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Pierre LAMBERT

AvocAT AU BARREAU DE BRUXELLES

SECRET
PROFESSIONNEL

BRUYLANT
BRUXELLES
2 0 0 5
Cet ouvrage sera intégré dans le Répertoire pratique du droit belge,
complément, tome X, après mise à jour lors de sa publication.

ISBN 2-8027-2043-0
D / 2005 / 0023 / 28
© 2005 Etablissements Emile Bruylant, S.A.
Rue de la Régence 67, 1000 Bruxelles.

Tous droits, même de reproduction d'extraits, de reproduction photomécanique oude


traduction, réservés.

IMPRIMÉ EN BELGIQUE
AVANT-PROPOS

1. Le Répertoire pratique du droit belge consacrait au verba <<Secret


professionnel >> un peu moins de dix pages dans son tome XII paru
en 1943. Les développements qui y sont consacrés sont entièrement
bàtis autour de la distinction entre les notions de confidences néces-
saires et de confidences volontaires, née sous la plume de Charles
Muteau dans les années 1870 et développée par Ie procureur général
à la Cour de cassation Janssens dans ses conclusions avant l'arrêt
du 20 février 1905, abondamment cité dans la jurisprudence et la
doctrine qui suivirent. Cette distinction purement arbitraire et tota-
lement ignorée par Ie législateur a été considérée durant de longues
années comme un véritable postulat, au même titre que Ie dogme
du secret professionnel absolu qui s'est imposé à la fin du XIXe siè-
cle.
Depuis lors, une évolution marquante est apparue dans deux
domaines. Alors que la jurisprudence manifestait la volonté de res-
treindre Ie nombre de professions assujetties au secret professionnel,
progressivement, Ie législateur en a élargi Ie champ d' application. Il
a rendu applicable la notion à diverses catégories professionnelles
<lont l'expert fiscal et comptable, mais aussi Ie détective et la
société de gestion des droits d' auteurs, soit en ren voyant aux peines
prévues par l' article 458 du Code pénal, soit en prévoyant des pei-
nes spécifiques souvent plus sévères, recourant, sans toujours opérer
de distinction, tantöt à la notion de secret professionnel, tantöt à
celle de discrétion.
De son cöté, la jurisprudence s' est enrichie depuis quelque vingt
ans de décisions rendues par la Cour d'arbitrage et la Cour de cas-
sation qui ont adopté une conception du secret professionnel plus
réaliste et plus humaine que celle qui prévalait antérieurement, et
qui est désormais fondée sur la théorie des conflits de valeurs, nuan-
cée par Ie principe de proportionnalité. De plus, la Cour européenne
des droits de l'homme intervient de plus en plus fréquemment, et
souvent avec bonheur, pour rappeler la place des droits fondamen-
6 AVANT-PROPOS

taux dans le domaine concerné. Il résulte de l' ensemble de ces élé-


ments une modification profonde de la manière d' appréhender la
matière du secret professionnel qui demeure toujours néanmoins
une des plus délicates de tout le droit pénal.
INTRODUCTION HISTORIQUE

2. Si l'expression même de <<secret professionnel» ne remonte pas


au-delà de la rédaction du Code pénal de 1810, le concept qu'elle
contient a des racines historiques beaucoup plus anciennes. L'idée
qu'une confidence reçue doit être gardée se retrouve à des époques
très reculées.
Il est nécessaire de suivre l'évolution de cette règle, d'abord éthi-
que, ensuite juridique, pour déterminer la place exacte qu'elle
occupe dans nos conceptions de la vie en société. Cette évolution
montre, en tous cas, que la règle a été admise de manière très dif-
férente d'une époque à l' autre, car elle est fondée sur une notion
complexe qui se trouve constamment au carrefour de conflits entre
plusieurs valeurs.
Aujourd'hui encore, les limites du secret professionnel sont sou-
vent mal définies et les questions qu'elles posent sont fréquemment
délicates.

SECTION 1. - L' ANTIQUITÉ ET L' ANCIEN DROIT

3. Les auteurs font le plus souvent remonter la tradition du


secret professionnel au fameux serment d'Hippocrate, qui vécut au
ye siècle avant Jésus-Christ, très exactement de 460 à 377 avant J.-
C. Ce serment, attribué au célèbre médecin grec et placé en exergue
de tous ses ouvrages, se termine par un engagement solennel de dis-
crétion, souvent cité. Le texte a donné lieu à plusieurs traductions.
Une des plus connues est celle de Littré :
<<,Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous
les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que ... quoi que je voie ou
entende dans la société, pendant l'exercice ou même hors de l'exercice de ma pro-
fession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion
comme un devoir en pareil cas,> (Hippocrate, (Euvres complètes, trad. par E. Lit-
tré, Librairie Baillière, Paris, 1844, t. IV, p. 630).
Il serait hasardeux d' affirmer que ce serment a toujours proclamé
le principe du secret médical dans sa signification moderne et, plus
encore, que le précepte hippocratique a toujours été réellement res-

....
8 INTR0DUCTION HIST0RIQUE

pecté ou que depuis le ye siècle avant Jésus-Christ, la notion en a


été vraiment vivante sans discontinuer (voy. Mirko D. GMERK,
<<L'origine et les vicissitudes du secret médical», Cahiers Laennec,
septembre 1959, p. 5).
Il semble bien qu'Hippocrate n' a fait que rappeler à l'intention
des médecins une règle générale qui faisait partie de l'éthique de
l'époque. L'engagement solennel qu'il rappelle se présente, indépen-
damment du caractère sacré que lui donne l'invocation aux divini-
tés de l' Antiquité, comme une règle de conduite personnelle à res-
pecter tant dans le cours de la pratique professionnelle que dans le
commerce ordinaire de la vie. Sa seule sancti on paraît bien n' être
qu'une simple réprobation morale.
4. Un texte plus ancien encore contient l'énoncé d'une règle
morale de discrétion; il se trouve dans la Bible, dans la partie inti-
tulée Les proverbes que l' on attribue à Salomon, le fils et le succes-
seur de David, roi d'Israël, qui vécut de 970 à 931 avant Jésus-
Christ. Sa sagesse resta légendaire dans tout l'Orient, et les règles
morales reprises dans Les proverbes reflètent les conceptions de la
vie en société, au Moyen-Orient, du IX 8 siècle au ye siècle avant
Jésus-Christ. Les versets 9 et 10 du chapitre XXV des Proverbes
énoncent:
<<As-tu un procès avec ton prochain. défends-toi mais sans dévoiler des secrets
qui ne t'appartiennent pas: tu serais blámé par ceux qui t'entendent et décrié
sans retour,>, (La Bible, trad. sous la direction du grand rabbin Zadoc Kahn, Dur-
lacher, Paris, 1960, t. II, p. 392. Une autre traduction dont !'auteur n'est pas
connu est rédigée de la manière suivante: « Avec ton prochain vide ta querelle, mais
sans révéler Ze secret d 'autrui, de crainte qu 'en l 'entendant on ne te bafoue et que tu
n'y perdes ta réputation»).
La règle morale contenue dans le proverbe du roi Salomon est
extrêmement large : elle s'impose à tous et ne fait pas de distinction
entre les confidences reçues à !'occasion de l'exercice d'une profes-
sion et les autres.
La perpétuation au travers des siècles d'une obligation stricte de
secret tenue pour avérée par les médecins, est loin d'être démontrée.
Il n'est, en effet, question de secret médical ni dans les Institutes,
ni dans les Codes de Justinien. Seul Cicéron y fait une vague allu-
sion dans un de ses écrits : «Medici qui thalamos et tecta aliena
subeunt, multa tegere debent etiam laesi quamvis difficile tacere cum
doleas. » (traduction due à Anne-Elisabeth PEIFFER-DALCQ: Les
INTR0DUCTION HIST0RIQUE 9

médecins qui entrent dans la maison et sous le toit d' au trui doivent
garder le secret sur bien des choses, même sous la contrainte, quel-
que difficile qu'il soit de se taire sous la douleur). En revanche, dans
ses Philippiques, Cicéron flétrit l' avocat qui trahit la confiance
nécessaire que le client doit à son défenseur. Quant aux Capitulaires
de Charlemagne, elles ne font pas mention de secret professionnel.
5. Ce concept a en réalité franchi une étape supplémentaire gràce
à l'enseignement de l'Eglise catholique. L'inviolabilité du secret de
la confession a été affirmée, dès le IVe siècle, au concile de Carthage,
en même temps que se répandait à cette époque, la pratique de la
confession privée. Très töt, l'Eglise catholique a posé en principe
que les confidences reçues au cours de la confession, devaient
demeurer secrètes. En 1215, le 4e concile de Latran édicta la règle
suivante:
<<Celui qui aura découvert Ie péché ( ... ) reçu par la voie de la confession sera,
par notre ordonnance, non seulement déposé de la dignité sacerdotale, mais encore
enfermé dans un monastère d'étroite observance, pour y faire pénitence Ie reste
de ses jours».
Au XVIe siècle, le concile de Trente confirma le principe du secret
absolu: « Nullo modo debet testimonium ferri, quia hujus modi non
scit ut homo, sed tanquam Dei minister, et majus est vinculum sacra-
menti quo libet hominis praecepto » (En aucun cas un témoignage ne
doit être produit, parce que le prêtre n'agit pas en tant qu'homme,
mais comme ministre de Dieu, et le lien du sacrement est plus fort
que les conventions humaines, Qaest., 70, art. 1 in Corp. ibid). Cet
enseignement est rep ris par Thomas d' Aquin quelques années plus
tard, (Michel ROBIN, <<Le secret professionnel du ministre du culte>>,
Rec. Dall., 1982, chron., p. 221). L'inquisition elle-même, que l'on
sait ne s'être jamais montrée bien délicate sur les moyens de péné-
trer dans les secrets de ceux qu' elle considérait comme des ennemis
de Dieu, tenait pour principe, dans la 1561 e règle de l'Ordre, que
jamais et dans aucun intérêt, le secret de la confession ne pouvait
être violé, (DALLOZ, aîné, Répertoire de législation, de doctrine et de
0

jurisprudence, Jurisp. gén., Paris, 1861, t. 42 - 1e partie, v Témoin,


n° 51).
6. L'Edit de Nantes, rendu par Henri IV, le 13 avril 1598, afin
de régler la condition légale de l'Eglise réformée en France, fit droit
à la revendication exprimée au synode de Figeac, en 1579, d'accor-
der aux ministres du culte un droit au secret dans l'exercice de leur
10 INTRODUCTION HISTORIQUE

ministère, bien que Ie culte protestant ne comporte pas Ie sacrement


de la confession. L' article 35 de l'Edit de N antes dispose :
<<Les ministres de la religion réformée ne pourront être contraints de répondre
en justice en qualité de témoins pour les choses révélées en consistoire ... sinon
en ce qui concerne la personne du Roi ou la conservation de l'Etati> .

7. Très töt, les Parlements de l' Ancien Régime ont accepté la


doctrine de l'Eglise et prononcé des peines sévères contre des con-
fesseurs coupables de révélation des secrets qui leur étaient confiés
sous Ie sceau de la confession. Un arrêt du Parlement de Paris du
23 octobre 1580 confirme que <<les prêtres ne sont pas tenus de dépo-
ser sur les choses qu'ils savent sous Ie secret de la confession>>,
(Daniel JoussE, Traité de la justice criminelle en France, Debure,
Paris, 1771, t. II, p. 98, n° 58).
Cependant, Ie droit au secret reconnu aux ministres du culte
n' avait qu'un caractère relatif et ne pouvait être invoqué lorsqu'il
entrait en conflit avec des valeurs considérées comme plus impor-
tantes. C'est ainsi qu'une ordonnance de Louis XI du 22 décembre
1477 disposait: <<Toutes personnes quelconques qui sauront ou
auront connaissance de quelques traités, machinations, conspira-
tions et entreprises qui se feront à l'encontre de notre personne, de
nos successeurs, et aussi à l'encontre de l'Etat et sûreté de nous ou
d' eux et de la chose publique de notre royaume, soient tenues et
réputées criminelles de crime de lèse-majesté si elles ne les révèlent. >>
8. En ce qui concerne Ie secret médical, pendant longtemps,
l'école de médecine de Montpellier, la plus ancienne de France, a
inséré Ie serment d'Hippocrate en tête des thèses de ses médecins,
ce qui semblerait indiquer Ie maintien d'une certaine tradition
morale. La faculté de médecine de Paris l' a consacrée dans l' article
77 de ses statuts de 1171 et l' a résumée lors de leur réforme, pré-
sentée au Parlement de Paris, Ie 3 septembre 1598, dans une for-
mule contenue à l' article 19 : << Aegrorum arcana, visa, audita, intel-
lecta, eliminet nemo », que l' on peut traduire : << Personne ne peut
révéler les secrets des malades qu'ils soient vus, entendus ou
compris>>.
Quoi qu'il en soit, il est important de souligner que dès Ie Moyen
Age, les autorités municipales et autres exigeaient des médecins la
déclaration des cas de peste et de lèpre. Bien mieux, en août 1301,
un règlement du prévöt de Paris impose l' obligation aux barbiers de
INTR0DUCTION HIST0RIQUE 11

la ville qui auraient ((étanché ou pansé un blessé, de le faire savoir


à la justice ... >> (Dominique THOUVENIN, Le secret médical et l'infor-
mation du malade, Presses universitaires de Lyon, 1982, p. 24).
9. Plus tard, à la suite des troubles et des agitations ayant mar-
qué la fin du régime de Louis XIII, Louis XIV résolut de donner
une organisation nouvelle à la police de Paris. Pour Hendre sa tàche
plus facile>>, il pensa lui donner pour auxiliaires les chirurgiens de la
ville. De là, dans l'édit de décembre 1666, rendu à Saint-Germain-
en-Laye, ces dispositions qui imposent aux chirurgiens et aux infir-
miers ou administrateurs des höpitaux de <<déclarer au commissariat
du quartier les blessés qu'ils auront pansés chez eux ou ailleurs pour
en être fait par ledit commissaire son rapport à la police>> et ce, à
peine de 200 livres d' amende pour la première fois, et en cas de réci-
dive, de l'interdiction de la maîtrise pendant un an, et pour la troi-
sième, la privation de leur maîtrise>> (Charles MuTEAU, Du secret
professionnel, de son étendue et de la responsabilité qu 'il entraîne,
Maresq, Paris, 1870, p. 348).
L'obligation ainsi imposée aux chirurgiens, ainsi qu'aux infirmiers
et aux administrateurs des höpitaux fut renouvelée, avec quelques
modifications, par des ordonnances de police, les 5 novembre 1716,
4 novembre 1778, 8 novembre 1760, 4 novembre 1788, 17 ventöse
an IX, 4 pluviöse an XII, 25 ventöse an XIII et 25 août 1806. En
présence de telles dérogations à l' obligation au secret médical, il est
difficile d' affirmer la pérennité de celui-ci depuis Hippocrate, même
si ces dérogations étaient justifiées par des considérations tenant à
l' ordre public.
10. Il faut cependant constater que l'édit de Saint-Germain-en-
Laye et les ordonnances subséquentes ne s' adressaient pas aux
médecins, <lont la profession était déjà peu ou prou honorée, sinon
redoutée. Les révélations n' étaient imposées qu' aux chirurgiens, aux
infirmiers et aux administrateurs des höpitaux. Personne, à l' épo-
que, ne trouva choquant qu'on chargeàt les chirurgiens de cette
fonction de police, tant leur métier était méprisé : les chirurgiens et
les barbiers ne formaient qu'une seule corporation, suivant des let-
tres patentes d'août 1616. En 1655, il se produisit une fusion entre
le corps des chirurgiens et celui des barbiers (François MILLEPIER-
RES, La vie quotidienne des médecins au temps de Molière, Hachette,
Paris, 1965, p. 197). Au XVIIIe siècle, on consentit à ne plus con-
12 INTR0DUCTION HIST0RIQUE

fondre les chirurgiens avec les barbiers, mais on les considéra tou-
jours comme appartenant à une profession inférieure à celle des
médecins jusqu'au décret du 18 août 1792 qui supprima les Univer-
sités, les facultés et les corps savants. Les ordonnances de l'époque
révolutionnaire ne parlent plus de «chirurgien», le terme ayant été
partout remplacé par l' appellation d' officier de santé.
L'ensemble des dispositions prévues par l'édit de Saint-Germain-
en-Laye et les ordonnances de police ont été implicitement abrogées
par le Code pénal de 1810.

SECTION 2. - LE CODE PÉNAL DE 1810

11. Indépendamment des controverses quant à l' origine du secret


professionnel, on constate que jusqu' à la promulgation, le 22 février
1810, du Code pénal napoléonien, aucune disposition législative
expresse ne sanctionnait pénalement la révélation des secrets.
L'article 378 du Code pénal de 1810 a comblé cette lacune, mais
ne vise expressément que le personnel médical, au sens large, à
l' exclusion de toute autre profession nommément désignée. Il dis-
pose en effet :
« Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens,
les sage8-Jemmes, et toute8 autres personnes dépositaires, par état ou profession, des
secrets qu 'on leur con/ie qui, hors Ze cas ou la loi les oblige à se porter dénonciateurs,
auront révélé ces secrets, seront punis d'un emprisonnement d'un mais à six mais,
et d 'une amende de cent francs à cinq cents francs».

12. Les motifs de la disposition légale ont été présentés par le


chevalier Faure, lors de la séance du Corps législatif du 7 février
1810 dans les termes suivants: <<A l'exception des révélations que la
loi exige, parce qu'elles importent au salut public, tout dépositaire,
par état ou profession des secrets qu' on lui confie, ne peut les révé-
ler sans encourir des peines de police correctionnelle : ne doit-on pas
en effet considérer comme un grave délit des révélations qui sou-
vent ne tendent à rien moins qu' à compromettre la réputation de
la personne dont le secret est trahi ( ... ) (LocRÉ, Législation civile,
commerciale et criminelle, Société typographique belge, Bruxelles, t.
15,1837, p. 445).
Le 17 février 1810, Monseignant apportant au Corps législatif le
vam d' adoption du pro jet émis par la commission législative,
exposa les motifs de l'article 378 en disant: <<Cette disposition est
INTRODUCTION HISTORIQUE 13

nouvelle dans nos lois; sans doute il serait à désirer que la délica-
tesse la rendit inutile; mais combien ne voit-on pas de personnes
dépositaires de secrets dus à leur état, sacrifier leur devoir à la caus-
ticité, se jouer des sujets les plus graves, alimenter la malignité par
des révélations indécentes, des anecdotes scandaleuses, et déverser
ainsi la honte sur les individus en portant désolation dans les
familles. La disposition nouvelle qui a pour objet de prévenir et de
réprimer de pareils abus vous paraîtra, sans doute, un hommage à
la morale et à la justice ... ►> (LocRÉ, op. cit., p. 464).
13. Tels sont les travaux préparatoires de l' article 378 du Code
pénal de 1810; ils sont assurément succincts. Ils montrent en tous
cas clairement que jusqu'alors l'obligation au secret, particulière-
ment de la part des professions médicales qui sont les seules nom -
mément visées par le texte, n' était guère respectée : elle ne ressor-
tissait en tous cas, qu' à la seule conscience morale individuelle. L' on
notera, au passage, que le texte légal est inséré dans le chapitre
relatif aux attentats contre les personnes.
Les travaux préparatoires fournissent l'objet d'une deuxième
constatation, plus importante encore : la protection des personnes
s'efface devant les nécessités du <<salut public ►>, chaque fois que la
loi exige la révélation des secrets confiés à leur dépositaire. Autant
dire que l' obligation au secret professionnel a un caractère relatif,
puisque légalement elle est subordonnée à une obligation plus impé-
rieuse de dénoncer certains faits à l' autorité, en raison de son intérêt
social, dirions-nous aujourd'hui.
14. L' adoption de la législation nouvelle devait logiquement con-
duire, tant en France qu'en Belgique, à un grand nombre de déci-
sions répressives. Or, en Belgique, les seules décisions de jurispru-
dence relatives à la révélation de secrets, sous l'empire des
dispositions du Code pénal de 1810 - qui demeurèrent inchangées
jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 8 juin 1867 contenant le
nouveau Code pénal - concernent soit le refus des médecins de
déposer en justice lors de poursuites pénales à la suite d'un duel ou
lors d'une procédure en divorce, soit encore le refus de révéler le
nom de la mère lors de la naissance d'un enfant naturel (respecti-
vement, en cas de duel: corr. Bruxelles, 11 avril 1845, Belg. jud.,
1845, col. 622 et Bruxelles, 23 mai 1845, Belg. jud., 1845, col. 742
ou Pas., 1845, II, p. 307, et la note; voy. également après l'adop-
14 INTR0DUCTION HIST0RIQUE

tion du Code pénal de 1867 : corr. An vers, 4 juin 1880, Pas., 1880,
III, p. 327 et Bruxelles, 8 novembre 1880, Pas., 1881, II, p. 93.; en
cas de divorce: civ. Bruxelles, 27 janvier 1853, Belg. jud, 1853, col.
477; et en cas de déclaration de naissance: cass., 14 nov. 1853, Pas.,
1854, I, p. 10 et les concl. du procureur général LECLERCQ; cass.,
10 juil. 1855, Pas., I, p. 303 et les concl. conf. du 1er avocat général
DELEBECQUE; corr. Dinant, 30 nov. 1886, Pas., 1887, III, p. 198).
Dans chacune de ces circonstances, les médecins ont préféré encou-
rir des amendes plutöt que de déposer en justice.

SECTION 3. - LE CODE PÉNAL DE 1867

15. La loi du 8 juin 1867 contenant le Code pénal marque une


nouvelle étape dans l'évolution des conceptions relatives au secret
professionnel. Les dispositions qui le concernent ont été modifiées
de manière importante, ce qui évita, dans une certaine mesure, les
controverses de la jurisprudence et de la doctrine françaises relati-
ves au conflit entre le secret professionnel et l' obligation de témoi-
gner en justice.
L' article 458 énonce désormais :
«Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-Jemmes et toutes
autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu 'on leur con-
fie, qui, hors le cas ou ils sant appelés à rendre témoignage en justice et celui ou la
loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d 'un empri-
sonnement de huit jours à six mais et d'une amende cent francs à cinq cents francs».
La loi du 30 juin 1996 a ajouté une dérogation qui concerne les
dépositions <levant une commission d'enquête parlementaire.
En vertu de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de
l' euro dans les matières visées à l' article 78 de la Constitution, les
montants minimum et maximum des amendes prévues par cette
disposition sont convertis, compte tenu des décimes additionnels,
respectivement en 100 euros x 5 et 500 euros x 5, à partir du
1erjanvier 2002.

16. L'article 378 du Code de 1810 faisait cesser le délit de révé-


lation du secret professionnel dans les cas ou la loi oblige les dépo-
sitaires à se porter dénonciateurs. Cette exception se rapportait à
quelques articles du Code d' après lesquels toute personne était
tenue de dénoncer certains crimes dont la connaissance lui serait
parvenue. La législation nouvelle fit disparaître cette obligation qui
INTRODUCTION HISTORIQUE 15

incombait à chacun en sorte que l'exception de l'article 378 n'avait


plus de raison d'être, peut-on lire dans le rapport fait le 10 février
1866, au nom de la commission de la Justice du Sénat par M. For-
geur (voy. J.-S.-G. NYPELS, Législation criminelle de la Belgique,
Bruylant-Christophe, Bruxelles, 1872, t. III, p. 396, n° 45). Le texte
nouveau a remplacé l' exception que constituait l' obligation de se
porter dénonciateur, par deux autres qui, du reste, avaient déjà
obtenu en Belgique, la sanction de la jurisprudence: la divulgation
faite devant la justice par le dépositaire appelé comme témoin et le
cas ou la loi oblige le dépositaire à faire connaître le secret.
La dénonciation que visait l' article 378 du Code pénal de 1810
était un acte spontané, non provoqué par l' autorité judiciaire.
L' article 458 du Code de 1867 restreint donc la portée de cette
exception à l' obligation au secret, mais en même temps, il l' étend
au domaine du témoignage en justice.
17. Il fut clairement précisé au cours des travaux préparatoires
du Code de 1867 que le dépositaire d'un secret n'est jamais tenu
d'en faire la révélation, même pour éclairer la justice. <iCette con-
ception, lit-on dans les travaux préparatoires, repose sur des prin-
cipes de haute moralité, auxquels on ne doit pas porter atteinte : le
prêtre, le médecin, l' avocat peuvent se croire obligés à garder un
secret qu'ils ont reçu : il ne faut pas que leur conscience soit violen-
tée. Mais s'ils jugent à propos, lorsque la justice les interpelle, de
révéler ce qui leur a été confié, aucune peine ne doit les atteindre.
Ils ne violent pas volontairement le secret; interrogés par le j uge,
ils se considèrent comme tenus de rompre le silence, dans l'intérêt
social de la répression, intérêt social qu'ils sont bien fondés à placer
au-dessus de l'intérêt privé d'un individu; on peut même admettre
que ce n'est que sous la réserve de pouvoir en témoigner devant le
magistrat, qu'ils sont constitués dépositaires du secret>> (NYPELS,
op. cit., ibid).
Quant au cas ou la loi oblige le dépositaire à faire connaître le
secret, le texte nouveau se réfère spécialement à l' article 361 du
Code et fait allusion à ceux qui ont assisté à un accouchement, et
qui ne peuvent invoquer leur qualité d'hommes de l'art pour taire
le nom de la mère (NYPELS, op. cit., ibid). Des dispositions légales
ultérieures étendirent sensiblement le champ d' application de cette
exception.
16 INTRODUCTION HISTORIQUE

SECTION 4. ~ L' ARTICLE 458bis DU Co DE PÉNAL


(RELATIF À LA PROTECTION PÉNALE DES MINEURS)

18. Il ressort de l'exposé des motifs du projet de loi déposé par


le ministre de la J ustice le 23 décem bre 1998 sur le bureau de la
Chambre des représentants que ce projet est le fruit de près de deux
années de réflexions amorcées à la suite des événements tragiques
d' août 1996 marqués par l' enlèvement de plusieurs enfants, leur
assassinat et l'arrestation des auteurs (Doe. parl. Chambre, sess.
o.1998-1999, n° 1907/1, p. 1). Le projet de loi se donnait pour objet
de lutter plus efficacement contre le phénomène de l' exploitation
sexuelle des enfants, et, à cette fin, de renforcer leur protection
pénale.
L' article 33 de la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection
pénale des mineurs a introduit, dans le Code pénal, un article 458bis
libellé dans les termes suivants :
« Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de
ce fait connaissance d'une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396
à 405ter, 409, 423, 42,5 et 426, qui a été commise sur un mineur, peut, sans pré-
judice des obligations que lui impose l 'article 422bis, en informer le procureur du
Roi, à condition qu 'elle ait examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-
ci, qu 'il existe un danger grave et imminent pour l 'intégrité mentale ou physique de
l 'intéressé et qu 'elle ne soit pas en mesure, elle-même au avec l 'aide de tiers, de pro-
téger cette intégrité » .
Les articles visés concernent respecti vement l' attentat à la
pudeur et le viol (art. 372 à 377), l'homicide, les lésions corporelles
volont{l,ires, la torture, les traitements inhumains et dégradants
ainsi que le meurtre (art. 392 à 394), l'homicide volontaire non qua-
lifié << meurt re)) et les lésions corporelles volontaires (art. 396 à
405ter), la mutilation des organes génitaux (art. 409), le délaisse-
ment et l'abandon d'enfants ou d'incapables dans le besoin (art.
423), ainsi que des privations d' aliments ou de soins infligés à des
mineurs ou des incapables (art. 425 et 426). L'article 422bis con-
cerne la non-assistance à personne en danger.
La disposition a introduit dans le Code pénal une nouvelle déro-
gation à l' obligation du secret professionnel dans les différentes
hypothèses visées, tout en la subordonnant à diverses conditions qui
seront examinées infra dans le chapitre consacré à la <<protection
pénale des mineurs)>.
TITRE I
LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

CHAPITRE I
LE FONDEMENT
DU SECRET PROFESSIONNEL

SECTION 1. - LA THÉORIE
DU FONDEMENT CONTRACTUEL

19. Au XIXe siècle, la doctrine assignait une origine contractuelle


à l' obligation de respecter le secret professionnel. Selon les partisans
de cette théorie, il se formerait entre le médecin, le prêtre, l' avocat
ou le notaire, d'une part, et le client, d'autre part, un contrat astrei-
gnant le praticien à l' obligation de ne rien révéler des confidences
que le client lui aurait faites.
Cette conception s' appuyait sur la liberté de choix du client
lorsqu'il s' adresse à un praticien et sur la liberté corrélative de celui-
ci d' accepter ou de refuser de prêter ses services et partant, de refu-
ser de recevoir la confidence. L' on observe immédiatement que bien
sou vent ce choix n' est pas libre : il suffit de songer à l'intervention
du médecin à l'höpital public, à la commission d'office de l'avocat,
à la désignation du notaire par justice ... Dans chacune de ces
hypothèses, ces praticiens sont à l' évidence également astreints au
respect du secret professionnel. En outre, de nombreux profession-
nels sont tenus à la même obligation, alors qu'il n'existe en ce qui
les concerne aucun lien contractuel envers les personnes amenées à
faire des confidences; c' est le cas des magistrats, des greffiers, des
policiers et, d'une manière générale, de tous ceux qui se trouvent
placés sous un régime statutaire et réglementaire.
C'est principalement en France que la théorie du fondement con-
tractuel a été défendue.
18 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

20. S' appuyant sur la lettre de l' article 378 du Code pénal de
1810 qui utilise l'expression de «personnes dépositaires ... des secrets
qu 'on leur confie », certains auteurs en ont déduit que l' on se trou-
vait en présence d'un contrat de dépöt (Charles Merger, Le secret
professionnel, thèse de la Faculté de droit de Paris, Paris, Chau-
mont, 1895, pp. 17 et s.; Alfred MoREAU, <<De la divulgation des
secrets médicaux>>, in Ann. soc. méd. lég. de Belg., 1892, p. 3; Paul
VERWAEST, Le secret professionnel médical, Giard-Brière et Jouve,
Paris, 1892, pp. 19 et s.).
L'erreur juridique sur laquelle repose cette conception a été mise
en lumière dès la fin du XIXe siècle. Le terme <<dépositaire>> utilisé
par l'article 378 du Code pénal ne revêt pas le sens juridique que
lui donne le Code civil. Le contrat de dépöt civil vise la garde et la
conservation provisoire d'une chose qui doit ensuite être restituée;
en outre, il ne peut avoir pour objet que des choses mobilières.
Enfin, le secret couvre non seulement ce qui a été confié, mais
encore ce que le praticien a simplement surpris ou appris, même à
l'insu de son client.
21. Aussi, certains auteurs ont-ils soutenu que l'obligation au
secret résultait d'un contrat de louage de services ou de mandat,
voire d'un contrat innommé formé entre le médecin et son malade,
entre l'avocat et son client, (voy. André PERRAUD-CHARMANTIER,
Le secret professionnel, ses limites, ses abus, L.G.D.J., Paris, 1926,
p. 227).
Si le contrat de mandat peut expliquer une partie non négligeable
des relations entre l'avocat et son client, il paraît difficile de l'envi-
sager sérieusement pour expliquer les relations de confesseur à péni-
tent, de médecin à malade. En outre, le mandat prend fin en même
temps que l' affaire pour laquelle il avait été confié et, en tous cas,
avec la mort du mandant. Comment expliquer, dès lors, que lepra-
ticien continue à être tenu au secret, même après l' accomplissement
de ses prestations et après la mort de son client? Le contrat aurait
pris fin, mais une de ses obligations subsisterait, dotée d'une vie
prop re et indépendante !
22. La théorie du fondement contractuel traduisait, en vérité, les
conceptions libérales et individualistes de la plus grande partie du
XIXe siècle. Quelle que soit sa désignation juridique, qu'il s' agisse
du dépöt, du mandat, du louage de services ou du contrat
LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL 19

innommé, elle avait essentiellement pour hut pratique de permettre


de lever le secret, parce que, créée par la volonté des parties, l'obli-
gation pouvait disparaître par la manifestation d'une volonté con-
traire (voy. Emile GARÇON, <<Code pénal annoté>>, Paris, Rev. gén.
lois et arr., 1901, n° 6).
En faisant appel à la notion de contrat, la doctrine mettait en
relief la prédominance de l'intérêt privé dans la conception du
secret : on voulait protéger l'individu contre le dommage moral que
pouvait lui causer une révélation portant atteinte à sa réputation,
à son honneur, ou plus largement à la paix familiale (voy. André
VITU, Droit pénal spécial, 2 t., Cujas, Paris, n° 1982). Les auteurs
ne manquaient d' ailleurs pas de relever la place qu' occupait l' article
378 dans le Code pénal : dans le titre consacré aux crimes et délits
contre les personnes, à la suite de la diffamation et de la calomnie.
Cette théorie a été rapidement combattue car elle restreignait la
portée de la loi à la seule protection d'un intérêt privé, celui de la
personne qui s' est confiée au professionnel; elle est abandonnée
depuis longtemps, la doctrine recherchant le fondement juridique
du secret professionnel ailleurs que dans le seul mécanisme contrac-
tuel.

SECTION 2. - LA THÉORIE DU FONDEMENT SOCIAL


ET DE L' ORDRE PUBLIC

23. Une conception prenant davantage en compte le fondement


social du texte légal a alors été opposée à la théorie du fondement
contractuel. Elle repose sur l'idée que si la loi pénale incrimine la
révélation de certaines confidences, c'est parce qu'il importe non
seulement à la personne qui s'est confiée au professionnel mais à
l'ensemble des citoyens et au bien commun que chacun puisse être
assuré de la discrétion des personnes chargées d'une mission parti-
culièrement importante dans l' ordre moral, sanitaire ou patrimo-
nial.
Sans doute, la violation du secret professionnel peut causer un
préjudice aux particuliers qui ont dû révéler à certaines personnes
des faits qu'ils n'auraient pas divulgués s'ils n'avaient pas été obli-
gés de le faire en s' adressant à elles, mais cette raison ne suffirait
20 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

pas pour en justifier l'incrimination et la loi l' a pume seulement


parce que l'intérêt général l' exige.
24. Le goût du scandale et la manie des révélations indiscrètes
particulièrement de la part du corps médical, qui incitèrent le légis-
lateur de 1810 à pénaliser la violation du secret professionnel ont
été rappelés supra. Mais il faut aussi constater que le bon fonction-
nement de la société veut que le malade trouve un médecin, l'accusé
un défenseur. Ni le médecin, ni l' avocat ne pourraient accomplir
leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées
d'un secret inviolable. Il importe donc à l' ordre social que ces con-
fidents soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit
imposé, car personne n' oserait plus s' adresser à eux si on pouvait
craindre la divulgation du secret confié. Ainsi l' article 458 du Code
pénal a pour hut, autant de protéger la confidence d'un particulier,
que de garantir un devoir professionnel indispensable à tous (voy.
GARÇON, op. cit., n° 7).
Lorsqu'un particulier, dit-on, révèle une confidence qui lui a été
confiée, la victime de l'indiscrétion est seule atteinte et elle ne peut
que s'en prendre à elle-même d'avoir mal placé sa confiance. Mais
quand un médecin ou un avocat, par exemple, trahit le secret qui
lui a été confié, c'est le public tout entier qui risque de souffrir de
ce manque de foi car, dans la crainte d'indiscrétions, il pourra hési-
ter à recourir au médecin ou à l' avocat, et la santé publique ou les
intérêts de la justice s'en trouveront compromis (voy. Robert GAR-
RAUD, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de pro-
cédure pénale, 6 t., Paris, 1907 à 1929, n° 2.346). La vraie raison du
texte pénal, c' est dès lors la nécessité d'inspirer une pleine confiance
dans la discrétion de certaines personnes dont le ministère et la pro-
fession sont indispensables et de nécessité publique.
25. Cette doctrine a surtout été développée par Charles Muteau;
elle a été suivie par un grand nombre d' auteurs et a été trad uite
rapidement dans de nombreuses décisions de jurisprudence qui ont
considéré que << c' est dans un intérêt d' ordre public qu' est punie
l'indiscrétion de certaines personnes dont le ministère est indispen-
sable à tous1> (Du secret professionnel, de son étendue et de la respon-
sabilité qu'il entraîne, Maresq, Paris, 1870; voy. égalt André HAL-
LAYS, Le secret professionnel, Librairie A. Rousseau, Paris, 1890,
p. 5; Charles MERGER, p. 12). Cette conception fut, à l' évidence,
LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL 21

celle du législateur belge de 1867. Au cours des travaux préparatoi-


res du Code pénal de 1867, il fut expressément déclaré que les pra-
ticiens tenus au secret professionnel sont fondés à placer l'intérêt
social au-dessus de l'intérêt privé lorsqu'ils sont interrogés en jus-
tice, et lorsque, dans ce cas, ils jugent à propos de révéler ce qui
leur a été confié, aucune peine ne doit les atteindre (NYPELS, Légis-
lation criminelle de la Belgique, Bruylant-Christophe, Bruxelles,
1872, t. III, p. 396, n° 45).
Dans ses conclusions précédant l' arrêt de la Cour de cassation du
20 février 1905, souvent cité, le procureur général invoquait cette
notion d'intérêt social dans les termes suivants : <<Le secret profes-
sionnel n'est pas un privilège accordé à certaines personnes: ... c'est
dans un intérêt d' ordre social, reposant sur la confiance que doivent
inspirer au public certaines professions, que la loi punit les révéla-
tions de secrets confiés à ces personnes ►> (Pas., 1905, I, p. 141).
26. Intéressant la société toute entière et non seulement le con-
fident et son client, le secret professionnel est ainsi considéré comme
rattaché à l'ordre public, ce que Henri De Page définit comme étant
ce << qui touche aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la collectivité,
ou qui fixe les bases juridiques fondamentales sur lesquelles repose
l' ordre économique ou moral d'une société ►> ( Traité élémentaire du
droit civil belge, Bruylant, Bruxelles, 1962, t. I, 3e éd., n° 91).
N ombreuses sont les décisions de jurisprudence qui fondent le
secret professionnel sur l' ordre public. Parmi les plus récentes, l' on
peut citer l' arrêt de la Cour de cassation rendu le 30 octobre 1978
qui confirme que l' obligation de garder le secret sur tout ce <lont les
confidents ont eu connaissance dans l' exercice de leurs fonctions ou
en raison de la confiance qui s' attache à leur profession, est d' ordre
public. L'immunité qui en dérive, peut-on y lire, quant au témoi-
gnage ou à la production de documents en justice repose sur la
nécessité d'inspirer une entière sécurité à ceux qui doivent se confier
à ces confidents (Pas., 1979, 1, p. 249; Journ. trib., 1979, p. 369;
Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs. R.S.; R. W., 1978-1979, col. 2232 et
Bull. inf. Inami, 1979, p. 60, et la note de Robert GROSEMANS).
27. C'est Perraud-Charmantier qui, le premier, a fait observer
que si l' on parle d' ordre public pour étendre la notion du secret pro-
fessionnel - sauvegarde de la concorde publique, du repos des
familles, de l'honneur des grandes professions ... - ou pour la res-
22 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

treindre - défense de la société contre certaines maladies, obligation


de témoigner en justice ... -, il ne peut s' agir que d'un ordre public
relatif, car le secret cède, en effet, devant certains impératifs. Dans
le cas d'un conflit entre l'obligation au secret avec une autre obli-
gation légale, en principe, aucune difficulté ne peut surgir, si la loi
déroge expressément à la première. Dans le cas ou la loi est muette
et ne donne pas la solution du problème en établissant la hiérarchie
entre les obligations contradictoires qui sollicitent la conscience du
confident, il importe, selon Perraud-Charmantier, de s'en référer
aux principes généraux ou l'intérêt public et l' ordre public l' empor-
tent sur l' obligation au secret, simple contrat protégé par la loi (op.
cit., pp. 272 et suiv.). L'auteur conclut l'exposé de sa conception en
écrivant que la base du secret professionnel est un contrat
innommé, sanctionné par une disposition pénale d'ordre public
secondaire. On trouve la même idée, quelques années plus töt sous
la plume de E. Naquet (note s/ cass. fr., req., 26 mai 1914, Sirey,
1918, I, p. 9).
Cette théorie ne fournit malheureusement aucune solution
lorsqu'un conflit surgit entre des principes généraux, l'un et l' autre
d' ordre public, tels les droits de la défense, les nécessités de la vérité
judiciaire, l'intérêt de l'Etat ...

SECTION 3. - LA THÉORIE
DU FONDEMENT MIXTE OU MORAL

28. Invoquer l'ordre public comme fondement de l'obligation au


secret professionnel fait surgir immédiatement une difficulté. Si l' on
considère que les dispositions légales réprimant la violation de cette
obligation sont d' ordre public, elles seront d' application stricte et
rien, si ce n' est une autre disposition d' ordre public, ne saurait y
apporter d'exception. Jamais - à moins qu'une loi spéciale ne soit
prévue - le praticien ne pourra révéler un secret, car jamais un inté-
rêt particulier ne saurait prévaloir sur un intérêt général, d' ordre
public. Il en résulte qu'il devra se taire alors même que l'intérêt du
client lui commande de parler et que l'intéressé en formule expres-
sément le souhait; il devra se taire lorsque sa responsabilité person-
nelle est mise en cause; il le devra toujours même si des vies humai-
nes sont en danger. Solution étrange, sinon absurde, si l' on veut
bien considérer qu' à travers le concept d' ordre public, ce sont
LE FONDEMENT DU SECRET PR0FESSIONNEL 23

autant - sinon davantage - les intérêts particuliers que ceux de la


société, que le législateur cherche en fin de compte à protéger (voy.
Jean-Louis BAUDOUIN, Secret professionnel et droit au secret dans le
droit de la preuve, L.G.D.J., Paris, 1965, n° 48).
Si, d'autre part, l'obligation au secret professionnel est fondée sur
l'ordre public, n'appartient-il pas au juge d'en soulever d'office le
moyen, en toutes circonstances. Or, la jurisprudence admet que le
praticien appelé à témoigner en justice est libre de parler ou de se
taire.
C'est un bien curieux ordre public qui admet un très grand nom-
bre d' exceptions et de dérogations dont l' appréciation dépend sou-
vent de la seule conscience du praticien. Aussi comprend-on que
l'on ait évoqué la notion d'ordre public relatif (contra: voy. Joseph
FARBER (Dr), <<L'ordre public et le secret médical ►>, Bull. de l'Ordre
des médecins, 1987/35, p. 29).
29. Certains auteurs ont proposé un retour à la théorie contrac-
tuelle comme explication aux dérogations nombreuses au secret pro-
fessionnel, tout en y apportant cependant des nuances qui ne sont
pas négligeables. En effet, ils admettent que l'hypothèse du contrat
ne se vérifie pas dans tous les cas et en outre, que l'idée du contrat
ne suffit pas à elle seule à expliquer l'intervention du législateur
pénal. Si celui-ci se préoccupe de réprimer la violation d'un contrat,
déclarent-ils, c'est parce que l'exécution de ce contrat intéresse
l'ordre social (voy. Victor DEMARLE, De l'obligation au secret profes-
sionnel, thèse de l'Université de Dijon, Nouvellet, Lyon, 1900, p. 58;
voy. égalt. Marcel REBOUL, <<Des cas limites du secret professionnel
médical ►>, Sem. jur., 1950, 1, p. 825; Raymond BESSERVE, <<De quel-
ques difficultés soulevées par le contrat médical ►>, J.C.P., 1956, I,
n° 1309). La notion de contrat doit donc être complétée par une cer-
taine dose d'utilité publique si bien que finalement le système abou-
tit au point de départ: l'intérêt social et l' ordre public.
30. Plus récemment, René Savatier a émis l'idée, relativement au
secret médical, de deux espèces de secret professionnel: le <<secret
contractuel ►>, tout d' abord, qui naît des rapports directs entre le
client et le médecin et qui a pour fondement la convention, et, en
second lieu, le <<secret extra-contractuel ►>, c'est-à-dire celui auquel
est tenu le médecin pour tout ce qu'il apprend en dehors du contrat
médical. Cette deuxième catégorie de secret professionhel serait fon-
24 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

dée non plus sur une convention, mais sur le principe fondamental
de l'inviolabilité de la personne humaine, (René SAVATIER, Jean-
Marie AuBY, Jean SAVATIER et Henri PEQUIGNOT, Traité de droit
médical, Lib. techn., Paris, 1965, n° 8 303 et 304).
Cette idée, quelque séduisante qu'elle puisse être, ne permet pas
d' être généralisée à tous ceux qui sont tenus au secret professionnel
et notamment lorsqu'il s' agit de la préservation de secrets adminis-
tratifs ou économiques. Partant, elle ne peut servir de base à une
théorie générale du secret professionnel.
31. Certains auteurs ont recherché en dehors du système juridi-
que proprement dit un fondement purement moral au secret profes-
sionnel.
Le secret puise dans la dignité de l'homme sa raison d'être, son
explication et ses limites, écrit J. Garniet: il est l'intimité à laquelle
notre civilisation nous donne droit et qu'elle protège en protégeant
le domicile, la correspondance ou la liberté mythique; le secret pro-
fessionnel constitue l'une des garanties de la personne humaine, et
à ce titre il n'est point besoin de lui trouver dans le système juri-
dique un fondement différent. Toute autre notion déforme la vérité
et ne traduit pas la vie (note s/ Paris, 23 octobre 1952, J.C.P., 1952,
Il, n° 7313).
On objecte immédiatement que le secret ne constitue pas unique-
ment une garantie de la personne humaine et qu'il couvre un
domaine infiniment plus.large.
32. La conception du fondement moral du secret professionnel a
été développée en Belgique par Robert Legros qui a constaté, après
Pierre Bouzat, que la protection pénale du secret professionnel met-
tant en jeu des intérêts extrêmement complexes, a un fondement
controversé, alors que la répression de la plupart des infractions que
connaissent les législations pénales modernes, apparaît comme émi-
nemment justifiée (Robert LEGROS, <<Considérations sur le secret
médical, Rev. dr. pén., 1952-1958, p. 859, et spécialt sub 15°; Pierre
BouzAT, <<La protection juridique du secret professionnel en droit
pénal comparé ►>, Rev. sc. crim. et dr. pén. camp., 1950, p. 541).
Le secret lié à l' exercice de la profession, n' est-ce pas une vue
quelque peu étroite, demande Robert Legros. Le respect du secret
n'est-il pas une obligation morale au fondement beaucoup plus
général? Est-ce qu'une confidence d' ami, sous le sceau de l' absolu
LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL 25

secret, ne lie pas de manière plus forte peut-être qu'une constata-


tion professionnelle relativement banale? Pour l' auteur, l' obligation
au secret n' est pas nécessairement liée à la profession. C' est parce
qu' on a rattaché le secret à la profession qu' on a, à tort selon lui,
conclu que l' obligation de garder le silence ne porte que sur les faits
venus à la connaissance du praticien en raison de sa profession, ou
par l' exercice de sa profession, et qu' on a soutenu que ne sont tenus
au secret que les <<confidents nécessaires ►>.
De manière apparemment contradictoire avec ces prémisses,
Robert Legros considère que «Ie vrai fondement de l'obligation au
secret, c'est l'honneur professionnel, la moralité de l'ordre et du
corps médical ►>, du barreau ou du clergé, auquel l'Etat doit être par-
ticulièrement intéressé en raison du caractère et du prestige néces-
saire à la profession (ibid., sub 19° et note n° 133).
33. Cette conception mythique des professions dont l'honneur et
la moralité constitueraient le fondement du secret professionnel, se
concilie mal avec une étude comparée des législations étrangères.
Certains pays ignorent la protection pénale du secret professionnel
ou n' organisent qu'une répression très limitée de la divulgation :
c' est le cas de l' Angleterre, de la Grèce et de la N orvège; d' au tres
subordonnent la poursuite pénale à une plainte de la victime et la
possibilité de justifier la révélation est largement admise: c'est le
cas de l' Allemagne, de la Pologne, de l'Italie, de la Suisse, de la
Finlande; d' au tres encore ne connaissent pas la dispense de témoi-
gner en justice, le témoin étant tenu, sous peine de sanctions sévères
et même d'incarcération immédiate, de répondre à toute question
concernant son activité professionnelle (BouzAT, op. cit. et Arthur
KUHN, «Principes de droit anglo-américain», cité par Pierre GuLPHE,
en note s/ cass. fr., crim., 8 mai 1947, Dall. pér., 1948, J., p. 109).
Il a même été soutenu que l'impossibilité de se retrancher derrière
le secret professionnel développe chez les médecins anglo-saxons le
sens de leur propre responsabilité, (Henry SELDEN BACON, <<Le sys-
tème de la preuve dans les pays de droit coutumier ►>, cité par Pierre
GULPHE, ibidl.
Quoi qu'il en soit, il est loin d'être démontré que l'honneur et la
moralité des professions soient moindres dans les pays qui n'accor-
dent pas au secret professionnel la place que notre droit lui réserve.
La difficulté provient de ce que le secret professionnel se situe au
carrefour des domaines pénal, civil, déontologique et moral. Sans
26 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

doute, a-t-il un fondement moral, mais il ne constitue pas une


valeur en soi; il est plutöt un moyen de défense de valeurs et de
principes moraux.

SECTION 4. - LA THÉORIE
DES CONFLITS DE DEVOIRS

34. Au début du siècle dernier, un commentateur, J.A. Roux,


relevait, dans une note sous un arrêt de la Cour de cassation de
France que le <<secret professionnel pose, non pas une question par-
ticulière, mais un problème d'une portée plus générale: le problème
du conflit des devoirs ►> (cass. fr., crim., 9 mai 1913, Sirey, 1914, I,
p. 169). La théorie des conflits de devoirs avait déjà été effleurée
vingt ans plus töt par André Hallays dans son ouvrage sur le secret
professionnel : conflit entre le devoir d' état et d' au tres devoirs
moraux ou civiques (op. cit., p. V). Lorsqu'on pose la question de
savoir, écrivait-il, si le praticien ne peut jamais déclarer ce qu'il a
constaté dans l' exercice de sa profession, on suppose qu'il se trouve
en présence de deux devoirs différents dont l'un ou l' autre est sacri-
fié, s'il parle ou garde le silence; cette situation n'est pas particu-
lière aux dépositaires par état ou par profession des secrets
d'autrui: on aperçoit dans nombre d'autres cas, des situations ana-
logues, caractérisées également par un conflit de devoirs, tel que
l'un ne peut être satisfait sans la violation de l' autre.
C'est dans cette situation que se trouve le parent, supplié par un
membre de sa famille de le soustraire aux poursuites de la justice.
S'il accueille cette demande et s'il recèle le malfaiteur, il obéit au
devoir de solidarité qui lui est cher et qui le porte à venir en aide
à un parent, même indigne; mais il a pris le parti d'un criminel con-
tre la société, et il trahit celle-ci. S'il refuse l' asile, c' est ce devoir
vis-à-vis de la société qu'il remplit, mais il a manqué au premier.
Dans eet exemple, cité par Roux, on se trouve en présence d'un
conflit entre un devoir moral et une prohibition légalement sanc-
tionnée pénalement.
35. Des conflits peuvent également surgir entre deux devoirs
sanctionnés, l'un et l' autre, par la loi pénale. Il en est ainsi du con-
flit entre le respect du secret professionnel et les prescriptions léga-
les qui imposent des déclarations impliquant la révélation de confi-
LE FONDEMENT DU SECRET PR0FESSIONNEL 27

dences recueillies ou surprises. Tel est le cas lorsqu'un praticien tenu


au secret professionnel est obligé par la loi d' effectuer certaines
déclarations.
De semblables conflits de devoirs peuvent se présenter dans les
circonstances les plus variées. Le praticien, amené à divulguer un
secret que l'exercice de sa profession lui a permis de connaître, ne
se trouve pas dans une situation exceptionnelle n' ayant rien d' ana-
logue dans la loi pénale. Celle-ci admet d'ailleurs de tels conflits et
leur donne une solution dans les cas de légitime défense, d'état de
nécessité ou de contrainte morale, en. admettant la présence d'une
cause de justification, voire d' excuse. La personne placée dans cette
situation échappe à toute responsabilité pénale lorsqu'elle obéit au
devoir que la loi estime supérieur, parce que toute responsabilité
pénale suppose une faute et qu'en agissant comme il l'a fait,
l' auteur de l' acte a agi sans faute.
36. Cependant, selon l' arrêtiste Roux, il faut, pour que les con-
ditions d'une irresponsabilité pénale résultant de !'absence de faute
se réalisent, que la loi juge le devoir auquel il a été obéi plus impor-
tant que celui qui a été négligé. En d' au tres termes, il est nécessaire
que le conflit de devoirs se pose juridiquement entre des obligations
légalement reconnues. Le problème du conflit de devoirs ne se pose-
rait donc pas au point de vue du droit positif comme au regard de
la loi morale; il exige comme condition deux obligations ayant une
reconnaissance légale (Achille MARÉCHAL, <<Le secret professionnel
médical», Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 59).

SECTION 5. - LA THÉORIE
DES C0NFLITS DE VALEURS

37. La théorie des conflits de devoirs n'est pas pleinement satis-


faisante, précisément parce qu'elle n'admet que le conflit entre deux
obligations légalement reconnues, entre deux devoirs prescrits par le
droit positif. Or, souvent un choix s'impose, non seulement entre
deux devoirs légaux, mais entre une obligation légale jugée moins
importante qu'un devoir moral dont l'exigence revêt un caractère
impérieux et inconditionnel, comme bon nombre d'exigences d'ordre
éthique. Tout conflit de valeurs ne se double pas nécessairement
d'un conflit de devoirs pénalement sanctionnés. Lorsque le secret
28 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

professionnel cède devant le droit de défense du praticien dont la


responsabilité est mise en cause, devant l'intérêt d'un tiers dont la
vie est gravement en péril ou devant les nécessités de la justice dis-
ciplinaire, il n'y a aucun conflit de devoirs, mais uniquement des
valeurs contradictoires à protéger. C'est dès lors par une apprécia-
tion des valeurs en présence que le conflit devra être tranché.
38. Contrairement à ce que l' on pourrait penser, la difficulté que
soulève la référence juridique aux valeurs ne provient pas d'une
notion qui la rendrait impropre à toute utilisation en droit. Après
tout, la manomvre d'évitement par laquelle !'automobiliste choisit
de gravir un accotement ou de défoncer une clöture plutöt que de
blesser un piéton imprudent, se justifie parfaitement en droit par la
préférence donnée à la vie humaine sur les biens matériels. Et qui
oserait contester la légalité d'un tel choix? (Jacques VERHAEGEN,
<< L' humainement inj ustifiable et le droit >> in Légalité et références
aux valeurs, Xèmes journées d'études juridiques Jean Dabin des 2 et
3 octobre 1980, Fac. dr. Louvain., pp. 85 et suiv., spécialt pp. 96
et 99).
Les tribunaux ont été amenés, au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, à connaître de semblables conflits de valeurs.
C'est ainsi qu'un jugement du conseil de guerre de Bruxelles, après
avoir souligné que << cel ui qui, durant l' occupation, s' engage dans un
mouvement de résistance et qui poursuit au sein de ce mouvement
la lutte contre l' ennemi, n' a pas le droit de faire connaître le nom
de ses camarades de combat au cas ou il tombe aux mains de la
police de l' occupant; il a le devoir de faire tout ce qui est humaine-
ment possible pour ne pas les livrer aux investigations de cette
police. S'il fait certaines révélations devant l'imminence de nouvel-
les tortures et la crainte de tout dévoiler, il faut que le bien qu'il
veut sauvegarder soit en rapport avec la gravité des révélations
qu'il va faire>> (cons. guerre Bruxelles, 29 mai 1946, Journ. trib.,
1946, p. 407).
Le problème des «limites de la force exécutoire de l' ordre du supé-
rieur en droit militaire>> est un autre exemple classique de conflit de
valeurs dans l'ordre juridique, opposant les perspectives d'efficacité
et celles de légitimité quant à la mise en action de l'incessant débat
des moyens et des fins, de l' ordre et de la justice, écrit André
Andries (<<L'obéissance militaire et les interdictions du droit inter-
national public>> in Légalité et références aux valeurs, op. cit., p. 483).
LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL 29

U n exemple particulièrement intéressant est fourni par l' arrêt de la


Cour de cassation du 4 juillet 1949 qui n'hésite pas à affirmer que
«la cause de justification de l' ordre donné par un supérieur doit être
écartée quand il s' agit de l' exécution d'un ordre auquel désobéis-
sance est due en raison de la violation d'un principe supérieur
d'humanité>> (Journ. trib., 1949, p. 541, et la note de M. RIGAUX et
P.E. TROUSSE; Pas., 1949, I, p. 506, avec les conclusions de Raoul
Hayoit de Termicourt, à !'époque premier avocat général).
La complexité de la vie contraint fréquemment un praticien à
faire aussi un choix, non seulement entre deux devoirs légaux, mais
entre deux valeurs, l' obligation légale de silence que protège l'une
pouvant être jugée moins importante que l' obligation morale qui
impose de parler. L'on cite ainsi souvent l'exemple du médecin qui
décida de révéler aux parents d'une jeune fille la maladie grave et
incurable dont était atteint son fiancé, ce qui entraîna la rupture
des projets de mariage, Ie médecin ayant préféré la condamnation
pénale pour violation du secret professionnel plutöt que les tour-
ments de sa conscience (corr. Seine, 11 juillet 1901, Pas., 1902, IV,
p. 28).
39. Il apparaît ainsi, à !'inverse de ce qui est parfois affirmé, que
Ie secret professionnel n'est pas une valeur en soi. C'est en vérité un
procédé, une technique, un moyen de protéger certaines valeurs
déterminées. <<L'incrimination de la violation du secret professionnel
est, en réalité, une des protections les plus utiles de la personnalité>>
relevait Marc Ancel (<<De la protection de la personnalité>>, Travaux
de l'association Henri Capitant, Dalloz, 1963, p. 177). Robert
Legros évoque également la hiérarchie des valeurs, mais la déter-
mine en fonction de l' honneur professionnel ( voy. << Le secret
médical», Rev. dr. int. et dr. comp., 1958, p. 450, sub 9).
Lorsque les valeurs sont en conflit entre elles, il faut les hiérar-
chiser et nécessairement donner la préférence à l'une plutöt qu'à
l' autre. Le droit pénal tout entier ne repose-t-il pas sur une échelle
des valeurs, en sanctionnant des atteintes à des valeurs unanime-
ment admises pour la plupart, telles la vie, la propriété, l'honneur,

Certes, la protection du citoyen ne se conçoit pas, dans un Etat


de droit, sans Ie respect rigoureux du secret des actes de la vie pri-
vée et de la vie professionnelle. Mais Ie respect absolu de ce secret
30 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

rendrait inefficace, en de nombreux cas, le fonctionnement de


l' organisation sociale. Les exemples de ce conflit permanent et inso-
luble entre les intérêts également respectables de !'individu et de la
communauté se rencontrent dans presque toutes les branches du
droit public et du droit privé. Ils sont particulièrement nombreux
et frappants dans le droit fiscal, écrit Jean Van Houtte (<<Le secret
professionnel et le fisc>>, Rev. fisc., 1970, p. 497).
40. L'échelle des valeurs varie selon les conceptions de la vie en
société; elle est nécessairement différente dans un Etat totalitaire et
dans un Etat démocratique ou les droits de l'homme et les libertés
individuelles ne sont pas appréciées de manière identique, la place
attribuée au secret professionnel dépendant fondamentalement de
celle donnée à !'individu et à la protection de sa personnalité au sein
de la société (voy. René SAVATIER, <<Le droit de la personne et
l'échelle des valeurs>> in En hommage à Victor Gothot, Fac. dr. Liège,
1962, p. 567). Cette hiérarchie évolue aussi avec les époques et leurs
conceptions, ainsi que selon les circonstances, ce qui n' est pas de
nature à simplifier la solution des conflits.
La difficulté naît du conflit des valeurs concurrentes et également
dignes de considération. La plupart des valeurs, écrit Chaïm Perel-
man, sont communes à un grand nombre d'auditoires; ce qui carac-
térise chaque auditoire, c'est moins les valeurs qu'il admet, que la
manière dont il les hiérarchise ( << L'usage et l' abus des notions
confuses>> in Logique et analyse, mars 1978, cité par J. VERHAEGEN).
A eet égard, souligne Maxime Glansdorff, la hiérarchie des valeurs
n'est jamais qu'une hypothèse, plus ou moins née de l'imagination
ou suggérée par l' expérience personnelle, mais toujours exposée à
être infirmée par des expériences nouvelles (Maxime GLANSDORFF,
Les déterminants de la théorie générale de la valeur, lnstitut de socio-
logie de l'Université libre de Bruxelles, 1966).
Servitude inéluctable, ajoute Jacques Verhaegen, qui tient tout à
la fois au caractère variable des hiérarchies abstraites que l' on sait
largement tributaires de cultures historiques, à l'incidence directe
des éléments de fait qui modifient constamment le point idéal de
médiation de valeurs concrètes (rendant impossible l'établissement
d'une échelle unique et unilinéaire de valeurs, valable pour toutes
les circonstances), à la difficulté, enfin, de traduire une hiérarchie de
LE FONDEMENT DU SECRET PR0FESSIONNEL 31

valeurs en langage juridique praticable (Jacques VERHAEGEN,


<<Notions floues et droit pénal», Journ. trib., 1981, p. 389).
41. La Cour de cassation, dans son fameux arrêt Verlaine du 13
mai 1987, a considéré que <<l'état de nécessité allégué par une per-
sonne poursuivie du chef de violation du secret professionnel ne
peut être écarté, dès lors que, eu égard à la valeur respective des
devoirs en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour
autrui, cette personne a pu estimer qu'il ne lui était pas possible de
sauvegarder autrement qu' en violant ce secret, un intérêt plus
impérieux qu'elle avait le devoir ou qu'elle était en droit de sauve-
garder avant tous les autres ►> (Pas., 1987, I, p. 1061; Journ. trib.,
1988, p. 170, Rev. dr. pén., 1987, p. 856, la note et Rev. crit. jur.
b., 1989, p. 588 et la note d'Alain DE NAUW, <<La consécration juris-
prudentielle de l'état de nécessité ►>; voy. égalt les observations cri-
tiques de Christiane HENNAU et Jacques VERHAEGEN, <<Recherche
policière et secret médical», Journ. trib., 1988, p. 165 et de Yvon
HANNEQUART, <<Le secret médical et l'état de nécessité ►>, J.L.M.B.,
1987, p. 1169).
L' arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d' appel
de Liège, rendu le 22 janvier 1987 et qui faisait l'objet du pourvoi,
était sensiblement plus explicite (Pas., 1987, Il, p. 79 et le réquisi-
toire de l'avocat général Massa). On pouvait y lire: <<Même
si l' article 458 du Code pénal ne mentionne expressément que deux
circonstances permettant au médecin d'être délié de son obligation
de révélation, ( ... ) le principe du secret professionnel médical peut
devoir céder devant des valeurs supérieures, notamment lorsque,
comme en l' espèce, le médecin se trouvant en présence d'une situa-
tion complexe, est dans l' obligation morale de révéler aux forces de
l' ordre l' endroit de la retraite de personnes activement recherchées
pour avoir commis des faits très graves et donc susceptibles, à
défaut d'être rapidement hors d'état de nuire, de commettre à nou-
veau, pour échapper à leur appréhension, des actes particulièrement
dangereux pour la sécurité d' autrui ►>.
Cette décision était déjà pratiquement annoncée dans un arrêt
précédemment rendu par la même chambre des mises en accusation
le 6 mars 1985, qui avait estimé que n'était pas avérée, vu l'état de
nécessité, une violation du secret professionnel par un médecin ou
un ambulancier qui avait averti la police du fait que le malade
transporté était drogué (Liège, ch. mises acc., 6 mars 1985, Jur.
32 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Liège, 1985, p. 661 et le réquisitoire du premier avocat général Spir-


let ainsi que les observations de François PIEDBOEUF).
42. La Cour d'arbitrage devait mettre le point d'orgue à l'évolu-
tion des conceptions, en annulant par son arrêt du 3 mai 2000,
l'article 1675/8, alinéa 2 du Code judiciaire (inséré par l'article 2, §2
de la loi du 5 juillet 1998 relative au règlement collectif de dettes),
en tant que cette disposition << prévoit que des avocats saisis d 'une
demande d'informations sur Ze patrimoine d'une personne qui est en
procédure de règlement collectif de dettes ne peuvent se prévaloir du
secret professionnel >>. Les travaux préparatoires de la loi précitée jus-
tifiaient la mesure prévue par une renonciation implicite à laquelle
procéderait le débiteur en introduisant sa demande de règlement
collectif.
La Cour a considéré que <<s'il est vrai que la règle du secret pro-
fessionnel doit céder lorsqu'une nécessité l'impose ou lorsqu'une
valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle ►>, la disposition
visée <<établit une levée du secret professionnel absolue et a priori
( ... ) qui n'est pas raisonnablement proportionnée à l'objectif
poursuivi ►> (voy. les considérants B.8.1. et B.9. de l'arrêt; Journ.
trib., 2000, p. 603; J.L.M.B., 2000, p. 868,; R. W., 2000-2001, p. 506,
note E. Drn1x; Tijds. best. publ., 2001, p. 263).
Ultérieurement, un autre arrêt rendu par la Cour d' arbitrage le
24 mars 2004, a annulé l' article 8, 2°, alinéa 4 de la loi du 4 septem-
bre 2002 sur les faillites en tant qu'il porte que sont versées au dos-
sier de la faillite les déclarations que les avocats désignés en qualité
de curateurs doivent faire au président du tribunal de commerce
concernant toute forme de conflits d'intérêts, tout acte qu'ils
auraient accompli au bénéfice du failli, des gérants ou administra-
teurs de la société faillie ou au bénéfice d'un de ses créanciers, au
cours des dix-huit mois qui précèdent le jugement déclaratif de
faillite. La Cour a jugé que la disposition annulée «porte atteinte de
manière disproportionnée au secret professionnel de l 'avocat, en ce
qu 'elle a pour conséquence que sant rendues publiques l 'identité des
clients du curateur au de ses associés au collaborateurs directs, de
même que le contenu des prestations accomplies, quand bien même cela
se limiterait, comme (l' a prétendu) Ze Conseil des ministres, aux ren-
seignements qui doivent permettre au président du tribunal de com-
merce de juger si la déclaration du curateur l 'empêche d 'accomplir sa
mission». La Cour avait au préalable indiqué, comme elle l'avait
LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL 33

déjà fait dans son arrêt du 3 mai 2000, que <<si le secret profession-
nel, dont la violation est sanctionnée notamment par l 'article 458 du
Code pénal, doit rester la règle lorsque l 'avocat exerce sa mission, cette
règle doit céder lorsqu 'une nécessité l 'impose ou lorsqu 'une valeur
jugée supérieure entre en conflit avec elle » ( voy. le considérant
B.12.3).

43. L' application à la matière du secret professionnel de la théo-


rie sociologique des conflits de valeurs ne pouvait être plus claire-
ment consacrée. Assurément, l' abandon du concept de caractère
absolu du secret professionnel, érigé en véritable mythe, prive les
praticiens d'un grand confort intellectuel, car ils devront doréna-
vant hiérarchiser des valeurs en conflit et seront souvent dans
l'incertitude, seuls avec leur conscience.
44. La théorie des conflits de valeurs et de la nécessaire hiérar-
chisation de celles-ci doit être elle-même nuancée par le principe
général de proportionnalité admis aujourd'hui tant en jurisprudence
qu' en doctrine.
Le jugement du conseil de guerre de Bruxelles évoqué plus haut
en faisait une exacte application en disant que si l'intéressé <<fait
certaines révélations devant l'imminence de nouvelles tortures, il
faut que le bien qu'il veut sauvegarder soit en rapport avec la gra-
vité des révélations qu'il va faire et qu 'il ne fasse pas plus que ce
qui est strictement indispensable à la sauvegarde de ce bien ».
Dans le même sens, Paul Foriers écrivait dans sa thèse sur l'état
de nécessité: <<La loi est oouvre de raison, elle se justifie par des fins
sociales, elle est fondée sur une hiérarchie de valeurs>>, et il subor-
donnait la justification objective de l'acte accompli en état de
nécessité, à l' exacte mise en balance, dans la situation concrète, du
bien sauvegardé par rapport au bien sacrifié (De l 'état de nécessité
en droit pénal, Bruylant/Sirey, Bruxelles/Paris, 1951).
CHAPITRE II
LA NATURE
DU SECRET PROFESSIONNEL

45. L' étendue de la notion du secret professionnel varie, tant


dans son objet que dans son caractère ou sa force obligatoire, selon
Ie fondement qu' on lui attribue.
Une évolution s'est produite en ce domaine, tant sous l'influence
de la doctrine et de la jurisprudence, que des conditions d'exercice
des professions soumises au secret professionnel et plus particulière-
ment de celle de médecin. De toutes les professions soumises au
secret professionnel, il n'en est point qui ait fourni la matière de
plus de procès que l' art de guérir. Presque toutes les questions que
pose l'interprétation à donner au texte du Code pénal, l' ont été à
l' occasion de difficultés surgies dans l' exercice de l' art médical.

SECTION 1. - LA CONCEPTION DU SECRET ABSOLU

46. A la fin du XIXe siècle, la doctrine bàtit, dans Ie prolonge-


ment du fondement social et d' ordre public, la théorie du secret pro-
fessionnel absolu qui rallia un grand nombre d' auteurs et qui a ins-
piré de très nombreuses décisions de jurisprudence. Il n' est pas rare
de lire, de nos jours encore, dans une décision judiciaire, que Ie
secret est <iabsolu et d' ordre public>>. Puisqu'il appartient au législa-
teur de déterminer les règles assurant Ie respect du secret profes-
sionnel, dit la Cour de cassation dans un arrêt rendu Ie 23 décembre
1968, ce secret professionnel ne peut être invoqué comme cause de
justification à l'encontre d'une disposition légale impérative (Pas.,
1969, I, p. 377, Rev. dr. pén., 1968-1969, p. 863 et R. W., 1969-1970,
col. 566).
La naissance et l' épanouissement de cette théorie ont coïncidé
avec l' apogée de la médecine dite libérale dans la société européenne
du XIXe siècle. Dans cette conception, aucune convention ni
aucune considération n' ont Ie pouvoir de faire fléchir l' obligation au
LA NATURE DU SECRET PR0FESSIONNEL 35

secret, à la seule exception de la loi qui peut l'écarter par un texte


précis et formel, inspiré d'intérêts supérieurs.
La théorie du secret absolu, sans restriction et sans réserve a été
défendue pour la première fois dans le traité que Charles Muteau
publia en 1870 (Du secret professionnel, de son étendue et de la res-
ponsabilité qu'il entraîne, Maresq, Paris, 1870). La thèse du secret
absolu pour tous et toujours, écrivait-il, a du moins le mérite de ne
pas engendrer toutes ces hésitations, ces contradictions, que fait
naître celle qui paraît aujourd'hui consacrée, et de permettre aux
personnes si nombreuses qu'elle intéresse au plus haut degré, une
connaissance exacte et précise de leurs droits et de leurs devoirs. Le
premier avantage de cette théorie, reconnaissait André Hallays, est
d'enlever au dépositaire du secret le soin de consulter sa conscience
pour apprendre d'elle s'il doit parler ou se taire: en laissant chacun
libre d' apprécier à sa guise l' étendue de son devoir professionnel, on
met le client à la merci du médecin ou de l'avocat; on tue la con-
fiance (André HALLAYS, Le secret professionnel, Librairie Arthur
Rousseau, Paris, 1890, p. 18).
4 7. La théorie reçut une consécration officielle de la part de la
chambre criminelle de la Cour de cassation de France, dans le célè-
bre arrêt Watelet, rendu le 19 décembre 1885 (Sirey, 1886, I, p. 176
et le rapport du conseiller T AN0N; Dall. pér., 1886, I, p. 34 7 et la
note; voy. également Charles DEJONGH, << Le secret professionnel des
médecins>> in Rev. dr. b., t. I, 1890, p. 527, n° 3). Rompant avec
l' opinion généralement admise jusqu' alors et qui considérait l'inten-
tion de nuire comme un élément essentiel du délit de violation du
secret professionnel, la Cour de cassation jugea que le texte du Code
pénal punit toute révélation dès qu' elle a été faite avec connais-
sance, sans qu'il soit nécessaire d' établir, à charge du révélateur,
l'intention de nuire : <<Le texte est applicable, ( ... ), dit la Cour, au
médecin qui publie dans un journal, sur les causes de la mort de
l'un de ses clients et les circonstances de sa dernière maladie, une
lettre par laquelle il révèle au public un ensemble de faits, secrets
par leur nature et dont il n' a eu connaissance qu' en raison de sa
profession, alors même qu'il n' aurait pas eu l'intention directe de
nuire à la mémoire du défunt, et aurait eu plutöt pour but de
détruire des suppositions fächeuses sur la nature de la maladie dont
son client est mort>>.
36 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

48. La conception du secret professionnel absolu posée par


Muteau fut reprise notamment à partir de 1885 par le corps médical
qui en fit une règle de conduite rigide et inflexible, traduite dans
l'expression souvent citée, attribuée à Brouardel: <<Le silence quand
même et toujours>>. Elle imprégna fortement la doctrine et la juris-
prudence pendant plusieurs décennies; elle n' a pas complètement
disparu aujourd'hui (voy. André HALLAYS, op. cit.; Louis SADOUL,
Le secret professionnel, thèse de la faculté de droit de Nancy, Librai-
rie Arthur Rousseau, Paris, 1894; Adrien PEYTEL, Le secret médical,
Librairie Baillière, Paris, 1935; Louis PüRTES, A la recherche d 'une
éthique médicale, Masson et P.U.F., Paris, 1964, p. 145). Des déci-
sions judiciaires récentes s'y réfèrent encore fréquemment, y com-
pris dans un arrêt - aujourd'hui dépassé - de la Cour de cassation
(cass. 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 249; Journ. trib., 1979,
p. 369; Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs. R.S.). Dans une décision
récente, le tribunal relève que «le secret professionnel de l' avocat, en
ce qu'il est intimement lié aux droits de la défense, a une valeur
quasi absolue, en tous cas dans le chef du dépositaire du secret>>
(corr. Bruxelles, 20 février 1998, Journ. trib., 1998, p. 361; voy.
égalt trib. trav. Nivelles, 25 novembre 1998, Journ. trib. trav., 1998,
p. 204). Il en est de même d'une partie de la doctrine attachée à des
conceptions traditionalistes même obsolètes, émanant du corps
médical ou du barreau.
Il faut cependant relever que depuis plusieurs années, la Cour de
cassation proclame de manière constante que «le secret profession-
nel n'est pas absolu>> (cass. 13 mai 1987, concernant le secret médi-
cal, Rev. crit. jur.b., 1997, p. 487; cass. 29 octobre 1991, Pas., 1992,
I, p. 117; cass. 19 décembre 1994, R. W., 1995-1996, p. 1207, et la
note de Steven VAN ÜVERBEKE; Rev. dr. santé, 1996-1997, p. 257,
obs. Ch. HENNAU-HUBLET; cass. 19 janvier 2001, Pas., 2001, I,
p. 138, concl. av. général G. DuBRULLE, Journ. trib., 2002, p. 9; Rev.
dr. fam., 2002, p. 135 et la note d'Isabelle MASSIN, R. W., 2001-202,
p. 952; cass. 7 mars 2002, Journ. trib., 2003, p. 290 et la note d'Isa-
belle MASSIN).
49. Comme toutes les théories extrêmes, celle du secret absolu
prenant racine dans le seul intérêt social et dans l' ordre public, ne
peut être entièrement satisfaisante, car elle méconnaît le fait que le
secret professionnel est destiné à protéger autant un intérêt privé
que l'intérêt général. Sans doute, elle offre l' avantage de supprimer
LA NATURE DU SECRET PR0FESSIONNEL 37

bien des difficultés pratiques, mais par sa simplicité même et sa rigi-


dité, elle n' est pas en mesure de s' adapter aux cas de conscience qui
peuvent se poser dans l'exercice quotidien de professions fertiles en
complications redoutables.
Brouardel lui-même, pourtant partisan du secret absolu, recon-
naît expressément que «la fonction même confiée au médecin peut
l' obliger à la révélation de certaines maladies (Le secret médical,,
Librairie Baillière, Paris, 28 éd., 1893, pp. 123 et 277). L'auteur cite
l' exemple du médecin d'une verrerie qui constate un syphilitique
parmi les ouvriers qui le consultent, et dont le devoir est de le
signaler, la conscience du médecin pouvant seule le guider.

SECTION 2. - LA C0NCEPTION DU SECRET RELATIF

50. Une conception plus nuancée et moins rigide que celle du


secret absolu est apparue à la fin du XIXc siècle, en partant de la
constatation que si l'intérêt social demande le secret, d'une manière
générale, il est des cas dans lesquels le même intérêt social exige la
révélation. En outre, l'idée est admise que certains droits indivi-
duels - tels le droit à l'honneur, les droits de la défense, voire le
droit de la preuve - sont si forts qu'il a paru justifié d'assouplir le
caractère du secret professionnel. Les conditions nouvelles de l' exer-
cice en groupe de certaines professions ont conduit également à la
notion du secret relatif, (voy. sur cette question: P. VAN NESTE,
<<Kan het beroepsgeheim absoluut genoemd worden? ►>, R. W., 1977-
1978, col. 1281).
Les partisans de cette conception ne manquent pas de faire obser-
ver que les législateurs du Code pénal, tant en 1810 qu'en 1867, ont
invoqué l'un et l' autre, un intérêt supérieur à ceux que le secret pro-
fessionnel doit protéger. Le chevalier Faure, lors de la séance du
Corps législatif du 7 février 1810 au cours de laquelle il présenta les
motifs de la disposition légale nouvelle réprimant la violation du
secret professionnel, évoqua <<l'exception des révélations que la loi
exige parce qu'elles importent au salut public ►>. Le législateur de 1867
étendit l'exception au domaine du témoignage en justice: les prati-
eiens interrogés par le juge ne violent pas le secret lorsqu' <<ils se
considèrent comme tenus de rompre le silence, dans l'intérêt social
de la répression, intérêt social qu'ils sont bien fondés à placer au-
dessus de l'intérêt privé d'un individu ►>, lit-on dan& les travaux pré-
38 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

paratoires (voy. LocRÉ, Législation civile, commerciale et criminelle,


Société typographique belge, Bruxelles, 1837, t. 15, p. 445 et
N YPELS, Législation criminelle de la Belgique, Bruylant-Christophe,
Bruxelles, 1872, t. III, p. 396, n° 45). On ne peut dire plus claire-
ment que le secret professionnel a un caractère relatif et doit s'effa-
cer devant un intérêt social plus important.
Cependant, pour la grande majorité des praticiens soumis au
secret professionnel, spécialement pour les membres du corps médi-
cal, la conception du secret absolu demeure encore souvent ancrée
au plus profond de leur conscience. La doctrine a progressivement
montré que cette conception ne résiste pas à l' analyse lorsqu' elle se
trouve confrontée à des valeurs dont la sauvegarde revêt une impor-
tance au moins égale à celles que le secret professionnel protège.
L'idée du secret absolu a, d' abord, été battue en brèche par des lois
de plus en plus nombreuses qui imposent la révélation et limitent
l'étendue du secret; elle a été contestée, ensuite, par une jurispru-
dence de plus en plus abondante (voy. André PERRAUD-CHARMAN-
TIER, <i De l' évolution de la notion du secret professionnel>>, Gaz.
Pal., 1943, 2, p. 39).
51. C'est Le Poitevin qui, le premier, tout en ne méconnaissant
pas que la doctrine du secret absolu s' autorise d' arguments très
pressants, s'est demandé si l'obligation du secret ne disparaît pas
par le consentement de l'intéressé et par la volonté individuelle de
la personne directement intéressée à la préservation du secret. Cette
autorisation ne créerait jamais une obligation de révéler, écrit-il en
1895, mais <da révélation autorisée ou sollicitée sortirait du domaine
de la loi, pour rentrer uniquement dans le domaine de la conscience,
dans l'appréciation du confident ( ... ). Il précise: <iLe législateur,
dans le texte pénal, ne protège les individus qu' autant qu'ils éprou-
vent eux-mêmes le besoin d'être protégés; personne n'ayant alors à
craindre d'être trahi, tous conserveront à ces professions sur lesquel-
les s' appuie la société, la confiance qui doit les environner ►> (note s/
cass. fr., req., 9 avril 1895, Sirey, 1896, I, p. 81).
Marcel Planiol devait, quelques années plus tard, pousser l' ana-
lyse de manière un peu plus approfondie et demander clairement s'il
y a des cas ou l' obligation au secret se trouve détruite par quelque
autre principe de droit, d'une force égale ou supérieure. Il range en
quatre catégories les divers intérêts avec lesquels le secret profes-
sionnel peut se trouver en conflit: l'intérêt de la police criminelle,
LA NATURE DU SECRET PROFESSIONNEL 39

l'intérêt de l' administration civile, l'intérêt sanitaire, l'intérêt pécu-


niaire d'un particulier. Il n'exclut en fait que ce dernier cas et, pour
le surplus, reconnaît que certaines hypothèses ne font aucune diffi-
culté même si quelques-unes seulement sont réglées par un texte
formel. Il cite l' exemple ou, selon lui, le praticien a non seulement
la faculté, mais même l'obligation de parler: lorsqu'il s'agit d'empê-
cher l'accomplissement d'un crime, comme un empoisonnement ou
des sévices sur un enfant (note s/ cass. fr., civ., 1er mai 1899, Dall.
pér., 1899, I, p. 585). Commentant le même arrêt, Esmein considère,
après une analyse de l' ancien droit, que la seule révélation que vise
le texte pénal est la révélation spontanée (Sirey, 1902, I, p. 161).
52. Envisagée sous cette forme, la question de l'étendue du secret
professionnel apparaît débarrassée d'un certain nombre de contro-
verses, l'irresponsabilité pénale résultant de l' absence de faute. La
vraie difficulté réside dans le fait qu' à la différence des hypothèses
ou la loi pénale reconnaît le conflit de devoirs et en donne la solu-
tion par l'indication du devoir qu'elle estime supérieur, un conflit se
présente entre les dispositions relatives au secret professionnel et
une autre disposition législative, entre l' exercice d'un droit ou d'un
devoir moral, sans avoir reçu la solution dans la loi.
C' est ainsi que l' on a considéré que la valeur subjective d'une
simple obligation morale, de quelque importance qu'elle puisse être,
ne saurait l'emporter sur une disposition formelle de la loi et que,
dans ce cas, c'est l'inviolabilité du secret qui doit l'emporter. De
même, dans le cas d'un conflit entre l' obligation au secret et l' exer-
cice d'un droit, l' on a parfois distingué, pour déterminer le devoir
supérieur qui s'impose au confident, l'intérêt qui peut être à la
source du droit, à savoir l'intérêt pécuniaire ou l'intérêt moral. Si
le confident ne peut faire valoir qu'un intérêt pécuniaire, a-t-on dit,
l' obligation au secret reste inviolable; au contraire, s'il s' agit d'un
intérêt moral, le confident peut parler pour autant qu'il s' agisse
d'un intérêt moral important tel la défense de sa probité ou de son
honneur professionnel (André PERRAUD-CHARMANTIER, op. cit.,
pp. 271 et 272).
La disproportion qui existe souvent entre les intérêts pouvant
fonder le maintien intangible du secret, et ceux attachés à sa levée,
ont été soulignés de plus en plus fréquemment. Quelle justification
donner au silence du médecin, quand il pourrait, par sa révélation,
faire éclater l'innocence d'un accusé dans un procès pénal? Le pro-
40 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

fesseur Balthazard a évoqué le cas du médecin qui avait gardé le


silence dans un procès ou une jeune fille était accusée d'avoir
empoisonné sa mère, alors qu'il savait que cette dernière était morte
d'une maladie rénale (J. HoNORAT et L. MÉLENNEC, << Vers une rela-
tivisation du secret médical», Sem. jur., 1979, I, D., n° 2936).
Un changement de perspective beaucoup plus profond s'est
imposé, particulièrement dans le domaine du secret médical, avec
l' apparition des assurances sociales, l'intervention d'un tiers-payant
et la généralisation de la médecine de groupe.
53. Certes, le Code pénal ne mentionne que trois circonstances
permettant la levée du secret: le témoignage en justice, l'obligation
de révélation et, depuis la loi du 28 novembre 2000, le cas de mal-
traitance en vers un mineur. Mais cela ne suffit pas à exclure l' appli-
cation en la matière d' au tres faits justificatifs. L' article 458 s'insère
dans l'ensemble du droit pénal. Il n'y a aucune raison de le sous-
traire à l'emprise des dispositions générales du Code. Dès lors que
l' auteur d'une infraction à la règle du secret remplit les conditions
nécessaires pour être renvoyé des fins de la poursuite, sur le fonde-
ment du consentement de la victime, de la légitime défense ou de
l' état de nécessité, rien ne permet de lui enlever le bénéfice de ces
causes d'exonération. Pour des raisons plus morales, sociologiques
et traditionnelles que juridiques, la jurisprudence n' a pas toujours,
il est vrai, tenu compte de ces considérations. Elle s'y rallie de plus
en plus largement à l'heure actuelle (voy. HoNORAT et MÉLENNEC,
op. cit., n° 17).
CHAPITRE III
LES DIFFÉRENTS CONFLITS
DE VALEURS

54. Les articles 458 et 458bis du Code pénal ont expressément


prévu trois dérogations à l'obligation au secret professionnel: il
s' agit des cas ou le confident est appelé à rendre témoignage en jus-
tice, celui ou la loi l' oblige à faire connaître le secret et le cas de
maltraitance sur un mineur. La deuxième hypothèse ne constitue
qu'un rappel de la cause de justification générale prévue par l' arti-
cle 70 du Code pénal qui énonce : << Il n 'y a pas d 'infraction, lorsque
le fait était ordonné par la loi et commandé par l 'autorité ».
La loi du 30 juin 1996 a ajouté une dérogation supplémentaire
qui concerne les dépositions devant une Commission d' enquête par-
lementaire.
La doctrine et la jurisprudence ont élaboré un plus grand nombre
de dérogations, de restrictions, de réserves et de distinctions dont
on ne trouve pas la trace dans le texte pénal mais qui toutes repo-
sent sur des conflits de valeurs. Leur appréciation est souvent déli-
cate et l' on a parfois dit que l' arbitraire avait présidé au règlement
de ces conflits. Ils seront analysés en les classant en deux grandes
catégories : les valeurs sociales et les valeurs individuelles, les pre-
mières con tenant un groupe particulier qui concerne l' administra-
tion de la justice. C' est dans ce groupe que les difficultés sont nées
le plus sou vent, ainsi qu' en témoigne le fourmillement de décisions
judiciaires dans ce domaine.

SECTION 1. - L' ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

A. - La dénonciation des crimes et des délits

55. Le Code pénal de 1810 avait hérité de l' Ancien Régime une
dérogation traditionnelle au secret professionnel, l'obligation de
dénoncer à l' autorité certains faits jugés particulièrement graves.
Ainsi que l' a souligné le conseiller Monzein, on ne peut manquer
42 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

d' être frappé par le choix des mots utilisés par les rédacteurs de
l'article 378 du Code pénal de 1810, dans lequel l'on trouve la for-
mule «hors le cas ou la loi oblige à se porter dénonciateurs>>. Ce der-
nier mot a un sens précis et le caractère péjoratif qui s'y rattache
n'est guère discutable. Le verbe transitif <<dénoncer>>, adopté par le
législateur, va bien au-delà de <<faire savoir>>, <<faire connaître>>,
<<Ïnformer», <<signalen>, <<révéler», ... Dénoncer, c'est livrer, c'est tra-
hir, c'est enfreindre une règle de morale élémentaire, et l'on com-
prend la réticence de ceux qui hésitent ou refusent de se porter
<<dénonciateurs>> (<<Réflexions sur le secret médicah, Dall., 1984,
chron., II, p. 9).
On sait que le Code pénal de 1867 a modifié les termes employés.
56. Que subsiste-t-il dans le droit positif actuel de l' obligation de
dénonciation aux autorités? On trouve deux textes légaux dans le
Code d'instruction criminelle (art. 29 et 30), outre des dispositions
particulières relatives à la déclaration des maladies contagieuses
(voy. infra n° 8 126 et 187) auxquelles se sont ajoutées, plus récem-
ment, celles qui concernent le traitement des malades mentaux
(voy. infra n° 128), les obligations imposées aux détectives privés
(voy. infra n° 429), la protection de la vie privée à l'égard des trai-
tements de données à caractère personnel (voy. infra n° 193) et
l' obligation de dénonciation contenue dans la législation relative à
la répression du blanchiment d' argent et du financement du terro-
risme (voy. infra n° 8 75 et suiv.).
L' article 29 du Code d'instruction criminelle de 1808, toujours en
vigueur, tel qu'il a été modifié par la loi du 10 juillet 1967 pour une
question de forme, énonce : « Toute autorité constituée, tout fonction-
naire ou officier public, qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquerra
la connaissance d 'un crime ou d 'un délit, sera tenu d 'en donner avis
sur-le-champ au procureur du Roi près le tribunal dans le ressort
duquel ce crime ou délit aura été commis ou dans lequel l 'inculpé
pourrait être trouvé, et de transmettre à ce magistrat, tous les rensei-
gnements, procès-verbaux et actes qui y sant relatifs ».
L' article 30 du même Code dispose : «Toute personne qui aura été
témoin d 'un attentat, soit contre la sûreté publique, soit contre la vie
ou la propriété d 'un individu, sera pareillement tenue d 'en donner
avis au procureur du Roi soit du lieu du crime ou délit, soit du lieu
ou l 'inculpé pourra être trouvé».
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 43

Aucun de ces deux textes n' est assorti de la moindre sanction


pénale, en sorte qu'ils demeurent le plus souvent lettre morte, la
conscience individuelle étant rebutée par l'idée même de la délation.
L'omission d'une sanction n'est pas une lacune involontaire. Lors
des discussions du projet de Code d'instruction criminelle devant le
Conseil d'Etat, un membre déclara à la séance du 14 juin 1808: << ...
les mots toute personne rendent la règle absolue et n' admettent
aucune exception. Cependant, la loi forcera-t-elle le fils de dénoncer
son père, le mari de dénoncer son épouse? >> (LoCRÉ, Législation
civile, commerciale et criminelle, Société typographique belge, t. 15,
Bruxelles, 1837, p. 157).
5-_V. Le défaut de dénonciation prévu par l' article 29 ne pourrait
constituer qu'un manquement aux devoirs dont les personnes visées
par la disposition devraient éventuellement répondre devant leurs
autorités disciplinaires respectives. Il a été soutenu que la dénon-
ciation ne créerait même qu'un simple devoir moral, ce qui expli-
querait que seules des négligences graves et caractérisées entraînent
l'intervention disciplinaire.
La Cour de cassation a jugé que <<l'article 29 du Code d'instruc-
tion criminelle ne prescrit pas de délai de rigueur dans lequel le juge
d'instruction doit donner avis au procureur du Roi des indices rela-
tifs à d'autres infractions que son instruction révèle ►> (cass., ch. réu-
nies, 23 décembre 1998, J.L.M.B., 1999, p. 61; Rev. dr. pén., 1999,
p. 393).
Dans le cas particulier visé par l' article 156 du Code pénal, le
défaut de dénonciation à l' autorité compétente peut entraîner une
peine d'emprisonnement: il s'agit de l'hypothèse ou «les fonctionnai-
res ou officiers publics, chargés de la police administrative ou judi-
ciaire, qui n 'ayant pas le pouvoir de faire cesser une détention illégale,
auront négligé ou refusé de constater celle qui aura été portée à leur
connaissance, et de la dénoncer à l 'autorité compétente ».
Quant à l'obligation créée par l'article 30, elle est purement
morale; elle ne saurait donner lieu à aucune peine même discipli-
naire, car elle concerne chaque individu. Il importe cependant de
relever que l' article 727 du Code civil déclare indigne de succéder et,
comme tel, exclut de la succession, l'héritier majeur qui, instruit du
meurtre du défunt, ne l' aura pas dénoncé à la justice.
44 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

58. Il reste que le respect des obligations édictées par le Code


d'instruction criminelle supprime toute responsabilité pénale quant
au secret professionnel. Il importe cependant d' en souligner les con-
ditions strictement limitées : dans le premier cas, il s' agit d'un crime
ou d'un délit, venu à la connaissance d'une autorité constituée, d'un
fonctionnaire ou d'un officier public, dans l' exercice de ses fonc-
tions. Ce texte exclut d' emblée le plus grand nombre de confidents
visés par l' article 458 du Code pénal. Dans le deuxième cas, le texte
ne concerne que celui qui aura été Ie <<témoim> d'un attentat contre
la sûreté publique, la vie ou la propriété d'un individu. Un arrêt de
la Cour de cassation française (crim.) du 2 mars 1961 souligne que
ce n'est pas l'identité ou le refuge du criminel qui doit être porté à
la connaissance des autorités, mais seulement le crime lui-même
(Dall. pér., 1962, I, p. 121 et la note de Pierre BouzAT; contra:
S. BRAHY, <<Dénonciation officielle et dénonciation civique>>, Rev. dr.
pén., 1978-1979, p. 952).
59. L' o bligation créée par l' article 29 est im posée à tout déposi-
taire à un titre quelconque de l' autorité publique et même aux sim-
ples officiers publics. Il n'y a aucune distinction à faire entre l' ordre
civil, militaire ou administratif, ni quant au rang des fonctionnaires.
Les simples agents de l' autorité ou de la force publique ne sont pas,
à vrai dire, des autorités constituées, des fonctionnaires. Tels sont
les gendarmes, non revêtus de la qualité d' officier de police judi-
ciaire, les douaniers et les militaires n' ayant pas rang d' officier, les
agents de police, les gardiens de prison, les cantonniers, les
employés des administrations publiques, le~ commis des postes, télé-
graphes, chemins de fer, etc. (S. BRAHY, op. cit., p. 94 7).
En revanche, l'article 146 de la loi programme du 22 décembre
2003, remplaçant l'article 59 de la loi du 6 août 1990 relative aux
mutualités et aux unions nationales de mutualités, dispose expres-
sément que «ledit article 29 n 'est pas applicable aux membres du
Conseil et du Comité technique de ['office de controle, membres du per-
sonnel de eet office, réviseurs ( ... ) ainsi qu 'aux personnes qui ont
exercé auparavant les fonctions précitées » (sub 8°, al. 2).
Il en va de même pour les autorités disciplinaires (voy. : cass.
3 juin 1976, Pas., 1976, I, p. 1070 - solution implicite - et Michel
FRANCHIMONT, Ann JACOBS et Adrien MASSET, Manuel de procédure
pénale, éd. du Jeune barreau de Liège, 1989, p. 180; contra: Her-
LES DIFFÉRENTS C0NFLlTS DE VALEURS 45

man BEKAERT, <<Le criminel tient aussi le disciplinaire en état,>,


Journ. trib., 1982, p. 424).
60. Enfin, l'article 20 de l'arrêté royal du 31 mai 1885 approu-
vant les nouvelles instructions pour les médecins, les pharmaciens et
les droguistes dis pose que « tout médecin, appelé dans des cas qui
pourraient donner lieu à information judiciaire, tels que, par exemple,
l 'empoisonnement, en donnera sur-le-champ connaissance à l 'autorité
judiciaire ».
La doctrine considère unanimement que cette disposition est en
contradiction avec les prescriptions édictées par l' article 458 du
Code pénal, texte de loi auquel un simple arrêté royal ne peut
apporter de dérogation. La Cour de cassation a jugé que ce texte
réglementaire n' a pas étendu les dérogations à la règle du secret
professionnel au-delà des limites fixées par l' article 458 du Code
pénal (cass., 14 juin 1965, Pas., 1965, I, p. 1102, et les nombreuses
références citées; Journ. trib., 1965, p. 486). Cet arrêt rejetait le
pourvoi introduit contre un arrêt de la cour d' appel de Bruxelles,
du 30 novembre 1963 (Journ. trib., 1964, p. 264) confirmant un
jugement du tribunal correctionnel de Charleroi, rendu le 16 mai
1963, Journ. trib., 1963, p. 4 72).
61. Une controverse a cependant opposé la doctrine en ce qm
concerne Ie cas particulier de l' avortement.
Dans la mercuriale qu'il prononça le l '" octobre 1924 lors de la
rentrée solennelle de la Cour de cassation, le procureur général Ter-
linden proclama a vee vigueur que la loi ne doi t pas << cou vrir d' une
immunité devenue un danger public, les plus odieux forfaits,> et pré-
sider ainsi << à la dépopulation du pays et à la ruine de la race,>. Il
soutint la thèse <<qu'aussi longtemps qu'en matière d'avortement
criminel, on n' aura pas supprimé le secret médical et par cette sup-
pression, pu atteindre les maisons d' accouchement et surveiller effi-
cacement les accoucheuses, diplömées ou non, et les sages-femmes,
on n' aura pas enrayé le mal». Le procureur général faisait ainsi pré-
valoir la nécessité de mettre un frein à la dépopulation sur les rai-
sons qui justifient l' obligation au secret, la première qui, selon lui,
trouvait sa source dans les avortements, ayant, à ses yeux, une
valeur supérieure aux secondes. Le magistrat réclamait essentielle-
ment une modification de la loi en vue de supprimer le secret médi-
cal en matière d'avortement.
46 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Cette opm10n extrême n'est plus guère défendue aujourd'hui,


d'autant que la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de gros-
sesse a modifié les articles 348 et suivants du Code pénal concernant
la répression de l' avortement. Le respect du secret professionnel
dans ce domaine s'impose rigoureusement en droit; l'interdire, le
réglementer, le tempérer, heurterait notre conscience sociale (voy.
Louis Guv Aux, << Des modifications nécessaires à not re législation
sur l' avortement, les moyens abortifs et les moyens anti-
conceptionnels ►>, Rev. dr. pén., 1946-1947, pp. 314 ets. et spéciale-
ment pp. 333 et 334; F. DuMON et F. VAN HooRBEKE, << Le secret
professionnel du médecin, de l'accoucheuse ►> in <<La répression de
l'avortement ►>, Rev. dr. pén., 1952-1953, p. 756).

62. Il est parfois soutenu que le secret professionnel existe à


l' égard du patient et non des tiers et que, dès lors, le médecin devra
dénoncer l'attentat commis sur un client par un tiers (Xavier Rvc-
KMANS et Régine MEERT-VAN DE PuT, Les droits et obligations des
médecins, Larcier, 2e éd., t. I, n° 190; Achille MARÉCHAL, <<Le secret
professionnel médical ►>, Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 77). Dans cette
conception, le médecin n'a l'obligation de dénoncer un crime ou un
délit que pour autant qu'il s' agisse de protéger le patient et non de
le dénoncer. A l'unique exemple de l'empoisonnement cité par
l' arrêté royal de 1885, la doctrine médicale en ajoute généralement
deux autres : les sévices sur enfants et la séquestration arbitraire.
L'Ordre des médecins recommande de laisser à la victime du
crime ou du délit, pour autant qu'elle soit consciente, le soin de
décider si les faits doivent ou non être dénoncés aux autorités. Si la
victime est inconsciente, l'Ordre estime qu'il n'y pas lieu à dénon-
ciation, Ie médecin n' ayant pas été le témoin des faits (circulaire de
l' Ordre des médecins du Brabant du 19 a vril 1977, sous le titre
I nformations aux autorités judiciaires).
63. D'une manière à peu près générale, la doctrine estime
aujourd'hui que le médecin doit se refuser à dénoncer les crimes ou
les délits dont son patient serait Ie responsable ou le complice.
Encore peut-on se demander, s'interroge Achille Maréchal, s'il
n'existe pas des cas extrêmes ou, malgré tout, l'intérêt social
s' accommoderait mieux de cette dénonciation que du silence, aussi
respectable, soit-il, et il cite l'exemple d'un maniaque s'attaquant
périodiquement à d'innocentes victimes et venant faire soigner chez
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 47

un médecin les blessures qu' avant de mourir une victime lui a infli-
gée en se défendant (<<Le secret professionnel médical», op. cit.,
p. 78).
La cour d'appel de Mons a fait, au stade de la détention préven-
tive, une parfaite application de cette conception le 22 novembre
1996 en considérant que <<le médecin traitant qui informe le procu-
reur du Roi de ce que son patient a commis des attentats à la
pudeur sur un enfant et qui craint que ce dernier ne commette de
nouvelles infractions, viole le secret professionnel, (mais) toutefois,
il est justifié par l'état de nécessité dans lequel il s'est trouvé en vue
d' empêcher que l'inculpé ne réitère les infractions dont il est en
aveux, sur des enfants, ce qui représente un intérêt supérieur à tout
autre dans le cas d'espèce>> (Mons, ch. mis. acc., 22 novembre 1996,
Rev. dr. pén., 1997, p. 575; voy. dans la même affaire, cass.
4 décembre 1996, J.L.M.B., 1997, p. 487). Saisi des poursuites au
fond, le tribunal correctionnel de Charleroi a jugé, le 25 mars 1997,
que «les poursuites menées contre un prévenu fondées sur une vio-
lation du secret professionnel mais dont les circonstances de fait de
la cause révèlent que cette violation s'est limitée au strict nécessaire
pour éviter un mal objectivement inacceptable sont recevables>>
(corr. Charleroi, 25 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1167).
Il est effectivement permis de s'interroger sur la hiérarchie de
valeurs telle qu' elle est admise généralement, mais l'idée que le cri-
minel doit pouvoir s' adresser à cel ui qui le soigne en étant certain
de sa discrétion, est à ce point ancrée dans les esprits qu' elle y a le
poids d'un postulat. Ce sentiment dit-on, fait la richesse et la valeur
de notre société et de notre civilisation. Celles-ei doivent-elles cepen-
dant, à peine de déchoir, préférer en toutes circonstances le criminel
à sa victime? L' auteur de ces lignes n'en est personnellement pas
convaincu.

