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DECENTRALISATION FISCALE: L'EXPERIENCE MAROCAINE

SBIHI Mohamed

Professeur à la faculté de Droit-Rabat

La fiscalité locale est composée d’impôts portant sur différents secteurs de


l’immobilier aux services en passant par le transport, Le tourisme , la pêche…

Cette fiscalité est le fruit d'une évolution historique, que les circonstances
économiques et politiques ont enrichies par des apports successifs.

Avant le protectorat les collectivités locales n'avaient pas de ressources


propres. Le produit des droits de portes et des marchés perçu au niveau local se
confondait avec les ressources générales du Royaume.

Sous le protectorat, de nombreuses taxes, contributions et redevances ont


été créées au profit des collectivités locales à partir de 1916 .
De même le principal de certains impôts à savoir la taxe urbaine et la patente a
été abandonné au profit des budgets locaux à partir de 1942.

L'avènement de l'indépendance, qui s'est traduit par un accroissement des


besoins a incité les responsables à doter les budgets des collectivités locales de
nouvelles ressources.

Le Dahir du 23 mars 1962 a fixé une liste de prélèvements fiscaux au profit


des collectivités locales, en distinguant ceux qui ont un caractère obligatoire et
ceux qui restent facultatifs.

En 1978 une reforme de la fiscalité immobilière, (la taxe urbaine, la taxe sur
les profits immobiliers et l'impôt sur les terrains non battis ), s'est répercuté
favorablement sur les recettes fiscales des collectivités locales, puisqu'une part
de ces recettes a bénéficie à ces dernières

A partir de 1984, la Loi cadre sur la réforme de la fiscalité d'Etat a consacré


la rétrocession de la taxe urbaine et de la patente aux collectivités locales, elle a
également accordé 30% du produit de la TVA aux budgets des collectivités
décentralisés.
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Ces différentes mesures fiscales n'étaient pas de nature à subvenir aux


besoins sans cesse accrus des entités territoriales, c'est ce qui a justifié une
réforme de grande ampleur à partir de 1989

Cette réforme a cherché à remédier aux défaillances du système construit


progressivement au fil du temps, puisqu’elle a visé une codification de la
fiscalité des collectivités locales, un élargissement du champ d'application des
impôts par l'appréhension de nouvelles matières imposables, une certaine
articulation entre la fiscalité d'Etat et la fiscalité locale, tant au niveau de
l'organisation que de la gestion et une responsabilisation du conseil communal

La traduction pratique des réformes de la fiscalité locale a t-elle permis


d'atteindre les objectifs escomptés ?
Nous tenterons d'apporter quelques éléments de réponse à cette question à
travers l'analyse de la réalité de la décentralisation fiscale, étant convaincu
qu'une réforme n'est jamais une œ uvre achevée.

I- LA REALITE DE LA DECENTRALISATION FISCALE

Les collectivités locales ne sont pas dotées d’un pouvoir autonome de


création d’impôts, car ce pouvoir reste du ressort de l’organe législatif, les
collectivités décentralisées ne peuvent que fixer dans le cadre des lois et
règlements en vigueur, le mode d’assiette, les tarifs et les règles de perception
de diverses taxes, redevances et droits divers qu’elles perçoivent. Par
conséquent la fiscalité décentralisée ne constitue en réalité que le prolongement
local de la fiscalité d'Etat.

A - UNE FISCALITE LOCALE SUBORDONEE EN PARTIE A LA


FISCALITE D’ETAT

La fiscalité décentralisée comporte, une mosaïque d’impôts d’Etat affectés


aux collectivités territoriales à côté de taxes spécifiquement locales.
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1 - Une mosaï que d’impôts d’Etat affectés et de taxes locales

Ressource importante des collectivités décentralisées, la fiscalité locale est


une juxtaposition d’impôts d’Etat affectés aux entités territoriales, de taxes et
redevances spécifiquement locales.

La rétrocession d’une part du produit de certains impôts d’Etat aux


collectivités décentralisées s’est imposée suite au transfert de nouvelles
responsabilités économiques et sociales au niveau local.
Il s’agit de la taxe urbaine, de l’impôt des patentes et de la part de la TVA.

