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COMMENT LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LA FRAUDE FISCALE

AUJOURD’HUI ?

Olivier Sivieude

Lavoisier | « Gestion & Finances Publiques »

2018/3 N° 3 | pages 35 à 42
ISSN 1969-1009
DOI 10.3166/gfp.2018.00032
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-gestion-et-finances-publiques-2018-3-page-35.htm
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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la
fraude fiscale :
nouveaux enjeux,
nouvelles méthodes

Olivier SIVIEUDE
Ex chef du service du contrôle fiscal de la DGFIP
Enseignant Master II Université Paris 2

Comment lutter efficacement contre


la fraude fiscale aujourd’hui ?
Mots-clés : fiscalité - lutte contre la fraude - contrôle fiscal

L’administration fiscale a vu les moyens dont elle dispose pour lutter contre
la fraude fiscale se renforcer, tant sur le pan de la collecte et du traitement
des informations que sur celui du contrôle et de la dissuasion. Des progrès
sont encore possibles notamment dans la coordination des moyens en
interne et dans les dispositifs de régulation internationale.

D
epuis quelques années la liste des scan- La concurrence toujours plus féroce entre les
dales fiscaux ne cesse de s’allonger : entreprises dans un contexte de mondialisation
fraude de type carrousel TVA sur les quo- des affaires, la part croissante de l’immatériel
tas de carbone, « Swissleaks », affaire Cahuzac, (marques, montages financiers, brevets, logiciels,
« Luxleaks », évasion fiscale des géants du numé- etc.) dans les résultats des entreprises, la concur-
rique (GAFA), « Panama Papers », « Paradise rence fiscale entre les États et les opportunités
Papers », sans compter des affaires moins média- offertes par les nouvelles technologies (logiciels
tisées mais tout aussi préoccupantes comme l’uti- frauduleux, monnaies virtuelles, etc.) sont des fac-
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lisation de logiciels de caisse frauduleux par des teurs qui contribuent à l’accroissement de la
commerçants ou la non-déclaration d’activités fraude fiscale.
exercées via internet.
Par suite, depuis la crise financière de 2007-2008
Certes la fraude fiscale, c’est-à-dire ne pas appli- et la volonté des États de mettre de l’ordre dans
quer la loi de façon délibérée pour ne pas payer les finances internationales, la lutte contre
l’impôt dû, a toujours existé. Mais les exemples la fraude fiscale est devenue un sujet de préoc-
ci-dessus montrent qu’elle est aujourd’hui sou- cupation mondial. Ce thème est régulièrement à
vent sophistiquée, de plus en plus internationale l’ordre du jour des G20 et la Commission euro-
et hélas de grande ampleur. péenne en a fait un de ses « cheval de bataille ».
Nous parlons bien de fraude fiscale au sens de la En France, les responsables politiques sont quasi
loi caractérisée par la matérialité, la loi n’a pas été unanimes pour considérer qu’il faut lutter contre
appliquée, et l’intentionnalité, elle ne l’a pas été ce fléau. La fraude crée des inégalités et notam-
de façon délibérée. Il faut se garder à cet égard ment des distorsions de concurrence au détriment
des terminologies utilisées par certains pour des entreprises qui respectent la loi. Elle se traduit
essayer de minimiser leurs turpitudes telles que par des pertes de recettes considérables alors
« évitement fiscal », « optimisation fiscale» » ou même que l’État doit réduire son déficit budgé-
« évasion fiscale ». taire et néanmoins répondre à une demande forte

