par une série d'incidents plus ou moins
graves : fièvre passagère à la suite de rechutes abortives (fièvre
typhoïde), lésions cutanées secondaires (abcès, furoncles, es-
chares) ; infections locales secondaires (angines, arthropathies,
érythèmes, néphrites, pneumonie).
Brusque, après une crise au cours de laquelle les symptômes
morbides s'exacerbent. Dans la pneumonie, la crise se produit
généralement pendant la nuit : en quelques heures la, fièvre
tombe, les sécrétions se rétablissent, les urines sont éliminées
en abondance et les signes généraux d.el'infection pneumococcique
disparaissent. Cependant les lésions pneumoniques ne se trouvent
pas sensiblement modifiées ; elles rétrocèdent ensuite peu à peu
â40 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
et le malade se rétablit complètement. Des signes analogues
sont souvent observés dans l'érysipèle, la variole, le typhus exan-
thématique, le choléra.

B. — Infections chroniques.
Les infections peuvent être chroniques d'emblée, comme la
tuberculose, la lèpre, la morve, la botryomycose, diverses my-
coses.
Souvent elles font suite â une infection aiguë, dont les symp-
tômes généraux s'atténuent ou s'effacent, alors que les germes
persistent, dans les foyers avec leur virulence originelle. Leur
évolution est extrêmement variée. Parfois, sous diverses in-
fluences, refroidissement, traumatismes, infections intercurrentes,
surinfections, injections parentérales de substances médicamen-
teuses, de protéines, de microbes, qui déterminent des réactions
focales plus ou moins, intenses, on assiste à un véritable réveil
des lésions torpides et à l'évolution de poussées aiguës. A la suite
de ces poussées, les lésions locales s'étendent, se généralisent, pen-
dant que les troubles généraux s'aggravent (tuberculose, morve,
lymphangites mycosiques). Dans d'autres cas, au contraire,
cette substitution d'un processus aigu à un. processus chronique
entraîne la guérison complète, clinique et bactériologique de
l'infection. D'où l'idée d'une thérapeutique substitutive. repré-
sentée par la vaccinothérapie spécifique ou paraspécifique, l'anti-
génothérapie et la protéinothérapie.

C. — Mort.

Survient brusquement au cours,des.maladies aiguës, ou tardive-


ment, après un temps plus ou moins long. Elle résulte soit d'un
obstacle mécanique au fonctionnement des organes, consécutive-
ment à l'extension des lésions (fausses membranes diphtériques,
lésions pulmonaires tuberculeuses, p.neumococciques, dégénéres-
cences, viscérales), soit d'une lésion parfois minime intéressant
un organe important (hémorragies, lésions,du système nerveux),
soit des effets toxiques, des sécrétions microbiennes, (tétanos,
diphtérie, gangrène gazeuse), soit enfui de la pullulatkxn des
microbes dans les septicémies. '
CHAPITRE XXII

PHAGOCYTOSE

Depuis Metchnikotf, on désigne sous ie nom de -phagocytose


le phénomène en vertu duquel diverses cellules englobent et,
éventuellement, dissolvent les fines particules organiques et
inorganiques introduites dans les tissus ou les humeurs des ani-
maux. Ce phénomène est lié à l'absence, totale ou partielle, de
membrane limitante, à la mobilité et à la déformabilité des cel-
lules et à la présence, dans leur protoplasme, d'enzymes appro-
priées. Habituellement, la phagocytose traduit l'incorporation
et la digestion soit d'éléments anatomiques, soit de microbes.

I. — Caractères généraux des phagocytes.


Les cellules capables de phagocyter sont appelées phagocytes.
Parmi les protistes, tous ceux qui présentent, la forme ami-
bienne, ne fût-ce que temporairement, appartiennent à cette caté-
gorie. Chez les plantes, divers éléments à paroi dense ont été éga-
lement qualifiés de phagocytes. Mais, en l'espèce, cette expres-
sion est abusive, car si les parasites sont finalement digérés, ils
pénètrent activement dans les cellules et non par englobement.
Les champignons à protoplasme nu (myxomycètes) absorbent les
particules nutritives et se comportent ainsi comme des phago-
cytes. Chez les animaux inférieurs, comme les éponges, la phago-
cytose alimentaire est réalisée indifféremment par les cellules
endothéliales et mésodermiques ; chez les méduses et les planaires,
elle ne l'est plus que par l'endoderme. Enfin, chez les Vertébrés,
la digestion des aliments est extracellulaire, elle s'effectue dans
des organes distincts et, sauf le cas particulier des éléments ner-
veux, les phagocytes ne comprennent guère que des représentants
du mésoderme. Ce sont des éléments mobiles: leucocytes du sang
et de la lymphe (mono et polynucléaires, mais non les lympho-
MlCROBIOLOGIE
GÉNÉRALE, 2eédlt' 10
242 ACTIONPATHOGÈNEDES MICHOBES

cytes), gros mononucléaires des organes lymphoïdes et de la


moelle osseuse, et des éléments fixes, les endothéliums vasculaires
principalement. Suivant que ces cellules absorbent de grosses ou
de petites particules, Metehnikofi les distinguait en macrophages
et macrophages (polynucléaires neutrophiles). Lorsque les phago-
cytes libres s'agglomèrent en plasmodes, ils constituent des cellules
géantes.
Chacun sait que les leucocytes réagissent non seulement aux
influences mécaniques, mais encore aux influences chimiques.
C'est ainsi que dans des tubes capillaires remplis de diverses
substances et introduits dans la cavité péritonéale ou sous la peau
des animaux, il se forme, après quelque temps, un bouchon leuco-
cytaire qui fait défaut si l'on anesthésie le sujet (Massart et
Bordet, Gabritchewsky).
Déjà Lebert. en 1879, avait observé des phénomènes iden-
tiques dans la chambre antérieure de l'oeil du lapin dans
laquelle étaient insérés des tubes contenant des extraits de
staphylocoques. Les leucocytes de l'économie peuvent donc se
diriger vers des solutions variées et, bien plus encore, vers les
jDroduits de la désintégration cellulaire ou vers des particules,
notamment les microbes vivants ou morts.'On dit que ces par-
ticules et ces substances exercent une action chimiotaclique
positive. D'autres corps, au contraire, comme l'acide lactique,
la quinine, le chloral, la bile, repoussent les leucocytes, exerçant
une action chimiotactique négative inverse.

IL — Mécanisme de la phagocytose.

Au contact des substances solides, les phagocytes présentent


des déformations et des mouvements de reptation caractéris-
tiques. Ces mouvements dits spontanés, observés au microscope,
entre lame et lamelle, s'effectuent sans ordre ; leur vitesse aug-
mente avec la température, jusqu'à une certaine limite, suivant la
loi de van't Hoff-Arrhénius (Commandon). Ils consistent dans
l'émission de pseudopodes ectoplasmiques, suivis du glissement
du reste de la cellule entraînée par le pseudopode qui s'appuie
sur une surface résistante. La similitude de ces mouvements avec
ceux des amibes leur a fait donner le nom de mouvements ami-
boïdes. Ils reconnaissent essentiellement pour cause une différence
de la tension superficielle entre la partie qui s'étale et le reste de
la cellule.
PHAGOCYTOSE 243
Les mouvements dirigés sont ceux qui conduisent directement
]es phagocytes libres vers les particules qu'ils vont s'incorporer
ou entourer. Voici,.d'après Commandon, comment se comportent
in vitro les leucocytes d'animaux divers quand on place de la
poudre d'amidon dans le liquide qui les contient. Tout d'abord,
les globules blancs se dirigent vers l'amidon, plus ou moins rapi-
dement suivant la température, et finissent par l'atteindre. Ils
s'étalent ensuite contre les grains et, si ces derniers offrent des
fissures, les débitent en petits blocs qu'ils englobent. Lorsqu'il
s'agit de particules plus volumineuses, les leucocytes s'accumulent
autour d'elles, formant ainsi des sortes d'abcès in vitro. Au bout
de quelques instants, ils ne réagissent plus et leurs amas se désa-
grègent. Cependant, même morts, les leucocytes adhèrent encore
à l'amidon.
Quel est le déterminisme de ce phénomène si curieux, qu'une
conception anthropomorphique a longtemps attribué à une mys-
térieuse propriété inhérente aux cellules mêmes? On admet aujour-
d'hui que les particules en jeu laissent diffuser, dans les liquides
ambiants, des substances qui modifient la tension superficielle
des phagocytes. Ce sont toujours des changements de cette ten-
sion qui t'ont sortir la cellule mobile de son état de repos tra-
duit par la forme sphérique et déterminent l'apparition de pseu-
dopodes. Ces changements se produisent sous des influences
diverses : contacts, actions chimiques. Lorsque l'une d'elles, de
nature et de direction constantes, domine, le déplacement qu'elle
provoque est rectiligne ; lorsqu'elles sont nombreuses et sans
cesse changeantes, on observe alors des mouvements en zigzag,
dont la variété défie toute description. Rappelons encore que la
vitesse des deux mouvements leucocytaires se montre identique
pour des températures égales.
Le déplacement des leucocytes et la phagocytose proprement
dite sont entravés par les anesthésiques qui, concentrés, coa-
gulent le protoplasma. Cependant l'englobement se trouve favo-
risé par de faibles quantités d'iodoforme, de camphre, lesquels,
suivant Hamburger, diminuent la tension superficielle en se dis-
solvant dans les lipoïdes périphériques de la cellule.
Abordons maintenant le problème de la phagocytose proprement
dite. Celle-ci comprend trois actes : le contact adhésif du leuco-
cyte a.vec les particules, Venglobeme.iitet la digestion.
244 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

A. — Contact adhésif.
Ce contact (accolemcnt, attachement) fugace et, pour ce motif,
méconnu in vivo, peut être facilement mis en évidence in vitro,
comme l'a établi le premier Sawtchenko, lorsqu'on retarde
ou empêche l'engloberaient. Inoculons, par exemple, à deux
cobayes, dans la cavité péritonéale, du bouillon stérile addi-
tionné d'aleurone. Un abondant exsudât leucocytaire se forme
immédiatement. Après dix-huit heures, introduisons dans
l'abdomen d'un de ces animaux, des hématies de mouton sensi-
bilisées, c'est-à-dire soumises à l'action d'un sérum antiglobules
de mouton chauffé à 56°, puis débarrassées de ce sérum par
centrifugatiwn et émulsionnées dans l'eau physiologique. Passé
quelques minutes, l'exsudat péritonéal prélevé montre de nom-
breux globules rouges au sein des phagocytes, mais très peu à
leur surface. Après le même temps, saignons complètement le
second cobaye et refroidissons-le pendant soixante minutes dans
la neige. Puis, incisons la paroi abdominale de cet animal et
introduisons, dans sa cavité péritonéale, des hématies ovines sensi-
bilisées comme précédemment, et mélangeons-les intimement à
l'exsudat. Bientôt le pourtour des leucocytes, mono et poly-
nucléaires, que le froid immobilise, apparaît recouvert de glo-
bules rouges dont le nombre augmente continuellement.
Selon Sawtchenko, cet attachement, déjà noté par Ledingham,
se produit également avec des leucocytes lavés, mais il est
moins marqué et n'intéresse que les mononucléaires. On le
constate encore avec des leucocytes tués par le chauffage à 50°
pendant une heure. Un élève de Sawtchenko, Barikine, a même
réalisé l'accolement des hématies mêlées à du sérum spécifique
chauffé sur des leucocytes également chauffés, adhérents à des
plaques de verre et immobilisés ; Levaditi et Mutermilch ont
décrit l'attachement aux globules blancs vivants ou morts, des
trypanosomes mêlés au sérum spécifique.
Ce phénomène d'accollement dépend àla fois de l'état physique
des leucocytes dont la surface visqueuse adhère aux solides, et de
l'état physique des particules avec lesquelles elles entrent en
contact, de leur tension superficielle en particulier. Sawtchenko
considère que sa cause initiale, comme celle de l'agglutination,
réside dans une attraction qui nécessite la présence d'éleetro-
lytes. Cette attraction interviendrait seule toutes les fois qu'il
n'existe aucun mouvement dirigé, comme dans le cas des parti-
PHAGOCYTOSE 245
I
cules de charbon, et toutes les fois qu'il s'agit de phagocytes fixes
(exemple des injections intravasculaires de poudres et de bacté-
ries virulentes ou non, mais sensibilisées, qu'englobent les endo-
théliums hépatiques et spléniques).
Quoi qu'il en soit, l'attachement des leucocytes aux particules
est indépendant de la vitalité de ces derniers. C'est un phénomène
purement physico-chimique dont le déterminisme, si obscur qu'il
ajjparaisse encore dans les cas précités, surfit à exclure toute
considération finaliste, relative à la défense leucocytaire des orga-
nismes contre les infections microbiennes.

B. — Englobement.
Passons au second acte de la phagocytose : l'incorporation.
Les amibes ingèrent la nourriture solide de deux manières diffé-
rentes (Rhumbler). Tantôt, on observe Venglobement proprement
dit: autour de la particule, le protoplasme s'élève circulaire-
ment '; puis il la dépasse et l'emprisonne ; tantôt c'est la péné-
tration simple: la pellicule s'enfonce progressivement dans la
substance amibienne et gagne l'intérieur de la cellule. Dans les
deux cas, la tension superficielle diminue au niveau du corps
étranger.
Voici maintenant comment se comportent les phagocytes
des métazoaires. Les uns sont dénués de mobilité, même partielle,
cependant ils s'incorporent les particules et les microbes par
le second des mécanismes précédents ; tels certains éléments
libres et les cellules phagocytaires fixes.Les autres, leucocytes-
types, sont susceptibles d'effectuer l'englobement proprement
dit, comme les amibes. In vivo, les hématies, les trypanosornes,
sont facilement captés par englobement ; les bactéries pénètrent
passivement dans les globules blancs. In vitro, à la température
du corps, les leucocytes s'étalent sur les grains d'amidon et de
charbon, puis les enrobent (Comma.ndon) ; de même pour les
hématies sensibilisées. A température peu-élevée, les hématies
s'enfoncent simplement dans les phagocytes ; enfin, à basse tem-
pérature et chez les leucocytes morts, le phénomène devient im-
possible,
Il semble que, pour des particules de même volume et de même
nature, le mode d'incorporation dépende essentiellement de
la viscosité du protoplasma leucocytaire. Lorsque celle-ci est
faible, le protoplasme s'élève facilement sur le corps étranger ;
24G ACTIONPATHOGENEDES MICllOBES

lorsqu'elle s'accroît, le globule blanc ne peut que se laisser péné-


trer passivement ; quand elle dépasse une limite donnée, il de-
vient infranchissable.
Il convient d'ajouter que seules les particules plus petites que
les leucocytes peuvent être englobées. Quand les particules
sont trop volumineuses, les éléments libres se rassemblent autour
d'elles et l'entourent. On peut alors rencontrer tous les intermé-
diaires entre les cellules géantes par fusion et le sac leucocytaire
d'enkystement.

C. — Digestion.

Reste la digestion des particules enrobées. Elle est connue de-


puis longtemps chez les amibes où les particules se trouvent dis-
soutes au sein de vacuoles appelées pour cette raison digestives.
Chez les phagocytes des métazoaires, le phénomène est absolu-
ment identique.
Des globules blancs, normaux ou pathologiques, on peut ex-
traire diverses diastases que N. Fissinger classe comme il suit :
l°Des ferments cVoxydation et de désoxydation : oxydases directes,
qui portent directement l'oxygène de l'air sur les substances
qu'elles transforment ; oxydases indirectes ou peroxydases, qui
empruntent aux peroxydes la molécule d'oxygène active ; cata-
lanes,qui décomposent l'eau oxygénée et réductases, qui désorga-
nisent les tissus par oxydation;
2° Des ferments d'hydratation et de déshydratation: protéases,
qui désintègrent les protéines jusqu'aux acides aminés ; peptases,
qui décomposent les peptones ; nucléases, qui agissent sur l'acide
nucléique et les nucléo-protéides ; lipases, qui hydrolysent les
graisses ; amylase, qui dédouble l'amidon en dextrine et maltose ;
maltase, qui dédouble le maltose en deux molécules de glucose ;
ferment glycolytique, qui attaque le glucose en donnant naissance
à de l'acide lactique ;
3° Des ferments de coagulation : chymosine, qui coagule le lait ;
thrombine, ferment coagulant de la fibrine.
Les protéases varient selon le type de leucocyte et l'espèce
animale. Parmi elles, Opie distingue une lymphoprotéase formée
par les mononucléaires et agissant en milieu acide et une myélo-
protéase élaborée par les cellules de la. série myéloïde (polynu-
cléaires), qui agit en milieu alcalin. Jochmann ajoute une érepsine.
Dans l'organisme normal, l'action protéolytiquede ces ferments est.
PHAGOCYTOSE 247

contrariée par des substances antagonistes, contenues dans le


sérum et les exsudats (pouvoir antitryptique), substances qui
appartiennent à la fraction albumine de ces humeurs (Opie).
Les lipases leucocytaires hydrolysent les graisses microbiennes.
Très actives dans les cellules phagocytaires de la chenille de
Gallcria mellonella (Metalnikoff), elles sont produites chez les
Vertébrés par les mommucléaires et existent dans le pus tubercu-
leux. Selon N. Fissinger, elles attaqueraient l'envelojDpe ciro-
graisseuse du bacille de Kbch, et prépareraient ainsi l'action
lytique des protéases.
De même que les ferments protéolytiques sont les agents de
l'autolyse microbienne, les ferments leucocytaires provoquent
la dissolution des cellules blanches frappées de déchéance. Leur
rôle dans la suppuration, la détersion et la réunion des plaies a
été particulièrement mis en évidence au cours de la guerre (Delbet,
R. Clogne et N. Fissinger, Policard). Fissinger leur attribue égale-
ment la digestion de l'exsudat alvéolaire pneumonique et la réso-
lution du bloc pulmonaire hépatisé. On ne sait pas encore exacte-
ment si ces ferments sont excrétés par les leucocytes vivants, ou
libérés après la mort de ces cellules.
La digestion intraleùeocytaire s'effectue de la manière sui-
vante : autour des germes englobés se forme une vacuole dans
laquelle diffusent les ferments digestifs ; les microbes se désin-
tègrent progressivement ; ils perdent leur affinité pour les couleurs
basiques, tandis que leur affinité pour les couleurs acides persiste
ou augmente (Metchnikoff, Cantacuzène, Mesnil) ; finalement, ils
disparaissent, sauf certains résidus caractéristiques (grains de
pigment). Ce sont surtout les mononucléaires qui détruisent les
cellules animales, les levures et les spores. Les polynucléaires
phagocytent les bactéries dans^ les affections aiguës. Dans les
affections chroniques, les mononucléaires, agents de réaction tar-
dive, contiennent souvent seuls les parasites. Chez le cobaye,
la résorption phagoeytaire des bacilles tuberculeux morts est
favorisée par l'iodure de potassium injecté chaque jour sous la
peau (Cantacuzène).
Rappelons enfin que l'englobement n'est pas fatalement suivi
de la lyse des germes incorporés. Parfois, au contraire, les mi-
crobes conservent toute leur vitalité au sein des leucocytes; ils
se nourrissent aux dépens de leur contenu, et provoquent leur dé-
chéance par leurs sécrétions toxiques (bacille tuberculeux, cryp-
tocoque de la lymphangite épizootique, bacille lépreux). Libérés
21S ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

après la destruction de la cellule, ils circulent dans les humeurs


où ils ne tardent pas à cti'e de nouveau captés. Après plusieurs
englobements successifs, ils sont finalement détruits lors d'infec-
tions aiguës : mais dans les infections chroniques, l'existence intra-
cellulaire des leucocytes peut se continuer longtemps, affectant
les allures de la symbiose (Calmette et Guérin).

III. —• Phagocytose et infection.


Décrite d'abord par Hâckel, puis étudiée par Recklinghauscn,
Langhans, Kôlliker, la phagocytose a été envisagée comme un
phénomène très général par Metchnikoff. On la rencontre fré-
quemment dans la vie normale et pathologique. Normalement :
lors de la destruction des tissus usés, pendant les stades succes-
sifs de l'évolution, lors des métamorphoses de certains animaux,
lors de la résorption de l'os cartilagineux, du thymus, au cours
de l'involution utérine, de l'involution de l'ovaire et des élé-
ments nerveux dans la vieillesse. Anormalement: au cours des
processus réactionnels qui caractérisent le terme, très élargi
aujourd'hui, d'inflammation, dans beaucoup d'infections et d'in-
festations. Comme nous le verrons plus tard, de nombreux cas
d'immunité affectent également des relations étroites avec la
phagocytose.
Quels sont, chez les animaux, les rapports de la phagocytose
et de l'infection? Pour répondre à cette question, il faut d'abord
savoir en quels points et en quelles cellules de l'organisme se
développent les divers. types de microbes. Les protozoaires
habitent communément des cellules mésodermiques ; cependant,
les trypanosomes et surtout les Leishmanioe tantôt libres, tantôt
phagocytées font exception à cette règle. Quant aux champi-
gnons et aux bactéries, ils croissent dans les liquides organiques
ou dans les leucocytes, selon leur virulence et la résistance de
l'hôte. Il est des parasites, tels les spirilles de la fièvre récurrente,
qui se développent électivement dans les humeurs et pour lesquels
la vie intracellulaire ne constitue qu'un mode de conservation
aléatoire. D'autres mènent l'existence intrahumorale en pro-
portion directe de leur virulence (pneumocoque, streptocoque,
pâsteurella). D'autres, enfin, ne peuvent guère vivre qu'englobés ;
on les décèle éventuellement dans la circulation par les hémo-
cultures, mais ils sont incapables de se multiplier dans le sang
(méningocoque, gonocoque, staphylocoque. et la plupart des
PHAGOCYTOSE 249

germes des infections chroniques, tuberculose, morve, lèpre).


Dans ce cas, il s'agit de bactérienne et non de septicémie, qui signifie
croissance dans le sang. Sans doute les microbes pyogènes peuvent
se rencontrer libres dans le pus. Néanmoins, ils entrent bien dans
cette dernière catégorie, car le pus dans lequel ils se développent
n'est pas une humeur normale, mais un véritable milieu artificiel
créé par la fonte cellulaire et l'exsudation. Un type assez spécial
est représenté par le bacille du rouget du porc qui habite les
leucocytes et l'endothélium vasculaire, et détermine, suivant sa
virulence et la sensibilité du sujet, des accidents aigus ou chro-
niques.
Précisons ces notions par quelques détails et envisageons
d'abord les infections aiguës. La maladie peut rester locale, et
les microbes qui la provoquent, tel le bacille du chancre mou, sont
incapables d'essaimer au loin. Parasites de faible activité, ils
sont ]}eu à peu éliminés ou détruits, pendant que l'organisme
devient de moins en moins favorable à leur développement ;
ainsi survient la guerison. Ailleurs, on observe une infection
locale, compliquée de métastases par bactériémie. Cefait très com-
mun paraît dû à ce que la virulence des microbes est plus pro-
noncée que précédemment et à une réaction différente de l'orga-
nisme, dont la réceptivité vis-à-vis des germes qu'il héberge se
maintient intacte ou parfois même augmente au cours de l'infec-
tion. Un pas encore et nous avons la septicémie par généralisation
sanguine d'emblée ou d'abord lymphatique, puis sanguine,
traduite par le développement des microbes très virulents au sein
des humeurs.
Dans les infections chroniques, les parasites habitent les élé-
ments phagocytaires. Us s'étendent de proche en proche, on se
généralisent par les voies lymphatique et sanguine. Les altéra-
tions qu'ils provoquent directement, ou par l'intermédiaire de
leurs poisons, sont de nature progressive (inflammations variées
évoluant vers la sclérose), ou de nature régressive (caséification,
ramollissement). Parfois ils se conservent longtemps vivants an
sein des cellules-hôtes : entre les éléments en présence il s'établit
alors un état d'équilibre plus ou moins durable* Dans lés granu-
lomes, les microbes englobés ou entourés paï lés cellules géantes
et les cellules épithélioïdes présentent souvent des modifications
morphologiques : telles les massues observées dans l'actino-
mycose, le botryomycose et certaines formes de tuberculose.
CHAPITRE XXIII

IMMUNITÉ

L'immunité, c'est l'état véfractaire, naturel ou acquis, passa-


ger ou durable, partiel ou total, des organismes aux microbes
pathogènes et à leurs poisons.

I. — Immunité naturelle contre les microbes.


L'homme est réfractaire à nombre d'affections microbiennes
qui frappent les animaux (péri-pneumonie, peste bovine, piro-
plasmoses, trypanosomiases, etc.) et, réciproquement, les ani-
maux résistent à diverses maladies infectieuses humaines
(fièvre jaune, lèpre, syphilis, paludisme, etc.). De même, parmi
les espèces animales, certaines d'entre elles sont épargnées par
des infections auxquelles d'autres espèces se montrent sensibles :
la morve, par exemple, redoutable pour les solipèdes, épargne
les bovidés. Dans une même espèce, des races manifestent une
réceptivité p'articulière : les nègres sont moins sensibles que les
blancs à la fièvre jaune ; les moutons algériens et bretons con-
tractent moins facilement le charbon et la elavelée que les mou-
tons des autres races. Plus encore, des sujets appartenant à la
même race se montrent inégalement réceptifs aux mêmes mi-
crobes selon leur sexe, leur âge, leurs dispositions physiologiques
(grossesse). Enfin, en ce qui concerne les germes infectieux, nous
savons que la réceptivité des individus varie avec la virulence,
les doses inoculées et les voies de l'infection.
Ce qui montre mieux encore le caractère contingent de l'immu-
nité naturelle, c'est l'influence qu'exercent sur elles, dans un très
grand nombre de cas, les diverses conditions pathologiques sui-
vantes :
IMMUNITÉ 251

A. — Causes de variations de l'immunité naturelle.


1° Débilitation antérieure. —-Le porc malade peut contracter
la morve (Cadéac) ; le lapin affaibli devient susceptible au charbon
symptomatique (Galtier).
2° Jeûne. — On confère le charbon au pigeon en le laissant
à jeun après l'inoculation (Canalis et Morpurgo).
3° Saignées. —- Elles rendent le lapin plus sensible au staphy-
locoque (Gartner).
4° Surmenage. — Quand on fait tourner longtemps des rats
dans un cylindre, à la manière des écureuils, on peut leur donner
plus facilement ensuite le charbon bactéridien et le charbon
symptomatique (Cbarrin et Roger).
5° Refroidissement. — Les poules, dont on abaisse la tempéra-
ture à l'aide de l'eau froide (Pasteur), ou des antithermiques,
(Wagner) contractent aisément le charbon.
6° Réchauffement. — La vipère prend la peste à 26-2S0, le lézard
à 21-26° (Nuttal) ; la grenouille verte, le tétanos, à partir de
20-23° (Courmont et Doyon). Les grenouilles infectées de Try-
-panosoma inojrinatum résistent à 0°, mais succombent à 20°
(Brumpt).
7° Diabète. — L'ingestion de phlorydzine, qui provoque un
diabète expérimental, accroît la sensibilité de la souris blanche
vis-à-vis de la morve (Léo). On connaît la réceptivité des diabé-
tiques aux infections staphylococciques et à la tuberculose.
8° Intoxications. — Les pigeons et les poules, chloralisés, les
chiens alcoolisés meurent du charbon (Platania, Wagner).
9° Traumatismes. — Favorisent localement les infections tuber-
culeuses, staphylococciques, charbonneuses.
10° Injections parentérales de substances étrangères. — Le lapin
prend le charbon symptomatique quand on lui injecte préalable-
ment une grande quantité d'eau dans les veines (Galtier). Le
chien prend le charbon bactéridien quand on lui injecte préalable-
ment une émulsion fine de charbon de bois dans les veines (Pla-
tania).
11° Action des substances chimiques, des toxines solubles et des
corps microbiens. — Associations microbiennes. — Le cobaye est
réfractaire aux spores pures du bacille tétanique (Vaillard, Vincent
et Rouget), du vibrion septique (Vaillard et Besson) et du
B. Chauvoei (Leclainche et Vallée), c'est-à-dire aux spores débar-
rassées de toute trace de toxine par chauffage ou par lavage.
252 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

Mais la germination se produit, et le tétanos, la gangrène gazeuse


ou le charbon symptomatique éclatent quand les spores inoculées
sont imprégnées de toxine. De même lorsqu'on pratique une injec-
tion concomitante d'acide lactique ou dé divers microbes vivants
ou morts (B. prodigiosus pour le B. Chauvoei, Roger). On commu-
nique également le charbon symptomatique au lapin en lui
injectant simultanément de la sérosité filtrée dans les veines et le
B. Chauvoei dans les muscles. L'immunité naturelle du chien
adulte au charbon disparaît sous l'influence de la rage (Martel).

. 13,,— Mécanisme de l'immunité antimicrobienne naturelle.

On a pensé tout d'abord que les humeurs des animaux réfrac-


taifes constituent de véritables antiseptiques 'à l'égard des
microbes inaptes à s'y développer. Mais on s'est aperçu bien vite
qu'il n'existe aucun rapport entré les propriétés bactéricides
in vitro de ces humeurs et la résistance naturelle des organismes
aux infections. C'est ainsi que la bactéridie charbonneuse, tuée
in vitro par le sang défibriné du lapin, animal réceptif, se déve-
loppe au contraire parfaitement dans le sérum de la poule et du
chien, animaux réfractaires. On cultive également, avec une très
grande facilité, diverses bactéries dans des sacs de collodion
insérés chez des espèces qui se montrent naturellement insen-
sibles à leur action pathogène. Il convenait donc d'attribuer à
d'autres propriétés des Organismes la cause de leur immunité
naturelle aux infections.
Pour MetchnikoS, éclairé par ses travaux zoologiques, cette
immunité est essentiellement une propriété cellulaire, traduite par
la phagocytose. Elle s'observe avec les mêmes caractères dans
toutes les espèces animales, et l'action des cellules phagocytaires
aboutit toujours, chez les animaux inimuns, à la destruction
intracellulaire des germes englobés. Quand des spores de Mono-
sporà bicuspidata^ par exemple, champignon parasite .des
Daphnies, traversent les parois du tube digestif de ce crustacé,
elles sont immédiatement englobées par les cellules phagocytaires,
digérées dans leur protoplasme et finalement détruites, sans que
la vitalité de la Daphnie paraisse. Un seul moment, altérée. Mais
lorsque cette phagocytose se trouve entravée, les germes pul-
lulent rapidement, et l'animal succombe à l'infection. Des phéno-
mènes analogues se produisent chez les animaux supérieurs,
lorsqu'on leur inocule des microbes auxquels ils sont naturelle-
IMMUNITÉ 253
ment réfractaires. La résistance naturelle des organismes aux
microbes, concluait Metchnikoff, résulte bien de l'activité
phagocytaire des globules blancs ; les facteurs humoraux n'in-
terviennent pas.
C'est aussi uniquement à l'activité de ses leucocytes qui en-
globent les bactéridies introduites dans son sac lymphatique et les
digèrent, que la grenouille doit son immunité naturelle contre le
charbon. Or, il suffit de réchauffer cet animal en le portant,
par exemple, dans une étuveà37°, pour que sa résistance s'éva-
nouisse. Cela tient, d'après Metchnikoff, à ce que l'activité pha-
gocytaire des leucocytes se trouvant inhibée à la température de
37°, les microbes inoculés restent libres dans le liquide intercellu-
laire et ne tardent pas à y pulluler. Contrairement à l'opinion
de Fliigge, les-humeurs de la grenouille ne sont nullement bacté-
ricides, car si on introduit, dans ses tissus, des spores charbon-
neuses contenues dans un petit sac en moelle de sureau,perméable
aux liquides seuls, elles germentimmédiatement et se transforment
en bactéridies. Mais lorsqu'on rompt la mince paroi imperméable
aux leucocytes, ceux-ci affluent dans le sac et englobent à la fois
spores et bâtonnets. Les bactéridies filamenteuses sont rapide-
ment digérées et détruites. Par contre, les spores restent vivantes
dans le protoplasma cellulaire et se développent abondamment
quand on les transplante dans un milieu artificiel. La vitalité
des spores charbonneuses reste donc intacte dans le plasma, et le
pouvoir bactéricide des humeurs, en la circonstance, apparaît
nul. Seuls les leucocytes, en phagocytant les bâtonnets qu'ils
digèrent et les spores dont ils empêchent la germination in vivo,
assurent l'immunité naturelle de la grenouille contre le charbon.
En fait, le mécanisme de cette immunité n'offre pas une telle
simplicité. Dans la protection des organismes contre les microbes,
interviennent, d'autres facteurs non moins importants que la
phagocytose. Le rôle de chacun d'eux apparaîtra beaucoup plus
nettement dans l'immunité acquise que nous examinerons
bientôt.

IL — Immunité naturelle contée les toxines.