La taxe urbaine, qui porte sur les immeubles battis et les constructions
occupées par leurs propriétaires à titre d'habitation, ou les immeubles à un usage
professionnel, est affectée à raison de 90% aux communes, les 10% restant
bénéficient au budget de l’Etat en représentation des frais de recouvrement.

L'impôt patentes, qui est du à l'occasion de l'exercice d'une activité


industrielle, commerciale ou professionnelle, est également affecté dans les
mêmes proportions que la taxe urbaine aux budgets locaux et au budget de
l’Etat.

Quant à la TVA, son produit est affecté dans une proportion ne pouvant être
inférieure à 30% aux budgets des collectivités locales.

La répartition de cette part de la TVA entre les différentes entités


territoriales est effectuée sur la base de critères arrêtés par une circulaire du
ministre de l’intérieur de 1996.

Pour les provinces et les préfectures, les critères pris en considération se


fondent sur :
- les charges salariales supportées par ces entités ( les salaires représentent
plus de 70% des dépenses budgétaires )
- le critère forfait, qui représente un montant minimal de ressources
permettant d'assurer la gestion,
- le critère de <<la superficie>>, une dotation proportionnelle à la superficie
de chaque province et préfecture ,
- le critère de <<la démographie>> qui permet de répartir les dotations
proportionnellement à la population
Compte tenu du caractère <<semi-décentralisé>> des préfectures et
provinces, puisque l’exécutif est un agent déconcentré, l’accent ne sera pas
mis sur ces entités.
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Pour les communes, les critères pris en considération sont au nombre de


trois:

§ le critère <<dotations forfaitaires>>, c'est une dotation indispensable au


fonctionnement de la commune, elle est égale pour toutes les collectivités
locales,
§ le critère <<dotation potentiel fiscal >>, permet de réduire les disparités de la
richesse fiscale résultant de l'inégale répartition de la matière imposable,
§ le critère <<dotation promotion de ressources propres>>, vise à encourager
les communes ayant fourni un effort d'amélioration de leurs ressources.

Les objectifs recherchés à travers ce système de répartition de la part de


la TVA entre les collectivités locales visent :

- la réduction des inégalités entre les collectivités décentralisées,


- la responsabilisation les collectivités locales en matière de développement
des ressources,
- l’amélioration du système de gestion budgétaire, permettant une meilleure
prévision budgétaire et une plus grande autonomie fiscale.

A ces impôts affectés totalement ou partiellement aux collectivités


décentralisées, se juxtaposent une panoplie de taxes, de redevances et de
contributions au nombre de 35 et qui atteignent différents secteurs :

v administratif ( droits d'état civil, taxe de légalisation d'actes, droit de


fourrière..)
v immobilier ( taxe d'édilité, taxe sur les opérations de construction, de
morcellement, de lotissement, taxe sur les terrains non battis..)
v industriel et commercial ( taxe sur les débits de boisson, droits perçus
sur les marchés et lieux de vente publics, taxe sur les permis de chasse,
taxe d'abattage..)
v transport (taxe sur les permis de conduire, taxe sur les licences de taxis
et des cars de transport, droits de stationnement sur les véhicules affectés
à un transport des voyageurs..)
v tourisme ( taxe de séjours, taxe sur les spectacles, taxe sur les billets
d'accès aux manifestations sportives et aux piscines privées..)
v professionnel ( taxe sur les établissements d'enseignement, taxe
additionnelle à la taxe sur les contrats d'assurance..)

Ces multiples impôts et taxes, qui obéissent à des politiques différentes,


nationale (exonérations à des fins économiques ) et locales ( choix des tarifs
d'imposition) sont de nature à aggraver la complexité du système.
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De même la poursuite de l'objectif financier, à n'importe quel prix, engendre


un dépassement de la capacité contributive, qui se traduit souvent par une
réaction négative du contribuable local qui cherche à fuir l'impôt.