B. - La protection pénale des mineurs


64. Pendant de longues années, la protection des enfants maltrai-
tés n' a suscité aucune initiative parlementaire, la question demeu-
rant ignorée et le public ne semblant y attacher aucune attention
particulière. L'élément décisif qui amena !'opinion publique, en
général, et les milieux médicaux, en particulier, à s'y intéresser, fut
l'action d'un pédiatre américain, le docteur Kempe, de l'Université
du Colorado, qui décrivit, en 1962, ce qu'il a appelé selon une
48 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

expression qui fit florès: <<Le syndrome des enfants battus>> (voy.
Lucien SLACHMUYDER, << Secret professionnel et protection de la
jeunesse>>, Journ. trib., 1967, p. 529; l'étude de Suzanne ÜSCHINSKY
analysant notamment les travaux et les initiatives successives en
faveur de l'enfance martyre, <<Les enfants battus>>, Journ. trib.,
1980, p. 592; voy. aussi le compte rendu des journées d'études inter-
disciplinaires organisées à Bruxelles, les 11 et 12 mars 1983, sur le
thème <<L'enfant battu ou gravement négligé - Aspects juridiques et
médico-sociaux>>, par Suzanne ÜSCHINSKY et Michèle DEL CARRIL,
Journ. trib., 1983, p. 296; voy. égalt le numéro spécial de la Revue
de droit pénal et de criminologie d'avril 1990, intitulé <<Secret
professionnel», contenant un avant-propos de Henry Bosly, les con-
tributions de Pierre LAMBERT (<<Enfants maltraités et toxicomanes
dans la polémique du secret professionnel»), Georges DEMANET
(<<Secret professionnel et collaboration entre juristes et thérapeutes
dans les secteurs de la toxicomanie et des enfants victimes de mau-
vais traitements >>), Catherine MARNEFFE (<<Secret professionnel et
enfance maltraitée: quand le silence est d'on>), J.-Fr. MAHY (Ce
n'est un secret pour personne: juges et psychiatres collaborateurs ...
en faveur d'un ordre social); voy. égalt N. CoLETTE-BASECQZ, <<Le
secret professionnel face à l'enfance maltraitée», Ann" dr. Louvain,
2002, p. 3). Selon un éditorial de l' Association médicale américaine,
cité lors des débats à l'Assemblée nationale française, le 9 mai 1971,
le drame des enfants battus serait une cause de mortalité infantile
plus fréquente que la leucémie; il serait à l' origine des infirmités
mentales acquises et définitives aussi fréquemment que les accidents
de la circulation et les encéphalites toxiques ou infectieuses réunies
(J.O., Ass. nat., déb. parl., p. 1758). Force est de constater que les
tribunaux ont souvent à connaître de poursuites pour coups et bles-
sures à des enfants; la presse se fait fréquemment l' écho de faits
divers dont la description est parfois atroce, toujours bouleversante.
65. L' Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe recom-
mandait, le 30 septembre 1969, au Conseil des ministres d'inviter les
gouvernements membres à <<prendre les mesures nécessaires en vue
de permettre aux personnes soumises au secret professionnel de
révéler, sur la base de procédures déterminées et de façon compati-
ble avec leurs éthiques professionnelles, les cas de sévices ou de pri-
vations infligés à des mineurs, notamment en édictant à cette fin
des dispositions législatives ou en encourageant l' adoption de dispo-
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 49

sitions similaires au niveau des codes de déontologie


professionnelle,>, l'objectif prioritaire étant de faire cesser les mau-
vais traitements >> ( Recommandation 561 /69 sur la protection des
mineurs contre les mauvais traitements).
66. Sans doute, la loi du 6 janvier 1961 a-t-elle introduit dans le
Code pénal des articles 422bis et 422ter réprimant quelques absten-
tions coupables et notamment le fait de s' abstenir «de venir en aide
à une personne exposée à un péril grave». En outre, l'article 61 du
Code de déontologie médicale, confirmé dans sa mise à jour de 1995
par le Conseil national de l'Ordre des médecins prévoit que <dorsque
le médecin estime qu'un mineur est l' objet de sévices, de privation
d' aliments ou de soins, il en informera les parents, ou tuteurs, ou les
autorités judiciaires>>.
Mais ces dispositions contraignantes étaient tenues en échec par
l' article 458 du Code pénal relatif au secret professionnel (voy. A.
DASSEN, «Kindermishandeling en het beroepsgeheim van de
geneesheer», R. W., 1972-1973, col. 929).
Il en était de même pour les dispositions du décret du 16 mars
1998 du Conseil de la Communauté française relatif à l'aide aux
enfants victimes de maltraitances, qui prévoit l'obligation pour
diverses catégories de personnes lorsqu'elles sont <<dans l'impossibi-
lité d 'agir personnellement afin de favoriser l 'arrêt des maltraitances,
d 'apporter leur aide sous forme d 'une information d 'une instance com-
pétente dont le conseiller de l 'aide à la jeunesse ou le directeur de
l 'aide à la jeu nesse, ou l 'équipe 'S. 0. S. enfants' ... , ou l 'équipe d 'un
centre psycho-médico-social ou d 'un centre d 'inspection médicale sca-
laire (. .. ) sans préjudice de l 'application de l 'article 458 du Code
pénal» (art 2, §§2 et 3 et art. 20). L'article 20 énonce: «Les infor-
mations à caractère personnel recueillies par les personnes à l 'occasion
de leur participation à une des commissions organisées par le présent
décret sant couvertes par le secret professionnel réglementé par l 'article
458 du Code pénal, sans préjudice des articles 29 et 30 du Code d 'ins-
truction criminelle >>.
Quant à l' article 21 du décret, il dispose que << le non-respect des
obligations fixées à l 'article 2 est puni d 'un emprisonnement de huit
jours à deux ans et d 'une amende de 50 à 5. 000 francs, ou d 'une de
ces peines seulement ».
50 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

67. Pour ten ter de franchir l' obstacle légal du secret profession-
nel, plusieurs propositions de loi ont été déposées au Parlement
(I. VAN DER STRAETE et J. PuT, <<La zone de tension entre le secret
professionnel et la maltraitance des enfants : des initiatives législa-
ti ves en Belgique et aux Pays-Bas ►>, Rev. dr. santé, 2001-2002,
p. 70).
La plus ancienne est celle du député Brimant, déposée le 29 jan-
vier 1976, reprise le 19 octobre 1978 par le sénateur Ryckmans et
visant à compléter l' article 458 du Code pénal en précisant que les
personnes tenues au secret professionnel n' encourent aucune peine
lorsqu'elles informent les autorités judiciaires de sévices ou priva-
tions sur la personne de mineurs de moins de 15 ans (Doe. parl.,
Chambre, sess. 1975-1976, 771-1; Doe. parl., Sénat, sess. 1977-1978,
467-1).
Ensuite, l' ancien ministre de la Justice, Herman Vanderpoorten,
déposa sur le bureau du Sénat, le 29 mars 1980, une proposition
allant plus loin que les propositions précédentes, créant, sur le
modèle hollandais, l'institution de médeeins de eonfianee, à qui les
personnes visées à l' article 458 du Code pénal devaient obligatoire-
ment dénoncer <<les actes de sévices, de privations ou d' abandon
commis sur la personne de mineurs de moins de 16 ans et dont elles
avaient connaissance par l'exercice de leur profession ►>, l'article 458
ne leur étant, dans ce cas, pas applicable (Doe. parl., Sénat, sess.
1979-1980, 421-1). Ainsi, écrivait l'auteur de la proposition de loi,
<<il n'y aurait pas violation du secret professionnel de la part du
médecin ordinaire qui ne ferait que le partager avec un confrère. La
tàche principale des médeeins de eonfianee consisterait à apprécier la
valeur des renseignements reçus. Au cas ou l' enquête révélerait qu'il
y a eu effectivement des mauvais traitements, ils devraient prendre
les mesures nécessaires à la protection de l' enfant et organiser
l' assistance. Au besoin, ils pourraient faire appel au service social du
comité de protection de la jeunesse. Ce n'est que dans l'éventualité
ou toutes ces mesures n' auraient eu aucun résultat que le médeein
de eonfianee pourrait transmettre l' affaire au parquet>>.
Aucune de ces initiatives parlementaires n' a abouti devant le
Parlement. En revanche, un décret de la Communauté flamande du
29 mai 1984 a porté création d'un organisme dénommé «Kind en
Gezin>> (Enfance et famille), en exécution duquel furent créés des
centres de confiance pour enfants maltraités (voy. l'arrêt du Gou-
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 51

vernement flamand du 2 décembre 1997 fixant les conditions


d'agrément et de subvention desdits centres).
68. Ce sont finalement les événements tragiques du mois d' août
1996, liés à ce que l' on a appelé <<1' affaire Dutroux ►>, qui conduisirent
le gouvernement à déposer un projet de loi relatif à la protection
des mineurs, contenant un ensemble de mesures concernant la pré-
vention, la répression et l' assistance aux victimes de délits sexuels
(Doe. parl., Chambre, sess. 1998-1999, 1907/1, Exposé des motifs,
p. 1). Parmi ces mesures, figure une modification de l'article 458 du
Code pénal de manière à <<mettre à l'abri d'éventuelles poursuites
pénales, le confident qui dénonce certains faits ou certaines
confidences ►> (Doe. parl., Chambre, précités p. 82) et lui permet,
moyennant le respect de conditions strictes, de porter à la connais-
sance du parquet des faits de maltraitance commis sur un mineur.
Aux termes de l' article lO0ter nouveau du Code pénal, inséré par
l' article 3 de la loi nouvelle, «le terme <<mineun désigne la personne
n'ayant pas encore atteint l'àge de dix-huit ans ►>.
Entre le dépöt du projet de loi le 4 janvier 1999 et sa promulga-
tion le 28 novembre 2000, les travaux préparatoires furent labo-
rieux et les discussions vives, au cours desquels les commissions de
la Justice de la Chambre des représentants et du Sénat procédèrent
à l' audition de spécialistes du secret professionnel qui exprimèrent
des opinions très controversées sur le projet (voy. les rapports de
Nathalie DE 'T SERCLAES, Doe. parl., Sénat, sess. 1999-2000, 2-280/
5, pp. 19 à 77, et de J. VANDEURZEN, Doe. parl,. Chambre, sess.
2000-2001, 50-695/9). La section de législation du Conseil d'Etat
formula également de nombreuses critiques (Doe. parl., Chambre,
sess. 1998-1999, 1907/1, pp. 61 ets., et spécialement pp. 82 et 83).
69. Le projet de loi initia! déclarait baser la nouvelle exception
légale au secret professionnel <<sur le même mécanisme que l'excep-
tion tirée du témoignage en justice des personnes dépositaires du
secret : dans la mesure ou l'intérêt du mineur de moins de quatorze
ans - on sait que cette limite d'àge à été portée à dix-huit ans - le
commande, lorsque le confident nécessaire de ce mineur constate,
dans l'exercice de sa profession, des faits qui laissent supposer que
ce dernier est victime de sévices ou de maltraitances, ou apprend de
la bouche de celui-ci l'existence de tels faits, il peut les signaler aux
services compétents ►>, sans qu'aucune sanction pénale ne puisse lui
52 LES PRINCIPES G:B:NÉRAUX

être appliquée>> (Doe. parl., Chambre, sess. 1998-1999, 1907/1 exposé


des motifs, p. 38).
L'imprécision des termes <<services compétents>> fut vivement cri-
tiquée par la section de législation du Conseil d'Etat, qui formula,
en outre, la même remarque concernant «l'habitude de dénoncer de
simples soupçons plutöt que des faits clairement établis>> (op. cit.,
pp. 82 et 83).
Ces critiques amenèrent le législateur à prévoir que l'exception à
l' obligation au secret professionnel n' accorde à son dépositaire le
droit de s'exprimer et d'être délié de son obligation, pour informer
le procureur du Roi qu'à trois conditions déclarées <<strictes>> lors des
travaux préparatoires :
1° avoir examiné ou recueilli les confidences de la victime,
2° qu'existe un danger grave et imminent pour l'intégrité mentale
ou physique de l'intéressé,
3° ne pas être en mesure soi-même ou avec l' aide de tiers de protéger
cette intégrité (voy. le rapport de Nathalie DE 'T SERCLAES, op.
cit., p. 106).
Le texte finalement adopté dispose que : «Toute personne qui, par
état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait con-
naissance d 'une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394,
396 à 405ter, 409, 423 et 426, qui a été commise sur un mineur, peut,
sans préjudice des obligations que lui impose l 'article 422bis, en infor-
mer le procureur du Roi, à condition qu 'elle ait examiné la victime
ou recueilli les confidences de celle-ci, qu 'il existe un danger grave et
imminent pour l 'intégrité mentale ou physique de l 'intéressé et qu 'elle
ne soit pas en mesure, elle-même ou avec l 'aide de tiers, de protéger
cette intégrité» (Pour la portée des articles cités, voy. infra, n° 72).
70. On constate d'emblée que ces modalités et conditions sont
plus retreintes que celles qui résultent de la jurisprudence de la
Cour de cassation et de la Cour d' arbitrage.
Le texte s' écarte de l' état de nécessité tel qu'il est admis par la
jurisprudence et particulièrement par la Cour de cassation dans son
arrêt du 13 mai 1987(Pas., 1987, I, p. 1061; voy. supra, n° 41). Un
amendement reprenant minutieusement les critères relatifs à l' état
de nécessité, tels qu'ils ont été définis par la Cour de cassation a été
rejeté (Doe. parl., Sénat, sess. 1999-2000, 2-280/2, p. 7: amende-
ment n° 9 de Clotilde NYSSENsl.
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 53

La limitation de la faculté de dénonciation au seul procureur du


Roi, à l' exclusion des autorités judiciaires, et plus particulièrement
d'un juge d'instruction, n' a donné lieu à aucune explication lors des
travaux préparatoires.
71. On peut se demander si la volonté de renforcer la protection
du mineur est réellement atteinte, alors que la Cour de cassation
dans son arrêté précité a jugé que <<l'état de nécessité allégué par
une personne poursuivie pour violation du secret professionnel ne
peut être écarté dès lors que, eu égard à la valeur respective des
devoirs en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour
autrui, cette personne a pu estimer qu'il ne lui était pas possible de
sauvegarder autrement qu'en violant ce secret, un intérêt plus
impérieux qu'elle avait Ie devoir ou qu'elle était en droit de sauve-
garder avant les autres>>.
Certains term es de l' arrêt se retrou vent dans Ie texte de l' article
45Sbis nouveau du Code pénal, encore que plusieurs ont été
remplacés: «il existe», au lieu de <<en présence de>>, <<Un danger grave
et imminent pour l 'intégrité mentale au physique de l 'intéressé », au
lieu de, plus simplement, <<d'un mal grave et imminent pour autrui>>.
Il n'y a sans doute pas lieu d' attribuer à ces modifications plus
d'importance qu'elles n'en ont.
En revanche, l' état de nécessité, tel qu'il est admis par la Cour
de cassation, est soumis à deux conditions supplémentaires - de sur-
croît cumulatives - selon lesquelles, d'une part, Ie dépositaire du
secret doit avoir «examiné la victime ou recueilli les confidences de
celle-ci>> et, d'autre part, qu' <<il ne soit pas en mesure, lui-même ou
avec l' aide de tiers, de protéger l'intégrité physique ou mentale de
l'intéressé>>.
Il en résulte que pour une victime de maltraitance, l' état de
nécessité justifie la violation du secret professionnel, de manière
large, si elle est majeure, tandis que s'il s' agit d'un mineur, tant la
loi que les travaux préparatoires de la loi attirent expressément
l' attention sur «l' exigence d'une constatation personnelle des faits
ou de confidences directement reçues de la victime sans
intermédiaire>> (exposé des motifs, op. cit., p. 38, §3). De plus, il faut
que le praticien <<ne soit pas en mesure>> de protéger la victime, Ie
cas échéant, <<avec l'aide de tiers>>, la loi ne précisant pas si ce tiers
est lui-même tenu au secret professionnel.
54 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

En conclusion, s' agit-il d'une meilleure protection des mineurs


ainsi que l' a souhaité l' opinion publique après les événements de
1996? La section de législation du Conseil d'Etat avait déjà relevé
que «l'objectif recherché par la réforme risquait de ne pas être
atteint ►> et que <<de graves incertitudes devaient être levées>> (voy.
I. W ATTIER, S. BERBUTO et C. PEVÉE, <<La loi du 28 relative à la
protection pénale des mineurs>>, Journ. dr. jeun., 2001, pp. 3 et
suiv.; Journ. trib., 2001, pp. 433 et suiv. et spécialt p. 444: <<La per-
mission de déroger au secret professionnel», voy. égalt Fernand
GEUBELLE, « L'enfant maltraité - Le paramédical / Le médecin», éd.
Univ. Liège, 2002).
72. Le souhait du Conseil d'Etat n'a malheureusement pas été
exaucé.
Dans chacune des hypothèses d'infractions visées par l' article
458bis nouveau du Code pénal, l'incertitude demeure, qu'il s' agisse
de l'attentat à la pudeur et du viol (art. 372 à 377 du Code pénal),
de l'homicide, de lésions corporelles volontaires, de torture, de trai-
tements inhumains et dégradants ou de meurtre (art. 392 à 394 et
396 à 405), de la mutilation des organes génitaux (art. 409), du
délaissement et de l' abandon d' enfants, de la privation d' aliments
ou de soins (art. 423 à 426). Le praticien informé par des confiden-
ces émanant d'une autre personne que la victime - par exemple un
parent - et s'il n' a pas eu l' occasion de l' examiner - hypothèse qui
ne peut concerner qu'un médecin - pourra-t-il dénoncer les faits au
procureur du Roi, en étant à l' abri de poursuites pénales? La ques-
tion a certes été évoquée lors de l' audition des experts à l' occasion
des travaux préparatoires de la loi, mais aucune réponse n'y a été
donnée. Et qu'en est-il si le dépositaire du secret a recueilli les con-
fidences de l' auteur des maltraitances lui-même?
73. Dans son rapport annuel pour l'année 2000, le délégué géné-
ral de la Communauté française aux droits de !'enfant, Claude Leliè-
vre, déclare qu' après << cette sorte de transe>> qui gagna la société
belge après !'affaire <<Julie et Mélissa>>, <<il redouta qu'on se focalise
principalement sur le phénomène de la pédophilie et qu' on oublie ou
qu' on néglige d' au tres matières oû les droits de l' enfant devraient
faire des avancées significatives, comme la maltraitance en général,
la séparation et le divorce des parents, l' adoption, le retrait des
mineurs d' àge, les enfants frappés par la maladie, ... les enfants pla-
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 55

cés dans les centres fermés ou victimes de rapts parentauX1> (voy.


Claude LELIÈVRE, Défenseur des enfants, extraits du rapport annuel
1999-2000 du délégué général de la Communauté française aux
droits de l' enfant, préface de Roger Lallemand, éd. Luc Pire, 2001,
p. 17).

74. L'affaire Z ... et autres c. le Royaume-Uni dont la Grande


chambre de la Cour européenne a eu à connaître l'épilogue par son
arrêt du 10 mai 2001, illustre parfaitement, à !'occasion des difficul-
tés rencontrées au sein même du milieu familial, la justesse des pré-
occupations de Claude Lelièvre qui proclame que !'enfant a le droit
de recevoir les moyens de vivre dans la dignité, c'est-à-dire le droit
de se nourrir, de se loger, d'être soigné, de se développer, d'être pro-
tégé, de s'émanciper (op. cit., p. 14).
A l' origine de l' affaire se trouvait une requête déposée par cinq
enfants alléguant que les autorités locales n' avaient pas pris les
mesures adéquates pour les protéger de la négligence et des abus
graves dont ils étaient victimes du fait des mauvais traitements que
leur infligeaient leurs parents; ils prétendaient également ne pas
avoir eu accès à un tribunal ni disposé d'un recours effectif à eet
égard. Les mauvais traitements sont longuement évoqués dans
l' arrêt et il n' est pas nécessaire de les décrire ici; ils sont le résultat
de carences particulièrement graves des parents et ils ne rencontrè-
rent qu'une relative indifférence et, en tout cas, l'intervention des
autorités locales alertées par des voisins émus par le sort des
enfants, se révéla d'une regrettable inefficacité.
Le gouvernement britannique mis en cause ne contestait pas que
le traitement subi avait atteint un degré de gravité tel que l'Etat
avait failli à l' obligation positive que lui faisait l' article 3 de la Con-
vention européenne des droits de l'homme d' assurer aux intéressés
une protection suffisante contre tout traitement inhumain ou dégra-
dant. La Cour précise que la Convention de sauvegarde impose aux
Etats contractants de prendre les mesures propres à assurer une
protection efficace notamment des enfants et autres personnes vul-
nérables pour empêcher des mauvais traitements - même adminis-
trés par des particuliers - dont les autorités ont ou doivent avoir
connaissance. Elle rappelle que lorsqu'un droit d'une importance
aussi fondamentale que le droit à la vie ou l'interdiction de la tor-
ture et de traitements inhumains ou dégradants est en jeu, la Con-
vention exige des investigations approfondies et effectives propres à
56 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

conduire à l'identification et à la punition des coupables et compor-


tant un accès effectif du plaignant à la procédure d'enquête (voy.
Pierre LAMBERT, <<Enfants maltraités et obligations positives de
l'Etat>>, Journ. trib., 2001, p. 583).

C. - La répression du blanchiment d 'argent


et du financement du terrorisme
75. Le crime organisé opérant internationalement et les opéra-
tions de blanchiment d' argent ayant un caractère transfrontalier,
les organismes internationaux et à leur suite le législateur national,
se sont légitimement préoccupés de mettre en place les instruments
juridiques adéquats de lutte contre ce type de criminalité.
Il faut entendre par blanchiment de capitaux, <<la conversion ou
le transfert de capitaux ou d 'autres biens dans le but de dissimuler ou
de déguiser leur origine illicite ou d 'aider toute personne qui est impli-
quée dans la réalisation de l 'infraction d 'ou proviennent ces capitaux
ou ces biens, à échapper aux conséquences juridiques de (ses) actes »
(art. 3 nouveau de la loi du 11 janvier 1993, modifié par la loi du
12 janvier 2004) (voy. J. PARDON, <<Le blanchiment de l'argent et
la lutte contre la criminalité axée sur le profit>>, Rev. dr. pén., 1992,
p. 720; Gérard DELVAUX, Coresponsabilité et secret professionnel,
Bruxelles, éd. Luc Pire électronique, 2001; Jean SPREUTELS, Dix
ans de lutte contre le blanchiment de capitaux en Belgique et dans le
monde, Bruylant, Bruxelles, 2003; Georges-Albert DAL et Jo STE-
VENS, <<Les avocats et la prévention du blanchiment de capitaux:
une dangereuse dérive>>, Journ. trib., 2004, p. 485).
Les institutions et les personnes susceptibles d'intervenir en tant
qu'intermédiaires - conscients ou inconscients - dans une opération
de blanchiment, particulièrement les avocats et les notaires, se mon-
trèrent rapidement très attentives à voir concilier cette répression
avec leur obligation de secret professionnel.
Le blanchiment d' argent a été érigé en infraction par la loi du
17 juillet 1990. Ultérieurement, la loi du 11 janvier 1993 <<relative à
la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blan-
chiment de capitaux>> a concerné essentiellement et uniquement les
organismes bancaires, en leur imposant des obligations particulières
telles l'identification de leurs clients, la dénonciation d'opérations
oude transactions suspectes (Jean-Louis DuPLAT, <<Het gebruik van
het financiële stelsel voor het witwassen van geld>>, Rev. banq., 1993,
LES DIFFÉRENTS CON FLITS DE VALEURS 57

p. 282; Alain DE NAUW, <<De strafrechtelijke aspecten van de wet


van 11 januari 1993 tot voorkoming van het gebruik van het finan-
ciële stelsel voor het witwassen van geld,>, in Liber amicorum
Armand Vandeplas, Mys & Breesh, Gent, 1994). Dans une circulaire
B93/4 du 8 septembre 1993 commentant l'arrêté royal d'application
du 28 février 1993 mettant la loi en amvre, la situation particulière
de ceux qui sont tenus au secret professionnel a été évoquée dans
les termes suivants par la Commission bancaire et financière: <<A
défaut d' obtenir de certains intermédiaires soumis à des règles léga-
les de déontologie (notamment les avocats, notaires ou huissiers de
justice) l'identité de l'ayant droit, il y a lieu d'exiger de l'intermé-
diaire qu'il signe une déclaration par laquelle il déclare agir soit
pour son compte propre, soit pour compte de tiers et atteste, dans
ce dernier cas, qu' à sa connaissance, il ne s' agit pas de blanchiment
de capitaux>>.
76. Ultérieurement, la loi du 10 août 1998 a fait tomber dans le
champ d' application de la loi du 11 janvier nl 993 les notaires, les
réviseurs d' entreprises, les experts-comptables exteres, les agents
immobiliers, ainsi que les transporteurs de fonds et ... les casinos
(voy. pour ce qui concerne le cas particulier des notaires: Jean-
François TAYMANS, <<Notaires,> in Didace KIGANAHE et Yves PouL-
LET, Le secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002, pp. 175 et
suiv., et spécialt section 3 : Secret professionnel et obligation de
dénonciation dans le cadre de la loi anti-blanchiment, p. 182).
Ensuite, la loi du 12 janvier 2004 transposant en droit positif belge
la directive du Conseil des ministres des Communautés européennes
du 4 décembre 2001 (Dir. 2001/97 ~ CE) a inclus les avocats dans
le champ d' application de la réglementation en la matière
(J.P. BuYLE et 0. CREPLET, <<L'extension aux avocats, par la direc-
tive européenne du 4 décembre 2001, de la réglementation préven-
tive du blanchiment des capitaux>>, in Droit bancaire et financier,
Larcier, Bruxelles, 2004, p. 472; Rik DEVLOO, <<De meldingsplicht
bij fraude na de wet van 10 augustus 1998 ►>, R. W., 1998-1999,
p. 1195).
Les législateurs européens et belges affirment avoir été attentifs
au respect du secret professionnel et qu'il ne peut y être dérogé que
pour les activités qui ne font pas partie de l' activité professionnelle
stricto sensu. Le service juridique du Conseil des ministres de
l'Union européenne a émis le 23 mai 2000 l'avis selon lequel la
58 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

directive du 4 décembre 2001 est conforme à la Convention euro-


péenne de sauvegarde des droits de l'homme (cité par G.-A. DAL et
J. STEVENS, loc. cit., n° 9).
77. La loi du 12 janvier 2004 (l'intitulé complet de la loi est: <<Loi
modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'uti-
lisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux,
la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au controle des établis-
sements de crédit, et la loi du 6 avril 1995 relative aux statuts des
entreprises d'investissement et à leur controle, aux intermédiaires
financiers et conseillers en placements>>) n'est applicable aux avo-
cats que dans la mesure ou elle le prévoit expressément, selon l' arti-
cle 2ter de la loi. C'est le cas: «- 1° lorsqu'ils assistent leur client
dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant :
a) l 'achat ou la vente de biens immeubles ou d 'entreprises
commerciales; b) la gestion de fonds, de titres ou d 'autres actifs
appartenant au client; c) ['ouverture ou la gestion de comptes bancai-
res ou d 'épargne ou de portefeuilles; d) l 'organisation des apports
nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés;
e) la constitution, la gestion ou la direction de trusts, de sociétés ou
de structures similaires; - 2 ° ou lorsqu 'ils agissent au nom de leur
client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière
ou immobilière » (Ce texte reproduit textuellement l' article 2bis nou-
veau, 1er, 5° de la directive 91/308/CEE telle qu'elle a été modifiée
par celle du 4 décembre 2001 [2001/97/CE]).
On constate donc qu' à l'inverse des professions de notaire, de
réviseurs d'entreprises, d'experts-comptables ou d'agents immobi-
liers - toutes tenues au respect du secret professionnel (voy. infra)
- qui tombent intégralement dans le champ d' application de la loi
nouvelle, celle de l'avocat n'est visée que pour des activités spécifi-
quement désignées, dont une grande partie, d'ailleurs, ne rentre pas
dans son activité stricto sensu, telle qu'elle s'exerce habituellement
dans notre pays. Cette distinction a été justifiée dans l'exposé des
motifs du projet de loi par «la spécificité de la profession d' avocat
liée à l'exercice des droits de la défense en justice (Doe. parl., Cham-
bre, sess. 2003-2004, 51-383/1, p. 28). Il n'est pas fait expressément
référence au secret professionnel, mais il est vrai que la protection
de celui-ci n'est pas identique dans tous les Etats de l'Union euro-
péenne et que la directive est la même pour chacun d'eux.
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 59

78. L'article 4, §Ier, nouveau de la loi du 11 janvier 1993 (tel qu'il


est modifié par l' article 7 de la loi du 11 jan vier 2004) impose aux
organismes et personnes visées - et partant aux avocats dans la
mesure ou ils accomplissent l'une des activités visées à l' article 2ter
prérappelé - d' <<identifier leurs clients et les mandataires de ceux-ci
( ... ) au moyen d 'un document probant ( ... ). Cette «identification et la
vérification portent sur le nom, le prénom et l 'adresse pour les per-
sonnes physiques (tandis que) pour les personnes morales et les trusts
elles portent sur la dénomination sociale, le siège social, les adminis-
trateurs et la connaissance des dispositions régissant le pouvoir
d'engager la personne morale au le trust, (ainsi que) sur l'objet et la
nature envisagée de la relation d 'affaires>> (voy. le Règlement de la
Commission bancaire, financière et des assurances adopté le
27 juillet 2004 et annexé à l'arrêté royal d'approbation du 8 octobre
2004).
De plus, l' article 25 de la loi du 11 jan vier 2004 dispose que les
personnes visées par la loi du 10 août 1998 (notaires, huissiers de
justice, réviseurs, experts comptables, agents immobiliers, ... ) qui
constatent, dans l'exercice de leur profession, <<des faits qu'elles
savent au soupçonnent être liés au blanchiment de capitaux au au
financement du terrorisme sant tenues d 'en informer immédiatement la
Oellule de traitement des informations financières ». Quant aux avo-
cats, ils sont tenus «d 'en infarmer immédiatement le batonnier de
l 'Ordre dont (ils) relèvent » qui, après avoir vérifié que les conditions
légales sont respectées (Doe. parl., Chambre, sess. 2003-2004, n° 51-
383/1, p. 44), les transmettra à ladite Cellule (voy. sur eet aspect de
la législation: François GLANSDORFF, <<Blanchiment: les avocats ne
sont ni délateurs ni complices>>, La Tribune de la Oonférence des bar-
reaux, 2001/2, p. 14; Thierry AFSCHRIFT, <<Des avocats vont-ils
dénoncer leurs clients? >>, Journ. proc., 25 janvier 2002, p. 8; Jean-
Pierre BuYLE, <<Les avocats, auxiliaires de police>>, Journ. proc.,
6 septembre 2002, p. 8; Julien CHAMARRE, <<Secret professionnel de
l'avocat et incitation à la dénonciatiom, Gaz. Pal., 24-25 mai 2002,
p. 7; Yves REPIQUET, <<Le bàtonnier serait-il désormais un
dénonciateur? >>, Les Annonces de la Seine, 23 juin 2003, p. 4).
79. Une réserve est cependant prévue en ce qui concerne les avo-
cats dans les termes suivants. Ils ne transmettent pas les informa-
tions visées «si celles-ci ont été reçues d 'un de leurs clients au obtenues
sur un de leurs clients lors de l 'évaluation de la situation juridique
60 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

de ce client ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de repré-


sentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une
telle procédure, y co mp ris dans le cadre de conseils relatifs à la
manière d 'engager ou d 'éviter une procédure, que ces informations
soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure »
(art. 25, §3, al. 2).
Enfin, l'article 19 nouveau de la loi du 11 janvier 1993 dispose
que l' avocat et le bätonnier ne peuvent en aucun cas porter à la
connaissance du client concerné ou de tiers que des informations ont
été transmises à la Cellule de traitement des informations financiè-
res ou qu'une information du chef de blanchiment ou de finance-
ment du terrorisme est en cours.
La loi prévoit encore que lorsque les titulaires de la profession ne
sont pas en mesure de transmettre les informations visées ou vou-
draient de mauvaise foi se soustraire à cette obligation «tout
employé et tout représentant de l'avocat procéde(ront) personnellement
à la transmission des informations à la Cellule ... >> (art. 18, al. 2;
voy. Doe. parl., Chambre, sess. 2003-2004, n° 51/383/1, p. 50).
80. L' extension aux avocats des obligations prévues par la loi du
11 janvier 1993 concernant la prévention de l'utilisation du système
financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du
terrorisme, a incité les barreaux à introduire un recours en annula-
tion devant la Cour d' arbitrage, concernant notamment l'interdic-
tion contenue dans l'article 19 de la loi du 11 janvier 1993.
L' affaire est actuellement pendante devant cette Haute juridic-
tion (röle n° 3.064). Il n'est pas exclu que la Cour d'arbitrage pose
une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés
européennes, sur la compatibilité de la directive du 4 décembre 2001
avec les principes fondamentaux de l'Union européenne en matière
de droits de la défense, combinés avec l' article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
D'un autre cöté, le barreau de Bruxelles, l'Ordre des barreaux
francophones et germanophone, et la Vereniging van Vlaamse
Balies ainsi que le Nederlandse Ordre van Advocaten bij de Balie
te Brussel se sont joints à l'initiative du Conseil des barreaux de
France qui a déposé, le 2 mai 2003, une pétition au Parlement euro-
péen, dirigée contre les obligations de <<vigilance ►> ou de pure et sim-
ple dénonciation sur la base d'un soupçon, mises à charge des avo-
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 61

cats par la deuxième directive européenne, dont le contenu pourrait


éventuellement être modifié par une troisième directive en chantier
à la Commission européenne. La pétition a été jugée recevable par
le Parlement européen le 30 septembre 2004 (voy. André RrnoPou-
L0S, <<Les avocats et la prévention du blanchiment: une pétition
déposée au Parlement européen)>, Journ. trib., 16 octobre 2004,
p. 766; voy. égalt La Semaine juridique, éd. Gén., 24 octobre 2004,
p. 1889; Olivia DuFOUR, <<Blanchiment - Le barreau français plaide
à Bruxelles)>, Petites affiches, 4 octobre 2004, p. 5; Edouard DE
LAMAZE, <<Le droit au secret et à l'indépendance de l'avocat)>, Gaz.
Pal., 8-9 oct. 2004, p. 23; Les Annonces de la Seine, 22 novembre
2004, p. 11).

D. - Le témoignage en justice
81. C' est un principe général de notre droit que toute personne
est redevable de son témoignage en justice. Acquitter cette dette est
un devoir de citoyen qui oblige, comme les lois de police et de
sûreté, tous ceux qui habitent sur le territoire, selon les termes de
l' article 3 du Code ei vil. Il en est ainsi non seulement dans les affai-
res pénales, mais également dans les affaires civiles 011 la société,
quoique moins directement intéressée que dans les cas de répression
des infractions, a cependant une mission indispensable à remplir,
celle de rendre à chacun la justice à laquelle il a droit.
La loi, du reste, a consacré ce principe en termes généraux par
des dispositions formelles, tant du Code d'instruction criminelle que
du Code judiciaire, même s'il existe entre elles des nuances qu'il
importe de ne pas perdre de vue.
Lors des travaux préparatoires du Code pénal de 1867, il a été
expressément déclaré par les rapporteurs, à la Chambre des repré-
sentants et au Sénat, que le dépositaire par état ou par profession
des secrets d'autrui, ne peut faire l'objet de poursuites sur la base
de l'article 458 du Code pénal lorsqu'il dépose en justice. <<La révé-
lation du secret cesse d'être punissable dans le cas 011 le médecin,
l' avocat, le prêtre, cités comme témoins et interpellés de dire toute
la vérité, ont révélé le secret à la justice. Ces personnes peuvent
s'abstenir de déposer; elles peuvent invoquer, avant de prêter ser-
ment, l' obligation qui leur incombe de garder le secret qui leur a été
confié en raison de leur état ou de leur profession, et dans l'exercice
de eet état ou de cette profession. Mais lorsque, répondant à l'inter-
62 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

pellation qui leur a été adressée, elles ont révélé des faits dont elles
avaient ainsi acquis la connaissance, elles ne sont pas passibles des
peines portées par l'article 458>> (rapport de M. HAus, cité par
NYPELS, Législation criminelle, op. cit., t. III, n° 182, p. 273).

82. Lorsqu'il est appelé à rendre témoignage en justice, le prati-


cien reste le seul juge, en conscience, de la décision de déposer au
sujet des faits dont il a eu connaissance en raison de l' exercice de
sa profession, pour autant qu'il ne détourne pas le secret profession-
nel de son but en gardant le silence (Gand, 13 avril 1905, Pas.,
1907, II, p. 230; corr. Liège, 19 août 1935, Rev. dr. pén., 1935,
p. 1233, et la note de Jean Constant qui indique que ce jugement a
été confirmé par adoption de motifs dans l' arrêt de la cour d' appel
de Liège du 6 septembre 1935; civ. Anvers, 22 jan vier 1944, Pas.,
1945, III, p. 65, et la note; cass., 15 mars 1948, Pas., 1948, I,
p. 169; Bruxelles, 4 mai 1949, Journ. trib., 1949, p. 377, et la note;
R. W., 1948-1949, col. 1330; cass. 23 septembre 1986, Rev. dr. pén.,
1987, p. 75, et la note de Jean SACE).
Il est parfaitement libre de parler s'il estime devoir le faire, sous
la réserve d'obligations déontologiques plus contraignantes (voy.
infra n° 8 214 à 216) (voy. le rapport fait au nom de la commission
du gouvernement sur le projet de loi contenant le Code pénal de
1867, par M. HAUS in NYPELS, Législation criminelle de la Belgique,
op. cit., p. 272, n° 182; voy. égalt H. NYs, <<Le témoignage en justice
et le secret médical», Bull. Gons. nat. Ordre méd., janv. 1987, p. 53).
<<Le dépositaire d'un secret n'est jamais tenu d'en faire la révéla-
tion, même pour éclairer la justice; c' est ce qui est unanimement
admis. Cette doctrine générale repose sur des principes de haute
moralité auxquels on ne doit pas porter atteinte : le prêtre, le méde-
cin, l' avocat peuvent se croire obligés à garder un secret qu'ils ont
reçu : il ne faut pas que leur conscience soit violentée. Mais, s'ils
jugent à propos, lorsque la justice les interpelle, de révéler ce qui
leur a été confié, aucune peine ne peut les atteindre. Ils ne violent
pas volontairement le secret; interrogés par le juge, ils se considè-
rent comme tenus de rompre le silence, dans l'intérêt social de la
répression, intérêt social qu'ils sont bien fondés à placer au-dessus
de l'intérêt privé d'un individu; on peut même admettre que ce
n'est que sous la réserve de pouvoir en témoigner devant le magis-
trat qu'ils se sont constitués dépositaires du secret ... >> (rapport de
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 63

M. HAUS, cité par NYPELS, Législation criminelle, t. 111, n° 182,


p. 273).

83. La dispense, lors du témoignage en justice, au profit de ceux


qui sont tenus par l'exercice même de leur profession, au respect du
secret a donné lieu et continue à donner lieu à des conflits innom-
brables. Si le principe en est unanimement admis aujourd'hui, des
controverses se poursuivent quant aux limites de la dispense et
quant au nombre de ceux qui peuvent en bénéficier. Il faut consta-
ter, d' ailleurs, que la jurisprudence est infiniment plus riche de déci-
sions relatives au refus de témoigner ou aux modalités et aux con-
di tions du témoignage que de jugements sanctionnant une
révélation indiscrète.
La jurisprudence considère que, hors les cas expressément prévus
par la loi, seules les personnes tenues au secret professionnel sont
dispensées de témoigner en j ustice; elle a été ainsi amenée à res-
treindre progressivement le champ d' application de l' article 458 du
Code pénal et à en exclure plusieurs catégories professionnelles qui,
selon elle, ne sont pas tenues à une obligation de secret profession-
nel mais à un simple devoir de discrétion. Or, si la dispense de
témoigner ne saurait être accordée qu' à un nombre restreint de per-
sonnes limitativement énumérées, en revanche le nombre de celles
visées à l' article 458 du Code pénal gagne à être augmenté.
Il en est d' autant plus ainsi que tous ceux qui sont tenus au
secret professionnel ne sont pas toujours dispensés de témoigner: il
est des circonstances ou l'obligation de rendre témoignage
l' emporte, pour des raisons d' ordre social, sur l' obligation au secret.
De même, certaines personnes peuvent être dispensées de témoigner
alors qu' elles ne sont nullement tenues au secret professionnel.
84. Certaines personnes, qu' aucune obligation professionnelle
n' oblige au secret et qui ont reçu des confidences en promettant de
ne pas les divulguer, ont invoqué le droit au secret promis ou juré,
pour refuser de répondre. La jurisprudence a toujours repoussé
cette prétention, et, devant le refus de témoigner, a fait application
des peines édictées par la loi, même si beaucoup préférent encourir
une condamnation plutöt que de trahir une parole donnée.
Seules certaines personnes, et plus particulièrement les parents,
ont, de tous temps, bénéficié d'une dispense de témoigner en justice
pour des raisons morales évidentes.
64 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

85. Il est clair, cependant, que la dispense de témoigner accordée


aux praticiens tenus au secret professionnel <<ne concerne que les
secrets qui leur ont été révélés au titre de leur état ou de leur
profession; s'il s' agit de communications qu'ils auraient reçues
comme particuliers, abstraction faite de leur qualité personnelle, ils
rentrent alors dans le droit commun et ils ne pourraient pas, pour
se dispenser de témoigner, se prévaloir de fonctions qui sont restées
étrangères à la confidence>> (NYPELS, Législation criminelle de la Bel-
gique, op. cit., t. III, p. 397, n° 45 citant le rapport fait au nom de
la commission de la Justice du Sénat, par. M. Forgeur sur le projet
de loi contenant le Code pénal de 1867).
86. Par témoignage en justice, il faut entendre une déposition
faite devant un juge pénal, civil, commercial ou du travail. Le pra-
ticien ne pourrait tirer de l' autorisation que la loi lui donne de
témoigner en justice, une excuse suffisante de la révélation qu'il
ferait en dehors du prétoire ou du cabinet du juge d'instruction.
Une déclaration faite devant un membre de la police ou de la gen-
darmerie ne peut être considérée comme un témoignage en justice.
En outre, révéler un secret à la justice n'est pas en rendre la con-
naissance publique; c' est mettre simplement la justice en mesure
d' atteindre le coupable, tandis qu' en le divulguant à des particu-
liers, c'est non seulement manquer à une confiance presque toujours
commandée par la nécessité, mais de plus entraver la marche de la
justice qui peut avoir besoin d' être seule en possession du secret,
pour recueillir avec plus de facilité les preuves du délit qu'une
publicité prématurée pourrait rendre plus malaisées à obtenir (CAR-
NOT, Oommentaire sur le Code pénal, Bruxelles, De Mat, 1835, t. II,
p. 145).
87. L'on s'est demandé s'il n'était pas contradictoire de prêter,
devant un tribunal, le serment de dire toute la vérité, alors préci-
sément que la loi interdit de révéler ce qui n' est connu que par
l'exercice de la profession et par les confidences qu'elle entraîne. Il
a été parfois soutenu que les dépositaires des secrets d' au trui pou-
vaient refuser de prêter serment. La jurisprudence a rejeté cette
thèse pour le motif qu' au moment ou il prête serment, le dépositaire
du secret ignore, en principe, les questions qui lui seront posées et
si celles-ci concernent des faits qu'il doit garder secrets. Il doit donc
prêter serment, quitte à préciser, soit avant, soit après, qu'il ne le
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 65

fait que sous la réserve du secret professionnel derrière lequel il


pourrait, le cas échéant, être amené à se retrancher. La Cour de cas-
sation a jugé que le témoin qui comparaît mais refuse de prêter le
serment exigé par la loi doit être considéré comme n' ayant pas
satisfait à la citation et il encourt les peines édictées contre les
témoins défaillant (cass. 28 mai et 25 juin 1867, Pas., 1867, I, p. 275
et p. 295).

a. Le témoignage en matière pénale

88. L' article 80 du vénérable Code d'instruction criminelle pro-


mulgué le 27 novembre 1808 et toujours d' application, a consacré
en termes formels le principe selon lequel toute personne est rede-
vable de son témoignage à la justice pénale. Il énonce: «Toute per-
sonne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaî-
tre et de satisfaire à la citation; si non elle pourra y être contrainte
par le juge d 'instruction, qui, à eet effet, sur les conclusions du pro-
cureur du Rai, sans autre formalité ni délai, et sans appel, pronon-
cera une amende qui n 'excédera pas cent francs, et pourra ordonner
que la personne citée sera contrainte par corps à venir donner son
témoignage ».
Cette obligation est reproduite dans les articles 157 et 158 du
même Code pour les tribunaux de police, 189 pour les tribunaux
correctionnels, 354 et 355 (tels qu'ils ont été modifiés par la loi du
30 juin 2000), pour les cours d'assises. Ce dernier article, le plus
explicite de tous, dispose: «Si, à raison de la non-comparution du
témoin, l 'affaire est renvoyée à la session suivante, tous les frais de
citation, actes, voyages de témoins, et autres ayant pour objet de faire
juger l 'affaire seront à la charge de ce témoin; et il y sera contraint,
(. .. ) sur la réquisition du procureur général, par l 'arrêt qui renverra
les débats à la session suivante. Et néanmoins, dans tous les cas, le
témoin qui ne comparaîtra pas, au qui refusera soit de prêter serment,
soit de faire sa déposition, sera condamné à la peine prévue en l 'arti-
cle 80».
89. Les travaux préparatoires du Code d'instruction criminelle
sont encore plus succincts que ceux du Code pénal. Ils se réduisent
aux observations d'un des membres de la commission chargée d'éta-
blir le projet et à l' exposé général du comte Treilhard qui le pré-
senta au Corps législatif, le 7 novembre 1808. L' article 80 n'y com-
66 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

porte qu'une seule et unique précision du Corps législatif qui


accepta un amendement et en rejeta un autre: le premier, qui fut
adopté, demandait que la disposition ne soit appliquée qu'au
témoin qui refuse de venir, et non à cel ui qui a une excuse légitime;
le second qui demandait que la disposition ne soit appliquée qu' au
témoin qui se présente mais refuse de déposer, ne fut pas accepté,
parce qu'un <<témoin peut n' avoir pas connaissance des faits ►>
(LocRÉ, Législation civile, commerciale et criminelle, Tarlier, Bruxel-
les, 1836, t. XIII, pp. 289, 315 et 375).
90. Le Code d'instruction criminelle a ainsi omis de consacrer
expressément la dispense de témoigner accordée à celui qui a reçu
une confidence dans l' exercice de sa profession.
Il n'y est prévu qu'une seule exception : << Les ascendants ou des-
cendants de la personne prévenue, ses frères et smurs ou alliés en
pareil degré, la femme ou son mari, même après le divorce prononcé,
ne seront ni appelés, ni reçus en témoignage; sans néanmoins que
l 'audition des personnes ci-dessus désignées puisse opérer une nullité,
lorsque soit le ministère public, soit la partie civile, soit le prévenu ne
sant pas opposés à ce qu 'elles soient entendues », énonce l' article 156.
La Cour de cassation a jugé que eet article ne s' applique pas aux
auditions effectuées par la police ou la gendarmerie; la disposition
est relative aux tribunaux de police et rendue applicable aux tribu-
naux correctionnels par l'article 189 (cass., 2 déc. 1974, Pas., 1975,
I, p. 352).
En ce qui concerne les affaires qui doivent être soumises au jury
de la cour d'assises, l'article 322, tel qu'il a été complété par la loi
du 30 juin 2000, dispose de la même manière que «ne pourront être
reçues les dépositions : du père, de la mère, de l 'aïeul, de l 'aïeule ou
de tout autre ascendant de l 'accusé ou de l 'un des coaccusés présents
et soumis au même débat; du fils, fille, petit-fils, petite fille, ou de
tout autre descendant; de frères et smurs; des alliés aux mêmes degrés;
du mari ou de la femme, même après le divorce prononcé ». Le texte
y ajoute la déposition <<des dénonciateurs dont la dénonciation est
récompensée pécuniairement par la loi; de la partie civile; des enfants
de mains de quinze ans >>. Le texte précise également que l' audition
des diverses personnes visées <<ne peut être une cause de nullité, lors-
que ni le procureur général, ni la partie civile, ni l 'accusé ne se sant
( ... ) opposés à cette audition» (art. 322 nouveau, §2).
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 67

En outre, l'article 31, 4° du Code pénal édicte contre certains con-


damnés l'interdiction à perpétuité «de déposer en justice autrement
que pour y donner de simple renseignements ». <( J' ai déjà assisté à des
dépositions de repris de justice, écrivait Geo London, et je ne sais
rien de plus lamentable, de plus choquant, que le spectacle d'une
justice allant chercher ses auxiliaires dans les prisons>>.
91. La question a parfois été posée s'il convenait de considérer
l' accusé comme un témoin dans sa propre cause et de lui imposer
de prêter le serment de dire toute la vérité à la manière des procé-
dures pénales américaines. Aucune raison ne paraît militer sérieuse-
ment en faveur de pareille obligation justement condamnée comme
contraire aux droits de la défense et de la morale élémentaire (voy.
Gaston CoLLON, Rev. dr. pén., nov. 1931, p. 11; Philippe QuARRÉ
<,Le droit au silence>>, Journ. trib., 1974, p. 525; ibid. <(Actualité du
droit au silence>>, Journ. des procès, 7 octobre 1988).
Aucune loi, avait jugé la Cour de cassation dans un arrêt ancien,
ne permet à un témoin, cité devant un juge d'instruction, de se
soustraire à l' obligation de satisfaire à la citation, c' est-à-dire de
refuser de répondre à une question sous prétexte qu'il pourrait
s'exposer éventuellement lui-même ou des tiers à des poursuites
judiciaires (cass., 10 juill. 1916, Pas., 1917, I, p. 195, et la note).
Plus récemment, la Cour de cassation a jugé cette obligation inap-
plicable si la personne est citée à comparaître comme inculpé (cass.,
30 avril 1945, Pas., 1945, 1. p. 152).
Une telle question n'a plus de raison d'être aujourd'hui. Si le
droit au silence n'est pas formellement inscrit dans la Convention
européenne des droits de l'homme, il l'est, en revanche, de manière
explicite, à l' article 14, littera g du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques du 19 décembre 1966, qui énonce: «Toute
personne accusée d 'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au
mains aux garanties suivantes : (. .. ) g) à ne pas être forcée de témoi-
gner contre elle-même au de s 'avouer coupable ».
La Cour européenne des droits de l'homme a confirmé ce droit au
silence en interprétant de manière extensive l' article 6 de la Con-
vention de sauvegarde, et plus particulièrement à partir de la
notion de droit à un procès équitable (voy. les arrêts Funke c. la
France du 25 février 1993, John Murray c. Ze Royaume-Uni du
8 février 1996, Saunders c. le Royaume-Uni du 17 décembre 1996;
68 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

voy. sur cette question Bernard BouLoc, Reginald DE BEco et


Pierre LEGROS, Le droit au silence et la détention provisoire, Intro-
duction par L.E. PETTITI et P. LAMBERT, Bruxelles, Nemesis/Bruy-
lant, coll. <<Droit et Justice>>, n° 16, 1997).

b. Le témoignage en matière civile


92. Le Code judiciaire consacre également en termes formels
l' obligation pour toute personne qui en est requise d' apporter son
témoignage à la justice. L'article 926 du Code judiciaire énonce:
<< Le témoin cité et défaillant est condamné par ordonnance du juge à

une amende de cent francs à dix mille francs sans préjudice des dom-
mages-intérêts au profit de la partie». Il s'agit d'amendes civiles qui
ne sont dès lors pas susceptibles d' être augmentées des décimes
additionnels prévus pour les amendes pénales (cass. 26 avril 1974,
Pas., 1974, I, p. 882).
La seule incapacité de témoigner qui subsiste dans le Code judi-
ciaire est celle prévue par l' article 931, al. 2 : elle concerne les des-
cendants qui «ne peuvent être entendus dans les causes oû leurs
ascendants ont des intérêts opposés ». Cette incapacité de témoigner
est prescrite à peine de nullité, aux termes de l' article 961, 1° du
Code judiciaire.
93. L'article 928 dispose que l'amende n'est applicable qu'au
témoin qui refuse de prêter serment ou de déposer, sans motif légi-
time. Si le témoin allègue qu'il existe un motif légitime qui le dis-
pense de prêter serment ou de déposer, le juge statue sur !'incident.
L' article 929 précise qu' «est notamment tenu pour un motif légitime
le secret professionnel dont le témoin est le dépositaire >>. Le législateur
a ainsi expressément sauvegardé le respect du secret professionnel.
Indépendamment du secret professionnel, des raisons morales impé-
rieuses, par exemple la circonstance que le témoin ne pourrait dépo-
ser sans s'accuser d'une infraction, seraient susceptibles d'être admi-
ses (voy. Charles VAN REEPINGHEN, Rapport sur la Réforme
judiciaire, éd. Man. b., 1964, p. 347).

c. Le pouvoir d 'appréciation du juge

94. Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation con-


sidère qu'il appartient au juge de vérifier si, d' après les éléments de
preuve recueillis, le silence gardé par un témoin appelé à déposer en
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 69

justice n'est pas détourné de son but et est justifié par le caractère
secret des faits sur lesquels il est entendu (cass., 22 mars 1888, Pas.,
1888, 1, p. 129, Journ. trib., 1888, col. 481 et Belg. jud., 1888, col.
465; cass., 17 juill. 1899, Pas., 1899, 1, p. 342; cass., 22 mars 1905,
Pas. 1905, 1, p. 176; cass., 23 juin 1958, Pas., 1958, 1, p. ll80 et
la note; Rev. dr. pén., 1957-1958, p. 1020; Journ. trib., 1957, p. 597,
et la note de Léon Carlier; cass. 30 oct. 1978, Pas. 1979, 1, p. 249;
Journ. trib., 1979, p. 369; cass. 20 mars 1989 - en l'occurrence, il
s' agissait du refus d'une autorité disciplinaire de l' Ordre des méde-
cins de déposer au greffe de la juridiction des documents qu' elle
détenait, Pas., 1989, 1, p. 749, Journ. trib., 1990, p. 194, et la note
de Pierre LAMBERT, << Secret professionnel et dossier disciplinaire>>).
Selon la Cour, le secret n'a <<pour raison d'être que la protection de
cel ui qui est visé par la procédure disciplinaire>>; en l' espèce, l'inté-
ressé avait demandé lui-même que le secret soit levé et ce, dans son
propre intérêt (cass., 17 juin 1992, Journ. trib., 1993, p. 106).
95. Il a été jugé que les personnes visées par l' article 458 du Code
pénal, lorsqu' elles sont appelées à témoigner en justice sont tenues
de comparaître et de faire connaître les circonstances dans lesquelles
le secret est venu à leur connaissance, afin que le tribunal puisse
vérifier si le témoin se trouve dans les conditions de droit et de fait
requises pour se retrancher derrière le secret professionnel (civ.,
Anvers, 22 janv. 1944, Pas., 1945, 111, p. 65, et la note). En outre,
elles ne peuvent refuser de déposer relativement à un fait matériel,
dénué de tout caractère secret, même si ce fait est venu à leur con-
naissance dans l'exercice de leur profession (cass., 23 juin 1958,
Pas., 1958, 1, p. ll80, et la note, Journ. trib., 1958, p. 597, et la
note critique de Léon CARLIER; Rev. dr. pén., 1957-1958, p. 1020;
dans le cas d' espèce, il s' agissait du témoignage d'un médecin sur la
présence anormale de deux compresses dans !'abdomen de la cliente,
fait considéré par la cour d' appel comme <<accident>> et << en soi
étranger» à toute affection de la maladie et ne présentant comme tel
aucun caractère de nature à <<faire souhaiter la discrétion ni dans
l'intérêt de la patiente, ni dans celui de la profession médicale>>).
96. En ce qui concerne le témoignage en matière civile, l' article
926 du Code judiciaire énonce expressément qui si le témoin allègue
qu'il existe un motif légitime qui le dispense de témoigner, le juge
statue sur !'incident.
70 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Ainsi que l'écrivait Charles Van Reepinghen, <<ce controle du juge


ne saurait donner lieu à critique. Mais au-delà, les applications du
principe risqueront d'être infiniment délicates. Qu'un abus du secret
doive être évité ne peut, en effet, conduire à dévoiler le contenu
même de ce secret à prétexte de l' éclairer. Ce serait, quoi qu' on
veuille, substituer la conscience du juge à celle du dépositaire du
secret, partant, mettre celui-ci en péril. Le controle ne se conçoit
qu'exercé avec une grande réserve, même si, pour le respect d'un
principe supérieur, ses investigations s'en trouvent limitées ►>, <<car la
vérification du caractère secret de l' objet de la déposition pourrait
n' être possible sans une ingérence que l' on prétend précisément
interdire ►>.
Et il ajoutait: <<De toute manière, le texte du projet n'empiète en
rien sur les règles qu'il appartient aux membres des professions
organisées de respecter et sur les pouvoirs souverains des autorités
disciplinaires qui les régissent ►> (<<Remarques sur le secret profession-
nel de l'avocat ►>, Journ. trib., 1959, p. 37; voy. également le Rapport
sur la Réforme judiciaire, op. cit. p. 348).

d. L 'autorisation de la personne qui s 'est confiée


97. Les personnes tenues au secret sont-elles déliées de cette obli-
gation par le consentement de la partie intéressée? Cette question
a longtemps opposé les auteurs et la controverse n'est pas close.
Pour les tenants de la conception du secret absolu, le consente-
ment de l'intéressé n'efface pas le délit, la révélation étant délic-
tueuse non seulement parce qu'elle engendre une lésion individuelle,
mais aussi une lésion sociale, en sorte que l' autorisation ne peut
produire aucun effet. Nul n'a qualité pour autoriser quelqu'un à
commettre impunément une infraction, dit-on: l'obligation au
secret professionnel, établie et sanctionnée par le Code pénal, pour
assurer la confiance nécessaire à l' exercice de certaines professions,
s'impose comme un devoir de leur état et il n'appartient à personne
de les en affranchir (voy. Journ. trib., 1967, p. 222, Dall. pér., 1967,
p. 122, et le rapport du conseiller CoMBALDIEU; Gaz. Pal., 1967, 1,
p. 106, et la note; J.O.P., 1967, II, n° 15.126, et la note de
R. SAVATIER; Rev. adm., 1967, p. 183).
La Cour de cassation a longtemps considéré qu' <<Ïntéressant
l' ordre public, le secret professionnel échappe à la disposition du
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 71

malade et que Ie médecin n'est pas délié du secret par la circons-


tance que Ie malade aurait donné son accord pour divulguer des
confidences qu'il lui aurait faites (cass., 30 octobre 1978, Pas., 1979,
I, p. 248; Journ. trib., 1979, p. 369; Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs.
R.S.; R. W., 1978-1979, col. 2232 et Bull. inf. Inami, 1979/1, et la
note de Robert GROSEMANS; cour tra v. Mons, 3 septembre 1980;
Journ. trib., 1980, p. 742, et la note de Robert GROSEMANS).
98. Il est fréquemment soutenu que !'auteur des confidences n'est
pas maître du secret, et celui-ci étant d' ordre public, son autorisa-
tion serait sans effet sur Ie droit du confident de faire des révéla-
tions.
C' est perdre de vue que la personne concernée est libre d' élargir
Ie nombre de ses confidents et que rien ne l' oblige à s'en tenir à un
seul. Dès !'instant ou elle souhaite se confier plus largement, rien ne
devrait empêcher son confident d' agir dans Ie même sens et c' est
confondre droit et obligation que prétendre qu'il ne pourrait parler
que dans la mesure autorisée par ses règles déontologiques.
99. Une doctrine qui n'est pas négligeable enseigne cependant
que l' autorisation du client libère entièrement Ie praticien de son
obligation (Robert LEGROS, <<Le secret médical ►>, Rev. dr. int. et dr.
camp., 1958, p. 450, sub n° 5). Certes, dit-il, la disposition pénale a
été établie également dans un hut d'intérêt général et sa violation
ne blesse pas seulement la personne qui a confié Ie secret; elle blesse
dans une certaine mesure la société entière, parce qu'elle enlève à
des professions sur lesquelles cette société s' appuie, la confiance qui
doit les environner, écrivent Nypels et Servais. Mais cette considé-
ration, dont on aurait tort d'exagérer l'importance, ne détruit pas
Ie caractère prédominant de l'intérêt privé attaché à la répression
de la violation du secret professionnel. L' obligation de respecter ce
secret découle avant tout de l'intérêt de celui qui a placé, souvent
sous l' empire d'une absolue nécessité, sa confiance dans la discrétion
d'une personne appelée par profession à recevoir les confidences
d' au trui, et comment parler de confiance, de confidence et de secret,
là ou celui qui a parlé autorise son interlocuteur à révéler ce qu'il
lui a dit (J. NYPELS et J. SERVAIS, Le Code pénal belge interprété,
Bruylant-Christophe, Bruxelles, p. 344, n° 14).
L'opinion de ceux qui soutiennent la possibilité pour Ie client de
délier valablement Ie praticien de son obligation au secret a été par-
72 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

faitement résumée par N aquet lorsqu'il écrit : l' obligation du secret


professionnel a été imposée, soit dans l'intérêt particulier de tel ou
tel, soit dans l'intérêt général de la société solidaire de la confiance
que certaines professions doivent inspirer. Il est manifeste que le
premier de ces motifs s'évanouit lorsque la partie intéressée consi-
dère que son intérêt personnel exige la divulgation. Quant au
second, il perd également toute sa force, car ce que commande
l' ordre public, c' est que l' autorité de certaines professions ne puisse
être diminuée par des révélations intempestives et par la pensée de
ces révélations possibles. Or, lorsque c'est à la demande de l'inté-
ressé direct que le professionnel parle, son témoignage ne saurait
être taxé d'indiscrétion, et ne saurait diminuer la confiance qui doit
s' attacher à la profession qu'il exerce. En quoi l' autorité morale
d'un médecin, d'un avocat, etc. serait-elle diminuée, parce que, à la
demande de son client, il aura fait connaître certaines circonstances
se rattachant à l' exercice de sa profession? (note s/ cass. fr., 26 mai
1914, Sirey" 1918-1919, 1, p. 10).
100. Les adversaires de cette conception font val oir que si l' on
admet la possibilité pour le client de délier le praticien du secret
professionnel, le jour ou il refusera de le délier, on ne manquera pas
d'interpréter ce refus comme l' aveu d' avoir quelque chose à cacher.
Cet argument est négligeable, Ie silence ne pouvant constituer un
aveu et pouvant être inspiré par bien d' au tres motifs parfaitement
recommandables.
La jurisprudence beige a toujours considéré que si un client délie
son médecin ou son avocat du secret, ceux-ci peuvent Ie révéler,
même en dehors du témoignage judiciaire, sans s'exposer à des
poursuites; mais s'ils estiment devoir garder le silence, ils ne peu-
vent être contraints de parler, même en justice (cass., 23 juin 1958,
Pas., 1958, I, p. 1180; Rev. dr. pén., 1957-1958, p. 1020; Journ.
trib., 1958, p. 597, et la note de Léon CARLIER). S'il suffisait de
!' assentiment du patient pour que Ie médecin dût révéler les confi-
dences reçues, écrit Charles Van Reepinghen, c' est contre Ie patient
que des influences pourraient être exercées afin qu'il invite son
médecin à déposer; on admettrait bientöt, par un glissement redou-
table, que lorsque Ie médecin invoquerait Ie secret professionnel, ce
serait parce que la confidence qu'il pourrait faire au juge serait
fächeuse pour la personne qui s'est confiée (Charles VAN REEPIN-
apEN, <(Le secret professionnel du médecin ►>, Journ. trib., 1950,
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 73

p. 422, sub V; voy. égalt Patrick HENRY, <<Contre le droit au secret


professionnel», Jur. Lg, 1980, p. 29).
101. La possibilité d'une autorisation tacite de divulguer le secret
est admise dans le cas d'un médecin qui, recevant son patient en
présence de sa femme, était par cela même autorisé à formuler en
présence de celle-ci, des appréciations dont le patient pouvait par
avance mesurer la gravité. Il en ira ainsi également lors d'un travail
en équipe pluridisciplinaire.
On a même soutenu que cette autorisation tacite pouvait résulter
du fait de la seule signature d'une police d' assurance-vie et que le
médecin traitant était ainsi habilité à délivrer aux héritiers ou aux
bénéficiaires de la police d' assurance un certificat relatif aux causes
de la mort de l' assuré. La volonté consciente du de cujus a-t-elle pu
accepter les conséquences d'une révélation dont l' éventualité, la
portée et les suites pouvaient légitimement lui échapper lorsqu'il a
souscrit l' assurance? Il est plus raisonnable d' admettre, en règle,
écrit Charles Van Reepinghen, que les héritiers continuent la per-
sonnali té du défunt mais que dans la pleine conscience de ses
devoirs, le médecin doit, dans chaque cas, apprécier si leur requête
peut le délier du secret auquel il s'est engagé envers son patient
(<<Le secret professionnel du médecim, op. cit., Journ. trib., 1950,
p. 441, Stlb XXI).
En tous cas, le droit de relever du secret professionnel est géné-
ralcment considéré comme un droit personnel qui s' éteint avec la
mort et ne peut passer aux héritiers (Liège, 19 février 1957, Journ.
trib.,, 1958, et la note signée Ch. V.R. et Jur. Lg ., 1956-1957,
p. 297; Gand, 24 juin 1963, R.G.A.R., 1964, n° 7342 et R. W., 1963-
1964, col. 1128; Gand, 12 avril 1965, Pas., 1965, II, p. 181 et R. W.,
1965-1966, col. 104; Bruxelles, 8 mars 1972, Pas., 1972, II, p. 105;
Rev. dr. pén., 1971-1972, p. 923, et la note de P.E. TRoussE; Rev.
dr. Jam., 1972, p. 36; Liège, 2 décembre 1976, Jur. Lg., 1976-1977,
p. 185; Liège, 27 avril 1977, Jur. Lg., 1977-1978, p. 89; Liège,
6 décembre 1979, Jur. Lg., 1980, p. 129, et la note critique de
Patrick HENRY; Liège, 22 janvier 1981, Jur. Lg., 1981, p. 233; dans
le même sens: cass. fr. 22 janvier 1957, Journ. trib., 1957, p. 717,
et la note de Charles VAN REEPINGHEN).
102. L'autorisation de l'auteur des confidences n'implique pas
l' obligation pour cel ui qui en est le dépositaire de les révéler. Il
74 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

peut, en effet, toujours refuser de faire connaître à la justice les faits


dont il a eu connaissance en raison de l' exercice de sa profession,
alors même qu'il serait invité à parler par la personne qui lui a con-
fié le secret. Tel est le sens de la jurisprudence constante (voy.
notamment cass., 22 mars 1926, Pas., 1926, I, p. 310; civ. Anvers,
22 janv. 1944, Pas., 1945, III, p. 65, et la note; cass., 15 mars 1948,
Pas., 1948, I, p. 169; cass., 23 juin 1958, Pas., 1958, I, p. ll80 et
Journ. trib., 1958, p. 597 et la note critique de Léon CARLIER; cass.
30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 248).
Il a cependant parfois été soutenu que si l'intéressé le délie de son
obligation, le dépositaire du secret doit parler. Cette thèse fondait
le droit au silence du dépositaire sur le droit au mutisme qui appar-
tient à l'inculpé. Si le prévenu, a-t-on dit, peut renoncer à son droit
de se taire, pourquoi ne pourrait-il pas renoncer au droit au secret
professionnel du dépositaire légal de ses confidences, car ce droit est
le sien et non celui du dépositaire (M ... <<Du secret professionnel et
de son étendue)>, Rev. dr. b., t. 2, 1890, p. 73). Cette thèse perdait
de vue que si celui qui se confie est maître du secret, il n'en est pas
le seul maître. On ne peut en effet soutenir que la dispense de
témoigner est fondée uniquement sur le droit que la loi concède à
l'inculpé de ne pas livrer son secret, et que la dispense cesserait
comme le droit lui-même, par la renonciation de l'inculpé, parce
qu'elle n'aurait plus, dès lors, de raison d'être.
Interrogé, le dépositaire doit examiner si sa conscience lui permet
ou lui interdit de révéler les faits <lont il a eu connaissance dans
l'exercice de sa profession. S'il estime pouvoir parler, il échappe à
l' application des peines prévues par l' article 458 du Code pénal et
son témoignage ne pourrait être rejeté par le tribunal comme con-
traire à l'ordre public (Gand, 13 avril 1905, Pas., 1905, II, p. 320).
103. Un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles rendu le 16 décem-
bre 1957 - bien que controversé à l'époque - paraît avoir parfaite-
ment apprécié les limites de la dispense de témoigner dont bénéfi-
cient ceux qui sont tenus au secret professionnel. En l' espèce, il
s' agissait du cas d'un médecin appelé à témoigner à l' occasion d'un
procès en responsabilité intenté à un confrère. La cour a estimé à
bon droit, que si le médecin reste juge de l' opportunité de parler
même lorsqu'il est délié de l'obligation au secret par <de maître)> de
celui-ci, son pouvoir d'appréciation n'existe que s'il y a une possi-
bilité que la révélation du secret puisse porter préjudice au patient
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 75

lui-même, soit dans son honneur, soit dans son intérêt ou dans ses
affections : le secret professionnel n' a pas été institué afin de proté-
ger les membres du corps médical contre les patients qui auraient
été victimes de fautes ou d' erreurs perpétrés par eux; le médecin a
non seulement le droit, mais le devoir de se libérer du secret pro-
fessionnel chaque fois qu'il y va de l'intérêt majeur de son client
(Journ. trib., 1958, p. 90, et la note critique de Léon CARLIER). La
cour aurait pu aj outer : ... et chaque fois qu' aucune valeur supé-
rieure n'y fait obstacle. Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cas-
sation le 23 juin 1959. Il constitue une application parfaitement
adéquate de la notion de hiérarchie des valeurs à laquelle le secret
professionnel est soumis.

E. - La déposition devant une Commission


d 'enquête parlementaire
104. Les lacunes de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parle-
mentaires ont été particulièrement mises en évidence un siècle plus
tard, lorsqu' << à partir de 1980, l'usage du droit d' enquête a connu
un véritable phénomène d'accélératiom (Jacques VELU, Considéra-
tions sur les rapports entre les enquêtes parlementaires et les droits de
l'homme», éd. Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1999, p. 12
et, dans une forme abrégée, Rev. b. dr. const., 1998/2, pp. 105 et
suiv.). La loi ne contenait aucune disposition imposant une forme
quelconque de discrétion quant aux travaux de la Commission, ni
de nature à trancher soit les questions inhérentes au secret profes-
sionnel auquel des témoins étaient soumis, soit les difficultés pou-
vant survenir du fait de l' existence simultanée d'une enquête par-
lementaire et d'une instruction judiciaire (voy. à titre d'exemple
d'inconvénient d'un tel concours, l' arrêt Transnuklear rendu par la
Cour de cassation le 27 mai 1971, Pas., 1971, I, p. 886, et les con-
clusions du procureur général Ganshof VAN DER MEERSCH; voy.
pour la période antérieure à la loi du 30 juin 1996: Lucien SLACH-
MUYLDER, << N ote relative aux devoirs des magistrats appelés à
témoigner devant la Commission d'enquête parlementaire relative à
la répression du banditisme et du terrorisme ►>, Journ. trib., 1989,
p. 13; Marc UYTTENDAELE, <<Le pouvoir judiciaire et les commis-
sions parlementaires d' enquête : un dialogue difficile et nécessaire >>,
Journ. trib., 1989, p. 205; Robert HENRION, <<Enquêtes parlemen-
taires et démocratie>>, Bulletin de la Classe des lettres et des sciences
76 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

morales et politiques, 1992, p. 117; voy. égalt B. MARÉCHAL, <<Le


secret de !'enquête judiciaire et parlementaire ►>, Tijds. best. publ.,
1996, p. 327). La loi du 3 mai 1880 n'imposait pas aux membres
d'une commission d'enquête parlementaire et à ceux qui participent
à ses travaux, l'obligation de ne pas divulguer les informations
ayant un caractère confidentie! portées à leur connaissance au cours
de l' enquête. Elle laisse dans le doute l' attitude à adopter pour les
personnes assujetties à l' obligation du secret professionnel. Deux
décisions isolées avaient cependant jugé que les documents que les
commissions d' enquête parlementaire saisissent sont couverts par le
secret de l'instruction, au moins tant qu' elles n' ont pas décidé d' en
divulguer le contenu (civ. Bruxelles, réf., 30 janvier et 5 février
1997, J.L.M.B., 1997, p. 317).
La loi du 30 juin 1996 a pour ambition d'apporter une réponse -
malheureusement très imparfaite - à ces questions, et plus particu-
lièrement à celles qui touchent au secret professionnel
105. En ce qui concerne les membres de la Commission d'enquête
parlementaire, l' article 3 nouveau de la loi tel qu'il a été modifié par
la loi du 30 juin 1996, dispose: <<- Les membres de la Chambre sant
tenus au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l 'occa-
sion des réunions non publiques de la Commission. Toute violation de
ce secret sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre
à laquelle ils appartiennent (§4).
- La Commission peut lever l 'obligation au secret sauf si elle s 'est
expressément engagée à le préserver » (§5).
Le législateur n' a malheureusement pas retenu, malgré de vifs
débats à ce sujet lors des travaux préparatoires de la loi, la propo-
sition du sénateur Arts qui prévoyait que la violation de l' obliga-
tion de secret serait punie des peines prévues à l' article 458 (Doe.
parl., Sénat, sess. 1991-1992, 429-1 et Doe. parl., Chambre, sess.
1991-1992, 561-1).
La sanction prévue par l' article 55bis du règlement de la Cham-
bre des représentants, arrêté les 5 juin et 23 octobre 1997, prévoit
la perte du droit d' assister et de participer aux travaux de toute
Commission d' enquête jusqu' à la fin de la législature, outre une
retenue de 1/5e de l'indemnité parlementaire pendant trois mois.
Quant au règlement du Sénat, son article 70bis, introduit le 9 jan-
vier 1997, prévoit la sancti on mineure de l' avertissement ou du
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 77

blàme, outre éventuellement l' exclusion de la Commission, ces sanc-


tions étant prononcées par la Commission elle- même, statuant à la
majorité des deux tiers, pour les deux premières et par l' Assemblée
pour la dernière (voy. N. LAGASSE et X. BAESELEN, Le droit
d'enquête parlementaire, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 68 et suiv.).
Au cours de la séance du 4 avril 1996, l'<<efficacité limitée>> de telles
sanctions a été soulignée (voy. l'intervention du sénateur Roger
LALLEMAND, Ann. parl., p. 198), tandis qu'il est à craindre, que
<< des éléments de pure opportunité politiques interfèrent dans la
sanction appliquée ou ... dans l'absence de sanction>> (voy. Marc
VERDUSSEN, Le Vif/L'Express du 30 mai 1997, cité par J. VELU, op.
cit., p. 154, et Donatienne DE BRUYN, << L' actualité des enquêtes par-
lementaires fédérales>>, Journ. trib., 1997, pp. 625 et suiv., spéc.
p. 631).
Quant à ceux qui assistent ou participent aux travaux de la Com-
mission d' enquête parlementaire, le législateur s' est montré plus
rigoureux en édictant que «toute personne autre qu 'un membre de la
Chambre qui, à un titre quelconque, assiste au participe aux réunions
non publiques de la Commission, est tenue préalablement de prêter le
serment de respecter le secret des travaux >> et «que toute violation de
ce secret sera punie conformément aux dispositions de l 'article 458 du
Code pénal>> (art. 8, al. 1er nouveau de la loi). On observe qu'un tel
serment n'est pas requis de la part des parlementaires membres de
la Commission d' enquête.
106. La situation des témoins liés par l'obligation du secret pro-
fessionnel a été réglée par la loi de 1996 d'une manière identique à
celle prévue par l' article 458 du Code pénal, pour le témoignage en
justice (art. 10 nouveau de la loi).
La Commission ne peut contraindre une personne dépositaire par
état ou par profession, des confidences d' au trui, de les lui révéler.
Cette personne conserve, comme devant les cours et tribunaux, une
liberté de conscience de parler ou de garder le silence (voy. Dona-
tienne DE BRUYNE, op. cit.).
Il a été jugé qu' <<il ne peut être question d'une violation du secret
professionnel lorsqu'une personne est appelée à témoigner devant
une commission d'enquête parlementaire (civ. Hasselt, 8 décembre
1997, Aut. et Méd., 1998, p. 51).
78 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

F. - La production f orcée de documents


107. Les articles 870 et 871 du Code judiciaire disposent que
«chacune des parties a la charge de prouver les faits qu 'elle allègue.
Le juge peut néanmoins ordonner à toute partie litigante de produire
les éléments de preuve dont elle dispose ». Enchaînant sur ces dispo-
sitions, l' article 877 énonce: « Lorsqu 'il existe des présomptions gra-
ves, précises et concordantes de la détention par une partie ou un tiers,
d 'un document contenant la preuve d 'un fait pertinent, le juge peut
ordonner que ce document, ou une copie de celui-ci certifiée conforme,
soit déposé au dossier de la procédure ».
Ces dispositions légales constituent l' aboutissement d'une évolu-
tion que la jurisprudence avait annoncée; elles consacrent tout à la
fois Ie rejet définitif du vieil adage nemo tenetur edere contra se et,
surtout, la collaboration obligatoire non seulement des parties mais
des tiers à l'administration de la preuve dans le procès civil
(Antoine DuQUESNE, Marcel FoNTAINE, Georges KELLENS, Alponse
KoHL et Christian PIRARD, <<La procédure de production de docu-
ments dans le Code judiciaire et Ie secret professionnel» in Ann. dr.
Lg., 1970, n° 8 1 et 2, p. 195; Jacques VAN CüMPERNOLLE, <<La pro-
duction forcée de documents dans Ie Code judiciaire>> in Ann. dr.
Louvain, 1981, p. 89; Alphonse KoHL, Procès civil et sincérité,
Faculté de droit de Liège, 1971; Jean-Louis BAUDOUIN, Secret pro-
fessionnel et droit au secret dans le droit de la preuve, L.G.. D.J.,
Paris, 1965).
108. Elles ne sont pas applicables en matière répressive car Ie
Code d'instruction criminelle prévoit des dispositions spécifiques
régissant l'administration de la preuve (voy. cass. 22 septembre
1993, Pas., 1993, I, p. 726; Rev. dr. pén., 1994, p. 682; J.L.M.B.,
1994, p. 7, et la note de Olivier KLEES; Jacques v AN CoMPERNOLLE
et autres <<Examen de jurisprudence - 1991 à 2001 - Droit judiciaire
privé>>, Rev. crit. jur. b., 2002, p. 713, n° 634).
Par contre, il n' est pas interdit de recourir à ces dispositions dans
une procédure judiciaire à !'occasion d'un litige fiscal (Gand,
23 décembre 1986, Juris. fisc., 1988, p. 65; il s'agissait, en l'occur-
rence, du dossier fiscal d'un crédit ren tier de rente alimentaire;
Liège, 28 juin 1995, Juris. fisc., 1996, p. 169, cité par J. VAN CoM-
PERN0LLE, ibid.). Antérieurement, la Cour de cassation a jugé que
Ie tribunal <<ne peut ordonner la production de documents fiscaux
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 79

dans un litige de droit commun qui n'a pas pour objet la perception
de l'impöt ou même la recherche d'une somme due en vertu des lois
d'impöts>> (cass., 18 mai 1972, Pas., 1972, I, p. 861, Rev. fisc., 1973,
p. 74).
En outre, il a été jugé que, dans la mesure ou aucune disposition
relative à l'établissement ou au fonctionnement des juridictions dis-
ciplinaires de l'Ordre des médecins ne s'y oppose, les dispositions
des article 877 et suivants du Code judiciaire trouvent application
dans les procédures se déroulant devant ces juridictions (Bruxelles,
7 avril 1998, Pas., 1997, II, p. 65).
109. Cette procédure nouvelle retient l'attention dans la mesure
ou elle se heurte au secret professionnel. Le législateur a du reste
prévu que le refus ou l' abstention de produire le document réclamé
par le juge, ne ferait l'objet d'une sanction que pour autant que ce
refus ou cette abstention ne puisse s' autoriser d' aucun motif légi-
time, selon les term es figurant à l' article 822 du Code j udiciaire. Le
texte ne précise pas ce qu'il faut entendre par cette expression.
Dans son rapport sur la Réforme judiciaire, le Commissaire royal se
borne à indiquer que <da légitimité du motif invoqué à l' appui du
refus est laissé à l' appréciation souveraine du juge>>.
Au premier rang des <<motifs légitimes>> admissibles, figure à l'évi-
dence le secret professionnel qui << appartient à ces institutions qui
contrebalancent le devoir de vérité>>, selon l'expression de Jean-Jac-
ques Daigre (La production forcée de pièces dans le procès civil,
P.U.F., Paris, 1979, p. 228). A l'appui de cette opinion, l'on peut
faire valoir que l' article 929 du Code judiciaire considère le secret
professionnel comme un motif légitime justifiant un refus de témoi-
gner.
En revanche, lorsque le juge de paix ordonne à l' administration
des contributions directes de fournir des renseignements qu' elle pos-
sède sur le montant des revenus, créances et produits du travail des
époux ou de l'un d'eux, le secret imposé aux fonctionnaires de cette
administration en vertu des lois relatives aux impöts sur les reve-
nus, est levé (art. 221 du Code civil, al. 2; voy. l'article 1280, al. 5
du Code judiciaire qui confère les mêmes pouvoirs au président du
tribunal statuant en référés).
110. Sans doute faut-il faire le départ entre ce qui est couvert par
le secret professionnel et ce qui lui est étranger. A eet égard, il faut
80 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

que les documents reçus l' aient été en raison de la profession de leur
détenteur et à l' occasion de l' exercice de son activité professionnelle.
Si les correspondances échangées entre l' avocat et son client, ainsi
que leurs notes ou mémoires, sont assurément confidentielles, et à
ce titre ne pourraient être soumises à l' obligation de production en
j ustice, il n'en est pas nécessairement de même des pièces ou des
documents que le client aurait déposés chez son conseil. On ne pour-
rait, en effet, admettre qu'il suffise à un plaideur de déposer une
pièce chez son avocat pour la soustraire à la justice.
Le juge peut ainsi ordonner, sans mettre en péril les droits de la
défense, la production d'un rapport établi par le conseil technique
d'une partie, dès l'instant ou il apparaît des pièces versées aux
débats que ce rapport est purement technique et est, en consé-
quence, susceptible de contenir la preuve de faits pertinents n' étant
pas assimilables à une consultation sur les responsabilités (Bruxel-
les, 3 juin 1986, Journ. trib., 1986, p. 558; voy. dans le même sens:
Mons, 21 juin 1995, R.G.A.R., 1997, n° 12.793; civ. Namur, 26 mars
1996 - qui concerne le conseil technique d'une compagnie d' assu-
rances - Journ. proc., 17 mai 1996, p. 28, et la note de Jacques
ENGLEBERT, <<L'obligation de collaborer à l'administration de la jus-
tice dans le procès civil: Tu montreras tout, même ce que tu n' as
pas envie de montreri>).
Il a été jugé que sur la base de ces dispositions, le juge peut con-
traindre un notaire à produire des actes authentiques manuscrits
parmi les minutes de son étude, et passés par son prédécesseur, sans
qu'il puisse s'y opposer en invoquant son obligation au secret pro-
fessionnel. De même, la loi permet d' ordonner la production de piè-
ces par la chambre des notaires (cour trav. Gand, 6 juin 1997,
Chron. dr. soc., 1999, p. 121).
Il en est de même d'un centre de transfusion sanguine, sous peine
d'astreinte (Anvers, 15 janvier 2001, Rev. dr. santé, 2001-2002,
p. 163).
Si le juge peut contraindre une personne à produire des docu-
ments, il ne peut cependant l'obliger à les commenter (comm.
Namur, 29 j uin 1995, J ourn. trib., 1995, p. 328 et Rev. rég. dr. ,
1995, p. 471; en l'occurrence, il s'agissait d'un banquier).
111. En règle, le médecin n' a pas le droit de révéler l' objet ou le
résultat de ses examens à des tiers.
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 81

Il a été jugé que lorsqu'une partie demanderesse invoque des rai-


sons médicales à l' appui de son action et que son dossier médical se
trouve entre les mains de la partie défenderesse, le tribunal peut,
nonobstant le secret médical, en ordonner la production (trav. Ver-
viers, 21 mai 1973, Pas., 1973, I, p. 70 et Jur. Lg., 1973-1974, p. 46;
cour trav. Mons, 16 janvier 1976, Bull. inf. Inami, 1976, p. 256;
cass. 19 décembre 1994, R. W., 1995-1996, p. 1207, et la note de
S. VAN ÜVERBEKE, <<Het beroepsgeheim van de geneesheeren en de
overlegging van stukken ►>). Les juridictions qui ont rendu ces déci-
sions les motivent en disant qu' on ne comprendrait pas qu' elles ne
puissent pas consulter le dossier médical alors que, lorsqu' elles nom-
ment un expert, elles ont connaissance par son rapport de toutes les
pièces, qu' elles soient antérieures, concomitantes ou postérieures à
l' expertise.
Ces décisions doivent être approuvées même si leur motivation
n'est pas déterminante, !'expert pouvant être tenu à une obligation
de secret relativement à certaines pièces et à certaines informations
communiquées par Ie médecin traitant. Les motivations auraient
été plus adéquates en considérant que Ie secret médical n'est pas
opposable au malade lui-même.
112. Le secret professionnel dicte au juge les limites à observer
lorsqu'il ordonne une production de pièces en vertu de l' article 877.
La Cour de cassation a estimé qu'il appartient au juge de vérifier
si, d' après les éléments de preuve recueillis, Ie refus d'un médecin,
invoquant le secret professionnel, de déposer au greffe de la juridic-
tion, conformément aux articles 877 et 879 du Code judiciaire, des
documents qu'il détient, ne détourne pas Ie secret médical de son
hut et est justifié par Ie caractère secret des faits constatés par les-
dits documents (cass., 30 oct. 1978, Pas., 1979, I, p. 248; Journ.
trib., 1979, p. 369; Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs. R.S.; Bull. inf.
Inami, 1979, n° 1, et la note de Robert GROSEMANS; cass. 20 mars
1989, Journ. trib., 1990, p. 194, et la note).
Dans !'arrêt du 30 octobre 1978, la Cour de cassation a jugé illé-
gale la décision d'un juge qui, pour déterminer si un accident est
survenu sur Ie chemin du travail, avait ordonné Ie dépöt d'un dos-
sier médical contenant les déclarations faites par la victime à son
médecin sur les circonstances de !'accident, ce qui est justifié (Pas.,
1979, I, p. 2). L'arrêt !'est moins lorsqu'il place sur Ie même plan
82 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

les donnés médicales relatives à ce patient et celles concernant son


état antérieur (voy. égalt cass. 29 octobre 1991; en l'espèce, l'affaire
concernait un médecin qui se retranchait derrière le secret profes-
sionnel pour refuser de communiquer le dossier médical d'un de ses
patients qui mettait en cause sa responsabilité professionnelle, Pas.,
1992, I, p. 162; cass., 19 décembre 1994, ou le médecin alléguait
qu'il avait déjà refusé de communiquer les documents réclamés,
Rev. dr. santé, 1996-1997, p. 25, obs. Ch. HENNAU-JUBLET et R. W.,
1995-1996, p. 1207, obs. S. VAN ÜVERBEKE, cité supra).
Cependant, écrivait Charles Van Reepinghen - et cette réflexion,
déjà évoquée à l' occasion du témoignage en justice, est aussi valable
dans la matière de la production de documents - <<qu'un abus du
secret doive être évité ne peut conduire à dévoiler le contenu même
de ce secret à prétexte de l' éclairer. Ce serait, quoi qu' on veuille,
substituer la conscience du juge à celle du dépositaire du secret,
partant, mettre celui-ci en péril. Le controle du tribunal implique
donc cette réserve, même si, pour le respect d'un principe supérieur,
ses investigations s'en trouvent limitées>> (Charles VAN REEPIN-
GHEN, <<Remarques sur le secret professionnel de l'avocat>>, Journ.
trib., 1959, p. 38; voy. civ. Arlon, 6 mars 1972, Rev. gén. dr. civ.,
1993, p. 83).
113. Pour le surplus, les principes sont analogues à ceux qui
régissent la matière du témoignage en justice. <<Les deux obligations
se complètent et se justifie_nt par les mêmes motifs; leur exécution
est soumises aux mêmes conditions>>, peut-on lire dans le Rapport
sur la réforme judiciaire (op. cit., p. 213).
Il faudrait donc, ici également, opérer une distinction entre les
personnes qui sont tenues au secret professionnel et celles qui ne
sont soumises qu' à un simple devoir de discrétion. On ne peut
cependant s'empêcher de relever le texte même de l'article 929 du
Code judiciaire qui énonce que le secret professionnel sera notam-
ment tenu pour un motif légitime dispensant de l'obligation de
témoigner. Certains auteurs en ont déduit que les secrets de la vie
privée ou ceux des affaires constituent pour le juge un obstacle
s' opposant à ce qu'il ordonne la production de certains éléments de
preuve couverts par eux (DUQUESNE et au tres, op. cit.; André
BRUYNEEL, << Le secret bancaire en Belgique après l' arrêt du
25 octobre 1978>>, Journ. trib., 1979, pp. 371 et suiv. et plus spécialt
les n° 8 13 à 17). Ainsi l'obligation de discrétion pourrait, selon les
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 83

circonstances, constituer également un motif légitime de refus de


production de pièces (Etienne GuTT et Jacqueline LINSMEAU,
<<Examen de jurisprudence de droit judiciaire privé - 1971 à 1978-
>>, Rev. crit. jur. b., 1983, p. 133; voy. comm., 22 novembre 2001,
J.L.M.B., Bruxelles, 2003, p. 980).
114. Quoi qu'il en soit, il semble que la dispense de produire des
documents dans un procès civil, comme celle de témoigner, doive
être plus largement appréciée qu' elle ne l' est dans une instance
pénale. Celle-ci a pour objectif la nécessaire répression des infrac-
tions, tandis que le procès civil ne met en jeu, en principe, que des
intérêts particuliers, la production forcée de documents apparais-
sant comme une institution d'intérêt privé dans la mesure ou elle
permet à un plaideur de se procurer les moyens de prouver sa pré-
tention. Cette différence justifie assurément une appréciation diffé-
rente. Le bien-fondé des motifs invoqués par le tiers invité à pro-
d uire un document sera, en toutes hypothèses, apprécié
souverainement par le juge du fond, qui sera amené le plus souvent
à trancher des conflits de valeurs et, partant, à établir entre elles
une certaine hiérarchie.
Si le juge apprécie souverainement le motif légitime de dispense
invoqué, c'est cependant au tiers détenteur lui-même, lorsqu'il est
soumis au secret professionnel, à apprécier dans quelle mesure il
peut révéler les faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa
profession (voy. un arrêt ancien de la cour d'appel de Gand rendu
le 13 avril 1905, Pas., 1907, II, p. 320).
Les considérations contenues dans le Rapport sur la réforme judi-
ciaire à propos de la dispense de témoigner sont applicables égale-
ment à la production forcée de documents. Le controle même qui
appartient au juge, peut-on y lire, ne se conçoit qu'exercé avec une
grande réserve car la vérification du caractère secret de l' o bj et de
la déposition pourrait n' être possible sans une ingérence que l' on
prétend précisément interdire (op. cit., p. 348). C'est à tort que le
tribunal de commerce de Charleroi a jugé, le 18 décembre 1986, que
<des parties et/ou le tiers auxquels le tribunal a ordonné la produc-
tion de documents utiles à la solution du litige ne peuvent s' opposer
à cette demande de communication en invoquant le caractère secret
ou confidentie! de ces documents (Rev. rég. dr., 1987, p. 303 ).
84 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

La décision ordonnant une production de documents n'est suscep-


tible ni d'appel ni d'opposition mais elle peut être frappée d'un
pourvoi devant la Cour de cassation (cass., 2 juin 1977, Pas., 1977,
I, p. 1012; cass., 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 248).
115. La question s'est posée de savoir si le juge peut ordonner au
ministère public de produire des documents en sa possession, tel un
dossier répressif. Pareille production se heurte au pouvoir souverain
d' appréciation reconnu au procureur général près la cour d' appel de
statuer sur la communication d'un dossier pénal, que consacre
l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règle-
ment général sur les frais de justice en matière répressive. Le texte
énonce : «En matière criminelle, correctionnelle et de police et en
matière disciplinaire, aucune expédition ou copie des actes d 'instruc-
tion et de procédure ne peut être délivrée sans une autorisation
expresse du procureur général près la cour d 'appel ou de l 'auditeur
général. Mais il est délivré aux parties, sur leur demande, expédition
de la plainte, de la dénonciation, des ordonnances et des jugements »
(voy. sur cette question Etienne DE LE COURT, <<La communication
des dossiers répressifs par le procureur général», Journ. trib., 1963,
p. 501).
La Cour de cassation a jugé, d'une part, que seul le procureur
général près la cour d' appel ou l' auditeur général de la cour du tra-
vail ont le pouvoir d' autoriser la délivrance des actes d'instruction,
et que ni le juge d'instruction ni la chambre des mises en accusation
n'ont ce pouvoir (cass., 23 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 487) et,
d' autre part, que les juridictions correctionnelles sont incompéten-
tes pour ordonner la délivrance au prévenu de copies de pièces de
la procédure, que ce soit à tit.re gratuit ou onéreux (cass., 6 août
1996, Pas., 1996, I, p. 739). La Cour s'est contentée d'énoncer dans
le premier arrêt, plus que sobrement, le prescrit de l'arrêté du
28 décembre 1950, << ce qui, selon elle, suffit à justifier légalement la
décision refusant au demandeur de prendre connaissance et copie du
dossier, et dans le second, que <<la cour d'appel (qui) a décidé qu'elle
était incompétente pour statuer sur la demande tendant à la remise
d'une copie gratuite de certaines pièces du dossier répressif, n' a pas
violé l'article 125 précité>>.
116. Selon certains auteurs, la prérogative accordée au procureur
général serait fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 85

(GuTT et LINSMEAU, <<Examen de jurisprudence de droit judiciaire


privé - 1971 à 1978 -, Rev. crit. jur. b., 1983, p. 133., p. 133). Elle
trouverait sa base légale depuis l' entrée en vigueur du Code judi-
ciaire, dans l' article 1380, alinéa 2 dudit Code qui précise que le Roi
détermine les conditions auxquelles sont soumises la communication
ou la copie des actes d'instruction et de procédure en matière cri-
minelle, correctionnelle et de police.
On peut se demander si les motivations qui sous-tendent cette
disposition sont encore admissibles aujourd'hui alors que la juris-
prudence reconnaît désormais au pouvoir judiciaire un véritable
pouvoir d'injonction à l'égard du pouvoir exécutif (voy. Fernand DE
VISSCHER, <<Quelques réflexions sur le pouvoir d'injonction du juge
judiciaire à l'égard de l'administratiom, Journ. trib., 1981, p. 682;
cass., 26 juin 1980, Pas., 1980, I, p. 1341). Les articles 877 et sui-
vants du Code judiciaire visent tous les tiers généralement quelcon-
ques, c' est-à-dire tous ceux qui ne sont pas parties au procès, en ce
compris des personnes ou des institutions investies d'une fonction
publique.
Il est certes soutenu qu' assimiler le ministère public à un tiers au
sens de l'article 877 du Code judiciaire, contreviendrait à l'économie
manifeste de ce texte, tout autant qu'à celui de l'article 872 qui,
précisément, limite de manière stricte les matières dans lesquelles le
juge peut <<requérir le ministère public de recueillir des
renseignements>> (VAN CüMPERNOLLE, op. cit., p. 93). L'argument
n' est pas convaincant, l' article 872 concernant des matières bien
particulières telles l' exercice de la puissance paternelle et la garde
d'enfants et permettant au juge de requérir, non seulement de pro-
duire des documents existants, mais de recueillir des renseigne-
ments, en d' au tres termes, de procéder à une véritable enquête.
Sans doute, l'article 1380, alinéa 2 du Code judiciaire a-t-il en
quelque sorte légalisé après coup les dispositions de l' article 125 du
tarif criminel. Il n'en reste pas moins que ledit article 125 vise
essentiellement l' obligation pour les greffiers d' obtenir une autorisa-
tion préalable du procureur général avant de délivrer une copie des
actes d'instruction et de procédure; c'est ajouter au texte que d'y
voir un pouvoir souverain accordé au procureur général et d'étendre
l'interdiction au juge lui-même.
86 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

117. Lors des travaux préparatoires du Code judiciaire, un mem-


bre de la commission de la Justice de la Chambre a fait valoir que
c'était au pouvoir législatif qu'il appartenait de déterminer les con-
ditions auxquelles sont soumises la communication et la copie des
actes d'instruction ou de procédure en matière pénale. Il lui a été
répondu qu'une telle communication à des personnes qui n'y ont
pas été impliquées revêt en général un caractère très délicat, et qu'il
est préférable de ne pas prévoir de réglementation stricte. La com-
mission s'est ralliée à ce point de vue (Doe. parl., Chambre, sess.
1966-1967, 59, rapport fait au nom de la commission de la Justice
par M. HERMANS, p. 186).
Les questions touchant au secret professionnel ne sont pas moins
délicates que celles qui relèvent de l' appréciation du procureur géné-
ral et le juge saisi de la question, serait à même d' apprécier, aussi
bien dans un cas que dans l' autre, «la légitimité du motif invoqué
à l'appui du refus>> de produire un document.
La Cour de cassation a connu du pourvoi introduit par le procu-
reur général, sur ordre du ministre de la Justice, à la suite de la
décision d'un juge de paix, contenant injonction à l' auditeur du tra-
vail de lui communiquer la copie d'un dossier. Le pourvoi invoquait
uniquement la violation de l' article 125 du tarif criminel et ajoutait
qu' << aucune disposition légale ne permet aux tribunaux de faire
exceptiom à la règle que eet article contient. La Cour a annulé cette
décision pour excès de pouvoir en adoptant de manière laconique les
motifs du pourvoi (cass., 21 juin 1974, Pas., 1974, I, p. 1096; voy.
également cass., 12 juin 1913, Pas., 1913, I, p. 322, et les concl.
conf. du proc. gén. TERLINDEN). L'arrêt de la Cour de cassation
n'est assurément pas convaincant dans son excessive sobriété.

G. - La justice disciplinaire

118. Au cours des travaux préparatoires de la loi du 22 juillet


1953 créant un lnstitut des réviseurs d'entreprises, une tradition
des ordres professionnels a été rappelée dans les termes suivants :
<< Le secret professionnel ne s' applique pas aux rapports du réviseur

avec l' autorité de l'Ordre en matière disciplinaire. On suivra la règle


en vigueur dans toutes les professions libérales organisées, qui
impose aux membres de la profession le devoir de dire la vérité à
l'autorité disciplinaire, sur laquelle l'obligation individuelle au
secret professionnel se trouve reportée>> (rapport fait au nom de la
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 87

comm1ss1on spéciale de la Chambre des représentants par Paul


HuMBLET, Doe. parl. Chambre, sess., 1950-1951, 514, p. 27).
Cette règle est effectivement traditionnelle et les devoirs de
loyauté et de sincérité à l'égard des autorités disciplinaires ne sont
guère contestés.
La Cour de cassation a confirmé dans plusieurs arrêts que si le
praticien qui reçoit des confidences de son client dans l' exercice de
sa profession, a, en règle, l' obligation de respecter le secret dont il
est le dépositaire, une telle obligation ne saurait exister vis-à-vis des
autorités disciplinaires envers lesquelles il est tenu par des devoirs
de sincérité et de loyauté consacrés par la déontologie de la profes-
sion. Ces autorités sont garantes du secret professionnel en même
temps que tenues à pareil secret (cass., 3 juin 1976, Journ. trib.,
1976, p. 644 et Pas., 1976, I, p. 1070, et les concl. du procureur
général DELANGE; cass., 12 mai 1977, Journ. trib., 1977, p. 708;
R. W., 1977-1978, col. 827 et Pas., 1977, I, p. 929, et les concl. du
procureur général DELANGE). L'arrêt du 12 mai 1977 confirmait la
sentence du conseil de discipline d' appel de Bruxelles du 26 août
1976 (Journ. trib., 1977, p. 100, et la note critique de Léon GoFFIN;
voy. égalt cass. 29 mai 1986, Pas., 1986, I, p. 1194; cass. 15 décem-
bre 1994, Pas., 1994, I, p. 1108; Journ. trib., 1995, p. 47; R. W.
1994-1995, p. 1414).
Dans son arrêt du 12 mai 1977, la Cour de cassation a souligné
que l' avocat, d'une part, ne commet pas d'infraction à l' article 458
du Code pénal s'il révèle aux autorités disciplinaires, même en
audience publique, des secrets dont il est le dépositaire, et, d' autre
part, s'il a demandé la publicité des débats, il ne peut invoquer
celle-ci pour se soustraire à ses devoirs de loyauté et de sincérité à
l'égard des autorités de l'Ordre ni pour demander que des docu-
ments couverts par le secret professionnel soient écartés des débats.
119. La Cour de cassation a précisé, en outre, dans son arrêt du
3 juin 1976, que le procureur général près la cour d' appel, informé
d'une sentence disciplinaire en occupant le siège du ministère public
au conseil de discipline d' appel, ne pourrait faire état, dans une
poursuite pénale, de déclarations faites sous le couvert du secret
professionnel par un avocat, soit à huis clos devant ledit conseil,
soit devant le bàtonnier ou devant le conseil de l'Ordre. La Cour
fonde son appréciation notamment sur le fait que le Code judiciaire
88 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

a entendu consacrer, d'une manière générale, dans les procédures


disciplinaires qu'il régit, le principe que l'article 417 énonce, de
l'indépendance de l'action disciplinaire et de l'action publique.
120. On peut cependant se demander comment concilier cette
appréciation avec l' obligation con tenue dans l' article 29 du Code
d'instruction criminelle qui impose à toute autorité constituée qui
aura connaissance dans l' exercice de ses fonctions, d'un crime ou
d'un délit, <l'en donner avis sur le champ au procureur du Roi.
L' appréciation de la Cour de la cassation ne doit-elle pas être
nuancée davantage, de manière à avoir égard au fait que le client
qui s'est adressé à un avocat sous le couvert de la confidence, ne
souhaite assurément pas que celle-ci soit partagée avec d'autres per-
sonnes, fussent-elles les organes de l' Ordre, ou encore j etée en
päture à l' audience, éventuellement publique, d'un conseil de disci-
pline, voire à des autorités purement administratives.
<< On n' a pas le droit de dévoiler le secret professionnel à son
bätonnier ou au conseil de discipline>>, écrit Eugène Reumont. <<Le
client ne désire nullement que ses misères soient connues d'un aréo-
page. L' exposé de ce qui est indispensable ne peut se justifier que
dans les limites commandées par l' exercice de la profession, par
exemple, si le conseil de l'Ordre connaissait d'une indélicatesse
reprochée à son avocat par un justiciable. Mais, ces exceptions
mises à part, le bätonnier n' a pas à être mis plus que n'importe qui
au courant des secrets confiés à un a vocat >> (<<Le secret professionnel
des avocats>>, Journ. trib., 1948, p. 585, sub. n° 14).
La conception radicale de la Cour de cassation se concilie mal
également avec le droit de ne pas s' auto-incriminer que proclame
l' article 11 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, adopté à
New York le 16 décembre 1966, qui a cependant été considéré par
la Cour de cassation non applicable à la matière disciplinaire, mais
limité à la matière pénale (cass. 2 novembre 1989, R. W., 1989-1990,
p. 924).
121. La doctrine applique la conception de la Cour de cassation
aux médecins et enseigne que <d'inculpé est tenu de <lire la vérité en
toute sincérité et loyauté; le droit au silence n' existe pas en sa
faveur; il ne peut invoquer le secret professionnel en vers les autori-
tés disciplinaires>> (C. LouvEAUX, Ordres et Instituts professionnels,
in R.P.D.B., cplt. t. VI, 1983, n° 99).
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 89

L' article 69 du Code de déontologie médicale élaboré par le con-


seil national de l'Ordre des médecins dispose de manière relative-
ment mieux nuancée dans sa mise à jour de 1995: <<Le médecin qui
comparaît comme inculpé devant le conseil de l'Ordre ne peut invo-
quer Ie secret professionnel; il lui doit l' entière vérité. Cependant, il
est fondé à ne pas révéler les confidences de son patient. Les méde-
cins appelés à témoigner en matière disciplinaire sont, dans la
mesure ou le permettent les règles du secret professionnel envers
leurs malades, tenus de révéler tous les faits qui intéressent
l'instructiom (voy. la sentence du conseil d'appel de l'Ordre des
médecins du 17 octobre 1972, Bulletin officiel de l'Ordre des méde-
cins, 1972-1973, p. 34). La Cour de cassation justifie implicitement
le devoir de sincérité des médecins envers les autorités disciplinaires
de l'Ordre par l'obligation au secret imposée à ses membres et qui
repose sur la nécessité d'inspirer une entière sécurité à ceux dont ils
peuvent être les confidents à propos de faits qui doivent rester
secrets (cass. 18 juin 1992, Pas., 1992, I, p. 924; J.L.M.B., 1992,
p. 1463; R.G.A.R., 1994, n° 12.314; R. W. 1992-1993, p. 616).
Or, il ne faut pas perdre de vue que l'article 27, §§2 et 3 de
l' arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des méde-
cins, prévoit que les décisions disciplinaires majeures, sont dénon-
cées à la commission compétente, au procureur général près la cour
d' appel et au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.
Un recours introduit devant le Conseil d'Etat soutenant que cette
disposition conférant au ministre de la Santé publique le droit de
prendre connaissance des dossiers ouverts à charge des médecins,
porte atteinte au secret professionnel, a été rejeté : le Conseil d'Etat
a jugé que le ministre était lui-même tenu au secret professionnel,
au même titre que toute personne qui participe au fonctionnement
de l'Ordre, par application de l'article 30 de l'arrêté royal n° 79
(arrêt Lorthioir, n° 15.512 du 17 octobre 1972, Rev. jur. dr. adm.,
1973, p. 4, et le rapport du premier auditeur J. CooLEN). Dans son
rapport, l'auditorat avait accepté l'idée formulée par le ministre que
<< ce n' est point aller à l' encontre des dispositions qui consacrent et
sanctionnent le secret professionnel dans le chef de ceux qui
oeuvrent à l' administration de la justice disciplinaire que d' augmen-
ter le nombre de ceux qui, par cela qu'ils y collaborent, sont tenus
à ce secret>> (ibid., p. 46).
90 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

122. La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 1989 a


admis que l'Ordre des médecins refuse de s'incliner devant l'injonc-
tion d'un tribunal de déposer la copie d'une sentence disciplinaire
rendue à charge d'un de ses membres. En l'occurrence, une
employée avait réclamé en vain la production d'une sentence disci-
plinaire à charge d'un médecin qui avait délivré un certificat médi-
cal d'inaptitude définitive au travail qui avait conduit à la rupture
du contrat d'emploi, alors que le médecin ne l'avait jamais rencon-
trée et avait délivré à l' employeur un certificat de complaisance
(Journ. trib., 1990, p. 194, et la note critique de Pierre LAMBERT,
<<Secret professionnel et dossier disciplinaire>>). Cette décision ne
peut s' expliquer que par des particularités propres à l' affaire.
Antérieurement, le tribunal de première instance de Namur avait
jugé que les procès-verbaux d' audition des parties établis au cours
de l'instruction disciplinaire ne peuvent être produits lors d'un pro-
cès civil (civ. Namur, 10 octobre 1986, Jur. Liège, 1986, p. 655).
123. Dans une contribution à une étude plus vaste consacrée à
la vie privée et aux ordres professionnels, Léon Goffin s'est
demandé précisément si l' avocat ou le médecin doit révéler à ses
autorités disciplinaires le secret dont il est professionnellement le
dépositaire (Ann. dr. Louvain, 1-2/1984, p. 365; voy. égalt D. LIN-
DEMANS, <<De waarheidsverplichting van de advocaat tegenover zijn
tuchtoverheid op de helling?>>, R.W., 2003-2004, p. 55). Il aboutit
à la conclusion qu'une telle obligation, consacrée par les usages pro-
fessionnels, n' est pas compatible avec l' article 458 du Code pénal,
car elle n' est comprise dans aucune des deux exceptions que cette
disposition prévoit : le témoignage en justice et l' obligation légale de
faire connaître les secrets confiés.
La Cour de cassation a considéré, quant à elle, dans son arrêt du
12 mai 1977 précité, qu'au sens de l'article 458, l'avocat <<se trouve,
dans la mesure ou il est tenu par ses devoirs de sincérité et de
loyauté, dans un cas ou la loi l' oblige à faire connaître les secrets
dont il est dépositaire>>.
Pour Pierre Legros, le concept de loyauté envers les autorités de
l'Ordre serait en réalité une notion autonome, dégagée des obliga-
tions qui découlent du respect de la norme pénale déduite de l' arti-
cle 458 du Code pénal (<<Le secret professionnel et l'obligation de
loyauté en vers les autorités disciplinaires : essai sur l' autonomie de
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 91

l' obligation déontologique>>, in M élanges offerts à Pierre Van


Ommeslaghe, Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 967).
124. Le conseil de l'Ordre du barreau de Bruxelles a, lui aussi,
nuancé la règle selon laquelle le secret professionnel ne peut en
aucune façon être invoqué devant les autorités disciplinaires. Dans
une affaire qui fit grand bruit, à l'époque, il a considéré que l'obli-
gation de sincérité doit demeurer <<solidaire de sa finalité, que celle-
ci est, essentiellement, la sauvegarde des intérêts et de la dignité de
l'Ordre et de ses membres et, partant, celle de l'action disciplinaire
qui en est le garant; qu'il se déduit de ce qui précède que lorsque
le silence de l' avocat ne peut intéresser que des tiers, il ne peut lui
être fait grief d'y recourir et de refuser de le rompre; qu'il ne se con-
çoit pas, en effet, que l' obligation (de sincérité) se transforme,
inconditionnellement, en obligation de délatiom (sentence n° 1853
du 19 janvier 1983, Lettre du bátonnier, février 1982, p. 154). Cette
sentence n' a pas été frappée d' appel par le procureur général.
125. Il tombe néanmoins sous le sens que l'exercice de l'action
disciplinaire deviendrait dans bien des cas, difficile voire impossible,
si le praticien pouvait se retrancher au gré de ses intérêts derrière
le secret professionnel. Il s'indique en toutes hypothèses que la
jurisprudence doit nuancer et déterminer les conditions particulières
dans lesquelles une dérogation pourrait être admise en vue de per-
mettre de réprimer les manquements à l'exercice correct de la pro-
fession (voy. G. DEBERSAQUES, <<L'utilisation de pièces d'un dossier
répressif pour motiver une mesure disciplinaire ou une mesure
d'ordre, est-il illégal ?, Tijds. best. publ., 1993, p. 511).