De même qu'ils résistent différemment aux poisons minéraux
ou organiques selon l'espèce à laquelle' ils appartiennent, les
animaux et l'homme se montrent plus ou moins sensibles aux
toxines microbiennes. Ainsi la poule, la tortue, le scorpion, les
254 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

rejDtiles sont à peu près indifférents à la toxine tétanique qui tue


l'homme, le cheval, le cobaye, la souris, etc., à des doses infimes ;
le crapaud et la grenouille, au moins lorsqu'ils sont maintenus
à basse température, supportent sans dommage de grandes quan-
tités de toxine diphtérique ; le rat résiste également au poison
diphtérique injecté sous lapeau ou dans la cavitépéritonéale, mais
il se montre sensible à l'inoculation intracérébrale (Roux et
Borrel).
Cette immunité antitoxique naturelle serait due, selon Ehriieh,
à ce que les cellules, dépourvues de substances douées d'affi-
nité chimique pour le poison, sont inaptes à le fixer. La toxine
reste libre dans les humeurs sans causer aucun dommage, puis
elle est détruite ou éliminée. Ou bien, lorsqu'elle pénètre dans des
cellules peu sensibles, les cellules du foie, par exemple, pour la
toxine tétanique, elle s'y trouve retenue, et ainsi les éléments
nerveux sont protégés.

ITI. — Immunité acquise.


On distingue une immunité active, qui résulte d'une infection
antérieure ou de la vaccination, et une immunité 'passive, réalisée
chez les sujets neufs par l'injection de sérum d'un animal immu-
nisé ou hyperimmunisé.

A. — Immunité active.
La variole, la coqueluche, la scarlatine, les oreillons, la fièvre
jaune, par exemple, chez l'homme, la clavelée des moutons, les
varioles caprine et porcine, la maladie des jeunes chiens, ne réci-
divent presque jamais. Ce fait de constatation très ancienne a
conduit successivement à l'inoculation préventive de germes
virulents en des régions relativement peu sensibles (variolisation,
clavelisation), jouis à l'inoculation préventive de virus spontané-
ment atténués (vaccination jennérierme) et enfin à l'inoculation
préventive de virus artificiellement atténués (vaccination pasto-
rienne), affaiblis ou'morts.
La résistance conférée par une infection microbienne ou par la
vaccination dure un temps plus ou moins long, parfois toute la
vie du sujet. Elle ne s'exerce qu'à l'égard des germes correspon-
dants ; par conséquent elle est spécifique. Comme l'immunité
naturelle, elle est sujette à varier sous l'influence de divers fac-
IMMUNITÉ 255
tcurs inhérents aux microbes d'épreuve (virulence) ou à l'orga-
nisme lui-même (conditions physiologiques et pathologiques) ;
elle peut être absolue, ou seulement relative et limitée à des germes
d'activité moyenne ou inoculés à des closes modérées. Notons
aussi qu'elle apparaît souvent au cours des infections chroniques
(tuberculose, syphilis, morve, certaines piroplasmoses, mycoses)
à l'égard des réinfections exogènes, bien que les malades restent
sensibles aux microbes qu'ils hébergent et aux réinfections endo-
gènes. Pjlle persiste alors après la guérison (mycoses), ou s'éteint
lorsque l'élimination des microbes est entièrement accomplie
(syphilis, tuberculose, piroplasmoses).

Mécanisme de Vimmunité active.


C'est à Pasteur que nous devons la première hypothèse scien-
tifique sur le mécanisme de l'immunité conférée par l'inoculation
de microbes virulents ou de vaccins.
Si le cocco-bacille du choléra des poules, par exemple, disait
Pasteur, se développe dans les organismes réceptifs, c'est qu'il
y trouve toutes les substances nécessaires à sa nutrition. En
pullulant dans les humeurs, il consomme rapidement ces sub-
stances, mais il tue les animaux avant qu'elles aient totalement
disparu. Au cours des infections bénignes, comme celles qui
résultent de la vaccination, les microorganismes épuisent peu à
peu les matériaux nutritifs des humeurs et, comme ils ne se
renouvellent pas, ou très lentement, le milieu devient de moins en
moins favorable au développement microbien. Finalement, les
germes succombent et l'animal guéri reste immunisé.
Cependant, Chauveau faisait observer que les moutons algé-
riens, naturellement peu sensibles à l'infection charbonneuse,
meurent lorsqu'on leur inocule une dose massive de bactéridies.
Par conséquent, leur immunité relative ne peut être attribuée
à la déficience de matériaux nutritifs nécessaires au développe-
ment de la bactéridie, et la résistance aux infections ne traduit
pas, comme le pensait Pasteur, une immunité par épuisement.
Elle est due à la jjrésence •de quelque chose qui s'oppose au
développement in vivo des germes. Toutefois, l'effet protecteur
de cette substance empêchante cesse lorsqu'après l'inoculation
d'une dose massive de germes pathogènes, elle se trouve répar-
tie sur un très grand nombre d'entre eux.
Bientôt après, Fodor (1886) et Nuttal (18S8) démontraient
256 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

que le sang défibriné de divers vertébrés jouit de propriétés bac-


téricides vis-à-vis du B. subtilis et de la bactéridie charbonneuse;
et Buclmer constatait ce fait de grande importance que la des-
truction des bactéridies est beaucoup plus intense dans le sang
des vaccinés que dans le sang des animaux réceptifs. Il admit
alors que le pouvoir bactéricide du sang est dû à des substances
contenues dans le plasma, à, des alevines, comme il les nomma.
Retenons ce mot que nous retrouverons souvent par la suite.
Enfin, le rôle des humeurs dans l'immunité se précisait avec la
découverte de la neutralisation des toxines diphtérique et téta-
nique par le sérum des animaux immunisés (Behring et Kita-
sato) et par les recherches de Pfciffer sur la bactériolyse in vivo
du vibrion cholérique.
1° Théorie cellulaire. — Mais, parallèlement aux théories Immo-
rales de l'immunité, s'ébauchait la théorie cellulaire ou phagocy-
taire à laquelle Metchnikolï et ses élèves devaient consacrer
tant /l'importants travaux.
Entrevue par Liebcrkuhn, la phagocytose dont nous avons
étudié précédemment le mécanisme général, a été décrite pour la
première fois par Hiickel (1SG2). Peu après, Recklinghauscn
observa que les cellules du pus englobent des grains de cinabre
et des gouttelettes graisseuses. En 1867, Cohnheim, cautérisant
la cornée de la grenouille après injection de poudre de carmin,
trouva les leucocytes du pus cornéen bourré de grains colorés.
La résorption phagocytaire des hématies fut établie en 1870 par
Langhans. Wagner, en 1872, constata que, chez les hydrocéphales,
la table interne des os crâniens est résorbée par des cellules
géantes identiques aux myélovlaxes de Ch. Robin. Kôlliker mon-
tra ensuite que des chevilles d'ivoire, enfoncées dans le canal
médullaire des os, disparaissent de la même façon. Puis Inns
(1876) étudia les cellules à poussière du poumon et Marchand
(1883), reprenant une idée de Langhans, prouva que les cellules
géantes se forment par la fusion des leucocytes. En même temps,
Metchnikoff poursuivait ses recherches sur la digestion intra-
leucocytaire dans la série animale et appliquait ses observations
à l'interprétation des phénomènes de l'inflammation, de l'atro-
phie et de l'immunité.
De même que les cellules vibratiles ou amiboïdes des Spon-
giaires englobent et digèrent les particules alimentaires qui vien-
nent à leur contact, de même les cellules mésodermiques mobiles
ou fixes des vertébrés phagocytent les corps étrangers, particules
IMMUNITÉ 2571

solides, cellules ou microbes, et souvent les détruisent dans leur


protoplasme. Si, par exemple, avec Metchnikoff, nous injectons
des hématies d'oie dans la cavité péritonéale d'un cobaye, les
phénomènes suivants ne tardent pas à se produire. D'abord les
leucocytes polynucléaires et, surtout, mononucléaires affluent
dans la région inoculée, puis les mononucléaires s'incorporent
les hématies : l'hémoglobine diffuse, le protoplasme des globules
rouges, peu à peu digéré, s'efface : leur noyau, plus résistant,
s'altère, se désintègre et finit par disparaître à son tour. Après
trois ou quatre jours, toutes les hématies injectées se trouvent
ainsi phagocytées. Dans l'épiploon, d'apparence rouiilée, dans
les ganglions mésentériques, le foie, la rate et le sang de la circu-
lation générale, on trouve des globules blancs remplis de débris
caractéristiques. Donc les éléments englobés et détruits sont
transportés par les leucocytes dans le système lymphatique, puis
dans le système sanguin.
La phagocytose des microbes s'effectue comme celle,des héma-
ties, mais, dans le premier cas, ce sont surtout les leucocytes
polynucléaires (micro'pliages)qui interviennent au lieu des mono-
nucléaires (macrophages). L'immunité se présente ainsi « comme
une partie de la physiologie cellulaire et surtout comme phé-
nomène de la résorption des microbes ».
De toutes les cellules, ce sont les éléments restés libres et indé-
pendants, les phagocytes qui, le plus facilement et les premiers,
acquièrent l'immunité. « Ce sont eux qui se dirigent vers les en-
droits où j:>arvieiineiit les microbes et les poisons, et qui mani-
festent une réaction contre eux. Les phagocytes de l'organisme
indemne englobent et détruisent les microbes et absorbent les
toxines et autres poisons. L'acte final de la réaction des phago-
cytes est constitué par les processus chimiques ou chimico-
physiques de la digestion des microbes...Mais avant que ces phé-
nomènes se mettent en jeu, les phagocytes manifestent des actes
purement biologiques, tels que la perception des sensations
chimiotactiques et autres, les mouvements dirigés vers les endroits
menacés, l'englobement des microbes et l'absorption des toxines
et enfin la sécrétion des substances qui doivent être utilisées dans
. la digestion cellulaire » (Metchnikoff).
La vaccination a pour effet d'accoutumer les 'globules blancs
à la destruction des bactéries pathogènes. Au lieu d'être repoussés
par celles-ci, ils sont alors attirés : la vaccination change le signe
de leur chimiotaxie. Quant à la destruction intracellulaire des
Microbiologiegénérale, 2° edit; 17
258 ACTIONPATHOÇ-gîyE
DES MICROBES

germes englobés, elle serait assurée, d'après Metcbnikoff, par


deux sortes de ferments solubles sécrétés' par les phagocytes :
la maerQ.cyta.sequi digère surtout les éléments d'origine animale
et la micrccytase qui agit principalement sur les niierob.es. C'est
-également à J'aefion îrypsique .de ees ferments libérés après la
•mort des leucocytes que les humeurs doivent leurs propriétés
bactéricides découvertes par ï'&ifl'cr dans l'expérience suivante,
restée célèbre sous le nom de -plwiumihxede Pjeijjer.
Lorsqu'on inocule-des vibrions cholériques «ans la cavité pén-
tonjéale d'un cobaye vacciné contre le choléra, et qu'on examine
.à intervialles réguliers l'-.exsudat qui se forme, voici ce qu'on .ob-
serve. Après -quelques minutes, les leucocytes disparaissent .du
liojuûde, sauf quelques lymphocytes •;puis les vi].iri<jMas'immobi-
lisent, se gonflent et se transforment en granules isolés pu réunis
en petits amas. Beaucoup d'entre eux succombent ensuite et
« les granules peuvent se dissoudre cornplèton-ent dams le liquide
péritonéaLcomme un morceau de sucre sedissout dans l'eau »
(Metchnikojï). Quand on inocule dans la cavité pérjtouéale de
cobayes .neufs, une ém»Jsion de vibrions mêlée à du «érurn anti-
cholérique, le même phénomène se produit.
Il s'ensuit, selon Pfeilïer, <fuc la résistance du cobaye vacciné
contre le choléra se traduit, -à l'égard des vibrions, par un g,<te
lytique extraeelholaire, indépendant de toute phagocytose et de
toute intervention leucocytaire. D'autre part, le sérum anti-
cholérique contiendrait des anticorps spécifiques, non bactéri-
cides et »oji airtitoxiques, formés sous l'influence de la yaccuiK-
tion, et capable de donneir naissance m vivo à des corps bactéri--
eides actifs.. La présence de ces derniers se décèle par la destruc-
tion extracellulaire des microbes moeulés..
JEn réalité, pomme le constataient Metchnifeoil' et ses élèves.,
Bordet en particulier, le phénomène 4e la lyse yibrionnienng est
infiniment plus complexe .que Pfeifier le laisse supposer, La tea&s-
fprmatipn granuleuse des vibrions dans l'exsudat péritonéal .©u
le sérum deg cobayes vaccinés est due à l'action convergente de
deux .substances d'origine leucocytaire .: la .cytase pu alexine de
Buçb-ner,,commune à tous les animaux neufs, et une substance
préventive ou fixatrice, propre aux animaux iniffums, Che?; le
cobaye liyperimniunisé, l'injection d'une émulsion yibrionnienne
provoque une abojadante •hyperleucoeytose locale, puis la fonte,
la 'pJi.agolysedes globules blancs immigrés dans la séreuse et, co.n-
séquemiîieni., l'issue de la cytase bactéricide -et de la .substance setp-
IMMUNITÉ 25-9

sibilisairiçe ou fixatrice. C'est de l'association de ces deux sub-


stances que résulte la transformation granulaire des vibrions.
Chez le cobaye neuf, l'injection de vibrions mêlés à dm sérum
antieholérique détermine également la j)hagolyse. L'alexine
normale se trouve ainsi libérée et cette eytase s'associant à la
substance préventive du choléra-sérum injecté, la transforma-
tion granulaire des vibrions se produit alors comme dans le cas
précédent.
Lorsqu'au moyen d'un .artifice quelconque on empêche la
destruction leucocytaire locale, ou phagolyse, la cytase n'apparaît
pas dans l'exsudat, et la transformation granuleuse des vibrions
fait défaut. Au surplus, ajoutait Metchnikoff, quelque intéres-
sant qu'il soit, du point de vue de la biologie générale, le phéno-
mène de PfeiiTer ne présente qu'un intérêt secondaire dans l'im-
munité. Il est même très facile d'établir son caractère excep-
tionnel et, pour çiiUrsidire, artificiel. C'est ainsi .que l'inoculation
de vibrions dans .les régions du isoirps pauvres en leucocytes
ne provoque pas de phagplyse appréciable et ne s'accompagne
pas davantage de transformation granulaire des germes..On peut
injecter ceux-ci sous la peau, dans la .chambre antériem-e de l?ceil,
sans jamais .observer de destruction extracellulaire. En vérité,
ce qui dorpine chez ranimai, vacciné, comme chez l'animal natu-
rellement i.mniun, c'est Yenglobement et la digestion des microbes
dans les leucocytes, c'est-à-dire la pJmgwytffàe..h,à. oh ce mode
essentiel de la défense organique paraît manquer, comme dans
la réaction de Pfeiffer, il s'agit d'un simple .accident, car ce sont les
produits leucocytaires déversés dans le liquide exsudé qui amènent
la mort des vibrions., particulièrement fragiles, inoculés.
Cependant, si. le mécanisme général de la destruction des
germes microbiens et de la protection des organismes contre les
infections paraissait élucidé par toutes ces recherches, le déter-
minisme du phénomène restait obscur. Pour expliquer l'accrois*
sèment indéniable de la phagocytose chez les animaux immuns, on
invoquait mie augmentation de « l'énergie phagocytake » due à
l',ad,aptation des leucocytes « à la lutte contre les microbes », ou
l'intervention de substances stimulantes spécifiques, de sti'
mulines contenues dans le sérum des vaccinés. Mais les opinions
différaient encore sur le point de savoir si ces stimulines agissent
directement sur les leucocytes en développant leurs propriétés
phagocytaires ou sur les microbes en les rendant plus aisément
phagocyfàbles. Or, la phagocytose est accrue par le sérum spéci-
260 ACTIONPATHOGENEDES MTC'ROISES

fique, commel'avaient constate Denys et Leelef, et il suffit, d'après


Neufeld et Ilimpau, de mettre en contact pendant quelques ins-
tants des streptocoques et du sérum antistreptococcique, puis
d'éliminer celui-ci par centrifugation, pour sensibiliser ces
microbes à l'action phagocytaire des leucocytes. Mais les pro-
priétés englobantes des leucocytes normaux plongés dans le sérum
antistreptococcique ne sont nullement modifiées par ce contact.
Donc les substances des sérums spécifiques agissent sur les mi-
crobes homologues en les rendant plus aptes à subir la phagocy-
tose, mais n'exercent aucun effet sur les leucocytes eux-mêmes.
Ces substances actives des sérums, adsorbables par les microbes
correspondants, Wright et Douglas les désignent sous le nom
d'opsonines.
Déjà présentes dans les sérums normaux, les opsonines aug-
mentent considérablement, et d'une manière spécifique, dans le
sérum des animaux vaccinés. Comme cette augmentation parais-
sait proportionnelle au degré de résistance aux infections con-
férée par les vaccins, on en conclut que le pouvoir opsonique des
sérums est étroitement lié à l'immunité. En déterminant com-
parativement le nombre de bactéries englobées par des leucocytes
au contact d'un sérum normal et au contact d'un sérum patho-
logique (pouvoir opsonique), il devenait donc possible de mesurer
les progrès de l'immunisation. Le rapport entre le nombre de
bactéries phagocytées dans des conditions identiques, en présence
de ces deux sérums, donne l'index opsonique du sérum patholo-
gique et la valeur de l'immunité. s
Ainsi complétée par la découverte des opsonines, la théorie
cellulaire de l'immunité gagnait en valeur logique et expéri-
mentale. A la première conception finaliste et anthropomor-
phique du leucocyte gardien vigilant de l'intégrité organique,
mystérieusement conduit à l'assaut des microbes pathogènes,
se substituait la notion précise d'un agent physico-chimique
quantitativement accru au cours de l'infection où.de la vaccina-
tion et intervenant, non par sa simple présence, mais en provo-
quant des modifications spécifiques des germes telles, qu'ils devien-
nent plus aisément phagocytables.
2° Théories humorales. —-Pourtant ce bel édifice ne devait pas
tarder à' présenter de graves fissures. De nombreuses observa-
tions montraient, en effet, d'importantes divergences entre le
pouvoir opsonique d'un sérum et la résistance des organismes
t. l'infection correspondante, et les opsonines, loin de repré-
IMMUNITÉ ' 2(31
scnter un. des facteurs de l'immunité, apparaissaient comme un
épiphénomène de l'infection. Par ailleurs, les théories purement
humorales ébauchées par Pasteur et par Chauveau, se renfor-
çaient de découvertes capitales. Sans doute, les premières consta-
tations de Fodor, Fliigge et surtout de Nuttal et de Buchner,
relatives au pouvoir bactéricide du sang et du sérum des sujets
réfractaires, ne suffisaient-elles pas à démontrer incontestable-
ment l'exacte concordance entre les propriétés lytiques des hu-
meurs et l'immunité des organismes. Mais elles ouvraient un champ
immense aux études sérologiques et à l'activité des chercheurs.
Nous devons à Richet et Iïéricourt (1888) cette notion fonda-
mentale, que le sérum des chiens vaccines contre le staphylocoque
pyogène confère aux lapins auxquels il est injecté, l'immunité
contre les mêmes microbes. Peu après, Behring et Nissen consta-
taient que le sérum des cobayes vaccinés contre le vibrion de
MetchnikoIT devient bactéricide à l'égard de ce germe et, en
1890, Behring et Kitasato démontraient que le sérum des ani-
maux immunisés contre les toxines diphtérique et tétanique
jouit de la triple propriété préventive, antitoxique et curative vis-à-
vis de ces poisons.
Non seulement les immunsérums détruisent les germes et
neutralisent les toxines homologues, mais encore, comme Charrin
et Roger l'ont montré pour la première fois (1889), ils rendent
inertes et groupent en petits amas, souvent visibles à l'oeil nu,
les microbes mobiles correspondants. Il les agglutinent d'une
manière spécifique. Enfin, lorsqu'on ajoute une goutte d'immun-
sérum à un filtrat de culture de bacille typhique, de vibrion cho-
lérique ou de bacille pesteux, on voit apparaître un léger trouble,
puis des flocons, qui se précipitent dans la liqueur.
Toutes ces propriétés spécifiques des immunsérums résultent
de la formation, dans l'organisme inoculé, de substances nou-
velles, 'propres à chaque espèce microbienne, d'anticorps abon-
damment déversés dans les humeurs au cours de l'infection et
persistant un temps variable après le retour à la santé. Ce ne
sont donc point les phagocytes qui constituent les facteurs essen-
tiels de l'immunité, mais les agglutinines, les précipitines, les
lysines et les antitoxines sériques, décelables in vitro et transmis-
sibles aux sujets normaux.
a) Bactériolyse et cytolyse. — Le curieux phénomène observé
par Pfeiffer suscita les premières études des propriétés bactério-
lytiques in vitro du sérum des animaux immunisés.
262 ACTIONPATHOGÈNEf)'ES JIICHOHKS

lu vitro.- le sérum anticholérique frais, observa lîordct, agglu-


tine les vibrions cholériques et les transforme en granules,
exactement comme' Pexsudat péritonéal des cobayes vaccinés
dans l'expérience de Pfeii'fer. An., contraire, le sérum anticho-
lériqué vieux, où chauffé une dem'i-hetire à 50°, s'il agglutine
encore les vibrions, ne modifie plus leur forme. Mais il sullit de
l'additionner d'un peu de sérum frais quelconque pour lui res-
tituer ses propriétés originelles. Donc le' sérum anticholérique
contient trois subsstances qui agissent sur les vibrions : une
substance agglutinante, une substance bactéricide normale, l'alexine
ou cytase, et une substarïcè qui résiste au vieillissement et au
chauffage à 55°. Isolée, l'alexine se montre inacti've ou fort peu
active. D'autre part, le choléra-sérum vieux ou chauffé ne détruit
pas les vibrions." Pour obtenir l'effet bactéricide caractéristique,
il est nécessaire que les germes soient préalablement modifiés,
sensibilisés à l'action de l'alexine par la substance thcrmostabile
que Bordet qualifia de préventive.
Divers sérums normaux, frais, dissolvent les 'globules rouges
provenant d'espèces différentes, mais, selon Khrlich et Morgen-
roth, le chauffage pendant une demi-heure à 55" leur fait perdre
cette propriété. Ils la recouvrent quand on ajoute un peu de
sérum 1 frais au sérum chauffé. Par conséquent, l'hémolyse,
comme la bactériolyse, nécessite l'action de deux substances :
l'une,substance intermédiaire que contient le seul scruni chauffé;
l'autre, complémentaire de la précédente et, pour cette raison,
appelée complément, présente dans tous JeS sérurhs non chauffés.-
Cette dernière correspond à l'alexine de Buchnèf.
De même qu'en immunisant les animaux contre les vibrions;
on fait naître chez eux une substance préventive, qui sensibilise
les vibrions à l'alexine normale, et une substance agglutinante,
de même l'inoculation répétée d'hématies d'autres espèces
engendre, chez les animaux^ des anticorps spécifiques dont l'ac-
tion Iytique s'exerce uniquement sur les hématies employées
(Bordet). Mélangeons, par exemple, des hématies lavées de mou-
tons dans un tube avec du sérum normal frais de"cheval et, dans
un autre, avec du sérum frais de cheval inoculé à plusieurs re-
prises avec des globules rôug'és de mouton, puis portons ces mé-
langes à 37°. Dans le premier tube, aucun phénomène ne se pro-
duit : l'émulsion reste homogène et les globules se' maintiennent
aussi intacts que dans un liquide parfaitement isotônique. Dans
le second, au contraire, ils ne tardent pas à se dissoudre : le
miïtsmvÉ 2es

liquide s'éclafrcït et Phértfogtobirté libérée' le' teinte u'fiifoïnïé-


mcnt en fùtigc- Cette lièmolyse est spécifique et limitée, éri Pés-
pèce, aux globules de môutort. Élie n'apparaît pas' lorsqu'on
mélange les hématies- â'fee lé' séru'iti héiïiidfytiqu'é correspondant,
chauffé à .56° pendan't tïïï-e demi-heu're. Comme les vibrions mis
au contact d'an senfnT antichdlérique chauffé, dans' 1'expéïiénëe'
déjà citée de îior'det, lés-h-éiîtâties sôïît alors vâpidetaéiit agglu-
tinées; elles Se déposent péit 'à peu*au fond eîti tttbe qui les con-
tient, et le liquide stfrn'ageant, ati liéiide se teinter, resté iricoldre.-
Mais, si on ajoute à ce mélange une petite quantité de sérum nor-
mal, frais' de cheval où* surtout, de sérum' de cobâyê, iriaétifs
par eux-ffïêTnes, les globtffes roùgés se dissolvent râpidenleftt.-
L'hémolyse pàr~ le sér'ufft dès animaux préparés, comme l'hémo-
lyse produite par certains sertiras normaux, résulté donc dé
l'action de deux substances :' itne,- spécifique', que' Bordet dési-
gna soifs le nom de sensibilisatrice {cùifthûcêplèutde Metchriikdff),
l'autre, banale', côrr"es;pôridâflt à Pâléxine cléBuéhfïer et àii côril-
plément d'Ehrlich.
b) Alexhié. — Le sértirn frais des différentes espèces animales
manifeste cle's propriétés alêxiquCs, niais celles-ci soiït particu-
lièrement intenses dans le sérum de cobaye. Elles disparaissent
sous l'influence- du chauffage à 54-55° pendant trente minutes.
La hfmièrc, l'agitation, les acides et les aléafïs Concentrés, la
filtrati'on du sérum sur lés bougies' de porcelaine ou, mieux, dé
coilodion, lés affaiblissent ou les détruisent.' Dialysée eii présence
d'eau distillée* l'alevine se sépare en deux fractions : les gloBli-
liries qui s'é précipitent et l'albumine qui reste eh' solutidii. Ces
deux substances, inâetives sépar'éfrïérit, récupèrent' leurs pro-
priétés! aléxiqùés loï'sqii'ë'lleè sôïit mélangées (Fèrrsta) \ lés pre-
mières constituent lé Chaînon mo'f/én dés Allemands (Mittelstûck).
les secondes, le chaînon terminal de l'alexine (Endstûck).
L'alexine se fixe sur les globules rouges homologues ou les
microbes par l'intermédiaire de la sensibilisatrice et ne provoque
leur dissolution' qu'en présence, d'électr'olytés'. Son action, nulle
à Ô°, croît avec la température jusqu'à l'optimum de 3'7°'.

B. — Immilnité passive.
Le sérulri des sujets- imihiuls Oit hypérimmu'msés possède la
propriété d'immuniser Contre les microbes correspondants, ou.
leurs tô'xihes, d'autres sujets appartenant à la même espèce Oui
264 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

une autre espèce auxquels ils sont injectés. L'état réfractairc


spécifique ainsi communiqué est plus ou moins solide selon l'acti-
vité du sérum et la dose administrée. Il s'évanouit généralement
après deux ou trois semaines pour les sérums h.étérdogues, c'est-
à-dire pour les sérums provenant d'animaux d'espèce étrangère
au sujet traité ; un peu plus tardivement pour les sérums
homologues. Cette résistance d'emprunt, véritable immunité pas-
sive, est due à l'action desanticorps véhiculés par l'immun sérum.
Elle fléchit au fur et à mesure que ces anticorps sont détruits
ou éliminés.
En plus de sa courte durée, l'immunité passive se caractérise
par la rapidité de son apparition. Alors que l'immunité active
conférée par les vaccins, les virus morts, les toxines ou les extraits
microbiens se constitue tardivement et progressivement, en cinq
à dix jours, et parfois davantage, l'immunité passive se manifeste
avec son maximum d'intensité presque immédiatement après
l'injection d'antisérum, surtout quand celui-ci est introduit dans
la circulation sanguine.
On prépare les immunsérums en hyperinimunisant des ani-
maux, le cheval en particulier, c'est-à-dire en leur inoculant,
à plusieurs reprises, sous la peau, clans les muscles ou clans les
veines, à des intervalles variables et à des doses généralement
croissantes, des microbes vivants ou morts, des toxines ou des
extraits microbiens. Sous l'influence de ces injections répétées
d'antigènes, les anticorps spécifiques s'accumulent dans les
humeurs, principalement dans le sang. Il suffît de saigner les
animaux producteurs lorsque les propriétés antitoxiques ou
antimicrobiennes de leur sérum, révélées par un titrage préalable
in vitro (précipitation de M. Nicolle, Césari, Debains ; floculation
de Ramon), ou in vivo (Roux, Ehrlich) atteignent leur maximum.

C. — Immunité héréditaire.
Il ne faut pas confondre la vaccination simultanée de la mère
et du foetus avec l'hérédité vraie. Dans le premier cas, le foetus
ayant été infecté en même temps que la,mère pendant la gesta-
tion, possède une résistance acquise propre. Dans le second, il
la tient uniquement de la mère, réfractaire avant la conception.
L'immunité héréditaire, uniquement d'origine maternelle est
fréquemment observée à l'égard de la variole, chez les enfants nés
d'une mère antérieurement infectée ou vaccinée, à l'égard de la
IMMUNITÉ 265

clavelée, des charbons symptomatique et baetéridien, de la rage...


Elle consiste en une véritable, immunisation passive résultant
de la transmission des anticorps maternels au foetus.
La présence de ces anticorps dans le sang des nouveau-nés a
été observée pour l'antirieine, l'antiabrine, Pantirobine (Ehrlich),
l'antitoxine tétanique (Ehrlich et Hubner), l'antitoxine diphté-
rique (Abel), les anticorps tuberculeux fixateurs de l'alexine
(Parisot et Hanns, Ribadeau-Dumas, Cuel et Prieur, Debré et
Lelong, Rozenkrantz).
Comme l'immunité passive conférée par le sérum, l'immunité
héréditaire est de courte durée (trois mois en moyenne). Son
extinction coïncide avec la disparition des anticorps.

D. — Immunité conférée par là lactation.

Enfin, le lait véhiculant des anticorps, l'immunité peut être


conférée par la lactation : immunité spécifique des jeunes souris
issues de mères normales, mais nourries par des femelles immu-
nisées contre les toxines végétales (Ehrlich) ; transmission des
anticorps diphtériques de la jument au poulain (Dzergowski) ;
transmission des agglutinin.es et des sensibilisatrices (Widal et
Sicard, Kraus, Bulloch, etc.). Dans ce phénomène, l'espèce et
l'âge jouent un rôle très important, car chez les jeunes lapins,
les jeunes cobayes et les souris adultes, les anticorps ingérés avec
le lait ne passent pas dans la circulation.