Par ailleurs, cette fiscalité est éclatée entre plusieurs entités territoriales et se
présente sous la forme d'une juxtaposition d'impôts superposés et d'impôts
spécialisés.
En effet, le produit de la fiscalité locale est réparti entre plusieurs niveaux
d'administration:

q l’Etat bénéficie de 10%des recettes de la taxe urbaine et de la patente, qui


représentent les frais de recouvrement.

q les régions bénéficient d'une part de la taxe d’édilité, d'une part de la taxe
additionnelle à la taxe sur les contrats d'assurance, de taxe sur les permis de
chasse, de la taxe sur les exploitations minières…

q les communautés urbaines perçoivent une part de la taxe d’édilité, la


redevance sur les vente dans les marchés et halles de poissons, le produit de
la taxe d'abattage…

q les préfectures et provinces bénéficient de la taxe sur les permis de conduire,


de la taxe de vérification des véhicules automobiles, de la taxe sur la vente
des produits forestiers…

q les communes urbaines et rurales perçoivent les recettes de certaines taxes


locales et attribuent une part du produit d'autres taxes à des entités
territoriales telle que la taxe d’édilité.

Le tableau suivant illustre la répartition du produit de certains impôts et


taxes locales entre plusieurs collectivités décentralisées.

Tableau 1- Eclatement de la fiscalité locale entre plusieurs entités territoriales

IMPOTS IMPOTS SPECIALISES


SUPERPOSES COMMUNES PREFEC/PRO COMMUNAUT REGION
V E URB.
-Taxe d'édilité : -Taxe sur les -Taxe sur les -Produit de -Taxe sur les
Commune urbaine spectacles permis de droits d'abattage exploitations
Communauté U.(50%) conduire minières
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Région (5à 10%) -Taxe sur les -Produit du droit


opérations de -Taxe de de stationnement -Taxe sur les
-Taxe additionnelle à la construction vérification des sur les véhicules services
taxe sur les contrats véhicules affectés à un portuaires
d'assurance -Taxe sur les automobiles transport public
Commune urbaine opérations de plus 10ans de voyageurs
Région lotissement
-Taxe sur la -Produit de la
-Taxe additionnelle à la -Taxe sur les vente des redevance sur les
taxe communale sur opérations de produits ventes dans les
l'extraction des morcellement forestiers marchés de gros
produits de carrières et halles de
Commune urbaine -Taxe sur les poissons
Région débits de
boissons -Produit de la
taxe sur la
-Taxe sur les dégradation des
terrains chaussées
urbains non
battis

-Taxe de
séjour

-Taxe
additionnelle à
la redevance
pour licence
de pêche en
mer…etc..

2- Une fiscalité gérée soit par des services décentralisés, soit par des
services déconcentrés

Le démembrement de la fiscalité locale se traduit au niveau de la gestion


par la prise en charge des recouvrements par deux niveaux d’administration :
l’administration décentralisée et l’administration déconcentrée.
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La première ne disposant que d’un service financier embryonnaire dont la


gestion est assurée par le receveur communal, non dotée de moyens humains ni
matériels rencontre des difficultés aussi bien pour l’identification, le
recensement, la liquidation que le recouvrement de la matière imposable.

C’est pourquoi cette administration s’est spécialisée dans le recouvrement


des taxes , redevances et contributions spécifiquement locales, alors que les
services
déconcentrés, relevant du ministère des finances, conserve son traditionnel
monopole sur la gestion et le recouvrement des impôts d’Etat rétrocédés
entièrement aux communes à savoir la taxe urbaine et l’impôt des patentes.

Par ailleurs, des services relevant d’autres administrations, prennent en


charge la gestion de certaines taxes locales, tels que l’administration des
transports pour la taxe sur les permis de conduire et la taxe de vérification des
véhicules, ou l’office de pêche pour les redevances sur les ventes dans les marchés
de gros et halles de poissons, ou la direction des eaux et forêts pour la taxe sur la
vente des produits forestiers.

la gestion partiellement «extra-territoriale » de la fiscalité locale a généré un


nouveau type de relation entre les collectivités locales d’une part, l'administration
centrale et les services déconcentrés d’autre part. Cette relation est marquée par
des difficultés de communication et d’échange d’informations surtout qu’il s’agit
d’une jeune administration non dotée de moyens et qui manque d’expériences.

La multiplicité des unités chargées de la gestion et du recouvrement de la


fiscalité locale explique l’accumulation des restes à recouvrer au titre de
plusieurs taxes étant donné le manque d’intérêt qu’affichent ceux qui gèrent ou
recouvrent pour le compte des tiers.

