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d’exception
pour 2024

N° 2680 DATÉ DES 12 ET 13 JANVIER 2024

3€

Pourquoi l’élection présidentielle à Taïwan doit nous intéresser

Quelle que soit l’issue de l’élec-
tion présidentielle qui s’y déroule
samedi, Taïwan restera l’un des points
chauds de l’actualité mondiale parce
qu’il se trouve au cœur de nos intérêts
stratégiques et de nos valeurs. Il suit
de regarder un planisphère pour com-
prendre que sa situation géographique
à proximité du détroit de Taïwan et
de la mer de Chine méridionale, l’une
des routes maritimes les plus fréquen-
tées au monde, ne peut pas laisser de
marbre les Européens. Au moment où
le commerce mondial rencontre des
obstacles autour du canal de Suez et du
canal de Panama, une nouvelle crise
s’avérerait fatale.
Le rôle de Taïwan dans les chaînes
d’approvisionnement, en particulier
celles des semi-conducteurs, est devenu
déterminant pour nos industries. Le
souvenir douloureux de la pénurie tem-
poraire qui a touché de nombreux sec-
teurs au lendemain de la crise sanitaire
devrait nous alerter sur le risque d’un
nouveau choc si l’île, où l’on produit 90%
des semi-conducteurs les plus avancés
indispensables à l’intelligence artifi-
cielle, devenait l’otage d’une confron-
tation entre les Etats-Unis et la Chine.
Pour l’Europe, l’un des enjeux impor-
tants est de savoir comment se position-
ner sur la question de Taïwan et des liber-
tés. En avril, Emmanuel Macron avait
suscité un tollé lorsqu’il avait déclaré
que les Européens ne devaient pas « être
suivistes » de Washington ou de Pékin à
propos de Taïwan, rappelant ainsi la né-
cessité d’autonomie stratégique du vieux
continent. A la différence de l’Ukraine
où nous avons été impliqués par la force
des choses, le dossier taïwanais pourrait
devenir un cas d’école dans ce domaine
et amener l’Union européenne à mieux
définir ses propres intérêts. Voilà pour-
quoi ce scrutin du 13 janvier doit nous
intéresser, car il conditionne à sa façon
notre rôle dans un monde en plein
chamboulement. Claude Leblanc
@Japonlinex

Huit ministres sur quatorze ont connu les rangs de l’UMP ou de LR. Le gouvernement n’a jamais
autant penché à droite. Déjà, l’aile gauche s’inquiète de la nomination de figures, telles Rachida Dati

Remaniement
La droite
s’airme
en macronie
A tribord toute
Quatorze ministres ont été nommés jeudi soir pour composer un gouver-
nement de « sobriété », selon Gabriel Attal : seuls onze ministres de plein
exercice forment cette équipe. Une deuxième salve de nominations doit
intervenir ces prochains jours. Elle concernera les ministres délégués et
les secrétaires d’Etat.

Matthieu Deprieck et Corinne Lhaïk

Gouverner, ce n’est pas choisir. C’est
tout jeter dans un shaker et bien se-
couer en espérant que le résultat soit
digeste. Sur le plateau de TF1 jeudi soir,
Gabriel Attal a tenté de résumer la phi-
losophie générale de ce remaniement
composé de « femmes et d’hommes en-
gagés à 200 % pour la France » et dont le
mot « énergie » serait central.
Le chambardement, le retour au
macronisme originel ou la main ten-
due à la droite formaient trois pistes
pour remanier le gouvernement.
Emmanuel Macron les a toutes utili-
sées. Quelques ministres habitués des
maroquins quittent l’exécutif (Olivier
Dussopt, Olivier Véran, Franck Ries-
ter) ; d’autres, figures émergentes,
poursuivent leur ascension (Amélie
Oudéa-Castéra à l’Education natio-
nale, Prisca Thévenot au porte-paro-
lat) ; deux personnalités de la droite
entrent en macronie (Rachida Dati à
la Culture, Catherine Vautrin dans un
grand ministère social).
C’est le principal fait de ce remanie-
ment : huit ministres sur les quatorze
nommés ce jeudi viennent de la droite.
Seul Stéphane Séjourné, ministre des
Affaires étrangères, est passé par la
gauche. Le versant social de la majorité
tousse. Il s’est même étranglé à l’évoca-
tion du nom de Rachida Dati, ancienne
ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy.
Face à la difficulté de trouver des
ministres femmes, un de ses leaders
s’étonnait (ironiquement) jeudi soir que
Nadine Morano n’ait pas été nommée.
Celui-ci regrettait surtout qu’aucune
logique n’ait présidé à la composition
du gouvernement Attal, avertissant que
les entrées de Rachida Dati et Catherine
Vautrin ne passeraient pas parmi ses
collègues députés. « Ça risque d’être
beaucoup plus problématique qu’ils ne
semblent le penser », jugeait-il.
Dégelée. Emmanuel Macron s’en
soucie-t-il ? Recevant un de ses mi-
nistres, le chef de l’Etat lui confiait
KAK
avoir pris une dégelée de la part de
l’aile gauche au moment du vote de la
loi sur l’immigration. Sans que cela ait
l’air de le déranger. Le Président ne
tient pas ces députés en haute estime.
Il a toujours jugé que, comme l’inten-
dance, l’aile gauche suivra et qu’elle
n’a de toute façon pas les moyens de
se structurer. Elisabeth Borne, Oli-
vier Dussopt et Olivier Véran peuvent
l l l Page 2

Sur CNews, les patrons parlent aux patrons

Autopromotion
Sophie de Menthon est une femme
de caractère. Sa participation à l’émis-
sion « Les grandes gueules » de RMC
n’était pas injustifiée. Elle a du culot,
de la ténacité, sa langue est rarement
dans sa poche. Elle peut prendre des
positions étonnantes, comme soutenir
la CGT dans son combat pour la régula-
risation des travailleurs sans papiers.
Les organisations patronales classiques
la regardent avec un certain recul, cer-
tains l’ont surnommée « la pestouille ».
3’:HIKKLB=]UXUUV:?k@l@b@c@a";
nyme, ne pouvait donc pas ne pas la
remarquer. Le propriétaire de CNews
a noté que sa chaîne n’interviewait pas
assez les patrons. Des journalistes au-
raient pu le faire, mais il a demandé que
Taïwan : un scrutin à enjeu mondial
Sophie de Menthon interroge ses pairs.
Pas tout à faire le même exercice…
Sophie de Menthon préside le mou-
vement patronal Ethic dont la devise est
« Le pouvoir d’inluence, le devoir d’in-
Samedi, 19,5 millions
d’électeurs choisiront leur
fluer ». Elle organise des événements,
invitant aussi bien Laurent Wauquiez,
que François Ruffin, lors de déjeuners
débats. Elle est en contact avec Marine
Le Pen et Jordan Bardella et leur fait ren-
contrer des chefs d’entreprise.
C’est elle qui a trouvé le titre de
l’émission « Patrons en question ». Plu-
sieurs d’entre eux sont déjà program-
més : Maxime Ayache (Acadomia), Da-
vid Layani ( One point), Alain Afflelou,
Meyer Azogui (Cirus conseil) Thomas
Derichebourg (groupe du même nom),
Valérie Lorentz-Poinsot (Laboratoires
encore Joseph Tayefey (Plastalliance).
La nouvelle émission a été annoncée par
le directeur du développement de Canal
lors de la galette des rois organisée par
Ethic, le 10 janvier. A priori, chaque se-
maine, trois patrons seront interviewés
durant 15 minutes. L’intégralité devrait
être difusée sur MyCanal. Pour CNews,
la rencontre avec chaque patron sera
découpée en deux fois cinq minutes, le
matin et le soir, à des horaires adaptés à
l’auditoire visé, les patrons. La première
devrait avoir lieu le 20 janvier.
Corinne Lhaïk

Vincent Bolloré, PDG du groupe épo- nouveau président dans un Boiron), Charles-Marie Jottras (Féau) ou @clhaikx
contexte de fortes tensions
avec la Chine. Le candidat du
Parti démocrate progressiste
M 00118 - 112 - F: 3,00 E

