Vous êtes sur la page 1sur 8

FOIE ET MEDICAMENTS

Dr REHAMNIA

I. Introduction :
Les lésions hépatiques au cours d’une intoxication médicamenteuse sont très variées, peuvent
toucher toutes les cellules hépatiques (figure I).
L’hépatite aiguë est la principale manifestation de cette intoxication et représente 90% .
La gravité est très variable , mais il faut savoir que médicaments sont la première cause
d’hépatite fulminante , cette atteinte est souvent réversible mais avec un risque d’évolution
vers la fibrose.
les enjeux sont multiples :
- diagnostique : interrompre rapidement l’exposition à l’agent responsable de l’atteinte
hépatique
- thérapeutique : instaurer un traitement substitutif

Figure I : Différents types d’hépatotoxicité médicamenteuse selon les cellules atteintes

II. L’intérêt de la question : il faut savoir que :


- l’intoxication hépatique médicamenteuse implique plus de 1300 médicaments

- c’est la première cause d’insuffisance hépatique et la première cause de mortalité

médicamenteuse.

- elle représente aussi la première cause d’arrêt des essais thérapeutiques et aussi la première

cause de retrait des médicaments.


III. Epidémiologie :
L’incidence précise de l’hépatotoxicité des médicaments est difficile à déterminer.
Les hépatopathies médicamenteuses représentent 1,2 % à 6,6 % des cas d’hépatites aiguës ; le
tableau si dessous montre que les médicaments (notamment le paracétamol) représentent la
première étiologie des hépatites aigues graves aux USA et en France (tableau I )
L’incidence : 2,4/100 000 au Royaume Uni et 2,3/100 000 en Suède , 14/100 000 en France.
La prévalence de l’hépatotoxicité des médicaments est très variable d’une molécule à l’autre.
Le registre américain LiverTox est accessible en ligne.

Tableau I : principales étiologies des hépatites aigue grave

IV. Métabolisme hépatique des médicaments :


Foie est un organe qui est impliqué dans la quasi-totalité du métabolisme des médicaments
grâce :
- flux sanguin très important
- nombreuses enzymes (cytochrome P450) (CYP450)
Métabolisme : Transformation par une réaction enzymatique d’un médicament en un ou
plusieurs autres composés actifs ou inactifs

Deux types de réaction de métabolisme: (figure II) .


- phase I : Oxydation (CYP), réduction, hydrolyse
- Phase II : Glucuro, sulfoconjugaison (composés hydrosolubles éliminés dans la bile ou
l’urine)
Figure II : métabolisme des médicaments

V. Mécanismes de la toxicité médicamenteuse : figure III


Deux mécanismes : génération de métabolites réactifs (cytochromes P450) et les
dysfonctionnements mitochondriaux.
La génération de métabolites réactifs en grande quantité est susceptible d’induire un stress
oxydant majeur entraînant la mort des hépatocytes par apoptose, ou par nécrose.
L’inhibition d’enzymes impliquées directement, ou indirectement, dans l’oxydation
mitochondriale des acides gras est susceptible d’entraîner une accumulation de triglycérides
(stéatose).
Les hépatites idiosyncrasiques sont imprévisibles.
facteurs peuvent favoriser une hépatotoxicité médicamenteuse : structure du médicament, la
dose administrée , interaction entre médicaments, facteurs métaboliques (obésité,
dénutrition, alcoolisme …) ou génétiques.
Figure III : Conséquences physiopathologiques de la génération d’un métabolite réactif au niveau des
hépatocytes.

Mécanismes de la toxicité médicamenteuse : (figure IV)

01.Toxicité directe : est Liée au médicament lui-même par ses métabolites réactifs.
dose-dépendante
Pas de manifestations extra-hépatiques
Le risque d’hépatotoxicité est augmenté par l’induction enzymatique.

La réadministration de ce médicament entraîne une récidive de

l’hépatite dans les mêmes délais.

02. toxicité par effet immuno-allergique :

- la réaction immunaire est responsable d’une destruction hépatocytaire.

- Elle n’est pas dose-dépendante.

- Elle est associée à des manifestations extrahépatiques de type allergique : fièvre, éruption
cutanée, leuco-neutropénie ou atteinte rénale.