IV. —- Immunité local*:. \


Tous les tissus et les humeurs d'un organisme ne sont pas égale-
ment sensibles aux actions pathogènes des microbes, et la viru-
lence de ceux-ci ne se manifeste que lorsqu'ils parviennent dans
l'organe particulier oit ils sont capables de végéter (ITans Buch-
ner). En tout autre point ou région du corps, aucun 1trouble n'est
observé. C'est ainsi que la bactéridie charbonneuse, dont la viru-
lence pour le cobaye et le lapin est extrême quand elle est ino-
culée dans la peau, se comporte comme un saprophyte lorsqu'on
la dépose dans le tissu sous-cutané, le péritoine, la trachée ou
le sang, en évitant toute souillure du tégument. Cela tient, sup-
pose Besredka, qui a observé ce fait, à ce que la peau seule con-
tient des cellules réceptives au virus. Voici comment cet auteur
se représente les différentes phases de ce type d'infection.
260 ACTIOXPATTIOCSKNE
DÈS MICROBES
« Lorsque l'infection n'est pas bien' grave' et que les germes né
franchissent pas la zone des cellules réceptives, la guérison est
assurée. Les cellules*réceptives,- fortes de leur affinité, absorbent
la majeure partie' du virus modifié,- libéré par les phagocytes;
tout e-iï-empêchant l'infection de se généraliser, elles se' vac-
cinent.-Cela veut el-ir'eque leur avidité polir le virus étant satis-
faite, une nouvelle do'se de ce dernier m'a p'hts' dé prise sur elles :
leur immunité réside dans' leur inaptitude à entrer'à nouveau en
réaction. Cette immunité s'établit rapidement, bien avant l'ap-
parition des anticorps.-Quant à:la participàtîofi de ces derniers,
elle n'est rien- moins que démontrée ». Lorsqu'on « satisfait
l'affinité » des cellules réceptives au moyen de vaccins, les
microbes d'épreuve restent inoffensifs ; leur destruction serait
assurée par les phagocytes.
Sans cloute les faits observés par Besredka sont parfaitement
exacts'. Mais on ne peut accepter Sort interprétation purement
qualitative où intervient, trop subtilement, la mystérieuse
«avidité» des cellules réceptives.- Des- recherches nouvelles sont
nécessaires pour fo'i'muïcr' une' théo'fie' plus scientifique du phé-
nomène.-

V. — Immunité chez les Întvektï';bh.és.


Chez les Invertébl'és, on o'b'serve trois types d'im'munité :
«.l'immunité cellulaire caractérisée par la réaction pliagocytairc ;
l'immunité humorale caractérisée par .la présence, clans les humeurs,
d'anticorps naturels ou acquis ; l'immunité de contact qui comprend
la série des réactions d'immunité s'aeeomplissant en dehors des
cellules,- mais à leur contact inimédiat... De ces trois' facteurs,
le plus général et le plus facile à mettre en évidence est la réaction
phagoeytaire (digestion intracellulaire) »•(Cantacuzène).
Quant aux anticorps de's humeurs, leur action, longtemps
méconnue, a été récemment étudiée par Cantacuzène, Paillot,-
Metalnikoff. On les distingue, comme chez les Vertébrés',- eïi
anticorps naturels, dont les agglutinines sont les plus fféquentes,-
et en anticorps acquis, qui se forment à la suite de l'inoculation
de microbes (Paillot, Metalnikoff) ou d'antigènes variés (Noguchij
Cantacuzène).
Selon Paillot, l'immunité naturelle des chenilles A'Agroslis
segetum contre B. meldlonthce non liqùefaciens s, des elle'-*
ailles (TA. pronubana contre le bacille * et de diverses autres
i IMMUNITÉ 267

espèces, réside surtout, sinon uniquement, clans l'action bactéri-


cide du plasma sanguin. La phagocytose ne serait même qu'[«un
accident physiologique qui résulte du voisinage fortuit des cellules
phagocytantes et des microbes phagocytables, c'est-cà-dire des
microbes dont la paroi est mouillée par le cytoplasme des pha-
gocytes ».
Sauf le cas des chenilles de Galleria melonella immunisées
contre le vibrion cholérique et d'Euparagus prideauxii, on ne peut
affirmer que les anticorps acquis des Invertébrés soient spéci-
fiques.
CHAPITRE XXIV

ANTIGÈNES ET ANTICORPS

I. — Antigènes.
Toute cellule et toute humeur, les microbes et même les fer-
ments solubles renferment, en proportions variables, certains
constituants protéiques de nature colloïdale qui provoquent,
chez les animaux auxquels ils sont injectés, la. formation de
substances antagonistes ou anticorps spécifiques. D'où le nom
d'antigènes qui leur a été donné par Detre Deutsch.
En règle générale, chaque espèce cellulaire ou microbienne
possède plusieurs espèces d'antigènes, dont l'une domine et
engendre un anticorps également dominant. Le bacille typhique,
par exemple, contient un antigène dominant et d'autres qui lui
sont communs avec les bacilles paratyphiques A et B où ils do-
minent respectivement (M. Nicolle, Césari, E. Debains) ; le
bacille dysentérique de Shiga contient en abondance l'antigène
dominant du bacille dysentérique de Flexner, au point que le
sérum anti-Shiga se montre encore plus actif sur le bacille de
Flexner que le sérum anti-Flexner lui-même. Ainsi microbes,
cellules et humeurs constituent une véritable mosaïque d'anti-
gènes, selon l'expression pittoresque de Mlle Raphaël. Chacun de
ces antigènes est spécifique, mais l'ensemble l'est également,
par coexistence constante de certains d'entre eux, dont l'un
domine habituellement (M. Nicolle, E. Césari, Debains et
Mlle Raphaël).
Pick distingue deux sortes de spécificités antigêniques dans
toute molécule protéique. Une, facilement altérable par les
agents physiques (chaleur, froid, coagulation partielle, etc.) ;
l'autre, uniquement modifiable par les agents chimiques. Celle-ci
paraît avoir des relations étroites avec les radicaux aromatiques
de la protéine antigène, car elle est affectée lorsqu'on introduit,
ANTIGENESET ANTICORPS 26Ô
dans la molécule protéique, des substances qui se combinent avec
son anneau benzénique (iode, acide nitrique).
Les altérations d'origine physique affectent les propriétés
antigènes accessoires des protéines et laissent intactes les proprié-
tés antigènes spécifiques dominantes, ("est ainsi qu'une protéine
chauffée peut engendrer des précipitines réagissant avec elle,
mais non avec des protéines similaires d'autres espèces animales;
tandis que les anticorps engendrés par une protéine non chauffée
ne réagissent pas avec le même antigène chauffé. Au contraire,
les altérations d'origine chimique sont si profondes, que les pro-
téines d'une espèce animale, ainsi modifiées, deviennent suscep-
tibles de produire des anticorps spécifiques chez les individus de
la même espèce. Elles se comportent alors comme toute pro-
téine étrangère à l'égard des animaux dont elles dérivent.
Ces antigènes dénaturés perdent leur étroite spécificité origi-
nelle, tout en conservant leur spécificité de groupe. Par exemple,
une nitro-protéine obtenue en traitant une protéine sérique de
lapin par l'acide nitrique, donnera naissance, chez le lapin, à des
anticorps susceptibles de réagir avec la même nitro-protéine et
aussi avec des nitro-pr.otelu.es dérivées d'espèces étrangères, ou
même de plantes, mais uniquement avec des nitro-prot.ein.es. Ce
serait non seulement le nombre et les proportions relatives
des acides aminés constituants de la molécule protéique qui
déterminent sa spécificité antigénique, mais encore, et beaucoup
plus, les modes de liaison extrêmement variables de ces acides
amphotères (Pick, Wells).
Quoi qu'il en soit, seules les substances organiques d'origine
animale ou végétale se comportent in vivo comme des antigènes.
Les protéines possèdent cette propriété au plus haut degré, mais
leurs produits de dégradation trypsique, à partir des polypep-
tides au moins, se montrent inactifs. Par contre, des substances
relativement moins complexes, comme certains lipoïdes (phospho-
lipoïdes du Toeniaechinoeoccus, K. Meyer ; phospholipoïdes du
bacille tuberculeux, K. Meyer, Boquet et Nègre) et des gluco-
sides (poison d'Amariita phalloïdes, Ford, Abel, Rockwood) pro-
duisent des anticorps chez les animaux auxquels ils sont injectés.

II. — Anticorps.

Inconnues dans leur nature et uniquement décelées par les


réactions qu'elles -provoquent, les substances agglutinantes,
27-0 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

Acculantes, précipitantes, neutralisantes ou ] ytiques qui .se


forment dans les humeurs au cours de l'injection, ou sous l'in-
fluence d'injections d'antigènes, ont reçu le nom iVanticorps.
On s'est justement élevé contre une dénomination aussi vague et
d'allure aussi finaliste. Quelques savants ont même nié l'existence
de ces anticorps et attribué leurs manifestations à des modifica-
tions purement physiques des liquides organiques colloïdaux.
Mais les phénomènes qu'ils provoquent in vitro et in vivo sont
'
tels, leurs caractères sont si précis, leur spécificité si étroite,
qu'il convient, jusqu'à plus ample informé, de leur conserver
cette appellation..
Les anticorps sont surtout abondants dans le sérum sanguin
où ils paraissent liés à la fraction globuline. Ils résistent à .55?
et ne s'altèrent que très lentement sous l'influence du vieillisscr
ment. .Pour la commodité de l'exposition, nous les distinguerons,
avec M. Nicolle, Çésari et Jouau, en anticorps des cellules, qui
epmpreimeut les agglutinin.es et les lysines -.—ces dernières nVa-
gissant qu'en présence dcl'alexine des séru.ms frais -^-; a)$icorp.s
des Jiwiieurs, qui renferment les précipitin,es et les sensibilisatrices
de Bojxlet-Gengou; anticorps des tQxirj.es,qui se réduisent, selon
les auteurs, aux antitoxines..

A. — Agglulinines.

•Lorsqu'on ajouta une trace de sérum antichoiérique frais ou


privé d'alexine par chauffage pendant une .derni^hçure à 55°, à
une émulsion de vibrions cholériques ,dans l'eau physiologique,
les microbes s'immobilisent immédiatement, puis, sans perdre
leur vitalité, s'agglomèrent, s'agglutinent en petits amas vis.i^
bl.es .à l'oeil nu (Bordet). Le sérum 4'animaux immunisés
contre d'autres germes que le vibrion cholérique rie produit
aucun effet.
.Cette agglutination spécifique, découverte par Charrj.n et
Roger dans les cultures de bacille pyocyanique en présence d'im-
munsérum homologue., s'observe chez un grand nombre de mi-
crobes vivants ou morts, mis au contact du sérura-anti corres-
pondant ; elle s'effectue à basse température et se montre seu-
lement un. peu plus rapide à 37°. Les ag'glutinines auxquelles
on l'attribue résistent au chauffage à 55-60°; elles ne dialysent
pas et n'agissent qu'en présence d'électrolytes {Bordet et Jpas) ;
les .acides., et surtout les alcalis, les détruisent ; le sulfate
ET AKTTieOE.ES
ANW&EN.ES 271

d'ainmpoiaque à .demi-saturation les précipite du .sérum avec


les globulinps. Diverses subtances (gélatine, protéines variées,
gommcsj) s'opposent à lîw action. Elles apparaissent clans le
.sérum trois à quatre jours -après 3'injeetion .de microbes vivants,
morts on autolysés, atteignent leu>r maximum vers le dixième
ou douzième jour pt persistent très longtemps. La voie veineuse
est plus favorable & leur formation que la voie sous-cutanée.
Dans l'infection naturelle, la fièvre typhoïde, par exemple,
où. WidaJ. les .a observées le premier, on peut les déeeler depuis
la fia. du pr-jamier sçp.téftair.e jusqu'à -des mois et même des
années après la guérison.. On les trouve non seulemait dans le
.sang, mais encore daiis la lympke, dans les liquides à'oedème,
des épaflela,ements des sér,eases, des bulles de vésteat-oire et da«s
le Jgjt (mélitoeoççie).. .Lie liquide £.éphalo--raclîidi€.îi.et l'à-urneu-r
aqueuse n'en contiennent que des traces.
In vitro, selon Bordet, l'agglutination des germes microbiens
et des cellules se produit en deux temps: 1° fixation de l'anticorps
sur l'antigène, d'où formation d'un complexe ; 2° accotement par
les électrolytes du milieu et réunion en amas des éléments chargés
d'anticorps.
La fixation de l'anticorps s'effaotue suivant une loi prévue
par Bordet et formulée p&r Eisenberg et. Volk : pour -une même
masse de cellules, ïa quantité absolue .d'anticorps fixée se montre
dir.eptpmejxt proportionnelle .à la .coiUceAtration de celui-ei ; la
quantité relative, inversement pr©p.QRtionn.elle. Cette règle, appli-
cable ,àtoutes les réaçtioins a©tiçojLps.-a»tig:ènp.,s'oppose à la loi
des proportions défiriies,.<3ui.giOiUyeraeles .comiMnaisonschiiniques,
tandis qu'elle rappelle le principe -Je van Bemnaelenq-ui régit les
phénomènes d'ad-fi.prptjcpndes colloïdes.
Les çpndïtions-.d'équilibre, avec le milieu, duxjQiiiaplexeautigèïi-e-
anticorps, diffèrent .dp celles de l'antigène .(-cellules,microbes)
.normal. Il pp. résulte qu'au .contact des éleetrolytes ajoutés
en proportions variables mx .liquide ambiant, les 4'léiïients se rap-
prochent, s'accolent'les urs aux autres, s'agglutinent et forment
des ..amas de vo.lunrecroissant-
In vivo, les agglutinines se fixent également sur les éléments
sensibles, comuae le démontre la baisse immédiate d«s propriétés
agglutinantes «du.séruffi ptez les animaux immuns, -après chaque
réinjection de l'antigène..
En. fait, l'agglutination T«grés,enie le produit .de deux facteurs :
propriétés agglutinantes des sérums et agglut-inabUité des cellules.
272 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
L'action agglomérante varie considérablement dans son inten-
sité, selon la nature et la dose de l'antigène injecté, la « force »et
la concentration de l'anticorps, le temps de contact et la tempé-
rature. Quant à l'agglutinabilité, elle diffère souvent selon les
races d'une même espèce microbienne ; mais les germes morts
se montrent aussi agglutinables et agglutinogènes que les mi-
crobes vivants (Widal et Sicard, Lévy et Bruns).
Le complexe agglutinogène, qui engendre invivo les agglufcinines,
contiendrait deux substances. L'une, soluble dans l'alcool, résiste
jusqu'à 165° et ne donne pas la réaction du biuret ; l'autre, dé-
truite à 62°, présente les caractères réactionnels des protéines.
Bien que les agglutinines soient spécifiques, le sérum d'un ani-
mal infecté par une seule espèce microbienne agglutine parfois
des microbes appartenant à une espèce voisine {réactions de groupe)
coagglutination).

13. — Préci'pitinc.i.
Elles se rapprochent par leurs propriétés et leur mode d'ac-
tion des agglutinines, et il suffit de remplacer, dans ce qui pré-
cède, les mots cellules et microbes par niicclles albmninoïdes,
pour rej>roduire toute l'histoire de la précipitation des humeurs et
des extraits cellulaires ou microbiens.
Les précipitines apparaissent dès le huitième jour dans le
sérum des animaux, sous l'influence des antigènes protéiques
injectés. Elles atteignent leur maximum du douzième au quinzième
jour après l'inoculation, puis diminuent lentement. Comme les
agglutinines, elfes sont spécifiques, résistent au chauffage à 55°
et manifestent leurs propriétés même en l'absence d'alexine ; leur
destruction se produit vers 70°. Dans le jwéeipité qu'elles forment
au contact de l'antigène homologue et d'électrolytes, on retrouve
une grande partie des constituants du sérum précipitant ; par
exemple, le précipité qui résulte de l'action du sérum antivenimeux
sur une solution, dans l'eau physiologique, de venin correspon-
dant, pèse 35 fois plus que le venin employé (Calmettc et Massol).
Le temps de contact, la concentration de l'antigène et de l'an-
ticorps, l'ordre dans lequel on effectue leur mélange jouent un
rôle important dans la réaction. En présence d'un excès d'antigène
ou d'anticorps, le précipité peut se dissoudre.
Au cours de certaines affections, comme la syphilis, le sérum
des malades acquiert des propriétés spécifiques qui se traduisp>,J:
ANTIGÈNESET ANTICORPS 273
par une précipitation ou une floculation nettes au contact d'ex-
traits d'organes simples ou additionnés de cholestérine (Michaelis,
Porgès, Sachs et Georgi, Bordet et Ruelens).

C. — Antitoxines.
C'est à Behring et Kitasato (1890) que nous devons la décou-
verte des propriétés neutralisantes du sérum des animaux vacci-
nés contre les toxines diphtérique et tétanique, si heureusement
appliquées au traitement de la diphtérie et du tétanos par Roux
et Yersin, Roux et Vaillard. Après eux, Ehrlich (1891) prépara
des sérums antitoxiques capables de neutraliser des poisons végé-
taux (abrine, rieine, robine) et Calmette, Phisalix et Bertrand
obtinrent des sérums doués de hautes propriétés antitoxiques
vis-à-vis des venins. Puis ce furent, successivement, les anti-
toxines cholériques (Ransom, Mctchnikoff, Roux et Salimbeni,
Kraus) et dysentérique (Shiga, Kruse, Todd, Kraus et Doerr,
Vaillard et Dopter), les antitoxines du vibrion septique (Le-
clainche et Morel, Grassberger et Schattenfroh), l'antitoxine
botulinique (Kempner), les antitoxines des microbes anaérobies
de la gangrène gazeuse (Weinberg et Séguin), et les antitoxines
des poisons adhérents au corps microbiens (antiendotoxines de
Besredka).
In vitro, les antitoxines sériques neutralisent directement, et
uniquement, les poisons correspondants. Elles sont donc spéci-
fiques. Il suffit, par exemple, d'additionner la rieine d'une petite
quantité de sérum d'animal préparé contre cette toxine végétale
pour inhiber ses propriétés hémolytiques, ou de mélanger en pro-
portions convenables les toxines tétanique et diphtérique avec
les sérums homologues pour les rendre inoffensives (Behring et
Kitasato).
Cette neutralisation in vitro des toxines par les antitoxines
ne s'effectue pas immédiatement, mais après un temps mort
dpnt la durée varie avec l'affinité et la quantité des produits en
présence. Elle peut être totale vis-à-vis d'un animal d'épreuve
donné, alors qu'elle se montre incomplète vis-à-vis d'un animal
plus sensible : par exemple un mélange toxine-antitoxine téta-
niques inoffensif pour la souris, tue le cobaye (Buchner) ; un
mélange neutre toxine-antitoxine tétaniques, bien supporté par
les cobayes sains, tue les cobayes débilités par l'infection cholérique
(Roux et Vaillard) ; tel complexe neutre pour le cobaye se montre
Microbiologiegénérale, 2° cdil. 18
274 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

actif chez le lapin (Morgenroth). Les effets observes traduisent


donc l'intervention de deux facteurs : activité du poison et
sensibilité de l'organisme qui le reçoit.
Toutes autres conditions restant égales (proportions des corps
mélangés, âge, poids et espèce des animaux d'épreuve), le temps
de contact intervient dans la neutralisation de la toxine par l'anti-
toxine correspondante. Tel mélange encore actif après une demi-
heure, par exemple, cessera de l'être après un temps plus long.
A l'intensité variable du phénomène de neutralisation, se
trouve lié le sort de l'animal réceptif. On note, par ordre décrois-
sant : un simple retard dans la mort, l'empoisonnement lent, et,
au point neutre, ou en j^résence d'un excès d'anticorps, l'absence
totale d'accidents. Les troubles locaux (esehares) et généraux
(cachexie progressive), qu'engendre l'administration de grandes
quantités de poison diphtérique incomplètement neutralisé, sont
identiques à ceux que déterminent les fortes doses de poison
chauffé, mais ils diffèrent totalement de ceux que provoque l'in-
jection de doses inframortellcs de poison frais (M. Nieolle, E. Cé-
sari, Jouan).
Enfin, on peut empêcher la production du complexe toxine-
antitoxine, ou le détruire une fois formé, en faisant intervenir les
acides (Morgenroth), ou l'alcool et un acide (Calmette), lechaufi'age
(Calmette).
D'une manière générale, les antitoxines résistent au chauffage
à 58°, comme les sensibilisatrices que nous allons examiner, et,
parfois même, à PéhuUition, Elles sont liées aux globulines sé-
riques, aux. pseudo-globulines d'après Pick, et précipitables par
les réactifs des matières protéiques. On les rencontre surtout dans
le plasma sanguin,mais elles passentaussi danslc liquide d'eedème,
dans le pus (Roux et Vaillard) et dans'le lait (Ehrlieh). Elles sont
peu abondantes dans l'humeur aqueuse (Morax et Loiseau),
l'urine et la salive : le liquide céphalo-rachidien n'en contient
généralement pas. On peut les déceler dans le sang, où elles appa-
raissent en quantités variables au cours des maladies infectieuses
ou même au cours d'intoxications minimes et méconnues. La
présence d'antitoxine diphtérique chez l'homme se traduit par
l'extinction de la sensibilité cutanée à de faibles doses de poison
homologue (réaction de Schick). Le sérum normal de cheval en
contient également.
ANTIGENESET ANTICORPS 275

D. —-Sensibilisatrices. — Actions lytiques.


Le sérum des animaux traités par des injections d'hématies
provenant d'une espèce différente, renferme, comme nous l'avons
précédemment exposé, des anticorps {sensibilisatrice de Bordet,
ambocepteur d'Ehrlich) qui se fixent électivement in vitro sur les
globules rouges de cette espèce et les préparent à l'action lytique
de Palexine. De même l'injection de microbes vivants, de microbes
morts ou d'extraits microbiens provoque, chez les animaux et
l'homme, la formation de substances spécifiques, dont les pro-
priétés fixatrices et lytiques vis-à-vis des germes correspondants
sont en tous points comparables à celles de la sensibilisatrice
liémolytique (Bordet).
Les antigènes microbiens émulsionnés dans l'eau physiolo-
gique et chargés de la sensibilisatrice spécifique du sérum privé
d'alexine par chauffage à 5,5°, fixent, adsorbent l'alexine de
cobaye, et celle-ci, lorsqu'elle se trouve dans une proportion con-
venable, disparaîtscomplètemcnt du liquide ambiant. Si, à ce
moment, on ajoute dans le mélange antigène + sensibilisatrice
-(- alexine fixée, une petite quantité de globules rouges et de sen-
sibilisatrice liémolytique homologue, chauffée à 55°, aucune trace
d'alexine ne se trouvant libre, la sensibilisatrice liémolytique
ne pourra donc, à elle seule, provoquer la dissolution des glo-
bules, et l'hémolyse ne se produira pas. Or, les anticorps fixa-
teurs sont spécifiques et leur affinité se limite étroitement aux
antigènes correspondants. Par conséquent, on peut conclure que
lorsque dans un mélange en proportions convenables d'antigène,
d'antisérum homologue et d'alexine, l'alexine se trouve fixée,
cela tient à ce que les anticorps sériques correspondent exacte-
ment à l'antigène employé.
Cette réaction fondamentale, dont nous devons le principe à
Bordet et Gengou, permet ainsi de déceler les anticorps contenus
dans un sérum donné, de déterminer l'espèce microbienne en jeu
et de préciser la nature de l'affection observée. Signalons cependant
que, dans-le cas de la syphilis, elle peut être spécifique alors
même qu'on emploie, comme antigène, des extraits organiques
aqueux ou alcooliques : extraits de foie d'hérédo-syphilitique
(Wassermann, Neisser et Brûcke), ou sain (Levaditi et Marie),
d'organes normaux (Michaelis, Noguchi, Bordet et Ruelens) ou
des solutions alcooliques de lécithine, d'acide oléique et de choles-
térine (Sachs, Desmoulières). Des faits identiques s'observent
276 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

dans plusieurs autres affections, en particulier dans la tuberculose.


En outre, le sérum des tuberculeux et le sérum des animaux
traités par des inoculations répétées de bacilles de Koch, ne jouit
d'aucune propriété préventive, curativeet lytique, bien qu'il soit
riche en anticorps fixateurs. De telle sorte que les modifications
sériques décelables in vitro par la réaction de Bordet-Gengou ne
correspondent pas, en l'espèce, aux anticorps vrais, qui préparent
l'action lytique des compléments. Ce sont des témoins de Vinjec-
tion, suivant la formule de Calmette, et non des facteurs d'immu-
nité comparables aux antitoxines par exemple. Ajoutons encore,
pour mieux montrer la discordance entre les réactions d'immu-
nité .et la réaction de fixation de l'alexine, que nombre de maladies
vaccinantes ne s'accompagnent d'aucune formation de sensi-
bilisatrice.
Dans la pratique, la réaction de fixation de l'alexine, réaction de
Bordel-Gengou, ou de déviation de complément, s'effectue de la
manière suivante. On mélange intimement, dans plusieurs petits
tubes, une quantité convenable d'un antigène connu (émulsion
de microbes vivants ou morts, extraits microbiens), 0CC,1,ou
davantage, de sérum suspect, chauffé une demi-heure à 55°, et
une petite quantité d'alexine dont on a vérifié l'activité en
présence d'un sérum hémolytique et de globules rouges ; on laisse
en contact pendant une heure à 37°. Puis on ajoute des globules
de mouton lavés, une goutte par exemple, et une dose de
sensibilisatrice anti-mouton chauffée, suffisante pour produire
l'hémolyse avec la quantité d'alexine précédemment employée.
On mélange de nouveau par agitation des tubes et on porte à
37°. Après une demi-heure, on note les résultats et, suivant que
l'Hémolyse se produit ou non, ou conclut à l'absence ou à la pré-
sence d'anticorps correspondant à l'antigène utilisé. Une tech-
nique très simple de Calmette et Massol permet d'opérer avec
précision et de titrer très exactement la sensibilisatrice d'après
la quantité d'alexine fixée par le complexe antigène-anticorps.
Bien qu'on dût reconnaître, par la suite, que sa spécificité
n'est pas absolument rigoureuse, la réaction de Bordet-Gengou
constitue un moyen diagnostique précieux. Elle a été appliquée
au diagnostic de la syphilis (Wassermann et Briïcke), de la tuber-
culose (Calmette et Massol, Besredka), de la coqueluche (Bordet
et Gengou), de la sporotrichose (Widal). Ghedini, Weinberg et
Parvu ont même étendu son emploi au diagnostic d'une affection
parasitaire, l'échinococcose. Non seulement elle permet de préciser
ANTIGÈNESET ANTICORPS 277
la nature des maladies infectieuses, mais encore de suivre l'évo-
lution des anticorps dans les humeurs au cours de l'infection et
d'étudier leurs rapports avec les signes cliniques et la marche de
l'immunisation.
Les sensibilisatrices résistent au chauffage prolongé à 55° et
ne sont détruites que vers 70°. Elles paraissent liées à la fraction
globuline du sérum et se conservent intactes pendant un temps
très long. Les antigènes correspondants les adsorbent, même à
0° ; mais à une température aussi basse, la fixation de l'alexine
ne se produit pas (Ehrlich et Morgenroth).

E. — Anticorps naturels ou normaux.


On peut déceler la présence d'antitoxine diphtérique, chez des
sujets normaux (hommes, chevaux), par la réaction de Schick, qui
consiste dans l'injection intradermique de 0Cc5I d'une dilution
de toxine diphtérique contenant, sous ce volume, 1/50 de la dose
minimum mortelle pour le cobaye. Chez les individus dont le
sérum est antitoxique, on n'observe aucune lésion locale, alors
que, chez les individus sensibles au poison, un halo rouge carac-
téristique apparaît au bout de vingt-quatre heures sur la peau
légèrement épaissie.
Le sérum normal de cheval neutralise également une petite
quantité de toxine tétanique (Roux) et le .sérum de diverses
espèces s'oppose à l'action lytique des hémotoxines bactériennes.
On trouve encore, dans le sérum de cheval, des agglutinines
dont les propriétés se manifestent à l'égard du vibrion cholé-
rique, du bacille typhique, du B. coli et du bacille tétanique ;
dans le sérum,de poule et d'oie, des Mmoagglutinines très ac-
tives. Ces agglutinines naturelles sont un peu plus sensibles à la
chaleur que celles des immunsérums. Il est même possible d'éli-
miner les agglutinines banales du M. melitensis, qui se développent
au cours de certains états fébriles, sans altérer les agglutinines
'spécifiques, en chauffant les sérums pendant vingt minutes à 56°
(Nègre et Raynaud).
Des bactériolysines existent dans le sérum normal, frais de
cobaye qui. transforme en granules les vibrions cholériques atté-
nués (Bordet) et lyse, ainsi que le sérum de lapin, les vibrions de
Finkler et de Deneke et le Proteus vulgaris. Les sérums de lapin
et de rat dissolvent la bactéridie charbonneuse ; les sérums frais
de l'homme, du chien, du mouton, du boeuf, attaquent in vitro
2?8 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
les hématies de diverses espèces (hémolysilies normales). Comme
les Sensibilisatrices dés immunsérums, ces sensibilisatrices nor-
males bâctério ou hémolytiques Se fixent sur les antigènes (gloa
bules et microbes) et forment avec eux un complexe qui adsorbe
l'alêxine (Malvoz). En outte, le sérum normal humain jouit de
propriétés préventives et curatives très marquées vis-à-vis des
infections cholérique et typliique du cobaye (Issaëi'f, Pfeiifer
et Kolle; Chantemesse et Widàl)-, du nagana et du mal de Cadéras.
Injecté aux animaux expérimentalement infectés, il fait dispa-
raître, pendant quelques jours, les trypanosomes de leur sang
(Laveran et Mesnil).

F. — Antiferments.
Les sérums normaux inhibent plus ou moins l'action de la
trypsine (Hammarsten), des ferments protéolytiques des actinies,
des amibes (Mesnil, Mouton) et des bactéries (von Dungern,
MalfVtaïiû) et l'action coagulante de la présure. Au cours de
diverses affections, principalement dans les maladies qui- s'ac-
compagnent de destructions cellulaires importantes (cachexie,
earcinomej sarcome, tuberculose) et aussi dans le diabète, le
goitre exophtalmique, ce pouvoir antilryptiqUe du sérum aug"
mente notablement. Le sérum des animaux soumis à des injec-
tions répétées de ferments se montre beaucoup plus efficace.
On a ainsi obtenu une aritiémulsine (Bayliss, Hildebrandt), Une
àntitrypsine (Fermi et Pernoni, Achalme), dont les propriétés
antagonistes sont dues, en réalité, à une ailtikinti.se (Délezenne,
Bàyliss, Starling); Par contre, tous les essais de préparation
d'antipèpsine et à' antipapaïne n'ont donné que des résultats
douteux ou nuls (Cantacuzène, Jonesco»Mihaiestij Pozerski).

IIÏ. — Mécanisme des réactions antigène-anticorps.


Nous voici parvenus à cette notion que la floculation, la préci-
pitation des antigènes, l'agglutination des microbes, la neutra-
lisation des toxines, d'une part ; la bactériôlySe et l'hémolyse,
qui exigent le concours de l'alexiiie, de l'autre, sont produites
]~nr les anticorps Spécifiques des humeurs. Or, toxines, extraits
n rôbiom et. humeurs chargés d'anticorps présentent tous les
crt'Hf.tcf'cii physiques des solutions colloïdales, et les réactions
afii>uèlie-anticorps sontà en tous points; comparables aux inter-
ANTIGÈNESET ANTICORPS 279
actions des colloïdes. Le mécanisme de celles-ci nous aidera donc
à mieux comprendre le mécanisme très obscur de celles-là.

A. — Caractères généraux des colloïdes.


On sait, depuis Graham, que les différents corps chimiques,
au contact de l'eau, se comportent tantôt comme des cristâl-
loïdes, tantôt comme des colloïdes, suivant qu'ils traversent" ou
non les membranes de parchemin. Les cristalloïdes donnent des
solutions vraies, dans lesquelles ils se désintègrent jusqu'à l'état
moléculaire, tandis que les colloïdes se dissocient en particules
plus volumineuses, ou micclles, et forment un système à deux
phases : une phase interne ou dispersée constituée par les agglo-
mérats moléculaires solides, liquides ou gazeux et une phase
externe ou continue également solide, liquide ou gazeuse, constituée
surtout par le solvant. Lorsque les micelles sont peu abondantes
et à l'état de particules isolées dans le solvant, elles demeurent à
l'état de pseudo-solution (sol, solution colloïdale) ; quand, au
contraire, elles sont nombreuses et agglomérées en filaments
ou réseau plus ou moins compact, elles forment une sorte de
gelée (gd).
Les colloïdes ont un poids moléculaire fort élevé. Ils ne tra-
versent pas les filtres de collodion et offrent une hétérogénéité
optique constante (phénomène de Tyndall) ; l'ultramieroseope
en résout un très grand nombre, montrant alors des grains plus
ou moins brillants, animés de mouvements vifs et irreguliers
(mouvements broivniens).
Même très dilués, les Uydrosols, ou pseudo-solutions colloï-
dales aqueuses, se coagulent sous l'influence de substances ajou-
tées en proportions parfois minimes. Cette coagulation, générale-
ment totale et très fréquemment irréversible, se traduit par l'ap-
parition de flocons, qui engendrent des dépôts amorphes. Eva-
porés, les hydrosols subissent des altérations marquées et laissent
des résidus souvent insolubles..
Toutes les particules ou micelles des colloïdes se composent de
molécules en désordre et de l'un des réactifs qui leur ont donné
naissance. Les premières forment, pondéralement, la majeure
partie et le second, la plus faible portion du complexe micellaire .
Selon les cas, les molécules en désordre répondent à des individus
chimiques fort divers ; dans certaines circonstances, elles Sont
susceptibles d'exister à l'état cristallin. Ces deux constituants de
280 . ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBE»
la micelle doivent être considérés comme combinés, au sens chi-
mique du mot, bien que cette combinaison s'effectue dans des
proportions qui varient avec les conditions de l'expérience poul-
ies colloïdes artificiels et avec les conditions naturelles pour les
colloïdes naturels.
Le ferrocyanure de cuivre colloïdal, obtenu en faisant agir le
ferrocyanure de potassium sur le sulfate de cuivre, représente,
d'après J. Duclaux, une véritable combinaison de n molécules
de ferrocyanure de cuivre et d'une molécule de ferrocyanure de
potassium. Sa formule dualistique provisoire peut ainsi s'écrrie :

Tant que rien ne vient détruire sa structure, l'amas n FeCycCu2


constitue un bloc chimiquement inerte. C'est le sel FeCy'K 4 qui
lui confère son activité. Ce blocinerte reste intact pendant toutes
les métamorphoses du colloïde ; il peut même se séparer de la
partie active, mais à la condition de la changer contre une autre.
Il en est de même pour tous les corps à l'état colloïdal.
On nomme liquide intermicellaire, \& liquide où s'agitent les
particules. Ce liquide est une simple solution du même sel qui
forme la partie active de la micelle.
Un équilibre s'établit entre le sel dissous dans le liquide et le
sel combiné dans la micelle. Quand on fait varier de façon con-
tinue la proportion des réactifs qui engendrent, tel ou tel col-
loïde, la composition de la micelle, c'est-à-dire le rapport quan-
titatif entre le bloc inerte et la partie active, varie également de
façon continue, ainsi que l'équilibre entre les concentrations du
sel associé à la micelle et dissous dans le liquide intermicellaire.
Toute micelle représentant un complexe, sa structure et ses
propriétés doivent pouvoir être caractérisées par une formule
chimique unitaire,., Voici comment on y est parvenu. Les pseudo-
solutions colloïdales conduisent. l'électricité ; donc elles sont
ionisées. Lorsque le courant les traverse, chaque micelle se sépare
en deux parties de niasses très inégales, dont la plus volumi-
neuse gagne l'une des électrodes et la plus petite l'électrode
opposée. La première, ou granule, renferme le bloc inerte flanqué
d'un ou de plusieurs ions |)ositifs ou négatifs de la partie active,
la seconde comprend le ou les ions de signe opposé à celui du
granule et qu'on nomme ions libres de la micelle. La formule du
ferrocyanure de cuivre devient alors :
ANTIGÈNESET ANTICORPS 281

L'ensemble entre crochets représente le granule; K4 les ioi s


libres (J. Duclaux). ,

B. — Adsorption.
On entend par adsorption, la fixation d'une substance gazeuse
ou dissoute sur une substance solide. Cette définition élimine
ipso facto, le simple mélange (dissolution) et la genèse de corps
nouveaux (réaction chimique).
L'adsorption constitue un effet de surface, elle est d'autant
plus intense que celle-ci est plus étendue. D'une façon générale,
on peut dire qu'il existe des corps très adsorbants (noir animal,
fibres textiles) et des corps très adsorbables (matières colorantes) ;
mais toute adsorption est limitée par un équilibre entre les con-
centrations de la substance adsorbable dans le liquide et dans
l'adsorbant. Cet équilibre dépend de la nature des deux éléments
en jeu, d'où la spécificité du phénomène. Voici ce que montrent
les expériences. Quand on ajoute à une quantité fixe d'adsor-
bant, des quantités successives de substance adsorbable, les pre-
mières portions sont retenues plus énergiquement que les sui-
vantes. D'autre part, quand on ajoute à des solutions de plus
en plus faibles de la substance adsorbable, une quantité fixe de
, l'adsorbant, ce sont les solutions les plus diluées qui s'appau-
vrissent proportionnellement le plus. Une fois fixée, la substance
adsorbée s'élimine 23ar les lavages, d'autant plus difficilement
que l'adsorption a été plus intense. Enfin des recherches paral-
lèles prouvent que la concentration dans l'adsorbant varie moins
vite que la concentration dans le liquide, et d'autant plus lente-
ment que l'adsorption se montre plus énergique.
Deux influences, physique et physico-chimique, régissent donc
le phénomène de l'adsorption : l'étendue de la surface de l'ad-
sorbant et les relations entre la nature de l'adsorbant et celle de
la substance adsorbable. Précisément, les colloïdes divisés en
micelles offrent une grande, surface, et ils sont insolubles dans le
liquide intermicellaire ; d'où le rôle important que les phéno-
mènes d'adsorption jouent dans leur histoire. Lorsqu'on introduit
un corps soluble dans un hydrosol, il se partage, en effet, entre
les micelles et le liquide intermicellaire suivant les règles qui
président à l'adsorption. Dans chaque colloïde, bien que la micelle
282 ACTIONPATHOGÈNEDÈS MICROBES
ne représente pas un simple composé d'adsorption, la répartition
de la partie active entre les micelles et le liquide intermicellaire
s'opère de même.