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la des citoyens de bénéficier de services publics de ler à chaque fois que c’est utile et avec des moyens
fraude fiscale : qualité et de payer moins d’impôt. d’investigation appropriés. Contrôler à tort et à tra-
nouveaux enjeux, vers, peut être un remède pire que le mal. Cela
nouvelles méthodes Plus d’une centaine de mesures législatives ont
risque de susciter de fortes réactions de rejet des
été prises depuis dix ans pour renforcer la lutte
contrôles et de l’impôt comme cela s’est produit en
contre la fraude fiscale. Certaines failles dans la
France dans la seconde moitié du siècle dernier.
législation dans lesquelles s’engouffraient les
fraudeurs ont été comblées, les moyens d’infor- Quant à la suppression pure et simple des paradis
mation et de contrôle de l’administration fiscale fiscaux, c’est-à-dire exiger d’eux, en faisant fi du
ont été considérablement améliorés, les sanc- principe de souveraineté fiscale, qu’ils aient un
tions ont été renforcées et l’administration dis- niveau d’imposition similaire au notre, cela paraît
pose désormais de plusieurs outils pour connaître assez illusoire. Comment amener un État qui n’en
ce qui se passe au-delà des frontières. éprouve pas le besoin parce qu’il a des ressources
suffisantes (minerais, pétrole, tourisme, etc.) ou
Ces mesures sont opportunes et permettent à qu’il n’y n’existe quasiment pas de services publics
l’administration fiscale française d’obtenir de gratuits, à relever substantiellement ses impôts ?
bons résultats. Le contrôle fiscal redresse pour en-
viron 19 milliards d’euros de droits et pénalités En revanche, ce qui est inadmissible c’est que
chaque année. Mais la fraude fiscale évolue. Les certains de ces paradis fiscaux acceptent d’ac-
fraudeurs s’adaptent. Sur un sujet aussi mouvant cueillir sur leur territoire des sociétés offshore
et complexe, il faut veiller sans cesse à disposer (sans activité économique) et refusent de fournir
des bons moyens d’action. aux autres États les informations dont ils ont
besoin pour taxer les bénéfices ou revenus qui
Une discussion au populaire « Café du Commerce » ont été indûment transférés. C’est cette protec-
sur la fraude fiscale aboutirait probablement à des tion qu’ils accordent aux fraudeurs qui est scan-
solutions du type : « ils n’ont qu’à baisser les impôts daleuse. D’autant que les bénéfices et revenus
comme cela il y aura moins de fraude » ou encore frauduleusement localisés dans ces paradis ne
« il n’y a qu’à faire plus de contrôles » voire « il suffit leur rapportent quasiment rien puisqu’ils n’y sont
de supprimer les paradis fiscaux ». pas ou très peu taxés.
La première solution, baisser les impôts pour limi- Comme souvent face à des problématiques
ter la fraude, c’est régler le problème par l’ab- complexes, la solution n’est pas simple. Surtout
surde. Les impôts sont nécessaires pour financer que le sujet a une dimension internationale incon-
les services publics (santé, école, sécurité, infra- tournable. Un État ne peut pas lutter efficacement
structures, solidarité, etc.) qui sont essentiels à la contre la fraude fiscale tout seul dans son coin. Il
qualité de vie des citoyens. Il faut donc d’abord risque, s’il prend des mesures trop coercitives de
dans le cadre du débat démocratique fixer le juste dissuader les entreprises de s’installer sur son
niveau des impôts et ensuite veiller à ce que territoire et de faire partir les entreprises et
chacun paie son dû. Si on baisse la garde devant certains contribuables qui y sont installés.
les fraudeurs et qu’on réduit les impôts et donc la
Cela étant, il est possible de dégager avec une
qualité des services publics, c’est au détriment de
approche pragmatique quelques orientations
tous les citoyens. Quelques délinquants en « col
générales et ainsi de mesurer les atouts dont
blanc » auraient ainsi imposé leur loi.
disposent l’administration fiscale française dans
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La seconde solution, intensifier les contrôles, doit la lutte contre la fraude fiscale et les progrès qui
être abordée avec prudence. L’idéal c’est de contrô- pourraient encore être réalisés.

1 Détecter vite et bien la fraude fiscale


Les fraudeurs cherchent à dissimuler leur fraude Ces dispositifs sont aussi souvent conçus pour
pour ne pas se faire prendre. Ils sont de nos jours permettre au fraudeur de récupérer l’argent qu’il
souvent conseillés par des organismes spécialisés a dissimulé au fisc afin de financer son train de vie.
C’est ce qu’on appelle le blanchiment. C’est la rai-
qui les aident à mettre en place un dispositif de
son pour laquelle la lutte contre la fraude fiscale
camouflage : comptes à l’étranger, interposition
est directement liée à celle de la lutte contre le
de sociétés écrans offshore, moyens de paiement blanchiment qui est confiée en France à TRACFIN
anonymisés, montages juridiques et financiers (Traitement du renseignement et action contre les
complexes, constitution de trusts, etc. circuits financiers clandestins).