La hausse des prix de (PDP) au pouvoir, William Aides d’Etat: Les dessous de la
Lai Ching-te, celui du
l’électricité pourrait Kuomintang (KMT), plus la grogne des « petits plainte de l’Afrique
être contenue à 8 % Pékin-compatible, et du pays » européens du Sud contre Israël
Parti du peuple taïwanais
La sortie progressive (PPT) se disputent le poste Ils reprochent à Paris et Berlin de Soutiens de la cause palestinienne,
du bouclier tarifaire implique suprême. Page 3 raler des investissements industriels Pretoria et ses avocats ont plaidé
une augmentation des factures des SIPA PRESS
au prétexte de concurrencer jeudi devant la Cour internationale
Français à partir du 1er février Page 4 les Etats-Unis et la Chine Page 6 de justice Page 7
 Remaniement : la droite s’affirme en macronie
l l l Suite de la page 1
revenir à l’Assemblée nationale. Clément
Beaune risque de suivre quand la liste des
ministres délégués et secrétaires d’Etat sera
dévoilée. Rien ne dit qu’ils seront capables
de s’entendre.
Le collectif gouvernemental sera-t-il plus
facile à animer ? « Fâcher Darmanin, Le Maire,
Lecornu et les députés de gauche, c’est un
bon début », constate un parlementaire, qui
souhaite bon courage à Gabriel Attal, jeune
Premier ministre plongé dans la cage aux
grands fauves politiques.
Dans « regénération », pour reprendre le
mot du Président, il y a le mot « génération ».
C’est une question d’âge, mais pas seulement.
Gabriel Attal, Premier ministre, se doit de
diriger un gouvernement à son image, en-
touré de ministres forts et impliqués. Ils sont
là, mais ils ne sont pas nouveaux : Bruno Le
Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu
et Eric Dupond-Moretti incarnent leur fonc-
tion depuis plusieurs années.
Les éléphants du gouvernement n’ont
pas bougé, d’autres figures de poids ne sont
pas venues lester l’équipe. En juillet 2020,
Emmanuel Macron avait doté Jean Castex de
grandes gueules : l’avocat Eric Dupond-Mo-
retti à la Justice et la Madame Sans-Gêne des
plateaux de télévision, Roselyne Bachelot, à
la Culture. Le premier a mis du temps à percer
( jusqu’aux émeutes de l’été 2023), la seconde
a été empêchée par la crise de la Covid.
Désordre. Gabriel Attal doit faire face à
deux candidats possibles à l’élection prési-
dentielle, Bruno Le Maire et Gérald Darma-
nin et à un Sébastien Lecornu, dont le nom
a été longtemps envisagé pour Matignon.
Le ministre des Armées a son autonomie, il
s’adresse directement au chef de l’Etat, de
même que ceux de l’Economie et de l’Inté-
rieur. Le 10 janvier, lendemain de sa nomi-
nation, Gabriel Attal se rend au commissa-
riat d’Ermont (Val-d’Oise) : il est accueilli par
Les éléphants du
gouvernement n’ont pas
bougé, d’autres figures
de poids ne sont pas
venues lester l’équipe
Gérald Darmanin. Les deux hommes mettent
en scène leur entente. « Je ne conçois pas de
société sans ordre et sans règle », dit le nou-
veau Premier ministre au côté d’un Darmanin
mutique et respectueux.
Rachida Dati est un facteur de désordre
supplémentaire. Son goût pour les SMS leuris
peut provoquer à tout moment une crise qui
nécessitera l’intervention du pompier Attal.
Avant même l’oicialisation de sa nomination,
d’anciennes déclarations de l’élue Les Répu-
blicains remontaient à la surface. Elle avait
ainsi accueilli l’arrivée de Gérald Darmanin au
ministère de l’Intérieur par un lot de critiques
acérées, jugeant qu’il avait des « pratiques
indignes » à l’égard des femmes. Comment les
deux vont-ils travailler ensemble ? L’entourage
Bruno Le Maire reconduit
et conforté à Bercy
Bruno Le Maire s’y connaît en matière de
remontada. En 2005, il a pu observer com-
ment Dominique de Villepin a réussi à s’impo-
ser face à Michèle Alliot-Marie comme Premier
ministre de Jacques Chirac. En 2011, lui-même
perd la bataille face à François Baroin pour de-
venir le ministre de l’Economie de Nicolas Sar-
kozy : le vainqueur a davantage joué des pieds
et des mains pour arracher le poste.
Cette fois, il a compris : il faut dire ce que
l’on veut avant même qu’on vous propose quoi
que ce soit. Pour lui, c’est Bercy, puisqu’il ne
peut pas être Premier ministre, ainsi en a dé-
cidé Emmanuel Macron depuis 2017. Pourtant
le Président ne le maltraite pas. A l’orée de la
campagne pour 2022, Emmanuel Macron l’in-
vite en tête-à-tête. Le poste le plus important,
c’est l’Education nationale, lui dit le Président.
Le Maire dit non tout de suite, laisser la porte
ouverte serait un piège.
Physique. Le quai d’Orsay, personne (en
position de le décider) ne le lui a proposé, il
n’a pas eu à dire non. Ces derniers jours, il a
dîné avec Alexis Kohler, le secrétaire général
de l’Elysée ; vendredi 5 janvier, il rencontre le
Président qui le conforte dans son poste et l’au-
torise à présenter ses vœux. Cela n’empêche
pas les ministres, les députés, leurs conseil-
lers, les journalistes de se parler, de faire et
2 l’Opinion 12 et 13 janvier 2024
SIPA PRESS
Gabriel Attal, en visite au
commissariat de police d’Ermont
Eaubonne (Val-d’Oise), accompagné
de Gérald Darmanin, le 10 janvier.
du ministre de l’Intérieur assure qu’ils « se sont
rabibochés il y a déjà longtemps ».
Tout arrive même le retour aux afaires de
responsables qui auraient pu craindre que le
train ne repasse pas. Mais, en politique, rien
n’est jamais perdu. La preuve par Catherine
Vautrin. La présidente du Grand Reims est
choisie par Emmanuel Macron pour diriger
le gouvernement en mai 2022. Au dernier
moment, le chef de l’Etat, convaincu par
son entourage, lui préfère Elisabeth Borne.
L’ancienne ministre déléguée à la Cohésion
sociale et à la parité de Jacques Chirac n’est
pas rancunière. Elle accepte de revenir, mais
ne dirige pas le gouvernement.
Toutefois, elle va occuper un poste im-
portant, à la tête d’un pôle regroupant le
Travail, la Santé et les Solidarités. Elle pointe
au troisième rang protocolaire. C’était aussi
une volonté d’Emmanuel Macron de modi-
fier l’architecture gouvernementale dans ce
sens. Amélie Oudéa-Castéra hérite, elle aussi,
d’un conglomérat comprenant l’Education,
la Jeunesse, les Sports, les Jeux olympiques et
paralympiques.
La nomination de Stéphane Séjourné,
secrétaire général de Renaissance, à la tête
du ministère de l’Europe et des Afaires étran-
gères, est l’autre surprise de la soirée. A lui le
monde. Un périmètre qui lui laissera pourtant
le temps de continuer à s’occuper du parti pré-
sidentiel. A la demande d’Emmanuel Macron,
il conserve ses fonctions à la tête de Renais-
sance. L’ancien compagnon de Gabriel Attal se
déportera en revanche de la campagne pour
les élections européennes. Il était pressenti
pour prendre la tête de liste pour les élections
européennes. Il faudra lui trouver un rempla-
çant. Le nom d’Olivier Véran circule. L’ancien
porte-parole du gouvernement a mené ces der-
nières semaines une tournée des villes gérées
par le Rassemblement national.
@mdeprieckx @clhaikx
défaire le gouvernement. Aux Affaires étran-
gères, on sait Catherine Colonna condamnée.
Bruno Le Maire, pas de chance, a le physique
de l’emploi et l’expérience qui va avec. Pour-
tant, il est clair : il ne veut pas faire de tourisme
ministériel, ni devenir député européen. Cinq
ans loin de Paris quand on vise la présidentielle
de 2027, il n’en est pas question.
Certains interprètent l’arrivée d’Emma-
nuel Moulin à la tête du cabinet de Gabriel Attal
comme la volonté d’assurer le sérieux écono-
mique, malgré le changement de poste de Bru-
no Le Maire. Pour eux, le maintien du même
homme aux mêmes fonctions depuis sept ans
serait antinomique avec le souhait de régéné-
ration, la marque aichée du remaniement.
Conforté à son poste qui grossit du porte-
feuille de l’énergie, le ministre va accélérer la
bataille entreprise depuis quelques mois. En
présentant ses vœux aux forces économiques
le 8 janvier, il a réitéré ses pistes : rénover un
modèle social obsolète, réformer le inance-
ment de la protection sociale qui repose trop
sur le travail, revenir sur l’immigration, car la
loi nouvellement votée ne s’attaque pas à la
question des lux migratoires. Trouver 12 mil-
liards d’euros pour boucler le budget 2025.
Cette bataille-ci, on est sûr qu’il va devoir la
mener.
C.Lh.
Rachida Dati, une sarkozyste
cash à la Culture
Le 18 décembre dernier, les invités à une
remise de Légion d’honneur à l’Elysée sourient
en entendant Emmanuel Macron dire, au détour
d’un passage sur la justice : « J’espère que je n’ou-
blie rien, car Rachida Dati est dans la salle ». Tout
le monde y voit un clin d’œil à l’ancienne garde
des Sceaux, d’autant plus que, quelques ins-
tants plus tard, la maire du VIIe arrondissement
de Paris est dans le petit groupe qui échange
avec le Président. Dans le monde hyperformaté
de la macronie, où chacun est prié de tenir ses
éléments de langage, Rachida Dati et son franc-
parler à nul autre pareil promettent de détonner.
« Une très belle prise, à plus d’un titre. C’est une
sarkozyste historique, une grande gueule, avec
un taux de notoriété toujours très haut, et une
machine à idées », résume cet observateur qui la
connaît bien. Le ralliement de cette personnalité
signe un nouvel acte du rapprochement entre la
majorité et la droite LR. Eric Ciotti a cependant
indiqué, jeudi soir, qu’elle ne « faisait désormais
plus partie des Républicains ».
« Electron libre », « affranchie », « pas em-
barrassée par les codes » : Rachida Dati est res-
tée fidèle à sa réputation. Enfant d’une mère
algérienne et d’un père marocain, immigrés en
France en 1963, Rachida Dati colle au récit valo-
risé par les macronistes d’une ascension sociale
par le travail et d’une intégration au mérite. Pour-
tant, personne n’avait vu venir la nomination de
l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy
au ministère de la Culture dans le gouvernement
Attal. Pas même ses collègues du groupe LR au
Conseil de Paris, que la maire du VIIe arrondisse-
ment de la capitale a convoqué sous les coups de
18 heures, ce jeudi.
Chamboule-tout. Dans l’entourage d’Anne
Hidalgo, on y voit une tentative de préempter la
bataille de Paris aux municipales de 2026. Son
ralliement à Emmanuel Macron signe, de fait,
un possible chamboule-tout. Selon plusieurs
sources, un accord aurait même été évoqué avec
la nouvelle ministre de la Culture afin qu’elle
prenne la tête d’une liste Renaissance élargie en
2026. A l’orée d’une année marquée par les Jeux
Olympiques, les invectives entre Anne Hidalgo et
Rachida Dati, qui ne manque jamais d’alimenter
les réseaux sociaux sous le hashtag #SaccagePa-
ris, s’échangeront désormais à distance.
Qu’il semble loin le temps où Rachida Dati
qualiiait, au lendemain des régionales de 2021,
ainsi la formation macroniste : « La République
en Marche, c’est quoi ? Un parti de traîtres de
Macron à la recherche du
macronisme chimiquement pur
Au commencement était la disruption et le
dépassement. La formule magique pour s’em-
parer de l’Elysée et y mener les premiers com-
bats. Disruption quand Emmanuel Macron
s’afranchit des règles non écrites de l’élection
présidentielle pour se présenter en dehors de
tout parti. Dépassement quand, une fois élu,
il nomme à Matignon un cadre de la droite,
lui qui vient de la gauche. Mais le macronisme
chimiquement pur des premiers jours s’est
petit à petit dilué dans l’exercice du pouvoir.
L’enchaînement des Gilets jaunes, de
l’épidémie de Covid-19 et des guerres en
Ukraine et au Proche-Orient n’a pas aidé,
ramenant à chaque fois Emmanuel Macron
aux contraintes de la gestion de crise d’un
pays. Quant aux oppositions, chaque jour un
peu plus remontées contre le président de la
République, elles ont entretenu un climat de
déiance délétère. Si bien qu’à la in, il ne res-
tait plus rien, ou presque. Elisabeth Borne,
l’article 49.3, une majorité relative divisée et
un gouvernement épuisé. Finie la disruption,
oublié le dépassement. Le macronisme à bout
de soule.
Martingale. « La recette du début était utile
pour conquérir le pouvoir, mais pas forcément
pour l’exercer sur le long terme, résumait
récemment un cadre de la macronie. Le pré-
sident doit maintenant revêtir le costume de
père de la nation pour rassurer le pays. » Raté.
Du moins pour l’instant. En nommant Gabriel
Attal Premier ministre, Emmanuel Macron
jette ses dernières forces dans le quinquennat.
Et tente de renouer avec la recette originelle du
succès. La disruption d’abord.
Ressassé jusqu’à l’ivresse, l’argument de
l’âge du Premier ministre se lit en réalité à l’en-
vers. Ce n’est pas tant lui qui est jeune que les
autres qui font désormais vieux. Sur la photo,
gauche et de traîtres de droite, qui n’est rien
sans Emmanuel Macron ». A l’époque, elle ne
ménageait pas les transfuges de la droite partis
rejoindre la macronie. Sur le plan politique, mais
aussi personnel quand elle parle, à propos de
Gérald Darmanin, alors mis en cause pour une
relation sexuelle non consentie, d’un compor-
tement relétant « ces hommes politiques totale-
ment incorrects vis-à-vis des femmes ».
Le nom de Rachida Dati est apparu ces
dernières années dans plusieurs dossiers judi-
ciaires. D’abord, lors de sa mise en examen pour
« corruption et traic d’inluence passif par per-
sonne investie d’un mandat électif public », en
juillet 2021, dans l’afaire Carlos Ghosn – Renault-
Nissan. Ensuite, en juin dernier, son bureau mu-
nicipal a été perquisitionné dans le cadre d’inves-
tigations liées à un dossier impliquant le Qatar, le
PSG et un lobbyiste franco-algérien.
Le dernier conseil des ministres de Rachida
Dati remonte à 2009. A la tête du ministère de
la Justice entre 2007 et 2009, Rachida Dati, qui
a une formation de magistrate, avait imprimé
sa marque avec la réforme de la carte judiciaire,
l’instauration de peines planchers, la rétention
de sûreté. Mais aussi quelques coups de sang,
prises de bec et fâcheries.
Marie-Amélie Lombard-Latune
et Antoine Oberdorf
@A_Oberdorfx @malombardx
SIPA PRESS
La nomination de l’ancienne garde
des Sceaux est l’une des surprises
du gouvernement Attal.
même Gérald Darmanin semble avoir pris dix
ans. Le saut générationnel de 2017 était un ra-
soir à deux lames, la première avec Emmanuel
Macron, la deuxième avec Gabriel Attal. D’ail-
leurs, de droite à gauche et jusque dans la majo-
rité, on s’agace de l’âge du capitaine.
« L’énergie de la jeunesse n’a jamais pro-
duit de la croissance », peste Xavier Bertrand.
Le socialiste Patrick kanner observe que le
nouveau Premier ministre « n’a pas une expé-
rience majeure ». Ce qui inquiète François Bay-
rou, qui s’interroge sur « l’expérience néces-
saire pour être à la tête d’un pays qui traverse
de si profondes difficultés ». Tout le monde
rechigne. Réaction naturelle. En termes éco-
nomiques, la disruption désigne une fracture
sur un marché. Une innovation qui chamboule
le fonctionnement d’un marché. Il n’y a guère
que ceux qui n’attendent plus grand-chose de
la politique, et qui se voit donc créditer d’une
certaine forme de sagesse, pour trouver des
compliments à l’égard de Gabriel Attal. « Son
âge est évidemment une chance », juge Jean-
Pierre Rafarin.
Quant au dépassement, c’est l’autre enjeu
du remaniement. Lorsque Gabriel Attal était à
l’Education nationale, Les Républicains le cou-
vraient d’éloges pour son pragmatisme. Pour
mieux souligner en creux les critiques adressées
à Emmanuel Macron sur son indécision. Main-
tenant que Gabriel Attal est à Matignon, ce n’est
plus la même chanson. Eric Ciotti demande la in
du « en même temps », Bruno Retailleau exige
« une rupture profonde avec le macronisme ». Ce
n’est pas l’idée. Le dépassement est en danger. Et
s’il manque un ingrédient, la recette est ratée. Au
Premier ministre de trouver la martingale. Pour
éviter que l’opération Gabriel Attal ne tourne au
bouquet inal du macronisme.
François-Xavier Bourmaud
@fxbourmaudx
Les 19,5 millions d’électeurs taïwanais choisiront samedi leur nouveau président,
dans un contexte de tensions qui restent particulièrement fortes avec la Chine
A Taïwan, une élection présidentielle
aux enjeux internationaux
Hésitation
Alors que la part occupée par la Chine
dans les investissements directs taïwa-
nais à l’étranger dépassait 80 % en 2010,
ceux-ci seront un peu supérieurs à 10% en
2023. Les investissements vers les Etats-Unis
ont, eux, été multipliés par neuf par rapport
à 2022. C’est le fruit de la politique des auto-
rités taïwanaises qui ont entrepris de rendre
l’économie « moins dépendante de la Chine »,
en mettant aussi en place des politiques préfé-
rentielles pour les entreprises qui rapatrient
leur production de la Chine vers Taïwan.
Claude Leblanc
Les candidats du Parti démocrate progres-
siste (PDP) au pouvoir, du Kuomintang (KMT)
plus Pékin-compatible et du Parti du peuple
taïwanais (PPT) se disputent le poste suprême,
après plusieurs années de relations tendues avec
la Chine depuis que Tsai Ing-wen, du PDP, favo-
rable à l’indépendance, a été élue pour la pre-
mière fois à la présidence en 2016.
Les enjeux sont particulièrement élevés, car
le scrutin du 13 janvier est susceptible de façon-
ner les relations entre les deux rives du détroit
de Taïwan ainsi que les relations bilatérales entre
Pékin et Washington. Le candidat du PDP, le vice-
président William Lai Ching-te, est actuellement
en tête des sondages, devant Hou Yu-ih du KMT
et Ko Wen-je du PPT. Le KMT a cependant une lé-
gère avance dans les sondages pour les 133 sièges
législatifs.
Tout au long de la campagne, chacun des
prétendants à la présidence s’est eforcé de dé-
montrer qu’il était le meilleur choix pour parve-
nir à la paix entre les deux rives du détroit, dans
un contexte de vives tensions depuis que Pékin a
intensiié la pression militaire, politique et éco-
nomique sur l’île autonome, en particulier au
cours de l’année écoulée.
Hou a appelé Lai à renoncer à sa position
en faveur de l’indépendance, en invoquant des
craintes de guerre, tandis que Lai a accusé le
KMT de créer une fracture identitaire dans l’île
en dénonçant son aveuglement à soutenir le
principe d’une seule Chine. Pékin a mis en garde
contre les risques de guerre si le PDP restait au
pouvoir et a reproché aux « forces indépendan-
tistes » de Taïwan de semer le chaos dans la ré-
gion Asie-Paciique.
Lors de ses vœux, le 31 décembre, Xi Jinping
a affirmé que la Chine sera « sûrement réuni-
iée », expliquant que « tous les Chinois des deux
côtés du détroit de Taïwan devraient être liés par
un but commun et partager la gloire du renou-
veau de la nation chinoise ». Des propos qui n’ont
rien de nouveau dans la bouche du dirigeant
chinois qui a fait de la réuniication un objectif à
Une volonté de changement portée par la jeunesse
Alors que la course à la présidentielle
semble jouée en faveur de William Lai, l’actuel
vice-président et candidat du Parti démocrate
progressiste (PDP) – l’enjeu international ayant
pris le dessus sur toutes les autres considéra-
tions –, l’autre scrutin du 13 janvier, qui porte
sur le renouvellement du Yuan législatif ne se
présente pas aussi bien pour le parti majoritaire
à l’égard duquel les Taïwanais manifestent une
certaine lassitude.
Après huit ans de pouvoir, le PDP perdra pro-
bablement la majorité au sein du Parlement qui
compte 113 sièges. Les élections locales, qui ont
eu lieu en novembre 2022, ont constitué un pre-
mier avertissement pour le PDP qui a nettement
reculé face au Kuomintang (KMT) et au Parti du
peuple taïwanais (PPT), les deux principales
formations d’opposition. L’insatisfaction des
Taïwanais porte avant tout sur le manque d’amé-
lioration de leurs conditions de vie alors que le
produit intérieur brut de Taïwan a fait un bond
significatif sous la direction de Tsai Ing-wen,
avec une croissance moyenne de 3,4 % par an,
passant de 17 500 milliards de dollars taïwa-
nais (513, 6 milliards d’euros) en 2016 à
23 000 milliards de dollars taïwanais (675,2 mil-
liards d’euros) en 2022.
Alimentée par les exportations technolo-
giques de l’île, en particulier les semi-conduc-
teurs, dont Taïwan assure plus de 60% de la pro-
duction mondiale – 90 % pour les puces les plus
avancées –, la croissance n’a pas amélioré le quo-
tidien de la population qui majoritairement tra-
Vue des îles taïwanaises de Kinmen depuis Xiamen, dans la province de Fujian, en Chine.
atteindre d’ici au centenaire de la fondation de la
République populaire en 2049.
Outre les démonstrations de force qui se
sont multipliées depuis août 2022 au lendemain
de la visite à Taipei de Nancy Pelosi, alors prési-
dente de la Chambre des représentants, et les
tentatives d’isolement de Taïwan sur la scène
internationale, Pékin a aussi cherché à séduire
les Taïwanais. Le gouvernement a dévoilé, en
septembre, une directive générale visant à faire
de la province de Fujian, située sur la côte ouest
du détroit de Taïwan, une zone modèle d’inté-
gration – une déclaration d’intention claire en
faveur de la poursuite de ce qu’elle appelle la
« réuniication paciique ». Mardi, le ministère
du Commerce, la Commission nationale du
Un enjeu mondial de première
importance
Shanghai
CHINE Mer de Chine
orientale
Fuzhou Taipei
Xiamen
TAÏWAN
Détroit
de Taïwan
Hong Kong
Mer de Chine
méridionale
PHILIPPINES
SOURCE : SOUTH CHINA MORNING POST
vaille dans des PME, lesquelles sont déterminées
à maintenir leurs coûts à un faible niveau. Si l’on
cite souvent TSMC, le géant des semi-conduc-
teurs, comme exemple de réussite dans un pays
où les puces représentent 40 % des exporta-
tions, on oublie de rappeler que 80% de la main-
d’œuvre taïwanaise dépendent d’entreprises où
les salaires réels n’ont augmenté en moyenne
que de 1% au cours de la dernière décennie.
Si le revenu annuel médian des personnes
travaillant dans le secteur technologique dans
la ville de Hsinchu, siège de l’industrie des semi-
Les jeunes figurent parmi
les déçus du PDP alors
que leur mobilisation a
été déterminante dans
son succès en 2016
conducteurs, atteignait 1,29 million de dollars
taïwanais en 2022, il n’était que de 518 000 dol-
lars taïwanais sur l’ensemble de l’île. Dans un
contexte de forte inflation, en particulier des
produits alimentaires de base, cette situation
suscite un profond mécontentement au sein de
l’opinion publique qui a aussi du mal à se loger au
vu des prix élevés de l’immobilier.
Les jeunes igurent parmi les déçus du PDP
alors que leur mobilisation a été déterminante
dans le succès de Tsai et de son parti lors des
élections de 2016. Aujourd’hui, ils se tournent
SIPA PRESS
développement et de la réforme, le ministère
de l’Industrie et des Technologies de l’infor-
mation et le Bureau des affaires taïwanaises,
l’agence oicielle chargée de gérer les relations
entre les deux rives du détroit, ont fourni plus
de détails sur l’intégration pré-
A lire sur vue du Fujian avec les groupes
lopinion.fr : d’îles de Quemoy et de Matsu,
Une question de les territoires sous contrôle
sécurité nationale taïwanais les plus proches de
pour les Etats-Unis la Chine continentale, celle-ci
passant par un assouplissement
des cadres tarifaires et régle-
mentaires et la construction de
zones de développement coopératif pour en
faire la principale plateforme continentale pour
les petites et moyennes entreprises taïwanaises.
Ligne rouge. Toutefois, derrière ce désir
de donner des gages à la population taïwanaise,
les autorités chinoises ne cessent de rappeler au
JAPON
reste du monde que Taïwan constitue leur ligne
Océan Pacifique
rouge. Lors de leur sommet en novembre, Xi
Jinping a déclaré à Joe Biden qu’il s’agissait de la
question « la plus dangereuse » dans la relation
Missile balistique
bilatérale entre la Chine et les Etats-Unis.
à courte portée,
1 000 km Pour autant, selon une information révé-
lée par le Financial Times, le président améri-
Ligne médiane cain aurait déjà prévu d’envoyer une déléga-
Première chaîne d’îles
tion de haut niveau composée d’anciens hauts
Portée des missiles
Mer territoriale fonctionnaires à Taipei juste après le résultat
revendiquée par Taïwan des élections de samedi. La Maison Blanche a
Eaux intérieures choisi James Steinberg, ancien secrétaire d’Etat
revendiquées
par Taïwan adjoint démocrate, et Stephen Hadley, ancien
conseiller républicain à la sécurité nationale,
pour diriger cette délégation bipartisane, ce qui
vers le KMT et le PPT pour avoir des réponses
sur le plan économique. Les statistiques gou-
vernementales montrent que le coût minimum
de la vie à Taipei est d’environ 24 000 dollars
taïwanais par mois – sans compter le loyer, qui
peut facilement atteindre au moins 15 000 dol-
lars taïwanais pour un studio.
Participation. En d’autres termes, les pers-
pectives apparaissent limitées pour beaucoup
d’entre eux, qui voient dans le Parti du peuple
taïwanais dirigé par Ko Wen-je, l’ancien maire de
Taipei, la voie du changement. Comme il y a huit
ans, les jeunes pourraient en être le principal
moteur. Selon la commission électorale centrale,
près de 1,03 million de personnes âgées de 20
à 23 ans voteront pour la première fois lors des
élections du 13 janvier, ce qui représente près de
6% des 19,5 millions d’électeurs. Avec un taux de
participation de plus de 70% dans cette tranche
d’âge lors du scrutin de 2020, leur rôle apparaît
crucial dans le résultat inal.
Celui-ci pourrait être défavorable au parti
majoritaire actuel alors que le Kuomintang et le
Parti du peuple taïwanais se soutiennent mutuel-
lement avec le même objectif de réduire la place
du Parti démocrate progressiste au Parlement,
où il détient actuellement 62 sièges contre 37
pour le KMT et 5 pour le PPT. Bien qu’elles n’aient
pas réussi à s’entendre sur une candidature com-
mune à la présidentielle, réduisant les chances
de Hou Yu-ih du KMT et de Ko de l’emporter, les
deux formations ont décidé de se rapprocher
pourrait compliquer les efforts destinés à sta-
biliser les relations tendues entre les deux pre-
mières puissances de la planète.
Depuis plusieurs semaines, les diplomates
chinois appellent d’ailleurs les Américains à s’en
tenir à « l’esprit de San Francisco », c’est-à-dire
à ne pas chercher à mettre de l’huile sur le feu.
Liu Jianchao, responsable du Département inter-
national du Comité central du Parti communiste
chinois, a déclaré, mardi, lors d’une conférence à
New York que Taïwan était au « cœur même des
intérêts fondamentaux » de la Chine.
Interférences. A Taipei comme à Wash-
ington, on pointe cependant du doigt les inter-
férences chinoises dans le déroulement de la
campagne électorale. Les autorités taïwanaises
ont accusé Pékin d’avoir déployé ces dernières
semaines un large éventail d’outils pour inciter
les électeurs à soutenir les candidats favorables
à l’uniication, notamment le survol de l’île par
des ballons, l’intensiication des exercices des
avions de chasse et des exercices maritimes
dans la région, ainsi que des campagnes de cy-
ber-inluence.
Ce à quoi Pékin répond que les élections
étaient une affaire interne qui ne concernait
pas les étrangers. Dans cette perspective, le
gouvernement chinois dénonce le candidat du
Parti démocrate progressiste, William Lai, qui a
choisi comme colistière Hsiao Bi-Khim, ancien
ambassadeur de facto de Taïwan aux Etats-Unis,
pour rappeler l’importance du lien avec l’exté-
rieur. « J’espère sincèrement que la majorité des
compatriotes taïwanais reconnaîtront l’extrême
nocivité de la ligne “indépendance de Taïwan”
du PDP et l’extrême danger que représente le dé-
clenchement par William Lai d’un conlit entre
les deux rives du détroit », airmé le Bureau des
afaires taïwanaises dans un communiqué.
A quelques heures du scrutin présidentiel,
les Taïwanais ont conscience que celui-ci est
au cœur d’un enjeu qui les dépasse. En 2016
et 2020, ils avaient clairement voulu affirmer
leur refus d’être avalés par la Chine dans un
contexte où la reprise en main de Hong Kong par
Pékin les efrayait.
Au terme des deux mandats de Tsai Ing-wen
au cours desquels la pression chinoise est mon-
tée d’un cran, ils ont le sentiment d’être moins
maîtres de leur destin alors qu’ils aspirent au
statu quo entre les deux rives du détroit.
En novembre, un sondage réalisé par l’or-
ganisation World United Formosans for Inde-
pendence et l’Association pour la sécurité natio-
nale de Taïwan a révélé que du 44,3 % des per-
sonnes interrogées y étaient favorables contre
42 % l’année précédente et que seules 3,8 %
d’entre elles souhaitaient l’indépendance. Face à
ce dilemme, chaque électeur devra voter en son
âme et conscience. @Japonlinex
dans certaines circonscriptions pour damer le
pion au PDP.
Si ce dernier perd la majorité au Parlement,
les marges de manœuvre de William Lai, y com-
pris dans des domaines aussi sensibles que la
défense, seront réduites. Une situation qui rap-
pellerait celle du premier président issu du PDP,
Chen Shui-bian, qui, entre 2000 et 2004, avait eu
du mal à défendre sa politique face à une assem-
blée dominée alors par le Kuomintang. C.L.
SIPA PRESS
De jeunes militants du Parti
du peuple taïwanais pendant la
campagne électorale, le 10 janvier.
12 et 13 janvier 2024 l’Opinion 3