C. — Stabilité des colloïdes. Coagulation.

Par rapport au liquide ambiant, les micelles manifestent une


pression , ôsnïôtique incontestable, laquelle dépend de leur
nombre et surtout de leur degré d'ionisation (J. Duclaux).
La stabilité des colloïdes est intimement liée à cette pression.
Il existe, pour chacun d'eux, une pression maximum, corres-
pondant à là concentration maximum de l'hydrosol. Au-dessous
de Cette valeur, on peut concentrer la pseudo-solution de façon
réversible ; au-dessus, elle se prend en gel habituellement irré-
versible.
Toutes les causes qui diminuent l'ionisation des micelles dimi-
nuent en même temps la pression osmotique maximum et, par-
tant, la stabilité du colloïde. Ainsi agissent : la dialyse, l'addition
d'électrolytes de toute espèce, à dose massive, l'addition de
certains liquides même non électrolytes, l'addition, aux ions libres
de la micellè, d'ioris de même nature, le remplacement de ces
ions libres par d'autres, enfin, et surtout, les phénomènes d'ad-
sorption. Inversement, on peut augmenter l'ionisation, la pres-
sion osmotique et la stabilité, en ajoutant à l'hydrosol, soit les
mêmes Corps qui constituent la partie active des micelles, soit '
des composés chimiques très voisins. Pour un colloïde donné, la
stabilité se montre d'autant plus grande que les micelles sont plus
petites.
La coagulation des hydrosols, qui survient au moment où
la pression maximum atteint une valeur suffisamment basse,
peut être déterminée par des substances indifférentes agissant
à dose massive, ou par des substances spécifiques agissant à dose
faible, parfois à dose très faible quand la stabilité du colloïde est
médiocre. Pour prévoir l'action de ces dernières, on a pro-
posé diverses règles qui manquent malheureusement de géné-
ralité. Il est évident que, par exemple, la valence de l'ion préci-
pitant, dans le Cas des sels métalliques, offre quelque, importance,
• Car lorsque des ions polyvalents remplacent les ions monovalents
d'une micelle, le degré de dissociation électrolytique et ie nombre
' total des ions diminuent corrélativement. Mais la nature chi-
mique des sels peut intervenir plus que leur valence (sels dé
ANTIGÈNESET ANTICORPS 283
métaux lourds, notamment) ; d'autre part, dans îe cas de double
décomposition typique, le rôle de la, valence apparaît nul. La
règle des gigues (Hardy, Billîtzér), suivant laquelle l'ion précipi-
tant doit porter un signe opposé à celui du granule, est plus géné-
rale, mais elle reste inapplicable aux colloïdes airiphotèrés et aux
sels précipitants, peu actifs, où l'ion efficace ne saurait être dis-
cerné.
Qu'elle reconnaisse pour causes des actions physiques de masse
ou des effets soit chimiques (double décomposition), soit physico-
chimiquefe (adsorption) appliqués au colloïde considéré comme
système, complexe ou surface, la coagulation survient inévitable-
ment dès que la micelle ne se trouve plus en équilibre avec le
milieu ambiant. Les mouvements des particules s'affaiblissent
alors progressivement, chacune d'elles se rapproche de ses voi-
sines, et il se produit bientôt des amas de grandeur croissante
sur lesquels la pesanteur exerce Une action également crois-
sante.
Tl arrive quelquefois d'observer le phénomène connu sous le
nom de solubilité dans un excès de réactif, le eoagulum formé re-
prenant l'état d'hydrosol stable par addition ultérieure de sel
coagulant. On doit admettre, pour expliquer ce fait, que la partie
active des nouvelles particules .se trouve représentée par le sel
coagulant lui-même ; le colloïde change aloïs de signe dans la
majorité dés cas. Si l'on continue à ajouter du sel précipitant,
là coagulation peut survenir, au moins comme effet de masse.
Les colloïdes réagissent les uns sur les autres de façon variable.
Lorsqu'ils possèdent le même signe, on ne constate pas de coagu-
lation, parce que leurs ions libres ne sauraient se combiner: Lors-
qu'ils Sont de signes différents, .ils se précipitent, au contraire,
le plus souvent, parce que les ions libres réagissent entre eux ;
quelquefois aussi, parce que les ions de l'un des colloïdes coagulent
le granule de l'autre. Mais encore faut-il, pour que la précipitation
se montre totale, que les hydrosols soient mélangés en propor-
tions convenables. Si l'on s'éloigne de ces proportions, la précipi-
tation demeure incomplète ou fait défaut, bien qu'habituelle-
ment il se produise Une diminution de stabilité des deux col-
loïdes. Le contraire peut cependant s'observer, l'un des colloïdes
jouant vis'â-vis du second le rôle dit protecteur. Oïl sait, en effet,
que les colloïdes stables protègent les colloïdes instables, non
seulement au point de vue de la coagulation, mais encore au
point de vue de la réversibilité. Il s'agit vraisemblablement, en
284 ACTIONPATHOGÈNK
DES MICllOBES

l'espèce, de phénomènes d'adsorption : les grosses micelles ins-


tables condensent autour d'elles les petites micelles stables ;
l'ensemble constitue de nouvelles particules se rapprochant, par
leurs propriétés de surface, du colloïde protecteur et prenant
même le signe de celui-ci lorsque Padsorption atteint un haut
degré.

D.' — Modes d'action des anticorps.

1° Théorie d'Ehrlich. — Pour Ehrlich, l'action des toxines sur


les organismes est purement chimique. Chaque molécule de
toxine serait constituée par deux groupes : un groupe toxique ou
toxophore et un groupe non toxique ou haptophore. Par une de
ses faces, celui-ci est soudé au groupe toxophore ; par l'autre, il
s'unit éventuellement à certains groupes récepteurs ou chaînes
latérales du protoplasma, ce qui permet à la toxine d'exercer son
action. Les cellules périssent dès qu'elles sont saturées par ces
groupes : lorsque leur saturation est incomplète, elles produisent,
en excès, des récepteurs qui compensent' les récepteurs unis aux
groupes toxophores par l'intermédiaire des groupes haptophores.
Libérés dans la circulation, ces récepteurs vont y constituer les
antitoxines.
Toxines et antitoxines, dont l'affinité réciproque est très éner-
gique, se combinent suivant la loi des proportions définies et se
neutralisent complètement comme un acide fort et une base forte.
Néanmoins, un mélange exactement neutre reste inoffensif
lorsqu'on l'additionne d'une dose minimum de toxine diphté-
rique (phénomène d'Ehrlich). Plus encore, le même mélange, addi-
tionné de dix à vingt doses mortelles de toxine provoque seule-
ment des oedèmes plus ou moins importants chez le cobaye.
Des doses supérieures le tuent.
Devant ces faits incompatibles avec l'hypothèse d'une combi-
naison chimique en jiroportions définies, Ehrlich dut admettre
que dans la toxine diphtérique, par exemple, existent diverses
substances (toxones, toxines vraies et leurs dérivés les toxoïdes),
douées d'une activité variable et d'une affinité différente pour
l'antitoxine, l'affinité maximum appartenant à la toxine vraie.
2° Théorie d'Arrhénius-Madsen. — Les réactions toxine-anti-
toxine sont des réactions chimiques comparables, non à la neutra-
lisation d'un acide fort par une base forte, comme dans l'hypo-
thèse d'Ehrlich, mais à la formation d'un éther aux dépens d'un
ANTIGÈNESET ANTICORPS 285
acide et d'un alcool, ou à la neutralisation d'une base faible par
un acide faible, l'ammoniaque, par exemple, par l'acide borique.
Elles sont liiriitées, réversibles, régies par la loi d'action des
masses de Giidberg et Waage, et aboutissent à un état d'équilibre
entre les corps réagissants et les produits de la réaction.

3° Théorie de Bordet. — Au contraire, pour Bordet, les réactions


antigène-anticorps ne sont pas d'ordre chimique, mais d'ordre
physico-chimique, et relèvent de l'adsorption. Les éléments en
présence, de nature colloïdale, manifestent, l'un pour l'autre,
une affinité d'adsorption analogue à celle dont résulte la conden-
sation d'une couleur d'aniline sur du papier filtre, par exemple.
Ils s'unissent, non en proportions définies, mais en proportions
variables, selon les quantités relatives des substances qu'on met
en contact, comme on l'observe pour tous les corps qu'assemble
l'attraction moléculaire. L'activité du complexe ainsi formé
décroît jusqu'à zéro, selon le degré de saturation de l'antigène
par l'anticorps adsorbé. Dans le complexe toxine-antitoxine, par
exemple, la fraction toxique demeure inaltérée et peut être assez
facilement libérée. Calmette et Massol, en faisant agir l'alcool à
60°, puis un acide sur un mélange neutre venin-sérum antivenin,
sont parvenus à séparer les deux éléments du complexe : l'anti-
toxine, qui se précipite et s'inactive en s'altérant, et le venin, qui
reste en solution dans la liqueur sous sa forme active initiale.
L'adsorption de l'anticorps par l'antigène correspondant est
spécifique et, comme nous l'avons vu précédemment, les qualités
physiques des substances en présence : état de solution ou de
pseudo-solution colloïdale, grosseur et charge électrique des
particules, propriétés du solvant jouent dans ce phénomène un
rôle considérable.
In vitro, le complexe antigène-anticorps adsorbe d'alexine
(fixation de l'alexine ou du complément) ou flocuie sous l'action
des électrolytes du milieu (floculation, précipitation, aggluti-
nation).
Chez les animaux soumis à une injection de sérum antitoxique,
les poisons microbiens sont neutralisés 'par les anticorps corres-
pondants. On suppose que la rapidité et l'intensité- de cette neu-
tralisation dépendent à la fois de l'affinité de la toxine pour les
cellules sensibles, de l'affinité de l'antitoxine pour la toxine et
286 . ACTIONPATHOGÈNEPEf5 MICftOBES
du temps qui sépare les injections de ces substances. L'immun-
sérum injecté avant ou en même temps que la toxine inaçtive
celle-ci avant qu'elle ait pénétré dans les cellules réceptrices,
mais elle est souvent impuissante à atteindre et à neutraliser
un poison inoculé antérieurement et déjà fixé sur les cellules.
4° Théorie de Metchnikoff. — Devant tant de faits démontrant
le rôle capital des humeurs dans l'immunité, Metchnikoff dut
réviser et élargir sa théorie cellulaire.
« Dans les cas d'immunité naturelle, concluait-il, ce sont les
cytases qui débarrassent l'organisme des microbes sans qu'elles
soient favorisées d'une façon tant soit peu notable par d'autres
ferments solubles. Les conditions sont tout autres clans un très
grand nombre de cas d'immunité acquise. » Ici apparaissent
d'autres substances, les fixateurs qui, non bactéricides par eux-
mêmes, imprègnent les bactéries et les sensibilisent à l'action des
microcytases.
Les cytases sont des ferments solubles intra-cellulaircs ; les
fixateurs des ferments solubles humoraux. Ils sont produits
par les phagocytes qui, à la suite de la résorption microbienne,
« s'adaptent à élaborer les fixateurs en grande quantité, dont
une partie est excrétée dans les humeurs... Les fixateurs injectés
avec le sérum se fixent sur les microbes avec avidité. Ceux-ci
peuvent plus facilement devenir la proie des phagocytes et être
détruits très rapidement ».
Les antitoxines seraient également élaborées par les phagocytes
et, « comme en dernière instance les microbes subissent dans
l'organisme réfractaire une digestion par des substances chimiques
élaborées par les phagocytes, les toxines éprouvent aussi une
modification chimique, due aux substances à la production
desquelles les cellules vivantes de l'organisme prennent une
large part ».
5° Théorie de M. Nicolle. — Chaque antigène peut engendrer
un anticorps spécifique. Anticorps et antigènes se fixent spéci-
fiquement les uns sur les autres. Lorsque les proportions des
deux substances sont convenables, et que des électrolytes sont
présents, cette fixation se traduit in vitro par l'agglutination
ou la précipitation, selon que les antigènes offrent la forme de
"micelles ou de cellules. On désigne sous le nom de coagulation
{largo sensu) cette réunion d'éléments jusqu'alors dispersés au
sein des liquides.
In vivo, les complexes antigène-anticorps ne sauraient former
ANTIGÈNESET ANTICORPS 287
de précipités visibles, car les protéiques ambiants empêchent
leurs particules de s'agglomérer. Cependant l'interaction se pro-
duit et se manifeste par la baisse d'activité des sérums chez les
animaux immunisés, après chaque réinjection d'antigène. Dans le
cas des toxines, il s'y joint la neutralisation des effets nocifs ;
dans le cas des cellules, humeurs ou enzymes atoxiques on ne
remarque rien, à moins que n'éclatent les accidents d'hypersen-
sibilité.
La lyse des complexes antigène-anticorps résulte de la fixa-
tion et de l'action décoagulante des compléments. Cette décoagu-
lation ne consiste pas en un simple retour au statu quo ante ;
mais bien en une véritable dislocation, ainsi que le montrent
divers aspects observés in vitra avec des test-objets favorables
(lyse des hématies et de quelques bactéries).
In vivo, eytolyse, protéolyse et toxinolyse se révèlent, lors-
qu'elles sont brutales et étendues, par les symptômes classiques
de l'hypersensibilité. Quand la lyse est moins brusque, on la
reconnaît, s'il s'agit de microbes virulents, au phénomène de la
destruction silencieuse qui préside à l'immunité. Une fois décoa-
gulés dans l'organisme, les antigènes, ainsi que les compléments
qui les accompagnent, sont peu à peu digérés par les enzymes
protéolytiques.
Si on les compare aux interactions des colloïdes, les réactions
antigènes-anticorps peuvent être alors conçues selon le schéma
suivant. Lorsque les substances actives se trouvent en pro-
portions optima, rien n'empêche d'attribuer la coagulation à
une simple combinaison d'ions. Mais nous savons que l'anti-
corps est souvent capable de fixer un excès d'antigène, dans le
phénomène d'Ehrlich. par exemple, et réciproquement. Nous
savons aussi, par une expérience de Bordet, que si l'on ajoute,
en deux fois, l'antigène à la dose neutralisante d'anticorps, l'union
demeure incomplète et d'autant plus que l'intervalle entre les
deux additions est plus grand. Ce phénomène s'explique facile-
ment par une contraction du mélange diminuant la surface
active de l'anticorps et déterminée par la première addition.
Ainsi, dans les réactions antigène-anticorps, comme dans l'in-
teraction des colloïdes, les effets de surface, plus marqués
encore dans la fixation du complément, se superposent fréquem-
ment aux effets d'affinité.
Les compléments sont assimilables à des colloïdes formés de
micelles très petites, qui disséminent les grosses micelles anti-
288 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES

gène-anticorps, les isolant entre elles et les séparant des autres


constituants des cellules et humeurs. C'est cette dislocation qui
constitue la décoagulation lytique ou lyse, généralement par-
tielle in vitro, mais totale in vivo, où anticorps et alexine se renou-
vellent incessamment. Confondus avec les globulines du sang, les
compléments ne sont pas des catalyseurs. Par ailleurs, ils ne
jouissent d'aucune propriété [antigène entant qu'alexine. Ils
doivent leurs caractères essentiels, sinon uniques, à la petitesse
de leurs micelles, et à tel point, que lorsque ces micelles grossissent
par chauffage ou par vieillissement, la propriété complémentaire
ou alexique s'évanouit.
A côté de la destruction extracellulaire des complexes anti-
gène-anticorps par les compléments et les enzymes protéoly-
tiques, il se produit constamment, chez les animaux immuns,
une destruction des antigènes figurés, englobés par les phago-
cytes. Dans l'immunité acquise, l'intensité de la phagocytose
marche de pair avec l'abondance des anticorps. Or, ces derniers
sont libres dans les humeurs ; ils agissent sur les parasites et
non sur les cellules phagocytaires, et forment avec les antigènes
un complexe qui fixe les compléments. Lorsque leur concentra-
tion est notable, et qu'il s'agit d'antigènes très solubles, la des-
truction extracellulaire domine. Dans tous les autres cas, les
antigènes chargés d'anticorps et de complément sont activement
englobés par les phagocytes dont le pouvoir digestif l'emporte
de beaucoup sur celui des humeurs. Immunité antimicrobienne
et phagocytose résultent donc avant tout de l'intervention des
anticorps. Ce sont deux effets autonomes de la même cause dont
l'intensité varie avec les circonstances. Quant à l'immunité anti-
toxique, elle n'offre aucune relation visible avec la phagocytose ;
elle relève uniquement des réactions humorales.

E. — Relations . entre les différents anticorps.

Inséparables des constituants protéiques des humeurs, les


anticorps ne se caractérisent objectivement que par leurs pro-
priétés et leurs réactions. Comme celles-ci sont, en apparence, fort
diverses, les auteurs ont distingué, pour chaque antigène, autant
d'anticorps que d'effets observés. Cependant, lorsqu'on opère
avec des antigènes relativement simples, comme les toxines ou les
venins, et qu'on élimine toutes les réactions- parasites dues aux
protéines associées, on constate un parallélisme étroit dans les
ANTIGÈNESET ANTICORPS 289
divers effets des anticorps sériques. D'où la conception uniciste
de M. Nicolle et Césari, suivant laquelle un anticorps seulement
intervient pour chaque antigène.
Calmette et Massol, les premiers, ont montré la concordance
exacte entre les propriétés neutralisantes des sérum s anti-
venimeux et leurs propriétés précipitantes. « Le sérum de cheval
vacciné contre le venin de cobra précipite ce venin. Ce précipité
n'apparaît qu'au moment où le mélange sérum-venin devient
atoxique et après environ une heure à la température du labo-
ratoire. Il ne se produit plus lorsque le sérum est en excès. Il
en résulte que cette réaction précipitante peut servir à mesurer
approximativement in vitro la valeur antitoxique d'un sérum
antivenimeux. » Cette observation, dont l'importance est capi-
tale au point de vue de l'immunité humorale, devait conduire
M. Nicolle, Césari et Debains, puis Ramon, à l'établissement des
méthodes suivantes de titrage in vitro des antitoxines.
En solutions concentrées, les toxines diphtérique et tétanique
sont précipitées par les antisérums homologues. Ce phénomène
ne se produit pas lorsqu'on emploie des toxines d'une autre
espèce, ou des toxines altérées par un chauffage à 100°, ou des
sérums hétérologues. Il représente donc bien une réaction spéci-
fique entre l'antitoxine et la toxine. Les titres de 300 unités pour
le sérum antidiphtérique, de 4 000 unités pour le sérum anti-
tétanique (méthode in vivo de Roux et L. Martin) correspondent
à la formation d'un précipité net, en une heure, dans les tubes con-
tenant 1 centimètre cube de toxine et 1 centimètre cube de sérum
dilué à 1/50 ; les sérums moins actifs précipitent dans le même
temps, à une concentration plus élevée ; les sérums plus actifs,
à une concentration moindre. En titrant parallèlement in vitro
et in vivo Une série de sérums d'activité variable, on peut ainsi
déterminer les concordances moyennes entre les deus méthodes
et établir une échelle-type de titrage in vitro des antitoxines.
La méthode inverse, qui consiste à faire agir sur un volume
constant de sérum très riche en antitoxine, des volumes décrois-
sants de filtrat homologue, est applicable au titrage des toxines
(M. Nicolle, Césari et Debains).
Les belles recherches de Ramon font apparaître 1 importance
du temps de contact et de la proportion des substances en pré-
sence dans les phénomènes concomitants et parallèles de la flo-
culation et de la neutralisation des toxines par les antitoxines.
En effet, dans une série de tubes contenant une quantité fixe de
Microbiologiegénérale, 2°cklit 19
290 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES
toxine diphtérique et des quantités décroissantes d'antitoxine
homologue, plusieurs d'entre eux, au bout d'un temps variable,
deviennent successivement opalescents, puis floculent. Le mélange
qui flocule le premier est inoffensif pour les animaux. Par consé-
quent, il correspond à une neutralisation exacte et à la satura-
tion réciproque de la toxine par l'antitoxine. Quant aux mélanges
qui floculent plus tardivement et qui contiennent des quantités
de sérum soit immédiatement inférieures, soit immédiatement
supérieures, ils sont, les premiers, de plus en plus toxiques, les
seconds de plus en plus antitoxiques. Connaissant ainsi par la
floculation la quantité d'antitoxine qu'une toxine peut saturer,
il devient facile de mesurer le pouvoir antitoxique d'un sérum
quelconque. La méthode de Ramon s'applique également au
titrage des toxines. Sa simplicité et sa précision sont telles, qu'elle
remplace de plus en plus dans les laboratoires les longues et coû-
teuses méthodes de titrage in vivo.

F. — Genèse des anticorps.


On a d'abord supposé que les anticorps proviennent des anti-
gènes correspondants modifiés par les organismes inoculés.
Mais, comme ils se reforment rapidement après une saignée abon-
dante, en dehors de toute réinjection d'antigène (Roux et Vail-
lard), on dut abandonner cette hypothèse. Metchnikoff les attri-
buait aux phagocytes dont les ferments digèrent les germes en-
globés ; Pfeiffer et Marx, aux organes lymphoïdes; Wassermann,
Deutsch les font naître dans la moelle osseuse ; Chantemesse,
dans les endothéliums vasculaires. Des expériences précises de
Carrel et Ingebrigsten effectuées avec des cultures de ganglions,
de rate et de moelle osseuse de cobaye, en présence de globules
rouges, prouvent que les phagocytes, très abondants dans ces
organes, participent activement à la production des anticorps.
Pour la plupart des auteurs, « les anticorps acquis semblent
bien être des principes nouveaux ». D'autres, au contraire,
admettent qu'ils dérivent des anticorps normaux préexistants
dans le sang des animaux. En réalité, le siège de la formation de
ces substances et le mécanisme qui les engendre restent fort mal
connus. On sait seulement, selon M.Nicolle, que leur apparition et
leur développement sont liés aux trois facteurs suivants : nature
et quantité des antigènes inoculés, animaux traités et mode de
traitement, Les antigènes cellulaires (cellules animales ou micro-
ANTIGÈNESET ANÏICOftPS 291

biennes), qui sont les plus complexes, provoquent à la fois la


formation d'agglutinines et de lysines ; les antigènes humoraux
donnent surtout naissance à des précipitines ; les toxines, aux
antitoxines neutralisantes et floculantes. Sous l'influence des anti-
gènes injectés dans leurs tissus ou leur circulation sanguine, les
animaux supérieurs réagissent de manière fort variable. Tantôt
ils n'élaborent aucune espèce d'anticorps ; tantôt ils n'en élabo-
rent qu'un seul, même sous l'action d'antigènes complexes ;
tantôt enfin ils en fournissent plusieurs. Chez une espèce ani-
male donnée, l'anticorps unique ou dominant peut ne pas cor-
respondre à l'antigène dominant, alors que chez une autre espèce
la correspondance est parfaite entre l'antigène inoculé et l'an-
ticorps produit.
CHAPITRE XXV

HYPERSENSIBILITÉ. ANAPHYLAXlE

A l'égard des divers facteurs morbides, microbes vivants ou


morts, toxines et extraits microbiens, protéines étrangères, les
organismes se montrent tantôt susceptibles (sensibilité normale
naturelle), tantôt insensibles ou réfractaires. La sensibilité natu-
relle peut être accrue par un traitement approprié (hypersensi-
bilité artificielle, active ou passive) ou apparaître spontanément
exagérée chez certains individus (hypersensibilité naturelle anor-
male). Enfin, une espèce naturellement réfractaire peut être
rendue susceptible (sensibilité artificielle), ou contenir des indi-
vidus qui le sont par eux-mêmes (sensibilité naturelle anor-
male).

I. ïlYPKltSENSIlSILITÉACTIVE.

A. — Caractères généraux.

Déjà entrevue par Magendie, Kocb, Behring, J. et P. Courmont,


Rist, l'hypersensiblité artificielle a été mise en évidence, en 1902,
par les expériences suivantes de Portier et Richet. Le poison,
actino-congestine, que ces savants ont extrait des tentacules
d'actinies, tue à la dose de 0m«r,1 par kilogramme, les chiens ino-
culés par la voie veineuse. Les symptômes d'intoxication appa-
raissent quelques heures après l'injection et s'aggravent jus-
qu'à la mort qui survient vers le troisième jour. Des doses plus
faibles provoquent des troubles plus ou moins graves, après quoi
l'animal se rétablit. Si onze ou douze jours après l'inoculation
d'une dose inframortelle, on réinjecte par la voie veineuse, au
même animal, une dose minime d'actino-congestine, inoffensive
pour un sujet neuf, des troubles graves, diarrhée, vomissement,
paraplégie éclatent au bout de quelques secondes, et le chien,
HYPERSENSIBILITÉ;,
ANAPHYLAXIE 293
rendu hypersensible par la première injection de poison, sue-
combe presque immédiatement.
Comme l'a remarqué pour la première fois Théobald Smith,
des phénomènes de même ordre se produisent chez les animaux
soumis à des injections de. substances protéiques étrangères,
dépourvues par elles-mêmes de toute toxicité. C'est ainsi que
des cobayes, inoculés avec du sérum antidiphtérique, succombent
brusquement lorsqu'on leur réinjecte, quelque temps après, une
petite quantité du même sérum dans la oavité péritonéale ou
sous la peau (phénomène de Th. Smith).
En 1903, Arthus observa que chez les lapins inoculés tous les
cinq à dix jours avec du sérum de cheval, la résorption du liquide,
d'abord complète et immédiate, s'effectue de plus en plus lente-
ment, A partir de la troisième ou quatrième injection, des oedèmes,
puis des plaques de gangrène cutanée apparaissent. Ces phéno-
mènes locaux, consécutifs aux réinjections sériques, sont connus
actuellement sous le nom de phénomène cVArthus. Non seulement
les lapins de l'expérience d'Arthus manifestent des troubles
locaux, mais encore, éprouvés par une injection intraveineuse-
de sérum de cheval inoffensive pour les animaux neufs, ils pré-
sentent immédiatement de la dyspnée, de la diarrhée et des con-
vulsions. Parfois même ils succombent.
Ainsi les injections de sérum de cheval engendrent, chez le
lapin et le cobaye, un état d'hypersensibilité, d:anaphylaxie
(Ch. Richet), qui se traduit, lors de la réinjection intravei-
neuse, intrapéritonéale ou sous-cutanée de cette substance, par
une véritable crise, un choc anaphylactique souvent mortel.
Des expériences nombreuses ne tardèrent pas à préciser et à
compléter ces premières notions, Les animaux sensibilisés par
un sérum étranger ne réagissent qu'à la réinjection de ce même
sérum. Par conséquent, l'anaphylaxie est spécifique, Seules sont
anaphylactisantea, sensibilisent et déclanchent la crise,, les pro-
téines provenant d'une espèce différente de celle de l'animal traité :
sérum, lait, blanc d'oeuf, cellules, microbes; protéines végétales
diverses ; et le choc qu'elles déterminent est d'autant plus
brusque et plus intense qu'elles pénètrent plus rapidement dans
la circulation. Celles que la chaleur coagule .(sérum, ovalbumine
perdent peu à peu leurs propriétés caractéristiques sous l'in-
fluence du chauffage, alors que ces propriétés persistent dans Je
lait non coagulable. L'ozonisation, les rayons ultra-violets, la
conversion en acidalbumines et alcalialbumines les rendent égale-
294 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
«ment inoffensives ; la digestion les affaiblit d'autant plus que la
dégradation de la matière protéique est plus prononcée : les
peptones ne sensiblisent pas, ce qui explique le caractère tout à
fait accidentel de l'anaphylaxie par les voies digestives.

B. — Symptômes du choc anaphylactique.

L'antigène sensibilisant peut être introduit par les voies vei-


neuse, sous-cutanée, intrapéritonéale. Une trace rend déjà vul-
nérable le cobaye dont les réactions anaphylactiques sont très
caractéristiques. Chez les autres espèces, des quantités assez
importantes sont nécessaires ; chez le lapin, il convient même de
renouveler les injections préparantes. L'incubation est constante ;
sa durée dépend de l'animal choisi et de la dose injectée ; elle
est en moyenne de dix à douze jours chez le cobaye. L'état d'hy-
persensibilité persiste souvent pendant plusieurs années.
On peut réaliser l'épreuve anaphylactique, comme la prépara-
tion, par diverses voies : l'injection intraveineuse, la plus sévère,
donne les résultats les plus constants. Les accidents observés
sont liés à la dose inoculée, à la voie de l'injection et à l'espèce
animale. Ils apparaissent immédiatement après l'épreuve intra-
veineuse, intracérébrale ou intrapéritonéale ; quelques minutes
plus tard après l'épreuve sous-cutanée. Dans les cas graves, chez
le cobaye, on note de l'agitation, des soubresauts convulsifs
avec suffocation brutale ; puis coma progressif accompagné du
ralentissement croissant de la respiration, émission de matières
fécales et d'urine par relâchement des sphincters anal et vésical.
La mort survient en trois à cinq minutes. Dans les cas bénins,
le retour à la santé s'effectue rapidement. Chez le lapin, la crise
se traduit par l'asphyxie tantôt brusque, tantôt lente ; la phase
d'excitation est plus courte que chez le cobaye. Le chien présente
du collàpsus avec dyspnée croissante et chute considérable de
la pression artérielle, ou de l'excitation, puis de la dépression,
narcose et ralentissement progressif de la respiration. Les vomis-
sements sont constants et la crise se termine par la guérison com-
plète en trente minutes environ, ou par la mort qui survient
après quelques heures. A l'autopsie on trouve chez toutes ces
espèces, de la congestion hémorragique des viscères abdomi-
naux, parfois du poumon et du coeur.
L'abaissement de la pression sanguine constitue le symptôme
dominant du choc anaphylactique. Biedl et JCraus l'attribuent
HYPERSENSIBILITE.ANAPIIYLAXIE 295
à une défaillance des vaso-moteurs, mais sa cause essentielle
paraît être la dépression cardiaque (Gley et Pachon). Chez les
animaux rendus hypersensibles, tout le système musculaire
lisse réagit à l'injection déchaînante. Il est facile de le constater
in vitro en comparant la contractilité, au contact d'un sérum,
des organes à fibres lisses provenant de cobayes normaux et des
mêmes organes provenant de cobayes sensibilisés par ce même
antigène (Schulze, Dale, Launoy). On prélève, par exemple,
l'utérus d'un cobaye femelle préalablement traité par le sérum
équin, et on y fait circuler, d'abord du liquide de llinger, ensuite
de 1"antigène très dilué : l'organe se contracte, puis cesse de réa-
gir ; il est alors désensibilisé (Dale).
Notons enfin, parmi les symptômes cardinaux du choc : l'in-
coagulabilité du sang, surtout prononcée chez le chien ; l'abaisse-
ment de la température dans les cas graves (Pfeiffer) ; l'hyper -
thermie, au contraire, dans les cas bénins ; l'hypoleucocytose"
intéressant principalement les polynucléaires (Biedl et Kraus) ;
la diminution ou la disparition des plaquettes (Aehard et Aynaucl)
et l'accroissement du nombre des leucocytes éosinophiles a.u
cours du rétablissement (Schlecht). Quelle que soit la nature des
protéines anaphylactisantes, les signes du choc sont toujours
identiques chez une même espèce animale.