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
Pour lutter contre la fraude fiscale aujourd’hui, il plate-forme internet, la liste des personnes qui ont > Lutte contre la
faut donc avant tout se donner les moyens de la procédé à des ventes ou à des locations via son fraude fiscale :
repérer. C’est comme pour lutter contre le terro- site. Cette démarche est essentielle pour repérer nouveaux enjeux,
risme. Il faut avoir des informations qui permet- des activités occultes réalisées via internet.
nouvelles méthodes
tent de détecter le mieux possible et le plus vite
Mais hélas cette possibilité n’existe pas si l’opé-
possible des situations potentiellement délic-
rateur est situé au-delà des frontières. En effet,
tueuses.
l’administration fiscale française peut demander
Pour cela, le numérique est une aide précieuse. via l’assistance administrative internationale à
On peut aujourd’hui engranger un nombre incal- l’administration fiscale d’un autre État des infor-
culable d’informations et les analyser pour repérer mations concernant un contribuable désigné dans
les fraudes potentielles. C’est évidemment sur cet sa demande. Ces échanges nominatifs indispen-
outil qu’il faut capitaliser. Fini le temps des infor- sables pour savoir ce qui se passe au-delà de nos
mations recueillies « au petit bonheur la chance » frontières se sont beaucoup améliorés sous l’im-
et exploitées sans grandes lignes directrices. Il pulsion de l’OCDE.
faut maintenant amasser le maximum d’informa-
La France peut aujourd’hui échanger ce type d’in-
tions, les rapprocher et repérer les risques.
formation avec 125 pays dans le monde. Elle re-
çoit plus de 6 000 réponses par an à ses de-
1. Avoir toutes les informations utiles mandes et dans un délai moyen de l’ordre de trois
Pour lutter contre la fraude fiscale, il est indispen- mois. Il y a quelques années c’était deux fois
sable d’avoir des informations et donc de surmon- moins de réponses et des délais excessivement
ter trois obstacles : longs.
– Le cloisonnement entre les organismes chargés Mais il n’est pas possible aujourd’hui de deman-
de lutter contre la fraude et qui détiennent des in- der à une administration fiscale étrangère des
formations qui peuvent être utiles en matière fi- listes de détenteurs de comptes bancaires ou de
nancière : douanes, justice, police, organismes so- personnes effectuant des opérations via internet.
ciaux, Tracfin, concurrence, etc. Il y a là une source de progrès majeur dans la dé-
– Les frontières entre les États : aucune adminis- tection de la fraude.
tration fiscale au monde ne peut procéder à des
Il est par ailleurs impératif de poursuivre la pres-
contrôles dans un autre État ou même demander
sion sur les États et territoires non coopératifs
directement des informations à des contribuables
(ETNC) afin qu’ils acceptent de donner des infor-
d’un autre État.
mations à des fins fiscales aux autres États. Pour
– La réticence des entreprises qui sont très solli- lutter contre la fraude fiscale, il est nécessaire qu’il
citées par les administrations et se plaignent par- n’y ait aucun « trou dans la raquette ». Tous les
fois à juste titre de certaines lourdeurs et com- pays sans exception doivent coopérer. Coopérer
plexités administratives. ce n’est pas perdre de la substance fiscale, c’est
Cela étant, beaucoup de progrès ont été réalisés seulement permettre aux autres pays de récupé-
en matière d’information et certaines avancées rer les impôts qu’ils auraient dû percevoir.
sont encore possibles dans les trois axes suivants :
Il faut donc blacklister tous les États sans excep-
a. Des informations obtenues sur tion qui hébergent des sociétés offshore et refu-
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demande de l’administration fiscale sent de donner des informations aux autres États
ou ne fournissent pas des réponses utiles (non dé-
L’administration fiscale française peut demander
signation du bénéficiaire effectif des titres de so-
des informations à quasiment toute personne si-
ciétés, non remises des bilans, réponses non per-
tuée en France dès lors que cette information est
tinentes, etc.). Tous ces États doivent être soumis
pertinente sur le plan fiscal et n’est pas couverte
aux sanctions financières particulièrement dissua-
par le secret médical ou ne constitue pas une
sives prévues par la loi ce qui devraient les ame-
consultation d’avocat.
ner à accepter de coopérer.
Ce droit d’information, dit « droit de communica-
Pour obtenir le maximum d’informations utiles, il
tion », s’exerce en principe au cas par cas en men-
convient aussi d’organiser les échanges entre les
tionnant dans la demande l’identité de la personne
administrations et organismes financiers de
concernée. Mais une réforme majeure est interve-
contrôle (douanes, police, justice, organismes so-
nue en 2015. Elle permet à l’administration fiscale
ciaux, Tracfin, concurrence, etc.). Juridiquement
de demander à toute entreprise ou organisme, la
c’est possible. Mais encore faut-il le faire !
liste des personnes qui ont procédé à des opéra-
tions (locations, ventes, achats, etc.) par leur inter- Il existe un très bon exemple en la matière. Pour
médiaire. Ainsi l’administration fiscale française avoir des informations le plus en amont possible
peut-elle, par exemple, demander désormais à une et agir de manière concertée pour lutter contre la