SECTION 2. - LES VALEURS S0CIALES

A. - La santé et la sécurité publiques

a. La déclaration des maladies contagieuses

126. Le décret sanitaire du 18 juillet 1831, qui n'a jamais été ni


abrogé ni modifié, punit d'un emprisonnement de quinze jours à
trois mois et d'une amende de 25 à 250 florins tout individu qui
<< ayant connaissance d 'un symptóme de maladie pestilentielle, aurait

négligé d'en informer qui de droit» (art. 13, al. 1). Si le prévenu est
médecin, l'amende sera de 250 à 2.500 florins (art. 13, al. 2).
92 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

L'arrêté royal du 24 janvier 1945 relatif à la prophylaxie des


maladies vénériennes dispose : «Tout médecin qui constate un cas de
maladie vénérienne (à savoir, selon l' article 1er : la syphilis, la blen-
norragie, le chancre mou et la lymphogranulomatose ou maladie de
Nicolas-Favre) qui n'a pas encore été reconnu par un autre médecin,
s 'informera auprès du malade dans quelles circonstances et par qui il
a été contaminé. Il doit, le jour même, adresser à [ 'inspecteur
d 'hygiène de son ressort un rapport numéroté désignant la nature de
la maladie, la commune ou habite le malade et tout ce qui a pu être
découvert concernant la contagion avec, si possible, le nom et l 'adresse
de la personne indiquée comme source d'infection. Par contre, il ne
doit pas communiquer le nom et l 'adresse du malade qui l 'a consulté.
Il joindra à la fiche de traitement la déclaration faite éventuellement
par le malade, conformément au premier alinéa du présent article >>
(art. 4). Il appartient alors à !'inspecteur d'hygiène de confier,
éventuellement, une enquête discrète à une infirmière visiteuse
avant de prescrire des mesures contre la personne indiquée comme
source de contamination (art. 5). De plus, lorsque le malade change
de médecin au cours du traitement, le praticien délaissé est tenu
d'en faire la déclaration à !'inspecteur d'hygiène si le malade ne lui
a pas fait connaître, dans les huit jours, le nom et l' adresse du
médecin choisi pour continuer le traitement (art. 7, al. 1er).
L'arrêté royal du 29 octobre 1964 relatif à la police sanitaire du
trafic international impose au médecin de bord des navires
«d 'annoncer à l 'autorité sanitaire du port ou il est fait escale, les
maladies qui se sant manifestées au cours du trajet » ( art. 11, al. 1er),
de signaler <<tout fait se rapportant à l 'état sanitaire des passagers, de
l'équipage et du navire» (art. 11, al. 2) et de «répondre à toute
demande de renseignements supplémentaires formulée par l 'autorité
sanitaire ou par tout fonctionnaire désigné par elle concernant les con-
ditions sanitaires du bord durant le voyage» (art. 12).
L' arrêté royal du 1er mars 1971, modifié par l' arrêté royal du
18 novembre 1976, relatif à la prophylaxie des maladies transmissi-
bles impose au médecin qui a constaté le cas ou, à défaut de méde-
cin, à la personne qui soigne le malade, la déclaration soit à !'ins-
pecteur d'hygiène de la circonscription, soit au bourgmestre de la
commune, de tous cas, avéré ou suspect de maladies quarantenaires
ou assimilées, telles : le choléra, la fièvre jaune, la peste, la variole,
le typhus exanthématique, la fièvre récurrente, la poliomyélite, la
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 93

grippe à allure épidémique, le paludisme, la tuberculose, la fièvre


typhoïde ou paratyphoïde, la diphtérie, la scarlatine, la lèpre, etc.
(art. 2). De même, les sages-femmes doivent instruire immédiate-
ment le président de la Commission médicale provinciale et l'inspec-
teur d'hygiène de tous cas d'infection puerpérale observé dans leur
clientèle et notifier également tous décès de parturiente ou d' enfant,
survenu dans leur clientèle en dehors de l' assistance médicale
(art. 4). Ces diverses obligations sont assorties de sanctions pénales
(art. 10).
Les arrêtés royaux du 24 jan vier 1945 et du 1er mars 1971 ont été
abrogés pour la Région flamande par le décret du 5 avril 1995, sauf
pour quelques articles étrangers à la matière du secret professionnel.
Aux termes de son article 2, §3 une obligation de déclaration des
maladies déterminées par le gouvernement flamand, «s 'applique à
chaque médecin et à chaque dirigeant d 'un laboratoire de biologie cli-
nique qui est au courant d 'un tel cas de maladie ou le soupçonne >>.
Cette obligation est sanctionnée pénalement (art. 8).
127. Il est superflu d'insister sur le but de protection sociale
poursuivi par les différents législateurs. Il existe des maladies qui
menacent la santé publique et dont il importe d'enrayer la propa-
gation en prenant immédiatement les mesures propres à les circons-
cnre.
Mais les déclarations à l' autorité administrative, imposées par les
législateurs, si elles constituent assurément une mesure d'utilité
publique, seraient éventuellement de nature à porter préjudice au
malade qui peut avoir intérêt à ce que personne ne soit informé de
sa situation, hors le médecin qui le traite. Il peut s' élever, en pareil
cas, un conflit entre l'intérêt général et l'intérêt particulier du
malade. Achille Maréchal a clairement mis en évidence le conflit de
valeurs qui existe entre l'obligation au secret et la nécessité de
dénoncer à l' autorité compétente les foyers pestilentiels découverts.
Faut-il évoquer, écrit-il, les terribles épidémies dont l'Histoire a
gardé le souvenir et dont les chroniqueurs ont décrit avec épou-
vante les ravages, pour comprendre que personne ne conteste que
le droit de la société de se défendre contre un fléau meurtrier doive
l'emporter sur le droit du malade au secret. C'est le cas le plus clair,
le plus indiscutable ou le conflit entre deux intérêts sociaux doit
inéluctablement se résoudre au détriment du secret professionnel
94 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

(Achille MARÉCHAL, <<Le secret professionnel médical», Rev. dr. pén.,


1955-1956, p. 74).
Sans aller jusqu' à se référer aux ravages des épidémies qui appar-
tiennent souvent au passé, de nombreux cas de conscience se sont
posés aux médecins en présence des risques de la propagation d'une
maladie contagieuse. Des exemples en ont été donnés, tel celui du
patient atteint d'une maladie grave et contagieuse qui veut se
marier ou se placer au service domestique d'une famille (voy.
Robert RABUT, <<Syphilis et secret professionnel», Cahiers Laënnec,
mars 1935, p. 41; du même auteur, <<Le secret médical en
vénérologie>>, Cahiers Laënnec, 1950, p. 4; Herman NYs, <<Is aangifte
van AIDS wettelijk verplicht?>>, R. W., 1987-1988, col. 1325). Dans
chacun de ces cas, l'intérêt particulier du malade ne peut être pris
en considération que dans la mesure ou sa sauvegarde ne met pas
en péril l'intérêt même de la collectivité ou de ses membres.

b. Le traitement des malades mentaux

128. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne


des malades mentaux, modifiée par la loi du 6 août 1993, dispose
que la requête au juge de paix tendant à la mise en observation
dans un service psychiatrique doit, sous peine d'irrecevabilité, être
accompagnée d'un <<rapport médical circonstancié, décrivant, à la
suite d 'un examen datant de quinze jours au plus, l 'état de santé de
la personne dont la mise en observation est demandée ainsi que les
symptómes de la maladie>>. Ce rapport doit constater que l'état de
la personne concernée requiert << soit qu 'il mette gravement en péril sa
santé et sa sécurité, soit qu 'il constitue une menace grave pour la vie
ou l'intégrité d'autrui» (art. 2 et 5, §2).
«Si l 'état du malade justifie le maintien de son hospitalisation au
terme de la période d 'observation, le directeur de l 'établissement (psy-
chiatrique) transmet au juge de paix ( ... ) un rapport circonstancié du
médecin-chef attestant la nécessité du maintien de l 'hospitalisation »
(art. 13).
<<Lorsque des mesures de protection s'avèrent nécessaires, mais
que l'état d'un malade mental et les circonstances
permettent néanmoins de le soigner dans une famille ... le juge de
paix donne mission à une personne déterminée de veiller sur le
malade et à un médecin dele traiter» (art. 23 et 24, §3, al. 1er). Ce
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 95

dernier doit établir un rapport circonstancié attestant la nécessité


du maintien (art. 25, §Ier, al. 1er et 27). L'on se trouve en présence
d'une de ces hypothèses ou le médecin se voit contraint par la loi
de divulguer les constatations qu'il a faites. Le certificat médical
circonstancié qui doit être joint à la requête, sous peine d'irreceva-
bilité, ne viole évidemment pas le secret médical (Mons, 9 avril
2001, Rev. rég. dr., 2001, p. 262 et Journ. trib., 2002, p. 409).
129. Qu'en est-il lorsque le médecin se trouve en présence d'un
de ces malades mentaux lucide et apparemment sain d' esprit qui
peut faire illusion et dissimuler son délire? Le médecin peut-il pré-
venir la famille du danger que le malade présente par le fait de son
trouble mental? La réponse dépend essentiellement du cas d' espèce
et de l' appréciation individuelle de la gravité de la maladie et des
risques encourus. Le secret médical reste dans ce cas une question
de conscience personnelle. Si l' on juge, écrit un médecin légiste, que
le malade peut présenter du danger pour autrui, nuire à sa famille
ou se suicider, il n'y a, en général, pas à hésiter et le <<secret
délirant>> doit être révélé. Dans des cas bénins, on pourra continuer,
sans réaction spéciale, à recevoir les confidences. Mais la notion du
danger et de la nuisance d'un malade mental peut toujours être dis-
cutée et comporte toujours une appréciation personnelle et subjec-
tive (A.L., <<Le secret professionnel existe-t-il vis-à-vis des malades
mentaux?>>, Rev. dr. pén., 1948-1949, p. 157).
130. Parallèlement aux dispositions relatives à la protection de la
personne des malades mentaux, le législateur a adopté des mesures
tendant à la protection de leurs biens. La loi du 18 juillet 1991 a
inséré dans le Code civil un article 488bis modifié par la loi du 3 mai
2003 modifiant la législation relative à la protection des biens des
personnes totalement ou partiellement inca pa bles d' en assumer la
gestion en raison de leur état physique ou mental (voy. Thierry
DELAHAYE, <<L'administration provisoire: art. 488bis du Code civil -
Loi du 3 mai 2003>>, Larcier, coll. <<Les dossiers du Journal des
tribunaux>>, n° 45, Bruxelles, 2004).
Aux termes de l' article 488bis nouveau du Code civil, la personne
à protéger peut être pourvue d'un administrateur provisoire par le
juge de paix compétent, saisi par une requête à laquelle est joint, à
peine d'irrecevabilité, un certificat médical circonstancié, décrivant
l'état de santé de l'intéressée. Ce certificat ne peut être établi par
96 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

un médecin parent ou allié de la personne à protéger, mais peut par-


faitement l' être par un médecin traitant, ainsi délié du secret pro-
fessionnel (art. 488bis B, §6).

B. - L'intérêt de l'Etat et les impératifs Jiscaux


131. La loi belge, comme pratiquement toutes les législations,
accorde à l' administration fiscale des pouvoirs d'investigation et de
controle extrêmement étendus. Ces pouvoirs ont été sensiblement
renforcés, d'abord, par la loi du 20 novembre 1962 portant réforme
de l'impöt sur le revenu, et, plus tard, par les diverses législations
fiscales successives, outre les lois de redressement économique (voy.
André BRUYNEEL, <<Secret bancaire et fiscalité>>, Rev. not. b., 1973,
p. 6; Pierre HARMEL, <<Les lois fiscales et le secret professionnel des
notaires>> in En hommage au professeur Jean Baugniet, Faculté de
droit de l'Université libre de Bruxelles, 1976, p. 355; <<Le secret pro-
fessionnel et ses aspects fiscaux>>, table ronde avec la participation
de Marc DASSESSE, Pierre LAMBERT, Jean-Claude TILLIET et Char-
les WINANDY, L'avocat - Omnia Fraterne, novembre-décembre 1985,
pp. 2-9; Marc DASSESSE, <<Pouvoirs d'investigation du fisc - Situa-
tion actuelle et perspectives>>, Rev. gén. Jisc., 1986, p. 135; L. HuY-
BRECHTS, <<La lutte contre la fraude>>, Alg. fisc., 1996, p. 425;
P. GLINEUR, <<Le secret professionnel de l'assureur à l'égard du fisc>>,
Rev. dr. U.L.B., 2000, p. 14 7; le numéro spécial de la Revue générale
du contentieux fiscal, intitulé << Les pouvoirs d'investigation du fisc>>,
avec des contributions de Thierry AFSCHRIFT, Christian AMAND,
Olivier BERTEN, Serge BLONDEEL, Jean-Pierre BouRs, André
CuLOT, Roland FoRESTINI, Hervé LOUVEAUX, Jacques MALHERBE,
Françoise ROGGEN, François STÉVENART-MEEÛS, Paul VANVAECK et
Annick VISSCHERS, septembre-octobre 2003).
Ces pouvoirs se heurtent aux valeurs garanties par le secret pro-
fessionnel, car la recherche des informations nécessaires à l'établis-
sement d'une juste contribution des citoyens aux dépenses publi-
ques et la protection de leur vie privée est inévitablement
génératrice de conflits (voy. Guy VAN FRAEYENHOVEN, <<Le respect
de la vie privée et les pouvoirs d'investigation du fisc>>, Ann. dr.
Louvain, 1-2/1984, p. 85; Th. DELAHAYE, <<Le secret, la vie privée
et la taxation des revenus>>, Rev. gén. fisc., 1984, P. 131).
Les pouvoirs de l'administration sont définis dans de nombreux
textes légaux. Ceux-ci ont, du reste, formulé parfois une ébauche de
LES DIFFÉRENTS CONFLJ'TS DE VALEURS 97

solution au conflit lorsque les impératifs fiscaux sont confrontés


avec le secret professionnel.
132. L'article 315 du Code des impóts sur les revenus 1992 (arrêté
royal du 10 avril 1992 portant coordination des dispositions légales
relatives aux impöts sur les revenus) contraint toute personne sou-
mise à ces impöts de communiquer à l'administration, en vue de
leur vérification, <<tous les livres et documents nécessaires à la déter-
mination du montant de ses re venus imposables >> (voy. les commen-
taires de Roland FoRESTlNI et Serge BLONDEEL, <1De la déclaration
au controle fiscal - Les droits et les devoirs du fisc>>, in Les pouvoirs
d'investigation du fisc, op. cit., pp. 2 et suiv.). L'article 316
poursuit : «Sans préjudice du droit de l 'administration de demander
des renseignements verbaux, toute personne passible de l 'impót ( ... )a
l 'obligation, lorsqu 'elle en est requise par l 'administration, de lui four-
nir, par écrit ( ... ) tous renseignements qui lui sant réclamés aux fins
de vérifier sa situation fiscale>>.
Ces textes légaux ne limitent pas les pouvoirs de l'administration
aux vérifications et demandes de renseignements portant sur toutes
les opérations auxquelles le contribuable a été partie, mais les ren-
seignements ainsi recueillis peuvent également être invoqués en vue
de l'imposition de tiers (art. 317). En outre, «l'administration peut,
en ce qui concerne un contribuable déterminé, recueillir des attestations
écrites, entendre des tiers, procéder à des enquêtes et requérir ( ... ) la
production de tous renseignements qu 'elle juge nécessaires à l 'effet
d'assurer la juste perception de l'impót» (art. 322). Elle peut
<< également requérir ( ... ) la production ( ... ) de renseignements portant
sur toute personne ou ensemble de personnes, même non nominative-
ment désignées, avec qui elles ont été directement ou indirectement en
relation en raison de ces opérations ou activités » ( art. 323 ). Les
témoins «ont l 'obligation de déposer sur tous les actes et faits à leur
connaissance dont la constatation peut être utile à l 'application des
lois fiscales» (art. 325, al. 2). La communication de renseignements
est imposée en outre à tous les services, établissements et organis-
mes publics, y compris les parquets et les greffes de toutes les juri-
dictions, les administrations des Communautés, des Régions, des
provinces, des agglomérations, des communes (art. 327, § 1er).
Enfin, << les officiers du ministère public près les cours et tribunaux
qui sant saisis d 'une information dont l 'examen fait apparaître des
indices sérieux de fraude en matière d 'impóts directs ou indirects en
98 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

informeront immédiatement le ministère des Finances>> (art. 327, §4,


tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi du 29 avril 1999).
Des dispositions analogues à celles contenues dans le Code des
impöts sur les revenus se retrouvent, quoique avec moins d' acuité,
dans le Code des droits d'enregistrement (art. 181 - 1 et 2 ainsi que
183; voy. le commentaire de André CuLOT, <<Les pouvoirs d'investi-
gation en matière de droits d'enregistrement et de droits de
successiom, in Les pouvoirs d'investigation du fisc, op. cit., pp. 51
et suiv.), le Code des droits de succession (art. 96, 97 et 100; voy.
André CuLOT, ibid.), le Code des droits de timbre (art. 64 et 65), le
Code de la taxe sur la valeur ajoutée (art. 61, §Ier tel qu'il a été
modifié par les lois du 28 décembre 1992 et 28 janvier 2004; voy.
le commentaire de Christian AMAND, <<Les pouvoirs d'investigation
en matière de taxe sur la valeur ajoutée>>, in Les pouvoirs d 'investi-
gation du fisc, op. cit., pp. 62 et sui v.) ou la loi générale sur les
douanes et accises (art. 184, § 1er; voy. le commentaire de Paul VAN-
VECK, <<Opsporingsbevoegdheden van de ambtenaren der douane en
accij nzem in Les pouvoirs d 'investigation du fisc, op. cit., pp. 75 et
suiv.).
133. Devant l'évolution technologique et le recours à l'informa-
tique, l' administration a éprouvé la nécessité d' adapter ses pouvoirs
d'investigation aux techniques modernes. Le législateur a dès lors
adopté deux nouveaux textes dans le Code des impöts sur les reve-
nus, les articles 315bis et 323bis étendant en conséquence les obli-
gations du contribuable qui recourt à un système informatisé (Loi
du 6 juillet 1994, art. 53).
L' administration fiscale est ainsi armée pour rechercher et con-
tröler tous les éléments qui peuvent servir à déterminer des revenus
imposables, même si les communications imposées aux contribua-
bles doivent se faire sans déplacement.
134. Les prérogatives accordées par le législateur aux agents du
fisc ont encore été singulièrement renforcées par la jurisprudence de
la Cour de cassation qui, dans un arrêt qui fit sensation, rendu le
19 novembre 1981, jugea que l'administration peut, à l'effet d'assu-
rer l' exacte perception de l'impöt, requérir la production de tous
renseignements, fussent-ils relatifs à la vie privée du contribuable
(Journ. trib., 1982, p. 619, et la note de Marc DASSESSE, Journ. de
dr. fisc., 1982, p. 25; voy. l'étude critique de eet arrêt par Richard
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 99

ZoNDERVAN, <(Un arrêt historique. - De la présomption de rentabi-


lité au non-respect du droit à la vie privée>>, Journ. dr. Jisc., 1982,
p. 5; voy. égalt A. DuRrnux, <(Le droit au respect de la vie privée>>,
Journ. trib., 1967,p. 580).
L' arrêt de la Cour de cassation a été soumis à la Commission
européenne des droits de l'homme qui a déclaré la requête non rece-
vable, le 7 décembre 1982, en considérant que si <d'obligation faite
à un contribuable par l' administration fiscale de justifier de ses
dépenses privées est une ingérence dans l' exercice du droit au res-
pect de la vie privée>>, cette ingérence - étant, par ailleurs, prévue
par la loi - <<était, en l'espèce, nécessaire au bien-être économique du
pays>> (req. n° 9804/82, D.R. n° 31, avril 1983, p. 231; Journ. trib.,
1983, p. 359, et la note de Marc DASSESSE).
Il est piquant de relever, soulignait à juste titre Richard Zonder-
van (op. cit., p. 7), que les pouvoirs dont dispose l'administration
fiscale à l'égard du redevable d'impöts - oude celui qui est présumé
tel - sont, sous certains aspects, plus étendus que ceux que la loi
accorde à l' administration judiciaire. En effet, le juge d'instruction
ne dispose pas à l'égard de l'inculpé ou du coupable présumé, du
droit d'exiger qu'il lui communique des renseignements verbalement
ou par écrit. Le Code d'instruction criminelle prévoit bien que le
juge d'instruction procède à l'interrogatoire de l'inculpé, mais celui-
ci conserve le droit de se taire; le Code ne contient - comment le
pourrait-il? - aucune disposition qui contraigne l'inculpé à répondre
ou à signer un document quelconque, ni qui établisse à sa charge
une présomption de culpabilité s'il s'installe dans un mutisme rigou-
reux (cass. 23 janvier 1997, Pas., 1992, I, p. 453; voy. égalt Bernard
BouLoc, Réginald DE BECO, Pierre LEGROS, Le droit au silence,
intr. par L.E. PETTITI et P. LAMBERT, Bruxelles, Nemesis/Bruylant,
coll. <(Droit et Justice>> n° 16, 1997; Cour eur. dr. h., Funke c. la
France, 25 février 1993).
La Cour de cassation a jugé que l' article 6, 2° de la Convention
européenne des droits de l'homme et l'article 14, 2° du Pacte inter-
national relatif aux droits civils et politiques, qui impliquent le
droit de se taire, ne sont d' application en matière fiscale que dans
la mesure mu une procédure fiscale aboutit ou peut aboutir à une
sanction procédant d'une accusation en matière pénale>>.
La vie privée constitue dans ces conditions un rempart incertain
contre les prérogatives du fisc. La protection que postule l'existence
100 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

du secret professionnel est largement remise en question ou fait, à


tout le moins, l' objet d' appréciations divergentes.
135. L'administration fiscale se heurtera souvent dans ses inves-
tigations à une fin de non-recevoir de la part des personnes tenues
au secret professionnel ou à un devoir de discrétion. Dans quelle
mesure cette fin de non-recevoir est-elle légalement admissible?
C' est un singulier et bien triste signe des temps, écrit Marcel
W aline, que l'intérêt fiscal paraisse aujourd'hui au législateur le
plus pressant des intérêts publics, et qu'il lui donne le pas même sur
l'intérêt de la justice. En effet, le secret professionnel qui dispense
de témoigner en justice - situation devant laquelle la justice elle-
même est obligée de s'incliner - est au contraire sacrifié par les lois
fiscales, à l'intérêt pénal. Il y a plus : ces mêmes lois obligent en
quelque sorte les magistrats à se faire les auxiliaires des agents du
fisc (Marcel W ALINE, <<Le secret professionnel des fonctionnaires>>,
Dall. hebd., 1930, p. 65).
La Cour de cassation dans un arrêt controversé, rendu le 17 juin
1969, a rappelé que tout contribuable peut être invité, s'il a l'obli-
gation de tenir des livres, des carnets ou des livres-journaux, à com-
muniquer à l' administration, sans déplacement, ses écritures et
documents comptables. Elle relève ensuite que les extraits du
compte ouvert auprès de l'Office des chèques postaux sont des écri-
tures et documents comptables que le titulaire d'une profession libé-
rale - en l' occurrence, il s' agissait d'un avocat - doit tenir; dès lors,
il doit communiquer, sans déplacement, les extraits de son compte
de chèques postaux. En prescrivant implicitement cette communi-
cation, le législateur a, selon l' arrêt, nécessairement décidé que le
contribuable exerçant une profession libérale ne pouvait justifier
par le secret professionnel son refus de produire ces documents
(Pas., 1969, I, p. 960 et Journ. trib., 1970, p. 100, avec les observa-
tions d' Arthur DE MEULDER et la note critique d'Eugène REUMONT,
p. 638; Rev. fisc., 1969, p. 445; R. W., 1969-1970, col. 618).
136. Le législateur a cependant édicté des règles visant certaines
professions déterminées, et plus spécialement les titulaires des pro-
fessions libérales tels les avocats, les médecins et les notaires. Il con-
vient, à eet égard, de distinguer l'hypothèse ou les investigations
concernent les revenus de l'intéressé lui-même et celles qui visent les
revenus d'un tiers.
LES DIFFÉRENTS CON FLITS DE VALEURS 101

Dans le premier cas, le secret professionnel ne peut être invoqué


pour se soustraire soi-même à ses obligations fiscales. Un arrêt de
la cour d' appel de Bruxelles, ren du le 15 jan vier 1986, précise que
le secret professionnel ne peut être invoqué que pour protéger un
tiers, et non pas se soustraire soi-même à ses obligations fiscales, et
ne sert pas à couvrir le refus, par la personne interpellée, de fournir
des renseignements sur sa propre situation fiscale (Juris. fisc., n° 86,
p. 211).
L' article 334 du Code des impöts sur les revenus 1992, modifié
par l'article 62 de la loi du 16 juillet 1994, prévoit que «lorsque la
personne requise en vertu des articles 315, § § 1 et 2, 316 et 322 à
324» (de produire livres et documents oude répondre aux questions
de l' administration fiscale) << se prévaut du secret professionnel l 'admi-
nistration sollicite l 'intervention de l 'autorité disciplinaire territoriale-
ment compétente à l 'effet d 'apprécier si, et éventuellement dans quelle
mesure, la demande de renseignements ou de production de livres et
documents se concilie avec le respect du secret professionnel ».
137. Le texte laisse ouverte la question du secret dans les pro-
fessions pour lesquelles il n' existe aucune autorité disciplinaire léga-
lement constituée. Il est d' ailleurs assez remarquable qu'il ne pré-
cise pas ce qui doit se passer après la consultation de cette autorité.
En fait, dans les cas, très peu nombreux, ou. ce texte est appliqué,
l' administration cherche surtout à s' assurer que le secret invoqué
doit réellement protéger les intérêts des tiers Le commentaire admi-
nistratif enjoint aux fonctionnaires de s'incliner si le refus de divul-
gation apparaît fondé, ce qu'ils devront apprécier eux-mêmes
lorsqu'il n'existe pas d'autorité disciplinaire (Ignace CLAEYS-
BouAERT, <<Le secret en droit fiscal belge ►> in Le secret et le droit,
Travaux de l'association Henri Capitant - Journées libanaises, Dal-
loz, Paris, 1974, p. 515; Paul SIBILLE, <<Le pouvoir d'investigation
des autorités fiscales et ses limites ►> in Les violations de la vie privée,
octobre 1982; Jean-Pierre BouRs, <<Le secret professionnel et le res-
pect de la vie privée ►> in Les pouvoirs d'investigation du fisc, op. cit.,
pp. 99 et suiv.). Il a été déclaré, au cours des travaux préparatoires
de la loi du 20 novembre 1962 portant réforme de l'impöt sur le
revenu, que l' administration renoncera à requérir des renseigne-
ments ou la production de documents, des personnes tenues au
secret professionnel, sans être soumises à une autorité disciplinaire,
en se guidant selon l'interprétation donnée à l' article 458 du Code
102 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

pénal par les cours et tribunaux (Jean VAN HouTTE, <<Le secret pro-
fessionnel et le fisc>>, Rev. fisc., 1970, p. 505, citant le rapport de la
commission des Finances du Sénat, Doe. parl., Sénat, sess. 1961-
1962, 366, p. 294 et le Commentaire administratif du Code des impóts
sur les revenus, sub. ancien art. 241, n° 7).
138. Un arrêt isolé rendu le 11 juin 1957 par la cour d'appel de
Gand avait admis qu'un notaire, dont la comptabilité était irrégu-
lière, puisse refuser de produire au controleur des contributions le
<<registre des balances>> imposé par la comptabilité notariale, parce
que ce livre révélait des données personnelles à un tiers. La produc-
tion de ce registre, dit l' arrêt, ne pourrait être exigée par l' adminis-
tration sans exposer le notaire à des difficultés en rapport avec le
secret professionnel (Rev. prat. not., 1958, p. 333; en l'espèce, le
notaire avait fait l'avance à un client de l'étude d'un acompte sur
le prix de ven te d'un immeuble dont l' acte ne fut pas réalisé et il
prétendait déduire le montant de ce prêt devenu irrécouvrable, au
titre de charge professionnelle).

C. - Le droit à ['information

a. Le secret de l 'instruction
139. Le Conseil d'Etat a souligné dans un arrêt relativement
ancien qui conserve sa pertinence que <de secret de l'instruction en
matière pénale ( ... ) est établi dans un hut d'intérêt général, non
seulement pour préserver l'honneur d'inculpés présumés innocents,
mais aussi pour éviter que certaines divulgations empêchent la
manifestation de la vérité en provoquant la subornation de certains
témoins, des menaces ou des représailles à l' égard d' au tres ou encore
diverses manomvres ou procédés destinés à effacer les preuves des
infractions ou les indices pouvant en révéler les auteurs>> (arrêt
n° 22.450 Piraux c. la Régie des postes, du 14 juillet 1982).
Rappelant, à son tour, qu'en sa phase préparatoire, la procédure
pénale est en principe inquisitoire et secrète, la Cour d' arbitrage,
dans un arrêt du 27 mai 1998 a souligné que << ce caractère secret se
justifie notamment par le souci, d'une part, de garantir une effica-
cité maximale dans la recherche de la vérité et, d' autre part, de pro-
téger la présomption d'innocence>> (arrêt n° 58/98, Journ. trib., 1998,
p. 507; J.L.M.B., 1998, p. 1044).
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 103

Il <<peut se justifier pour des raisons relatives à la protection de


la vie privée des parties au procès et aux intérêts de la justice>>,
peut-on lire également dans l' arrêt Ernst et autres c. la Belgique
rendu Ie 15 juillet 2003 par la Cour européenne des droits de
l'homme (J.L.M.B., 2003, p. 1524).
Bref, Ie secret de l'instruction a été conçu tant pour garantir la
sérénité de l'instruction que l'honorabilité et la présomption d'inno-
cence des personnes en cause (Pour ses origines, voy. Jean DEMAT-
TEIS et Nadine PouLET-GIBOT LECLERC, <<Peut-on supprimer l'arti-
cle 11 du Code de procédure pénale relatif au secret de
l'instruction?>>, La Sem. jur., 9 octobre 2002, p. 1781).
140. Une explication intéressante a été donnée quant au fonde-
ment du secret de l'instruction: il serait <<simplement lié à l'intérêt
public, ce qui implique, que lorsque celui-ci ne s'y oppose pas, il
peut légitimement être levé dans certains cas>> (Jacques HoEFFLER,
«L'instruction préparatoire en matière pénale», Courtrai, U.G.A.,
1956).
Il est, en effet, des cas particuliers dans lesquels Ie secret de l'ins-
truction s'effacera dans l'intérêt de la justice elle-même voire dans
l'intérêt de la collectivité. Il s' agit de l' appel aux témoins par la
voie de la presse, du signalement rendu public de personnes dispa-
rues ou de détenus en fuite, des informations destinées à mettre le
public en garde contre certains faits, tels l' émission de fausse mon-
naie, la menace d'un attentat ... Dans chacune de ces circonstances,
dont !' appréciation dépendra des éléments propres à la cause, cer-
taines valeurs prendront le pas sur d' au tres, sans avoir égard au
secret professionnel dont le caractère relatif est ainsi démontré.
141. Traditionnellement, il était considéré que le secret de l'ins-
truction n' était qu'un aspect du secret professionnel et seuls ceux
qui sont déjà tenus au secret professionnel par Ie texte général de
l'article 458 du Code pénal devaient le respecter (voy. civ. Liège,
réf., 19 octobre 1994, Journ. trib., 1995, p. 30; J.L.M.B., 1995,
p. 98, et la note de François JONGEN: <<Le juge des référés, restric-
tion non prévue par la loi? >>; Herman BEKAERT, << Le secret de
l'instructiom, Journ. trib., 1950, p. 505 et Rev. dr. pén., 1950-1951,
p. 121; Luc DENYS, <<Le secret de l'instruction>>, Pro justitia, n°
spécial: <<Présumés coupables>>, novembre 1979, p. 17; Philippe
QUARRÉ, <<La publicité en procédure pénale>>, Journ. trib., 1973,
104 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

p. 545; Jean-Pol MASSON, <(Le secret de l'instructiom, Rev. dr. pén.,


1981, p. 393; le numéro spécial de la Revue de droit pénal et de cri-
minologie d'août-septembre 1990, intitulé <<Les désarrois du juge
d'instruction>>; Françoise TuLKENS, <<Les limites du secret de
l'instructiom, U.C.L., 1986; voy. également Fernand LANDRAIN,
<(Le secret et l'organisation judiciaire>>, rapport ronéotypé présenté
lors des journées d'étude du barreau de Liège des 8, 9 et 10 mai
1980 sur le thème Le secret - Protection ou abus de droit;
P.E. TROUSSE et R. CHARLES, <<Le secret et l'instruction en droit
belge>>, rapport présenté aux journées libanaises de l'association
Henri Capitant sur le thème <(Le secret et le droit>>, Dalloz, Paris,
1974, p 719; voy. également civ. Bruxelles, 9 janvier 1997, Aut. &
Media, 1997, p. 197).
142. Les articles 28quinquies et 57 nouveaux, insérés dans le Code
d'instruction criminelle par la loi du 12 mars 1998 énoncent en leur
premier paragraphe : «Sauf les exceptions prévues par la loi, l 'infor-
mation - et l'instruction - (sont) secrète(s). Toute personne qui est
appelée à prêter son concours professionnel à l 'information - et à
l 'instruction - est tenue au secret. Gelui qui viole ce secret est puni
des peines prévues à l 'article 458 du Code pénal ». Ces dispositions
ont précisé un devoir général auquel sont astreints tous ceux qui
concourent à l'instruction et à !'information judiciaires, qu'il
s' agisse du juge d'instruction lui-même ou des magistrats du par-
quet et des juridictions d'instruction, ainsi que des policiers, des
greffiers et des employés du greffe ou du parquet, des experts, des
interprètes, des stagiaires. Bref, toute personne qui concourt à l'ins-
truction ne peut révéler à qui que ce soit la moindre information
recueillie au cours de l'instruction ou ayant trait à celle-ci (civ.
Charleroi, 9 février 2001, J.L.M.B., 2001, p. 659).
La loi du 28 novembre 2000 relative à la criminalité informatique
a inséré dans le Code d'instruction criminelle des dispositions don-
nant aux autorités de poursuites pénales le pouvoir de requérir
l' assistance nécessaire dans le domaine informatique. La loi prévoit
que: «toute personne qui, du chef de sa fonction, a connaissance de
la mesure ou est appelée à y prêter son concours technique, est liée par
le secret de l 'instruction. Toute violation du secret sera punie confor-
mément à l'article 458 du Code pénal» (art. 90quater, nouveau §4,
al. 4 du Code d'instruction criminelle).
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 105

143. Les articles 28quinquies et 57 insérés dans le Code d'instruc-


tion criminelle prévoient néanmoins une dérogation au secret de
l'instruction en faveur, d'une part, du procureur du Roi et, d' autre
part, de l'avocat.
Le paragraphe 3 de l'article 28quinquies énonce: << Le procureur du
Rai peut, lorsque l 'intérêt public l 'exige, communiquer des informa-
tions à la presse. Il veille au respect de la présomption d 'innocence,
des droits de la défense des personnes soupçonnées, des victimes et des
tiers, de la vie privée de la dignité des personnes. Dans la mesure du
possible, l 'identité des personnes citées dans le dossier n 'est pas
communiquée ». Le paragraphe 4 énonce une dérogation dans des ter-
mes analogues, en faveur de l'avocat, «lorsque l'intérêt de son client
l'exige>>.
Des dérogations sont libellées de la même manière par l' article 57
nouveau pour le procureur du Roi qui doit requérir << l 'accord du juge
d'instruction» (§3) et pour l'avocat qui doit veiller également au res-
pect «des règles de la profession» (§4).
La Cour de cassation a confirmé que le secret de l'instruction ne
vaut pas à l' égard du ministère public et que la présence d'un de
ses représentants à un acte de l'instruction préparatoire n'entraîne
pas la nullité de eet acte lorsqu' elle n' a pas fait obstacle à la défense
de l'inculpé (cass. 26 mars 2003, Journ. trib., 2003, p. 482).
144. Sous l' empire de la législation antérieure à la loi du 12 mars
1998, il avait déjà été jugé que l'avocat qui transmet à un journa-
liste le dossier répressif dont il a obtenu la copie en vue de préparer
la défense de son client avant le règlement de la procédure en cham-
bre du conseil, commet une violation du secret professionnel visé à
l'article 458 du Code pénal, violant délibérément les droits de
défense des parties civiles, leur droit à la vie privée, à la présomp-
tion d'innocence et à obtenir que les débats se déroulent à
l' audience plutöt que sur le terrain médiatique (corr. Liège, 15 sep-
tembre 1998, Journ. proc., n° 355, p. 28; en l'espèce, la divulgation
avait entraîné la publication d' articles mettant en cause la vie pri-
vée des parties civiles, sans que l'exercice des droits de la défense
ne paraisse devoir justifier une telle publicité; voy. égalt dans le
même sens, avant l'adoption de la loi du 12 mars 1998: Gand,
30 novembre 1961, Pas., 1963, II, p. 127).
106 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

145. Un jugement intéressant du tribunal correctionnel de


Bruxelles, rendu le 9 novembre 1981 a admis que le caractère secret
de l'instruction est violé, de même que les droits de la défense, lors-
que des fonctionnaires du ministère des Finances ont assisté de
façon permanente aux différents devoirs d'instruction et sont inter-
venus directement dans l'interrogatoire des inculpés et lors d'une
perquisition. En effet, la communication du dossier en cours d'ins-
truction à l'administration fiscale n'est pas compatible avec le
secret de l'instruction (voy. l'étude de Véronique PAULUS DE CHA-
TELET, Rev. dr. pén., 1985, p. 743).
Prenant le contre-pied de cette décision, la Cour de cassation et
la cour d'appel d'Anvers ont jugé dans des arrêts du 3 juin 1983
(Limb. Rechts, 1983, p. 191, obs.) et du 27 mars 1985 (Journ. trib.,
1985, p. 404) que «le principe du caractère secret de l'instruction
préparatoire ne s' oppose pas à ce que le juge d'instruction qui, ins-
truit au sujet de faux en écritures commis dans l'intention d'éluder
l'impöt, interroge l'inculpé et fasse procéder à une perquisition en
présence du fonctionnaire du ministère des Finances. De même, la
cour d' appel de Mons a jugé que «lorsque le procureur général a
autorisé la communication des pièces à l' administration des Finan-
ces, l'intervention de deux fonctionnaires de cette administration ne
viole pas le secret de l'instruction (Mons, ch. mis. acc., 23 avril
1993, Rev. dr. pén. 1993, p. 898). Par contre, la cour d'appel
d' An vers a ajouté que les fonctionnaires qui fournissent ainsi une
assistance à l'instruction sans pour autant violer les droits de la
défense sont liés par le caractère secret de l'instruction et ne peu-
vent fournir aucun renseignement à l' administration.
146. Cette dernière règle s' applique également en droit pénal de
la sécurité sociale, lorsque des inspecteurs du travail recueillent des
renseignements à l'occasion d'une information pénale ou d'une ins-
truction judiciaire, ils ne peuvent les communiquer à d' au tres ser-
vices publics - par exemple aux établissements publics en matière
de sécurité sociale - sans avoir obtenu l' autorisation préalable du
procureur général près la cour d' appel, conformément à l' article 125
de l'arrêté royal du 28 décembre 1980 portant règlement général sur
les frais de justice en matière répressive qui subordonne l' autorisa-
tion de ce magistrat à la communication des dossiers répressifs (sauf
le droit des parties au procès d' obtenir sur leur seule demande la
copie de la plainte, de la dénonciation, des ordonnances et des juge-
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 107

ments) (voy. Henry D. BoSLY, <<Secret de l'instruction et décision


administrative en matière sociale>>, Jour. trib. trav., 1988, p. 333). Il
en résulte que les renseignements transmis sans l' autorisation du
procureur général doivent être rejetés des débats (cour trav. Mons,
15 juin 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1183, obs.).
147. L'inculpé, la victime, les témoins, ont toute liberté de faire
les révélations qu'ils estiment opportunes, sous !'importante réserve
des dispositions de l' article 460ter inséré dans le Code pénal par la
loi du 12 mars 1998 relative à la protection de la vie privée qui
dispose : << Tout usage par l 'inculpé ou la partie civile d 'informations
obtenues en consultant le dossier, qui aura eu pour but et pour effet
d 'entraver le déroulement de l 'instruction, de porter atteinte à la vie
privée, à l 'intégrité physique ou morale ou aux biens d 'une personne
citée dans le dossier est puni d 'un emprisonnement de huit jours à un
an ou d 'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs>>.
La Cour d'arbitrage, dans son arrêt précité du 27 mai 1998, con-
sidère que cette dérogation au secret de l'instruction <lont bénéficie
l'inculpé détenu, résultant de ce qu'il peut, en vertu de la loi du
20 juillet 1990 relative à la prévention préventive, consulter le dos-
sier répressif à chaque comparution <levant la chambre du conseil,
est justifiée par la nécessité de lui permettre d'introduire un recours
<levant le tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa
détention, comme le prévoit l'article 5, 4° de la Convention euro-
péenne des droits de l'homme.
La loi, tout en confirmant et en élargissant la règle du secret de
l'instruction, a prévu des exceptions qui en atténuent la rigueur : le
droit pour la personne interrogée de se faire délivrer une copie du
procès-verbal de son audition, le droit des parties d' avoir accès au
dossier dans certaines conditions, outre le droit de faire des commu-
nications à la presse (voy. Damien VANDERMEERSCH et Olivier
KLEES, <<La réforme <<Franchimont>> - Commentaire de la loi du
12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au
stade de !'information et de l'instructiom, Journ. trib., 1998, p. 423;
voy. Henri D. BosLY, <<Le secret de !'information et ses exceptions>>
et Isabelle W ATTIER, << Le secret et le caracrère unilatéral de
l'instructiom in Michel Franchimont et autres, La loi belge du
12 mars 1998 relative à l 'amélioration de la procédure pénale au stade
de l 'information et de l 'instruction, éd. La Charte, Bruxelles, 1998,
respectivement pp. 22 et 52).
108 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

148. D'un autre cöté, comme le public est toujours friand d'infor-
mations plus ou moins sensationnelles, touchant aux affaires péna-
les, il serait vain d' espérer que la presse puisse s' abstenir de donner
la moindre indication sur ces affaires aussi longtemps qu' elles n' ont
pas été jugées définitivement. De là est né un conflit entre le droit
à l'information et la présomption d'innocence que rappellent la
Déclaration universelle des droits de l'homme, en son article 11, 9°
et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, en son article 6, 2° (voy. Paul TAPIE,
<<Les problèmes posés par la publicité donnée aux actes criminels et
aux procédures pénales - Les aspects sociaux et culturels>>, Rev. int.
dr. pén., 1959, p. 345; Christian VANDERVEEREN, <<Les points de vue
de la défense>>, ibid., p. 429; Pierre LAMBERT, <<Le secret de l'instruc-
tion et la liberté de la presse>>, Journ. proc., 1992/220, p. 11;
R. TACHEAU, <<Secret de l'instruction et devoir d'informen, Rev. dr.
pén., 1996, p. 165; J. LECLERCQ, <<Magistrature - barreau - presse
et conférence de presse>>, Rev. dr. pén., 1987, p. 871).
En outre, le röle de la presse dans le controle de la fonction juri-
dictionnelle est fondamental dans un pays démocratique (Jacques
VELU, <<Propos sur les normes européennes applicables aux relations
entre la justice et la presse>>, Journ. trib., 1995, pp. 577 et suiv.). La
Constitution proclame le principe de la liberté de la presse et pro-
hibe l' établissement de la censure; elle prévoit, en outre, la publicité
des audiences des cours et tribunaux. Celle-ci, fondée sur la concep-
tion individualiste issue de la Révolution française, avait pour
objectif de s'opposer à l'arbitraire des princes (voy. Léo DE BRAY,
Gustave F1scHER et Séverin-Carlos VERSELE, <<J ustice et publicité>>,
Rev. dr. pén., 1959-1960, p. 490). Le principe de l'absence de publi-
cité de l'instruction préparatoire est fondé sur des raisons sociales
et individuelles. Au point de vue social, le secret de l'instruction est
nécessaire au succès des recherches destinées à réunir les éléments
des infractions et à découvrir les auteurs et leurs complices. Au
point de vue individuel, le secret permet de ne pas jeter prématu-
rément le discrédit sur des personnes soupçonnées d' avoir commis
une infraction, sans pour autant être nécessairement coupables. Une
des règles de notre droit pénal n'est-il pas qu'un prévenu est pré-
sumé innocent tant qu'il n' est pas condamné?
Sous la pression des conceptions nouvelles, le secret professionnel
qui couvre tous les faits de l'instruction pénale a perdu une grande
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 109

part de sa rigueur en présence d'une valeur qui prend chaque jour


plus d'importance : Ie droit à !'information. Celui-ci est ainsi consi-
déré comme primordial et plus important que les valeurs que Ie
secret de l'instruction doit préserver, à savoir essentiellement la
réputation de l'honneur des personnes. On peut Ie regretter. Il
demeure qu'en présence d'un conflit de valeurs, les conceptions, à
un moment donné, de la vie en société imposent une hiérarchie
<levant laquelle le secret professionnel doit inéluctablement s'incli-
ner.
149. C' est ainsi que la presse a été amenée à s' adresser au par-
quet moins pour être mise au courant de certains faits, que pour
s' assurer de leur exactitude et éviter la publication d'informations
tendancieuses ou erronées. Une solution de compromis avait été
admise, dans un premier temps, pour concilier le secret de l'instruc-
tion et les nécessités de !'information compte tenu de la curiosité -
souvent malsaine - manifestée par Ie public <lont il serait illusoire
de penser qu'il soit possible d'y mettre fin (voy. à ce propos la rela-
tion d'un intéressant sondage d' opinion effectué à Gand en 1950,
par Gerda DE BocK, <<La répercussion de la publicité donnée aux
crimes et délits sur !'opinion publique>>, Rev. dr. pén., 1960-1961,
p. 36; voy. égalcment Léo DE BRAY, <<Les problèmes posés par la
publicité donnée aux actes criminels et aux procédures pénales. Un
sondage d'opinion», Rev. int. dr. pén., 1959, p. 485). Les parquets
étaient d' autant plus enclins à rechercher une telle solution que la
diffusion de fausses nouvelles est de nature à égarer les recherches,
et la révélation de certaines infractions pouvant alerter les délin-
quants, les inciter à fuir, à brouiller les pistes, à cacher un butin, à
intimider voire à supprimer des témoins gênants (voy. Séverin-Car-
los VERSELE, <<Les problèmes posés par la publicité donnée aux
actes criminels et aux procédures pénales - Approche du problème>>,
Rev. int. dr. pén., 1959, p. 323; voy. égalt les actes du colloque
<<Justice et presse>>, organisé Ie 2 mars 1985 par l'Association syndi-
cale des magistrats; François JONGEN, << Les rapports des magistrats
intéressés à l'instruction avec la presse>>, Rev. dr. pén., 1990, p. 901).
150. Les instructions données autrefois, concernant l'obligation
de discrétion totale qui s'impose à toutes les personnes mêlées aux
enquêtes judiciaires, ont été progressivement assouplies, l'évolution
actuelle des conceptions ne permettant plus de maintenir Ie principe
110 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

rigoureux d'une interdiction absolue, outre que certains actes d'ins-


truction sont presque nécessairement publics, telles les arrestations,
les reconstitutions, les allées et venues dans les couloirs menant au
cabinet des juges d'instruction ou aux chambres des juridictions
d'instruction, parfois même les perquisitions.
Les relations des représentants du pouvoir judiciaire avec la
presse ont fait l' objet de circulaires successives du ministre de la
Justice adressées aux procureurs généraux (voy. leur recension in
Pierre LAMBERT, Le secret professionnel, Nemesis, Bruxelles, 1985,
pp. 85 et suiv.). Elles sont actuellement régies par une circulaire
très détaillée commune du ministre de la Justice et du Collège des
procureurs généraux, du 3 mai 1999 (circulaire n°<<COL 7/99 ►> con-
cernant les informations qui peuvent être transmises à la presse par
les autorités et les services de police durant la phase de !'enquête
préparatoire; Beatrix VANLERBERGHE, <<De nieuwe richtlijn pres-
gerecht, een stap naar een grotere openheid van justitie ►>, Aut. et
Méd., 2000, p. 9).
La motivation formelle des actes administratifs et la transparence
administrative
151. Un conflit peut surgir notamment entre l'obligation au
secret professionnel et celle portant sur la motivation formelle des
actes administratifs, instituée par la loi du 29 juillet 1991.
La loi a d'ailleurs prévu un certain nombre d'exceptions à l'obli-
gation de motivation formelle. C' est le cas lorsque la motivation
peut constituer une violation des dispositions en matière de secret
professionnel, la doctrine enseignant que cette exception ne saurait
se limiter au secret professionnel visé par les articles 458 et suivants
du Code pénal (voy. Etienne CEREXHE, Introduction à l'ouvrage La
motivation formelle des actes administratifs, par Robert ANDERSEN,
Hervé BRIBOSIA, Etienne CEREXHE, Louis LE HARDY DE BEAU-
LIEU, Michel LEROY et Paul LEVALLE, Préface de Louis Tobback,
La Charte, Bruxelles, p. 15).
Une exclusion de motivation formelle résulte des travaux prépa-
ratoires de la loi, concernant notamment les décisions votées au
scrutin secret et les actes de juridiction, mais également les cas oû
la motivation pourrait violer le droit au respect de la vie privée ou
des dispositions en matière de secret professionnel (art. 4, 3° et 4°,
voy. Paul LEVALLE, <<L'obligation de motiver: pour quels actes? ►> in
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 111

La motivation formelle des actes administratifs, op. cit., pp. 79 et


suiv., spécialt pp. 85-87, pp. 113-114).
Concernant la motivation de la décision d'un conseil provincial
procédant à l' élection au scrutin secret du greffier provincial, le
Conseil d'Etat, dans un arrêt Lessire n° 39.356 du 12 mai 1992 a
estimé très sobrement qu' << il n 'était pas nécessaire qu 'une discussion
dévoilant les intentions de vote des (votants) soit menée». Il serait, en
effet, absurde que chacun des votants monte à la tribune ou désigne
un porte-parole pour donner la motivation de son vote, alors que
nul n'ignore qu'il existe fréquemment une discordance entre les
déclarations officielles et le résultat du scrutin secret que le
dépouillement révèle.
152. Saisi d'un recours mettant en cause le défaut de motivation
de la décision du service de santé administratif de reconnaître la
maladie dont souffrait le requérant comme une maladie grave et de
longue durée, le Conseil d'Etat a jugé que l' administration invo-
quait en vain le secret médical, car en lui reprochant de ne pas
avoir indiqué les motifs de sa décision, le requérant en avait délié
les médecins qui en étaient les dépositaires (arrêt n° 41.211 en cause
J ... c. la Communauté française et l'Etat belge, du 27 novembre
1992).
La cour du travail d' An vers a fait prévaloir l' obligation au secret
professionnel sur celle découlant de la loi relative à la motivation
formelle des actes administratifs qui n'exige pas, selon elle, que
toute décision soit motivée en détail. Elle a jugé que le secret pro-
fessionnel ou le respect de la vie privée peut justifier une exception
à cette loi, pour autant que l'intéressé puisse se rendre suffisam-
ment compte de la motivation ou de la décision pour pouvoir déci-
der, sur la base de l'acte lui-même, s'il y a lieu ou non d'introduire
un recours (cour trav. Anvers, 20 septembre 1996, Chron. dr. soc.,
1999, p. 600).
A l'inverse, la cour du travail de Gand, quant à elle, a jugé que
même si on devait accepter que le médecin conseil d'une mutualité
peut diffuser certains faits, cela ne le dispense pas de l' obligation de
motiver sa décision <<dans la mesure ou il lui est possible de men-
tionner, sans porter atteinte au secret médical, les possibilités
d'exercer la profession et de décrire les conditions de son exercice>>
(cour trav. Gand, 13 février 1995, Rev. dr. santé, 1995-1996, p. 305,
112 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

et la note de T. BALTHAZAR, <<La motivation de décisions médicales:


la transparence et la discrétion peuvent-elle être conciliées? )) ; voy.
M. VANDEWEERDT et J. VrAENE, <<Communication de données médi-
cales de nature personnelle aux bénéficiaires de la sécurité sociale et
motivation médicale des actes administratifs>>, Chron. dr. soc., 1996,
p. 365).

153. Le droit des citoyens d'accéder aux documents administra-


tifs ainsi que le secret de l' administration ont donné lieu à de nom-
breuses études (voy. Jacques STASSEN, <<La responsabilité de l'Etat
du chef de renseignements erronés fournis par ses services)> note s/
cass., 4 janvier 1973, Rev. crit. jur. b., p. 339; Donald C. RowAT,
<<Le secret administratif dans les pays développés)>, rapport général
présenté lors des journées d'étude de l'lnstitut international des
sciences administratives sur le thème : << L 'accès des administrés aux
informations détenues par l'administration>>, Dall. pér., Paris, 1977,
p. 21; Philippe DE BRUYCKER, <<Déontologie de la fonction publique
et transparence administrative - Quelques observations à propos de
la confrontation des devoirs des fonctionnaires avec le droit d' accès
aux documents administratifs après l' arrêté royal du 22 novem bre
1991 relatif aux principes généraux du statut administratif et pécu-
niaire des agents de l'Etat)>, Adm. publ. trim. 1992, p. 63; Philippe
QUERTAINMONT, <<La responsabilité des pouvoirs publics en matière
documentaire)>, Rev. dr. U LE, 1992, p. 119).
Une tendance générale se manifeste dans les pays démocratiques
pour remplacer la règle traditionnelle du secret administratif par le
principe de la transparence des actes administratifs. Ce principe
implique le droit du citoyen d' obtenir connaissance de tous les
documents qui le concernent, d' obtenir la rectification des pièces
entachées d' erreur et la suppression de celles qui sont illégales; il
suppose le droit du public de prendre connaissance des décisions
administratives et des études qui les ont précédées, ainsi que l' obli-
gation corrélative pour l' administration d'informer les citoyens.
La Cour de cassation avait, de son cöté, considéré dans un arrêt
rendu le 11 mars 1960, qui semble être passé inaperçu, que <<si des
rapports de service échangés entre fonctionnaires de l' ordre admi-
nistratif dans l' exercice de leurs fonctions ou adressés par eux à leur
département, peuvent avoir un caractère confidentie! et appartien-
nent à l' administration, il ne s' ensuit pas qu'un tiers ne peut j amais
en obtenir la possession, soit en original, soit en copie, de manière
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 113

licite, ni que ces rapports doivent toujours être écartés des débats
quand ils sont invoqués en justice par ce tiers>> (Journ. trib., 1961,
p. 60). En effet, aucun texte légal ni aucun principe général de droit
administratif ne dénie de façon générale et absolue aux administrés
le droit d' obtenir des pouvoirs publics le renseignement qu'ils dési-
rent. C' est ainsi que la cour d' appel de Bruxelles a j ugé, dans un
arrêt rendu le 17 septembre 1981 qu'aucun texte légal n'impose à
l'Etat de considérer les données du fichier d'immatriculation auto-
mobile comme confidentielles et que le refus de communication
inflige aux entreprises concernées un dommage hors de proportion
avec les avantages que peut retirer le citoyen de ce refus de com-
munication (Journ. trib., 1982, p. 412, et la note de Philippe QuER-
TAINMONT).
154. U ne législation spécifique souhaitée depuis longtemps en
vue de fixer les conditions du droit à l'information des citoyens
pour aboutir à une administration transparente à l'image de ce qui
se construit à l'étranger a été adoptée par la loi du 11 avril 1994
relative à la publicité de l'administration (voy. l'analyse de Robert
ANDERSEN, <<Information et publicité en droit fiscal», in Sécurité
juridique et fiscalité, Bruylant, coll. <<Les Cahiers de l'Institut d'étu-
des sur la justice>>, n° 4, Bruxelles, 2003, pp. 15 et suiv.;
C. BENEDEK et Ph. DE BRUYCKER, <<La transparence de l'adminis-
tration - Quelques observations à propos de l' accès aux documents
administratifs en droit belge>>, in Présence du droit public et des
droits de l'homme - Mélanges offerts à Jacques Velu, éd. Bruylant,
1992, t. II, p. 781).
L' article 6 de la loi dispose que l' autorité administrative rejette
la demande de consultation, d'explication ou de communication
sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté
que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de
l'un des intérêts suivants : « (. .. ) 2° le caractère par nature confiden-
tiel des informations d 'entreprise ou de fabrication communiqués à
l 'autorité; ... 8° le secret de l 'identité de la personne qui a communi-
qué le document ou l 'information à l 'autorité administrative à titre
confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel» (§ 1er).
De même, l'autorité administrative pourra rejeter la demande si la
publication du document administratif porte atteinte : 1 ° à la vie
privée ... , 2° à une obligation de secret instaurée par la loi; 3° au
secret des délibérations du Gouvernement ... » (§2).
114 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Des dispositions analogues sont contenues dans le décret du


22 décembre 1994 du conseil de la Communauté française relatif à
la publicité de l' administration.
155. La loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et
à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, telle
qu'elle a été complétée par la loi-programme du 9 juillet 2004 pré-
voit qu'il appartient, lors de l' attribution d'un marché, d'informer
«les candidats non sélectionnés et les soumissionnaires dont l 'offre a
été jugée irrégulière ( ... ) après la prise de décision les concernant »
(art. 2lbis nouveau, § 1er). Cette obligation d'informer le soumission-
naire évincé est nuancée par un paragraphe qui énonce : «Certains
renseignements peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divul-
gation ( ... ) contraire à l 'ordre public, porterait préjudice aux intérêts
commerciaux légitimes d 'entreprises publiques ou privées ou pourrait
nuire à une concurrence loyale entre entreprises ».
L' article 139 de l' arrêté royal d' application de la loi, énonce que
<<toute personne qui, en raison de ses fonctions ou des missions qui
lui ont été confiées, aura eu connaissance de renseignements confiden-
tiels ayant trait à la passation ou à l 'exécution des marchés, notam-
ment à la fixation des prix et à leur vérification est tenue au secret».
Sous l'empire de la législation antérieure relative aux marchés
publics, l'arrêté royal du 22 avril comportait une disposition analo-
gue (art. 58). Il a été jugé que cette disposition vise à garantir
l'objectivité de l'attribution du marché et l'égalité des soumission-
naires. Il en résulte qu'en acceptant des documents internes du pou-
voir adjudicateur qui tomberaient sous l' obligation du secret et en
en faisant usage, l'entrepreneur a agi de manière illicite (Gand,
17 juin 1999, Entr. et dr., 1999, p. 218).

b. Les nécessités scientifiques


156. Jusqu'au XIXe siècle, le secret professionnel était constam-
ment violé dans les publications scientifiques. Comme l' a bien cons-
taté R. Sand, les observations cliniques relatées dans les journaux
scientifiques ou les recueils médicaux donnaient en toutes lettres le
nom du malade (R. SAND, Vers une médecine sociale, Paris/Liège,
1948, p. 57). Le lecteur des anciennes revues médicales ou de la cor-
respondance publiée des médecins, reste confondu devant l' étale-
ment de l'intimité des malades (A. SouPAULT, <<De la violation
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 115

publique du secret médial: un exemple historique>>, Médecine de


France, n° 203, 1969, p. 9 cité par Mirko D. GRMEK, <<L'origine et
les vicissitudes du secret médical», Cahiers Laënnec, septembre
1969, p. 27).
157. Aujourd'hui, les ouvrages de science médicale contiennent
souvent ce que dans le langage des médecins, on appelle des
«observations ». Ces notices publiées le plus sou vent à l' appui d'une
thèse de doctrine résument les principaux symptömes et les circons-
tances caractéristiques d'une maladie, ainsi que le traitement suivi
et le résultat obtenu. Comme la science contemporaine attache,
pour l'étude des maladies une grande importance à certaines parti-
cularités, tels l' àge du patient, les affections dont il a pu être anté-
rieu remen t atteint, ses antécédents héréditaires, etc., les
«observations » comprennent tous les renseignements de cette nature
qui ont pu être recueillis. En outre, il arrive fréquemment que le
malade auquel s' appliquent les << observations » y soit désigné par un
prénom et !'initiale de son nom. Enfin, pour les maladies qui don-
nen t lieu à des phénomènes pathologiques externes, les
«observations » sont quelquefois accompagnées de la reproduction de
photographies du patient qui, dans certains cas, peuvent s'étendre
aux traits du visage. Le médecin, en publiant ces «observations » ne
se rend-il pas coupable de révélation du secret professionnel? Il n'a
évidemment connu les faits qui en font la matière qu' en raison de
sa qualité de médecin et par les confidences qu'il a pu obtenir du
malade en cette qualité. En les faisant connaître, ne tombe-t-il pas
sous le coup de l' article 458 du Code pénal?
Les publications juridiques contiennent normalement les arrêts et
jugements rendus par les cours et tribunaux que leur adressent les
magistrats, les avocats ou les greffiers de ces juridictions. Ces déci-
sions sont quasiment toujours publiées avec l'indication du nom des
parti es en cause; elles comportent, en out re, dans l' exposé des faits,
la relation des circonstances particulières du litige. Ces profession-
nels n' ont évidemment connu les faits et les décisions qui ont suivi
que par les confidences qu'ils ont recueillies. On peut se demander
ici également s'ils ne se rendent pas coupables de révélation de
secret professionnel, en communiquant à la presse - spécialisée ou
non - les décisions qu'ils ont rendues ou obtenues. L' on peut déplo-
rer, en tous cas, que l'identité des parties soit inutilement dévoilée
116 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

(voy. TERTIUS dans la rubrique <<Coups de règle1>, Journ. trib.,, 1984,


p. 253).
158. Les progrès tant de la science médicale que de la doctrine
juridique et de la jurisprudence exigent la divulgation des décou-
vertes médicales et des décisions, ainsi que leurs commentaires, qui
feront avancer tant la science que le droit. Il importe que les pra-
ticiens puissent faire connaître en pleine liberté toute la sicience que
les faits constatés par le médecin pour les uns, les décisions qui mar-
quent une évolution dans l'interprétation des lois, pour les autres.
Mais il n'en résulte pas que, pour satisfaire eet intérêt scientifique
et eet intérêt juridique, il soit toujours nécessaire de faire céder
devant l'intérêt général, l'intérêt privé qui a motivé la disposition
de l' article 458 du Code pénal.
Les «observations » médicales et les décisions judiciaires pourront
être publiées sans constituer pour autant une violation du secret
professionnel à la condition qu'en dehors des renseignements scien-
tifiques ou juridiques qu'elles doivent fournir, elles n'en renferment
point qui permettent de reconnaître le malade ou les parties en
litige. Ainsi que le dit un arrêt de la cour d' appel de Besançon, la
science n' a aucun intérêt à connaître le nom de la personne concer-
née (Besançon, 23 mai 1888, Sirey, 1888, II, p. 128; en l'espèce, le
médecin, directeur d'une maison d'aliénés, fut condamné pour avoir
publié une brochure dans laquelle une patiente était désignée par un
très grand nombre de détails, et notamment par !'initiale du nom
du mari et par les fonctions qu'il avait remplies dans la ville, en
sorte que l'identification était aisée; voy. également Cour sup. just.
Luxembourg, 25 juin 1892, Journ. trib., 1892, col. 875 et 20 janvier
1893, Belg. jud., 1893, col. 1222).
Un arrêt rendu le 5 juillet 1893 par la cour d'appel de Bordeaux
dans la matière du secret médical, a parfaitement concilié les deux
intérêts - nous dirions les deux valeurs - en présence, en déclarant
que <da désignation du malade, encore qu'elle soit absolument
entrée dans la manière d' écrire les «observations » cliniques, est en soi
blessante et inutile; en définitive, la science médicale, suivant l' anti-
que précepte, doit taire ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué1>.
En s'abstenant de désigner le malade, le médecin conserve toute
liberté de divulguer les faits utiles au progrès de la science, tout en
respectant le secret qu'il est tenu de garder (Dall. pér., 1894, II,
p. 177, et la note).
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 117

Cette doctrine est admise également aujourd'hui en Belgique et


ne paraît plus offrir de difficultés pratiques. On considère unanime-
ment que lorsque, dans l'intérêt du progrès scientifique, le médecin
publie les «observations >> suggérées par un cas spécial, il doit se gar-
der de révéler tous détails inutiles au hut qu'il poursuit (Charles DE
JoNGHE, <<Le secret professionnel des médecins>>, Rev. dr. b., t. I,
1886-1890, p. 541, n° 28).
La solution du conflit de valeurs en présence apparaît
clairement : l' obligation au secret ne doit céder devant les nécessités
scientifiques que dans la stricte mesure de celles-ci. L'identification
du patient ou du justiciable sera condamnable lorsqu'elle n'était pas
absolument indispensable au hut poursuivi.

c. La notoriété publique et les droits de l 'H istoire

159. Les personnalités plus ou moins célèbres, dont l'activité a un


caractère public, qu'il s'agisse d'hommes politiques, d'écrivains ou
d' artistes, voient fréquemment le droit au respect de leur vie privée
confronté avec le droit du public à !'information. La jurisprudence
est émaillée de multiples décisions judiciaires qui ont sanctionné des
atteintes à la vie privée; elles mettent en lumière ce que peuvent
être les servitudes de la gloire.
La vie privée des personnages publics comme celle de ceux qui
appartiennent ou appartiendront demain à l'Histoire est importante
pour comprendre celle-ci. L'usage de communiqués, particulière-
ment de nature médicale, s'est répandu et est unanimement admis,
dans la mesure ou le public doit être informé au sujet des événe-
ments et de la santé des grands de ce monde.
Plus discutable est la publication de <<Mémoires>> de médecins. La
publication, en 1966, des «Mémoires» de Lord Moran, qui fut le
médecin de Winston Churchill pendant un quart de siècle, de 1940
à 1965, a provoqué, à l'époque, un intérêt très vif mais aussi de pro-
fonds remous dans les milieux médicaux (voy. Xavier RYCKMANS,
<<Les 'Mémoires' du médecin de Churchill>>, Journ. trib., 1966,
p. 477). Il en a été de même récemment à !'occasion de la publica-
tion, par le Docteur Gubler, médecin personnel du Président Fran-
çois Mitterrand, d'un livre intitulé «Le grand secret», dans lequel il
relate les difficultés posées par la dissimulation du cancer dont le
Président était atteint et qui avait été diagnostiqué dès 1981, quel-
118 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

ques mois après sa première élection à la présidence de la Républi-


que française. Dans un arrêt en cause la société Plon, l' éditeur,
rendu le 18 mai 2004, la Cour européenne des droits de l'homme a
jugé que le contenu de eet ouvrage méconnaissait le secret médical
(Rec. Dalloz, 1er juillet 2004, p. 1838, et la note d' Alexis GuEDJ).
Il n'en va pas autrement d'avocats, relatant souvent dans le
détail les confidences reçues ou apprises à l' occasion de l' exercice de
leur profession.
Le tribunal correctionnel de la Seine eut à connaître, au lende-
main de la Seconde Guerre mondiale, de la publication d'un livre
intitulé « Un témoin raconte>> révélant au public des faits essentielle-
ment secrets dont l' auteur n' avait eu connaissance qu' en raison de
ses fonctions de juré à la Haute Cour de justice, lors du procès du
maréchal Pétain. Dans un jugement controversé rendu le 25 avril
1966, le tribunal estima que la règle du secret du délibéré doit se
combiner avec les nécessités de l'information historique et que cha-
cun des éléments du délibéré peut, suivant sa nature et après un
laps de temps plus ou moins prolongé, être livré au public dans un
travail relatif à des faits historiques (Journ. trib., 1967, p. 27, et la
note critique de Jean EECKHOUT). Ce jugement fut mis à néant par
un arrêt de la cour d' appel de Paris, rendu le 9 novembre 1966
(J.C.P., 1968, II, n° 15.368, note de LESTANG); le pourvoi en cas-
sation fut rejeté par un arrêt du 25 janvier 1968, la Cour estimant
qu'il serait vainement prétendu que les faits relatés étant déjà con-
nus du public, la violation d' aucun secret ne pourrait être repro-
chée, alors que l'intervention du dépositaire du secret pouvait être
de nature à transformer en un fait avéré et certain ce qui n' avait
été jusqu' alors qu'une divulgation sujette à controverse (cass. fr.,
crim., 25 janvier 1968, Gaz. Pal., 1968, 1, p. 164; J.C.P., 1968, II,
n° 15.425, obs. R.L.; Dall., 1968, I, p. 153, et le rapport du con-
seiller COSTA).
160. L'Histoire ne peut cependant, comme la science, toujours se
contenter de signes conventionnels ou d'initiales; elle n' a de couleur
et de vérité que si elle met en scène les personnages réels, avec leurs
caractères et leurs ceuvres, la vie privée des personnages publics
étant sou vent essentielle pour la compréhension et l' appréciation
des événements historiques (note A. LE PoITEVIN, sous cass. fr.,
req., 9 avril 1895, Sirey, 1896, I, p. 81). Il n'en reste pas moins que
le praticien reste tenu au secret professionnel. Le caractère de noto-
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 119

riété publique de la nature ou du degré de la maladie, peut-on lire


dans un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles rendu le 8 mars 1972,
ne délie pas le médecin de l' obligation au secret professionnel, même
après le décès du patient (Pas., 1972, Il, p. 105; Rev. dr. pén. 1971-
1972, p. 923, et la note de P.E. TRoussE; Rev. dr. fam., 1972, p. 36).
Il a été suggéré dans ce conflit entre le secret et les impératifs de
la connaissance historique, de faire une distinction selon que le per-
sonnage est décédé ou est encore vivant. << La nécessité, pour la
science historique, de la connaissance aussi complète que possible
des actes des personnages qui appartiennent à l'Histoire commande
que la frontière, nécessaire de leur vivant, entre vie privée et vie
publique, soit abolie après leur mort ... L'Histoire anecdotique peut
attendre, semble-t-il, que tous ceux qui s'y trouvent mêlés aient dis-
paru de la scène des vivants>> (Robert BADINTER, <<Le droit au res-
pect de la vie privée>>, J.C.P., 1968; Dall., n° 2136; Raymond SAR-
RAUTE, <<Le respect de la vie privée et les servitudes de la gloire>>,
Gaz. Pal., 1966, 1, p. 12; Joseph RuTSAERT, <<Le système jurispru-
dentie! du droit au respect de la vie privée>>, Journ. trib., 1978,
pp. 489 et suiv., spécialt sub n° 19).
La mort de l'intéressé ne modifie cependant pas l' obligation du
praticien.

SECTION 3. - LES VALEURS INDIVIDUELLES


OU FAMILIALES

A. - Les déclarations de naissance


161. Certaines dispositions légales contenues tant dans le Code
ei vil que dans le Code pénal, imposent expressément l' obligation de
déclarer les naissances, à peine de sanctions pénales. Celles-ei peu-
vent frapper aussi bien les personnes tenues au secret professionnel
que les au tres personnes qui ont assisté à l' accouchement ou chez
qui il a eu lieu.
La disposition du Code pénal qui vise cette obligation est rangée
sous un titre général : << Des crimes et des délits contre l' ordre des
familles et contre la moralité publique>> (art. 348 et suiv.), conte-
nant notamment les dispositions relatives à l' avortement, à l' atten-
tat à la pudeur et au viol, à la corruption de la jeunesse, à la pros-
titution et à l' abandon de famille. Il n' empêche que la déclaration
120 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

de naissance est imposée dans l'intérêt de l'enfant qui vient de naî-


tre. Le premier droit de l'homme, écrit justement René Savatier,
c'est de faire reconnaître son existence et d'obliger tout le monde au
respect des marques qui attestent son identité (René SAVATIER, <<Le
droit de la personne et l' échelle des valeurs ►> in En hommage à Victor
Gothot, Fac. dr. Liège, 1962, p. 577). Cette valeur individuelle est
ainsi considérée comme supérieure à celles que protègent le secret
professionnel et justifie une dérogation à celui-ci.
162. Les articles 55 et 56 du Code civil, tels qu'ils ont été modi-
fiés par la loi du 30 mars 1984 imposent de faire la déclaration de
toute naissance à l' officier de l' état civil du lieu, dans les quinze
jours qui suivent l'accouchement (voy. le commentaire de la loi
nouvelle par H. GAUTIER, <<Le regard d'un praticien sur la loi du
30 mars 1984 qui modifie la manière de déclarer les naissances ►>,
Mouv. comm., 1984, p. 250).
Cette obligation incombe, au premier chef, au père ou à la mère
et, lorsqu'ils s' abstiennent de faire la déclaration, à la personne qui
assure la direction de l'höpital, de la clinique, de la maternité ou de
tout autre établissement de soins oû l' accouchement a eu lieu. Si
celui-ci ne s' est pas produit dans un tel établissement, la déclaration
pourra incomber aux médecins et accoucheuses (art. 56, §2). L'arti-
cle 21 de l'arrêté royal du 31 mai 1885 approuvant les nouvelles ins-
tructions pour les médecins, pour les pharmaciens et pour les dro-
guistes précisait d' ailleurs déjà que «le médecin qui a assisté à un
accouchement est obligé, à défaut du père, de déclarer la naissance de
l 'enfant à l 'officier de l 'état civil du lieu dans les trois jours de
l 'accouchement >>. Cette disposition a été implicitement abrogée et
remplacée par la loi du 30 mars 1984, qui s'exprime dans des termes
analogues.
Quant à l'article 361 du Code pénal, tel qu'il a également été
modifié par la loi du 30 mars 1984, il punit d'un emprisonnement
de huit jours à trois mois et d'une amende, toute personne qui se
sera abstenue de déclarer la naissance d'un enfant malgré l' obliga-
tion qui lui en incombe. Cette disposition vise toute personne ayant
assisté à un accouchement qu' elle soit ou non tenue au secret pro-
fessionnel.
163. Très töt, la jurisprudence a considéré que les exigences de
la profession de médecin ne le dispensaient pas de satisfaire aux
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 121

ohligations édictées par les articles 55 et suivants du Code civil,


sanctionnées par l'article 346 du Code pénal de 1810, devenu - sous
réserve d'une modification de détail - l' article 361 du code de 1867
(Bruxelles, 20 février 1847, Belg. jud., 1847, col. 312). Selon
l' expression d'un auteur, l' ardent désir de connaître ses origines,
l' emporte sur le secret des naissances.
Cette conception n' a cependant pas reçu la consécration de la
Cour européenne des droits de l'homme qui, dans un arrêt rendu le
13 février 2003 par la Grande chamhre, en cause Odièvre c. la
France, a jugé que les ohstacles légaux à l' action en recherche de
maternité lorsque la mère hiologique a demandé le secret, ne cons-
tituaient pas une violation de l' article 8 de la Convention de sauve-
garde garantissant le droit à un respect de la vie privée (voy. Vin-
cent BONNET, << L' accouchement sous X et la Cour européenne des
droits de l'homme)>, Rev. trim. dr. h., 1er avril 2004, p. 405; Adeline
GouTTENOIRE-CORNUT et Frédéric SuDRE, <<La compatihilité avec la
Convention européenne des droits de l'homme de l'accouchement
sous X)>, La Sem. jur., éd. gén., 26 mars 2003, p. 561, J, II,
n° 10.049).
Ainsi que le soulignait le procureur général Leclercq dans ses con-
clusions précédant l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le
14 novemhre 1853, la disposition du Code pénal se rapporte à l'ohli-
gation de fournir une déclaration qui puisse du moins servir d' ache-
minement à la preuve de l' état ei vil de l' enfant, une déclaration qui
ne le rattacherait à personne ne pouvant atteindre ce hut. Sans
doute, ajoutait-il, le désir du législateur de mettre ohstacle à ce que
les enfants fussent soustraits au service militaire n'est-il pas étran-
ger à la disposition pénale, mais le hut de l' acte de naissance est à
divers égards d'un ordre purement privé, en ce qu'il tend non seu-
lement à assurer l'effet de la déclaration en marquant l'enfant d'un
cachet qui le fasse reconnaître, mais encore à fonder pour eet enfant
les éléments d'un état de famille (cass., 14 novemhre 1853, Pas.,
1854, I, p. 10, et les concl. du procureur général LECLERCQ).
164. Le Code pénal de 1867 ne déterminait pas les éléments de
la déclaration de naissance. La jurisprudence a très töt jugé que
cette déclaration devait énoncer les nom, prénom et domicile de la
mère, même lorsqu'il s' agit de la naissance d'un enfant naturel
(cass. 14 novemhre 1853, précité, et cass., 10 juillet 1855, Pas.,
1855, I, p. 303, et les concl. du 1er avocat général DELBECQUE).
122 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

La Cour de cassation a considéré que l' obligation générale de


secret professionnel n' a pas pour effet d' abroger l' inj onction spéciale
adressée à l' accoucheur par l' article 56 du Code ei vil et confirmée
par le Code pénal qui <<punit la révélation volontaire d'un secret et
ne s'applique pas à une déclaration faite pour obéir à la loi>> (ce que
la loi nouvelle de 1984 a repris à l'article 57 nouveau du Code civil).
Le ministère public, dans ses conclusions précédant l' arrêt du
10 juillet 1855 avait bien mis en lumière que le législateur avait à
choisir entre divers intérêts opposés : l'intérêt de la mère qui voudra
cacher sa << faute )) et qui sacrifiera l'intérêt de son enfant à son
honneur; l'intérêt même de eet enfant, auquel on ravira peut-être
et mère et patrie, si on ne désigne pas sa mère. Il faut, disait-il,
opter entre l'intérêt de la femme qui a commis une faute et l'intérêt
de l' enfant qui apparaît tout d' abord comme une innocente victime;
n' est-ce pas en sa faveur que doit pencher le plateau de la balance
et n'y a-t-il pas justice à ce qu'il en soit ainsi?
165. Dans le cas de la découverte d'un nouveau-né, le médecin
est tenu de se conformer à l' article 58 du Code ei vil qui prescrit à
toute personne qui trouve un enfant nouveau-né de le remettre à
l' officier de l' état ei vil du lieu de la découverte, mais la doctrine
médicale soutient qu'il peut garder secret tout ce qu'il peut avoir
appris de l' accouchée, lorsque la naissance a eu lieu hors de sa pré-
sence (Xavier RYCKMANS et Régine MEERT-VAN DE PuT, Les droits
et les obligations du médecin, Larcier, 2e éd., Bruxelles, 1972, t. I,
p. 140). Il s'agit là d'une déviation évidente de la notion du secret
professionnel auquel le médecin accorderait une valeur en soi, alors
que l'intérêt de l'enfant doit prévaloir et qu'en outre, le médecin
découvrant un nouveau-né n'est tenu au secret envers personne.

B. - Les déclarations de décès


166. Les médecins n' ont aucune obligation de déclarer les décès
qu'ils ont constatés. Une telle obligation incombe, en cas de décès
dans un höpital ou une institution publique, aux «supérieurs, direc-
teurs, administrateurs et maîtres de ces maisons>> (art. 80 du Code
civil). Cette déclaration doit être faite à !'officier de l'état civil du
lieu du décès.
Lorsqu'il existe «des signes ou indices de mort violente, ou d 'autres
circonstances qui donneront lieu de le soupçonner », l'inhumation ne
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 123

pourra être faite avant qu'un officier de police, assisté d'un méde-
cin, n'ait dressé procès-verbal de l'état du cadavre et des circons-
tances y relatives, ainsi que des renseignements qu'il aura pu
recueillir sur l'identité du défunt (art. 81 du Code civil).
167. Depuis l'arrêté royal du 6 octobre 1966 prescrivant l'établis-
sement d'une statistique annuelle des causes de décès, toute décla-
ration de décès comporte la délivrance, par un médecin, d'un for-
mulaire, dont les volets A et C constituent, le premier, un certificat
médical de constat qui précise si la mort est naturelle ou violente,
et le second, la consignation sous enveloppe scellée, des causes de la
mort.
Les renseignements fournis, le cas échéant, par le médecin trai-
tant seront extrêmement laconiques et se borneront à indiquer qu'il
s' agit d'une mort naturelle ou accidentelle, et s'en tiendront à des
généralités sur la cause du décès, tel <<décès consécutif à une affec-
tion du système circulatoire, respiratoire, digestif ou nerveux ►> (voy.
Charles VAN REEPINGHEN, <<Le secret professionnel du médecin ►>,
Journ. trib., 1950, p. 444, n° XVII; voy. égalt au sujet des formu-
laires, Jac. RAVESCHOT (Dr), <<De 'Aangifte van Overlijden' en de
behandelende geneesheer ►>, R. W., 1955-1956, col. 576).
L'incinération d'un cadavre humain est notamment subordonnée
à la production d'un certificat délivré par le médecin traitant ou le
médecin qui a constaté le décès indiquant «s'il y a eu mort naturelle
au violente au une cause de décès impossible à déceler» (art. 22, §ler
de la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures, tel qu'il
a été modifié par l' art. 22 de la loi du 20 septembre 1998). Le méde-
cin traitant ne pourrait se retrancher derrière le secret professionnel
pour se soustraire à la délivrance de pareil certificat car l'incinéra-
tion faisant disparaître le cadavre, il est légitime que la loi exige
cette attestation et subordonne le permis d'incinérer à son obten-
tion ( RYCKMANS et MEERT-VAN DE PuT, Les droits et les obligations
des médecins, Larcier, 2e éd., Bruxelles, 1972, t. I, p. 140, n° 194).

C. - L 'intérêt de la personne qui s 'est confiée

168. Nombreux sont les auteurs, la plupart médecins, qui esti-


ment, encore aujourd'hui, que le secret professionnel est opposable
au malade (Dominique THOUVENIN, Le secret médical et l'informa-
tion du malade, Presses univ. de Lyon, 1982, p. 58). Cette thèse a
124 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

été rejetée par de nombreuses décisions de jurisprudence (voy.


notamment Bruxelles, 19 mai 1998, R.G.A.R., 2000, n° 13.317; la
cour y déclare catégoriquement que le secret médical ne peut être
invoqué à l'égard du patient lui-même). C'est ainsi qu'un labora-
toire dont la responsabilité était mise en cause dans une procédure
civile pour une faute alléguée au moment de la prise de sang, ne
peut taire le nom de la personne y ayant procédé et ne peut invo-
quer le secret professionnel pour retenir cette information qui est
dans l'intérêt du patient (Anvers, 18 septembre 2000, Rev. dr. santé,
2000-2001, p. 290).
Les circonstances peuvent cependant commander au praticien de
garder le silence lorsqu'une valeur plus importante doit prévaloir
sur l'intérêt personnel de la personne qui s'est confiée ou au con-
traire de révéler les confidences reçues.
169. Un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 16 décembre
1957 a très justement souligné que le médecin a non seulement le
droit, mais le devoir de se libérer du secret professionnel chaque fois
qu'il y va de l'intérêt majeur de son client, le médecin n'étant tenu
au silence que pour les secrets de son malade et non pour des faits
à la perpétration desquels le patient demeure étranger au point d'en
être la victime. En effet, le secret professionnel n' a pas été institué
afin de protéger les membres du corps médical contre les patients
qui auraient été les victimes de fautes ou d'erreurs perpétrées par
eux (Pas., 1958, II, p. 42; Journ. trib., 1958, p. 90, et la note criti-
que de Léon CARLIER; voy. égalt cour trav. Mons, 16 janvier 1976,
Bull. inf. Inami, 1976, p. 256 et Bruxelles, 24 février 1988,
J.L.M.B., 1988, p. 1028, obs. P.H.).
Allant dans le même sens, la Cour de cassation a cassé le 9 février
1988 un arrêt de la cour d'appel de Gand, rendu le 1er décembre
1986, qui avait jugé que le secret professionnel était violé par un
chirurgien qui avait révélé au ministère public des faits dont le
patient avait été la victime, «alors que l 'interdiction ne saurait être
étendue à de tels faits» (Pas., 1992, p. 162 - Il est regrettable que
l' extrait cité ne soit pas rep ris dans le sommaire de l' arrêt). Dans
un arrêt du 29 octobre 1991, elle a été plus explicite encore en sou-
lignant que «le secret médical existe dans l'intérêt du malade et ne
lui est pas opposable lorsque d' éventuels droits à des dommages-
intérêts doivent être déterminés à la lumière d'éléments devant être
décelés (lire: révélés), en sorte que le secret professionnel ne consti-
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 125

tue pas un motif légitime pour refuser le dépöt du dossier médical


ordonné par le tribunal (Pas., 1988, p. 662 et R.G.A.R., 1989,
n° 11.574; voy. égalt Anvers, 14 octobre 1997, R. W., 1998-1999,
p. 194, obs. A. VANDEPLAS).
170. Or, souvent, le praticien considère qu'il est pris en tenailles
entre le secret professionnel auquel il est astreint à peine de sanc-
tions pénales et disciplinaires, et la non-assistance à personne en
danger qui constitue tout autant un délit réprimé pénalement (voy.
Pierre LAMBERT, << Violence conjugale, secret professionnel et non-
assistance à personne en dangen> in Andrée Bo AS et Jenny LAM-
BERT, La violence conjugale - Partnergeweld, N emesis/Bruylant, coll.
<<Droit et Justice>> n° 56, Bruxelles, 2004, p. 185). Le législateur est
intervenu à eet égard pour assurer une meilleure protection pénale
des mineurs (voy. supra, n° 8 64 et suiv.). Son intervention en faveur
des victimes de violences conjugales s'est limitée dans la loi du
24 novembre 1997 à qualifier de circonstance aggravante ce type de
délit et dans la loi du 28 janvier 2003 à attribuer le logement fami-
lial au conj oint ou au cohabitant légal victime d' actes de violence,
tout en aggravant l'importance des sanctions pénales (voy. Fleur
DHONT, <<De Belgische wetgeving betreffende de bestrijding van
partnergeweld>> et Eva BREMS, <<De specifieke Belgische wetgeving
inzake partnergeweld>> in La violence conjugale - Partnergeweld, op.
cit., respectivement pp. 161 et 191; Lisbet STEVENS, <<De Wet van
24 november 1917 strekkende om het geweld tussen partners tegen
te gaam, Echts. Journ., 1998/2, p. 18; P. ARNOU, <<De Wet op het
Partnergeweld>>, Tijds. Straf., 2002, p. 277).
Cependant, une Recommandation du Comité des ministres du
Conseil de l'Europe, adoptée le 16 mars 1985, recommandait aux
gouvernements des Etats membres <<d' examiner la possibilité de
lever l' obligation de secret imposée aux titulaires de certaines pro-
fessions en vue de leur permettre de révéler ... tous renseignements
concernant des affaires de violence au sein de la famille>> (sub II, 8;
voy. Frédéric KRENC, <<L'action du Conseil de l'Europe et les pro-
tections offertes par la Convention européenne des droits de
l'homme dans le domaine de la violence conjugale>>, in La violence
conjugale, op. cit., p. 135). Même si cette directive n'a pas été tra-
duite en textes de loi pour la violence conjugale, il reste que le pra-
ticien pourrait valablement invoquer l' état de nécessité, ainsi que
l' obligation contenue dans l' article 30 du Code d'instruction crimi-
126 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

nelle de porter à la connaissance du procureur du Roi un attentat


contre la vie d'un individu, voire la loi du 6 janvier 1961 sur la non-
assistance à personne en danger.
171. Il a été jugé que me viole pas le secret professionnel le
médecin-directeur d'un institut psychiatrique qui donne au notaire
chargé de la liquidation d'une succession des renseignements au
sujet de l'état mental d'une personne qui est en traitement dans la
section ouverte de son établissement, alors que cette personne est
intéressée à cette succession en qualité d'héritier et que le notaire
se préoccupe du point de savoir s'il n'y a pas lieu de la faire pour-
voir d'un conseil judiciaire, de faire déclarer son interdiction ou de
provoquer sa collocation (Bruxelles, 3 janvier 1972, Pas., 1972, Il,
p. 56).
172. L' article 33 du Code de déontologie médicale, tel qu'il a été
modifié le 15 avril 2000 par le Conseil national de l'Ordre des méde-
cins, trad uit les conceptions du corps médical : « Le médecin commu-
nique à temps au patient le diagnostic et le pronostic; ceci vaut éga-
lement pour un pronostic grave, voire f atal. Lars de l 'information, le
médecin tient compte de l 'aptitude du patient à la recevoir et de l 'éten-
due de l 'information que celui-ci souhaite.
En tout cas, le médecin assure le patient d 'un traitement et d 'un
accompagnement ultérieurs adéquats. Le médecin y associe les proches
du patient, à mains que ce dernier ne s 'y oppose. A la demande du
patient, il contacte les personnes que celui-ci a désignées » ( voy. le
commentaire du Dr I. UYTTENDAELE, Bulletin du Oonseil national
de l'Ordre des médecins, n° 88, juin 2000, p. 3).
173. Depuis lors, la loi du 22 août 2002 relative aux droits du
patient, entrée en vigueur le 6 octobre 2002, a consacré le droit du
malade à être directement informé sur son état de santé (voy. le
commentaire de la loi par Yves-Henri LELEUX, Journ. trib., 2003,
p. 649).
L' article 7, § 1er dispose, en effet, que «le patient a droit, de la part
du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent
et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et
son évolution probable». Aux termes du paragraphe 2 de l'article 7,
cette communication doit se dérouler «dans une langue claire» ( ... )
et «compréhensible », lit-on dans l' exposé des motifs de la loi, le
patient pouvant demander que les informations soient confirmées
LES DIFFÉRENTS CON FLITS DE VALEURS 127

par écrit ou encore communiquées «à la personne de confiance qu 'il


a désignée» (Doe. parl., Chambre, sess. 2001-2002, 50-1642, 1,
p. 20).
Il faut entendre par <<praticien professionnel», au sens de la loi :
<<le praticien visé à l 'arrêté royal n ° 78 du 10 novembre 196 7 relatif
à l 'exercice des professions des soins de santé, à savoir les médecins,
dentistes, pharmaciens, sages-Jemmes, kinésithérapeutes, praticiens de
l 'art infirmier et autre paramédicaux, ainsi que le praticien profes-
sionnel ayant une pratique non conventionnelle, telle que visée dans
la loi du 29 avril 1999 relative aux pratiques non conventionnelles
dans les domaines de l 'art médical, de l 'art pharmaceutique, de la
kinésithérapie, de l 'art infirmier et des professions paramédicales >>
(art. 2, 3°).
Le médecin a l' obligation de déférer à la volonté du patient, << à
moins que la non-communication de ces informations ne cause
manifestement un grave préjudice à la santé de tiers, par exemple
en cas de maladie contagieuse. Dans ce cas, la communication des
informations au patient est subordonnée à la consultation préalable
d'un autre praticien à ce sujet et après l' audition de la personne de
confiance éventuellement désignée (art. 7, §3).
La loi a encore prévu que « les informations ne sant pas fournies
au patient si celui-ci en formule expressément la demande », consa-
crant ainsi le droit du patient de ne pas être informé sur son état
de santé.
Enfin, le législateur a consacré la faculté prévue par le Code de
déontologie médicale <<de tenir compte de l'aptitude du patient à
recevoir» les informations sur son état de santé. En effet, la loi dis-
pose que le praticien peut, à titre exceptionnel, ne pas divulguer les
informations au patient «si la communication de celles-ci risque de
causer manifestement un préjudice grave à la santé du patient et à
condition que le praticien ait consulté un autre praticien
professionnel>> (art. 7, §4). Cependant, dès que cesse le risque du pré-
judice grave, l'obligation de communication est à nouveau en
vigueur.
174. Concernant le barreau, la Cour de cassation a considéré que
l'article 458 du Code pénal ne s'oppose pas à ce qu'un avocat com-
munique au procureur du Roi ou au juge d'instruction, à !'occasion
de la défense des intérêts de son client, des informations reçues du
128 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

précédent conseil du même client et relatives à la gestion des inté-


rêts qui lui avaient été confiée, même si de telles informations sont
données à un moment ou l'avocat a cessé d'être le conseil du client
commun (cass., 12 mars 1980, Pas., 1980, I, p. 858; cass., 10 mars
1982, Pas., 1982, I, p. 815; cass., 18 janvier 1984, Pas., 1984, I,
p. 528).
La Cour a confirmé, le 12 novembre 1997, dans un arrêt contro-
versé par une partie de la doctrine et critiqué dans des termes assez
inhabituels par un tribunal correctionnel, que <<1' article 458 du Code
pénal ne s' oppose pas à ce que le client, personne protégée par ledit
article, produise pour assurer sa défense en justice le courrier
échangé avec son conseil (cass. 12 novembre 1997, Journ. trib.,
1998, p. 361, et la note de Pierre LAMBERT: <<La mise en question
du secret de l'avocat)>; Rev. dr. pén., 1998, p. 586; J.L.M.B., 1998,
p. 5, et la note critique de Roger RASIR: <<Une défaite pour le secret
professionnel»; or, l'auteur écrit lui-même: << ... si le secret profes-
sionnel a pour fondement le droit de défense, peut-on refuser à un
client de se servir des lettres de son conseil pour assurer sa propre
défense? )) ).
La Cour de cassation a jugé qu' <<en écartant des débats les lettres
échangées avec son précédent conseil, que le prévenu a déposées, au
motif que ces lettres qui portent sur sa défense devant le premier
juge sont couvertes par le secret professionnel devant garantir la
confidentialité des rapports entre le client et son conseil et que cette
garantie qui se rattache à l' ordre public dépasse l'intérêt privé du
client qui ne (pourrait) dès lors pas disposer de ces lettres, la cour
d' appel a violé le texte légal et le principe général du respect des
droits de la défense)>. En effet, si l'on admet que l'obligation au
secret professionnel est destinée à protéger le client et non le prati-
cien, il y aurait une véritable perversion de la notion de secret pro-
fessionnel à prétendre imposer le silence à celui que la loi veut pré-
cisément protéger (contra: corr. Bruxelles, 20 février 1998, Journ.
trib., 1998, p. 361; Journ. proc., 6 mars 1998, et les observations de
Yvon HANNEQUART et critiques de Pierre LAMBERT, J.L.M.B.,
1998, p. 802).
La Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt
du 18 mai 1982, en cause A.M.S. c. la Commission européenne avait
déjà jugé que «le principe de confidentialité ne saurait faire obstacle
LES DIFFÉRENTS CON FLITS DE VALEURS 129

à ce que le client révèle la correspondance échangée avec son avo-


cat, s'il l'estime conforme à son intérêt>> (voy. infra, n° 416).
La cour d'appel de Gand a jugé, de la même manière, que l'article
458 du Code pénal n'empêche pas davantage le client de faire état
de la correspondance échangée entre l' avocat de la partie ad verse et
son propre avocat, dans la mesure oû elle lui a été nécessairement
transmise par ce dernier (Gand, 16 décembre 1998, Rev. dr. jud.,
1999, p. 270; voy. égalt civ. Bruxelles, 9 janvier 2002, Journ. trib.,
2002, p. 692).
175. La question se pose de savoir si le praticien peut révéler les
secrets dont il est le dépositaire, au conjoint et aux parents proches.
Si l' on devait s'en tenir à la conception d'un secret professionnel
absolu, fondé sur l' ordre public, chaque fois qu'un médecin informe
l' entourage familial du malade, il commettrait une infraction
pénale.
Or, il a été unanimement admis, avant même la loi du 22 août
2002, que l'intérêt du patient autorise le médecin à informer ses
proches. La pratique montre que le médecin révèle l' affection dont
souffre le malade avec son autorisation expresse ou tacite, ne serait-
ce qu' en raison des soins que nécessite la maladie.

D. - L 'intérêt du confident

a. Le principe

176. Les personnes tenues au secret professionnel sont-elles auto-


risées, en vue de défendre leurs droits ou leur honorabilité, à révéler
ce qu' elles ont appris dans l' exercice de leur profession?
Précisons qu'il ne faut pas confondre le cas du praticien dont la
responsabilité est mise en cause injustement, et qui pourrait rétablir
la vérité en se dégageant du secret professionnel, avec celui du pra-
ticien poursuivi pour son silence même, parce qu'il se refuse à trahir
le secret dont il est le dépositaire. Cela s' est produit pendant la
Deuxième Guerre mondiale, lorsque les médecins se sont vu repro-
cher de n' avoir pas révélé aux autorités d' occupation le lieu de la
retraite des résistants blessés auxquels ils avaient dispensé leurs
soins, ou lorsque des avocats ont refusé, à la même époque, de
divulguer des renseignements reçus de clients poursuivis pour des
actes dirigés contre l' occupant. C' est l' honneur de ces professions
130 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

que leurs membres aient parfois payé de leur vie leur refus de violer
le secret professionnel.
Des situations analogues peuvent se présenter sous n'importe
quel régime totalitaire ou dans n'importe quelle période de troubles
graves. Cette question a été portée à l'ordre du jour d'une réunion
de l' International Law Association qui s' est tenue à Helsinki, en
1966. On s'est demandé si un médecin peut être contraint en temps
de guerre de dénoncer aux autorités de droit ou de fait, un malade
ou un blessé qui s'est confié à ses soins. Ou bien le médecin obéit à
l'occupant, dénonce son patient et est poursuivi par les autorités de
son pays à la fin des hostilités, ou bien il garde le secret et, s'il est
découvert, est condamné par un tribunal de guerre de l'ennemi
(Journ. trib., 1966, p. 419). L'héroïsme, en pareil cas, est un devoir,
écrivent Louis MELENNEC et Jean S1cARD (<<Le secret professionnel
et le médecin poursuivi>>, Gaz. Pal., 1974, 1, D, p. 85). En l'occur-
rence, le devoir patriotique et le devoir professionnel se rejoignent
pour s' opposer à une loi injuste.
177. L'obligation au secret ou le droit de parler se posent surtout
lorsque le praticien se voit contraint d' agir en justice pour obtenir
le paiement des honoraires relatifs à ses prestations, ou encore,
lorsqu'il entend protéger son honorabilité, sa dignité, voire sa
liberté, mises en cause à l' occasion d'une procédure en responsabi-
lité devant les tribunaux civils ou correctionnels.
Il ne paraît pas possible d'invoquer pour chacune de ces occasions
une prétendue légitime défense alors que le péril imminent auquel
se réfère l'article 416 du Code pénal, fait défaut. La Cour de cassa-
tion estime qu'il n'y a <<nécessité actuelle de la légitime défense>> de
soi-même ou d'autrui selon les termes de l'article 416 du Code pénal,
que si l' attaque est imminente sans qu'il soit nécessaire qu' elle soit
réalisée (cass., 26 janvier 1959, Pas., 1959, I, p. 526). En outre,
seule la légitime défense de la personne est une cause de
justification: celle-ci ne s'étend pas à la défense des choses ou des
droits sur les choses (cass., 28 juin 1938, Pas., 1938, 1, p. 232).
Enfin, il faut relever que l'article 416 ne concerne que l'homicide,
les blessures et les coups.
L' appel à la notion de l' << état de nécessité >> pourrait être plus
déterminant si l' on estime que la contrainte morale est telle que le
praticien ne peut sauvegarder autrement, devant un mal grave et
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 131

imminent, les intérêts qu'il a Ie devoir ou qu'il est en droit de sau-


vegarder avant tous les autres (cass., 17 novembre 1975, Pas., 1976,
I, p. 330). Il est parfaitement erroné d'affirmer, écrit Charles VAN
REEPINGHEN, que dans la nécessité ou Ie médecin se trouve de se
justifier dans les procès en responsabilité qu'il doit soutenir, il
puisse faire fi de la règle morale du secret, (<<Le secret professionnel
du médecim, Journ. trib., 1950, p. 441, n° IX et Rev. dr. pén., 1955-
1956, p. 85, n° IX).
178. La légitime défense, la provocation ou la nécessité de défen-
dre son honneur et celui de la profession, ne sont plus guère présen-
tés aujourd'hui pour constituer Ie fondement juridique de la déro-
gation au secret professionnel. La doctrine évoque plutöt Ie droit à
un procès équitable que consacre la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, et plus particuliè-
rement Ie principe général des droits de la défense. L' on fait valoir
qu'il serait choquant qu'une partie au procès puisse révéler ce qui
lui con vient et que l' autre soit contrainte au silence absolu, ce qui
serait injuste et immoral, Ie combat judiciaire se déroulant ainsi à
armes inégales : une partie tenue au secret et l' autre invoquant à
son profit et selon ses seules convenances, les faits ayant un carac-
tère confidentie!.
Aucune des théories traditionnelles n' est cependant pleinement
satisfaisante car elles ne peuvent s' appliquer à toutes les hypothèses
pouvant se présenter. Si elles sont en mesure de justifier la défense
à une action en responsabilité, aucune d'elles ne donne un fonde-
ment valable à l'action en paiement d'honoraires. Ce fondement
réside en réalité dans la conscience sociale qui admet que Ie secret
professionnel puisse s'effacer si Ie praticien est amené à faire valoir
ses droits. Cette conscience n' est autre que l' admission d'une hiérar-
chie de valeurs.
179. Cependant, s'il est admissible de considérer que les droits du
praticien ont une prééminence sur les valeurs que protège Ie secret
professionnel, les révélations ne sont justifiées que dans la mesure
nécessaire à la défense de ces droits. <<La légitimité d'une demande,
écrivait déjà Hémar en 1869, ne justifie pas les excès dont elle est
accompagnée; aussi les détails scandaleux ou déshonorants donnés
sans nécessité peuvent rendre la révélation scandaleuse ... >> (HÉ MAR,
Le secret médical, Soc. méd. lég., 1869, t. I, p. 157).
132 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Il s' agit, ici encore, de l' application de la théorie des conflits de


valeurs, tempérée par la notion de proportionnalité.

b. La mise en cause de la responsabilité du confident


180. La mise en cause, de plus en plus fréquente, de la respon-
sabilité professionnelle expose le praticien à être poursuivi devant
les tribunaux civils comme devant les juridictions pénales, dans des
actions tendant soit au paiement de dommages et intérêts, soit à
l' entendre déclarer coupable d'infractions. En pareille circonstance,
le praticien peut-il faire état pour sa défense de faits normalement
couverts par le secret professionnel et peut-on considérer que les
droits de la défense ont la primauté sur l' obligation au secret?
La question est vivement controversée. Elle oppose les partisans
d'une thèse absolutiste à ceux d'une thèse relativiste.
L'idée ancienne selon laquelle le secret professionnel est absolu a
conduit pendant longtemps les auteurs à considérer qu'il est interdit
au praticien d'indiquer, pour sa défense, des faits dont il n' a eu con-
naissance que parce qu'il en a reçu la confidence ou en a fait la
consta_tation dans l'exercice de sa profession. <<L'intérêt du médecin
lui-même ne légitime nullement une dérogation au secret médical, si
héroïque que puisse devenir son silence>>, écrivait René Savatier il
n'y a guère. Il ajoutait en note: <<Le médecin ne peut légitimement
forfaire au secret médical pour échapper lui-même à une
responsabilité>> (René SAVATIER, Jean-Marie AuBY, Jean SAVATIER,
Henri PEGUIGNOT (Dr.), Traité de droit médical, Lib. techn., Paris,
1956, p. 306).
181. Cette conception est abandonnée tant par la jurisprudence
que par la doctrine qui donnent la prééminence aux droits de la
défense. Le secret professionnel ne peut mettre hors d' état de se
défendre la personne assignée en justice pour faute professionnelle
et sa violation se justifie aussi par l'éventualité des poursuites péna-
les que pourrait encourir Ie détenteur du secret (voy. Robert VouIN,
Droit pénal spécial., Précis Dalloz, 5e éd. par Michèle La ure RAS-
SART, Paris, 1983, p. 348). Après avoir indiqué qu'il y aurait certai-
nement une violation condamnable du secret professionnel si Ie pra-
ticien agissait publiquement, par la voie de la presse, en publiant un
article divulguant des choses sur lesquelles il doit observer Ie secret,
André Vitu ajoute : «Il en irait autrement si Ie praticien, attaqué en
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 133

justice, n'a d'autre moyen d'assurer sa défense qu'en révélant des


faits connus par l' exercice antérieur de la profession; ici, la notion
de liberté de la défense est pleinement justifiée, à la fois pour per-
mettre au praticien injustement attaqué de riposter aux allégations
de son adversaire, et pour laver la profession entière des soupçons
qui prendraient naissance dans !'attitude d'un de ses membres,>
(Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, Droit pénal
spécial, Cujas, Paris, 1982, p. 1634).
La doctrine belge la plus autorisée, en matière de droit médical,
admet que si un médecin est injustement accusé d'un crime ou d'un
délit, et même si sa responsabilité civile se trouve seule engagée,
l' obligation au silence se heurte au principe supérieur des droits de
la défense et ce dernier principe doit prévaloir (Xavier RYCKMANS
et Régine MEERT-VAN DE PuT, Les droits et obligations des médecins,
Larcier, 2e éd., t. I, Bruxelles, n° 205). Cette thèse est aujourd'hui
admise par la jurisprudence, la Cour de cassation considérant que
l' article 458 du Code pénal ne s' applique pas dans la mesure ou le
dépositaire d'un secret professionnel est appelé à se défendre en jus-
tice (voy. cass. 5 février 1985, Pas., 1985, I, p. 670; voy égalt
Bruxelles, le 26 octobre 1960, Journ. trib., 1961, p. 316; Bruxelles,
15 septembre 1993, R. W., 1995, p. 850; corr. Bruxelles, 29 mars
2001 - jugement dont il n'a pas été relevé appel - on notera que le
tribunal a précisé que «l' avocat doit cependant veiller à ne dévoiler
des confidences que dans les limites strictement nécessaires à sa
défense - Journ. trib., 2002, p. 620, note de Pierre LAMBERT, <•Le
secret professionnel de l' avocat et les conflits de valeurs>>).
182. Il va sans dire que l'obligation de respecter le secret profes-
sionnel ne peut être invoquée pour éviter de devoir répondre de ses
propres fautes (voy. cass., 23 septembre 1986, Pas., 1987, I, p. 89;
cass., 18 juin 1992, Journ. trib., 1993, p. 106).

c. L'action en paiement d'honoraires


183. La doctrine et la jurisprudence, même récentes, sont sou-
vent incertaines en ce qui concerne le devoir de secret professionnel
lors d'une action en paiement d'honoraires.
Des auteurs, bien que partisans résolus du secret professionnel
absolu, ont vivement combattu l'idée qu'un médecin doive renoncer
à poursuivre devant les tribunaux le recouvrement de ses honoraires
134 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

contre un patient qui refuserait de payer parce que le praticien


s'exposerait ainsi à faire connaître la nature de la maladie de son
client. <<Arrière tant de scrupules, écrit le Docteur Dambre; à cha-
cun son devoir, à tenir ses engagements et à acquitter ses
obligations; sous prétexte de délicatesse, rendre une profession dupe
de l'avare ingratitude de ceux à qui elle profite, je ne saurais le
comprendre. J' engage fortement mes confrères à fermer l' oreille à
toute exploitation déguisée, à défendre leurs intérêts et à soutenir
leurs droits avec autant de fermeté qu'ils mettent de loyauté à
observer la parole engagée>> (A. DAMBRE (Dr.), Traité de médecine
légale et de jurisprudence de la médecine, Manceaux, 2e éd., Bruxel-
les, 1878, p. 112).
A !'inverse, une telle action ne peut être la justification de divul-
gations, écrit Charles Van Reepinghen (Charles VAN REEPINGHEN,
<<Le secret professionnel du médecin>>, Journ. trib., 1950, p. 444,
n° IX). Cette thèse est reprise également par Xavier Ryckmans et
Régine Meert pour qui l' opinion contraire paraît incompatible avec
les exigences du secret professionnel, l'intérêt pécuniaire du médecin
non plus qu'une autorisation tacite présumée, ne pouvant délier le
praticien de son obligation (Xavier RYCKMANS et Régine MEERT-
VAN DE PUT, op. cit., n° 204).
184. Un jugement du tribunal civil d' Audernarde, rendu le 11
février 1898 a considéré que <me viole pas le secret professionnel, le
médecin qui, au cours d'un procès contre les héritiers d'un client, en
règlement de ses honoraires, révèle sur la sommation de ses adver-
saires, la maladie dont est mort son client>> (Pas., 1902, 111, p. 194).
Le tribunal releva cependant que la nature de la maladie du défunt
n'était enveloppée d'aucun secret, qu'elle était connue de ses héri-
tiers, en sorte que Ie médecin n' avait donc pu leur révéler aucun
secret. En outre, les héritiers avaient, au cours de la procédure,
sommé Ie médecin de présenter un état indiquant la nature de la
maladie, en sorte qu'en satisfaisant à cette sommation, Ie médecin
n' avait fait que suivre les héritiers sur le terrain qu'ils avaient eux-
mêmes choisi, le praticien étant dans l' alternative ou de perdre son
procès ou d' articuler des faits que les héritiers connaissaient, du
reste, déjà.
Un jugement rendu Ie 28 mars 1900 par le tribunal civil de
Bruxelles a estimé qu'un médecin, pour obtenir le paiement de ses
honoraires, a Ie droit de s' adresser au père de la personne qu'il a soi-
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 135

gnée, puisque celle-ci était encore mineure à cette époque et avait


quitté la Belgique, mais qu'il ne pouvait, sans violer le secret pro-
fessionnel, révéler au père la nature de la maladie dont avait souf-
fert la patiente>> (Pas., 1900, III, p. 300 - Le sommaire publié à la
Pasicrisie ne correspond pas parfaitement au texte du jugement).
La cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt rendu le 24 mars
1905 était allée plus loin. Devant le premier juge, le médecin qui
avait introduit une action en paiement de ses honoraires contre la
légataire universelle de son client, s'était refusé à lui donner, en
invoquant son obligation de respecter le secret professionnel, les
éclaircissements qu'elle demandait en vue d'obtenir la justification
des honoraires réclamés. La cour considéra que, ce faisant, la léga-
taire universelle autorisait implicitement la révélation d'un secret
dont le défunt était le maître, en sorte qu'il ne s' agissait pas de la
révélation indiscrète faite à des tiers, prévue par la loi pénale, mais
d'une révélation provoquée dans une instance judiciaire et justifiée
par les nécessités légales de la défense de l'une des parties. En con-
séquence, la cour ordonna au médecin, en vue d'établir le bien-
fondé de sa demande, de produire les éléments nécessaires pour que
la légataire universelle puisse apprécier les honoraires qui lui étaient
réclamés et de lui faire connaître notamment quels soins avaient été
donnés au de cujus (Belg. jud., 1905, col. 530). La motivation de eet
arrêt est assurément critiquable en ce qu'il considère que la léga-
taire universelle n'est pas un tiers par rapport au médecin et à son
malade; il n'en reste pas moins que la cour donne la prééminence
aux droits de la défense sur l' obligation au secret professionnel.
185. Pour préserver, dans une certaine mesure, le secret profes-
sionnel, le Code judiciaire a prévu, en ce qui concerne le recouvre-
ment des honoraires dus à un avocat, que <isi l'affaire est portée
devant le tribunal, elle est traitée en audience publique, à mains que
les parties ne demandent (d'un) commun accord qu 'elle soit traitée en
chambre du conseil ». «En outre, le tribunal peut, à la requête de la
partie la plus diligente, ordonner par décision motivée que l 'affaire
sera traitée en chambre du conseil pendant la totalité ou une partie
de la procédure, dans l 'intérêt de la moralité ou de l 'ordre public, lors-
que les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des par-
ties au procès l 'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire
par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales, la publicité
serail de nature à porter atteinte aux intérêts de l 'administration de
136 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

la justice» (art. 459, §3, tel qu'il a été modifié par l'article 3, 2° de
la loi du 19 novembre 1992). Ce texte reprend quasi textuellement
celui de l'article 6, 1°, in fine de la Convention européenne des
droits de l'homme.