- Toxicité n’est pas modifiée par l’induction enzymatique


- La réadministration entraine une récidive plus rapide et plus sévère .
figure IV. Mécanismes de la toxicité médicamenteuse

VI. Formes anatomo-cliniques :


1. Seuils pour définir une hépatite aiguë médicamenteuse (un critères sur trois)
- augmentation des alanine aminotransférases (ALAT) ≥ 5 * (LSN)
- ou augmentation des phosphatases alcalines (PAL) ≥ 2 * LSN
- ou augmentation ALAT ≥ à 3 LSN + élévation simultanée de la bilirubine totale ≥ à 2
LSN.
- L’élévation isolée des gamma-glutamyl-transférases n’est pas suffisante pour qualifier une
atteinte hépatique médicamenteuse.
2. Types cliniques d’atteinte aiguë médicamenteuse : est en fonction du rapport suivant :
(R = ALAT/PAL)
• hépatite cytolytique : R supérieur ou égal à 5
• hépatite cholestatique : R inférieur ou égal à 2
• hépatite mixte : R entre 2 et 5

3. formes cliniques :
3.1 : hépatite aigue
Cholestatique: Échographie AP est indispensable
- la biopsie hépatique n’est pas nécessaire au diagnostic, elle montre des dépôts de
pigments biliaires hépatiques, pas ou peu de nécrose hépatique, infiltrat inflammatoire
mononuclées et de polynucléaires au niveau des espaces portes.

- Évolution variable, avec une amélioration très lente

- les médicaments responsables sont : estrogènes et stéroides, macrolides,


antidépresseurs tricycliques.

Cytolytique : Souvent asymptomatique

Le tableau clinique des formes symptomatiques est similaire aux hépatites virales

La biopsie hépatique n’est pas utile au diagnostic, monte une nécrose centro-lobulaire
+ infiltrat inflammatoire portal à éosinophiles.

Dans les Formes grave ++++: il faut surveiller le TP (risque hépatite fulminante)

Evolution variable.

Les médicaments responsables: paracétamol , izoniazide , AINS, phénobarbital.

Mixte: B. lactamines , AINS, anti-epileptiques

3.2 : hépatite chronique

- deux situations:

- Hépatite aigue, origine médicamenteuse méconnue, et le traitement est poursuivi.

- hépatite aigue méconnue évoluant vers la chronicité.

- Clinique: Souvent asymptomatique , parfois : ictère, HPM, HTP, IHC.

- la biopsie hépatique montre une nécrose parcellaire, Infiltrat Inflammatoire, fibrose


d’étendue variable.
- l’évolution : régression possible, mais évolution possible vers la fibrose.

- médicaments responsables : paracétamol, méthotrexate , vit A, amiodarone

3.3 : Autres formes cliniques:

- Stéato-hépatite: peudo-alcoolique , la biopsie hépatique : stéatose, corps de Mallory,


Infiltrat inflammatoire, fibrose. Les médicaments responsables : diltiazem, nifedipine,
Inhibiteurs cal
- Granulomatose hépatique: asymptomatique ou syndrome cholestase, le diagnostic est
évoqué par une biopsie hépatique , granulomes hépatique.

Les médicaments : penicelline , augmentin, sulfamides, carbamazépine, hallopurinol.

L’évolution: régression des lésions

- Lésions vasculaires: Thrombose portale, maladie veino-occlusive , les médicaments :


oestrogène, stéroides corticoïdes , méthotrexate.

VII. Critères diagnostiques


1. Critères chronologiques
- Challenge : intervalle entre le début du traitement et le début de l’hépatite : 1 semaine
à 3 mois
- Déchallenge : régression des anomalies hépatiques après interruption du traitement
- Rechallenge : rechute des anomalies hépatiques après réadministration accidentelle du
médicament responsable.
-
2. Diagnostics différentiels
- Antécédents de maladies hépatiques ou biliaires
- Alcoolisme aigu ou chronique
- Hépatite virale (A, B, C, D,E), CMV , EBV , HSV
- Obstruction biliaire (intérêt d’une échographie )
- Hépatite ou cholangite auto-immune
- Ischémie ou congestion hépatique
- Maladie de Wilson

3. Critères cliniques positifs


- Âge supérieur à 50 ans
- Ingestion de nombreux médicaments
- Ingestion d’un agent hépatotoxique connu
- Autoanticorps spécifiques ou gènes identifiés
- Dosage de médicament dans le sang : paracétamol, vitamine A
- Biopsie hépatique : dépôt de médicament (vitamine A), stéatose microvésiculaire,
infiltration éosinophile, nécrose centrolobulaire.
VII. traitement :
- Arrêter le médicament incriminé dans l’Hépatotoxicité
- Discuter une transplantation hépatique en cas d’hépatite fulminante

VIII. Conclusion , recommandations

- S’il faut choisir entre deux médicaments, choisir le moins hépatotoxique

- Éviter l’association des médicaments majorant le risque d’hépatotoxicité

- il faut être très vigilent en cas de prescription des médicaments si : sujet âgé, polymédiqué,
prise d’alcool concomitante, hépatopathie sous-jacente, antécédents d’hépatite
médicamenteuse.

- Ne jamais réintroduire un médicament si hépato-tox suspectée.

Vous aimerez peut-être aussi