La main invisible
Bertrand Jacquillat
Selon les super-prévisionnistes,
c’est foutu pour Trump
En chaque début d’année, il est de tradi-
tion de se prêter à un exercice de prévision
qui fait l’objet d’une forte demande de
diférents publics plus ou moins concer-
nés. Cet exercice porte sur les probabilités
d’occurrence de certains évènements,
susceptibles d’impacter signiicativement
l’activité économique. En ce début d’année
2024, certains sujets préoccupent particu-
lièrement les décideurs économiques et
politiques et les opinions publiques. Il s’agit
d’une part de l’activité économique mon-
diale, et notamment celle qui prévaudra en
Chine et aux Etats-Unis, et d’autre part des
élections présidentielles américaines.
Ces sujets ont été soumis à l’apprécia-
tion de super-prévisionnistes, entraînés
par Philip Tetlock, professeur à Wharton
et UC Berkeley, spécialiste de psychologie
cognitive, au travers d’un vaste programme
de recherche entrepris naguère sur plus de
quatre ans, le « Good Judgment Project »
à l’initiative de l’Iarpa, une agence de
recherche au sein des services de rensei-
gnements américains. Ce programme
impliquait plus de 20 000 volontaires,
prévisionnistes ordinaires, mais néan-
moins chevronnés, organisés en groupes
structurés et régulièrement sollicités pour
leurs prévisions sur toutes sortes de sujets
géopolitiques, électoraux ou inanciers.
Il en ressort que les bons prévision-
nistes, cela existe, même si ce ne sont pas
ceux que l’on croit. Au bout de seulement
deux ans, c’est le groupe de Tetlock qui
obtenait des résultats époustoulants,
supérieurs à ceux d’autres groupes ou par
rapport à d’autres méthodes de prévision
(marchés de la prévision, sondages, etc.).
Hérisson. Ces super prévisionnistes
appartiennent à la catégorie des renards
par opposition aux hérissons. Le hérisson
est animé d’une idée simple et claire, qu’il
exprime avec une grande conviction, il
porte des jugements tranchés sur ce qu’il
adviendra dans le futur. Et son approche
convient à la plupart des publics, qui
n’aiment pas la complexité et l’incertitude
qui en découle.
Les renards, eux, doutent davantage,
ont moins d’assurance. Leurs jugements
sont plus nuancés et plus enclins à embras-
ser la complexité des évènements dans
la mesure où ils envisagent un problème
sous ses nombreuses facettes. La prise en
compte de ces diférentes perspectives
n’en fait pas un bon client pour les médias
qui trouvent le renard trop hésitant dans
ses rélexions et ses analyses, même si elles
constituent l’un des ingrédients essentiels
pour appréhender le futur.
Certaines des prévisions pour 2024
de ces super-prévisionnistes de « Good
Judgment » sont rapportées par l’hebdo-
madaire The Economist. A tout seigneur,
tout honneur pour un hebdomadaire
britannique, l’une des premières questions
« La Russie et
l’Ukraine signeront
ou annonceront un
accord signiiant
la in de la guerre
entre octobre 2023 et
mars 2024, pour 1 %
seulement des super
prévisionnistes »
concerne la Grande-Bretagne et le résultat
des prochaines élections législatives britan-
niques.
Selon 1% d’entre eux, les conservateurs
emporteraient une majorité des sièges ;
les conservateurs ne l’emportant avec une
majorité relative que pour 3% ; le Labour
emporte la majorité absolue pour 22%, le
Labour et une majorité relative pour 74%.
La Russie et l’Ukraine signeront
ou annonceront un accord signiiant
la in de la guerre entre octobre 2023
et mars 2024, pour 1 % seulement des
super prévisionnistes ; entre avril 2024
et septembre 2024 pour 8 % ; pas avant
octobre 2024, pour 91 %.
Les super-prévisionnistes sont
optimistes sur l’économie chinoise, l’un
4 l’Opinion 12 et 13 janvier 2024
des moteurs de croissance de l’économie
mondiale. Son taux de croissance en
2024 est prévu entre 3% et 4,5% par 38% ;
et entre 4,5% et 6% par 54%. Alors que
selon les mêmes super-prévisionnistes, la
croissance économique mondiale en 2024
sera comprise entre 1,5% et 3%, pour 62%
d’entre eux, et entre 4,5% et 6%, pour 54%.
Bien entendu, ces super-prévision-
nistes sont très sollicités sur l’issue de
l’élection présidentielle américaine de
2024. Pour 63% d’entre eux, le candidat
« Ces résultats sont
particulièrement
surprenants compte
tenu du consensus
qui s’est dégagé tant en
France qu’en Europe ou
aux Etats-Unis, d’une
sorte d’invincibilité
de Donald Trump,
quoi qu’il advienne
et quoi qu’il fasse »
démocrate l’emporterait avec à la fois la
majorité du vote populaire, c’est-à-dire
la majorité des sufrages exprimés, et la
majorité des grands électeurs, contre 10%
des prévisionnistes qui donnent la victoire
au candidat républicain sur ces deux cri-
tères, 25% donnant la victoire au candidat
républicain au niveau des grands électeurs,
mais pas du vote populaire, et le solde soit
2% au niveau du vote populaire seulement.
Ces résultats sont particulièrement
surprenants compte tenu du consensus qui
s’est dégagé tant en France qu’en Europe
ou aux Etats-Unis, d’une sorte d’invincibi-
lité de Donald Trump, quoi qu’il advienne
et quoi qu’il fasse. Devant des résultats
aussi surprenants, on pourrait être tenté
de mettre en doute les capacités de ces
super-prévisionnistes, et le sérieux de leurs
méthodes.
Après tout, ils ne sont que des individus
anonymes qui n’ont pas de certiication
particulière pour exceller dans cet exer-
cice, à l’image de cet ingénieur allemand
faisant partie de ce groupe. Tous les jours,
celui-ci s’isole pendant une heure de son
travail régulier et de toute distraction pour
se concentrer sur une liste de 140 questions
concernant l’avenir, et dont il actualise les
réponses s’il l’estime nécessaire.
Supériorité. Cette supériorité a été
conirmée par un test de performance
efectué par le Financial Times. L’étude
comparait les prévisions efectuées par
environ 8 500 personnes de son propre
lectorat, un public particulièrement avisé
pour ce genre d’exercice, avec celles de
super-prévisionnistes de la société « Good
Judgment » du type de cet ingénieur du
nord de l’Allemagne, dont les prévisions
ont été de manière répétée supérieures à
celles du public en général.
Le test reposait sur une série de dix
questions posées début 2023 du genre
de celles évoquées plus haut concernant
des événements dont le résultat serait
connu d’ici à la in de l’année 2023. Sur une
échelle de notation allant de 0,5 (réponses
au hasard) à 1 (prévision parfaite), les lec-
teurs du FT obtinrent une note moyenne
de 0,75, tandis que les super-prévision-
nistes de « Good Judgment » atteignaient le
score de 0,91. A toutes les questions, sauf
une où les deux groupes étaient à égalité, le
score des super-prévisionnistes était nette-
ment supérieur à celui du lectorat du FT.
En déinitive, l’expérience de « Good
Judgment » montre que la prévision est
une activité qui s’éduque, notamment en
s’attachant à rassembler le plus d’infor-
mations possible, à diminuer les biais
cognitifs et à abaisser l’impact des variables
secondaires. C’est une activité qui permet
d’éviter les erreurs de jugement grossières,
telles que la croyance en un deuxième
mandat de Trump à la présidence des
Etats-Unis.
Bertrand Jacquillat est vice-président
du Cercle des économistes
et senior advisor de Tiepolo.
La sortie progressive du bouclier tarifaire
implique une augmentation des factures
des Français à compter du 1er février
Electricité : comment la hausse
pourrait être contenue à 8 %
Lumineux
A rendement budgétaire constant, le gou-
vernement peut se permettre de limiter
la majoration des factures grâce à la dé-
tente des prix de marché. Entre coup de
pouce au pouvoir d’achat et redressement
des comptes public, un choix très politique.
Muriel Motte et Marc Vignaud
Le premier test politique du gouverne-
ment Attal sera très... électrique. Alors que
le pouvoir d’achat reste la grande priorité
des Français, la sortie annoncée du bouclier
tarifaire qui les a largement protégés de la
flambée des cours de l’énergie depuis 2022
s’annonce extrêmement délicate. Certes,
le prix de l’électricité a largement relué sur
les marchés ces derniers mois. « La crise des
volumes » des années précédentes, qui s’était
« transformée en crise des prix » est passée.
« Tout est en train de rentrer dans l’ordre »,
se félicite aujourd’hui Emmanuelle Wargon,
la présidente de la Commission de régulation
de l’énergie (CRE). Sur la base de ses calculs,
celle-ci vient de proposer au gouvernement
une réduction de 0,35 % — hors taxe — des
tarifs réglementés de vente de l’électricité
(TRVE) au 1er février.
Hélas, tout n’est pas rentré dans l’ordre
concernant les taxes applicables à l’électri-
cité. C’est là que les choses se corsent et de-
viennent très politiques. C’est en jouant sur
ce paramètre, c’est-à-dire en supprimant pra-
tiquement la taxe intérieure sur la consom-
mation inale d’électricité (TICFE), que Bercy
avait réussi à contenir la lambée des prix, pri-
vant au passage les caisses publiques de plu-
sieurs milliards d’euros. Assez logiquement,
c’est en normalisant progressivement cette
taxe que Bruno Le Maire compte sortir des
dispositifs exceptionnels mis en place durant
la crise.
A quel rythme ? En matière d’électricité,
le seul engagement du précédent gouverne-
ment était de limiter la hausse des tarifs appli-
cables aux ménages (taxes comprises), à 10 %
maximum cette année. Gabriel Attal pourrait
être tenté de faire moins, histoire de se ména-
ger un capital de sympathie dans la popula-
tion. Et de ne pas donner l’impression qu’il
lance son gouvernement avec ce qui risque de
passer pour une hausse d‘impôt dans l’esprit
des Français. D’un autre côté, le nouveau Pre-
mier ministre fait face à une équation budgé-
taire extrêmement compliquée.
« Parenthèse ». La question du bon ni-
veau de prix de l’électricité a agité les débats
du projet de loi de inances à la in de l’année
dernière. Lors de l’examen du texte au Sénat,
en décembre, LR avait voté un amendement
pour ramener d’un coup cette fameuse taxe
à son niveau d’avant-crise au nom du redres-
sement des inances publiques. Aujourd’hui
réduite à un euro par mégawattheure dans
le cadre du bouclier, la TICFE aurait ainsi été
remontée à 32 euros. Ce qui, couplé à une
hausse des tarifs hors taxes alors anticipée à
2 %, aurait provoqué une envolée d’environ
20 % des factures des consommateurs ! En
échange, la droite proposait d’élargir et d’aug-
menter le chèque énergie, jusqu’aux 60 % des
Français les plus modestes.
Le ministre délégué aux Comptes publics,
Thomas Cazenave, avait refusé un tel schéma
au motif que les Français ne pouvaient encais-
ser un tel choc. Dans la loi de inances, il s’est
engagé à ne pas dépasser 10 %. Compte tenu
Evolution prix de l’électricité en France
Facture d’électricité pour un client résidentiel au tarif
réglementé, en euros
2 000
1 800
1 600
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0
2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019
Prix moyen par an. Client heures pleines /heures creuses 9 kVA
consommant 8 500 kWh/an dont 46% en heures creuses.
SIPA PRESS
En matière d’électricité, le
seul engagement du précédent
gouvernement était de limiter la
hausse des tarifs applicables aux
ménages (taxes comprises) à 10%
maximum cette année.
des projections faites en décembre concer-
nant l’évolution du tarif hors taxe (+2 %), cela
revenait à faire remonter la taxe sur l’électrici-
té jusqu’à 16 ou 17 euros. De quoi faire rentrer
un peu plus de quatre milliards d’euros dans
les caisses de l’Etat, sans compter la TVA. « On
était dans un mécanisme temporaire : on avait
mis entre parenthèses la TICFE. C’est ressenti
comme une hausse de taxe mais, c’est en réa-
lité un retour à la normale alors même que les
prix reviennent progressivement au niveau
initial en parallèle », justiie-t-on à Bercy.
L’évolution récente du marché de l’élec-
tricité donne une petite marge de manœuvre
à Gabriel Attal. Puisqu’il est maintenant ques-
tion d’une baisse du prix hors taxe de 0,35 %,
une hausse de 10 % des tarifs au 1er février
suppose de relever la TICFE à 21 euros. Un
« bonus » d’au moins quatre euros par mé-
gawattheure pour l’Etat, qui ferait rentrer
dans les caisses publiques non pas quatre mil-
liards d’euros, comme initialement espéré,
mais environ six.
Economies. Si Gabriel Attal décide, en
revanche, de conserver le niveau de taxe
initialement envisagé, à 16 ou 17 euros par
mégawattheure, la hausse de la facture élec-
trique du consommateur sera mécanique-
ment contenue, selon nos informations, à 8 %.
Ce qui permettrait au nouveau Premier mi-
nistre de paraître faire un petit geste pour le
pouvoir d’achat des Français, sans diminuer
pour autant le rendement budgétaire. Enin,
s’il arbitre pour une hausse inférieure à 8 %, il
devra s’asseoir sur plusieurs milliards d’euros
de recettes. Ce qui mettrait en péril la réduc-
tion du déicit et de la dette. Le suspense sera
bref : le niveau précis de la nouvelle TICFE
doit être déini par arrêté d’ici au 31 janvier.
La hausse des taxes sur l’électricité ne
sera de toute façon pas terminée, puisque
Bercy a prévu de sortir totalement du bou-
clier l’année prochaine. La TICFE devra alors
revenir à 32 euros par mégawattheure. Ce qui
impliquera une nouvelle majoration des tarifs
pour les Français, d’autant plus violente que
celle de 2024 aura été contenue. A moins, évi-
demment, de maintenir le bouclier électricité
et de prolonger le « quoi qu’il en coûte »... Le
manque à gagner serait considérable pour
les inances publiques, alors que le nouveau
Premier ministre doit déjà trouver douze
milliards d’économies structurelles en 2025
pour tenir l’objectif de réduction du déicit et
de stabilisation de la dette, un niveau qui sera
extrêmement diicile à atteindre.
Pour Nicolas Goldgerg, expert du marché
de l’électricité, le relèvement des taxes devrait
toutefois être plus facile l’année prochaine
pour le gouvernement : « En 2025, les prix
hors taxes devraient encore baisser, sachant
que les prix de marché sont à la baisse et que
les tarifs régulés sont calculés sur deux ans,
anticipe-t-il sur le réseau social X. Une fois que
le calcul n’intégrera plus l’année 2022, cela
devrait mieux se passer. » Ce qui n’empêchera
2021 2023 pas à Gabriel Attal de devoir se justiier d’un
nouveau coup de chaud sur les factures.
SOURCE : CRE @murielmottex @mvignaudx