II. — Hypersensibilité passive.

Quand on administre à des sujets de la même espèce, ou d'es-


pèce différente, le sérum d'individus fortement sensibilisés, on
leur transmet l'état d'hypersensibilité vis-à-vis du même anti-
gène. Cette hypersensibilité passive, découverte par Maurice
Nicolle au cours de ses expériences sur le phénomène d'Arthus,
est spécifique. Elle s'établit chez le cobaye en quelques heures ;
chez le lapin et chez le chien, elle apparaît immédiatement. Sa
durée varie beaucoup selon les circonstances et les espèces ani-
males : vingt-quatre heures chez le lapin, vingt jours chez le
chien. A l'hypersensibilité passive se rattache Yhyper sensibilité
héréditaire, comme l'immunité héréditaire se rattache à l'immunité
passive.
III. — Hypersensibilité locale.

Chez les lapins prépaies et éprouvés par des injections sous,


cutanées de sérum de cheval, la résorption du liquide s'effectue
296 ACTIOXPATHOGENEDES MICKOBES
avec une lenteur croissante. A partir de la troisième ou quatrième
injection, on observe des oedèmes plus ou moins étendus, puis de
la nécrose (phénomène d'Arthus). Le cobaye et l'homme, mais
non le chien, présentent, dans les mêmes conditions, des phéno-
mènes identiques, à des degrés divers. M. Nicolle a réussi à trans-
mettre cette forme d'hypersensibilité à des lapins normaux
en leur injectant, dans la cavité péritoncale, 50 à 60 centi-
mètres cubes de sérum de lapin-anticheval. Vingt-quatre heures
après, une injection sous-cutanée de 1 à 2 centimètres cubes de
sérum chauffe de cheval, provoque chez ces animaux un oedème
inflammatoire, caractéristique.
Quant à l'hypersensibilité locale aux protéines microbiennes
et à leurs poisons, elle varie d'intensité selon les espèces animales
et la nature des germes. Elle est spécifique et se manifeste, lors
d'injections sous-cutanées répétées, par des oedèmes de plus en
plus précoces et durables, des abcès, parfois de la nécrose d'em-
blée (phénomène de Koch chez les cobayes tuberculeux, dont les
diverses modalités sont bien connues depuis les travaux de Besan-
çon et de Serbonne) et, lors d'injections intrapéritouéales, par
une violente inflammation locale et une intoxication brusque,
parfois mortelle (phénomène de Bail chez les cobayes tubercu-
leux, étudié en France par llist, Kindberg et Rolland, Burnct).

IV. -—Désensibilisation ou anti-anapuylaxie.

Les cobayes sensibilisés, puis éprouvés et guéris du choc anaphy-


lactique, se comportent comme des cobayes neufs à l'égard d'une
nouvelle injection d'antigène. On dit qu'ils sont désensibilisés
(Rosenau et Anderson, Besredka et Steinhardt, Otto). Cette
désensibilisation peut être encore obtenue, même en l'absence
de choc, en effectuant lentement l'injection déchaînante, en
diluant l'antigène d'épreuve ou en l'administrant par doses frac-
tionnées, comme l'a fait Besredka. Enfin on réussit à désensi-
biliser les cobayes en réinjectant l'antigène avant l'apparition
de l'état anaphylactique ou en supprimant le choc par la narcose
au moyen de l'éther ou par l'alcool (Besredka), le chloral ou
l'atropine.
HYPERSENSIBILITÉ.
ANAPHYLAXIE 297

V. MÉCANISMEDES RÉACTIONS
ANAPHYLACTIQUES.
Comme l'immunité, les réactions anaphylactiques ont été
attribuées à la présence de substances spécifiques élaborées par
l'organisme sous l'influence de l'antigène injecté.
1° Théories humorales. — Pour Ch. Richet, toute injection
d'antigène sensibilisant provoque la formation d'une substance
nouvelle, la toxogénine, non toxique directement, mais suscep-
tible de le devenir en se transformant en a/potoxine, poison du
système nerveux, par combinaison avec l'antigène au moment de
l'injection d'épreuve.

Toxogénine + antigène = apotoxine


De même, Von Pirquet et Schick admettent que des anticorps
se forment pendant la période d'incubation, et que le choc ana-
phylactique résulte de la combinaison de ces anticorps avec l'an-
tigène homologue réinjecté.
Cette hypothèse d'une réaction anticorps-antigène, respon-
sable du choc anaphylactique, paraît confirmée par l'histoire de
l'hypersensibilité passive et par l'effet mortel, pour les animaux
neufs, de l'injection intraveineuse d'un mélange d'antigène et
d'anticorps. Cependant Vaughan suggéra l'idée que les protéines
étrangères, injectées par une voie parentérale, sont décomposées
par des enzymes spécifiques, élaborées par les cellules pendant la
période latente ou préanapliulactique. Toute molécule protéique
serait constituée, d'après Vaughan, par un noyau toxique com-
mun à toutes les protéines et par des groupes non toxiques qui,
par leur nombre et leurs modes d'association, conféreraient à ces
substances leur spécificité. La similitude ou l'identité des symp-
tômes du choc anaphylactique, quelle que soit l'espèce de pro-
téine injectée, correspondrait à la libération du noyau toxique
commun. Quant à la sensibilisation passive, elle serait due à la
transmission aux animaux neufs, des enzymes spécifiques véhi-
culées par le sang. «
Comme les symptômes du choc anajihylactique : vomisse-
ments, diarrhée, incoagulabilité du sang, chute de la pression
sanguine, mort rapide sont analogues aux symptômes de l'intoxi-
cation peptonique, de Waele, Biedl et Kraus ont supposé que le
sérum des animaux hypersensibles acquiert la propriété de digé-
rer les substances anaphylactogènes et de lès transformer en pep-
298 ACTIONPATHOGÈNEDES IWrt'UOBES
tones toxiques. Mais il suffît de rappeler que la dose mortelle
de peptone est 5 000 fois plus élevée que la dose mortelle de pro-
téine à l'égard d'un cobaye hypcrsensibjlisé, pour montrer
l'inexactitude de cette conception.
Friedberger assimile l'anticorps anaphylactique à l'anticorps
précipitant. En se combinant avec l'antigène au moment de la
deuxième injection, l'anticorps donne naissance à un précipité.
Non toxique pat lui-même, ce précipité le devient en se transfor-
mant, sous l'influence de l'alexine du sang, en anaphylatoxine,
responsable de la crise anaphylactique.
Cette anaphylatoxine se l'orme même in vitro quand on met
en contact de l'alexine, du sérum d'animal hypersensible et
l'antigène correspondant : le liquide surnageant injecté à
des cobayes neufs, par la voie veineuse, les tue en quelques
minutes avec tous les symptômes du choc. L'alexine agirait à la
manière d'une enzyme en décomposant l'antigène chargé d'an-
ticorps. Lorsqu'elle l'ait défaut, l'anaphylatoxine ne se forme pas.
En réalité, comme l'a montré Bordet, le poison qui détermine les
symptômes typiques du choc prend naissance, sans aucune inter-
vention d'anticorps ou d'antigène, aux dépens de scrums quel-
conques, ou même de gélose privée des matières azotées qui lui
sont associées (pararabine) : le sérum frais de cobaye normal,
laissé en contact pendant une ou deux heures avec de la gélose,
devient toxique pour le cobaye neuf ; inoculé dans la jugulaire,
il provoque une mort rapide avec tous les signes de la crise ana-
phylactique. La suspension en eau physiologique d'inuline pré-
parée à froid (Nathan), le pectate de soude (Kopaczewski et
Mutermilch) agissent comme la gélose. D'autre part, les injec-
tions intraveineuses de solutions gélosées tuent également les
cobayes. Par conséquent, le choc serait dû non pas à un poison
issu de protéines étrangères, mais à des substances présentes
dans l'organisme injecté. La gélose et divers colloïdes adsorbe-
raient non seulement les « substances antagonistes », mais encore
le complément et les enzymes du sérum, d'où l'apparition d'un
précipité révélateur. Les matières protéiques de ce sérum se
trouvent ensuite désintégrées par les diastases albuminoly-
tiques. comme le montre l'analyse chimique. Ainsi transfor-
mées en substances toxiques, elles provoquent les symptômes
typiques du choc.
Les cellules, les microbes, la gélose et l'amidon', susceptibles de
transformer le sérum frais en anaphylatoxine, agiraient d'après,
HYPERSENSIBILITÉ.
ANAPHYLAXIE 299

Jobling et Petersen, en adsorbant l'antitrypsine que ce sérum


contient normalement et en favorisant sa décomposition auto-
protéolytique en poisons responsables de la crise anaphylac-
tique. On peut « dénuder » également le sérum soit en dissolvant
ses acides gras au moyen de Péther ou du chloroforme, soit en
les saturant d'iode. Inversement, on rend le sérum «dénudé »
inoffensif en lui restituant ces acides sous forme de savons.
Dans un même ordre d'idées, l'hypothèse des ferments protéo-
lytiques du sang émise, par Abderhalden, a été appliquée à l'ana-
phylaxie. On sait que, normalement, la dégradation des matières
albuminoïdes ingérées s'opère dans le tube digestif, et qu'elle se
poursuit sous l'influence des enzymes de l'intestin, jusqu'au
stade des acides aminés. Ceux-ci, dépourvus de toute toxicité,
sont ensuite absorbés et synthétisés sous la forme de protéines
homologues. Parfois, cependant, des molécules de protéines ingé-
rées échappent à l'action des sucs digestifs et pénètrent intactes
dans la circulation. Elles sont alors décomposées par les en-
zymes du sang. Certains des produits intermédiaires de,cette
dégradation sont toxiques, mais ils se trouvent en quantité trop
faible pour déterminer un empoisonnement. Chez l'animal sensi-
bilisé par une injection de protéine étrangère, la sécrétion des
enzymes spécifiques du sang est considérablement exagérée. Lors
de la réinjection de la même substance, ces enzymes, étroitement
adaptées à sa décomposition, la désintègrent brusquement, et
les produits intermédiaires, toxiques, libérés en abondance, dé-
chaînent la crise anaphylactique (Abderhalden, Wells).
Parmi les corps intermédiaires toxiques de la digestion paren-
térale des protéines, le plus important est un dérivé de Yhisti-
dine, la [5 imidazoéthylamine ou histamine, dont l'injection à
un sujet normal engendre des symptômes analogues au choc
anaphylactique.
2° Théories physiques. — Nolf rejette l'hypothèse de la forma-
tion d'une substance toxique, responsable du choc anaphylac-
tique, et émet cette idée que les réactions d'hypersensibilité sont
d'ordre purement physique. La simple rupture de l'équilibre
colloïdal des humeurs, qui provoque un dépôt de fibrine sur les
leucocytes et l'endothélium vasculaire, rendrait suffisamment
compte des modifications anatomiques et fonctionnelles obser-
vées. C'est aussi, avec quelques variantes, l'opinion d'A. Lu-
mière et de Widal.
• 3° Théorie cellulaire. — Il résulte des expériences de Schulz
300 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

Manwaring et Dale, que la réaction antigène-anticorps, d'où


résulte la crise d'hypersensibilité, ne se produit pas exclusive-
ment dans les humeurs, et que les cellules fixes des tissus y
participent d'une manière prépondérante. C'est ainsi que les
organes d'un cobaye sensibilisé, riches en fibres musculaires lisses
(intestin, utérus, aorte, veine cave), lavés et privés de sang, se
contractent beaucoup plus énergiquement au contact de l'anti-
gène employé pour la sensibilisation que les mêmes organes du
cobaye normal.
4° Théorie de M. Nicolle et Cémri, — M. Nicolle et Césari inter-
prètent et schématisent comme il suit les phénomènes observés.
Les compléments que l'on voit disparaître au cours de l'épreuve
anaphylactique se fixent sur le système colloïdal antigène-
anticorps et en disséminent les micelles. Chez le cobaye active-
ment sensibilisé par de faibles closes de sérum, il n'existe que
peu d'anticorps circulant. Dès qu'on introduit l'antigène, ces
anticorps se trouvent fixés. Suivant la loi d'accélération, une
nouvelle quantité d'anticorps, issue des éléments formateurs,
et supérieure à la première, apparaît. Chez les sujets fortement
sensibilisés, la masse d'anticorps disponibles s'accroît, et la réac-
tion correspondante est plus marquée, C'est donc clans les hu-
meurs que s'opère le conflit, mais au fur et à mesure de l'arrivée
des anticorps formés par les cellules.
Dans l'expérience de Dale, l'antigène injecté dans l'utérus
sensibilisé fixe l'anticorps, vraisemblablement produit par les
endothéliums vasculaires, et le poison engendré par l'effondre-
ment du complexe antigène-anticorps excite au passage les fibres
lisses qui se contractent.

VI. — Allergie.
Un organisme soumis à l'action d'un antigène s microbes vi-
vants, microbes morts, extraits microbiens, protéines diverses,
réagit d'une manière autre qu'un sujet neuf lorsqu'on le soumet
à une nouvelle injection de la même substance.
En ce qui concerne les microbes vivants, tantôt les sujets
déjà infectés deviennent insensibles à la réinoculation virulente,
tantôt, au contraire, beaucoup plus sensibles que les sujets neufs.
Tel individu vacciné contre la variole se montre complètement
réfractaire à une seconde inoculation de lymphe vaccinale ;
tel autre présente, après, une incubation de très courte durée.
HYPERSENSIBILITÉ.
ANAPHYLAXIË SOI
une pustule de réinfection bénigne, atypique, avortée, qui dis-
paraît rapidement.
Des phénomènes de même ordre ont été observés, en dehors
de toute réaction locale aux protéines microbiennes, chez les
singes soumis à des inoculations successives de lépromes (Ch. Ni-
colle) et chez les chevaux inoculés à vjlusieurs reprises avec des
cultures de cryjDtocoques de Rivolta, pendant toute la période
qui précède l'apparition de l'immunité (A. Boquet et L. Nègre) :
les lésions consécutives aux réinoculations virulentes appa-
raissent après une période d'incubation de plus, en plus courte
et leur évolution est accélérée par rapport à celle de la lésion
première.
Von Pifquet a donné le nom d'allergie à l'état particulier
des organismes dont la réaction aux antigènes est ainsi chan-
gée. Sous certaines influences, comme la rougeole à l'égard du
virus de la vaccine, cette allergie s'évanouit temporairement
(Netter).
Nombre d'auteurs américains, Coca en particulier, considèrent
comme allergiques tous les phénomènes d'hypersensibilité qu'on
ne peut attribuer à une réaction antigène-anticorps. Les réac-
tions allergiques Seraient donc 'différentes des réactions anaphy-
lactiques et on désigne sous le nom d'allergènes tous les agents
qui les provoquent. Parmi ces derniers, quelques-uns ont néan-
moins des propriétés antigènes, en ce sens qu'ils déterminent
la formation d'anticorps chez les animaux auxquels ils sont injec-
tés ; la plupart en Sont complètement dépourvus. Les uns sont
naturellement toxiques à haute dose ; d'autres comme le sérum
de cheval, les protéines alimentaires, le pollen sont inoffènsifs.
De même que les symptômes anaphylactiques, les symptômes
allergiques sont locaux (oedème, congestion des muqueuses, érup-
tions cutanées) et généraux (frissons, fièvre, dyspnée, vomisse-
ments, chute de la pression sanguine et, parfois, mort). Ils se
produisent dès là première injection de l'allergène, niais ils appa-
raissent avec une intensité beaucoup plus grande et après une
période d'incubation raccourcie lors dès réinjections ultérieures.
On les observe à dés degrés divers dans les différentes formes de
l'allergie : hypersensibilité aux substances médicamenteuses du
idiosyncrasie (halogènes, alcaloïdes, iodoforme, antipyrme, etc.),
maladie sérique, fièvre des foins.
Assez facile à obtenir dans l'hypersensibilité aux médica-
ments et dans la fièvre des foins, la désensibilisation échoUe
5302 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
dans la prévention de la maladie du sérum que, contrairement
à Coca, M. Nicolle et de nombreux auteurs, attribuent à l'ingé-
rence d'un anticorps normal.

VII. — Sensibilité a la tuberculine (Koch), a la malléine


(Helman etKalnixg), a la luétine (Noguciii), a la mélitine
(Burnet) et aux piîonuiTS analogues.

Les animaux sensibilisés avec des protéines microbiennes réa-


gissent par un véritable choc à l'injection ultérieure du même anti-
gène. Mais la réaction à la tuberculine présente des caractères
singuliers. On sait que la sensibilité tuberculinique n'existe que
chez les sujets tuberculeux. Elle se manifeste par une triple
réaction locale, générale et focale qui débute quelques heures
après l'administration de tuberculine et persiste douze à vingt-
quatre et trente-six heures, avec une intensité proportionnelle
à la dose injectée et à la rapidité de l'absorption. La réaction
locale (congestion, exsudation, nécrose) se montre typique lors
des épreuves oculaire et cutanée ; la réaction générale se traduit
par de la fièvre: dans les cas extrêmes, l'hypothermie succède à
l'hyperthermie, et la mort survient. Les réactions focales con-
sistent dans la congestion des lésions tuberculeuses.
Toutes ces réactions sont spécifiques. Elles n'apparaissent
généralement que chez les individus infectés par le bacille de
Koch, mais elles peuvent faire défaut chez les malades avancés,
ou sous l'influence du traitement tuberculinique {accoutumance).
On note les mêmes anomalies au cours de la grossesse, de la
rougeole, de la grippe, etc.. (anergie). Fait curieux, une réinjec-
tion de tuberculine chez un tuberculeux peut réveiller une
réaction aux points des injections antérieures.
Cependant la tuberculine, qui paraît constituée par des poly-
peptides, ne présente pas les principaux caractères des antigènes ;
en particulier elle ne provoque pas la formation d'anticorps spé-
cifiques chez les animaux neufs. D'autre part, la réaction géné-
rale qu'elle produit chez les sujets tuberculeux, diffère du choc
anaphylactique par son incubation, sa durée et sa symptomato-
logie. Cette dernière rappelle davantage la maladie sérique tra-
duite par de la fièvre, des éruptions localisées ou généralisées,
de Parthralgie, des tuméfactions ganglionnaires, etc. Aussi,
avant d'ébaucher un essai d'explication de la réaction tubercu-
linique, convient-il de déterminer par l'expérience s'il existe bien,
HYPERSENSIBILITÉ.
ANAPHYLAXIÈ 303
comme on le croit actuellement, un parallélisme strict entre la
faculté antigène active, ou pouvoir d'engendrer les anticorps, et la
faculté antigène passive, ou pouvoir de leur répondre (M. Nicolle
et Césari).
A la sensibilité à la tuberculine, à la malléine, à la mélitine,
s'associe toujours, chez les sujets infectés, la sensibilité aux pro-
téines microbiennes correspondantes. Des cobayes tuberculeux,
par exemple, peuvent mourir d'emphysème brutal après une
injection intraveineuse de bacilles, de Koch ou d'extraits bacil-
laires, riches en albùminoïdes. Le phénomène de Koch, les lésions
cutanées décrites par M. Nicolle chez les cobayes morveux après
une injection sous-cutanée de germes homologues, vivants ou
morts, les réactions observées par Burnet chez les animaux et
l'homme sensibilisés par le B. abortus et M. melitensis, ne
laissent aucun cloute sur les relations étroites qui unissent
ces deux modes de l'hypersensibilité.

VIII. — Hypersensibilité aux toxines.

Chaque espèce de toxine produit, chez les animaux sensibles,


des effets définis, parfois après une incubation plus ou moins
longue. En outre, lors de réinjections successives, toutes les
toxines microbiennes se montrent capables d'engendrer des
troubles différents des précédents, troubles qui apparaissent sans
période incubatoire véritable et dont les caractères sont iden-
tiques, quelle que soit la nature du poison injecté. Dans ce dernier,
cas, on dit que les animaux sont devenus hypersensibles.
Les premiers exemples de cette hypersensibilité aux toxines
furent observés par Behring sur des chevaux fortement immu-
nisés contre le tétanos par la voie sous-cutanée. Après chaque
injection de tétanine, ces animaux présentaient des oedèmes
de plus en plus volumineux et, parfois, des accidents généraux
graves {syndrome de Behring : dyspnée, titubation, frissons,
chute, arrêt respiratoire final).
Des accidents de même ordre se manifestent 1chez les chevaux
immunisés contre la toxine diphtérique (L. Martin), ou préparés
au moyen d'injections intraveineuses d'extraits bactériens divers
(Debains et Nicolas).. On peut les éviter en n'employant que des
toxines iodées ou des mélanges de toxine et d'antitoxine et en
injectant lentement l'antigène très dilué (M. Nicolle, Frasey,
Debains et Nicolas).
CHAPITRE XXVI

THÉRAPEUTIQUE PRÉVENTIVE DES


MALADIES INFECTIEUSES.
IMMUNISATION

On distingue l'immunisation active, lente, solide, durable,


conférée par les microbes virulents, les vaccins (microbes vivants,
atténués, microbes morts), les extraits microbiens ou les toxines,
et Vjmmunisation passive presque immédiate, mais de courte durée,
conférée par l'injection de sérum d'animaux hyperimmunisés.

I. — Immunisation active.
Si la pratique empirique des inoculations virulentes en vue de
protéger les animaux contre l'infection naturelle correspondante
(clavelisation des moutons, inoculation de virus péripneumo-
nique aux bovidés, variolisation de l'homme) est fort ancienne,
c'est à Jenner que nous devons la première méthode rationnelle
d'immunisation active au moyen d'un virus atténué, le cow-pox,
dont l'inoculation à l'homme le met à l'abri des atteintes de la
variole pendant plusieurs années.
Fondée sur l'observation, la méthode dé Jenner ouvrit à Pas-
teur la voie de ses incomparables découvertes.
Puisqu'on rencontre dans la nature des virus spontanément
atténués et susceptibles de protéger l'homme contre la variole, la
méthode expérimentale doit permettre de modifier la virulence
des microbes, et de les affaiblir assez pour que, inoculés aux
espèces sensibles, ils leur communiquent une maladie bénigne,
suffisante toutefois pour engendrer l'état réfractaire.
Tel est le problème que s'est posé Pasteur. On sait comment,
avec la collaboration de Chamberland et de Roux, il l'a résolu.
La vaccination contre le choléra des poules, le 'charbon et
le rouget d'une part, la vaccination antirabique de l'autre,
PRÉVENTIVE.IMMUNISATION
THÉRAPEUTIQUE 305
constituent autant de modèles classiques de recherche expérimen-
tale que seule la sérothérapie a pu égaler.

A. — Vaecins pastoriens et vaccinations pastoriennes.


1° Vaccination contre le choléra des poules. — Conservé à l'obs-
curité et à l'abri de la chaleur, le microbe du choléra des poules
perd peu à peu sa virulence initiale. Après un certain temps, il
devient incapable de tuer les animaux inoculés ; puis sa virulence
disparaît complètement. L'atténuation ainsi obtenue est fixe et
se transmet héréditairement, de culture en culture. Dans la
pratique, on inùcule sous la peau de l'aile, d'abord un virus très
atténué (premier vaccin) et, douze jours plus tard, un virus phis
actif (deuxième vaccin). Il se produit, localement, une légère
eschare.
L'immunité commence huit à dix jours après la deuxième
inoculation et dure plus d'un an.
2° Vaccination anticharbonneuse. — Pour les germes du char-
bon, qui se reproduisent par des spores, les phénomènes sont plus
complexes. Néanmoins, un artifice expérimental permet d'obte-
nir des races atténuées vaccinantes.
Lorsqu'on cultive la bactéridie très virulente dans du bouil-
lon de poule à 42-43°, et qu'on abandonne la culture au large
Contact de l'air, la sporulation ne s'effectue pas. « Dès lors la
bactéridie s'atténue de jour en jour, d'heure en heure et finit
par devenir si peu virulente, qu'on est contraint pour manifester
en elle un reste d'action, de recourir â des cobayes d'un jour »
(Pasteur, Chamberland et Roux). Après quarante-trois jours,
le microbe a perdu tout pouvoir pathogène, même pour les
souris et les cobayes nouveau-nés ; après trente et un jours, il
tue encore les souris, mais non les cobayes, les lapins et les mou-
tons ; après douze jours, il ne tue plus les cobayes adultes. Lors-
qu'on reporte les bactéridies atténuées à une température
de 37-38°, elles donnent des spores. Mais les Cultures-filles
conservent le même degré d'atténuation que la culture mycé-
lienne dont elles proviennent. En transplantant à 38°, des cultures
atténuées par Un séjour plus ou moins prolongé à 42-43°, on
obtient des races fixées de bactéridies, différant entre elles par
l'intensité de ieUrs propriétés pathogènes, depuis la bactéridie
type, dont i'inoculation est mortelle pour tous les animaux récep-
tifs, jusqu'à la forme totalement dégradée, presque saprophyte,
Microbiologiegénérale, 2"édit. 20
806 ACTIONPATHOGÈNEDES MICKOISES
devenue incapable de provoquer le charbon, même chez les ani-
maux les plus.sensibles.
On vaccine les bovidés et les moutons en leur injectant sous
la peau, à douze jours d'intervalle, d'abord un virus très affaibli,
avirulent jiour le lapin et le cobaye, mais virulent pour la souris
(premier vaccin), puis un virus plus actif, avirulent pour le lapin,
mais virulent pour le cobaye et la souris (deuxième vaccin).
L'immunité est, en général, complète vers le quinzième- jour
après la' deuxième inoculation. Elle dure environ une année. On
observe parfois, peu après la vaccination, un mouvement fébrile
passager ; des oedèmes plus ou moins étendus peuvent même
apparaître au point d'inoculation chez le boeuf, le mouton et,
plus souvent, chez le cheval. Mais tous ces symptômes se dissipent
en quelques jours, et les animaux recouvrent une santé par-
faite. La mort est exceptionnelle.
La méthode d'atténuation pastorienne a été également appli-
quée au bacille du rouget du porc, dont les cultures setransforment
aisément en vaccin par le seul effet du vieillissement à l'étuve
(Pasteur et Thuillier).
3° Vaccination antirabique. — L'atténuation héréditaire d'un
microbe pathogène pour une espèce animale et sa transforma-
tion en virus-vaccin peuvent être encore réalisées p ar l'inoculation
à un animal d'une autre espèce. Ainsi le bacille du rouget du
porc, inoculé en série au lapin, devient de plus en plus virulent
pour cet animal, mais de moins en moins actif pour le porc
(Pasteur et Thuillier).
La préparation du vaccin antirabique que nous devons à Pas-
teur, Chamberland et Roux, comporte la transformation préa-
lable du virus des rues, qui se multiplie en grande abondance
dans le cerveau des chiens enragés, mais dont l'activité est très
variable, en virus fixe, caractérisé par la constance et la régularité
de ses effets pathogènes. Cette transformation est obtenue par
l'inoculation intracérébrale, en série, du virus des rues au lapin.
Elle se traduit par le raccourcissement progressif de l'incubation
qui, après plusieurs passages se fixe à six jours.
En même temps, que l'activité du virus s'accroît pour- le
lapin, elle diminue à l'égard de l'homme. Mais pour abolir tota-
lement ses propriétés pathogènes, il est nécessaire de com-
pléter son atténuation par l'exposition à l'air libre, à 20°, dans
une atmosphère sèche, des moelles qui le contiennent. En dimi-
nuant la durée de cette exposition pour une série de moelles
PRÉVENTIVE.IMMUNISATION
THÉRAPEUTIQUE 30t
de lapins, on prépare des vaccins de plus en plus actifs, dont
l'inoculation successive aux organismes réceptifs produit
l'immunité.
Non seulement cette vaccination antirabique protège les
animaux contre l'inoculation d'épreuve, mais encore, instituée
pendant la période d'incubation, peu après la morsure virulente,
elle prévient l'éclosion de la maladie. Modèle d'immunisation
pastorienne, la vaccination antirabique est donc aussi le pre-
mier exemple d'antigénothérapie dont nous parlerons plus loin.

B. — Vaccination antituberculeuse.
Les bovidés sont naturellement peu sensibles aux bacilles
tuberculeux humains. Inoculés à des veaux par la voie veineuse,
ces microbes ne déterminent que des troubles trophiques fugaces
et de fines lésions noduleuses pulmonaires qui régressent lente-
ment. Ces faits, observés par Behring, l'incitèrent à tenter la
vaccination des bovidés en leur inoculant, à deux reprises, dans
la veine, des bacilles atténués du type humain. Mais ce bovo-
vaccin se montrait parfois virulent pour le cobaye et, en élimi-
nant avec leurs déjections et le lait des germes redev'enus actifs,
les animaux vaccinés restaient dangereux pour l'homme.De tels
inconvénients s'ajoutant à l'irrégularité de l'immunisation,
firent échouer la méthode de Behring.
Au lieu de chercher à vacciner les bovidés au moyen de ba-
cilles naturellement avirulents ou peu pathogènes pour ces ani-
maux, Calmette et Guérin se sont appliqués à résoudre le pro-
olème suivant : modifier les propriétés physiologiques d'un bacille
de Koch normal en le cultivant dans des conditions spéciales,
faire disparaître son pouvoir tuberculigène, tout en conservant
ses propriétés immunisantes, et fixer héréditairement l'atténua-
tion ainsi obtenue.
Les bacilles-vaccins de Calmette et Guérin ont pour origine
une souche virulente bovine. Leur atténuation est survenue
progressivement, à la suite de passages effectués en série sur la
pomme de terre cuite dans de la bile'glycérinée à 5 p. 100. Après
quatre ans de culture sur ce milieu, les bacilles tuberculisaient
encore le cheval, mais non le boeuf. Après "treize ans, ils sont
devenus inolïensifs pour toutes les espèces animales et, ni le
passage dans l'organisme du boeuf ou du cobaye, ni la culture
sur des milieux non additionnés de bile ne leur restituent leur
308 v ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
virulence initiale. Inoculés a la dose de 20 milligrammes par la .
voië„yëineusé où de 50 milligrammes par la voie sous-cutanéë,
ils confèrent aux bovidés, pendant une année environ, une résis-
tance telle, que ces animaux restent absolument indemnes après
Une épreuve virulente mbrtellë en quelques semaines pour les
témoins.
Afin d'obtenir Une immunité plus durable, Vallée a préconisé
l'injection sbus-cutânée de bacilles naturellement avirUlents
pour le boeuf et rendus irrésbrbâblës par émulsion dans de l'huile
de vaseline additionnée de grès porphyrisé.

C, — Vaccination au moyen de microbes modifiés far le chauffage.


Les tumeurs du charbon symptomatitjue broyées, séchéës et
"chauffées lés Unes à 100-104° pendant sept heures, les autres à
90-94° pendant le même temps, fournissent un premier et Un
'deuxième vaccin couramment employés dans la pratique vétéri-
naire (Àrloing, Cofnëvin et Thomas). On leur préfère généfalë-
mëirt les vaccins de Leclainche et Vallée qui consistent en des
cultures pures de B. Chauvoei chauffées à 65-70° pendant trois
heures,

D. — Vaccination au moyen de microbes tués par le chauffage on


par des substances antiseptiques.
Les premiers essais de vaccination au moyen de microbes
tirés ont été effectués eii 1887 par Salmoii et Smith avec l'agent
supposé dii hbg-ëhblêfa. Ces tentatives furent suivies dé celles de
Gamaléià pouf le Vibrîo MèichnikoOi, de Chàfriii et Roger pouf
le bacille pyocyahique et ïë stfeptocoquë, de Chàritëmësse et
Widal pour le bacille typhique. Après les travaux de Wright,
Pfeifi'er et Kolle, Chantemesse, Widal et Vincent, la vaccination
ànti-typhoi'dique et antipâratyphoïdiqùe devait être appliquée
dans le monde entier. Citons encore les vaccins âhtipesteiix d'ÎIaff-
kine, Yersin, [Borrel et Calmette, le vaccin anticholërique de
Kolle, les vaccins ahtidyselitéfiqûes, ahtipneumococciqùes, etc. •
La stérilisation des germes est obtenue soit par Un chauffage a
une température et pendant un temps suffisants, soit par l'addi-
tion d'antiseptiques : alcool-éther (M. Nicolle), ethef (Vincent),
chloroforme, fluorure de sodium (Ch. Nicolle et L. Blaizot), iode
(Ranque et Senez), etc...
THÉRAPEUTIQUE
PRÉVENTIVE.IMMUNISATION 309
On injecte sous la peau, à une ou plusieurs reprises, un nombre
déterminé de microbes émulsionnés dans l'eau physiologique ou,
mieux, dans l'huile, qui ralentit leur résorption et diminue
leurs effets toxiques (Iipo-vaccins de Le Moignic et Pinqy),

E, — Vaccination au moyen des toxines et des extraits microbiens.


