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La Chine au XXIe siècle : les défis d’une superpuissance en devenir

Quels sont les défis liés aux ambitions planétaires de la Chine au XXIe siècle ?

L’expansion planétaire de la Chine

I) Les ambitions maritimes d’une grande puissance

•Le président Hu Jintao, arrivé au pouvoir en 2003, veut faire de la Chine une
puissance maritime de premier plan. Il considère que le contrôle du détroit de
Malacca (25 % du commerce mondial) est une condition indispensable à la
croissance économique du pays. De nombreuses menaces pèsent sur ce détroit
(piraterie, terrorisme) et les puissances concurrentes, en particulier les États-Unis, y
jouent un rôle majeur.

•L’arsenal militaire est placé au service des ambitions chinoises. Le premier porte-
avions de la marine chinoise, le Liaoning, entre en service en 2012. La Chine devient
la deuxième marine au monde derrière les États-Unis : elle vise à assurer la sécurité
sur les océans et mers du globe où circulent les flux liés aux intérêts économiques
chinois (stratégie du « collier de perles »). Elle est également à l’initiative de la
création de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en 2001.

II) Les « nouvelles routes de la Soie » au service des intérêts chinois

La Chine est devenue la première puissance commerciale mondiale grâce à sa


stratégie d'ouverture économique et à sa volonté d'intégration aux organisations
internationales. Elle a rejoint l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001,
un pas crucial dans la reconnaissance de son poids économique. En 2019, elle
représentait 12 % des échanges mondiaux de marchandises, faisant d'elle le premier
exportateur et importateur mondial (source : Banque mondiale). Pour y parvenir, la
Chine a investi massivement dans la modernisation de ses infrastructures portuaires.
En 2019, sept des dix premiers ports mondiaux en termes de trafic de conteneurs
étaient situés en Chine (source : Lloyd's List). Parmi les exemples notables, on peut
citer les ports de Shanghai, Shenzhen et Ningbo-Zhoushan. Le port de Shanghai,
avec un trafic de plus de 43 millions d'EVP (équivalent vingt pieds) en 2019, est le
port le plus important du monde en termes de trafic de conteneurs d’après le World
Shipping Council). Pour soutenir ce rythme et ce classement, la Chine met les
bouchées en investissant des milliards de dollars chaque année depuis les années
2010 dans des terminaux plus modernes et sophistiqués les uns que les autres,
notamment le Yangshan Deep-Water Port qui dépend du port de Shanghai et qui
peut accueillir les plus grands navires porte-conteneurs du monde. Cette capacité
permet à la Chine de maintenir son rôle de leader dans le commerce mondial. La
Chine a également développé ses axes de transport intérieurs pour faciliter le
commerce et l'industrialisation de l'ensemble du territoire. La Chine a déployé des
efforts considérables pour moderniser ses infrastructures portuaires et développer
ses axes de transport vers l'intérieur du pays afin de stimuler le commerce et
soutenir sa croissance économique. Ces efforts incluent d'importants
investissements dans les ports pour accueillir des navires de plus en plus grands et
augmenter le volume de fret qu'ils peuvent traiter. Par exemple, entre 2000 et 2019,
la capacité totale des ports chinois est passée de 2 milliards de tonnes à 17 milliards
de tonnes, montrant une expansion impressionnante des infrastructures portuaires.
La Chine a également investi dans des projets ferroviaires à grande vitesse pour
améliorer les connexions entre les principales villes et les zones industrielles, comme
celles de Guangzhou, Hangzhou et Chengdu. De fait, le réseau ferroviaire à grande
vitesse du pays a atteint plus de 37 900 km en 2021, ce qui en fait le plus grand
réseau de ce type au monde. En conséquence, ces investissements dans les
infrastructures de transport ont permis de réduire les coûts de transport et
d'améliorer l'efficacité du commerce entre les ports et l'intérieur du pays, renforçant
ainsi la position de la Chine en tant que leader du commerce mondial. En outre, la
Chine a investi dans des projets de corridors économiques, tels que le corridor
économique Chine-Pakistan (CPEC), qui vise à relier la région autonome chinoise du
Xinjiang au port pakistanais de Gwadar. Ce projet d'infrastructure, estimé à 62
milliards de dollars, comprend des routes, des chemins de fer et des oléoducs, mais
permet aussi d’accroitre l’influence de la Chine sur la mer grâce à la longue façade
maritime pakistanaise et au réseau ferroviaire très efficace mis en place par cet
accord interétatique. Et le plus intéressant étant que ce corridor rapproche la Chine
de l’Afrique du fait de la position géographique du Pakistan. Et ce dernier a un trop
faible poids économique pour refuser les avances de la Chine. Par exemple, l’accord