Le cercle des initiés
Alexandre Garabedian
Le trou d’air de Boeing
BOEING PERD DE L’ALTITUDE
FACE À AIRBUS
Qu’il est loin le temps où la marque Boeing
passait pour une garantie de sécurité abso-
lue. La perte en plein vol d’un morceau de
fuselage sur un 737 Max 9 d’Alaska Airlines,
qui a fait le tour des réseaux sociaux, expose
à nouveau les défauts dans la cuirasse de
l’avionneur américain. Les passagers en ont
cette fois été pour une bonne frayeur. Ceux
des deux 737 Max de Lion Air et Ethiopian
Airlines qui s’étaient écrasés en 2018 et 2019
à quelques mois d’intervalle n’ont pas eu
cette chance. La double catastrophe avait
alors entraîné la suspension des vols, puis
de la production du modèle phare du géant
de Seattle jusqu’à la in de l’année 2020, et
coûté à ce dernier des milliards de dollars.
L’impact inancier de cette nouvelle
avarie s’annonce moins douloureux qu’à
l’époque, mais il est encore diicile à appré-
cier. Un problème de fabrication, imputable
au sous-traitant Spirit AeroSystems, et non
de design, serait à l’origine de ce spectacu-
laire incident. Sur les quelque 1 400 appa-
reils 737 en service, 217 appartiennent à la
série 9 désormais sous surveillance. Boeing
devra indemniser les compagnies qui ont
immobilisé leurs avions, et sans doute ralen-
tir sa cadence de production, le temps de
tirer l’afaire au clair. Le régulateur chinois
de l’aviation civile pourrait aussi y trouver
matière à décaler l’autorisation de reprise
des livraisons de 737 Max dans le pays.
La réputation du groupe se ternit un
peu plus. Quelque 20 milliards de dollars
de capitalisation boursière se sont envolés
par la portière du vol Alaska Airlines,
ramenant la valeur de Boeing à moins
de 140 milliards. C’est le seul critère sur
lequel le constructeur américain toise en-
core, d’une petite quinzaine de milliards
d’euros, son grand concurrent Airbus.
Pour le reste, l’avionneur européen n’a
cessé de prendre de l’altitude depuis le
trou d’air du Covid, qu’il s’agisse de son
carnet de commandes, de ses livraisons,
de ses proits et de son cash.
Cours de Boeing
En dollars
252
246
240
234
228
222
5 janvier
2024
11 janvier
SOURCE : BOURSORAMA
GUEULE DE BOIS POUR
RÉMY COINTREAU
Le « Dry January » a vraiment commencé le
5 janvier pour les leurons français des spi-
ritueux. En ouvrant une enquête antidum-
ping sur les eaux-de-vie produites à base
de vin, la Chine a laissé un goût amer aux
actionnaires de Rémy Cointreau et Pernod
Ricard, les deux groupes les plus exposés
au marché asiatique. Pékin se soucie moins
« Affecté par la reprise
économique plus molle
que prévu en Chine,
le propriétaire
de Rémy Martin l’est
davantage encore
aux Etats-Unis par
la sobriété retrouvée
du consommateur
américain dans un
contexte d’inflation »
de préserver l’équité concurrentielle avec
les producteurs locaux que de distiller sa
mauvaise humeur envers l’UE, coupable de
brider la déferlante des voitures électriques
chinoises sur le Vieux Continent. Paris
ayant poussé pour que Bruxelles ouvre une
enquête formelle en septembre dernier
sur le sujet, les exportations de produits
estampillés France font une cible facile pour
des mesures de rétorsion. Le roquefort ou
le foie gras ont échappé cette fois au bras de
fer, pas le cognac.
L’action Rémy Cointreau a perdu 12%
en une séance. Depuis le 1er janvier, le recul
atteint déjà 15% pour le groupe qui réalise
40% de ses ventes dans la zone Asie-Paci-
ique. Mais le secteur n’avait pas attendu
le regain de tensions commerciales entre
l’Europe et la Chine pour attraper la gueule
de bois. Fin octobre, Rémy Cointreau s’était
fendu d’un avertissement sur résultats,
avant de publier un mois plus tard un recul
de 30% de son chifre d’afaires semestriel
dans sa division cognac. Afecté par la
reprise économique plus molle que prévu
en Chine, le propriétaire de Rémy Martin
l’est davantage encore aux Etats-Unis par la
sobriété retrouvée du consommateur amé-
ricain dans un contexte d’inlation. Un mar-
ché où les ventes ne devraient pas repartir à
la hausse avant l’exercice 2024-2025.
AUTANT EN EMPORTE AYVENS
Quand on a peu de relais de croissance,
mieux vaut miser sur le bon cheval. A
la Société Générale, seuls deux métiers
bénéicieront d’ici à 2026 d’un surcroît
d’allocation en capital : BoursoBank et ALD
Automotive, détenu à 53% et rebaptisé
cet automne Ayvens. Si la banque mobile
commence à justiier la coniance de son
actionnaire en alignant les trimestres
bénéiciaires, il serait temps que le loueur
de véhicules coté en Bourse mette un tigre
dans son moteur.
Depuis qu’il a dévoilé, il y a deux
ans tout juste, le rachat du néerlandais
LeasePlan pour près de 5 milliards d’euros,
l’ex-ALD patine. Le prix de son action a
fondu de moitié, contre un quart pour celle
de la banque rouge et noire, qui a réalisé là
la plus grosse acquisition de son histoire. La
glissade s’est accélérée depuis septembre
dernier, lorsque le numéro un mondial du
leasing de lottes automobiles a dévoilé, le
même jour que la Société Générale, un plan
stratégique accueilli encore plus froidement
par les investisseurs que celui de sa maison
mère. Depuis, les résultats ont déçu les
attentes, et le groupe a lancé le 10 janvier
un avertissement sur ses comptes du qua-
trième trimestre.
Sur le papier, pourtant, le inancement
des nouvelles formes de mobilités reste
attrayant pour les banques. BNP Paribas
avec sa iliale Arval, et plus récemment le
Crédit Agricole, investissent eux aussi le
métier des lottes d’entreprises. Mais en
conservant 100% des bénéices de l’activité,
et en se gardant de mener des rachats aussi
ambitieux et complexes à digérer que celui
de LeasePlan.
LA COURSE À L’OR DIGITAL
EST LANCÉE
Ils sont onze gestionnaires d’actifs sur
la ligne de départ, dont les inévitables
BlackRock et Fidelity. Mercredi, le gen-
darme américain des marchés a enin
autorisé, du bout des lèvres, le lancement
de fonds indiciels cotés au comptant sur
le bitcoin. Toute l’industrie piafait depuis
des mois. Il était déjà possible de souscrire
des fonds exposés à la crypto par le biais
de contrats à terme, mais ces ETF « spot »
achètent, eux, directement l’actif. Surtout,
ils sont fabriqués et distribués par des poids
lourds de la inance, ce qui permettra leur
large difusion auprès des investisseurs
particuliers. Cette perspective a fait monter
les prix du bitcoin au-delà de 47 000 dollars,
au grand dam des sceptiques qui n’y voient
qu’une supercherie.
Les fournisseurs comme iShares, Ark ou
Bitwise rivalisent déjà de promotions pour
capter des lux qui pourraient atteindre
plusieurs dizaines de milliards de dollars
dès cette année. Tous les espoirs leur sont
permis s’ils parviennent à répliquer le
succès des produits indiciels cotés sur l’or.
Le gérant américain State Street avait été le
premier, en novembre 2004, à commercia-
liser un ETF sur le métal jaune, à l’aube d’un
formidable cycle haussier. Ce fonds aiche
aujourd’hui à lui seul 56 milliards de dollars
au compteur.
@GarabedianAlexx
Riyad, dont l’économie repose surtout
sur le pétrole, a compris que les métaux
sont aussi les ressources de demain
Cuivre, zinc et or : le nouveau
pactole de l’Arabie saoudite
Richesse
L’Arabie saoudite a annoncé une forte
réévaluation de ses ressources minières
lors de la troisième édition de la Conférence
minière internationale.
Irène Inchauspé
« Je suis heureux d’annoncer que notre
estimation du potentiel minéral inexploité du
royaume est passée de 1 300 milliards de dollars à
2 500 milliards de dollars, soit une augmentation
de 90 % », a déclaré Bandar Alkhorayef, le mi-
nistre saoudien de l’Industrie et des Ressources
minérales, le 10 janvier lors d’une conférence à
Riyad. Il a expliqué que cette hausse signiicative
est due aux nouvelles découvertes d’éléments de
terres rares et de métaux de transition, en plus
d’énormes augmentations de minerai de phos-
phate et d’autres métaux tels que le cuivre, le
zinc, l’or, entre autres. « Ainsi qu’à la réévaluation
de ces minéraux », a-t-il ajouté.
L’annonce n’est pas passée inaperçue, en
particulier, pour le métal rouge. « Le cuivre est
essentiel pour la transition écologique en rai-
son de l’électriication des usages. Or, il n’y a pas
beaucoup de projets d’ouverture de mines dans
le monde aujourd’hui », explique l’économiste
Philippe Chalmin. Sur les 250 gisements iden-
tifiés depuis 30 ans, seulement douze l’ont été
cette dernière décennie.
Comment explique cette réévaluation ? « La
dernière estimation date de 2017. Depuis le cours
du cuivre a augmenté de 70 % et celui de l’or de
60%, il y a donc d’abord un efet de prix de mar-
ché non négligeable, rappelle Benjamin Louvet,
directeur des gestions matières premières chez
Oi Invest AM, co-auteur du livre “Métaux, le nou-
vel or noir ”. Ensuite, le pays s’est lancé dans un
vaste programme d’exploration de son sous-sol,
dans lequel il investit 182 milliards de dollars.
Quand on cherche, on trouve ! »
« Très actif ». Enin, il rappelle que ressource
ne veut pas dire réserve. Les ressources d’hydro-
carbures désignent l’ensemble des volumes d’hy-
drocarbures contenus dans le sous-sol terrestre.
Les réserves désignent les volumes récupérables
aux conditions techniques et économiques du
moment dans des gisements exploités ou en
passe de l’être. Par conséquent, les réserves ne
constituent qu’une partie des ressources esti-
« Le pays a passé
plusieurs contrats
de collaboration pour
l’exploration minière
avec l’Egypte, la Russie,
le Maroc et la République
démocratique du Congo »
mées. « L’Arabie Saoudite est très active dans
le domaine, elle a passé plusieurs contrats de
collaboration pour l’exploration minière avec
l’Egypte, la Russie, le Maroc et la République dé-
mocratique du Congo », ajoute Benjamin Louvet.
Barrick Gold, multinationale minière, est
convaincue du potentiel du pays. « Notre enga-
gement vise à construire un partenariat solide
avec Ma’aden (société minière saoudienne)
Partenaires sociaux. Les premiers rendez-vous
avec Gabriel Attal victimes du remaniement
Lors de la passation de pouvoir avec
Elisabeth Borne, le 9 janvier, dans ce qui était sa
première prise de parole publique en tant que
Premier ministre, Gabriel Attal l’avait promis :
un rendez-vous avec les « forces vives du pays »,
dont les organisations syndicales et patronales,
dès cette semaine. Mais dans la journée de jeudi,
alors que les noms des possibles ministres du
nouveau gouvernement déilent sur les ban-
deaux des chaînes d’information, les agendas
des uns et des autres ont été bien malmenés.
Le premier à avoir reçu par mail une invitation
oicielle de Matignon jeudi matin aura été le
Medef : rendez-vous à 15 heures le jour même.
Aucune autre organisation, y compris syndicale,
n’avait encore reçu d’invitation formelle. Mais
vers 14 heures, patatras : le rendez-vous est
SIPA PRESS
Une mine de phosphate
dans la péninsule arabique.
dans notre efort pour développer une activité
de classe mondiale en Arabie saoudite », a ain-
si indiqué son PDG Mark Bristow en 2022 lors
d’une conférence de presse. « Le pays dispose
de données incroyables, mais personne ne
les a vraiment traitées. C’est pourquoi elle est
intéressante pour nous, car le chemin vers de
nouvelles opportunités est beaucoup plus court
sur ce terrain et il serait beaucoup plus mature
géologiquement », expliquait-il alors. En jan-
vier 2023, la minière établie à Toronto a annon-
cé la signature de deux nouveaux accords de
coentreprise avec Ma’aden.
« Croissance ». « Il faut quinze ans en
moyenne pour ouvrir une mine de cuivre. Ce
délai sera sans doute plus court en Arabie
saoudite, moins préoccupés des sujets envi-
ronnementaux qu’ailleurs », précise Philippe
Chalmin. Les autorités américaines ont, par
exemple, bloqué, lundi 8 janvier, un immense
et controversé projet de mine d’or et de cuivre
en Alaska, ain de protéger une zone de pêche
de saumons sauvages. L’Agence américaine de
protection de l’environnement (EPA) a utilisé
une disposition d’une loi sur la protection de
l’eau (Clean Water Act), après avoir déterminé
que la mine aurait des « effets inacceptables »
sur la pêche dans cette zone. « Au Panama, qui
produit 300 000 tonnes de cuivre par an, soit
1 % de la production mondiale, le contrat d’ex-
ploitation détenue par le canadien First Quan-
tum Minerals vient d’être déclaré anti-consti-
tutionnel par le gouvernement », poursuit
Philippe Chalmin. « Les projets d’exploitation
en Arabie saoudite montrent en tout cas que,
même un pays qui repose massivement sur le
pétrole, a compris que la transition écologique
fait des métaux l’or noir de demain », conclut
Benjamin Louvet.
Dans son rapport 2023 sur les énergies re-
nouvelables, paru le 11 janvier, l’Agence interna-
tionale de l’énergie (AIE) indique que celles-ci
ont atteint l’an dernier un « niveau historique »
de 507 gigawatts dans le monde, soit 50 % de
plus qu’en 2022. L’AIE anticipe pour les cinq ans
à venir « la plus forte croissance » jamais vue en
trente ans. Pour l’assurer, il faudra que la quan-
tité de métaux croisse au même rythme. L’Ara-
bie saoudite a reçu le message 5 sur 5.
@iinchauspex
reporté. Gabriel Attal ile alors à l’Elysée pour
peauiner la liste des membres de son gouverne-
ment. « Les entretiens s’étaleront entre cet après-
midi et demain », airme toutefois Matignon.
En parallèle, la CFDT est à son tour conviée,
un rendez-vous est « a priori conirmé » rue de
Varenne à 18 h 30. Mais moins d’une demi-heure
avant, le premier syndicat de France reçoit
un « contrordre, car composition toujours
en cours ». Un peu plus tôt, alors que la CGT
attendait encore l’invitation oicielle, Force
ouvrière apprend qu’elle sera reçue « en début
de semaine prochaine », et le syndicat CFTC,
lui, tient son rendez-vous pour… mardi. Côté
patronal, la CPME et l’U2P attendaient aussi leur
courrier d’invitation. Pour l’un des chefs de ile,
« c’est un peu la cacophonie, tout ça ».
12 et 13 janvier 2024 l’Opinion 5
Les pays membres plus libéraux ou moins riches reprochent à Paris et Berlin de rafler
des investissements industriels au prétexte de concourir contre les Etats-Unis et la Chine
Aides d’Etat : la grogne des « petits pays »
européens contre la France et l’Allemagne
Trop, c’est trop
Lundi dernier, la Commission européenne
a autorisé la France à créer un crédit d’im-
pôt de trois milliards d’euros pour l’indus-
trie verte, et l’Allemagne à s’aligner sur une
subvention américaine dans les batteries.
Sur les 760 milliards d’euros d’aides
d’Etat exceptionnellement accordées
de mars 2022 à décembre 2023, l’Alle-
magne représente 47 %, la France 23 %
et l’Italie 8 %.
Jade Grandin de l’Eprevier (à Bruxelles)
Jan Jambon, le ministre-président de la
région lamande en Belgique, membre du parti
nationaliste flamand (N-VA), a une dent contre
Xavier Bertrand. Le président de la région Hauts-
de-France a réussi à attirer de nombreux inves-
tissements l’année dernière, notamment dans
les batteries électriques. En particulier de la
part d’entreprises lamandes, qui ont préféré le
nord de la France à leur région d’origine, parce
qu’elles avaient reçu des ofres de subventions,
explique le responsable belge.
« Nous étions en compétition pour ces inves-
tissements. Mais à un moment, la France a pu
mettre de l’argent sur la table. Pour beaucoup
d’investissements industriels, je suis en concur-
rence non pas avec l’Amérique, la Chine ou le Ja-
pon, mais avec d’autres Etats européens. Et mes
poches ne sont pas aussi profondes que celles
des Français, poursuit Jan Jambon. Les nations
européennes plus grandes peuvent l’emporter
financièrement sur des régions plus petites et
ouvertes, comme la Flandre. Cela nous fait beau-
coup de mal. L’Union européenne (UE) a été
construite sur l’idée d’amener la concurrence
à l’étranger ; pas de nous saboter mutuellement
avec des aides d’Etat disproportionnées. »
En mars 2022, puis de nouveau en mars 2023,
les règles européennes sur les aides d’Etat, nor-
Dans le cadre de ses politiques migratoire et
énergétique, Rome veut relancer les rapports
avec la côte sud de la Méditerranée
L’Italie veut réécrire
sa relation avec l’Afrique
New Deal
Depuis le 1er janvier, l’Italie a pris la prési-
dence du G7. Favoriser le développement
de l’Afrique est l’une des priorités ixées
par Giorgia Meloni.
Francesco Maselli (à Rome)
Le 10 janvier, le Parlement italien a approuvé
le plan pour le développement et l’approfon-
dissement des relations entre l’Italie et les pays
africains. Le projet porte le nom d’Enrico Mat-
tei, fondateur de l’ENI. Son contenu sera dévoilé
en partie lors du sommet Italie-Afrique des 28 et
29 janvier. Rome voudrait changer d’approche
avec le sud de la Méditerranée, en traitant ses
partenaires africains sur un pied d’égalité, pla-
çant ainsi l’Italie au centre des relations entre
l’Afrique et l’Europe.
De par leur importance énergétique et
leur proximité géographique, l’Algérie et la
Libye sont deux pierres angulaires du projet.
Tout comme le Congo et le Mozambique pour
l’importation de gaz naturel liquéfié, ou en-
core l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé
du continent, ancienne colonie italienne que
Giorgia Meloni a visité en avril dernier. De la
même manière, les relations avec la Tunisie et
les pays de l’Afrique centrale sont cruciales en
matière de gestion des lux migratoires.
Avec ce plan, Giorgia Meloni entend bâtir
« un modèle de coopération non prédateur »,
une critique à demi-déguisée d’autres ap-
proches, notamment de la France. La présidente
du Conseil italien a déjà attaqué à plusieurs re-
prises Paris, qualiiant sa politique africaine de
« néocoloniale ».
Si l’ambition première de ce plan est avant
6 l’Opinion 12 et 13 janvier 2024
malement très strictes, ont été exceptionnelle-
ment assouplies, pour aider les ménages et les
entreprises à faire face à la crise énergétique, en
développant l’industrie verte et l’autonomie stra-
tégique. Or, selon la Commission européenne,
sur les 760 milliards d’euros d’aides d’Etat excep-
tionnellement approuvées depuis mars 2022,
l’Allemagne représente 47,2%, la France 22,6% et
l’Italie 7,7 %. Ainsi, 78% des subventions versées
le sont par trois Etats seulement !
« Concurrence ». Lundi, Bruxelles a
approuvé deux aides d’Etat exceptionnelles
particulièrement importantes. Pour la France,
2,9 milliards d’euros afin de créer un crédit
d’impôt pour l’industrie verte. Pour l’Allemagne,
902 millions d’euros ain d’attirer le producteur
de batteries suédois Northvolt, qui sinon, aurait
construit sa nouvelle méga-usine aux Etats-Unis.
Il s’agit de la première utilisation d’une « clause
de proportionnalité » créée par la Commission
européenne en mars 2023, suite au plan de sub-
ventions américaines à l’industrie verte, l’Inla-
tion Reduction Act (IRA). « La vraie concurrence
« La Commission
doit vérifier que les
subventions autorisées
sont adaptées,
temporaires par nature »
à laquelle nous faisons face ne se joue pas entre
l’Allemagne et l’Italie, le Danemark ou les Pays-
Bas ; elle est entre l’Europe, la Chine et les Etats-
Unis », a plaidé lundi le ministre allemand de
l’Economie, Robert Habeck.
Mais dans les pays moins adeptes des aides
publiques, par conviction – Pays-Bas, pays scan-
dinaves, Luxembourg… – ou manque de moyens
– Etats baltes, Europe de l’Est et du Sud –, la
grogne monte, et l’on réclame le retour à la nor-
tout d’affronter la question migratoire, son
contenu s’est progressivement élargi à l’éner-
gie, l’agriculture, l’éducation et aux infrastruc-
tures. Le gouvernement a ainsi créé un « centre
de pilotage » rattaché à la présidence du
Conseil, qui devra gérer et rendre des rapports
annuels sur son état d’avancement. L’idée est
de flécher, en quatre ans, environ trois mil-
liards d’euros du fonds pour l’environnement
italien, en plus de prêts à taux avantageux gé-
rés par la Caisse des dépôts.
Crédibilité. Ces objectifs sont d’autant
plus ambitieux que l’Italie ne dispose pas for-
cément des ressources humaines ad hoc : « Il
faut des gens qui sachent sur quel domaine de
coopération parier et sur quel partenaire indus-
triel, politique ou diplomatique miser, constate
Mario Giro, ancien vice-ministre des Affaires
étrangères (2013-2018). Qu’il s’agisse de l’agro-
industrie, de la logistique ou de l’énergie, il faut
avoir les compétences et les contacts. L’Italie, a
elle seule, n’a pas toutes les connaissances pour
procéder avec eicacité. »
L’Italie aura aussi et surtout de la peine à
convaincre les Etats Africains de la crédibilité
et de l’originalité du plan, comme l’admet un
proche du dossier : « Beaucoup ne connaissent
pas Mattei, et les agendas des gouvernements
regorgent d’initiatives similaires. Les Africains
sont sceptiques et ont du mal à percevoir en
quoi il s’agit d’une nouveauté. » A vingt jours du
sommet, certains membres du gouvernement
admettent, même en public, que beaucoup de
travail reste à faire : « Il s’agit clairement d’un
cadre, mais ce n’est pas une boîte vide, nous la
remplirons de contenu », a expliqué, volon-
taire, le vice-ministre des Affaires étrangères,
Edmondo Cirielli. @FrMasellix
DR
La gigafactory de batteries
électriques ACC,
dans le Pas-de-Calais.
male, le plus tôt possible. « La tendance des sub-
ventions massives qui faussent la libre concur-
rence est inquiétante », conie le diplomate d’un
Etat balte qui « dans cette course, n’a aucune
chance de gagner ». « Une implication accrue des
Etats peut se justiier temporairement, concède-
t-il. Mais la Commission doit vériier que les sub-
ventions autorisées sont adaptées, temporaires
par nature. »
Le ministre finlandais des Affaires euro-
péennes, Anders Adlercreutz, le soulignait fin
2023 : « Le marché unique est notre force, nous
sommes le plus grand dans le monde. Nous ne
pouvons pas être compétitifs si nous attirons des
investissements avec des décisions politiques
nationales. L’Union toute entière ne sera ni pros-
père, ni compétitive, si cela continue. Donc la
Finlande pense qu’il est très important de reve-
nir à la normale aussi tôt que possible. » L’émis-
Le nouveau label provoque la confusion chez
les consommateurs et ajoute une contrainte
administrative pour le marché britannique
« Not for EU » : l’absurdité du
Brexit déclinée en trois mots
Nonsense
L’appellation a été créée pour satisfaire
les conditions du cadre de Windsor
qui, post-Brexit, encadrent les échanges
commerciaux entre la Grande-Bretagne et
l’Union européenne en Irlande du Nord.
Chloé Goudenhooft (à Londres)
Depuis quelque temps, le label « Not for EU » a
fait son apparition sur les viandes et les produits
laitiers vendus au Royaume-Uni. Loin d’indiquer
que ces aliments nuisent gravement à la santé
des Européens, ces trois petits mots sont le résul-
tat du cadre de Windsor. Depuis octobre 2023,
ce tampon est devenu obligatoire pour les pro-
duits de Grande-Bretagne exportés vers l’Irlande
du Nord. L’objectif est d’ouvrir le marché bri-
tannique au nord de l’Irlande tout en excluant
la République irlandaise, qui relève du marché
unique européen. Mais l’appellation a créé le
doute chez les consommateurs les plus atten-
tifs. Comme le relève le site Politico, certains se
demandent sur X (ex-Twitter) si cette nourriture
« pas bonne pour les Européens » n’est tout sim-
plement pas de moindre qualité.
Or, à ce stade, le label se borne à distinguer
les deux marchés sans qu’il y ait de différence
entre les produits. « Au moment du Brexit, le
Royaume-Uni a refusé de s’engager à conserver
les mêmes normes, rappelle Renaud Foucart,
professeur d’économie à l’Université de Lan-
caster. Lors du cadre de Windsor, l’UE a fait
une concession pour réduire au minimum la
frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-
Bretagne. Une “voie verte” a été créée pour que
les exportations britanniques se fassent directe-
ment, mais à condition de labelliser ces produits
saire d’un pays libéral renchérit : « La compétiti-
vité est bien mieux servie avec d’autres mesures
comme une meilleure régulation et le soutien à
la recherche. Nous avons des réserves sur l’utili-
sation proliique des aides publiques dans l’UE.
Nous voulons des aides d’Etat moindres et plus
ciblées, sur des secteurs innovants et non sur des
industries mourantes. »
« Fragmentation ». Le commissaire euro-
péen au Marché intérieur, Thierry Breton, l’a
reconnu jeudi, lors d’une rencontre avec des
correspondants européens : « Nous avons pro-
bablement trop recouru aux aides d’Etat [depuis
2019], plus que nécessaire. On ne peut pas être en
même temps ami et ennemi du marché unique. »
Il l’a dit à Mario Draghi et Enrico Letta, deux an-
ciens Premiers ministres italiens, chargés par le
Conseil européen de rendre des rapports sur la
compétitivité européenne et l’avenir du marché
unique au printemps prochain. Interrogé par
l’Opinion, Enrico Letta approuve : « Le premier
risque pesant sur le marché unique est celui de
la fragmentation. Les aides d’Etat sont devenues
la règle, ce n’est pas normal. On ne peut pas dé-
truire la règle fondamentale [du marché unique]
qui était l’absence d’aides d’Etat. »
Lundi, la commissaire à la Concurrence
Margrethe Vestager a promis qu’elle prenait
« très au sérieux » les risques de distorsion du
marché unique, et que ses services analysaient
les chifres pour vériier qu’aucun Etat européen
n’était lésé.
Et les entreprises européennes, qu’en
pensent-elles ? Retour en Flandre, où Geert Van
Hecke, directeur des ventes du fabricant de bus à
hydrogène VanHool, est formel : sans subvention
européenne, impossible de concourir avec les
Chinois, qui cassent les prix, ni avec les Améri-
cains, qui bénéicient de la préférence nationale
aux Etats-Unis. « Nous devons être ouverts, mais
pas naïfs », plaide-t-il.
@JadeGrandinx
“Not for EU” ». Ces trois petits mots ont eu un
efet boule de neige. Pour certains producteurs
britanniques, l’Irlande du Nord est un marché
si petit qu’il est tentant de snober la région plu-
tôt que de créer une nouvelle ligne de produits
labellisés. Alors, pour éviter d’exclure l’Irlande
du Nord du marché commun britannique, le
gouvernement a créé une deuxième phase pour
octobre 2024 : l’imposition du label sur tous les
produits vendus en Grande-Bretagne (Angle-
terre, Ecosse et Pays-de-Galles).
Folie. Sauf qu’avec cette deuxième phase,
un nouveau risque surgit. « Les consommateurs
auront le choix entre deux types de produits :
ceux qui proviennent de l’UE et ceux qui sont
“Not for EU”, poursuit Renaud Foucart. Comme
le prouvent les premières réactions sur X, il y a
des peurs, notamment sur la qualité de la viande,
et le public aura tendance à préférer ce qu’il croit
être dans les normes européennes. » D’où la créa-
tion d’une... troisième phase, la plus absurde,
pour juillet 2025 : l’imposition du label « Not for
EU » sur les produits européens (et mondiaux)
exportés vers le Royaume-Uni. « Si chaque étape
est logique en soi, la conclusion est complète-
ment folle ! » Cela risque aussi d’aggraver les pro-
blèmes de pénuries alimentaires. « Les produc-
teurs espagnols ou marocains qui font face à une
grosse demande préfèrent envoyer là où c’est le
plus facile », prévient-il.
« C’est un héritage des luttes intestines du
Brexit. Pour les conservateurs les plus radicaux,
l’important était d’avoir la possibilité théorique
de diverger quand on veut. Aujourd’hui, il suf-
fit que le Royaume-Uni signe un accord pour
dire qu’il suit les normes européennes, même
de façon temporaire, pour que ces mesures
tombent. »