B – UNE FISCALITE LOIN DE REPONDRE AUX EXIGENCES DE


PRODUCTIVITE ET D’EQUITE

Malgré les efforts déployés par l’Etat pour doter les collectivités locales
de ressources fiscales évolutives ( réforme de 1989) et pour assurer une certaine
équité territoriale dans la répartition du produit des impôts locaux (système de
répartition de la part de la TVA….), il semble que cette fiscalité est loin de
répondre aux exigences de rentabilité et d’équité.
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1 – Une faible productivité de la fiscalité locale

Dans le but d’assurer aux collectivités décentralisées des recettes


importantes, le législateur a prévu un nombre très élevé d’impôts et de taxes.
Cependant la multiplicité n’est pas forcément synonyme de rentabilité en
matière fiscale. Bien au contraire elle peut être à l’origine de la complexité et de
la lourdeur du système qui hypothèquent toute chance de productivité.

Les tableaux suivants donnent un ordre de grandeur des recettes fiscales


locales en valeur absolue et en valeur relative.

Tableau 2- Ressources des collectivités locales ( en millions de dirhams )

Année 1995 1996/97 1997/98 1998/99

Recettes ordinaires 7406 13661 10076 10532

Taxes locales 3016 48866 3388 3016

Taxe urbaine 259 539 337 436

Impôt des patentes 1129 1644 1134 1194

Part de la TVA* 3002 6612 5217 5030

* Part de la TVA équilibre jusqu'en 1995, depuis 1996/97 il convient d'ajouter


la TVA équipement.
Source: tableau de bord des finances publiques - Ministère des finances -
octobre 2001

Tableau 3 - Structure des ressources fiscales locales ( en %)

Année 1995 1996/97 1997/98 1998/99

40,7% 35,6% 33,6% 28,6%


Taxes locales
3,5% 3,9% 3,3% 4,1%
Taxe urbaine
15,2% 12% 11,3% 11,3%
Impôt des patentes
9

40,5 48,4% 51,8% 47,8%


Part de la TVA*

* Part de la TVA équilibre jusqu'en 1995, depuis 1996/97 il convient d'ajouter la


TVA équipement.
Source: tableau de bord des finances publiques - Ministère des finances -
octobre 2001

L’observation des données du tableau 3 montre une nette prédominance de


la part de la TVA qui représente 47,8 % des recettes en 1998/99
En ce qui concerne les taxes locales, bien que situées au deuxième rang (28,6 %
en 1998/99 ), leurs contributions aux budgets locaux restent limitées puisque
plus de 80% des taxes locales financent à peine 15% du budget.

Plusieurs explications peuvent être avancées :

• Dans plusieurs communes de nombreuses taxes ne reçoivent pas application


à défaut de matières imposables.
• Les assemblées locales rencontrent beaucoup de difficultés dans
l’établissement des arrêtés fiscaux en vertu desquels elles fixent les tarifs de
taxation.
• Les services locaux sont affrontés à une multitude de prélèvements qui
occasionnent de nombreuses opérations de recensement et de mise en
recouvrement.
• L’accroissement des coûts d’administration des impôts ou des taxes à faible
rendement découragent les initiatives locales.

Quant aux impôts d’Etat affectés aux collectivités locales, leur part dans les
budgets décentralisés reste faible puisqu’elle ne dépasse pas 11,3% pour la
patente et 4,1% pour la taxe urbaine, alors que ce sont les impôts les plus
importants au niveau local en terme d'assiette et de base d'imposition.

Ce ci peut s'expliquer, entre autres, par :

§ la vétusté de la base d'imposition à savoir la valeur locative qui reste


statique et non liée à des éléments dynamiques de nature économique.
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§ la complexité des tarifs d'imposition: -progressifs, cas de la taxe urbaine


avec des taux de 10 à 30%,
-proportionnels, cas de l'impôt
des patentes qui prévoit le classement des contribuable dans le tableau A
(8 classes) ou le tableau B (2classes) de la patente. Des droits minimums
sont toutefois exigibles en fonction du classement dans les deux tableaux
et de l'importance de la population. Pour les taxes locales, le législateur a
fixé un seuil de taux à ne pas dépasser laissant ainsi beaucoup de choix
aux collectivités décentralisées.

