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PRATAN-716; No. of Pages 15 ARTICLE IN PRESS


Le Praticien en anesthésie réanimation (2018) xxx, xxx—xxx

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VIE PROFESSIONNELLE

La pratique de l’anesthésie en situation


précaire
The practice of anesthesia in precarious situations

Michel Patrick Antoine a,∗, Patrick Knipper b

a
Clinique Pasteur, 222, avenue de Rochefort, 17200 Royan, France
b
25, rue de Bourgogne, 75007 Paris, France

Michel Patrick Antoine

MOTS CLÉS Résumé La pratique de la chirurgie et de l’anesthésie en situation précaire, en dehors de


Chirurgie toute structure hospitalière, est souvent une nécessité dans les pays en voie de développement.
humanitaire ; Les auteurs ont voulu transmettre l’expérience, acquise avec l’Organisation non gouverne-
Chirurgie nomade ; mentale Interplast—France chirurgie sans frontières depuis 20 ans, au cours de 40 missions
Anesthésie de chirurgicales effectuées en Afrique sub-saharienne et à Madagascar, pendant lesquelles ont été
brousse ; opérés plus de 2000 patients. Le professionnalisme, l’anticipation et l’autonomie sont essen-
Situation précaire ; tiels à la réussite de ce type de missions. Loin d’être une fin en soi, l’acte chirurgical doit
Ethno-chirurgie nécessairement s’intégrer dans un cadre thérapeutique plus large où la dimension sacrée tient
souvent un rôle prépondérant.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary The practice of surgery and anesthesia in a precarious situation, apart from any
Humanitarian hospital structure, is common in the developing countries. The authors wanted to transmit
surgery; the experience gained with the Non-Governmental Organization Interplast-France Chirurgie
Nomadic surgery; Sans Frontières for 20 years, during 40 surgical missions carried out in sub-Saharan Africa and
Bush anesthesia; Madagascar, during which more than 2000 patients were operated. The constraints and limita-
Precarious situation; tions of this surgical practice, outside the beaten path, are exposed and practical solutions are
Ethno-surgery proposed. Professionalism, anticipation and autonomy are essential to the success of this type of

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : drpatrickantoine@gmail.com (M.P. Antoine).

https://doi.org/10.1016/j.pratan.2017.10.006
1279-7960/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Antoine MP, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en anesthésie
réanimation (2018), https://doi.org/10.1016/j.pratan.2017.10.006
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mission. The surgical procedure is not a be-all and end-all, and must necessarily be included
into a broader therapeutic framework where the sacred dimension often plays a preponderant
role.
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction que nous-même aurions pu avoir si nous avions été plongés


soudainement dans une telle précarité chirurgicale.
Notre propos s’adresse aux médecins et infirmiers anes- Mais notre immersion chirurgicale dans les conditions
thésistes désirant découvrir les conditions particulières de précaires s’est fait progressivement. Nos ambitions opé-
la pratique anesthésique en conditions précaires. Mais il ratoires ont été modestes au début : parages de plaie et
concerne également tous ceux, médecins, chirurgiens et exérèses de petites tumeurs cutanées et sous-cutanées sous
infirmiers, qui souhaitent s’informer sur les difficultés ren- anesthésie locale. Puis, devant les bons résultats chirurgi-
contrées lors des missions chirurgicales en brousse afin de caux, l’absence de complications et la réelle satisfaction
préparer au mieux leur propre mission. Il ne prétend en des patients, nous nous sommes enhardis jusqu’à réali-
aucune façon être exhaustif, ni servir de base à l’élaboration ser au village pour répondre à la demande, en dehors
du parfait petit manuel de l’anesthésie et de la chirurgie de toute structure médicale, des interventions chirurgi-
en brousse. Il aspire seulement à montrer les difficultés cales plus complexes sous anesthésie générale : fentes
et les écueils que l’on peut rencontrer dans la pratique labiales, plasties cutanées pour séquelles de brûlures, lam-
de l’anesthésie et de la chirurgie en situation précaire. Il beaux locaux sur Noma, cure de hernie inguinale, cure
conviendra à chacun, selon sa propre expérience et son d’hydrocèle, goitres thyroïdiens etc [1].
domaine de compétences, d’adapter sa pratique anesthé- Nous avons voulu retranscrire ici le fruit de notre modeste
sique et chirurgicale quotidienne aux réalités du terrain. expérience acquise depuis prés de 20 ans, au cours de
Pour ne pas jeter un anathème, sur la pratique de la plus de 40 missions, pendant lesquelles nous avons anes-
chirurgie et par conséquent de l’anesthésie en situation thésié et opéré environ 2000 patients, tant à Madagascar
précaire, nous allons tenter, sinon la justifier, du moins que dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne : Nigeria,
l’expliquer et la démystifier. Nous allons essayer de montrer Togo, Bénin, Ghana, Sénégal et Tchad [2].
ce qu’il est possible de faire dans de bonnes conditions de
sécurité, jusqu’où l’on peut aller et quelles sont les limites
qu’il nous semble raisonnable ne pas devoir franchir. Nous Pourquoi accepter d’opérer en conditions
allons évoquer quelques problèmes auxquels peuvent être précaires ?
confrontées les équipes médico-chirurgicales et quelles sont
les solutions que nous avons apportées. Les raisons qui ont conduit les équipes d’Interplast-France
chirurgie sans frontières, ONG de chirurgie plastique et
réparatrice dans les pays en voie de développement, à
De la chirurgie hospitalière à la chirurgie délaisser peu à peu les centres hospitaliers pour se rappro-
de brousse cher des dispensaires de brousse se résument en une simple
phrase : aller chercher et opérer les patients là où ils sont.
Pratiquer des anesthésies générales en dehors d’un bloc Le constat est simple. En brousse, les patients délaissent
opératoire, cela peut se concevoir quand les circonstances souvent les structures hospitalières locales pour des raisons
exceptionnelles l’exigent, notamment lors de la prise en tout autant ethnologiques que logistiques.
charge initiale des polytraumatisés, sur le lieu même du
traumatisme. Mais effectuer des anesthésies générales et Le poids de la tradition
locorégionales en brousse, au village, pour réaliser des
interventions chirurgicales réglées non urgentes, voilà une La médecine moderne ne répond pas à l’interrogation fonda-
pratique qui peut laisser perplexe nombre de médecins mentale, que se posent le patient et son entourage vis-à-vis
habitués à l’ambiance aseptisée et sécurisante des blocs de sa maladie. Le problème n’est pas tant de savoir pourquoi
opératoires modernes (Fig. 1). la maladie s’est-elle déclarée mais bien de savoir pourquoi
La première réaction d’un anesthésiste, formé aux stan- le mal s’est abattu sur sa propre personne. Pourquoi moi et
dards occidentaux et confronté brutalement aux conditions pas un autre ?
de précarité chirurgicale que l’on rencontre en brousse, La raison est souvent à rechercher dans une faute
est de considérer que les conditions opératoires optimales ancienne et oubliée des ancêtres. C’est le rôle des sor-
ne sont pas réunies pour pratiquer sereinement, en toute ciers et des praticiens traditionnels de s’efforcer de trouver
sécurité, une anesthésie générale et a fortiori une inter- cette faute pour lever la malédiction, en intercédant auprès
vention chirurgicale complexe. C’est la réaction naturelle des esprits. Cela peut se faire au cours de cérémonies