Global Britain
Marc Roche
« Mr Bates vs the Post Oice », ou
l’éternel jeu entre réel et iction
Un peu d’Erin Brockovich, de Dark
Waters ou de Promised Land, un peu de
Clearstream, un peu d’Outreau, pédophilie
en moins, pour ce qui est de l’intrigue.
Côté jardin, si l’on peut dire, de déprimants
arrière-plans de zones périurbaines, de
villes moyennes et de gros villages sans
histoire que les courants extérieurs ne font
qu’eleurer. De petits bureaux de poste qui
font partie de la vie quotidienne au même
titre que le pub, l’église ou le « ish and
chips ». La distribution n’a rien d’éclatant,
en l’occurrence de modestes gérants indé-
pendants, idèles et serviables, des piliers
de leur communauté.
Côté cour, de grosses légumes, dans
ces circonstances, la direction de la poste
en déni, une multinationale japonaise de
l’informatique cachant des malversations,
des avocats estimés cupides et un esta-
blishment complice par son silence. Vous
agitez le tout, vous passez au mixer de
l’une des meilleures télévisions au monde
qui a réalisé une iction, M. Bates vs the
Post Oice, inspirées de faits authentiques.
Et vous avez l’infamie subie par des pos-
tiers injustement accusés de vol, « l’erreur
judiciaire la plus lagrante de l’histoire
légale récente de notre pays », comme le
proclame le Times.
Plus de sept cents agents franchisés
innocents ont été poursuivis pour fraude,
indélicatesse et fausse comptabilité en
raison d’un ordinateur défaillant créé par
le groupe nippon Fujitsu ain de solder les
comptes des ailiés. Traités comme des
malfaiteurs, leur réputation détruite, les
pauvres hères ont été ruinés. Certains sont
allés en prison, d’autres se sont suicidés.
Le cas du martyrologue des « post-
men » est exemplaire. Il aura fallu attendre
quinze ans et la difusion, début janvier,
par la chaîne commerciale ITV du docu-
iction qui met en image les errements du
système judiciaire de la nation berceau de
l’habeas corpus pour que la vérité éclate.
Le public, qui jusque-là n’avait pas reçu
beaucoup d’informations sur le sujet,
découvre, sidéré, les révélations d’une
série portée par un soule extraordinaire.
En exposant les plaies du corps social par
le truchement de l’éternel jeu du réel et
de la iction, cette production a eu l’efet
d’une violente délagration.
Nausée. Le refus des dirigeants suc-
cessifs du Post Oice de reconnaître leur
erreur est au cœur de la polémique. Le
spectacle d’enquêteurs internes dûment
rémunérés via des bonus en liquide
pour obtenir des condamnations et de
plaideurs en robe noire falsiiant des docu-
ments, forçant les aveux et dissimulant
des témoignages favorables aux prévenus
donne la nausée. Les magistrats les
suivront aveuglément. La persistance du
« En s’attaquant à
la version oicielle,
la BBC craignait
de se mettre à dos
le 10 Downing Street
en compromettant le
renouvellement de
sa charte royale qui
assure le inancement
par la redevance »
racisme dont ont soufert les nombreux
postiers de souche indo-pakistanaise est
également mise en exergue.
S’ajoute le désintérêt des gouverne-
ments successifs, de gauche comme de
droite, soucieux de protéger la réputation
d’une entreprise publique face à ce qu’ils
considèrent comme des ragots et rumeurs
malveillants. L’Eglise anglicane, la religion
d’Etat, est également sur la sellette pour
avoir maintenu en place, contre vents
et marées, la directrice générale du PO
entre 2012 et 2019, la glaciale Paula Ven-
nells, pasteure durant ses heures libres,
malgré l’accumulation de griefs à son
encontre.
Quant aux médias, ils s’étaient
détournés du sort des soutiers de la poste
par peur de rebuter des publicitaires
soucieux d’attirer les cadres et les classes
moyennes. Par ailleurs, aux yeux des
rédactions pressées par l’actualité, le
mensonge avait été occulté par d’autres
événements, bien plus importants et
plus vendeurs, passés par là, le Brexit,
les guerres, la pandémie, les péripéties
royales et l’inlation.
La BBC avait tout simplement ignoré
le dossier en béton des accusés. En s’atta-
quant à la version oicielle, le premier
« Pas même les
compensations
inancières, le pardon
de la justice et les
diférentes enquêtes
criminelles en cours ne
pourront remplacer le
long purgatoire
des postiers lésés »
difuseur craignait de se mettre à dos le
10 Downing Street en compromettant le
renouvellement de sa charte royale qui
assure le inancement par la redevance.
De surcroît, dans un souci d’élitisme,
déterminée à capter davantage les
lecteurs du Guardian (quotidien haut de
gamme très marqué à gauche) que du Sun
(tabloïd de droite), la chaîne publique
avait délaissé le populaire de qualité.
Box-oice. Bien qu’entièrement
inancé par la publicité et soumis aux sou-
bresauts de la conjoncture économique,
le groupe de télévision privée ITV, le TF1
d’outre-Manche, est tenu de respecter
un cahier des charges de service public.
C’est pourquoi, en vue de résister au rou-
leau compresseur d’une BBC disposant
d’énormes moyens, ITV a choisi d’allier
le divertissement le meilleur (Coronation
Street, suivi depuis 1960, Downton Abbey
ou Midsomer Murders pour ne citer que
les émissions les plus prisées), le sport et
l’investigation. Le triomphe au box-oice
de M. Bates vs The Post Oice atteste le
succès d’un réseau qui n’a cessé de raler
Oscars et Emmy Awards.
L’afaire des postiers concerne égale-
ment la diplomatie d’Albion. En efet, au-
delà de la concurrence à couteaux tirés
entre la BBC et ITV, les deux institutions
sont la pierre angulaire de la propagation
de la culture anglaise à l’international. La
primauté de la langue de Shakespeare est
le fondement d’un tel prestige. Les expor-
tations de programmes télévisés font
des chaînes « la voix » du Royaume-Uni
hors de l’Union européenne comme elles
avaient été jadis celle de l’empire.
Les chifres sont éloquents. Lors de
l’exercice 2022-2023 se terminant en
avril, la vente à l’étranger de productions
audiovisuelles britanniques s’est élevée à
1,85 milliard de livres (2,15 milliards d’eu-
ros), en hausse de 22 %. Les Etats-Unis
sont de loin le premier client. La France
est en quatrième position derrière
l’Australie et l’Allemagne et devant la
Scandinavie. A titre de comparaison, les
cessions « made in France » sur la même
période se sont élevées à 214 millions
d’euros, une misère.
Pas même les compensations
inancières, le pardon de la justice et les
diférentes enquêtes criminelles en cours
ne pourront remplacer le long purgatoire
des postiers lésés. Si l’on peut accorder
quelque crédit à l’engagement du Pre-
mier ministre, Rishi Sunak, qu’une telle
ignominie ne se reproduira jamais, le
sacriice des victimes n’aura pas été vain.
Objection, Votre Honneur ! Patrick
Spence, le producteur de M. Bates vs the
Post Oice a lancé un cri d’alarme devant
la diiculté de trouver les inancements
de ce type d’enquête sociale clivante
auprès des distributeurs et mécènes,
« le calvaire des intéressés a été ignoré
aussi longtemps parce qu’ils n’étaient pas
suisamment sexy. La révolte des sans-
grade contre les élites qui les gouvernent
se vend mal à l’étranger ».
@MarcRoche18x
ROBERTO FRANKENBERG
Soutien historique de la cause palestinienne,
Pretoria accuse l’Etat hébreu de génocide
devant la Cour internationale de justice
Les dessous de la plainte
sud-africaine contre Israël
Ronald Lamola, ministre de la Justice d’Afrique du Sud, et Vusimuzi
Madonsela, ambassadeur à la Cour internationale de Justice à La Haye, jeudi.
Droit international
L’Afrique du Sud a accusé Israël jeudi,
devant la Cour internationale de Jus-
tice (CIJ), de violer la Convention des
Nations Unies sur le génocide, airmant
que l’attaque du Hamas du 7 octobre ne
pouvait justifier de tels actes de repré-
sailles. Pretoria a saisi en urgence la cour
qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, pour
qu’elle enjoigne à Israël de « suspendre im-
médiatement ses opérations militaires ».
Pour le ministère des Affaires étrangères
israélien, cette accusation est « totalement
infondée en fait et en droit », « moralement
répugnante » et « antisémite ».
Pascal Airault
« Les génocides ne sont jamais déclarés
à l’avance, mais ce tribunal bénéficie des
preuves des treize dernières semaines qui
montrent de manière incontestable un mo-
dèle de conduite et une intention connexe qui
justifie comme plausible l’allégation d’actes
génocidaires », a déclaré l’avocate Adila Has-
sim dans la grande salle lambrissée du tribu-
nal de la Cour internationale de Justice (CIJ)
à La Haye.
Durant près de trois heures, les juristes
portant la plainte de l’Afrique du Sud ont pré-
senté leurs arguments aux juges, s’appuyant
sur les déclarations des dirigeants israéliens,
le niveau très élevé des bombardements,
des destructions d’habitations et des pertes
civiles, les entraves imposées aux Gazaouis
pour l’accès à l’eau, à l’électricité et à la nour-
riture... Ils leur demandent de prendre, sans
attendre, des « mesures conservatoires » pour
arrêter les crimes en cours.
Pour cette afaire très médiatique, Preto-
ria a mobilisé des juristes chevronnés du pays
et du Royaume-Uni, emmenés par le ministre
de la Justice, Ronald Lamola. Parmi eux, John
Dugard, ex-rapporteur spécial des Nations
Unies sur les droits humains dans les Terri-
toires palestiniens, aujourd’hui associé au ca-
binet d’avocats international Doughty Street
Chambers – qui compte aussi Amal Clooney.
Ou encore Tembeka Ngcukaitobi, connu pour
avoir fait condamner l’ex-président Jacob
Zuma. Les plaignants se targuent du soutien
de 21 Etats membres de l’ONU, ayant accusé
Israël de génocide ou évoqué un « risque de
génocide ». Parmi eux, l’Algérie, la Bolivie, le
Brésil, la Colombie, Cuba, l’Iran, la Turquie...
Histoire. A l’examiner de plus près, la
plainte sud-africaine contre Israël a de nom-
breux ressorts idéologiques et politiques qui
s’expliquent notamment par la complexe
histoire entre les deux pays. Au cours des an-
nées 1970 et 1980, Pretoria et Tel-Aviv ont coo-
péré en matière de nucléaire et de défense.
Les deux Etats étaient liés par des intérêts
idéologiques et économiques. Le Premier
ministre sud-africain de l’apartheid, Pieter
Botha, était réputé proche du ministre israé-
lien de la Défense de l’époque, Ariel Sharon.
De son côté, l’Organisation de libération
de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat soute-
nait le Congrès national africain (ANC) et son
patron Nelson Mandela. Le leader palestinien
SIPA PRESS
ira jusqu’à se rendre en Zambie en 1990 pour
rencontrer l’icône sud-africaine, tout juste
libéré de sa geôle de Robben Island. La même
année, Mandela arborera un keieh lors d’un
sommet international à Alger. Il ne cessera
ensuite de clamer : « Notre liberté est incom-
plète sans la liberté des Palestiniens. »
Compagnon de route de Mandela, Cyril
Ramaphosa, l’actuel président, joue sur cet
ADN en réactivant donc la cause palesti-
nienne même s’il prônait, avant le 7 octobre,
des relations pragmatiques avec Israël, im-
portant partenaire économique. Cela n’est
pas dénué d’arrière-pensées politiques. La
cote de popularité de l’ANC n’a cessé de s’éro-
der ces dernières années. A tel point que la
formation a perdu plusieurs grandes villes
passées à l’opposition, comme Johannesburg
et Pretoria.
Scrutin. Les Sud-africains se rendront
aux urnes entre mai et août prochain. Rama-
phosa a besoin de conserver une majorité de
parlementaires ANC au Parlement s’il veut
rempiler à la tête de l’Etat. La situation écono-
mique et sociale n’est pas favorable. Chaque
L’Organisation de
libération de la Palestine
soutenait l’ANC et son
patron Nelson Mandela.
Yasser Arafat ira jusqu’à
se rendre en Zambie
en 1990 pour rencontrer
l’icône sud-africaine,
tout juste libéré de sa
geôle de Robben Island
voix comptera le jour du scrutin. Alors autant
s’attirer les faveurs des musulmans, tous der-
rière les Palestiniens. En matière de politique
étrangère, l’Afrique du Sud est également un
membre important de l’alliance des Brics.
Son combat en faveur de la Palestine lui attire
la sympathie des pays du Sud Global.
L’ANC ne semble pas compter sur le vote
de la communauté juive du pays, la plus
importante d’Afrique avec plus de 50 000
membres. Beaucoup vivent à Johannesburg,
particulièrement dans le quartier de Glenha-
zel, d’autres étant installés au Cap et à Dur-
ban. Assimilés aux blancs sous l’apartheid, les
juifs sont plus enclins à voter pour l’opposi-
tion. Ils n’ont pas apprécié et l’ont fait savoir,
à l’image du grand rabbin Warren Goldstein,
lorsque la chefe de la diplomatie, Naledi Pan-
dor, a téléphoné au chef du Hamas, Ismail
Haniyeh, après le 7 octobre, puis lorsqu’elle a
pris la décision de rappeler son ambassadeur
en poste en Israël.
Le gouvernement a menacé les dirigeants
du Conseil des députés juifs sud-africains et
demandé à l’ambassadeur d’Israël de mesu-
rer ses propos. Le pouvoir préfère mettre en
exergue les Juifs sud-africains pour une Pales-
tine libre, organisation qui a salué la requête
des autorités auprès de la CIJ.
@P_Airaultx
12 et 13 janvier 2024 l’Opinion 7
 La fabrique de Seine colère
Jean-Michel Salvator
L’invité du 8 Bellini
JO 2024 : la RATP
plus stressante
Allemagne: « Tous les éléments nécessaires que Matignon
pour Jean Castex
pour une interdiction de l’AfD sont sur la table »
Marco Wanderwitz: « Si on supprime le soutien financier,
qui fait vivre les permanents du parti, les députés et leurs milliers
de collaborateurs sur fonds publics, sa force d’attraction diminuera » Quelle vie imaginer après « l’enfer
de Matignon » ? Elisabeth Borne ira à
l’Assemblée. Avant elle, Jean Castex
pensait retrouver une vie moins trépi-
dante en prenant les rênes de la RATP.
Les plaisirs les plus simples lui man-