E. - L 'intérét d 'un tiers


186. Le secret professionnel peut parfois être levé dans l'intérêt
d'un tiers. De nombreux auteurs, particulièrement au XIX" siècle,
se sont interrogés sur la conduite à tenir pour les confidents, parti-
culièrement les médecins, lorsqu'ils sont consultés sur l'état de santé
ou la position de leurs clients à propos de mariages projetés ou
encore lorsqu'un innocent risque d'être condamné. Dans la première
des hypothèses évoquées, la doctrine médicale enseignait générale-
ment que le médecin doit garder un silence absolu sur tout ce qu'il
ne connaît qu' en raison de la confiance qui lui a été accordée. Char-
les Van Reepinghen partage la même opinion; il écrit que ce serait
un grand péril d' abandonner la loi du secret en lui opposant des
opportunités familiales; le médecin n'est ni un policier, ni un agent
de renseignements matrimoniaux (Charles VAN REEPINGHEN, <iLe
secret professionnel du médecim, Journ. trib., 1950, p. 441,
sub. XII).
L' autre cas de conscience sou vent évoqué par les auteurs réside
dans le conflit entre le secret professionnel et une obligation morale
qui pousse le praticien à éviter une erreur judiciaire ou à empêcher
qu'un crime ne soit commis. La doctrine médicale enseigne généra-
lement que le médecin devrait cependant observer la loi du silence,
au risque même de laisser condamner un innocent (P. BROUARDEL,
Le secret médical, Librairie Baillière, 28 éd., Paris, 1893, p. 171).
Dans le cas oû la justice égarée aurait frappé un innocent, écrit
Muteau, que devraient faire les personnes soumises au secret profes-
sionnel et auxquelles le vrai coupable se serait confié? Empêcher
une erreur judiciaire est pour tout citoyen un devoir de conscience
aussi étroit, aussi impérieux assurément que la dénonciation des cri-
mes et délits. La seule chose qui doive préoccuper dans cette hypo-
thèse le confident nécessaire, c'est la crainte de compromettre l'inté-
rêt de cel ui qui a suivi sa foi; il évitera aisément ce danger en
prenant bien soin surtout de ne j amais faire connaître, à l' appui de
cette déclaration, aucun nom, aucune circonstance pouvant amener
la découverte de son secret (MUTEAU, Du secret professionnel, de son
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 137

étendue et de la responsabilité qu 'il entraîne, Paris, Maresq 1870,


p. 180).

187. On peut se demander, lorsqu'un médecin constate une mala-


die contagieuse ou une maladie vénérienne, s'il continue à être tenu
par le secret professionnel ou, au contraire, s'il a encore le droit de
garder le silence, particulièrement envers le conjoint, alors qu'il
pourrait empêcher la transmission de la maladie. Sans doute le
médecin tentera-t-il d' obtenir que le malade avoue lui-même l' affec-
tion dont il est atteint, mais quelle sera l' attitude à adopter en pré-
sence d'un refus catégorique? Les auteurs enseignent le plus sou-
vent << qu' aucune considération morale, aucun danger de
contamination ne peuvent sublever le médecin de son obligation au
silence>> (Achille MARÉCHAL, <<Le secret professionnel médical», Rev.
dr. pén., 1955-1956, p. 58; voy aussi Xavier RE YCKMANS et Régine
MEERT-VAN DE PuT, <<Les droits et les obligations des médecins>>,
Larcier, Bruxelles, 1972, 2e éd., n° 178). C'est ainsi qu'il a été jugé
qu' à défaut d' autorisation expresse, le silence s'impose au médecin
dans le cas de <<maladies secrètes>> ou de grossesse illégitime (Liège,
16 février 1949, Pas., 1949, 111, p. 92; il est vrai qu'en l'occurrence,
il s'agissait d'une révélation à !'occasion d'une procédure en
divorce).
En revanche, la révélation est quelquefois imposée au médecin
aliéniste qui engagerait sa responsabilité en s' abstenant de prévenir
l' entourage des dangers susceptibles de résulter pour les tiers de
l'évolution de l'état d'un malade mental après que celui-ci eût
quitté la maison de santé (Aix-en-Provence, 18 janvier 1962,
J.C.P., II, n° 12.892, et la note de R. SAVATIER; voy. dans un cas
de mise sous conseil judiciaire: civ. Bruxelles, 16 mai 1960, Journ.
trib., p. 705, obs.).
Les errements et les hésitations de la doctrine traduisent
!'absence d'un critère permettant de définir la ligne de conduite à
adopter. Celle-ci ne peut résider que dans l' appréciation de la hié-
rarchie des valeurs en cause. Il appartient au praticien concerné -
et après lui, éventuellement, au juge saisi du délit - d' apprécier si
la révélation peut être justifiée par des motifs tenant à l'état de
nécessité, à la force irrésistible ou à la contrainte morale. Et ceci
dépendra essentiellement des circonstances propres à chaque cas; il
n'en est pas autrement lorsqu'il s' agit d' apprécier les causes
d' excuse de tout autre délit institué par la loi pénale.
138 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

F. - La protection de la vie privée


et les écoutes téléphoniques
188. Si les nécessités de la répression des crimes et délits justi-
fient le recours à des écoutes et des enregistrements téléphoniques,
elles sont cependant de nature à porter gravement atteinte à la vie
privée et au secret professionnel, ainsi que l' a relevé à plusieurs
reprises la Cour européenne des droits de l'homme (voy. Cour eur.
dr. h., Huvig et Kruslin c. la France, 24 avril 1990, Journ. trib.,
1990, p. 749, et la note de Pierre LAMBERT: <<Les écoutes
téléphoniques>>; Dimitri YERNAULT, <<De la fiction à la réalité: le
programme d'espionnage électronique global 'Echelon' et la respon-
sabilité internationale des Etats au regard de la Convention euro-
péenne des droits de l'homme», Rev. b. dr. int., 2000, p. 137; du
même auteur: <<Echelon et l'Europe: la protection de la vie privée
face à l'espionnage des communications>>, Journ. trib. dr. euro.,
2000, p. 187; A. c. la France, 23 novembre 1993; en l'occurrence, il
s' agissait d'un enregistrement opéré clandestinement par un parti-
culier avec le concours d'un fonctionnaire de police, Rev. trim. dr.
h., 1994, p. 575, et la note de Patrick WACHSMANN: <<Les écoutes
téléphoniques>>; voy. égalt Joëlle LEP AGE et Emilie WATY, <<Ecoutes
téléphoniques et protection européenne des droits de l'homme: le
système 'Echelon'>>, Rev. Jac. dr. Lg, 2004, p. 280; Louis PETTITI,
<<Les écoutes téléphoniques en Europe>>, Gaz. Pal., 22-23 mai 1981,
p. 2; voy. aussi Cour sup. de just. Grand-Duché du Luxembourg,
2 février 1980, Journ. trib., 1980, p. 489).
189. La Cour européenne a relevé particulièrement le danger de
l'écoute téléphonique d'un cabinet d'avocats. Certes, a-t-elle cons-
taté dans un arrêt Klass et autres c. l'Allemagne du 6 septembre
1978, les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours
par des formes très complexes d'espionnage et par le terrorisme, de
sorte que l'Etat doit être capable, pour combattre efficacement ces
menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur
son territoire. Elle conclut dès lors qu'il faut admettre, devant une
si tuation exceptionnelle, l' existence de dispositions législati ves
accordant des pouvoirs de surveillance secrète nécessaire dans une
société démocratique à la sécurité nationale, à la défense de l' ordre
et à la prévention des infractions. Cependant, a-t-elle souligné,
l'Etat ne dispose pas pour autant d'une latitude illimitée pour assu-
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 139

jettir les personnes à des mesures de surveillance secrète (§§48-50 de


l' arrêt).
Dix ans plus tard, la Cour européenne fut appelée à examiner la
conformité à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme de
la mise sur écoute des lignes téléphoniques d'un cabinet suisse
d' avocats. A cette occasion, elle a rappelé, dans son arrêt Klopp c.
la Suisse du 25 mars 1998 que les appels téléphoniques en prove-
nance et à destination de locaux professionnels comme ceux d'un
cabinet d' avocats peuvent se trouver compris dans les notions de
<<vie privée>> et de <<correspondance>> visées à l'article 8, 1° de la Con-
vention de sauvegarde et que toute interception des communica-
tions téléphoniques doit être prévue par une loi suffisamment claire,
<<prévisible dans ses conséquences>> (§§50 et 57 de l'arrêt) ...
d' autant que l' on se situe dans le domaine délicat de la confidenti-
alité des relations entre un avocat et ses clients, lesquelles touchent
directement les droits de la défense (§§73 et 74 de l'arrêt; Journ.
trib., 17 avril 1998, obs. F.J.).
190. Quand le législateur a adopté la loi du 30 juin 1994 relative
à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de con-
naissance et l'enregistrement de communications et de télécommu-
nications privées, il a ménagé des dispositions particulières de
nature à protéger le secret professionnel de deux des plus impor-
tants praticiens concernés, les médecins et les avocats, lorsque le
juge d'instruction envisage, à titre exceptionnel eu égard aux néces-
sités de l'instruction, d'écouter et enregistrer, pendant leur trans-
mission, des communications privées (art. 90ter, §ler de la loi).
Un article 90ter acties a ainsi été inséré dans le Code d'instruction
criminelle libellé de la manière suivante: «La mesure ne pourra por-
ter sur les locaux utilisés à des Jins professionnelles, la résidence ou
les moyens de communication ou de télécommunication d 'un avocat ou
d 'un médecin que si celui-ci est soupçonné d 'avoir commis une des
infractions visées à l 'article 90ter ou d 'y avoir participé, ou si des
faits précis laissent présumer que des tiers soupçonnés d 'avoir commis
une des infractions visées à l 'article 90ter, utilisent ses locaux, sa rési-
dence ou ses moyens de communication ou de télécommunication. La
mesure ne peut être exécutée sans que le batonnier ou le représentant
de l 'Ordre provincial des médecins, selon le cas, en soit averti. Ces
mêmes personnes seront informées par le juge d 'instruction des élé-
ments des communications ou télécommunications recueillies qu 'il
140 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

estime relever du secret professionnel et qui ne seront pas consignés au


procès-verbal conformément à l 'article 90sexies, troisième alinéa »
(voy. Henry D. BosLY et Damien VANDERMEERSCH, <<La loi belge
du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les
écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communica-
tions et de télécommunications privées ►>, Rev. dr. pén., 1995, p. 301;
L. HuYBRECHTS, <<Het gerechtelijk afluisteren in het Belgisch recht
na de nieuwe afluisterwet ►>, Panopticon, 1995, p. 41; Th. HENRION,
<<Les écoutes téléphoniques ►>, Journ. trib., 1995, p. 205; Damien
VANDERMEERSCH, <<Les modifications en matière de repérage et
d'écoute de (télé)communications introduites par la loi du 10 juin
1998; Rev. dr. pén., 1998, p. 1061; X. BAESELEN, <<A propos des
modifications apportées aux procédures de repérages et d' écoutes
téléphoniques et la nouvelle mesure d'identificatiom, Journ. proc.,
n° 8 354 et 355, pp. 16 et suiv.).
191. Saisi d'un recours en annulation, la Cour d'arbitrage a jugé,
dans son arrêt du 27 mars 1996, qu'était justifiée la différence de
traitement réservée aux seuls médecins et aux avocats qui sont fré-
quemment en rapport avec des suspects, entretiennent avec leur
client une relation de confiance que Ie législateur a jugé nécessaire
de protéger et qui, enfin, relèvent d'instances organisées par la loi
qui veillent au respect de la déontologie professionnelle. La Haute
juridiction constitutionnelle a jugé que Ie législateur a pu raisonna-
blement considérer que les restrictions prévues par l' article 90octies
sont nécessaires, eu égard à la nature des principes en cause, pour
que soient pleinement assurés les droits de défense et Ie droit au res-
pect de la vie privée dans ce qu'elle a de plus intime. Elle a ajouté:
<< De ce que !' article 458 du Code pénal protégeant Ie secret profes-
sionnel est applicable à d' au tres personnes que les médecins et les
avocats, il ne s'ensuit pas que les articles 10 et 11 de la Constitution
exigent que ces autres personnes bénéficient des garanties particu-
lières nécessaires pour sauvegarder les valeurs qui sont en jeu
lorsqu'interviennent les médecins et les avocats ►> (voy. les considé-
rants B.2.3. et B.4. : arrêt n° 26/96, Rev. dr. pén., 1996, p. 1116;
R. W., 1996-1997, p. 427).
192. L'article 88bis nouveau du Code d'instruction criminelle
(inséré par l'article 5 de la loi du 10 juin 1998 modifiant la loi du
30 juin 1994) dispose que: <<Toute personne qui, du chef de sa fonc-
LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS 141

tion, a connaissance de la mesure (de repérage de télécommunica-


tions, de localisation de l' origine, ou de la destination de télécom-
munications nécessaires à la manifestation de la vérité) au y prête
son concours, est tenue de garder le secret. Toute violation du secret
est punie conformément à l 'article 458 du Code pénal » (§2, al. 2).
Il en est de même lorsque le juge d'instruction a ordonné une
recherche dans un système informatique ou une partie de celui-ci,
en exécution des articles 88ter et quater nouveaux du Code d'ins-
truction criminelle (insérés par les articles 8 et 9 de la loi du
28 novembre 2000, plus particulièrement le §4 de l' article 88quater
nouveau).
Les membres, les experts et le personnel de la Commission de la
protection de la vie privée, créée par la loi du 8 décembre 1992 rela-
tive à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de
données à caractère personnel, << sant tenus d 'une obligation de confi-
dentialité à l 'égard des faits, actes au renseignements dont ils ont eu
connaissance en raison de leurs fonctions» (art. 33). La violation de
cette obligation est punie d'une amende de 200 à 10.000 francs
(art. 37).
Il ressort de l'exposé des motifs du projet de loi que la sévérité
de la disposition pénale est justifiée par la nature particulière de
l'infraction qui touche à la protection d'un droit fondamental de la
personne. Ces dispositions pénales ont été mises en concordance
avec les dispositions similaires figurant dans la loi relative à la ban-
que-carrefour de la sécurité sociale (Doe. parl., Chambre, sess. 1990-
1991, 1610/1).
L' obligation de confidentialité est imposée sans préjudice de la
disposition qui prévoit que «sauf si la loi en dispose autrement, la
Oommission dénonce au procureur du Rai les infractions dont elle a
connaissance» (art. 32, §2). En outre, la Commission est déliée de
son obligation de confidentialité lors de la rédaction de son rapport
annuel aux Chambres sur ses activités. L'exposé des motifs du pro-
jet de loi énonce qu' <<il va de soi qu 'elle devra faire preuve de réserve
et de discrétion et éviter que soient divulguées des identités de plai-
gnants au de contrevenants de façon préjudiciable pour les intéressés »
(Pasin., 1992, p. 2435).
193. Il importe de relever que la Cour européenne des droits de
l'homme a jugé que des données recueillies et mémorisées dans des
142 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

fichiers tenus par les pouvoirs publics, d'une manière systématique,


peuvent relever de la vie privée dont le respect est garanti par
l' article 8 de la Convention de sauvegarde. Si dans une société
démocratique, l' existence de services de renseignements peut s' avé-
rer légitime, le pouvoir de surveiller en secret les citoyens n' est tolé-
rable que dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde des
institutions démocratiques. Pour être compatibles avec la Conven-
tion européenne des droits de l'homme, les systèmes de surveillance
secrète doivent contenir des garanties établies par la loi et applica-
bles aux services concernés (arrêt Rotaru c. la Roumanie du 4 mai
2000, §59, note d'Olivier DE SCHUTTER, << Vie privée et protection de
!'individu vis-à-vis des traitements de données à caractère
personnel», Rev. trim. dr. h., 2001, p. 137; voy. égalt François
RIGAUX, <<La protection de la vie privée et des autres biens de la
personnalité>>, Bruxelles/Paris, Bruylant/L.G.D.J., 1990).

SECTION 4. ~ LE SECRET PARTAGÉ

194. Il con vient tout d' abord de signaler ce que l' expression secret
partagé peut avoir de sémantiquement discutable. Pour le juriste,
partager ne veut pas dire détenir en commun, mais au contraire ne
plus détenir en commun et faire cesser une détention indivise,
laquelle impose l'indisponibilité de tout pour un seul; c'est pourquoi
l' expression secret collectif serait préférable; elle n' est cependant pas
usuelle (LAPORTE, <<Le secret partagé, solution au problème du
secret médical en matière sociale>>, Rev. aide sociale, 1959, p. 14, cité
par Louis KoRNPROBST, Georges JuLLIEN et André MATHIAS, Les
auxiliaires médicaux, Masson, Paris, 1966, p. 143).
L'expression de <<secret partagé>> est devenue habituelle, sa vogue
datant de travaux récents, dans lesquels des médecins ont cherché
à concilier le principe du secret dû au malade avec certaines néces-
sités nouvelles de la médecine sociale (René SAVATIER, Jean-Marie
AUBY, Jean SAVATIER et Henri PEQUIGNOT (Dr.), Traité de droit
médical, Lib. techn., Paris, 1956, p. 279). En réalité, relève René
Savatier, l'idée de partage du secret correspond à des situations très
anciennes : il en est ainsi chaque fois que le malade, maître du
secret, exprime implicitement ou explicitement sa volonté libre d'y
comprendre d' au tres personnes que le médecin traitant. Ce sont
d' abord les mem bres de sa famille; ce sont également les au tres
LES DIFFÉRENTS C0NFLITS DE VALEURS 143

médecins appelés occasionnellement à lui donner des soins ou à suc-


céder au médecin traitant qui se retire; ce sont également les tiers
dans l'intérêt desquels le patient a consenti à se faire examiner, afin
de les informer sur tel ou tel point de sa santé (René SAVATIER et
autres, op. cit., p. 279).
Les exemples ainsi présentés sont inégalement heureux, le secret
partagé n'étant concevable qu'avec d'autres professionnels tenus
également au secret, tels le spécialiste appelé en consultation, les
infirmiers et au tres auxiliaires médicaux. Ce n' est le cas ni des mem-
bres de la famille, ni de tous les tiers. Le secret ne saurait se par-
tager qu'avec les personnes tenues au même devoir et comportant
les mêmes sanctions juridiques.
195. C' est Louis Portes, dans une communication faite à l' Aca-
démie des sciences morales et politiques de France, le 5 juin 1950,
qui définit le plus clairement la place du secret dit <<partagé>> dans
le domaine médical. (La communication a été publiée dans le recueil
d' oouvres posthumes de Louis PoRTES, sous le titre: A la recherche
d'une éthique médicale, Masson et P.U.F., Paris, 1964, p. 151). On
entend par <<secret partagé>>, lit-on, le fait que tel médecin peut par-
tager son secret avec tout autre médecin <<habilité à en connaître>>,
mais sous la condition formelle que ce dernier soit rigoureusement
tenu au secret vis-à-vis de tous et sur tout ce qu'il a appris du fait
du secret. A ces deux conditions fondamentales, Portes ajoute deux
réserves: le médecin traitant ne doit transmettre au médecin
<<habilité à en connaître>> que les seuls renseignements qui sont
nécessaires à la fonction de ce dernier, et, en outre, cette communi-
cation ne peut être faite que si le malade, dûment informé, ne s'y
oppose pas (op. cit., p. 152).
La cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt du 26 octobre 1960
a jugé que la communication entre médecins traitants d'un même
patient, des constatations objectives de l'examen auquel ils ont pro-
cédé, ne peut constituer la violation du secret professionnel (Journ.
trib., 1961, p. 316). Les rapports et protocoles que les médecins
s' adressent ainsi entre eux, à des fins thérapeutiques, ne pourraient
cependant être produits en justice, par exemple, dans une action en
divorce (civ. Liège, 18 avril 1986, Jur. Liège, 1986, p. 418).
L'article 13 de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1976 relatif à
l' exercice des professions de soins de santé énonce que les praticiens
144 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

visés par Ie texte légal sont tenus «à la demande ou avec l 'accord du


patient, de communiquer à un autre praticien traitant désigné par ce
dernier pour poursuivre ou compléter soit le diagnostic, soit le traite-
ment, toutes les informations utiles et nécessaires d 'ordre médical ou
pharmaceutique le concernant». L'article 7, §2 de la loi du 6 avril
1995 a étendu la disposition aux kinésithérapeutes.
196. Même si l' expression de << secret partagé >> a fait florès, elle
doit être comprise dans des limites juridiquement acceptables, car
la révélation faite à une personne même tenue, elle aussi, au secret
professionnel demeure une révélation. Le principe des vases commu-
nicants - l'expression est empruntée à Pierre CHAMART, Journ. trib.,
1949, p. 61, sous la rubrique «Oorrespondance» - n'est en effet pas
applicable au secret professionnel.
Dans Ie respect du secret professionnel, ce qui importe, c' est
essentiellement la non-divulgation de !'information confidentielle
notamment vis-à-vis d'autres médecins qui ne sont pas appelés en
consultation ou invités à participer aux soins à donner au malade
(Gand, 12 avril 1965, Pas., 1965, II, p. 181). Adopter une attitude
inverse conduirait à terme à admettre l' existence de véritables
secrets de polichinelle qui circuleraient entre les personnes soumises
à l' article 458 du Code pénal.
Certes, les directeurs d' établissement de soins de santé, Ie person-
nel administratif de ceux-ci et toutes les autres personnes qui, en
raison de leur activité professionnelle dans ces établissements, doi-
vent nécessairement avoir connaissance de documents et renseigne-
ments couverts par Ie secret professionnel, sont également tenus par
ce secret. Il en est de même de toutes les personnes qui sont ame-
nées à intervenir dans Ie cadre de diverses instances de la sécurité
sociale en matière de soins de santé, notamment en vue du rem-
boursement des frais et de leur controle. Il reste que Ie secret médi-
eal ne saurait se partager qu'avec les personnes tenues au même
devoir de taire les confidences reçues, l' application de la théorie du
<<secret partagé>> supposant en outre que la divulgation de faits cou-
verts par Ie secret médical soit absolument indispensable à l'intérêt
du patient, censé avoir donné son accord implicite à eette divulga-
tion limitée au strict nécessaire (Bruxelles, 23 octobre 1990, Journ.
trib., 1991, p. 496).
LES DIFFÉRENTS CON FLITS DE VALEURS 145

Que devient le secret professionnel dans une psychothérapie de


groupe ou tout le monde s'intéresse au cas de tout le monde et par
conséquent soigne tout le monde, s' est demandé un praticien (Mar-
cel CoLIN, <<Secret professionnel et médecine moderne>>, Cahiers
Laënnec, septembre 1969, p. 41)? L'exercice de la médecine au sein
d'un groupe ou d'une équipe suscite des réflexions auxquelles la
théorie du secret partagé n' apporte pas toujours une réponse satis-
faisante (voy. sur cette question: Francine SouBIRAN, <<Quelques
réflexions suscitées par l'exercice de la médecine au sein d'un
groupe ou d'une équipe>>, J.C.P., 1976, I, D, n° 2830; Robert GRo-
SEMANS, << Le secret professionnel à l' hopital», Bull. inf. I nami, 1979 /
6, p. 333).
197. La théorie du secret <<partagé>> trouve également à s' appli-
quer dans le domaine disciplinaire et dans celui du controle des
prestations d'assurance sociale (voy. J. ROGGE, <<Le secret profes-
sionnel de l'assureur à l'égard des autres assureurs et des profession-
nels de l'assurance>>, Rev. dr. U LB, 2000, p. 217).
Le second cas ne soulève guère de difficultés en raison de l' accord
implicite que donne à la divulgation, l' assuré social soucieux d' obte-
nir les remboursements que !'organisme assureur mutualiste lui
accorde. Il con vient eependant de souligner que l' article 21 de
l' arrêté royal n° 35 du 20 juillet 1967 portant le stat ut et le barème
des médecins-eonseils chargés d' assurer auprès des organismes assu-
reurs le controle médical de l'incapacité primaire et des prestations
de santé en vertu de la loi relative à l' assuranee obligatoire soins de
santé et indemnités - coordonnée par l' arrêté royal du 14 juillet
1994 - << interdit au médecin-conseil d 'exposer aux autorités adminis-
tratives de son organisme assureur les considérations d 'ordre médical
qui motivent les décisions qu 'il prend ».
Un arrêt de la cour du travail de Mons du 16 janvier 1976 con-
sidère que des principes qui régissent le secret professionnel, il
résulte que les administrateurs des sociétés mutualistes ne peuvent
pas controler personnellement le bien-fondé des dépenses qui incom-
bent auxdites sociétés (Bull. inf. Inami, 1976, n° 4, p. 256, et l'avis
du 1er av. gén. STAMPE). Cependant, le résultat des examens aux-
quels les médecins-conseils et les médecins-inspecteurs des organis-
mes assureurs en matière de maladie-invalidité procèdent, peut être
communiqué aux commissions juridictionnelles (Comm. app.
A.M.I., 9 mars 1965, Rev. dr. soc., 1965, p. 326, et la note de Régine
146 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

MEERT; arrêt C.E. Louis, n° 11.909 du 24 juin 1966; arrêt C.E.


Houart, n° 12.241 du 24 février 1967).
Dans tous les cas, les communications sous le bénéfice du secret
<<partagé>>, quand elles sont admissibles, ne pourraient porter que
sur ce qu'exige légitimement l'institution des controles administra-
tifs ou disciplinaires.
C'est ainsi qu'il a été jugé que le médecin-conseil d'un organisme
assureur mutualiste est, comme tout médecin, tenu de respecter le
secret professionnel; il ne doit donner à l' organisme assureur qui
l' occupe que ses seules conclusions sur le plan administratif. Doit,
dès lors, être rejetée des débats parce qu'elle viole le secret profes-
sionnel, la lettre par laquelle le médecin-conseil d'un organisme
assureur mutualiste communique au médecin-conseil de l'assureur
d'un prévenu des renseignements relatifs au passé médical de la vic-
time (Bruxelles, 8 novembre 1973, Pas., 1974, II, p. 50; Journ. trib.,
1974, p. 138).
Le permier cas est plus délicat, le praticien étant appelé à fournir
à ses autorités disciplinaires des explications sur sa conduite. Cette
question a été examinée supra et nous nous permettons d'y ren-
voyer (voy. n° 8 118 et suiv.).
198. lndépendamment des domaines médical et disciplinaire,
force est de constater qu'à la fin des années 1980, la multiprofes-
sionnalité (ou multidisciplinarité) formalisée ou non a envahi les
esprits, visant essentiellement les relations avec les réviseurs
d'entreprises, les experts comptables et fiscaux ou encore les notai-
res ( voy. Edouard J AKHIAN, << Le secret professionnel et la
multiprofessionnalité ►>, communication inédite faite à Paris lors
d'une journée d'études des lnstituts des droits de l'homme des bar-
reaux de Bruxelles et de Paris, le 27 mai 1999; Marc WAGEMANS,
<<La multidisciplinarité en Belgique>> in Liber amicorum en l 'honneur
de Raymond Martin, éd. Bruylant/L.G.D.J., Bruxelles/Paris, 2004,
p. 259). Ces rapprochements posent incontestablement des questions
au regard du secret professionnel.
CHAPITRE IV
LES SANCTI ONS DE LA VIOLA TION
DU SECRET PROFESSIONNEL

199. De tout temps, la violation des secrets, confiés ou surpris,


a été justement l' objet de la réprobation. Aujourd'hui, le secret pro-
fessionnel peut engager la responsabilité de celui qui le révèle sous
trois formes: pénale, civile ou disciplinaire (S. RoussEL et P LAN-
DRY, <<La divulgation du secret professionnel», Journ. trib., 1999,
p. 696; Adrien MASSET, << Les sanctions de la violation du secret
professionnel» in Didace KIGANAHE et Yves PouLLET (dir.), Le
secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002, p. 65). La violation
du simple devoir de discrétion ne peut entraîner qu'une sanction
civile et disciplinaire, à l' exclusion de toute sanction pénale.
En incriminant de manière précise certaines violations du secret
professionnel, le Code pénal de 1810 réalisait une innovation puis-
que dans l' Ancien Droit, la discrétion était sans doute un devoir,
mais sa violation n'entraînait pas de sanctions pénales (Raymond
LEGEAIS, <<Violation du secret professionnel», J.C.P., 1972, n° 4).
Le choix par le législateur de la sanction pénale pour réprimer la
révélation de secrets est plus sévère que celui de la plupart des pays,
même si, à l' estime d' Adrien Masset, la peine d' emprisonnement
correctionnel retenue est d'un niveau particulièrement faible. Cer-
tains pays, tels la Grande Bretagne, l'Espagne et la N orvège ne
l' érigent pas en infraction, les indiscrétions ne justifiant que des
réparations civiles. D'autres pays, tels l'Allemagne, la Grèce, l'Ita-
lie, les Pays- Bas, la Suisse subordonnent l'intentement de l' action
publique au dépöt d'une plainte de la victime (voy. Pierre BouzAT,
<<La protection juridique du secret professionnel en droit pénal
comparé>>, Rev. sc. crim., 1950, p. 541; Jean CONSTANT, <<La protec-
tion du secret médical en droit pénal comparé>>, Rev. dr. pén., 1958-
1959, p. 3).
En matière civile, la violation du secret professionnel peut entraî-
ner l' obligation de réparer le dommage selon les règles de la respon-
sabilité quasi-délictuelle des articles 1382 et suivants du Code civil;
148 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

elle peut constituer également une cause de résolution d'un contrat


aux torts du confident, voire un motif grave de rupture dans
l'hypothèse d'un contrat de travail.
En droit processuel, la violation du secret professionnel peut
entraîner la nullité des poursuites ou le rejet des preuves, qu'il
s'agisse d'un document ou d'un témoignage produits au mépris du
secret (voy. Alain DE NAUW, <(Les règles d'exclusion relatives à la
preuve en procédure pénale belge, Rev. dr. pén., 1990, p. 795; Henry
D. BOSLY, ((La régularité de la preuve en matière pénale>>, Journ.
trib., 1992, p. 121; Ph. TRAEST, Het bewijs in strafzaken, Gand, Mys
& Breesch, 1992, spécialt pp. 282 et sui v.; B. CooPMAN et V. DAu-
GINET, <(Le secret professionnel et l'obtention irrégulière de la
preuve>>, Rev. dr. jud. et de la preuve, 1997, p. 127; Jean DUJARDIN,
<(De quelques aspects de l'évolution de la preuve en matière pénale>>,
Ann. Dr. Louvain, 2000, p. 145).

SECTION 1. - LES SANCTIONS PÉNALES

200. Le Code pénal de 1810 prévoyait des peines d'emprisonne-


ment de un à six mois et une amende de 100 à 500 francs. Le Code
de 1867 a réduit le minimum de la peine d'emprisonnement à huit
jours et maintenu le maximum ainsi que les taux de l'amende. Ce
taux de peine exclut, en cas de violation du secret professionnel, le
recours à la détention préventive dès l'instant ou la peine n' atteint
pas une année d'emprisonnement - à supposer qu'il n'y ait pas
d'infractions connexes remplissant les conditions requises (art. 16,
§ l '" de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive).
Un amendement du gouvern~ment tendant à élever considérable-
ment le montant de l'amende - car, selon son auteur, ce sont les
peines pécuniaires qui répriment le plus efficacement les révélations
indiscrètes - n' a pas été retenu par la commission de la J ustice de
la Chambrc des représentants lors des travaux préparatoires du
Code de 1867 (NYPELS, Législation criminelle, t. III, p. 272, n° 181,
citant le rapport fait au nom de la commission du gouvernement
par M. HAUS, p. 294, n° 87 et le rapport fait au nom de la commis-
sion de la Justice de la Chambre par M. LELIÈVRE).
Ultérieurement, lorsque dans de nombreux domaines particuliers,
le législateur a voulu sanctionner pénalement la violation de la con-
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL 149

fidentialité, soit il a renvoyé à l' article 458 du Code pénal et, par-
tant aux sanctions qu'il prévoit, soit il a prévu des peines spécifi-
ques souvent plus sévères. C'est le cas notamment de la loi du
12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, de la loi du
19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé, ainsi que
de la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseigne-
ments et de sécurité.
Le Code pénal n' a prévu, en l' occurrence, ni interdiction de droits
professionnels - sous la réserve du cas de la violation du secret fiscal
et de l' application d'une peine disciplinaire de suspension ou de
radiation ayant le même résultat - ni publication de la décision, à
titre de peines accessoires.

A. - Les éléments constitutifs du délit


201. La définition que l' article 458 du Code pénal donne de la
violation du secret professionnel fait apparaître explicitement l'exis-
tence de trois éléments constitutifs du délit : l' appartenance à un
état ou à une profession, la circonstance que le fait révélé a été
recueilli dans l' exercice de eet état ou de cette profession, et le fait
matériel de la révélation elle-même.
En revanche, le texte est peu explicite sur l' élément moral exigé,
ce qui explique l' évolution de la jurisprudence dans ce domaine.

a. L 'élément matériel

202. Tandis que certaines législations déterminent de mamere


précise la liste de ceux qui sont soumis au secret professionnel, notre
Code pénal après avoir énuméré ceux qui, d'une manière générale,
parti ei pent à l' art de guérir, complète cette énumération par la for-
mule générale: «toutes autres personnes dépositaires, par état ou par
profession, des secrets qu 'on leur confie >>. Ultérieurement, des légis-
lations particulières ont soumis expressément certaines personnes
au secret professionnel en se référant à l' article 458.
D'une manière générale, si beaucoup de professionnels ont un
devoir de discrétion, engageant éventuellement leur responsabilité
civile, ils ne peuvent être tous considérés comme dépositaires de
secrets par état ou par profession. La jurisprudence a ainsi dégagé
la notion de confident nécessaire aux actes duquel la loi, dans un hut
d'intérêt général et d' ordre public, a imprimé un caractère confiden-
150 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

tiel (voy. cass, 20 février 1905, Pas., 1905, I, p. 141, et les concl. du
procureur général JANSSENS). Il faut bien reconnaître cependant
que la détermination de la qualité de confident nécessaire peut
apparaître comme étant très incertaine et parfois arbitraire.
L' expression de confidents nécessaires que l' on trou ve pour la pre-
mière fois sous la plume de Muteau, a fait fortune dans la doctrine
et dans la jurisprudence. Elle ne satisfait qu' à moitié car elle a le
tort de ne pas mettre assez en relief l' élément de profession qui est,
cependant, essentie! pour l'incrimination légale de la révélation du
confident. Toutes les personnes visées par l' article 458 sont des con-
fidents nécessaires, mais tous les confidents nécessaires ne sont pas
visés par l'article 458. Une personne peut, dans telle circonstance
facile à imaginer, devenir un confident nécessaire, sans se trouver,
pour autant soumis à l' application de l' article 458 dès lors que ce
n' est pas son état ou sa profession qui a déterminé la confidence ou
la découverte du secret. Pour être un confident punissable pénale-
ment, il faut que la connaissance du secret provienne de l' exercice
même de la profession (voy. cass. 20 février 1905, Pas., 1905, I,
p. 141, et les concl. du procureur général JANSSENS).
203. Le Code pénal ne vise que les secrets confiés à certaines per-
sonnes en raison de leur état ou de leur profession. Il ne concerne
pas les circonstances étrangères aux révélations qui ont pu être fai-
tes ou les révélations reçues en tant que particuliers (NYPELS, Légis-
lation criminelle en Belgique, op. cit., t. III, p. 295, n° 87 et p. 597,
n° 45, citant les rapports fait au nom des commissions de la Justice
de la Chambre ou du Sénat par MM. LELIÈVRE et FoRGEUR, sur le
projet de loi contenant le Code pénal de 1867).
En effet, les informations veriues à la connaissance du profession-
nel, même à l' occasion de l' exercice de sa profession, mais étrangè-
res à eet exercice, ne sauraient être couvertes par le secret profes-
sionnel. La loi n' a entendu, en effet, punir que la violation des
secrets nécessaires : la divulgation d'un secret confié à une personne
qui n' est pas astreinte par son état ou sa profession à l' obligation
de se taire, constitue une action immorale, mais non un délit
(D. DALLOZ, aîné, Répertoire de législation, de doctrine et de jurispru-
dence, t. 39, éd. Bureau de jur. gén., v 0 <<Révélation de secrets ►>,
p. 476, n° 7).
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL 151

204. La loi n' a pas défini ce qu' est un secret et la notion peut
être parfois délicate à cerner.
Le secret se définit en général comme un fait qui n'est pas connu,
sauf du confident, et qui doit demeurer caché. L'interprétation du
texte pénal est cependant plus large : les tribunaux considèrent en
effet, à juste titre, que les faits qui ne sont connus du public que
dans une mesure fragmentaire ou d'une manière douteuse, ne peu-
vent être révélés et que le praticien ne peut, en les confirmant, leur
donner un caractère de certitude ou les faire connaître avec plus de
précisions (Charles MuTEAU, Du secret professionnel, de son étendue
et de la responsabilité qu'il entraîne, Maresq, Paris, 1870, p. 193,
n° 20). /
205. En dehors des confidences proprement dites, il est d' au tres
faits couverts par le secret professionnel et dont la loi punit la révé-
lation. Certains auteurs et certaines décisions judiciaires, partant
des termes qu'on «leur confie» contenus dans l'article 458, ont pensé
que le secret professionnel ne concernait que les confidences reçues.
Cette conception n'est plus admise aujourd'hui: selon la jurispru-
dence actuelle, le secret professionnel est entendu comme traduisant
une obligation générale qui ne couvre pas seulement les secrets con-
fiés par le client, mais aussi ceux que Ie praticien surprend ou
découvre dans l'exercice de sa profession.
206. Pour être punissable, la révélation doit être effective, la ten-
tative de révélation ne constituant pas un délit, en l' absence de dis-
position spéciale de la loi (Robert Vourn et Michèle-Laure RASSAT,
Droit pénal spécial, Paris, Précis Dalloz, 5e éd., 1983, p. 345, n° 250;
Raymond LEGEAIS, <<Violation du secret professionnel, J.C.P., 1992,
n° 267). La révélation doit revêtir, en outre, un minimum de préci-
s10n.
Cela étant, sa forme importe peu, qu'elle soit orale ou écrite, posi-
tive ou résultant d'un acquiescement à des questions précises, totale
ou partielle ou encore faite à tout un public ou à une seule per-
sonne.
Il peut suffire que la révélation soit indirecte pour que l'infrac-
tion de violation du secret professionnel soit établie. Ainsi Ie méde-
cin spécialiste pourrait encourir une sanction pénale en révélant le
nom d'un de ses patients, ce qui pourrait révéler la nature de
l' affection dont il souffre.
152 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

L'éventualité d'un préjudice dans le chef de la personne qui s'est


confiée n' est pas requise pour l' existence du délit, car ce n' est pas
uniquement cette éventualité qui constitue le fondement de l'obli-
gation au secret, mais l'intérêt général (corr. Liège, 27 octobre 1938,
Pas., 1939, II, p. 45; Pand. pér., 1939, p. 158, n° 63; Rev. dr. pén.,
1939, p. 324; Ing.-Cons., 1939, p. 87).
207. De même, la loi n' exige aucune condition particulière de
publicité : si retreinte qu' ait été cette publicité, le délit de révélation
de secret existera quoique la confidence n' ait été dévoilée qu' à une
seule personne, même sous le sceau du secret. En effet, révéler à une
seule personne, c'est déjà révéler. Rejeter cette règle, ce serait per-
mettre des révélations sans fin et il y aurait pour le confident, dans
cette conception, un moyen commode de tourner la loi; la personne
qui recevrait de lui la communication du secret n' étant pas soumise
à l' empire du texte pénal, elle pourrait se livrer à l' aise à toute
espèce d'indiscrétions (cass. fr., 21 novembre 1874, Sirey, 1875, I,
p. 89; voy. Victor DEMARLE, De l'obligation au secret professionnel,
thèse de l'Université de Dijon, Nouvellet, Lyon, 1900, p. 62).
208. La loi réprime également, cela va sans dire, la complicité
dans l' exécution de l'infraction. Ainsi tombe sous le coup de l' article
458, l'éditeur responsable d'un journal qui révélerait au public un
fait confidentie!. La jurisprudence en a donné des exemples dont le
plus fameux est assurément l' éditeur du j ournal Le M atin qui
publia la lettre du docteur Watelet (voy. cass. fr., crim., 19 décem-
bre 1885, Sirey, 1886, I, p. 176, et la note; Dall. pér., 1886, I,
p. 347, et la note; voy. aussi cass. fr., req., 25 janvier 1968, J.C.P.,
1968, IV, p. 35 et Dall. pér., 1968, J., p. 153, et le rapport du con-
seiller COSTA).
Il a été jugé de même qu'était considéré comme co-auteur un pré-
venu qui avait amené par dons ou promesses, le greffier d'un juge
d'instruction à le tenir au courant de toute la procédure dirigée con-
tre lui (cass. fr., crim., 9 juillet 1886, Sirey, 1886, 1, p. 487 et Dall.
pér., 1886, 1, p. 475, cité par J. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit.,
p. 345, n° 16).
Il a été également jugé que se rend coupable de complicité par
provocation de délit de violation du secret professionnel, le médecin
d'une compagnie d'assurances qui, usant de l'autorité morale que
lui confère sa qualité, obtient d'une infirmière la communication du
8ANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PR0FESSIONNEL 153

dossier médical de la victime d'un accident et après en avoir pris


connaissance, utilise les éléments de ce dossier pour révéler à la
compagnie d' assurances Ie passé médical de la victime (trib. gr. inst.
Lyon, 7 décembre 1971., Dall., 1972, p. 609, et la note de Cl.-
J. BERR et H. GRONTEL).
Il s' agit, dans chacun de ces cas, d'une simple application des dis-
positions générales des articles 66 et 67 du Code pénal relatifs à la
participation de plusieurs personnes au même crime ou délit.

b. L'élément moral
209. La violation du secret professionnel n' est punissable que si
elle est intentionnelle, aucun dol spécial n'est requis et Ie mobile est
indifférent (cass. 14 juin 1965, Pas., 1965, 1, p. 1102 et cass. 26 sep-
tembre 1966, Pas., 1967, 1, p. 89). Commise par négligence ou à la
suite d'une imprudence, elle ne serait pas pénalement punissable et
ne pourrait donner lieu qu' à l' octroi de dommages-intérêts à titre de
sanction civile (corr. Huy, 25 mai 1934, Jur. Lg, 1934, p. 224 et
Rev. dr. pén.,1934, p. 1063 - N.B.: la première partie du sommaire
publié ne correspond pas parfaitement au contenu du jugement;
voy. égalt cass., 14 décembre 1970, Pas., 1971, 1, p. 353).
Il était généralement admis au XIXe siècle que le délit supposait
l'intention de nuire et de porter atteinte à autrui (voy. nott. CHAU-
VEAU et HÉLIE, annoté par Nypels, op. cit., t. II, n° 3135). Cette
thèse s' appuyait sur la circonstance que la violation du secret pro-
fessionnel se trouvait placée dans Ie Code pénal après les disposi-
tions relatives à la calomnie et à l'injure pour lesquelles l'intention
de nuire est requise. La thèse était conforme aux règles générales de
la loi pénale, la volonté, considérée comme élément d'un délit,
reprenant essentiellement l'intention de nuire.
Cette conception ancienne a été totalement abandonnée : elle con-
fondait, en effet, l'intention et Ie mobile. Le mobile de la révélation
importe peu, en effet, qu'il s' agisse de la méchanceté, de la cupidité,
du simple désir d'éblouir, d'une plaisanterie, du désir d'éviter un
scandale ou de couper court à des bruits calomnieux (corr. Liège,
27 octobre 1938, Pas., 1939, 111, p. 45; Pand. pér., 1939, p. 158,
n° 63; Rev. dr. pén., 1938, p. 324 et Ing. Gons., 1939, p. 87; cass.,
26 septembre 1966, Pas., 1967, 1, p. 89 et Rev. dr. pén., 1966-1967,
p. 301 et les concl. de l'avocat général CüLARD).
154 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Les travaux préparatoires de l'article 378 du Code pénal de 1810


montrent que le législateur avait voulu atteindre non seulement les
révélations méchantes, mais aussi la divulgation simplement indis-
crète. Le délit existait dès que la révélation avait été faite avec con-
naissance, indépendamment de toute intention spéciale de nuire. Il
a été clairement précisé, au cours des travaux préparatoires du Code
pénal de 1867 que de délit de violation du secret professionnel sup-
pose un dol consistant, comme dans nombre d' au tres crimes ou
délits, dans la volonté de l' agent de commettre une action dont il
connaît la criminalité, c' est-à-dire de révéler le secret qui lui a été
confié, sachant que cette révélation était prohibée par la loi pénale,
quelle que soit d' ailleurs l'intention ou le but dans lequel la confi-
dence a été violée. Le dessein de nuire ou de se procurer des profits
illicites n' est donc pas nécessaire pour l' existence de ce délit, qui
comprend les révélations inspirées par la cupidité ou la méchanceté
et le dessein de diffamer. Les arguments que l' on fait valoir à
l'appui de la thèse contraire ne sont d'aucune valeun (NYPELS,
Législation criminelle de la Belique, t. II, p. 397, n° 45, citant le rap-
port fait au nom de la commission de la Justice du Sénat par
M. FORGEUR).
210. Mais il ne faudrait pas tirer de la conception, aujourd'hui
unanimement admise, des conséquences excessives et soutenir que
la révélation du secret professionnel est un délit non intentionnel.
Sans doute, la révélation n' est pas punissable lorsqu' on ne peut
reprocher au dépositaire une simple négligence, une faute involon-
taire, ou encore un fait inconscient de communication. L' on cite
souvent l'exemple du médecin qui, ayant dressé une note
d' «observations » relative à un de ses malades, commettrait l'impru-
dence de laisser eet écrit ou un tiers pourrait en prendre
connaissance; le médecin ne serait pas pénalement punissable, mais
uniquement passible de dommages-intérêts pour réparer le préjudice
causé par sa négligence.
Cependant, l'intention délictuelle existe dès que la révélation est
faite avec connaissance, dès que le dépositaire du secret révèle celui-
ci sciemment, ayant conscience de communiquer une confidence
reçue ou qu'il a connue dans l'exercice de sa profession. Celui qui a
conscience de révéler un secret ne peut pas être considéré comme
n' ayant pas l'intention de le révéler, sauf les cas exceptionnels des
causes de justification (Cour sup. just. Luxembourg, 20 janvier
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PR0FESSIONNEL 155

1893, Belg. jud., 1893, col. 1222). L'élément moral requis par l'arti-
cle 458 du Code ·pénal est la volonté consciente de révéler un secret
professionnel (Bruxelles, ch. mis. acc., 12 mars 1992, Rev. dr. pén.,
1993, p. 457, obs.).
La révélation intentionnelle ne doit donc pas être confondue avec
l'intention de nuire qui est le dessein de porter atteinte aux droits
et aux intérêts d' au trui qu'il s' agisse de particuliers ou de personnes
publiques.
En outre, l' existence d'un préjudice dans le chef de la personne
qui s' est confiée n' est pas requis.

B. - Les eaus es de justification


211. Indépendamment des cas expressément prévus par le texte
même des articles 458 et 458bis du Code pénal - le témoignage en
justice, la révélation prescrite par la loi et la maltraitance sur un
mineur - ou d' au tres dispositions légales ultérieures, il existe un
grand nombre de causes de justification ou d'excuse: les unes pro-
pres au secret professionnel, les autres générales à tous les crimes et
délits. Ces dernières font partie de l'étude du Droit pénal et concer-
nent la légitime défense, la contrainte morale, l'état de nécessité, la
force irrésistible, l' erreur invincible. La Cour de cassation a admis
qu' elles puissent s' appliquer au secret professionnel, en jugeant que
si le mobile du révélateur du secret est indifférent, il pourrait cepen-
dant être justifié s'il s'était trouvé en état de légitime défense ou s'il
avait agi en état de nécessité (cass., 26 septembre 1966, Pas., 1967,
I, p. 89; il faut relever que le sommaire de l' arrêt publié à la Pasi-
crisie ne reprend malheureusement pas cette partie du 2e attendu de
l'arrêt, malgré son importance indéniable).

SECTION 2. - LES SANCTIONS CIVILES

212. La violation du secret professionnel étant constitutive d'un


délit, peut naturellement entraîner, par application de l' article 1382
du Code civil, la responsabilité civile de son auteur envers celui à '
qui elle causerait un préjudice (voy. cass. 10 avril 1970, Pas., 1970,
I, p. 682 et 25 octobre 1990, Rev. crit. jur. b., 1992, p. 493, et la
note de Roger 0. DALCQ, <<Restrictions à l'immunité de responsabi-
lité de l'agent d'exécution»). La responsabilité envers la victime
156 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

pèse à la fois sur celui qui viole le secret et sur celui qui en provoque
la violation.
Même si l'intention coupable requise pour constituer le délit fai-
sait défaut et si la révélation du secret résultait d'une imprudence
ou d'une négligence, la responsabilité civile de l' auteur de l'impru-
dence ou de la négligence pourrait être engagée soit sur une base
contractuelle soit sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Il en va de même pour ceux qui sont tenus non au secret profes-
sionnel proprement dit, mais à un simple devoir de discrétion.
Indépendamment des dommages-intérêts qui peuvent être accor-
dés à la victime d'une révélation indiscrète, qu'elle soit volontaire
ou résulte d'une imprudence, la violation du secret professionnel
constitue dans un contrat de travail, une faute d'une gravité excep-
tionnelle qui justifie le renvoi pour motif grave (trib. trav. Namur,
22 mai 1978, Pas., 1979, III, p. 28; en l'espèce, il s'agissait d'une
auxiliaire médicale; voy. en ce qui concerne les centres publics
d'aide sociale, les articles 22 pour les mandataires, et 51 et suiv.
pour les membres du personnel, de la loi organique).

SECTlON 3. - LES SANCTlONS DISCIPLINAIRES

213. Indépendamment des sanctions pénales et civiles qui peu-


vent frapper la révélation de secrets professionnels, l' auteur de celle-
ci peut également encourir, en outre, une sanction disciplinaire. En
effet, le domaine de la faute professionnelle est plus large que le
domaine de la faute pénale. Le Code judiciaire a d' ailleurs affirmé
expressément, en son article 417, l'indépendance de l' action discipli-
naire et de l' action publique.
214. Une controverse est née au sujet de la légalité de poursuites
disciplinaires du chef de révélation de secrets en justice.
La déontologie enseigne fréquemment qu' appelé à témoigner en
justice, le praticien doit se retrancher derrière le secret profession-
nel, et qu' à peine de commettre une faute passible de sanctions dis-
ciplinaires, il ne peut déontologiquement témoigner sur des faits qui
lui ont été révélés dans l'exercice de sa profession (Charles VAN
REEPINGHEN, ((Le secret professionnel du médecin ►>, Journ. trib.,
1950, p. 441, sub V, et Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 85, sub V; voy.
aussi Informations professionnelles (du barreau de Bruxelles), avril
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PR0FESSIONNEL 157

1970, p. 148. Le conseil de l'Ordre du barreau de Bruxelles a décidé,


Ie 14 octobre 1980, que l'avocat ne peut déposer en justice, sans
mettre en péril Ie secret professionnel, même sur une circonstance
purement matérielle à laquelle il a été mêlé à l' occasion de l' exercice
du mandat de défense qui lui a été confié, Lett. bát., octobre 1980,
pp. 58 et 63; voy. Marc W AGEMANS, Recueil des règles professionnel-
les, éd. 2003, mise à jour par Yves ÜSCHINSKY, n° 220, al. 2).
Des magistrats éminents ont combattu eet enseignement: Achille
Maréchal et, après lui, Robert Legros soutiennent que <<si les auto-
rités disciplinaires médicales et les codes de déontologie profession-
nelle peuvent sanctionner disciplinairement des fautes que la loi ne
frappe pas, ils n'ont pas Ie pouvoir d'entrer en conflit avec la loi.
Ainsi, celle-ci autorisant Ie médecin à révéler Ie secret professionnel
quand il est témoin en justice, nul ne peut lui interdire d'user de
cette permission. Toute sanction disciplinaire qui frapperait un pra-
ticien ayant fait usage de l'autorisation en question serait illégale ►>
(Achille MARÉCHAL, <<Le secret professionnel médical ►> Rev. dr. pén.,
1955-1956, p. 867). Pour Robert Legros, <<commettre une faute,
c'est faire ce qui est défendu, ou ne pas faire ce qui est ordonné; or,
ici la loi permet. La poursuite disciplinaire serait donc illégale. On
ne commet pas de faute, même disciplinaire, écrit-il, quand on agit
conformément à la loi. Et on ne saurait concevoir une faute disci-
plinaire en l' absence de faute pénale que dans un domaine non régi
par la loi ►> (Robert LEGROS, <<Considérations sur Ie secret médicaL>,
Rev. dr. pén., 1957-1958, p. 867).
215. Cette thèse se méprend sur la portée du pouvoir disciplinaire
et réglementaire des ordres professionnels. Les obligations que les
règlements de déontologie formulent peuvent aller jusqu' à restrein-
dre l' exercice des libertés du professionnel, pour autant que ces res-
trictions puissent s' autoriser des nécessités de la pratique de la pro-
fession et de son exercice correct (voy. Cons. Etat, arrêt Fédération
royale des associations belges d'ingénieurs, n° 16.204 du 18 janvier
1974; voy. aussi cass. 10 avril 1979, Pas., 1979, I, p. 948).
Le Code pénal laisse au praticien la liberté de décider, en cons-
cience, s'il révélera à la justice des secrets qui lui ont été confiés
dans l' exercice de sa profession. Les ordres professionnels n' excè-
dent aucunement leurs pouvoirs en édictant des règlements qui res-
treignent cette liberté, pour autant qu'ils se fondent sur des consi-
dérations tirées des nécessités de l'exercice de la profession. Il n'en
158 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

irait autrement que si la loi imposait une obligation positive au


praticien; bien au contraire, la loi ne formule, en l' occurrence,
aucune règle de conduite et se contente d'énoncer que la révélation
du secret professionnel en justice n'est pas pénalement punissable.
Telle est bien la conception du Code judiciaire dont l' article 929
donne au juge le pouvoir d'apprécier les motifs légitimes de dispense
invoqués par un témoin, au premier rang desquels figure le secret
professionnel. <<Le controle qui appartient au juge, lit-on dans le
Rapport sur la réforme judiciaire (op. cit., p. 348), ne se conçoit
qu' exercé avec une grande réserve car la vérification du caractère
secret de l'objet de la déposition pourrait n'être possible sans une
ingérence que l' on prétend précisément interdire>>. Et il est ajouté :
<<De toute manière le texte du projet n'empiète en rien sur les règles
qu'il appartient aux membres des professions organisées de respec-
ter et sur les pouvoirs souverains des autorités disciplinaires qui les
régissent>>. Les règles que ces autorités édictent se superposent à cel-
les fixées par la loi; elles ne sont entachées d' excès de pou voir que
si elles excèdent les limites de la compétence attribuée aux autorités
disciplinaires ou si elles sont contraires à la loi, ce qui n'est pas le
cas en l' occurrence.
216. Une forumule nuancée a été défendue par le batonnier
Pierre Legros qui écrit que l'intervention éventuelle des autorités
disciplinaires ne sera pas seulement fonction de la révélation d'un
secret pour (le praticien) appelé à témoigner en justice mais dépen-
dra de l' appréciation des éléments de la cause, compte tenu, in con-
creto, des circonstances dans lesquelles (il) se trouvait placé au
moment de la révélation (Pierre LEGROS, <<Les conséquences disci-
plinaires de la révélation du secret par l'avocat appelé à témoigner
en justice>> in Mélanges offerts à Robert Legras, éd. de l'Université
de Bruxelles, 1985, p. 351).

SECTION 4. - LES SANCTIONS DE PROCÉDURE

217. C'est un principe général de droit qu'une preuve doit être


rejetée des débats en justice quand elle provient d'une origine
délictueuse; la procédure fondée sur un tel moyen de preuve doit
être considérée comme illégale: les tribunaux ne peuvent, en effet,
asseoir leur décision sur des éléments qui résultent d'une infraction
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PR0FESSIONNEL 159

ou <<si la preuve en a été obtenue à la suite d'un acte punissable ou


de toute autre manière irrégulière soit de la part de l' autorité char-
gée de la recherche, de la constatation et des poursuites, soit de la
part du dénonciateur ►> (cass. 14 février 2001, Journ. trib., 2001,
p. 593). Dans eet arrêt, la Cour de cassation a considéré que
<<toutefois le juge peut refuser d'écarter une preuve recueillie à la
suite d'un acte illicite lorsque le tiers, par l'intermédiaire de qui
cette preuve parvient aux enquêteurs, est lui-même étranger à tout
acte illicite>>. En l' occurrence, il s' agissait de la communication de
divers documents transmis à la gendarmerie par une personne
étrangère à la violation du secret professionnel commise par des
membres d'un conseil provincial de l'Ordre des médecins (voy. égalt
Bruxelles, 9 juin 1999, Bull. ass., 1999, p. 655).
C' est ainsi qu'une preuve résultant d'une écoute téléphonique
opérée au mépris des conditions légales ne pourrait être admise
(Liège, ch. mise. acc., 22 septembre 1988, Pas., 1989, II, p. 47, et
le réquisitoire du substitut du procureur général Renaut ainsi que
la note signée P.M.; civ. Bruxelles, 9 janvier 1990, Rev. gén. ar. civ.
1990, p. 246).
Il en est de même de la production, lors d'une demande en
divorce, de documents relatifs à l'état de santé du conjoint (Liège,
9 octobre 2000, J.L.M.B., 2002, p. 628, note THIELEN et Rev. trim.
dr. fam., 2002, p. 680; voy. égalt Mons, 17 février 2004, J.L.M.B.,
2004, p. 1677).
Par contre, des pièces ayant un caractère confidentie! peuvent
être invoquées dans une procédure civile pour autant qu' elles aient
été acquises de manière légitime et qu' elles ne constituent pas une
violation du secret professionnel (Gand, 19 décembre 2002, Niew.
jur. weekbl., 2003, p. 459).
Ces règles ont toujours été admises en jurisprudence et n'ont
guère été contestées par la doctrine. Elles sont applicables à la
matière du secret professionnel même si sa violation ne constitue
pas nécessairement une infraction pénale (cass., 4 mai 1953, Pas.,
1953, I, p. 673; Journ. trib., 1953, p. 445 et Rev. dr. pén., 1952-1953,
p. 1003, obs.; Gand, 24 juin 1963, R.G.A.R., 1964, n° 7342 et R. W.,
1963-1964, col. 1128; Bruxelles, 13 octobre 1964, Pas., 1965, Il,
p. 239; cass., 14 juin 1965, Pas., 1965, I, p. 1102 et Rev. dr. pén.,
1965-1966, p. 361; cass. 26 septembre 1966, Rev. dr. pén., 1966-
1967, p. 301, et les concl. de l'avocat général CoLARD, et Pas., 1987,
160 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

1, p. 89; civ. Bruxelles, 28 avril 1967, Pas., 1968, 111, p. 20; cass.
29 mai 1986, Pas., 1986, 1, p. 1194; R. W. 1985-1986, col. 1027;
Bruxelles, 16 mars 1988, Journ. trib., 1988, p. 589, et la note d'Oli-
vier KLEES qui attire l' attention sur la distinction entre la nullité
de l'action publique et la nullité des poursuites que la cour a
prononcée; corr. Bruxelles, 14 février 1991, J.L.M.B., 1992, p. 61).
Il a été jugé que l' action publique demeure recevable lorsque la
violation du secret professionnel n' a aucune incidence sur la preuve
des faits reprochés au prévenu, la preuve de l'illégalité des poursui-
tes ne pouvant être étendues aux préventions reposant sur des preu-
ves indépendantes de la violation du secret professionnel (Bruxelles,
23 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 232).
218. Il ne peut dès lors être tenu compte d'un rapport d'expertise
établi sur la base de documents et de renseignements couverts par
le secret professionnel et qui ne seraient parvenus à l' expert qu' à la
suite d'une violation de ce secret (cass. 4 mai 1953, Pas., 1953, 1,
p. 673; civ. Bruxelles, 11 mars 1969, Pas., 1969, 111, p. 132, Journ.
trib., 1969, p. 334 et R W., 1968-1969, col. 1515).
Des cotisations fiscales doivent être annulées lorsque la commu-
nication à l' administration des contributions directes, des données
sur lesquelles elles sont assises, constitue une violation du secret
professionnel de l' a vocat auquel elles ont été confiées par le contri-
buable, en vue de sa défense dans une affaire correctionnelle (Gand,
13 mai 1977, Journ. dr. fisc., septembre-octobre 1977, p. 286).
Par contre, des poursuites pénales ont été jugées recevables con-
cernant des faits révélés à l'autorité judiciaire par un praticien lié
par le secret professionnel, celui-ci ne s' étendant pas à des faits qui
lui sont étrangers en raison de leur illégalité, mais encore directe-
ment contraires à l'exercice de la profession considérée et à ses fins
légitimes : l' affaire concernait le fait d' avoir établi de fausses ordon-
nances médicales (Bruxelles, 7 novembre 1991, J.L.M.B., 1992,
p. 446 - L' arrêt réformait le jugement du tribunal correctionnel de
Bruxelles, rendu le 14 février 1991, J.L.M.B., 1992, p. 61).
Des poursuites pénales ont également été déclarées recevables
alors qu' elles étaient fondées sur une violation du secret profession-
nel <<mais <lont les circonstances de fait de la cause révélaient que
cette violation s' était limitée au strict nécessaire pour éviter un mal
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PROFESSlONNEL 161

objectivement inacceptable>> (corr. Charleroi, 25 mars 1997,


J.L.M.B., 1997, p. 1167).
219. La question de la nullité des poursuites s'est posée, à plu-
sieurs reprises, devant les tribunaux à l' occasion de poursuites du
chef d'avortement avant sa dépénalisation. Les cours et tribunaux,
et plus particulièrement la Cour de cassation, ont unanimement
considéré que lorsque de telles poursuites sont fondées uniquement
sur des éléments de preuve recueillis en suite d'une violation du
secret professionnel, cette violation vicie les poursuites à l' égard,
non seulement de la femme qui s'était confiée au médecin, mais éga-
lement de la personne qui l'a fait avorter (cass., 23 avril 1956, Pas.,
1956, I, p. 887, et la note; cass., 29 octobre 1962, Pas, 1963, I,
p. 272; cass., 14 juin 1965, Pas., 1965, I, p. 1102; Journ. trib., 1965,
p. 486; ce dernier arrêt a rejeté le pourvoi introduit par le procureur
général contre l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, rendu le
30 novembre 1963 qui avait lui-même confirmé un jugement du tri-
bunal correctionnel de Charleroi, rendu le 16 mai 1963, Journ. trib.,
1963, p. 472; voy. égalt Gand, ch. mises en acc., 5 janvier 1971,
R. W., 1970-1971, col. 1714, et le réquisitoire du procureur général
J. MATTHIJS; cass., 5 février 1985, Journ. proc., 22 mars 1985,
p. 28).
220. Les tribunaux ont également été appelés à se demander si
les pièces du dossier qui concernent la prise de sang et les consta-
tations médicales effectuées en application de l' arrêté royal du
10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin opéré à la suite d'un
accident de la circulation, devaient être écartées des débats
lorsqu'elles sont faites par le médecin traitant du prévenu. L'on
sait, d'un autre cöté, que le médecin qui donne les premiers soins à
la victime de pareil accident doit être considéré comme le médecin
traitant personnel du blessé et est tenu comme tel au secret profes-
sionnel (cass., 19 mai 1982, Jur. Lg., 1983, p. 1, et la note de
F. PIEDBOEUF; voy. infra n° 227).
Des cours et tribunaux ont jugé que les informations que ces
médecins fournissent au sujet de l' état physique du patient -
notamment en état d' ébriété - doivent être rejetés des dé bats, car
il est contraire à l' ordre public que le médecin traitant soit requis
par la gendarmerie et procède à la prise de sang, à des constatations
ou aux analyses sanguines (corr. Bruxelles, 27 décembre 1958,
162 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

R. W., 1958-1959, col. 1719; Rev. dr. pén., 1958-1959, p. 1013, et la


note critique, l' auteur de cette note considérant que le médecin qui
a porté secours à la victime a certainement le droit de se retrancher
derrière le secret professionnel, mais n'y est pas tenu en sorte
qu' appelé à témoigner en justice, il fait un témoignage valable s'il
se résout à parler; voy. également civ. Bruxelles, 7 novembre 1968,
Pas., 1969, III, p. 61; trib. pol. Namur, 27 février 1981, R.G.A.R.,
1982, n° 10.542; trib. pol. Huy, 17 mai 1982, Jur. Lg.; 1982, p. 324
et Liège, 1er février 1983, Jur. Lg., 1983, p. 166; corr. Bruxelles,
8 mars 1984, Pas., 1985, lil" p. 4). La Cour de cassation en a jugé
autrement et a estimé que le médecin traitant qui procède, à la
requête de verbalisants, à un prélèvement sanguin ne viole pas les
règles du secret professionnel (cass., 19 mars 1962, Pas., 1962, I,
p. 798, Rev. dr. pén., 1963, p. 359 et R. W., 1962-1963, col. 791; cass.
19 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1099; cass. 19 mai 1983, Jur. Lg, mai
1983; p. 1, et la note de F. PIEDBOEUF - Ce dernier arrêt rejette le
recours introduit contre corr. Liège, 7 décembre 1981, Jur. Lg.,
1983, p. 4; voy. dans le même sens : Liège, 2 mai 1984, Jur. Lg.,
1984, p. 351, et la note critique signée J.H.; Anvers, 18 octobre
1985, Limb. Rechts, 1986, p. 69 - La Cour a considéré que ne cons-
tituait pas un moyen de preuve illégal l' analyse d'un échantillon de
sang pris par un médecin qui a examiné un prévenu à son arrivée
à la clinique, à la demande de l' autorité compétente, conformément
à la loi sur la police de la circulation routière; cass., 21 juin 1985,
Pas., 1988, I, p. 1272; cass., 25 avril 1989, Pas., 1989, 1, p. 883,
Journ. trib., 1990, p. 80, obs. et R. W., 1989-1990, p. 224, obs.).
On peut se demander si l'intervention du médecin traitant, en
pareil cas, ne rend pas le procès inéquitable au sens de la Conven-
tion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
221. C'est la production en justice de certificats médicaux qui a
donné lieu au plus grand nombre de décisions; celles-ci apparaissent
souvent contradictoires, les unes admettant ces certificats (Liège,
15 janvier 1957, Journ. trib., 1958, p. 130), les autres, plus fréquem-
ment, les rejetant des débats (Liège, 19 février 1957, Journ. trib.,
1958, p. 129, obs. Ch. V.R. et Jur. Lg., 1956-1957, p. 297; Bruxel-
les, 13 octobre 1964, Pas., 1965, II, p. 239; Gand, 4 mai 1965, R. W.,
1965-1966, col. 629; Bruxelles, 15 mars 1971, Pas., 1971, Il, p. 190
et Rev. not. b., 1971, p. 291, obs. F.L.; Bruxelles, 3 janvier 1972,
SANCTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PR0FESSIONNEL 163

Pas., 1972, II, p. 56; Liège, 20 juin 1979, Pas., 1979, II, p. 130;
voy. égalt cass. fr., 22 janvier 1957, Journ. trib., 1957, p. 717, et la
note de Charles VAN REEPINGHEN). Tout donne à penser que ces
décisions sont fondées moins sur des positions de principe que sur
des éléments de faits étrangers à ceux-ci.
222. Le professionnel et lui seul est tenu au secret professionnel.
Il en résulte, a jugé la cour du travail de Liège, le 25 avril 2002, que
si un document ayant de près ou de loin un usage thérapeutique
tombe entre les mains d'un tiers, régulièrement ou non, le tiers ne
peut se voir opposer le secret professionnel et ce seront les règles
relatives à la production par un tiers d'un document confidentie!
qui s'appliqueront (cour trav. Liège, 25 avril 2002, Rev. rég. dr.,
2002, p. 266, note F. LAGASSE et J.L.M.B., 2003, p. 107 - En
l'occurrence, le document était le journal intime d'une patiente
entretenant des relations amoureuses avec son psychologue; voy.
Magdi SAMI ZAKI, <<La preuve par le journal intime>>, Rev. dr. civ.,
1980, p. l).
TITRE II

Les personnes tenues


au secret professionnel

GÉNÉRALITÉS

223. L' énumération con tenue dans l' article 458 du Code pénal
n' est pas limitative. Outre les personnes qui y sont visées expressé-
ment, il existe un grand nombre de <<dépositaires par état ou par
profession, des secrets qu' on leur confie ►>. Ce n' est d' ailleurs pas un
moindre paradoxe de constater que la loi pénale, d'interprétation
restrictive par sa nature même, a laissé au juge le soin d'établir le
champ d' application exact du texte répressif. Des lois particulières
visant telle ou telle catégorie professionnelle se réfèrent, en outre,
fréquemment aux dispositions de l' article 458.
Le texte du Code pénal interdit la révélation à tous les dépositai-
res de secrets par état ou par profession. Ces deux termes sont à peu
près synonymes et ne semblent pas désigner deux ordres d'idées
nettement distincts. Pour Littré, état signifie position sociale; quant
au mot profession, il lui donne la signification de << état, emploi,
conditiorn> et il cite à titre d' exemple, la profession de médecin,
d'avocat, etc. Il faut donc penser que le législateur de 1810, puis
cel ui de 1867, sans donner aux deux expressions une valeur parti-
culière, n' ont voulu, en les rapprochant, que rendre la formule très
large et très générale; c' est une redondance inscrite dans la loi afin
de prévenir une interprétation trop stricte (voy. André HALLA YS,
Le secret professionnel, Librairie nouvelle de droit et de jurispru-
dence Arthur Rousseau, Paris, 1890, p. 119).
Si le Code pénal n' a parlé que des personnes qui par état ou par
profession sont dépositaires des secrets d'autrui, c'est qu'à l'égard
de toutes au tres personnes, le secret qu' on leur confie est purement
volontaire, et que celui qui le confie ne peut ignorer Ie risque qu'il
166 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

court envers des personnes que la loi n'oblige pas à le garder sous
peine de sancti ons pénales; ces personnes ne sont tenues qu' en cons-
cience ou en vertu d'une obligation purement civile, mais la révéla-
tion ne constitue pas un délit.
224. Outre les professions médicales expressément v1sees par
l' article 458, l' on rencontre au premier rang des dépositaires par
état ou par profession des secrets d' au trui, les professions tenues
traditionnellement au secret qui sont celles de l' avocat, du notaire
ou du ministre du culte. <<En premier lieu, a-t-il été précisé au cours
des travaux préparatoires de la loi contenant le Code pénal de 1810,
doit figurer le prêtre à qui une confidence a été faite sous le secret
de la confession ou de tout autre acte religieux. Il en est de même
de l'avocat ou de l'avoué, relativement à ce qu'ils ont appris de
leurs clients dans l' exercice de leur profession. Ce principe est aussi
applicable au notaire, mais le secret doit être restreint aux faits qui
sont présumés confidentiels>> (NYPELS, Législation criminelle de la
Belgique, t. III, p. 294, n° 87, citant le rapport fait au nom de la
commission de la Justice de la Chambre par M. Lelièvre).
Pour le surplus, l' article 458 est applicable à toutes les personnes
investies d'une fonction ou d'une mission de confiance qui sont
constituées par la loi, la tradition ou les mamrs, dépositaires des
secrets qu'on leur confie (cass., 20 février 1905, Pas., 1905, I, p. 141,
et les concl. conf. du procureur général JANSSENS).
Les règles du secret professionnel doivent également s' appliquer
aux auxiliaires, aides, stagiaires et collaborateurs indispensables
auxquelles la loi ou l'usage reconnaît, selon la formule consacrée, la
qualité de <<confidents nécessaires>> (corr. Bruxelles, 6 mars 1973,
Entr. et dr., 1976, p. 314; voy. un attendu du jugement qui n'est
pas rep ris dans le sommaire malgré son importance; Jean CONS-
TANT, Manuel de droit pénal, t. 1, p. 310, n° 1278 et les références
citées; Jos GoEDSEELS, Oommentaire du Code pénal belge, Bruylant,
2 8 éd., Bruxelles, 1948, n° 2713).
Je ne puis me ranger à l'idée, écrivait déjà Muteau, que le chi-
rurgien qui opérera sera tenu de garder le secret sur l' opération qu'il
aura faite et que la personne qui l' aura aidé de son concours, si elle
n' a pas de diplöme, ne le sera pas; que le notaire qui aura authen-
tifié un acte préparé par son principal clerc après des pourparlers et
des discussions qui n' ont sou vent lieu que devant ce dernier entre
GÉNÉRALITÉS 167

les clients, ne pourra rien révéler de tout cela sans encourir de péna-
lité, tandis que ce principal clerc sera autorisé à tout dévoiler; que
le prêtre qui aura reçu d'un mourant en présence de son assistant
un dernier aveu, sera contraint, non seulement par son devoir cano-
nique, mais par devoir légal, de le garder secret, tandis que l' assis-
tant aura toute liberté de le divulguer (Charles MuTEAU, Du secret
professionnel, de son étendue et de la responsabilité qu 'il entraîne,
Maresq, Paris, 1870, p. 559).
225. Un auteur établit une distinction entre les auxiliaires des
personnes soumises à l' article 458, selon que le concours prêté est
fortuit ou, au contraire, se répète assez fréquemment pour consti-
tuer rnne manière d'être continue>> (Auguste TAPIE, Du délit de révé-
lation de secrets, thèse de l'Université de Toulouse, Saint-Cyprien,
1899, p. 150). Dans le premier cas, il estime que l'on ne peut punir
l'indiscrétion éventuelle des peines prévues à l' article 458, mais il lui
semble qu'il devrait en être autrement dans le second cas, par
exemple pour les secrétaires d' avocat ou les clercs de notaire << dont
la manière d'être constitue un véritable état qui les appelle à rece-
voir des confidences>>.
Cette distinction ne peut être retenue car elle n' est pas inscrite
dans la loi qui n'impose pas l'exercice continu de la profession ou
de l'état. Prétendra-t-on que l'avocat assumé en qualité de juge ne
serait pas tenu au secret du délibéré, que le juré serait libre de toute
révélation? Nulle part il n'est dit dans la loi que la fonction devrait
être permanente.
CHAPITRE I
LE SECRET MÉDICAL

BIBLIOGRAPHIE SPECIALE

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170 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

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ration du dommage corporel, Bruxelles, Bruylant, coli. de la Faculté de droit de
l'Université libre de Bruxelles, 1993, p. 91; Les frontières juridiques de l'activité
médicale (actes du colloque organisé par la Conférence libre du Jeune barreau de
Liège Ie 8 mai 1992), éd. du Jeune barreau, 1993)

II. - DocTR!NE ÉTRANGÈRE

H. BALMARY, La responsabilité médicale et le secret professionnel, thèse de la faculté


de droit de Paris, Privat, Toulouse, 1909; P. BR0UARDEL (Dr.), Le secret médical,
Paris, Librairie Baillière, 1e éd., 1887, 2e éd. 1893 - La responsabilité médicale,
Librairie Baillière, Paris, 1898; DE MoRo-GrAFFERI et P. Crnrn (Dr.), Le secret
professionnel médical, Midy, Paris, 1934; Bernard HoERNI, <<Principes et pratiques
d'un secret: Ie secret médical» in Marie-Anne FRISON-RocHE, dir., Secrets profes-
sionnels, Autrement, Paris, 1999, p. 177; Georges JACOMET, Le secret médical, pré-
face de V. Balthazard, G. Dom et Cie, Paris, 1933; Patrick LoIRET, La théorie
du secret médical, Masson, Paris, 1988; Emile-Lucien MANCHE, La responsabilité
médicale au point de vue pénal, thèse de la faculté de droit de Paris, Sirey, Paris,
1913; Adrien PEYTEL, Le secret médical, préface de M. Duvoir, J.B. Baillière et
fils, Paris, 1935; Louis PoRTES (Dr.), <<Du secret médical», Cahiers Laënnec, 1950,
n° 3, p. 21 - A la recherche d'une éthique médicale, Masson et PUF, Paris, 1964;
René SAVATIER, Jean-Marie AuBY, Jean SAVATIER et Henri PEGUINOT (Dr.),
Traité de droit médical, Lib. techn., Paris, 1956; Jacques SuDRE, <<Le secret médi-
cal en droit positif français, Cahiers Laënnec, mars 1935, p. 1; THOINOT (Dr.), <<Le
secret médical: principes généraux et applications principales>> in Ann. hyg. publ.
et méd. lég., 1903, p. 177 Précis de médecine légale, Paris, Octave Doin, 1913;
Dominique THOUVENJN, Le secret médical et / 'information du malade, Presses uni-
versitaires de Lyon, Lyon, 1982; Paul VERWAEST, Le secret professionnel médical,
(thèse de la faculté de droit de Paris), Giard-Brière et Jouve, Paris, 1892; Robert
Vourn, <<La notion de secret médical en droit pénal français», in Rev. sc. crim. et
dr. camp., avril-juin 1958, p. 5; XXX, Le secret professionnel des médecins,
publication de l'Ordre national des médecins, Masson, Paris, 1980.

SECTION 1. - lNTRODUCTION

226. Les médecins n' ont pas attendu l'intervention du législateur


pour s'imposer une obligation morale de discrétion professionnelle:
une telle obligation est formulée dans les ouvrages médicaux les
plus anciens. Cette règle de conduite concerne non seulement les
médecins, mais également les chirurgiens (que l' on confondait à
l' époque avec les barbiers) et les apothicaires. Ceux-ci, écrit Domat,
LE SECRET MÉDICAL 171

ont comme les médecins, <<souvent des occasions ou les secrets des
malades ou de leur famille leur sont découverts, soit pas la con-
fiance qu' on peut avoir en eux, ou par les conjonctures qui rendent
leur présence nécessaire dans le temps ou l' on traite d' affaires, ou
d' au tres choses qui demandent le secret; c' est un de leurs devoirs de
ne pas abuser de la confiance qu'on leur a faite et de garder exac-
tement et fidèlement le secret des choses qui sont venues à leur con-
naissance et qui doivent rester secrètes>> (DüMAT, Lois civiles, t. II,
titre XVII, sect. II, p. 129).
Il faut attendre l'aube du XIXe siècle et le Code pénal de 1810
pour voir cette obligation morale traduite dans un texte légal
assorti de sanctions pénales.
L' article 19 des instructions pour les chirurgiens du royaume des
Pays-Bas, du 31 mai 1818, leur imposait, lors de leur réception, de
prêter entre les mains du président de la Commission médicale pro-
vinciale, notamment, le serment de ne jamais révéler à personne,
excepté au juge s'ils en étaient requis, les secrets des patients qui
parviendraient à leur connaissance dans l' exercice de leur art et
dont la découverte pourrait faire tort ou honte soit à eux, soit à
d'autres (cité par DE JoNGH, <<Le secret professionnel des médecins>>,
Rev. dr. b., 1890, p. 528). Cette disposition était reprise dans des
termes analogues pour les accoucheuses et les apothicaires, aux ter-
mes des articles 17 et 19. Ces instructions, ainsi que celles de la
même date concernant les médecins furent abrogées expressément
et remplacées par l'arrêté royal du 31 mai 1885 approuvant les nou-
velles instructions pour les médecins, les pharmaciens et les droguis-
tes.

SECTION 2. - LES PERSONNES TENUES


AU SECRET MÉDICAL

A. - Les personnes expressément visées


par l 'article 458 du Code pénal
227. Tant l'article 378 du Code pénal de 1810 que l'article 458
du Code pénal de 1867, font mention expresse des <<médecins, chi-
rurgiens, officiers de santé, pharmaciens et sages-femmes ». C' est pour
les praticiens de ces professions que les difficultés relatives au secret
professionnel se présentent le plus fréquemment; la littérature rela-
172 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

tive au secret médical est au reste la plus abondante parmi celle


consacrée au secret professionnel.
Le médecin est toute personne titulaire du diplóme de docteur en
médecine, chirurgie et accouchements, et inscrite au tableau de
l'Ordre des médecins, les deux conditions étant requises pour pou-
voir pratiquer l' art médical en Belgique. Il en résulte que cel ui qui
exerce illégalement l' art de guérir ne pourrait être poursui vi sur la
base de l' article 458 du Code pénal. Il en est ainsi des guérisseurs
de toutes dénominations (Raymond LEGEAIS, << Violation du secret
professionneli>, J. C.P., 1972, n° 25; André VITu, Droit pénal spécial,
2 t., Cujas, Paris, 1982, n° 1988).
Il a été jugé que le médecin hospitalier qui donne les premiers
soins à la victime d'un accident doit être considéré, en règle, comme
le médecin traitant personnel du patient et est, dès lors, lié par le
secret professionnel (cass., 30 octobre 1978, Journ. trib., 1979,
p. 369; Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs. R.S.; R. W., 1978-1979,
col. 2232; Bull. ass., 1979, p. 91, obs. J.R et Bull. inf. Inami, 1979/
1, p. 1, et la note de Robert GROSEMANS; Bruxelles, 27 octobre
1976, Pas., 1977, II, p. 128, et Journ. trib., 1977, p. 624).
Les chirurgiens sont actuellement titulaires du même diplóme que
les docteurs en médecine, de sorte que leur mention dans
l' article 458 est inutile.
La catégorie des officiers de santé créée par une loi du 19 ventöse
an XII (10 mars 1804) désignait des personnes autorisées à exercer
la médecine après des études sommaires et sans être titulaires du
diplóme de docteur en médecine. La mention de cette catégorie n' a
plus de raison d'être depuis sa suppression.
228. Le róle du médecin militaire le place dans une situation
délicate: il n'est pas seulement chargé de donner ses soins aux mili-
taires malades, il est aussi au service de l'autorité militaire et, à ce
titre, il doit lui faire connaître l' aptitude physique et l' état de santé
des militaires (voy. cass., 16 juillet 1894, Pas., 1894, I, p. 267 qui
concernait un médecin de la garde civique). Comment concilier les
obligations qui découlent de cette double mission? A l' égard des
militaires auxquels il prodigue ses soins, il est tenu au secret pro-
fessionnel, d' autant plus que les intéressés sont contraints le plus
souvent de recourir au médecin du régiment et n'ont pas toujours
la possibilité de choisir un autre praticien. Le médecin miliaire n' est
LE SECRET MÉDlCAL 173

autorisé à porter à la connaissance de l'autorité qu'une information


générale sur l' aptitude ou l'inaptitudo du malade à oxercer son acti-
vité, à l' exception do tous renseignements sur la maladie elle-même.
S'il est chargé d'uno mission d'expertise, il lui appartiont d'en infor-
mor l'intérossé et, dans ce cas, il se trouvera dans une situation ana-
logue à celle de !'expert judiciaire envers le juge ou du médecin de
compagnie d' assurances en vers celle-ci.
<( On peut parfaitement admettre, écrit le docteur Hadengue, que
lorsque le malade se présente à la visite, le médecin militaire, agis-
sant en expert, reconnaisse ou ne reconnaisse pas la réalité de la
maladie. Il s' agit là d'une simple décision. Mais lorsque ensuite le
soldat est soigné, soit à la chambre, soit à !'infirmerie ou même à
l'höpital, il a droit au secret au même titre que les autres malades ►>
(Paris Médical, 1949, p. 594, cité par Charles VAN REEPINGHEX,
<(Le secret professionnel du médecim, Journ. trib., 1950, pp. 441 et
sui v., sub. VI; voy. sur cette question: CHRISTIAENS, <(Le secret
médical dans l' armée ►>, M onographies médico-militaires, p. 1960,
n°4).
La mission du médecin militaire allait même jusqu'à devoir exa-
miner un membre de la famille du soldat (art. 28, §3 des lois coor-
données sur la milice). Il a été jugé que le médecin ne viole pas le
secret professionnel lorsqu'il communique le résultat de eet examen
au Conseil supérieur de milice (cass., 20 juillet 1979, Pas., 1979, I,
p. 1303). Il jouait, en effet, en cette circonstanco, Ie röle d'un
expert.
L'obligation au secret s'impose de la même façon pour le médecin
des prisons.
229. L' article 458 cite encore expressément le pharmacien. Il a en
effet connaissance des ordonnances médicales qu'il a la charge
d' exécuter.
L'article 35 de l'arrêté royal du 31 mai 1885 approuvant les nou-
velles instructions pour les médecins, pour les pharmaciens et pour
les droguistes, tel que cette disposition a été modifiée par l' arrêté
royal du 3 décembre 1999, dispose d'ailleurs: « Aucun pharmacien
ne pourra, sans le consentement de celui par qui ou pour qui l 'ordon-
nance a été prescrite, en donner communication, pas plus que des
informations figurant dans le registre, sur la photocopie, sur le listage
informatique ou sur le support magnétique, à qui que ce soit, excepté :
174 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

1 ° à l 'autorité judiciaire et aux inspecteurs de la pharmacie lorsqu 'ils


jugeront nécessaire de requérir cette communication; 2° aux médecins-
inspecteurs généraux, médecins-inspecteurs principaux et aux méde-
cins-inspecteurs du service de contróle médical institué au sein de
l'Institut national d'assurance maladie-invalidité ( ... ); 3° aux offi-
ciers de tarifications agréés » (. .. ). Le texte précise encore : «Le phar-
macien est tenu d 'éviter, en général, tout ce qui pourrait tendre à exci-
ter ou à satisfaire une curiosité déplacée » ( al. 3).
L'obligation visée par ces dispositions concerne, à l'évidence, uni-
quement les pharmaciens d'officine à l'exclusion des pharmaciens
d'industrie, mais elle vise également les pharmaciens inspecteurs
qui, à l' occasion de leurs fonctions peuvent également prendre con-
naissance des ordonnances médicales, le pharmacien d' officine ne
pouvant invoquer le secret professionnel pour s'y opposer.
230. L'article 262 de la loi-programme du 22 décembre 2003 a
inséré un article 14bis dans la loi du 25 mars 1964 sur les médica-
ments, aux termes duquel «les membres du personnel statutaire ou
contractuel (du Service public fédéral << Santé publique, Sécurité de la
chaîne alimentaire et environnement) doivent prendre les mesures
nécessaires afin de respecter le caractère confidentiel des données à
caractère personnel dont ils ont obtenu connaissance dans l 'exercice de
leur mission et assurer que ces données sont utilisées exclusivement
pour l 'exercice de leur mission de surveillance. ( ... ) Toutefois, les ren-
seignements recueillis à l 'occasion de l 'exécution de devoirs prescrits
par l 'autorité judiciaire ne peuvent être communiqués qu 'avec l 'auto-
risation de celle-ci. Les renseignements concernant les données médi-
cales à caractère personnel ne peuvent être communiqués ou utilisés
que dans le respect du secret médical >>.
Une disposition analogue est insérée, sous la forme d'un
article 7bis, dans la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des
sub stances vénéneuses, soporifiques et au tres, pour im poser aux
membres du personnel, statutaires ou contractuels, des douanes et
accises, <<afin de respecter le caractère confidentiel des données à
caractère personnel dont ils ont pris connaissance dans l 'exercice de
leur mission et assurer que ces données soient utilisées exclusivement
pour l 'exercice de leur mission de surveillance». Le texte énonce, ici
également, que «les renseignements concernant des données médicales
à caractère personnel ne peuvent être communiqués ou utilisés que
dans le respect du secret médical>> (art. 269 de la loi-programme du
LE SECRET MÉDICAL 175

22 décembre 2003). Cette disposition a été atténuée avant la lettre


par l'article 89 de la loi-programme du 9 juillet 2004 qui a remplacé
l'article 6bis de la loi du 24 février 1921, qui avait cependant été
inséré quelques mois plus töt par la loi du 12 avril 2003, pour don-
ner aux officiers de police judiciaire ainsi qu' aux fonctionnaires et
agents désignés à cette fin, un pouvoir très étendu pour «visiter les
officines, magasins, boutiques et lieux quelconques affectés à la vente
ou à la délivrance des substances visées dans la loi ».
231. La loi mentionne enfin expressément les sages-femmes
comme étant tenues au secret professionnel. La jurisprudence ne
fait qu' appliquer la loi en décidant qu' elles sont obligées de garder
le silence, par exemple sur la grossesse des femmes qui se sont con-
fiées à elles (Mons, 9 décembre 1975, Pas., 1976, Il, p. 159 et Rev.
not. b., 1977, p. 127; l'arrêt énonce qu'en matière de secret, le kiné-
sithérapeute, l'infirmière ou la sage-femme sont tenus aux mêmes
obligations que le médecin).
232. En revanche, le médecin vétérinaire n'est pas compris parmi
les personnes que désigne l' article 458 du Code pénal. La nature de
sa profession ne lui impose pas de secret professionnel (Pand. b., v 0
Art de guérir, Larcier, Bruxelles, 1883, n° 171 et v 0 Art vétérinaire,
ibid., n° 60; voy. Raymond LEGEAIS, << Violation du secret
professionnel» J. O.P., 1972, n° 47; contra: DE BussCHERE,
<<Quelques mots sur le secret professionnel au point de vue des légis-
lations belge, française et luxembourgeoise>> in Ann. soc. méd. lég. de
Belg., 1902, p. 16, n° 7).
Il faut relever que l' article 21 de la loi du 19 décembre 1950
créant l' Ordre des médecins vétérinaires dispose que «les membres
des conseils de l 'Ordre, du conseil supérieur et des conseils mixtes
d 'appel sant tenus au secret professionnel pour toutes les affaires dont
ils ont eu connaissance dans l 'exercice de leurs fonctions >>. Cette dis-
position ne concerne que l' exercice des fonctions disciplinaires au
sein de l'Ordre et non l'exercice de la profession (voy. cependant
l'arrêt Michaux n° 30.305 rendu le 15 juin 1988 par le Conseil
d'Etat qui semble admettre implicitement que le vétérinaire est
tenu au secret professionnel en considérant que <<l 'obligation (qui lui
est) imposée par un règlement de déclarer une maladie contagieuse
aux autorités pour des motifs de santé publique ne saurait constituer
une violation du secret professionnel »).
176 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

B. - Les auxiliaires médicaux


233. L' auxiliaire médical se définit comme un travailleur qui,
spécialisé ou non, répond à des critères de technicité qui Ie quali-
fient pour l' administration des soins, possède une qualification pro-
fessionnelle qui, même poussée à son plus haut degré, ne l' autorise
pas à exercer une activité dans l' art de guérir réservé au seul méde-
cin, et se trouve placé dans un état de subordination vis-à-vis des
docteurs en médecine qu'il seconde et dont il reçoit les directives
(Louis KoRNPROBST, Georges JuLLIEN et André MATHIAS, Les auxi-
liaires médicaux, Masson, Paris, 1966, p. 9). Cette définition est sans
doute trop étroite et sous Ie terme d' auxiliaire médical, l' on désigne
également ceux qui apportent d'une manière générale une collabo-
ration - fût-elle d' ordre administratif - à l' art de guérir ou même
participent à celui-ci pour des actes autonomes: tel est Ie cas du
kinésithérapeute ... qui peut exercer son art de manière indépen-
dante sans se trouver subordonné à un médecin.
234. Outre donc les médecins, pharmaciens et sages-femmes
expressément désignés à l' article 458, il faut ajouter diverses per-
sonnes qui, d'une manière ou d'une autre, sont tenues à ce que l'on
nomme habituellement Ie secret médical. Parmi ces personnes se
trouvent:
- les dentistes qui ne sont pas nécessairement titulaires du diplöme
de docteur en médecine (Pand. b., v 0 Secret professionnel, n° 17);
- les directeurs d 'hópitaux et d 'hospices qui occupent des fonctions
essentiellement administratives (corr. An vers, 9 juin 1897, Pand.
pér., 1989, n° 997; Bruxelles, 3 janvier 1972, Pas., 1972, Il, p. 56;
cass. 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 248; Bruxelles, 23 octobre
1990, Journ. trib., 1991, p. 496);
- les médecins-directeurs d 'un institut psychiatrique (Bruxelles, 3 jan-
vier 1972, Pas., 1972, Il, p. 56);
- les directeurs de maternité (cass. fr. crim., 14 mars 1895, Dall. pér.,
1899, IV, p. 614);
- les étudiants en médecine, internes au externes, qui sont assimilés
aux médecins (cass. fr., 8 décembre 1864, Dalloz, 1867, V, p. 431);
- les infirmiers, infirmières, garde-malades et kinésithérapeutes, ainsi
que les étudiants des écoles qui conduisent à l' octroi des diplömes
de ces professions (civ. Anvers, 22 janvier 1944, Pas., 1945, 111,
LE SECRET MÉDICAL 177

p. 65; Mons, 9 décembre 1975, Pas., 1976, II, p. 159 et Rev. not.
b., 1977, p. 123; Anvers, ch. mis. acc., 2 novembre 2000, Limb.
Rechts., 2002, p. 192, note J. KERKHOFS);
- les membres du personnel médical, paramédical, social et juridique
d'une institution hospitalière, d'un centre de consultation préma-
trimoniale, matrimoniale et familiale, d'un cent re d' aide et
d'information scxuelle, conjugale et familiale ou assimilés (art. 3
du décret de la Communauté française du 10 juillet 1984 relatif à
l' éducation sanitaire et à !'information de la jeunesse ainsi qu' à
l' aide et l' assistance aux familles dans les domaines relatifs à la
contraception et à la parenté responsable. Il faut souligner qu' aux
termcs de l' article 5, les infractions à ce décret sont punies d'une
peine de 100 à 1. 000 francs d' amende);
- les psychologues et conseillers conjugaux (voy. pour cette dcrnière
catégorie : Nathalie H US TIN- DE NIES, << Le secret professionnel des
médiateurs familiaux et des conseillers conjugaux>>, Journ. trib.,
1998, p. 129);
- les ambulanciers et les conducteurs d 'ambulance (corr. Charleroi,
27 juin 1974, Journ. trib., 1975, p. 28, jugement confirmé par un
arrêt de la cour d'appel de Mons du 9 janvier 1976).
235. Il a été soutenu que le droguiste, en tant que débitant de
drogues et de médicaments simples était soumis au secret profes-
sionnel (Pand. b., v 0 Secret professionnel, n° 18, citant Alphonse DE
BusscHERE, op. cit., n° 7, p. 16; ,Jos GoEDSEELS, Commentaire du
Code pénal belge, Bruylant, 2" éd., Bruxelles, 1948, n° 2712). C'était
perdre de vue que l' articlc 3 7 de l' arrêté royal du 31 mai 1885
approuvant les nouvellcs instructions pour les médecins, pour les
pharmaciens et pour les droguistes, énonce que ces derniers <<ne peu-
vent vendre au exposer en vente aucune préparation au composition
pharmaceutique, aucune spécialité pharmaceutique; ils ne peuvent non
plus mélanger des médicaments simples, ni préparer des remèdes, ni
exécuter des recettes prescrites par des praticiens de l 'art de guérir au
par d 'autres personnes ». Les droguistes n' exercent pas unc profes-
sion qui relève, même accessoirement, de l' art de guérir. Ils ne sont
pas tenus au secret professionnel.
Il en est de même de I'hótesse d'accueil d'une clinique ou d'un
höpital qui n' exerce pas une profession médicale, mais remplit des
178 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

fonctions à caractère purement administratif (pol. Liège, 8 janvier


1986, Jur. Liège, 1986, p. 103).

C. - La Commission d 'évaluation
des interruptions de grossesse
236. La loi du 13 août 1990 visant à créer une Commission d'éva-
luation de la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse
énonce à l' article 7 : «Toute personne qui, en quelque qualité que ce
soit, prête son concours à l 'application de la présente loi, est par là
même responsable du secret des données qui lui sont confiées dans
l 'exercice de cette mission et qui ont trait à l 'exercice de cette mission.
L 'article 458 du Code pénal lui est applicable ».
Il a été précisé lors des travaux préparatoires de la loi que les
rapports individuels sont transmis anonymement à la Commission
d'évaluation, que les renseignements qu'ils contiennent sont confi-
dentiels et ne peuvent être communiqués à aucune autre autorité,
y compris le Parlement et, enfin, que les membres de la Commission
et toutes les personnes qui sont chargées de l' application de la loi
sont tenues par le secret professionnel. Il a en outre été précisé que :
<<cela implique notamment que ces dossiers médicaux ne peuvent
être demandés directement par le parquet ou les services de police.
Une instruction doit être ouverte au préalable, ce qui délie le méde-
cin de son devoir de discrétion. Même dans ce cas, le médecin peut
encore invoquer le secret professionnel et refuser de transmettre le
dossier, mais le juge d'instruction dispose toutefois toujours d'un
droit de perquisition et de saisie. Lorsque c'est le médecin lui-même
qui est soupçonné d'un délit professionnel, il ne peut invoquer le
secret professionnel en ce qui concerne les documents qui ont trait
au délit» (voy. le rapport fait au nom de la Commission de la Santé
publique et de l'Environnement par Mme BuRGEON et Mme
MECKX-VAN GoEY, Doe. parl., Chambre, sess. 1989-1990, 1150/5,
Pasin., 1990, pp. 2203 et suiv.).

SECTION 3. - LE PRINCIPE ET SES APPLICATIONS

A. - L'étendue
237. L' article 458 du Code pénal est rappelé à l' article 19 de
l'arrêté royal du 31 mai 1885, approuvant les nouvelles instructions
LE SECRET MÉDICAL 179

pour les médecins, pour les pharmaciens et pour les droguistes, dans
des termes à peu près semblables : << Les médecins et toutes autres per-
sonnes dépositaires par état ou par profession des secrets qu 'on leur
confie, qui, hors le cas ou ils sant appelés à rendre témoignage en jus-
tice et celui ou la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront
révélés, seront punis des peines prévues par l 'article 458 du Code
pénal >>. Le caractère superflu de ce rappel est indéniable.
Par ces dispositions, le législateur a voulu sanctionner pénale-
ment la révélation des secrets dont le médecin est dépositaire nans
l'exercice de sa profession. Le Code de déontologie médicale, élaboré
par le Conseil national de l'Ordre des médecins, en application de
l'article 15 de l'arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à
l'Ordre des médecins, et mis à jour en 1995, contient deux articles
qui précisent l' obligation au secret professionnel :
- Article 56 : «Le secret professionnel du médecin comprend aussi
bien ce que le patient lui a dit ou confié que tout ce que le médecin
pourra connaître ou découvrir à la suite d 'examens ou d 'investiga-
tions auxquels il procède ou fait procéder ».
- Article 57: <<Le secret professionnel s'étend à tout ce que le méde-
cin a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l'exer-
cice ou à l' occasion de l' exercice de sa professiorn>.
Cette dernière disposition est plus large que le texte pénal
puisqu'elle vise non seulement les faits connus par le médecin en
raison de l' exercice de la profession, mais également tous ceux
venus à sa connaissance à l' occasion de l' exercice de sa profession.
Cette extension aux faits connus << à l' occasion ►> de l' exercice de la
profession est contredite par la jurisprudence de la Cour de cassa-
tion qui considère que les personnes tenues au secret professionnel
ne peuvent refuser de déposer en justice relativement à un fait
dénué de tout caractère secret, même s'il est venu à leur connais-
sance à l' occasion de l' exercice de leur profession (voy. notamment
cass. 23 juin 1958, Pas., 1958, I, p. ll80; voy. infra, n° 239).
Il a été jugé que le Conseil de l'Ordre peut infliger une sanction
disciplinaire à un médecin lorsqu'il constate que celui-ci a violé le
secret professionnel même si la décision se réfère à un code de déon-
tologie médical auquel le Roi n' a pas donné force exécutoire (cass.
19 mai 1988, Pas., 1988, I, p. ll47 et R. W., 1988-1989, col. 645).
180 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

238. La raison d'être du secret médical est le plus souvent justi-


fiée en doctrine par la nécessité de la confidence : << Il faut, dit-on,
que cel ui qui éprou ve le besoin de s' adresser à l' homme de l' art
puisse le faire en toute confiance et en toute sécurité, qu'il puisse
sans crainte se livrer entièrement à l'examen du médecin, qu'il
puisse lui dévoiler sans restriction ses secrets les plus intimes, ses
tares personnelles ou héréditaires, son mode de vivre, les circonstan-
ces parfois pénibles ou blàmables dans lesquelles il a contracté son
mal» (Jacques W. SERRUYS, La profession médicale et l'Ordre des
médecins devant la loi et la jurisprudence, Larcier, Bruxelles, 1940,
p. 98).
Pour qu'il y ait violation du secret professionnel au sens de 1!1 loi
p~i;iale, deux conditions doivent être réunies conjointement: Të
secret doit être venu à la connaissance du médecin en raison de sa
profession et dans l' exercice de celle-ci.
Ne constitue dès lors pas une violation du secret professionnel le
fait pour un praticien de l' art de guérir de porter à la connaissance
de la justice une infraction commise par une personne qui n' a pas
été reçue par lui en qualité de consultant ou de patient (cass.,
16 décembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1390 et Rev. dr. santé, 1996-
1997, p. 25, note D. FRERIKS; Liège, ch. mis. acc., 25 janvier 1996,
J.L.M.B., 1996, p. 666).
Il a été jugé qu'il en va de même pour la communication d'un
simple listing de clients hospitalisés, ne reprenant aucune indication
quant à l' affection dont souffrent les patients et qui ne contient
aucun renseignement résultant du colloque singulier entre les méde-
cins et leurs patients : un tel listing constitue, en effet, une donnée
purement administrative ou cómptable et non une donnée médicale
à caractère personnel (corr. Mons, 24 juin 2002, Bull. inf. Inami,
2002, p. 383). Cette décision est discutable, dans la mesure ou elle
considère que des données administratives et comptables d'un höpi-
tal ne sont pas couvertes par le secret professionnel.
239. Il arrive fréquemment qu'un fait vienne à la connaissance
du médecin à l' occasion de l' exercice de sa profession, sans cepen-
dant que ce soit en raison de sa qualité. Il en est ainsi, parexempie,
d'un médecin appelé au chevet d'un malade, lorsqu'en sa présence,
une grave discussion d'intérêts surgit entre le patient et ses
proches : le médecin, témoin involontaire de cette scène, ne peut
LE SECRET MÉDICAL 181

invoquer Ie secret professionnel car ces faits auraient pu se dérouler


devant n'importe qui et nulle nécessité n'existait de les provoquer
devant Ie médecin (Achille MARÉCHAL, <<Le secret professionnel
médicab>, Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 59). Celui-ci ne devrait pas
répondre pénalement d'une révélation éventuelle; il ne pourrait
faire l'objet que d'une sanction disciplinaire, eu égard à l'article 57
du Code de déontologie, pour autant que cette disposition ne soit
pas considérée comme illégale (voy. supra n° 237).
240. Si la justification du secret professionnel du médecin et de
ceux qui participent d'une manière quelconque à l' art de guérir est
évidente, Ie secret médical pose au juriste des problèmes complexes
parce que les solutions doivent satisfaire à des impératifs apparem-
ment inconciliables, selon que l' on considère Ie caractère absolu de
ce secret, célébré par plus d'un siècle d'individualisme ou l' orienta-
tion de la médecine vers des buts de plus en plus sociaux et collec-
tifs, sinon des traitements en commun (voy. Louis KoRNPROBST,
<<Aspects actuels du secret médical au point de vue juridique>>,
Cahiers Laënnec, septembre 1969, p. 48).
Il est clair que la révélation du secret par Ie médecin à un con-
frère, à une infirmière ou à toute autre personne tenue par Ie secret
professionnel n' est pas punissable si elle réunit les deux conditions
suivantes: être faite dans l'intérêt du malade et à une personne
appelée à s' occuper de lui en concourrant directement ou indirecte-
ment aux soins (Marcel HÉGER-GILBERT, Manuel de déontologie
médicale, Imprimerie médicale et scientifique, Bruxelles, 1928,
p. 80).
La pratique montre malheureusement combien cette règle est
souvent méconnue, en particulier dans les cliniques ou dans les
höpitaux ou, sans nécessité et souvent sans utilité pour le malade,
son secret se trouve partagé à son insu par des médecins et des infir-
mières qui ne Ie traitent pas, qui ne lui donnent aucun soin, qui ne
s' occupent de son cas ni de loin ni de près, mais à qui Ie secret a
été communiqué par Ie médecin traitant ou par l'infirmière qui Ie
soigne à l' occasion d'une conversation dans un couloir ou au tour de
la table commune (Achille MARÉCHAL, op. cit., p. 71). Or, Ie médecin
doit garder Ie secret, sauf les dérogations admissibles, à l'égard de
ses confrères (Gand, 12 avril 1965, Pas., 1965, II, p. 181; Bruxelles,
23 octobre 1990, Journ. trib., 1991, p. 496; voy. supra sub <<Le secret
partagé>>, n° 194) comme à l'égard de ses proches et notamment de
182 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

son épouse; il n'en irait autrement que si celle-ci était sa collabora-


trice (Toulouse, 10 février 1898, Dall. pér., 1899, II, p. 257, et la
note).
241. Il a été jugé qu'il n'y a pas violation du secret professionnel
lorsque le dépositaire du secret a pu légitimement croire que la per-
sonne à qui il confie le secret est liée, au même titre que lui-même,
par le secret professionnel et concourt immédiatement aux soins
donnés au malade (Bruxelles, ch. mis. acc., 5 décembre 1974, Journ.
trib., 1975, p. 262. En l'occurrence, le médecin prescrivait un médi-
cament non enregistré, auprès du secrétaire en Belgique d'un pro-
fesseur de biologie, inventeur du médicament; à cette occasion, il
avait communiqué le détail de certaines affections, ainsi que le nom
et l' adresse de certains malades afin que le médicament prescrit leur
soit adressé directement).
Mais si un médecin fait usage de sa qualité pour obtenir auprès
d'un service hospitalier des informations à propos d'une personne
qui n'est pas et n'a jamais été sa cliente, il pourra se voir condam-
ner sur la base de l'article 458 du Code pénal (voy. cass. fr., crim.,
17 mai 1973, Dall., 1973, p. 582, et la note de P.-J. DoLL, J.C.P.,
II, n° 17.712, et la note de G. RoSENTHAL et Rev. sc. crim., 1974,
p. 369, et la note de G. LEVASSEUR).
242. Le secret professionnel suscite des questions particulières
lorsque la personne qui s'est confiée est un mineur ou, d'une
manière générale, un incapable.
Il faut distinguer le cas ou le praticien a connaissance de secrets
intéressant un incapable à la demande de ceux qui en ont la charge;
l'hypothèse peut se présenter lorsqu'un médecin examine un débile
mental ou un enfant mineur. On ne pourrait prétendre sérieuse-
ment, dans ce cas, que le médecin est lié par le secret professionnel
envers ceux qui l' ont consulté. Non seulement il pourrait, mais il
devrait faire connaître le résultat de ses observations et de son exa-
men à ceux qui sont chargés du soin de l'incapable : ce sont eux, en
effet, qui pensent pour lui et agissent dans son intérêt.
Il a ainsi été jugé que l'étendue du secret professionnel comporte
des limites, lorsque l'impérieuse nécessité apparaît d'en concilier le
principe avec les mesures de protection de personnes dont le discer-
nement et l'intégrité des facultés mentales sont mis en discussion
LE SECRET MÉDICAL 183

dans une procédure judiciaire (civ. Bruxelles, 16 ma1 1959, Journ.


trib., 1960, p. 705, obs.).
L'article 12 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du
patient formule les précisions suivantes : << Si le patient est mineur,
les droits fixés par la présente loi sont exercés par les parents exerçant
l 'autorité sur le mineur ou par son tuteur » (§ 1er). «Suivant son age
et sa maturité, le patient est associé à l 'exercice de ses droits. Les
droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière auto-
nome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier rai-
sonnablement ses intérêts >> ( §2).
243. Tout autre est la situation lorsque l'incapable vient trouver
lui-même le confident. L'intérêt social exige qu'il puisse confier -
sans crainte de révélation - certains faits qu'il n' ose avouer à ses
parents ou ses tuteurs : l' on songe au mineur confiant au médecin
une grossesse, une maladie vénérienne ... Le secret lui est dû, comme
à n'importe quelle autre personne (voy. Auguste TAPJE, Du délit de
révélation de secrets, éd. Saint-Cyprien, Toulouse, pp. 67 et 70; Louis
SADOUL, p. 58; voy. aussi les nuances que formule Charles VAN
REEPINGHEN, Le secret professionnel, Paris, éd. Arthur Rousseau,
1984, en estimant qu'il échoit au médecin de juger selon sa cons-
cience s'il doit avertir les parents; c'est très généralement l'àge du
malade qui le décidera, écrit-il (<<Le secret professionnel du
médecim, Journ. trib., 1950, p. 441).
244. La doctrine médicale distingue parfois les faits secrets par
nature et ceux qui le sont par suite des circonstances. Parmi les pre-
miers, elle range les maladies héréditaires, la tuberculose,
l' épilepsie ... ainsi que celles qui sont de nature à entraîner la mort
à plus ou moins brève échéance. Parmi les seconds, elle range les
faits que le malade a intérêt à cacher: les blessures reçues au cours
d'une rixe, les maladies entraînant la nullité d'un contrat d' assuran-
ces, les indications relatives à la filiation ... Ces distinctions, parfois
subtiles, ne peuvent être admises. Tous les faits, même insignifiants
en eux-mêmes, confiés par le malade à son médecin ou appris par
celui-ci à la suite de ses examens, sont couverts par le secret. La loi
n' établit aucune distinction dans les confidences, selon leur nature.
Dans le réseau si serré d'intérêts, de sentiments, de conflits que
présente une société humaine, écrivait Eugène Reumont, on peut,
de la façon la plus légitime, vouloir cacher des choses qui ne sont
184 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

ni humiliantes, ni coupables (Journ. trib., 1948, p. 585). Il n'est


donc pas tout à fait exact de dire que les choses sont secrètes par
leur nature ou par la volonté de l' auteur de la confiance. U ne chose
apparemment secrète peut ne pas l' être dans certains cas. A
l'inverse, l'intervention professionnelle d'un médecin, une maladie,
peuvent n'être nullement secrètes en elles-mêmes, écrivait Brouar-
del, et le devenir par les circonstances: un accouchement n'est, en
général, pas un fait secret : il est annoncé aux amis par des lettres
de faire-part. Mais il est des cas ou une femme peut vouloir que son
accouchement reste secret et, dès lors, il est fait défense au médecin
de le révéler. La mort subite n' est pas en elle-même un fait secret;
elle peut le devenir pour un médecin appelé à la constater quand
elle a surpris un de ses malades dans une maison de débauche.
Il a été jugé que le médecin qui communique un rapport concer-
nant un de ses patients afin qu'il soit produit en justice viole la
règle du secret professionnel (corr. Neufchàteau, 15 mai 1996, Jur.
Liège, 1996, p. 446, obs. J.H.).
Il a été jugé que le médecin, consulté par la famille d'une per-
sonne décédée, avait le droit de lui faire connaître le résultat de son
examen et de l'attester par écrit (Liège, 15 janvier 1957, Journ.
trib., 1958, p. 130). Cette décision, sans nuance, est assurément dis-
cutable.