Pour citer cet article : Antoine MP, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en anesthésie
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Figure 1. Intervention chirurgicale sous anesthésie générale au village.

diagnostiques. La musique rythmée au son des djembés et L’équipe chirurgicale, qui va opérer et traiter la partie
des koras, les chants syncopés des griots, les danses effec- visible de la maladie, n’est en fait que l’instrument de la
tuées le long d’une trajectoire circulaire tournant dans le volonté des esprits qui ont autorisé à corriger le stigmate
sens inverse des aiguilles d’une montre afin de remonter le de la malédiction ancestrale.
temps jusqu’aux origines, les transes extatiques des vieilles Cette nécessaire analyse, lors de la cérémonie diag-
femmes permettant de communiquer directement avec les nostique, participe tout autant à la guérison que l’acte
esprits, tout concours à découvrir la raison profonde du mal. chirurgical en lui-même. Elle n’est cependant ni comprise
Cette découverte aide, sinon à amener à une entière gué- ni acceptée — et donc rejetée — par les acteurs médicaux
rison, du moins à procurer un apaisement certain, pour le locaux formés à la médecine occidentale, qui n’y voient que
patient, considéré alors comme une victime, mais aussi pour superstitions. Les patients se sentent incompris et méprisés.
sa famille et le village tout entier. Ils se détournent des structures hospitalières et préfèrent
Le tradi-praticien, lien humain entre l’invisible et le s’adresser aux thérapeutes traditionnels plus accessibles
visible, entre le monde réel et l’au-delà, transmet la déci- et dont ils comprennent les méthodes thérapeutiques invi-
sion des esprits au chef du village et au patriarche de la sibles.
famille. Cette décision divine est ensuite commentée, expli- L’une des raisons qui nous ont conduit à travailler
quée puis entérinée sous l’arbre à palabres, par l’ensemble de concert avec les tradi-praticiens est plus pragma-
des personnalités influentes du village (Fig. 2). tique. L’apparence difforme et parfois monstrueuse de ces

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Figure 2. Séance diagnostique avec les tradipraticiens.

patients, les conduit naturellement à être exclu de la Le chirurgien et l’anesthésiste : des sorciers
société, à s’isoler et à rester cloîtré dans les concessions. comme les autres
La difformité physique, témoin du châtiment passé, rejaillit
sur la famille toute entière et rappelle à tout le village la Pour un œil naïf et non averti, comme peut l’être celui de
faute originelle. ces populations qui n’ont jamais été confrontées à la réa-
Sans l’appui des tradi-praticiens et des matrones, lité d’un bloc opératoire, que font les équipes chirurgicales
il nous serait difficile de repérer les patients pouvant de vraiment différent de ce que font de tous temps leurs
bénéficier d’une chirurgie réparatrice. La collaboration sorciers ?
avec les praticiens traditionnels apparaît indispensable Le chirurgien cache son visage avec un masque, revêt une
si l’on veut pouvoir accéder à ces populations et trai- tenue particulière et enfile des gants protecteurs pour se
ter globalement la partie visible et invisible de la protéger contre les mauvais génies, les microbes invisibles.
maladie. Tout comme les sorciers. . .
Ainsi, les équipes d’Interplast-France, en travaillant Le chirurgien dispose d’un certain nombre d’instruments
directement au village, au vu et au su de tous, ont pu étranges, qu’il utilise méthodiquement sur une table sacri-
s’intégrer parfaitement dans le tissu social et se faire accep- ficielle, avec une gestuelle précise, ésotérique.
ter par les villageois et les praticiens traditionnels. Tout comme les sorciers. . .