a prévu de prolonger le réseau ferroviaire pakistanais de Kachgar dans le but de le
relier au chemin de fer méridional de Xinjiang en Chine. Les 11 milliards requis
seront obtenus par des prêts en contre-partie de concessions d'exploitation. Cela a
notamment permis, le 13 novembre 2016, le transport terrestre de cargos chinois qui
ont été livrés au port de Gwadar d'où ils ont été transportés par navire en Afrique et
en Asie de l'Ouest ce qui prouve encore une fois l’efficacité de la stratégie chinoise
en matière d’expansion maritime. Ces investissements et développements ont
contribué à la croissance économique chinoise et à l'expansion de ses échanges
commerciaux avec le reste du monde. En 2020, le produit intérieur brut (PIB) de la
Chine était de 14,72 billions de dollars, ce qui en fait la deuxième économie mondiale
après les États-Unis (source : Banque mondiale). Les nouvelles routes de la Soie
sont le plus souvent associées à d’autres mesures stimulant le commerce et
perpétuant l’engrenage du transport maritime. En plus des investissements dans les
infrastructures portuaires et les axes de transport, la Chine a également mis en place
des zones économiques spéciales (ZES) pour attirer les investissements étrangers
et stimuler la croissance. Les ZES offrent des avantages fiscaux et réglementaires
aux entreprises qui s'y installent, ce qui contribue à accroître les exportations et les
importations. La croissance rapide de l'activité portuaire de Shenzhen, 3 e port
mondiale en termes de volume de trafic de conteneurs, a été rendue possible grâce
à l'essor industriel de la ZES de Shenzhen, avec un afflux d'investissements
étrangers qui selon le Bureau municipal de Shenzhen pour le commerce et
l'investissement, ont atteint 110 milliards de dollars en 2021 et une augmentation de
la production industrielle, en particulier dans les secteurs de la haute technologie et
de l'électronique avec notamment Huawei, Tencent et DJI. De plus, la ZES de
Shenzhen bénéficie de sa proximité géographique avec Hong Kong, l'un des
principaux centres financiers et commerciaux mondiaux. Cette proximité facilite le
commerce et les échanges entre les deux régions, renforçant ainsi les liens
économiques et l'activité portuaire. En retour, l'activité portuaire soutient la
croissance économique de la ZES de Shenzhen en permettant aux entreprises
locales d'importer des matières premières et des composants essentiels pour la
production industrielle, ainsi que d'exporter leurs produits finis vers les marchés
mondiaux. Cela crée un cercle vertueux qui renforce la compétitivité des entreprises
de Shenzhen et stimule davantage la croissance économique de la région.
•Les « nouvelles routes de la Soie » sont au service de la puissance chinoise. Ce
projet, initié dès 2013 par le président Xi Jinping, affirme le statut de puissance
commerciale mondiale de la Chine. La Chine investit dans des ports de l’océan
Indien (Gwadar au Pakistan) et d’Afrique (Djibouti) : elle y construit des bases
navales afin de sécuriser les routes maritimes qui la relient aux ressources
pétrolières du Golfe persique, de stimuler la croissance et de nouer des alliances
diplomatiques.

Le port de Gwadar au Pakistan est un exemple majeur des investissements chinois


dans les ports de l'océan Indien dans le cadre du projet des "nouvelles routes de la
Soie". Situé à l'extrémité sud-ouest du Pakistan, près de la frontière iranienne,
Gwadar occupe une position stratégique à proximité du détroit d'Ormuz, par lequel
transitent environ 20% des approvisionnements mondiaux en pétrole. Le
développement du port de Gwadar fait partie du Corridor économique Chine-
Pakistan (CPEC). Le CPEC vise à connecter le port de Gwadar au réseau de
transport chinois via un réseau de routes, de chemins de fer et de pipelines,
permettant ainsi à la Chine d'accéder aux ressources énergétiques du Moyen-Orient
et de contourner les voies maritimes plus longues et potentiellement vulnérables qui
passent par le détroit de Malacca. Outre les installations portuaires, le CPEC prévoit
également la construction d'une zone économique spéciale adjacente au port, qui
devrait attirer des investissements industriels et créer des emplois dans la région. La
Chine a déjà investi près de 2 milliards de dollars pour moderniser et étendre les
installations portuaires de Gwadar, ce qui a permis d'augmenter considérablement la
capacité de manutention des conteneurs et des marchandises. Le développement du
port de Gwadar est crucial pour la stratégie chinoise visant à sécuriser ses
approvisionnements énergétiques et à renforcer sa présence dans l'océan Indien.
Toutefois, ce projet a également suscité des inquiétudes et des tensions
géopolitiques, notamment avec l'Inde, qui considère la présence chinoise au
Pakistan comme une menace potentielle pour sa sécurité.