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la fraude à la TVA, une task-force a été mise en entreprises de souscrire des déclarations concer-
fraude fiscale : place avec l’ensemble des services de l’État nant leurs activités à l’étranger. Désormais les
nouveaux enjeux, concernés. Il s’agit d’un groupe informel d’ex- grandes entreprises (plus de 750 M€ de CA) doi-
nouvelles méthodes
perts qui se réunissent régulièrement, échangent vent déclarer dans le détail les résultats de leurs fi-
leurs données et organisent les moyens d’action liales situées à l’étranger et les entreprises de plus
et notamment les contrôles. de 50 M€ de chiffre d’affaires doivent fournir des
informations sur leur politique de prix de transfert.
Ce type de structure informelle et pragmatique
qui fait ses preuves, pourrait être étendu à d’au- Il convient toutefois de ne pas tomber dans
tres domaines de la fiscalité voire organisé sur le l’excès en demandant à des entreprises des infor-
plan européen. mations qui nécessiteraient de leur part des coûts
informatiques disproportionnés au regard de
b. Des informations reçues l’avantage pour l’État en matière de lutte contre
automatiquement
la fraude fiscale. Mais il semblerait pertinent de
La Justice, certains services de l’État ou orga- renforcer encore les moyens de détection de la
nismes indépendants sont tenus de fournir à l’ad- fraude fiscale internationale. Ainsi les mesures
ministration fiscale des informations sur les dos- suivantes pourraient-elles être étudiées :
siers dont ils ont connaissance et qui comportent – Élargir l’obligation de déclaration des prix de
un risque de fraude fiscale. transfert à toutes les entreprises qui, quelle que
C’est le cas de principalement de l’autorité judi- soit leur taille, appartiennent à un groupe ayant
ciaire, de TRACFIN et de l’ACPR (Autorité de des établissements situés à l’étranger.
contrôle prudentiel et de résolution). Ces informa- – Demander aux entreprises de déclarer à l’admi-
tions fournies spontanément sont extrêmement nistration fiscale les montages fiscaux qu’elles
précieuses pour lutter contre la fraude fiscale. mettent en place pour certaines opérations
(emprunts auprès d’une société du même groupe
Par ailleurs, les entreprises et de nombreux orga-
située dans un pays à fiscalité privilégiée, rede-
nismes doivent fournir automatiquement des in-
vance de marque payée au profit d’une société
formations qui vont permettre à l’administration
située dans un pays à fiscalité privilégiée, etc.).
fiscale de vérifier que les revenus perçus par les
contribuables ont été correctement déclarés. – Rendre obligatoire au sein de l’Union euro-
péenne la constitution de fichiers des assurances-
C’est le cas par exemple des employeurs, des or-
vie et des comptes bancaires et prévoir l’échange
ganismes sociaux, des banques dont les informa-
de ces fichiers entre États de l’Union.
tions vont alimenter la déclaration de revenus pré-
remplie. Par suite, il y a moins d’espace pour la Avec ces mesures, le radar pour détecter des
fraude et les contribuables y trouvent leur compte fraudes au-delà de nos frontières serait plus per-
puisque l’obligation déclarative est simplifiée. formant.

Dans cette logique, à compter de 2019, les plates- c. Des informations amenées par des
formes internet devront déclarer automatique- « lanceurs d’alerte »
ment à l’administration fiscale les revenus de leurs
Il n’est pas rare aujourd’hui que des personnes
utilisateurs.
choquées par certaines pratiques de leur em-
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D’autres types d’informations fournies par les tiers ployeur transmettent à la presse ou à des orga-
alimentent des fichiers essentiels pour lutter nismes de contrôle, des documents profession-
contre la fraude : le fichier des comptes bancaires nels. C’est le cas dans des domaines non fiscaux
FICOBA, depuis 2016 le fichier des contrats d’as- (espionnage, dopage, abus concernant des mé-
surance-vie FICOVIE, le registre des trusts, etc. dicaments, abattoirs, etc.) et en matière de fisca-
lité (Lux-Leaks, comptes HSBC, démarchages
Plus fort encore, 49 pays depuis septembre 2017
d’UBS, affaire Gucci, etc.).
et 53 supplémentaires à compter de septembre
2018 fournissent et vont fournir automatiquement Parfois, ces personnes demandent une indemnité
à la France, tous les éléments utiles sur les en contrepartie de l’information donnée car elles
comptes bancaires et les assurances vie détenus perdent leur emploi et subissent divers préjudices.
par les ressortissants français dans ces États ! Dans
La plupart des administrations fiscales des pays
le même ordre d’idée, les États de l’Union euro-
comparables au nôtre ont la possibilité de verser
péenne s’échangent désormais automatiquement
une indemnité. C’est en général une très bonne
les rulings ayant un impact transfrontalier.
affaire car les informations fournies permettent à
Un autre moyen de recueillir des informations au- l’État de récupérer des sommes considérables et
tomatiques concernant les opérations effectuées de montrer que la fraude ne reste pas impunie.
au-delà des frontières consiste à demander aux Ainsi aux États-Unis, le dispositif de récompense