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L’anesthésiste possède la connaissance lui permettant, pour envisager une mission chirurgicale au village. Un
en utilisant des substances étranges, d’envoyer un humain simple puit suffit. L’eau n’a pas besoin d’être stérile. Il
dans le royaume des esprits pour aider le sorcier chirurgien suffit qu’elle soit limpide et potable. L’eau propre et le
à effectuer ses scarifications rituelles. Puis, par on ne sait savon permettent de doucher les patients, de laver les ins-
quel prodige, le sorcier anesthésiste est capable de faire truments, d’effectuer le lavage préopératoire des mains
revenir cet homme d’entre les morts sans aucun dommage de l’opérateur. La désinfection ultime s’effectue avec les
apparent. solutions hydro-alcooliques, apportées lors de la mission
Plus fort que les sorciers, et bien plus fort que le chi- (Fig. 3).
rurgien (!), dont le travail manuel symbolisé par le bistouri
prolongeant sa main, opérant sur le corps, n’est en rien
comparable avec le souffle transmit par l’anesthésiste à
L’électricité
l’esprit du malade à travers le ballon d’anesthésie. Le sor-
Si le dispensaire ou le village ne dispose pas d’une source
cier anesthésiste est d’ailleurs considéré par ses confrères
d’électricité suffisamment puissante pour alimenter les
tradi-praticiens comme le plus puissant et le plus redoutable
divers instruments (stérilisateur, bistouri électrique, aspi-
des sorciers.
rateur, électrocardioscope), un groupe électrogène doit
être apporté sur place pour la mission. L’énergie élec-
Les difficultés matérielles trique fournie par les panneaux solaires photo-voltaïques,
s’ils existent, est généralement insuffisante. Il faut aussi
Les raisons ethnologiques, que nous venons d’évoquer,
s’assurer de l’approvisionnement en combustible et en lubri-
aussi pertinentes qu’elles semblent être, n’en cachent pas
fiant, adaptés au type de moteur : essence ou diesel. Il
moins une réalité plus triviale, qui repose avant tout sur
faut disposer également d’une rallonge électrique suffi-
l’économie de survie de ces populations qui vivent dans une
samment longue pour pouvoir éloigner le groupe du lieu
précarité continuelle.
de l’intervention afin de minimiser la pollution du théâtre
En cas d’hospitalisation, l’éloignement des hôpitaux
opératoire par le bruit et les gaz d’échappement. Un régu-
oblige une partie de la famille à accompagner le patient
lateur de tension, à interposer entre le groupe et les
pour pouvoir assurer son alimentation et ses soins quo-
appareils électriques, est également utile pour éviter les
tidiens. Ceux-ci ne sont jamais pris en charge par les
dommages électroniques dus aux variations de tension élec-
structures hospitalières. Outre les frais occasionnés par le
trique (Fig. 4).
voyage, par l’achat des médicaments et de tout ce qui est
nécessaire à une intervention chirurgicale (fils de suture,
compresses, pansements, désinfectant, perfusions, drogues L’oxygène
anesthésiques, sonde d’intubation etc.), il existe un vrai
manque à gagner quand une partie de la famille arrête de De qualité médicale, l’oxygène peut être fourni par des
travailler pour accompagner le patient. Ces frais sont dif- obus de grande capacité (50 litres). Ils doivent être appor-
ficilement supportables par les familles démunies qui sont tés sur place lors de la mission. L’approvisionnement en
alors souvent obligées de vendre une chèvre, un zébu ou est souvent difficile. Les centres permettant de délivrer
un âne. Elles se privent en sus des ressources que leur les obus d’oxygène sont parfois éloignés de plusieurs cen-
aurait apportées l’exploitation de l’animal. Le recours à la taines de kilomètres du dispensaire. Le transport du ou
médecine traditionnelle est une alternative beaucoup moins des obus s’effectue avec les moyens locaux (taxi-brousse).
onéreuse : juste le sacrifice d’un poulet. Le transport des obus d’oxygène devrait idéalement se
Cependant, il ne faut pas sous-estimer la véritable faire en position verticale, à l’abri de la chaleur. Cela
méfiance des populations rurales vis à vis des structures est rarement le cas. L’obus est transporté le plus sou-
hospitalières. L’hôpital, loin d’être considéré comme le lieu vent en plein soleil, fixé horizontalement sur la galerie
où l’on guérit, est l’endroit où l’on meurt. Cette mauvaise d’un taxi-brousse ou déposé dans le coffre extérieur d’un
réputation est en grande partie liée au fait que l’hôpital pick-up. La délivrance et le transport s’effectuent sans
reste l’ultime extrémité et que les patients n’y recourent aucun contrôle ni aucune précaution. Il est donc néces-
qu’en dernier espoir quand toutes les chances de guérisons saire de s’assurer à l’arrivée que les obus sont correctement
ont déjà été épuisées. remplis. Il n’est pas rare, à la suite d’un choc ou d’une
mauvaise manipulation durant le transport, que l’obus
se soit partiellement voire totalement vidé. Les obus
Le minimum requis : de l’eau, de d’oxygène sont fournis nus. Il faut y visser un manodé-
l’électricité et un peu d’oxygène tenteur avec débitmètre incorporé et ne pas oublier de
se munir des joints toriques adaptés pour éviter les fuites
Trois éléments fondamentaux nous semblent nécessaires (Fig. 5).
pour pouvoir pratiquer des interventions chirurgicales en L’obus d’oxygène est en principe délivré avec une pres-
brousse : disposer d’un accès à l’eau, d’une source sion de 150 bars. On dispose donc d’une quantité d’oxygène
d’électricité et d’oxygène. maximale de 7,5 m3 permettant une autonomie de 12 à
24 heures avec un débit compris entre 5 et 10 litres
L’eau par minute. On peut facilement augmenter cette durée
d’utilisation en réduisant le débit d’oxygène délivré au
L’électricité et l’oxygène pouvant être produits sur place, patient : deux à trois litres par minute. La ventilation, effec-
l’accès à l’eau est, infinie, la seule condition indispensable tuée avec de l’air ambiant enrichi en oxygène, est alors soit

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Figure 3. L’accès à l’eau, préalable indispensable.

spontanée, soit assisté à l’aide d’un insufflateur manuel de Un maître-mot : l’autonomie


type Ambu.
Si l’on ne peut disposer d’un obus d’oxygène, l’oxygène L’expérience nous a appris qu’en brousse, il ne faut compter
peut être produit à partir de l’air ambiant à l’aide d’un que sur soi-même.
concentrateur d’oxygène, alimenté en 220 V. L’appareil, • au village, on ne dispose de rien. La solution est simple :
facilement transportable, pesant moins de 20 kg, permet de il faut tout apporter ;
délivrer un air enrichi en oxygène à 90 % avec cependant • en dispensaire, souvent une maternité, il n’y a pas grand
un débit maximal de cinq litres par minute. Cela suffit à chose. On n’y pratique pas la chirurgie. La solution est
enrichir l’air ambiant des gaz inspiratoires mais cela ne per- aussi simple : il faut tout apporter. Tout au plus, peut-
met pas d’effectuer une ventilation assistée en oxygène pur on y trouver une table d’accouchement qui fera office de
avec un débit important. Malgré tout, cet appareil, conçu table opératoire et peut-on y acheter quelques solutés
originellement pour l’oxygénation ambulatoire et non pour hydroélectrolytiques ;
l’anesthésie est idéal pour l’oxygénothérapie postopératoire • en hôpital de brousse équipé en principe d’un bloc opé-
(Fig. 6). ratoire, la solution reste toujours aussi simple : il faut

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Figure 4. Groupe électrogène.

Figure 5. Obus d’oxygène et mano-détendeur.

tout apporter. En effet, il ne faut pas compter sur On peut cependant se procurer et acheter auprès des
l’équipement local, soit qu’il est hors d’usage, soit qu’il pharmacies hospitalières les solutés hydroélectrolytiques
peut être utilisé par une équipe chirurgicale locale, le plus courants (sérums salés isotoniques, Ringer-Lactates, gluco-
souvent pour pratiquer une intervention de césarienne en sés), des flacons de Bétadine, quelques médicaments de
urgence par exemple. base : antalgiques, antibiotiques.
Tout le reste du matériel doit être apporté lors de chaque
Que ce soit dans les petites structures hospitalières, et mission. Il est illusoire de penser pouvoir le laisser sur place
a fortiori dans les dispensaires de brousse, on ne dispose pour l’utiliser lors d’une prochaine mission. Les conditions
jamais, ni de vide mural, ni de protoxyde d’azote, ni d’air de stockage ne sont pas optimales à la fois sur le plan de
à haute pression permettant de brancher un respirateur la conservation (température) que de la sécurité (vol). En
ou un moteur pneumatique. L’eau courante est rarissime, outre, l’expérience nous a appris que les aléas politiques
sujette à des pénuries fréquentes. En tout cas, elle n’est ne permettent pas de pouvoir se projeter très longtemps
jamais stérile. Les coupures électriques sont quotidiennes. dans le futur. Une logistique rigoureuse est nécessaire qui
L’approvisionnement en oxygène est très aléatoire et sou- doit tenir compte du poids et du volume transporté. Le
vent insuffisant. principe d’autonomie s’applique également à ce niveau. Il

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Figure 6. Concentrateur d’oxygène.

