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Préparer l’examen

Psycholinguistique
cognitive
Lecture, compréhension
et production de texte

Brigitte Marin
et Denis Legros

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© Groupe De Boeck s.a., 2008 1re édition


Éditions De Boeck Université
Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles

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Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notam-
ment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le
stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous
quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal :
Bibliothèque Nationale, Paris : février 2008 ISSN 1782-8538
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2008/0074/049
ISBN 978-2-8041-5666-4

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Présentation

L’expression orale et écrite de nos pensées est articulée à travers le langage. La


psycholinguistique étudie les comportements humains en relation avec cet
objet « langage ». Ces comportements définissent différents domaines d’étude :
l’acquisition et le développement des activités langagières orales et écrites, la
lecture, la compréhension, la production de textes, ainsi que les pathologies ou
les dysfonctionnements d’acquisition, de perception et de production.
Le système cognitif plus vaste auquel appartient le langage traite tout un
ensemble d’activités mentales et permet de mettre en œuvre et de gérer des
processus mentaux tels que la perception, la hiérarchisation des informations,
l’inférence, la mémorisation, la catégorisation, ainsi que l’ensemble des con-
naissances sur lesquelles ces processus opèrent. Ces processus, qui permettent
de construire les aptitudes cognitives, sont marqués et influencés par le lan-
gage et par les usages de la langue. De même, le langage et la langue sont à la
base de ces activités. Ces processus sont les constituants des différentes com-
pétences langagières qui ne peuvent donc se comprendre et se travailler effica-
cement qu’en référence à ces processus.
La psycholinguistique a longtemps été conçue comme une branche de la
psychologie cognitive. Aujourd’hui la psycholinguistique cognitive étudie les
comportements humains en relation avec l’objet « langage ».
La psycholinguistique cognitive consiste à étudier scientifiquement les
processus cognitifs mis en jeu au cours de l’acquisition, de la perception, de la
compréhension et de la production du langage écrit et parlé. Elle vise à com-
prendre et à analyser, à partir de l’évaluation des activités langagières et grâce
à des mesures de laboratoire et à des simulations informatiques, le rôle de la
mémoire, l’organisation du système de connaissances et les processus sur les-
quels ils opèrent et qui définissent les manifestations observées.
6 Introduction à la psycholinguistique cognitive de la lecture

Le but de la psycholinguistique cognitive est de construire des modèles


qui permettent de rendre compte du fonctionnement du système langagier en
lien avec le contexte cognitif, social et culturel de l’individu. Il est alors possible
à partir de ces modèles d’élaborer des conceptions didactiques, de concevoir et
de valider des aides et des systèmes d’aide à l’apprentissage plus efficaces dans
la mesure où ils se fondent sur le fonctionnement cognitif des apprenants et
prennent en compte les contextes sociaux, culturels, linguistiques dans les-
quels ces apprenants évoluent.
Ces contextes et les systèmes de variabilité qui les définissent sont en
effet déterminants dans les activités d’apprentissage des individus. La plupart
des travaux conduits dans ce champ de recherche ont été consacrés essentiel-
lement aux invariants cognitifs mis en jeu dans le traitement du texte et, en
particulier, au rôle des connaissances communes, ou connaissances conven-
tionnelles, même si les connaissances spécifiques des individus ou les connais-
sances contextuelles étaient parfois prises en compte. Dans la plupart des
modèles de traitement du texte, même si l’influence du contexte apparaît
comme fondamentale sur les structures et le traitement, celui-ci est réduit le
plus souvent à quelques variables indépendantes comme l’âge, le but de lecture
ou le niveau de connaissances antérieures. Or le contexte linguistique et cultu-
rel de l’apprenant est une partie intégrante des patterns de conduites des indi-
vidus construits à l’aide des outils culturels et institutionnels de construction
de l’action et de la pensée.
Les recherches sur la lecture, la compréhension et la production de tex-
tes sont nécessaires si l’on veut développer chez les élèves des stratégies effica-
ces et concevoir des aides et des systèmes d’aide à la compréhension et à
l’apprentissage adaptés aux modalités de traitement des élèves, variables selon
leur origine culturelle. Ces recherches s’imposent d’autant plus que le dévelop-
pement des technologies de l’information et de la communication oblige, si l’on
veut faciliter les échanges écrits et adaptés aux lecteurs, à prendre en compte
la culture du récepteur et son contexte. En effet, ces nouvelles technologies
influencent la façon de recevoir et de traiter les informations, mais aussi la
façon de modéliser le traitement et l’apprentissage.
Les travaux qui s’inscrivent dans ce champ et conduits de façon interdis-
ciplinaire permettent alors de concevoir une didactique cognitive de la lecture,
Présentation 7

de la compréhension et de la production de textes et de proposer des activités


d’apprentissage plus aptes à répondre aux besoins réels des individus.
Nous abordons dans cet ouvrage les domaines de la lecture, de la com-
préhension et de la production de texte du point de vue de la psycholinguisti-
que cognitive. Pour chacun de ces grands domaines, nous proposons une
analyse des principaux modèles et une synthèse des travaux réalisés sur les dif-
ficultés de traitement et qui génèrent des difficultés d’apprentissage.
Cet ouvrage s’adresse aux étudiants de premier cycle de psychologie et
aux élèves professeurs stagiaires des IUFM. Il présente les connaissances de
base et les principaux modèles nécessaires à la compréhension du fonctionne-
ment cognitif de l’apprenti lecteur et producteur de textes. Il vise à proposer
l’accès à un fonds de connaissances actualisé et commun et favorable au déve-
loppement des connaissances sur l’apprentissage et la formation.
Nous souhaitons ainsi favoriser la circulation du savoir et renforcer les
nécessaires synergies entre les futurs psychologues et les futurs professeurs
chargés de développer les compétences en lecture, en compréhension et en
production de texte à l’ère du plurilinguisme.
1
La psycholinguistique cognitive
CHAPITRE

du traitement de texte
Un domaine de recherche au carrefour des sciences
du langage et des sciences de la cognition

SOMMAIRE
1. Cognition, langage et représentation
2. Les invariants cognitifs et le traitement du texte
3. Psycholinguistique cognitive du traitement de texte
4. Du texte narratif au texte explicatif : de la théorie des
schémas à la théorie des modèles
5. Convergences et interdisciplinarité : vers une
didactique cognitive du traitement du texte
10 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

La psycholinguistique, domaine relativement récent, se donne pour


objectif de mettre à jour les processus impliqués dans les activités langagières
et en particulier dans l’acquisition du langage, la lecture, la compréhension et la
production de texte. Les recherches conduites dans ce domaine ont pris un
essor considérable grâce aux apports de la révolution cognitive des années
1970. C’est à partir de ce moment que sont apparus des modèles intégrés des
représentations des connaissances et des processus cognitifs mis en jeu dans
ces activités. Cette évolution est à l’origine du développement de la psycholin-
guistique textuelle et de la psychologie cognitive du traitement du texte. C’est
pourquoi nous préférons parler de « psycholinguistique cognitive du traitement
du texte ».
Cette évolution du champ de recherche s’est accélérée avec le dévelop-
pement des travaux en neuropsychologie cognitive utilisant des données neu-
rologiques et les modélisations informatiques simulant le fonctionnement
cognitif de l’individu. Ces travaux ont non seulement permis de faire avancer
les connaissances, mais également modifié en profondeur notre façon de con-
cevoir le traitement du langage par l’individu (Labelle, 2001). Ils ont en particu-
lier modifié notre façon de comprendre le traitement du texte. La présentation
de quelques travaux sur la compréhension du texte narratif et du texte explica-
tif permet de comprendre l’importance de cette évolution pour la recherche et
la didactique (cognitive) du texte.