Au-delà de ça, la Chine étend sa présence en Afrique toujours dans cette optique de
consolider sa puissance maritime à travers les nouvelles routes de la Soie. Prenons
de l’exemple de Djibouti, en Afrique. Djibouti est situé sur le détroit de Bab-el-
Mandeb, un point de passage stratégique reliant la mer Rouge à l'océan Indien, et
est un carrefour essentiel pour le commerce entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique. La
Chine a investi environ 13 milliards de dollars à Djibouti pour développer des
infrastructures clés, notamment un port en eaux profondes, une base navale et une
zone de libre-échange d’après le Financial Times. Le port de Doraleh en eaux
profondes, d'une valeur de 590 millions de dollars, a été inauguré en 2017 et est
exploité par China Merchants Port Holdings (source : Reuters, 2017). Il peut
accueillir des navires de plus de 100 000 tonnes et a une capacité annuelle de 8,8
millions de tonnes de marchandises (source : Port Technology, 2017). En outre, la
Chine a financé la construction d'une zone de libre-échange de 3,5 milliards de
dollars à Djibouti, qui couvre une superficie de 4 800 hectares (source : Xinhua
News, 2018). Cette zone de libre-échange vise à faciliter le commerce et
l'investissement entre la Chine, l'Afrique et les pays du Moyen-Orient. Enfin, la base
navale chinoise à Djibouti, établie en 2017, est la première base militaire chinoise à
l'étranger et a été construite à un coût de 590 millions de dollars (source : The
Diplomat, 2017). Elle abrite environ 2 000 soldats et sert de point d'appui pour les
opérations de lutte contre la piraterie, les missions de sauvetage et d'évacuation,
ainsi que pour protéger les intérêts commerciaux chinois dans la région (source :
South China Morning Post, 2017). Au-delà de l’Afrique et de l’Asie, la Chine entend
bien prendre une place centrale en Europe où elle s’immisce par l’intermédiaire du
port de Hambourg. Le port de Hambourg, situé en Allemagne, revêt une importance
stratégique pour la Chine dans le cadre de l'Initiative la Ceinture et la Route (BRI) en
raison de son rôle en tant que plaque tournante majeure du commerce entre l'Europe
et l'Asie. En tant que troisième plus grand port d'Europe et le plus grand port
d'Allemagne, Hambourg joue un rôle crucial dans les échanges commerciaux entre
la Chine et l'Europe. En 2019, la Chine était le premier partenaire commercial de
Hambourg, avec un volume d'échanges de 34,6 milliards d'euros (source : Port of
Hamburg, 2020). La Chine a investi massivement dans les infrastructures portuaires
de Hambourg pour renforcer cette relation. En 2016, la société China Shipping
Terminal a acquis une participation majoritaire dans le terminal à conteneurs de
Tollerort (source : Hafen Hamburg, 2016). Cet investissement a permis d'accroître la
capacité du terminal pour gérer les navires porte-conteneurs de grande capacité,
ainsi que de faciliter le commerce entre la Chine et l'Europe du Nord. Le port de
Hambourg est également un point clé de connexion pour la Chine en ce qui
concerne les liaisons ferroviaires entre l'Asie et l'Europe. Depuis 2011, le train de fret
Yuxinou, également connu sous le nom de "China Railway Express", relie la ville
chinoise de Chongqing à Duisbourg, en Allemagne, en passant par la Russie, la
Biélorussie et la Pologne (source : Deutsche Welle, 2016). Le réseau ferroviaire se
connecte ensuite à Hambourg, offrant un accès direct aux marchés européens. Le 20
octobre 2022, Olaf Scholz, le chancelier allemand, avait défrayé la chronique après
avoir annoncé sa position favorable au rachat à 35% d’un terminal à conteneurs du
port de Hambourg au géant armateur chinois Cosco. Reste à savoir ce qu’il en sera
à l’avenir mais l’Europe semble désormais être au cœur des préoccupations
maritimes de la Chine.

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