L
e média d’investigation Cor-
rectiv a révélé mercredi qu’une
rencontre avait eu lieu en
novembre dernier entre diffé-
rents acteurs de la mouvance
d’extrême droite. Un proche
conseiller de la co-cheffe de
l’AfD et une igure des identitaires y ont notam-
ment participé, aux côtés de représentants de
la mouvance néonazie. Un plan de remigration
des étrangers et Allemands d’origine étrangère
en cas de prise du pouvoir de l’AfD y a été dis-
cuté. Le député conservateur Marco Wande-
rwitz veut convaincre le parlement allemand
de lancer une procédure pour sortir le parti
d’extrême droite AfD du jeu politique. Pour ce-
la, il doit dans un premier temps rassembler les
signatures de 5% des élus.
Vous plaidez pour une interdiction du parti
d’extrême droite AfD. Quel a été le déclic
pour vous ?
Les dernières législatives, avec une cam-
pagne très dure dans les Länder de l’est et le
fort résultat de l’AfD puis, juste après, l’inva-
sion russe de l’Ukraine et ses conséquences en
matière de politique intérieure. Nous devons
continuer à tout faire politiquement pour com-
battre l’AfD mais aussi entamer une procédure
d’interdiction car je ne suis plus sûr que l’autre
méthode suise.
Vous n’avez plus d’espoir qu’un
positionnement plus conservateur
de la CDU et de la CSU fasse perdre
des voix à l’AfD ?
L’AfD est un phénomène qui dépasse le cadre
de quelques conservateurs sans attache parti-
sane. Depuis les législatives, on voit comment les
partis de la coalition perdent aussi des électeurs
au profit de l’AfD. C’est un phénomène socié-
tal qu’un renforcement de certaines positions
conservatrices par la CDU/CSU ne suffira pas à
régler à lui seul.
Dans un passé récent, deux procédures
d’interdiction contre le parti néonazi NPD
ont échoué. Pourquoi les perspectives
seraient-elles meilleures aujourd’hui ?
Les deux problèmes intervenus lors des
procédures contre le NPD ne sont pas d’actua-
lité pour l’AfD. La première procédure contre
le NPD a échoué car l’appareil du parti était peu
ou prou composé d’indicateurs des services de
renseignement. On ne le savait pas en amont,
car les ministres de l’Intérieur des Länder ont
fait de la rétention d’informations. Ce n’est
pas le cas pour l’AfD. La seconde procédure a
échoué car la Cour constitutionnelle a nuancé
sa jurisprudence. Le critère de la capacité d’ac-
tion a été redéini. Cette procédure est interve-
nue un peu trop tard. La Cour a dit qu’il devait
y avoir suffisamment de possibilités pour que
l’idéologie extrémiste soit traduite par des
actes. A ce moment-là, le NPD n’était plus pré-
sent que dans un seul parlement régional. Les
capacités d’action de l’AfD, elles, ne font pas de
doute (NDLR : L’AfD est représentée dans 14 des
16 diètes régionales et au parlement fédéral. Le
parti a décroché dimanche la mairie de Pirna,
une ville de 40 000 habitants en Saxe).
Vous croyez que les services de sécurité
ont retenu la leçon sur l’emploi de taupes ?
J’en suis convaincu car ce n’est même pas
nécessaire. L’AfD ne discute plus à couvert de
ses fantasmes de renversement du pouvoir.
Ses militants le font en public et sont élus
pour cette raison par beaucoup trop de gens.
Tous les éléments nécessaires pour l’inter-
diction sont sur la table.
OLAF KOSINSKY
Trois scrutins régionaux sont prévus après
cet été dans des Länder où l’AfD est attendue
à plus de 30% des voix. Une procédure
d’interdiction pourrait-elle s’achever d’ici là ?
Elle ne serait pas achevée dans ce délai. Dans
le meilleur des cas, on peut y arriver en deux ans.
Mais cela dépend de la Cour constitutionnelle,
une fois que la procédure est lancée. Mais après
les élections de 2024, il y en aura d’autres. Il y a
les législatives en 2025 puis un scrutin en Saxe-
Anhalt en 2026.
Les opposants à une procédure d’interdiction
soulignent qu’elle ne fera pas disparaître
les convictions extrémistes. Quel avantage
présenterait cette interdiction ?
En efet, faire disparaître le nom d’un parti
sur le bulletin de vote ne fait pas disparaître les
convictions. Ceci dit, je crois qu’on pourrait at-
teindre la majeure partie des électeurs de l’AfD
si on tarit la source de leur radicalisation. Si on
supprime le soutien financier, qui fait vivre les
permanents du parti, les députés et leurs milliers
de collaborateurs sur fonds publics, alors la force
d’attraction de l’AfD diminuera. Peu de pays
possèdent un tel instrument en Europe. Je veux
donner l’exemple de la Grèce. Ils ont interdit avec
succès il y a quelques années le parti d’extrême
droite Aube dorée. Lors des deux élections sui-
vantes, aucun parti d’extrême droite ne s’est ne
serait-ce qu’approché des résultats d’Aube do-
rée. Quand on montre à ces électeurs que la dé-
mocratie ne tolère pas ces idées, alors il est pos-
sible qu’un nombre substantiel donne à nouveau
sa voix à des partis du spectre démocratique.
Ou s’abstiennent...
Ce n’est parfois pas la plus mauvaise chose.
Il vaut mieux qu’ils s’abstiennent plutôt qu’ils
aillent pour un parti d’extrême droite.
N’existe-t-il pas d’autres moyens juridiques
pour couper les vivres à l’AfD ?
Il en existe un, en efet. Nous l’avons utilisé
après l’échec des procédures contre le NPD car la
barre est placée moins haut. Nous avons suppri-
« Le parti ne discute plus à
couvert de ses fantasmes
de renversement
du pouvoir. Ses militants
le font en public et sont
élus pour cette raison par
beaucoup trop de gens »
mé le inancement public du parti. On pourrait quaient. Par exemple, prendre le temps
aussi le faire pour l’AfD. Cet instrument est tou- de repeindre volets et balustrades de sa
tefois moins eicace car il ne touche que le parti. maison de Prades… Las ! Le répit aura
Les milliers de collaborateurs des élus régionaux été de courte durée. La RATP n’a rien
et fédéraux ne seraient pas concernés. Néan- d’une sinécure. Il n’est pas exagéré de
moins, cela peut aider et je ferai la demande en dire que la réussite des Jeux olympiques
même temps que celle pour la procédure d’inter- repose en partie sur les épaules du
diction. À la fin, la décision revient également président de la Régie. A six mois de
à la Cour constitutionnelle. Nous, les députés, l’échéance, rien n’est acquis.
pouvons simplement statuer sur le inancement Pour une fois, ô surprise, ce ne
des fondations politiques. Nous avons décidé sont pas les menaces de grève qu’il faut
récemment que celle de l’AfD ne recevrait pas de redouter mais plutôt notre capacité à
subsides de l’État. transporter les spectateurs. Dans son
dossier de candidature, Paris avait
Un autre argument contre l’interdiction annoncé la création de quatre nouvelles
de l’AfD est la potentielle radicalisation lignes de métro (15, 16, 17, 18), une
des militants. Que répondez-vous ? ligne de RER traversant Paris (la E), le
Ils ne peuvent pas se radicaliser beaucoup CDG Express jusqu’à la gare de l’Est,
plus. Néanmoins je ne veux pas sous-estimer cet et des lignes de tramways (3b, 10 et 12).
argument. Il faut craindre des actes de violence Finalement, les tramways seront au
plus graves là où il y en a déjà eu ces dernières rendez-vous, mais la ligne RER sera en
années. Seulement, je crois que rodage et ne roulera qu’à petite vitesse
plus nous attendrons, plus ce Un député à l’assaut au lieu des 120 km/h promis entre La
danger augmentera. Nos ser- de l’extrême droite Défense et la nouvelle gare Haussmann.
vices doivent être attentifs et s’il Mais surtout, ni la ligne Paris-Roissy, ni
Le chrétien-démocrate
y a des passages à l’acte, les res- les nouvelles lignes de métros promises
Marco Wanderwitz a été
ponsables devront être punis secrétaire d’Etat chargé ne seront terminées. La faute au Covid,
avec toute la sévérité de la loi. de l’ex-RDA sous Angela à la complexité des chantiers et sans
Merkel et élu de Saxe. Dans doute à un excès d’optimisme.
Comment fonctionne plusieurs régions de l’est,
une procédure d’interdiction l’AfD est devenu la première Calendrier serré. Il faudra donc
force politique et compte
d’un parti politique ? faire sans, alors qu’un bon million de
y triompher lors de trois
C’est un des enseignements scrutins régionaux prévus spectateurs s’ajouteront aux Franci-
de l’échec de la République de in 2024 (Thuringe, Saxe, liens dans les transports. Si on y ajoute
Weimar. La procédure a été éta- Brandebourg). la pénurie de conducteurs de bus et de
blie dès 1949 dans la Loi fonda- Les sondages annoncent métro et un réseau historique, de l’aveu
mentale. Elle a été utilisée deux le parti d’extrême droite même de Jean Castex, à bout de soule,
à plus de 30% des voix.
fois avec succès dans les jeunes il y a de quoi s’inquiéter.
années de la République fédé- Plutôt que de se serrer les coudes,
rale : une fois contre une formation communiste, on se souvient qu’Anne Hidalgo qui,
une fois contre un parti d’extrême droite. Trois faut-il le rappeler, coorganise l’évè-
institutions peuvent initier la procédure : le Bun- nement, avait préféré prendre date
destag, le Bundesrat et le gouvernement fédéral. en s’inquiétant à haute voix de tous
Elles peuvent le faire seule ou à plusieurs. Les ces retards. On était resté bouche bée
juges constitutionnels doivent prendre une déci- devant si peu d’élégance : tout était bon
sion à la majorité des deux tiers. Au Bundestag, il pour faire diversion en plein « Tahiti
faut d’abord réunir les signatures de 5% des élus gate ». Et puis si les choses tournent
ou d’un groupe parlementaire. Nous sommes au mal, elle pourra s’exonérer à bon
niveau de cette étape préliminaire. J’ai réuni un compte de toute responsabilité sur
groupe de collègues. Nous avons rédigé un texte. l’air de « je vous l’avais bien dit ». On
Nous attendons encore l’arrêt de la Cour admi- croyait pourtant que la solidarité était
nistrative d’appel de Münster qui doit être rendu une valeur de gauche. Passé cette polé-
fin février. L’AfD, qui a perdu en première ins- mique navrante et les mâles assurances
tance, conteste son classement au rang de « cas du ministre des Transports, Clément
suspect » par le renseignement fédéral intérieur. Beaune, qui promettait que tout serait
Si le parti perd, ce sera un bon moment pour lan- prêt, il faut encore croiser les doigts.
cer la procédure. Car tout va maintenant dépendre
des travaux qui se terminent sur la
Pourquoi l’arrêt de Münster est-il important ? ligne 14. Cette ligne automatique devra
Il peut avoir un effet symbolique mais pas absorber une partie importante du
que. Il peut reléter les observations faites par le traic pour desservir le Stade de France
renseignement intérieur fédéral. Par exemple, et la piscine olympique. Or, à ce jour,
son chef, Thomas Haldenwang, a formulé publi- elle n’est pas encore terminée. Le calen-
quement sa grande inquiétude à l’occasion de la drier est atrocement serré pour achever
constitution de la liste pour les élections euro- les prolongements au nord, jusqu’à
péennes lors du congrès de Magdebourg cet été. Saint-Denis-Pleyel, et au sud, vers l’aé-
Quasiment toutes les places ouvrant la possibi- roport d’Orly. Ils doivent être livrés en
lité de décrocher un siège, selon les sondages, juin. Pour tenir les délais, la RATP ferme
sont occupées par des extrémistes de droite. la ligne le soir et va interrompre totale-
ment le traic pendant quinze jours en
Ne faut-il pas attendre que le renseignement février ain de s’assurer que le système
fédéral classe le parti comme extrémiste ? de pilotage automatique de la ligne
Cela pourrait intervenir rapidement après fonctionne impeccablement. Même
l’arrêt. La procédure administrative en cours mesure radicale sur la ligne 11, qui a
contre le classement actuel explique en partie aussi été rallongée. Gare à l’ultime grain
pourquoi on ne peut passer à l’échelon supé- de sable qui viendrait tout gâcher. Tout
rieur. La Cour constitutionnelle se fera son compte fait, Jean Castex devait mieux
propre avis. Toutefois, pour mes collègues et dormir lorsqu’il était à Matignon...
moi, le classement du renseignement fédéral
revêt une grande importance.
Interview Luc André (à Berlin)

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8 l’Opinion 12 et 13 janvier 2024

12 et 13 janvier 2024 ne peut être vendu séparément

Dix destinations d'exception pour 2024

Pour emprunter les vers de la
poétesse Mary Oliver, « dis-moi
ce que tu entends faire de tes
uniques, sauvages et précieux
jours de vacances ? ». C'est le
moment d'y réfléchir et, après
avoir étudié les dernières ten-
dances en matière de voyage,
les ouvertures importantes et
les itinéraires immersifs, nous
avons quelques suggestions à
vous faire. Parmi les 10 endroits
que nous avons inclus dans notre
liste et sommes impatients de
visiter cette année, vous trou-
verez des lieux qui sont encore
étonnamment peu fréquentés
par les touristes, mais aussi de
nouvelles raisons d'aimer les
destinations à succès que vous
pensiez déjà connaître. Quel que
soit le style de voyage que vous
préférez — de la randonnée en
canoë au pays des 10 000 lacs,
où vous pagaierez d’île en île, à
la découverte de l'un des centres
de la gastronomie les plus exci-
tants d'Amérique du Sud en vous
laissant guider par votre esto-
mac — nous sommes convaincus
que vous allez trouver dans cet
article des raisons de faire vos
valises et d'y aller.

Malaisie
La pandémie a peut-être entraî-
né l'arrêt temporaire de l'Eas-
tern & Oriental Express, le train
de luxe de Belmond, mais la so-
ciété de voyages haut de gamme
a profité de cette pause impré-
vue pour rafraîchir les cabines
aux lambris de bois, décora-
tions en osier et broderies malai-
siennes. Elle a fait appel au chef
taïwanais André Chiang pour di-
riger les restaurants qui propo-
seront une fusion des cuisines
de l'Asie du Sud-Est. Les nou-
veaux itinéraires du train, qui
seront inaugurés en février, font
la part belle à la grande diver-
sité de paysages de la Malaisie.
Les excursions comprennent
des tours en Vespa dans la ville
historique de George Town,
des séjours à la plage sur l'île de
Langkawi environnée de jungle
luxuriante et des randonnées
dans les forêts tropicales de
Taman Negara pour apercevoir
De nouveaux hôtels ont ouvert leurs portes à Kuala Lumpur, ville de gourmets qui vient de lancer son premier guide Michelin.
des calaos, des tapirs et, pour
les plus chanceux, des tigres de
Malaisie. De nouveaux hôtels
ont ouvert leurs portes à Kuala
Lumpur, ville de gourmets qui
vient de lancer son premier
guide Michelin et c’est une ex-
cellente excuse pour s'attarder
avant de se rendre à la gare. Else
Retreats, un groupe hôtelier lo-
cal, a ouvert son premier hôtel
de charme dans le Lee Rubber
Building, un édiice des années
1930 situé dans le quartier
chinois, et le Park Hyatt occupe-
ra bientôt les derniers étages du
Merdeka 118, la deuxième tour
la plus haute du monde.
Lamu
(Kenya)
Les parcs à safari du Kenya, riches
en faune et en flore, restent le
principal attrait du pays, mais les
nouveaux aménagements réali-
sés à Lamu, une île parsemée de
palmiers et située à quelques
encablures de la côte nord-est du
pays, offrent aux amoureux de
soleil une alternative plaisante
au patrimoine culturel riche et
à l’ambiance feutrée, en compa-
raison des stations balnéaires
très fréquentées de Mombasa et
Zanzibar. Les grands noms de la
planète ont afronté la pandémie
à l’abri des villas de luxe aux murs
blanchis à la chaux dans le village
chic de Shela, à Lamu, tandis que
le nouveau Jannah Lamu, un en-
semble d’appartements répartis
dans trois bâtiments différents
et créés par la designer kenyane
Anna Trzebinski, redonne son at-
trait à la vieille ville pavée, la plus
ancienne implantation swahilie
d'Afrique de l'Est. Le NaiSabah,
un boutre traditionnel omanais
récemment lancé, offre trois ca-
bines et un pont décoré de boise-
ries rainées où il fait bon respirer
l’air du large. Il propose des excur-
sions de plusieurs nuits autour de
l'archipel de Lamu, promettant
des journées remplies de pique-
niques sur la plage, d'expéditions
de plongée et de promenades
dans la nature. Enin, le musée de
Lamu, qui est de nouveau ouvert
depuis octobre dernier après
une année de fermeture pour tra-
vaux de rénovation, ajoutera une
touche de culture et d’histoire à
ce fascinant carrefour commer-
cial des siècles passés, ainsi qu'un
répit bienvenu après tout ce soleil.
Île Kangourou
(Australie)
Les feux de brousse du « Black
Summer » survenus en 2019-2020
ont détruit la moitié de l’habitat
de sa faune naturelle. Mais entre-
SIPA PRESS
temps, l'île Kangourou, située à
16,6 km au large de la côte sud
de l'Australie, a rebondi. Sur-
nommée les Galápagos de l'Aus-
tralie, cette île de 4 402 km2 est à
nouveau l'un des meilleurs spots
pour observer des koalas et des
kangourous sauvages, ainsi que
des pingouins, des baleines, des
ornithorynques et des wallabies.
Deux nouveaux lodges ont été
construits et des guides expéri-
mentés aidant les hôtes à trouver
cette faune sauvage sont dispo-
nibles. Le Sea Dragon, un bou-
tique hôtel qui s’élève sur un ter-
rain de 101 hectares face à la mer, a
Lire VISITER en page II

Vendre un tableau très cher à un oligarque : Patrimoine

escroquerie ou bonne affaire ?
L’enfer n’est rien comparé aux
foudres du collectionneur qui dé-
couvre qu’on lui a surfacturé des
œuvres d’art.
L’oligarque russe Dmitri Rybolovlev accuse Sotheby’s
de complicité de ce qu’il considère être la plus grande
fraude de tous les temps dans le monde de l'art.
E n t re 2 0 03 e t 2 0 14 , l e s
trusts familiaux du milliardaire
russe des engrais Dmitri Rybolo-
vlev ont dépensé environ 2 mil-
liards de dollars pour consti-
tuer discrètement une des plus
INSTAGRAM
belles collections d’œuvres
d’art du monde, comprenant
des œuvres de Pablo Picasso,
Mark Rothko et Léonard de Vin-
ci. Mais lorsque le milliardaire
s’est mis à soupçonner que son
consultant en art collaborait
avec Sotheby’s pour augmenter
secrètement et de manière si-
gniicative les prix de certaines
œuvres pour empocher la moi-
tié de ces sommes sous forme
de frais, il a lancé une bataille
judiciaire pour prouver qu’il
avait été dupé, bataille qui dure
depuis plusieurs années.
Le collectionneur mettra la
maison de vente aux enchères sur
la sellette cette semaine, lorsque
débutera dans un tribunal fédéral
de New York le procès qui déter-
minera si Sotheby’s a bien vendu
quatre œuvres à l’intermédiaire
Yves Bouvier en sachant perti-
nemment qu’il les revendrait plu-
sieurs millions de plus à M. Rybo-
lovlev. Les avocats de l’oligarque
russe accusent Sotheby’s de com-
plicité de ce qu’ils qualifient de
plus grande fraude du monde de
l’art de tous les temps.
Ce procès offrira une occa-
sion en or de jeter un œil dans les
coulisses des négociations géné-
ralement tenues secrètes entre
une des plus grandes maisons
d’enchères du monde et sa clien-
tèle la plus fortunée — notam-
ment sur les contrats conclus en
privé sans la moindre enchère,
et qui refont rarement surface à
moins de mal inir. La valeur des
objets d’art, subjective à la base,
semble plus évasive que jamais.
M. Rybolovlev a beau affirmer
avoir été trompé, il a ensuite
vendu son de Vinci, Salvator
Mundi, au gouvernement d’Ara-
bie Saoudite pour des centaines
de millions de dollars de plus que
la somme qu’il avait déboursée
pour l’acquérir.
Cette affaire est également
l’épreuve de force judiciaire la
plus médiatisée pour Sothe-
by’s depuis que cette maison
d’enchères et Christie’s ont payé
512 millions de dollars pour par-
venir à un accord dans le cadre
de plaintes pour collusions, il y
a plus d’une vingtaine d’années.
M. Rybolovlev demande 190 mil-
lions de dollars de compensation,
plus les intérêts. La sélection des
jurés a commencé lundi.
M. Rybolovlev, qui a déposé
plainte en 2018, fait une rare
apparition aux Etats-Unis pour le
procès où il devrait témoigner. Cet
investisseur de 57 ans ne figure
pas parmi les oligarques russes
sanctionnés par Washington à
cause de la guerre en Ukraine, ce
qui lui permet de se rendre sur le
Lire OLIGARQUE en page III
Immobilier:
il va (enfin)
être plus
facile
d’emprunter
Si vous avez des projets immo-
biliers, comme beaucoup de
Français, vous pouvez de nou-
veau songer à les réaliser. Les
prix des logements devraient
baisser et les taux des crédits
immobiliers n’augmentent
plus. De rares établissements
ont même amorcé une baisse.
De l’épaisseur du trait d’accord.
Mais l’année qui commence est
plus favorable aux acheteurs
que la précédente : ceux qui
ont de bons dossiers vont être
en position de négocier avec les
banques et les vendeurs vont i-
nir par accepter de réléchir aux
ofres qui leur sont faites.
Lire IMMOBILIER en page III