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
financière versé aux dénonciateurs à t-il permis de de l’informatique. Mais cette intelligence fiscale > Lutte contre la
collecter, entre 2007 et 2015, 3 milliards de dollars est un gage d’efficience. fraude fiscale :
d’impôts moyennant le versement de 400 millions nouveaux enjeux,
Une autre méthode consiste à dégager les carac- nouvelles méthodes
de dollars d’indemnités. téristiques des entreprises qui procèdent à cer-
Un premier pas est fait en ce sens en France avec taines fraudes et à injecter ces éléments dans des
la possibilité depuis le 1er janvier 2017 et pour une masses de données pour faire ressortir des listes
période de deux ans de verser des indemnités à d’entreprises qui présentent un risque frauduleux.
des aviseurs, si les informations portent sur une Il s’agit du data mining. Cette méthode est expé-
fraude fiscale internationale. Un rapport annuel rimentée depuis quelques années par l’administra-
doit être remis au Parlement sur sa mise en œuvre. tion fiscale française. Elle est prometteuse et va
être encore intensifiée. Elle vient d’être étendue à
Il est vrai qu’il est nécessaire dans ce domaine de
titre expérimental avec l’autorisation de la CNIL
faire preuve d’un professionnalisme extrêmement
(Commission nationale de l’informatique et des li-
rigoureux dans l’examen de la véracité des données
bertés) aux déclarations des impôts des particuliers
proposées, (l’affaire « Cleastream » ne doit pas
et l’équipe dédiée à ce projet va être renforcée.
être oubliée), de l’intérêt de ces données et de la
juste indemnité à verser. Mais sous cette réserve Ces procédés modernes de détection de la
qui nécessite que ce type d’affaire soit traitée par fraude sont complémentaires. Ils permettent de
un service spécialisé, il nous apparaît qu’il s’agit gagner en efficacité. Ils ne se traduisent pas par
là d’un moyen précieux de lutte contre la fraude des rectifications automatiques. Ils déclenchent
fiscale. un examen des dossiers repérés comme à risque
et c’est cet examen qui confirme ou non l’intérêt
d’un contrôle.
2. Être en capacité d’analyser l’infor-
mation et de repérer les risques Pour que l’analyse-risque et le data mining soient
les plus opérationnels possibles deux conditions
Il ne suffit pas d’avoir des informations. Encore doivent être remplies : recueillir le maximum de
faut-il pouvoir et savoir les utiliser. Certaines infor- données et disposer d’experts formés à ces tech-
mations se suffisent à elles-mêmes pour déclen- niques. Sur le premier point on peut envisager à
cher un contrôle (ex : compte à l’étranger non dé- terme que les administrations et organismes
claré ainsi que les revenus correspondants, acti- concernés (Tracfin, organismes sociaux, etc.)
vité occulte exercée via internet, etc.). Il est juste échangent leurs bases de données. Sur le second,
nécessaire de veiller à ce qu’elles soient à la dis- il est probablement nécessaire que l’administra-
position des services de contrôle et qu’elles tion fiscale recrute sous forme contractuelle des
soient rapidement exploitées. spécialistes de ces techniques qui évoluent très
D’autres informations ne sont pas suffisantes en vite et qui nécessitent une formation spécifique.
soi. Mais si elles sont croisées avec d’autres, il est Bien entendu, il est impératif de veiller à ce que
possible de repérer des risques d’anomalies, voire ces nouveaux outils soient parfaitement respec-
de fraude (ex : la création d’une filiale dans un tueux des droits fondamentaux des personnes et
pays à fiscalité privilégiée, la diminution concomi- notamment du droit à la protection des données
tante des bénéfices réalisés en France, l’augmen- personnelles. En tout état de cause, tous les textes
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tation du poste de charge relatif aux redevances, relatifs à l’exploitation des données informatiques
etc.). Il est donc nécessaire de développer au sont soumis à la CNIL et celle-ci veille scrupuleu-
maximum l’analyse-risque qui permet de pro- sement au respect notamment de la traçabilité, de
grammer les contrôles avec des risques préiden- la transparence et de l’accès aux données et à ce
tifiés et cotés en fonction de leur probabilité. que leur traitement ne puisse poursuivre que l’ob-
C’est une affaire de spécialistes de la fiscalité et jectif de lutte contre la fraude fiscale.