Cependant La superposition d'impôts ou de taxes sur la même matière


imposable à plusieurs niveaux a entraîné des effets pervers sur le rendement
(effritement de la matière imposable) et sur l'efficacité (gestion et
recouvrement), le cas de la taxe d'estampillage de tapis, de la surtaxe d'abattage,
ou de la taxe additionnelle sur les contrats d'assurance…

Par ailleurs, l'exonération ou les déductions au titre de la taxe urbaine et de


la patente pour incitation à l'investissement privent les budgets locaux de
recettes importantes non compensées.

La comparaison entre les impôts rétrocédés ( taxe urbaine et patente ) et


les recettes externes ( part de la TVA ) montre amplement que les budgets
décentralisés restent tributaires de la dotation TVA accordée par l'Etat.

2 - Une répartition inéquitable du produit fiscal entre les entités


décentralisées

La diversité des structures économiques, sociales et démographiques ainsi


que la localisation de la matière imposable génèrent des inégalités de richesses
entre les collectivités locales. Le rôle de l'impôt est justement de prendre en
considération les inégalités naturelles pour les corriger au moyen de
prélèvements fiscaux adaptés aux réalités et aux spécificités locales en terme de
pression fiscale, de bases et de tarifs d'imposition et de mode de recouvrement.

Cependant, la fiscalité locale actuellement en vigueur semble ignorer ses


données et adopte un système normalisé applicable presque à toutes les
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collectivités locales. Pour les taxes locales, rappelons le, le législateur a fixé les
taux des 21 taxes sur les 37.
Pour la taxe urbaine, et la patente la base d’imposition ainsi que les tarifs sont
unifiés pour toutes les entités territoriales.

En ce qui concerne la part de la TVA, les critères de sa répartition,


objectifs et opérationnels, ne sont pas toujours de nature à remédier à l’inégale
répartition des richesses entre les collectivités décentralisées.

En effet le critère « dotations forfaitaires » qui permet d’assurer un


minimum de ressources, quelle que soit la situation financière de la collectivité,
en accordant aux collectivités potentiellement riches de nouvelles ressources et
en les traitant de la même manière que les collectivités pauvres, risque
d’accroître les disparités entre les collectivités locales.

Le critère « potentiel fiscal », qui vise à corriger les disparités locales de


ressources, entre les collectivités locales, provenant des impôts affectés à savoir
la taxe urbaine, la taxe d’édilité et la patente, ne révèle pas toujours la réalité de
la richesse fiscale d’une entité pour au moins trois raisons fondamentales :

Ø tout d’abord il se fonde sur les émissions de recettes estimées, c’est une
évaluation de nature administrative et non économique quoiqu’elle se fonde
sur la donne fiscale,
Ø il ne prend pas en considération d’autres ressources fiscales ou extra fiscales,
locales ou nationales,
Ø il n’est pas d’une application uniforme puisque dans certaines communes
rurales lorsque ces impôts et taxes existent, ils sont comptabilisés dans la
dotation potentiel fiscal, avec d’autres ressources comme les produits
forestiers ou les droits de marché.

Le critère « promotion de ressources propres » vise à encourager les


collectivités locales qui ont fourni un effort en matière fiscale en terme de
réalisation de recettes et ce à travers un système qui récompense l’effort de
gestion et de recouvrement par une prime proportionnelle à l’effort lorsqu’il est
supérieur ou égale à 0, 65fois la moyenne nationale.
Incitateur et encourageant, un tel critère ne risque-t-il pas d’aggraver, au lieu
d’atténuer, les disparités de ressources entre les collectivités décentralisées.

Il semble que les critères de répartition de la part de la TVA entre les


collectivités territoriales, restent essentiellement fiscaux et non liés aux données
économiques et sociales spécifiques à chaque collectivité locale.
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II - LA DECENTRALISATION FISCALE : UN PROCESSUS INACHEVE

La mise en application des dispositions de la réforme de la fiscalité locale


de 1989 et l'expérience de répartition de la part de la TVA aux collectivités
décentralisées ont légué des résultats intéressants qui prouvent que la
décentralisation fiscale est un processus continu qui doit s'adapter à l'évolution
des structures et des politiques locales.

En prenant en considération la faible productivité des taxes et impôts


locaux, la persistance de disparités intercommunales et la complexité du système
fiscal, l'optimisation, et la simplification de ce dernier s'imposent aujourd'hui
avec plus d'acuité.