B. - Le dossier médical
245. Tout médecin praticien consciencieux tient note des consta-
tations qu'il fait au cours des examens successifs auxquels il soumet
ses malades, et des traitements qu'il leur prescrit. Les protocoles
d' analyses ou d' examens spéciaux y sont annexés, ainsi que les
radiographies. Plus ces fiches sont détaillées et soigneusement
tenues à jour, plus le praticien montre de dévouement à sa tàche et
plus il apporte la preuve de son soin dans l'accomplissement du con-
trat tacite qui le lie à son client. Ainsi s'exprimait le docteur Mau-
rice De Laet qui en avait conclu qu'il ne pourrait être contesté que
ces documents sont la propriété exclusive du médecin, car il les a
établis par lui-même, dans le seul intérêt des soins qu'il donne au
malade (Maurice DE LAET, <<Documents médicaux et secret
professionneL>, Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 4 7; voy. également sur
cette question Kris SCHUTYSER, << Eigendomsrecht en medische
dossiers)>, R. W., 1983-1984, col. 3021).
LE SECRET MÉDICAL 185

Cette conclusion était manifestement inexacte. Le dossier médical


appartient en principe au patient et plus particulièrement les pro-
tocoles d' analyses, les radiographies et les résultats d' examens spé-
ciaux. Il n'est cependant pas en droit d'exiger la remise de son dos-
sier complet: Ie médecin n'est pas tenu de remettre les notes
personnelles qu'il a prises au cours des examens auxquels il a pro-
cédé (Bruxelles, 20 juillet 1989, R.G.A.R., 1990, n° 11.701; voy.
Xavier RYCKMANS et Régine MEERT-VAN DE PuT, Les droits et les
obligations des médecins, Bruxelles, Larcier, 28 éd., 1972, n° 8 208 et
232).
246. A la vérité, jusqu' à la loi du 22 août 2002 relative aux droits
du patient, aucune disposition réglementaire ou légale n'imposait de
façon formelle la tenue d'un dossier médical par un médecin exer-
çant à titre individuel. L' article 38 du Code de déontologie médicale
élaboré par le Conseil national de l'Ordre des médecins, mis à jour
en 1995, énonce sobrement: «Le médecin doit, en principe, tenir un
dossier médical pour chaque patient». Il fallut attendre la loi du 22
août 2002 pour que le praticien se voie imposer de manière expresse,
!' obligation d'établir un dossier médical. L' article 9, § 1er dispose en
effet : «Le patient a droit de la part de son praticien professionnel, à
un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu
sûr ». La loi donne des termes <<praticien professionneb> une défini-
tion très large (voy. !' article 2, 3°).
La loi ne précise pas ce que doit contenir ce dossier médical, mais
les travaux préparatoires de la loi renvoient à !' arrêté royal du 3
mai 1999 déterminant les conditions générales minimales auxquelles
Ie dossier médical - visé à l' article 15 de la loi sur les höpitaux,
coordonnée le 7 août 1987 - doit répondre (voy. !'exposé des motifs
du projet de loi, Doe. parl., Chambre, sess. 2001-2002, 50-1642/1,
p. 29). Ledit article 15 énonce: <<L'activité médicale doit faire l'objet
d 'une évaluation qualitative; à eet effet, il faut, entre autres, tenir à
jour, pour chaque patient un dossier médical (. .. ) >>. Et l'article 2, ier
énumère les documents et renseignements que le dossier doit au
moins comporter. Il faut y ajouter depuis la loi du 22 août 2002,
les documents fournis par le patient qui demandera leur jonction à
son dossier, conformément à l' article 9, 1er, alinéa 2.
247. Du temps ou l'article 42 du Code de déontologie médicale
précité laissait au médecin, lorsqu'il l'estimait utile ou lorsque Ie
186 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

malade en faisait la demande, l' opportunité de lui remettre «les élé-


ments objectifs du dossier médical, tels que les radiographies et les
résultats d'examens ►>, à l'époque, il a été jugé que lorsqu'un patient
invoque en justice des raisons médicales à l' appui de son action et
que son dossier médical se trouve en possession de la partie deman-
deresse, le tribunal peut, nonobstant le secret médical, en ordonner
la production (trib. trav. Verviers, 21 mai 1973, Pas., 1973, III,
p. 70 et Jur. Liège, 1973-1974, p. 46).
Quant au dossier d'un höpital, qu'il s' agisse d'un höpital public
ou d'une clinique privée, voire mutualiste, il a été jugé que les fiches
dressées par le médecin chargé de l' organisation du service médical
d'une mutualité sont la propriété de celle-ci, ces fiches ne devant
être mises qu' à la disposition du service des seuls médecins et infir-
miers qui assureront ultérieurement le suivi médical de la
mutualité; cependant, le médecin ne peut refuser leur restitution,
sous prétexte que celle-ci constituerait une violation du secret médi-
cal (civ. Verviers, 21 novembre 1938, Pas., 1939, 111, p. 65; Jur.
Liège, 1939, p. 68 et Bull. ass., 1939, p. 237).
L'article 9, §2 de la loi du 22 août 2002 donne désormais expres-
sément au patient un droit à la consultation de son dossier, <<dans
les meilleurs délais et au plus tard dans les quinze jours ... de la
demande >>. Seules les annotations personnelles du praticien et les
données concernant des tiers ne sont pas comprises dans ce droit de
consultation.
248. En outre, <<le patient peut se faire assister par une personne
de confiance désignée par lui ou exercer son droit de consultation par
l 'entremise de celle-ci. Si cette personne est un praticien professionnel,
elle consulte également les annotations personnelles ( ... )» (art. 9, §2,
al. 3).
Enfin, «après le décès du patient, l'époux, le partenaire cohabitant
légal, le partenaire et les parents jusqu 'au deuxième degré inclus ont,
par l 'intermédiaire du praticien professionnel désigné par le deman-
deur, le (même) droit de consultation, pour autant que la demande soit
suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s 'y soit pas
opposé expressément» (art. 9, §4 de la loi; voy. dans le même sens
l'avis émis par le Conseil national de l'Ordre des médecins lors de
sa séance du 19 juin 2004, Bull., sept. 2004, p. 2).
LE SECRET MÉDICAL 187

249. L'article 13 de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967


relatif à l' exercice des professions de soins de santé - dénommé
antérieurement «relatif à l' art de guérir» - imposait déjà au prati-
cien de communiquer à la demande ou avec l' accord du patient, à
un autre praticien traitant désigné par lui pour poursuivre ou com-
pléter soit le diagnostic, soit le traitement, toutes les informations
utiles et nécessaires d' ordre médical ou pharmaceutique le concer-
nant.
250. L'informatisation des dossiers médicaux pourrait-elle cons-
tituer un danger pour le respect du secret médical? Cette question
a donné lieu à des études particulièrement intéressantes qui incitent
les praticiens à une surveillance attentive en raison des progrès de
la technologie (voy. notamment: Henry ANRYS, <<La protection du
secret 'déposé' dans un système informatique>>, Rev. dr. pén., 1973-
1974, p. 581; M-H. BouLANGER, S. CALLENS et S. BRILLON, <<La
protection des données à caractère personnel relatives à la santé
... >>, Rev. dr. santé, 2000, p. 326; M.-H. BOULANGER et J. DHONT,
<< Protection de la vie privée et données génétiques: quelques
considérations>>, Cahiers du O.R.I.D., 1999, p. 163; J. DHONT, <<Le
traitement des données à caractère personnel ... >>, Rev. dr. U LB,
2000, p. 289; D. FRALA, <<La pratique des banques de données ... >>,
ibid., p. 267; P. LECLERCQ (Dr.), <<Ürdinateurs et droit du malade
au respect du secret médical», communication faite le 1er octobre
1970 au 3e colloque international de Bruxelles sur la Convention
européenne des droits de l'homme; Herman NYs, <<Medisch beroep-
sgeheim en informatisering in de arbeidsgeneeskunde : enkele juri-
dische aspectem, Ohron. dr. soc. 1987, p. 233; Yves PouLLET, <<Le
secret professionnel et les technologies de !'information et de la
communication>> in Didace KIGANAHE et Yves PoULLET (dir.), Le
secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002, p. 251; Foulek RIN-
GELHEIM, <<La protection des banques de données et la sécurité
sociale>>, Rev. dr. ULB, 1994, p. 91; M. VANDEWEERDT, <<La protec-
tion des banques de données et la sécurité sociale>>, Rev. b. séc. soc.,
1993, p. 25 7; voy. aussi l' avis du Conseil national de l' Ordre des
médecins du 22 avril 1995: <<Respect du secret professionnel lors de
la transmission de données couvertes par le secret, par l'entremise
d'une boîte aux lettres électronique>>, Rev. dr. santé, 1995-1996,
p. 254; voy. égalt à l'étranger: Catherine CHABERT, <<Le dossier
médical on line et le secret médical», Gaz. Pal., 15-17 juillet 2001;
188 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

Philippe LAGARGE, <<Secret professionnel, confidentialité et nouvel-


les technologies de l'informatiom, Gaz. Pal., 19-21 avril 1998, p. 17).

C. - Les certificats médicaux


Des études et monographies nombreuses ont été établies sur la
seule question des certificats médicaux. Parmi elles, citons : Maurice
DE LAET, <<Documents médicaux et secret professionnel», Rev. dr.
pén., 1955-1956, p. 47 et du même auteur, <<Le certificat médical,
acte de l'art de guérin>, Bruxelles-médical, septembre 1960, p. 1201;
I. MASSIN, <<La délivrance de certificats médicaux à un tiers au
regard du secret professionnel», Rev. dr. sant., 2003-2004, p. 162; en
France: Anne-Marie LARGUIER, Gertificats médicaux et secret profes-
sionnel, Dalloz, Paris, 1963; Louis MÉLENNEC et Gwenael BELLEIL,
<<Le secret professionnel et la recevabilité des certificats médicaux
comme mode de preuve en justice ►>, Gaz. Pal., 1975, D, p. 30.

a. Les certificats ordinaires


251. La rédaction et la délivrance des certificats médicaux que
les praticiens sont appelés à établir en grand nombre soulèvent des
problèmes délicats dans la mesure ou cette pratique peut contreve-
nir à l' obligation au secret professionnel. Ni la doctrine, ni la j uris-
prudence n' ont dressé de règles claires auxquelles il était possible de
se référer; bien au contraire, des controverses sont apparues dans la
doctrine juridique et médicale; quant aux décisions de justice, elles
étaient souvent contradictoires. Or, l'utilisation de certificats
comme mode de preuve en justice n'est pas exceptionnelle, notam-
ment dans la matière des successions. Bien souvent, ces documents
constituent pour les plaideurs les seuls éléments valables de nature
à leur permettre de faire valoir utilement leurs droits.
Le principe selon lequel les certificats produits en violation du
secret professionnel doivent être rejetés des débats, au besoin
d'office, et ne peuvent produire aucun effet, a été fréquemment
affirmé par la jurisprudence (voy. notamment: Gand, 4 mai 1965,
R. W., 1965-1966, col. 629; Bruxelles, 15 mars 1971, Pas., 1971, II,
p. 190; Journ. trib., 1971, p. 290 et Rev. not. b., 1971, p. 291, obs.
F.L.; Bruxelles, 3 janvier 1972, Pas., 1972, II, p. 56; Mons, 9 avril
2001, Rev. rég. dr., 2001, p. 262; Journ. trib., 2002, p. 409: la cour
énonce que «les certificats 'négatifs', à savoir ceux qui certifient
LE SECRET MÉDICAL 189

qu'un patient n' est pas atteint de telles affections, sont aussi cou-
verts par le secret médical). A l'inverse, les certificats fournis en
conformité avec les règles du secret médical peuvent être accueillis
par le juge comme mode de preuve (civ. Bruxelles, 27 février 1975,
R.G.A.R., 1976, n° 9581). L'affirmation de ces principes n'a d'autre
résultat que de déplacer les difficultés lorsqu'il s' agit de déterminer
si un certificat est délivré ou non en violation du secret profession-
nel.
252. Il convient de distinguer le cas d'un certificat produit par
le patient lui-même du cas ou ce document est invoqué par un tiers
ou par un héritier du patient. Dans le premier cas, l' obligation au
secret médical ne peut avoir pour objet et ne peut avoir pour effet
d'interdire au médecin, lorsqu'il est requis par son client, de délivrer
à celui-ci des certificats, attestations ou documents destinés à expri-
mer les constatations qu'il est en mesure de faire sur sa personne
(Xavier RYCKMANS et Régine MEERT-VAN DE PuT, op. cit., n° 207).
C'est dès lors à juste titre qu'il a été jugé à !'occasion d'une procé-
dure en nullité de donation exercée par le donateur pour cause
d' absence de consentement à l' époque des libéralités, que les certi-
ficats médicaux délivrés par le médecin au disposant lui-même ne
doivent pas être écartés des débats (civ. Liège, 19 février 1991,
J.L.M.B., 1992, p. 620). Il en va de même si le certificat est remis
par le médecin d'un prévenu à l'avocat de ce dernier (cass., 6 avril
1982, Pas., 1982, I, p. 924; en l'occurrence, la Cour a jugé que de
la seule circonstance que le médecin traitant d'un prévenu a adressé
des certificats médicaux au conseil de ce dernier, il ne se déduit pas
nécessairement que ceux-ci ont été délivrés en violation du secret
médical, en sorte que l' arrêt qui écarte à tort ces certificats des
débats au seul motif qu'il y a eu violation du secret professionnel,
viole notamment les droits de la défense).
253. Le médecin est-il fondé à refuser la délivrance d'un certificat
au patient? L' article 67 du Code de déontologie médicale,
élaboré par le Conseil national de l'Ordre des médecins énonce, dans
sa mise à jour de 1995 : << Le médecin a le droit mais non l 'obligation
de remettre directement au patient qui le lui demande un certificat
concernant son état de santé. Le médecin est fondé à refuser la déli-
vrance d 'un certificat. Il est seul habilité à décider de son contenu et
de l 'opportunité de le remettre au patient ». Le texte ajoute: << Lorsque
190 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

Ze certificat est demandé par Ze patient dans Ze but de lui permettre


d 'obtenir des avantages sociaux, Ze médecin est autorisé à Ze lui déli-
vrer en faisant preuve de prudence et de discrétion dans la rédaction
au éventuellement à Ze transmettre, avec son accord au celui de ses pro-
ches, directement au médecin de l 'organisation dont dépend l 'obtention
des avantages sociaux ».
Ce texte traduit une certaine conception désuète du röle du méde-
c1n.
A l' opposé de cette conception rigide et surannée, il avait déjà été
soutenu que le secret est la propriété du malade et qu'il en dispose
à sa guise en sorte que «Ie médecin lui-même doit parler lorsque son
client, invoquant un intérêt personnel évident, requiert une décla-
ration relativement à une maladie pour laquelle il a été traité ►>
(Alfred MOREAU, <<De la divulgation des secrets médicaux ►> in Ann.
soc. méd. lég. de Belgique, Aug. Piete, Charleroi, 1892; contra: Mons,
5 septembre 1980, Rev. dr. soc., 1981, p. 71). Le médecin ne saurait,
en effet, violer le secret professionnel en formulant ses constatations
dans un certificat remis à son patient; la loi pénale reconnaît impli-
citement cette faculté au médecin, l' article 204 du Code pénal
punissant d'un emprisonnement «tout médecin, chirurgien au autre
officier de santé qui, pour favoriser quelqu 'un, aura certifié fausse-
ment des maladies au des infirmités propres à dispenser d 'un service
dû légalement au de toute autre obligation imposée par la loi » (voy.
égalt cass. 12 juin 1950, Pas., 1950, 1, p. 714; cass. 4 novembre
1963, Pas., 1964, I, p. 244).
Il est vrai que le certificat est toujours délivré non pour être con-
servé par le client auquel il est remis, mais pour être produit soit à
une administration, soit à la justice, soit à une compagnie d' assu-
rance. Il était, dès lors, recommandé au médecin, pour éviter toutes
difficultés, d' ajouter sur les certificats qu'il délivre à ses clients :
<< Remis à M. X ... ►> et de faire signer le client sur le certificat (J ac-
ques SuDRE, << Le secret professionnel en droit positif français ►>,
Cahiers Laënnec, mars 1935, p. 16).
Seuls les partisans du caractère absolu et intangible du secret, qui
n' admettent pas que la levée du secret soit possible, même à la
demande du client, continuent à soutenir, jusqu'à l'absurde,
qu' aucun certificat ne peut être remis, y compris à celui qui a con-
sulté le médecin.
LE SECRET MÉDICAL 191

254. Cette matière a été profondément repensée par la loi du 22


août 2002 relative aux droits du patient qui lui a donné le «droit,
de la part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le
concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de
santé et son évolution possible >>. La loi précise même que le patient
«peut demander que les informations soient communiquées par écrit»
(art. 7, §Ier, al. 2 de la loi).
Ces dispositions législatives, qui ont un caractère impératif, ont la
primauté sur celles du Code de déontologie médicale.

b. Les certificats post mortem


255. La remise d'un certificat médical aux héritiers ou ayants-
droit - appelé habituellement la délivrance d'un certificat post mor-
tem - a suscité de violentes controverses.
La question se pose le plus souvent lorsqu'un héritier veut agir
en annulation d'un testament pour insanité d' esprit du testateur.
D'autres exemples peuvent se présenter: c'est le cas lorsqu'un héri-
tier tente de prouver, à l' occasion d'une action en reconnaissance de
paternité, l'impossibilité de procréer du père prétendu, décédé
depuis l'introduction de la procédure (voy. cass. fr., 22 janvier 1957,
Dall., 1957, p. 445 et Journ. trib., 1957, p. 717, obs. Charles VAN
REEPINGHEN).
D'une manière générale, les cours et tribunaux font preuve d'une
extrême réserve, sinon de pusillanimité, lorsqu'il s' agit d' admettre
aux débats des certificats post mortem et ceux-ci sont habituelle-
ment rejetés des débats au besoin d'office, particulièrement
lorsqu'ils sont de nature à nuire à la considération due au testateur :
selon cette jurisprudence, le secret professionnel impose le silence à
l'égard des héritiers, la remise d'un certificat entre leurs mains cons-
tituant une violation du secret professionnel (civ. Bruxelles,
13 novembre 1948, Pas., 1949, III, p. 47; Liège, 19 février 1957,
Journ. trib., 1958, p. 129, obs. Ch. V. R. et Jur. Lg, 1956-1957,
p. 297; Gand, 4 mai 1965, R. W., 1965-1966, col. 629; Mons,
9 décembre 1975, Pas., 1976, II, p. 159 et Rev. not. b., 1977, p. 123;
Liège, 2 décembre 1976, Jur. Lg, 1976-1977, p. 187; Liège, 27 avril
1977, Jur. Lg, 1977-1978, p. 89; Bruxelles, 7 juin 1979, Journ. trib.,
1979, p. 744; Mons, 20 juin 1979, Pas., 1979, V, p. 130; et les nom-
breuses références citées; Mons 18 mars 1986, Rec. gén. enr. et not.,
192 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

1988, p. 387; civ. Charleroi, 14 mars 1980, inédit, R.G. 25.956;


Liège, 22 janvier 1981, Jur. Lg., 1981, p. 233; civ. Liège, 5 décem-
bre 1988, J.L.M.B., 1990, p. 506; civ. Liège, 2 mai 1994, Journ.
trib., 1995, p. 85; Gand, 7 septembre 1995, Tijds. not. 1996, p. 591;
Gand, 21 février 1997, Tijds. not., 1998, p. 196; Mons, 9 avril 2001,
Journ. trib., 2002, p. 409; civ. Bruxelles, 1°" juin 2001, J.L.M.B.,
2001, p. 1358, obs. critiques de Jean SACE: <<Certificat post mortem
et secret professionnel»).
256. Cependant, la remise d'un certificat médical à l'héritier
n'implique pas nécessairement une violation du secret professionnel,
écrivait déjà Robert LEGROS: il y a tant d'hypothèses ou de cas
exceptionnels ou la remise d'un certificat est légitimement et léga-
lement justifiée (<<Le secret médical», Rev. dr. int. et dr. comp., 1958,
pp. 454 et suiv., n°" 4 et 5).
N éanmoins, la Cour de cassation s' est montrée longtemps très
sourcilleuse même quand il s' agit d' accepter un certificat produit
avec l' autorisation tacite du malade. Elle a ainsi relevé, dans un cas
d'espèce, que <<pour décider que des certificats médicaux relatifs à
l'état de santé d'une donatrice, pouvaient être produits en justice,
le juge du fond s'est borné à affirmer qu'on peut supposer que la
donatrice, quand elle était encore saine d' esprit, eût consenti
d' avance à la production desdits documents, pour établir son insa-
nité d'esprit au jour ou les donations eurent lieu>>. Elle a toutefois
jugé que <<pareille affirmation dans laquelle le juge énonce une opi-
nion purement personnelle, ne suffit pas à valoir preuve du consen-
tement de la donatrice>> (cass., 23 septembre 1954, Journ. trib.,
1955, p. 107).
257. Cependant, une évolution significative se dessine depuis
quelques années. Progressivement, certaines juridictions ont mani-
festé moins de rigidité dans l' admission des certificats produits aux
débats. La cour d'appel de Liège, dans un arrêt rendu le 15 janvier
1957 a admis qu'un médecin avait le droit de faire connaître le
résultat de ses investigations et de les attester par écrit à la famille
d'une personne défunte qu'il avait examinée à la demande de celle-
ci pour vérifier son état mental (Journ. trib., 1958, p. 130, obs.).
Plus tard, il a été jugé que si le certificat médical délivré par le
médecin traitant du défunt en violation du secret professionnel doit
être écarté des débats, ce médecin appelé à témoigner en justice
LE SECRET MÉDICAL 193

pourrait s'estimer délié du secret professionnel et être entendu (civ.


Liège, 2 mai 1994, Journ. trib., 1995, p. 85; Rev. gén. dr. civ., 1995,
p. 332). De même, une expertise pourrait être demandée pour obte-
nir, par cette voie, des renseignements contenus dans un certificat
irrégulièrement délivré, l' expert étant autorisé à prendre connais-
sance du dossier médical du défunt (civ. Liège, 19 octobre 1987,
Pas., 1987, III, p. 7; voy. égalt Liège, 19 mars 2002, J.L.M.B.,
2003, p. 410).
A son tour, la Cour de cassation a jugé que l'article 458 du Code
pénal ne fait pas obstacle à ce qu'une attestation médicale réguliè-
rement délivrée du vivant du défunt en vue d'introduire une procé-
dure d'interdiction à son égard soit produite dans une procédure
ultérieure visant à l' annulation de son testament (cass. 19 jan vier
2001, Pas., 2001, I, p. 138, concl. avocat général G. DuBRULLE,
J.L.M.B., 2002, p. 24; Journ. trib., 2002, p. 9; R. W., 2001-2002,
p. 952; Rev. gén. dr. civ., 2003, p. 54, note B. ALLEMEERSCH; voy.
dans le même sens: Gand, 28 février 2002, Tijds. not., 2003, p. 368;
cass., 7 mars 2002, Pas., 2002, I, p. 661; Journ. trib., 2003, p. 290,
note d' Isabelle MASSIN, << Secret médical et insanité d' esprit : j uris-
prudence de la Cour de cassation; ainsi que Journ. trib., 2004,
p. 643, note D.S.; Rev. dr. sant., 2002-2003, p. 85, note
W. DIJKHO~'FZ).
Ce revirement de jurisprudence se fonde sur la considération que
le secret médical n'est pas absolu et a pour hut de protéger Ie
patient.

c. Les certijicats destinés aux assurances privées

258. Les médecins sont fréquemment sollicités pour établir des


certificats médicaux à l'intention des compagnies d' assurance privée
qui ont développé leur champ d' application pour couvrir actuelle-
ment un grand nombre de risques: assurance-vie, assurance acci-
dent individuelle, assurance hospitalisation, assurance protection
juridique, ... (M. VINCINEAU, <<Assurances et vie privée: du vide
légal à l'illicite ►>, Rev. b. dr. inter., 1994, p. 479; Koen TROCH, <<Het
medisch beroepsgeheim en zijn impact op de levensverzekering>>,
R. W., 23 avril - 7 mai 1994, pp. 1217 et suiv.; Pierre LUCAS, <<Le
secret professionnel du médecin vis-à-vis de l' assurance privée ►>, Rev.
dr. ULB, 2000, p. 63; H. Cousv <<L'assurance et le secret
professionnel», ibid., p. 7; B. Du BUIS SON, << L' assurance et le secret
194 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

professionnel: secrets, mensonges et confidences>>, Rev. dr. U LB,


2000, p. 289; Jean-Luc FAGNART, <<Le droit de l'assureur au secret
à l'égard de l'assuré, du bénéficiaire et de la personne lésée>>, Rev.
dr. U LB, 2000, p. 289).
Ce sont surtout les relations avec les compagnies d' assurance-vie
qui ont posé des problèmes (voy. avant la loi du 22 août 2002 rela-
tive aux droits du patient : François GLANSDORFF, <<Le secret médi-
cal et la délivrance d'un certificat post mortem en matière d' assu-
rance sur la vie>>, Journ. trib., 1971, p. 317; J.-C. ANDRÉ-DUMONT
et J.-M. VAN GYSEGHEM, <<Droit médical et assurance-vie>>, Bull.
ass., 2001, p. 409).
259. Les compagnies d'assurance exigent non seulement du can-
didat à l' assurance des déclarations détaillées sur son état de santé
et ses antécédents héréditaires, mais soumettent ces déclarations au
controle du médecin-conseil qui, parfois, interroge le médecin trai-
tant. Plus tard, lorsque l' assuré est décédé, les compagnies récla-
ment au bénéficiaire de la police d' assurance un certificat établi par
le médecin traitant de la victime, relatant la cause du décès (voy.
la controverse qui opposa les docteurs PHILIPPE et MAHILLON, << Du
secret professionnel en matière d' assurance sur la vie >>, Rev. dr. b.,
t. III, 1896-1900, p. 68; voy. avant la loi du 25 juin 1992 sur le con-
trat d'assurance terrestre: François GLANSDORFF, <<Le secret médi-
cal et la délivrance d'un certificat post mortem en matière d' assu-
rance sur la vie>>, Journ. trib., 1971, p. 317; Ph. CüLLE, <<Suïcide,
secret professionnel médical et assurance-vie>>, Bull. ass., 1990,
p. 231; K. TROCH, <<Le secret professionnel médical et son impact
sur l'assurance-vie>>, R. W., 1993-1994, pp. 1217 et suiv.).
Une situation analogue se présente lorsqu'une personne sur la
tête de qui une rente a été constituée décède dans les vingt jours
de la signature du contrat. L'on sait qu'aux termes de l'article 1975
du Code civil, tout contrat de rente viagère «sur la tête d'une per-
sonne atteinte d 'une maladie dont elle est décédée dans les vingt jours
de la date du contrat» ne produit aucun effet (voy. civ. Gand, 16 juin
1983, R. W., 1985-1986, col. 1647).
260. La situation du médecin de la compagnie d' assurances est
différente de celle du médecin traitant. Le candidat à une assurance
se présente à un médecin qui est chargé d'établir un rapport sur son
état de santé, pour permettre à la compagnie d' apprécier le risque
LE SECRET MÉDICAL 195

assuré. Il ne peut y avoir aucune surprise: le candidat sait que le


médecin communiquera à la compagnie les informations reçues ou
décou~ertes. Il n' est pas tenu au secret professionnel à son égard;
il ne l' est qu' en vers les tiers.
261. Quelle doit être l' attitude du médecin traitant qui se voit
ainsi interpellé par le médecin-conseil d'une compagnie d' assurance
ou à qui un certificat est demandé relativement à la cause du décès
d'un de ses patients?
Le Code de déontologie médicale, élaboré par le Conseil national
de l'Ordre des médecins, indiquait de manière catégorique, dans sa
version de 197 5 : « En matière d 'assurance-vie, aucun renseignement
relatif à la cause du décès d 'un assuré ne peut être communiqué direc-
tement ou indirectement par le médecin traitant à l 'assureur ou au
médecin-conseil de celui-ci >> ( art. 68).
Il a été jugé que la clause de l'assurance-vie prévoyant que le
capital dû au décès de l' assuré, ne sera payable au bénéficiaire du
contrat que moyennant la délivrance d'un certificat établissant la
nature de la dernière maladie de l' assuré, ne relève pas le médecin
traitant de l' assuré du secret professionnel, et ne l' autorise pas à
délivrer à l' assureur ou au médecin-conseil de celui-ci, un certificat
décrivant tous les symptömes de la dernière maladie du défunt
(Gand, 12 avril 1965, Pas., 1965, II, p. 181 et R. W., 1965-1966,
col. 104).
Il avait cependant été admis qu'un patient peut relever son
médecin du secret professionnel dès la souscription d'une police
d' assurance sur la vie et que dans ce cas, un certificat post mortem
peut être accueilli, pour autant qu'il se limite à écarter les risques
expressément exclus de la garantie, ce qui revenait à n' autoriser
qu'un certificat négatif (civ. Bruxelles, 27 février 1975, R.G.AR.,
1976, n° 9581; Bruxelles, 27 octobre 1976, Pas., 1977, II, p. 128 et
Journ. trib., 1977, p. 624; comm. Bruxelles, 29 janvier 1997, Bull.
ass., 1998, p. 78, obs.).
La doctrine avait émis l'espoir que la jurisprudence déciderait à
l' avenir que la preuve exigée résulte suffisamment d'un certificat
médical attestant que la personne sur la tête de laquelle une assu-
rance sur la vie a été conclue ou une rente viagère créée, est décédée
de mort naturelle ou, selon le cas, d'une maladie dont elle était déjà
atteinte au moment de la conclusion du contrat, sans qu'il soit
196 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

besoin de préciser cette maladie, dès !'instant ou il en résultait


implicitement qu' elle était étrangère aux risques exclus par la police
d' assurance et que l' assuré n' avait pas fait de fausses déclarations
lors de la souscription du contrat (voy. en ce sens: Paris, 2 février
1962, Dall., 1963, p. 280, et la note de Max LEROY).
262. La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d' assurance terrestre
remédia dans un premier temps à ce qu'il pouvait y avoir d'inéqui-
table pour les bénéficiaires des contrats d' assurance-vie. L' article 95
disposait en effet de la manière sui van te: «Le médecin choisi par
l 'assuré remet à l 'assuré qui en fait la demande les certificats médi-
caux nécessaires à la conclusion au à l'exécution du contrat. Les exa-
mens médicaux nécessaires à la conclusion et à l 'exécution du contrat
ne peuvent être fondés que sur les antécédents déterminant l 'état de
santé actuel du candidat-assuré et non sur des techniques d 'analyse
génétique propres à déterminer son état de santé futur. Pour autant
que l 'assureur justifie de l 'accord préalable de l 'assuré, le médecin de
celui-ci transmet au médecin-conseil de l 'assureur un certificat établis-
sant la cause du décès ».
L' obligation que cette disposition imposait au médecin a été rem-
placée par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient,
dont l' article 19 remplaçant l' article 95 de la loi précédente énonce
que le médecin «peut remettre à l 'assuré les certificats médicaux
nécessaires ... >>, en précisant que <<ces certificats se limitent à une des-
cription de l 'état de santé actuel », et qu'ils «ne peuvent être remis
qu'au médecin-conseil de l'assureur» (voy. G. ScttAMPS, <<Le secret
médical et l' assureur - Commentaire du nou vel article 95 de la loi
du 25 juin 2002 sur le contrat d'assurance terrestre>>, Rev. dr. santé,
2003-2004, p. 131). Quant au deuxième aliéna de l'article 95 de la
loi du 25 juin 1992, il est demeuré inchangé.

D. - Les relations avec les assurances sociales


263. La loi du silence entrave fréquemment l' exercice du controle
nécessaire dans le domaine des assurances sociales et d' aucuns de se
demander s'il ne conviendrait pas de l' abolir purement et simple-
ment, ou, au moins, <l'en réclamer une modification qui apparaît à
leurs yeux indispensable (voy. Paul BoumN, <<Le respect du secret
professionnel médical et l' application des lois sociales modernes>>, La
semaine juridique, 1932, p. 781).
LE SECRET MÉDICAL 197

Les organismes assureurs en matière d' assurance soins de santé et


maladie-invalidité ont confié à des médecins une mission de controle
sur le plan médical (voy. Fabienne KEFER, <(Le secret médical dans
la législation sociale>>, Rev. dr. pén., 1992, p. 613; Viviane VANNES,
<(Le droit au secret de l'assureur à l'égard des organismes sociaux>>,
Rev. dr. ULB, 2000, p. 185).
L' objet et les modalités de ce controle sont fixés dans l' arrêté
royal du 14 juillet 1994, portant coordination de la loi relative à
l' assurance obligatoire soins de santé et indemnités. Son article 150,
alinéa 1er - tel qu'il a été modifié par l' article 44, 1° de la loi du 20
décembre 1995 portant des dispositions sociales - énonce: « Sans
préjudice des dispositions de la loi du 16 décembre 19 72 relative à
l 'inspection du travail, les employeurs, les organismes assureurs, les
établissements de soins, les offices de tarification, ainsi que leurs pré-
posés au mandataires et les personnes autorisées à fournir les presta-
tions de santé définies par la présente loi coordonnée et les bénéficiai-
res, sant tenus de donner aux médecins-inspecteurs, aux infirmiers-
contróleurs et aux contróleurs sociaux, tous les renseignements et docu-
ments dont ils ont besoin pour exercer leur mission de contróle. La
communication et l 'utilisation de ces renseignements et documents sant
subordonnés au respect du secret médical ».
Cette disposition constitue une exception au secret professionnel,
le dispensateur de soins ayant l' obligation de coopérer à l' assurance-
maladie et de communiquer aux médecins inspecteurs tous les ren-
seignements et documents dont ils ont besoin pour exercer leur mis-
sion de controle. Cette divulgation n' est pas soumise à un accord
exprès du patient (C.E. arrêt Defalque n° 105.838 du 24 avril 2002).
Une disposition en tout point analogue est reprise dans la loi du
27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées,
compétée par la loi du 22 février 1998 qui a introduit un deuxième
paragraphe à l' article 18.
264. En outre, l' article 153 énonce: << Le service d 'évaluation et de
contróle médicaux a accès à toutes les données et (tous les) documents
qui doivent être transmis par les organismes assureurs, les dispensa-
teurs de soins, les établissements hospitaliers et autres établissements
au services de soins de santé dans le cadre de la présente loi
coordonnée » ( al. 3) et << accès direct auprès du service des soins de
santé et du service des indemnités aux données émanant des profils et
198 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

de leur traitement» (al. 4). Ces alinéas 3 et 4 résultent de la modifi-


cation intervenue dans la loi-programme du 24 décembre 2002 (II),
art. 39).
L' article 161, § 1er, 3° de la loi charge le comité du service de con-
trole administratif, notamment, d' établir «des rapports sur les cons-
tatations qu 'il a faites en matière d 'application, par les organismes
assureurs, des dispositions légales et réglementaires concernant l 'assu-
rance soins de santé, l 'assurance indemnités et l 'assurance maternité ».
265. Le législateur n'ignorait pas, en libellant ces dispositions -
qui étaient sensiblement les mêmes dans la loi du 9 août 1963 ins-
tituant et organisant un régime d' assurance obligatoire contre la
maladie et l'invalidité - que ce comité ne pouvait remplir cette
fonction qu'en ayant accès aux documents exigés pour le rembour-
sement des soins de santé et le paiement des indemnités.
Les inspecteurs de ce service de controle ne portent, dès lors, pas
atteinte au secret médical lorsqu'ils dressent des procès-verbaux
constatant, dans le cadre de leur mission, les infractions visées par
cette disposition légale et saisissent, d'une part, les tribunaux (cass.,
10 juin 1968, Pas., 1968, I, p. 1158; Journ. trib., 1968, p. 526; R. W.,
1968-1969, col. 507, obs. M. de S.; corr. Dinant, 7 mai 1968, Journ.
trib., 1968, p. 440; Anvers, 24 janvier 1978, Bull. inf. lnami, 1978,
p. 206), et d' autre part, les commissions juridictionnelles instituées
en matière d'assurance maladie-invalidité (comm. app. A.M.I.,
9 mars 1965, Rev. dr. soc., 1965, p. 326, et la note de Régine MEERT;
comm. app. A.M.I., 2 juillet 1970, Journ. trib., 1970, p. 139, et la
note de Ph. P. GossERIES) ou encore le juge d'instruction à la
demande de ce dernier (Anvers, 24 janvier 1978, Bull. inf. lnami,
1978/3, p. 206) ou éventuellement le Conseil de l'Ordre des médecins
lorsqu'ils constatent des abus (cass., 7 septembre 1989, Pas., 1990,
I, p. 11; R.W., 1989-1990, p. 404) (Voy. sur ces questions: G. PuR-
NELLE, << Le secret professionnel dans le cadre du controle médical de
l'I.N.A.M.I. >>, Bull. inf. lnami, 19090, p. 157; R. DELAHAYE et
J. RIGA, <<Le secret médical dans le cadre de l'assurance maladie-
invalidité oblitatoire>>, Bull. inf. lnami, 1990, p. 309).
266. De même, un officier de police judiciaire peut, sans violer le
secret professionnel, porter à la connaissance du médecin-inspecteur
d'un organisme assureur mutualiste, les infractions en matière de
soins de santé qu'ils ont l'un et l' autre qualité pour rechercher et
LE SECRET MÉDICAL 199

constater (arrêt C.E. Duynslaeger, n° 17.010 du 9 mai 1975; en


l'espèce, un officier de police judiciaire avait communiqué au méde-
cin-inspecteur du service de controle médical de l'Inami des pièces
saisies lors d'une information répressive).
267. Sous la réserve indiquée plus haut, les médecins-inspecteurs
et les médecins-conseils des organismes assureurs mutualistes sont
tenus, au même titre que tous les agents de ces organismes, au
secret professionnel; ils ne peuvent révéler à quiconque les éléments
qu'ils ont pu recueillir au cours de l'exercice de leurs fonctions, que
ce soit de tarification, de remboursement ou de controle (pol. Flo-
renville, 20 février 1968, Journ. trib., 1970, p. 311 - cette décision
a été confirmée par corr. Arlon, 24 avril 1968; voy. égalt pol. Jehay-
Bodegnée, 20 octobre 1967, Journ. trib., 1967, p. 699).
C'est ainsi qu'il a été jugé que le médecin-conseil violerait indi-
rectement le secret médical s'il joignait à son dossier pour les trans-
mettre aux juridictions, les éléments médicaux en provenance du
médecin traitant (comm. app. A.M.I., 2 juillet 1970, Journ. trib.
trav., 1970, p. 139, et la note de Ph. GossERIES; voy. égalt cour
trav. Mons, 7 mars 2003, qui écarte des débats le rapport d'un
médecin traitant transmis au ministère public, par le médecin-con-
seil de la mutualité, Journ. trib. trav. 2003, p. 342). Il faut en effet
distinguer, d'une part, les constatations effectuées personnellement
par le médecin-conseil qui peuvent être communiquées aux juridic-
tions, eu égard à la mission légale de controle de ce médecin, et,
d' autre part, les éléments médicaux, joints au dossier du médecin-
conseil, mais émanant du médecin traitant dont ce dernier apprécie
l' opportunité de la transmission.
268. L'article 59 de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités
et aux unions nationales de mutualités, tel qu'il a été remplacé par
l' article 146 de la loi-programme du 22 décembre 2003, énonce:
«Les membres du Conseil et du Comité scientifique de l 'Office de con-
tróle, les membres du personnel de eet Office, les réviseurs visés à
l 'article 32, ainsi que les personnes qui ont exercé auparavant les fonc-
tions précitées sant soumis à un devoir de discrétion quant aux faits
dont ils ont eu connaissance en raison de leur fonction.
Il ne peut être dérogé à l' alinéa pr que lorsque l' Office de
controle:
200 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

1°s' adresse à un service public pour récolter des informations en


application de l'article 52, 3°;
2° communique au Service de controle administratif de l' lnstitut
national d' assurance maladie-invalidité, en application de !' article
52, 7°, une infraction aux dispositions de la loi coordonnée du 14
juillet 1994 précitée ou à ses arrêtés d' exécution;
3° communique au service public compétent, une infraction à
d' au tres dispositions légales et réglementaires en matière de sécu-
rité sociale, constatée dans le cadre de ses missions légales;
4°communique au Service public fédéral Finances une infraction
aux dispositions légales et réglementaires en matière fiscale qu'il
a constatée dans le cadre de ses missions légales;
5° est con voqué pour témoigner dans le cadre d' affaires pénales;
6°communique des données confidentielles dans le cadre d'une pro-
cédure administrative ou judiciaire dans laquelle l'Office de con-
trole est partie;
7°dénonce des infractions pénales visées par les articles 63, 64 et 65
qu'il a constatées dans le cadre de ses missions légales;
8° dénonce des infractions pénales, commises soit par des préposés
de l'Office de controle, soit par des tiers, dans les locaux de
l'Office de controle ou à !'occasion du fonctionnement de l'Office
de controle,>.
269. Le médecin traitant se trouve dans une situation particu-
lière à l'égard du médecin-conseil d'un organisme assureur (voy. sur
cette question R. VANDENDRIESSCHE, <<Le médecin-conseil, la colla-
boration médecin-conseil et médecin traitant - Le secret profession-
nel et le tribunal du travaib>, Rev. b. séc. soc., 1977, p. 751). Le Con-
seil national de l'Ordre des médecins s'est posé la question de savoir
si le médecin traitant d'un accidenté du travail est tenu au secret
professionnel vis-à-vis du médecin-conseil de la compagnie d'assu-
rances contre les accidents du travail, lors de l'évaluation des
séquelles d'un accident du travail (voy. son avis in Rev. dr. santé,
1995-1996, p. 332).
Lorsque c' est à la demande du patient que le médecin traitant
soumet au médecin-conseil de l' organisme assureur des éléments
médicaux, il ne saurait y avoir violation du secret professionnel, le
médecin traitant n'étant pas tenu au secret vis-à-vis de son client,
a dit le Conseil d'Etat (arrêt C.E. Oger, n° 16.387 du 26 avril 1974;
LE SECRET MÉDICAL 201

voy. également cour. trav. Mons, 20 septembre 1977, Rev. dr. soc.,
1978, p. 203).
Il en irait autrement si le patient s' opposait à la transmission de
tels éléments; ceux-ci devraient alors être écartés des dé bats (pol.
Florenville, 20 février 1968, Journ. trib., 1970, p. 311 et Jur. Lg.,
1968-1969, p. 38; corr. Dinant, 7 mai 1968, Journ. trib., 1968,
p. 440).
Le médecin traitant ne peut, à peine de sanction pénale, faire
obstacle à l' accomplissement de la mission de controle des méde-
cins-conseils et des médecins-inspecteurs des organismes assureurs
(art. 171, al. icr de la loi). Toutefois, il n'y pas d'infraction s'il invo-
que le secret médical comme justification lorsque la mission «vise
des documents ou renseignements autres que ceux qu 'une disposition
légale ou réglementaire oblige à produire ... », et si le juge estime que
cette cause d'excuse est fondée. A cette fin, le magistrat peut dési-
gner comme expert un membre du conseil de l'Ordre des médecins
(art. 171, al. 3).
270. Le Code de déontologie médicale, dans sa version de 1995
adoptée par le Conseil national de l' Ordre des médecins, range
parmi les exceptions légales au secret professionnel << la délivrance de
certificats médicaux réglementaires en vue de permettre les déclarations
d 'accidents de travail et contenant toutes les indications en rapport
avec le traumatisme eaus al>> (art. 58, f). Le conseil de l' Ordre des
médecins du Brabant était allé plus loin encore en énonçant: <<La
loi sur la réparation des accidents du travail est une loi d'intérêt
public et la notion du secret médical n'est pas d'application lorsque
des renseignements d' ordre médical sont demandés à un médecin
traitant au sujet d'un accidenté du travail par un médecin expert,
désigné par le tribunal du travail; il existe dans ce cas une excep-
tion légale à la règle du secret médical>> (Bull. de l 'Ordre des méde-
cins du Brabant, 1971, n° 2, p. 40).
La jurisprudence n' a pas suivi cette opinion. La Cour de cassa-
tion, dans un arrêt rendu le 30 octobre 1978, qui consacrait, à l'épo-
que, de façon contestable, la théorie du secret médical absolu, a
jugé que le médecin directeur d'un établissement hospitalier dans
lequel la victime d'un accident a reçu des soins, est tenu au secret
professionnel au même titre que le médecin traitant de cette vic-
time. Il en résulte, a dit la Cour, qu'est illégale la décision du juge
202 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

qui, pour déterminer si un accident est survenu sur Ie chemin du


travail, ordonne, par application de l' article 879 du Code judiciaire,
Ie dépöt au greffe de la juridiction d'un dossier médical contenant
les déclarations faites par la victime à son médecin sur les circons-
tances et les données médicales relatives à ce patient et à son état
antérieur (cass. 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 249; Journ. trib.,
1979, p. 369; Rev. dr. pén., 1979, p. 293, obs. R.S.; R. W., 1978-
1979, col. 2232; Bull. inf. Inami, 1979, n° 1, p. 1 et p. 60, la note
de Robert GROSEMANS; Bull. ass., 1979, p. 91, obs. J.R.).
Cet arrêt cassait un jugement qui avait décidé que «la production
d'un dossier médical ne peut être refusée au prétexte du secret
médical, dès lors que les pièces demandées doivent permettre de
déterminer la portée juridique des déclarations faites en dehors de
tous renseignements sur les conséquences médicales de l' accident>>
(trib. trav. Bruxelles, 3 juin 1977, Journ. trib., 1977, p. 627).

E. - Les relations avec l 'employeur


271. Certains employeurs - employeurs privés ou administrations
publiques - soumettent les candidats à un emploi ou même les pré-
posés en place, à un examen médical, en vue du controle de leurs
aptitudes et de leur état de santé (voy. Olivier DE SCHUTTER, <<Les
examens médicaux à l'embauche de la Commission européenne>>,
obs. s/ Cour just. Comm. eur., X ... c. Commission des Communautés
européennes, 5 octobre 1994, Rev. trim. dr. h., 1995, p. 101).
Les lois coordonnées du 3 juillet 1978 prévoient que Ie travailleur
confronté à l'impossibilité de fournir son travail par suite de mala-
die ou d' accident, ne peut refuser de recevoir un médecin délégué et
rémunéré par l' employeur ni de se laisser examiner. Cependant, la
loi précise que ce médecin «vérifie la réalité de l 'incapacité de travail,
toutes autres considérations étant couvertes par le secret professionnel »
(art. 31, §§1 et 2, al. 3 et 4). Il ne peut sans violer Ie secret profes-
sionnel mettre l' employeur au courant de l' évolution possible de
l' affection dont est atteint Ie travailleur examiné ou lui communi-
quer un rapport d' analyse sanguine d' ou il ressort que Ie sang du
travailleur contenait un certain degré d'alcool (cass., 6 décembre
1984, Pas., 1985, I, p. 436; Journ. trib., 1985, p. 305 et R. W., 1985-
1986, col. 940; trib. trav. Anvers, 7 novembre 1984, R. W., 1985-
1986, col. 1231, et la note de J. HAEGDOORNS). En revanche, il a été
jugé que <<des circonstances ou des données de fait constatées par Ie
LE SECRET MÉDICAL 203

médecin controleur ou dont il a connaissance ne tombent pas sous


le secret professionnel, tel que décrit à l' article 31 de la loi (cour
trav. Anvers, sect. Hasselt, 21 décembre 1999, Limb. Rechtst., 2000,
p. 417).
Il a été jugé que le médecin traitant qui, à la demande de
l' employeur de son patient, remet une attestation selon laquelle ce
dernier n'est plus en état d'exécuter son travail, ne trahit pas le
secret professionnel (cour trav. Gand, 6 février 1989, R. W. 1988-
1989, p. 1092).
La loi-programme du 9 juillet 2004 prévoit que la travailleuse
remet à son employeur, en vue du congé de maternité auquel elle a
droit un certificat médical attestant la date présumée de l' accouche-
ment, ce qui implique que le médecin ou l'établissement hospitalier
sont, à eet égard, déliés de toute obligation au secret professionnel
(art. 289 insérant un article 39 nouveau dans la loi du 16 mars 1971
sur le travail).
272. La question de ce que l' on appelle parfois, dans les adminis-
trations publiques, <<le secret médical administratif►> se pose sous un
triple aspect :
- le médecin est-il tenu au secret en vers l' autorité administrative et
dans quelles limites?
- le juge appelé à examiner la légalité de la décision administrative
qui résulte de l'examen médical auquel il a été procédé peut-il exi-
ger la communication du dossier médical?
- le patient peut-il exiger que le médecin lui révèle, directement ou
par l'intermédiaire de son médecin traitant, le résultat de l' exa-
men auquel il est soumis?
Ces questions ont été examinées tant par le Conseil d'Etat que
par la Cour de justice des Communautés européennes avant l'entrée
en vigueur de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Leurs décisions ont marqué une évolution heureuse en s' écartant
d'une conception un peu surannée du secret qui revient - comme le
soulignent justement François Glansdorff et Dominique Lagasse - à
nier singulièrement les droits de !'individu alors même que l' on pré-
tend former un bastion contre les atteintes croissantes à son inté-
grité (Journ. trib., 1981, pp. 737 et suiv., sub. n° 11).
Par ses arrêts du 30 septembre 1955 (Longtain, n° 4577) et du
6 novembre 1974 (Van de Plas, n° 16.702), le Conseil d'Etat a jugé
204 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

que «les médecins qui examinent un agent de l'Etat en application


de l' arrêté royal du 18 août 1939 réglant l' organisation des examens
médicaux par le Service de santé administratif, sont commis par ce
service. Leurs conclusions servent de base à la décision de l' autorité
concernant la mise en disponibilité ou la mise à la retraite de l' agent
intéressé. Ces conclusions doivent, avec les raisons qui les fondent,
pouvoir être communiquées à l'autorité afin de lui permettre de
prendre sa décision en connaissance de cause. De même, elles doi-
vent être jointes au dossier administratif que le gouvernement a
l' obligation de soumettre à la section d' administration du Conseil
d'Etat pour lui permettre d'accomplir sa missiom (Pas., 1977, IV,
p. 30 et Tijds v. Bestuursw., 1976, p. 106).
Les médecins n' agissent pas en l' occurrence en qualité de méde-
cins traitants appelés par le malade; ils remplissent le róle d'un
expert et, à ce titre, sont malvenus d'invoquer le secret profession-
nel à l' égard de l' autorité administrative qui les a désignés.
273. Il ne faut cependant pas tomber dans une confusion souvent
commise : ces médecins demeurent, comme les autres, soumis à
l' obligation au secret professionnel en vers les tiers, même si l' agent
ne se présente pas à leur consultation pour être soigné, mais uni-
quement pour être examiné, ainsi que son statut administratif l'y
oblige. Le médecin de l' administration est donc bien un confident et
se trouve, dès lors, soumis au secret médical, sauf la dérogation
admise au profit de l' administration. En acceptant de se soumettre
à l' examen du Service de santé administratif, l' agent le délie du
secret en vers l' autorité administrative, de la même manière que le
médecin-conseil d'une compagnie d'assurance est autorisé à commu-
niquer le résultat de son examen à la compagnie qui l' a désigné,
mais serait punissable s'il faisait les mêmes révélations à des tiers.
La Cour de justice des Communautés européennes a statué dans
un sens analogue par trois arrêts successifs, rendus les 27 octobre
1977 (Rec., 1977, p. 1971, et les concl. de l'avocat général Henri
MAYRAS), 13 avril 1977 (Rec., 1978, p. 897, et les concl. de l'avocat
général Henri MAYRAS) et 10 juin 1980 (Rec., 1980, p. 1797, les
concl. de l' a vocat général Francesco CAPOTORTI, J ourn. trib., 1981,
p. 739, et la note de François GLANSDORFF et Dominique LAGASSE,
<<Le secret médical administratif et ses prolongements>>, Journ. trib.,
1981, p. 733). Ce dernier arrêt, particulièrement significatif, a une
portée très générale. La Cour a jugé que s'il est vrai que le secret
LE SECRET MÉDICAL 205

médical est protégé en raison de la relation de confiance qui s'éta-


blit entre le malade qui recherche les soins et le médecin, les droits
de tous les Etats membres des Communautés européennes recon-
naissent aussi - bien que dans une mesure variable - certaines limi-
tes à la portée de ce secret. De telles limites résultent notamment
des circonstances suivantes : lorsque la personne concernée a donné
explicitement son consentement, lorsque le médecin intervient à
l'occasion d'une procédure de controle administratif ou lorsque
l'invocation du secret médical aurait pour effet de bloquer le fonc-
tionnement normal de la justice.

SECTION 4. - LES PERQUISITIONS


ET LES SAISIES

274. Au cours des affaires qui lui sont confiées, le juge d'instruc-
tion peut avoir à procéder à une perquisition et à effectuer des
saisies; ce droit est réglé par les articles 87 et 88 du Code d'instruc-
tion criminelle qui sont d' application générale; ils permettent au
juge de se transporter en tout lieu ou pourraient se trouver des
papiers, effets et généralement tous objets jugés utiles à la manifes-
tation de la vérité.
Dans l'étude des pouvoirs du juge d'instruction, on trouve peu de
restrictions au droit du juge de procéder à une perquisition (voy.
Jacques HoEFFLER, Traité de l'instruction préparatoire en matière
pénale, Courtrai, éd. U.G.A., 1956). Faustin Hélie enseignait que
«lorsque la visite a été prescrite par le juge et qu' elle a été pratiquée
par lui, il y a lieu de présumer, d'abord, qu'elle a été mûrement
délibérée et par conséquent qu' elle était nécessaire, ensuite, qu' elle
a été entourée de toutes les form es légales >> ( Traité de l 'instruction
criminelle ou théorie du Code d'instruction criminelle, éd. belge par
NYPELS et HANSSENS, 3 t., Bruxelles, Bruylant-Christophe, 1845-
1869).
La loi n' apporte aucun tempérament particulier aux dispositions
précitées lorsque le lieu de la perquisition est cel ui ou s' exerce l' acti-
vité d'une personne tenue au secret professionnel, tel un médecin.
275. L'usage voudrait que le juge d'instruction ne perquisitionne
chez une personne tenue au secret professionnel qu' avec une parti-
culière circonspection et seulement s'il existe des présomptions suf-
206 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

fisantes qu'il s'y trouve des pièces nécessaires à la manifestation de


la vérité judiciaire. Mais eet usage est dépourvu de sanction. Louis
Viaene qui le rappelle, relève simplement que le méconnaître revien-
drait à << rendre impossible la confiance qu'implique nécessairement
l'exercice de ces professions oû Ie secret est la règle>> (Louis VIAENE,
<<Huiszoeking en beslag in strafzakem, A.P.R., 1962, n° 480).
Quoi qu'il en soit, les autorités judiciaires n'ont pas Ie pouvoir de
violer arbitrairement Ie secret professionnel, notamment en consul-
tant systématiquement, chez les médecins et dans les höpitaux, la
totalité des dossiers, fiches, livres et documents similaires relatifs à
tous les patients soignés par ces médecins et dans ces höpitaux.
Ces documents peuvent être saisis, si l'instruction judiciaire Ie
requiert, lorsqu'ils ont trait à l'infraction pour laquelle l'instruction
a été ordonnée ou lorsqu'ils se rapportent à des délits commis par
un médecin (corr. Anvers, 22 juin 1953, R. W., 1952-1953, col. 1783;
Bruxelles, 20 mars 1954, R. W., 1953-1954, col. 1382; Rev. dr. pén.,
1954-1955, p. 735 et Le médecin belge, n° 7, du 15 avril 1954; corr.
Anvers, 24 mars 1955, R. W., 1956-1957, col. 830).
Ainsi, une saisie systématique de documents qui permettraient
d'identifier des patients éventuellement coupables d'infraction n'est
pas admise par la jurisprudence: la perquisition et la saisie doivent
présenter un rapport direct avec Ie fait précis pour lequel l'instruc-
tion est effectuée.
276. Le conseil de l'Ordre des médecins du Brabant a émis !'opi-
nion qu'en matière de saisie de fiches médicales d'un médecin
inculpé, il appartient au président du conseil de l'Ordre ou à son
délégué, de donner certains avis concernant !' appréciation du secret
médical et d'éclairer Ie magistrat instructeur en lui indiquant les
documents qui lui paraissent couverts par Ie secret professionnel,
tout en lui laissant la responsabilité de la décision qu'il lui appar-
tient seul de prendre sous Ie controle des juridictions d'instruction
ou du fond (voy. Xavier RYCKMANS et Régine MEERT-VAN DE PuT,
Les droits et les obligations des médecins, Larcier, 2e éd., Bruxelles,
1972, n° 202, p. 146).
A ce propos, il existe une controverse relative aux conditions
dans lesquelles Ie tri des documents saisis sera effectué. Pour les
uns, Ie juge d'instruction, légalement investi du droit de perquisi-
tionner et de saisir, ne peut se décharger sur !' autorité disciplinaire
LE SECRET MÉDICAL 207

de ce tri. On fait valoir qu'il «appartient au juge de rechercher lui-


même les pièces relatives aux faits sur lesquels porte l'instruction :
c' est à lui à les examiner et à apprécier si elles sont ou non couver-
tes par le secret professionnel; s'il doit permettre au délégué de
l'Ordre de prendre connaissance des pièces trouvées et avoir le plus
grand égard à l' avis qu'il émettra quant à la détermination des piè-
ces couvertes par le secret professionnel, il ne doit pas lui abandon-
ner son droit d' appréciation, ni s'incliner en présence de son avis. Il
ne peut surtout renoncer à prendre lui-même connaissance des piè-
ces (voy. la lettre du conseiller REY reproduite dans les rapports de
la session de l'Union belge et luxembourgeoise de droit pénal, tenue
à Bruxelles, le 22 octobre 1955, Rev. dr. pén., p. 352).
Pour les autres, sans contester pour autant le droit de saisir du
magistrat instructeur, il faut recourir aux autorités de l'Ordre.
Celui-ci - qui comprend des magistrats - représenté par un délégué,
se verrait remettre les fichiers saisis et il lui appartiendrait de reti-
rer des fichiers ce qui concerne la cause en litige (voy. Maurice DE
LAET, Rev. dr. pén., 1955-1956, p. 344; Louis VIAENE, op. cit.,
n° 486 et les références). L'argument essentie! en faveur de cette
thèse est que ce mode de procéder est le seul qui garantisse effica-
cement le secret professionnel: cel ui-ei s' oppose non seulement à la
saisie de documents confidentiels, mais aussi à la divulgation de leur
contenu. La perquisition ne peut avoir pour résultat de permettre
au juge d'instruction d' apprendre par la lecture de pièces confiden-
tielles - certes non encore saisies, mais <lont il examinerait le con-
tenu - des faits sur lesquels le praticien ne pourrait être contraint
de témoigner en justice. L' on fait valoir d' ailleurs qu'il y a une con-
tradiction à admettre, d'une part, que la perquisition et la saisie
doivent être limitées à l'objet de la poursuite, et à permettre,
d'autre part, au magistrat instructeur de prendre connaissance de
tous les documents confidentiels en vue de déterminer ceux qui se
rattachent directement aux poursuites en cause.
CHAPITRE II
LE SECRET PROFESSIONNEL
DE L'AVOCAT

BIBLIOGRAPHIE SPÉClALE

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van de geneesheer», Rev. dr. santé, sept.-oct. 2002, p.2: du même auteur, Regels
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LE SECRET PROFESSIONNEL DE L' AVOCAT 209

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2002/2, pp. 167 et suiv.; ROBERT, BRISSART, CORHJN, EDWARD, MARTIN, LENOIR
et GURLAND, «Le secret professionnel de l'avocat dans les pays de la
Communauté», (rapports ronéotypés présentés Ie 4 juin 1983 au 8° colloque inter-
national organisé par Ic barreau de Reims).

SECTION 1. ~ lNTRODUCTION

277. Alors que les textes romains sont muets sur le secret médi-
cal, l' obligation des gens de justice y est mentionnée dans le Digeste
(Digeste, Loi XXII, V, <<De testibus>>, 25 et Loi IX, II, Ad legem
aquiliam, 41) et, plus tard, dans les Commentaires du célèbre juris-
consulte Farinacius. Celui-ci fonde l'obligation au secret sur l'idée
de protection affectueuse que le patron doit au client, cette protec-
tion prohibant la révélation des confidences reçues et interdisant à
l' avocat de porter témoignage contre ses clients (« Advocatus in
causa in qua est causa, propter praesumtam affectionem, testimonium
ferre non potest», Farinacius, Quaest, 60, n° 155).
Si l' Ancien Droit n' a pas connu de texte général prescrivant le
secret professionnel, les ordonnances royales et les arrêts des Parle-
210 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

ments de l' Ancien Régime ont admis l'impérieuse nécessité de l' obli-
gation au secret professionnel qui pèse sur l' avocat.
L'Edit de Louis XI du 22 décembre 14 77 reconnaissait à l' avocat
le droit de refuser son témoignage à la justice, en raison du secret
dont il est dépositaire, sous la seule réserve du crime de lèse-
majesté.
Encore qu'elle ne fut inscrite formellement dans aucun texte, la
règle du secret professionnel des avocats était unanimement admise
au Souverain Conseil du Brabant. Elle était sanctionnée par l' article
18 de l' ordonnance albertine d'une seule peine et c' était la plus
forte: la privation de la robe. Quant au témoignage en justice, l' opi-
nion des auteurs était divisée. La jurisprudence du Grand Conseil de
Malines n'interdisait pas de faire entendre un avocat contre son
client, avec cette restriction que sa déposition devait se bomer à ce
qu'il savait «par ses sens propres>> à l'exclusion de ce qu'il avait
appris de son client pour la préparation du dossier (Jean NAUWE-
LAERS, Histoire des avocats au Souverain Oonseil de Brabant, Bruy-
lant, 1947, t. 1, Bruxelles, pp. 366 et suiv.).
278. Bien que l' avocat ne soit pas expressément désigné par
l'article 378 du Code pénal de 1810, il fut très rapidement admis
qu'il était placé sur le même plan que le prêtre et devait aux con-
fidences qui lui sont faites, un secret non moins inviolable. La juris-
prudence a très töt accepté la dispense de déposer sur les faits que
l' avocat a appris dans ses fonctions (Faustin HÉLlE, Traité de l 'ins-
truction criminelle, éd. augmentée par NYPELS et HANSSENS, Bruy-
lant-Christophe, t. Il, Bruxelles, 1865, n° 2436). Cette dispense était
considérée comme une nécessité du droit de défense dont le libre
exercice constitue une des sources de la vérité et, par conséquent,
un élément essentie! de la justice (civ. Gand, 17 janvier 1853, Belg.
jud., 1853, col. 429; Bruxelles, 26 novembre 1853, Belg. jud., 1854,
col. 364; Bruxelles, 14 novembre 1859, Belg. jud., 1860, col. 385,
obs.).
Le principe n'en a j amais été contesté; seules les limites firent
l' objet de décisions prenant en compte les circonstances de fait, plus
particulièrement, selon qu'elles avaient été connues dans l'exercice
de la profession ou en dehors de celle-ci. La Cour de cassation a pro-
clamé implicitement la dispense de témoigner par ses arrêts des
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L' AV0CAT 211

15 octobre 1888 et 27 mars 1905 (Pas., 1888, I, p. 339; Pas., 1905,


I, p. 176; Journ. trib., 1905, col. 606; Belg. jud., 1905, col. 941).

SECTION 2. - LE PRINCIPE ET L'ÉTENDUE

279. L'avocat reçoit des confidences pour les besoins de la


défense des intérêts qui lui sont confiés. La confiance que sa profes-
sion attire serait un détestable piège s'il pouvait en abuser au pré-
judice de ses clients. Les clients doivent compter sur l' absolue dis-
c rét ion de l'avocat. Sans cette confiance totale, leurs
communications seront mêlées de réticences et de mensonges, et la )
défense ne sera plus entière. Il n'y aura plus qu'un simulacre de
défense, préparant un simulacre de justice (Victor DEMARLE, De
l'obligation au secret professionnel, Lyon, Nouvellet, 1900, p. 241).
Le secret professionnel est, en effet, indissociable du droit de
défense, ce qui fait dire qu'il est <<de l'essence de la professiom: il
constitue une garantie essentielle de la liberté de !'individu et du
bon fonctionnement de la justice.
Ainsi que l' a souligné Eugène Reumont, les dispositions générales
de l' article 458 du Code pénal n' existeraient pas << que le secret pro-
fessionnel n'en serait pas moins une réalité indiscutable ►>, car il
s' agit d'une condition indispensable à l' accomplissement de la mis-
sion de défense, dans un Etat de droit (Eugène REUMONT, <<Le
secret professionnel des avocats ►>, Journ. trib., 1948, p. 585). Par là,
le secret professionnel de l' avocat est d'une nature particulière et se
différencie de celui des autres confidents professionnels : il constitue
un des principes fondamentaux sur lesquels repose l' organisation de
la Justice. Pour que l'avocat puisse accomplir de manière efficace sa
mission de défense et de conseil, <<il faut que le client puisse avoir
en lui une confiance sans limites, qu'il puisse négliger avec lui les
précautions qu' on prend dans les affaires ordinaires, qu'il ne craigne
pas d' ouvrir son àme toute entière à son défenseur et s' abandonner
à sa foi ►> (Fernand PAYEN, Le barreau, Grasset, Paris, 1934, p. 183,
cité par Charles HuBERLANT dans son avis avant C.E., arrêt Del-
hauteur, n° 8645 du 8 juin 1961, Journ. trib., 1962, p. 172).
La cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt du 18 juin 1974 a
parfaitement défini la raison d'être du secret professionnel de l'avo-
cat, en disant qu'elle réside <<dans la nécessité de donner à ceux qui
exercent cette profession, les garanties nécessaires de crédibilité,
212 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

ceci dans l'intérêt général, pour que tous ceux qui s' adressent à lui
en confiance puissent avoir la certitude que les secrets qu'ils con-
fient à leur conseil ne courent pas le risque d' être dévoilés à des
tiers>>. Il en résulte, poursuit l' arrêt, que l' avocat est également tenu
au secret lorsque, dans l'exercice de sa profession, il lui est demandé
de devenir le complice d'un délit; en décider autrement reviendrait
à mettre en péril le caractère absolu de l' obligation au secret pro-
fessionnel (Pas., 1975, II, p. 42; Journ. trib., 1976, p. 11; voy. dans
le même sens: corr. Bruxelles, 29 mars 2001, Journ. trib., 2001,
p. 61 7, note Pierre LAMBERT, << Le secret professionnel de l' a vocat et
les conflits de valeur; cass., 9 juin 2004, Larcier Cassation, 2004,
n° 797).
Il ne s'étend pas cependant à des faits qui, en raison de leur illé-
galité, sont non seulement étrangers, mais encore directement con-
traires à l'exercice de la profession d'avocat et à ses fins légitimes;
en aucune manière, il ne peut servir à couvrir des infractions (corr.
Bruxelles, 29 mars 2001, précité).
280. Longtemps, la doctrine professionnelle a proclamé à l' envi
le caractère absolu et intangible de l' obligation de l' avocat, en ajou-
tant qu'il ne saurait appartenir à personne de l'en affranchir, le
client lui-même ne pouvant l'en délier. Il faut constater que les
résolutions réglementaires des ordres professionnels sont d'une sévé-
rité extrême en ce qui concerne le respect du secret professionnel,
allant jusqu' à interdire à l' avocat de déposer en justice, même sur
une circonstance purement matérielle à laquelle il a été mêlé dans
l' exercice du mandat de défense qui lui a été confié (décision du
conseil de l'Ordre du barreau de Bruxelles du 14 octobre 1980, Let-
tre du bátonnier, octobre 1980; pp. 58 et 63; voy Pierre LE GROS,
<< Les conséquences disciplinaires de la révélation du secret par l' avo-

ca t appelé à témoigner en justice>>, in Mélanges offerts à Robert


Legras, éd. de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1985, p. 351).
Or, si le secret professionnel de l' avocat est d'une nature particu-
lière en ce qu'il participe à l' a.mvre de justice, il n' est pas d'un fon-
dement différent des autres secrets professionnels. Affirmer sa sévé-
rité et sa rigueur est une chose; en tracer les limites en est une
autre. Ce que l'avocat apprend autrement qu'en sa qualité d'avocat
le place devant les mêmes problèmes moraux que toute autre per-
sonne, tenue à la discrétion si le fait ou la confidence promise le
commande, obligé à témoigner si elle est appelée à le faire. Il y aura
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L' AV0CAT 213

donc lieu de déterminer si l' avocat sait une chose en raison de


l' exercice de sa mission d' avocat ou autrement. Dans le premier cas,
il pourra se retrancher derrière le secret professionnel; dans le
second cas, il ne bénéficiera d' aucune prérogative particulière, le
secret professionnel ne constituant pas un privilège concédé aux
titulaires d'une profession.
Il en découle que l'avocat ne peut accepter une cause dans
laquelle il pourrait être appelé à témoigner. Si un avocat a été
témoin d'un fait, si insignifiant que puisse être sa déposition, si peu
probable qu' on y fasse appel, il doit, en vertu de sa déontologie,
s'abstenir de défendre la cause (Eugène REUMONT, <<Le secret pro-
fessionnel des avocats)>, Journ. trib., 1948, p. 585, n° 4).
281. Cependant, l'obligation au secret professionnel - quel que
soit son caractère rigoureux - s' accommode de dérogations lorsque
le devoir de divulguer le secret devient plus impérieux que celui de
le respecter. L' avocat ne se trouve pas, à eet égard, dans une situa-
tion différente de celle des praticiens des autres professions tenues
au secret professionnel, et les conflits de valeurs qui peuvent se pré-
senter dans l'exercice quotidien de son activité professionnelle, ne se
résolvent pas d'une manière différente.
Personne ne pardonnerait à l'homme qui découvre qu'un crime
va se commettre ou même en reçoit la confidence, d'y apporter ce
que Rossi appelait un concours négatif; il doit l' empêcher par tous
les moyens, y compris la révélation du secret, si c' est nécessaire
(Eugène REUMONT, <<La frontière du secret)>, Journ. trib., 1965,
p. 277). Sans doute, une telle hypothèse est-elle très exceptionnelle
et confine au cas d' école. Elle s' est cependant produite au moins
une fois au cours de ces dernières années, au barreau _de Bruxelles.
L' on doit dès lors regretter que les résolutions des ordres qui
imposent à l' avocat, appelé à témoigner en justice, de se retrancher
derrière le secret professionnel, à peine de commettre une faute
déontologique, ne soient pas plus nuancées. Il est, en effet, des cir-
constances particulières ou des valeurs commanderaient impérieuse-
ment la révélation et il est certain que les conseils de l'Ordre le
reconnaîtraient aisément et s' abstiendraient de sanctionner le man-
quement professionnel.
282. Le secret professionnel de l' avocat a cependant un aspect
paradoxal, puisque l' avocat plaide, rédige conclusions et mémoires,
214 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

en utilisant une très grande partie de ce que le client lui a dit sous
le sceau de la confidence. Les plaidoiries sont prononcées en
audience publique et voilà non seulement le secret professionnel
révélé, mais même étalé. Ce n'est là qu'une dérogation apparente à
la règle du secret; c' est l' exercice même de la profession ( voy.
Eugène REUMONT, op. cit., n° 12).
283. Hors cette circonstance, l' avocat est tenu au secret sur tout
ce qu'il a appris par l'exercice de sa profession.
C'est ainsi qu'il a été jugé que viole le secret professionnel, l'avo-
cat, chargé de la défense à une action en divorce, qui révèle aux
parents de sa cliente des faits de caractère scandaleux imputés à
celle-ci et venus à sa connaissance par la relation d'une tierce per-
sonne, même si ces faits sont étrangers aux griefs articulés dans la
procédure (cass., 11 février 1946, Pas., 1946, 1, p. 66).
Il en est de même pour l'avocat qui communique la copie d'un
dossier répressif à un écrivain pour lui permettre de publier un livre
concernant une affaire pénale, même si cette communication est
autorisée par le client. Ce dossier contient, en effet - relève le tri-
bunal - des dépositions étrangères à celles du client et celui-ci ne
peut valablement délier son conseil de l' obligation au secret pour
l'ensemble du dossier (Gand, 30 novembre 1961, Pas., 1963, Il,
p. 127; voy. dans le même sens corr. Liège, 15 septembre 1998,
Journ. procès, 2 octobre 1998, p. 28).
L' avocat est tenu au secret non seulement concernant les confi-
dences relatives à son client, mais également celles relatives à des
tiers. Les procès apprennent, en effet, fréquemment sur des person-
nes qui y sont étrangères, des c~10ses de nature confidentielle (REu-
MONT, op. cit., n° 6).

284. L' avocat peut être confronté à un conflit entre son obliga-
tion au secret professionnel et l'obligation qui lui est faite par l'arti-
cle 508/18 du Code judiciaire de déposer une requête motivée au
Bureau d' aide juridique «lorsque le bénéficiaire ne satisfait plus aux
conditions prévues>> légalement. Si, en effet, l' avocat acquiert la cer-
titude, soit des pièces du dossier, soit d'une confidence de son client,
que ses ressources ne sont pas insuffisantes au sens de la loi
(art. 508/13 du Code judiciaire) pour bénéficier partiellement ou
entièrement de l'aide juridique, il lui appartient de déposer une
requête motivée, c'est-à-dire qui énonce les raisons qui lui permet-
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L'AVOCAT 215

tent d' affirmer que son client ne remplit pas ou plus les conditions
de l'obtention du bénéfice de l'aide juridique. Comment concilier
cette obligation avec les exigences du secret professionnel et avec la
prohibition absolue pour l' avocat de s' associer comme co-auteur ou
complice du détournement au préjudice de la collectivité que com-
met son client?
Devant tenter d'harmoniser deux exigences inconciliables,
l'assemblée générale de l'Ordre des barreaux francophones et ger-
manophone a décidé, dans un règlement entré en vigueur le 1er jan-
vier 2002, que l' avocat se limiterait à déposer une requête non moti-
vée aux termes de laquelle il signale que le client ne remplit pas ou
plus les conditions prévues pour bénéficier de l' aide juridique. Au
préalable, il aura tenté de convaincre son client de renoncer volon-
tairement au bénéfice de l'aide juridique (voy. Robert DE BAERDE-
MAEKER et Pierre CoRVILAIN, <<Règlement sur l'article 508/18 du
Code judiciaire et le secret professionneL>, La Tribune de l 'Ordre des
barreaux, 2001, p. 11).
285. L'avocat, appelé à déposer en justice, ne peut invoquer le
secret professionnel que relativement à des faits confiés ou appris
par lui dans l' accomplissement de sa mission; ce serait dépasser le
hut et méconnaître la volonté de la loi que d'étendre la dispense de
déposer aux faits que l' avocat a connus en dehors de sa qualité de
confident nécessaire et, notamment, à ceux qu'il a appris avant
même d'avoir été consulté (cass., 27 mars 1905, Pas., 1905, I,
p. 176, et les concl. du procureur général JANSSENS; Belg. jud., 1905,
col. 941 et Journ. trib., 1905, col. 606).
Il en est de même, a décidé la cour d'appel de Liège, dans un
arrêt vivement controversé du 25 juin 1958, à propos de faits d'un
domaine étranger à la confidence proprement dite, comme par
exemple, la question de savoir si un acte rédigé en la présence de
l'avocat existe ou non (Pas., 1958, II, p. 108; Jur. Liège, 1958-1959,
p. 66 et J ourn. trib., 1959, p. 45; voy. aussi l' analyse de Charles
VAN REEPINGHEN, << Remarques sur le secret professionnel de
l'avocat ►>, Journ. trib., 1959, p. 37).
Il en est encore de même lorsque les actes accomplis par l' avocat
sortent de ses attributions normales, comme à !'occasion d'un man-
dat ou d'un dépót qu'il aurait accepté à titre de corollaire de sa
fonction de conseil. Dans ce cas, l' avocat mandataire peut être tenu
216 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

de donner, à un héritier de celui qui lui avait donné le mandat, des


éclaircissements sur des sommes qu'il détient (Liège, 4 mai 1961,
Jur. Liège., 1962, p. 233).
En revanche, il a été jugé que l'avocat qui, dans l'exercice de sa
profession, a reçu de son client une somme d'argent avec le mandat
de lui donner une destination déterminée, ne doit pas, en raison du
secret professionnel, nécessairement rendre compte de l' exécution de
ce mandat aux ayants droit de son client. Il en va autrement lors-
que l'avocat, en recevant une somme et en acceptant un mandat,
n' a pas accompli un acte relevant de l' exercice de sa profession
(cass., 13 juin 1963, Pas., 1963, I, p. 1079). En l'espèce, l'avocat
avait à justifier l'emploi d'une partie du produit de la vente d'un
immeuble que le notaire lui avait fait parvenir pour le compte de
son client. Il a été considéré qu'en représentant son client à la vente
publique, l' avocat n' avait pas accompli un acte relevant, même
occasionnellement, de la profession d' avocat.
286. La Cour de cassation a jugé, à bon droit, que lorsqu'un avo-
cat a reçu d'un tiers, fût-ce dans l' exercice de sa profession, un chè-
que au porteur, émis par son client et encaissé, du vivant de celui-
ci, par une personne restée inconnue et que, sur la plainte d'un héri-
tier de ce client, il est l' objet d'une instruction du chef de détour-
nement frauduleux, il ne peut exciper du secret professionnel dû au
défunt pour refuser d'expliquer aux autorités disciplinaires l'usage
qu'il a fait du chèque, s'il ~e justifie pas avoir rendu compte à son
client et obtenu son accord (cass., 3 juin 1976, Journ. trib., 1976,
p. 644 et Pas., 1976, I, p. 1070, et les concl. conf. du procureur
général DELANGE). Toute autre solution ouvrirait la porte à la pos-
sibilité de malversations : les autorités disciplinaires doivent être en
mesure d'exercer un controle sur le maniement des fonds par l'avo-
cat.
La question de l'obligation au secret à l'égard des autorités dis-
ciplinaires a été examinée en même temps que les conflits de valeur;
nous y renvoyons.
287. Les rapports de l'avocat avec les compagnies d'assurance
posent des questions particulières, que l' avocat soit le conseil uni-
quement de l' assuré ou, en même temps, cel ui de la compagnie, ou
encore que sa responsabilité professionnelle personnelle soit mise en
cause (voy. sur ces questions l'étude de Luc DE CAEVEL et Paul
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L' AV0CAT 217

DEPUYT, <<Le secret professionnel de l'avocat à l'égard de


l'assureur», Rev. dr. ULB, 2000, p. 34).
Dans le premier cas, la compagnie d' assurance doit être considé-
rée comme un tiers en vers lequel l' avocat est tenu au secret profes-
sionnel, sous réserve de lui communiquer les informations que
l' assuré souhaite lui voir transmettre dans son intérêt. L' avocat sera
fondé à tenir la compagnie au courant d'une procédure judiciaire
éventuelle. La situation n'est pas différente dans le cas d'une assu-
rance dite de <<protection juridique>>.
Dans le deuxième cas, lorsque l' avocat défend conjointement les
intérêts de l' assuré dans une procédure judiciaire et par ricochet
ceux de la compagnie qui couvre sa responsabilité (pour autant qu'il
n'y ait aucune contrariété d'intérêts}, l'avocat ne viole pas le secret
professionnel en transmettant à la compagnie toutes les informa-
tions utiles, pour autant qu' elles ne soient pas de nature à nuire à
l'un ou l'autre des clients.
Dans le troisième cas, la situation n'est pas différente de celle de
tout praticien qui peut, ainsi que l'admet la jurisprudence, faire
valoir dans la stricte mesure nécessaire à la défense de ses intérêts,
des éléments couverts par le secret professionnel (voy. supra:
<<L'intérêt du confident>>, n°" 180 et suiv.).

SECTION 3. - LE CARACTÈRE C0NFIDENTIEL


DE LA C0RRESP0NDANCE

288. L'article 460 du Code pénal institue en délit le fait d'avoir


<< supprimé une lettre confiée à un opérateur postal ou de l' avoir
ouverte pour en violer le secret>>. La production en justice de lettres
missives reste généralement admise pour autant que celui qui les
invoque ne soit pas entré en possession des lettres par un fait délic-
tueux ou illicite (voy. Eugène HANSSENS, Du secret des lettres, Bruy-
lant-Christophe, Bruxelles, 1890; voy. aussi un arrêt déjà ancien de
la Cour de cassation rendu le 27 février 1913, Pas., 1913, I, p. 123,
et les concl. de l' avocat général PHOLIEN).
La question est plus délicate lorsqu'il s' agit de lettres rendues
confidentielles par la volonté expresse de leur expéditeur ou encore
de lettres confidentielles par nature, telles celles qu'un avocat
adres se à son client; elle l' est da vantage encore lorsque la produc-
218 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

tion des lettres a lieu dans un procès opposant le destinataire à un


tiers. Une doctrine enseigne que, dans ce cas, la production en jus-
tice n' est possible qu' avec le consentement de l' auteur des lettres
confidentielles (GENY, Des droits sur les lettres missives, 1911, t. II,
n° 8 197 et suiv.) et ce consentement est le plus souvent impossible
lorsque l'auteur est tenu par le secret professionnel (Henri DE
PAGE, Traité élémentaire de droit belge, Bruylant, Bruxelles, 1941,
t. V, n° 1131).
Quant au caractère confidentie! de la correspondance échangée
entre les avocats, une confusion est souvent faite entre confidenti-
alité et secret professionnel (voy. Benoît VAN DE MooRTEL,
<<Confidentialité et secret professionnel - Pour en finir avec la
confusiom, Gaz. Pal., 4-5 mai 2003, p. 6). Le secret professionnel est
une construction légale <lont la non-observance est sanctionnée
pénalement. La confidentialité des correspondances résulte d'une
règle déontologique qui pourrait être supprimée sans inconvénient
et n'être maintenue, à la manière anglo-saxonne, que lorsque les
intéressés en formulent expressément la volonté en vue de faciliter
la recherche d'une solution d' arrangement transactionnel. Il existe
d' ailleurs déjà des dérogations à la règle, telles les let tres de procé-
dure, les propositions amiables dûment acceptées, etc.
289. Les correspondances échangées entre un avocat et son client
sont confidentielles par nature; elles sont couvertes par le secret
professionnel dans la mesure 011 elles sont liées à la défense des inté-
rêts du client, entendue au sens large (voy. Mons, 16 février 2004,
inédit, R.G. 2001/744). A ce titre, elles ne peuvent être saisies par
l' autorité judiciaire, quel que soit le lieu 011 elles se trouvent - sauf
l'hypothèse 011 l'avocat est lui-même le co-auteur ou complice d'un
délit - (Liège, 7 janvier 1991, inédit, R.G. 16.597/85; Bruxelles, ch.
mis. acc., 25 juin 2001, Journ. trib., 2001, p. 735). Il est en effet de
l' intérêt général que toute personne puisse correspondre en toute
liberté et dans le secret le plus rigoureux avec le conseil qu'elle s'est
choisi (Bruxelles, 19 juin 1909, Belg. jud., 1909, col. 849, et l'avis
de l'avocat général Jottrand; en l'espèce, il s'agissait d'une lettre
adressée par un avocat à un client en instance de divorce et <lont
le mari prétendait faire état dans la procédure).
La Cour de cassation a jugé dans un arrêt rendu le 9 juin 2004
que mi l' article 458 du Code pénal, ni l' article 8 de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
LE SECRET PROFESSIONNEL DE L' AVOCAT 219

ne s'opposent à la saisie et à l'exploitation par un juge d'instruction


de documents en rapport avec les activités suspectes d'un avocat;
à eet égard l' appréciation du juge d'instruction est provisoire, étant
susceptible de controle par des juridictions d'instruction et de
jugement» (Larcier Cassation, 2004, p. 159, n° 798).
Le principe de l'inviolabilité des lettres échangées entre un avocat
et son client a été affirmé dans des arrêts de différentes cours
d'appel qui les ont rejetées des débats, au motif qu'elles sont cou-
vertes par le secret professionnel (voy. Bruxelles, 21 juin 1978,
Journ. trib., 1979, p. 29; Liège, 13 janvier 1988, Journ. dr. Jisc.,
1990, p. 222. Le pourvoi en cassation contre ce dernier arrêt a été
rejeté par un arrêt du 14 juin 1990, ibid., p. 217; trib. trav., Nivelles,
25 novembre 1998, Journ. trib. trav., 1999, p. 204; voy. égalt
Bruxelles ch. mis. acc., 25 juin 2003, Journ. trib., 2003, p. 735 et
corr. Bruxelles, ch. cons., 30 juin 2004, la juridiction d'instruction
estimant qu'elle doit surseoir à statuer sur le règlement de la pro-
cédure aussi longtemps que les pièces couvertes par le secret profes-
sionnel figurent dans le dossier, Journ. proc., 6 novembre 2004,
p. 28, et la note de Jean-Marie DERMAGNE, ainsi que la réaction de
Véronique Laurent in ibid., 19 novembre 2004, p. 7).
La Cour de cassation a justement apporté un correctif important
à ce principe en faisant prévaloir l'intérêt de la personne qui s'est
confiée à l'avocat (voy. dans le même sens: civ. Charleroi, 19 juin
2001, J.L.MB., 2002, p. 111, note critique de Patrick HENRY, <<Les
consultations des avocats sont-elles par nature confidentielles? >>;
voy. supra sub <<L'intérêt de la personne qui s'est confiée>>, n°s 168
à 175).

290. Ce principe d'inviolabilité ne s' attache évidemment pas à la


correspondance qui constituerait le corps du délit, par exemple, une
pièce arguée de faux (Liège, ch. mis. acc., 14 décembre 1988, Journ.
trib., 1989, p. 256- La cour étend la restriction au cas ou la corres-
pondance <<contribue à la manifestation de la vérité>>, ce qui ne sau-
rait être admis sans nuance). Il en va ainsi également selon la for-
mulation d'un arrêt de la chambre des mises en accusation de la
cour d' appel de Bruxelles, rendu le 25 juin 2001, pour <<les pièces
officielles qui sont en relation avec l'objet de l'infraction reprochée
au client, tels que des actes de procédure signifiés ou notifiés et qui
ont, par cette officialisation, perdu leur caractère confidentie!; il en
est de même de lettres adressées par l' administration fiscale au con-
220 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

seil du client agissant en tant que mandataire de celui-ci ou d'ins-


tructions effectivement données à un organisme bancaire>> (Journ.
trib., 2001, p. 735 et Rev. dr. pén., 2002, p. 510).
Le secret professionnel s' étend, selon eet arrêt, à la correspon-
dance du client à l' avocat, de l' avocat au client ou de l' avocat à son
confrère ou à son correspondant pour la défense de son client uni-
quement en tant que cette correspondance relate les confidences et
les secrets des clients. Les annexes jointes à pareille correspondance,
en tant qu' elles sont relatives à l' objet même de la défense des inté-
rêts des clients, ne peuvent être dissociées de cette correspondance.
Il en est ainsi des projets de lettre, de propositions transactionnelles
ou de proj ets d' acte de procédure dont le client a intérêt à ce que
ces documents, de nature confidentielle, ne soient communiqués
qu'aux seules personnes auxquelles ces pièces sont destinées (ibid.).
Par contre, la lettre qu' adresse l' avocat d'une compagnie d' assu-
rance à l' assuré de celle-ci, par laquelle il lui précise les limites de
la couverture accordée et en vertu de laquelle il assumera sa défense
et celle de la compagnie qui détient les droits d' assumer la direction
du procès, n'est pas couverte par le secret professionnel (Liège,
7 février 2000, J.L.M.B., 2001, p. 1120).
291. Il va sans dire que la lettre adressée par un avocat à l'adver-
saire de son client ne présente pas, comme telle un caractère
confidentie!; sa communication aux autorités judiciaires par son
destinataire ne constitue pas la violation du secret professionnel
(cass., 25 octobre 1965, Pas., 1965, I, p. 260).
De même, l'article 458 du Code pénal ne s'oppose pas à ce qu'un
avocat communique aux autorités judiciaires, à !'occasion de la
défense des intérêts de son client, des informations reçues du précé-
dent conseil de celui-ci et relatives notamment à l'emploi des fonds
qui lui auraient été confiés (cass., 12 mars 1980, Pas., 1980, I, p. 858
et les références; Journ. trib., 1980, p. 359; R. W., 1980-1981,
col. 847; cass., 10 mars 1982, Pas., 1982, 1, p. 814,; R. W., 1982-
1983, col. 234).
Il n'en va pas autrement si cette personne est un incapable. En
effet, si le secret professionnel se trouve en opposition avec le droit
de surveillance et de direction sur la personne de l'incapable, il est
de la hiérarchie des droits en conflit que la défense de l'incapable
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L' AV0CAT 221

l'emporte sur l'autorité de tutelle (Bruxelles, 24 mai 1930, Belg.


jud., 1930, col 478).
292. Le Conseil d'Etat a été appelé à trancher une intéressante
question de production en justice des consultations et des lettres
adressées par l' avocat à son client, en l' occurrence, un établissement
public. La demande de production se présentait dans des circons-
tances un peu particulières. La partie requérante, estimant que le
dossier administratif déposé par l'établissement public était incom-
plet, réclamait la communication de la consultation que l' avocat
avait donnée à eet établissement, en invoquant le fait qu'elle était
expressément visée dans le préambule de la décision attaquée
<levant le Conseil d'Etat. Celui-ci a rejeté cette demande en souli-
gnant que «la consultation délivrée par un avocat à son client pour
l' éclairer, a un caractère confidentie! et est couverte par le secret
professionnel, le fait d' en avoir fait mention dans une délibération
ne modifiant pas ce caractère>> (arrêt Delhauteur, n° 8645 du 8 juin
1961, Journ. trib., 1962, p. 171, et l'avis conforme de !'auditeur
général Charles HuBERLANT, à l'époque, auditeur).
La Cour de cassation s' est montrée tout aussi rigoureuse en
approuvant une décision qui avait écarté des débats une lettre
adressée à l' avocat d'une partie par un autre avocat, après avoir
constaté qu' aucune précision n' était fournie quant à la personne qui
aurait délié l' avocat du secret professionnel, ainsi qu'il était allégué
(cass., 4 avril 1974, Pas., 1974, I, p. 814).

SECTION 4. - LES SAISIES-ARRÊTS


ENTRE LES MAINS DE L' AV0CAT

293. Une saisie-arrêt peut-elle être pratiquée entre les mains d'un
avocat et celui-ci peut-il être contraint de faire la déclaration de
tiers saisi prévue par l' article 1452 du Code judiciaire? (voy. sur ces
questions: Anne-Marie STRANART, <<La saisie-arrêt entre les mains
d'un avocat, Journ. trib., 1985, p. 693; Pierre CoRVILAIN, <<La saisie-
arrêt entre les mains d'un avocat», Cah. dr. jud., 1991, p. 79; Jean-
Pierre BuYLE, <<Les jardins secrets du compte bancaire professionnel
de l'avocat» in Liber amicorum Lucien Simont, Bruylant, 2002,
p.953)
222 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

Naguère, la question n'était pas discutée. La doctrine et la juris-


prudence estimaient généralement que la saisie-arrêt n'est pas pos-
sible entre les mains d'un avocat, lorsqu'il reçoit et transmet des
fonds pour le règlement de la cause qui lui a été confiée. Une telle
saisie-arrêt serait d' autant moins concevable, écrivait le bàtonnier
Eugène Reumont, en 1948, que la déclaration de tiers saisi serait
une violation ouverte du secret professionnel, en sorte que l' avocat
ne doit tenir aucun compte de la saisie pratiquée entre ses mains
(Eugène REUMONT, <<Le secret professionnel des avocats>>, Journ.
trib., 1948, p. 585, n° 14 g et les références de doctrine citées; LuR-
QUIN, Code de la saisie-arrêt, p. 451; voy. également Pand. b., v 0 sai-
sie-arrêt, n° 2610). Pareillement, les barreaux avaient adopté des
résolutions disposant que, sauf le cas du dépöt ou du mandat, une
procédure de saisie-arrêt ne peut être pratiquée entre les mains d'un
avocat car elle conduit, par la déclaration du tiers saisi, à la viola-
tion du secret professionnel.
U n j ugement du tribunal ei vil d' Arlon du 11 mai 1965 énonçait
même qu' «en raison de sa qualité et du secret professionnel qui
s' attache à ses interventions, l' avocat n' a pas à rendre compte à des
tiers des relations qu'il a avec son client et qui impliquent, le cas
échéant, une remise de fonds entre ses mains; l' avocat ne peut donc
pas être considéré comme un tiers à l' égard de son client, les fonds
qu'il détient étant censés être en possession de celui-ci, (et), dès lors,
aucune saisie ou opposition sur des biens appartenant à son client
ne peut être valablement faite entre les mains de l' avocat, sauf si
les fonds ont été préalablement consignés ou bloqués entre ses
mains» (civ. Arlon, 11 mai 1965, Pas., 1966, 111, p. 9 et Jur. Lg.,
1965-1966, p. 12).
294. Il peut paraître surprenant que le Commissaire royal à la
Réforme judiciaire ait prévu le motif légitime de refuser la produc-
tion d'un document (art. 882 du Code judiciaire) ou de refuser de
déposer en justice (art. 929 du même code) et n'ait pas prévu de dis-
position analogue pour la saisie-arrêt. Est-il téméraire de penser que
pour le Commissaire royal, cela allait de soi? N'a-t-il pas écrit: <<Le
secret forme un tout. S'il est livré en partie, la vérité risque encore
d'être trahie ... Il faut établir une démarcation rigoureuse entre les
permissions de la loi et les règles du devoir d'état, non point qu'elles
s'opposent, mais parce que leur champ d'application autant que
leurs raisons sont différentes. Ce qui est permis par la loi n'est pas
LE SECRET PROFESSIONNEL DE L' AVOCAT 223

pour autant convenable. La délicatesse professionnelle ne s' accom-


mode pas de certaines libertés. Si le législateur (tient) la divulgation
de confidences en justice pour non punissable, il n'en résulte point
que, selon ... les traditions du barreau, elle échappe à de justes cen-
sures. Est-ce là ... entrer en conflit avec la loi? Aucunement,
certes ... >> (Charles VAN REEPINGHEN, << Remarques sur le secret pro-
fessionnel de l'avocat>>, Journ. trib., 1959, p. 37).
Comment pourrait-on imaginer que le législateur ait admis que le
secret professionnel peut valablement être opposé à une demande de
preuves - soit par témoignage, soit par la production de pièces -
avec les conséquences qui en résultent pour l'issue du procès et qu'il
ait considéré qu'il n'en irait pas de même lorsqu'il s'agirait d'exé-
cuter la décision intervenue.
La vérité se trouve, sans doute, dans une solution nuancée, ainsi
que l'indiquait la cour d'appel de Liège dans un arrêt du 4 mai
1961, antérieur au Code judiciaire certes (Liège, 4 mai 1961, Jur.
Liège, 1961-1962, p. 233). Il convient de distinguer, soulignait eet
arrêt, selon que l' avocat se home à accomplir les devoirs qui lui
incombent naturellement dans la cause qui lui a été confiée ou au
contraire qu'il accepte à cöté de sa profession proprement dite, un
mandat ou un dépöt. Dans cette seconde hypothèse, il ne peut exci-
per du caractère confidentie! de la mission qu'il a acceptée, car il
l' assume comme un simple particulier et n' est lié par aucun secret.
Le pourvoi introduit contre l' arrêt de la cour d' appel de Liège fut
rejeté par la Cour de cassation le 13 juin 1963 (Pas., 1963, I,
p. 1079). La Cour retint que «l'avocat qui, dans l'exercice de sa pro-
fession, c'est-à-dire accomplissant un acte qui lui incombe dans une
cause dont il est chargé, a reçu de son client une somme d' argent
avec mandat de lui donner une destination déterminée, ne doit pas,
en raison du secret professionnel, rendre compte de l'exécution de
son mandat aux ayants-droit de son client. Il en va autrement lors-
que l'avocat, en recevant une somme d'argent et en acceptant un
mandat, n' a pas accompli un acte relevant de l' exercice de la pro-
fession d'avocat>>. Il s'agissait, en l'espèce, d'un mandat de répartir
le prix de vente d'immeubles, confié à un avocat qui opposait le
secret professionnel aux demandes d' explications dont il était
l' objet de la part du légataire universel de son client, décédé entre-
temps. La Cour souligne que l'arrêt attaqué avait considéré que
l' avocat, en acceptant et en exécutant le mandat qui lui avait été
224 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSlONNEL

donné, n'avait pas accompli un acte relevant, même accessoirement,


de l'exercice de la profession d'avocat et de sa mission propre, mais
d'une mission accessoire que l' avocat avait accepté d' accomplir,
mais qu'il n' accomplissait pas en tant qu' avocat.
Cette distinction que fait la Cour de cassation est importante,
entre l' avocat qui détient des fonds revenant à son client, en raison
de l'exercice de sa profession, et l'avocat qui accepte, en dehors de
celle-ci, de détenir des sommes ou effets, en qualité de mandataire
ou de dépositaire ordinaire.
295. De son cöté, le Conseil général de l'Ordre national avait
adopté, le 22 avril 1971 et le 19 janvier 1989, à l'intention des avo-
cats, un ensemble de recommandations et de directives reprenant la
même distinction.
Après une période de flottement, l'Ordre national a adopté, le
10 janvier 1992, un règlement qui énonce: «J. - L'avocat qui, dans
l 'exercice de sa profession, détient des sommes et effets qu 'il doit à
autrui, est en principe tenu d 'invoquer le secret professionnel dans sa
déclaration de tiers saisi en cas de saisie-arrêt ou de contrainte.
2. - Dès réception de l 'acte de saisie-arrêt ou de contrainte, l 'avocat
tiers saisi prend l 'avis de son bátonnier. L 'avocat apprécie ensuite si
la détention des sommes et effet est ou non couverte par le secret pro-
fessionnel. L 'avocat tiers saisi ne peut se dessaisir des sommes ou
effets, qui font l 'objet de la saisie ou contrainte si ce n 'est après la
mainlevée de celle-ci. - Pour le surplus, la déclaration devra être faite
dans les formes et délais des articles 1452 et 1453 du Code judiciaire.
S'il détient les fonds dans l 'exercice de sa profession, il devra l 'invo-
quer dans sa déclaration de tiers saisi; sinon, il devra faire une décla-
ration complète>> (Georges-Albert DAL, op. cit., spécialt, p. 20).
Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement adopté le
15 mars 2004 par l' Assemblée générale de l'Ordre des barreaux fran-
cophones et germanophone, qui prévoit :
<< Article 1. L' a vocat qui détient des sommes et des effets pour

compte d' au trui est, en principe, tenu d'invoquer le secret profes-


sionnel dans sa déclaration de tiers saisi en cas de saisie-arrêt ou de
contrainte, pratiquées dans le cadre de sa profession.
Dès réception de l' acte de saisie ou de contrainte, l' avocat tiers
saisi apprécie, après avoir pris, le cas échéant, l'avis de son baton-
LE SECRET PROFESSIONNEL DE L' AVOCAT 225

nier, si la détention des sommes et effets est ou non couverte par le


secret professionnel.
L' avocat tiers saisi nc peut se dessaisir de sommes ou effets qui
font l'objet de la saisie ou contrainte, qu'après la mainlevée de cclle-
c1.
Article 2. L'avocat mandataire de justice ou qui accepte, en
dehors de l' exercice de sa profession, de détenir des som mes ou
effets d' au trui, est tenu de respecter la saisie-arrêt pratiquée entre
ses mains et de se conformer aux dispositions légales applicables en
la matière, sans pouvoir exciper du secret professionnel.
Article 3. Lorsqu'un avocat, qui détient en lieu et place de son
client, des sommes et effets destinés à un tiers, est avisé qu'un
créancier de ce tiers a pratiqué saisie-arrêt entre les mains de son
client, eet avocat doit:
- inviter son client à les inclure dans la déclaration prévue par
l' article 1452 du Code judiciaire;
- transmettre ces sommes et effets à qui, à défaut d' accord des par-
ties, justice dira)>.