2 Contrôler efficacement et dissuader la fraude


On vient de voir que pour lutter contre la fraude 1. Des moyens d’investigation
fiscale, il est nécessaire d’être en mesure de la efficients permettant de démontrer
détecter. Mais encore faut-il ensuite avoir des la fraude
moyens puissants de contrôle et mettre en
place un dispositif efficace de prévention et de Depuis quelques années les moyens d’investiga-
dissuasion afin d’éviter de tout baser sur les tion de l’administration fiscale ont été sensible-
contrôles. ment améliorés. Prenons quelques exemples :

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la – Le dispositif de perquisition fiscale (procédure b. L’état de l’art : il convient en permanence de
fraude fiscale : dite du L 16 B) a été modernisé notamment pour s’assurer que les moyens d’investigation sont tou-
nouveaux enjeux, que puissent être prélevées les données conte- jours en adéquation avec les enjeux et l’évolution
nouvelles méthodes
nues dans les ordinateurs situés en France même de la fraude. Ainsi de plus en plus d’entreprises
si les serveurs (le Cloud) sont situés à l’étranger. de taille moyenne sont-elles concernées par la
– Il est possible, depuis 2017, pour des probléma- question des prix de transfert car liées à d’autres
tiques internationales telles que la domiciliation entreprises situées à l’étranger.
d’une personne ou d’une entreprise, de procéder On pourrait envisager, par exemple, de baisser le
à des auditions de personnes, autres que le seuil du chiffre d’affaires des entreprises tenues
contribuable, dont le témoignage peut être utile. de présenter leur comptabilité analytique et celui
– Le contrôle des entreprises commence désor- des entreprises qui doivent produire en cas de
mais par la transmission aux vérificateurs de contrôle une documentation sur leurs prix de
l’intégralité de la comptabilité sous forme déma- transfert.
térialisée. Ce qui permet à l’administration d’ac- De même, une réflexion sur les modalités de
céder à la comptabilité dans de bonnes condi- contrôles des particuliers afin de les rendre plus
tions et d’utiliser un outil informatique d’analyse rapides et efficaces pourrait être utile.
de ces comptabilités. Pour certaines entreprises,
les vérificateurs ont en outre désormais accès à la
comptabilité analytique, aux comptes consolidés
2. Des mesures qui permettent
et à une documentation spécifique sur les prix de d’éviter la fraude
transfert. Il est nécessaire d’avoir un contrôle fiscal doté de
– L’administration fiscale française peut, depuis moyens d’investigation puissants pour pouvoir
2010, via la justice, saisir une « police fiscale » corriger les effets de la fraude et la sanctionner.
lorsqu’elle a des soupçons étayés sur l’existence Mais l’idéal c’est d’éviter la fraude. L’impôt dû ren-
d’une fraude mais qu’elle n’est pas en mesure de tre alors normalement dans les caisses de l’État
la démontrer avec les moyens de contrôle tradi- sans qu’il soit nécessaire de le récupérer quelques
tionnels. La « police fiscale » composée de poli- années plus tard. À cette fin, trois voies paraissent
ciers et d’inspecteurs des finances publiques devoir être utilisées :
utilise les moyens de la police pour procéder à ses
enquêtes (auditions, écoutes, perquisitions, sono- a. Des dispositions législatives qui
risation, filatures, etc.). Il s’agit là d’une procédure
empêchent les fraudes fiscales
très efficace dont disposaient déjà la plupart des Certains schémas de fraude se répandent très
pays comparables au nôtre. À ce jour plus de vite. Ils sont « vendus » par des officines spéciali-
500 dossiers ont été confiés à la police fiscale. sées qui démarchent les entreprises. Il faut donc
les endiguer le plus rapidement possible par une
Ce sont des progrès sensibles et bienvenus. Il
disposition législative qui empêche ou en tout cas
convient pour autant d’être attentif à deux aspects :
rend plus difficile la fraude. Depuis quelques an-
a. Les moyens humains : les effectifs consacrés nées chaque loi de finances comporte ainsi son
exclusivement au contrôle fiscal en France sont lot de mesures « anti-fraude » ou « anti-abus ». Il
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d’environ 4 500 personnes. Ce sont des fonction- n’est pas question ici d’en dresser une liste
naires de haut-niveau, bien formés et motivés. exhaustive mais quelques exemples sont éclai-
Mais pour être en mesure d’utiliser pleinement les rants :
moyens modernes d’investigation, il est néces- – Certains commerçants utilisent des logiciels de
saire d’adjoindre à des spécialistes de la fiscalité caisse frauduleux pour dissimuler des recettes
des experts sur les questions informatiques, perçues en espèces : la loi oblige, depuis le
comptables, financières et de droit international 1er janvier 2018, les commerçants à utiliser des
et patrimonial. L’administration doit former ou re- logiciels de caisse sécurisés et certifiés qui retra-
cruter de tels spécialistes. cent, sans possibilité d’effacement, toutes les
Elle doit aussi disposer d’équipes suffisamment manipulations effectuées.
nombreuses pour faire face à ses nouveaux défis. – Certaines entreprises dites « carrouselistes »
À cet égard, il est patent que la police fiscale n’a facturent des marchandises ou des services avec
plus aujourd’hui les moyens de traiter tous les TVA à des entreprises ayant « pignon sur rue » et
dossiers dont elle a la charge. C’est pour cela qu’il ne reversent pas cette TVA au Trésor : pour parer
est prévu de créer un service spécifique sous le à cette fraude, la loi prévoit des sanctions lourdes
giron direct de Bercy qui pourra y allouer les ef- envers l’entreprise acheteuse si elle savait ou
fectifs nécessaires. ne pouvait ignorer que son fournisseur était un