A - NECESSITE D'UNE OPTIMISATION DE LA FISCALITE


LOCALE

L'optimisation passe par une révision des bases d'imposition, une


adaptation des tarifs aux données locales et une maîtrise des coûts à travers la
décentralisation de la gestion fiscale.

1 ) - La révision des bases et des tarifs d'impôts

Pour satisfaire aux exigences de rentabilité et d'équité, il est souhaitable


de moderniser les bases d'imposition qui doivent être évolutives fondés sur des
éléments dynamiques révélateurs de la capacité de production, tels que le chiffre
d'affaires ou les bénéfices, c'est le cas notamment pour la patente.
Pour la taxe urbaine, la valeur locative, en tant que base d'imposition des
immeubles occupés par leurs propriétaires, doit être actualisée.

En ce qui concerne les tarifs d'impôts, leur révision dans le sens d'une
simplification et d'une adaptation en fonction des catégories socio -
professionnelle semblent inévitables

2) - Une approche péréquationnelle de la répartition locale du produit


fiscal

L'expérience de la répartition de la part de la TVA est intéressante.


Cependant certaines dispositions de ce système doivent être actualisées compte
tenu de l'expérience acquise par les collectivités décentralisées ( amélioration de
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la gestion ) et de l'effort qu'elles ont pu déployer ( développement de


ressources).

Ainsi il est impérieux de remédier aux imperfections des critères de


répartition surtout que ce système a été mis en application par simple circulaire
du ministre de l'intérieur.

Ainsi la<<dotation forfait>>, ou la dotation <<promotion de ressources


propres>>, qui restent indispensables dans l'étape actuelle de l'évolution de nos
finance locales, doivent être approchées de manière positive en ce sens que ce
minimum forfaitaire ne doit pas être le même pour toutes les collectivités, bien
au contraire il doit être fonction de la situation financière et des projets
économiques de chaque entité de manière à jouer son rôle naturel de
péréquation.
Pour le critère promotion de ressources propres, il est inconcevable d’attribuer
cette dotation aux communes riches ou aux communes dont les budgets réalisent
des excédents qui ne sont pas programmés.

La dotation<<potentiel fiscal>> est certes un indicateur objectif de


richesse fiscale, mais en se fondant sur les ordres de recettes émis, on risque de
ne pas appréhender les véritables richesses d'une collectivité, en excluant celles
n'ayant pas fait l'objet d'ordre d'émission ( matières imposables non
appréhendées, revenus occultes… ) ou en se fondant sur des données non
révélatrices de la capacité contributive ( valeur locative au lieu des revenus).
C'est pourquoi les éléments sur lesquels se base ce critère doivent être revus à la
lumière de l'expérience à fin de lui faire jouer son rôle de péréquation.

Par ailleurs le fait de permettre aux collectivités décentralisées d'affecter


la dotation « part de la TVA » aux budgets de fonctionnement, compte tenu du
déficit structurel des budgets locaux, neutralise tout effort en matière de
politique de redistribution et d'atténuation des inégalités. C'est pourquoi la
globalisation des transferts, que consacre notre système, doit prendre en
considération le critère des besoins qui doit être assorti de conditions incitant les
entités territoriales à consacrer ces dotations essentiellement au financement de
leurs budgets d'équipement.

Ainsi le développement de la globalisation de la part de la TVA est de


nature à assurer une plus grande autonomie et à encourager les collectivités les
plus dynamiques.

Par conséquent une répartition la part de la TVA sur la base de critères


économiques (ressources, besoins ) à côté de critères fiscaux ( potentiel fiscal ,
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effort fiscal) permettrait d'assurer une certaine péréquation fiscale et de


promouvoir le développement local.

B - NECESSITE D'UNE ADAPTATION DE LA FISCALITE AUX


SPECIFICITES LOCALES

L’adaptation de la fiscalité aux réalités locales consiste à simplifier ses


composantes et à décentraliser sa gestion

1)– Simplification de la fiscalité locale

La simplification exige la réduction du nombre d'impôts, la synthètisation de


certains prélèvements et une spécialisation fiscale, afin de donner à la
décentralisation fiscale sa signification locale.