faut être le plus léger et le plus mobile possible pour ne • insufflateur manuel de type Ambu ;
pas trop dépendre des transports locaux. La chirurgie de • mandrins d’Eischmann adulte et pédiatrique ;
brousse est essentiellement une chirurgie nomade. L’équipe • fibroscope bronchique et/ou vidéo laryngoscope en cas
doit pouvoir se déplacer facilement pour aller à la rencontre d’intervention sur le Noma ;
des populations. L’ensemble du matériel et des consom- • médicaments et consommables d’anesthésie ;
mables sera idéalement protégé et transporté dans des • concentrateur d’oxygène.
malles étanches de type Pélicase (Fig. 7).
La matériel nécessaire peut se résumer à cette simple En l’absence de courant électrique :
liste. Cette liste n’est pas exhaustive. Elle devra être adap- • groupe électrogène de 1500W + carburant + huile ;
tée en fonction du type de chirurgie pratiquée. Un inventaire • régulateur de tension ;
plus détaillé des consommables est fourni en annexe. • rallonge électrique et prises-multiples.
Pour la chirurgie :
• boites d’instrumentation chirurgicale (hermétiques et
métalliques) ;
• stérilisateur électrique à chaleur sèche de type Poupinel ;
La pratique de l’anesthésie en situation
• bistouri électrique ; précaire
• système d’aspiration chirurgicale pouvant également ser-
vir pour l’anesthésie ; La consultation d’anesthésie
• système d’éclairage chirurgical frontal à LED ;
• garrots pneumatiques manuels pour adulte et pour La consultation d’anesthésie, faite en commun avec la
consultation de chirurgie, est réduite à sa plus simple
enfant ;
• consommables nécessaires au type de chirurgie prati- expression. La barrière de la langue, l’absence de carnet
de santé et de suivi médical rend illusoire la recherche des
quée ;
• flacons de Bétadine dermique et alcoolique ; antécédents et des allergies. Bien souvent, aucun examen
• solutions hydro-alcooliques. complémentaire n’est disponible. La consultation permet
seulement de s’assurer que l’état clinique général est
compatible avec l’intervention envisagée. Elle se contente
Pour l’anesthésie : de rechercher cliniquement une malformation cardiaque
• au minimum saturomètre ; méconnue, une pathologie respiratoire aiguë et des diffi-
• au mieux électro-cardioscope d’anesthésie avec tensio- cultés prévisibles d’intubation. Le poids et les constantes
mètre automatique et saturomètre ; du patient sont également renseignés. Le protocole anes-
• éventuellement moniteur de CO2 et de gaz halogénés ; thésique est choisi en concertation avec le chirurgien.
• saturomètre pour le réveil ; Les contre-indications anesthésiques restent rares.
• neurostimulateur ; Reporter une intervention chirurgicale sans raison impé-
• boîte d’intubation ; rative est une décision qui doit être mûrement réfléchie.
• manodétenteur avec débitmètre incorporé ; Les patients ont souvent fait d’énormes sacrifices et par-
• circuit de ventilation manuel avec valves et ballons couru à pied des dizaines de kilomètres pour venir consulter
d’anesthésie ; et se faire opérer. La mission chirurgicale sera souvent la
• cuve d’halothane ou d’isoflurane ; seule occasion de toute leur vie de pouvoir consulter un

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Figure 7. Transport du matériel : en taxico, en charrette, en pirogue.

chirurgien. L’avenir est trop incertain pour être sûr de pou- savoir ce qu’il lui adviendrait si une complication sérieuse,
voir opérer le patient récusé lors d’une prochaine mission. vitale survenait, la réponse fut simple et sans ambages. Ce
Bien que la chirurgie réparatrice ne soit ni vitale ni urgente, sont les esprits qui ont décidés de l’intervention. Si cela se
elle représente le seul moyen, pour tous ceux atteint passe mal, c’est que les esprits l’ont voulu ainsi. La respon-
d’une malformation visible (fentes labiales et labiopala- sabilité ne peut incomber aux médecins étrangers qui ont
tines, nomas, tumeurs apparentes . . .), d’être réintégrés fait des milliers de kilomètres pour venir ici opérer gratui-
dans la société et de ne plus être stigmatisés. tement, en abandonnant leur propre famille. S’ils sont ici,
Cependant, s’agissant d’une chirurgie réglée, non c’est par la seule volonté des esprits. Les médecins n’en sont
urgente, nous avons, tout de même, fixés une limite d’âge et que l’instrument.
de poids pour la pratique de l’anesthésie et de la chirurgie Sans vouloir se soustraire à notre responsabilité médi-
en situation précaire. Cette limite, arbitraire (plus de deux cale, cette vision fataliste permet de relativiser les
ans et plus de 10 kg) a été déterminée en tenant compte de conséquences médico-légales de nos actes dans ce contexte
notre propre expérience en anesthésie pédiatrique et des de grande précarité. L’attitude qui consisterait à ne rien
risques inhérents à cette chirurgie en l’absence d’une infra- faire sous prétexte que les conditions optimales ne sont pas
structure adéquate. En Afrique, le temps semble suspendu, réunies nous semble quelque peu hypocrite et bien éloigné
les choses arrivent quand elles doivent arriver. Il faut savoir de la réalité de terrain. Ici, le principe de précaution ne
respecter la marche du temps et attendre, le temps qu’il s’applique pas.
faut, l’heure de la chirurgie.

Le choix de la technique d’anesthésie


La responsabilité médicale
Le choix des techniques d’anesthésie utilisées dépendra
Mûrie au fil des siècles face à l’adversité des conditions avant tout du type de chirurgie réalisée mais également
de vie, s’appropriant les concepts sacrés de destinée et des contraintes locales et de l’expérience de l’anesthésiste
de fatalité, la sagesse africaine, où le monde des esprits et du chirurgien. En règle générale, lorsque la chirurgie s’y
communique en permanence avec celui des vivants, protège prête, il faut avant tout privilégier l’anesthésie locale ou
l’équipe médicale d’une certaine façon. À la question de locorégionale. Cependant, on doit garder à l’esprit que,