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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
fraudeur. Cette disposition a conduit les entre- couvertes par le secret fiscal et elles s’appliquent > Lutte contre la
prises acheteuses à faire « le ménage » dans leurs aux seuls contribuables et pas aux conseils qui ont fraude fiscale :
fournisseurs et s’avère efficace pour lutter contre contribué à l’élaboration des montages fraudu- nouveaux enjeux,
nouvelles méthodes
les carrousels TVA. leux. Les mesures pour remédier à ces inconvé-
– Des sociétés appartenant à un groupe inter- nients, contenues dans la loi relative à la lutte
national majorent leurs charges financières par contre la fraude sont tout à fait opportunes.
divers procédés : la loi comporte aujourd’hui une Mais pour renforcer la sanction financière en cas
batterie de garde-fous pour mettre fin à ces de fraude et la rendre plus dissuasive, une ré-
fraudes (sous-capitalisation, utilisation de mon- flexion pourrait être engagée sur le délai de pres-
tages hybrides, pseudos abandons de créances cription de droit commun de trois ans. Ce délai est
financiers, etc.). allongé dans quelques cas exceptionnels (activité
Ces dispositions dont la liste est longue sont effi- occulte, compte à l’étranger non déclaré, procé-
caces. La France dispose aujourd’hui d’un arsenal dure judiciaire). Mais, aujourd’hui des fraudes très
législatif anti-fraude performant. Cette voie à tou- graves telles que l’utilisation de logiciels fraudu-
tefois ses limites : leux pour dissimuler des recettes, les fraudes
carrousels TVA, les montages internationaux utili-
– Elle complique toujours plus la législation fiscale
sant des entités simples « boites aux lettres » dans
ce qui nuit à sa lisibilité et à sa bonne application
des pays à fiscalité privilégiée, ne peuvent donner
par les contribuables qui de bonne foi peuvent
lieu à des rappels que sur trois ans ce qui limite la
commettre des erreurs.
sanction financière et son aspect dissuasif.
– Dans certains cas, il est nécessaire pour mettre
fin à des abus, de viser large dans la loi notam- La plupart des pays comparables au nôtre ont un
ment pour tenir compte des contraintes euro- délai de reprise bien supérieur en cas de fraude.
péennes qui exigent que les opérations internes On pourrait imaginer un délai de reprise de six ans
ne soient pas favorisées par rapport aux opéra- qui serait utilisé en cas de démarche frauduleuse
tions transeuropéennes. Ainsi des opérations légi- du contribuable. Il est rappelé qu’en France, les
times sur le plan économique peuvent-elles par- entreprises doivent conserver leurs documents
fois être sanctionnées par des mesures anti-abus. comptables et les pièces justificatives pendant dix
ans.
– Certaines fraudes ne peuvent être empêchées
que par des textes communs aux États. C’est Par ailleurs, pour les fraudes les plus graves, il est
typiquement le cas de la notion d’établissement légitime d’ajouter aux sanctions financières des
stable. Un État ne peut pas avoir sa propre défini- sanctions pénales. C’est le cas en France pour
tion d’un établissement stable sans l’accord des environ 1 000 dossiers chaque année. Les sanc-
autres États concernés sauf à voir les mêmes tions pénales visent les personnes et sont
bénéfices taxés dans plusieurs États. connues car il y un procès. Elles sont craintes car
elles apportent une sorte d’opprobre. Elles ont un
Dès l’apparition d’une nouvelle fraude, il convient
pouvoir dissuasif très fort. Mais pour que cette
par conséquent d’examiner si une mesure légis-
dissuasion couvre toute la palette des fraudeurs,
lative est opportune. À défaut, c’est le contrôle et
il convient de veiller à ce que toutes les formes
sa force de dissuasion qui doivent jouer pleine-
de fraudes fiscales et toutes les catégories de
ment.
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personnes et d’entreprises soient visées par les
b. Des sanctions qui dissuadent plaintes pénales.
Pour éradiquer la fraude, il est indispensable que C’est aussi parce que les contribuables craignent
le fraudeur potentiel ait peur de se faire prendre le fisc que les dispositifs de régularisation peuvent
et qu’il craigne les sanctions qui s’ensuivront. fonctionner. Le contribuable a d’autant plus intérêt
à déclarer spontanément les infractions qu’il a
En matière fiscale, les sanctions sont financières.
commises et faire amende honorable que si en
Celles-ci doivent donc être dissuasives, ce qui
cas de découverte de la fraude par l’administration
suppose qu’elles soient élevées et qu’elles soient
fiscale dans le cadre d’un contrôle, il risque gros.
appliquées à chaque fois que l’impôt a été fraudé
de façon intentionnelle, sauf circonstances excep- c. Faire de la pédagogie sur l’impôt
tionnelles (âge, santé, etc.). Les rappels et les
La fraude fiscale est moins acceptée en France
sanctions doivent ensuite être recouvrés avec pu-
que dans un passé récent. Plusieurs éléments ont
gnacité par des spécialistes des problématiques
contribué à cette évolution positive : l’augmen-
du recouvrement.
tation de la pression fiscale qui rend le fraudeur
Ces sanctions ont toutefois aujourd’hui deux insupportable, la concurrence toujours plus vive
limites. Elles ne sont pas publiques car elles sont qui fait que les comportements déloyaux sont