La simplification de la fiscalité locale pourrait se traduire par la réduction du


nombre d'impôts ou de taxes, car la multiplicité ne garantie pas la rentabilité,
bien au contraire elle peut occasionner des coûts élevés et engendrer des efforts
inutiles (restes à recouvrer, poursuites..).

La synthètisation pourrait prendre la forme de fusion de prélèvements portant


sur la même matière imposable pour mettre fin à la surimposition (cas de la taxe
de séjours ou de la taxe de promotion touristique).

La spécialisation fiscale permettrait de mettre fin à une fiscalité de


superposition éclatée entre plusieurs entités qui est à l'origine de la dilution des
responsabilités et de conflits de compétences.

La spécialisation fiscale serait un facteur incitant les différentes entités


territoriales à valoriser leurs richesses et à faire des efforts pour la recherche de
nouvelles matières imposables et le développement de leurs propres ressources.

La spécialisation fiscale exigerait une révision du découpage territorial selon


des normes répondant aux exigences du développent décentralisé et assurant un
certain équilibre entre différentes entités
Toutefois, des mesures doivent être prises en faveur de certaine collectivités
locales, surtout dans les premières phases, pour assurer une certaine
compensation de l'insuffisance de recettes ou de son irrégularité et ce par le biais
de la part de la TVA.
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2) - Décentralisation du système de gestion

La décentralisation du système de gestion viserait à renforcer l'autonomie


des collectivités décentralisées, à développer les ressources locales et à assurer
une économie de gestion à travers, notamment, la réduction des coûts de
recouvrement.

Les collectivités locales doivent assumer leurs responsabilités en matière


de gestion de la fiscalité locale à travers la création de services financiers et
fiscaux qui prennent en charge l'identification et le recensement de la matière
imposable, l'établissement, l'évaluation, la liquidation et le recouvrement des
impôts et taxes. Plus encore ces services peuvent se charger du contentieux que
soulève la fiscalité locale.

Le receveur communal doit être impliqué dans cette gestion en lui accordant
des compétences plus larges et le dotant de moyens de travail.
Sans consécration d'unités administratives autonomes responsables de la fiscalité
locale, la décentralisation fiscale ne serait pas fonctionnelle.

Conscients de la nécessité de trouver des solutions adéquates aux


problèmes fiscaux des collectivités décentralisées, les responsables oeuvrent
dans ce sens à travers le nouveau projet de réforme de la fiscalité locale.

Cependant le financement des collectivités décentralisées ne peut continuer


de dépendre essentiellement de la fiscalité, car le citoyen, contribuable national
et local, supporte un effort fiscal qui risque d'atteindre ses limites et d'éteindre
par conséquent la matière fiscale elle- même.

Dans un contexte marqué par un désengagement progressif des pouvoirs


publics, concrétisé par la concession ou la privatisation de services publics, la
question qui se pose est de savoir si les coûts des services publics (en terme de
coûts de prestations ) doivent-ils être toujours supportés, comme par le passé,
par le contribuable ou doivent-ils être pris en charge par l'usager ?

La politique actuelle dans de nombreux pays accroît la part de l'usager du


service public et réduit celle du contribuable dans le financement des dépenses
locales, afin de limiter la pression fiscale, d'alléger les budgets des collectivités
locales et de produire des prestations de qualité.

Cette option peut se traduire par une politique de tarification des services
publics qui prendrait en considération les coûts des prestations à partir d'un
système comptable adapté à la gestion locale.
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Bibliographie sommaire:

AshfordD. Et Theoring J.C.: les aides financières de l'Etat aux


collectivités locales - GRALL n°9 -1981
Bouvier M. : les finances locales - LGDJ 1993
Cope J.F.et F. Werner : finances locales - Ed. Economica - 1997
El Gadi A. : une fiscalité moderne pour une entreprise performante face
aux défis de la mondialisation - Imprimerie omnia - 1999
Fréville Y. : recherches statistiques sur l'économie des finances locale-
Thèse de doctorat - Rennes- 196
Jouannet J.: évolutionde la fiscalité marocaine.. -LGDJ- 1959
Sbihi mohamed: la gestion financière communale - Ed Babel- 1992
Sbihi mohamed : Le budget communal - Ed Fédala - 1994

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