1. COGNITION, LANGAGE ET REPRÉSENTATION


Les activités cognitives, impliquées dans les tâches de lecture, de compréhen-
sion et de production de textes mettent en jeu les représentations des connais-
sances et des croyances de l’individu. Ces représentations servent en effet de
base de données et de référence aux activités langagières. Elles sont construi-
tes par l’individu à l’aide d’invariants cognitifs, c’est-à-dire d’outils conceptuels
d’analyse du monde, élaborés par le système perceptif de l’individu et conçus
comme des schèmes organisateurs des informations.
Cependant, ces connaissances, pour être reconnues et communicables,
doivent être fiables, c’est-à-dire sémantiquement stables et invariantes (Bau-
det, 1991). Leur analyse nécessite donc de recourir à ces outils conceptuels qui
Cognition, langage et représentation 11

permettent de rendre compte de cette invariance. Il est en effet indispensable


de concevoir et de décrire ces connaissances dans un format qui les rende com-
préhensibles, transmissibles et directement manipulables, en particulier par
des systèmes informatiques et des systèmes d’aide à l’apprentissage. Certes, la
tâche n’est pas aisée. La notion de connaissance, comme constituant d’une
théorie d’un domaine du monde est nécessairement ambiguë dans la mesure où
elle désigne à la fois le champ théorique sur ce domaine du monde ou le corps
de doctrines que la science a élaboré sous la forme d’un discours
« propositionnel » et le savoir intériorisé, non conscient, donc implicite et par-
fois non explicitable de l’expert. De plus, les connaissances peuvent être
médiées par des interprétations contextuelles et/ou personnelles (Paillart,
2005).
Et dans ce cas, ce ne sont pas uniquement les connaissances sur le
monde qui interviennent lors de l’activité de compréhension ou de production
de texte (Deschênes, 1988), ce sont aussi les systèmes de croyances des indivi-
dus, c’est-à-dire la façon dont ils se représentent le monde. La signification
qu’un individu établit entre une connaissance, c’est-à-dire une représentation
qu’il pense être vraie et une croyance, c’est-à-dire une représentation qu’il ne
peut estimer quant à sa valeur de vérité affecte les activités d’apprentissage et
le traitement cognitif des textes (Legros & Baudet, 1996).
Il est pourtant nécessaire d’étudier ces représentations et leur élabora-
tion puisqu’elles déterminent le traitement des informations langagières et du
texte. L’analyse de ces représentations est aujourd’hui possible en raison de la
convergence des différentes disciplines impliquées dans l’étude des objets tex-
tuels et des réorientations théoriques provoquées par les développements des
travaux récents sur le texte.
Ces représentations fournissent des observables analysés par la linguisti-
que notamment, et constituent une voie d’approche indispensable à l’étude des
activités langagières impliquées dans le traitement des textes (François & Den-
hière, 1997). Les psychologues et les linguistes interrogent la langue et les tex-
tes pour y découvrir des traces des structures et des opérations cognitives
mises en œuvre dans les activités de traitement du texte. Par l’analyse de ces
traces matérielles, ils contribuent ainsi à la modélisation du fonctionnement
cognitif de l’individu impliqué dans les activités langagières. Ce travail a permis
12 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

de faire avancer la réflexion sur les rapports entre cognition, énonciation et


référence. Le traitement des problèmes de la référence, par exemple, a permis
à tout un secteur de la linguistique de réintroduire l’individu humain dans ses
modèles.
Ainsi, la description des invariants langagiers permet de découvrir dans
le langage et les langues des organisations d’indices, traces des invariants des
structures cognitives (François & Denhière, 1997).

2. LES INVARIANTS COGNITIFS ET LE TRAITEMENT


DU TEXTE
Les connaissances sont conçues comme des structures permanentes en
mémoire ou « représentations types » (Le Ny, 1989).
Les connaissances activées lors des activités langagières ou
« représentations occurrentes », transitoires par nature, décrivent l’état des
informations tout au long de la séquence de transformations impliquées par
une tâche. La distinction entre microstructure et macrostructure a permis de
rendre compte, lors de la compréhension et de la production, de la construc-
tion des unités de signification, de leur assemblage en une unité globale, et
aussi de la cohérence locale et globale des représentations sémantiques occur-
rentes. Pour modéliser les représentations que l’individu se construit sur le
monde, Denhière et Baudet (1992) ont proposé une description des invariants
cognitifs conçus comme des schèmes organisateurs des représentations
sémantiques. Cette description vise à caractériser les composants qui organi-
sent en unités d’une structure globale la représentation cognitive : représenta-
tions d’états, d’événements et d’actions.

2.1 La microstructure de la représentation


La représentation de l’état d’un objet du monde ou d’un concept est constituée
par les caractéristiques que l’on peut attribuer à cet objet ou à ce concept. Les
caractéristiques ou attributs des états peuvent être fonctionnels (à quoi sert
l’objet ?) et/ou structuraux (comment est l’objet ?). La notion d’état comporte
Les invariants cognitifs et le traitement du texte 13

une composante de localisation temporelle qui permet de la différencier de


celle de propriété (Denhière & Baudet, 1992).
Percevoir une propriété, c’est percevoir la constance dans le temps d’un
ensemble de caractéristiques des objets et de leurs relations. Percevoir un état,
c’est percevoir des attributs transitoires. Cette différenciation est très utile
pour rendre compte par exemple, de la représentation d’un objet naturel du
monde ou d’un artefact, c’est-à-dire d’un objet fabriqué, d’un objet technique et
de son fonctionnement. Si je dis : « j’ai mangé une pomme verte », la couleur
verte est une caractéristique de la pomme, mais je ne sais s’il s’agit d’un état ou
d’une propriété de la pomme. Si je dis : « j’ai mangé une pomme verte, j’ai mal
au ventre ». Je veux signifier que j’ai mangé une pomme trop verte. La couleur
dans ce cas désigne un état de la pomme. Mais si je dis : « j’ai mangé une
pomme verte, car j’aime le goût acidulé de la Granny », la couleur désigne dans
ce cas une propriété de la pomme. De même, la phrase : « le moteur tourne au
ralenti » peut désigner un état dynamique du moteur, moteur mal réglé, ou
bien, elle peut désigner une propriété du moteur, la qualité du moteur étant
d’avoir un bon ralenti. La notion d’état contraint la signification de l’événement
et de l’action.
L’événement est conçu comme quelque chose qui se produit, comme un
changement ou une modification d’un état du monde indépendamment d’un
agent. L’événement, généralement considéré comme une primitive du système
cognitif, renvoie à un invariant du système perceptif. Il est différent de l’action.
En effet, contrairement à l’événement, l’action est finalisée et implique donc
l’intervention d’un agent animé qui contrôle le changement introduit. Les rela-
tions de causalité entre les actions sont intentionnelles contrairement à celles
qui relient les événements et qui renvoient à la causalité du monde physique.
La compréhension des relations de causalité intentionnelle permet de com-
prendre le comportement des êtres humains, alors que la compréhension des
relations de causalité du monde physique permet de comprendre les phénomè-
nes physiques et le monde dans lequel on vit.
La structuration cohérente des composants de la microstructure aboutit
à une organisation macrostructurale de la représentation d’un « objet » du
monde ou d’un micromonde possible.
14 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

2.2 La macrostructure de la représentation


De nombreuses conceptions des représentations des connaissances en
mémoire ont été proposées (voir Rossi, 2005). Les schémas, représentations
types de configurations de concepts et de relations entre ces concepts, ont été
conçus comme des modèles du monde extérieur. Ils représentent en quelque
sorte une abstraction de notre connaissance de situations particulières appar-
tenant à une classe déterminée de situations Ils constituent des structures de
connaissances stockées en mémoire et fournissent une base de données qui
permet de compléter les informations manquantes du monde extérieur lorsqu’il
s’agit de comprendre une situation. Les schémas, objets cognitifs préconstruits,
ont été à la base des premiers travaux sur le traitement du texte consacrés aux
récits (Denhière, 1984).
Les « modèles mentaux » (Johnson-Laird, 1983) ou « modèles de
situation » (Van Dijk & Kintsch, 1983 ; Blanc & Brouillet, 2003) permettent de
conceptualiser les représentations que les apprenants se sont construites tout
au long de leurs expériences et leurs apprentissages. Ils sont activés lors de la
lecture ou de la production de textes. Ces conceptualisations de l’organisation
des connaissances répondent au besoin de fournir un univers référentiel à
l’interprétation sémantique plus précis que les schémas (Tiberghien, 1991 ;
1997). En effet, la référence d’une expression langagière n’est pas le monde
réel, ni une représentation abstraite de ce monde, mais une représentation
mentale du monde : un modèle du monde « expériencé » par l’individu (Den-
hière & Baudet, 1992).
Cette conception des modèles a permis de renouveler les recherches sur
le traitement de l’information textuelle.
Cependant, ces conceptualisations ne permettent pas d’analyser avec
précision, d’une part, le domaine auquel fait référence le modèle, et d’autre
part, la représentation de ce domaine par l’individu. C’est pourquoi, Denhière
et Baudet (1992) ont développé, dans le cadre de la conceptualisation des
modèles mentaux, une analyse en systèmes des domaines du monde ou micro-
mondes et des représentations de ces domaines. Des descriptions précises des
domaines et de la représentation que s’en font les individus sont en effet néces-
saires lorsqu’on veut étudier la compréhension et la production des textes
Les invariants cognitifs et le traitement du texte 15

décrivant ces domaines ou l’acquisition de connaissances sur ces domaines.