Nous savons qu'un grand nombre de microbes agissent sur les
organismes par l'intermédiaire de leurs toxines, qui provoquent
des symptômes caractéristiques (tétanos, diphtérie, botulisme).
D'autre part, diverses maladies toxiniques laissent après elles,
comme plusieurs maladies microbiennes pures, une véritable
immunité spécifique (tétanos, charbon symptomatique, gangrène
gazeuse). Donc, il doit être possible de réaliser expérimentale-
ment l'immunité antitoxique comme Pasteur et ses collabora-
teurs ont réalisé l'immunité antimicrobienne. C'est ce que dé-
montra, pour 1a première fois, E. Roux (1887) en vaccinant des
animaux contre la gangrène gazeuse et le charbon symptomatique
par l'injection de sérosités filtrées, provenant d'animaux malades.
On peut également immuniser contre le tétanos des animaux
très sensibles, comme le lapin et le cobaye, en leur injectant des
'
cultures chauffées à des températures décroissantes de 60, 55,
50°, puis des cultures fraîches de bacille tétanique. L'immunité
ainsi conférée persiste pendant au moins une année (Vaillard).
Le cheval, le mouton le lapin et même le cobaye, traités par
des injections à doses croissantes de toxine tétanique additionnée
de trichlorure d'iode (Behring et Kitasato), d'iode (E. Roux),
d'eau chlorée (Tizzoni et Cattani) deviennent réfractaires au
tétanos. Mais, sauf un essaj de Vallée et Bazy chez l'homme, avec
la toxine tétanique iodée, ces méthodes n'ont guère été appli-
quées qu'à l'immunisation des animaux producteurs d'anti-
toxine.
L'immunité du cobaye contre la diphtérie a été obtenue par
Frankel au moyen de la toxine diphtérique chauffée à 70°.
Behring a recommandé le mélange de toxine et de trichlorure
d'iode, Roux et Martin la toxine additionnée d'hypochlorites
et, surtout, la toxine iodée employée dans la plupart des insti-
tuts de sérothérapie jusqu'à la découverte des anatoxines par
Ramon,
D'Hérelie vaccine les buffles contre le barbone en leur" injec-
tant là bactérie spécifique lysée par le bactériopflâge.
310 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

F. — Vaccination au moyen des anatoxines.


Une toxine diphtérique très active, contenant, par exemple,
800 doses mortelles pour le cobaye, par centimètre cube, addi-
tionnée de formol dans la proportion de 3 à 4 p. 1 000 et mainte-
nue à l'étuve à 38-40°, perd peu à peu sa toxicité : après vingt-
quatre heures, son pouvoir toxique s'abaisse à 50 doses mortelles
par centimètre cube ; après trois jours, à 10 doses mortelles ;
après dix jours, à une dose mortelle ; après vingt jours, il faut
4 centimètres cubes pour tuer un cobaye ; enfin, après un mois,
la toxicité cesse d'être appréciable.
Cependant, la toxine ainsi transformée en anatoxine conserve
toutes ses propriétés antigènes et immunisantes (Ramon).
Quinze à dix-huit jours après une injection sous-cutanée de
1 centimètre cube d'anatoxinc les cobayes supportent, sans
accident, plusieurs doses mortelles de toxine ; au bout d'un
mois, ils résistent à 50 ou 100 doses mortelles. Si l'on fait deux
injections, chacune de 1 centimètre cube, à trois semaines d'in-
tervalle, l'immunité est encore plus prononcée et, dix jours
après la deuxième injection d'anatoxinc, les animaux résistent
à plus de 1 000 doses mortelles de toxine. Deux injections
d'anatoxine diphtérique, la première de 0CO,5,la seconde de
1 centimètre cube, effectuées à vingt jours d'intervalle,confèrent
aux enfants, en moins de deux mois, une immunité solide contre
la diphtérie.
Cette méthode générale que nous devons à Ramon a été
appliquée avec succès par Weinberg, Goy et Prévôt aux toxines
du B. botulinus et des anaérobies de la gangrène gazeuse ; par
Descombey à la toxine tétanique. Elle peut être étendue à la
Vlupart des poisons microbiens.

G. — Vaccination, au moyen des virus sensibilisés.


Préconisés en 1902 par Besredka, les vaccins sensibilisés
consistent en une émulsion de corps microbiens d'abord mis en
contact avec l'immun-sérum correspondant, puis totalement
débarrassés de ce sérum par centrifugation et lavage. Le procédé a
été appliqué au bacille de la peste, tué par chauffage à 60°pen-
dant une heure, avant le contact avec le sérum ; au vibrion cholé-
rique et au bacille typhique, chauffés une heure à 56° après la
sensibilisation (Besredka) ; au virus rabique (Marie) ; au bacille
PRÉVENTIVE.IMMUNISATION
THÉRAPEUTIQUE 831

dysentérique (Dopter) ; au gonocoque (Cruveilhier) et au virus


claveleux (Bridré et Boquet). Le vaccin anticlaveleux est une
émulsion de pulpe virulente, finement broyée, lavée, mélangée à du
sérum anticlaveleux qu'on élimine par centrifugation après
quarante-huit heures de contact. Son application à plus de
12 millions de moutons depuis 1913 a donné d'excellents résul-
tats dans la prophylaxie de la clavelée.

H. — Séro-vaccination.

Elle consiste soit dans l'inoculation de microbes non modifiés


ou atténués, ou de produits virulents à des animaux immunisés
par une injection antérieure ou simultanée de sérum spécifique,
soit dans l'injection d'un mélange de sérum et de virus contenant
un léger excès de virus. Ces diverses méthodes ont été appliquées
à l'immunisation des porcs contre le rouget (Leclainche), des bo-
vidés contre le charbon symptomatique (Leclainche et Vallée) la
peste bovine (Kolle et Turner) et la fièvre charbonneuse.
En Amérique, Park emploie comme vaccin contre la diphté-
rie, un mélange contenant 3L -f- de toxine par centimètre cube
(L -|- est la quantité minimum de toxine diphtérique qui, addi-
tionnée d'une unité d'antitoxine, tue le cobaye de 250 grammes
en quatre jours, par injection sous-cutanée), neutralisée à un
point tel, que 1 centimètre cube du mélange injecté au cobaye,
sous la peau, provoque de la paralysie en vingt-cinq jours. Trois
injections de 1 centimètre cube chacune de ce mélange, séparées
par un intervalle de huit à quinze jours, immunisent pendant
au moins sept ans, 80 à 90 p. 100 des enfants traités.

I. — Immunisation au moyen des virus normaux.


Toutes les régions du corps d'un sujet réceptif ne sont pas,
comme nous l'avons vu, également sensibles à l'action d'une
même espèce microbienne. Le virus variolique, inséré dans la
peau, par exemple, donne naissance à une pustule, mais, le plus
souvent, l'infection ne se généralise pas et le sujet guéri reste
solidement vacciné (variolisation). Plus encore, pour un même
tissu, comme la peau, la réceptivité peut varier suivant les ré-
gions. C'est ainsi que la lymphe claveleuse provoque, chez le mou-
ton, une pustule locale immunisante (clavelisation) quand elle
est inoculée sous la peau de l'oreille ou de la queue, et l'infee
"
312 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
tion généralisée quand elle est inoculée en d'autres points du
tégument.
De même, la sérosité péri-pneumonique, inoculée aux bovidés
à l'extrémité de la queue, détermine seulement un oedème plus
ou moins étendu, qui guérit et suffit à conférer l'immunité (pro-
cédé d'immunisation de Willems) alors que, inoculée sous la peau
du thorax, elle provoque rapidement des accidents mortels.
L'inoculation sous-cutanée ou intracutanée de virus rabique
tue tous les animaux réceptifs, mais l'inoculation intraveineuse
aux bovidés, aux moutons et aux chèvres n'est suivie d'aucun
trouble et immunise (Nocard et Roux). Qn peut également vacci-
ner sans danger les bovidés contre le charbon symptomatique
par une injection endoveineuse de B. Chauvoei non atténué
(Arloing, Cornevin et Thomas) et l'homme contre le choléra par
une inj ection sous-cutanée de vibrions cholériques vivants (Ferran.).

J. — Immunisation au moyen des agressines.


Selon Bail, les agressines contenues dans les exsudats privés de
germes et chauffés à 50° sont susceptibles de provoquer la for-
mation d'antiagressines et d'accroître la résistance des animaux
aux infections correspondantes.

K.— Voies" d'introduction des vaccins.

On injecte les vaccins tantôt dans les tissus sensibles (vacci-


nation anti-variolique, Gutivaccination anticharbonneuse de
Besredka, Brocq-Rousseu, Forgeot et Urbain); tantôt, et le plus
souvent, dans le tissu conjonctif sous-cutané qui absorbe rapi-
dement les microbes et leurs toxines (vaccinations antitubercu-
leuse, aiïtichârbohneuse, anticlâveléuse, antipesteuse, anticholé-
iïque> antirabique, etc.) ; exceptionnellement dans les veines.
Il est souvent utile de répéter Jes injections vaccinales.
Lumière et. Resredka préfèrent l'administration per os de
cultures stérilisées pour les vaccinations antidysentérique, anti-
typhoïdique et anticholérique.

IL — Immunisation passive.
L'immunisation passive date de la découverte des sérums anti-
toxiques et antimicrobiens. Rappelons que la résistance conférée
THÉRAPEUTIQUE
PRÉVENTIVE,IMMUNISATION 313

par ces sérums est immédiate et peu durable : quinze à vingt


jours pour les sérums hétérologues, un peu plus longtemps pour
les sérums homologues. Elle test étroitement limitée à l'antigène
correspondant et, par conséquent, spécifique.

A, — Sérums antitopsiques.
Pour la préparation des antitoxines, on se sert généralement du
cheval qui fournit en abondance Un sérum limpide et naturelle-
ment peu toxique. A la voie veineuse ou péritonéale, on préfère
la voie sous-cutanée, infiniment moins dangereuse au point de
vue des réactions d'hypersensibilité et des accidents emboliques.
CejDendant, il convient d'introduire dans la circulation sanguine
certains poisons très escharifiants qui provoquent de graves lésions
des parties molles. On injecte avec précaution, à des intervalles
variables suivant la nature des produits et la sensibilité des ani-
maux, des quantités croissantes de toxine pure ou, d'abord, de
toxine affaiblie par le chauffage ou la liqueur de Gram (toxine
diphtérique, toxine tétanique), puis de toxine pure, et, mieux
encore, les anatoxines de Ramon. On peut injecter aussi, au
début de l'immunisation, des mélanges de toxine et d'anti-
toxine, ou administrer de l'antitoxine la veille des premières séances
d'immunisation.
Les produits toxiques employés pour la préparation des ani-
maux sont : des venins (sérum antivenimeux de Calmette), des
filtrats microbiens (sérum antidiphtérique de Roux et Martin,
sérum antitétanique, sérum antibotulinique, sérum afitigangré-
neux de Weinberg et Séguin, etc.), ou des extraits microbiens.
La durée du traitement varie entre quelques semailles et plusieurs
mois. Finalement, on recueille le sang' des chevaux hyperimmu-
nisés par une double saignée, â trois ou quatre jours d'intervalle,
huit à douze jours après la dernière injection. Après titrage, le
séruiii obtenu est tyndallisé ou additionné d'une petite quantité
d'antiseptique (acide phénique, chloroforme, tricrésol, chinosol,
formol), puis réparti en flacons stérilisés de 10 à 20 centimètres
cubes. Sous cette forme, et maintenu à l'abri de la chaleur et de
: la lumière, il conserve ses propriétés pendant plusieurs années.
On injecte préventivement les sérums antitoxiques à l'homme et
aux animaux, à la dose de 10 à 20 centimètres cubes, dans le tissu
conjonetif sous-cutané.
814 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

B. — Sérums antimicrobiens.
On les prépare en injectant des germes vivants ou morts aux
animaux naturellement immuns ou préalablement immunisés :
cheval (sérums divers), boeuf (sérum antipestique), mouton
(s*rum anticlaveleux), porc (sérum antipestique). En général,
la voie veineuse donne les résultats les plus satisfaisants. Les
doses, le rythme des injections et la durée du traitement varient
selon.la nature des produits inoculés : une seule inoculation mas-
sive de sang virulent, sous-cutanée ou intrapéritonéale, pour les
sérums contre les pestes bovine et porcine ; trois ou quatre injec-
tions intraveineuses, à deux jours d'intervalle, de microbes tués
par l'alcool-éther pour les sérums antipneumococcique, anti-
méningococcique, antigonococcique (M. Nicolle, Truche, De-
bains) ; injections sous-cutanées de lymphe et de pulpe viru-
lente, à doses croissantes, répétées tous les dix à douze jours pen-
dant trois mois (sérum anticlaveleux de Borrel) ; injections sous-
eutanées, puis intraveineuses de microbes tués et de microbes
vivants ou d'extraits (sérum antiméningococcique de Kolle et
Wassermann, de Dopter); injections sous-cutanées, répétées de
microbes tués (sérum antipesteux de Dujardin-Beaumetz) ;
injections sous-cutanées ou intraveineuses de microbes hyper-
virulents (sérum antistreptoeoccique de Marmorek, Denys et
van de Welde, Besredka) ; injections intraveineuses de bacilles
vivants (sérum contre le rouget du porc de Leclainche) ; injections
sous-cutanées de microbes atténués (vaccins), puis injections
sous-cutanées ou intraveineuses de doses croissantes de microbes
virulents (sérums anticharbonneux de Marchoux, de Sclavo, de
Frasey) ; injections sous-cutanées de matière cérébrale et de
moelles virulentes (sérum antirabique de Marie) ; injections intra-
veineuses de microbes tués par l'alcool éther, puis de microbes
vivants très virulents (sérum antigourmeux de Brocq-Rousseu.
Forgeot et Urbain).
CHAPITRE XXVII

THÉRAPEUTIQUE CURATIVE
DES MALADIES INFECTIEUSES

Guérir une maladie infectieuse, c'est détruire ou éliminer les


germes qui ont envahi l'économie : neutraliser les poisons issus de
ces'germes, dés cellules, voire des humeurs avariées ; c'est enfin
rétablir la marche des fonctions, en réparant les éléments et les
mécanismes altérés. Théoriquement totale, la guérison constitue
donc un problème extrêmement complexe que les organismes
résolvent spontanément par le seul jeu des équilibres cellulaire.;
et humoraux ; ou artificiellement lorsqu'ils sont stimuler,
secourus par une intervention thérapeutique judicieuse.
Selon les circonstances, lors de guérison naturelle, les microbes
se trouvent détruits, tantôt clans les cellules dites phagocytaircs,
tantôt en dehors d'elle-. Cette destruction paraît liée aux anti-
corps normaux, qui favorisent l'englobement phagocytaire et la
lyse par les compléments (M.Nicolle et Césari). Quant à la neutra-
lisation des poisons microbiens, on la rapporte communément
à l'action antitoxique des humeurs.
Lorsqu'on veut obtenir la guérison artificielle, on eni] loie des
moyens variés qui peuvent provoquer, directement ou indirecte-
ment, la mort des parasites et la neutralisation de leurs poisons.
Mais, sauf quelques cas, la thérapeutique antitoxique reste bien
chanceuse, surtout quand les poisons microbiens sont déjà fixés
sur les cellules sensibles.

I. — Destruction des germes.

A. — Sérothérapie antimicro oienne.


Elle donne les résultats que l'on sait dans plusieurs maladies
bactériennes aiguës ; mais elle échoue presque invariablement
dans beaucoup d'autres. Cet effet négatif peut être attribué soit
316 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES
à une trop grande résistance des germes aux actions lytiques, soit
à l'insuffisance qualitative ou quantitative des sérums injectés.
Dans les maladies infectieuses chroniques, les parasites installés
dans les leucocytes ou des lésions invasculaires (tuberculose)
échappent généralement à l'action des anticorps sériques.
Les sérums antimicrobiens conviennent surtout au traitement
spécifique des maladies causées par des microorganismes essen-
tiellement 1virulents, visibles (méningococeies, gonococcies, pneu-
mococcies, rouget, charbon) ou invisibles (clavelée, peste bovine,
peste porcine, peste aviaire).
On se propose, le plus souvent, en l'espèce, de faire agir le
sérum sur toute l'économie, afin de détruire les germes circulants
et ceux qui se sont accumulés dans les organes. On l'injecte alors
dans la veine ou dans les muscles, la voie hypodermique se mon-
trant inférieure. Parfois il est indispensable de l'injecter lo.co
loeso, dans la méningite cérébro-spinale, par exemple.

B. — Chimiothérapie.

Sous ce nom, on désigne en bloc le traitement par les composés


chimiques bien définis ou non. Ceux-ci ne produisent de résultats
favorables que s'ils se fixent moins énergiquement sur les tissus
sains que sur les parasites et les tissus malades. Ils détruisent
alors les microbes, directement ou indirectement, en agissant sur
les éléments anatomiques des foyers infectieux.
La chimiothérapie n'offre rien de spécifique ; elle s'applique à
des affections rapides ou lentes, de causes très variées (proto-
zqoses, mycoses, maladies bactériennes), Dans les types aigus,
la guérison totale et prompte est fréquente ; dans les affections
chroniques, au' contraire, il arrive souvent que les parasites
échappent à l'action des médicaments, parce qu'ils siègent dans
les cellules, ou par une sorte d'accoutumance. Même convenable-
ment traitées par les médicaments spécifiques, les maladies
chroniques exposent à des rechutes dont l'échéance est variable.
Leur guérison définitive ne saurait jamais être assurée.
1° Chimiothérapie des mycoses. — L'iodure de potassium, effi-
cace contre l'actinomycose, la sporotrichose, surtout lois de
lésions superficielles et non ramollies, la dermatite de Gilchrist,
la lymphangite épizootique et même les folliculites trichophy-
tiqueSf échoue partout ailleurs. Il n'agit pas sur les parasites,
mais sur les tissus malades. Le salvarsan a été employé avec succès
CÙBATIVEDES MALADIESINFECTIEUSES 317
THÉRAPEUTIQUE
dans le traitement de la lymphangite épizootiqùe des sôlipèdes
Bridré, Nègre et Trouëtte).
2° Chimiothérapie des protozooses. — La quinine, par exemple,
si précieuse, dans le traitement du paludisme, tue directement
lesformes plasmbdiàles, qui, désorganisées, vont se dissoudre dans
les humeurs ; les gamètes, âli contraire, sont rëfràctàifes à soir
action. On lui associe avec profit le salvarsan, le néo-sâlvârsâh
ou le stovàr'sol de Fourneau.
Dans l'a dysenterie amibienne, au contraire, l'émétine, excel-
lent médicament, n'agit pas sur les germes, mais sur les tissus
malades. Le salvarsan, efficace contre l'âmibiâsé naturelle,
'exerce une véritable action parâsiticide. Ses effets contre l'infec-
tion expérimentale dû chat sont nuls. Le stovarsbl assuré une
guérison rapide de l'amibiase humaine.
La kala azar est justiciable de l'émétine ; mais ce médicament
réussit moins bien que Patoxyl dans la leishmaniose spléiiique
infantile ; le salvarsan n'influence que la maladie expérimentale
du chien.
Selon les cas, on oppose aux" trypanosomiases des remèdes
divers : émétique, arsenicaux (acide arsénieux, salvarsan, arsé-
nophénylglycinc, atoxyl, arsacétjne, tryparsamide),. couleurs
de bchzidine et autres, 205 Bayer.,, La voie sanguine, qui paraît
la meilleure pour l'administration de ces substances, est seule
possible pour le tartre stibié. Peu après l'injection,- les parasites
disparaissent du sang après avoir présenté des formes d'involu-
tion, L'émétique agit directement sur les trypanosomes comme
l'acide arsénieux qui, très toxique, est réservé à quelques maladies
animales ; ies autres substances, au contraire, se montrent inac-
tives in vitro. On admet que les arsenicaux opèrent par leurs
produits de décomposition, de réduction pour l'atoxyl, I'arsacé-
tine et probablement pour les couleurs qui doivent leur activité
au groupe NH 2.Le 205 Bayer, dont la préparation et la formule
sont tenues secrètes, a été l'objet des recherches de Fourneau.
L'action des médicaments chimiques varie selon l'espèce ani-
male et l'espèce des trypanosomes parasites. C'est, rappelons-le,
en étudiant la chimiothérapie des trypanosomiases qu'Bhrlicb
découvrit l'accoutumance des microbes aux médicaments. Il con-
vient, pour l'éviter, de pratiquer l'alternance des drogues, par
exemple : émétique et atoxyi, selon Martin et Darré, dans la
maladie du sommeil.
Les piioplasmoses du boeuf, du cheval et du chien sont com-
318 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
battues par une couleur de benzidine, le trypanbleu, déjà em-
ployé par M. Nicolle et Mesnil contre les trypanosomiases ; celle
du mouton, par l'atoxyl.
Excellent dans la spirochétose aviaire, la fièvre récurrente,
la syphilis et le pian, le salvarsan échoue clans la spirochétose
ictéro-hémorragïque.. Les mercuriaux, dont on connaît depuis
longtemps l'effet contre la syphilis, ne donnent rien dans le trai-
tement du pian. Chez les syphilitiques, les mercuriaux mani-
festent, comme le bismuth et ses dérivés, étudiés récemment par
Levaditi et Nicolau, un pouvoir parasiticide évident, auquel il
faut joindre, semble-t-il, la faculté résolutive, précieuse lors de
grosses lésions. C'est également à ses propriétés résolutives qu'il
faut rapporter les heureux effets de l'iodure de potassium dans la
syphilis et le pian.
3° Chimiothérapie des affections bactériennes. — Elles sont
encore presque aussi peu justiciables de la chimiothérapie que
les affections à protozoaires des sérums et des vaccins. Signalons
cependant, l'action in vitro et in vivo sur le pneumocoque, de
certains dérivés de la quinine, et surtout de l'optochine (éthylhy-
drocupréine), malheureusement trop toxique. Rappelons aussi les
effets favorables de l'huile de chaulmoogra dans la lèpre. Les
sels des acides gras, non saturés de cette huile, injectés par la
voie veineuse, se montrent préférables ; les sels des acides gras,
non saturés de l'huile de foie de morue, seraient encore meilleurs
s'ils ne déterminaient de violentes réactions. Selon Rogers, ces
substances provoqueraient la formation in vivo de lipases, les-
quelles, en attaquant l'enveloppe ciro-graisseuse des bacilles de
Hansen, permettraient à l'organisme d'achever leur destruc-
tion.
C. — Vaccinothérapie ou, mieux, antigénothérapie.
En fait, la vaccination pastorienne, appliquée aux individus
en incubation de rage, constitue le premier exemple d'antigéno-
thérapie spécifique. Par la suite, Wright désigna sous le nom
de vaccinothérapie la méthode dont il est l'auteur, qui consiste à
combattre une infection déclarée en injectant aux malades les
germes morts correspondants.
La vaccin othérapie est surtout indiquée dans les affections
subaiguës ou chroniques, dues à des bactéries ou à des champi-
gnons. Elle se réalise par l'administration, ordinairement sous-
cutanée, de microbes morts, ou d'exsudats microbiens. La furon-
CURATIVEDES MALADIESINFECTIEUSES '319
THÉRAPEUTIQUE
culose et l'acné, l'épididymite et l'arthrite blen.norragiqu.es, la
lymphangite ulcéreuse et la lymphangite cryptococcique du che-
val se trouvent souvent bien de l'emploi des vaccins ; de même
les méningites cérébro-spinales traînantes et, parfois, les fièvres
typhoïde et paratyphoïdes. Enfin, la tuberculine, maniée d'une
façon prudente, peut donner des améliorations appréciables dans
la tuberculose.
A l'emploi de germes homologues, directement isolés du malade
même (auto-vaccins), on peut substituer des souches différentes
(hétéro-vaccins), ou un mélange de divers échantillons de la même
espèce (stock-vaccins), ou des germes d'espèces voisines et possé-
dant des groupes antigènes communs (vaccinothérapie paraspéci-
fique).
Wrigth admet que la vaccinothérapie agit en « stimulant » les
réactions organiques et en favorisant la phagocytose, grâce à
l'accroissement du pouvoir opsonique du sérum. Pour M. Ni-
collc et Césari, la méthode ne produit ses effets que si l'organisme
contient déjà une quantité suffisante d'anticorps spécifiques.
Antigène et anticorps se fixent mutuellement et forment un com-
plexe dont les micelles sont ensuite disséminées par les complé-
ments ; l'ensemble est finalement digéré par les enzymes protéo-
lytiques. Ce sont les poisons pyrétogènes et phlogogènes issus
de cette désintégration diastasique ultime qui provoquent les
symptômes généraux et locaux observés.
Les injections thérapeutiques d'antigènes amènent tantôt la
résolution pure et simple des lésions, tantôt la résolution précé-
dée d'une réaction focale qui offre tous les caractères de l'in-
flammation typique.
Généralement, l'effet curatif ne survient que d'une manière
progressive et il est nécessaire, pour l'obtenir, de renouveler les
inoculations à des intervalles variables. Parfois, chez certains
sujets hypersensibles, ou après l'administration de doses exces-
sives d'antigène, la réaction devient suppurative et nécrosante :
les germes se multiplient abondamment, se répandent dans les
tissus enflammés voisins et déterminent l'extension des foyers ;
ou même, pénétrant avec les phagocytes dans les vaisseaux alté-.
l'es, ils vont produire, au loin, des métastases redoutables. Il
convient donc de proportionner les doses d'antigène injecté à la
sensibilité des malades, et de faire varier le rythme des inoculations
selon l'intensité et la durée des phénomènes réactionuels observés
au niveau des foyers.
320 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES

D-. — Médication substitutive et résolutive.


L'inflammation substitutive peut se réaliser en portant les
substances irritantes dans le voisinage ou au sein des lésions,
ou en les faisant pénétrer dans la circulation, comme la cantha-
ridine qui produit, chez les bacillaires, des effets analogues à
ceux de la tuberculine. La méthode résolutive utilise donc tantôt
des topiques, tantôt un mode d'administration éloignée des ré-
gions malades ; généralement l'administration fer os.
Il est difficile d'expliquer les effets de ce traitement qui ne
réussit malheureusement que dans un petit nombre de cas. On
sait seulement que les substances qui agissent sur les tissus alté-
rés doivent préalablement s'y fixer, comme cela a été démontré
pour l'iode. Les résolutifs seront administrés avec précaution \
l'iodure de potassium, par exemple, peut, en effet, produire, lors-
qu'il est employé à la légère, des réactions dangereuses chez les
tuberculeux pulmonaires, ou l'inflammation et la suppuration
des nodules lépreux torpides (Marchoux et Bourret).

E. — Médication untiphhgistique.
Elle est dirigée contre l'inflammation aiguë type et, partant,
contre ses agents. On se propose de diminuer l'intensité des phc-
noiïièneSj afin que la destruction des germes soit assurée, sans
crainte des dangers qui suivent les « phlogoses » excessives. On
évite ainsi les complications locales et l'envahissement microbien
de l'organisme. Les moyens sont nombreux, mais d'une efficacité
très relative : saignée locale et générale, irrigations froides, mer-
curiaux, astringents.

F. — Médication révulsive.
Elle prétend agir sur les organes profonds par une irritation
superficielle (sinapisme, vésicatoire, pointes de feu). Les recherches
de Head et de Mackenzie montrent bien qu'il existe des relations
entre tel organe profond et telle zone superficielle. Mais le mode
d'action des révulsifs sur les organes envahis par des germes patho
gènes n'en reste pas moins très difficilement explicable.
Thérapeutique «esteATivs:©es KlaJtADiESî<fcfd?:EiC!TiETJSEs
SSî

G. — Médication perturbatrice.
Elle détermine parfois des crises saîutaïres, au sens hïppocra-
tique du mot, là où toute autre médication échoue. On ia réalise
actuellement par l'injection intraveineuse de colloïdes minéraux
ou organiques (eol'loïdothérapie, protéinothérapie).

II. NeOTEAMSATION
DES TOXINES.
À. — Sérothérapie antitoxique,
1res sémms antitoxiques constitueiat la .base du teaiteoaeiat
des maladies aiguës, dues .aux bactéries csseiaiieliemeat toxigè=-
nés : diphtérie, dysenterie à bacilles Âe Siùga, rgamgrèae.gazeuse
tétanos...
Il résulte des recherches de Cruveilhier sur l'intoxication
diphtérique expérimentale, que les injections d'antitoxine se
amontneiit d'autaat ipkis efficaces qu'cclles «ont plus précoces ; une
dose faible de sérum, injectée six 'heures .après l'inoculation d'une
dose mortelie -de (toxine, guérit encore les cobayes, alsss -que
ihuit ternes .après irinocuiation d'une mêane dose de toxine, tous
•leslapaiimauxmeua'ent, quelle que soit fa, quantité .desérum adnîfc
nisferée..Dans la pratique de la sérothérapie antidiphtérique^ ià
est garascait .d3iagiecter-d'emblée âiux malades urne 4k>setmassiv*
de sérum (-2.0à. -40 centimètres cubes paur les ^enfants de mià,
trois ans, 40 à 6.0 centànaètres cubes pour les ©nfetuts plus 4gés
et ies .adultes) .et de «épéter ces injections, au moins .dans les -cas
_gray.es.La voie yieineuse.produ.it te înaxiaMU'm«d'effetsutiles, maais
pour compenser û'iéilinïinationrapide .d>usérum introduit pa-r cette
voie, on -utilisera en même temps la voie sous->euitanée<oula voie
musculaire (L. Martin et Cruveilhier).
Parfois, ces injections thérapeutiques sont suivies, de 4a hui-
tième à la douzième heure, d'une période d'excitation et d'un
léger mouvement fébrile, puis de la quinzième à la dix-huitième
heure, la fièvre tombe brusquement. En- même temps, l'état
général s'améliore et les symptômes locaux s'amendent. Dès le
lendemain de l'injection, les ganglions diminuent de volume ;
vers le troisième jour, les fausses membranes disparaissent ; la
muqueuse reprend peu à peu son aspect normal, et la guérison
clinique survient. Cependant l'élimination et la destruction
bacillaires s'effectuent très lentement ; souvent même, les ger-
MlCROBIOLOGIE GÉNÉRALE,2° édït. 21
322 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
mes persistent plusieurs semaines ou plusieurs mois après la guéri-
son (porteurs de germes).
L'action curative du sérum antitétanique est beaucoup plus
aléatoire. Elle est presque nulle chez l'homme quand le tétanos
est déclaré.
Traitée par les méthodes usuelles, la dysenterie à bacilles de
Shiga peut guérir en dix à trente jours. Le sérum antidysenté-
rique ramène à six, ou même à trois jours, suivant la gravité, la
durée de l'affection. Souvent, le rétablissement est complet et
définitif en huit à dix jours (Vaillard et Dopter).
Rappelons enfin que les sérums antivenimeux ont un pouvoir
curatif très marqué, et que leur mode d'emploi est conditionné à
la fois par la sensibilité des animaux réceptifs, leur poids et le
moment de l'intervention thérapeutique (A. Calmette).

B. — Aiiatoxinoihêrapie.
On doit à Dujardin-Beaumetz et à À. Malherbe, les premiers
essais d'anatoxinothérapie appliqués au traitement de Fozène,
affection due, vraisemblablement, à un germe voisin du bacille
diphtérique, le bacille de Belfanti. Les ozéneux reçoivent, en
injection sous-cutanée, 2 centimètres cubes d'anatoxine diphté-
rique de Ramon, diluée par moitié avec de l'eau physiologique.
Ces inoculations pratiquées deux fois par semaine ne donnent
lieu à aucune réaction générale ou locale ; elles sont complète-
ment inoffensives. On cesse le traitement à la dixième piqûre.
Un mois après, si la maladie persiste, on reprend une nouvelle
série d'une dizaine d'injections, à la même dose, en laissant,
entre chacune d'elles, un intervalle d'une semaine.
Le traitement de la diphtérie déclarée, au moyen de l'ana-
toxine correspondante, a été tenté, avec d'heureux résultats,
par Zoeller.
CHAPITRE XXVIII

APERÇU SUR LES MALADIES INFECTIEUSES


DES PLANTES

De nombreux microorganismes sont susceptibles de se multiplier


dans les tissus vivants des végétaux et de provoquer des alté-
rations plus ou moins graves, locales ou générales, aiguës ou chro-
niques, curables ou mortelles.

I. — Nature des agents infectieux.


On les distingue en parasites facultatifs et en parasites stricts.
Les premiers sont ceux qui se développent habituellement sur les
végétaux morts, et, accidentellement, au sein des végétaux vivants,
Us continuent, d'ailleurs, en quelque sorte, leur vie saprophy-
tique dans l'organisme, car ils n'envahissent les tissus qu'après
les avoir tués. Les parasites stricts ne peuvent croître que dans les
tissus vivants dont, contrairement aux précédents, ils ne pro-
duisent la nécrose qu'après les avoir envahis.
Facultatifs ou stricts, les champignons parasites ne forment leurs
fructifications caractéristiques que dans les organes morts ou
mourants et, plus rarement, dans les milieux artificiels ; les bac-
téries des nécroses paraissent même totalement incapables de
Yivre dans le milieu extérieur.