SECTION 5. - LES PERQUlSlTIONS ET LES SA1SlE8

296. Au temps lointain ou le domicile privé n'était inviolable


pour aucun agent de la puissance publique, le cabinet d'un avocat
était considéré comme un asyle sacré; les perquisitions et les saisies
qui y étaient opérées étaient nulles (Antoine-Gaspard BoucHER
u' ARGYS cite un arrêt du Parlement de Toulouse du 12 février 1672
et un arrêt du Parlement de Paris du 7 septembre 1742; le premier
de ces arrêts est résumé par Faustin HÉLIE, Traité de l 'instruction
criminelle, éd. Librairies techniques, 28 éd., t. IV, Paris, n° 1818).
Aujourd'hui, il est unanimement admis que le cabinet de l'avocat
ne bénéficie d' aucun privilège d'inviolabilité. Le vénérable Code
d'instruction criminelle de 1808 qui est touj ours d' application,
énonce en ses articles 87 et 88 :
- «Le juge d 'instruction se transportera, s'il en est requis, et pourra
même se transporter d 'office dans le domicile de l 'inculpé, pour y
faire la perquisition des papiers, effets et généralement de tous les
objets qui seront jugés utiles à la manifestation de la vérité »
(art. 87).
226 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

- «Le juge d 'instruction pourra pareillement se transporter dans les


autres lieux ou il présumerait qu 'on aurait caché les objets dont il
est question à l 'article précédent » (art. 88).
Ces dispositions légales ne réservent pas un sort particulier au
cabinet de l'avocat; celui-ci n'est pas à l'abri des perquisitions.
L' ordre public et la j ustice ont incontestablement des exigences
impérieuses et le cabinet de l' avocat ne peut devenir un asile contre
les investigations de la justice criminelle, déclare le conseil de
l'Ordre du barreau d' An vers, dans une résolution du 14 juin 1924
(Journ. trib., 1924, col. 492 et Pand. pér., 1924, p. 318).
297. La Cour européenne des droits l'homme s'est prononcée à
plusieurs reprises au sujet des perquisitions faites dans le cabinet
d'un avocat à l' occasion de poursuites pénales contre un tiers : elles
constituent une ingérence qui n'est pas pour autant <mécessaire dans
une société démocratique>>, a-t-elle jugé, dès lors que la fouille
empiète sur le secret professionnel à un degré disproportionné (Cour
eur. dr. h., Niemietz c. l'Allemagne, 16 décembre 1992, Journ. trib.,
1994, p. 65, et la note d'Edouard JAKHIAN et Pierre LAMBERT, <<Les
perquisitions dans les cabinets d'avocats; Rev. trim. dr. h., 1993,
p. 466, obs. de Pierre LAMBERT et François RIGAUX, <<Perquisition
au cabinet d'un avocat et droit au respect de la vie privée, de la
correspondance et du domicile; voy. égalt G. JuNOSZA-ZAROJEWSKI,
<<Perquisitions au cabinet d'un avocat - arrêt de la Cour européenne
des droits de l'homme>>, Gaz. Pal, 23-24 juin 1993, p. 2). La Cour
considère que la fouille opérée dans un cabinet d' avocat, ainsi que
la saisie d'un document relatif au dossier de son client, constituent
une ingérence dans son droit à la protection de sa vie privée garanti
par l' article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme, et que les exceptions que ménage eet article appellent
une interprétation étroite, leur nécessité dans un cas donné devant
se trouver établie de manière convaincante (voy. égalt Coureur. dr.
h., Roemen et Schmit c. le Luxembourg, 25 février 2003, Gaz. Pal.,
31 mars-ler avril 2003, p. 14, obs. Christophe PETTITI).
298. Les exigences de la répression des crimes et délits, malgré
leur caractère indiscutable se trouvent confrontées avec les impéra-
tifs tout aussi légitimes des droits de la défense et du secret profes-
sionnel. Des usages se sont créés qui peuvent différer du ressort
d'une cour d'appel à l'autre.
LE SECRET PR0FESSIONNEL DE L' AV0CAT 227

Dans le ressort de la cour d' appel de Liège, ils résultent d'une cir-
culaire du parquet général du 5 mai 1987 (Cire. 6/87D767, Cahiers
de déontologie du barreau de Liège, mai 2001, citée par Patrick
HENRY, << Le secret professionnel de l' avocat ►> in Regards sur les
règles déontologiques et professionnelles de l 'avocat, éd. du Jeune bar-
reau de Liège, 2001, p. 195, note 55). Selon cette circulaire, le délé-
gué du bätonnier examine préalablement les pièces que le juge
d'instruction se propose de saisir, retire du dossier les pièces qui
contiennent ou font référence aux confidences reçues par l' avocat
(correspondances confidentielles, ... ) et remet les au tres au juge
d'instruction.
Dans le ressort de la cour d' appel de Bruxelles, les usages avaient
fait l'objet d'une circulaire de l'auditeur général près la cour mili-
taire, le 23 janvier 1947 (Cire. n° 1831 G 11-10; voy. Albert NYS-
SENS, Introduction à la vie du barreau, 5e éd. mise à jour par
Antoine BRAUN, préface de Jean Cruyplants, 2003, n° 77; voy. éga-
lement le Recueil des décisions de principe prises par le conseil de
l'Ordre durant les années judiciaires 1948-1949 à 1951-1952, n° 108).
Elle a été rappelée par le procureur général près la cour d' appel le
25 septembre 1992. Selon ces usages, le juge d'instruction assiste en
personne à l' exécution de son mandat de perquisition, après avoir
invité le bätonnier de l'Ordre à être présent ou à se faire représenter
par un membre du conseil de l'Ordre; la saisie se limitera au <<corps
du délit ►>, tels l'arme du crime, les titres volés, les pièces constituti-
ves du faux, les lettres con tenant les menaces ou le chantage ...
Si l' avocat conservait le produit du délit, en connaissance de
cause, il se rendrait coupable de recel; le recel de l'instrument du
délit pourrait, le cas échéant, eu égard aux circonstances, donner
lieu à une incrimination également. Il est clair que l' avocat sortirait
absolument de sa mission s'il cachait dans son cabinet les pièces à
conviction nécessaires à l'instruction pénale ( voy. Bruxelles,
22 mars 1837, Pas., 1837, II, p. 63).
La saisie ne peut porter sur les pièces confidentielles, spéciale-
ment sur les correspondances échangées entre l'avocat et son client;
elle ne peut porter davantage sur les notes personnelles de l' avocat
prises soit lors d'un entretien avec son client, soit au cours d'une
étude du dossier en vue de préparer l' audience; si le magistrat ins-
tructeur a des raisons de supposer que le <<corps du délit,> se trouve
dans le dossier de l'avocat, il l'indique au bätonnier qui procède lui-
228 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

même à l'examen du dossier pour s'en assurer et qui, Ie cas échéant,


remet au magistrat les documents qui seront saisis.
299. C' est essentiellement dans la détermination des objets et des
documents à saisir et, plus encore, dans Ie tri de ces documents que
des difficultés surgissent.
Deux thèses contradictoires s' affrontent.
Selon la première, il est soutenu qu'étendre Ie röle du bátonnier
de l' Ordre à l' examen et au tri des pièces et documents contenus
dans les dossiers de l' avocat reviendrait à transférer au bátonnier
les pouvoirs du juge d'instruction qui résignerait ainsi ses fonctions,
alors que les opérations de perquisitions et de saisie entrent légale-
ment dans ses attributions. La cour d' appel de Bruxelles, dans un
arrêt du 25 juin 2001 a souligné que <<c'est au magistrat instructeur
qu'il appartient seul de décider, sous Ie contröle de la chambre des
mises en accusation (Journ. trib., 2001, p. 735).
Dans cette conception, Ie bátonnier a uniquement pour röle, en
vue d'assurer Ie respect du secret professionnel, d'émettre des objec-
tions à la saisie de telle ou telle pièce et, Ie cas échéant, de faire
acter sa protestation au procès-verbal de la perquisition et de la sai-
sie.
Le droit de perquisition confère au magistrat instructeur Ie pou-
voir exorbitant de saisir tout ce qu'il juge utile à la manifestation
de la vérité sous la réserve des choses qui sont couvertes par Ie
secret professionnel, peut-on lire dans un jugement rendu par Ie tri-
bunal correctionnel de Bruxelles, Ie 26 février 1998 (Journ. trib.,
1998, p. 361, obs. Pierre LAMBERT; J.L.M.B., 1998, p. 802; Journ.
proc., 6 mars 1998, p. 11, obs. Pierre LAMBERT et Yvon
HANNEQUART; on observera que Ie jugement du tribunal correction-
nel est intervenu avant l' entrée en vigueur de la <<loi Franchimont>>;
voy. dans Ie même sens: Bruxelles, 21 juin 1978, Journ. trib., 1979,
p. 29; A. JACOBS, <<Les perquisitions>> in Tendances de la jurispru-
dence en matière pénale, Mys & Breesch, 2000, p. 34).
La chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxel-
les a, quant à elle, tenu à souligner dans un arrêt du 26 février 2004
que Ie juge d'instruction est la seule autorité compétente pour
apprécier les éléments utiles à la manifestation de la vérité et iden-
tifier les pièces qui, Ie cas échéant, se rapportent au secret profes-
sionnel. Elle a précisé, en outre, que <da présence d'un représentant
LE SECRET PROFESSlONNEL DE L' AVOCAT 229

qualifié de la profession exercée par la personne chez qui a lieu la


visite domiciliaire peut certes paraître souhaitable mais ne relève
que d'un usage non expressément consacré par la loi et dont la
méconnaissance ne constitue, en soi, ni irrégularité, ni cause de nul-
lité (Journ. proc., 16 avril 2004, p. 19, note Samuel D'ÜRAZIO,
<<Cabinet d' avocat ... asile sacré ou banque d'informations? 1> ).
300. Selon une deuxième thèse, défendue essentiellement par les
barreaux, le bàtonnier de l'Ordre - ou le membre du conseil de
l'Ordrc qui le représente - a seul qualité pour procéder à !'ouverture
d'un dossier d'avocat et à l'examen des pièces qu'il contient, cette
manière de procéder étant la seule qui assure à la clientèle de l' avo-
cat le respect des confidences qui lui ont été faites et des droits de
la défense.
Sans doute, toutes les pièces déposées par le client chez son con-
seil ne sont pas, par le fait même, couvertes par le secret
professionnel : il suffirait de confier à un avocat tous les documents
compromettants pour échapper à des perquisitions pénales, dès
l'instant ou, révélant la matérialité des faits délictueux, ceux-ci ne
pourraient jamais être connus. Mais il est constant que le secret pro-
fessionnel couvre tant les confidences faites par le client à son avo-
cat que les correspondances échangées entre eux dans la mesure ou
celles-ci sont liées à la défense.
301. L'article 6lquater du Code d'instruction criminelle inséré par
la loi du 12 mars 1998 dispose, en son article 14, : « Toute personne
lésée par un acte d 'instruction relatif à ses biens peut en demander la
levée ... ». Les articles 131 et 235bis nouveaux du Code d'instruction
criminelle permettent d' expurger du dossier les pièces illégalement
sa1s1es.
Se référant à cette loi, la chambre du conseil du tribunal correc-
tionnel de Bruxelles a considéré, dans une ordonnance rendue le
10 juin 2004, qu' elle devait surseoir à statuer sur le règlement de la
procédure aussi longtemps que les pièces couvertes par le secret pro-
fessionnel figuraient dans le dossier (Journ. proc., 6 novembre 2004,
p. 28, et la note de Jean-Marie DERMAGNE).
Quoi qu'il en soit, il appartient à la juridiction d'instruction,
d' abord, au juge du fond, ensuite, d' apprécier si ne figurent pas
parmi les éléments de l'instruction, notamment pour avoir été sai-
sis, des documents couverts par le secret professionnel et, dans
230 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

l' affirmative, de les rejeter des dé bats, même si, in tempore, le mem-
bre du conseil de l'Ordre délégué par le bàtonnier pour assister à la
perquisition, avait estimé ne pas devoir faire acter une remarque à
eet égard.
Ainsi, malgré le pouvoir quasi illimité attribué au juge d'instruc-
tion par les articles 87 et 88 du Code d'instruction criminelle, cer-
tains documents échappent à la perquisition et à la saisie (Eugène
REUMONT, <<Le secret professionnel des avocats ►>, Journ. trib., 1948,
p. 585, n° 15; Charles HUBERLANT, rapport avant l'arrêt Delhauteur
du Conseil d'Etat du 8 juin 1961, Journ. trib., 1962, p. 172).
D'ailleurs, ne serait-il pas contradictoire que le secret profession-
nel, admis sans réserve en cas de production forcée de documents
(voy. supra n° 107 et suiv.) ou lorsque l'avocat est appelé à témoi-
gner en justice sur des faits venus à sa connaissance en raison des
intérêts dont la défense lui est confiée, ne triomphe pas également,
sans restriction, en matière de perquisition et de saisie de docu-
ments et de lettres confidentielles? Les confidences écrites sont, par
leur nature, aussi secrètes que des confidences orales; elles ne peu-
vent être ni saisies ni consultées par des tiers (voy. J.H. SuETENS,
<<L'instruction - La chambre du conseil ►> in Novelles, v 0 Procédure
pénale, t" 1, n° 136).
302. Force est de reconnaître qu'il est séduisant de vouloir sou-
mettre à la juridiction du fond - aujourd'hui à la chambre des mises
en accusation ou à la chambre du conseil - après un débat contra-
dictoire, la contestation relative au caractère confidentie! de telle ou
telle pièce. Cette manière de procéder évite assurément l' écueil
d' attribuer à une personne - fût-elle le chef de l'Ordre des avocats
- le pouvoir quasi souverain et sans controle, de remettre telle pièce
au magistrat instructeur pour la saisir et de retenir telle autre. Les
inconvénients de cette manière de faire sont indéniables.
Mais d'un autre cöté, le magistrat instructeur en compulsant, au
cours de la perquisition, l'intégralité des pièces du dossier d'un avo-
cat, pourrait être amené à surprendre les confidences qu'il a reçues.
Assurément, il ne pourrait en faire état. Mais il découvrira peut-être
la retraite du prévenu qui se cache, recueillera l'aveu de sa faute s'il
en a fait la confidence, prendra connaissance de ses moyens de
défense, bref, il aura connaissance de tout ce que le prévenu a confié
à son avocat, sachant que la confidence ne peut être révélée à qui-
LE SECRET PROFESSIONNEL DE L'AVOCAT 231

conque, sous peine de sanctions pénales. On voit immédiatement les


abus inévitables et intolérables qui en découleraient si le juge d'ins-
truction pouvait prendre connaissance des dossiers des avocats des
prévenus; il ne saisira peut-être rien, mais connaîtra tout et sur-
prendra les confidences les plus intimes du prévenu.
Peut-on raisonnablement demander au juge d'instruction de gom-
mer de sa mémoire !'information que, précisément, son instruction
tend à recueillir? L'on voit bien les conséquences absurdes auxquel-
les aboutit la thèse d'un pouvoir accordé sans limite et sans nuance
au magistrat instructeur.
A tout prendre, l'inconvénient - indéniable - de la consultation
des dossiers de l' avocat sous le seul controle du batonnier est pré-
férable. Il est également tenu au secret professionnel en sorte que
les confidences faites à l' avocat ne risquent pas d' être révélées. Pour
le surplus, le bàtonnier de l'Ordre n'est pas l'avocat du prévenu et
il a, autant que le juge d'instruction, la préoccupation d' empêcher
que le dossier d'un avocat ne serve à dissimuler un délit. Et si,
d'aventure, l'avocat lui-même est inculpé, n'est-il pas injurieux de
songer à une confraternelle complaisance du chef de l' Ordre ?
Il n' entre pas dans les intentions du barreau de revendiquer pour
ses mem bres un quelconque privilège, mais il s' agit de déterminer
avec une grande rigueur les limites précises des pouvoirs <lont se
trouve légalement investi le magistrat instructeur, compte tenu du
droit fondamental de la défense.
303. Dans l' arrêt Klopp c. la Suisse qu' elle a rendu le 25 mars
1998 ou le requérant contestait la mise sur écoutes téléphoniques de
son cabinet d' avocat, la Cour européenne des droits de l'homme,
après avoir constaté que le droit suisse ne détermine pas à quelles
conditions et par qui s' opère le tri entre ce qui relève du secret pro-
fessionnel et ce qui en est exclu, a conclu à la violation de l' article 8
de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme au motif que
ce tri n' avait pas été effectué sous le controle d'un magistrat indé-
pendant (§74 de l'arrêt). L'indispensable nécessité d'un magistrat
indépendant, c' est-à-dire << qui ne doit avoir aucun lien avec l'ins-
truction et qui doit garder le secret sur les informations dont il
prend connaissance>> - et, ajouterons-nous, a fortiori avec le juge du
fond - a été soulignée par un autre arrêt de la Cour européenne
rendu le 5 juillet 2001, en cause Erdem c. l'Allemagne, à !'occasion
232 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

du controle de la correspondance échangée entre un détenu et son


conseil (§67 de l'arrêt).
La solution réside en définitive dans l'institution d'un juge du
secret, indépendant tant de l'instruction que du jugement de fond.
CHAPITRE 111
LE SECRET PROFESSIONNEL
DU NOTAIRE

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nel des notaires, thèse de la Faculté de droit de l'Université de Paris, Jouve.
Paris, 1905; Gilles RouzET, Memento sur le secret professionnel notarial, Presses
universitaircs de Bordeaux. 1997.
234 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

SECTION 1. ~ LE PRINCIPE

304. D'aucuns ont établi, entre les dépositaires des secrets


d' au trui, une certaine gradation au sommet de laquelle ils placent
les ministres du culte, et qui, en passant par les avocats et les méde-
cins, aboutit au degré inférieur aux notaires, les plus discutés des
confidents (Lucien RECULLET, op. cit., p. 7).
Cependant, avant même l'introduction dans le Code pénal de
1810 des dispositions relatives au secret professionnel, la loi du
25 ventöse an XI (16 mars 1803), contenant l'organisation du nota-
riat, interdisait aux notaires de délivrer une expédition sans l' auto-
risation du président du tribunal de première instance, et de
«donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées
en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts,
d 'une amende de 100 francs, et d 'être, en cas de récidive, suspendus
de leurs fonctions pendant trois mais» (art. 23, inchangé par les lois
du 4 mai 1999 qui ont modifié et complété la loi organique).
Il est admis que l' autorisation présidentielle n' est pas requise
dans les cas expressément prévus par les différentes législations fis-
cales, par le Code des sociétés ou en vue du dépöt au Registre cen-
tral des testaments, ... ou encore lorsque la demande émane d'un
juge d'instruction, ainsi que lorsque la production est ordonnée par
un jugement (Jean-François TAYMANS, <<Notaires>>, op. cit., p. 179).
305. La jurisprudence qui suivit l'entrée en vigueur des disposi-
tions pénales de 1810 réprimant la violation du secret professionnel,
avait tout d'abord semblé hésiter à les étendre aux notaires.
Par un arrêt du 4 janvier 1837, la cour d'appel de Bruxelles avait
décidé qu'un notaire cité comme témoin devant le tribunal correc-
tionnel ne pouvait refuser de déposer sous prétexte que les faits sur
lesquels son témoignage était demandé, n'étaient venus à sa con-
naissance que dans le secret du cabinet (Pas., 1837, II, p. 6).
Curieusement, le notaire avait soutenu qu'étant licencié en droit et
ayant été consulté par l'un des prévenus, il croyait ne pouvoir ni ne
devoir déposer sur des confidences reçues en qualité de jurisconsulte
ou d' avocat. Le tribunal avait rejeté cette prétention au motif de
l'incompatibilité légale entre les professions d' avocat et de notaire,
en sorte que celui-ci ne pouvait se prévaloir d'une profession exer-
LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE 235

cée illégalement pour s'affranchir d'un devoir que la loi impose à


tous les citoyens.
Un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles a confirmé, le 10 décem-
bre 1851, un jugement qui avait dispensé un notaire de déposer en
justice sur des faits et circonstances dont il n' avait eu connaissance
qu' en sa qualité de conseil car << ce serait détruire la confiance néces-
saire à la mission qu'il exerce ►> (Pas., 1852, II, p. 52).
La Cour de cassation a admis dans plusieurs arrêts ultérieurs que
les notaires sont tenus au secret professionnel au sens de l' article
458 du Code pénal et sont, de ce fait, dispensés de révéler à la jus-
tice les secrets qu'ils ont connus dans l' exercice de leurs fonctions,
ce qui n'est plus discuté aujourd'hui (cass., 22 mars 1888, Pas.,
1888, I, p. 129, avec les concl. conf. du 1er avocat général MÉLOT,
Journ. trib., 1888, col. 481 et Belg. jud., 1888, col. 465; cass., 1er
juillet 1912, Pas., 1912, I, p. 367; Rev. dr. pén., 1913, p. 49 et Rev.
not., 1913, p. 142, décision implicite).
306. Il eût été étonnant qu'il en aille autrement pour les notaires,
alors que la Cour de cassation jugeait dans un arrêt de principe,
souvent cité, rendu le 20 février 1905, que le témoin instrumentaire
d'un acte notarié était soumis à l' article 458 du Code pénal (Pas.,
1905, I, p. 141, et les concl. conf. du procureur général JANSSENS).
Les notaires ne sont, en effet, pas seulement les rédacteurs d' actes
authentiques; ils jouent un röle non négligeable de conseiller des
parties, la jurisprudence leur imposant d'ailleurs d'éclairer leurs
clients sur la teneur et les conséquences des actes qu'ils dressent, à
peine d' engager leur responsabilité professionnelle.
Le notaire est tenu au secret professionnel non seulement pour les
actes de son propre ministère mais pour un ensemble d'actes et de
documents susceptibles de contenir des informations confidentielles,
qu'il n'a lui-même ni établis, ni reçus, mais dont il est le dépositaire,
en vertu de la loi, pour avoir repris l'étude de ses prédécesseurs. En
outre, la cessation de ses fonctions ne met évidemment pas fin à son
obligation de secret.
Tous les clercs et employés de l' étude sont tenus au même secret
que le notaire. Il en est de même des témoins instrumentaires dont
l'intervention est légalement requise pour la validité de certains
actes.
236 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

307. Mais le devoir de conseil pourrait se trouver en conflit avec


l' obligation de respect du secret, s'il s' agissait d' empêcher un acte
frauduleux. L' on cite l' exemple d'un notaire connaissant la situa-
tion réelle des biens, différente de celle indiquée par un vendeur, un
emprunteur ou un apporteur de capitaux, et ce, pour avoir reçu
auparavant des actes qui le prouvent ou le font en tous cas présu-
mer gravement. Dans ce cas, ou bien le notaire lèvera lui-même les
états révélateurs de la situation exacte, ou bien il en recommandera
la levée; mais si le mensonge ou la fraude ne peuvent se déduire de
ces états, le notaire pourra devoir, en cas de manomvre doleuse,
révéler à la victime éventuelle l'inexactitude des déclarations en
projet, même s'il a refusé son ministère, à peine d'être considéré
comme un complice de la manomvre (Pierre HARMEL et Robert
BoURSEAU, Les sources et la nature de la responsabilité civile des
notaires, Fac. de droit de Liège/Martinus Nijhoff, Liège/La Haye,
1964, n° 156).

SECTION 2. - L'ÉTENDUE ET LES DÉROGATIONS

308. Si le principe même du secret professionnel imposé aux


notaires n'est plus contesté aujourd'hui, son étendue continue à être
controversée, particulièrement en ce qui concerne l' administration
de la j ustice et l' administration du fisc. Nous renvoyons à ce propos
au chapitre consacré aux conflits de valeurs, la situation du notaire
étant régie par des textes qui sont également applicables aux autres
praticiens astreints au secret professionnel.
Il existe cependant d' au tres situations ou le notaire risque de se
trouver confronté avec des difficultés pratiques.
lndépendamment des dérogations au secret professionnel, inscri-
tes dans les lois fiscales, l' on peut se demander si le notaire est tenu
au secret professionnel - et peut, par conséquent, se retrancher der-
rière lui - dans chacune de ses interventions.
309. L' article 1er, alinéa 1er de la loi du 25 ventöse an XI
(16 mars 1803) définit les notaires comme «les fonctionnaires publics
établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doi-
vent ou veulent faire donner le caractère d 'authenticité attaché aux
actes de l 'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver
le dépót, en délivrer des grosses et expéditions >>. Pris au pied de la let-
LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE 237

tre, le notaire ne serait qu'un simple rédacteur d' actes. L' on sait
que son röle est bien plus large et qu'il lui appartient, non seule-
ment de donner aux conventions des parties les formes légales et
l' authenticité, mais également de les conseiller et de les éclairer.
La mission du notaire n' a-t-elle pas un champ plus vaste encore?
Ne parle-t-on pas des «fonctions officieuses)> du notaire chargé de
gérer la fortune mobilière ou immobilière de ses clients, d' effectuer
pour eux des placements sous la forme de prêts d' étude, de réaliser
l' actif d'une succession et d' en régler le passif... Mandataire, régis-
seur, séquestre, gérant de biens, le notaire reçoit des confidences en
ces diverses qualités, mais n' accomplit-il pas ainsi des táches extra-
professionnelles, qu'elles soient accessoires ou habituelles (voy.
P. HARMEL, Organisation et déontologie du notariat, Répertoire nota-
rial, t. XI, Larcier, Bruxelles, 1979, n° 8 227 et suiv.; R. DE VALK-
ENEER, Précis du notariat, Bruylant, Bruxelles, 1988, pp. 40 et
suiv.)? Et dans ce cas, ces confidences sont-elles encore couvertes
par le secret professionnel ou par un simple devoir de discrétion, eu
égard au caractère hybride de la profession?
310. Un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 15 octobre 1888,
indique que «les personnes dépositaires par état des secrets d' au trui
ne peuvent refuser de répondre à des questions qui portent sur des
faits dont elles n'ont pas eu connaissance à titre confidentieL> (Pas.,
1888, I, p. 339). L'analyse de l'arrêt montre que le cas d'espèce
n' était pas très significatif: il s' agissait du refus de déposer par un
avocat candidat notaire; en outre, les questions posées à l'intéressé
concernaient uniquement des faits dont il avait été non le confident,
mais le témoin.
Autrement significatif est un arrêt rendu le 5 février 1901 par la
cour d' appel de Gand qui décide que l'invocation du secret profes-
sionnel par un notaire ne peut avoir pour objet que des faits qui lui
auraient été révélés sous le sceau du secret dans l' exercice de son
ministère. Il ne lui est pas permis, dit la cour d'appel, d'invoquer
le secret professionnel pour refuser de répondre à un interrogatoire
sur faits et articles, lorsque les questions posées se rapportent, non
à un acte de son ministère, mais à des faits engendrant une obliga-
tion de droit commun qu'il aurait personnellement contractée
envers l'auteur de la partie qui demandait à l'interroger (Pas., 1901,
p. 241 et Rev. not., 1901, p. 366). En l'occurrence, il s'agissait d'une
238 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

demande de reddition de comptes dirigée contre un notaire en rai-


son d'un dépöt de valeurs de portefeuille fait entre ses mains.
Un arrêt de la même cour, rendu le 25 février 1914, a estimé qu'il
n'y avait pas lieu de rejeter des débats comme produite en violation
des secrets et de devoirs professionnels, et partant frappée d'une
nullité d'ordre public, la déposition d'un notaire qui, à l'occasion
d'une levée de scellés préalable à un inventaire au domicile conjugal
avait, par une simple concomitance de temps et de lieu, eu l'atten-
tion attirée par les traces matérielles d' actes d' adultère et en avait
témoigné dans une procédure en divorce (Pas., 1914, II, p. 156 et
Pand. pér., 1914, n° 1389, et l'avis de l'avocat général PENNEMAN).
Enfin, un jugement du tribunal correctionnel d' Anvers, du
10 mars 1948, a estimé qu' rnn notaire ne peut invoquer le secret
professionnel pour s' abstenir de faire à l' Office des séquestres, la
déclaration de l'existence de biens placés sous séquestre>> (R. W.,
1947-1948, col. 1026).
311. On peut conclure que le notaire n' est pas tenu au secret, au
sens de l' article 458 du Code pénal, mais à un simple devoir de dis-
crétion lorsqu'il ne s' agit pas de la rédaction d'un acte, d'un conseil
ou d'une consultation relevant spécifiquement de sa profession,
mais d'une prestation qui pourrait être effectuée par un mandataire
ordinaire ou par un agent d' affaires, telles une négociation immobi-
lière ou une gestion de patrimoine. Il ne pourrait dans ce cas refuser
de témoigner en justice. Cette distinction est rejetée par la doctrine
notariale traditionnelle (voy. G. GALOPIN, Cours de droit notarial,
Vaillant-Carmanne, Liège, 1895, n° 268; A. SCHICKS et A. V ANIS-
TERBEEK, Traité formulaire de la pratique notariale, René Fonteyn,
Louvain, 1924, t. I, p. 94; Camille HAUCHAMPS, v 0 Notaire,
R.P.D.B., t. VIII, 1936, n° 437; H. DELANNAY, Essai de déontologie
notariale, Duculot, Gembloux, 1957, p. 19).
En revanche, le notaire est fondé à se retrancher derrière le secret
professionnel pour refuser de témoigner au sujet des négociations
ayant lieu entre deux clients de son étude, relativement à des tran-
sactions immobilières dont il a eu connaissance dans l'exercice de
son ministère, en sa qualité de conseiller des parties chargé de pré-
parer les actes projetés. La cour d'appel de Gand a ainsi estimé que
l'existence d'un compromis de vente est couverte par le secret pro-
fessionnel, au même titre que les tractations proprement dites qui
LE SECRET PR0FESSIONNEL DU N0TAIRE 239

se sont déroulées entre les parti es intéressées (Gand, 2 mai 1961,


R. W., 1961-1962, col. 135, avec l'avis du ministère public).
312. C'est par des motifs analogues qu'il a été jugé que les lettres
écrites par un de cujus à un notaire sont confidentielles par leur con-
tenu et par la qualité du destinataire (civ. Bruxelles, 12 juillet 1955,
R. W., 1955-1956, col. 1384 et Ann. not. et enreg., 1956, p. 266). En
l'occurrence, un légataire universel prétendait déduire de l'existence
des lettres la preuve que le défunt avait pleine confiance en son
notaire et n' eût pas manqué de le consulter avant de modifier ses
dernières volontés s'il avait eu l'intention réelle de révoquer le tes-
tament l'instituant légataire universel. A l'inverse, la cour d' appel
de Mons, dans un arrêt du 29 juin 1992, a considéré, lors d'un litige
relatif à l'interprétation d'un testament, que le notaire pouvait sans
violer son obligation de secret professionnel, communiquer à un des
héritiers, une lettre que le défunt lui avait adressée avant la rédac-
tion du testament et qui faisait apparaître ses véritables intentions.
La cour a pris en considération le fait que la lettre n'avait été com-
muniquée qu' après le décès et qu' en la produisant, le notaire ne fai-
sait que révéler l'étendue de son mandat et les instructions qu'il
avait reçues (arrêt inédit, cité par C. VAN HALEWIJN et H. JACOBS
in La responsabilité professionnelle du notaire, Bruylant, Bruxelles,
1994, n° 1148).
313. La situation du notaire face aux créanciers de ses clients est
plus délicate (voy. sur cette question: Jean-François TAYMANS, <•Le
secret professionnel du notaire face aux oppositions extrajudiciaires,
aux saisies-arrêts et aux cessions de créance>> in M élanges Roland De
Valkeneer, éd. Rev. not. b., 2005).
Il n'est pas contesté que le notaire qui communique au curateur
de faillite et aux créanciers inscrits des renseignements au sujet de
l' avoir immobilier de son client, ne se rend pas coupable d'une vio-
lation du secret professionnel, ces faits et ces éléments échappant à
tout secret par la publicité organisée par le législateur lui-même
(trib. Bruxelles, 10 novembre 1942, Rev. not., 1943, p. 207).
Une question se pose également en ce qui concerne le secret
en vers les héritiers. En vertu de l' article 23 de la loi du 25 ventöse
an XI, les héritiers ou ayants droit des «personnes intéressées en nom
direct>> - pour reprendre la formule de la loi - peuvent prendre con-
naissance des actes notariés au même titre que les auteurs. Mais
240 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

leurs droits s' arrêtent là. Le notaire doit tenir pour secret tout ce
qui s' est passé entre lui et son client décédé; il serait coupable s'il
communiquait à l'héritier de son client des notes confidentielles con-
cernant ce dernier ( voy. Versailles, 20 août 1868, cité par Louis
CLÉMENT, op. cit., p. 90).
314. La loi du 5 juillet 1998 relative au règlement collectif de
dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles
saisis a introduit dans Ie Code judiciaire un article 1675/8 dont l'ali-
néa 2 énonce que lorsqu'il est fait injonction à un tiers de fournir
tous renseignements sur des opérations accomplies par Ie débiteur
ainsi que sur la composition et la localisation de son patrimoine, «en
toutes hypothèses, le tiers tenu au secret professionnel ou au devoir de
réserve ne peut se prévaloir de celui-ci >>.
Cette disposition a été annulée par l' arrêt de la Cour d' arbitrage
rendu Ie 3 mai 2000 (voy. supra n° 42) en tant qu'elle concerne les
avocats, la Cour considérant que <<s'il est vrai que la règle du secret
professionnel doit céder lorsqu'une nécessité l'impose ou lorsqu'une
valeur supérieure entre en conflit avec elle ►>, la disposition visée
<< établit une levée du secret professionnel absolue et a priori ( ... ) qui
n' est pas raisonnablement proportionnée à l' o bj ectif poursui vi ►>
(voy. les considérants B.8.1. et B.9. de l'arrêt).
Même si l' arrêt de la Cour d' arbitrage ne vise expressément que
les avocats - les seuls à avoir introduit un recours en annulation -
nous pensons avec Jean-François Taymans que si un notaire invo-
quait Ie secret professionnel dans les mêmes circonstances, la Cour
d' arbitrage, éventuellement saisie par une question préjudicielle
posée par la juridiction concernée, ne pourrait que répondre de
manière semblable par identité de motifs, pour autant qu'en
l' occurrence, la détention de fonds soit couverte par Ie secret pro-
fessionnel et non par une simple obligation de discrétion (J.-F. TAY-
MANS, <<Notaires ►>, op. cit., p. 976).

8ECTION 3. - LES PERQUISITIONS ET LES SAISIES

315. L'immunité relative dont bénéficie Ie cabinet de l'avocat


lorsqu'il est l' objet d'une perquisition opérée par Ie juge d'instruc-
tion, repose sur Ie droit de défense. Si la perquisition peut légale-
ment permettre la saisie de toute pièce constituant Ie corps du délit,
LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE 241

le principe de la liberté de la défense s' oppose à la saisie de tout


autre document que l' avocat aurait reçu de son client pour assurer
sa défense.
Qu'en est-il en ce qui concerne les notaires?
La liberté de la défense est étrangère à l'exercice des fonctions
notariales. Le notaire est un officier ministériel qui se trouve sous
la dépendance directe du procureur du Roi et sous le controle dis-
ciplinaire du tribunal de sa résidence.
Il n' est pas niable que les titres volés, les pièces constitutives de
faux, les lettres contenant les menaces ou le chantage ne peuvent
être soustraites à la justice. De même, le notaire qui détiendrait des
pièces en dehors de l'exercice de sa profession, par exemple parce
que ces pièces lui auraient été confiées à titre amical, et non à titre
professionnel, pourrait subir la perquisition et la saisie sans
qu' aucune restriction ne puisse limiter les pouvoirs du juge d'ins-
truction.
Des usages sont nés à l'image de ceux qui existent en ce qui con-
cerne le barreau mais tenant compte du statut particulier du
notaire. C' est ainsi que le juge d'instruction assistc personnellement
à la perquisition à laquelle il a préalablement invité le président de
la chambre des notaires ou son représentant.
U ne distinction doit être faite entre les minutes des actes notariés
dont la saisie ne pourrait être contestée et les correspondances
échangées entre le notaire et son client, qui sont couvertes par le
secret professionnel et, à ce titre, ne peuvent être saisies. Il n'en
irait autrement que si ces correspondances révélaient la complicité
du notaire dans une fraude, le secret professionnel n' ayant pas pour
objet de couvrir des malversations.
316. Quelle devra être !'attitude du notaire lors d'une procédure
de saisie-arrêt au regard de l' obligation de tiers saisi prescrite par
l'article 1452 du Code judiciaire?
Le notaire pourra-t-il se retrancher derrière le secret professionnel
ou au contraire devra-t-il se comporter comme un tiers saisi
ordinaire? Les cours et tribunaux n' ont j usqu' à présent pas été
appelés à trancher la question.
Les commentateurs font valoir les << rapports entre les individus et
leur conseil naturel et légal, le plus souvent dépositaire de secrets
touchant à l'honneur, à la continuité et à la contexture même des
242_ LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

familles>>. Ils considèrent, dès lors, que la déclaration de tiers saisi


doit être limitée à l'indication des sommes ou des effets saisissables
dont le notaire est détenteur. <<S'il y a eu des projets, des pourpar-
lers, si des autorisations ont été sollicitées, si le débiteur s'est
engagé au vu et au su du notaire, à faire ou à ne pas faire quelque
chose, la saisie-arrêt ne peut produire effet et le notaire n' a rien à
dire, si ce n'est qu'il ne détient ni sommes, ni effets>>.
Cette opinion doit être pleinement approuvée. Elle est du reste
dans la ligne des restrictions que le législateur a admises à l' occasion
de la production forcée de documents ou du témoignage dans le pro-
cès civil. En effet, les articles 882 et 929 du Code judiciaire réser-
vent au tiers au procès, invité à produire un document ou à témoi-
gner, le droit de faire valoir un <<motif légitime>> d'abstention, et
notamment celui tiré du secret professionnel.
Ceci étant posé, il faut rappeler que, le plus souvent, l'existence
de sommes déposées chez le notaire et les circonstances de ce dépöt
n' auront pas de caractère confidentie!. C' est pourquoi, contraire-
ment à l' avocat qui est en principe tenu d'invoquer le secret pro-
fessionnel, le notaire devra apprécier soigneusement le caractère
confidentie! ou non du dépöt existant entre ses mains. Le simple
devoir de discrétion ne pourrait le dispenser de remplir ses obliga-
tions de tiers saisi (P. LAMBERT et J.-F. TAYMANS, op. cit., n° 46,
in fine).
CHAPITRE IV
LE SECRET PROFESSIONNEL
DU MINISTRE DU CUL TE

BIBLIOGRAPHIE SPÉCIALE

1. - DOCTRINE BELGE

Patrick DE PooTER, <<Secret professionnel et secret de la confessiom, Journ. trib.,


2002, p. 201; Roger LORENT, <<Apropos du secret d'état du prêtre et du pasteun,
inédit; Jean RoDHAIN, <<Le secret professionnel des aumöniers de prison,>, Journ.
trib., 1961, p. 579.

Il. - DOCTRINE ÉTRANGÈRE

Guy BEDOUELLE, «La loi du silence. Le secret de la confession» in Marie-Anne FRI-


80N-RocHE (dir.), Secrets professionnels, Autrement, Paris, 1999, p. 118; Hugues
MouTOUK, <<Secret professionnel et liberté de conscience: l'cxemple des ministres
du cultc,>, Dall., 2000, p. 431; Michel RoBJNE, <<Le secret professionnel du minis-
tre du culte•>, Dall., 1982, chron., p. 221; Jean VERCIER, «Secret professionnel et
ministère pastoral », Rev. théologique et d 'action évangéliqu,e, avril 1942, p. 110;
Pierre VERHEILH, Le fondement ecclésiastique et les caractères juridiques de l 'obli-
gation au secret professionnel des ministres du culte, thèse de la Faculté libre de
théologie protestante d'Aix-cn-Provence, 1951. - Les grands principes relatifs au
secret professionnel et leur application a?lX ministres du culte, thèse de la faculté
de droit d'Aix-en-Provence, 1959; René VoETZEL, «Le secret professionnel», Rev.
hist. et phil. rel., 1956, p. 234.

SECTION 1. - LE PRINCIPE

317. La doctrine place les ministres du culte au premier rang des


personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu' on
leur confie. <<Rien>>, a souligné un auteur, <<n'est plus sacré que cette
confidence ou l'homme de Dieu appelé à la recevoir représente Dieu
lui-même, et jamais l'inviolabilité n'en a été contestée>>, écrit Char-
les Muteau (voy. Charles MUTEAU, Du secret professionnel, de son
étendue et de la responsabilité qu 'il entraîne, Paris, Maresq, 1870).
La jurisprudence des Parlements de l' Ancien Régime et tous les
anciens criminalistes s' accordaient pour estimer que Ie prêtre ne
244 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

devait pas révéler à la justice les confidences reçues en confession.


L' Ancien Régime allait même plus loin, et tandis qu'il ne punissait
pas, en règle générale, la divulgation du secret professionnel, la vio-
lation de la confession était considérée comme un crime grave, puni
des peines les plus sévères. Cependant, il pouvait être fait exception
pour les crimes de lèse-majesté. De très vieux arrêts font état de
tortures de confesseurs pour obtenir la preuve de complots contre
la vie des princes ou de témoignage reçus à ce propos (Emile GAR-
ÇON, Code pénal annoté, 3 t, 1901 à 1930, Rec. gén. lois et arr., Paris,
n° 207). Pour la gravité et l'importance de ces crimes, dit Bouchel,
le confesseur est excusé; mais les théologiens, s' appuyant sur l' auto-
rité du jurisconsulte romain Farinacius, ont constamment prétendu
que les confesseurs ne pouvaient être compris au nombre des per-
sonnes tenues à la révélation.
Quoi qu'il en soit, c' est l' obligation de révéler qui semble préva-
loir non seulement dans la doctrine, mais aussi dans la jurispru-
dence. L'ordonnance de Louis XI, du 22 décembre 1477, qui enjoint
à <<toutes personnes quelconques>> de dénoncer les crimes contre la
personne du Roi ou la sûreté de l'Etat, ne contient aucune déroga-
tion en faveur des prêtres.
318. Il n'est pas douteux que l'article 378 du Code pénal de 1810
comptait les prêtres au nombre des dépositaires de secrets confiés en
raison de leur état ou de leur profession.
L' année même de l' entrée en vigueur du Code pénal napoléonien,
la Cour de cassation - à l' époque, la Cour de cassation française
constituait la Cour suprême également pour les <<provinces belges>>
-, dans un arrêt rendu par la. section criminelle, le 30 novembre
1810, énonçait qu' rnn prêtre ne peut être tenu de déposer, ni même
interrogé ... sur les révélations qu'il a reçues>>, sous le sceau de la
confession. La Cour qui visait expressément dans le préambule de
son arrêt le Concordat du 26 messidor an IX réglant le régime de
l'Eglise catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la
police de l'Etat, se fondait sur les considérations suivantes: <<La reli-
gion catholique est placée sous la protection du gouvernement; ce
qui tient nécessairement à son exercice doit conséquemment être
respecté et maintenu; la confession tient essentiellement au rite de
cette religion; elle cesserait d' être pratiquée dès l'instant ou son
inviolabilité cesserait d'être assurée; les magistrats doivent donc
respecter et faire respecter le secret de la confession; ... une décision
LE SECRET PR0FESSIONNEL DU MINISTRE DU CULTE 245

contraire, en ébranlant la confiance qui est due à la confession reli-


gieuse, nuirait essentiellement à la pratique de eet acte de la religion
catholique; elle serait conséquemment en opposition avec les lois
qui en protègent l'exercice; elle blesserait, d'ailleurs, la morale et
l'intérêt de la société>> (L' arrêt est reproduit intégralement dans
MuTEAU, op. cit., p. 427; il est cité notamment par Jean-Marie LE
GRAVEREND, Traité de la législation criminelle, t. 1, Tarlier, Bruxel-
les, 1832, p. 248).
Au passage, il faut relever que la Cour de cassation invoque non
seulement les lois civiles de l'Etat, mais encore les valeurs que sont
la morale et l'intérêt social. En outre, l' arrêt contient une réserve
que la Cour a estimée indispensable, bien qu' étrangère à la cause;
elle relève en effet qu'un prêtre ne peut être tenu de déposer <<hors
les cas qui tiennent immédiatement à la sûreté de l'Etat», souli-
gnant ainsi que les prêtres n' étaient pas dispensés de l' obligation de
dénonciation édictée par les articles 103 et 378 du Code pénal de
1810.
319. La jurisprudence belge ne comporte que peu de décisions
relatives au secret professionnel des ministres du culte.
Un jugement ancien du tribunal civil de Bruxelles, du 14 août
1848, énonçait, sans autre développement, qu' <<en qualité de prêtre,
(cel ui-ei) se trouve rangé dans la catégorie des personnes auxquelles
la loi impose le devoir de garder les secrets qui lui sont confiés et
que lorsqu'il a reçu une somme d' argent pour faire une restitution,
il n'est pas tenu de faire connaître à l'héritier du mandant l'emploi
qu'il a fait de la somme remise>> (Belg. jud., 1848, col. 1240; voy.
égalt corr. Anvers, ch. cons., 23 septembre 1985, R. W., 1985-1986,
col. 1585).
Un jugement inédit du tribunal de première instance de Bruxel-
les, rendu le 6 janvier 1995 (R.G. 16680/91 en cause S ... ) et un arrêt
de la cour d'appel de Bruxelles du 13 mars 2002 ont considéré qu'un
prêtre, curé de paroisse et aumónier de prison, était soumis au
secret professionnel au sens de l' article 458 du Code pénal, avec les
conséquences qui en résultent. C'est ainsi que son domicile ne jouit
d' aucune inviolabilité et peut faire l' objet d'une perquisition (Rev.
gén. dr. civ., 2002, p. 435, note K. STANGHERLIN).
246 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

SECTION 2. - L'ÉTENDUE

A. - L'objet
320. S'il fut admis très töt que les confidences faites en confes-
sion devaient demeurer secrètes en raison de l' enseignement de
l'Eglise catholique - selon le Code de droit canonique, le secret de
la confession est absolu et inviolable -, accepté par les cours et tri-
bunaux, il n'en fut pas de même en ce qui concerne les confidences
faites à un prêtre en dehors de eet acte religieux (voy. Bruxelles,
28 juin 1988, R. W., 1988-1989, p. 340). Cette question donna lieu à
de vives controverses.
Les premiers commentateurs du Code pénal de 1810 estimaient
que si des faits sont parvenus à la connaissance des ministres du
culte autrement que par la voie de la confession, les prêtres sont
soumis comme tous les au tres citoyens à l' obligation de rendre
témoignage en justice, car le titre de ministre d'un culte n'est pas
par lui-même un motif de dispense (Jean-Marie LE GRAVEREND,
Traité de législation criminelle, 5 t., Tarlier, Bruxelles, 3e éd., 1832,
p. 251).
Une partie de la doctrine enseignait que le prêtre pouvait refuser
son témoignage dans tous les cas ou les faits sur lesquels il serait
appelé à déposer, auraient été portés à sa connaissance par suite de
l 'exercice de ses fonctions sacerdotales, même par une autre voie que
la confession. Cette doctrine faisait valoir qu' on ne pourrait, sans
offenser la religion et l'Humanité, soutenir qu'un prêtre appelé pour
porter la consolation de la religion à un homme, doive faire connaî-
tre les confidences reçues à cette occasion : qui oserait prétendre que
lorsque l' aumönier qui accomp.agne le condamné dans sa charrette
quitte le pied de l' échafaud, le juge d'instruction puisse le faire
venir dans son cabinet pour l' entendre sur les révélations que le
condamné a pu lui faire même en dehors de la confession, et distin-
guer subtilement la simple confidence de la confession régulière.
Cette doctrine trouvait à s' appuyer sur un arrêt de la cour
d'appel d'Angers rendu le 31 mars 1841 qui avait déclaré légitime
le refus d'un évêque de déposer sur les faits venus à sa connaissance
dans l' exercice de sa juridiction épiscopale disciplinaire (cité par
Charles MuTEAU, op. cit., p. 42). Elle était cependant loin de faire
l'unanimité et fut vivement combattue par Faustin Hélie qui, le
LE SECRET PROFESSIONNEL DU MINISTRE DU CULTE 24 7

premier, procéda à un examen approfondi de la question d'ou il con-


clut que la confession seule autorisait Ie silence du prêtre, privilège
accordé à la religion et non à la personne (Faustin HÉLIE, Traité de
l'instruction criminelle, éd. augmentée par J.-S.-G. NYPELS et Léo-
pold HANSSENS, Bruylant-Christophe, Bruxelles, t. 2, 1865,
n° 2435). Pour eet auteur, Ie sacrement seul de la confession com-
mande un secret qui ne peut être levé par la justice même: <(Les
renseignements puisés à toute autre source, quelle qu'elle soit, doi-
vent être produits, quand l'intérêt public Ie réclame>>.
Cette opinion reçut une importante consécration dans un arrêt de
la Cour de cassation beige, rendu Ie 6 février 1877 (Belg. jud., 1877,
col. 229 et Pas., 1877, I, p. 114 et les concl. conf. du procureur géné-
ral FAIDER). La Cour y déclare: <<Le prêtre est soumis, comme les
au tres citoyens, à l' obligation de déposer en justice des faits qu'il
apprend, même sous Ie sceau du secret, mais en dehors de ses fonc-
tions de confesseur; il n'est pas dû, à eet égard plus de privilège à
la foi sacerdotale qu' à la foi ordinaire et naturelle>>. Il s' agissait en
l' occurrence d'un vicaire cité comme témoin dans une instruction
relative à un duel. Sur son refus de déposer, il se vit condamner à
une amende, sur la base de l' article 80 du Code d'instruction crimi-
nelle, par une ordonnance du juge d'instruction qui relève: <(Si la
dispense de témoigner devait être étendue en dehors même de la
confession, ce ne serait plus seulement l' acte religieux même qui
serait protégé, mais bien la qualité de la personne qui créerait en sa
faveur un privilège privant la justice du droit qu' elle a de recueillir
tous les renseignements qui doivent amener la découverte de la
vérité>>. Le pourvoi en cassation fut rejeté sur les conclusions con-
formes du procureur général Faider. La Cour de cassation affirma
sans nuance que ((c'est uniquement en vue et comme sanction de
l'inviolabilité du sacrement (de la confession) que la dispense de
déposer (en justice) a été admise>> pour Ie prêtre, comme confesseur,
cette dispense ne pouvant, selon la Cour, être étendue au-delà des
nécessités sociales qui l' ont motivée et qui la justifient.
321. C'était perdre de vue que ni l'article 378 du Code pénal de
1810, ni l' article 458 du Code de 1867 ne se réfèrent au sacrement
de la pénitence. Ils imposent seulement l' obligation au secret à
toute personne dépositaire par état ou par profession d'un secret qui
lui a été confié. Les prêtres sont certainement visés par eet article.
Qu'importe alors que ces secrets leur aient été révélés par la voie de
248 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

la confession ou en dehors de ce sacrement. Le secret demeure le


même et le prêtre n'en est-il pas le confident au même titre que
peut l' être le médecin ou l' avocat. Le croyant s' adresse au prêtre,
même en dehors de la confession, non comme homme, mais comme
ministre d' un culte pour lui demander un conseil ou l' aide de la reli-
gion et peut-on prétendre que le secret est moins sacré parce que le
prêtre n' a pas eu à administrer le sacrement de la pénitence. C' est
indéniablement en raison des fonctions qu'il exerce qu'il a recueilli
les confidences (voy. Louis SADOUL, Le secret professionnel, thèse de
la Faculté de droit de Nancy, Arthur Rousseau, Paris, 1894, p. 168).
Cette conception fut admise par la Cour de cassation de France
dans un arrêt rendu le 4 décembre 1891, qui relève, d'une manière
très générale - il est utile de le souligner -, que les ministres des cul-
tes légalement reconnus sont tenus de garder le silence sur les révé-
lations qui ont pu leur être faites en raison de leurs fonctions et que
pour les prêtres catholiques, il n'y a pas lieu de distinguer s'ils ont
eu connaissance des faits par la voie de la confession ou en dehors
de ce sacrement et que cette circonstance, en effet, ne saurait chan-
ger la nature du secret dont ils sont dépositaires, si les faits leur ont
été confiés dans l' exercice exclusif de leur ministère sacerdotal et en
raison de ce ministère (cass. fr. crim., 4 déc. 1891, Dall. pér., 1892,
I, p. 139, et le rapport du cons. SALLANTIN ainsi que les concl. de
l'avocat général BAUDOUIN; Journ. trib., 1891, col. 1411).
La Cour suprême française a confirmé eet enseignement, par un
arrêt du 23 avril 1966, en considérant qu'un juge a refusé à bon
droit de tenir compte, dans une procédure en divorce, du témoi-
gnage d'un prêtre qui avait servi d'intermédiaire entre les époux en
raison de sa qualité et qui, avant de donner des conseils, avait - à
vrai dire - recueilli la confession de l' épouse (cass. fr. ei v., 23 a vril
1966, Bull. civ., 1966, 2, n° 476 et Dall., 1966, somm., n° 113).
322. En Belgique, la Cour de cassation n'a plus jamais été ame-
née à se prononcer depuis son arrêt de 1877. Il est certain
qu'aujourd'hui sa position serait modifiée profondément. La doc-
trine unanimement admise a été résumée dans un jugement du tri-
bunal correctionnel de Charleroi, rendu le 30 mai 1968 qui relève
que l' application du prescrit de l' article 458 du Code pénal aux
ministres d'un culte reconnu procède d'une nécessité sociale et qu'il
importe de leur reconnaître, en raison de leur vocation sacerdotale,
un droit et une obligation au secret en telle manière que ceux qui
LE SECRET PR0FESSIONNEL DU MINISTRE DU CULTE 249

le désirent puissent se confier à eux dans l' entière sécurité de la con-


fidence (Journ. trib., 1968, p. 514; voy. égalt trib. Anvers, 23 sep-
tembre 1985, R. W., 1985-1986, col. 1595). Cette conception a été
adoptée par la cour d'appel de Bruxelles, le 13 mars 2002, qui a
jugé que le secret professionnel du prêtre ne peut être limité au seul
secret découlant de la confession (Rev. gén. dr. civ., 2002, p. 435,
note K. STANGHERLIN).
Sont soumis au secret les aveux des fautes, les faits connus dans
l' exercice du pouvoir disciplinaire, les opinions des fidèles, les expé-
riences spirituelles, même si elles honorent leurs auteurs, l'état phy-
sique ou mental de tous ceux que le ministre du culte aura rencon-
trés dans l'exercice de sa profession, et les appréciations et opinions
qu'il en aura (Michel RoBINE, op. cit., p. 222).

B. - Les personnes
323. Prétendre que le secret se restreint aux seuls faits révélés en
confession serait aboutir à cette inconséquence, dont l'intransi-
geance n' échappera à personne, que seuls les ministres du culte
catholique pourraient invoquer l' article 458 du Code pénal, puisque
seul ce culte connaît la pratique de la confession.
La détermination, aujourd'hui unanimement acceptée, de l'éten-
due du secret professionnel des ministres du culte conduit naturel-
lement à l'idée que la solution admise, d' abord, pour les prêtres de
la religion catholique, doit être identique pour les ministres des cul-
tes protestant, anglican, juif, islamique et orthodoxe (voy. la loi du
4 mars 1870 sur le temporel des cultes, modifiée par les lois du
15 juillet 1974 sur la comptabilité des autres cultes reconnus et du
17 avril 1985 portant reconnaissance des administrations chargées
de la gestion du tempo rel du culte orthodoxe; voy. égalt le décret
de la Communauté flamande du 7 mai 2004 relatif à l' organisation
matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus).
La logique veut qu'il en aille de même pour les conseillers laïcs.
Tous sont en effet appelés à remplir des devoirs sinon identiques, en
tous cas analogues et leurs fonctions ne peuvent être exercées que
si le public est assuré de la confidence la plus totale en s' adressant
à eux.
Il a été jugé qu' en révélant le résultat de ses observations et en
livrant ses impressions à la suite d'un entretien préliminaire au
250 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

mariage, un pasteur protestant commet le délit de violation du


secret professionnel en ayant, en toute connaissance de cause, révélé
ce qu'il avait appris et connu à cette occasion en tant que pasteur
et qu'il aurait dû garder secret en cette qualité (corr. Bordeaux,
27 avril 1977, Gaz. Pal., 1977, p. 506, et la note de Henri GLEIZES;
Rev. sc. crim., 1978, p. 104, et les obs. de LEVASSEUR). En effet,
l' entretien préliminaire au mariage est clairement proposé par la
<<discipline de l'Eglise réformée>> pour apprécier si les futurs époux
sont aptes à prendre les engagements que postule le mariage, les
placer en face de leurs responsabilités, les éclairer sur leurs obliga-
tions l'un vis-à-vis de l' autre et vis-à-vis des enfants à naître du
mariage, ainsi que l'indiquent les informations fournies dans la note
de Henri Gleizes.
324. Certains auteurs sont allés plus loin et ont étendu l' obliga-
tion au secret professionnel aux membres des congrégations religieu-
ses, en faisant valoir que la samr de charité, au chevet d'un mou-
rant, reçoit des confidences qui sont aussi secrètes et aussi intimes
que celles adressées à un prêtre; c' est son vêtement, son << étab qui
a inspiré la confiance du mourant (Charles MuTEAU, op. cit., p. 433;
André HALLAYS, op. cit., p. 134; contra: LE GRAVEREND, op. cit.,
p. 251; Auguste TAPIE, op. cit., p. 120; Victor DEMARLE, op. cit.,
p. 240). Il a été soutenu également que l' obligation au secret pèse
aussi sur les associés aux ministres du culte: dans l'Eglise catholi-
que, les religieux non ordonnés, les diacres permanents et les laïcs
associés à l' administration de l'Eglise, comme les avocats et les gref-
fiers des officialités; dans les Eglises réformées, les pasteurs
<<proposants>>, les titulaires d'une délégation pastorale, les conseillers
presbytéraux et, traditionnellement, les femmes des pasteurs ou des
rabbins (René VoELTZEL, <<Le secret professionnel», Rev. hist. et
phil. rel., 1956, pp. 234 et suiv., spécialt p. 244).
L'interprétation extensive de l'article 458 du Code pénal relative-
ment aux ministres du culte, risque dele voir invoquer, pour refuser
de témoigner, par les prêtres des sectes et religions qu'ils auront
eux-mêmes fondées, aussi singulières soient-elles, qui ne compte-
raient qu'un nombre infime de fidèles. Cette extension ne peut être
accueillie que si l'on se trouve en présence du ministre d'un culte
légalement reconnu. En toutes hypothèses, la qualité de confident
par état ou par profession est une question de fait appréciée par les
cours et tribunaux.
LE SECRET PR0FESSIONNEL DU MINISTRE DU CULTE 251

C. - Les limites
325. Les dérogations légales prévues par les articles 458 et 458bis
du Code pénal sont évidemment applicables au ministre du culte.
Il existe en outre diverses autres limites. Le secret professionnel
n' existe pas pour les faits qui sont connus à un autre titre que cel ui
de ministre du culte, par exemple au titre de parent ou d'ami. Ainsi
en a décidé la Cour de cassation de France, dans un arrêt du 11 mai
1959, à !'occasion de révélations contenues dans une lettre adressée
à un abbé pour lui soumettre non un problème de conscience mais
une question d'argent (cass. fr. crim., 11 mai 1959, Gaz. Pal., 1969,
2, p. 79 et Dall. pér., 1959, I, p. 312, et la note; voy. aussi cass. fr.
crim., 12 juin 1965, Dall. pér., 1965, J, p. 627, et la note). Il a été
jugé qu'un aveu de paternité peut être recherché dans une lettre
écrite par un jeune homme à un prêtre, son ancien précepteur et son
ami de toujours, oncle de la jeune fille séduite, qu'il a pris pour con-
fident et conseil (Toulouse, 14 mars 1928, Sirey, 1928, 2, p. 130;
J.O.P., 1928, II, n° 1139 et Gaz. Pal., 1928, 2, p. 157).
De même, il a été jugé que le trésorier d'une caisse diocésaine de
bonnes amvres et le secrétaire de l'évêché ne peuvent invoquer le
secret professionnel pour refuser de déposer comme témoins sur les
opérations se rapportant à la gestion de cette caisse (Bruxelles,
22 janvier 1895, Pas., 1895, II, p. 139).
326. En revanche, la Cour de cassation de France a cassé l' arrêt
d'une cour d'appel qui avait décidé qu' <<il convient de faire droit à
une demande de communication des pièces d'une procédure en
annulation du mariage religieux en vue d'une action en divorce)>:
elle a estimé que l' autorité religieuse avait un motif légitime de
refuser la communication de pièces qui ne sont parvenues à sa con-
naissance qu'en raison de la confiance qui lui a été accordée et qui
concernent la vie privée d'une des parties en litige (cass. fr. civ .,
29 mars 1989, Rec. Dall., 1990, J., p. 45, et la note de Michel
RoBINE; J.O.P., 1990, II, n° 21586, et la note de Franck Bous-
QUEAU).
A peu près à la même époque, le tribunal de première instance de
Bruxelles, dans un jugement du 1er décembre 1988 considérait que
les dépositions des témoins entendus lors d'une procédure ecclésias-
tique ne peuvent être portées qu' à la seule connaissance des époux
en cause; ces témoins sont en effet assurés du secret de leur dépo-
252 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

sition à l' égard des tiers. Cette décision a été confirmée par l' arrêt
(inédit: R.G. n° 1783/89) de la cour d'appel rendu le 20 avril 1993,
qui a pris en compte le fait que le demandeur n'était pas partie à
la cause soumise au tribunal diocésain, qu'il avait acquis la connais-
sance des éléments contenus dans les témoignages en méconnais-
sance des droits au secret garanti par l'autorité qui les avait
recueillis, ce droit au secret s' apparentant en réalité au secret des
lettres et ce droit à la confidentialité se trouvant, en l'occurrence,
conforté par la circonstance que les témoignages sont recueillis par
des autorité religieuses en principe tenues au secret par profession
ou par état (Journ. trib., 1989, p. 167)
327. La controverse a rebondi en France à l'occasion de la con-
damnation d'un évêque pour s'être abstenu de dénoncer aux auto-
rités judiciaires un prêtre de son diocèse, coupable de pédophilie
(voy. trib. gde inst. Caen, 4 septembre 2001, Dall., 2001, p. 2721;
Gaz. Pal., 7-8 novembre 2001, p. 4, obs. André DAMIEN; voy. égalt
les commentaires de la doctrine, certains d'entre eux étant publiés
avant même la décision de justice: Claire RocA, <<Secret de la con-
fession, secret professionnel et atteintes sexuelles sur mineur>>, Peti-
tes affiches, 6 avril 2001, p. 10; Olivier EcHAPPÉ, <<Le secret profes-
sionnel de l'ecclésiastique ►>, interview par Pierre Rancé, Dall., 2001,
p. 2606; Yves MAYAUD, <<La condamnation de l'évêque de Bayeux
pour non-dénonciation, ou le tribut payé à César ... ►>, Dall.,
6 décembre 2001, p. 3454; cass. fr. crim., 17 décembre 2002 - l'arrêt
casse l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 avril 2002 annu-
lant une perquisition et la saisie des pièces du dossier de l'enquête
canonique opérées dans les bureaux d'une autorité religieuse -, La
Sem. jur., 8 mars 2003, I, Il, n° 10.036, p. 403; Les Annonces de la
Seine, 31 mars 2003, p. 12, et la note de Serge PETIT, <<La procédure
pénale et le secret professionnel des ministres du culte ►>; Gaz. Pal.,
23-24 mai 2003, p. 12, et les concl. de l' avocat général Dominique
CAMMARET ainsi que la note d' André DAMIEN et Olivier EcHAPPÉ;
Dall. 2004, 1., p. 302, et la note de Claude BouvrnR-LE BERRE: <<La
saisie par le juge d'instruction de documents soumis au secret de la
confession ►>).
CHAPITRE V
LES AUTRES CATÉGORIES
PROFESSIONNELLES

SECTION 1. ~ LES ORGANES ET LES AUXILIAIRES


DE LA JUSTICE

Bibliographie spéciale

l. - DOCTRINE BELGE

Roger DALCQ, «Expertises civiles et secret professionnel des médecins, Liber arnico-
rurn Ernest Krings, Bruxelles, Story, 1991, p. 495; Benoît DEJEMEPPE, «T,e secret
profcssionnel des autorités judiciaires et administratives à l'égard de l'assureuJ')),
Rev. dr. U LB, 2000, p. 127; Xavier DE RrnMAECKER, <<Les magistrats,> in Didace
KrnANAHE et Yves PouLLET, dir., Le secret professionnel, La Charte, Bruxelles,
2002, p. 153; Ph. GLESENER, << Le secret professionnel des assistants sociaux dans
Ie cadre de la loi sur la probatiom, Rev. dr. pén., Hl!lO, p. :rn:{; Max HonE, Henri-
Michel HovEN et François PrnDBOElTF, <<Le sccn·t professionnd et la justice1>, rap-
port ronéotypé présenté lors des journées d'dude du barreau de Liège des 8-9 et
10 mai 1980; Nathalie HusTIN-ÜENIES. «Le sc<,ret prnfcssionnel des médiateurs
familiaux et des conseillers conjugaux>>, .Journ. trib., 1998, p. 129; Marc LEGEIN,
<<Secret professionnel et institutions publiques de la jeunesse>>, .Journ. des jeunes,
1995, p. 197; J. MATRAY, <<Le secret professionnel des huissiers de justice>>, L'huis-
sier de justice, 2000, p.l; Lucien NotrWYNCK, <<Le secret professionnel et ses impli-
cations sur l'utilisation de rapports d'expertise, d'enquêtes sociales, d'études
sociales et de rapports de guidance sociale dans des procédures distinctes de celles
dans lesquelles ils ont ét<> ótablis», Rev. dr. pén., 2002, p. 625: du même auteur:
<<La protection juridique du secret professionnel des acteurs psycho-médico-
sociaux intervenant dans un contexte judiciaire>>, mercuriale prononcée lors de la
rentrée solennelle dC' la cour d' appel de Bruxelles, Ic 1er septembre 2004. à
paraîtrc: Simon SAKSERATH, <<Quelques considérations sur Ie secret profcssionnel
des magistrats et des avoeats», Rev. dr. pén., 1948-1949, p. 114; Guy Vo01urnc-
KER, <<L'expertisc et Ie secret médieali> in Jean-Luc FAGNART et Alain PmE, dir"
Problèrnes actuels de la réparation du dornrnage corporel, Bruylant, Bruxelles,
19\!3, p. 91.

Il. - DOCTRINE FRANÇAISE

,Jean-François BtrRGELIN, <<Le juge et son secret,;, in Marie-Anne Ffü80N-RoCHE, dir.,


Secrets professionnels, Autrement, Paris, 1999, p. 190; du même auteur, <<Les
254 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

petits et grands secrets du délibéré», Dall., 2001, p. 2755; N. COUËTOUX, R. DI


RuzzA, J. Dumoulin, J.-J. GLEIZAL, La justice, face aux fonctions sociales du
secret, La documentation française, Paris, 1981; Jean-Pierre DuMAS, <<Secret de
juges>> in Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, Paris,2001, p. 179.

A. - Le juge, le juré, l 'arbitre, le stagiaire judiciaire


328. La participation à l' administration de la justice conduit ses
organes et ses auxiliaires à pénétrer dans la vie privée des individus
et à connaître leurs secrets. Ils sont tous astreints au secret
professionnel: les juges du siège ou du parquet, les stagiaires judi-
ciaires, les greffiers et employés du greffe, les jurés.
Bien que la règle du secret du délibéré soit unanimement admise,
elle n' est cependant pas reprise dans le serment que prêtent les
magistrats au moment de leur entrée en charge. Ils prêtent unique-
ment le serment classique de «fidélité au Roi, obéissance à la Cons-
titution et aux lois du peuple belge », conformément à l' article 289 du
Code judiciaire et à l'article 2 du décret du 20 juillet 1831. Seuls les
assesseurs d'un tribunal militaire doivent, sur réquisition de l' audi-
teur militaire, au début de la première audience à laquelle ils sont
appelés à siéger, à prêter le serment de « ... garder le secret des
délibérations ... » (art. 13, §4 de la loi du 10 avril 2003 réglant la sup-
pression des juridictions militaires en temps de paix ainsi que leur
maintien en temps de guerre).
329. L' obligation au secret s' applique à toutes les juridictions
aussi bien de l'Ordre judiciaire que de l'Ordre administratif, ainsi
qu' aux diverses juridictions disciplinaires des ordres et instituts
professionnels. Sauf les cas exceptionnels prévus par la loi, les juges
sont tenus au secret des délibérations auxquelles ils ont participé, a
proclamé la Cour de cassation, à deux reprises, en 1953 (cass., 4 mai
1953 et 6 juillet 1953, Pas., 1953, I, pp. 673 et 878; Journ. trib.,
1953, p. 445 et Rev. dr. pén., 1952-1953, p. 1003, et la note). Dans
les deux cas, la Cour a cassé une sentence du conseil mixte d'appel
de l'Ordre des pharmaciens qui avait fondé sa décision sur les élé-
ments d'un rapport fait devant lui en violation du secret de la déli-
bération, par un membre du conseil provincial, qui avait participé
à la sentence dont appel. Par un arrêt rendu le 26 octobre 1978, elle
a précisé, en ce qui concerne l' examen, la procédure et le j ugement
des causes disciplinaires, que l' observation de la discrétion est impo-
sée par un principe général du droit (Pas., 1978, 1, p. 241, et les
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 255

notes; en l' espèce, la Cour a estimé que ce principe s' opposait à ce


qu'une ordonnance appliquant une sanction disciplinaire à un
magistrat lui soit signifiée par un exploit d'huissier de justice).
Le secret des délibérés est à la fois une conséquence et la sauve-
garde de la collégialité des décisions de justice. Il a été jugé en
France que le magistrat qui refuse de signer un jugement trahit par
là le secret du délibéré (cass. fr. crim., 27 mai 184 7, Sirey, 184 7, 1,
p. 547). En effet, le secret des délibérés ne s'oppose pas seulement
à ce que l' on divulgue les opinions individuelles de ceux qui y pren-
nent part, mais même que l'on fasse connaître de quelle manière ont
été posées les questions sur les points du procès et dans que! ordre
elles ont été résolues (Pand. b., t. LVI, 1897, v 0 Jugement, n° 210).
A !'inverse de la pratique des cours internationales de justice ou des
tribunaux anglo-saxons, notre droit ne connaît pas l' opinion séparée
ou de minorité en sorte que l' opinion individuelle des juges demeure
confidentielle.
330. La loi du 18 mars 1998 instituant les commissions de libé-
ration conditionnelle, a prévu expressément que «les membres de la
commission et du secrétariat sant soumis à une obligation de confi-
dentialité à l 'égard des faits, actes ou renseignements dont ils ont eu
connaissance dans l 'exercice de leurs fonctions. Toute infraction à
cette règle est punie conformément à l 'article 458 du Code pénal »
(art. 16, §2).
Cette même loi a précisé que la personne compétente est habilitée,
sans que puisse lui être opposé l' article 458 du Code pénal, à infor-
mer la Commission de l'interruption de la guidance ou du traite-
ment ou des difficultés survenues dans son exécution (art. 7, al. 5).
Des dispositions analogues existent dans la loi du 9 avril 1930 -
remplacée par la loi du 1er juillet 1964 - de défense sociale à l'égard
des anormaux et des délinquants lorsqu'ils sont mis à la disposition
du gouvernement à l'expiration de leur peine (art. 23bis).
331. Il existe cependant une controverse sur l'étendue de l'obli-
gation au secret professionnel du magistrat. S'il est unanimement
admis que la règle concerne non seulement le délibéré proprement
dit, mais également les faits révélés lors d'une audience tenue à huis
clos ou, d'une manière générale, en dehors d'une audience publique,
une partie de la doctrine soutient que les faits révélés en audience
publique ne sont plus soumis à un secret professionnel quelconque.
256 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

Il semble bien qu'il soit malaisé de parler de secret professionnel,


entend-on, dès l'instant ou les faits révélés en audience publique,
ont une notoriété telle qu'il est malaisé d' envisager encore l' exis-
tence d'une confidence quelconque (Max HOGE, Henri-Michel
HOVEN et François PIEDBOEUF, <1Le secret professionnel et la
justice ►>, rapport ronéotypé présenté lors des journées d'étude du
barreau de Liège des 8-9 et 10 mai 1980).
Cette opinion ne peut être admise. La révélation par un magistrat
de faits connus ou parfois simplement soupçonnés, leur donne une
caution indéniable qu'il ne lui appartient pas d' apporter.
332. Pour le surplus, la révélation n'est pas punissable dans le
cas du témoignage en justice. C'est ainsi qu'il a été jugé qu'un juge
d'instruction peut être entendu lors d'une procédure pénale, sauf au
témoin à apprécier s'il doit ou s'il peut répondre aux questions
posées (corr., Bruxelles, 21 novembre 1888, Journ. trib., 1888,
col. 1443; cass. 2 mars 1988, Pas., 1988, I, p. 795; Rev. dr. pén.,
1988, p. 807; il faut relever que cette partie de l' arrêt ne se retrouve
pas dans le sommaire publié dans cette revue). Il en est particuliè-
rement ainsi s'il est interrogé sur les faits d'une instruction en cours
(voy. cass. fr. crim., 5 novembre 1903, Pas., 1904, IV, p. 90).
Il n'y a pas lieu d' adopter une conclusion différente au cas de
l'audition lors d'une enquête civile. Il a été jugé à bon droit qu'un
juge d'instruction, son greffier ou un magistrat du parquet ne peu-
vent être contraints de révéler comme témoins dans une enquête
civile, le contenu d'un dossier relatif à une affaire correctionnelle
laissée sans suite, ou dans laquelle est intervenue une ordonnance de
non-lieu (voy. civ. Verviers, 13 juin 1883, Pas., 1883, III, p. 266 et
la note; civ. Anvers, 5 novembre 1902, Pas., 1903, III, p. 90 et la
note; Journ. trib., 1903, col. 55 et Pand. pér., 1903, n° 202).
En revanche, en signalant à la Sabena la condamnation du chef
d'ivresse au volant encourue par l'un de ses pilotes, le procureur
général près la cour d' appel accomplit une mission légale et ne viole
pas le secret professionnel (Bruxelles, 23 février 1976, R. G. A. R.,
1977, n° 9770).
333. Les jurés, magistrats occasionnels et temporaires, de même
que les juges consulaires ou sociaux, sont tenus au secret des déli-
bérés au même titre que les magistrats professionnels, même si le
serment que les premiers prêtent au début d'une procédure devant
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 257

la cour d' assises ne le vise pas expressément. Selon les termes de


l'article 312 du Code d'instruction criminelle, le président des assises
adresse aux jurés le discours suivant : « Vous jurez et promettez ... de
ne communiquer avec personne jusqu 'après votre déclaration ... ».
La formule est assurément équivoque et malheureuse; elle ne
semble pas imposer le secret au-delà de la déclaration de culpabilité
ou d' acquittement. C' est ce qui explique sans doute que les indis-
crétions soient relativement fréquentes et que le parquet s' abstienne
d'engager des poursuites pénales. La formule française est à l'évi-
dence plus adéquate, les jurés prêtant le serment de <<conserver le
secret des délibérations même après la cessation de leurs fonctions >>.
De tous les juges, c'est assurément le juré qui est le plus enclin à
colporter au dehors les votes émis pendant la délibération ou les
incidents de celle-ci, soit par une fausse conception de son röle, soit
par souci de dégager sa responsabilité dans l' élaboration d'une déci-
sion mal accueillie par !'opinion publique, soit encore par l'effet des
sollicitations obsédantes de journalistes habiles à flatter sa vanité
(Gérard PrnRRo;-,, <<Le secret professionnel du juré>>, Rev. sc. crim. et
dr. pén. camp., 1953, p. 719).
334. Les arbitres doivent également être assimilés aux magistrats
professionnels et, à ce titre, ils sont indiscutablement tenus au
secret professionnel pour les faits dont ils ont connaissance à l' occa-
sion des procédures d' arbitrage qui leur sont confiées.
Il n' existe cependant aucune jurisprudence les concernant. Il est
remarquable d'ailleurs de constater que les auteurs spécialisés
n' examinent j amais la question, même à l' occasion de l' étude de la
déontologie propre à !'arbitrage.
335. Des dispositions particulières contenues dans les lois relati-
ves aux ordres professionnels des médecins, des pharmaciens, des
médecins vétérinaires ou des architectes rappellent, en des termes
analogues, que les membres des conseils provinciaux et des conseils
d' appel sont tenus au secret professionnel pour toutes les affaires
dont ils ont eu connaissance dans ou à l' occasion de l' exercice de
leurs fonctions; il en est de même de toutes les personnes qui, à un
titre quelconque, participent au fonctionnement des ordres; les lois
rappellent, en outre, que la violation de ce secret est punie confor-
mément à l' article 458 du Code pénal (voy. l' article 30 de l' arrêté
royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins et
258 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

l' article 30 de l' arrêté royal n° 80 du 10 novembre 1967 relatif à


l'Ordre des pharmaciens). L'article 21 de la loi du 19 décembre 1950
créant l'Ordre des médecins vétérinaires dispose plus succinctement
que «les membres des conseils de l 'Ordre, du conseil supérieur et des
conseils mixtes d 'appel sant tenus au secret professionnel pour toutes
les affaires dont ils ont eu connaissance dans l 'exercice de leurs
fonctions>>. L'article 47 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des
architectes dispose pareillement que << les membres des divers organes
de l 'Ordre sant tenus au secret professionnel pour toutes les affaires
dont ils ont eu connaissance dans l 'exercice de leurs fonctions >>.
Cependant, les textes ont prévu une dérogation à cette obligation
en vue d' assurer l' exécution des sanctions disciplinaires : celles-ci
_sont dénoncées soit au ministre qui a la Santé publique dans ses
attributions, soit aux organes intéressés de l'Ordre pour ce qui con-
cerne les médecins (art. 27, §3 de l'arrêté royal n° 79) et les phar-
maciens (art. 27, §§2 et 3 de l'arrêté royal n° 80) et, en outre, pour
ces derniers, à la commission médicale compétente, à l'inspection de
la pharmacie ainsi qu' au procureur général près la cour d' appel. Les
sentences disciplinaires qui frappent les membres du barreau sont
dénoncées au procureur général, en application de l' article 466 du
Code judiciaire; elles le sont au conseil régional compétent pour ce
qui concerne les médecins vétérinaires (art. 18 de la loi du
19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires).
Le stagiaire judiciaire, bien qu'il n' ait pas la qualité de magistrat
(art. 259octies, §7, alinéa 2 du Code judiciaire) est soumis au secret
professionnel encore que la loi soit muette à eet égard: il fait partie,
à l'évidence, des confidents par état ou par profession.

B. - Le greffier, [ 'employé du greffe, le référendaire


336. Il a été soutenu - sans grande conviction d' ailleurs - que les
greffiers et les employés des greffes semblaient pouvoir être assimi-
lés aux agents de l'Etat en application de l' arrêté du Régent du
3 mai 1948 pris en application de l' article 19 de l' arrêté royal du
2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat, dont
l' article 1er vise notamment les greffiers de l' Ordre judiciaire et du
Conseil d'Etat, ainsi que le personnel administratif des greffes et des
parquets. L'on en déduisait que l'article 9, alinéa 2 de l'arrêté royal
du 2 octobre 1937 qui impose à ces agents une obligation de discré-
tion sanctionnée disciplinairement, était applicable aux greffiers et
LES AUTRES CATÉGORlES PROFESSIONNELLES 259

aux employés des greffes ainsi que des parquets (Max HOGE, Henri-
Michel HovEN et François PrnDBOEUF, <<Le secret professionnel et
la justice)>, rapport ronéotypé présenté lors des journées d'étude du
barreau de Liège des 8-9 et 10 mai 1980). Cette thèse ne peut être
admise, l'arrêté du Régent du 3 mai 1948 ayant été pris en appli-
cation de l'article 19 du statut des agents de l'Etat et eet article
figurant dans Ie chapitre relatif au recrutement et n' attribuant
expressément une délégation particulière de pouvoirs au Roi que
dans ce domaine.
Les greffiers, les employés du greffe ainsi que les référendaires
doivent être compris parmi les dépositaires de secrets par état ou
par profession, visés par l' article 458 du Code pénal. L' obligation au
secret a dès lors la même étendue que celle qui touche les magistrats
au délibéré desquels ils assistent et dont ils dactylographient les
jugements ou dont ils ont connaissance par l'exercice des fonctions
qu'ils exercent.
lis sont aujourd'hui visés expressément, dans le domaine pénal,
par la loi du 12 mars 1998 qui a inséré les articles 28quinquies et 57
nouveau dans Ie Code d'instruction criminelle.
337. La jurisprudence est peu abondante sur le sujet, ce qui est
à l'honneur des greffiers et des employés des greffes.
Un arrêt de la cour d'appel de Gand, rendu le 25 février 1914 a
estimé qu'il n'y a pas lieu de rejeter des débats d'une procédure en
divorce, sous prétexte qu' elle est produite en violation du secret
professionnel, la déposition du greffier d'une justice de paix, qui, à
l' occasion d'une levée de scellés préalable à un inventaire au domi-
cile conjugal, a constaté les traces matérielles de l' adultère du mari.
La cour a considéré que la règle du secret n'est applicable qu'aux
confidences proprement dites, reçues ou venues à la connaissance du
greffier en la qualité ou il procède, abstraction faite d'une simple
concomitance occasionnelle de temps et de lieu, et qu'en toutes
hypothèses, l' article 458 du Code pénal réserve le cas du témoignage
en justice (Pas., 1914, II, p. 156 et Belg. jud., 1914, col. 853, et
l'avis contraire de l'av. gén. PENNEMAN).
La jurisprudence n'est guère plus abondante en ce qui concerne
les employés du greffe. Un arrêt de la cour d'appel de Gand du
12 février 1960 a condamné un employé du greffe qui, sans autori-
sation du procureur général, avait communiqué à un avocat des
260 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

renseignements pris dans le registre des individus condamnés. La


motivation de l'arrêt est du reste sommaire, la cour énonçant
qu'<<un employé du greffe est une des personnes qui, par état ou par
profession, sont dépositaires des secrets qu'on leur confie>> (R. W.,
1959-1960, col. 1614 et Rev. comm., 1960, p. 115, et la note).

C. - Le policier
338. La question du secret professionnel des membres de la police
concerne moins leur obligation au secret que le droit pour eux de
taire leurs sources d'information. A eet égard, elle présente certaines
analogies a vee ce que l' on qualifie erronément de << secret profession-
nel du journaliste>>. Comme celui-ci, il a pour röle de recueillir des
informations et, pour ce qui le concerne plus particulièrement, des
éléments de preuve à l'intention d'un juge d'instruction ou du par-
quet.
Une jurisprudence constante consacrée par plusieurs arrêts de la
Cour de cassation estimait qu'un membre de la police pouvait invo-
quer à bon droit le secret professionnel en refusant de divulguer
quand il était appelé comme témoin, le nom de la personne dont il
avait reçu, en raison de ses fonctions, des renseignements destinés
aux autorités judiciaires (Liège, 31 juillet 1914, Pand. pér., 1914,
n° 1360 et Jur. Lg., 1914, p. 322; cass., 22 mars 1926, Pas., 1926,
I, p. 310, et les concl. de l'avocat général JoTTRAND; corr. Marche-
en-Famenne, 18 février 1954, Jur. Lg., 1953-1954, p. 243 et Journ.
trib., 1954, p. 593, et la note de Robert LEGROS; Bruxelles, 9 décem-
bre 1976, Journ. trib., 1977, p. 457; cass. 10 jan vier 1978, Pas.,
1978, I, p. 515; cass. 26 février 1986, Journ. trib., 1986, p. 328; Rev.
dr. pén., 1986, p. 619; Pas., 1986, I, p. 801). D'une manière géné-
rale, les cours et tribunaux mettaient l' accent sur l'intérêt primor-
dial de la lutte contre la criminalité qui justifie le recours à des indi-
cateurs dont il n'est, à l'évidence, pas opportun de dévoiler
l'identité.
339. Il reste qu'un conflit peut, à cette occasion, opposer les droits
de la défense et les intérêts de la répression (voy. Robert LEGROS,
note s/ corr. Marche-en-Famenne, 18 février 1954, Journ. trib., 1954,
p. 593; Victor RE NIER, << Le secret professionnel des officiers de police
judiciaire>>, Rec. jurisp. des trib. de l'arr. de Nivelles, 1959, p. 1; Alain
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 261

DENAUW, <<Ambtsgeheim van opsporingambtenarem, R. W., 1977-


1978, col. 241).
Les renseignements obtenus gráce à l' anonymat, s'ils sont intrin-
sèquement dépourvus de toute valeur probante, peuvent servir à
découvrir d' au tres preuves qui, elles, seront décisives. L' exemple
classique est celui du voleur dénoncé par une lettre anonyme, et que
l' on trouve nanti des objets provenant du vol. La preuve est alors
le résultat de la perquisition, la source impure des informations
important peu (voy. Maurice BLONDET, <<Les ruses et les artifices de
la police au cours de l'enquête préliminaire>>, J.C.P., 1958, I, 1419).
340. La loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins a
apporté une première réponse aux questions qui se posaient. L' arti-
cle 75bis nouveau du Code d'instruction criminelle (art. 2 de la loi
du 8 avril 2002) réserve au juge d'instruction le pouvoir de <<décider
... qu 'il ne sera pas fait mention dans le procès-verbal d 'audition, de
certaines données d 'identification ... , s'il existe une présomption rai-
sonnable que le témoin ou une personne de son entourage, pourrait
subir un préjudice grave à la suite de la divulgation de ces données
et de sa déposition». Cette décision du juge d'instruction - dont les
raisons sont indiquées dans un procès-verbal et qui n'est susceptible
d'aucun recours - est prise <<soit d'office, soit à la demande du
témoin ou de la personne à l' égard de laquelle l' action publique est
engagée, de l'inculpé, de la partie civile ou de leurs conseils, soit sur
réquisition du ministère public>> (art. 75bis nouveau du Code d'ins-
truction criminelle).
En outre, «le juge d 'instruction peut ordonner que le ministère
public, ( ... ) ou l 'inculpé, la partie civile et leurs conseils ne puissent
assister à l 'audition du témoin que dans un autre local, si cette mesure
est nécessaire pour préserver son anonymat. Dans ce cas, il a recours
à un système de télécommunications» (art. 86ter nouveau, al. 4).
341. Depuis lors, la loi du 6 janvier 2003, concernant les métho-
des particulières de recherche et quelques autres méthodes
d' enquête, comporte des dispositions importantes consacrées au
recours aux indicateurs qui doivent clarifier certains éléments de
l' enquête (voy. le commentaire de la loi et de ses arrêtés d' applica-
tion par Maïté DE RuE et Christian DE V ALKENEER, Larcier,
Bruxelles, coll. <<Les dossiers du Journal des tribunaux>> n° 11, 2004).
La Cour d'arbitrage, dans son arrêt n° 202 du 21 décembre 2004 -
262 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

qui a annulé plusieurs dispositions de la loi - a jugé que <(le recours


aux indicateurs, à supposer que cette méthode particulière de
recherche puisse être considérée comme une ingérence dans le droit
au respect de la vie privée, était justifié pour les raisons suivantes :
la lutte contre certaines formes de criminalité particulièrement gra-
ves ou qui sont le fait d' organisations criminelles disposant de
moyens importants peut contraindre les autorités chargées de la
recherche des infractions et de la poursuite de leurs auteurs à met-
tre en oeuvre des méthodes de recherche qui ont pour nécessaire
conséquence une ingérence dans la vie privée et une atteinte à
l'inviolabilité du domicile des personnes qui font l'objet de ces
enquêtes ►> (voy. les points B.5.5. et B.5.9. de l'arrêt).
La loi prévoit que les rapports établis par les gestionnaires des
indicateurs sont conservés de manière confidentielle dans un dossier
séparé par le procureur du Roi qui «est le seul à y avoir accès ...
sans préjudice du droit de consultation du juge d 'instruction ... ». La
loi ajoute: << Le contenu de ce dossier est couvert par le secret
professionnel» (art. 47decies nouveau du Code d'instruction crimi-
nelle, §6, al. 3);
La loi prévoit des dispositions particulières concernant les avo-
cats et les médecins en cas d' rnbservatiom effectuée à l' aide de
moyens techniques, une <ánfiltration ►> ou un ((Controle visuel discret ►>
portant sur leurs locaux utilisés à des fins professionnelles ou leur
résidence. Ces méthodes particulières de recherche et d'enquête ne
peuvent être autorisées par le juge d'instruction que si l' avocat ou
le médecin est lui- même soupçonné d'avoir commis une des infrac-
tions précisées dans la loi ou si des faits précis laissent présumer que
des tiers soupçonnés d' avoir commis une de ces infractions utilisent
ses locaux ou sa résidence. De plus, la loi dispose que ces mesures
ne peuvent être exécutées sans que le bätonnier ou le représentant
de l'Ordre provincial des médecins en soit averti (art. 5, al. 3 et 4).
342. En toutes hypothèses, l' article 458 du Code pénal s' applique
au policier en tant que collaborateur de la justice dans la mesure ou
l'instruction pénale étant secrète, le policier qui y collabore ne peut
en révéler les faits ou détails et doit refuser de témoigner dans une
enquête civile ultérieure (civ. Namur, 6 février 1990, J.L.M.B.,
1992, p. 60 et Rev. dr. pén., 1992, p. 554).
La disposition du Code pénal ne s' applique pas aux faits matériels
qui n' ont aucun caractère secret et déjà rendus publics, même s'ils
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 263

parviennent à la connaissance de l'intéressé en raison de sa profes-


sion ou de son état (voy. cass., 13 avril 1953, Pas., 1953, I, p. 606
qui a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Gand
condamnant un gendarme qui avait communiqué le bulletin central
des signalements et laissé consulter le registre des communications
téléphoniques de la brigade de gendarmerie; Bruxelles, 20 décembre
1988, R. W., 1988-1989, col. 1332, et la note de L. HUYBRECHTS;
voy. BRASS, <<Police, presse et secret professionneL> in En hommage
à Jean Constant, Fac. de droit de Liège, 1971, p. 69).

D. - L 'huis sier de justice


343. La doctrine considère de manière unanime que l'huissier de
justice est tenu au secret professionnel.
L' obligation trouve un fondement implicite dans l' article 44 du
Code judiciaire qui impose aux huissiers une grande discrétion en ce
qui concerne les significations dont ils sont chargés, lorsque l' exploit
ne peut être remis au destinataire lui-même. Il faut relever que,
dans la même optique, l'article 460bis du Code pénal (loi du 14 jan-
vier 1928, art. 4) réprime le fait d' ouvrir un pli contenant un acte
d'huissier, pour en violer le secret.
La détermination de l'étendue du secret professionnel de l'huissier
est cependant malaisée et n' a guère été examinée ni en doctrine, ni
en jurisprudence. Or, à l' occasion des récolements, les huissiers sont
amenés à se communiquer les uns aux autres divers renseignements.
Un huissier, poursuivant un même débiteur à la requête de divers
créanciers, utilisera nécessairement dans chacun des dossiers,
l' ensemble des informations qui lui ont été communiquées, à peine
de fausser la procédure d'ordre et l'égalité entre les créanciers.
Cependant, tenu au secret professionnel à propos des données dont
il prend connaissance lors de l' exercice de ses fonctions, il ne peut
communiquer à des tiers l'identité de la personne dont les biens sai-
sis ont été vendus (civ. Bruxelles, 12 janvier 1999, R. W., 1998-1999,
p. 1181).

E. - L 'expert judiciaire
344. Le secret professionnel de l'expert judiciaire donne lieu à des
controverses, particulièrement lorsque l'expert désigné par le juge
ou le ministère public exerce une profession qui le rend dépositaire
264 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

des secrets d' au trui. Il existe, en effet, dans eet te situation une
ambiguïté qui concerne plus particulièrement l'expert-médecin. <<Mis
en confiance par le fait que celui qui les interroge a souvent com-
mencé par les ausculter, a pris leur tension, bref, s' est comporté en
tout point comme leur médecin habituel, des inculpés ont tendance
à lui raconter des quantités de choses qu'ils n' auraient j amais révé-
lées au juge d'instructiom (René FLORIOT et Raoul CüMBALDIEU, Le
secret professionnel, Flammarion, Paris, 1973, p. 95).
345. Il est parfois prétendu que l'expert judiciaire doit révéler au
juge qui l' a désigné, absolument tout ce qu'il a pu constater. Dans
cette thèse, rien de ce qu'il observe ou de ce que la personne sou-
mise à l' expertise lui avoue, ne devrait être considéré comme confié
à l'expert sous le sceau du secret.
Cette conception a eu les faveurs de la doctrine (Paul LuRQUIN,
Précis de l 'expertise du Code judiciaire, Bruxelles, Bruylant, 28 éd.,
1973, n° 137; Anselme SACERDOTE, <<Le secret professionnel du psy-
chiatre expert judiciaire ►>, Rev. dr. pén., 1959-1960, p. 230). Elle
repose sur l'idée que l'expert est le mandataire du juge et elle abou-
tit pratiquement à faire de lui une sorte d'officier de police judi-
ciaire. Cette opinion ne peut être admise : l' expert ne peut être qua-
lifié de mandataire, car le juge ne lui a pas délégué ses pouvoirs et
n' est pas lié par les conclusions du rapport d' expertise qui n' ont que
la valeur d'un avis, quelle qu'en soit l'importance. Comme le dit un
arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, rendu le 12 février 1913, «les
considérations et les conclusions d'un rapport d' expertise ne sont
qu'un avis que le juge ne suit, même au point de vue technique, que
s'il y trouve les éléments propres à déterminer sa décision et s'il ne
lui apparaît pas en contradiction avec d' autres éléments probants
que la cause révèle (Pas., 1913, II, p. 117, voy. concernant la portée
de !'expertise, cass., 14 septembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1021).
Quelques exemples peuvent illustrer la question. Un médecin
légiste est désigné pour autopsier le corps d'une jeune femme céli-
bataire tuée dans un accident; l' expertise révèle un état de
grossesse; le médecin légiste est-il tenu de consigner cette informa-
tion dans son rapport; est-il au contraire tenu de se tai re; ou
encore, peut-il se substituer au juge pour décider si eet élément pré-
sente ou non un intérêt en la cause? Au tres exemples : au cours
d'une expertise mentale, la mère de l' accusé révèle au médecin
expert que l'intéressé est un enfant adultérin, ce que son père légal
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 265

ignore en sorte que toute l'hérédité de l'inculpé est mise en question


par cette révélation. Sans y être Ie moins du monde contraint, un
inculpé qui se déclare innocent quand il s' adresse aux juges, avoue
à !'expert sa culpabilité, tout en lui signalant que cette confidence
ne modifie pas ses dénégations officielles. Ces exemples ont été don-
nés lors des débats consacrés au secret médical par l'Union belgo-
luxembourgeoise de droit pénal, Ie 18 février 1956, (Rev. dr. pén.,
1955-1956, p. 739). Dans chacun de ces cas, quelle attitude Ie méde-
cin-expert doit-il adapter?
346. Lorsqu'il est désigné par Ie juge, Ie médecin n' agit assuré-
ment pas en qualité de médecin, mais en qualité de << conseil
technique>>: il ne se présente pas auprès d'une personne pour lui
donner les soins que sa santé réclame; il ne provoque et ne reçoit
les confidences que Ie malade lui fait que pour être renseigné sur son
véritable état de santé. Il n'est pas un confident nécessaire des
malades, mais un agent d'information des tribunaux. La personne
qu'il visite n'ignore pas ce mandat; souvent même elle l'a sollicité;
elle sait donc l'usage que fera Ie médecin des déclarations qu'il aura
reçues, des constatations qu'il aura faites ou surprises.
La désignation d'un expert se justifie par la nécessité de recourir
aux lumières d'un homme de !'art pour procéder à des constatations
et donner un avis d' ordre technique, selon les termes des articles 962
du Code judiciaire, 43, 44 et 59 du Code d'instruction criminelle.
Dans l' mu vre j udiciaire actuelle, l' expertise est devenue, comme
l'indique un arrêt récent de la cour d' appel de Bruxelles, la mesure
d'instruction par excellence, <<à laquelle Ie juge a recours s'il l'estime
utile à la manifestation de la vérité>> (Bruxelles, 4 mai 1966, Journ.
trib., 1966, p. 423; voy. Hermann BEKAERT, La manifestation de la
vérité dans le procès pénal, Bruylant, Bruxelles, 1972, et plus parti-
culièrement la troisième partie de l' ouvrage, écrite avec l' assistance
de Jean DU JARDIN, pp. 127 et suiv.).
Sans doute, certaines situations particulières peuvent-elles être
difficiles à apprécier lorsque l' expert se trouve aux confins de la
confidence et de la constatation, et lorsque celle-ci peut constituer
un élément d'appréciation important pour Ie juge même si elle ne
s'inscrit pas nettement dans les limites de la mission dévolue à
!'expert. lei encore, la solution du cas de conscience résidera dans
une hiérarchie des valeurs en conflit, en ayant égard au fait que «Ie
juge ne peut se décharger sur !'expert de ses fonctions propres et
266 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

essayer d'apprendre par son intermédiaire ce que lui-même n'a pu


savoir quant au fond de l'incrimination>> (voy. les interventions de
Raymond CHARLES, Maurice DE LAET, Maximilien PHILONENKO et
Achille MARÉCHAL, lors des débats précités de l'Union belgo-luxem-
bourgeoise de droit pénal, le 18 février 1956, Rev. dr. pén., 1955-
1956, p. 742).
Pour éviter de regrettables ambiguïtés, des conseils de conduite
sont donnés à l'expert judiciaire, dont le devoir est de faire connaî-
tre sa qualité lorsqu'il intervient pour faire ses constatations. Il a
cette obligation non seulement à l'égard de l'inculpé ou de la vic-
time, mais aussi à l'égard de ses confrères qui traitent le patient. Il
faut, en effet, que ceux-ci sachent qu'ils ont affaire à quelqu'un
dont la mission consiste à faire connaître ce qu'il apprend (Ray-
mond ScREVENS, avec la collaboration de Bruno BuLTHÉ, <,Le
médecin témoin ou expert devant les juridictions et les droits de
l'homme>>, Rev. dr. pén., 1982, p. 107). Il ne faut pas perdre de vue,
en effet, que les constatations que l'expert a faites sont destinées au
juge qui a ordonné l'expertise mais également au magistrat du
ministère public (cass., 4 décembre 1979, R. W., 1980-1981, col. 307,
et la note de F. VAN NESTE).
347. Certes, en matière répressive, l'expert judiciaire n'est pas
tenu au secret professionnel vis-à-vis de l'autorité qui l'a désigné
mais indépendamment de ses obligations envers elle et des limites
de ces obligations, l'expert judiciaire est à l'évidence tenu au secret
professionnel à l'égard des tiers (cass., 31 janvier 2001, Journ. trib.,
2001, p. 402; Rev. dr. pén., 2001, p. 730, et les concl. de l'avocat
général R. LOOP, et Pas., 2001, I, p. 196, ibid.; Rev. dr. santé, 2002-
2003, p. 158, et la note F. BLOCKX; Liège, 12 février 1996, Journ.
trib., 1996, p. 559; Rev. rég. dr., 1996, p. 407).
Il ne pourrait révéler à un tiers ce qu'il a appris à l' occasion de
la mission dont il a été chargé, ni faire état, dans une expertise sub-
séquente, de faits qu'il aurait appris lors d'une autre expertise, ni
communiquer une copie de son rapport à d'autres que les parties
(Paul LURQUIN op. cit., n° 137; voy. Lucien NouWYNCK, <(Le secret
professionnel et ses implications sur l'utilisation de rapports
d'expertise, d'enquêtes sociales, d'études sociales et de rapports de
guidance sociale dans des procédures distinctes de celles dans les-
quelles ils ont été établis>>, Rev. dr. pén., 2002, p. 625). S'il a été
commis par un juge d'instruction, il se rend coupable d'une viola-
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 267

tion du secret professionnel, au sens de l' article 458 du Code pénal,


lorsqu'il communique au prévenu ou à la partie civile une copie de
son rapport ou de documents, sans l' autorisation du magistrat qu'il
l'a commis (Bruxelles, 31 janvier 1923, Belg. jud., 1923, col. 272,
obs.; Bruxelles, 3 novembre 1953, Rev. dr. pén., 1953-1954, p. 417,
obs.). Il en est de même pour la personne désignée en qualité de
séquestre (civ. Bruxelles, 10 mai 2001, Journ. trib., 2002, p. 10).
348. Cette conception n' a pas toujours été admise. Il a été sou-
tenu que l' expert judiciaire, investi d'une mission en vue de faciliter
une décision judiciaire, qu'il soit un médecin, un ingénieur ou un
négociant, n' est, en ce qui concerne la mission spéciale qu' on lui
confie, qu'expert et, comme tel, il ne serait pas tenu aux mêmes
obligations qu'un professionnel. Dans cette conception, l' article 458
du Code pénal ne lui serait pas applicable; il ne pourrait cependant,
sans engager sa responsabilité civile, sur la base des articles 1382 et
1383, faire les révélations et les divulgations qu'il voudrait se per-
mettre (Pand. b., v 0 Secret professionnel, t. 96, 1909, sub. n° 20
citant DE BusscHERE, <(Quelques mots sur le secret professionnel au
point de vue des législations belge, française et luxembourgeoise ►> in
Ann. Soc. médec. lég. belge, 1902, p. 14).
Cette théorie est unanimement rejetée aujourd'hui par la doctrine
et la jurisprudence qui placent l'expert judiciaire au rang des con-
fidents par état ou par profession, mais lui réservent une situation
particulière eu égard au röle de conseil technique du juge qu'il rem-
plit.
349. La situation n'est pas différente dans le cas ou le médecin
obéit aux réquisitions de l' autorité judiciaire lorsqu'il est << appelé
dans des cas qui pourraient donner lieu à une information judi-
ciaire, tels, par exemple, que l'empoisonnement ►> en exécution de
l'article 22 de l'arrêté royal du 31 mai 1885 approuvant les nouvel-
les instructions pour les médecins, pour les pharmaciens et pour les
droguistes (voy. aussi les articles 43 et 44 du Code d'instruction cri-
minelle qui permettent au procureur du Roi soit de se faire accom-
pagner d'une personne capable d' apprécier la victime et les circons-
tances d'un crime ou d'un délit, soit de se faire assister lors d'une
mort violente ou d'une mort dont la cause est inconnue ou suspecte,
d'un médecin qui fera rapport sur les causes de la mort et l' état du
cadavre). Cette disposition, a dit la Cour de cassation, n'a pas
268 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

étendu les dérogations à la règle de secret professionnel au -del à des


limites fixées par l'article 458 du Code pénal (cass., 14 juin 1965,
Pas., 1965, I, p. 1102).
Qu' arri verait-il si l' autorité judiciaire entendait réquisitionner
précisément le médecin traitant? Il serait en droit de se refuser à
remplir les fonctions d'expert. Comment pourrait-il en effet concilier
cette mission avec son obligation légale de secret et comment ce
qu'il a appris en tant que médecin traitant n'aurait-il pas fatale-
ment une influence sur les constatations qu'il fera en qualité
d'expert?
350. Les relations qui s'établissent entre le médecin traitant et le
médecin chargé d'une mission d'expertise judiciaire posent fréquem-
ment des questions difficiles et même irritantes.
Dans quelle mesure le médecin traitant peut-il faire des révéla-
tions à l'expert et celui-ci peut-il les utiliser en vue de l'établisse-
ment de son rapport? La plupart des médecins pensent à tort qu'il
n'y a pas de secret entre médecins, ni même parfois entre les mem-
bres des professions soumises au secret professionnel (voy. sur cette
question: L. DEROBERT et G. DuMONT, <<Le secret médical dans les
relations du médecin expert et du médecin traitanh, La presse
médicale, Paris, 31 mars 1962, p. 791). L'on peut certes parler de
<<secret partagé>> (voy. supra n° 8 194 et 240) entre le médecin trai-
tant et les médecins consultants ou spécialistes librement choisis ou
acceptés par le malade car leur action concourt au soin du malade.
Il n'en est pas de même entre le médecin traitant et le médecin
expert, la mission de ce dernier n'étant pas de soigner le malade
mais, devenu collaborateur de la justice, de prêter à celle-ci son con-
cours technique.
351. A son égard, l' attitude du médecin traitant sera différente
si sa responsabilité professionnelle personnelle est mise en cause ou,
au contraire, s'il s'agit d'éclairer la justice sur l'état physique ou
mental d'un de ses malades.
Dans le premier cas, sans préjudice au droit de se taire, le méde-
cin traitant ne pourrait se retrancher derrière le secret professionnel
pour refuser de répondre à l'expert, l'obligation au secret n'étant
pas instituée pour servir de paravent à ses fautes éventuelles. De
même, il peut être amené à faire des révélations en vue d' assurer sa
défense, sinon le juge devrait statuer en se basant sur les seules
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 269

affirmations du plaignant (Paul-Julien DoLL, <<Le médecin expert


face au secret médical», J.C.P., 1972, 1, n° 2502). Nous renvoyons,
à eet égard, aux développements que nous avons consacrés au con-
flit de valeurs qui peut opposer la personne du confident à celle qui
s' est confiée à lui, lorsque la responsabilité de la première est mise
en cause (voy. supra n° 8 180 et suiv.).
Dans le second cas, les révélations du médecin traitant sont par-
faitement licites lorsqu' elles sont faites dans l'intérêt du malade,
même si le médecin peut se retrancher derrière le secret profession-
nel pour refuser de communiquer des renseignements à !'expert. La
jurisprudence a considéré qu'il ne peut être tenu compte d'un rap-
port d' expertise établi sur la base de documents et de renseigne-
ments parvenus à l' expert par le truchement de témoignages qu'il
aurait recueillis; !'expert n'a pas le pouvoir de recueillir des témoi-
gnages en justice - circonstance dans laquelle l' obligation au secret
est levée - et il ne peut être délégué à cette fin (Bruxelles, 11 mars
1969, Pas., 1969, Il, p. 132 et R. W., 1968-1969, col. 1515; cour
trav. Mons, 5 septembre 1980, Journ. trib., 1980, p. 742, et la note
de Robert GROSEMANS, Rev. dr. soc., 1981, p. 71 et Bull. inf. Inami,
1981, p. 151, obs. Robert GROSEMANS).
352. Tout comme le médecin traitant, les membres du personnel
d'un établissement de soins ne peuvent fournir des renseignements
au médecin expert judiciaire et, à plus forte raison, au médecin
expert d'une compagnie d'assurances, que pour autant qu'ils con-
courent à l'intérêt du patient qui y aura consenti, à tout le moins
tacitement.
En conclusion, on peut dire que dans chaque cas, il y a lieu
d'analyser les intérêts et les valeurs en présence. Il faut bien cons-
tater que ce qui commande le silence ou qui impose la révélation est
multiple et divers.