Cette analyse en systèmes permet de décrire à la fois la microstructure, c’est-à-
dire les états, les événements, les actions et leurs relations et la macrostructure
de la représentation.

2.3 La microstructure et la macrostructure de la signification


du texte : analyse en systèmes
Au niveau global, la formalisation en systèmes permet de définir et d’analyser
les schèmes structurants de cette organisation locale en une structure hiérar-
chique de systèmes/sous-systèmes variable selon le type de système considéré :
(i) organisation en arbre de but/sous-buts pour les systèmes fonctionnels décri-
vant les objets techniques complexes et leur fonctionnement, (ii) organisation
en arbre de macro-intentions/intentions préalables pour les systèmes intention-
nels décrivant les procédures d’actions ou les comportements de sujets doués
d’intentionnalité. Par exemple, la représentation de la vérification des bougies
d’allumage d’une voiture se décompose en systèmes démontage, contrôle et
remontage. Le système démontage se décompose en sous-systèmes débranche-
ment du câble du delco, dévissage et extraction. Le niveau de décomposition
des systèmes en sous-systèmes varie en fonction des besoins et du niveau
d’analyse adopté par le descripteur.
Les représentations des connaissances/croyances constituent donc des
objets à la fois langagiers et cognitifs. Les relations entre représentations langa-
gières et représentations mentales deviennent l’objet central des conceptuali-
sations développées à la fois par la psychologie et la linguistique cognitive.
Ainsi, par exemple, une nouvelle approche des représentations discursives et
de la référence temporelle permet de considérer le texte comme un ensemble
d’instructions permettant la construction d’une représentation mentale
(Haillet, 2007). La prédication, c’est-à-dire la production de significations est
ainsi conçue comme un phénomène et un objet linguistique universels qui
résultent d’une activité cognitive (Le Ny, 1979 ; 1989).
S’il n’y a pas identité entre catégories linguistiques et catégories cogniti-
ves, le langage, quelles que soient les langues, possède cependant une fonction
de catégorisation qui les rend similaires. Elles peuvent être, dès lors, conçues
16 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

comme des outils impliqués dans les opérations cognitives, centrales dans l’éla-
boration de la signification.
L’analyse des activités langagières et cognitives requiert donc une appro-
che pluridisciplinaire qui permet de contribuer au développement des sciences
cognitives, constitutives d’un nouveau champ de recherche à la base de la com-
préhension de l’apprentissage, du traitement du texte et des développements
en ingénierie de la connaissance (Le Ny, 2005).

3. PSYCHOLINGUISTIQUE COGNITIVE
DU TRAITEMENT DE TEXTE
3.1 L’activité de traitement du texte
Le traitement du texte, c’est-à-dire l’activité cognitive qui consiste lors de la
compréhension ou de la production à activer les connaissances nécessaires à ce
traitement résulte d’une interaction entre, d’un côté, l’individu, caractérisé par
ses connaissances et ses croyances, variables en fonction de ses modalités
d’apprentissage et de sa culture et, d’un autre côté, le texte, dont le contenu
sémantique et la structure sont les produits du milieu culturel dont ils émanent
(Denhière & Legros, 1989).
Les premiers travaux sur le traitement du texte et consacrés au récit,
conduits dans le cadre de la psycholinguistique textuelle (Coirier, Gaonac’h &
Passerault, 1996) ont tenté de valider psychologiquement des modèles du
texte conçus souvent à partir de schémas narratifs issus de la linguistique tex-
tuelle (Adam, 1999). Les recherches sur le traitement du texte ont cependant
souligné l’insuffisance et l’inadéquation des modèles centrés uniquement sur le
texte et sur la prise en compte des seules connaissances linguistiques. Elles ont
également mis en évidence l’insuffisance des conceptualisations centrées sur
l’intervention privilégiée, au cours de l’activité de traitement, de schémas
homologues des structures types du texte.
La psycholinguistique cognitive du traitement du texte se donne pour
objectif de décrire non seulement les représentations activées ou construites,
mais aussi les processus mis en œuvre dans l’élaboration de ces représenta-
Psycholinguistique cognitive du traitement de texte 17

tions au cours des tâches de lecture, de compréhension et de production. Les


méthodes de recherche utilisées ne se contentent donc plus d’analyser la
représentation activée ou construite et mise en mots (méthode off line), mais
les processus de construction de ces représentations (méthode on line)
(Jamet, 2006). Le but est de construire et de valider des modèles du traitement
humain de l’information verbale complexe et de comprendre le fonctionnement
cognitif de l’individu dans ces activités (Le Ny, 1989). Les travaux conduits
dans ce cadre se caractérisent par le souci de privilégier l’étude des activités
langagières comme moyen d’accéder à la compréhension du fonctionnement
cognitif des individus engagés dans les tâches d’apprentissage et par le souci de
tenir compte de cette connaissance du fonctionnement cognitif de l’individu
pour améliorer ses capacités de traitement et pour concevoir des aides et des
systèmes d’aide à l’apprentissage efficaces (Sweet & Snow, 2003).

3.2 Traitement du texte et sémantique cognitive


L’activation ou l’activité cognitive de construction des représentations est à la
base de l’activité de traitement du texte. L’individu en effet lorsqu’il lit un texte
construit une représentation du contenu du texte, c’est ce qu’on appelle la
signification qui n’est donc pas contenue dans le texte, mais dans la tête du lec-
teur (Denhière & Legros, 1989). Pour construire la signification globale de ce
texte (macrostructure), le lecteur doit mettre en relation de façon cohérente
les différents constituants du contenu du texte (microstructure) et construire
la cohérence de l’ensemble. La construction de cette cohérence nécessite de
faire des inférences, c’est-à-dire d’activer les connaissances évoquées par le
contenu du texte et indispensables à sa compréhension, c’est-à-dire à la cons-
truction de la cohérence de sa signification.
Les sciences du langage et de la cognition contribuent ainsi aux recher-
ches indispensables à la construction d’un cadre théorique solide face aux
développements des nouvelles littératies et de nouvelles stratégies d’apprentis-
sage/enseignement. Cette convergence est récente. Le Ny (1979) en concevant
la signification comme un événement mental, a posé les fondements en France
de la sémantique psychologique. Johnson-Laird (1983) et Van Dijk et Kintsch
(1983) ont développé une théorie des modèles mentaux et des modèles de
18 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

situation comme bases de connaissances et univers référentiels des expres-


sions langagières (Blanc et Brouillet, 2003). Jakendoff (2002) a contribué à la
mise en place de la sémantique cognitive en étudiant les déterminations réci-
proques des structures linguistiques et cognitives. La sémantique cognitive
permet d’analyser, d’une part, les invariants cognitifs qui permettent de catégo-
riser les représentations du monde et d’élaborer les systèmes ou « modèles »
de connaissances et de croyances des individus et, d’autre part, les moyens lin-
guistiques qui permettent d’exprimer et de décrire ces invariants et les fac-
teurs de variabilité qu’il importe de prendre en compte.