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compte-tenu des conditions précaires d’anesthésie et de en ce qui concerne les agents anesthésiques et les médica-
chirurgie, de l’absence de service d’hospitalisation et de ments antalgiques. Si on observe une perte d’efficacité, il
réanimation pouvant prendre en charge une éventuelle suffit simplement d’en augmenter les doses.
complication, il faut impérativement utiliser les procédures
anesthésiques et chirurgicales qui ensemble sont les moins
risquées. En effet, si souvent une anesthésie locale ou L’anesthésie locale
locorégionale présente en elle-même moins de risques anes-
thésiques qu’une anesthésie générale, parfois du simple fait L’anesthésie locale par lidocaïne est largement utilisée en
du confort chirurgical apporté et de la diminution du sai- chirurgie plastique. Sa limite évidente est la nécessité de
gnement peropératoire obtenu par une anesthésie profonde ne pas dépasser les doses maximales préconisées. Celles-
stabilisée, une anesthésie générale avec intubation peut ci sont moitié moindre que celles utilisées en anesthésie
être préférable à une anesthésie locorégionale ou à une locorégionale du fait de la vitesse d’absorption plus élevée
anesthésie locale associée à une neuroleptanalgésie. de la lidocaïne par voie sous-cutanée.
À la notion de diminution du risque anesthésique doit se Chez l’adulte, la posologie maximale pour une solution
substituer la notion plus générale de réduction du risque de lidocaïne non adrénalinée injectée par voie sous-cutanée
opératoire global. Si cela est vrai dans notre pratique quo- est de 200 mg, soit 2O ml d’un flacon de lidocaïne à 1 %. Si on
tidienne dans un environnement sécurisé, cela devient un utilise une solution adrénalinée, cette posologie maximale
impératif dans un environnement précaire. Un tel environ- peut monter jusqu’à 400 mg. Les posologies maximales auto-
nement ne tolère aucune approximation dans la réalisation risées chez l’enfant sont respectivement de 3 à 5 mg/kg et
de l’anesthésie et de la chirurgie. Contrairement à cer- de 7 à 10 mg/kg.
taines idées reçues, plus l’environnement chirurgical est Les solutions de lidocaïne adrénalinées, qui permettent
défaillant, plus la rigueur et la compétence professionnelles une réduction du saignement peropératoire et possèdent
sont nécessaires. Le danger le plus grand qui guette le pro- une plus longue durée d’action, doivent être conservées
fessionnel de santé est ce qu’on pourrait appeler l’inévitable au réfrigérateur à une température comprise entre 2◦ C
tropicalisation, terme détourné de sa signification origi- et 8 ◦ C. Elles peuvent cependant être utilisées sans condi-
nelle, qui consiste à s’habituer peu à peu aux conditions tions de conservation dans un délai n’excédant pas 5 jours.
précaires jusqu’à les trouver normales et ne plus apporter Quand les missions excèdent une semaine, il n’est pas pos-
dans sa pratique la rigueur et le professionnalisme néces- sible de conserver dans de bonnes conditions les formes
saires permettant de les contrecarrer. adrénalinées. Il faut alors utiliser des flacons de lido-
caïne non adrénalinée, qui eux peuvent être conservés à
température ambiante, et y ajouter extemporanément la
La péremption des médicaments
quantité d’adrénaline suffisante pour obtenir une dilution
Avant de poursuivre plus avant notre propos, nous voudrions de 1/200000 chez l’adulte et 1/400000 chez l’enfant.
rappeler quelques notions concernant la péremption des
médicaments. Ces quelques réflexions sont utiles à rappeler
L’anesthésie locorégionale plexique
pour éviter un gaspillage inutile, dans le cadre d’une uti-
lisation raisonnée des médicaments en chirurgie précaire, Largement utilisée quand la chirurgie s’y prête, sa mise en
caractérisée par une pénurie chronique. Elles seront de plus œuvre dépend de l’expérience de l’anesthésiste. Ne dis-
en plus d’actualité dans notre pratique quotidienne puisqu’il posant pas d’échographe, nous utilisons les techniques de
s’agira de préserver, pour le futur, les ressources de notre repérage par neurostimulation. Dans le cas du traitement
planète. des séquelles de brûlures du membre supérieur, la réponse
Hormis de rares molécules dont les produits de dégra- musculaire à la neurostimulation peut être prise en défaut et
dation peuvent devenir toxiques, comme par exemple les difficile à interpréter du fait des accolements tissulaires et
tétracyclines, la date de péremption des médicaments est des rétractions cutanées secondaires à la brûlure. La diffu-
déterminée quand le principe actif s’est dégradé de plus de sion de l’anesthésique local au voisinage des troncs nerveux
10 %. Pour la plupart des molécules actuellement commer- peut être altérée et compromettre le succès du bloc réa-
cialisées, la date limite d’utilisation est arbitrairement fixée lisé. Néanmoins, chaque fois que cela est possible, il faut
à 2 ans, même si le seuil des 10 % de dégradation n’est pas privilégier ce type d’anesthésie.
franchi. Elle peut être prolongée jusqu’à 5 ans au maximum
en fonction des résultats des études de dégradation [3].
À contrario, cela signifie qu’il reste encore 90 % de La rachianesthésie
principe actif à partir de la date limite de dégradation.
Cette baisse potentielle d’activité est bien inférieure aux C’est la technique de choix en situation précaire du simple
variations individuelles d’efficacité liées à la simple phar- fait de sa simplicité et de sa facilité de mise en œuvre. On
macocinétique. Pour modérer notre propos, la vitesse de utilisera de préférences les anesthésiques locaux à courte
dégradation peut être supérieure si les conditions optimales durée d’action. La ponction dure-mérienne est parfois dif-
de conservation préconisées par le fabricant n’ont pas été ficile avec l’utilisation d’aiguilles de diamètre inférieure à
respectées, notamment les conditions de température. 25G du fait de la lordose prononcée et de la fermeté des
En période de pénurie, se priver de médicaments qui ligaments inter-épineux chez les populations africaines. Il
restent efficaces à 90 % est une attitude qui peut paraître faut tenir compte du risque majoré d’hypotension artérielle
irresponsable. Autant il est délicat pour certains médica- par la déshydratation fréquente et de celui de rétention
ments de juger de leur efficacité, autant, cela semble facile urinaire.

Pour citer cet article : Antoine MP, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en anesthésie
réanimation (2018), https://doi.org/10.1016/j.pratan.2017.10.006
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La pratique de l’anesthésie en situation précaire 11

Figure 8. Rachianesthésie.