12 et 13 janvier 2024 l’Opinion I

VISITER
Suite de la page I
rouvert ses portes en 2023 et pro-
pose des promenades pour obser-
ver les étoiles et les oiseaux, ainsi
que de nouvelles expéditions
type safaris. Le Southern Ocean
Lodge, qui avait entièrement
brûlé, accueille de nouveaux
des clients depuis décembre. Ce
nid d’aigle qui se dresse sur un
promontoire rocheux face à la
mer propose des sorties qui vous
feront tomber nez à nez avec des
lions de mer sauvages à l’aube et
des soirées réchauffées par des
vins locaux et des truffes déni-
chées en forêt devant un coucher
de soleil. De nouveaux sentiers
pédestres sur l'île accessibles aux
personnes en fauteuils roulants
permettent de rejoindre les for-
mations granitiques du site de Re-
markable Rocks, qui portent bien
son nom, et les premiers jalons du
sentier de randonnée de la pénin-
sule de Dudley, d'une longueur
de 37 kilomètres, dont le point de
départ est le phare historique de
Cape Willoughby.
Kyushu
( Japon)
Kyushu est la plus méridionale
des quatre îles principales du
Japon. Elle attire depuis long-
temps les touristes avertis en pro-
venance du continent asiatique.
Mais récemment, une vague de
nouveaux projets touristiques
a boosté l’attractivité de ses
marchés nocturnes, temples et
onsen (sources d'eau chaude),
désormais plus faciles d’accès.
L'année dernière, l'OMO5, un éta-
blissement hôtelier aux prix abor-
dables et propriété de Hoshino
Resorts, a été inauguré. Il est situé
dans la ville animée de Kuma-
moto. De même, le Ritz-Carlton
de Fukuoka, un hôtel aux parois
de verre a ouvert ses portes. Cette
année, ce sera au tour de l'Hotel
Indigo Nagasaki. Ce nouvel éta-
blissement a été créé dans un an-
cien orphelinat qui accueillait les
survivants de la bombe atomique.
Et le Takasaki Stay, un hôtel indé-
pendant nouveau-venu sur le
marché permet de visiter plus
confortablement les îles Goto,
situées à proximité et à l'atmos-
phère décontractée. L’office de
tourisme de Kyushu lance égale-
ment quatre nouveaux itinéraires
axés sur la cuisine locale, la céra-
La synagogue espagnole de Prague, située dans le quartier juif de la capitale tchèque.
II l’Opinion 12 et 13 janvier 2024
mique et la nature. Les densha
otaku (« fans du rail » en japonais)
pourront avec bonheur emprun-
ter un nouveau circuit touristique
de 5 heures qui ouvrira au prin-
temps et proposera des boîtes à
bento de saison avec vue sur les
volcans aux sommets couverts
de fumerolles et les paysages ro-
cheux qui s’étendent entre la gare
de Hakata à Fukuoka et Beppu, le
temple des onsen de bord de mer
au Japon.
Kansas City (Missouri)
Compte tenu de l'air du temps,
on pourrait croire Kansas City
figure sur cette liste à cause de
Taylor Swift et de Travis Kelce.
Mais la ville montrait déjà qu’elle
tiendrait toutes ses promesses
bien avant d’être citée de façon
récurrente dans les colonnes de
la presse à sensation. Le CPKC
Stadium, l'un des rares stades de
football au monde construit pour
une équipe féminine de première
division, le Kansas City Current,
ouvrira en mars et accueillera éga-
lement des concerts, des festivals
et des marchés de producteurs lo-
caux. Parmi les autres nouveautés
en matière d’évènements spor-
tifs, la ville inaugurera en août la
première édition du PickleCon,
tournoi de pickleball où 100 ter-
rains seront consacrés à ce sport
à la mode. Le Rock Island Bridge,
un pont galerie façon « rooftop »
enjambant la rivière Kansas, relie-
ra bientôt le Kansas et le Missouri.
On y trouvera des bars et de cafés.
Les amateurs de plein air pour-
ront également faire du canoë ou
du kayak sur la rivière en contre-
bas. Le complexe de loisirs et
divertissement Pennway Point au
centre-ville sera accessible aux vi-
siteurs au printemps, il compren-
dra une brasserie de plein air,
un restaurant-grill, des concerts
et une grande roue. Ceux qui
recherchent la viande fumée et
le jazz qui ont rendu Kansas City
célèbre n’ont pas d’inquiétude à
avoir. Même si les stars attirent la
lumière des projecteurs, l'âme de
la ville reste intacte.
Prague
(République tchèque)
« Prague ne nous lâchera pas, écri-
vait Franz Kaka, la petite mère a
des grifes. » Et, à en juger par les
foules de touristes, ces grifes ra-
tissent large. Cette année, cepen-
dant, il y aura une nouvelle raison
pour visiter cette ville tant aimée.
Surnommée les Galápagos de l'Australie, l'Ile Kangourou est l'un des meilleur lieu pour observer des koalas
et des kangourous sauvages, ainsi que des pingouins, des baleines, des ornithorynques et des wallabies.
La cité natale de Kaka célèbrera
le 100e anniversaire de la mort de
l'écrivain juif d'origine tchèque et
de langue allemande en organi-
sant des événements dans toute
la ville. À partir du mois de mars,
l'office du tourisme de la ville de
Prague proposera des parcours
littéraires pédestres et les biblio-
philes pourront emprunter un
tramway d’époque pour explo-
rer les sites où l'auteur a vécu et
travaillé. En mai, le musée de la
littérature tchèque dévoilera une
nouvelle exposition présentant
des installations multimédias, des
lettres écrites par l'auteur et les
premières éditions de ses livres.
Tout l'été, le musée juif organi-
sera des projections de films sur
Kaka à Josefov, le quartier juif his-
torique de Prague, tandis qu'une
application mobile intitulée « À
la recherche d'Odradek », qui fait
référence à un personnage d’un
roman de Kaka, aidera à recréer
le Prague qu’a connu l’écrivain.
Enfin, le centre culturel alle-
SIPA PRESS
mand, le Goethe-Institut, propo-
sera une série de lectures et de
pièces de théâtrales. Et lorsque la
peur existentielle kakaïenne sera
trop forte, les légendaires pubs de
la ville vous accueilleront.
Quintana Roo
(Mexique)
La péninsule mexicaine du Yuca-
tán est peut-être considérée par
certains comme un paradis pour
les vacanciers au printemps, mais
cette année vous aurez la preuve
que l'Etat de Quintana Roo ne se
résume pas à des centres de va-
cances style « buffet à volonté ».
La SHA Wellness Clinic, connue
pour ses traitements spécialisés
dans la longévité, ouvre une suc-
cursale ce mois-ci dans la ville de
Costa Mujeres. L'architecte Fabia-
no Continanza a conçu les formes
inclinées et sinueuses de cette re-
traite comme un clin d'œil à la spi-
rale de la molécule d'ADN. À une
heure au sud, l'hôtel Riviera Maya
Edition à Kanai vient d'ouvrir ses
portes dans une réserve natu-
relle de 250 hectares, son décor
aux tons neutres apportent une
touche de style urbain cool en
plein cœur de la jungle. Le mois
dernier, grâce à l'inauguration
d'un nouvel aéroport à Tulum,
tout semble réuni pour le boom
que connaît cette ville depuis des
décennies, se poursuive tout en
préservant la quiétude oferte par
de nouvelles boutiques comme
Xela Tulum, une ancienne villa
privée transformée en un hôtel
au style minimaliste. Près de la
frontière avec le Belize se trouve
Bacalar, une petite ville au bord
d’un lagon à l’eau translucide de
42 kilomètres de long. De grandes
chaînes hôtelières comme Ba-
nyan Tree ont annoncé leur inten-
tion de s'y installer bientôt, alors
allez-y avant qu'elles ne le fassent
et posez vos valises dans le nouvel
hôtel Boca de Agua, conçu par
Frida Escobedo, qui a récemment
été choisie pour concevoir une
nouvelle aile d'art contemporain
au MoMA de New York.
Buenos Aires
(Argentine)
À Buenos Aires, la culture gas-
tronomique, souvent louée,
brille plus que jamais. Une visite
du quartier de Belgrano est une
introduction pratique à deux élé-
ments essentiels de la vie quoti-
dienne en Argentine : le football
et la viande. Après un match à El
Monumental, le plus grand stade
d'Amérique du Sud, dînez dans
la parrilla (ou grill) moderne de
Corte Comedor où l’on vous ser-
vira des pièces de bœuf diiciles
à trouver, des légumes succulents
et de la charcuterie de Corte Char-
cuteria. Dans le quartier de Villa
Crespo, qui regorge de galeries
d'art, faites un arrêt chez Chuí, qui
propose un menu végétal éton-
namment varié, ou chez Julia, un
restaurant de 22 places spécialisé
dans une cuisine française haute
en couleurs. À Chacarita, tes-
tez Ácido, qui vient d’ouvrir ses
portes et s'inspire des recettes de
grands-mères du monde entier
pour faire son menu servi dans
une porcelaine délicieusement
kitsch. Au MN Santa Inés, dans
le quartier discret de La Pater-
nal, le chef Jazmín Marturet joue
avec des recettes élaborées lors
de voyages en Asie et en Amé-
rique latine. Et pour les voyageurs
qui préfèrent suivre les étoiles,
le summum de l'art dans une
assiette vous attend chez le chef
Aramburu, qui a obtenu deux
étoiles Michelin en novembre.
Buen provecho ! (Bon appétit en
espagnol).
Boundary Waters
Canoe Area Wilderness
(Minnesota)
On peut encore boire directe-
ment l’eau de la plupart des 1 200
lacs de la réserve naturelle de
Boundary Waters dans le Min-
nesota, ce labyrinthe liquide
qui s’étend sur des centaines de
milliers d'hectares à proximité
de la frontière avec le Canada.
Souvent parcourue lors de ran-
données itinérantes en canoë
+ camping sur plusieurs jours,
cette région boréale sauvage per-
met à ses 250 000 visiteurs an-
nuels de passer du temps sur la
terre ferme, dans des lodges rus-
tiques et sur de vastes chemins
de randonnée qui jalonnent les
îles environnantes. Les groupes
miniers lorgnant sur la région,
chaque visite touristique faite
cette année joue un rôle essen-
tiel dans la préservation de la
région. Commencez par une
promenade en voiture le long
de la Gunflint Trail, une route
touristique nationale de 92 kilo-
mètres qui mène aux Boundary
Waters. À mi-parcours, prenez
un petit pain à la cardamome au
Loon's Nest Coffee, qui ouvrira
ses portes à l'automne 2023,
avant de participer à une excur-
sion guidée que vous pourrez
SIPA PRESS
trouver dans les nombreuses
pourvoiries — refuges pour chas-
seurs et pêcheurs — locales. À la
tombée de la nuit, installez-vous
au Gunlint Lodge, fraîchement
rénové, ou améliorez votre cam-
ping avec un sauna mobile livré
dans votre coin de forêt par les
opérateurs de spa Sisu + Löyly.
Le matin, réveillez-vous avec les
huards et poursuivez votre aven-
ture sur les lacs.
Îles Baléares
(Espagne)
Les îles Baléares, en Espagne,
tournent désormais le dos à leur
image de lieux où l'on danse toute
la nuit pour quelque chose de plus
zen. Moins de soirées mousse,
plus de cercles de méditation. Ibi-
za, jadis synonyme de nuits arro-
sées, attire désormais les adeptes
de la pleine conscience, une mé-
tamorphose que l’on peut claire-
ment observer au Mirador de Dalt
Vila, un hôtel Relais & Châteaux
qui s'adresse résolument aux
adeptes de la détente et non aux
fans de rave party. À Majorque,
le nouvel hôtel Son Bunyola de
Richard Branson délaisse les soi-
rées DJ de l'île au profit d’excur-
sions à vélo et d'après-midi tran-
quilles au bord d’une piscine de
28 mètres de long. L'hôtel ZEL de
Rafael Nadal vous attend avec un
restaurant servant des plats médi-
terranéens et basques et une salle
de sport approuvée par des pro-
fessionnels. Sur l'île de Minorque,
le statut de réserve de biosphère
limite le développement, de
sorte que les nouveaux arrivants
se concentrent sur la rénovation
des propriétés existantes plutôt
que sur la construction de nou-
veaux bâtiments. C'est le cas de
Son Vell, un manoir vénitien du
XVIIIe siècle transformé en hôtel
de 34 chambres proposant des
cours de yoga, des projections de
ilms en plein air et, surtout, pas le
moindre son de pulsante au loin.
Kiera Carter (Kansas City),
David Farley (Prague),
Adam H. Graham (Ile Kangou-
rou et Kyushu), Jacqueline
Kehoe (Boundary Waters),
Jordi Lippe-McGraw (Iles
Baléares), Suchi Rudra
(Buenos Aires), Chris Schalkx
(Malaisie et Lamu)et Michaela
Trimble (Quintana Roo)
(Traduit à partir de la
version originale en anglais
par Emmanuelle Serrano)
Edited from the original
OLIGARQUE
Suite de la page I
sol américain depuis Monaco où il
réside désormais.
Pendant des années,
M. Rybolovlev s’est appuyé
presque exclusivement sur les
conseils artistiques et les compé-
tences de négociateur de M. Bou-
vier, marchand d’art suisse
surtout connu dans le domaine
pour son lieu de conservation
d’œuvres d’art à Genève.
Le collectionneur russe
avance que Sotheby’s a aidé
M. Bouvier à trouver des chefs-
d’œuvre à acheter, que la maison
d’enchère l’a aidé à négocier les
L’œuvre qui devrait
faire le plus parler
d’elle pendant le
procès opposant
Dmitri Rybolovlev
à Sotheby's est
un tableau peint
il y a 500 ans par
Léonard de Vinci,
le Salvator Mundi
termes des transactions avant
de rassurer M. Rybolovlev sur le
fait qu’il faisait des acquisitions
en connaisseur en rédigeant des
descriptions dithyrambiques de
ces œuvres, tout en sachant per-
tinemment qu’à chaque fois, le
collectionneur payait son inter-
médiaire des millions de dollars
de plus que ce que M. Bouvier
payait Sotheby’s.
« Pour la première fois en
neuf ans, M. Rybolovlev prendra
publiquement la parole et four-
nira un récit détaillé de la vérité
sur cette affaire », a affirmé son
avocat, maître Daniel Kornstein.
« Le procès peut fournir un autre
bénéice important : il peut mon-
trer au monde comment le mar-
ché de l’art fonctionne parfois ;
il peut alerter d’autres collec-
tionneurs et amateurs d’art pour
qu’ils se protègent. »
Sotheby ’s affirme avoir
« respecté à la lettre toutes les
exigences légales, les obliga-
tions financières et les bonnes
pratiques du secteur pendant
les transactions concernant ces
œuvres d’art. Toute allégation se-
lon laquelle Sotheby’s aurait été
conscient d’une faute profession-
nelle ou d’une intention d’escro-
querie présumées aux dépens de
M. Rybolovlev est fausse ».
M. Bouvier, qui a réglé son
propre litige personnel avec
M. Rybolovlev dans un tribunal
suisse le mois dernier, maintient
S'il est discret dans le monde de l'art, le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev a été sous
le feu des projecteurs in 2011, lorsqu'il a racheté le club de football AS Monaco.
n’avoir rien fait de mal. Selon son
porte-parole, il n’a pas signé de
contrat avec le collectionneur
et était par conséquent libre
d’agir dans son intérêt propre
en tant que négociateur privé,
et à ce titre pouvait facturer M.
Rybolovlev les sommes qui lui
semblaient appropriées pour
les œuvres qu’il lui revendait.
M. Bouvier n’assistera pas au
procès à venir mais il a fourni
une déposition écrite, assure
son porte-parole.
L’œuvre qui devrait faire
le plus parler d’elle pendant le
procès est un tableau peint il y
a 500 ans par Léonard de Vinci,
représentant le Christ en sau-
veur du monde, que M. Bouvier
a acheté 83 millions de dollars à
un trio de négociants en art qui
ont travaillé avec Sotheby’s pour
négocier un contrat —•avant
de le revendre à M. Rybolo-
vlev 127,5 millions de dollars.
Quand M. Rybolovlev a dé-
couvert la diférence de prix pour
le tableau de de Vinci en 2014, il
explique dans sa plainte avoir eu
l’impression d’avoir été surfac-
turé. Trois ans plus tard, il a mis
le Salvator Mundi aux enchères
chez Christie’s à un prix de dé-
part de 100 millions. Or, au lieu
d’être une vente à perte, le chef-
d'œuvre a ini par être acheté par
les Saoudiens 450 millions de
dollars, ce qui en a fait l’œuvre
d’art la plus chère jamais vendue.
Une autre des transactions
litigieuses porte sur le tableau
Le domaine d’Arnheim de René
Magritte, peint en 1962, que
M. Bouvier a acheté dans le cadre
des ventes privées de Sotheby’s
pour 24,1 millions de dollars
fin 2011 — avant de le revendre
à peine trois jours plus tard à
M. Rybolovlev pour 43,5 millions
de dollars.
Selon le dossier, Sam Valette,
un employé de Sotheby’s repré-
sentant le vendeur du Arnheim
a déclaré plus tard qu’il ignorait
que M. Bouvier envisageait d’aug-
menter le prix du tableau après
coup. Il ne connaissait même pas
le nom du collectionneur pour
lequel travaillait M. Bouvier, a-
t-il conié à la cour, bien que des
e-mails qu’il avait envoyés à cette
époque montrent qu’il savait que
ce collectionneur était russe.
Dans sa plainte, M. Rybolovlev
dit qu’il aurait dû être informé du
prix réel acquitté par M. Bouvier,
bien qu’il ne l’ait pas demandé
à l’époque.
Luke Nikas, avocat spécialiste
de l’art et partenaire du cabi-
net Quinn Emanuel Urquhart &
Sullivan, qui n’a pas de lien avec
le dossier, estime que le rôle
de Sotheby’s dans l’affaire du
Magritte relève davantage de la
technique de vente à haut risque
que de la fraude. Lors de transac-
tions à plusieurs millions de dol-
lars dans le domaine de l’art, les
acheteurs devraient peser avec
soin le moindre détail du contrat,
explique maître Nikas, qui
ajoute : « Vous demandez à trois
parties averties de partager des
éléments financiers entre elles
alors même que personne ne les
demande — c’est une plainte pour
fraude diicile à prouver ».
Malgré les retombées média-
tiques de ce qui est devenu « l’af-
faire Bouvier », M. Rybolovlev
n’est pas particulièrement connu
dans les sphères des amateurs
d’art. Il a commencé à faire par-
ler de lui sur la scène mondiale
en 2010 lorsqu’il a vendu ses par-
ticipations dans Uralkali, produc-
teur d’engrais à base de potasse,
pour 6,5 milliards de dollars.
L’année suivante, il a fait sensa-
tion en Europe en devenant ac-
tionnaire majoritaire et président
du club de football monégasque
AS Monaco.
Son admiration pour l’art mo-
derne était de notoriété publique,
mais peu de spécialistes du
monde de l’art ont interagi avec lui
au il des années. Contrairement
à la vague de Russes fortunés, tel
Roman Abramovitch, entrés dans
le monde de l’art et connus pour
organiser des fêtes dispendieuses
ou parce qu’ils inancent de nou-
veaux musées à Moscou, M. Rybo-
lovlev a rarement été aperçu à
de grands raouts artistiques. Il
assiste également très peu à de
grandes enchères en personne,
préférant acheter des œuvres de
façon privée par l’intermédiaire
de M. Bouvier.
Le monde de l’art devrait
suivre l’afaire de près car la liste
des témoins probables est un
véritable bottin mondain de l’es-
tablishment artistique, compre-
nant l’ancien directeur général
de Sotheby’s, Bill Ruprecht, et le
PDG actuel de Bonhams, Bruno
Vinciguerra, ancien PDG de So-
theby’s. Ekaterina Rybolovleva,
fille de M. Rybolovlev, cavalière
et personnalité mondaine, ainsi
qu’une poignée de marchands
d’art puissants et de consul-
tants font également partie de
la liste probable de témoins,
tout comme Sandy Heller, Larry
Gagosian, Guy Wildenstein et
Bill Acquavella. Pour une sphère
aussi glamour qui se targue d’ex-
celler dans le domaine de l’exclu-
sivité et la discrétion, la tentation
de voir l’un ou l’autre de ces lan-
ceurs de tendance à la barre dans
une salle d’audience pourrait être
irrésistible, selon les initiés.
« Ce sont de sacrées têtes d’af-
iche », juge Dean Nicyper, avocat
spécialiste du domaine de l’art et
partenaire du cabinet Withers qui
a représenté la maison Sotheby’s
lors de diverses afaires, mais n’a
aucun lien avec l’afaire en cours.
Kelly Crow
James Fanelli
a contribué à cet article
(Traduit à partir de la
version originale en anglais
par Bérengère Viennot)
Edited from the original
RENGGLI
Immobilier : il va (enin)
être plus facile d’emprunter
Tous les réseaux immobiliers anticipent un recul des prix cette année.
PATRIMOINE
Nouvel emploi, naissance,
départ des enfants, envie de
changer de vie, d’environne-
ment, divorce, les motifs de
déménagements sont multiples.
L’immobilier fait partie du par-
cours de vie. Mais voilà, l’année
dernière, beaucoup ont dû
ranger ce projet au placard. La
hausse des taux et le coup de vis
donné par les banques ont fait
du crédit une ressource rare.
Pour certains emprunteurs à
l’historique irréprochable, se
voir refuser un crédit a été une
mauvaise surprise. Résultat, en
2023, le nombre de transactions
de logements anciens a chuté à
moins de 900 000 ventes. Un
plus bas depuis sept ans, selon
MeilleursAgents.
Le marché est en train de
changer. La Banque de France et
le HCSF (le Haut conseil de stabili-
té inancière) encouragent désor-
mais les banques à utiliser leurs
marges de manœuvre et à être
moins restrictives. L’élargisse-
ment du PTZ, la décrue des taux et
de l’inlation sont de bonnes nou-
velles. Nul n’imagine revoir de
sitôt des taux de crédit à 1 ou 1,5%,
mais, bonne surprise, les taux ne
montent plus mois après mois.
« L'inlation ralentit enin, les OAT
ont baissé de près de 100 points
de base en 1 mois, de grandes
banques sont de retour sur le mar-
ché de crédits immobiliers avec
des barèmes bancaires en baisse
et des objectifs de conquêtes
clients élevés, il sera donc plus
facile de trouver un inancement
et qui plus est, moins coûteux »,
explique Maël Bernier chez Meil-
leurtaux. La donne a changé pour
les emprunteurs. « Le retour de la
concurrence va tirer vers le bas les
PATRIMOINE - Le conseil de la semaine
Personnalisez votre clause bénéficiaire
Trente pour cent des déten-
teurs d’une assurance-vie ne
savent pas qui en est le béné-
iciaire. Vous faites partie des
70 % restants ? Félicitations.
Pour autant, n’oubliez pas de
vous pencher régulièrement
LUDOVIC FEURCLET
Albert d'Anthoüard,
associé et directeur de la
clientèle privée chez Nalo
taux », espère Céline Roquelaure
chez Empruntis.
Où en est-on aujourd’hui ?
« Les emprunteurs aux meilleurs
profils peuvent bénéficier de
taux qui dépassent à peine 4 %
sur 20 ans et 25 ans. Les taux les
plus attractifs pour chaque durée
sont de 3,80 % sur 15 ans, de 4 %
sur 20 ans et de 4,11% sur 25 ans »
indique Caroline Arnould, la
directrice générale de Cafpi qui
constate même des baisses de
taux surprise pour conquérir des
clients. Ainsi, selon Empruntis,
certains ont réussi à dénicher un
crédit sur 20 ans à 3,95 % avec
un très très bon dossier. « Les
meilleurs profils d’emprunteurs
sont de nouveau courtisés par les
banques et peuvent faire jouer la
concurrence. Et rien ne les empê-
chera, dans quelques années,
de renégocier leur prêt », glisse,
pragmatique, Thomas Lefebvre
chez MeilleursAgents.
Vent printanier
Un petit vent de printemps
soule donc sur l’ofre de crédit.
Pas question pourtant de partir la
leur au fusil. Pour mettre toutes
les chances de votre côté, évitez
d’être dans le rouge pendant
trois mois. Et pensez à contacter
un assureur ou un courtier pour
évaluer le coût de l’assurance
emprunteur, l’herbe est parfois
plus verte ailleurs. Souvent les
contrats de groupe des banques
sont coûteux passé 50 ans.
Le desserrement du robinet
du crédit n’est pas la seule bonne
nouvelle à attendre cette année
pour les acheteurs. Selon un
récent sondage de OpinionWay
pour Laforêt, pour l’instant, seul
un Français sur 3 baisserait son
prix s’il devait vendre un bien
immobilier. Il faut du temps
sur la question. La clause bé-
néficiaire de l’assurance-vie
est un outil de transmission
puissant qui permet de léguer
le capital, hors succession, à
une ou plusieurs personnes
de votre choix.
La clause standard qui
désigne « votre conjoint, à
défaut vos enfants, à défaut
vos héritiers » est personnali-
sable, autant de fois que voulu.
Par exemple, si vous n’êtes ni
marié ni pacsé, mais souhaitez
désigner votre conjoint avant
vos enfants. Ou encore, si votre
situation personnelle et fami-
liale évolue. De nombreuses
conigurations sont possibles.
12 et 13 janvier 2024 l’Opinion III
SIPA PRESS
aux vendeurs pour intégrer
une baisse de prix (ils sont sou-
vent plus réactifs quand les prix
montent !) Mais certains ne pour-
ront pas repousser la vente trop
longtemps. Les négociations de-
vraient être plus faciles. D’autant
que tous les réseaux immobiliers
anticipent un recul des prix cette
année. « En 2024, la baisse des
prix prendra le relais de la baisse
des volumes », pronostique la
Fnaim tandis que MeilleursA-
gents prévoit une baisse des prix
de 4% en France. Attendre, pour
un vendeur, c’est donc prendre
le risque de vendre moins cher…
à moins d’être prêt à attendre
longtemps.
Le marché ne va pas repartir
d’un coup de baguette magique
même si le crédit se dégèle. « Si
les taux se stabilisent comme
cela semble se proiler, un seul
levier peut permettre au mar-
ché immobilier de repartir :
celui des prix. Ils doivent bais-
ser davantage qu’en 2023 pour
purger les excès de ces der-
nières années. Alors seulement,
le marché immobilier pourrait
retrouver des couleurs », estime
Charles Marinakis, le président
de Century 21 France.
Pour relancer le marché, le
réseau chifre autour de 10 à 15 %
la baisse des prix nécessaire, rap-
pelant que les prix des maisons
ont augmenté de 34% et ceux des
appartements de 26 % en France
entre 2015 et 2022. « Sur cette
période, en moyenne, un bien
immobilier a donc vu sa valeur
augmenter de 4% par an ! Le recul
actuel des prix ne vient même pas
gommer une année de hausse »,
indique Century 21. Cette an-
née 2024 s’annonce comme une
année de transition !
Carole Papazian
La clause bénéiciaire démem-
brée permet la transmission à
plusieurs personnes, en distin-
guant l’usufruit et la nue-pro-
priété. La clause bénéiciaire à
options permet au bénéiciaire
de n’accepter qu’une partie du
contrat, le reste étant versé aux
bénéiciaires de second rang.
Dans tous les cas, nous
vo u s re c o m m a n d o n s d e
confier la rédaction à votre
conseiller patrimonial ou
votre notaire. En efet, en cas
de confusion, la clause peut
être invalidée, faisant ainsi re-
tomber les capitaux de votre
assurance-vie
Edited fromdans votre
the suc-
original
cession.
Hackett, l’étofe
des gentlemen
L’aventure de la maison
commence à Londres en 1983,
sous l’impulsion de Jeremy
Hackett. Ce visionnaire stylé a
l’idée d’ouvrir sur King’s Road,
une boutique de vêtements
d'occ asion. Son but e st de
proposer, à moindre coût, la
quintessence du vestiaire anglais
aux gentlemen désargentés ou
aux fans de vintage avant l’heure.
Puis, il commence à créer ses
propres collections, s’inspirant
du style traditionnel british,
qu’il associe à des coupes plus
modernes.
Très vite, la griffe masculine
fait mouche avec ses pièces
taillées dans la crème du tweed,
de la laine ou du cachemire et
confectionnées avec un réel
souci du détail. Comblant aussi
bien les banquiers de la City
que les gentlemen-farmers ou
les amateurs de Sport-chic,
Hackett a su se diversifier, au
fil des décennies. Son objectif
étant de proposer également
à sa clientèle, un vestiaire
contemporain moins formel.
Sans pour autant transiger sur
son élégance, qui demeure
chevillée au cœur de son ADN.
Les dernières collections
répondent aux nouvelles
attentes d’une clientèle post-
Plus de 40 ans
après sa création,
la griffe anglaise
Hackett démontre
qu’elle sait vivre
avec son temps.
Elle combine ainsi
son héritage d’un
tailleur so british
avec une touche
contemporaine
En ouvrant une boutique dédiée à sa ligne Saville Row, Hackett renoue avec ses origines sartoriales. Elle s’adapte aussi
aux envies de l’homme moderne, à l’instar de sa collaboration cocooning avec David Gandy Wellwear.
Covid, en quête d’un style chic
et décontracté. Conjuguant un
esprit très londonien, inspiré de
ses racines autour du tailoring,
avec des accents campagne chic,
le vestiaire signé Hackett fait
la part belle aux pièces taillées
dans la crème des étofes. Parmi
lesquelles de nouvelles matières,
particulièrement techniques
et idéales pour affronter les
éléments ou une virée outdoor.
Certaines pièces versatiles sont
conçues pour être superposées
les unes aux autres, selon les aléas
de la météo ou ses envies.
« La mode masculine a
beaucoup évolué. L’on retrouve
ainsi pas mal de vestes hybrides,
ou confectionnées dans un
piqué de Jersey déstructuré. Nos
clients sont demandeurs d’une
élégance sans effort et qui offre
un vrai confort. Certes, on est
une marque britannique, mais
l’on s’inspire quand même des
Italiens et partageons le même
souci pour le détail », détaille
Gianni Colarossi, mi-Ecossais,
mi-Italien. L’éminence créative
de la maison est vice-président
produits chez Hackett. Il a
pour mission de développer la
stratégie et les collections de la
marque pour l’ancrer dans la
modernité, tout en respectant
son héritage.
Autre temps, autres mœurs,
il a ainsi fallu s’adapter au
changement de paradigme post-
Covid. « Pendant la pandémie,
plus personne ne portait de
costumes. Puis, on a renoué avec
un vestiaire formel, mais plus
moderne, sans la rigidité et les
renforts d’antan. On est devenus
plus Smart casual, en proposant
notamment des polos avec un
col de chemise, des matières
associées à du stretch ou des
mailles à porter avec un costume
ou une surchemise élégante »,
poursuit le chic Gianni.
Pour combler les amateurs
de l’art sartorial dans sa plus
pure tradition, Hackett a
imaginé la ligne ultra-premium
Saville Row, nom de la rue et,
par extension, du quartier des
tailleurs les plus renommés
d e L o n d re s . U n e n o u ve l l e
boutique lui est même dédiée
dans le quartier des tailleurs de
la capitale britannique. Il suit
de pousser la porte de cette
bâtisse de style georgien pour
se retrouver téléporté dans un
univers délicieusement british,
mais surtout pas guindé. Le
papier peint ultra-graphique
et les pans de murs laqués de
vert flashy donnent le ton,
au milieu des étoffes et des
mannequins de bois, arborant
smoking en velours bordeaux
ou surchemise en cachemire,
au milieu d’antiquités chinées.
La boutique comprend aussi
un salon de coiffure-barbier
et... un bar. Lovés dans un
canapé capitonné ou un fauteuil
Chesterield, les clients peuvent
feuilleter quelques beaux livres
ou la presse du jour, ou se servir
un drink, piochant parmi les
liqueurs qui trônent dans des
flacons en cristal. Lorsque
l’on demande innocemment
si, après quelques verres de
brandy ou de Gin Tonic, les
clients sont plus enclins à
dépenser plus ? L a réponse
s ’a c c o m p a g n e fo rc é m e n t
d’un haussement de sourcils
legmatique : No comment !
Marine de La Horie