4. DU TEXTE NARRATIF AU TEXTE EXPLICATIF :


DE LA THÉORIE DES SCHÉMAS À LA THÉORIE
DES MODÈLES
Au cours des trente années de travaux consacrés à la compréhension du récit,
les chercheurs et les spécialistes de la compréhension se sont d’abord intéres-
sés au schéma narratif et donc aux modèles issus de l’école structuraliste fran-
çaise (Adam, 1999). Leur but consistait à donner une validation psychologique
à ces modèles. Mais lorsque les spécialistes se sont intéressés à d’autres types
de textes et, en particulier, aux textes explicatifs ou scientifiques, ils ont dû
recourir à une théorie de l’apprentissage et de la représentation des connais-
sances en mémoire. En effet comprendre un récit revient à comprendre une
structure canonique telle qu’elle a été définie par les théoriciens du conte
depuis les travaux des formalistes russes. En revanche, comprendre un texte
explicatif ou scientifique qui explique, par exemple, les causes et les consé-
quences des catastrophes naturelles suppose que le lecteur active ses repré-
sentations sur les phénomènes pour appréhender le contenu du texte.

L’analyse du rôle des modèles de représentation des connaissances dans


le traitement du texte narratif et du texte explicatif permet de comprendre
l’évolution des recherches et des modèles proposés au cours des dernières
années.
Du texte narratif au texte explicatif : de la théorie des schémas à la théorie des modèles 19

4.1 Le traitement du texte narratif


La plupart des travaux conduits sur le rôle des représentations dans le traite-
ment du texte ont été consacrés essentiellement aux invariants cognitifs mis en
jeu dans la compréhension et, en particulier, au rôle des connaissances commu-
nes, ou connaissances conventionnelles. Ainsi, les travaux sur la compréhen-
sion de récits se sont longtemps appuyés sur la notion de schéma, bloc de
connaissances façonné par les apprentissages et leurs modalités de construc-
tion (Denhière, 1984). Les schémas de récits comportent des modèles de
l’organisation sous-jacente censée guider la compréhension et le rappel des his-
toires. Ils prennent la forme d’un ensemble limité de catégories abstraites liées
entre elles par des relations précises entre les actions, les événements et les
états. Ils ont permis de rendre compte des régularités rencontrées dans les rap-
pels d’histoires quelle que soit leur origine (Kintsch & Grenno, 1977).
Même si les travaux de psychologie cognitive sur la mémoire et sur l’orga-
nisation des connaissances ont conduit les chercheurs à abandonner la théorie
des schémas et les grammaires de récits (Fayol, 1985) qui spécifient les règles
d’agencement de leurs constituants, plusieurs faits importants observés dans ce
cadre théorique sont aujourd’hui considérés comme acquis et nous permettent
d’analyser précisément non seulement le rôle du lecteur, mais les effets de son
origine. Des résultats ont ainsi montré que les performances de rappel varient
en fonction de facteurs tels que l’âge, l’origine sociale, les connaissances anté-
rieures du lecteur et l’importance relative attribuée aux informations.
Les résultats acquis dans le cadre de la théorie des schémas de récits
concernent à la fois les processus de compréhension et les structures cogniti-
ves avec leurs spécificités individuelles, sur lesquels ils opèrent. Au vu des ces
recherches, il apparaît cependant que la compréhension d’un texte dépend
essentiellement des connaissances du monde du lecteur. Les travaux conduits
dans le cadre des « modèles mentaux » ou des « modèles de situation » ont per-
mis de façon plus efficace de conceptualiser la représentation du monde que
les apprenants se sont construite à travers leurs expériences et leurs apprentis-
sages, et qu’ils activent lors de la lecture d’un texte. Ainsi, Van Dijk et Kintsch
(1983) définissent un « modèle de situation » comme une représentation
cognitive des événements, actions, individus et de la situation en général
20 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

qu’évoque le texte. « Un ‘modèle de situation’ peut incorporer des expériences


antérieures et des particularisations de connaissances portant sur ces
expériences », p. 11-12). Ces travaux permettent ainsi de prendre en compte
au-delà des connaissances partagées, les connaissances spécifiques et les systè-
mes de connaissances/croyances des individus construits dans leur culture.
Les résultats expérimentaux sont en accord avec l’hypothèse d’une
intervention des « modèles mentaux » ou des « modèles de situation » sur la
compréhension et la mémorisation des textes (Blanc & Brouillet, 2003).
Cependant, selon Denhière et Baudet (1988), les validations conduites dans le
cadre de ces modèles interviennent, sans que la notion de modèle ne soit rigou-
reusement définie. En outre, ni le domaine de connaissances spécifiques auquel
fait référence un modèle, ni la représentation de ce domaine par un apprenant
avec ses caractéristiques propres, ne sont décrits. Or des descriptions précises
et détaillées, à la fois du domaine et de la représentation que s’en fait l’individu
sont nécessaires, si l’on veut étudier la compréhension et, plus encore,
l’apprentissage, qu’il s’agisse d’évaluer les connaissances initiales des appre-
nants, de fixer des objectifs d’apprentissage, d’élaborer des matériels textuels
d’apprentissage adaptés, et de construire des systèmes informatiques
d’apprentissage qui tiennent compte des caractéristiques individuelles et cultu-
relles des apprenants (Denhière, Legros & Tapiero, 1993).
Comprendre et produire un texte narratif consiste à élaborer et à mettre
en mots une représentation mentale décrivant une chaîne d’actions, d’états et
d’événements caractérisés par des relations de causalité intentionnelle aux-
quelles peut s’identifier le lecteur. Celui-ci doit d’abord construire les unités de
significations locales (microstructure), les mettre en relation afin de construire
la signification globale (macrostructure). Qu’en est-il du traitement du texte
explicatif ?

4.2 Le traitement du texte explicatif


La compréhension du texte explicatif est beaucoup plus difficile et les proces-
sus et stratégies déployés par le lecteur diffèrent de ceux mis en œuvre lors de
l’activité du texte narratif (Graesser, McNamara & Louwerse, 2003). Ces textes
comportent en effet des concepts plus complexes à traiter, un vocabulaire
Du texte narratif au texte explicatif : de la théorie des schémas à la théorie des modèles 21

spécialisé et des structures textuelles non familières qui influencent la recher-


che, la compréhension et l’utilisation de l’information (Weaver & Kintsch,
1991). De plus, comprendre et produire un texte explicatif ou scientifique qui
décrit, par exemple, les causes et les conséquences des catastrophes naturelles
nécessite de construire des relations de causalité entre les différents événe-
ments décrivant les phénomènes. L’élaboration de la représentation de chaque
événement (microstructure) est nécessaire à la construction de la représenta-
tion de l’ensemble du phénomène et de la construction de la signification glo-
bale (macrostructure).
Pour rendre compte des activités de compréhension et de production de
ces textes, la prise en compte des représentations des connaissances, de la
mémoire et de son fonctionnement est essentielle. Nous sommes ainsi passés
de modélisations s’appuyant sur la psycholinguistique textuelle à des modélisa-
tions fondées sur la psychologie cognitive du traitement des textes. Il est en
effet devenu incontournable, pour étudier les activités de traitement des textes
et d’acquisition de connaissances, de s’appuyer sur les représentations des con-
naissances initiales de l’individu et sur les processus de traitement qui opèrent
à partir de celles-ci.
Cependant le traitement de ce type de texte et plus précisément la cons-
truction de la cohérence de la signification de ces textes ne renvoient pas à la
causalité intentionnelle découlant de l’expérience quotidienne du lecteur, mais
à la causalité du monde physique (Jamet, Legros & Pudelko, 2004). C’est la rai-
son pour laquelle l’élaboration de la cohérence causale du monde physique
nécessite l’activation des connaissances du lecteur sur le domaine du monde
évoqué par le texte. Dans le traitement du récit, la représentation de la cohé-
rence causale et par conséquent de la signification est beaucoup plus facile à
élaborer dans la mesure où notre expérience quotidienne met à notre disposi-
tion les connaissances nécessaires à la création des liens manquant entre les
informations. Dans la compréhension des textes explicatifs, le traitement des
inférences est plus complexe si le lecteur n’est pas familier avec le monde évo-
qué par le texte. Il ne peut pas en effet accéder aux connaissances nécessaires
à la construction de la signification du texte.
Les recherches conduites dans ce domaine sont aujourd’hui consacrées
à l’étude du traitement du texte scientifique (Otero, León & Graesser, 2003).
22 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

Les implications et les développements sont importants, en particulier dans le


domaine de l’apprentissage et des aides à la construction des connaissances
scientifiques (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007).