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Fiscalité et lutte contre la fraude

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> Lutte contre la moins tolérés, la facilitation des démarches décla- Mais, la vigilance s’impose et des améliorations
fraude fiscale : ratives pour les contribuables qui font que le sont possibles. En tout état de cause, il est néces-
nouveaux enjeux, fraudeur peut moins arguer de la complexité de saire :
nouvelles méthodes
l’impôt, etc.
Mais la méconnaissance de nos concitoyens sur – en interne, de s’assurer en permanence que
les grands principes de l’impôt est impression- notre dispositif de détection et de dissuasion est
nante. Le rôle de l’impôt est mal connu. Les opératoire face à des méthodes de fraude et à
grandes caractéristiques de notre système fiscal des montages qui évoluent sans cesse ;
sont ignorées. Le discours politique sur ces ques-
tions est souvent mal assumé.
– à l’international, de poursuivre les efforts pour
Or, plus on dénigre l’impôt, son montant, sa com- aller vers une régulation fiscale évidemment né-
plexité, sans rappeler son fondement et son cessaire dans un monde financier et économique
utilité, plus on justifie indirectement la démarche décloisonné.
des fraudeurs.
Il y a aussi parfois une sorte de complicité des
Ce renforcement des moyens de lutte contre la
citoyens à la fraude. Après tout, le travail au noir
fraude doit s’effectuer dans le respect absolu des
ne fonctionne que parce que certains clients
droits de la défense et des droits fondamentaux
acceptent de payer sans factures.
des personnes. C’est une question de principe
Il semble que faire preuve de pédagogie sur le bien sûr mais aussi une condition de l’accepta-
sujet de la fraude fiscale est essentiel. De son côté bilité de l’utilisation du big data pour la détection
l’administration fiscale doit être encore plus de la fraude.
« transparente » sur ses résultats et notamment
ceux relatifs au contrôle fiscal et à la lutte contre
la fraude. Elle est gênée sur ce point par le secret Un dispositif efficace de lutte contre la fraude
fiscal. L’idée dans certains cas bien déterminés de fiscale, ne doit pas inquiéter les contribuables
la délivrer de ce secret pour publier le nom des respectueux du droit. Au contraire, il doit les
fraudeurs (name and shame) est en ce sens inté- rassurer sur le fait que ceux qui leur portent pré-
ressante. judice en fraudant seront repérés et sanctionnés.

*
Renforcer les moyens de lutte contre la fraude
* *
fiscale n’est en aucune manière contradictoire
Ce tour d’horizon, permet de mesurer que la avec le fait que l’administration fiscale doit conti-
France dispose de nombreux atouts pour lutter nuer de mettre en place des procédures pour
contre la fraude fiscale : une administration bien faciliter l’impôt et intensifier sa démarche d’ac-
organisée, efficace et déterminée, des agents de compagnement et de conseil. Au contraire plus
grande qualité, un dispositif législatif anti-fraude l’impôt est facile et compris, plus la sécurité juri-
performant, des moyens de contrôle à l’état de dique est assurée, et moins les fraudeurs sont
l’art et un dispositif de sanction opérationnel. supportables aux yeux de tous. n
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