Poiray : l’atout cœur d’un joaillier En voiture avec ChatGPT

Depuis trente ans, avec son
Cœur Entrelacé, Poiray twiste
un motif bien connu dans la
joaillerie.
Motif éternel dans la gram-
maire joaillière, le cœur évoque
l’amour inoxydable. Il apparaît
dès l'antiquité grecque, avant
d'être popularisé dans sa forme
stylisée par les peintres euro-
péens du Moyen Âge. Forme de
prédilection des joailliers, elle
fait son apparition pour la pre-
mière fois chez Poiray dans les
années 1980. Depuis, ce cœur
best-seller n'a jamais quitté ses
collections. En 1993, le motif
Cœur Entrelacé est créé. Il se
compose d'un ruban d'or qui
s'enroule sur lui-même pour es-
quisser deux cœurs entremêlés.
Un support idéal où des mots
tendres peuvent aussi être gra-
vés à son verso. Sa forme, recon-
naissable au premier regard, en
fait un classique de la joaillerie
parisienne. Epuré, chic et facile
à porter au quotidien, il devient
un bijou fétiche, toutes généra-
tions confondues.
Cette figure de style sou-
ligne surtout parfaitement la
philosophie des deux fonda-
teurs de Poiray. L'aventure dé-
bute en 1975 sous l’impulsion de
Michel Hermelin et de François
Herail, un duo issu du monde
de l'horlogerie. A l’époque, ils
font preuve d'audace en chahu-
tant les codes policés de la Place
Vendôme, en introduisant dans
leurs collections décomple-
xées, des pierres ines comme la
citrine, la topaze ou la tourma-
line. Des gemmes alors peu uti-
lisées par les grandes maisons.
Ils ont le mérite de proposer une
élégance diférente et des bijoux
à porter tous les jours, et pas
uniquement pour une occasion
spéciale. Aichant en outre des
prix doux, les créations signées
Poiray permettent aux femmes
de s'ofrir elles-mêmes leurs bi-
joux. La maison apparaît alors
comme pionnière du prêt-à-por-
ter en joaillerie. Le Cœur Entre-
lacé au design raffiné et modu-
lable, qui se transforme selon
les envies de celle qui le porte,
devient alors l’une des signa-
tures de Poiray. Au même titre
que sa montre Ma Première aux
multiples bracelets interchan-
geables, ou encore sa bague Ma
Préférence à l'ingénieux sys-
tème permettant de changer
soi-même la pierre de centre en
quelques secondes.
Afin de faire perdurer son
statut de bijou culte, le Cœur
Entrelacé est revisité réguliè-
rement et séduit encore et tou-
jours. Le motif joue avec les for-
mats, en version petit, moyen ou
grand. Il se décline en or jaune,
blanc ou rose. Récemment, ce
Cœur Entrelacé devient une
ligne à part entière, se lovant au
poignet ou habillant les lobes
d'oreilles. Il est également serti
de diamants ou orné d'émail
couleur corail, bleu céladon ou
ivoire, à l’occasion de ses trente
ans. La collection anniversaire
propose aussi des pendentifs sur
un cordon tissé dans de subtils
tons de brun, de rose et de vert
pour s'accorder aux diférentes
teintes d'émail. Enin, le bracelet
sur cordon simple, disponible
en plusieurs coloris, ou en ma-
cramé et surmonté d'un motif
en argent, a été imaginé pour
les femmes, comme pour les
hommes. Plus que jamais dans
l’air du temps, le cœur iconique
de la maison Poiray entrelace
toutes les idylles.
Fabrice Léonard
Face à l’intelligence arti- lançons : « Ok Iris, peux-tu nous
ficielle, il y a les sceptiques et parler des maisons Jaoul… ». Iris
les enthousiastes, persuadés semblant faire la sourde oreille,
que ces applications peuvent il faut lui répéter la question.
leur faciliter la vie. DS Auto- Mais, après un petit temps de la-
mobiles, marque premium tence — qui pourrait faire croire
du groupe Stellantis, a décidé à de la gamberge — notre robot
d’intégrer ChatGPT, le premier nous livre l’histoire méconnue
agent virtuel conversationnel, de ces édiices.
à sa gamme. « Nous offrons à La conversation s’engage.
nos clients une nouvelle expé- Iris sait bien des choses : infos
rience. Nous sommes pionniers pratiques, adresses, recettes…
en Europe », se réjouit Philippe Elle est même capable d’inventer
Houy, responsable des ser- des petits contes pour enfants.
vices connectés. Ses réponses, parfois sco-
Pour disposer de ChatGPT laires ou naïves, donnent ainsi
sur sa DS, il faut bénéficier du lieu à des quiproquos, dignes de
DS Iris System, la solution d’in- Dupond et Dupont dans Tintin.
fotainement avec reconnais- A la question : « Où se situe l’île
sance vocale maison. de Ré ? », Iris répond : « Ré est
Dans la pratique, cette intel- une note de musique que l’on
ligence artiicielle est capable de trouve sur une portée ». Et l’on
répondre à une foule de ques- prend conscience de l’impor-
tions et de fournir des informa- tance de bien articuler…
tions pertinentes. « C’est un nou- Pour le moment, Cha-
veau moyen de se divertir tGP T est en phase de
Suivez ici ’02
et d’apprendre », résume test. Cette fonction est
notre interlocuteur.
sur Instagram gracieusement offerte
Nous l’avons testé durant les six pro-
sur une DS4 autour du chains mois, avant que
Bois de Boulogne, à Pa- le système ne soit offi-
ris. Notre route croisant ciellement lancé, cou-
les maisons Jaoul de Le rant 2024.
Corbusier, nous nous Nicolas Dembreville

IV l’Opinion 12 et 13 janvier 2024 HACKETT, POIRAY, DE WINRER, VIGLIOTTA, DS AUTOMOBILES