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série Les Rougon-Macquart. L’ouvrage nous entraîne dans le monde de l’art et des
artistes, à travers le portrait d’un artiste peintre, Claude Lantier, dont le personnage
évoque Paul Cézanne, grand ami de Zola.
S'il a longtemps été admis que L'Œuvre est à l'origine d'une brouille entre l'écrivain et
Cézanne, vexé, cette hypothèse est remise en cause1.
Le roman est aussi une histoire d’amour et d’amitié. Claude Lantier a rencontré un
soir de pluie, sous le porche de son immeuble, une jeune femme prénommée
Christine, avec qui il partagera sa vie et ses échecs. Ils vont habiter à la campagne,
où Claude trouve d’abord le soulagement. Ils ont un enfant, mais celui-
ci, hydrocéphale, mourra à l’âge de douze ans. Entre-temps, le couple est revenu
vivre à Paris, où Claude retrouve à la fois ses amis et le sentiment de son échec. Il
finit par se détacher de sa femme pour passer son temps dans un grand hangar où il
a entrepris une œuvre gigantesque, une toile qu’il laissera inachevée et devant
laquelle il se pendra.
C’est un homme rude, taciturne et colérique qui ne vit que pour peindre. « Je ne veux
pas m’en aller avec toi, je ne veux pas être heureux, je veux peindre. » (L'Œuvre,
chapitre XII). Frappé par la fêlure d’origine de son aïeule Adélaïde Fouque, Claude
est un peintre qui ne parvient pas à accoucher de son génie, il en a « trois grammes
en moins ou trois grammes en plus » (L’Œuvre, chapitre XII). En effet, il échoue dans
ses toiles par l’état d’ébauche où il les laisse, ou l’acharnement qu’il a à les peindre
sans cesse. Travaillant jusqu’à l’épuisement, Claude est pourtant le peintre qui ne
laissera aucune œuvre.
Artistiquement, il cite deux maîtres absolus au chapitre II du roman, Eugène
Delacroix et Gustave Courbet, puis il se place dans la veine impressionniste. Dans
son roman, Zola nomme cette école les « pleinairistes », répondant ainsi au
tableau Plein Air de Claude, qu’il présente à son premier salon. Ce tableau est
inspiré du Déjeuner sur l’herbe de Manet, qui provoque les mêmes rires que le
tableau romancé, ce dont s’indigne Edmond de Goncourt qui trouve cette
ressemblance désobligeante pour Manet2. De même, les impressionnistes étaient
nommés ainsi par référence au tableau de Monet, Impression, soleil levant. Ce
mouvement, comme celui des impressionnistes, s’oppose à l’art académique. Mais la
dégénérescence héréditaire de Claude, sa folie face à l’obsession que sera sa
grande toile, son Œuvre, le font changer à la fin du roman ; de celui qui veut peindre
la vraie vie, les véritables couleurs, il annonce les peintres symbolistes avec sa
grande Femme nue qui prend des allures d’allégorie du désir insatiable.
Marchand de tableaux. Un gros homme, enveloppé dans une vieille redingote verte,
très sale, qui lui donne l’air d’un cocher de fiacre mal tenu, avec ses cheveux blancs
coupés en brosse et sa face rouge, plaquée de violet ; carrément planté sur ses
fortes jambes, il examine les tableaux, de ses yeux tachés de sang. Le père Malgras,
sous l’épaisse couche de sa crasse, est un bonhomme très fin, qui a le goût et le flair
de la bonne peinture ; Claude Lantier reçoit souvent sa visite ; jamais il ne s’égare
chez les barbouilleurs médiocres, il va droit, par instinct, aux artistes personnels,
encore contestés, dont son nez flamboyant d’ivrogne sent de loin le grand avenir.
Avec cela, il a le marchandage féroce, il se montre d’une ruse de sauvage pour
acheter à bas prix la toile qu’il convoite. Ensuite, il se contente d’un bénéfice de
brave homme, vingt pour cent, trente pour cent au plus, ayant basé son affaire sur le
renouvellement rapide de son petit capital, n’achetant jamais le matin sans savoir
auquel de ses amateurs il vendra le soir, mentant d’ailleurs superbement.
« À ce moment, Claude, les yeux sur le ventre, crut avoir une hallucination. La
Baigneuse bougeait, le ventre avait frémi d’une onde légère, la hanche gauche s’était
tendue encore, comme si sa jambe droite allait se mettre en marche. »4
— Zola, L'Oeuvre
Mais au lieu de prendre vie, la statue s’effondre et Mahoudeau en souffre comme de
la perte d’une femme aimée.
Pour le bonheur des miens
Publié 20/04/2016
Biographie de l’auteur
Collection : Yenian