F. - Les membres du Conseil supérieur


de la justice
353. Aux termes de l'article 259bis - 19, §3 du Code judiciaire
inséré dans celui-ci par la loi du 22 décembre 1998 (art. 45), créant
un Conseil supérieur de la justice, «l 'article 458 du Code pénal est
applicable aux membres du Conseil supérieur, à leurs successeurs,
aux experts et au personnel du Conseil pour toutes les données dont
270 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

ils ont connaissance dans le cadre de l 'exercice de leurs missions au


sein du Conseil supérieur ».
A !'inverse, l'article 250bis -16, §3, 3° dispose que la Commission
d'avis et d'enquête ... peut «entendre les membres de l'ordre judi-
ciaire à titre d 'information» et que << dans ce cadre, la personne enten-
due est autorisée à faire des déclarations qui sant couvertes par le
secret professionnel ». La doctrine a vu dans cette disposition <<Une
assimilation au témoignage en justice>>. En outre, elle estime qu'il y
a lieu de prévoir expressément une dérogation concernant la pro-
duction de documents sans l' autorisation expresse du procureur
général près la cour d'appel et l'audition des membres de l'ordre
judiciaire (Xavier DE RIEMAECKER, <<Les magistrats>> in Didace
KINAGAHE et Yves PouLLET, dir., Le secret professionnel, La Charte,
Bruxelles, 2002, pp. 153 et suiv. et spéc. p. 159, se référant aux tra-
vaux parlementaires de la loi, Doe. parl., Chambre, sess. 1997-1998,
1677/1, pp. 63 et suiv.).

G. - Le délégué à la protection de la jeu nesse


354. L' article 77 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection
de la jeunesse énonce: « Toute personne qui, à quelque titre que ce
soit, apporte son concours à l 'application de la présente loi, est, de ce
fait, dépositaire des secrets qui lui sant confiés dans l 'exercice de sa
mission et qui se rapportent à celle-ci. L'article 458 du Code pénal
lui est applicable >>.
La doctrine, en commentant l'insertion de cette disposition dans
la loi relative à la protection de la jeunesse, souligne que Ie rappel
des obligations incombant à tout dépositaire de secrets profession-
nels était, en soi, superflu (Jean-Marie PoUPART, <<Les sanctions de
nature pénale pouvant frapper les adultes dans Ie cadre de la loi sur
la protection de la jeunesse>>, Ann. dr. Lv., 1966, n° 8 1-2, p. 203;
Lucien SLACHMUYLDER, <<Secret professionnel et protection de la
jeunesse>>, Journ. trib., 1967, p. 529, sub. n° 9 et Le service social,
juillet-août 1967, p. 121, sub. n° 9).
Il demeure que Ie législateur a ainsi rappelé l'importance du
secret professionnel à tous ceux qui apportent leur collaboration à
l' application de cette loi : les délégués à la protection de la jeunesse
ou encore les membres des secrétariats des comités de protection de
la jeunesse, les agents chargés de l' administration et de la sur-
LES AUTRES CATÉG0RIES PR0FESSIONNELLES 271

veillance des établissements, ainsi que leur personnel ou encore les


psychologues, pédagogues, assistants sociaux et autres techniciens
spécialisés, de même que les stagiaires et délégués bénévoles (cass.,
8 juin 1988, R. W., 1988-1989, p. 1056; cass., 28 juin 1989, Pas.,
1989, I, p. 1186; Journ. trib., 1989, p. 511).
355. Aux termes de l' article 1.2.1. du Code de déontologie de la
Fédération belge des psychologues, «le psychologue est lié par le
secret professionnel tel qu 'il est mentionné dans le Code pénal, toutes
les fois ou il est fait appel à ses services.
Toutes les personnes, appelées à créer une ambiance de confiance
chez des êtres <lont l'insécurité est intense, seront les témoins forcés
de leur intimité familiale et les confidents nécessaires de leurs diffi-
cultés. Il serait dès lors malhonnête et maladroit de trahir la con-
fiance des mineurs et de leur famille par la révélation de ce qui a
été livré ou découvert au cours de l'étude ou du traitement d'un
cas ... Plus que tous les autres, les délégués à la protection de la jeu-
nesse sont amenés à pénétrer au sein des familles, à recevoir ou sur-
prendre des confidences (Lucien SLACHMUYLDER, <<Protection de la
jeunesse>> in Les Novelles, Larcier, Bruxelles, 1978, ne partie,
livre Il, titre III, chap. I, Le secret professionnel, p. 440, n° 3212).
L' ensemble de ces raisons justifie que la transmission d'un rap-
port social ordonné par le tribunal de la jeunesse en vue de la garde
d'enfants mineurs aboutirait à un jugement s'appuyant sur un
moyen de preuve illégal (Anvers, 15 janvier 1992, R. W., 1991-1992,
p. 924, obs.; voy. égalt Liège, 9 octobre 2000, J.L.M.B., 2002,
p. 628, note S. THIELEN et Rev. trim. dr. fam., 2002, p. 680).
De son cöté, la Cour de cassation a souligné que les études socia-
les et les examens médico-psychologiques réalisés en application de
l' article 50 de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse
ne peuvent être utilisés à d' au tres fins que celles prévues par cette
loi, c'est-à-dire déterminer dans l'intérêt du mineur les modalités de
l' administration de sa personne ou les moyens appropriés à son édu-
cation ou à son traitement (cass., 12 mai 1999, Pas., 1999, 1,
p. 280). Par un arrêt du 8 juin 1988, la Cour de cassation avait déjà
considéré que l' étude sociale ne peut pas être jointe au dossier sou-
mis à la juridiction compétente pour se prononcer sur les poursuites
à charge d'un mineur après le dessaisissement du juge de la jeunesse
(Journ. trib., 1988, p. 662; voy. Lucien NouwYNCK, <<Le secret pro-
272 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

fessionnel et ses implications sur l'utilisation de rapports d'exper-


tise, d'enquêtes sociales, d'études sociales et de rapports de gui-
dance sociale dans des procédures distinctes de celles dans lesquelles
ils ont été établis>>, Rev. dr. pén., 2002, p. 625; du même auteur:
<<La protection juridique du secret professionnel des acteurs psycho-
médico-sociaux intervenant dans un contexte judiciaire>>, mercuriale
prononcée Ie 1er septembre 2004 lors de la rentrée solennelle de la
cour d'appel de Bruxelles, à paraître).
Tout ce qui concerne l'intervention du tribunal de la jeunesse ou
du comité de protection est couvert par Ie secret professionnel, qu'il
s' agisse des informations recueillies et des confidences reçues, mais
encore du fait lui-même de l'intervention de ces organes et des
mesures prises. L' obligation au secret entraîne dès lors aussi celle
d' accomplir avec discrétion certains devoirs dont une exécution
ostentatoire pourrait être équivalente à une véritable révélation.
356. Le délégué à la protection de la jeunesse risque cependant
d'être placé dans une situation ambiguë, analogue à celle de l'expert
judiciaire. Commis par Ie juge de la jeunesse, est-il tenu de lui rap-
porter l'intégralité de ce qu'il a appris dans l'exercice de sa mission
ou, au contraire, est-il tenu même à l'égard du juge à un devoir de
discrétion pour certaines des confidences qu'il a pu recueillir?
La doctrine enseigne que les personnes, tant les délégués et les
médecins que les psychologues, qui se voient confier une étude
sociale ou un examen médico-psychologique, ne peuvent, dans les
limites de leur mission, invoquer le secret à l' égard de l' autorité qui
les requiert. Dans cette conception, tous les collaborateurs du
comité ou du tribunal de la jeunesse seraient tenus de rapporter
fidèlement le résultat de leurs investigations, y compris les choses
confiées sous le sceau de la confidence et qui sont relatives à l' objet
de leur mission; ils devraient rapporter tous les éléments utiles pour
le comité ou le magistrat, ainsi que pour les techniciens qui vont
travailler avec eux et on ne pourrait comprendre qu'ils taisent cer-
tains éléments essentiels à la compréhension du cas, pour le motif
que ce qui a été confié à titre de confidence ne l' a été qu' en sachant
que le délégué, Ie médecin ou Ie psychologue, était chargé d'une
mission par une autorité à laquelle il doit rendre compte, sans qu'il
puisse s' abstenir de révéler certaines choses (L. SLACHMUYLDER, op.
cit., n° 1323).
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 273

Cette opinion doit être nuancée et appelle les mêmes réserves que
celles formulées à !'occasion de l'examen de la situation dans
laquelle se trouve le médecin-expert - et plus particulièrement le
médecin psychiatre - à l' égard du j uge qui l' a désigné ( voy.
J.P. AGNEESSENS, <(Protection de la jeunesse et secret judiciaire>>;
L. DE GROOTE, <(Secret professionnel et travailleurs sociaux>>;
F. EssER, <<Secret professionnel et éducateurs>>: rapports présentés
le 14 février 1981 lors de la journée d'étude organisée par le Comité
de contact des organismes d' aide à la jeunesse in Contact, n° spécial
1981, respectivement pp. 1, 41 et 61).
357. Aucune exception n'est prévue en faveur des personnes
visées par la loi relative à la protection de la jeunesse lorsqu'elles
sont appelées à rendre témoignage en justice, qu'il s' agisse d'un juge
de la j eunesse ou d'un assistant social. Il leur appartiendra d' appré-
cier, comme tout autre praticien tenu au secret professionnel, le
comportement à adopter, compte tenu de la nature et de l'étendue
du secret professionnel dont ces personnes sont des détenteurs (cour
ass. Brabant, 9 avril 1992, Journ. trib., 1992, p. 442).
La tendance actuelle de la doctrine recommande le silence que
seuls des motifs réellement graves permettraient de rompre. Ce sera
au délégué à trancher la question d' après les intérêts en cause et
suivant sa conscience. Le juge ne pourrait ici intervenir d' autorité.
L'intérêt des mineurs, l'intérêt de la fonction de délégué représen-
tent des valeurs sociales importantes. Il faudra en tous cas un exa-
men approfondi des intérêts en cause pour les sacrifier. Cité comme
témoin dans une enquête civile au cours d'une instance en divorce,
les délégués, auxiliaires du juge des enfants, n' ont pas la mission de
départager les parents en désaccord. De ce point de vue, le silence
semble devoir sou vent être préféré, à moins que l'intérêt de l' enfant
ne soit gravement en cause (Victor DELVAUX, <<Secret professionnel
des délégués à la protection de l'enfance>>, Rev. dr. pén., 1952-1953,
p. 660).
Ce droit au silence n'a jamais été contesté dans la jurisprudence
belge. Il reste que dans la matière de la rééducation des jeunes
délinquants, un conflit oppose souvent les exigences de la répression
aux nécessités de la prévention.
358. Le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 rela-
tif à l'aide à la jeunesse dispose que «l'article 458 du Code pénal est
274 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

applicable aux personnes qui apportent leur concours à l 'application


(de ce) décret ... sans préjudice de l'application des articles 29 et 30
du Code d'instruction criminelle>> (art. 571, al. 1er)_
En outre, «ces personnes sont tenues d 'informer les autorités com-
pétentes lorsqu 'elles ont connaissance d 'une infraction prévue aux arti-
cles 398 à 405 du Code pénal » (homicide volontaire non qualifié,
meurtre et lésions corporelles volontaires) commises sur les person-
nes visées à l'article 410 du même Code (art. 57, al. 2).
De même, le décret de la Communauté flamande du 7 mai 2004
relatif à l' aide intégrale à la j eunesse dis pose que «sans préjudice des
articles 31 et 32, toutes les personnes qui apportent leur collaboration
à l 'application du présent décret, sont liées par le secret visé à
l 'article 458 du Code pénal, concernant les données dont elles prennent
connaissance pendant l 'exécution de leur mission ou qui y sont
relatées ».
Les articles 31 et 32 visent l' échange de données à caractère per-
sonnel en vue des tàches prévues.
Quant à l' aide <<intégrale à la jeunesse>>, elle concerne les services
d' aide à la jeunesse offerts en application de la réglementation rap-
pelée à l' article 4 du décret.

SECTION 2. ~ LES AGENTS


DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Bibliographie spéciale
Benoît DEJEMEPPE, <<Le secret professionnel des autorités judiciaires et administra-
tives à l'égard de l'assureur», Rev. dr. ULB, 2000, p.127; David D'HoooHE,
<<Openbaarheid van bestuur en de bescherming van vertrouwelijke
bedrijfsinformation», Tijds. Best. en Publ., 1982, p. 549; Michel HERBIET, <<Le
secret dans l'administration en droÎt beige>> in Le secret et le droit, Travaux de
!' Association Henri Capitant - Journées libanaises, Dalloz, Paris, 1974, p. 639;
Henri lNGBERG, <<Le point de vue de la fonction publique» in Le devoir de réserve :
l 'expression censurée ?, Bruylant, Bruxelles, coli. <<Les Cahiers de l'Institut d' étu-
des sur la justice,> n° 5, 2004, p. 59; Edmond JoRION, <<Le secret administratif
dans les pays développés,>, rapport beige présenté lors des journées d'étude de
l'Institut international des sciences administratives sur Ie thème: «L'accès des
administrés aux informations détenues par l'administration», Cujas, Paris, 1977,
p. 145; Philippe QuERTAIMONT, «La responsabilité des pouvoirs publics en
matière documentaire>>, Rev. dr. ULB, 1992, pp. 119 et suiv., spécialt pp. 128 et
suiv.: «La sanction de la violation du secret professionnel,>; Philippe LAMBRECHT,
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 275

<< Le secret professionnel des autorités de controle et la collaboration


internationale», Rev. banq., 1993, p. 503; Jean-Marie RIKKERS, <<Le secret dans
l'administratiom, rapport ronéotypé présenté lors des journées d'étude du bar-
reau de Liège les 8, 9 et 10 mai 1980 sur Ie thème: <<Le secret: protection ou abus
de droit,>; Jacques STASWN, <<Le secret de l'administation et Ic droit» in Le secret
et le droit, Travaux de l' Association Henri Capitant - ,Journées libanaises, op. cit.,
p. 604.

A. - Les agents en général


359. Certains textes législatifs qui concernent les devoirs des
agents des administrations publiques font expressément référence à
l' article 458 du Code pénal. D' au tres édictent une obligation spéci-
fique de discrétion professionnelle. Il est dès lors parfois malaisé de
distinguer la règle - secret ou discrétion - que le législateur a voulu
imposer par le biais d'un texte de renvoi ou de rappel.
L' article 458 du Code pénal vise, d'une manière générale, tous les
dépositaires de secrets par état ou par profession. L' article 10 de
l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat
- tel qu'il est modifié par l' article 3 de l' arrêté royal du 22 décembre
2000 - tout en énonçant que <<les agents de l 'Etat jouissent de la
liberté d 'expression à l 'égard des faits dont ils ont connaissance dans
l'exercice de leurs fonctions», (al. 1er), formule une très large restric-
tion à cette liberté dans les termes suivants : « Il leur est uniquement
interdit de révéler des faits qui ont trait à la sécurité nationale, à la
protection de l 'ordre public, aux intérêts financiers de l 'autorité, à la
prévention et à la répression des faits délictueux, au secret médical,
aux droits et libertés du citoyen, et notamment le droit au respect de
la vie privée; ceci vaut également pour les faits qui ont trait à la pré-
paration de toutes les décisions aussi longtemps qu 'une décision finale
n 'a pas encore été prise ainsi que pour les faits qui, lorsqu 'ils sant
divulgués, peuvent porter préjudice à la position de concurrence du
service public dans lequel l'agent est occupé», (al. 2). Le texte dispose
enfin que ces dispositions << s 'appliquent également aux agents de
l 'Etat qui ont cessé leurs fonctions >> ( al. 3). Ces dispositions sont
reprises textuellement dans l' article 6 de l' arrêté royal du 22 décem-
bre 2000 fixant les principes généraux du statut administratif et
pécuniaire des agents de l'Etat applicables au personnel des services
des gouvernements de Communauté et de Région et des collèges de
la Commission communautaire commune et de la Commission com-
munautaire française ainsi qu' aux personnes morales de droit public
276 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

qui en dépendent. Il en est de même à l' article 3 du Titre 1er du


Livre 1er de l'arrêté du gouvernement wallon portant le Code de la
fonction publique wallonne, du 18 décembre 2003 (§§ 1er et 2).
Toute contravention à ce devoir de discrétion est «punie, suivant
l 'exigence des cas, de l 'une des peines disciplinaires prévues par l 'arti-
cle 77 du statut - tel qu'il a été modifié par l'article 41, 1° de l'arrêté
royal du 22 décembre 200 -, sans préjudice de l 'application des lois
pénales ». Le sta tut administratif des agents de l'Etat prévoit ainsi
expressément que ceux-ci pourraient, le cas échéant, faire l' objet de
sanctions pénales par application de l' article 458 du Code pénal.
360. La place que eet article occupe dans le Code pénal dans un
chapitre intitulé: <<De quelques autres délits contre les personnes>>,
avait fait dire à une partie de la doctrine que l' article 458 n' est
applicable aux agents de l' administration publique que dans la
mes ure ou il s' agit de secrets <<personnels qui leur sont confiés >>
(Michel HERBIET, <<Le secret dans l'administration en droit belge>> in
Le secret et le droit, Travaux de l'association Henri Capitant - Jour-
nées libanaises, Dalloz, Paris, 1974, p. 639). Comme telle, la dispo-
sition pénale ne protégerait que les intérêts des particuliers et ne
s'imposerait pas à l'égard des pouvoirs publics pour les documents,
informations et renseignements venus à la connaissance des agents
s'ils ne présentent pas le caractère de confidences nécessaires de la
part d'un administré, même si l' on admet volontiers que la divul-
gation de ces éléments dans le public ne serait pas souhaitable ou
même contraire aux intérêts du service.
Cette thèse revenait à contester que le secret professionnel puisse
bénéficier à l' administration elle-même. Le domaine couvert par le
secret professionnel est, de longue date, sorti des limites étroites que
tant sa place dans le Code pénal, que les termes qui y sont utilisés,
semblaient lui assigner. lndépendamment de ceux-ci et de celle-là,
la répression de la violation du secret professionnel est conçue
aujourd'hui de manière extensive: elle concerne autant les secrets
confiés que les secrets acquis ou perçus; elle bénéficie autant aux
personnes morales que privées et, à eet égard, l' on n' aperçoit pas de
motif admissible de distinguer les personnes morales de droit public
de celles de droit privé. Depuis toujours, la nécessité d' assurer le
fonctionnement normal et efficace de l' administration autant que la
sécurité de l'Etat, a été invoquée pour justifier le secret, dans les
domaines concernant la Défense nationale, la police, les Affaires
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 277

étrangères, et en général, à propos de toutes les informations, de


tous les documents et toutes les pièces dont la révélation serait de
nature à nuire à l'intérêt de l'Etat. Cette nécessité a trouvé sa con-
crétisation dans le nouvel article 10 du Statut, résultant de sa modi-
fication par l' arrêté royal du 22 décembre 2000.
361. La préparation des règlements, des décisions et, d'une
manière générale, de tous les actes que l' administration est appelée
à prendre, nécessite la rédaction de notes, de rapports et de docu-
ments divers à caractère interne. Les agents, les membres des com-
missions doivent pouvoir s'exprimer à l'abri des interventions du
dehors, en toute tranquillité et en toute indépendance d' esprit.
Enfin, il est des cas ou le secret se justifie à la fois par la sauvegarde
de l'intérêt des administrés et de cel ui de l' administration. En
matière de statistiques et de recensements, par exemple, l' adminis-
tré n' est amené à fournir les renseignements qui lui sont demandés
que parce que l' administration lui garantit qu'ils seront utilisés
d'une manière anonyme et qu'ils ne seront pas divulgués à des tiers.
L' administration, de son cöté, est contrainte au secret si elle veut
obtenir des déclarations sincères de la part de ses interlocuteurs
(voy. Jacques STASSEN, <<Le secret de l'administration et le droit>>,
rapport général présenté aux journées de l' association Henri Capi-
tant, op. cit.,Dalloz, Paris, 1974, p. 60).
362. Le fonctionnaire qui prépare une nouvelle réglementation
fiscale, qui élabore un projet d'expropriation ou un plan d'aména-
gement, qui est amené à connaître, par les procès-verbaux de séan-
ces auxquels il a accès, des délibérations dans les domaines les plus
divers, est à l'évidence <<dépositaire par état ou par profession>> de
secrets. Une circulaire n° 382 du 14 mars 1956 émanant des services
du Premier ministre y fait expressément référence.
Les cours et tribunaux l'ont admis depuis plus d'un siècle
lorsqu'il a été jugé que les membres d'un jury institué par un arrêté
ministériel pour noter un concours de poésie, ne peuvent, dans le
cours d'une poursuite correctionnelle et à la requête du prévenu,
être appelés à déposer sur ce qui s'est passé dans l'intimité des déli-
bérations (Bruxelles, 25 octobre 1856, Pas., 1857, II, p. 258 et Belg.
jud., 1857, col. 641).
363. Le tribunal correctionnel de Bruxelles a considéré également
que viole la règle du secret professionnel et est punissable pénale-
278 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

ment sur la base de l' article 458 du Code pénal, le fonctionnaire qui
communique à un entrepreneur évincé d'une soumission publique,
une note interne à l'administration proposant d'écarter l'offre d'un
autre soumissionnaire. Le secret des soumissions dans les adjudica-
tions de l' Etat et des administrations, dit le tribunal, est d' ordre
public et a pour hut d'empêcher que tous les marchés passés par
eux ne soient discutés sur la place publique; il en est de même de
tous les documents confidentiels relatifs à ces marchés (corr. Bruxel-
les, 6 mars 1973, Entr. et dr., 1976, p. 314).
La loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à cer-
tains marchés de travaux, de fournitures et de services, telle qu'elle
a été complétée par la loi-programme du 9 juillet 2004 prévoit qu'il
appartient, lors de l' attribution d'un marché, d'informer «les candi-
dats non sélectionnés et les soumissionnaires dont l 'offre a été jugée
irrégulière (. .. ) après la prise de décision les concernant » ( art. 2 lbis
nouveau, § 1er). Cette obligation d'informer le soumissionnaire évincé
est nuancée par un paragraphe 3 qui énonce : «Certains renseigne-
ments peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divulgation ( ... )
serait contraire à l 'ordre public, porterait préjudice aux intérêts com-
merciaux légitimes d 'entreprises publiques ou privées ou pourrait
nuire à une concurrence loyale entre entreprises ».
L'article 139 de l'arrêté royal d'application de la loi dénonce que
<< toute personne qui, en raison de ses fonctions ou des missions qui

lui ont été confiées, aura eu connaissance de renseignements confiden-


tiels ayant trait à la passation ou à l 'exécution des marchés, notam-
ment à la fix at ion des prix et à leur vérification est tenue au secret».
Sous l'empire de la législation antérieure relative aux marchés
publics, l' arrêté royal du 27 avril comportait une disposition analo-
gue (art. 55).
Il a été jugé que cette disposition vise à garantir l' objectivité de
l' attribution du marché et l' égalité des soumissionnaires. Il en
résulte qu'en acceptant des documents internes du pouvoir adjudi-
cateur qui tombaient sous l' obligation du secret et en en faisant
usage, !'entrepreneur a agi de manière illicite (Gand, 17 juin 1999,
Entr. et dr., 1999, p. 218).
364. Enfin, la cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt rendu le
27 novembre 1981, a condamné du chef de détournement et de révé-
lation caractérisée du secret professionnel - la cour utilise le terme
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 279

impropre de «rupture » du secret professionnel -, un fonctionnaire


qui s' était rendu coupable d' avoir remis à la presse la photocopie
d'un document que le ministère de la Justice l' avait chargé de tra-
duire (Journ. trib., 1982, p. 43). Le pourvoi en cassation dont le pre-
mier moyen soutenait précisément que l'intéressé, en sa qualité de
traducteur, n'était pas, par état ou par profession, dépositaire des
secrets d'autrui, fut rejeté par l'arrêt du 7 avril 1982 (Pas., 1982,
I, p. 925).
365. Il n'en reste pas moins que le système belge se caractérise,
en ce qui concerne les agents des administrations publiques, par une
dualité de situations qui se traduit par deux régimes juridiques
différents : cel ui du secret professionnel et celui de l' obligation de
discrétion. Celle-ci ne peut être sanctionnée que disciplinairement, le
premier pouvant l' être, pénalement, sans préjudice de sanctions
civiles dans l'un et l' autre cas. Il convient de souligner que l' article
13 du Statut administratif des agents de l'Etat qui prévoit les sanc-
tions concernant la contravention aux devoirs des agents, énonce
expressément que les peines disciplinaires sont édictées, sans préju-
dice de l 'application des peines pénales. Ce texte est général et
s' applique sans qu'il soit nécessaire qu'un texte particulier dans les
matières spéciales, fasse référence aux pénalités prévues. C' est aux
cours et tribunaux qu'il appartient de distinguer, selon le cas
d'espèce, le régime juridique auquel l'agent est soumis.
Cependant, certains textes législatifs prévoient expressément une
obligation de secret professionnel sanctionnée des peines prévues
par l' article 458 du Code pénal, sans préjudice de l' application éven-
tuelle de sanctions disciplinaires.
Cette dualité de situation à laquelle le fonctionnaire est soumis
est telle qu' en dehors des cas ou il est appelé à témoigner en j ustice,
il ne décide, en principe, pas personnellement si d'un point de vue
déontologique, il peut ou non révéler un fait dont il a eu connais-
sance en fonction de son état ou de sa profession (Bruxelles,
20 décembre 1988, Pas., 1989, II, p. 160).

B. - Les agents provinciaux, communaux


et des centres publics d 'aide sociale
366. Tous les agents des services publics, qu'ils soient provin-
ciaux ou communaux, sont astreints au secret professionnel ou à
280 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

une obligation de discrétion parce qu'ils tombent directement sous


l' application soit des dispositions du Code pénal ou d'un texte spé-
cial qui décide d'y faire référence, soit de l' obligation générale de
discrétion requise de tout fonctionnaire. Cette situation n' est pas
sans entraîner de nombreuses difficultés, les textes propres aux
agents communaux ou provinciaux étant rares et la jurisprudence
très peu abondante.
Seule, la situation des agents des centres publics d' aide sociale a
été quelque peu précisée à l' occasion de la loi organique du 8 juillet
1976.
367. Il a été jugé que les données dont disposent les administra-
tions communales concernant les condamnations encourues par les
habitants de la commune ont un caractère secret, leur divulgation
constituant une violation du secret professionnel (Anvers, ch. mises
en acc., 9 avril 1976, R. W., 1976-1977, col. 85; Rev. dr. pén., 1975-
1976, p. 1201; Rev. comm., 1976, p. 201).
La loi du 8 août 1997 relative au casier judiciaire central a du
reste inséré dans le Code d'instruction criminelle un article 60lbis
en vue de préciser que les personnes qui, dans l' exercice de leurs
fonctions interviennent dans la collecte, le traitement ou la trans-
mission des informations relatives au casier judiciaire sont tenues
au secret professionnel et que l' article 458 du Code pénal leur est
applicable.
368. En ce qui concerne la consultation des registres de l' état
civil, la loi du 21 mars 1969 a modifié l'article 45 du Code civil qui
règle les conditions de la délivrance des extraits de ces registres.
Une distinction est introduite dans la loi entre les extraits des actes
d' état civil et les copies conformes de ces actes. Ces dernières, sauf
pour les actes remontant à plus de cent ans, ne peuvent plus être
délivrées qu' aux autorités publiques, à la personne que l' acte con-
cerne, à son conjoint, son représentant légal, ses ascendants ou des-
cendants ou encore à une personne justifiant d'un intérêt légitime.
Quant aux extraits, toute personne peut se les faire délivrer, mais
ils ne peuvent plus mentionner la filiation des personnes que ces
actes concernent. Cette réglementation est destinée, ainsi qu'il a été
précisé lors des travaux préparatoires de la loi, à assurer la discré-
tion dont doivent être entourés certains secrets de famille (voy. le
rapport fait au nom de la commission de la Justice du Sénat, par
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 281

M. HAMBYE, Pasin., 1969, p. 210; Ie rapport précise que l'intérêt


auquel la loi se réfère doit s'entendre d'un intérêt familial, scienti-
fique ou plus généralement légitime, tel, par exemple, celui des
notaires, des avocats, des généalogistes ou encore des adeptes de
certaines religions; voy. également la réponse du ministre de l' Inté-
rieur à une question parlementaire, R. W., 1977-1978, col. 2552).
369. Il a été jugé que viole l' article 458 du Code pénal Ie con-
seiller communal qui donne connaissance à la presse des discussions
qui se sont déroulées lors d'une séance à huis clos du conseil com-
munal (corr. Courtrai, 6 novembre 2001, Alg. Jur. Tijds., 2001-
2002, p. 634). Le tribunal souligne que si l'article 84 de la Nouvelle
loi communale accorde au conseiller communal Ie droit d'avoir con-
naissance des documents traités en séance publique, en revanche,
les documents ayant trait à des personnes ou faisant l'objet de
débats à huis clos, sont confidentiels.
370. Les employés ou agents des monts-de-piété sont visés par un
texte particulier contenu dans l' article 459 du Code pénal qui pré-
voit pour eux les mêmes peines que celles réprimant la violation du
secret professionnel, lorsqu'ils auront révélé à d' au tres personnes
qu' aux officiers de police ou à l' autorité judiciaire, Ie nom des per-
sonnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l' établissement.
371. Quant aux agents des centres publics d'aide sociale, la loi du
10 mars 1925 organique de l'assistance publique, était muette con-
cernant Ie secret professionnel. N éanmoins, des circulaires des
ministres de la Santé publique avaient attiré l' attention sur une
indispensable discrétion à observer à l'égard des personnes assistées.
On peut lire, dans l'une de ces circulaires du 26 août 1959: «Il me
revient que la discrétion qui s'impose en matière d' octroi des
secours n'est pas toujours rigoureusement observée par les commis-
sions. C' est ainsi que certaines personnes qui ont cependant un
besoin urgent d' assistance n' osent pas s' adresser à la commission
d' assistance publique par crainte de voir leur demande de secours
immédiatement divulguée dans toute la commune ... Il est rappelé
avec insistance aux mem bres des commissions d' assistance publique
qu'ils sont tenus d' observer la discrétion la plus rigoureuse, eu égard
à la haute mission qui leur est dévolue. Cette obligation n'incombe
pas seulement aux mandataires, mais aussi aux membres du person-
nel et spécialement à ceux qui sont chargés de la constitution et de
282 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

la composition des dossiers de secours ou qui sont délégués aux


enquêtes, dans les ménages>> (Circulaire n° 27.780 E/8614, rappelée
le 12 janvier 1967, cire. n° 11-12.582, citées par A.M. LAMBRECHT,
<<Üctroi d'aide individuelle par le C.P.A.S. et secret>>, Mouv. comm.,
1981, p. 305).
372. La loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide
sociale allait apporter les précisions nécessaires (voy. notamment:
Guy-Paul LIBIN, dir., Le C.P.A.S. face à l'obligation de secret, éd.
Union des villes et communes belges, 1990; du même auteur: <<Les
conseillers de l' aide sociale et l' obligation de secret>>, M ouv. comm.,
1993, p. 565).
Le projet de loi initial prévoyait une simple obligation de discré-
tion pour les mem bres du conseil de l' aide sociale, le bourgmestre et
son délégué (Doe. parl., Sénat, sess. 1974-1975, 581/1, art. 34 du
projet). Or, le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 2 juillet 1969,
avait jugé que le membre de la commission d'assistance publique
qui a révélé, dans un endroit public et en présence de plusieurs per-
sonnes, la situation de tiers amenés à faire appel à une commission
d'assistance publique en raison de l'état d'indigence dans lequel ils
se trouvent, a violé le secret professionnel auquel il était tenu
comme mandataire public, cette faute justifiant la sanction de la
démission d'office (arrêt Commune de Stekene et Schelfout,
n° 13.655, Mouv. comm., 1970, p. 125 et Rev. comm., 1970, p. 18; le
sommaire publié par le Recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat
parle de <<révocation>>, alors que le texte de l'arrêt parle de
<<démission d'office>>, ce qui entraîne des conséquences différentes).
La section de législation du Conseil d'Etat fit observer, dans son
avis avant la loi du 8 juillet 1976, que l'expression <<sant tenus à la
discrétion » du proj et devait être remplacée par «sant tenus au
secret». Elle avait entendu, au préalable, le fonctionnaire délégué
par le ministre qui avait indiqué que la disposition entendait sim-
plement rappeler l' obligation qui résulte déjà de l' article 458 du
Code pénal (Doe. parl. Sénat, sess. 1974-1975, 581/1, p. 117).
373. Dans son arrêt J ... c. le C.P.A.S. de Court-Saint-Etienne,
n° 48.823, du 4 juillet 1993, le Conseil d'Etat a jugé intolérable <<des
lettres (qui) tendent à faire des demandeurs d' aide les obligés des
hommes politiques et à accréditer l' opinion que l' aide sociale
s'obtient gràce à leur appui, alors qu'en vertu de l'article 1er de la
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 283

loi, elle est un droit qui a pour hut de permettre de mener une vie
conforme à la dignité humaine : présenter l' aide sociale comme une
simple faveur laissée à la discrétion d'un homme politique ou d'un
de ses amis, hlesse la dignité humaine que la loi se donne pour hut
primordial de sauvegarder».
374. La section de législation du Conseil d'Etat releva que si
l' ohligation au secret est rappelée expressément à l' adresse des man-
dataires, il semhlait opportun d'en faire de même à l'intention des
memhres du personnel et de toutes les personnes qui assistent aux
séances du conseil de l' aide sociale. Le texte fut amendé pour tenir
compte des ohservations du Conseil d'Etat. Le texte de l' article 36
finalement adopté est lihellé dans les termes suivants :
<< Les membres du conseil de l 'aide sociale ont le droit de prendre

connaissance, sans déplacement, de tous actes, pièces et dossiers con-


cernant le centre public d 'aide sociale. Les membres du conseil, ainsi
que toutes les autres personnes qui, en vertu de la loi, assistent aux
réunions du conseil, du bureau et des comités spéciaux, sont tenus au
secret>> (art. 36, al. 1 et 2) (voy. le commentaire de cette disposition
par Bruno LoMBAERT, in Pierre LAMBERT, dir., Manuel de droit
communal, t. Il, La loi organique des centres publics d 'aide sociale,
Nemesis/Bruylant, 1996, pp. 108 à ll0).
L' article 50 précise que les dispositions du deuxième alinéa de
l' article 50 sont également applicahles aux memhres du personnel
des centres puhlics d' aide sociale. Il a été jugé que cette ohligation
est indépendante du fait que les intéressés assistent ou non aux
assemhlées de l'un ou l'autre organe de direction du C.P.A.S.
(Anvers, 25 novemhre 1993, R. W., 1994-1995, p. 25; Droit Quart
Monde, 1995/6, p. 22).
375. Au cours des travaux préparatoires de la loi, la commission
de la Santé puhlique et de la Famille a précisé: «Elle considère qu'il
va de soi et qu'il est donc hien entendu que les memhres du centre
doivent être tenus au secret, et ce tant en ce qui concerne les dis-
cussions que les votes. Ace propos, on fait valoir, à titre d'exemple,
qu'il n'est même pas permis aux memhres de communiquer à qui
que ce soit les décisions relatives à l'octroi d'un minimum de
moyens d'existence. Seul le hénéficiaire en est informé>> (voy. le rap-
port fait au nom de la commission par M. VEREIST, Pasin., 1976,
p. 1334).
284 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

376. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1976, diver-


ses questions parlementaires ont été posées quant à l'étendue de
l'obligation au secret: celle-ci porte-t-elle sur !'ensemble des matiè-
res et des domaines traités par le centre public d' aide sociale ou uni-
quement sur les données extraites des dossiers individuels d' aide
sociale? Les différents ministres à qui des questions furent posées à
ce sujet s'en réfèrent le plus souvent à l'article 458 du Code pénal
dont l'interprétation appartient aux tribunaux. On peut relever que
la loi du 1976 ne formule pas de distinction entre les deux types de
matières traitées par les centres publics d' aide sociale.
377. Plusieurs membres de la Chambre des représentants ont
demandé dans une question parlementaire si le secret << qui doit évi-
demment être strictement respecté lorsqu'il s' agit de délibérations
portant sur des dossiers individuels est également de rigueur lorsque
le conseil aborde des problèmes de politique générale ou de gestion
qui peuvent éventuellement avoir une incidence sur la politique
menée par la commune concernée et sur les subventions
communales>>. Les réponses ministérielles ont été nuancées, souli-
gnant qu'il est très délicat de fixer des limites précises, et s'expri-
ment de la manière suivante :
<<- En vertu de l'article 36, alinéa 2 de la loi ( ... ), les membres du
conseil de l' aide sociale sont tenus au secret quant aux éléments
dont ils disposent, soit à la faveur de leur participation aux réu-
nions du conseil, du bureau permanent et des comités spéciaux, soit
en vertu du droit qui leur est reconnu par le premier alinéa de ce
même article de prendre connaissance des actes, pièces et dossiers
concernant le centre public, soit en leur qualité même de membres
du conseil. Il est cependant difficile d' admettre que les conseillers de
C.P.A.S. ainsi que les autres personnes autorisées à assister aux réu-
nions du conseil, continuent à être soumis à l'obligation du secret
après l'envoi des délibérations au collège des bourgmestre et éche-
vins et au gouverneur de la province qui se fait conformément à
l' article 111 de la loi organique. Ceci découle notamment du fait que
le législateur ne précise pas que le collège des bourgmestre et éche-
vins et le gouverneur continuent à être obligés de tenir ces discus-
sions secrètes. Etant donné ces considérations, j'estime qu'il n'est
pas raisonnable de continuer à imposer le secret aux conseillers.
Ceux-ci peuvent au contraire contribuer à faire mieux comprendre
les décisions prises. Lorsqu'il a établi l' article 36, le législateur avait
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 285

surtout en vue les cas d' aide sociale individuels pour lesquels l' arti-
cle 458 du Code pénal prévoit le secret et la sanction qui s' attache
à sa violation.
- Des explications précédentes, on ne peut cependant pas déduire
qu'un conseiller ou une des personnes qui peuvent assister à la réu-
nion puisse : 1. divulguer discussions et prises de position avant que
le conseil n' ait pris une décision; 2. divulguer le contenu des discus-
sions et la manière dont le vote s' est déroulé après la communica-
tion des décisions aux autorités compétentes.
- La première restriction découle de l' article 36 déjà ei té et de
l' article 33 qui précisent que les réunions ont lieu à huis clos. La
deuxième restriction, elle, n' est pas une conséquence de l' article 36
relatif à l' obligation du secret mais est fondée sur le principe des
réunions à huis clos ►>
(Bull. quest. rép., Chambre, sess. 1985-1986, quest. n° 8 50 et 125
de MM. Van Rompuy et Van Wambeke, pp. 2733 et 3903; voy.
Mouv. comm., 1986, p. 437).
378. Une controverse est également née du fait des travailleurs
sociaux prétendant imposer l'obligation au secret au sein même du
centre public d' aide sociale et, pour ce faire, dédoubler les dossiers
à soumettre au Conseil de l' aide sociale ou au bureau permanent :
d'une part, un dossier financier rassemblant toutes les données uti-
les à une prise de décision, et, d' autre part, un dossier confidentie!
d' encadrement, rassemblant les rapports des visites à domicile et la
correspondance confidentielle (A.M. LAMBRECHTS, op. cit., p. 308;
voy. la correspondance de Herman N vs à ce propos, M ouv. comm.,
1981, p. 80). Cette distinction ne repose sur aucun fondement légal.
En réponse à une question parlementaire, il a été indiqué qu'il
n' existe pas de secret professionnel spécifique dont le travailleur
social pourrait se prévaloir pour ne pas communiquer au conseil de
l' aide sociale certaines données concernant une demande d' aide
(Bull. ques. rép., Chambre, sess. extr. 1977, n° 4, p. 146 et sess.
1986-1987, n° 22, p. 2336).
L' article 4 7, §3 de la loi énonce cependant que certaines informa-
tions confidentielles peuvent ne pas être intégrées dans le dossier, le
travailleur social chargé du dossier pouvant demander à être sim-
plement entendu à propos d'un cas individuel d'aide, eu égard à une
situation particulière et exceptionnelle de caractère confidentie!
(voy. Guy-Paul LIBIN, op. cit., p. 43).
286 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

379. Un membre de la Chambre des représentants a demandé


dans une question parlementaire si un président de centre public
d'aide sociale est obligé de communiquer aux autorités judiciaires
les renseignements qu'elles demandent au sujet des personnes
aidées. Il lui a été répondu que l'intéressé se trouve dans la même
situation que toutes les personnes visées par l' article 458 du Code
pénal et 29 du Code d'instruction criminelle (Bull. quest. rép.,
Chambre, sess. 1985/1986, quest. n° 92 de M. Eerdekens, p. 3229;
voy. Mouv. comm. 1986, p. 438).
Il a été jugé que le secret professionnel qui couvre les dossier indi-
viduels des centres publics d' aide sociale est violé si un magistrat
instructeur fait procéder à leur saisie, les éléments de ces dossiers
échappant à la perquisition et à la saisie malgré le pouvoir quasi illi-
mité attribué au juge d'instruction par les articles 87 et 88 du Code
d'instruction criminelle (corr. Bruxelles, 9 avril 1987, Journ. trib.,
1987, p. 539, et la note de Pierre LAMBERT, intitulée <<Le secret pro-
fessionnel et les dossiers de l' aide sociale ►>).
380. Les procédures de recouvrement des frais de l' aide sociale
que le receveur effectue, en vertu des articles 46, § 1er et 96 de la loi
du 8 juillet 1976, peuvent poser un problème, eu égard à l' obliga-
tion de secret imposée tant aux mem bres du conseil de l' aide sociale
qu'aux membres du personnel et particulièrement au receveur. C'est
particulièrement le cas, lorsque la procédure est dirigée non contre
le bénéficiaire lui-même de l' aide sociale, mais contre ses débiteurs
d' aliments. Même si une jurisprudence bien établie enseigne que
l'intérêt du créancier d'honoraires, ainsi que les droits de la défense,
peuvent prévaloir sur l' obligation au secret professionnel, il reste
que les révélations doivent être proportionnées à l'intérêt en cause,
et éviter la production des dossiers d'enquête sociale dans la mesure
ou elle n' est pas indispensable.
Il a été jugé que le droit du patient à la confidentialité est incon-
testablement mis en péril par les endossements aux banques des
notes d'hospitalisation destinées aux mutuelles, en sorte qu'ils ne
peuvent produire le moindre effet (Bruxelles, 23 octobre 1990,
Journ. trib., 1991, p. 496, et la note de Jean CRUYPLANTS intitulée
<<La cessibilité des créances des prestataires de soins sur les organis-
mes assureurs >>).
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 287

C. - Les agents du fisc


381. Les pouvoirs considérables d'investigation et de controle
consentis aux agents de l' administration fiscale impliquent l' obliga-
tion de garder secrets les renseignements recueillis. La matière est
régie par l'article 337 du Code des impöts sur les revenus 1992 - tel
qu'il a été modifié par la loi du 16 juillet 1994.
Antérieurement, les agents de l' administration fiscale étaient
tenus au secret professionnel le plus absolu; il leur était interdit de
divulguer aux tiers les renseignements obtenus dans l' exercice de
leur profession. L' article 244 ancien du Code des impöts sur les reve-
nus s' exprimait à cette époque de la manière suivante : «Les fonc-
tionnaires et employés publics, les huissiers et toutes personnes quel-
conques qui ont à intervenir pour l 'application des lois fiscales sant
tenues de garder, en dehors de l 'exercice de leurs fonctions, le secret le
plus absolu au sujet des bénéfices des contribuables, lorsqu 'ils en ont
eu connaissance par suite de l 'exécution de ces lois. Il en est de même
de leurs commis et de toutes autres personnes ayant accès dans leurs
bureaux. Les articles 66, 67 et 458 du Code pénal sant applicables à
la violation du secret dont il s'agit à l'alinéa précédent».
382. Le libellé très général de eet article a été à l' origine d'une
controverse sur les termes «l 'exercice de leurs fonctions >>. Les auteurs
se sont demandés si un fonctionnaire de l' administration fiscale
communiquant des renseignements à une autre administration
publique ou à un autre service public devait être considéré comme
«agissant dans l'exercice de ses fonctions ►> et s'il pouvait librement
communiquer tous les renseignements recueillis au cours de ses
investigations (voy. Jean-Pierre BouRs, <<La notion de secret dans
ses rapports avec le droit fiscal ►> in Réflexions offertes à Paul Sibille,
Bruylant, Bruxelles, 1981, p. 233).
Un jugement du tribunal civil de Bruxelles, du 17 juin 1952,
avait décidé que <<viole ses obligations au secret professionnel et
commet une faute dont il doit réparation, l' agent de l' administra-
tion des contributions directes - en l' occurrence, il s' agissait de
l' avocat du fisc - qui communique le dossier fiscal d'un contribua-
ble à l'Office des séquestres alors surtout que ce ne peut être dans
un but d'intérêt général que cette communication a été faite : il doit
réparation du dommage moral causé à ce particulier, à la suite de
cette communication, par la publicité donnée dans la presse à ses
288 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

revenus ►>. La motivation de cette décision fut vivement critiquée


par la doctrine qui fit valoir qu'il n' existe pas de cloisons étanches
entre les administrations fiscales et les autres services publics admi-
nistratifs, en sorte que le secret est confié à l' administration en
général et ne se perd pas en passant d'un service public administra-
tif à un autre, l'Etat ne pouvant pas avoir de secret pour lui-même
(voy. Journ. trib., 1953, p. 206, et la note critique d'Etienne GuTT
et Rev. fisc., 1974, p. 195; G. DE LEUZE, <<Secret professionnel des
contributions directes et calcul des ressources ►>, Journ. trib., 1976,
p. 129). <<L'intérêt général commande, écrivait Etienne Gutt, que la
documentation d'un service administratif de l'Etat puisse, le cas
échéant, servir aux besoins de controle d'un autre service adminis-
tratif de l'Etat; et peu importe, à eet égard, que des nécessités
d' ordre pratique aient amené le législateur à décentraliser ou décon-
centrer une partie des services publics administratifs, et à accorder
à certains de ces services, notamment l'Office des séquestres, une
personnalité juridique distincte de l'Etat ►>.
Telle était également l' opinion de Jean Constant (Manuel de droit
pénal, t. Il, n° 1029, note 1 en bas de page). Elle reçut l'appui d'une
décision du président du tribunal civil de Bruxelles, siégeant en
référés, le 29 avril 1953, qui estima que «1' agent du fisc agit dans
l'exercice de ses fonctions et ne viole donc pas le secret profession-
nel, lorsqu'il communique à une autre administration des renseigne-
ments qui sont nécessaires à celle-ci pour remplir efficacement sa
mission; l' administration des Finances est ainsi en droi t de fournir
à tout autre service de l'Etat, notamment à l'Office des séquestres,
organisme d'intérêt public, les renseignements nécessaires à l'accom-
plissement de sa missiom (Journ. trib., 1954, p. 336).
Cette dernière décision était, au reste, conforme à une ordonnance
de non-lieu, rendue le 16 octobre 1951 par la chambre du conseil du
tribunal correctionnel de Bruxelles, qui avait considéré que «les
fonctionnaires de l' administration des contributions peuvent, sans
se rendre coupable du délit réprimé par l' article 458 du Code pénal,
fournir à d'autres services publics, notamment l'Office des séques-
tres, sur demande officielle de ces organismes, des renseignements
sur les ressources et la situation de fortune de certaines personnes ►>
(Rev. dr. pén., 1951-1952, p. 319).
383. Cette doctrine et cette jurisprudence ont trouvé leur consé-
cration dans la nouvelle formulation de l' article 244 ancien, devenu
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 289

l'article 337 du Code des impóts sur les revenus 1992, tel qu'il a été
complété par la loi du 6 juillet 1994, art. 64; le texte est désormais
libellé de la manière suivante :
<<Cel ui qui intervient, à quelque titre que ce soit, dans l' applica-
tion des lois fiscales ou qui a accès dans les bureaux de l' adminis-
tration des contributions directes, est tenu de garder, en dehors de
l' exercice de ses fonctions, le secret le plus absolu au sujet de tout
ce dont il a eu connaissance par suite de l'exécution de sa mission.
Les fonctionnaires de l 'administration des contributions directes et
de l 'administration du cadastre restent dans l 'exercice de leurs fonc-
tions, lorsqu 'ils communiquent aux autres services administratifs de
l 'Etat, y compris les parquets et les greffes des cours et de toutes les
juridictions, aux Communautés, aux Régions et aux établissements ou
organismes publics visés à l 'article 329, les renseignements qui sant
nécessaires à ces services, établissements ou organismes pour assurer
l 'exécution des dispositions légales ou réglementaires dont ils sant
chargés.
Les personnes appartenant aux services à qui l 'administration des
contributions directes ou l 'administration du cadastre a fourni des ren-
seignements d 'ordre fiscal en application de l 'alinéa (précédent) sant
également tenues au même secret et elles ne peuvent utiliser les ren-
seignements obtenus en dehors du cadre des dispositions légales pour
l 'exécution desquelles ils ont été fournis >>.
384. En outre, la loi du 20 février 1978 avait ajouté un alinéa
supplémentaire à l'article 244 ancien (devenu 337), aux termes
duquel sont également tenues à l' obligation au secret «les personnes
appartenant aux services à qui des renseignements d 'ordre fiscal par-
viendraient par la voie du contróle organisé » par le truchement des
carnets, livres et journaux, dont la tenue est rendue obligatoire par
les articles anciens 226 et 226bis, actuellement 320 et 321.
L'article 453 du Code dispose que <<la violation du secret profes-
sionnel, tel qu 'il est défini à l 'article 33 7, sera punie conformément à
l 'article 458 du Code pénal ».
Cette obligation au secret est à ce point contraignante que l' admi-
nistration ne pourrait s'en faire délier par une décision judiciaire,
aucun texte légal n' autorisant le juge à délier l' administration du
secret professionnel lorsque celle-ci tente d'établir le revenu impo-
sable d'un contribuable en se fondant sur une présomption de
290 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

l'homme et notamment la production du dossier fiscal des contri-


buables similaires (Mons, 4 décembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 201,
et la note de Th. AFSCHRIFT; voy. égalt Bruxelles, 27 avril 1991,
Journ. dr. Jisc., 1992, p. 58).
385. Il ne peut donc être question de secret professionnel entre
les divers services publics ou dans les rapports avec le pouvoir judi-
ciaire. La Cour de cassation a jugé que «les fonctionnaires de l' admi-
nistration des contributions directes restent dans l'exercice de leur
fonction - et ne violent dès lors pas le secret professionnel -
lorsqu'ils communiquent notamment aux parquets les renseigne-
ments qui sont nécessaires à ceux-ci pour assurer l'exécution des
dispositions légales ou réglementaires dont ils sont chargés et il
importe peu que ces renseignements aient été communiqués sponta-
nément ou sur demande>> (cass., 29 mars 1994, Pas., 1994, I, p. 326
et Jur. fisc., 1994, p. 444).
Mais, en dehors de ces hypothèses, les fonctionnaires et employés
du fisc qui ont à intervenir pour l' application des lois fiscales, sont
tenus de garder, en dehors de l'exercice de leurs fonctions, le secret
le plus absolu au sujet de tout ce dont ils ont eu connaissance par
suite de l'exécution de leur mission. L'obligation de secret, prévue
par l'article 236bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothè-
que et de greffe, concerne toutes les affaires dont l'intéressé a eu
connaissance dans !' exercice de sa mission, même celles qui sont
dénuées de caractère fondamental ou ne sont que de nature statis-
tique (cass., 14 septembre 1999, Pas., 1999, I, p. 1146, Rev. gén. enr.
et not., 2000, p. 292).
Les agents du fisc devront refuser la communication à un époux
de renseignements fiscaux au sujet des revenus du conjoint (Bruxel-
les, 3 février 1958, Pas., 1959, Il, p. 98 et Bull. contr. dir., 1958,
p. 9). Est excepté Ie cas visé par l'article 12, 1° de la loi du 15 mars
1999 qui a inséré également dans l' article 337 un alinéa supplémen-
taire ainsi libellé : << Les fonctionnaires de l 'administration des contri-
butions directes restent également dans l 'exercice de leurs fonctions,
lorsqu 'ils accueillent une demande de consultation, d 'explication ou de
communication relative à la situation fiscale d 'un contribuable, éma-
nant de son conjoint sur Ze bien duquel l 'imposition est mise en
recouvrement ».
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 291

La cour d' appel de Bruxelles a considéré que l' article 317 de la


loi générale relative aux douanes et accises (actuellement art. 320 de
la loi générale du 18 juillet 1977, modifié par la loi du 7 décembre
1993, art. 30), aux termes duquel les employés des services des
douanes et accises ne donneront pas à des tiers des communications
quelconques concernant les affaires d'un particulier à un autre, est
une disposition de caractère administratif; il ne donne point à ces
employés la qualité de personnes tenues au secret professionnel au
sens de l'article 458 du Code pénal, (Bruxelles, 17 octobre 1977,
Pas., 1978, II, p. 39. Contra: G. ScHUIND et A. V ANDENPLAS, Traité
pratique de droit criminel, Bruxelles, Swinnen, 3 t., 1980-1982,
p. 422)
386. Le secret fiscal n'est pas limité au seul montant des revenus
imposables; il couvre toutes les informations recueillies tant en ce
qui concerne la taxation elle-même que son recouvrement.
Que se passe-t-il lorsqu'un agent du fisc est appelé à témoigner en
justice? En principe, celui qui est appelé à rendre témoignage en
justice à propos de faits couverts par le secret professionnel, doit
apprécier en conscience s'il doit révéler ce qu'il sait ou se retrancher
derrière le secret professionnel. Cependant, le secret appartient à
l' administration et non à l' agent. C' est, dès lors, le chef hiérarchique
qui, selon les usages administratifs, dictera à l' agent la conduite à
adopter. Il va sans dire que l' agent qui révèle, même sans l' autori-
sation de ses chefs, des secrets appris dans l' exercice de ses fonc-
tions, ne commet pas le délit de violation du secret professionnel;
il pourrait seulement faire, le cas échéant, l' objet d'une sanction dis-
ciplinaire.

D. - Les agents chargés du contróle


des marchés financiers
387. L'arrêté royal n° 185 du 9 juillet 1935 sur le controle des
banques et le régime des émissions de titres et valeurs - tel qu'il a
été modifié par la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au con-
tróle des établissements de crédit (art. 118) - dispose en son article
40 nouveau: << Les membres de la Commission bancaire et financière
(devenue la Commission bancaire, financière et des assurances) et les
membres de son personnel sant soumis au secret professionnel et ne
peuvent divulguer à quelque personne au autorité que ce soit les infor-
292 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

mations eonfidentielles dont ils ont eu eonnaissanee en raison de leurs


fonetions hormis le cas ou ils sant appelés à rendre témoignage en
justiee >>. Le texte précise que «toute infraetion au présent article est
punie des peines prévues par l'article 458 du Code pénal>> (al. 3).
Dans son avis, la section de législation du Conseil d'Etat a fait
observer qu'il était malencontreux de faire usage de l'expression de
<<secret professionnel>>, à propos des membres de la Commission ban-
caire et financière car cela provoque une ambiguïté funeste relati-
vement au régime de l' obligation de discrétion dont ceux-ci sont
chargés. Il est, en effet, douteux, a-t-elle fait observer que la liberté
de se retrancher derrière le secret professionnel puisse leur être
reconnue, alors qu'ils sont tenus par le devoir de dénonciation que
l' article 29 du Code d'instruction criminelle fait à tout fonctionnaire
ou officier public (avis du 29 octobre 1992, Pasin., 1993, pp. 884 et
885). Le ministre des Finances a rejeté l'objection en répondant que
«l' autorité de controle a le droit de se retrancher derrière le secret,
même en justice ►> (voy. le rapport fait au nom de la commission des
Finances par MM. DrnDEN et GARCIA, Doe. parl. Sénat, sess. 1992-
1993, 616/2, Pasin., 1993, pp. 897 et suiv. et spécialement p. 900).
Lors des travaux préparatoires de la loi du 22 mars 1993, il a été
souligné que << le secret professionnel des autorités de controle est
une condition essentielle à la confiance des établissements de crédit
sans laquelle le controle ne disposerait pas des garanties réelles de
pouvoir s'exercer dans la clarté nécessaire. A un second degré, ce
secret est la condition de la confiance de la clientèle à l' égard des
établissements de crédit eux-mêmes ... Ces raisons expliquent le
caractère particulièrement strict du secret auquel sont astreintes les
autorités de controle dans les pays développés, secret généralement
assimilé aux secrets professionnels les plus sévères ►> (exposé des
motifs du projet de loi, Doe. parl. Sénat, sess. 1992-1993, 616/1,
Pasin., 1993, pp. 866).
388. Néanmoins, la loi nouvelle admet plusieurs exceptions à
cette obligation stricte de secret professionnel, dans deux hypothè-
ses, outre celle du témoignage en justice (art. 118 et 119): la pre-
mière résulte des lois confiant des missions de controle à la Com-
mission bancaire et financière et prévoyant la communication ou la
publication de certaines informations dans un hut d'intérêt public
(art. 40 nouveau, al. 2, 1°); la seconde concerne les dénonciations
faites par la Commission bancaire et financière aux autorités judi-
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 293

ciaires des infractions qu'elle a constatées aux dispositions des lois


régissant les missions qui lui sont confiées ou à l' arrêté royal n° 22
du 24 août 1934 portant interdiction à certains condamnés et aux
faillis d' exercer certaines fonctions, professions ou activités et con-
férant aux tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles
interdictions (art. 40 nouveau, al. 2, 2e) (voy. André BRUYNEEL, <<Le
secret professionnel de la Commission bancaire et financière >>, Rev.
dr. U LB, 1994, p. 91).
En outre, la Commission bancaire et financière a le droit de com-
muniquer certaines informations à diverses autorités. Ce droit est
assujetti à la double condition qu'elle soit assurée que le destina-
taire n'en fera usage qu'aux fins indiquées et qu'il est assujetti à un
secret professionnel équivalant à cel ui qui découle de l' article 40,
alinéa 1er (art. 8, §Ier in fine et §3, 5°, al. 2). La loi prévoit que les
destinataires de ces communications sont eux-mêmes assujettis pour
ce qui les concerne, au secret prévu par l' article 40, alinéa 1er_
389. La portée du secret professionnel des membres de la Com-
mission bancaire et financière ainsi que des membres de son person-
nel en matière civile, a été précisée à l' occasion de demandes de pro-
duction de documents fondées sur les articles 877 et suivants du
Code judiciaire, introduites devant le tribunal de commerce de Has-
selt (,Jacques VAN CoMPERNOLLE et autres, <<Examen de jurispru-
dence, 1991 à 2001, - Droit judiciaire privé, Rev. crit. jur. b., 2002,
p. 725, n° 644). Le tribunal prenant en considération les objections
formulées par la Commission a admis que le secret professionnel
qu' elle invoquait constituait un obstacle certain et définitif à la pro-
duction du rapport d' enquête à laquelle elle avait procédé concer-
nant les pratiques illégales d'une banque en matière de gestion de
patrimoine (comm. Hasselt, 17 avril 2000 et 26 mars 2001, Rev. dr.
comm., 2001, p. 837, obs. J.-P. BuYLE et M. DELIERNEux).
390. L'obligation pour un certain nombre d'agents de ne pas
divulguer les faits dont ils ont connaissance en raison de leurs fonc-
tions, était traitée dans plusieurs instruments législatifs distincts,
tels la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et
aux marchés financiers (art. 142ter à 142octies), la loi du 6 avril 1995
relative au statut des entreprises d'investissement et à leurs contro-
les, aux intermédiaires et conseillers en placements (art. 140 à 145).
Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 2 août 2002 relative
294 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

à la surveillance du secteur financier aux services financiers


(art. 137, §Ier et 140, §3) (voy. Léon DABIN, <<Régime juridique des
marchés financiers et des valeurs mobilières>>, Larcier, 2004).
Celle-ci prévoit expressément que : << Les infractions à l 'article 7, 6°
sant punies des peines prévues à l 'article 458 du Code pénal »
(art. 42). L'article 7, 6° concerne la divulgation des informations
confidentielles dont les employés de l'entreprise de marché ont con-
naissance dans l'exécution de leurs missions (sauf les cas énoncés à
l' alinéa 2 de l' article, parmi lesquels se retrouvent le témoignage en
justice en matière pénale et la dénonciation des infractions pénales
aux autorités judicaires).
391. En out re, l' article 74 dispose - ce qui peut être considéré
comme une redite de la disposition contenue dans la loi du 22 mars
1993 - que «la Commission bancaire et financière, le président, les
membres du comité de direction, les membres du conseil de sur-
veillance, le secrétaire général et les membres du personnel de la Com-
mission ainsi que les personnes ayant exercé par le passé les fonctions
précitées sant tenues au secret professionnel et ne peuvent divulguer à
quelque personne ou autorité que ce soit les informations confidentiel-
les dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions ».
La loi énumère ensuite la longue liste des dérogations à cette obli-
gation (art. 74, al. 2; art. 75), ces dérogations étant subordonnées
à la double condition que les informations confidentielles communi-
quées «soient destinées à l 'accomplissement des missions des autorités
ou organismes qui en sant les destinataires et que les informations
soient dans leur chef couvertes par un devoir de secret professionnel
équivalent à celui prévu à l 'article 74 ». Ce dernier article s' applique
aux commissaires agréés, aux réviseurs d'entreprises et aux experts
... (art. 76, al. 14).
L'article 79, §2 confirme que «les infractions aux articles 74, 75,
§ 4 et 76, alinéa Jer sant punies des peines prévues à l 'article 458 du
Code pénal >>.
392. L'arrêté royal du 22 décembre 1995 relatif à la création et
à l'organisation de la Bourse belge des futures (sic) et options (en
abrégé << Belfox >>) énonce que «les membres du conseil d 'administra-
tion, du comité de direction, de la commission de marché et du per-
sonnel de Belfox s.c., ainsi que le commissaire du Gouvernement et
toutes les personnes appelées à collaborer à l 'exécution de leurs mis-
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 295

sions, sant tenus au secret professionnel et ne peuvent se livrer à


aucune divulgation des informations confidentielles dont ils ont eu
connaissance en raison de leurs fonctions, sauf lorsqu 'ils sant appelés
à rendre témoignage en justice en matière pénale ou lorsqu 'il s 'agit
d 'informations qui sant publiées sous une forme résumée ou abrégée,
de telle sorte que les personnes et les établissements auxquels ces infor-
mations ont trait ne puissent être identifiés. Les membres de la com-
mission de marché sant même tenus à l 'obligation de confidentialité à
l 'égard des autres organes de la société. La commission de marché fait
rapport, d 'une manière générale, sv,r ses activités au commissaire du
Gouvernement et au conseil d'administration» (art. 20, §ler, al. 1).
L' alinéa 2 de la disposition prévoit qu' elle n' est pas applicable à
certaines communications bien précisées.

E. - Les agents
de quelques administrations particulières
393. L' article 30 de la loi du 20 septembre 1948 portant organi-
sation de l 'économie dispose que <<l 'article 458 du Code pénal est
applicable à tout secrétaire ou membre du personnel d 'un secrétariat,
à tout membre du Conseil central de l 'économie, des conseils profes-
sionnels ou d 'un conseil d 'entreprise, qui a communiqué ou divulgué
abusivement soit des renseignements d 'ordre individuel dont il a eu
connaissance en raison de fonctions ou mandats exercés en vertu des
dispositions de la présente loi. Les mêmes peines seront applicables (à
ces) personnes, qui auront communiqué ou divulgué abusivement des
renseignements globaux de nature à porter préjudice à l 'économie
nationale, aux intérêts d 'une branche économique ou d 'une entreprise ».
La divulgation doit être << abusive>> selon les termes de la loi. Il ne
peut s' agir cependant d' exiger l'intention de nuire et de porter
atteinte à autrui, même si la notion paraît plus large que celle d'une
divulgation intentionnelle.
394. L' article 9 de la loi du 2 avril 1962 relative à une Société
fédérale d'investissement et aux Sociétés régionales d'investissement
dispose - sans qu'il soit cette fois expressément fait référence à
l' article 458 du Code pénal - que << sans préjudice des obligations qui
leur sant imposées par la loi ou par les règlements et hors les cas ou
ils sant appelés à rendre témoignage en justice, le président, les admi-
nistrateurs, les commissaires et le personnel de la S. N. I. ou des
296 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

S. R. I. ne peuvent se livrer à aucune divulgation des renseignements


au des faits dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions
en ce qui concerne les sociétés dans lesquelles la Société (fédérale)
d'investissement détient des participations ... » (Selon M. DU Bus DE
WARNAFFE, l'article 9 constitue une extension de la notion de secret
professionnel, entendu au sens de l' article 458 du Code pénal in
L'évolution récente du droit commercial et économique, Jeune barreau,
Bruxelles, 1978, p. 177).
395. L'article 18 de la loi du 4 juillet 1962, relative à la statistique
publique, autorisant le gouvernement à «procéder à des investigations
statistiques sur la situation démographique, économique et sociale du
pays ... » (art. 1er) dispose que «celui qui, à quelque titre que ce soit,
détient soit des renseignements individuels recueillis en exécution de la
loi, soit des statistiques globales et anonymes établies à l 'aide de ces
renseignements et qui n 'ont pas été rendus publics par l 'I nstitut natio-
nal des statistiques, au a connaissance d 'informations visées au
deuxième alinéa de l 'article 7, ne peut publier ces renseignements, sta-
tistiques au informations ni les communiquer à des personnes au ser-
vices non qualijiés pour en prendre connaissance ». Cette disposition
vise «les raisons pour lesquelles les renseignements indi viduels
demandés sont indispensables au département ministériel, au ser-
vice de l'Etat ou au service d'un Exécutif intéressé et doivent être
communiqués au Conseil supérieur de statistique ... ►>.
La loi précise même - fait absolument exceptionnel - que les
«renseignements, statistiques au informations (recueillis) ne peuvent,
en outre, être révélés ni dans le cas visé par l 'article 29 du Code d 'ins-
truction criminelle, ni en cas de témoignage en justice>> (art. 18, al. 2).
Les infractions aux interdictions ainsi formulées sont punies, précise
la loi, «des peines prévues par l'article 458 du Code pénal, sans pré-
judice de l'application éventuelle de sanctions disciplinaires>> (art. 18,
al. 3).
Ce luxe de précautions se justifie sans doute par le caractère
rigoureux qui s' attache à la collecte des statistiques en vue de l'inté-
rêt général, l' article 4 de la loi allant jusqu' à énoncer que <<les méde-
cins ne peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser les ren-
seignements dont ils sant les dépositaires par état au par profession,
lorsque ceux-ci leur sant demandés en exécution... de la loi en vue de
l 'établissement de statistiques sanitaires », Ie texte précisant cepen-
dant que <1 le Rai prend les mesures nécessaires pour assurer l 'anony-
LES AUTRES CATÉG0RIES PR0FESSIONNELLES 297

mat de ces renseignements» (voy. l'arrêté royal du 21 Jum 1990


déterminant les règles suivant lesquelles certaines données statisti-
ques doivent être communiquées au ministère qui a la Santé publi-
que dans ses attributions. L' article 4 dispose que «les données visées
dans eet arrété ne peuvent en aucun cas être collectées, élaborées et uti-
lisées par (d') autres instances que le ministère de la Santé publique>>).
En dépit de la sévérité des textes, il a été jugé que <<le fait pour
un receveur de l'enregistrement de fournir des données statistiques,
telles que l' évolution des droits d' enregistrement et des prix de
vente d'immeubles dans les communes ressortissant à son bureau
ainsi que des chiffres imprécis qui ne concernent que des moyennes
arrondies et qui ne font apparaître aucune évolution d' année en
année, ne constitue pas une violation du secret professionnel»
(Anvers, 21 janvier 1998, Rec. gén. enr. not., 1992, p. 170).
396. La loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des
personnes physiques dispose que les personnes qui, dans l'exercice
de leurs fonctions, interviennent dans la collecte, le traitement ou
la transmission des informations enregistrées et conservées par le
registre national, à savoir: les nom et prénoms, lieu et date de nais-
sance, sexe, nationalité, résidence principale, lieu et date du décès,
profession, état civil, composition du ménage de chaque personne
sont tenues au secret professionnel (art. 11) (voy. les lois des 24 mai,
art. 9 et 25 mars 2003, art. 3, complétant la liste des informations;
J. BARTHELEMY, <<Le registre national», Mouv. comm., 1986, p. 406;
voy. également l'avis n° 14/92 du 9 octobre 1992 de la Commission
de la protection de la vie privée sur les avant-projets d'arrêtés
royaux organisant l' accès aux informations et/ou l'utilisation du
numéro d'identification du Registre national, Mon. b., 15 juin 1994,
p. 16.358).
La loi - telle qu' elle a été modifiée par l' article 10 de la loi du 25
mars 2003 - punit d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et
d'une amende de mille à vingt mille euros ou d'une de ces peines
seulement, celui qui, en qualité d'auteur, de coauteur ou de com-
plice se sera rendu coupable de l'infraction (art. 13 nouveau, al. 2).
On remarque que le législateur a sérieusement aggravé les sanctions
prévues pour la violation du secret professionnel de droit commun.
Il a été jugé qu'une violation de cette obligation constitue un
motif grave de rupture d'un contrat de travail (trib. trav. Bruxelles,
4 novembre 1998, Chron. dr. soc., 2001, p. 275).
298 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

397. La loi du 15 janvier 1990 relative à l'institution et à l'orga-


nisation d'une Banque-Carrefour de la sécurité sociale, dispose en
son article 23, alinéa 2, que lorsque les personnes qui interviennent
dans l' application de la sécurité sociale «ont reçu communication de
données sociales à caractère personnel, elles (. .. ) sant tenues de pren-
d re les mesures qui permettent d 'en garantir le caractère
confidentiel (. .. ) >>. Le défaut de respecter cette obligation par les
personnes visées, leurs préposés ou mandataires, est sanctionné
pénalement par l'article 62, 4° de la loi d'une peine d'emprisonne-
ment de huit jours à six mois et d'une amende de cent à cinq mille
euros ou d'une de ces peines seulement.
En outre, l' article 28 énonce que «celui qui, en raison de ses fonc-
tions participe à la collecte, au traitement ou à la communication de
données sociales à caractère personnel, est tenu d'en respecter le carac-
tère confidentiel (. .. ) >>. La violation de cette obligation fait égale-
ment l'objet d'une sanction spécifique plus sévère d'un emprisonne-
ment de trois mois à un an et d'une amende de deux cent à dix
mille euros ou d'une de ces peines seulement (art. 63, 1°).
Le texte prévoit les dérogations classiques : témoignage en justice
ou devant une commission d'enquête parlementaire ainsi que
<dorsque la loi le prévoit ou oblige (l'intéressé) à faire connaître ce
qu'il sait ►>. La loi a précisé le cas de «l'instruction d'une affaire par
le comité sectoriel de la sécurité sociale>> (loi du 26 février 2003,
art. 14).
398. L'article 101, §2 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit
à la consommation dispose qu' «est puni d 'un emprisonnement de trois
mais à un an et d 'une amende de 200 à 10. 000 francs ou d 'une de
ces peines seulement, le membre de la Oommission de la protection de
la vie privée, l 'expert ou l 'agent commissionné qui a violé l 'obligation
de confidentialité pour les faits, actes ou renseignements dont il a pu
avoir connaissance en raison de ses fonctions ».
On observe que le texte évoque la violation d'une obligation de
confidentialité et non d'un secret professionnel - ce qui ne paraît
guère avoir d'incidence - et que les peines prévues sont sensible-
ment plus sévères que celles de l' article 458 du Code pénal.
Ce texte a été re pris dans des term es analogues à l' article 3 7 de
la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée
à l' égard des traitements de données à caractère personnel. Il ne
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 299

prévoit pas de peine d'emprisonnement mais uniquement une


amende de 200 à 10.000 francs.
399. La loi du 10 janvier 1955, relative à la divulgation et à la
mise en rnuvre des inventions et des secrets de fabrique intéressant
la défense du territoire ou la sûreté de l'Etat, interdit une telle
divulgation lorsqu'elle est contraire aux intérêts cités dans l'intitulé
de la loi. «L 'auteur de la divulgation et celui qui l 'a causée par sa
négligence sant passibles ... », s'il est établi qu'ils n' ont pu ignorer
que la divulgation était contraire aux intérêts de la défense du ter-
ritoire ou de la sûreté de l'Etat <<... sans préjudice à l 'application
des dispositions du Code pénal >> d'un emprisonnement de cinq mois
à cinq ans, pour le premier, et de un mois à un an pour le second
(art. 1er, al. 2 et art. 13, al. 1 et 2).
On relève aussitöt que les conditions matérielles de l'infraction
sont différentes de celles de la violation du secret professionnel, la
simple négligence pouvant être constitutive du délit : tels sont les
impératifs de la sûreté de l'Etat.
Des dispositions similaires se retrouvaient dans la défunte loi du
4 août 1955 concernant la sûreté de l'Etat dans le domaine de
l'énergie nucléaire (art. 2). L'arrêté royal d'exécution de la loi du
14 mars 1956 va jusqu'à classer les documents qui requièrent des
mesures de sécurité, d'après leur caractère <<très secret>>, <<secret>> ou
simplement <<confidentie!» (art. 13 ets.). La loi du 4 août 1955 a été
abrogée par l' article 19, 1° de la loi du 2 avril 2003 modifiant la loi
du 15 avril 1994 relative à la protection de la population et de
l'environnement contre les dangers résultant des rayonnements ioni-
sants et relative à l' Agence fédérale de controle nucléaire ( ... ). Mais
l'arrêté royal délibéré en Conseil des ministres qui devait fixer la
date d' entrée en vigueur de cette disposition de la loi n' est pas
encore publié au Moniteur.
400. L'article 24 de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 orga-
nisant le statut social des travailleurs indépendants dispose que
<< quiconque participe, à quelque titre que ce soit, à l 'application du

présent arrêté ... est tenu de garder, en dehors de l 'exercice de ses Jonc-
tions, le secret le plus absolu au sujet des Jaits, documents ou décisions
dont il a eu connaissance à cette occasion». L' arrêté précise que l' arti-
cle 458 du Code pénal est applicable à la violation du secret visé.
300 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

L'article 89 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967, portant règle-


ment général du régime de pension de retraite et de survie des tra-
vailleurs salariés - tel qu' il a été modifié par l' article 1er de l' arrêté
royal du 19 mars 1990 - énonce, de son cöté que les agents de
['Office national des pensions sant tenus au secret par l 'article 244
(lire: 337 nouveau) du Code des impóts sur les revenus (voy. infra
sub littera C, Les agents du fisc, n° 381 et suiv.)».
401. Les membres de la commission instaurée par la loi du
11 juillet 1978 modifiant certaines dispositions relatives aux statuts
du personnel du cadre actif de la gendarmerie - et les personnes qui
éventuellement les assistent - sont tenus au secret professionnel en
ce qui concerne le contenu des renseignements produits tant par les
organisations syndicales que par les autorités de la gendarmerie,
mentionnés à l' article 11, § 1er, al. 3 et 4 de la loi.
Ce secret professionnel ne concerne cependant pas n'importe quel
correspondance ou document (cass., 19 juin 2001, Pas., 2001, I,
p. 1184).
402. Celui qui, à quelque titre que ce soit, apporte son concours
à l'application de la loi du 30 novembre 1998 organique des services
de renseignements et de sécurité est institué «dépositaire des secrets
qui lui sant confiés dans l 'exercice de sa mission ou de sa
coopération» et, sans préjudice de l'article 458 du Code pénal, sus-
ceptible d'encourir en cas de révélation des sanctions pénales plus
graves que celles prévues par l'article 458 (art. 36 et 43 de la loi).
L' obligation au secret subsiste évidemment lorsque l' agent a cessé
ses fonctions et s' étend à toute personne qui ne relève pas des ser-
vices de la Sûreté de l'Etat ou du Service général des renseigne-
ments et de la sécurité, au concours de laquelle il est fait appel.
La loi s' applique à la Sûreté de l'Etat - service civil - et au Ser-
vice général des renseignements et de la sécurité des Forces armées
- service militaire - qui se voient attribuer des pouvoirs exorbitants
et bénéficient notamment de dispositions particulières réglant pour
ce qui les concerne, les perquisitions et les saisies (voy. le commen-
taire de F. VANNESTE, <<La loi du 30 novembre 1998 organique des
services de renseignements et de sécurité>>, Jura Falconis, 1999-
2000, p. 325).
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 301

F. - Les agents des services postaux


et des télécommunications
403. L'article 460 du Code pénal punit «quiconque sera convaincu
d 'avoir supprimé une lettre confiée à un opérateur postal au de l 'avoir
ouverte pour en violer le secret ... ». Les peines prévues par la dispo-
sition sont aggravées si le coupable est un fonctionnaire, un agent
du gouvernement ou un membre du personnel d'un opérateur postal
ou toute personne agissant pour son compte.
En outre, des textes particuliers concernent plus spécialement les
agents des postes. L' article 28 de la loi du 26 décem bre 1956 modifié
par l'article 154ter, §3 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de
certaines entreprises publiques économiques, sur le service des pos-
tes dispose que << les membres du personnel d 'un opérateur postal, qui
auraient révélé l 'existence au le contenu d 'une lettre, d 'une carte pos-
tale au de tout autre envoi au opération confiés à un opérateur postal,
hors le cas au ils sant appelés à rendre témoignage en justice et celui
au la loi les oblige à cette révélation, seront punis d 'un emprisonne-
ment de huit jours à six mais et d 'une amende de cent euros à cinq
cents euros ». Le deuxième alinéa de eet article précise que «sant assi-
milés aux membres du personnel d 'un opérateur postal toutes person-
nes qui participent, d 'une manière quelconque, même occasionnelle-
ment, à l 'exécution d 'un service postal ». On remarque la similitude
des termes employés et des peines édictées avec les termes et les pei-
nes de l' article 458 du Code pénal.
Cette disposition a abrogé et remplacé l' ancien article 149 du
Code pénal qui punissait d'une manière générale tout fonctionnaire
ou agent du gouvernement, tout employé des postes et des télégra-
phes coupable d' avoir ouvert ou supprimé des lettres confiées à la
poste, des dépêches téléphoniques ou qui en aurait facilité l' ouver-
ture ou la suppression. En outre, la loi de 1956 a sensiblement
aggravé les peines fixées initialement.
Cependant, la loi du 23 janvier 2003 a prévu un cas d'exonération
de responsabilité : si «l 'inculpé justifie qu 'il a agi par ordre de ses
supérieurs, pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels, il leur
devait obéissance hiérarchique, les peines seront appliquées seulement
aux supérieurs qui auront donné l'ordre» (art. 30, al. 1er).
404. Sous l'empire de l'ancien article 149 du Code pénal, la juris-
prudence et la doctrine entendaient aussi largement que possible la
302 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

qualité d' employé du service des postes. C' étaient d' abord les fonc-
tionnaires et les agents de l' administration des postes, quel que soit
leur grade dans la hiérarchie et quel que soit leur röle dans la trans-
mission des correspondances, qu'ils soient effectifs, auxiliaires, tem-
poraires ou intermédiaires. C'étaient ensuite tous ceux qui, bien que
ne faisant pas partie de l' administration des postes, jouent un röle
dans la transmission des correspondances par la poste.
L' article 149 ne parlait pas des employés de l' administration des
postes, mais des employés du service des postes. Ainsi pouvaient
tomber sous Ie coup de la disposition pénale, !'employé de la Société
nationale des chemins de fer belges ou de la Société nationale des
chemins de fer vicinaux, Ie préposé d'un service public d' autobus,
qui aurait ouvert ou supprimé une lettre à l' occasion du transport
de la correspondance pour Ie compte de l' administration des postes
(voy. Marcel RIGAUX et Paul-Emile TROUSSE, Les crimes et les délits
du Code pénal, t. 2, Bruylant/L.GD.J., Bruxelles/Paris, 1952,
p. 143).
La loi du 26 décembre 1956 n'a fait que confirmer cette interpré-
tation en précisant que sont assimilés aux agents des postes toutes
les personnes qui participent, d'une manière quelconque, même
occasionnellement, à l'exécution d'un service postal.
405. La loi du 19 décembre 1997 a inséré dans la loi du 21 mars
1991 portant réforme de certaines entreprises publiques un
chapitre Xbis intitulé <<Secret des communications et protection de
la vie privée>>. L' article 109ter D interdit à quiconque <<de révéler ou
de faire usage quelconque de l 'information, de l 'identification et de
données obtenues (. .. ) » en vue de la publication dans l' annuaire
(§4°). La violation de cette obligation est, aux termes de l' article 14
de la loi du 28 novembre 2000, punie d'un emprisonnement de trois
à six mois, outre une amende.
La loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des sec-
teurs des postes et des télécommunications prévoit que les membres
du Conseil de l'Institut beige des services postaux et des télécom-
munications «sant soumis au secret professionnel>> et «ne peuvent
communiquer à des tiers les informations confidentielles dont ils ont
connaissance dans le cadre de l 'exercice de leur fonction, hormis les
exceptions prévues par la loi» (art. 23, §§Ier et art. 28). La violation
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 303

de ces obligations est punie des peines prévues à l' article 458 du
Code pénal, ainsi qu'il résulte de !' article 38, alinéa 2 de la loi.
406. L'étude du secret des lettres garanti par l'article 29 de la
Constitution sortirait des limites de eet ouvrage (voy. sur cette
question Eugène HANSSENS, Du secret des lettres, thèse d' agrégation
de la Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles, Bruylant-
Christophe, Bruxelles, 1890, p. 291).
Qu'il suffise ici de relever que le principe de l'inviolabilité du
secret des lettres, si général soit-il, n'est pas absolu. Des considéra-
tions d'intérêt public et les nécessités du service des postes, voire de
l' administration de la justice, le font parfois fléchir. C' est ainsi que
la Cour de cassation a jugé que ne viole pas le principe constitu-
tionnel de l'inviolabilité du secret des lettres, l' agent de l' adminis-
tration des postes qui, ayant régulièrement pris connaissance d'une
lettre tombée en rebut et y ayant trouvé des indices d'un crime ou
d'un délit, la transmet au procureur du Roi (cass., 18 juin 1962,
Pas., 1962, I, p. 1176).
Il a été jugé également que le secret des lettres n'empêche toute-
fois pas d'ouvrir des correspondances et de prendre connaissance de
leur contenu, s'il en résulte la preuve d'un délit et si elles ont été
saisies légalement par le juge d'instruction, fût-ce dans les bureaux
des postes. Pour les mêmes raisons d'intérêt social, il peut encore
être dérogé au principe du secret lorsque la justice est entrée de
manière légale en possession d'une lettre et il en est ainsi lorsqu'un
particulier qui a fortuitement eu connaissance du contenu d'une let-
tre, la remet ensuite à la justice (Gand, 10 novembre 1950, R. W.,
1951-1952, col. 855; voy. également Gand, 29 mars 1958, R. W.,
1958-1959, col. 1909).

SECTION 3. - CATÉGORIES
PR0FESSIONNELLES DIVERSES

Bibliographie spéciale
Th. AF8CHRIFT et F. GoDDEVRIENDT, <<Le secret professionnel des conseillcrs fiscaux:
camera obscura ou tabula rasa 1>> et << Réflexions à propos du secret professionnel
des comptables agréés,>, Tijds. fisc. recht., 2002, p. 275 et p. 799; Rik DEVLOO,
Diverse aspekten van de aansprakelijkheid van de accountant, Ced Samsam,
Diegem, 1995; L. DUPONT et S. VAN DYCK, «Quelques perspectivcs quant à la
responsabilité pénale des réviseurs d'entreprise,, in B. TILLEMAN, dir., La respon-
304 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIOKNEL

sabilité civile, pénale et disciplinafre du réviseur d'entreprise, La Charte, Bruxelles,


2004; L. HUYBRECHTS, <<Gebruik en misbruik van het beroepsgeheim, inzonde-
rheid door revisoren, accountants en advocaten» (Usage et abus du secret profes-
sionnel par des réviseurs, experts-comptables et avoeats), Rev. dr. comm. b., 1965,
p. 664 (résumé en français, p. 678): J. LIEVEN8, <<Beroepsgeheim en zwijgplicht
van het bedrijfsrevisor, de accountant en de belastingsconsultant,>, in Bedrijfsre-
visor en het strafrecht, Institut des réviseurs d'entreprise, Bruxelles, 1991, p. 89;
François v AN DER MEN8BRUGGHE, Evolution récente du secret professionnel a·u sein
de la profession comptable, Comptabilité et Productivité, Bruxelles, 1998; Vade-
rnecurn 2002 de l'Institut des réviseurs d'entreprise chapitre 4: Le secret pro-
fcssionnel, pp. 551-571.

A. - Le réviseur d'entreprise
407.' L' article 27, alinéa 2 de la loi du 22 juillet 1953 créant un
Institut des réviseurs d'entreprise - tel qu'il a été modifié par la loi
du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat, (art. 61 A) -
prévoit que: « L 'article 458 du Code pénal s 'applique aux réviseurs
d'entreprise, aux stagiaires et aux personnes dont ils répondent. Aux
exceptions à l 'obligation du secret prévues à eet article, s 'ajoute la
communication d 'attestations ou de confirmations opérées avec l 'accord
écrit de l 'entreprise auprès de laquelle ils exercent leur fonction ou
adressées, dans le cadre du contróle des comptes annuels ou des comp-
tes consolidés d 'une entreprise dont ils sant chargés, à un commis-
saire-réviseur ou à une personne exerçant dans une entreprise de droit
étranger une jonction similaire à celle de commissaire-réviseur >>.
L' obligation pèse également à charge des employés du réviseur
d'entreprise, tant sur la base de l'article 458 du Code pénal qu'en
vertu de la loi sur les contrats de travail (civ. Bruxelles, 16 avril
1996, Rev. dr. comm. b., 1996, p. 924, obs. L. HUYBRECHTS).
408. Au cours des travaux préparatoires de la loi du 22 juillet
1953, il fut précisé: <<Le secret professionnel est rigoureux. Il ne
s' applique pas seulement aux faits et renseignements dont Ie révi-
seur reçoit la confidence, mais aussi aux faits et renseignements
dont il prend connaissance, qu'il découvre ou surprend. Le secret
couvre aussi non seulement les faits de la vie économique, financière
et comptable de l' entreprise, mais d'une manière générale tout ce
qui concerne celle-ci, ses dirigeants, son personnel, ses fournisseurs,
ses concurrents, ses clients ...
Le réviseur chargé d'une mission de vérification pourra faire men-
tion, en son rapport, des données comptables et des faits économi-
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 305

ques qui constituent les éléments de sa vérification, dans la mesure


ou ces données et ces faits sont nécessaires à l' accomplissement de
sa mission légale; il devra s' abstenir de la mention de tous faits
étrangers à l'accomplissement de cette mission>> (Rapport fait au
nom de la Commission spéciale de la Chambre par Paul HuMBLET,
Doe. parl. Chambre des représentants, sess. 1950-1951, 514, p. 27).
Le Vademecum de l'lnstitut des réviseurs d'entreprise précise que
si le secret professionnel couvre tous les faits et informations de
nature confidentielle dont le réviseur a connaissance du fait de sa
profession ou à l'occasion de l'exercice de celle-ci, <<il ne porte pas
sur des informations dont la publication est requise par la loi; en
outre, il doit exister un lien de causalité entre la profession et les
données confidentielles ►> (voy. le Vademecum du réviseur d 'entreprise
- Déontologie et normes de révision, 2002, Chapitre 4 - <<Le secret
professionnel», p. 553).
409. A certains égards, le réviseur d' entreprise se trouve dans une
situation comparable à celle de l' expert judiciaire. Il a été jugé que
le réviseur d' ent reprise chargé du rapport prescrit par l' article 29bis
des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (actuellement 444
et 449 du Code des sociétés) <<n' est pas dans l' exercice de cette mis-
sion, le confident de la personne qui a rcquis sa désignation; en
effet, sou rapport, destiné à éclairer le public, est déposé au greffe
du tribunal de commerce et porté à la connaissance de toute per-
sonne qui en fait la demande ►> (cass. 26 janvier 1983, Pas., 1983, I,
p. 620; Journ. trib., 1983, p. 395; Rev. dr. pén., 1983, p. 583; Rev.
prat. soc., 1985, p. 359, et la note de Françoise HANNOUILLE-
GENION). En l'espèce, le réviseur d'entreprise avait été désigné
comme expert par le tribunal de commerce à l'occasion d'une pro-
cédure concordataire après une désignation antérieure par le même
tribunal pour faire rapport, notamment, sur la description de cha-
que apport en nature consenti par le demandeur en concordat à la
société commerciale qu'il se disposait à créer, et sur la rémunération
attribuée en contrepartie.
410. Il ressort de l'article 144 du Code des sociétés que le com-
missaire aux comptes doit signaler dans sou rapport à l' assemblée
générale, notamment, les infractions à la législation comptable, à la
législation relative aux sociétés commerciales, ainsi qu' aux statuts
de la société.
306 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

De plus, la loi du 21 février 1985 a apporté un nombre apprécia-


ble de compléments concernant l'obligation légale de communica-
tion de ses constatations adressées au président du tribunal de com-
merce conformément à l' article 138 du Code des sociétés, à savoir
la mention, dans son rapport de révision, d' opérations en violation
des statuts ou de l' article 144, 6° du Code des sociétés, des réponses
aux questions posées par les actionnaires au sujet de son rapport -
sauf si ses réponses sont de nature à porter gravement préjudice à
la société - ou encore dans le cas ou il est tenu de porter à la con-
naissance du conseil d' entreprise certaines informations, dans les
conditions prévues par l'article 151, 4° du Code des sociétés (voy. le
Vademecum du réviseur d'entreprise, op. cit., pp. 551 et suiv., spé-
cialt pp. 554 et suiv., ou sont cités d'autres exemples tirés de diver-
ses réglementations spécifiques).
La communication au président du tribunal de commerce ne peut
porter que sur des faits qui ont préalablement été portés à la con-
naissance des administrateurs, le réviseur devant apprécier la néces-
sité d'y procéder en fonction de la réaction des organes d' adminis-
tration de l' ent reprise ( Vademecum de l 'I nstitut des réviseurs, op.
cit., 2002, p. 692);
Il ressort des travaux préparatoires de la loi que <d' avantage de
la communication des constatations par le commissaire (aux comp-
tes) au président du tribunal de commerce est qu'elle est compatible
avec l'obligation naturelle de discrétion du réviseur, même si le
secret professionnel établi par la loi est écarté dans ce cas. Dans la
première phase de difficultés, l'intérêt de l'entreprise requiert en
effet de limiter le nombre des initiés (Doe. parl., Chambre, sess.
1995-1996, 329/12, p. 3).
411. Enfin, il a été fait observer également au cours des travaux
préparatoires de la loi du 22 juillet 1953 créant un lnstitut des révi-
seurs d' ent reprise : << Le secret professionnel ne s' applique pas aux
rapports du réviseur avec l'autorité de l'Ordre en matière discipli-
naire. On suivra la règle en vigueur dans toutes les professions libé-
rales organisées, qui impose aux membres de la profession le devoir
de dire la vérité à l' autorité disciplinaire, sur laquelle l' obligation
individuelle au secret professionnel se trouve reportée ►> (Rapport
fait au nom de la Commission spéciale de la Chambre par Paul
HUMBLET, op. cit. ).
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 307

B. - L 'expert comptable et fiscal


412. De la même manière qu'elle l'avait déclaré dix ans plus töt
pour les agents de change, la Cour de cassation proclamait dans son
arrêt du 16 mai 1977 que <mi la nature des fonctions exercées par
les dirigeants et experts comptables d'une fiduciaire comptable et
fiscale, professionnellement chargés de la comptabilité et des inté-
rêts fiscaux de leurs clients, ni aucune disposition légale ne leur con-
fèrent la qualité de personnes tenues au secret professionnel, au sens
de l' article 458 du Code pénal qui s' applique à tous ceux qui, par
état ou par profession, sont dépositaires des secrets qu' on leur con-
fie, et dont l' application ne peut s' étendre à ceux qui sont seule-
ment tenus d'un devoir de discrétiom (Pas., 1977, I, p. 94 7; Journ.
trib., 1977, p. 528 - avec l'arrêt a quo, rendu le 22 février 1977 par
la cour d'appel de Mons-; R. W., 1977-1978, col. 2587, obs. A. VAN-
DEPLAS).
Si les experts comptables et fiscaux n' étaient pas susceptibles
sous l'empire de cette jurisprudence, d'encourir les sanctions pré-
vues par l' article 458 du Code pénal, en revanche, ils ne bénéfi-
ciaient pas de la protection du secret professionnel.
413. Cette dernière considération a conduit certaines auteurs à se
demander si la question ne devrait pas être revue dans l' optique
d'une réglementation de la profession qui serait dotée d'une autorité
disciplinaire (Robert RoELANDT, <<Le secret professionnel des
comptables>>, Rev. dr. pén., 1954-1955, p. 613; voy. également
C. ScAILLEUR, <<Secret professionnel et devoir de discrétion - La
situation des conseillers fiscaux>>, Rev. gén. defisc., mars 1978, p. 75;
Jean-Pierre BouRs, <<La notion de secret dans ses rapports avec le
droit fiscal» in Réflexions offertes à Paul Sibille, 1981, Bruylant,
p. 242).
La loi du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat
d'entreprise qui contient un chapitre IV intitulé <<Du titre et de la
profession d' expert comptable>> a apporté des modifications profon-
des concernant cette profession, notamment, en créant un Institut
des experts-comptables. Aux termes de l' article 95, alinéa 2 de la
loi : «L 'article 458 du Code pénal s 'applique aux personnes physiques
et morales inscrites au registre des experts-comptables externes, aux
associés au membres des personnes morales en question, ainsi qu 'aux
308 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

personnes dont les experts-comptables inscrits au registre précité doi-


vent répondre ».
L'article 58, alinéa 3 de la loi du 22 avril 1999 relative aux pro-
fessions comptables et fiscales précise également que «l 'article 458
du Code pénal s 'applique aux experts-comptables externes, aux con-
seils Jiscaux externes, aux comptables agrées et aux comptables fisca-
listes agréés, aux stagiaires et aux personnes dont ils répondent ».
414. S'il existe des restrictions au champ d' application du secret
professionnel auquel est tenu le réviseur d'entreprise (voy. supra les
n° 8 407 et suiv.), des nuances existent également concernant
l' expert-comptable. Elles ont été mises en évidence notamment par
l'arrêt rendu le 27 mars 1996 par la Cour d'arbitrage (Rev. dr. pén.,
1996, p. 1116; voy. Rik DEVLOO, <<Het beroepsgeheim van de
acco1mtant na het arrest van het Arbitragehof van ~ ~ - t 1996,
( R. W., 1996-1997, p. 422).
L'Institut des experts-comptables avait introduit un recours en
annulation de l' article 90octies du Code d'instruction criminelle, tel
qu'il a été inséré par l'article 3 de la loi du 30 juin 1994 relative à
la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connais-
sance et l'enregistrement de communications et de télécommunica-
tions privées, le requérant invoquant à l' appui de son recours une
discrimination au détriment de la profession qui pourrait avoir pour
effet de conforter l'idée ·que le secret professionnel des experts-
comptables n'est pas comparable au secret professionnel des méde-
cins et des avocats et justifier dès lors que les usages suivis en
matière de perquisition et de saisie soit différents selon les profes-
s10ns.
La Cour d' arbitrage a rejeté le recours en considérant que «les
règles constitutionnelles de l' égalité et de la non-discrimination
n' excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des
catégories de personnes, pour autant qu' elle repose sur un critère
objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée>> (voy. Ie considé-
rant B3), ce qui était le cas en l'occurrence (voy. supra <(Les écoutes
téléphoniques>>, n° 8 189 et suiv.).

C. - Le juriste d 'entreprise.
415. La question s'est posée de savoir si le juriste d'entreprise qui
exerce les fonctions de conseiller juridique au sein d'une entreprise,
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 309

publique ou privée, est astreint au secret professionnel au sens de


l' article 458 du Code pénal et si ses notes in ternes bénéficient de la
confidentialité accordée aux mem bres du barreau. L' on voit claire-
ment l'intérêt qu'il y aurait à ce que les communications du juriste
d'entreprise à son employeur, à un autre juriste d'entreprise ou à un
membre du barreau, jouissent d'une protection légale: il irait d'un
renforcement de la qualité et de l'indépendance des avis émis par
ces juristes ainsi assurés de leur caractère confidentie!.
416. Dans une affaire A.M. & S. c. la Commission européenne,
qui concernait le caractère confidentie! de la correspondance d'un
juriste britannique, membre du barreau, la Cour de justice des Com-
munautés européennes a jugé dans un arrêt du 18 mai 1982 que ce
caractère n'était admissible que <<pour autant, d'une part, qu'il
s' agisse de correspondance échangée pour les besoins de la défense
du client et, d'autre part, qu'elle émane d'un avocat indépendant,
c'est-à-dire d'un avocat qui n'est pas lié à son client par une rela-
tion de travail», (Cah. dr. eur., 1982, p. 381 et la note de Léon GoF-
FIN, sous le titre << De la confidentialité des communications entre
l'avocat et son client>>; Journ. trib., 1983, p. 41, et la note de Pierre
LAMBERT, <<Le caractère confidentie! de la correspondance échangée
entre l'avocat et son client>>; Dall., 1983, p. 226et la note de Chris-
tian GAVALDA et Claude LUCAS DE LEYSSAC; voy. également lan
S. FüRRESTER, <<Legal professional privilege: limitations on the
Commission' s powers of inspection following the A.M. & S.
judgement ►>, Common Market Law Review, 1983, p. 75). La Cour a
considéré que la protection inhérente à la confidentialité avait pour
fondement les droits de la défense entendus au sens strict et limités
apparemment à la seule défense devant les cours et tribunaux,
comme l'est la discipline professionnelle imposée et contrölée dans
l'intérêt général par les institutions habilitées à cette fin (voy. le
considérant n° 24).
La Cour a souligné que «Ie droit communautaire, issu d'une inter-
prétation non seulement économique, mais aussi juridique des Etats
membres, doit tenir compte des principes et conceptions communes
aux droits de ces Etats en ce qui concerne le respect de la confiden-
tialité. Sans doute, constata la Cour, les ordres juridiques des Etats
membres des Communautés européennes laissent apparaître que si
le principe de cette protection est généralement reconnu, sa portée
et les critères de son application diffèrent d'un Etat à l' autre. Pour
310 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

les uns, elle se fonde principalement sur la reconnaissance de la


nature même de la profession d' avocat, en tant qu' elle coopère au
maintien de la légalité; pour d'autres, elle trouve sa justification
dans l'exigence plus spécifique des droits de la défense ►>. L'inviola-
bilité de la correspondance de l' a vocat se rattache en effet moins à
l'obligation de garder le secret professionnel qu'au droit de libre
défense qui do mine la procédure; c' est le motif pour lequel l'invio-
labilité de la correspondance de l' avocat se dissocie de l' obligation
qui lui incombe de garder le secret professionnel.
417. U n changement s' est dessiné depuis l' arrêt A.M. & S. du
18 mai 1982. Constatant l'évolution du droit communautaire et de
l'ordre juridique interne des Etats membres, le président du tribu-
nal de première instance des Communautés européennes a estimé
dans une ordonnance de référés du 30 octobre 2003 qu'il ne saurait
être exclu que le secret professionnel doive s'étendre également aux
correspondances échangées avec un avocat employé de façon per-
manente par une entreprise. Il a ajouté que cela soulève <mne ques-
tion de principe délicate qui nécessite une appréciation juridique
complexe et doit être réservée au tribunal statuant au principal ►>
(point 130) (Journ. trib., 2004, p. 380, et les obs. de Lucette
DEFALCQUE; voy. également le commentaire de Bertrand HüHL,
<<Les juristes d'entreprise et le secret professionnel ►>, Les annonces de
la Seine, 18 mars 2004, p.4).
On peut donc prévoir qu' à brève échéance, l' exclusion des avis
des juristes d'entreprise de la protection liée au röle qu'ils jouent au
sein de l'entreprise, sera définitivement écartée en droit communau-
taire. La même question est posée en droit interne.
418. A eet égard, la loi du 1er mars 2000 créant un lnstitut des
juristes d'entreprise n'a pas répondu pleinement aux attentes des
juristes d'entreprise et a suscité une vive controverse qui trouve son
origine dans le libellé même de l' article 5 de la loi qui dispose : «Les
avis rendus par le juriste d'entreprise, au profit de son employeur et
dans le cadre de son activité de conseiller juridique, sant
confidentiels >>.
Une partie de la doctrine relève, pour l'essentiel, que ce texte
était libellé différemment dans la proposition de loi qui a abouti à
la loi du 1er mars 2000 et énonçait: <<Le juriste d'entreprise est, dans
l'exercice de son activité juridique, dépositaire des secrets qu'on lui
LES AUTRES CATÉG0RIES PR0FESSIONNELLES 311

confie. L'article 458 du Code pénal lui est applicable ►>. Il en est
déduit que le législateur n' a pas entendu reconnaître la moindre
obligation de secret professionnel dans le chef du juriste d' ent reprise
t(voy. Jean-Pierre BuYLE et Isabelle DuRANT, <<La confidentialité
des avis des juristes d'entreprise ►> in Didace KIGANAHE et Yves
PouLLET, dir., Le secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002,
pp. 187 et suiv.; H. LAMON, <<De bedrijfsjuristen zijn geen
advocaten ►>, Financ. Ec. Tijd, 27 novembre 2001, p. 2; A.-
P. DUMONT, <<A propos de la loi créant un Institut des juristes
d'entreprise. Confidentie!, vous avez dit confidentie!? ►>, Inf. et doe.
jur., 2000, n° 7, p. 27; C. VERBRAECKEN, <<Secret professionnel pour
les juristes d'entreprise! ►>, Cah. jur., 2002, p. 66; Jean DU JARDIN,
<<De plaats van de bedrijfsjurist legal privilege in een rechtstaat ►>,
Cah. jur., 2001, p. 70).,
419. Même si la consultation des travaux préparatoires de la loi
est - comme souvent - un peu décevante, la justification de cette
modification est perdue de vue, voire sous-estimée, alors qu' elle a
été clairement exposée dans !'amendement déposé par !'auteur lui-
même de la proposition initiale, le sénateur Hatry, et ensuite par le
gouvernement voulant <<limiter Ie champ d' application du secret
professionnel du juriste d' entreprise aux seuls avis juridiques que
celui-ci est appelé à rendre au sein de son entreprise, dans le cadre
de ses activités de conseil juridique ►> (voy. Doe. parl., Sénat, sess.
1998-1999, 45/5, pp. 1 et 2).
Dans une lumineuse étude, Anne Benoit-Moury et Nicolas Thi-
rion ont conclu que «Ie nécessaire secret qui doit entourer l' activité
du juriste d'entreprise dans sa mission de conseil juridique est effec-
tivement garanti par Ie droit positif►> et que l' article 458 du Code
pénal lui est applicable en ce qui concerne les avis juridiques qu'il
rend (Anne BENOIT-MOURY et Nicolas THIRION, <<Secret profession-
nel, confidentialité et juriste d' ent reprise - La nouvelle donne >>,
Journ. trib., 2001, pp. 785-796; voy. également Anne BENOIT-
MouRY et Eric JACQUES, <<Bienvenue à l'Institut des juristes
d' ent reprise - Commentaire de la loi du 1er mars 2000 créant un Ins-
titut des juristes d'entreprises ►>, Journ. trib., 2000, pp. 725 et suiv.
spécialt n° 8 31 à 47; Jettie VAN CAENEGEM, <<Confidentialiteit van
de adviezen van de bedrijfsjurist legal privilege ingevoerd in het
Belgische Recht ►>, R. W., 2000-2001, p. 1185 et sous le titre
<<Reactie ►>, voy. Bruno VAN DüRPE: <<Bedenkingen bij het artikel
312 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

... >>, R. W., 2000-2001, p. 1575; Bernard THYSSEN, <<Le secret profes-
sionnel du juriste d'entreprise>> in Didace KrnANAHE et Yves PouL-
LET, dir., Le secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002, p. 225;
Lucien MARLIÈRE, << Le secret professionnel des juristes
d'entreprise>>, L'Echo, 17-19 novembre 2001, p. 14; voy. pour la
France, Bertrand HoHL, loc. cit.).
Ces auteurs ont démontré qu' au regard du secret professionnel, le
röle du juriste d' entreprise est en tous points semblable à cel ui de
l' avocat ( ... qui n' est pas davantage expressément visé par
l'article 458 du Code pénal), le lien de subordination juridique qui
le lie à son employeur ne devant pas être confondu avec l'indépen-
dance fonctionnelle << à propos de laquelle il est de longue date admis
qu'elle peut également caractériser, en fait, la situation d'un salarié
dans l'exercice de son activité rémunérée; tel est le cas des médecins
et des pharmaciens (voy. cass., 27 mars 1968, Rev. crit. jur. b. 1978,
p. 78, et la note de L. FRANÇOIS et P. GoTHOT). Une jurisprudence
récente tend même à assimiler certains avocats stagiaires à des tra-
vailleurs salariés (trib. trav. Bruxelles, 8 décembre 2000, Journ.
proc., 2001, n° 408, p. 20, et la note de Philippe DE KEYSER,
<<Révolution ou fin d'une hypocrisie?>>).
420. Il reste que le champ d' application de l' article 458 du Code
pénal est limité, en ce qui concerne le juriste d'entreprise, aux seuls
avis juridiques qu'il donne à son employeur. Tel est la portée exacte
de l' article 5 de la loi du 1er mars 2000.
Il a, à juste titre, été fait observer que l'activité du juriste
d'entreprise ne se limite pas à délivrer des avis juridiques mais
s'étend à des tàches purement administratives, telles l'établissement
des procès-verbaux d' assemblées générales ou de réunions de conseil
d' administration .... pour lesquelles l'intéressé demeure tenu à une
simple obligation de discrétion.