Nous avons pris l’habitude de respecter les croyances intramusculaire (7 à 10 mg/kg) ou intraveineuse (un à
locales en laissant en place, au cours de la ponction, les 3 mg/kg). Elle procure une anesthésie générale dite disso-
ceintures de fétiches censées protéger le patient (Fig. 8). ciative. Tout en réduisant la réponse ventilatoire à l’hypoxie
et à l’hypercapnie, elle permet toutefois de maintenir
L’anesthésie générale une ventilation spontanée et une certaine conservation des
réflexes pharyngo-laryngites de déglutition. Elle possède un
Il n’y a pas de protocole spécifique à la pratique de propre effet analgésique. Elle procure une bonne stabilité
l’anesthésie générale en situation précaire. Chaque anes- hémodynamique. Le réveil est lent et souvent agité. En
thésiste utilisera en mission les techniques dont il a la effet, la kétamine présente des effets psychodysleptiques à
maîtrise. La problématique n’est tant pas de savoir ce qu’il l’origine d’hallucinations auditives et sensorielles au réveil,
ne faut pas faire que de savoir ce qu’il est possible de faire, surtout chez l’adulte jeune. Celles-ci peuvent être dimi-
tant les conditions opératoires peuvent dérouter. nuées par l’injection de benzodiazépines ou de clonidine.
On préféra les drogues anesthésiques de courte durée Malgré ces inconvénients, la kétamine reste l’anesthésique
d’action compte tenu de l’absence d’une salle de sur- général de choix en situation précaire pour de nombreux
veillance post-interventionnelle. Le réveil s’effectue le plus anesthésistes, tant son maniement est aisé et sa sécurité
souvent sans monitorage de surveillance sur une simple est grande.
natte à proximité immédiate du « bloc opératoire ». Pour notre part, nous avons tendance à délaisser cet
L’impossibilité de conserver les médicaments au réfri- hypnotique car les conditions opératoires qu’il procure
gérateur limitait de facto l’utilisation des curares au (réveils intempestifs, augmentation du saignement) ne nous
vécuronium et au mivacurium qui seuls se conservent à tem- semblent pas optimales. Elles nuisent à la sécurité globale
pérature ambiante. Le vécuronium n’est plus commercialisé de l’acte chirurgical. Le réveil est souvent retardé. Il doit
depuis mars 2016. Le mivacurium, susceptible de provoquer s’effectuer dans une ambiance calme et silencieuse qu’il est
une curarisation prolongée de prés de 5 heures en cas de difficile d’obtenir au village. Nous préférons utiliser des pro-
déficit en pseudo-cholinestérases plasmatiques, n’est pas tocoles classiques d’anesthésie associant une benzodiazé-
recommandé en mission. La stabilité de la succinylcholine pine, un hypnotique intra-veineux, un morphinomimétique,
et l’atracrium à température ambiante est de 14 jours, celle associés à un curare si une intubation est jugée nécessaire.
du cisatracurium de 45 jours. La température ambiante est Si l’accès aux voies aériennes supérieures est aisé, la
définie comme une température comprise entre 15 ◦ C et chirurgie plastique ne nécessitant pas en elle-même de cura-
25 ◦ C. On ne connaît pas la durée de stabilité des curares risation, il est souhaitable de laisser ventiler spontanément
à des températures supérieures à 25 ◦ C. Il n’est pas inha- le patient en utilisant au besoin un masque facial ou laryngé.
bituel d’opérer en brousse à des températures avoisinant L’avantage de cette technique est de permettre une écono-
les 40 ◦ C. Il faut donc très certainement tenir compte de mie substantielle en oxygène en se contentant d’enrichir
la dégradation des curares thermolabiles avec le temps et l’air ambiant inspiré avec un faible débit d’oxygène. Un
adapter empiriquement leur posologie. monitorage de la saturation en oxygène et une surveillance
Il n’y a pas de précaution spécifique concernant de la capnographie permettent de détecter une fréquente
l’utilisation du propofol, du midazolam et des agents mor- hypoventilation. Il est possible d’administrer dans le circuit
phinomimétiques. manuel des vapeurs halogénées pour entretenir l’anesthésie
La kétamine peut être utilisée pour l’induction et (voir ci dessous le paragraphe consacré au circuit respira-
l’entretien anesthésiques, à la fois chez l’adulte et toire).
chez l’enfant. Les doses anesthésiques sont nettement Si l’accès peropératoire aux voies aériennes est impos-
supérieures aux doses habituellement utilisées en anal- sible ou si la chirurgie nécessite une intubation, une
gésie. À l’induction, la kétamine s’administre par voie induction anesthésique classique avec curarisation est

Pour citer cet article : Antoine MP, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en anesthésie
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réalisée. L’entretien est effectué par des ré-injections intra-


veineuses itératives d’anesthésiques ou par l’administration
de vapeurs halogénées. La ventilation assistée est assu-
rée manuellement jusqu’à la reprise d’une ventilation
spontanée satisfaisante ou maintenue tout au long de
l’intervention si la situation l’exige. Une surveillance atten-
tive de la capnographie et des concentrations inspiratoires
d’halogénés permet de détecter les ré-inhalations d’autant
plus fréquentes et importantes que le débit d’oxygène est
bas.

L’induction anesthésique chez l’enfant en


l’absence d’abord veineux
Si l’on dispose d’halothane à défaut de sévoflurane, le plus Figure 9. Monitorage.
simple est de réaliser une induction classique au masque
en prenant soin d’effectuer une prémédication atropinique.
Dans le cas contraire, il est possible de faire une induc- Il a lieu de prévoir au minimum, un saturomètre qui
tion par une injection intramusculaire de kétamine (7 à permet de contrôler l’oxygénation des patients, de mesu-
10 mg/kg). Le reste de la procédure anesthésique ne diffère rer la fréquence cardiaque et de détecter facilement une
pas de celles utilisées en anesthésie pédiatrique courante. éventuelle arythmie peropératoire. La pression artérielle
peut être surveillée régulièrement avec un simple brassard
manuel. Ce monitorage est suffisant en cas d’anesthésie
Les intubations difficiles
générale sous kétamine en ventilation spontanée.
Les pathologies rencontrées en chirurgie plastique et répa- En cas d’anesthésie générale avec intubation et cura-
ratrice sont pourvoyeuses de nombreux cas d’intubation risation, il nous semble préférable de d’effectuer une
difficile. Une statistique personnelle dans la prise en charge surveillance électrocardioscopique avec mesure de la satu-
des nomas à Sokoto au Nigeria a montré la nécessité d’une ration artérielle d’oxygène et si possible mesure de la
intubation nasotrachéale sous fibroscopie dans plus de 30 % capnographie, pour dépister une hypoventilation en venti-
des cas, du fait d’une ouverture de bouche limitée par la lation spontanée ou une ré-inhalation intempestive des gaz
constriction. Les tumeurs cervicales et les cas de brûlure expirés. La mesure de la pression artérielle peut être auto-
cervico-faciale avec rétraction importante du cou sont éga- matique ou manuelle.
lement sources d’intubation difficile. Si des agents halogénés sont utilisés, nous pensons qu’il
Il est donc important, lors de la préparation de la mis- est impératif de disposer d’un analyseur de gaz pour les rai-
sion, en fonction des pathologies prévues, de se munir de sons que nous allons détailler dans le paragraphe suivant
dispositifs d’intubation difficile : mandrins longs béquillés, (Fig. 9).
vidéo-laryngoscope, fibroscope bronchique.
Le circuit respiratoire
L’antibioprophylaxie Le circuit respiratoire se résume à un simple circuit manuel
de ventilation. Il est connecté directement sur le débit-
Elle est systématique, compte tenu de l’environnement
mètre du manodétenteur vissé sur l’obus d’oxygène ou sur
septique, et prolongée empiriquement en postopératoire
le débitmètre du concentrateur d’oxygène. Nous interca-
pendant 48 heures. Les antibiotiques utilisés sont ceux habi-
lons entre le débitmètre et le patient une ancienne cuve
tuellement recommandés pour la chirurgie plastique et la
d’halothane qui peut se brancher directement sur le cir-
chirurgie maxillo-faciale.
cuit sans nécessiter de détrompeur (Fig. 10). Ces cuves
ne sont plus commercialisées. Elles sont donc difficiles
La prise en charge de la douleur à trouver actuellement. Les anciennes cuves d’halothane
postopératoire ou d’isoflurane sont pourtant les seules, parmi les cuves
d’halogénés, à pouvoir être branchées directement sur un
Elle obéit aux règles habituelles. Administrés systéma- circuit manuel. L’halothane n’est plus commercialisé en
tiquement par voie intraveineuse en peropératoire, les Europe. Il est cependant encore fabriqué en Inde. Mais pour
antalgiques sont poursuivis en postopératoire par voie orale. combien de temps ? On peut encore se le procurer en Afrique
Les antalgiques utilisés sont ceux de palier 1 et 2. Ils sont auprès de certaines pharmacies hospitalières.
remis directement au patient ou à la mère s’il s’agit d’un Nous ne nous étendrons pas sur les inconvénients de
enfant car il n’est pas rare qu’ils soient subtilisés et reven- l’halothane qui l’ont fait abandonner dans notre pra-
dus. Il en est de même pour les antibiotiques. tique quotidienne au profit d’anesthésiques halogénés moins
toxiques. Il garde cependant deux avantages en Afrique :
Le monitorage son faible coût comme agent d’entretien et la possibilité
d’effectuer une induction anesthésique au masque chez
Il est essentiel. De lui dépend l’éventail des possibilités l’enfant quand on ne dispose pas d’une voie d’abord vei-
d’anesthésie générale. neux.