5. CONVERGENCES ET INTERDISCIPLINARITÉ :
VERS UNE DIDACTIQUE COGNITIVE
DU TRAITEMENT DU TEXTE
Les implications didactiques et pédagogiques qui découlent de ces travaux sont
considérables. L’activité pédagogique, qui a pour but d’aider l’élève à construire
des connaissances nouvelles, nécessite l’activation des différentes composan-
tes de ses représentations initiales. À une époque caractérisée, d’une part, par
l’enseignement de masse et les difficultés d’adaptation de l’école face à la mon-
dialisation de la formation et, d’autre part, la généralisation des nouvelles tech-
nologies, les pratiques pédagogiques ne peuvent plus se concevoir sans une
prise en compte sérieuse des structures cognitives et du fonctionnement cogni-
tif de tous les élèves. Il est donc indispensable d’étudier les représentations des
connaissances en mémoire et leur rôle dans les activités d’acquisition de con-
naissances, de production et de compréhension de textes. Selon ce point de
vue, partagé par la plupart des spécialistes, ces activités qui mettent en jeu un
traitement complexe constitué de processus intentionnels et automatisés, en
particulier les processus de production d’inférences, s’appuient à la fois sur les
connaissances de la langue et des textes et sur les connaissances du domaine
évoquées par le texte.
À l’heure d’Internet, de l’apprentissage collaboratif à distance et de la
mondialisation de la formation qui touche les pays du Nord comme les pays du
Sud, il semble difficile de concevoir la psychologie cognitive du traitement du
texte autrement que comme une psychologie cognitive culturelle du traitement
du texte (Zelinsky-Wibbelt, 2003 ; Legros, Acuna & Maître de Pembroke,
2006). Cependant, pour être efficaces, sur le plan des retombées dans le
domaine de l’apprentissage et de l’enseignement, et des nouvelles stratégies à
mettre en place, ces recherches ne peuvent s’envisager qu’en interaction avec
les recherches didactiques qu’elles impliquent (Chiss, Reuter & David, 2005 ;
Convergences et interdisciplinarité : vers une didactique cognitive du traitement du texte 23

McLaughlin & DeVoogd, 2004). Elles doivent en effet s’appuyer sur le


contexte caractérisé comme une série de systèmes sociaux interconnectés et
comme un système de pratiques culturelles, artefacts et significations mutuel-
lement interdépendants. Ces recherches sont aujourd’hui reconnues comme
indispensables à l’adaptation à notre monde et à la société de la connaissance
(Gaskins, 2003 ; Sweet, 2003).

RÉSUMÉ
Le but de la psycholinguistique cognitive de la compréhension et de la produc-
tion de texte est de construire et de valider des modèles du traitement humain
de l’information verbale complexe et de comprendre le fonctionnement cognitif
de l’individu dans ces activités. Les développements les plus récents des recher-
ches sur la compréhension et la production de texte s’expliquent par le passage
de la psycholinguistique textuelle à la psychologie cognitive du traitement du
texte, c’est-à-dire par la prise en compte du rôle de la mémoire et des connais-
sances de l’individu dans les processus de traitement. Les modèles actuels de
traitement du texte permettent ainsi d’analyser les activités de compréhension
et de production ainsi que le résultat de ces activités : les représentations cons-
truites. Ces recherches sont à la base de la sémantique cognitive qui se donne
pour objectif d’étudier les déterminations réciproques des structures linguisti-
ques et cognitives.
La distinction entre microstructure et macrostructure cognitive du contenu
sémantique du texte a permis de rendre compte, lors de la compréhension et de
la production, de la construction des unités de signification, de leur assemblage
en une unité de signification globale. D’abord modélisées sous forme de schémas,
c’est-à-dire sous forme de structures pré-construites, les représentations élabo-
rées au cours de l’activité de traitement sont aujourd’hui conçues comme des
modèles de la situation du monde évoqué par le texte, c’est-à-dire comme les
réseaux de connaissances en rapport avec le contenu du texte et activés en
mémoire. Cette distinction permet d’analyser le rôle de l’activité de construction
de cohérence locale et globale qui est à la base de la structuration des représen-
tations.
24 La psycholinguistique cognitive du traitement de texte

À titre d’illustration, l’évocation de l’activité de compréhension du texte narratif


et du texte explicatif permet de comprendre le rôle, l’importance de l’activité
d’inférence et la variabilité des modalités de mise en œuvre de cette activité en
fonction du texte à traiter et des connaissances antérieures du lecteur.
Les implications et les développements récents de ces travaux sont importants,
en particulier dans le domaine de l’apprentissage et des aides à la construction
des connaissances scientifiques. Ces travaux permettent d’ouvrir des pistes effi-
caces dans le domaine de la didactique et de la pédagogie de la compréhension
et de la production de textes. Ils sont indispensables pour adapter les modèles et
les développements didactiques et pédagogiques qui s’en inspirent aux nouvelles
technologies.

Bibliographie sommaire
Blanc, N. & Brouillet, D. (2003). Mémoire et compréhension : Lire pour comprendre.
Paris : Éditions In Press.
Coirier, P., Gaonac’h, D. & Passerault, J.M. (1996). Psycholinguistique textuelle, approche
cognitive de la compréhension et de la production des textes. Armand Colin : Paris.
Denhière, G. & Baudet, S. (1992). Lecture, compréhension de textes et science cognitive.
Paris : PUF.
Haillet, P.P. (2007). Pour une linguistique des représentations discursives. Bruxelles : De
Boeck Université.
Le Ny, J.F. (2005). Comment l’esprit produit du sens : Notions et résultats des scien-
ces cognitives. Paris : Odile Jacob.Rossi, J.P. (2005). Psychologie de la mémoire.
Bruxelles : De Boeck Université.

MOTS CLÉS
! Macrostructure
! Microstructure
! Représentation type
! Représentation occurrente
Convergences et interdisciplinarité : vers une didactique cognitive du traitement du texte 25

! Cohérence locale
! Cohérence globale
! Psycholinguistique textuelle
! Psychologie cognitive du traitement du texte

QUESTIONS
1. Quelle est la différence entre la micro et la macrostructure textuelle ?
2. Comment définir les attributs et les propriétés d’un concept ?
3. Comment définir la sémantique cognitive ?
4. Quelle est la différence entre une connaissance et une croyance ?
5. Pourquoi le texte explicatif est-il plus difficile à comprendre que le texte
narratif ?
6. Quels sont les principaux invariants cognitifs dans la modélisation des
représentations ?
7. Comment définir les deux types de cohérence causale ?
8. Comment définir une inférence ?
2 CHAPITRE

Psycholinguistique cognitive
de la lecture

SOMMAIRE
1. Les modèles à étapes
2. Les modèles interactifs
3. Les méthodes de recherche actuelles
4. Les modalités d’apprentissage
28 Psycholinguistique cognitive de la lecture

La lecture met en jeu un ensemble complexe de processus mentaux et


de compétences dont un certain nombre, qui relèvent de la compréhension, ne
sont pas spécifiques à la lecture. En effet, la lecture correspond tout d’abord à
la mise en œuvre des différents processus perceptifs et cognitifs de traitement
des lettres qui permettent au lecteur d’accéder à l’identification du mot écrit.

L’acte lexique consiste à mettre en relation des signes graphiques et les


éléments du langage oral qu’ils représentent, puis à donner un sens à ces cor-
respondances et à les intégrer dans des ensembles sémantiques de plus en plus
complexes : les mots, les phrases et les textes.

L’activité de lecture comprend quatre étapes étroitement associées : la


segmentation de la langue orale en unités sonores élémentaires, les phonèmes ;
la mise en correspondance des phonèmes et des graphèmes ; la recherche de la
signification de ces assemblages, et leur mise en mémoire pour l’élaboration de
la signification des unités graphiques, des phrases et des textes.