D. - Le médiateur, le conseiller conjugal


421. La médiation comme mode alternatif de règlement des con-
flits se trouve, à l'heure de la rédaction du présent ouvrage, vrai-
semblablement à l'aube de grands développements qui dépendront,
pour une part, de la place qui sera faite au secret professionnel.
Celui-ci est, en effet, la condition nécessaire de la confiance que peut
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 313

avoir le citoyen dans le médiateur. Les dispositions législatives


actuellement en vigueur s'y réfèrent expressément.
La loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs, modifiée le 11
février 2004, prévoit l'existence de deux médiateurs fédéraux, l'un
francophone, l' autre néerlandophone qui ont notamment pour
mission d'examiner les réclamations relatives au fonctionnement des
autorités administratives fédérales (art. 1cr, §Ier, 1°). La loi dispose
expressément : « L 'article 458 du Code pénal est applicable aux
médiateurs et à leur personnel» (art. 16). Elle précise que <<les per-
sonnes qui, du chef de leur état au de leur profession, ont connaissance
de secrets qui leur ont été confiés, sant relevées de leur obligation de
garder le secret dans le cadre de ['enquête menée par les médiateurs >>
( art. 11). La loi a ainsi créé à cöté des trois dérogations classiques
au secret professionnel que prévoit l' article 458 du Code pénal -
l' obligation légale, le témoignage en justice et la déposition devant
une Commission parlementaire d' enquête - une quatrième exception
relative aux dépositions devant un des médiateurs fédéraux. On
notera que la loi énonce que : «Si dans l 'exercice de leurs fonctions,
les médiateurs constatent un fait qui peut constituer un crime au un
délit, ils en informent, conformément .à l 'article 29 du Code d 'instruc-
tion criminelle, le procureur du Rai>> (art. 12, § 1er).
Le décret du Conseil de la Communauté française du 20 juin 2002
portant création du service du médiateur de la Communauté fran-
çaise, ainsi que le décret wallon du 22 décembre 1994 portant créa-
tion de l'institution de médiateur de la Région wallonne et le décret
flamand du 7 juillet 1998 <<houdende de instelling van de Vlaamse
ombudsdienst>> déclarent, l'un et les au tres, l' article 458 du Code
pénal applicable au médiateur, à son personnel et aux experts qui
!'assistent (respectivement art. 13, §2, al. 4, art. 8 et art. 9).
422. La loi du 5 juillet 1998 relative au règlement collectif de
dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles
saisis a introduit en droit positif la notion de <<médiateur de dettes>>
qui, sans préjudice des obligations que lui impose la loi et sauf
lorsqu 'il est appelé à témoigner en justice . . . . ne peut divulguer des
faits dont il a connaissance de par sa fonction (et auquel) l'article 458
du Code pénal est applicable>> (art. 1675/17, sub 4 et 18 nouveau du
Code judiciaire).
314 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

La loi prévoit que le médiateur de dettes peut s' adresser au juge


pour qu'il soit fait injonction au débiteur ou à un tiers de lui fournir
tous renseignements utiles sur des opérations accomplies par le
débiteur et sur la composition et la localisation du patrimoine de
celui-ci. Le texte énonce: « En toutes hypothèses, Ze tiers tenu au
secret professionnel ou au devoir de réserve ne peut se prévaloir de
celui-ci. Les articles 877 à 882 (du Code judiciaire) lui sont
applicables>> (art. 1675/8 alinéa 2 nouveau du Code judiciaire). On
sait que la Cour d' arbitrage a annulé par son arrêt n° 46/2000 du
3 mai 2000 cette disposition, en tant qu' elle s' applique aux avocats
(voy. supra n° 42).
423. La situation du médiateur familial est fixée par la loi du 19
février 2001 relative à la médiation familiale dans le cadre d'une
procédure judiciaire, qui a inséré un article 734sexies dans le Code
judiciaire, ainsi libellé : « Les documents établis et les communications
faites au cours d 'une procédure de médiation en matière familiale sont
confidentiels. Ils ne peuvent être utilisés dans une procédure judi-
ciaire, administrative ou arbitrale ou dans toute autre procédure visant
à résoudre des conjlits et ne sont pas admissibles comme preuve, même
comme aveu extrajudiciaire. L 'obligation de secret ne peut être levée
qu 'avec l 'accord des parties et du médiateur en matière familiale pour
permettre notamment au juge d 'entériner les accords conclus.
En cas de violation de cette obligation de secret par une des par-
ties, le juge se prononce sur l' octroi éventuel de dommages et inté-
rêts.
Les documents confidentiels qui sont tout de même communiqués
ou sur lesquels une partie se base en violation de l' obligation de
secret sont écartés des débats.
Sans préjudice des obligations que la loi impose, le médiateur en
matière familiale ne peut rendre publics les faits dont il prend con-
naissance du fait de sa fonction.
Il ne peut être appelé comme témoin par les parties dans une pro-
cédure civile ou administrative relative aux faits dont il a pris con-
naissance au cours d'une médiation en matière familiale.
L' article 458 du Code pénal s' applique au médiateur en matière
familiale>>.
Il a été jugé, par analogie avec l'article 734sexies nouveau du
Code judiciaire, que les rapports de la cellule de médiation d'un
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 315

C.P.A.S. sont couverts par le secret professionnel et doivent, en cas


de violation de l' obligation au secret par l'une des parties, être écar-
tés d'office des débats (trib. trav. Liège, 25 avril 2001, J.L.M.B.,
2001, p. 1147, et la note de Véronique HUART, <<A quand une loi sur
la médiation comme mode alternatif de règlement des conflits en
toutes matières? ►> ).
424. La situation du conseiller conjugal est moins claire au
regard de son obligation au secret professionnel eu égard à l' absence
de statut légal et au fait que la question se pose dans un cadre légal
et réglementaire flou (voy. l'étude de Nathalie HuSTIN-DENIES, <<Le
secret professionnel des médiateurs familiaux et des conseillers
conjugauX», Journ. trib., 1998, p. 129; voy. égalt Patrick VAN
LEYNSEELE et Florence VAN DE PUTTE, <<Médiation: confidentialité
et responsabilité ►>, Journ. trib., 1999, p. 254; Steven BROUWERS,
<<Het juridisch statuut van de advocaat - Scheidingsberuiddelaar»,
R. W., 1998-1999, p. 625).
Le décret du Conseil de la Communauté française du 10 juillet
1984 relatif à l'éducation sanitaire et à !'information de la jeunesse
ainsi qu' à l' aide et à l' assistance aux familles dans les domaines
relatifs à la contraception et à la parenté responsable énonce en son
article 3 : «Les membres du personnel médical, paramédical, social et
juridique d 'une institution hospitalière, d 'un cent re P. M. F. (Cent re
de consultations prématrimoniales, matrimoniales et familiales)
d 'un centre d 'aide et d 'information sexuelle, conjugale et familiale ou
assimilés ... sant tenus au secret médical (. .. ) >>.
La doctrine a fait observer que le texte ne vise pas explicitement
les conseillers conjugaux et, en outre, vise le <<secret médical ►> plutöt
que le <<secret professionnel ►>, ce qui conduit assez curieusement à
soumettre au secret médical les membres du personnel juridique ou
social d'un centre de planning familial (Nathalie HUSTIN-DENIES,
op. cit., qui signale que cette observation fut déjà formulée au cours
des travaux précédant l'adoption du décret).
Le décret de la Commission communautaire française de la
Région de Bruxelles-Capitale du 16 juillet 1994 relatif à l'agrément
et aux subventions des centres de planning familial précise, sans
équivoque, que l'article 458 du Code pénal est applicable aux mem-
bres des centres. L'article 6 énonce, en effet, <<Chaque membre de
l 'équipe doit respecter le secret professionnel et garantir le respect de
316 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

la personne et de ses convictions idéologiques, philosophiques et reli-


gieuses. L'article 458 du Code pénal est applicable aux membres de
l 'équipe. Les dossiers individuels et médicaux des consultants sant
conservés, classés et répertoriés à l 'abri de toute indiscrétion ».
Quelle que soit, parfois, l'imprécision des textes, il reste que les
intéressés se trouvent par état et par profession amenés à recueillir
les confidences des personnes qui les consultent. Même s'il ne peu-
vent pas nécessairement être qualifiés de <<confidents nécessaires>>
qui seraient, seuls, soumis au secret professionnel selon l' obsolète
distinction entre << confidents nécessaires >> et << confidents
volontaires>>, il ne paraît raisonnablement pas contestable que l'arti-
cle 458 du Code pénal leur est applicable.

E. - L 'assistant ( e) social ( e), l 'assistant de justice


425. La situation de l' assistant social est particulière en raison
des statuts différents qui peuvent être le sien. Si l' assistant est dési-
gné à l' occasion d'une procédure judiciaire soit <levant le tribunal de
la jeunesse, soit <levant le président du tribunal de première ins-
tance siégeant en référés, et est chargé d'une mission d'enquête au
sujet de l'administration de la personne d'enfants mineurs, sa situa-
tion sera analogue à celle des délégués à la protection de la jeunesse,
voire à celle de l'expert judiciaire. S'il est employé, que ce soit dans
le secteur public ou dans le secteur privé, il y a lieu d'effectuer une
distinction entre les obligations envers ses employeurs et celles
envers les tiers. Enfin, il y a lieu de se demander s'il est fondé à se
retrancher derrière le secret professionnel lorsqu'il est appelé à
témoigner en justice.
N os cours et tribunaux n' ont j amais été appelés à trancher ces
questions de manière précise et la doctrine a longtemps été relati-
vement rare (voy. Pierre VERMEYLEN, «Het beroepsgeheim van de
sociale assistent» in Liber amicorum H ermann Bekaert, Snoeck-
Ducaju, Gand, 1977, p. 453, outre une brochure publiée avec la col-
laboration de Ch. WETTINCK et Cl. BIERNAUX, sous le titre Le secret
professionnel des travailleurs sociaux, après un débat organisé, à
Liège, le 20 avril 1978; G. FrnoN, <<Le secret professionnel des assis-
tantes et assistants sociauX», Journ. trib., 1952, p. 345; voy. égalt
pour le droit français: Jean-Pierre RosENCZVEIG et Pierre VERDIER,
Le secret professionnel en travail social, éd. Jeunesse et droit/Dunod,
Paris/Liège, 1996).
LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 317

Il serait surprenant que le secret professionnel de l' assistant social


ne soit pas reconnu, alors que, précisément, son action se situe au
coour de situations sociales ou la dignité humaine est souvent en
péril. S'il était contraint de témoigner en justice sur les faits venus
à sa connaissance en raison de l' accomplissement de sa mission, la
confiance qui est indispensable pour exercer ses fonctions s'en trou-
verait altérée. Ainsi que l'écrivait Louis Hugueney, pour bien rem-
plir la táche délicate qui lui incombe, l' assistant social a besoin de
gagner la confiance des familles : quelle confiance accorderaient-elles
à un assistant qu' on verrait étaler en justice toutes les turpitudes
qui seraient venues à sa connaissance dans l' accomplissement de sa
mission?
Le décret du 4 mars 1991 du Conseil de la Communauté française
relatif à l'aide à la jeunesse a pris la précaution d'énoncer que <<sans
préjudice de l 'application des articles 25 et 30 du Code d 'instruction
criminelle, l 'article 458 du Code pénal est applicable aux personnes
qui apportent leur concours à l 'application du présent décret »
(art. 57). Aux termes de l'article 4 du Code de déontologie de
l'Union francophone des associations professionnelles d'assistants
sociaux, «l 'assistant social s 'impose une grande discrétion en toute cir-
constance. Il respecte et fait respecter le secret professionnel ».
Cependant, l'assistant social serait mal venu de se retrancher der-
rière le secret professionnel, que l' on appelle parfois en l' occurrence
le <<secret_ social», même lorsqu'une divulgation ne serait pas de
nature à nuire aux intérêts de la personne assistée. Ce sera, comme
pour les autres praticiens, affaire de conscience et de hiérarchie des
valeurs.
426. La règle du secret professionnel s'impose plus particulière-
ment aux assistants de probation désignés en application de la loi
du 29 juin 1964, et ce en raison même du caractère de leur mission
et des confidences qu'ils sont appelés à recevoir (Ph. GLESENER, <<Le
secret professionnel des assistants sociaux dans le cadre de la loi
relative à la probatiom, Rev. dr. pén., 1990, p. 367; D. GENON-
CEAUX, <<Les modalités d'application de la loi du 29 juin 1964 et le
röle de l'assistant de probatiom, Bull. adm. pén., 1967, p. 273;
C. LAUWERS, <<Fonctionnement de la probation, attitudes de l'assis-
tant de probatiom, Rev. dr. pén., 1983, p. 833; R. MICHEL, <<La pra-
tique des assistants de probatiom, ibid., p. 851; P. LIEVENS, <<Des
relations dans le cadre de la probatiom, ibid., p. 867).
318 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

L' obligation au respect du secret professionnel est rappelée par


l' article 38, § 1er, al. 2 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la déten-
tion préventive qui dispose : << Toute personne qui intervient dans la
surveillance de l 'observation des conditions (auxquelles le maintien en
liberté est subordonné) est liée par le secret professionnel ».
Une situation délicate se présente lorsque l' assistant de probation
est amené à communiquer un rapport à l' autorité judiciaire qui l' a
désigné. La doctrine établit dans ce cas une distinction entre le röle
de l' expert (lorsque l' assistant de probation est chargé d'une étude
sociale) et celui du thérapeute (lorsqu'il est chargé d'une mission de
guidance ou de traitement) (voy. Ph. GLESENER, op. cit., p. 369).
Dans le premier cas, il est tenu de faire un rapport complet dans les
mêmes conditions qu'un expert judiciaire (voy. supra, n° 8 345 et
sui v.); dans le second, il sera tenu à une discrétion plus large à
l' égard de la personne assistée. Dans tous les cas, son obligation au
secret professionnel sera rigoureuse à l'égard des tiers.
427. Il en est de même pour tous les assistants de justice en géné-
ral. La fonction d' assistant de justice a été décrite par l' arrêté
ministériel du 23 juin 1999. L'annexe à eet arrêté souligne que le
personnel administratif et d' accueil du service des maisons de jus-
tice doit <<se soumettre aux exigences déontologiques de sa profes-
sion en ce qui concerne le respect de la vie privée et en particulier
au respect du secret professionnel» (voy. Lucien NouwYNCK, <<Le
secret professionnel et ses implications sur l'utilisation de rapports
d'expertise, d'enquêtes sociales, d'études sociales et de rapports de
guidance sociale dans des procédures distinctes de celles dans les-
quelles ils ont été établis >>, Rev. dr. pén., 2001, p. 625; spécialt,
p. 630; du même auteur: <<La position des différents intervenants
psycho-médico-sociaux face au secret professionnel dans le travail
avec les justiciables>>, Rev. dr. pén., 2001, p. 3; <<La protection juri-
dique du secret professionnel des acteurs psycho-médico-sociaux
intervenant dans un contexte judiciaire>> in Mercuriale prononcée
lors de la séance solennelle de rentrée de la cour d' appel de Bruxel-
les le 1er septembre 2004, à paraître).

F. - Le délégué général aux droits de l 'enfant


428. Le décret de la Communauté française du 20 juin 2002 -
abrogeant l'arrêté de l'Exécutif du 10 juillet 1991 qui avait modifié
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 319

l'arrêté du 22 décembre 1997 - instituant un délégué général de la


Communauté française aux droits de l'enfant énonce qu'il est «placé
sous l 'autorité du Gouvernement»; en outre, «il bénéficie de la liberté
d 'action et d 'expression nécessaire à l 'exercice de sa mission et est tenu
au devoir de réserve que lui impose celui-ci>> (art. 6).
En dépit du terme <<réserve ►> utilisé dans Ie décret, il se conçoit
que ledit délégué général est soumis au secret professionnel au sens
de l' article 458 du Code pénal, en raison des fonctions qui lui sont
assignées et qui en font, à l' évidence, un <<dépositaire par état ou
par profession des secrets qu' on lui confie ►>. En effet, ayant pour
<<mission de veiller à la sauvegarde des droits et intérêts des
enfants ►>, il est appelé à recueillir leurs confidences et celles de leurs
parents et éventuellement des proches.
Le délégué général est présenté comme un médiateur, ce qui Ie
distingue dans la fonction publique (voy. Claude LELIÈVRE, <<Quel
devoir de réserve pour Ie délégué général de la Communauté fran-
çaise aux droits de l' enfant? ►> in Le devoir de réserve : l 'expression
censurée ?, Bruylant, coll. <<Les Cahiers de l'Institut d'études sur la
Justice ►> n° 5, Bruxelles, 2004, p. 59). A ce titre, il est tenu par des
obligations qui vont bien au-delà d'une simple obligation de réserve
et notamment par l'article 77 de la loi du 8 avril 1985 relative à la
protection de la jeunesse qui soumet aux prescriptions de l' article
458 du Code pénal <<toute personne qui, à quelque titre que ce soit, est
. . . dépositaire de secrets qui lui sant confiés dans l 'exercice de sa
profession ».

G. - Le détective privé
429. La loi du 19 juillet 1991, organisant la profession de détec-
tive privé, dispose en son article 10 que « ... le détective privé ne peut
divulguer à d 'autres personnes qu 'à son client ou à celles dûment
mandatées par lui, les informations qu 'il a recueillies durant l 'accom-
plissement de sa mission ». L' article 19, alinéa 4 de la loi énonce
expressément : << Les auteurs des infractions visées à l 'article 10 sant
punis des peines prévues à l'article 458 du Code pénal; lorsque les
informations divulguées sant relatives à la vie des personnes, elles sant
punies d 'un emprisonnement de six mais à deux ans et d 'une amende
de 500 à 20. 000 francs ou d 'une de ces peines seulement >>.
320 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

430. La loi a prévu cependant une importante réserve à cette


obligation dans les termes suivants: «Dans le cadre de la protection
de la sûreté nationale, du maintien de l 'ordre public, de la prévention
ou de la recherche de faits punissables, le ministre de l 'I ntérieur, le
ministre de la Justice ou les autorités judiciaires, dans le cadre de
leurs compétences respectives, peuvent requérir du détective privé les
renseignements concernant une mission en cours ou exécutée nécessai-
res à la sûreté nationale, au maintien de l 'ordre public et à la pré-
vention ou à la recherche de faits punissables. Gelui-ei est tenu d 'y
répondre sans délai. Le détective privé n 'est tenu de répondre à la
demande d 'information relative à une mission en cours ou exécutée,
que dans la mesure ou les personnes chargées de recueillir ces rensei-
gnements sant en possession d 'un mandat spécifique délivré à eet effet
par le ministre de l 'I ntérieur, le ministre de la J ustice ou l 'autorité
judiciaire, chacun dans le cadre de ses compétences» (art. 16, §2).
431. <<Sans préjudice de l'application de l'article 30 du Code d'ins-
truction criminelle et de l 'article Ier, 3° de la loi du 20 juillet 1990
relative à la détention préventive, le détective privé qui est chargé par
son client de recherches ou d 'enquêtes relatives à des faits qui consti-
tuent des crimes ou des délits ou qui, dans l 'accomplissement de sa
mission, acquiert la connaissance de faits qui constituent des crimes
ou des délits, doit en aviser sans délai et par écrit le procureur du Rai
près le tribunal dans le ressort duquel ce crime ou ce délit a été
commis» (art. 16, §2 tel qu'il a été complété par la loi du 30 décem-
bre 1996, art. 11, 2°).
432. La loi fait ainsi non seulement obligation au détective privé
de répondre aux questions des autorités judiciaires concernant une
mission en cours ou exécutée lorsque ces renseignements sont néces-
saires à la sûreté nationale, au maintien de l'ordre public et à la pré-
vention ou à la recherche de faits punissables mais également
lorsqu'il est chargé d'une enquête relative à des crimes ou délits,
d'en aviser sans délai le procureur du Roi. Il s'agit manifestement
d'hypothèses qui prévoient une obligation de dénonciation qui cons-
titue une des dérogations légales au secret professionnel. Il en
résulte que dans ce cas, l'intéressé ne serait pas fondé à se retran-
cher derrière Ie secret professionnel.
C' est dès lors de manière opportune que le barreau a mis ses
membres en garde contre «Ie risque de partager des confidences avec
LES AUTRES CATÉGORIES PR0FESSIONNELLES 321

un détective privé, surtout lorsque celles-ci peuvent faire apparaître


la possibilité d'un délit, particulièrement à charge de leurs clients ►>
(Forum, n° 27, 15 janvier 2002, p. 7).
433. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il a été précisé qu'
<<il va sans dire que le détective ne peut en aucun cas tirer profit des
informations qu'il a recueillies, comme par exemple les vendre, s'en
servir pour commettre un chantage, etc. Si un employeur veut par
exemple connaître les circonstances dans lesquelles un candidat a
quitté son employeur précédent le détective ne doit pas donner une
relation circonstanciée de l'emploi du temps libre de ce candidat,
sauf si les activités exercées pendant les loisirs ont, par exemple,
conduit directement au licenciement par l'employeur ►> (voy. Doe.
parl. Sénat, sess. 1990-1991, 1259/1, Pasin., 1991, pp. 3225 et suiv.,
spécialt p. 3229).

H. - La société de gestion de droits d'auteurs


434. La loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux
droits voisins prévoit expressément que << les agents des sociétés de
gestion et toutes les autres personnes appelées à participer à la per-
ception des rémunérations dues en vertu des chapitres 1 V à V 1 (de
la loi) sant tenues au secret professionnel pour tous les renseignements
dont ils ont connaissance dans ou à [ 'occasion de l 'exercice de leurs
fonctions. La violation de ce secret est punie conformément à l'article
458 du Code pénal» (art. 78; voy. trib. trav. Audenarde, 30 mars
1998, Alg. Jur. Tijds., 1999-2000, p. 240, note LECOUTRE; le tribu-
nal confirme que «la Sabam est soumise au secret professionnel ►>).
CHAPITRE VI
LES PERSONNES TENUES
À UNE SIMPLE OBLIGA TION DE DISCRÉTION
OU À UN DEVOIR DE RÉSERVE

SECTION 1. - LA DISTINCTION ENTRE LE SECRET,


LA DISCRÉTION ET LA RÉSERVE

435. Au fil du temps, les notions de secret professionnel et d'obli-


gation de discrétion ont été, l'une et l' autre, progressivement défi-
nies avec une grande clarté, tant par la jurisprudence que par la
doctrine, tandis que celle de devoir de réserve demeure floue et
imprécise. Empruntée au droit de la fonction publique, la notion de
devoir de réserve désigne «l' obligation de s' abstenir de certains com-
portements incompatibles avec la nature de la fonction ou de
l'emploi ►> (voy. Jean SAROT, <<La déontologie de la fonction publique
- Le devoir de réserve ►> in Liber amicorum Prof. ém. E. Krings,
Story-Scientia, 1999, p. 295). Ce devoir peut trouver à s'appliquer
à n'importe quels profession, activité ou comportement.
La distinction entre le secret professionnel et l' obligation de dis-
crétion a été créée en réponse à la règle qui donne à l' obligation au
secret professionnel la contrepartie du droit au silence (voy. Pierre
LAMBERT, << Le devoir de réserve et les notions voisines : le secret
professionnel et l' obligation de discrétiom in Le devoir de réserve :
l'expression censurée, coll. <<Cahiers de l'Institut d'étude sur la
justice ►>, n° 5, Bruylant, 2004, p. 9).

Seuls ceux qui sont tenus au secret professionnel proprement dit


et sont soumis aux dispositions de l' article 458 du Code pénal peu-
vent se retrancher derrière le secret professionnel pour refuser de
témoigner en justice. Ceux qui sont soumis au simple devoir de dis-
crétion ne sont pas pénalement punissables, en cas de révélation des
secrets dont ils sont les dépositaires dans l'exercice de leur
profession; ils sont tenus d' apporter leur témoignage en justice, sous
les seules réserves du pouvoir d' appréciation que donnent au juge
0BLIGATION DE DISCRÉTION 0U DEV0IR DE RÉSERVE 323

l' article 81 du Code d'instruction criminelle, en matière pénale, et


les articles 882 et 929 du Code judiciaire, en toutes autres matières.
Il faut bien admettre que cette construction est discutable, l' arti-
cle 458 du Code pénal étant sans ambiguïté: il entend protéger con-
tre les indiscrétions de ceux qui sont appelés à recueillir des confi-
dences en raison de leur profession ou de leurs fonctions.
436. La Cour de cassation a précisé, dans son fameux arrêt du
20 février 1905 que «la disposition de l'article 458 doit être appli-
quée indistinctement à toutes les personnes investies d'une fonction
ou d'une mission de confiance, à toutes celles qui sont constituées
par la loi, la tradition ou les moours, les dépositaires nécessaires des
secrets qu'on leur confie ►> (Pas., 1905, I, p. 141, et les concl. conf.
du procureur général JANSSENS; voy. Eugène REUMONT, <<De la
confidence ►>, Journ. trib., 1966, p. 238).
Le législateur, poursuit l' arrêt, a employé les deux mots état et
profession pour marquer sa volonté de rendre la formule très large,
d'y comprendre tous ceux dont la fonction, l'état ou la profession
est de nature à exiger l' observation du secret; il n' a entendu exclure
que les confidences volontaires; en protégeant ainsi toutes les con-
fidences obligatoires, les auteurs de la loi ont voulu inspirer une
entière sécurité dans la discrétion de ceux auxquels le public doit
s' adresser.
Ainsi est apparue la distinction entre les confidents nécessaires
soumis à la loi pénale du secret professionnel et les confidents volon-
taires qui ne sont soumis qu' à un simple devoir de discrétion qui ne
peut engager que leur responsabilité civile et, le cas échéant, disci-
plinaire, en cas de divulgation.
Or, il s'en faut de beaucoup que l'article 458 soit effectivement
appliqué à tous les confidents nécessaires : l' on songe au banquier,
à l' architecte et à l' assureur, ... Le procureur général Janssens, dans
ses conclusions précédant l'arrêt du 20 février 1905, soutenait que
<<les mots par état ou par profession indiquent moins cette idée qu'il
faut exercer un état ou une profession, que cette pensée qu' à raison
de la nécessité ou l'on s'est trouvé de parler devant une personne
dont le ministère était imposé par la loi, il ne peut être question
d'une confidence qu' on était libre de ne pas faire, mais, au con-
traire, qu' on ne l' a faite que parce qu' on était forcé de se fier à la
discrétion de celui qui la recevait». Ce critère de la <<profession,
...

324 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

imposée par la loi )) n' est pas déterminant; il suffit de songer à


l' architecte dont l'intervention est légalement obligatoire pour cel ui
qui désire construire ou à l' assureur-loi en matière d' accident du
travail et qui ne sont manifestement pas soumis à l' article 458 du
Code pénal
Quoi qu'il en soit du caractère artificiel de la distinction entre le
secret professionnel et le devoir de discrétion, elle est encore
aujourd'hui utilisée.

SECTION 2. - LES PERSONNES CONCERNÉES

A. - Le banquier

Bibliographie spéciale
André AGNEESSENS, <<Bankgeheim in ons Rechtsgebouw>), Rev. banq., 1961, p. 923;
du même auteur, <<Analyse juridique du secret professionnel du banquier en droit
beige>), Rev. banq., 1963, p. 347; Jean-Pierre BouRS, <<La notion du secret dans
ses rapports avec Ie droit fiscai» in Réflexions offertes à Paul Sibille, Bruylant,
Bruxelles, 1981, p. 247; André BRUYNEEL, «Le secret bancaire en Belgique après
!'arrêt du 25 octobre 1978,), Journ. trib., 1979, p. 371; Jean-Pierre BuYLE, «Le
secret professionnel du banquier à l'égard de l'assureur,), Rev. dr. ULB, 2000,
p. 111; Jean-Pierre BuYLE et Anne WILLEMS, <<La responsabilité professionnelle
des banquiers dans l'établissement et l'utilisation de documents,>, Rev. dr. U LB,
1992, p. 145; Paolo CLAROTTI, <<Traits saillants du secret bancaire dans les Etats
membres de la Communauté européenne et en Suisse>> in Etudes et documents de
l'Union internationale des avocats, 79/3, p. 175; Pierre CoLJN, «Le secret bancaire»,
rapport ronéotypé présenté aux journées d'étude du barreau de Liège des 8-9 et
10 mai 1980 sur Ie thème: Le secret: protection ou abus de droit; Edouard DE CAL-
LATAY, <<Du devoir de discrétion du banquier et des droits du notaire commis par
justice,>, Rev. prat. not. b., 1935, p. 529; G. DE CLERCQ, <<Zoeklicht op het
bankgeheim>>, Rev. banq. 1973, p. 336; Henri-Robert DEPRET et Laurence
DEKLERCK, Le secret bancaire, Quorum Editions, Otitignies-Louvain-la-Neuve,
1991; Robert HENRION, <<Le secret professionnel du banquier », éd. Institut de
sociologie de l'Université libre de Bruxelles, 1cr éd., 1963, ze éd. 1968; Philippe
LAMBRECHT, <<Le secret professionnel des autorités de controle et la collaboration
internationale, Rev. banq., 1993, p. 503; Jacques MALHERBE et Annick V1ss-
CHERS, <<Het bankgeheim in het belgische fiscaal recht onder vuur,> in Les pou-
voirs d 'investigation du fisc, Larcier, n° spécial de la Rev. gén. cant. fisc., Bruxelles,
2003/5, pp. 83 et suiv.); Ph. MALHERBE, «Le secret bancaire en Belgique et en
Europe>>, Rev. gén. fisc., 1996, p. 397; D. MAREELS et M. BIHAIN, <<Le secret ban-
caire en droit fiscal beige,>, Journ. dr. fisc., 1996, p. 193; ,Jean P. SPREUTELS,
<<Secret bancaire et droit pénai», Rev. dr. pén., 1978-1979, p. 433; Françoise
SwEERT8, «Le secret bancaire,> in Didace KJGANAHE et Yves PouLLET, dir., Le
OBLIGATION DE DISCRÉTION OU DEVOIR DE RÉSERVE 325

secret professionnel, La Charte, Bruxelles, 2002, p. 167; Liliane TAHON-CHAN-


TRAINE, <<Le secret professionnel du banquier en droit beige», Journ. trib., 1974,
p. 421; Charles VAN REEPINGHEN, << Le secret professionnel du banquien, Journ.
trib., 1963, p. 461; Alain ZENNER, <<Les limites du devoir de discrétion du ban-
quier vis-à-vis du fisc,,, Rev. gén. fisc., 2002, p. 223.

437. L'étendue du secret professionnel du banquier a été long-


temps controversée. L' arrêt rendu le 25 octobre 1978 par la Cour de
cassation mit définitivement un terme à la controverse (Pas., 1979,
I, p. 237; Journ. trib., 1979, p. 371; Rev. banq., 1979, p. 173, et les
notes d'André BRUYNEEL et de Jacques HEENEN; Rev. dr. pén.,
1979, p. 69; voy. aussi Robert HENRION, <<Secret économique et
évolution jurisprudentielle>>, Journ. trib., 1978, p. 415).
Le laconisme de eet arrêt qui tranche une question de principe
importante ne peut manquer de surprendre. Après avoir rappelé
que l' application de l' article 458 du Code pénal ne peut s' étendre à
ceux qui sont seulement tenus d'un devoir de discrétion, la Cour
affirme que <mi la nature des fonctions exercées par les banquiers,
ni aucune disposition légale, ne confèrent à ceux-ci la qualité de per-
sonnes tenues au secret professionnel au sens de l' article 458 du
Code pénal».
Cet arrêt de la Cour de cassation se situe dans la ligne de l'évo-
lution jurisprudentielle et doctrinale des années qui l' ont précédé.
Avant cela, la Cour avait exclu du champ d' application de l' article
458 du Code pénal les agents de change, par son arrêt du 26 sep-
tembre 1966 (Pas., 1967, I, p. 89 et Rev. dr. pén., p. 301, avec les
concl. conf. de l'avocat général CoLARD), et les experts comptables,
par son arrêt du 16 mai 1977 (Pas., 1977, I, p. 947; Journ. trib.,
1977, p. 528, avec l'arrêt a quo, rendu le 22 février 1977 par la cour
d'appel de Mons, 1977-1978, col. 2587, obs. A. VANDEPLAS, <<Üver
het beroepsgeheim van accountants,>).
Dès 1963, Robert Henrion concluait son ouvrage sur Le secret
professionnel du banquier en écrivant que <<la règle (du secret) ne
revêt cependant pas, dans ses implications, un caractère absolu, et
il ne pourrait en être autrement, écrivait-il, à peine de léser grave-
ment certains intérêts dont la précellence s' affirme à certains
moments; les besoins sociaux que le droit sert étant, en effet, en
perpétuel changement, l'on ne pourra s'étonner de constater ici une
évolution dans la pensée des utilités qui s'affrontent>> (Robert HEN-
RION, op. cit., p. 109). C'était admettre, en d'autres termes, que les
326 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

valeurs protégées par le secret bancaire doivent céder le pas devant


d' au tres valeurs sociales plus importantes.
438. Certains auteurs étaient, jusqu' à l' arrêt de la Cour de cas-
sation du 25 octobre 1978, partisans de l' application de l' article 458
du Code pénal aux banquiers (voy. nott. MARCHAL et JASPAR, Droit
criminel. Traité théorique et pratique, Larcier, 2° éd., Bruxelles, 1965,
t. I, n° 1175; TAHON-CHANTRAINE, op. cit.). Cette thèse est totale-
ment abandonnée aujourd'hui. La doctrine s'est ralliée aux thèses
soutenues par Robert Henrion qui se fonde sur trois considérations :
1° la fonction sociale du banquier ne s' identifie pas a vee l' exercice
d'une haute mission morale, telle celle du médecin, de l' avocat ou
du prêtre;
2° l' exercice de la fonction bancaire - assurément essentielle dans
notre organisation économique - n'est pas au premier chef carac-
térisée par la réception nécessaire et obligatoire de confidences,
alors que la première qualité du médecin, de l' avocat, du confes-
seur, de la sage-femme, celle qui leur est la plus indispensable,
c' est d' être les confidents de ceux qui réclament leurs services.
Les banques, en d'autres mots, ne sont pas fondamentalement
destinées à recevoir les secrets d' au trui; elles ne sont pas mises au
<<service le plus intime de la personne privée>>;
3°le banquier n'est pas, enfin, une personne <<dont le ministère est
imposé par la loi>> et qui jouirait d'un monopole pour la plupart
des opérations qu'il traite (Robert HENRION, op. cit., pp. 45 et
46).
Ainsi que l' a fait observer André Bruyneel dans une note de syn-
thèse très complète (Journ. trib., 1979, p. 37), la Cour de cassation
a rejeté implicitement, mais de manière certaine, l' argument tiré de
l'existence d'un statut professionnel public ou réglementé, ainsi que
l' existence d'un monopole de fait ou de droit; en outre, elle a fait
le départ entre la nature même de la profession en cause et l'hypo-
thèse ou une disposition légale spécifique lui imposerait un secret
dont la violation serait pénalement sanctionnée. Cet auteur conclut,
à juste titre, au terme d'une relecture de toute la jurisprudence de
la Cour suprême au sujet de l' article 458 du Code pénal, que l'inap-
plicabilité de cette disposition au banquier lui a paru l'évidence. La
controverse était due, pense-t-il, à divers facteurs tels le recours
habituel à l'expression <<secret bancaire>>, une tradition du secret en
OBLIGATION DE DISCRÉTION OU DEVOIR DE RÉSERVE 327

matière économique, ou encore, l'existence dans d'autres pays d'un


secret bancaire expressément sanctionné sur Ie plan pénal.
439. Il résulte de la jurisprudence actuelle que Ie secret profes-
sionnel ne peut être invoqué par Ie banquier ou son préposé pour
s'abstenir de témoigner en justice (voy. égalt l'arrêt de la Cour de
justice des Communautés européennes rendu Ie 10 décembre 2002,
en réponse à une question préjudicielle posée par un juge d'instruc-
tion du tribunal de première instance de Turnhout portant sur
l'interprétation de l' article 49 du traité CE en ce sens que si une ins-
titution de crédit agréée dans un Etat membre dans lequel les vio-
lations du secret bancaire sont sanctionnées pénalement - en
l' occurrence au Luxembourg - exerce, dans Ie cadre de la libre pres-
tation des services, des activités sur Ie territoire d'un autre Etat
membre ne connaissant pas un secret bancaire similaire - en l' occur-
rence la Belgique -, cette disposition ne s'oppose pas, notamment,
à une disposition législative de l'Etat membre d' accueil. Cette
demande de décision préjudicielle fut malheureusement déclarée
irrecevable).
Le banquier ne pourrait invoquer Ie devoir de discrétion pour jus-
tifier l' abstention de témoigner en justice que s'il existe un motif
légitime que Ie juge apprécie, conformément à l' article 929 du Code
judiciaire (civ. Bruxelles, 13 mars 1987, Pas., 1987, III, p. 69;
comm. Namur, 29 juin 1995, Journ. trib., 1995, p. 328).
440. Il va sans dire que Ie banquier qui, par manque de discré-
tion, causerait un préjudice à un tiers, devrait en répondre sur la
base des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Bien mieux, la loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes par-
ticulières de recherche et quelques autres méthodes d'enquête a, par
son article 13, inséré un article 46quater donnant Ie pouvoir au Roi
dans la recherche des crimes et délits, s'il existe des indices sérieux
que les infractions peuvent donner lieu à une peine d'emprisonne-
ment correctionnel principal d'un an minimum, de requérir des ban-
ques ou établissement de crédit: a) la liste des comptes bancaires,
de quelque nature que ce soit, dont le suspect est le titulaire, le man-
dataire ou le véritable bénéjiciaire et, le cas échéant, toutes les données
à ce sujet;
b) les transactions bancaires qui ont été réalisées pendant une
période déterminée sur un ou plusieurs comptes bancaires, ... >>.
328 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

La loi prévoit que «toute personne qui, du chef de sa fonction, a


connaissance de la mesure ou y prête son concours, est tenue de garder
le secret, toute violation étant punie conformément à l 'article 458 du
Code pénal» (art. 45, §2, al. 2 nouveau du Code d'instruction crimi-
nelle) (voy. le commentaire de la loi par Maïté DE RuE et Christian
DE V ALKENEER, Les méthodes particulières de recherche et quelques
autres méthodes d'enquête, Larcier, coll. <<Les dossiers du Journal des
tribunauX», n° 44, Bruxelles, 2004) .
Antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 2003,
la cour d'appel de Bruxelles avait déjà jugé, le 11 décembre 1998,
que <<l'Office national des valeurs mobilières ne constitue pas un
organisme public de crédit, de telle sorte que le devoir d'informa-
tion de pareil office n' est pas limité par le secret bancaire (Alg. Jur.
Tijds., 1999-2000, p. 85, obs. A. VEREIST). Il en va de même d'une
société de leasing.

B. - L'agent de change
441. Ni la nature des fonctions de l'agent de change, ni aucune
disposition légale ne confèrent à ce dernier, dans l' accomplissement
des actes de son activité, la qualité d'une personne dépositaire, par
état ou par profession, des secrets qu' on lui confie, au sens de l' arti-
cle 458 du Code pénal. Telle est l' affirmation que l' on trouve dans
un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 26 septembre 1966 (Pas.,
1967, I, p. 89 et Rev. dr. pén., 1966-1967, p. 301, et les concl. de
l'avocat général CoLARD).
Jusqu' alors, les très rares décisions de jurisprudence étaient hési-
tantes sur la solution à adopter. Deux arrêts de la cour d' appel de
Bruxelles, rendus respectivement le 26 janvier 1935 et le 18 avril
1962 semblaient reconnaître, l'un et l' autre, à l' agent de change,
dans le premier cas, le droit de ne pas révéler à son client la per-
sonnalité de ceux avec lesquels il avait exécuté ses ordres, et dans
le deuxième cas, à l' administration fiscale, l'identité de ses clients.
Dans la première affaire, l' agent de change invoquait son obligation
au secret professionnel pour faire échec à une demande d' expertise
tendant à établir que des opérations de bourse passées dans le
compte d'un client étaient fictives. La cour a fait droit à la
demande d' expertise sans cependant que l' expert puisse rele ver le
nom des personnes avec lesquelles l' agent de change avait traité
(Jurisp. du port d'Anvers, 1935, p. 129, avec le jugement a quo
OBLIGATION DE DISCRÉTION OU DEVOIR DE RÉSERVE 329

rendu le 31 juillet 1933 par le tribunal de commerce d'Anvers).


Dans la deuxième affaire donnant lieu à l'arrêt du 18 avril 1962, la
cour a dit qu' à supposer que le secret professionnel existe, il impose
tout au plus de ne pas divulguer le nom de ses clients (Rev. fisc.,
1962, p. 482, <<Le secret professionnel de l'agent de change>>).
442. La Cour de cassation a mis un terme à ces hésitations.
L' arrêt a été rendu sur les conclusions conformes de l' avocat général
Colard. Celui-ci passe en revue les auteurs qui proclamaient que les
agents de change sont obligés au secret, et ceux qui considèraient
que pas plus que les banquiers, ils n' étaient passibles de l' article 458
du Code pénal et que tout au plus, leur devoir de discrétion pouvait
donner lieu à des dommages et intérêts, par application de
l' article 1382 du Code civil. Il se range à ce dernier point de vue en
se fondant sur les considérations suivantes :
1°il résulte clairement des travaux préparatoires de la loi du
30 décembre 1867 qui régissait le statut des agents de change que
le législateur a voulu mettre un terme aux privilèges dont béné-
ficiaient certains intermédiaires, parmi lesquels, tout spécialement
les agents de change, ainsi que mettre fin à l' obligation au secret
telle qu'elle était proclamée antérieurement. Il s'agissait d'ailleurs
- ajoute l'avocat général Colard - d'un secret assez curieux, s'il
devait être admis, puisque l' agent de change ne pouvait - à
l' encontre du médecin, de l' avocat, du prêtre - refuser de parler
en justice, puisqu'il était légalement tenu de communiquer ses
livres et carnets, et puisque, d' autre part, les parties pouvaient,
si elles le désiraient, exiger de connaître leur cocontractant.
20( ... )
3°l'obligation au secret professionnel, loin d'être un privilège attri-
bué à une profession, est un devoir d'état, dominé par un intérêt
d' ordre social, moral, fondamental. Pareil intérêt est inexistant en
ce qui concerne l' agent de change.
4°de même, il ne peut être question d'invoquer la qualité
d' <<intermédiaire obligé>> de l' agent de change pour en déduire
qu'il est par là même aussi un <1dépositaire nécessaire de secrets>>,
l'acquéreur de fonds publics - que ce soit en bourse ou hors
bourse - n' ayant pas l'habitude de dévoiler les mobiles qui l'ins-
pirent.
330 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

Ces considérations amenèrent l' avocat général à con cl ure que


l'agent de change n'est tenu envers son client que d'un devoir de
discrétion, et que, quand il s' agit d' opérations hors bourse, l' agent
de change n' est pas nécessairement un commissionnaire, mais plus
sou vent une contrepartie, qui, par définition, n' est tenue à aucun
secret et qui, comme telle, n'a jamais été considérée comme tenue
à une obligation de cette nature.

C. - L 'assureur et le courtier d 'assurance


443. L'article 458 du Code pénal n'est, à l'évidence, pas applica-
ble aux assureurs et aux courtiers d'assurance (voy. Mons, 21 Juin
1995, R.G.A.R., 1997, n° 12.793). Les dispositions pénales contenues
dans la loi du 25 j uin 1992 sur le contrat d' assurance terrestre
(art. 139 et suiv.) ne visent à aucun moment une obligation de
secret professionnel. En toutes hypothèses, les confidences qui peu-
vent être faites à l' occasion de la souscription d'une police d' assu-
rance, ne revêtent pas une valeur telle qu'elle investirait la profes-
sion d'une prérogative sociale particulière.
Les assureurs et les courtiers d' assurance sont soumis à un devoir
de discrétion qui touche les faits confidentiels dont ils ont connais-
sance dans l' exercice de leur profession. Tel sera le cas, par exemple,
lorsque l' état de santé d'un client leur sera révélé à l' occasion de
l' établissement d'une proposition d' assurance et de la réponse au
questionnaire médical préalable à l'établissement d'une proposition
d'assurance-vie. De nombreux autres exemples peuvent être cités
qui font du courtier d' assurance le confident de secrets de famille,
de secrets financiers, voire sentimentaux.
L' obligation de l' assureur et du courtier d' assurance est essentiel-
lement de nature civile. La divulgation d'un fait confidentie! pour-
rait donner lieu à l' allocation de dommages-intérêts à la victime, la
révélation étant constitutive d'une faute contractuelle ou quasi-
délictuelle.
444. Le respect du devoir de discrétion du courtier d' assurance
en vers l' assureur lui-même peut être à l' origine d'un conflit d'inté-
rêts qui a été clairement mis en lumière dans une étude de Hélène
PAULUS-DE RODE (<<Réflexions sur le secret professionnel des cour-
tiers d'assurances,>, rapport ronéotypé présenté aux journées
OBLIGATION DE DISCRÉTION OU DEVOlR DE. RÉSERVE 331

d'étude du barreau de Liège des 8, 9 et 10 mai 1980, sur le thème:


«Le secret : protection ou abus de droit ?»).
La question peut se poser, en effet, lorsque l'assuré demande à
son courtier d' envoyer à l' assureur une déclaration fausse ou
inexacte, tout en lui révélant la vérité. Le courtier doit, à l' évi-
dence, refuser de participer à une fraude et avertir l' assuré des ris-
ques qu'il court quant à la nullité du contrat, à sa résiliation ou
encore à la déchéance par application des dispositions particulières
de la loi sur les assurances. Le courtier pourrait-il, en outre, avertir
l' assureur de la situation réelle au mépris de son devoir de
discrétion? La réponse négative paraît s'imposer, le courtier devant
cependant mettre fin à son intervention pour éviter le risque d'être
rendu complice de la fraude.

D. - L'architecte
445. L' article 23 du règlement de déontologie de l'Ordre des
architectes, créé par la loi du 26 juin 1963, énonce: «L'architecte est
tenu à ne pas révéler les secrets dont il est dépositaire par état ou par
profession, hors le cas ou il est appelé à rendre témoignage en justice
et celui ou la loi [ 'oblige à faire connaître ces secrets ».
La référence à l' article 458 du Code pénal saute aux yeux par la
formulation employée. Celle-ci est cependant de nature à créer une
équivoque qui est accentuée par Ie commentaire qu'en donne Paul
Rigaux, dans son ouvrage consacré à la profession ou il écrit : << Le
devoir du secret est inhérent à l'exercice d'une profession d'assis-
tance et commun à toutes les professions organisées en ordres pro-
fessionnels. Conseil et guide de son client, l' architecte devient forcé-
ment son confident. Tenu de s'enquérir d'un budget, d'en discuter
la suffisance, il obtient des informations concernant la situation de
fortune et les revenus du maître de l' ouvrage. Pour apporter à celui-
ci un concours utile dans l'élaboration d'un programme et la discus-
sion des avant-projets, il pénètre dans sa famille, ses bureaux, son
usine, observe et s' enquiert des modes de vie des occupants, des
procédés de fabricatiom (Paul RIGAUX, L 'architecte - Le droit de la
profession, Bruxelles, Larcier, 1975, p. 700).
446. Les tribunaux n'ont jamais été appelés à se prononcer sur
l' obligation au secret professionnel auquel l' architecte serait
astreint. Il est certain qu'ils considéreraient qu'il n'est tenu qu'à
332 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

une simple obligation de discrétion. Certes, il est appelé profession-


nellement à recueillir des confidences, mais la valeur de celles-ci ne
pourrait être considérée comme devant faire échec, par exemple,
aux nécessités de la répression. Les tribunaux qui ne reconnaissent
au banquier, également dépositaire de confidences, qu'un simple
devoir de discrétion, ne pourraient se prononcer différemment pour
l' architecte, à peine d'illogisme.

E. - L 'agent immobilier et le géomètre-expert juré


447. L'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre pro-
fessionnel et l' exercice de la profession d' agent immo bilier, pris en
exécution de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protec-
tion du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles
prestataires de services, dispose, en son article 5, 4°, que les titulai-
res de la profession réglementée d' agent immo bilier sont «tenues au
secret professionnel >> ( voy. Bernard LouvEA u, La responsabilité de
l'agent immobilier, Diegem, Kluwer, 1997).
Ni le rapport au Roi qui précède eet arrêté, ni la section de légis-
lation du Conseil d'Etat ne se sont exprimés sur les raisons qui ont
motivé une telle disposition dont on peut douter que les termes
<<secret professionnel» doivent être compris au sens de l'article 458
du Code pénal, d' autant que l' arrêté royal ne fait aucune référence
à cette disposition (voy. Pasin., 1993, pp. 3331 et suiv.). Il en est
d' autant plus ainsi que la loi du 1er mars 1976 ne s'y réfère pas
davantage.
448. Une situation en tous points semblable concerne le géomè-
tre-expert juré. L'arrêté royal du 18 janvier 1995 protégeant le titre
professionnel et l' exercice de eet te profession dispose en son
article 4, 4° que les titulaires de la profession sont <<lenus au secret
professionnel ».
Les mêmes observations peuvent être formulées que celles concer-
nant la profession d'agent immobilier (voy. Pasin., 1995, pp. 49 et
suiv.).

F. - L 'administrateur de société
449. A l'inverse du réviseur d'entreprise pour lequel la loi s'est
prononcée sans équivoque (voy. supra n° 8 407 et suiv.), et sauf le
cas particulier de la révélation de secrets de fabrication prévue par
0BLIGATION DE DISCRÉTION 0U DEV0IR DE RÉSERVE 333

l' article 309 du Code pénal, l' administrateur de société ne relève pas
du champ d'application de l'article 458 du Code pénal (voy. Robert
HENRION, <<Rapport sur le secret des affaires en droit belge>>, in Le
secret et le droit, Travaux de l' Association Henri Capitant, Dall.,
Paris, 1974, pp. 195 et sui v., spécialt p. 212; Xavier Drnux, <<La
divulgation d'informations concernant la société anonyme - Princi-
pes et sanctions>>, Rev. dr. ULB, 1992, pp. 63 et suiv., spécialt n° 17;
B. TILLMAN, <<L'obligation au secret et à la discrétion des adminis-
trateurs de société>>, Journ. trib., 1993, p. 549).
Aucune disposition légale ne prévoit davantage, de manière
expresse, une obligation de discrétion. Seules, de rares décisions de
jurisprudence l'ont consacrée (voy. civ. Gand, réf. 4 juin 1987 et
13 janvier 1990, Tijds. rechtspers. en vennoot., 1992, pp. 325 et 327).
Lorsque l' administrateur de société est également lié à celle-ci par
un contrat de travail - ce qui n'est pas inhabituel - il assume les
mêmes obligations de tout autre travailleur salarié.
450. Si l' administrateur de société n' est pas, en règle, soumis au
secret professionnel, une exception doit être retenue dans deux
domaines.
La première ressortirait - d'une manière à vrai dire assez peu uni-
voque - de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de
l' économie qui énonce en son article 30 que l' article 458 du Code
pénal est applicable à <<tout membre d 'un conseil d 'entreprise, qui a
communiqué ou divulgué abusivement des renseignements d 'ordre indi-
viduel, dont il a eu connaissance en raison de fonctions ou mandats
exercés en vertu des dispositions de la présente loi ».
Or, le conseil d' entreprise est composé du chef d' ent reprise et
d'un ou plusieurs délégués effectifs et suppléants désignés par lui,
avec pouvoir de le représenter et de l'engager en raison des fonc-
tions de direction qu'ils exercent dans l'entreprise. Tant ceux-ci que
le chef d'entreprise pourraient avoir la qualité d'administrateur de
la société, en sorte que la disposition de l' article 30 de la loi pourrait
leur être applicable. Il n'existe, cependant, aucune jurisprudence à
ce propos.
La seconde exception est plus nette : elle ressort des dispositions
de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et
aux marchés financiers, qui consacrent le délit d'initié. En effet,
l' article 189 punit d'un emprisonnement de trois mois à un an et
334 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

d'une amende de 50 à 10.000 euros les personnes qui disposent


d'une <<information privilégiée>> en raison de leur qualité de membres
des organes d' administration, de direction et de surveillance
(art. 182 à 184). Il est précisé que «l'auteur de l'infraction peut en
outre être condamné à payer une somme correspondant au maximum
du triple du montant de l 'avantage patrimonia[ tiré directement ou
indirectement de l 'infraction » et que «cette somme est recouvrée comme
une amende» (voy. Ph. LAMBRECHT, <<La réforme financière de 1990
- Du délit d'initié>>, Journ. trib., 1991, p. 671; D. PHILIPPE, <<Les
opérations d'initiés>>, Rev. prat. soc., 1991, p. ll0).
La disposition pénale relative au délit d'initié est applicable au
fonctionnaire qui recueille dans l' exercice de ses fonctions des infor-
mations privilégiées en matière économique et financière.

G. - Le travailleur salarié
451. L' article 458 du Code pénal ne s' applique pas aux indiscré-
tions commises par les employés, ouvriers ou gens de maison qui ne
sont tenus qu' à une obligation de discrétion pour tout ce qui peut
être connu dans l'exercice de leurs fonctions. Il n'est fait exception
que pour les collaborateurs des personnes visées par cette disposi-
tion pénale (voy. supra. n° 225).
Pour les employés et les ouvriers, le Code pénal incrimine la révé-
lation des secrets de la fabrique. L'article 309 du Code pénal
dispose : <1 Gelui qui aura méchamment ou frauduleusement communi-
qué des secrets de la fabrique dans laquelle il a été ou est encore
employé, sera puni d 'un emprisonnement de trois mais à trois ans et
d 'une amende de cinquante francs à deux mille francs>>.
La Cour de cassation a défini le secret de fabrique, comme rnn
fait technique qui, contribuant à la réalisation des opérations mises
en amvre dans une fabrique pour obtenir un produit déterminé, est
de nature à procurer au fabricant des avantages techniques et à lui
assurer sur ses concurrents une supériorité d'une nature telle qu'il
y a pour lui un avantage économique à ce qu'il ne soit pas connu
de ses concurrents>> (cass., 27 septembre 1943; Pas., 1943, I, p. 358;
voy. A. VAN MENSEL, <<De bescherming van fabrieksgeheim op tech-
nische know-how naar Belgisch recht, R. W., 1981-1982, col. 2001).
La Cour de cassation a jugé que c'est au juge du fond qu'il appar-
tient de décider que le procédé de fabrication qu'il constate consti-
0BLIGATION DE DISCRÉTION 0U DEV0IR DE RÉSERVE 335

tue un <<secret de fabrique,> (cass. 27 septembre 1943, Pas., 1943, I,


p. 358; cass. 26 juin 1975, Rev. crit. jur. b., 1976, p. 351, note de
Louis v AN BUNNEN, << Des conditions de la protection des secrets de
fabrique et du 'savoir-faire' technique,>).
452. L'étude des secrets de fabrique sortirait des limites de eet
ouvrage. Qu'il suffise de souligner que Ie Code n'incrimine pas toute
révélation de secret, mais uniquement celle qui a été faite mécham-
ment ou frauduleusement. L'exigence d'un dol spécial résulte de ce
que Ie fait punissable constitue une espèce d' abus de confiance. Les
expressions <<méchamment» et «frauduleusement» qui reviennent
souvent dans Ie Code pénal, visent, d'une part, Ie dessein de nuire
et, d'autre part, Ie désir de se procurer à soi-même ou à autrui des
avantages illicites. Quant à la divulgation même volontaire, mais
faite par irréflexion, et a fortiori la divulgation simplement fautive,
elles donnent éventuellement lieu à des dommages-intérêts, mais ne
tombent pas sous les sanctions de l' article 309 (Marcel RIGAUX et
Paul-Emile TRoussE, Les crimes et les délits du Code pénal, Bruy-
lant/L.G.D.J., Paris/Bruxelles, t. IV, p. 598).
L'article 17, 3° de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de
travail, énonce que Ie travailleur a l' obligation «de s 'abstenir tant au
cours de contrat qu 'après la cessation de celui-ci, de divulguer les
secrets de fabrication ou d 'affaires, ainsi que le secret de toute affaire
à caractère personnel ou confidentiel dont il aurait eu connaissance
dans l 'exercice de son activité professionnelle << (sub. 3°, litt. a)
(Antoine CoLENS et Monique CüLENS, Le contrat d'emploi, 6e éd.,
Bruxelles, Larcier, 1980, p. 302).
A la vérité, ces obligations ne sont pénalement sanctionnées que
sur la base assez restreinte de l' article 309 du Code pénal. Contre
l' ancien employé indiscret, Ie chef d' entreprise aura plus volontiers
recours, chaque fois que ce sera possible, à l' action en concurrence
déloyale, l'utilisation de procédés ou de documents secrets étant
considérée comme un acte contraire aux usages honnêtes en matière
commerciale.
453. La loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'éco-
nomie énonce en son article 30 que l' article 458 du Code pénal est
applicable à tout membre (notamment) ... d'un conseil d'entreprise
qui a communiqué ou divulgué abusivement soit des renseignements
d' ordre individuel dont il a connaissance en raison de fonctions ou
336 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

de mandats exercés en vertu des dispositions de la présente loi soit


des renseignements globaux de nature à porter préjudice aux inté-
rêts d'une entreprise.
L'arrêté royal du 27 novembre 1973 portant réglementation des
informations économiques et financières à fournir aux conseils d' entre-
prise énonce que les représentants des travailleurs au sein du conseil
d'entreprise doivent veiller, lorsqu'ils assurent !'information du per-
sonnel de l'entreprise, à utiliser les renseignements qui leur sont com-
muniqués, avec toute la discrétion nécessaire à la sauvegarde des inté-
rêts de l'entreprise (art. 32). En outre, l'article 33 prévoit que <<lors de
ses communications au conseil d 'entreprise, le chef d 'entreprise signale le
cas échéant, le caractère confidentiel de certains renseignements, dont la
diffusion serait susceptible de causer un préjudice à l 'entreprise ».
L' arrêté a prévu un recours auprès du fonctionnaire commissionné par
le ministre des Affaires économiques en cas de contestation sur le
caractère confidentie! des renseignements communiqués.
Quant aux membres des comités de sécurité et d'hygiène, ils ne
sont tenus que d'une simple obligation de discrétion.
454. La convention collective du 9 mars 1972 coordonnant les
conventions collectives de travail et les accords nationaux relatifs
aux conseils d' ent reprise conclus au sein du Conseil national du tra-
vail (modifiée par la convention collective du 25 juin 1974) impose
également une obligation de discrétion, en ce qui concerne les infor-
mations qu'elle prévoit. C'est ce qu'exprime le commentaire de l'arti-
cle 3: «Il faut à ce sujet é_viter de publier à l'extérieur de l'entreprise
des informations qui pourraient nuire aux intérêts de l'entreprise ►>
(Les conventions collectives ont été rendues obligatoires par les arrê-
tés royaux des 12 septembre 1972 et 5 septembre 1974).
Lors de l' adoption de la convention collective au Conseil national
du travail, les parties ont été d'accord sur l'interprétation qu'il con-
venait de retenir à ce sujet, à savoir qu'il fallait s' abstenir de faire
état publiquement de ces informations sous n'importe quelle forme.
Est particulièrement visée toute divulgation que pourrait faire un
travailleur ou une organisation syndicale dans une publication syn-
dicale ou dans la presse d'information générale, dans un communi-
qué à la radio ou dans un débat public (Jacques PrnoN et Pierre
DENIS, Les conseils d 'entreprise et les comités de sécurité et d 'hygiène,
éd. F.E.B., Bruxelles, 1979, p. 64).
CHAPITRE VII
LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE

BIBLIOGRAPHIE SPÉCIALE

l. ÜOCTRINE BELGE

Chevalier BRAAH, ,,Police, presse et secret professionneli> in En hommage à Jean


Constant», {,d. Fac. de droit de Liège, 1971, p. 69; Jan CEULERS, ,,Een zwijgrecht
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27 avril 2004, p. 7; Benoît GREVJSSE, ,,Les journalistes et la Chambre du secret»,
Le Vif/L'Express, 30 avril 2004, p. 24; Edouard JAKHIAN, ,,Libres variations sur
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les médias,, in Didace KrnANAHE et Yves PouLLET (dir.), Le secret professionnel,
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février 1985, p. 29; Paul TAPJE, «Un journaliste peut-il être tenu de désigner à
la justicc la source de ses informations et révéler les circonstances qui s'y
rapportent? •> in Le journaliste, oct. 1958, p. 1; D. VooRHOOF, ,,La protection des
sources des journalistes: développements réccnts et challenges actuels,,, Aut. et
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Il. DOCTRINE ÉTRANGÈRE

Patrick Al!VRET, «Secret professionnel et liberté d'expression du journaliste au


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affiches, 30 j ui liet 1997; Louis H UGUENEY, « Le secret professionnel du
journaliste» Rev. pénit., 1924. p. 2; Didier LAURA8, ,,Le plaisir de l'indiciblc: Ie
journaliste et Ie secret,, in Marie-Anne FRISON-RocHE (dir.), 8ecrets professionnels,
Paris, éd. Autrement, 1999, p. 226; Gérard MEMETEAU, <<La question du secret
professionnel du journaliste>>, Gaz. Pal., 14 février 1974, p. 97; Charles TRUEHART
(Entreticn avec -), ,,Les journalistes américains et Ie secret,, in Marie-Anne Fm-
HON-ROCHE (dir.), 8ecrets professionnels, Paris. éd. Autrement, 1999, p. 21.
338 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

455. Il peut, sans doute, sembler paradoxal de parler de secret


professionnel du journaliste dont le métier, précisément, est de dif-
fuser les informations qu'il a recueillies. Cependant, la question
n'est pas neuve: elle oppose de longue date et dans presque tous les
pays, les autorités judiciaires à la presse (voy. Gérard LEROY, op.
cit. ; Paul T APIE, op. cit. ; voy. aussi «Professional Secret and the
Journalist», Zurich, The International Press lnstitute, 1962).
La controverse concerne, au reste, moins l' obligation au secret
assortie de sanctions pénales que la revendication des journalistes
de se voir reconnaître le droit de ne pas révéler la source de leurs
informations, ainsi que leur déontologie professionnelle leur en fait
le devoir.
Deux arrêts plus que centenaires de la Cour de cassation
déniaient au journaliste le droit de se retrancher derrière le secret
professionnel pour refuser d' apporter son témoignage en justice
(cass., 7 nov. 1855, Pas., 1855, I, p. 424, et le rapport du conseiller
VAN HoEGAERDEN et cass., 25 avril 1870, Pas., 1870, I, p. 226). La
Cour supérieure de justice de Luxembourg, dans un arrêt rendu le
21 mars 1957, a également considéré que «le journaliste n'est pas
investi de fonctions qui permettent de le considérer comme étant
par profession ou par état, dépositaire de secrets d'autrui ►> (Journ.
trib., 1957 et Rev. dr. pén., 1956-1957, p. 999).
456. En fait, on retrouve dans le cas du journaliste, la confusion
regrettable qui a été fréquemment dénoncée, entre deux hypothèses
différentes.
La première concerne le praticien qui, dans l'exercice de sa pro-
fession, a recueilli les confidences de son client ou a pu avoir con-
naissance de secrets intimes : il trahit son devoir en les révélant à
des tiers et il est passible des peines correctionnelles édictées par le
Code pénal. Cette hypothèse est manifestement étrangère au cas du
journaliste: il ferait beau voir que l' on poursuive devant les tribu-
naux correctionnels un journaliste accusé de manquement au secret
professionnel pour avoir révélé les confidences reçues ! Si le secret
professionnel comporte le droit de se taire, il implique aussi le
devoir de ne pas parler et n'est pas divisible. Reconnaître que les
journalistes bénéficient du droit de se taire, reviendrait en même
temps à leur interdire de publier les faits appris dans l'exercice de
leur profession.
LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE 339

La deuxième hypothèse concerne toute personne appelée à rendre


témoignage en justice et à apporter son concours à la manifestation
de la vérité dans un procès pénal ou civil. Cette obligation est
générale; la jurisprudence considère que n'en sont dispensés que
ceux précisément qui sont astreints au secret professionnel dans le
sens de l'article 458 du Code pénal. Et ce n'est pas le cas du jour-
naliste.
457. Un journal n'est libre que si ses sources d'information le
sont. Si l' on devait se contenter des agences de presse officielles,
bien des informations importantes ne verraient jamais le jour et
bien des scandales ne pourraient jamais être dénoncés. Les informa-
teurs de la presse ne parleront cependant que s'ils sont certains de
ne pas être dénoncés et de n' encourir aucunes représailles. C' est au
nom de la liberté de la presse que les journalistes, lorsqu'ils reven-
diquent le secret professionnel, demandent de n' être pas contraints
de livrer leurs sources en justice, ce qui en fait n' est pas un pro-
blème de devoir de secret professionnel, mais de procédure pénale
(Henri BLIN, Albert CHAVANNE, Roland DRAGO, Traité du droit de
la presse, Paris, Libr. tech., 1969, n° 754; voy. aussi Roland DuMAS,
Le droit de ['information, Presses univ. de France, 1981, pp. 182 et
suiv.).
Les organisations professionnelles de journalistes sont unanimes à
réclamer cette prérogative et à proclamer l'indignité des journalistes
qui livreraient à la justice le nom de leurs informateurs. L' on se
trouve dès lors en présence d'un conflit entre la déontologie et le
droit positif: <<Le journaliste ... est tenu d'observer strictement le
secret sur l'origine d'informations privées, s'il n'en est expressément
délié par les intéressés. Ce respect du secret professionnel est une
des lois les plus impérieuses du journaliste, car c'est un élément
indispensable au plein exercice de la liberté de la presse et au com-
plet accomplissement de sa mission... Interrogé par un magistrat
sur l' origine de ses informations, le journaliste lui expose nettement
pour quelles raisons sa conscience professionnelle interdit de livrer
ce renseignement ►> (Léon Duw AERTS, L'organisation de la profession,
ses usages et sa déontologie, cours professé à l'Institut pour journa-
listes de Belgique, 1972, p.73).
458. Une partie de la doctrine a fait valoir qu'un tribunal pour-
rait, sans modification législative, en ayant égard à l'évolution des
340 LES PERS0NNES TENUES AU SECRET PR0FESSIONNEL

moours et à la transformation du röle de la presse, dire que le jour-


naliste jouit du droit de ne pas révéler ses sources, en affirmant que
le terme dépositaires, cité à l'article 458 du Code pénal, couvre éga-
lement les journalistes, ce qui entraînerait automatiquement pour
eux le droit au secret (Gérard LEROY, op. cit., n° 30).
Or, il est bien certain que l' article 458 du Code pénal, lorsqu'il
parle de dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu 'on leur
confie, n'a pas eu en vue les journalistes. Ce ne sont évidemment pas
des secrets qu' on leur confie, puisque les << confidences>> qui leur sont
faites sont destinées à être publiées.
459. Certains auteurs se sont demandé si l'on ne pourrait pas
transposer la jurisprudence qui existe en ce qui concerne les indica-
teurs de police. Sous peine de << grillen ceux-ci, les policiers sont
admis à taire leurs noms dans leurs dépositions, se contentant
d' affirmer qu'ils tiennent le renseignement d'une personne digne de
foi et désirant conserver l' anonymat (cass., 22 mars 1926, Pas.,
1926, I, p. 310). C'est peut-être, ont pensé ces auteurs, dans une
pratique analogue qu'on peut trouver une solution empirique suffi-
sante (Paul TAPIE, op. cit., p. 3; BLIN, CHAVANNE et DRAGO, op. cit.,
n° 754).
Ils ajoutent cependant que ce n'est que lorsque le juge esti-
mera la révélation de l'identité de l'informateur indispensable au
nom d'un intérêt supérieur - nous dirions d'une valeur supérieure
-, par exemple lorsque les intérêts de la Défense nationale sont
en jeu, qu'il mettra le journaliste en demeure de le révéler et, en
cas de refus, prononcera les peines qui frappent le refus de
témoigner.
460. Il a encore été imaginé que les tribunaux pourraient admet-
tre le refus de témoigner du journaliste en considération de la con-
trainte morale et déontologique considérée comme une cause de jus-
tification et d'excuse. Le Code d'instruction criminelle n'impose pas
au juge d'instruction ou à la juridiction de jugement une condam-
nation automatique du témoin réticent, et leur laisse le pouvoir
d'apprécier la valeur des excuses proposées. L'article 81 du Code
d'instruction criminelle, en admettant les causes légitimes, laisse au
juge l' appréciation de cette légitimité et lui permet de relever le
témoin de l' amende.
LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE 341

Ainsi, les magistrats, même en ne reconnaissant pas l' existence


d'un prétendu secret professionnel des journalistes, pourraient,
selon les circonstances qu'ils apprécient souverainement, dispenser
le journaliste de révéler les origines de ses informations. Cette solu-
tion, proche de celle retenue en faveur des officiers de police judi-
ciaire, sans être identique, offre l'avantage d'une grande souplesse,
en confiant à l' appréciation des juges le caractère confidentie! des
faits connus par les journalistes. Elle permettrait de concilier l'obli-
gation de tout citoyen de ne pas s' opposer à la bonne marche de la
justice et le respect de la liberté de la presse.
461. Chacune des solutions envisagées s'est trouvée dépassée sous
l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme qui a proclamé à plusieurs reprises que la protection des
sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté
de la presse: l' absence d'une telle protection pourrait dissuader ces
sources d' ai der la presse à informer le public sur des questions
d'intérêt général, en sorte que la presse pourrait être moins à même
de jouer son röle indispensable de <<chien de garde>> et son aptitude
à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver
amoindrie.
La Cour européenne a conclu qu'eu égard à l'importance que
revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de
presse dans une société démocratique, pareille mesure ne saurait se
concilier avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales - et plus particulièrement son article
10 qui garantit la liberté d'expression - que si elle se justifie par un
impératif prépondérant d'intérêt public (voy. Cour eur. dr. h., Gde
ch., Goodwin c. le Royaume-Uni, 27 mars 1996, Rev. trim. dr. h.,
1996, p. 433, et la note de Patrick DE FüNTBRESSIN, <<L'arrêt
Goodwin : le droit de se taire, corollaire du droit d'informer ►> et de
Philippe ToussAINT, <<Le secret des sources du journaliste>>; Jour.
trib. dr. eur., 1996, p. 140; Aut. et Méd., 1996, p. 351, et la note de
D. VooRHOOF; voy. égalt Coureur. dr. h., Ernst et autres c. la Bel-
gique, 15 juillet 2003, J.L.M.B., 2003, p. 1524). Dans cette dernière
affaire, la Cour a jugé que des perquisitions ayant pour objet de
découvrir les sources d'information des journalistes, même si elles
restent sans résultat, constituent un acte encore plus grave qu'une
sommation de divulgation de l'identité de la source comme c'était
le cas dans l' affaire Goodwin. En effet, les enquêteurs qui surpren-
342 LES PERSONNES TENUES AU SECRET PROFESSIONNEL

nent des journalistes à leur lieu de travail ou à leur domicile ont des
pouvoirs d'investigation très larges du fait qu'ils ont, par définition,
accès à toute leur documentation (voy. égalt Cour eur. dr. h., Roe-
men et Schmit c. le Luxembourg, 25 février 2003, Gaz. Pal., 30 mars-
1er avril 2003, p. 14, et la note de Christophe PETTITI).
462. Ainsi, le droit à !'information - ce dernier-né des droits de
l'homme, comme l'appelle Jean Rivero - doit parfois prévaloir sur
les nécessités de la répression des infractions quelque évidentes que
soient celles-ci.
Il a été jugé que le principe du secret des lettres ne peut être
opposé tel quel à un journaliste, car ce principe entre en conflit avec
le principe du secret des sources, principe réaffirmé par les plus hau-
tes autorités du pays parce qu' essentie! à l' exercice de la liberté de
la presse (Liège, 30 juin 1997, J.L.M.B., 1998, p. 9; voy. égalt civ.
Bruxelles, 16 décembre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 204; Aut. et Méd.,
1998, p. 260; Journ. proc., 1998, n° 341, p. 31, obs. François
JONGEN; Bruxelles, 5 février 1999 Aut. et Méd., 1999, p. 274, obs.
Foulek RINGELHEIM; Journ. proc. 1999, n° 367, p. 26, obs. François
JONGEN).
La Commission de la Justice de la Chambre des représentants a
adopté, en mars 2004, une proposition de loi accordant aux journa-
listes le droit de taire leurs sources d'information. La proposition
n'a jusqu'à présent pas été adoptée par la Chambre.
463. Quoi qu'il en soit de l'évolution de la jurisprudence ou de
la législation, une dispense de témoigner ne saurait avoir pour résul-
tat de placer le journaliste au-dessus des lois : comme tout autre
citoyen, il ne peut échapper aux dispositions du Code pénal relati-
ves au vol et au recel notamment de documents, à la diffamation,
à la calomnie ... (voy. Bruxelles, 27 novembre 1981, Journ. trib.,
1982, p. 43). La cour d'appel de Bruxelles a estimé que <<le journa-
liste qui connaît le caractère coupable de l' origine d' une pièce - en
l' espèce, obtenue gràce à son détournement frauduleux - commet
l'infraction de recel: ce n'est pas, comme voulait le faire croire la
défense, le renseignement qui fut ainsi recelé, mais bien la photoco-
pie matérielle obtenue à l'aide d'un détournement ►>. Cet arrêt fut
confirmé par la Cour de cassation le 7 avril 1982 qui relève que
«l'objet du recel était la photocopie obtenue à l'aide d'un détourne-
ment commis par un coprévenu, document n' ayant sans doute en
LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE 343

soi aucune valeur pécuniaire, mais présentant, par son contenu,


c' est-à-dire par les renseignements qu'il fournissait, un intérêt pour
son propriétaire ►>).
De même, le journaliste pourrait être poursuivi comme complice
d'une violation du secret professionnel en fournissant les moyens de
révéler au public les confidences <lont un praticien serait le déposi-
taire (cass. fr. req., 25 janv. 1968, J.C.P., 1968, IV, p. 35 et Dall.
pér., 1968, I, p. 153, le rapport du conseiller CosTA).
On peut lire sous la plume de Gustave Beltjens, il y a plus d'un
siècle: <<Celui qui se rend complice ou co-auteur par la voie d'un
journal du délit de secret professionnel ne peut pas exciper de sa
bonne foi pour échapper à la répressiom (in Encyclopédie du droit
criminel - 1ere partie : le Code pénal et les lois pénales spéciales,
Bruxelles, Bruylant, 1901, p. 573, n° 11).
464. Il a été jugé qu'en publiant des procès-verbaux obtenus par
des violations préalables notamment de l' article 458 du Code pénal,
un journaliste commet une faute civile au sens des articles 1382 et
1383 du Code civil, soit par la violation d'une règle spécifique de
prudence inscrite dans un texte de loi, soit par la violation du prin-
cipe général de prudence (An vers, réf., 8 février 1999, Aut. et M éd.,
1999, p. 241, obs. D. VooRHOOF et Alg. Jur. Tijds., 1998-1999,
p. 789, obs. ibid.; cass., 29 juin 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1589, obs.
François JONGEN, Aut. et Méd., 2001, p. 443; obs. Eric BREWAEYS,
R.G.A.R., 2002, n° 13.473). De même, la Cour de cassation a jugé
qu'en publiant des documents obtenus en violation du secret pro-
fessionnel et <lont ils n'ignoraient pas l' origine frauduleuse, des édi-
teurs ont participé, en connaissance de cause, à une atteinte à la vie
privée et aux droits de la défense, commettant ainsi une faute civile
qui aggrave le dommage.
En outre, même s'il ne peut être imposé aux journalistes de révé-
ler leurs sources, on ne peut pas non plus les croire sur parole, de
sorte qu'il leur appartient de démontrer que ce qu'ils ont écrit ou
dit correspond à la vérité ou, à tout le moins, qu'ils ont fait les
recherches nécessaires pour donner au public les renseignements les
plus exacts possibles (Bruxelles, 16 février 2001, Aut. et Méd., 2002,
p. 282; R.G.A.R., 2002, n° 13.590).
CONCLUSION

465. Il a été soutenu que l'hétérogénéité des diverses professions


soumises au secret professionnel et la diversité des questions qu'il
pose, avaient fait éclater la notion d'un secret professionnel unique,
en sorte qu'il serait préférable de procéder par voie d'études sépa-
rées. Certes, l'examen analytique du secret propre à chaque profes-
sion concernée, est riche d' enseignements. Mais une réflexion systé-
matique fait apparaître que chacune de ces professions se trouve
confrontée avec des conflits de valeurs analogues tenant à des inté-
rêts privés contradictoires ou mis en concurrence avec l'intérêt de
la collectivité, tels l'administration de la justice, la santé publique
ou les impératifs fiscaux de l'Etat. Sans doute, ces conflits peuvent
avoir une intensité différente d'une profession à l' autre et il serait
vain de nier leurs particularités. Il n'en reste pas moins que seule
une démarche globale permet de formuler une règle générale de con-
duite dont l'impérieux besoin est ressenti.
L' on a cru pouvoir résoudre toutes les difficultés en affirmant le
caractère absolu du secret professionnel érigé en véritable mythe.
Or, force est de constater que cette conception, qui a pour mérite
principal d' assurer au praticien un confort intellectuel indéniable,
est largement dépassée par les faits. Des esprits mesurés n' ont pas
hésité à la qualifier de <•mystification juridique>> jetant le discrédit
sur l'institution du secret professionnel elle-même.
Au départ de la conception absolutiste qui a longtemps prévalu,
écrit François Glansdorff, l'histoire du secret «est celle non de son
effritement, mais de la recherche de ses limites ( ... ), imposées tantöt
par l'intérêt général, souvent au nom de valeurs jugées supérieures,
tantöt par des intérêts parti culi ers>> (L' auteur analyse la situation
de l'avocat in D. KIGANAHE et Y. PouLLET, Secret professionnel, La
Charte, 2002, p. 147).
De bons esprits, tout en concédant qu' <<il n'est pas douteux que
la jurisprudence va évoluer dans le sens de la théorie de la hiérar-
chie des valeurs>> estiment que <,cette théorie aurait dû rester
d' application purement circonstancielle et exceptionnelle, au cas par
LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE 345

cas>> et ils expriment la crainte que certains Etats ne soient tentés,


en prenant appui sur elle, <<de donner la priorité à la répression et
de négliger les droits de la défense auxquels participe étroitement le
secret professionnel ( ... ) qui constitue un principe fondateur de
civilisation>> (Edouard JAKHIAN, <<Le secret professionnel de
l'avocat: un principe nomade>> in Liber Amicorum Lucien Simont,
Bruylant, 2002, pp. 1041 et suiv.).
Ce n' est pas en faire son deuil de penser que l' obligation au secret
doive céder devant certaines valeurs. C' est, au contraire, le moyen
le plus efficace de donner une force nouvelle à un devoir dont il faut
proclamer le caractère rigoureux.
La notion de secret professionnel a nécessairement évolué au fil
du temps. Pour la réaffirmer avec la vigueur nécessaire, il faut
impérativement la confronter avec les exigences de la vie moderne
en société. Conçue à l' origine comme une simple règle morale, elle a
fait ensuite son entrée dans le Code pénal. La jurisprudence actuelle
a le mérite de dépasser des conceptions traditionalistes, sans pour
autant faire preuve de laxisme, comme pourraient le redouter ceux
qui sont toujours craintifs devant les changements et s'obstinent à
mener des combats d' arrière-garde.
Le temps n'est plus aux conceptions rigides du XIX" siècle, même
si elles ont eu leur mérite. Aujourd'hui, Ie praticien se trouve con-
fronté à !' o bligation de hiérarchiser des valeurs et d' apprécier la
proportion des révélations qu'il pourrait être amené à faire pour
protéger la valeur qui lui paraît être prévalente. Certes, il sera sou-
vent dans l'incertitude et n' aura d' au tres ressources que de suivre
le précepte mora! connu :

- Ecoute la voix de ta conscience, elle est ton juge. -

1er janvier 2005.


BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Voy. également les ouvrages et articles cités dans les chapitres consacrés à tel ou tel
domaine spécifique.

ÜUVRAGES GÉNÉRAUX

I. - Doctrine belge

Benoît ALLEMEER8CH, <<Het toepassingsgebied van art. 458 Strafwetboek. Over het
succes van het beroepsgeheim en het geheim van dat succes», R. W., 2003-2004,
p. l.
Roger 0. DALCQ, <<Réflexions sur Ie secret professionneh, R.G.A.R., 1986, n° 11.056.
Alphonse DE BusscHERE, <•Quelques mots sur Ie secret profcssionnel au point de vue
des législations beige, française et luxembourgeoise1>, Ann. soc. méd. lég. de Bel-
gique, Bruxelles, 1902.
Alain DE NAUW, Initiation au droit pénal spécial, Story-Scientia, Bruxelles, 1987,
n'" 627 à 640.
Michel FRANCHIMONT, Ann JACOBS, Adrien MAsSET, Manuel de procédure pénale, Ed.
du Jeune barreau de Liège, 1989.
Robert GROSEMANS, <<Le secret professionnel et Ie droit privé en droit beige,>, in Le
secret et le droit, Travaux de l'association Henri Capitant - Journées libanaises,
Dalloz, Paris, 1974, p. 9.
Didace KIGANAHE et Yves POULLET, dir., Le secret professionnel, La Charte, Bruxel-
les, 2002, et spécialement Didace KJGANAHE, <<La protection pénale du secret
professionneh, p. 19.
Pierre LAMBERT, Le secret professionnel, Nemesis, Bruxelles, 1985.
J. LECLERCQ, «Secret profcssionneh, Novelles - Droit pénal, t. IV, 1989, pp. 248 et
suiv.
R. VAN LENNEP, De geheimhouding, Standaard, Anvers, 1950.
Pandectes belges, t. 96, v 0 Secret professionnel, Larcier, Bruxelles, 1909.
Répertoire pratique du droit belge, t. 12, v 0 Secret professionnel, Bruylant, Bruxelles,
1943.

II. - Doctrine étrangère


Maurice BLONDET, <<Le secret professionneh in La chambre criminelle et sa .iurispru-
dence - Recueil d 'études en hommage à la mémoire de Maurice Patin, Cujas, Paris,
1964, p. 199.
Yves-Henri BoNELLO, Le secret, P.U.F. (Coli. <<Que sais-je!1>), Paris, 1998.
348 BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Jean BRETHE DE LA GRESSAYE, v 0 Secret professionnel. Encycl. Dall., Dr. pén., 1977.
André DAMIEN, Le secret nécessaire, Desclée de Brouwer, Paris, 1989.
Mireille DELMAS-MARTY, ,,Apropos du secret professionnel•>, Rec. Dall.-Sirey, 1982,
Ch., p. 267.
Victor DEMARLE, De l'obligation au secret professionnel, thèse de l'Université de
Dijon, Nouvellet, Lyon, 1900.
René FLORJOT et Raoul CoMBALDIEU, Le secret professionnel, Flammarion, Paris,
1973.
Marie-Anne FR1soN-ROCHE (dir.), Secrets professionnels, Autrement, Paris, 1999.
André HALLA YS, Le secret professionnel, Librairie nouvelle de droit et de jurispru-
dencc Arthur Rousseau, Paris, 1890.
Raymond LJWEAI8, Violation du secret professionnel, J.C.P., 1972.
Charles MEIWER, Le secret professionnel, thèse de la faculté de droit de Paris. Chau-
mont. Paris, 1895.
Charles MUTEAU, Du secret professionnel, de son étendue et de la responsabilité qu 'il
entraîne, Maresq, Paris, 1870.
André PERRAUD-CHAJtMANTIER, Le secret professionnel, ses limites, ses abus,
L.G.D.J., Paris, 1926.
Louis SADOUL, Le secret projessionnel, thèse de la faculté de droit de Nancy, Arthur
Rousseau, Paris, 1894.
Auguste TAPJE, Du délit de révélation de secrets, thèse de l'Université de Toulouse,
Saint-Cyprien, Toulousc, 1899.
Georges WERNER, Le secret professionnel, thèse de la faculté de droit de Genève,
Librairie Kündig, Genève, 1907.
INDEX ALPHABÉTIQUE
( Les chiffres renvoient aux numéros de l 'ouvrage)

A
Absolu (Secret), 46
Abstention, 66
Accès aux documents administratifs, 15:3
Accident de la circulation. 220, 227, 345
Accident du travail, 269, 270
Accoucheuse,61,226
Action en paiemcnt d'honoraires, 183
Action en rcsponsabilité, 180
Adjudications publiques, 363
Administration, 259. 360
Administration de la justice, 55
Administration provisoire, 130
Agent communal, 366
Agent de change, 437, 441
Agent d'affaires, 311
Agent de J'Etat, 359
Agent des administrations publiques, 359 et sui v.
Agent des C.P.A.S., 366,371 à :380
Agent des Monts-de-piété, :no
Agent des postes, 40:3
Agent des téléphoncs, 40:3
Agent du fisc, 381
Agent immobilier. 44 7
Agent provincial, 366
Aide à la jeuncssc, 358
Aide, 224
Aide juridiquc, 284
Aide sociale, 372. 380
Aliéné, 128
A.M. & 8. (Arrêt-). 416
Ambulancier, 234
350 INDEX ALPHABÉTIQUE

Ancien Régime, 7
Annulation de mariage, 326
Anonymat, 339 et 340
Antiquité, 3
Apothicaire, 226
Appel à témoin, 140
Appréciation du juge, 94, 112
Arbitre, 334
Architecte, 445 et 446
Assistant, 224
Assistant de justice, 4,427
Assistant de probation, 426
Assistant(e) social(e), 355,425
Assurance-vie, 258
Assurances sociales, 263
Assureur, 443
Attentat, 62, 63
Aumönier de prison, 319 et 320
Auteur (Droits d'-), 434.
Autorisation de l'intéressé, 51, 97 à 103
Autorisation du procureur général, 115
Autorisation tacite, 101, 194, 196
Autorités disciplinaires, 59, 118 à 125, 196.
Auxiliaire médical, 233
Avocat, 277 à 303
Avocat assumé, 225
Avortement, 61,219,236

B
Banque-carrefour, 193,397
Banquier, 437 à 440
Barbier, 10, 226
Belfox, 392
Bible, 4
Blanchiment d'argent, 75 à 80
Bureau d'aide judiciaire, 284

C
Capitulaires de Charlemagne, 4
INDEX ALPHABÉTIQUE 351

Casier judiciaire, 367


Casino, 76
Cellule de consultation matrimoniale, 234
Centre de planning familial, 324
Centrc de traitement des informations financières, 78, 79
Centre médico-psycho-social, 66, 234
Certificat aux assurances privées, 258
Certificat d'internemcnt, 128
Certificat médical, 251
Certificat post mortem, 255
Cession de créances, 31:3, 380
Charlemagne, 4
Chirurgien, 9, 10, 226, 227
Cieéron, 4
Clerc, 224, 225, 306
Co-auteur, 208
Code de déontologie, 237
Collaborateur, 225
Collaborateur occasionnel, 225
Comité de proteetion de la jcunesse, 354
Comité de séeurité et d'hygiène, 453
Commission bancaire, financière et des assurances, 387
Commission de la protection de la vie privée, 193
Commission de libération conditionnelle, 330
Commission de marché, 392
Commission d'enquête parlementaire, 15, 104 à 106
Commission d'évaluation des interruptions de grossesse, 61
Communieations à la presse, 143,148
Communications (Secret des-), 405
Compromis de ventc, 311
Complicité, 208
Comptable, 412
Concile de Carthage, 5
Concile de Latran, 5
Concile de Trente, 5
Condamnation d'un innocent, 186
Confesseur, 317
Confession (Secret de la-), 57, 318, 320
Confident (Intérêt du-), 176 à 185
Confident nécessaire/volontaire, 1,202,436
352 INDEX ALPHABÉTIQUE

Conflit de devoirs, 34 à :rn


Conflit de valeurs, 37 à 44, 54
Congé de maternité, 271
Congrégation religieuse, 324
Conjoint, 175
Conscience, 101
Conseil contra] de !'Economie, 393
Conseil d'entreprise, 450,453
Conseil de !'aide sociale, 372
Conseil provincial, 151
Conseil supérieur de la justice, 353
Conseiller communal, 369
Conseiller conjugal, 2a4, 421,424
Conseiller en placement, 390
Conseiller juridiquc, 415
Conseiller laïc, 32:1
Consentement, 51, 53
Consommation (Crédit à la ), 398
Contrainte moralc, 35, 188
Controle du Conseil d'Etat, 151 et 152
Controle du juge, 96
Conventions collectives, 454
Copie du dossier répressif, 115
Corps du délit, 290, 298
Correspondances, 288 à 292
Courtier c!'assurance, 443 et 444
Crédit à la consommation, 398
Criminalité informatique, 142
Culte reconnu, 322, 323, 324
Curateur de faillite, 42

D
Danger (Personne en ), 18, 66, 170
Débile mental, 128 à 130,187,242
Déclaration de décès, 166
Déclaration de maladics contagieuses, 126
Déclaration de naissance, 161
Défense (Droits de la ), 48, 178
Défcnse du territoire, 360
INDEX ALPHABÉTIQUE 353

Défense sociale, 330


Délation, 56
Délégué à la protC'ction de la jC'unesse, :354, :356
Délégué général aux droits de !'enfant, 73,428
Délibéré (Secret du ), 328
Délier du secret, 58
Délit d'initié, 450
Délit sexueL 68
Dénonciateur, 11, 16, 55
Dénonciation de crimes et délits, 16, 55 à 63, 78
Dentiste, 234
Dépositaire, 20
Dérogations, 54
Détective, 429
Détention illégale, 57
Devoir de réserve, 435
Diacre, 324
Digeste, 277
DircctC'ur d'höpital, 234
Directeur de maison de soins, 234
Disciplinaire (,Jugc ), 118 à 125
Discrétion (Obligation de ), 4:3iï
Dispensc de témoigner, 8:3 à 85, 90, 99, 102, 114, 180,278,285
Divorcc,217,310,321,326
Documents administratifs (Accès au ), 15:3
Dol, 209
Données à caractère personnel, 193,230
Dossier administratif, 153
Dossier médical, 111, 169, 245 à 250
Dossier répressif, 115 à 117
Droguiste, 60,226, 235
Droit à !'information, 148
Droit au silence, 91
Droit de la défense, 48, 178
Droits d'auteur, 434
Droits du malade, 173
Duel, 14
354 INDEX ALPHABÉTIQUE

E
Echelle des valeurs, 40
Economie (Organisation de I' ), 393,450,453
Ecoutes téléphoniques, 188 à 193
Edit de Nantes, 6
Edit de Saint-Germain-en-Laye, 9, 10
Electroniques (Données -), 250
Elément matériel, 202
Elément moral, 209
Employé, 451 à 454
Employé du greffe, 336
Employeur, 271 à 273, 419 et 420
Empoisonnement, 51, 60,349
Endossement, 380
Energie nucléaire, 399
Enfant maltraité, 64 à 74
Enfant naturel, 14
Enquête parlementaire (Commission d'-), 15, 104 à 106
Entreprise d'investissement, 394
Environnement, 399
Epidémie, 127
Epilepsie, 244
Erreur judiciaire, 52, 186
Etablissement de crédit, 387
Etablissement de soins, 352
Etat, 223
Etat civil (Registre de I'--), 368
Etat de nécessité, 41, 53, 63
Etendue,237,279,308,320
Etudiant en médecine, 234
Euro, 15
Evêché (Secrétaire de I'-), 325
Examen médical, 271
Excuse (Cause d' -), 35, 188
Exercice illégal, 227
Expert comptable et fiseal, 412 à 414
Expert judiciaire, 345 à 352
Externe des höpitaux, 234
INDEX ALPHABÉTIQUE 355

F
Fabrique (Secret de - ), 399, 451
Facultés de médecine, 8
Faillitc, 42
Faits étrangers, 85,237,239,279, 285
Femme d'un ministre du culte, 324
Financement du terrorisme, 75 à 80
Fisc (Impératifs du ), 131 à 138
Fonctionnaire (voy_ Agent des administrations publiques)
Fondement contractuel, 19, 22
Fondement social et d' ordre public, 23 à 27
Fondement mixte ou mora!, 28 à 33
Fonds (Transfert de-), 291
Force irrésistible, 188
Fortuit (Concours-), 225

G
Garde-malade, 234
Gendarmerie, 401
Géomètrc-cxpert-juré, 448
Gestion de fortune, 309
Grcffier, 336
Grossesse (lnterruption de ), 61, 236
Groupe (Médecine de-), 240
Guérisseur, 227

H
Héritier, 65,255 à 257,311
Hiérarchie des valeurs, 39, 40, 63
Hippocrate, 3
Histoire (Nécessités de!'-), 159
Honoraires (Action en paiement d'-), 183
Höpital, 234
Hötesse d'accueil, 235
Huissier de justice, 344

I
Impératifs fiscaux, 131 à 138
356 INDEX ALPHABÉTIQUE

Impossibilité de procréer, 255


Imprudence, 209
Incapable, 242
Incapacité de témoigner, 94
Incapacité de travail, 271
Incinération, 167
Indépendants (Statut social des ), 400
Indicateur de police, 338, 341
Indignité successorale, 57
Infiltration, :341
Infirmier(e), 234
Informateur, :341
Informatique, 133, 142, 250
Information du malade, 172
Initié (Délit d' ), 450
Inquisition, 5
Inspection médicale, 66
Institut psychiatriquc, 234
Institutes, 4
Intention de nuire, 47,209
Intérêt du confident, 176 à 185
Intérêt du patient, 168 à l 7ö
Intérêt mora!, 52
Intérêt social, 50, 51
Interne des hópitaux, 234
Internement (Certificat d'-), 128
Interruptions de grossesse (Commission d'évaluation des--), 61,236
Inventions, 399
Ivresse, 332

J
,Tournai intime, 222
,Journaliste, 45ö à 463
Juge, 329
,Juge consulaire, 33;3
,Juge d'instruction, 332, 340
Juge social, 333
,Juré d'assises, 159, :3;33
Juridiction disciplinaire, 118 à 125
INDEX ALPHABÉTIQUE 357

,Juriste d'entreprise, 415 à 420


,Jury (Membre d'un -), 362
Justice disciplinaire, 118 à 125
Justification (Causes de-), 35, 53, 54,211
J ustinien, 4

K
Kind en Gezin, 67
Kinésithérapeute, 197, 231, 2:t3

L
Légitime défonse, fi3, 178
Lettre anonyme, ;339
Lettres (Secret des ), 403 à 406
Levée du secret, (33
Libération conditionnelle, 330
Listing, 238
Louage de services, 21

M
Magistrat, 331
Maison de justice, 427
Malade (Droits du-), 173
Malade mental, 128 à 130, 187
Maladie contagieuse, 126, 187
Maladie héréditaire, 244
Maltraitance, 66
Mandat, 21,285
Marchés publics, 155, :rn:3
Marchés financiers, 387
Mariage projcté, 38, 186, 323
Matcrnité, 2:34
Maternité (Recherche de ), 163
Médecin, 227
Módccin-conseil, 198
Módecin de confiancc, 67
Módccin des prisons, 278
Módccin expert, 34(3 et 346
Médecin hospitalier, 227
358 INDEX ALPHABÉTIQUE

Médecin militaire, 228


Médecin traitant, 227,260,269,350
Médecin vétérinaire, 232
Médiateur, 421
Médiateur de dettes, 422
Médiateur familial, 423
Mémoires, 159
Méthodes particulières ... , 341
Militaires, 228
Mineur, 68,242
Mineurs (Protection pénale des-), 18, 64 à 74
Ministre du culte, 317 à 327
Mobile, 209
Mont-de-piété, 370
Motiflégitime, 93, 109, 113
Motivation des actes administratifs, 151
MoyenAge, 8
Multiprofessionnalité, 198
Mutualités, 268

N
Naissance (Déclaration de-), 161
Nature du secret professionnel, 45
Nécessités de l'Histoire, 159 et 160
Nécessité (Etat de-), 41
N écessités scientifiques, 156 à 158.
Négligence, 209
Non-assistance à personne en danger, 18, 66, 170
Notaire, 304 et sui v.
Notoriété publique, 159
Nouveau-né, 165
Nuire (lntention de ), 47

0
Obligation de dénoncer, 56
Obligation de parler, 102
Obligation morale, 52
Objet, 320
Observations médicales, 157 et 158, 290
INDEX ALPHABÉTIQUE 359

Office national des pensions pour travailleurs salariés, 400


Officier de santé, 10, 11, 227
Office des séquestres, 310
Opérateur postal, 403
Ordinateur, 250
Ordre public, 26, 27
Ordre supérieur, 38
Ordres professionnels, 335
Origines, 163
Ouvrier, 451

p
Parents, 90,175
Pasteur, 323
Peines, 200
Pension de retraite et de survie, 400
Permis d'incinérer, 167
Perquisitions, 274, 296, 315
Pharmacien, 227, 229
Philippiques, 4
Policier, 338,342
Postes, 403
Pouvoir d"appréciation du juge, 94
Préjudice, 206, 210
Prélèvement sanguin, 220
Presse (Communication à la-), 143, 148
Prcstation de serment, 87, 93, 328
Prêt d'études, 309
Prêtre,318,319,320
Prise de sang, 220,271
Probation (Assistant de-), 426
Proches, 90, 175
Production forcée de documents, 107 à 117
Profes~on,32,33,223
Profession de soins de santé, 249
Proportionnalité, 44, 179
Protection pénale des mineurs, 18, 64 à 74
Proverbes de Salomon, 4
Provocation, 208,212
360 INDEX ALPHABÉTIQUE

Psychologuc, 234, 355 et 356


Publicité des débats, 118, 185, 207
Pudeur (Attentat à la ) , 63

R
Rabbin, :123. 324
Reccl, 463
Recensemcnt, 361
Reddition de comptes, 310
Référendaire, :136
Registre de l'état ei vil, 368
Registre national, 396
Règlement collcctif de dettes, 42, :H4
Régulateur des sectcurs des postes, 405
Rclatif (Secret ), 50
Religion réforméc, 6
Rente viagère, 2,59
Réquisition, 349
Réserve (Devoir de - ), 435
Rcsponsabilité (Mise en cause de la-), 103, 180 à 182,341
Révélation, 16
Réviseur d'cntreprises, 407

s
Sabam. 434
Sacrement, 5
Sage-femme, 15, 61,227,231
Saisie-arrêt,
- entre les mains d'un avocat, 293
entre les mains d'un notaire. 316
Saisies, 274
Salomon, 4
Salut public, 13, 50
Sanction civile, 212
Sanction disciplinaire, 213
Sanction pénale. 200
Sanction de procédurP, 217
Sang (Prise de-), 220, 271
Santé, 126
INDEX ALPHABÉTIQUE 361

8anté publiquc, 127


8ccllés, 310
Secret absolu, 1, 46, 48
Sc>cret bancaire, 437
Secret de fabrique, 399, 451
8ecret de la confession, 5
Secret de l'administration, 360
Secret de lïnstruction, 139 à 150
Secret des lettres, 403 à 406
Secret des sources, 457
Secret étranger à la profession, 202 et 203
Secret médical, 226 à 276
Secret partagé, 194, 240
Secret relatif, 50
Secrétaire, 224, 225
Sectcs, 324
Sécurité publique, 359
8équcstration, 62
Séquestre, 309
Serment, 87, !l3, 328
8erment d'Hippocrate, 3
8erment (Prestation de - ), 9;3
Service de renscignement et de sécurité, 402
8ervice de santé administratif, 152, 272
Services postaux, 403
Sévices, 65, 67
Sida, 126, 127
Silence (Droit au-), 91
Société fédérale d'invcstissement, 394
Soumission publiquc, 362
S.O.S. Enfants, 66
Stagiaire, 224, 413
Stagiaire judiciairc, 335
Statistiques, 167, 395
Statut social des indépendants, 400
Substance vénéneuse, 230
Succession, 311
Sûreté de l'Etat, 318,399,402
Synode de Figeac, 6
362 INDEX ALPHABÉTIQUE

T
Télécommunications, 403
Témoignageenjustice, 15, 16, 17, 81 à87
- en matière civile, 92 et 93
- en matière pénale, 88 à 91
Témoin anonyme, 340
Témoin d'un délit, 57, 58
Témoin instrumentaire, 306
Tentative de révélation, 206
Testament, 312
Terrorisme (Financement du-), 75 à 80
Thomas d' Aquin, 5
Tiers (lntérêt d'un -), 186
Ticrs saisi, 316
Traducteur, 364
Transfert de fonds, 291
Transparence administrative, 153 et 154
Travailleur salarié, 45 l
Travailleurs sociaux, 378
Tribunal de la jeunesse, 355 et 356
Tribunal militaire, 328
Tuberculose, 244

V
Valeurs (Conflit de-), 37 à 44
Vétérinaire, 232, 335
Vie privée, 134, 151,191,398
Violence conjugale, 170

w
Watelet (Arrêt -), 47
TABLE DES MATIÈRES

PAGES

AVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . 5

lNTRODUCTION Hl8TORIQUE 7

SECTION 1. - L'Antiquité et l'Ancien droit ... 7

SECTION 2. Le Code pénal de 1810 .. 12

SECTION 3. Le Code pénal de 1867 . . 14

SECTION 4. -- L 'article 458bis du Code pénal ( relatif à la protection pénale


des mineurs) ....... . 16

TITRE I
LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

CHAPITRE I. - LE FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL. 17

SE CT ION 1. - La théorie du fondement contractuel . ..... . 17

SECTION 2. - La théorie du fondement social et de l'ordre public ... 19

SECTION 3. - La théorie du fondement mixte ou moral 22

SECTION 4. - La théorie des conjlits de devoirs .... 26

SECTION 5. - La théorie des conflits de valeurs . 27

CHAPITRE II. - LA NATURE DU SECRET PROFESSIONNEL .. 34

SECTION 1. - La conception du secret absolu .. . 34

SECTION 2. - La conception du secret relatif .... . 37

CHAPITRE III. - LES DIFFÉRENTS CONFLITS DE VALEURS. 41

SECTION 1. - L'administration de la justice .... 41


364 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

A. - La dénonciation de8 crimes et des délits. 41

R. La protection pénale des mineurs 47

C. La répression du blanchiment d'argent et du financement du terroris-


me. 56
D. - Le témoignage en justice ..... 61

a. Le témoignage en rnatière pénale .... 65


b. Le témoignage en matière civile 68
c. Le pouvoir d'appréciation du juge. 68
d. L 'autorisation de la personne qui s 'est confiée 70

E. -- La déposition devant une Commission d'enquête parlementaire . . . 75

F. - La production forcée de documents 78

G. - La justice disciplinaire .. 86

SECTION 2. - Les valeurs sociales . . 91

A. - La santé et la sécurité publiques .. 91

a. La déclaration des maladies contagieuses 91

b. Le traitement des malades mentaux. 94

B. L 'intérêt de l 'Etat et les impératifs fi8caux 96

C. Le droit à /'information. 102

a. Le secret de l 'instruction 102

b. Le8 nécessités scientifiques. 114

c. La notoriété publique et les droits de l'Histoire. 117

SECTION 3. Les valeurs individuelles ou familiales 119

A. - Les déclarations de naissance . 119

B. - Le8 déclarations de décès . .. 122

C. - L 'intérêt de la personne qui s 'est confiée 123

D. - L'intérêt du confident. 129

a. Le principe 129

b. La mise en cause de la responsabilité d·u confident 132

c. L 'action en paiement d 'honoraires 133


TABLE DES MATIÈRES 365

PAGES

E. L'intérêt d'un tiers. 136


F. La protection de la vie privée et les écoutes téléphoniques. 138

SECTION 4. - Le secret partagé ... 142

CHAPITRE IV. - LEH SA:-ICTIONS DE LA VIOLATION DU SECRET PIWFES-


SIONNEL ... 147

SECTION 1. - Les sanctions pénales 148


A. - Les éléments constitutifs du délit . 149
a. L 'élément matériel . 149
b. L 'élément rnoral. 153
B. - Les causes de justification. 155

SECTJON 2. Les sanctions civiles .. 155

SECTION 3. Les sanctions disciplinaires. 156

SECTION 4. - Les sanctions de procédure . . 158

TITRE II
LES PERSONNES TENUES
AU SECRET PROFESSIONNEL

G~;NÉRALITÉS . 165

CHAPITRE I. - LE SECRET MÉDICAL 169

Bibliographie speciale 169

1. - Doctrine belge. 169

II. - Doctrine étrangère . ... 170

SECTJON 1. -- Introduction .. 170

SE CT JON 2. - Les personnes tenues au secret rnédical . 171

A. - Les personnes expressérnent visées par l 'article 458 du Code pénal. 171
B. Les auxiliaires rnédicaux. 176
C. - La Cornmission d 'évaluation des interruptions de grossesse . . 178
366 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

SECTJON 3. - Le principe et ses applications .. 178


A. L'étendue . 178
B. -- Le dossier médical 184
C. Les certijicats médicaux . .. . 188
a. Les certificats ordinaires ................ . 188
b. Les certificats post mortem . . . . . . . . ............. . 191
c. Les certijicats destinés aux assurances privées . . . 193
D. - Les relations avec les assurances sociales .... . 196
E. - Les relations avec l 'employeur ............. . 202

SECTION 4. - Les perquisitions et les saisies . 205

CHAPITRE II. LE SECRET PROFESSIONNEL DE L' AVOCAT 208

Bibliographie spéciale 208

I. - Doctrine belge. 208

II. - Doctrine étrangère ........... . 209

SECTJON 1. - Introduction .......... . 209

SECTION 2. - Le principe et l 'étendue ..... . 211

SECTION 3. - Le caractère confidentie/ de la correspondance ....... . 217

SECTION 4. - Les saisies-arrêts entre les mains de l 'avocat 221

SECTION 5. - Les perquisitions et les saisies .. 225

CHAPITRE III. LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE . . . . . . . . . . 233

Bibliographie spéciale ... . 233

I. - Doctrine belge . ...... . 233

II. - Doctrine étrangère ... . 233

SECTION 1. - Le principe . ......... . 234

SECTION 2. - L'étendue et les dérogations .... 236

SECTION 3. - Les perquisitions et les saisies . 240


TABLE DES MATIÈRES 367

PAGES

CHAPITRE IV. - LE SECRET PROFESSIONNEL DU MINISTRE DU CULTE . . . . 243

Bibliographie spéciale . 243

1. Doctrine belge. 243

II. - Doctrine étrangère . 243

SECTION 1. - Le principe. 243

SECTION 2. L 'étendu.e . 246


A. - L 'objet . .. 246
B. - Les personnes 249
C. - Les lirnites . 251

CHAPITRE V. LES AUTRES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES 253

SECTION 1. -- Les organes et les auxiliaires de la justice . 2,53


Bibliographie 8péciale 253
I. - Doctrine belge. 253
II. Doctrine française . 253
A. Le juge, le juré, l 'arbitre, le stagiaire judicfoire . 254

R. Le greffier, /'employé du greffe, le référendaire. 258


C. - Le policier 260
D. - L 'huissier de justice . 263
E. - L 'expert judiciaire 263
F. - Les membres du Conseil supérienr de la justice 269
G. - Le délégué à la protection de la _jennesse 270

SECTION 2. - Les agents des administrations publiques 274

Bibliographie spéciale .. 274

A. - Les agents en général. 274


B. Les agents provinciaux, communaux et des centres publics d'aide
sociale 279
C. Les agents du fisc. 287
D. - Les agents chargés du controle des marchés financiers............ 291
368 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

E. Les agents de quelques administration,s particulières 295


F. - Les agents des services postaux et des télécommunications ..... 301

SECTION 3. - Catégories professionnelles diverses. 303


Scction 3. - Bibliographie spéciale .... 303
A. Le réviseur d 'entreprise .... 304
B. - L 'expert comptable et fiscal. 307
C. - Le furiste d 'entreprise . . 308

D. Le médiateur, le conseiller conjugal . ... 312


E. - L 'assistant ( e) social ( e), l 'ussistant de justice .. 316

F. Le délégué général aux droits de / 'enfant ..... 318


G. - Le détective privé 3)9

H. - La société de gestion de droits d 'autenrs ..... . 321

CHAPITRE VI. - LES PERWNNES TENUES À UNE SIMPLE OBLIGATION DE


DISCRÉTION OU A UN DEVOIR DE RÉSERVE . 322

SECTION 1. - La distinction entre Ze secret, la discrétion et la réserve . 322

SECTJON 2. - Les personnes concernées 324


A. - Le banquier . 324
Bibliographie spéciale ... 324
B. L'agent de change. 328
C. L 'assureur et le courtier d 'assurance . 330
D. L 'architecte . .... . 331

E. - L 'agent immobilier et le géomètre-expert juré. 332


F. L 'administrateur de société .... 332

G. - Le travailleur salarié .. 334

CHAPITRE VII. LE CAS PARTICULIER DU JOURNALISTE 337

Bibliographie spéciale . 337


TABLE DES MATIÈRES 369

PAGES

CoNCLlfHION ... 344

iliBLHH!RAPHIE GÉNÉRALE. 347

349

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