A. •— Champignons,
Ce sont :
a) des Basidiomycètes, champignons divers provoquant le
charbon des céréales : Ustilago violacea (charbon des caryo-
phyllées) ; Tilletia tritici (carie du blé) ; Puccinia graminis
(rouille de l'épine vinette) ; Melampsorella caryophyllàcearuni
(rouille des caryophyllées, chaudrons et balais de sorcière
324 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
du sapin pectine) ; Armillaria mellea (pourridié de divers
arbres) ;
b) Des Ascomycètes : Exoascus déformons (cloque du pêcher) ;
Eoeoascus cerasi (balais de sorcière du cerisier) ; Dasyscypha
Willkommii (chancre du mélèze) ; diverses Sclerotinia de la pour-
riture grise de la vigne, de la nécrose progressive ; des Erysiphés
(blancs des céréales) ; Uncinula necator (blanc de la vigne) et les
champignons encore mal connus des fumagines ;
e) Des Qomyeètes : Phytophtora infestons (inildew de la pomme
de terre) ; Plasmopara viticola (mildew de la vigne) ; les Albugo
de la rouille blanche des crucifères et des composées ;
d) Des Myxomycètes : Plasmodiophora brassieoe de la hernie
du -cJaou,

B. — Protozoaires.

Un flagellé habite le latex de diverses euphorbes, en des points


variés de la zone tropicale et .au Portugal .(Laffont). Des amibes
ont été également trouvées dans le latex de plusieurs Asclépia-
dacées, Âipoeyaaées, Urticaoées, Artocaipées, Composées ; -des
spiracbètes dans le latex dés Euphorbes,.des flagellés, des Herpéto*
manas, CriMddia, trypanosomides -dans les tissus 4es feuilles ,du
chou {Franchani).

C. — Bactéries.

Parmi les bactéries parasites des plantes, mous distinguerons :


a) les agents des aHeetioras maculeuses : Bacierimn malvacea*
rum, B. sor-gM, B. macidicolwm, B. pruni et les baetéries des
_pourritures, Bacillus tarotovvrus, B. phytophiorws ;
b) les agents des maladies vasculaires : Bacteriumcampestreête
black-rot des crucifères. Bacillus tradheiphUus, B. hyacînïhi,
Bacterium solanacearum du brown-rot des solanées, B. vascu-
larum ;
c) les agents des nécroses : Bacillus amylovorus de la nécrose du
poirier ; B. mori ;
d) les agents -des tumeurs B, -oele-oe -des tumeurs de l'oli-
vier, 23. tum-efaciem du <srowïi*gall-<le -divers végétaux, que
Smith compare aux néoplasmes malins -des animaux supérieurs,
partic'ulïèpememt aux «a-roomes. La maladie de la mosaïque du
tabae est due à un microbe invisible (Beyerinck*) et il paraît en
MALADIESINFECTIEUSESDES PLANTES 825
être de même de la maladie de l'enroulement des feuilles et de la
mosaïque de la pomme de terre (Quanjer).

II. — Modes de propagation des parasites.-

En été, les spores des champignons, disséminées par le vent,'


infectent les végétaux sensibles situés dans le voisinage. Les
organes ou plantes atteints contaminent le sol, les fumiers, les
eaux. Les graines, racines, bulbes, tubercules constituent autant
de facteurs de transmission ; les oiseaux, les insectes et mollusques
terrestres transportent les germes pathogènes. Enfin les lésions
provoquées par d'autres parasites et les blessures acciden-
telles ouvrent souvent la porte aux champignons et aux bactéries.

III. — Influence des conditions ambiantes.


. En favorisant la germination des spores et la multiplication
des germes, l'humidité de l'air et du sol, la chaleur assurent le
développement des maladies microbiennes. On connaît également
l'influence de l'ombre excessive, de l'encombrement et du milieu
ambiant, c'est-à-dire du terrain, que les engrais, azotés, par
exemple, rendent propices au mildew de la pomme de terre et à
la rouille des céréales.

IV. — Virulence des parasites.

A. — Aspect qualitatif.
Tantôt un microbe ne se montre pathogène que pour une es-
pèce, un genre, une famille de végétaux ; tantôt, et moins sou-
vent, il attaque lés plantes les plus diverses. Certains rerjrésen--
tants des Urédinés, par exemple, se développent alternative-
ment sur deux espèces différentes, accomplissant ainsi le cycle
que d'autres parcourent sur le même hôte. La différenciation des
germes peut rester purement fonctionnelle,, au moins en appa-
rence, une espèce cryptogamique donnée formant alors des racés
physiologiques exclusivement adaptées à tel ou tel végétal. Ainsi,
chacune des races de Puccinia graminis produit sur sa graminée
d'élection des téleutospores qui infectent régulièrement l'épine-
vinette ; mais les oecidiospores, nées sur cet arbuste, n'infectent
que la « graminée origine ».
326 ACTIONPATHOGÈNEDES MICMiOBES

B. — Aspect quantitatif.

Divers échantillons d'une espèce parasitaire donnée présentent


une aptitude végétative in vivo très variable à l'égard d'un même
végétal. Leur degré respectif de virulence se mesure, comme à
l'égard des animaux, par la quantité minimum de germes suscep-
tible de déterminer sûrement l'infection.

V. — Sensibilité des plantes.

L'espèce, la race, les dispositions individuelles, l'âge, les trau-


matismes interviennent dans la réceptivité des plantes comme
dans la réceptivité des animaux aux infections microbiennes.
D'une manière générale, la sensibilité est maximum chez les
sujets ou organes jeunes : plantes en germination, végétaux ou
organes en voie de croissance. Cependant, divers champignons
infectent plus spécialement les tissus adultes et même séniles.
Le déterminisme intime de cette réceptivité des végétaux est
encore bien obscur.

VI. — Moyens d'attaque des parasites.

A. — Champignons.
Par la diffusion de leurs enzymes, les parasites cryptogamiques
solubilisent les matières nutritives contenues dans les cellules
végétatives, puis les absorbent ; ils peuvent également intoxiquer
et irriter les tissus par leurs vjoisons et les détruire par leurs
enzymes cytolytiques.
L'intoxication se manifeste par des lésions locales : dégénéres-
cences aboutissant ordinairement à la nécrose, ou nécrose d'em-
blée avec eschare sèche ou humide, souvent suivie de destruction
plus ou moins étendue ; et des troubles généraux traduits par
des anomalies de croissance, la stérilité, l'affaiblissement général.
L'irritation consiste en Phypertrojohie et surtout l'hyperplasie
des tissus qui sont finalement détruits par l'agent pathogène,
ou frappés de mort par insuffisance d'irrigation. Il faut égale-
ment attribuer à un effet excitant d'origine toxique, la croissance
prématurée des bourgeons dormants (balais de sorcière) et le
développement d'organes reproducteurs rudimentaires (charbon
du maïs et des caryophyllées).
MALADIESINFECTIEUSESDES PLANTES 327

B. — Bactéries.
C'est également par les poisons et les diastases qu'elles éla-
borent que les bactéries attaquent et désintègrent les tissus des
végétaux (pourritures). Localement, l'intoxication aboutit à
la nécrose sèche ou humide selon la teneur en eau des tissus et de
l'atmosphère. Les troubles généraux consistent en des anomalies
de croissance et l'affaiblissement des végétaux infectés. Soit direc-
tement par l'effet de leurs poisons, soit indirectement en modi-
fiant la pression osmotique, les bactéries provoquent encore l'hy-
pertrophie et, surtout, l'hyperplasie des tissus avec formation
exclusive (tumeurs de l'olivier), ou dominante (crown-gall) de
parenchymes indifférenciés.

VIL — Moyens de résistance des plantes.

L'immunité naturelle des plantes, mal connue dans sa nature


paraît liée à la résistance des tissus, à l'absence de matériaux nu-
tritifs convenables ou. à la présence de substances nuisibles,
c'est-à-dire à la composition chimique des sucs. Il est démontré
qu'on peut produire, par sélection, des races de blé réfractaires
à la rouille, des races de cotonnier réfractaires à la flétrissure
des races de chou réfractaires à la jaunisse. Mais l'étude delà
résistance naturelle des végétaux aux infections microbiennes,
malgré l'intérêt qu'elle présente, est à peine ébauchée.

VIII. — Modes de pénétration des parasites

A. — Champignons

Jeunes, les plantes et les organes sont protégés par la cuticule


et quelquefois par des dépôts cireux ; adultes, par le liège. Chez
les Erysiphés, véritables épiphytes, les suçoirs seuls pénètrent
in vivo. Les Sîerotinia n'envahissent les tissus qu'après les avoir
nécrosés. Selon les cas, les autres parasites s'introduisent par les
stomates, la cuticule ou les blessures. Au sein des tissus, les fila-
ments, d'abord extracellulaires, envoient, ou non, des suçoirs
dans les éléments anatomiques voisins. Certains mycéliums enva-
lussent ensuite électivement les vaisseaux ; d'autres, le momen
venu, prennent la place des cellules nécrosées. Ustilago tritici
32S ACTIONPATHOGENED'ES MICROBES

pénètre dans l'embryon du blé ; la plante-fille, née d'une graine


fertile, mais parasitée, présenté alors un charbon héréditaire.

B. — Bactéries.

Les germes peuvent pénétrer 1 par les stomates, les pores aqui-
fères situés ati niveau des dents des feuilles, les nectaires ou des
blessures de causes variées. Les parasites des plaies ne se déve-
loppent que s'ils sont portés directement dans les tissus ; les
autres croissent à leurs portes d'entrée électives lorsqu'ils y ren-
contrent un degré suffisant d'humidité. Il n'existe qu'un seul
exemple de maladie bactérienne héréditaire, c'est celui qui con-
cerne YArdisia crispa, une myrsinacée.

IX. — Caractères généraux des maladies microbiennes


DES PLANTES.

Nous distinguerons les maladies microbiennes en locales, loca-


lisées et générales. Les affections locales se définissent d'elles-
mêmes ; les affections localisées traduisent la croissance des
germes à distance de leur.porte d'entrée. Quant aux maladies
générales, elles résultent de l'envahissement de la majeure partie,
voire de la presque totalité de l'organisme et du système vatcu-
laire.
Signes généraux. — Ils sont la conséquence directe d'une
infection envahissante ; ou bien ils représentent l'effet, sur la tota-
lité de l'individu, d'une attaque plus ou moins circonscrite.
Voici comment ils peuvent se manifester :
Aspects anormaux. — Destruction du bourgeon terminal (pour-
riture du coeur de la betterave, maladie cle la canne à sucre),
habitas étrange, résultant de l'action directe du parasite, et
compliquée de stérilité (euphorbe infectée par YUromyces).
Arrêts de développement. — Tassement des rameaux, des feuilles
et fleurs;
Etat débile.— Avec nanisme jjIus ou moins marqué ; bourgeons
moins nombreux et pousses chétives, feuilles clairsemées, petites,
pâles, tombant prématurément.
Fléirissement et dessiccation généralisés.
Noircissement total, présage de mort rapide.
Signes locaux, — Lésions nécrotiques* affections macuîeuses,
MALADIESINFECTIEUSESDES PLANTES 329
nécroses proprement dites (champignons, bactéries-), rouilles,
chancres (champignons).
Pourritures : sèches (champignons) ; généralement humides
(bactéries).
Cécidies. -— Les myeocécidies sont rapidement détruites par
leurs agents ; les bacfériocécidies, désintégrées par leurs parasites
(tumeurs de l'olivier), dégénèrent à un moment donné ou périssent
par insufnsanceMïrrigation (crown-gall).
Développements anormaux. — Croissance prématurée de bour-
geons dormants (balais de sorcière).

X..— Evolution des accidents et pati-iogénie.

Après une incubation de durée très variable, les accidents appa-


raissent tantôt brusquement, tantôt rapidement, tantôt lentement.
Puis l'infection suit un cours différent selon les circonstances, et
devient aiguë, subaiguë ou chronique. Dans les maladies aiguës,
la durée de l'évolution se compte par semaines ou par jours ;
dans les maladies subaigues, par mois ; par années dans les
maladies chroniques. Ces dernières comportent habituellement
de longs entr'aetes (sommeil hivernal de l'hôte), auxquels elles
doivent leur physionomie spéciale.
Lorsqu'elles pénètrent par les stomates ou les pores aquifères,
les bactéries se développent d'abord dans la chambre sous-sto-
matique. Puis elles envahissent les vaisseaux, formant ensuite
éventuellement des foyers ramollis au sein des tissus ; oii bien
elles se rrraltiplient entre les cellules parenchymateuses qu'elles
nécrosent et détruisent.
Les parasites de blessure se comportent de façons très diverses.
Les uns désintègrent les tissus, faisant d'ordinaire tache d'huile,
tout en manifestant parfois une affinité élective pour les vais-
seaux ; d'autres envahissent d'emblée le système conducteur et
déterminent ensuite des. lésions localisées ou étendues des paren-
chymes. Bacterium oleoe prolifère entre les cellules qui se multi-
plient très activement, puis se désintègrent ; il se généralise par
les vaisseaux. S. twmefaciens paraît se développer dans les
cellules dont il provoque seulement l'hyperplasie ; le néo-
plasme s'étend ensuite par contiguïté. La mort semble due aux
facteurs mécaniques : désordres considérables (infections mas-
sives, nécroses progressives), destruction du feuillage, oblitéra-
tions vasculaires, altération du système conducteur de la tige et
830 ACTIONPATHOGENEDES MICROBES
des racines. Quand la guérison survient, elle s'accompagne de
pertes d'étendue variées.
Un grand nombre de maladies microbiennes, dont certaines
sont héréditaires, ont été reproduites expérimentalement par
dépôt de cultures sur les organes sensibles ; piqûre des tissus
réceptifs, pulvérisations à la surface des feuilles et des fruits,
immersion dans les émulsions virulentes, greffe de fragments
infectés. Citons, en particulier, les expériences de E. Smith qui
a obtenu de véritables embryomes, suivis de métastases, par inocu-
lation de B. tumefaciens dans certains points déterminés
de végétaux. Ce savant a également montré que les sécrétions
microbiennes provoquent Phyperplasie des cellules, directement
ou par élévation de la pression osmotique.
En dernière analyse, l'issue des maladies microbiennes dépend
à la fois de l'hôte et du parasite, qui agit par son électivité, sa végé-
tabilité in vivo, c'est-à-dire par sa virulence, et par ses sécrétions.
Si, au début, la plante résiste, grâce à ses propriétés normales,
elle demeure ensuite passive la plupart du temps ; et l'allure
générale du processus morbide ne se trouve modifiée que par des
circonstances accidentelles ou par le rythme de la vie (sommeil
hivernal, poussées végétatives). Ses réactions locales se limitent
à la formation d'assises subéreuses. Quant à ses réactions géné-
rales, entrevues par quelques auteurs, elles restent encore à
démontrer. Déjà, cependant, les belles recherches de Noël Ber-
nard et de Magrou imposent la conviction que les végétaux sont,
comme les animaux, susceptibles d'acquérir un certain degré
d'immunité. C'est ainsi qu'un embryon d'orchidée infecté par des
Rhizoctones, ou inoculé avec un Rhizoctone atténué, devient
réfractaire à une nouvelle infection par les mêmes germes, et
que, d'après N. Bernard, le pelotonnement des mêmes champi-
gnons, suivi de leur dégénérescence au sein des cellules envahies,
est comparable à la phagocytose.
Un autre exemple d'immunité acquise chez les végétaux nous
est fourni par les légumineuses atteintes de la maladie nodulaire
des racines. Si, en effet, chez un sujet préalablement inoculé
avec une culture du Rhizobium spécifique, de virulence optimum,
la réinoculation de germes plus actifs augmente le nombre et le
volume des nodules, la réinoculation de germes de virulence
égale à ceux de l'infection initiale échoue, au contraire, absolu-
ment. Une première atteinte confère donc aux racines des légu-
mineuses une immunité relative, mais évidente.
MALADIESINFECTIEUSESDES PLANTES 331

XI. — Traitement.
Le traitement des végétaux infectés se résume dans l'interven-
tion chirurgicale et la désinfection externe : ablation des parties
atteintes (feuilles, lambeaux d'écorce ou de tissus altérés), pul-
vérisations de solutions cupriques pour les charbons, le mildew,
le black-rot, soufrage pour le blanc de la vigne, etc..

XII. — Champignons et bactéries symbiotiques.


Les troubles locaux ou généraux, qui résultent de la pénétration
d'un germe microbien dans un organisme inférieur et de sa végé-
tation dans les tissus, ne sont pas nécessairement préjudiciables
à la vie de l'hôte. Quelquefois même, les microorganismes et
leurs hôtes échangent des substances favorables à leur nutrition
respective et forment une sorte d'association harmonique, profi-
table à chacun d'eux. Le plus souvent, l'équilibre ainsi réalisé est
imparfait, quoique indéfiniment compatible avec la vie, et
les éléments en présence subissent des modifications anato-
miques et fonctionnelles qui altèrent plus ou moins profondément
leur physionomie. Tel est le cas des lichens, qui proviennent de la
fusion intime d'une algue et d'un champignon.
Ces complexes symbiotiques s'observent aussi bien dans le
règne animal que dans le règne végétal. Dans le cytoplasme
de divers Protozoaires et les tissus d'Invertébrés, par exemple,
en observe parfois la présence d'algues unicellulaires, les Zoochlo-
relles (corps verts) et les Xanthochlorelles (corps jaunes), dont les
rapports avec leurs hôtes apparaissent très complexes et changent
au cours du développement. Dans l'abdomen dés pucerons, chez
les coccidies, les psyllides, les cigales et les cicadelles, on trouve
également des corps verts ou jaunâtres où abondent des levures.
Grâce à leurs enzymes, celles-ci, selon Pierantoni, aideraient à la
digestion des matières sucrées, ingérées en excès par les In-
sectes, dont la nutrition serait assurée par ces mêmes sucres.
Les symbioses des végétaux et des microbes ne sauraient être
séparées des maladies. Tous les stades intermédiaires sont, en
effet, rencontrés, depuis l'association profitable aux deux espèces,
comme dans le cas des bactéries des Légumineuses et la germina-
tion des graines des Orchidées, si remarquablement étudiées par
Noël Bernard, jusqu'aux infections massives, 'rapidement mor-
telles.
332 ACTIONPATHOGÈNEDES MICROBES
Des bactéries peuvent vivre en association avec des levures
(képhir, ginger-beer). Mais l'exemple classique de symbiose
-bactérienne est fourni par l'histoire, exposée au début de cet
ouvrage, des nodosités radicales des légumineuses. En réalité, il
s'agit ici d'une véritable maladie infectieuse des racines, tra-
duite par l'apparition de nodules d'aspect et de dimensions très
variables, qui s'accroissent, demeurent stationnaires et, finalei-
ment, dégénèrent. Les lésions consistent en une hypertrophie
énorme des éléments de l'écorce, primaire, toujours suivie d'hy-
perplasie. Très nombreux, les parasites sont intracellulaires.
Ils offrent, au début, l'apparence de bacilles, puis affectent des
formes, diverses et irrégulières (bactéroïdes), en même temps, qu'ils
s'entourent d'une gangue muqueuse. Rhizobiwn radicicoîa, agent
de cette affection, vit dans le sol et pénètre par les poils radicaux.
On sait que l'azote apporté par les liquides du sol est fixé au
passage par la gangue muqueuse des bactéries des nodosités, et
transformé en azote assimilable par les végétaux.

Champignons symbiotiques des Orchidées (Mycoiuiizes).


Les Orchidées adultes contiennent toujours des champignons
dans leurs racines;. On désigne sous le nom de mycorhizes ces
complexes de racines et de champignons. Ceux-ci représentent des
formes stériles de Basidîomycètes inférieurs, du genre Rhizoc-
tonia. Leur rôle est décisif pendant toute l'a vie du végétal, car
ils interviennent dans la germination des graines, dans la produc-
tion du tubercule embryonnaire et dans celle du bulbe, facteur
essentiel de l'état vivace (Noël Bernard).
Semées purement à la surface d'un milieu nutritif, les graines
d'Orchidées ne germent pas, ou, exceptionnellement, donnent
naissance à des embryons normaux qui ne tardent pas à se flé-
trir. Pour que leur développement s'effectue avec régularité, il
faut que ces embryons soient envahis par des Rhiz&etonia doués
d'une virulence optimum, quantitativement et qualitativement,.
Dans les conditions favorables, le mycélium pénètre par le pôle
postérieur de l'embryon, puis envahit les éléments anatami*
ques d'arrière en avant, respectant le point végétatif. Lorsque
la virulence des rhizoetones est qualitativement nulle, aucune
germination ne se produit. Quand elle est insuffisante, le déve-
loppement commence, mais s'arrête bientôt, Lorsque la viru-
lence est excessive, le parasite, après avoir formé des pelotons,
MALADIESINFECTIEUSESDES PLANTES 333
se multiplie sans ordre et envahit les jeunes végétaux, déter-
minant une infection massive, rapidement mortelle.
Quand le développement symbiotique de l'orchidée se pour-
suit, on voit d'abord apparaître un tubercule embryonnaire
(protoconnus) ; puis la tige et les radicelles se flétrissent, et il ne
reste que le bourgeon terminal où naîtront les organes de la
plante adulte. Toutes les parties infectées se trouvent ainsi éli-
minées et le sommet végétatif, indemne, persiste seul. Le bour-
geon survivant engendre les racines et les organes aériens. Les
racines ne tardent pas à être pénétrées par de nouveaux rhizoc-
tones, habituellement de même espèce que les précédents.
Selon N. Bernard, la formation du bulbe lui-même doit être-
attribuée aux parasites des racines. Un mécanisme analogue,
soupçonné par N. Bernard et mis en évidence par Magrou, pré-
side au développement du tubercule de la pomme de terre.
TABLE ALPHABÉTIQUE

A Aliments hydrocarbonés des


champignons 47
Abcès 238, 243 des levures 49
Abrino 203 — minéraux des bactéries... 51
Accoutumance aux antisep- des champignons 46
174 des levures 48
—tiques
médicamenteuse 316, 317 Allergènes 301
Achorion 8 Allergie . . 300
Acidearsénieux 317 — vaccinale 300
Aciditéd'arrêl 96 Altérationsdes microbes 163
— réelle 56 Ambocepteur 263, 275
— totale 56 Amibes 12
Acidolactadase 80 Amibiase 317
Acidorôsistance 41 Amiboïdes(mouvements) 242
Actino-congestine 292 Ampholytes 5S
Actinomycétales 30 Amygdalase 111
Actinomycosiques(formes)... 162 Amygdalinase 111
Actinophytes 162 Amylase 110
Aéro-anaérobies 66 Amylopectinase 110
Aérobiesstricts 66 Anabolisme 116
Aérobiose 48 Anaérobies 66
Actionslytiques 275 — facultatifs '66
Adsorption 281 — stricts - 66
Agglutination 270 Anaérobiose 48
Agglutinines 270 Anaphylatoxine 298
— (caractèresgénéraux) 270 Anaphylaxie 292
— (fixation in vitro) 271 — (théoriecelullaire) 299
— (— in vivo) 271 — (— humorale) 297
— naturelles 277 — (— physique) 299
Agressines 215 — (— de M. Nicolle et Cé-
Alcalinitéd'arrêt 96 sari) 300
— réelle 56 Anatoxines 204. 310
— totale 56 Anatoxinothérapie 322
Alcool(oxydationde 1') 86 Anergie 302
Alexine 256, 263 Antiagressines 216
— (chaînonmoyen) 263 Antianaphylaxie 296
— (— terminal) 263 269
Anticorps
Alguescyanophycées 29 — fixateurs 275, 286
Alimentsazotés des bactéries. 52 — (genèse) 290
des champignons 47 — (moded'action) 284
des levures 49 — naturels <- 277
— hydrocarbonésdesbactéries. 52 — (relationsentre les)....... 288
336 TABLÉALPHABÉTIQUE
Anti-endotoxines 206 Bactéries (aliments) 51
Antiferments 278 — (capsulesdes) 23
Antigènes......" 2G8 — (cils) 25
— actifs 303 — (classification) 29
— dominants 263 — (corpscentral des) 22
— passifs 303 — dénitrifiantesvraies 93
— (spécificitédes) 268, 269 directes 93
Antigène-anticorps (réac- indirectes 93
tions) 278 — (division) 26
(théoried'Ehrljich),.. ., 284 — ((évolution) 150
—;—d'A.rrhéniûs-Madsen).284 — (filamentaxial) 22
(— de Bordet) 285 — (formesgéantes) 161
(— de Metchnikoff) 286 — (formesmassuées) 161
(—de M. Nicolle) 286 — (noyaux) 21, 22
Antihémoly&ijaes .,., 21,5 — (nutrition) 51
Antiricine ....,,.,,. 265 — (parasitesdes végétaux). . . 324
Antiseptiques . . . 169 — photogènes 129
— (accoutumanceaux). ..... 174 — (polymorphisme) 19
Antitoxines..,,,,...„,......... 273 — pourprées .23
~- (caractèresgénéraux). .... . 273 — (reproduction) 26
— (préparation) 313 — dusorbose ......,,..,,.., 86
"- (titrage in vitro) ,, 289 — (sporulation) 27,, 156
Antitryptique (pouvoir).....,.. 247 —. sulfureuses 122
Apotoxine ..,.,,.,..,,,,,,,, . 297 — (structure) 20
Arthrospores ....,,.., 29 — (zonesde croissance)... .56, 60
Arsacétine 317 Bactériolyse 261
Arsenicaux .31.7 Bactériophage ,.., 1.84
Ascomycètes.,,..,,,,.,.,,, 1, .9 Bactériopurpurine 23, 123
Ascospores 7, 9 iBactéroïdes. , lia, 162, ,3.82
~ (germination) ,,,.... 15.5 Baianlidium 17
Aspcrgillas 10 . BalaisdosareAèM; ,, 322
A-Sjporogénie ,, 1.57 Basidiomycètes 8
Asques ,7, 9 Bismuth , 318
Assimilationde l'azote atmo- Blépharoplaste 16
sphérique 118 Bouchonleucocytaire ,.-... 242
-— del'azote organique., ,, 116 Bourbillon 208
— dufer 123 Bourgeonscharnus 236
~ du soufre ,.,,,, 122
Associationsmicrobie,mies,.17.6, 251 .G
Atrophie cellulaire 236
Atoxyl 317 Gantharidine.............,,, 320
Atténuation de la virulence,.. 194 Capsules des bactéries., , 2.3
-~ du virus péripneum-onique.197 Ca-rboligase ..,>.., 115
Ajito-f.-erme.nta.tion,...,,.,,.. 179 Caryorhexie ,, 236
Auto-infection , 218 Caséase ,...,...,. 114
Autolyse ,,,... 178 Caséification ,,. 237
Aulophagiedeslevures....,.,,, .178 Catabolisme 116
Autotrophes (végétaux)...... 116 Catalase Al3, 246
Aato-vaccins , ,,,,.,, ,319 Céeidies 3&9
Auximones ,..,,,,, 1.22 Cellulase ., ,,.., HÔ
Cellulesgéantes ,237,242, 256
B Cellulose ,,,,,., 56
Chaîneslaitérates 284
Bacaies ,..,,. 18 Chaleur(Production4e),...... 1.29
Bactérienne ,,,., 249 Champignons.. .., 6_
Bactéries acétiques.,,.,..,.. 85 — .(alimente>des| ,,, , 46
TABLE ALPHABÉTIQUE gg?
Champignons(évolution) 150 Contagionpar les ëàux....... 219
-— (nutrition) 45 — par les insectes et ara-
— parasites des végétaux..-: . .323 chnides . ... :: . ... . -. 220
^- (polymorphisme)......... 6 —•parles objets 220
— (reproduction) .7, 155 Corpuscules méta.chromati-
— symbiotiques.. . . . . . 331 ques 23:.
— (toxines des) 202 Corynébactéries 8
Charbondes végétaux 326 Couenneinflammatoire....... 236
Chilomastix 16 Crises 239
Chimiotaxie 148, 242 Cristalloïdes 279
Chimiothérapie 316 Crotine ....... 203
—-desaffectionsbactériennes. 318 Crowii-galf "......... 327
— des mycoses 316 Cfyptocoques 9
-—des protozooses 317 Culturedes microbes......... 54
Chitine 36 —-(limites thermiques)...... 63
Gliïamydospores 7 Gytase .258; 286
Ghîororaphino 137 Cytolyse 261
GhoCanaphylactique ........ 293
Ghromidium......... 29 D
Ghfomogenèsc 133
Ghymosino . 112, 246 Daphnies 252
Cils 25 Dégénérescencegraisseuse.. . . 236
Classificationdosbactéries... . 29 — inflammatoire 236
Ciavolisation 254, 304, 311 Dénitritiflcation . 93
Clostridiam 18, 121 Désassimilation .-. 124
ûoagglutination . . 272 Désensibilisation .iii 296
Coagulationdu lait. 112 Développement des microbes
Gocci . . 18 (courbesdo croissance)..... 55
Goecidies .. . . . 13 Développement des microbes
Qohnislreplolhrix 8 (zonesoptima) 56
Colilysine 213 Dextrinase 110
Colloïdes(coagulation) 282 Diabètephlorhydziqué . 251
— (caractèresgénéraux) 279 Diapédèse
— (interactions) .235, 236
283 Diastases. 102
-^- (pressionosmotique)...... 282 — (caractèresgénéraux).....
— protecteurs ............. 102
283 — coagulantes. 112
— (stabilité) 282 — (élaboration)............. 104
Golloïdothérapie 321 — .(extraction) 105
Colonies(évolution) ' 152 — hydrolysantes............. 112
— (formes) 153 — des matièresazotées. îll
Goïùciférine 132 — desmatièresgrasses......; 112
Complément(déviation). .275, 276 — des sucres 109
Complémentaire active . 103 — oxydantes 113
— activante , 103 Digestionleucocytaire....... 246
Compositionchimiquedes mi- Diplobacilles 27
crobes 34 Diplocoques 27
Concentrationen ionsH...... 57 Dissociation(constante). 57
Goiiidiospores 9 — de l'eau :. . 57
Giontact adhésif des leuco- Dourine 16
cytes ."..... 244 Dysenterieamibienne 12
Contagiondirecte 218 — balantidienne 17
—- intra-utérine ............ 222
— (modes) 217 E
— par l'air. . 219
— par lesaliments 220 Eaux d'égouts (épuration).. . 100
—-par lesanimaux>- 221 Échangesgazex 127
Microbiologiegénérale, 2" ëdit. Zi
338 TABLEALPHABÉTIQUE
116 'lt>
Echanges nutritifs Flagelles 15
Eimeria 13 Flagellés
Électivité organique 229 Fluorescents(pigments) 138
Embolies 236 Folliculesinfectieux 237
Émétine 317 Fumagines 324
Émulsine lli Funcjiimperfccli 8
Endomyces 9
Endotoxines 205 G
•— coqueluCheuse 206
111 Galleriamelonella 267
Endotryptase 7
Englobementleucocytaire.... 245 Gamétango 12
Entamoeba 12 Gamètes 7,
Enteromonas 16 Gamogonie 12
238
Épurationdeseaux d'égout. . . 100 Gangrène 112
Erepsine 111, 246 Gélase
125
Eubactériales 30 Gélatinase
Évolutiondesmicrobes 150 Gels 279
Exotoxines 204 Germination 9
Exsudats fibrineux 236 Germes(porteurs de) . . . .221, 233
— inflammatoires 236 — de sortie .'. . . 231
Germinationdes spores. . . .28, 154
Giardia 16
F 182
Glycogénase
Favus 8 Glycogène 34
Fermentation 09 Gommes 237
— acétique 85 — dessucreries 78
— alcoolique 71 Grains actinomycosiquos 161
— ammoniacale 88 Granulome 209, 237
— butylène-glycoliquc 81 Guérisonartificielle 315
— butylique 82 — naturelle 315
— butyrique 82 Gymnoascès 9
— des corps pectiques 83
— (élhersaromatiques) 75 II
— Xorménique 84
— gluconiquo 88 Haplosporidies 14
— lactique 78 Haptophore (groupe) 311
— oxygluconique 88 1-léliotropisme 148
— panaire 77 Hémogrégarines 14
— dusaccharose 78 Hémolyse 263
Fermentsacidaminolytiques.. 96 Hémosporidios 13
— dela cellulose 84 Hémotoxines 213
— figures 70 Herpélomonas 16
— glycolytiques 246 Hétérogamie 7, 10
— -leucocytaires 246 Hôtérolyse 182
— mixtes 96 Hétérotrophes (végétaux).... 116
— nitreux 92, 93 Hétéro-vaccins 319
—-nitriques 92, 93 Hexosephosphatase 114
— peptoaminolytiquos 96 Histamine 99, 299
— peptolytiques 97 Hormogonio 30
— (pouvoir) 76 Huile de Chaulmoogra 318.
— protéolytiques 96 — de fusel 75
— simples y6 Humifleation 99
Fcrrobactôries 123, 124 Hydrosols 279
Fibrinase 111 Hyperémieinflammatoire.... 235
Fièvredesl'oins 301 Hypersensibilité 292
Fixation de l'azote 118 i — artificielleactive 292
TABLEALPHABETIQUE 339