Dans les langues à système alphabétique, la lecture est subordonnée à


l’identification des mots et l’efficacité de cette procédure définit le bon lecteur.
Les processus langagiers mobilisés au cours de la lecture correspondent à des
opérations mentales effectuées à partir de traitements perceptifs de stimuli
visuels. Ces stimuli visuels interviennent à partir d’unités linguistiques abstrai-
tes, non signifiantes, les lettres, regroupées en unités signifiantes plus larges,
qui constituent les mots, les phrases et les textes.

De nombreuses recherches se sont intéressées aux processus de recon-


naissance visuelle des mots. Les modalités de conversion grapho-phonémique
relèvent de traitements cognitifs différenciés renvoyant à des systèmes diffé-
rents. La comparaison de ces systèmes varie en fonction des langues. La diffi-
culté de la plupart des langues occidentales alphabétiques et notamment du
français tient à ce que le système de correspondance graphèmes/phonèmes
n’est pas biunivoque : un même signe écrit peut correspondre à plusieurs sons
et un même son peut être transcrit par plusieurs signes différents. En français
les signes sont peu nombreux (26), mais ils obéissent à des lois combinatoires
complexes.
Les modèles à étapes 29

L’analyse des mécanismes cognitifs impliqués dans le traitement visuel


de l’information véhiculée par les signes graphiques de l’écrit permet de com-
prendre les modèles d’apprentissage de la lecture.

1. LES MODÈLES À ÉTAPES


Les modèles de représentation et de traitement des mots écrits peuvent s’ana-
lyser en deux catégories, les modèles à étapes, ou développementaux et les
modèles interactifs, différenciés à partir des modèles à double voie.

1.1 À l’origine des modèles interactifs :


les modèles à double voie
Les modèles à étapes s’inspirent des modèles à double voie (Coltheart, 1978)
de l’expert, qui présupposent l’existence d’un lexique mental ou lexique
interne dans lequel les mots sont stockés avec leurs spécifications orthographi-
ques et phonologiques.
L’accès au lexique s’effectue, chez l’adulte, selon deux voies différentes,
la voie directe et la voie indirecte. La voie directe (ou adressage) est fondée sur
le traitement d’un code orthographique. Lors de l’identification d’un mot, le lec-
teur perçoit ses caractéristiques graphiques et va le chercher en mémoire. Il
établit sa signification directement à partir de l’aspect orthographique du mot
sans passer par une étape phonologique. Le mot est associé directement à sa
représentation lexicale dans le répertoire interne. Cette voie est utilisée pour
les mots fréquents, plus facilement mémorisés et identifiés.
En revanche, la voie indirecte (ou assemblage) intervient lors de la lec-
ture de mots rares ou de noms propres. Elle permet d’accéder à la matérialité
des mots en assemblant méthodiquement leurs constituants graphiques. Cha-
cun de ces graphèmes est mis en correspondance avec un phonème. L’assem-
blage des phonèmes par le recours à ce code phonologique permet de
prononcer les mots. Cette procédure, automatisée et occasionnelle chez
l’adulte, ne peut faire l’économie d’un apprentissage méthodique et nécessite
d’être maîtrisée par l’enfant.
30 Psycholinguistique cognitive de la lecture

1.2 Les modèles à étapes liés aux phases successives


de l’apprentissage
Les modèles à étapes d’acquisition, qui sont les plus anciens, décrivent les sta-
des par lesquels passe l’enfant dans la découverte et la reconnaissance des
mots.
L’apprentissage de la lecture suppose la succession de trois étapes iden-
tiques pour tous les enfants, et à l’issue desquelles les deux voies d’accès à la
reconnaissance des mots se mettent progressivement en place.

1.2.1 La procédure logographique


Dans les modèles à étapes, la première phase, consacrée à la procédure logo-
graphique correspond à un traitement exclusivement visuel des mots (Morton,
1989). Chaque mot y est traité comme un objet visuel et non linguistique, ce
qui conduit l’enfant à se constituer un répertoire mental purement visuel. Dans
cette procédure visuelle, la forme et la couleur associée au graphisme des logos
occupent une place importante dans leur reconnaissance, alors que l’ordre des
lettres à l’intérieur du mot n’est pas déterminant. Pour certains auteurs, tel
Coltheart (1978), la phase de la reconnaissance des mots se fait d’abord sans
intervention de la phonologie, puis les élèves s’entraînent progressivement à la
discrimination visuelle à partir d’indices graphiques saillants.

1.2.2 La procédure par médiation phonologique


Au cours de la deuxième phase, intervient la procédure alphabétique, ou par
médiation phonologique. La médiation phonologique évite l’association directe
entre graphèmes et signification. Le lecteur doit donner sens au message lu en
fonction du message sonore qui lui correspond. Pour cela, il lui faut automatiser
l’identification des mots écrits et traduire les séquences de lettres en séquences
de sons. De cette manière, il active le code phonologique du mot qui lui permet
d’accéder au code sémantique correspondant, disponible dans son lexique oral.
Le décodage phonologique se décompose en trois phases nécessaires
pour que l’apprenti lecteur puisse reconnaître un mot et activer sa
signification : l’analyse ou la segmentation des mots écrits en graphèmes, l’acti-
Les modèles à étapes 31

vation des phonèmes correspondant aux graphèmes et la synthèse ou la fusion


de ces phonèmes (Morais, Pierre & Kolinsky, 2003).
Il existe des interactions importantes entre représentations lexicales et
assemblage phonologique, variables selon les systèmes d’écriture et les straté-
gies du lecteur.
La première des stratégies de mise en correspondance des unités graphi-
ques et des unités phonologiques signifiantes consiste à reconnaître les frontiè-
res qui permettent de segmenter le mot. En effet, le flux verbal oral donne
l’impression d’une continuité de sons qu’il est nécessaire d’apparier à des
ensembles graphiques. La deuxième stratégie concerne la coordination des
symboles écrits et des sons qui suppose une compétence métacognitive : asso-
cier des signes à des sons et à un sens. La troisième de ces stratégies consiste à
accéder directement au lexique mental, c’est-à-dire à réactiver l’ensemble des
caractéristiques sémantiques définissant le mot.
L’enfant utilise sa connaissance des lettres et de leur correspondance
sonore pour décoder les mots. La connaissance des sons et des lettres (identifi-
cation visuelle et spatiale) dans le mot jouent un rôle important dans cette
phase alphabétique. L’élève devient alors capable de décoder des mots non
connus, mais il est encore incapable de distinguer des mots hétérographes tels
que « verre » et « ver ».
Dans la procédure de reconnaissance des mots par indices phonétiques,
Ehri (1995) décrit le développement inégal des connaissances alphabétiques à
partir de certaines lettres particulières (comme les initiales ou les finales) et de
leur valeur phonologique. C’est pourquoi l’auteur qualifie cette phase phonolo-
gique d’« alphabétique partielle ».
La phase par recodage phonologique suppose la capacité à segmenter les
mots en phonèmes. Elle est dite alphabétique complète lorsque l’enfant sait
traduire l’ensemble des graphèmes en phonèmes, et alphabétique consolidée à
un stade de développement supérieur : lorsque l’enfant est capable d’assembler
des unités plus larges, comme dans le stade orthographique décrit par Frith
(1985). Le lecteur distingue alors des unités de taille et de nature différentes,
comme les radicaux, les affixes ou les morphèmes qui livrent des indications
sur le code orthographique.
32 Psycholinguistique cognitive de la lecture

Cette procédure est progressive et laborieuse chez l’apprenti lecteur qui


doit acquérir graduellement les correspondances entre graphèmes et phonè-
mes.