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La pratique de l’anesthésie en situation précaire 13

Figure 10. Circuit respiratoire manuel et cuve d’halothane.

Les cuves d’halogénés sont spécifiques d’un anesthé- L’administration de l’anesthésique volatil est réglée par le
sique halogéné donné. Il est, en principe, interdit, et bouton de l’évaporateur mais contrôlée par l’affichage de
actuellement impossible avec les cuves actuelles, de rem- la concentration réellement délivrée.
plir une cuve prévue pour un agent halogéné particulier Compte-tenu de toutes ces contraintes, il est naturel
avec un autre agent halogéné. Les cuves qui permettent de se demander pourquoi ne pas utiliser un respirateur
l’évaporation des liquides anesthésiques sont en effet cali- d’anesthésie équipé d’une rampe qui permettrait de pouvoir
brées en fonction des caractéristiques physiques des divers brancher les cuves d’halogéné actuelles ?
agents halogénés, différentes selon chaque molécule. Elles Nous allons répondre à cette question légitime par deux
délivrent une concentration précise et définie quel que soit raisons :
le débit de gaz frais. • la première est sans doute la plus pertinente. C’est tout
De nos jours, l’utilisation de vapeurs halogénées pour simplement parce que le respirateur d’anesthésie n’est
entretenir l’anesthésie en utilisant un circuit manuel se pas indispensable. La ventilation assistée peut aisément
heurte donc à deux écueils : se réaliser manuellement. On retrouve encore ici le prin-
• la disparition de l’halothane de notre arsenal thérapeu- cipe d’autonomie ;
tique qui impose d’utiliser un autre agent halogéné plus • la seconde est d’ordre technique. Il n’existe pas, à
récent et moins toxique ; notre connaissance, de respirateur d’anesthésie aisément
• l’absence de cuve prévue pour un agent halogéné autre transportable permettant l’administration d’agents halo-
que l’halothane pouvant être branchée directement sur génés. Pour fonctionner le respirateur nécessite un gaz
un circuit manuel. moteur, le plus souvent de l’air comprimé. On ne dis-
pose pas de centrale d’air comprimé en brousse. On
La solution consisterait à abandonner l’utilisation des peut éventuellement « bricoler » le respirateur pour pou-
agents anesthésiques halogénés pour pratiquer l’induction voir utiliser l’oxygène comme gaz propulseur. Il faudrait
et l’entretien de l’anesthésie. Nous avons, pour notre part, alors consommer un obus entier d’oxygène pour une seule
décidé de continuer à les utiliser et de passer outre les intervention d’une heure. Ce qui est totalement illusoire
recommandations concernant l’utilisation des évaporateurs compte tenu de la difficulté d’approvisionnement en oxy-
d’agents halogénés, en se servant de l’isoflurane, encore gène. Certes, il existe des respirateurs fonctionnant avec
disponible sur le marché, avec une cuve d’halothane. Il un moteur électrique. Mais ceux-ci sont trop encombrants
est tout à fait possible de remplir les anciens modèles de et trop lourds pour pouvoir être facilement transportés en
cuves d’halothane avec un flacon d’isoflurane car celui-ci ne brousse. Toujours le principe d’autonomie.
possède pas de bec verseur spécifique scellé sur le flacon,
contrairement aux flacons de sévoflurane. La seule solution raisonnable est de se passer de respira-
Les caractéristiques physiques de l’isoflurane sont voi- teur, ce que nous faisons depuis 20 ans.
sines de celles de l’halothane. L’erreur commise au niveau
de la valeur de la concentration délivrée par rapport à La surveillance post-interventionnelle
la valeur de la concentration demandée est inférieure à
10 %. Cela reste dans la fourchette des erreurs admis- La surveillance post-interventionnelle est la plupart du
sibles dues aux températures excessives de l’environnement temps, réalisée directement par le médecin anesthésiste
et de l’absence de recalibration des cuves d’halothane en charge du patient. Le plus souvent, on ne peut pas
depuis longtemps retirées des circuits. Pour éviter tout acci- compter sur le personnel local qui ne dispose ni des compé-
dent, dû à l’administration involontaire d’une concentration tences ni des moyens de surveillance et de traitement.
toxique, nous nous sommes équipés d’un analyseur d’agents Selon l’importance du programme opératoire, le réveil
halogénés intégré au monitorage électrocardioscopique. s’effectue dans un coin de la salle d’intervention. Cela

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Figure 11. Salle de réveil improvisée.

permet une surveillance visuelle et la possibilité de réa- Travailler dans le respect des croyances et
liser une oxygénothérapie voire une aspiration en cas de
des traditions locales
nécessité. Il est utile de disposer d’un saturomètre portable
(Fig. 11). Pour établir un programme opératoire, nous avons
l’habitude de classer les interventions en fonction d’un
certain nombre de critères qui dépendent des contraintes
La surveillance et les soins postopératoires anesthésiques ou chirurgicales, de facteurs liés aux patients
ou à l’environnement, de la disponibilité de tel matériel
Ils doivent se limiter à leur plus simple expression. Les ou de tel personnel. . . Certains critères nous paraissent évi-
techniques médicales et chirurgicales employées doivent dents, d’autres sont plus discutables. Pour ne citer que
permettre de limiter au maximum les soins postopéra- quelques uns :
toires : traitements postopératoires per os, limitation des • premier arrivé, premier servi ;
drainages, utilisation de surjets intra-dermiques résorbables • les enfants avant les adultes ;
enfouis pour la fermeture cutanée. Il est nécessaire de limi- • les urgences avant la chirurgie réglée ;
ter la réfection des pansements, source de contamination • les maladies graves avant les maladies bénignes ou
fréquente. Le premier pansement ne sera réalisé qu’au bout l’inverse ;
de quelques jours seulement et refait, si nécessaire en fin • les interventions lourdes avant la petite chirurgie ou
de mission. l’inverse ;
• les interventions propres avant la chirurgie septique. . ..