Hypersensibilité artificielle Infusoires 16


passive 295 Invertine 109
— héréditaire 295 Inulase 110
— locale 295 Involution (formesd') 20, 159
— naturelleanormale 292 Iodurede potassium 316, 320
— aux toxines 303 Ionisation 56
6 Isoélectrique(point) 59
Myphes
Hyphomycètes 8 Isogamie 7, 1,0, 17
K
I
Kala-azar 15, 317
Idiosyncrasie 301 14
304 Karyosome
Immunisation Kinétonucleus 15
— active 304
— au moyen desagressines.. . 312 L
—•— desvirus normaux 311
— contre la péri-pneumonie.. 312 Lab 112
— passive 334 Laccase 103, 113
Immunité 250 Lactase 110
— 254 Leishmania 15
— acquise
active 252 Leishmanioses 15, 317
—•antimicrobiennenaturelle.. 252 Leptomonas 15
— antitoxique 252 Lésionsspécifiques 237
—•conféréeparla lactation. . . 205 Leucocidines 215, 237
— héréditaire 264 Leucocytoseinflammatoire... 235
— locale 265 Leucotoxines 237
— (mécanisme) 252 Levain 77
— par épuisement 255 Levures 9
— 203 — (aliments) 48
— passive 256 — (autophagie) 178
— (théoriecellulaire)........
(théoriehumorale) 200 — basses 72
— desvégétaux.. . 330 — de bière 72, 74
Index opsonique 200 — de boulangerie 74
Indicateurs colorés 59 — (évolution) 150, 155
Indlella 8 — hautes 72
Infectionsassociées 230 — (nutrition) 48
— chroniques 240 •— (sporulation) 155
— (conditions) 225 Lichens 331
— (évolution) 238 Limitesd'acidité 60
— (guérison) 239 — thermiquesdeculture 63
— inapparentes 232 Lipase 112, 246,. 247
— (incubation) 238 Lipochromes 134
— latentes 232 Lipocyanine 134
— (localisation) 229 Liporhodine 134
— mixtes 230 Lipo-vaccins 309
— (modes) 217 Lipoxanthine 134
-— (nodulairus) 230 Liquide intermicellaire 280
— par lesmicrobesde sortie. . 231 — do Raulin 45, 46
^—socondairos 5;3I Lits de contact 100
— (signes) „ 234 — percolateurs 100
Inflammation 235 Luciferase, 132
— aiguë 230 Luciférine 132
— (caractèresgénéraux) 235 Luétine 302
— chronique 237 Lumière(production) 129
—exsudative 230 Lymphangites 225
— suabiguo 230 Lymphoproléase 246
340 TABLEALPHABÉTIQUE
Lyse desmicrobes 178 Milieux de culture 54
— transmissible 183 —•(modifications) 125
Lysobactéries, 183 — (réactions) 55, 125
—-(richesse) 55
- M — (synthétiques) ,.,...,..:. 54
—•vaccinés . . . 152
Macrocytase : 258 —•de Beyerinck 131
Macropliages 242, 257 — deLasseur 142
Macrogamètes 14 — de Winogradsky 90
Madurella 8 Moisissures 8
Maladiede Ghagas 16 Monosporabicuspidala 252
— des plantes 315 Monobutyrase 112
— sérique 301, 302 Mordançage 40
— du sommeil 16 Morphologiquesfmodifica Lions) 159
Mallassezia 8 Mosaïquedutabac 324
Malléine 302 Motilitédes microbes........ 145
Maltase 110 Mouvementsamiboïdes 242
Massues 161, 249 — browniens 145, 279
Matières colorantes (produc- —•leucocytaires 1 242
tion).., .-... 133 Muoor 7, 10
Médicationantiphlogistique.. 320 Mucorinés 10
— perturbatrice 321 Myxamibcs 176
— résolutive 320 Mycélium 6
— révulsive ,: 320 Myxomycètes 241, 324
— substitutive 320 8
Mycobactéries
Mélanines 113 Mycétomes 8
Mélibiase 110 Mycoses 316
Mélitine 302 Myeorhizes 332
Membrane , .20, 36 Myéloprotéase 246
Mercuriaux 318 Myrosine . 111
Mérista ;. 27 Myxobactériales..........30^ 176
Mêrozoïtes 13, 14 Myxosporidies 15
Métabolisme ; . 116
Métachromatiques (corpus- N
cules) 23
Méthodecolorimétriquè 59 Nécrose 238
-—électrométrique..,,.,.... 59 —•aiguë 236
— de Gram 41 — sèche,des végétaux. ...... 326
Micelles 279 Néôsporodies 14
Microcytase 258 'Neurotoxines . . . .208, 210
Microgamètes 14 Neutralisationdes toxines 273
Microsporidies , 15 Nitragine... : 121
Microbes(atténuation) 194 Nitriflcation 90,
— (altérations) 163 Nocardia ; S
— bactériolytiques 183 Nodositésdeslégumineusesll8; 332
—ïrigoriphiles 63 Nostocs 30
— (lyse) 178 Nucléases 246
— (mort) . 177 Nutrition desmicrobes 116
— (motilité) 145
•—(respiration) 65
— de sortie O
231
•"- thermophiles 63 OEdème 235
Microphages 242, 257 Oïdies 7
Microsiphonés 8 OoCyste '14
Microsporon , 8 Oogone ;. . 7
Milieux(consistance) 55, 125 Oomycètes 324
TABLE ALPHABÉTIQUE 341
Opsonines , . 260 Porteursde germes 221
Optochine . 318 Pouvoirantitryptique. . . .247, 278
Oscillaires 3Q — bactéricide 262; 277
Otomycose ... 10 — opsonique 260
Oxalites 123 Précipitation 272
Oxychlororaphine 137 Préluciférine, ,. .. 132
Oxydases -. 113, 246 Présure 112
Oxydation(bassinsd') 100 Processusulcéro-membraneux. 236
—ret réduction 127 Protéases 111, 246
Protéolyse .- 96,181, 246
P Protoascinés ..9
Protocormus 333
Paludisme , 317 Protozoaires 11
Pansporoblaste 14 — (évolution) 150
Paralysiesdiphtériques 212 — (nutrition) 50
Parasitesfacultatifs 187, 323 — parasites des végétaux. . . . 324
— stricts 187, 323 — (toxines) 202
'
Pectase 83 Pseudo-membranes 236
Pectosinase 83 Pseudo-néoplasmes 237
Pejiicillium 10 Putréfaction 95 -
Pepsine 111' — intestinale 98
Peptases , 246 — des végétaux 99
Perisporiacés 10 Pycnose . 236
Périthèce , 7 Pyocyanase 182
Peroxydases 246 Pyocyanine 135
Phagocytes 241 Pyoxanthose 135
Phagocytose 241
.— alimentaire .' 241 8
— et infection 248
—t-mécanisme 242 Quinine 317
Phagolyse : 258
Phénomèned'Arthus 293 R
— de Bail 296
— de Dale 295, 300 Réactions allergiques........ 300
tt d'Ehrlich 284 — antigène-anticorps ., 278
— de Kpch 296 — de Bordet-Gengou........ 275
—. de Pfeiffer 258 — focales 302
— de Th. Smith ,.'.,, 293 — générales 302
Phospholipoïdes .269 — de groupe 7........... 272
Photobactéries 129 — locales ,."'... 302
Photobiogenèse, 129 — desmilieux 55
Phycochrome 29 — de Schick 274, 277
Phycocyanine. !••••• 30 — tinctorialesdes microbes., 39
Phycomyeètes 7,"" 10 — tuberculiniques 302
Physiologiedes microbes.,... 43 Récepteurs , ., .. 284
Phytotoxines 203 Réceptivité 190, 227
-Pian . 318 Réductases .•. 246
Pigmentsmicrobiens 135 Régionsdéfendues., 229
Piroplasmes , 14 Reproductiondes bactéries... 26
Plroplasmoses .: 318 Résistancedes plantes........ 327
Pityriasis ,.,.... 8 Respirationdesmicrobes,,... 65
Plasmodium ,.,..,.,. 13 Ricine 203, 273
Plasmodes...,,..., 242 Rhizoctones , . ,,. . ..,330, 332
Plasmolyse................. 163 Rhinoclqdium '........ 9
Pourriture des végétaux 327 Rhizopodes,..,..,,,,,,.,.... . ,-12
Pprtes d'entrée des miçrpbes,, 122 RhUopus.,,.,.,,,'~, ...,,.,,.,< 10
342 TABLE ALPHABÉTIQUE
Robine •. 203 Spironema 32
Rouissage 83 Spirochètes 11
Spirochétoses 318
S - 7
Sporange"
Spores(germination) 28, 154
Saccharomycètes 9 Sporotrichoses 9
Sac leucocytaire d'enkyste- Sporozoaires 13
ment 246 Sporozoïtes 13
Salvarsan 317 Sporulation 28, 154
Saprophytesfacultatifs 187 Sprue 16
— stricts ..' 187 Staphylolysine 214
Sarcines 27 10
Sarcocystine 202 Sterigmatocyslis
Stimulines 259
Sarcosporidies 14 Stock-vaccin 319
Scissiparité 9, 26 Stovarsol 317
Schizosaccharomyces 9 Substancefixatrice 358
Schizogonie 12 — fondamentale 206
Schizophytes 8 — intermédiaire 262
Selérotes 6 Sucrase 109
Sclérose 237 Sulfobactéries 23, 122
Sensibilisatrices 263, 275 Sulfuraires ; 122
Sensibilitéartificielle 292 Suppuration 257
— à laluétine 302 Symbiose 248, 331
— àla malléine 302 Syndromede Behring 303
— à la mélitine 302 Syphilis 318
— naturellenormale 292
anormale 292 T
•—aux protéines microbiennes. 303
— à la tuberculine 302 Tampons 59
— des végétaux 326 Tannase 111
• 321 Tartre stibiô 317
Sérothérapieantidiphtérique..
— antidysentérique 322 Teignes 8, 9
— antimicrobienne 315 Températuredysgénôsique.... 62
— antitétanique 322 — eugénésique 62
— antivenimeuse 322 Tétanos diaphragmatique 221
Séro-vaccination 311 Tétanolysine 203, 214
Sérumsagglutinants 271, 272 Tétanospasmine 203
— antibotulinique 313 Télosporidies 13
— anticharbonneux 314 Tétrades 27
— anticlaveleux 314 Tôtramidés 16
— antidiphtérique 313 Thalle 6
— antigangréneux 313 Thallospores 8
— antigourmeux 314 Thérapeutique curative 315
— antigonococcique 314 — préventive 304
— antiméningococcique 314 Thiobactéries 30
— antimicrobien= 314 Thrombine 246
— antipneumococcique 314 Thromboses 236
— antirabique 314 Toxines 201
— antirouget , , 314 — (adsorption) 205
—•antistreptococcique 314 — del'^4..fumigatus 202
— antitétanique . 313 — (concentration) 205
— antitoxique 313 — doB.boiulinus 203,207, 209
— antivenimeux 273 — des champignons 202
Septicémie 225, 234 — du B. Chauveei 201
Septiques (fosses) 100 — du b. de Preisz-Nocard.202, 206
Sols 279 — diphtérique..203,207,208, 212
TABLEALPHABÉTIQUE 343
Toxinesdysentérique.203,205, 212 Vaccination anticholérique .. 308
— (effets) 208 — anticlavelêuse 311
— à escharehumide. 212 — antidiphtérique 310
— — sèche 212 — antidysentérique 308
— (floculation) 289 — antigonococcique 311
— formulées 204, 310 — antipesteuse 308
— 209 — antituberculeuse 307
— (modesd'action)
(nature) '. 203 — antitétanique ;.... 309
— (neutralisation) 273 — antityphoïdique 308
— partielles 213 — antirabique 196, 306
— (précipitation) 289 — au moyendes anatoxines. . 310
— (préparation) 205, 207 — au moyen des microbes
— (propriétés) 203 tués 308
— des protozoaires 202 — au moyen des virus chauf-
— solides . 205 fés 308
— solubles 204 — au moyen des toxines et
— tétanique . . .203, 205, 210, 212 extraits microbiens 309
Toxogenèse 206 — au moyen des virus sensi-
Toxogénine 297 bilisés 310
Toxoïdes 204 — contrôlesanaérobies 310
Toxones 204 — contre le choléra des
Toxophore(groupe) 204 poules 305
Traitement des maladies des — contre le charbon sympto-
végétaux 331 matique 308
Tréhalase 110 — jennérienne 254
Tre.ponema 10 —.pastorienne 254
Trichophylon 8 Vaccinothérapie 318
Tropismes 147 — paraspécifique 319
Trypanbleu 318 — spécifique 319
Tryparsamide 317 Vacuolesdigestives 246
Trypanosomiases 317 Variolisation 254, 311
Trypanosomes 16'' Venins 203, 209
Trypanosomidés. . . 15 — (précipitation) 285, 289
Trypsine 111 Vibrions 18
Tuberculine 302 Vielatente 62
Typhus inapparent 232 Vinaigre(fabrication) 87
Tyrosinaso 133 — procédéallemand 88
— procédé d'Orléans 88
U — procédé de Pasteur 88
— (mère du) , S7
Ultramicrobes 32, 218 Virulence 187
Uréase 89 — (affaiblissement) 194
— (aspect qualitatif) 18S
V — (aspectquantitatif) 190
— (augmentation) 193
Vaccinsanticharbonneux 190 — (conservation) 199
— anticlaveleux 311 — (diminution) 194
— antituberculeux 307 — (modifications expérimen-
— contre le charbon sympto- 191
308 —tales) . 197
—matique 195,
contrele choléradespoules. 305 — (variationsqualitatives)..
(variationsquantitatives).. 193
la rage 196, 306 Virusfiltrants 18
le rouget 306 — invisibles 32
— jennériens 304 — sensibilisés 310
— (voies d'introduction).... 312 Voile(culture en) 61
Vaccinationanticharbonneuse. 305 Volutino(grainsde) 23
'34é TABLEALPHABÉTIQUE
X Z
Xanthpchlorelles.,.,,...,,., 331 Zymase ,..,. 113
Xanthoraphine . ., 137 Zygospores 7
Zygotes 12, 13, 14
Zonesde croissance ,. 56, 60
Y Zootoxines ,..,... 203
Zooglées 24
Yeghourt 81 Zoochlorelles 331
TABLE DES MATIERES

Avant propos de la première édition 1


Préface de la deuxième édition 3

PREMIÈRE PARTIE

MORPHOLOGIE DES MICROBES

CHAPITRE PREMIER
Champignons.
I. — Caractères généraux 6
A. Structure 6
B. Polymorphisme 6
C. Modesde reproduction. 7
II. •— Principales espèces pathogènes 8
A. Fungi impcrfecli 8
B. Ascomycètes 0
C. Phycomycètes 10

CHAPITRE II
Protozoaires.
I. — Spirochètes , •• 11
II. — Rhizopodes 12
III. — Sporozoaires .. . 13
A. Télosporidies , • 13
1° Coccidies :...,,,....,... 13
2° Hémosporidies , 13
B. Néosporidies - •• • 14
1° Sarcosporidies 14
2° Haplosporidies 14
346 TABLEDES MATIERES
IV. — Flagellés . 15
V. — Infusoires 10

CHAPITRE III
Bactéries.
I. •—Morphologie générale 18
A. Caractèresgénéraux 18
B. Polymorphisme 19
C. Formes d'involuiion 20
II. — Structure 20
A. Membrane 20
B. Contenu 21
C. Capsules 23
D. Cils 25
III. •—Reproduction 26
A. Scissiparité ' 26
B. Sporulation 27
1° Formation des spores 27
2° Germination des spores 28
IV. — Classification 29
V. — Virus invisibles et incultivables 32

CHAPITRE IV
Composition chimique et réactions tinctoriales des microbes
I. — Composition chimique 34
A. Champignons 34
B. Protozoaires 35
C. Bactéries. 35
1° Membrane 36
2° Contenu cellulaire 36
a. Teneur en eau 36
b. Cendres 36
c. Azote total 36
d. Extraits alcoolique et éthéré 37
e. Protides 37
/. Glucides 37
g. Lipides et lipoïdes phosphores 37
II. — Réactions tinctoriales 39
A. Champignons 39-
B. Protozoaires 39
C. Bactéries 40
TABLEDES MATIÈRES 347

DEUXIÈME PARTIE
PHYSIOLOGIE DES MICROBES.

CHAPITRE V
Nutrition.
I. — Nutrition des champignons 45
A. Aliments minéraux 46
B. Aliments hydrocarbonés 47
C. Aliments azotés 47
II. — Nutrition des levures 48
A. Aliments minéraux '- 48
B. Aliments hydrocarbonés 49
C. Aliments azotés 49
III. — Nutrition des protozoaires 50
IV. — Nutrition des bactéries 51
A. Aliments minéraux 51
B. Aliments carbonés 52
C. Hydrogène et oxygène 52
D. Aliments azotés 52

CHAPITRE VI
Milieux de culture.
I. — Consistance 55
II. — Richesse 55
III. RÉACTION 55

CHAPITRE VII
AMBIANTES.
RÔLEDESCONDITIONS
I. — Agitation 61
II. — Pression 61
III. — Température 62
A. Champignons 62
B. Protozoaires 62
C. Bactéries 63
IV. — Lumière 64
V, — Électricité 65
348 TABLEDES MATIÈRES
VI. — Oxygène . Respiration 65
A. Champignons 66
B. Bactéries 66

CHAPITRE VIII
Fermentations .
I. — Fermentation alcoolique 71
A. Ferments alcooliques 72
B. Corps fermentescibles 73
C. Causes qui influent sur la fermentation 76
II. — Fermentation panaire 77
III. — Fermentation du saccharose 78
IV. — Fermentation lactique 78
A. Ferments lactiques 78
B. Produits de la fermentation 79
C. Conditionsde la fermentation 80
V. — Fermentation butylène-glycolique 81
VI. — Fermentation butyrique et butylique 82
VII. — Fermentation des corps pectiques 83
VIII. — Fermentation de la cellulose 84
IX. — Fermentation acétique 85
A. Ferments acétiques 85
B. Mécanismede la fermentation 86
C. Conditionsde la fermentation 87
1° Procédé de Pasteur 88
2° Procédé d'Orléans 88
3° Procédé allemand 88
X. — Fermentations gluconique et oxygluconique 88
XI. — Fermentation ammoniacale 88

CHAPITRE IX
NlTRIFICATION
ETDÉNITRIFICATION.
I. NlTRIFICATION 90
II. DÉNITRIFICATION 93

CHAPITRE X
Putréfaction.
I. — Putréfaction des tissus animaux , 95
II. — Putréfaction intestinale 98
TABLEDES MATIÈRES 349
III. — Putréfaction des matières végétales 99
IV. — Épuration des eaux biologiques • 100

CHAPITRE XI
Diastases et actions diastasiqûes.
— Caractères généraux des diastases
I. 102
II.— Élaboration des diastases 104
ÏII.— Extraction des diastases 105
IV. — Causes qui influent sur les actions diastasiqûes . . . 106
A. Température 106
B. Lumière 106
C. Agents chimiques 10"
D. Antiseptiques ' • 108
V. — Caractères des principales diastases 108
A. Diastases hydrolysantes dessucreset de leurs dé ivés 109
1° Sucraseou invertine 109
2° Maltase 110
3° Mélibiasc HO
4° Tréhalase HO
5° Lactasc . . .' HO
0° Amylaso et dextrinase 110
7° Inuiase 110
8° Cellulase HO
9° Émulsine Hl
10° Myrosine Hl
11° Tannase . Hl
B. Diastases hydrolysantes des protides. — Pepsine. — Tryp-
sine. — Caséase. — Fibrinase. — GHatase. — Protéases
diverses , Hl
C.Diastases hydrolysantesdes lipides 112
1° Lipase ' • •• H2
2° Monotautyrase H2
D. Diastases coagulantes : 112
Présure, chymosine oulab 112
E. Diastases oxydantes. H*3
1° Laccase H3
2° Tyrosinase H3
3° Peroxydases H3
F. Diastasesdécomposantes • H3
1° Catalase H3
2° Zymase 113
350 TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE XII
Échanges nutritifs. Modifications des milieux.
I. — Assimilation 110
A. Assimilationde V'azoteorganique 116
B. Assimilationde V'azoteatmosphérique 118
1° Bactéries des nodosités 118
2° Microbesdu sol, fixateurs d'azote 120
3° Culture et développement des microbes fixateurs
d'azote 121
C. Assimilation du soufre 122
D. Assimilationdu fer 123
II. — Désassimilation 124
III. — Modifications des milieux 125
A. Changementsde résistance 125
B. Changementsde réaction 125
IV. — Phénomènes d'oxydation et de réduction 127
V. — Échanges gazeux 127

CHAPITRE XIII
Production de chaleur, de lumière et de matières colorantes.
I. — Production de chaleur 129
II. — Production de lumière ou photogenèse 129
A. Conditionsdela luminescence 131
B. Causes de la luminescence 132
III. — Production de matières colorantes ou chromo-
genèse 133
A. Caractères généraux des microbes chromogèneset des pig-
ments ; 133
1° Pigments bleus 135
2° Pigments rouges et violets. 136
3° Pigments jaunes et oranges 137
4° Pigments de couleurs variées 137
5° Pigments fluorescents 138
B. Conditionsqui influent sur la chromogenèse 139
1° Température 139
2° Lumière 139
3° Pression 140
4° Réaction des milieux 140
5° Composition des milieux 140
6° Aération 142
7° AïîliscpUqucs 143
TABLEDES MATIERES 351
8° Age des cultures 143
C. Production naturelle et expérimentale de races variées de
bactérieschromogènes 143
1° Races de b. cyanogène 144
2° Races du b. pyocyanique 144
3° B. Le Mohnieri 144

CHAPITRE XIV
Locomotion et manifestations sensitives.
I. — Motilité 145
A. Circonstancesqui influencentla motilité 146
B. Perle dela motilité 147
II. — Tropismes 147

CHAPITRE XV
Évolution. — Développement. — Sporogenèse.
I. — Évolution et développement 150
A. Champignons 150
B. Protozoaires 150
C. Bactéries 150
1° Évolution de l'individu 150
2° Évolution des colonies 152
II. — Sporogenèse et germination des spores 154
A. Champignons 155
B. Bactéries • 156
III. ASPOROGÉNIE 157

CHAPITRE XVI
Modifications morphologiques des microbes.
— Principales causes 159
1° Température 159
2° Lumière •• 159
3° Radium 159
4° Consistanceet composition des milieux 160
5° Alcalinité et acidité des milieux 160
6° Vieillissement 160
7° Substances chimiques 160
8° Passages par l'organisme animal 161
Formes massuées 161
352 TABLEDES MATIÈRES

CHAPITRE XVII
Altérations et mort des microbes.
I. — Principales causes nuisibles . . . . , .- 163
A. Plasmolyse 163
B. Dessiccation 164
C. Agitation 165
D. Pression 165
E. Température 165
1° Chaleur sèche 165
2° Chaleur humide 166
3° Basses températures 166
F. Lumière 167
G. Electricité 168
H. Bayons X 168
I. Radium 168
J. Aération 169
K. Antiseptiques .. 169
1° Nature de l'antiseptique, concentration, temps d'action 169
2° Véhicule. Corps favorisants et empêchants 172
3° Température ambiante 173
4° Nature des germes. Milieux 173
5° Accoutumance aux antiseptiques 174
L. Changementsdemilieu 175
M. Actions réciproques des germes associés 176
II. — Mort naturelle des microbes 177
III. — Lyse des microbes 178
A. Autolyse 178
1° Caractères des éléments autolysés. . . : 179
2° Conditions et mécanisme de Pautolyse 181
B. Ilétérolyse 182
C. Lyse microbienne transmissible 188

TROISIÈME PARTIE
ACTIONS PATHOGÈNES DES MICROBES. IMMUNOLOGIE

CHAPITRE XVIII
Virulence.
ï. — Aspect qualitatif de la virulence 188
II. •— Aspect quantitatif de la virulence 190
III. — Relations entre la virulence des microbes et la
réceptivité de leurs hôtes 190
TABLEDES MATIÈRES 353
IV. — Modifications expérimentales de la virulence 191
A. Variations quantitatives 193
. 1° Augmentation 193
2° Diminution 194
B. Principales causesdes variations quantitatives de la viru-
lence 195
1° Chaleur 195
2° Culture à une température dysgénésique 195
3° Chaleur et aération (méthode d'atténuation pasto-
rienne ) 196
4° Dessiccation (méthode pastorienne d'affaiblissement). 196
5° Lumière, pression, oxygène comprimé 197
6° Réaction et composition des milieux de culture 197
7° Antiseptiques 197
C. Variations qualitatives 197
V. — Conservation de la virulence 199

CHAPITRE XIX
Toxines et toxinogenèse.
I. — Nature et propriétés physico-chimiques des
toxines 203
A. Toxinessolubles(Exotoxines) 204
B. Toxinessolides(Endotoxines) 205
II. — Toxigenèse 206
III. — Effets des toxines 208
IV. — Modes d'action des toxines . 209
A. Toxines à eschare humide 209
B. Toxinesà escharesèche 210
G. Neurotoxines 210
V. — Physiologie pathologique de l'intoxication 210
A. Neurotoxinespures 210
B. Toxinesà escharehumide 212
C. Toxinesà escharesèche 212
VI. — Propriétés toxigènes des microbes et virulence. . 212 •
VII. — Toxines partielles 213
A. Hémotoxines 213
B. Leucocidines 215
VIII. — Agressines 215

CHAPITRE XX
Modes et conditions générales de l'infection microbienne.
I. — Nature des agents infectieux 217
Microbiologiegénérale, 2eédit. 23
354 TABLEDES MATIERES
II. — Provenance des agents infectieux 218
A. Contagion directe 218
B. Auto-infection . 218
C. Contagionpm- ïair 219
D. Contagionpar leseaux 219
E. Contagionpar le sol 219
F. Contagionpar les objets 220
G. Contagionpar lesaliments 220
H. Contagionpar lesinsecteset les arachnides 220
I. Contagion directede l'hommepar lesanimaux 221
J. Contagionpar lesporteurs de germes 221
K. Contagion intra-utérine 222
-III. — Portes d'entrée des microbes 222
A. Peau et annexes 222
B. Muqueuses 223
IV. — Sort des microbes après leur pénétration dans
l'organisme 221.
V. — Conditions de l'infection 225
A. Conditionstenant au microbe 22(i
B. Condition tenant à ï'organisme 227
1° Conditions physiologiques (espèce, race, âge, état gra-
vide) 227
2° Conditions pathologiques 227
C. Conditionstenant au modedeVinoculation 228
VI. — Circonstances qui localisent l'infection. Électi-
vité organique, tissulaire ou cellulaire 229
VII. — Infections mixtes 230
A. Infections associées 230
B. Infections secondaires 231
C. Infections par lesmicrobesdesortie 231
VIII. — Infections inapparentes 232
IX. — Infections latentes 232

CHAPITRE XXI
Signes et évolution des infections.
I. — Signes généraux et locaux 234
A. Inflammation 235
a. Caractères généraux de l'inflammation 235
b. Processusinflammatoires 236
1° Processus aigus. Nodules toxi-infectieux. Inflamma-
tion exsudative. Thromboses et embolies 236
2° Processus subaigus 236
3° Processus chroniques 237
TABLEDES MATIÈRES 355
4° Lésions spécifiques; Granulome.. 237
B. Suppuration 237
C. Nécrose. Gangrène 238
ÎI. — Évolution des infections 238
A. Infections aiguës 238
lo Incubation 238
2° Invasion 239
3° Période d'état 239
40 Guérison 239
B. Infections chroniques 240
C. Mort 240

CHAPITRE XXII
Phagocytose.
I. — Caractères généraux des phagocytes 241
II. — Mécanisme de la phagocytose 242
A. Contactadhésif : 244
B. Englobement 245
C. Digestion 246
III. — Phagocytose et infection 248

CHAPITRE XXIII
Immunité.
I. — Immunité' naturelle contre les microbes 550
A. Causesde variations de l'immunité naturelle 251
1° Débilitation antérieure 251
2° Jeûne 251
3° Saignées 251
4° Surmenage 251
5° Refroidissement 251
6° Réchauffement 251
7° Diabète 251
8° Intoxications 251
9° Traumatismes 251
10° Injections parentérales de substances étrangères.... 251
11° Action des substances chimiques, des toxines solubles
. et des corps microbiens 25i
B. Mécanismede l'immunité antimicrobiennenaturelle 252
H- — Immunité naturelle contre les toxines 253
III. — Immunité acquise 254
A. Immunité active 254
Mécanismede l'immunité active 255
356 TABLEDES MATIÈRES
1° Théorie cellulaire 250
2° Théories humorales 260
a. Bactériolyse et cytolysc 20'i
b. Alexine 2613
B. Immunité passive 2(i3
C. Immunité héréditaire 264
D. Immunité conféréepar la lactation 265
IV. — Immunité locale 205
V. — Immunité chez les Invertébrés 20G

CHAPITRE XXIV
Antigènes et anticorps.
I. — Antigènes •. 208
II. — Anticorps 209
A. Agglutinines 270
B. Précipiiincs 272
C. Antitoxines 273
D. Sensibilisatrices. Actions lyliques 275
K. Anticorps naturels ou normaux 277
E. Antijermenls 278
III. — Mécanisme des réactions antigène-anticorps 278
A. Caractèresgénéraux descolloïdes 27!)
B. Adsorption 281
C. Stabilité descolloïdes.Coagulation : 282
D. Modes d'action des anticorps 284.
1°.Théorie d'Ehrlich 284.
2° Théorie d'Arrhénius-Madsen 284.
3° Théorie de Bordet 285
4° Théorie de Metchnikoff 286
5° Théorie de M. Nicollc 28G
E. Relations entreles différentsanticorps 288
F. Genèsedes anticorps 290

CHAPITRE XXV
Hypersensibilité . Anapiiylaxie .
I. — Hypersensibilité active 292
A. Caractèresgénéraux 292
B. SympiCmesdu chocanaphylactique 294
II. — Hypersensibilité passive 295
III. — Hypersensibilité locale 295
[ IV. — Désensibilisation ou anti-anapiiylaxie 296
TABLEDES MATIÈRES 857
V. MÉCANISME DESRÉACTIONS ANAPHYLACTIQUES 297
1° Théories humorales 297
2° Théorie physique 299
3° Théorie cellulaire 299
4° Théorie de M. Nicollc et Césari 300
VI. — Allergie 300
VII. — Sensibilité a la tuberculine, a la malléine, a la
LUÉTINE,ALAMÉLITINE ETAUXPRODUITS ANALOGUES 302
VIII. — Hypersensibilité aux toxines 303

• CHAPITRE XXVI
Thérapeutique préventive des maladies infectieuses. —
Immunisation.
I. — Immunisation active 304
A. Vaccinspastoriens et vaccinationspastoriennes 305
1° Vaccination contre le choléra des poules 305
2° Vaccination anticharbonneuse 305
3° Vaccination antirabique ' 300
B. Vaccinationantituberculeuse 307
('. Vaccination au moyen de microbes modifiéspar le chauf-
fage '. ." 308
I). Vaccination au moyen de microbes tués par le chauffage
ou par des substancesantiseptiques 308
E. Vaccinationau moyen destoxines etdesextraitsmicrobiens. 30!)
F. Vaccinationau moyen desanatoxines 310
G. Vaccinationau moyendesvirus sensibilisés 310
H. Séro-vaccinalion 311
I. Immunisation au moyen desvirus normaux 311
J. Immunisation au moyendes agressines 312
K. Voiesd'introduction desvaccins 312
II. — Immunisation passive 312
A. Sérums antitoxiques 313.
B. Sérums antimicrobiens 314

CHAPITRE XXVII
Thérapeutique curative des maladies infectieuses.
I. — Destruction des germes 315
A. Sérothérapie antimicrobienne • 315
B. Chimiothérapie 316
1° Chimiothérapie des mycoses 316
2° Chimiothérapie des protozooses 317
3° Chimiothérapie des affectionsbactériennes 318
C. Vaccinothérapieou, mieux, antigénothérapie 318
358 TABLEDES MATIÈRES
D. Médicationsubstitutiveou résolutive 320
E. Médication aniiphlogistique 320
F. Médicationrévulsive 320
G. Médicationperturbatrice 321
II. — Neutralisation des toxines 321
A. Sérothérapieantitoxique 321
B. Anatoxinothérapie 322
' CHAPITRE XXVIII
Apehçu sur les maladies infectieuses des plantes
I. — Nature des agents infectieux 323
A. Champignons 323
B. Protozoaires 324
C. Bactéries 324
II. — Modes de propagation des parasites 325
III. — Influence des conditions ambiantes 325
IV. — Virulence des parasitf.s 325
A. Aspectqualitatif 325
B. Aspectquantitatif 320
V. — Sensibilité des plantes 320
VI. — Moyens d'action des parasites 320
A. Champignons 320
B. Bactéries 327
VII. — Moyens de résistance des plantes 327
VIII. — Modes de pénétration des parasites 327
A. Champignons . . . 327
B. Bactéries 32S
IX. — Caractères généraux des maladies microbiennes
des plantes 328
— Évolution des accidents et pathogénie ./-x^^-J,
X. «.•~.'*-..320
i .'A" -f. e x
XI. — Traitement /-C-- >J5yH
XII. — Champignons et bactéries symbiotiques: ...'.}..!, 1 38ï,
Champignonssymbiotiques des orchidées (myeorhizesj\. . {. . . 332
GS2.'M.l-25. CORBEIL.
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