1.2.3 La procédure orthographique


Dans la troisième phase qui correspond à la voie directe, par adressage, la dis-
tinction des mots hétérographes est alors possible. Le traitement des mots
s’effectue alors à partir de ses unités orthographiques, sans recours à la média-
tion phonologique, insuffisante à permettre la reconnaissance des mots com-
portant des graphèmes à prononciation marginale, comme ceux présents dans
le « aon » de faon ou le « e » de femme. Les mots sont reconnus visuellement
grâce au code orthographique.
La voie directe est la plus rapide, sauf lorsque les caractéristiques du sti-
mulus l’empêchent d’aboutir : les mots rares ou inconnus, noms propres ou les
non mots nécessitent le recours à la voie phonologique.
Les deux voies d’accès au lexique, jouent chacune un rôle spécifique et
indépendant en fonction des caractéristiques des mots rencontrés. Toutefois,
l’activation de l’information orthographique, qui permet d’accéder immédiate-
ment au sens, est première par rapport à celle de l’information phonologique.
En français, les irrégularités de correspondance graphophonologique
sont nombreuses, mais moins importantes que dans le système d’écriture
anglo-saxon où la voie directe est plus souvent convoquée par les apprenants.
L’effet de lexicalité (différence de temps de traitement entre mots et pseudo-
mots) et l’effet de fréquence (temps de prononciation plus court pour les mots
fréquents que pour les mots rares) sont d’autant plus importants.

1.3 L’intérêt et les limites du modèle développemental


à étapes
Les modèles développementaux ont remis en cause la conception de la lecture
experte fondée exclusivement sur la reconnaissance globale de mots telle que
l’avait développée Smith (1980). Ils permettent de rendre compte des modifi-
cations du traitement des informations graphiques en fonction des étapes
Les modèles à étapes 33

d’acquisition. Toutefois ils ne prennent pas suffisamment en compte les diffé-


rences interinviduelles des enfants et fournissent peu d’informations éclairan-
tes sur la dynamique des apprentissages.

1.3.1 Le lexique et le rôle du contexte


Le lexique mental peut être considéré comme un réseau de mots et de con-
cepts activables par des informations visuelles et auditives. L’accès lexical
résulte de l’appariement entre une suite de lettres et/ou de sons, et un élément
du lexique mental du sujet. Le traitement sémantique correspond à la prise en
compte des caractéristiques sémantiques de l’élément sélectionné.
Savoir lire suppose d’avoir acquis le code alphabétique, c’est-à-dire la
capacité à mettre en relation les lettres et les sons, et de l’avoir automatisé afin
d’expliciter, mais aussi de développer des compétences langagières générales fai-
sant intervenir les connaissances sur le domaine évoqué par le texte afin de le
comprendre et d’établir les relations logiques entre les phrases qui le constituent.
Le contexte semble jouer un rôle important dans la reconnaissance des
mots dans une phrase ou dans un texte. Goodman (1986) par exemple insiste
sur l’effet facilitateur du contexte. Des mots présentés dans un environnement
contextuel sont reconnus plus rapidement que des mots présentés seuls. Il met
ainsi en évidence le rôle de l’émission d’hypothèses dans la construction du sens.
Toutes les significations sont activées automatiquement, puis la fonction
de contrôle inhibe les significations non pertinentes en fonction du contexte,
notamment dans le cas de termes ambigus polysémiques. Le recours au con-
texte pour l’identification des mots déjà connus sous leur forme acoustique est
le fait des apprentis lecteurs, qui faute du recours maîtrisé à la prise d’informa-
tions graphémiques privilégient l’exploration du contexte. Pour l’expert, le con-
texte intervient lorsqu’il s’agit d’éclairer le sens de mots inconnus.

1.3.2 Limites des théories modulaires


D’après les théories modulaires, qui faisaient autorité dans les années 1970-
1980, la reconnaissance des mots en lecture était considérée comme résultant
de l’accès à un module lexical. Ce lexique interne, conçu comme un diction-
naire mental variable selon les individus, serait en perpétuelle construction et
34 Psycholinguistique cognitive de la lecture

censé s’accroître à chaque nouvelle lecture de mots nouveaux non encore stoc-
kés en mémoire.
La théorie modulaire postule la coexistence de deux voies d’accès au
lexique à partir des mots écrits. D’une part, la voie directe permet au lecteur de
reconnaître immédiatement les mots déjà connus en associant directement
leur configuration écrite à leur représentation visuelle en mémoire. D’autre
part, la voie indirecte conduit le lecteur à traiter les mots inconnus en transfor-
mant l’information visuelle en information phonologique grâce à l’application
de règles de correspondance entre graphies et phonies. Les signes abstraits de
l’écrit sont ainsi mis en relation avec les sons organisés du langage parlé.
Selon les théories modulaires, l’activité cognitive est assurée par des
modules spécialisés qui effectuent un traitement à un niveau donné sans inte-
raction avec d’autres traitements. Un module prend en compte le résultat des
traitements réalisés en amont et transmet le résultat de ses propres traite-
ments en aval.
Le sens littéral d’un mot est activé à la sortie du module, puis ajusté en
fonction du contexte. Dans cette perspective, les différents traitements en jeu
dans la compréhension sont indépendants. Si des interactions sont envisagées,
elles ne concernent que les résultats et non les traitements eux-mêmes.
Les recherches des dernières années ont contesté ces modèles au profit
de la conception interactive qui fait intervenir deux procédures de traitement
au début de l’apprentissage de la lecture.

2. LES MODÈLES INTERACTIFS


2.1 Des processus analogiques
La lecture de mots par analogie consiste à identifier un mot nouveau à partir
des caractéristiques visuelles et sonores d’un mot déjà connu. L’intervention
précoce de l’analogie dans la reconnaissance des mots s’applique à des mono-
syllabes, sur une base phonologique et non orthographique. Dans le cas de lec-
teurs débutants, Goswanni (1995) a ainsi montré, le rôle facilitateur de mots
déjà connus lors de l’identification d’un mot nouveau, lorsque tous deux pré-
Les modèles interactifs 35

sentent des analogies. Certaines parties des mots comme l’attaque, la partie
centrale et la rime semblent plus propices à la mise en œuvre de la procédure
analogique, et particulièrement à partir de la classe de cours élémentaire
deuxième année, alors que les élèves de grande section de maternelle sont plus
sensibles à l’analogie portant sur la rime.
La mise en œuvre le plus souvent implicite des procédures analogiques
facilite la maîtrise explicite du code alphabétique en affinant la discrimination
visuelle. À partir de l’identification globale et récurrente des mots, le repérage
de régularités orthographiques se met en place.

2.2 Un traitement parallèle


Dans les modèles interactifs, la lecture suppose que lors de la reconnaissance
d’un mot, l’ensemble des connaissances, phonologique, orthographique,
sémantique et morphologique associées à ce mot sont mobilisées par le sys-
tème. La plupart des recherches récentes démontrent que la reconnaissance
automatique des mots se fait en activant des représentations orthographiques
et phonologiques (Morais, Pierre & Kolinsky, 2003).
Ces deux types de traitement sont interconnectés comme l’ont montré
les résultats d’une recherche portant sur une tâche d’amorçage. Des travaux
d’imagerie cérébrale (Rumsey, Horwitz, Donohue, Nace, Maisog & Andreason,
1997) laissent penser que les processus orthographiques et phonologiques
semblent faire partie d’un réseau neuronal commun.
Lire ne consiste pas à retrouver un mot stocké dans le lexique mental,
mais à activer simultanément les composants du traitement orthographiques,
lexicaux et sémantiques du mot.
Colé, Magnan et Grainger (1999) montrent une disparité entre recon-
naissance orale et reconnaissance visuelle d’un mot. Alors que la reconnais-
sance du mot oralisé suppose le traitement d’unités larges de l’ordre de la
syllabe ou l’infrasyllabe, la reconnaissance visuelle d’un mot écrit se fonde sur
le traitement d’unités graphiques réduites, les lettres. Confronté à l’univers de
l’écrit, l’enfant associe les représentations des lettres à des représentations
phonologiques pré-existantes pour accéder à la signification. Il se familiarise
36 Psycholinguistique cognitive de la lecture