Tous ces critères, plus ou moins arbitraires, sont relatifs


au point de vue dans lequel on se place. Ils sont tous sujet
Les limites de la chirurgie en situation à discussion et chacun d’eux peut être remis en question.
précaire Cette hiérarchie des actes, telle que nous la concevons
dans notre pratique quotidienne, n’est pas bien comprise
Nous pensons avoir repoussé assez loin les limites de la pra- par la population africaine, pour qui la hiérarchie sociale
tique de la chirurgie en situation précaire, en allant jusqu’à semble prépondérante. Le vieillard est prioritaire par rap-
pratiquer, au village, en extérieur, sur un simple banc des port à l’enfant, le chef de village l’est par rapport au simple
interventions de chirurgie plastique sous anesthésie géné- villageois, l’ethnie dominante par rapport à l’ethnie domi-
rale avec intubation et ventilation assistée. née, l’homme par rapport à la femme. Cette hiérarchie, qui
Nous avons cependant posé un certain nombre de limites peut nous surprendre, peut aisément s’expliquer. L’individu
que nous pensons ne pas devoir dépasser. importe moins que le groupe. La société favorise tout ce qui
• les interventions non urgentes nécessitant une anesthésie peut être bénéfice au groupe au détriment de l’individu.
générale chez l’enfant de deux ans ou de moins de 10 kg ; Ainsi, il faut protéger le vieillard qui, devenu sage du seul
• les interventions potentiellement hémorragiques où fait de son âge, a acquis au cours des années l’expérience
l’hémostase chirurgicale est incertaine (gros neurofi- et la connaissance utiles à tout le village. Dans un pays
bromes, tumeurs osseuses maxillo-faciales, etc. . .) ; de tradition orale, il est un livre ouvert à tous. Ne dit-on
• les interventions de chirurgie carcinomateuse car le trai- pas souvent : « En Afrique, un vieillard qui meurt est une
tement complémentaire (radiothérapie, chimiothérapie) bibliothèque qui brûle ».
n’est pas envisageable ; Mais cette explication triviale cache une autre réalité,
• la chirurgie nécessitant une prise en charge postopéra- plus mystique. Dans un pays où la survie est un combat de
toire longue et importante ; chaque instant, où l’espérance de vie est réduite, la nor-
• la chirurgie fonctionnelle mineure qui n’handicape pas la malité est la mort d’un enfant. Ce qui est exceptionnel en
vie sociale du patient. revanche, c’est au contraire une longévité importante. Pour

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La pratique de l’anesthésie en situation précaire 15

avoir pu vivre aussi longtemps, le vieillard est nécessaire- Références


ment protégé par les esprits. Son grand âge lui permet de
communiquer avec les ancêtres. Il devient le lien qui unit [1] Knipper P, Antoine P, Carre C, Baudet J. Chirurgie plastique
les vivants au royaume des morts [4]. nomade : 1 ONG 10 ans 30 missions. Ann Chir Plast Esthet
Méconnaître cet aspect peut compromettre une mission 2015;60:184—91.
en rompant le lien de confiance qui s’établit, au fil du temps, [2] Knipper P, Zilliox R, Johnson C, Antoine P. Ulcère de Buruli
entre les populations indigènes et les équipes médicales et chirurgie plastique au dispensaire. Ann Chir Plast Esthet
2004;49:265—72.
étrangères.
[3] Nicolle I, Pangault C. Dates limites d’utilisation des médica-
Nous en avons fait l’amère expérience au cours d’une
ments. Bull CRIM 1998:80.
mission dans le nord du Bénin, où nous avons été inter- [4] Sewane D. Le souffle du mort Les Battamariba; 2007. p. 09
dit d’activité opératoire car nous avions opéré un enfant [Pocket Terre Humaine].
souffrant d’ostéomyélite avant un vieillard présentant un
simple lipome. La dimension symbolique du lipome, simple
tumeur bénigne à nos yeux, manifestation visible d’un Pour en savoir plus
sort maléfique aux yeux du village, nous avait totalement
échappé. Nous avions, sans le vouloir, enfreint l’ordre hié- Filmographie :
rarchique naturel de la société auprès de laquelle nous • Chirurgie humanitaire en Casamance, reportage de Charles Vil-
intervenions. lanova, magazine In Vivo, 2016 ;
• Knipper P. Chirurgie plastique en situation précaire (1). Maitrise
Orthop 2002;118:18—31 ;
En conclusion • Knipper P. Chirurgie plastique en situation précaire (2). Maitrise
Orthop 2003;122:7—–20 ;
Nous avons voulu démystifier la pratique de la chirurgie en • Knipper P. Peaux de chagrin: la chirurgie plastique au service de
situation précaire telle que nous la pratiquons depuis prés de l’humanité; 2007 [Éditions Michel LAFON] ;
20 ans dans les pays d’Afrique et à Madagascar. Elle repose • Bénin : dessine moi un visage, reportage de Meriem
sur une pratique médicale professionnelle rigoureuse et sur Lay, Jérôme Pavlosky et Luc Golfin, Arte reportage 2008,
une indispensable anticipation logistique dont le maître-mot http ://info.arte.tv/fr/dans-le-retro-darte-reportage, 2008 ;
est l’autonomie. Paraphrasant Emile de Girardin « Gou- • Abednego : l’enfant qui ne voulait plus de cacher, reportage de
verner, c’est prévoir », nous pouvons dire « Opérer, c’est Simon Rollin, 2007 ;
prévoir » tant les conditions d’exercice en situation précaire • Madagascar : chirurgie pour tous, reportage de Maha Kharrat,
sont éloignées de celles rencontrées dans notre pratique émission 7 à 8 TF1, 2006 ;
quotidienne. Mais nous devrions également dire « Opérer, • Bénin : à bas bruit, documentaire de Thomas Sotto et Jean-
c’est comprendre » car, en Afrique bien plus qu’ailleurs, Philippe Pons-Malartre, 2004.
tout acte chirurgical doit s’inscrire nécessairement dans un
Liens web :
contexte plus large incluant la dimension symbolique et mys- • http://www.interplast.france.net;
tique de l’acte thérapeutique. • Facebook : Interplast France chirurgie plastique.

Déclaration de liens d’intérêts


Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Pour citer cet article : Antoine MP, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en anesthésie
réanimation (2018), https://doi.org/10.1016/j.pratan.2017.10.006

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