avec la construction de la représentation orthographique en rencontrant de


manière récurrente les mêmes séquences de lettres (Écalle & Magnan, 2002).
Dans leur modèle, Ferrand et Grainger (1992) prennent en compte le
caractère premier de l’activation des unités orthographiques infra-lexicales
telles que, par exemple, les affixes, avant l’activation des unités phonologiques
et des unités mots. Lorsque les durées de traitement sont plus importantes, les
unités mots bénéficient à la fois de l’activation des unités orthographiques et
phonologiques.
Dans ce modèle interactif, toutes les connaissances du lecteur sur les
mots sont mobilisées par le système qui prend en compte l’écrit aussi bien que
l’oral, le code phonologique aussi bien que le sens. Les systèmes de traitement
qui conduisent à la reconnaissance des mots (par leurs caractéristiques ortho-
graphiques, phonologiques ou sémantiques) sont automatisés et non cons-
cients. Cependant, l’accès conscient à ces processus est nécessaire à
l’autonomie et à l’efficacité du lecteur. Celui-ci doit en effet disposer de méta-
connaissances que l’enseignement peut lui apporter par la fréquence de lectu-
res lui permettant d’associer orthographe et sens d’une part, et orthographe et
phonologie, d’autre part. C’est pourquoi, au cours de l’apprentissage de la lec-
ture, il est indispensable de doter le sujet de connaissances explicites grâce
auxquelles il pourra transposer l’écrit dans le langage oral dont il dispose. Cela
suppose de maîtriser le double code de l’écrit : le code graphophonologique
permettant d’opérationnaliser le marquage écrit des sons, et le code grapho-
sémantique permettant d’appréhender l’identité des unités lexicales pour don-
ner sens à leurs structures morphologiques.

2.3 La critique connexionniste


La conception connexionniste nie la notion de module « encapsulé », étanche à
d’autres traitements cognitifs et privilégie l’interactivité des différents proces-
sus mis en œuvre lors de la lecture et de son apprentissage. Toutes les connais-
sances étant interreliées, la reconnaissance des mots résulte de la distribution
d’une activation dans un système dont les éléments se sont progressivement
spécialisés dans le traitement des lettres et des informations (phonologiques et
sémantiques) associées à ces lettres.
Les modèles interactifs 37

Le connexionnisme
Selon le connexionnisme, les phénomènes mentaux sont représentés à l’aide de réseaux
d’unités simples interconnectées. La représentation des connexions et des unités varient
selon les modèles. Par exemple, chaque unité du réseau peut être un mot et chaque con-
nexion, un indicateur de la similarité sémantique.
Une notion importante pour comprendre le fonctionnement des modèles connexionnistes
est la notion d’activation qui permet de rendre compte de la dynamique des modèles. À un
moment, une unité du réseau de concepts se caractérise par un certain niveau d’activation.
Une fois le seuil d’activation atteint, l’activation se propage à toutes les unités connectées.

Contrairement aux conceptions modulaires qui accordent un rôle central


au lexique mental, le module lexical n’intervient pas dans les modèles con-
nexionnistes. En effet, les mots ne sont pas considérés comme des unités stoc-
kées en mémoire à long terme. La reconnaissance d’un mot ne consiste pas en
une recherche en mémoire, mais suppose d’effectuer une série d’opérations
cognitives plus nombreuses et plus complexes.
Selon l’approche connexionniste, le traitement de l’information corres-
pond à l’activation d’un grand nombre d’unités élémentaires interconnectées
qui se transmettent continuellement des signaux. L’activation d’une unité ren-
force l’efficacité de la relation de cette unité avec les unités correspondantes
des autres systèmes.
Il s’agit en effet à partir du traitement de l’information lexicale, d’activer
l’ensemble des unités concernées, à un niveau donné, qu’il s’agisse de l’informa-
tion visuelle, phonologique, morphologique ou sémantique. Ainsi, la reconnais-
sance de chaque mot engendre une configuration d’activation différente,
résultant d’une activité spécifique à chaque individu.

2.4 Le modèle restreint interactif de Perfetti


Le modèle restreint interactif de Perfetti (1989, voir Perfetti, Rieben & Fayol,
1997) décrit les états progressifs de l’apprenti lecteur en établissant la distinc-
tion entre son lexique autonome et le lexique fonctionnel qu’il acquiert au fil de
l’apprentissage de la lecture. L’accroissement des connexions entre formes
phonémiques et orthographiques est lié au développement du lexique auto-
38 Psycholinguistique cognitive de la lecture

nome. En effet, l’apprenti lecteur possède des représentations incomplètes


d’un mot. Le nombre de lettres et de phonèmes représentés augmente globale-
ment avec l’expertise avant de donner lieu à une sélection des formes pertinen-
tes en fonction du contexte.
La médiation phonologique joue un rôle important dans l’acquisition des
connaissances orthographiques. L’activation de l’information orthographique et
celle de l’information phonologique, jouant chacune un rôle indépendant dans
la reconnaissance des mots, sont en léger décalage. Cependant, ces mécanis-
mes, mis en œuvre très rapidement et parfois en parallèle, fonctionnent parfois
dans l’interactivité.

3. LES MÉTHODES DE RECHERCHE ACTUELLES


3.1 L’étude des mouvements oculaires
Les recherches actuelles sur la lecture accordent une place importante à
l’observation et en particulier aux mouvements oculaires (Vitu & O’Regan,
2007). Les mouvements oculaires lors de la lecture sont caractérisés par des
fixations régulières d’une durée moyenne de 200 à 250 millisecondes. Cette
durée augmente avec la difficulté du sujet. La distance entre deux points de
fixation successifs ou saccades varie de 1 à 15 caractères en fonction de l’âge
du lecteur et de la difficulté du texte (0,5 mot chez l’enfant et 1,2 mot chez
l’adulte). Dans des conditions normales de lecture, environ 10 à 20 % des sac-
cades sont régressives, de la droite vers la gauche. Ces fixations régressives
augmentent avec la difficulté du texte et ralentissent la lecture.
Le lecteur expert se définit comme celui qui adopte le comportement de
la plus grande flexibilité en adaptant ses mouvements oculaires, en éliminant
les saccades régressives pour ne pas revenir en arrière sur les mots déjà fixés et
en diminuant le nombre de ces points de fixation. La nature grammaticale des
mots lus a une influence sur la durée de fixation. Ainsi les déterminants et pré-
positions, plus fréquents et plus courts sont peu fixés (38 % d’entre eux), alors
que les verbes sont fixés plus longtemps que les noms. De même, les mots poly-
sémiques ou non prévisibles par le contexte et les pronoms anaphoriques sont
l’objet d’une fixation longue liée à une prise de décision lexicale.
Les méthodes de recherche actuelles 39

Les saccades oculaires


L’information visuelle prélevée dans un texte est saisie par un mouvement oculaire hori-
zontal qui procède par fixations permettant au lecteur d’observer des ensembles de carac-
tères. Le passage d’un ensemble de caractères à l’autre se fait par une saccade vive, pendant
laquelle la vision est suspendue.
Au cours d’une fixation, le lecteur novice ne perçoit que quelques syllabes, alors que le lec-
teur expert peut identifier un à deux mots. La perception des signes graphiques est plus
rapide que le processus de traitement de l’information, qui détermine la vitesse de lecture.
C’est pourquoi les techniques d’entraînement à la lecture ont pour objectif la diminution
du temps de traitement de l’information, dans lequel la mémoire joue un rôle important.

L’empan visuel désigne le nombre d’éléments graphiques analysés par le


système visuel en une seule fixation. La vision fovéale, permise par le centre de
la rétine permet d’identifier trois à quatre lettres et c’est la vision périfovéale
qui, bien que ne permettant pas d’identifier, mais seulement de voir les lettres
supplémentaires, amène à un pré-traitement de celles-ci.
Les mots courts inférieurs à trois lettres pouvant être identifiés en vision
périfovéale, sont sautés lors de la fixation suivante, ce qui accélère la lecture. La
meilleure fixation est située légèrement à gauche du centre du mot qui permet
d’extraire en une seule fixation l’information disponible sur l’ensemble des let-
tres du mot. C’est la façon de procéder de l’expert, acquise par l’apprenti-lec-
teur au bout de huit mois d’apprentissage de la lecture. Le recours au contexte
apparaît ainsi comme une aide possible liée aux débuts de l’apprentissage, mais
qui disparaît avec l’expertise. Il est le fait de lecteurs non experts, faute de
recours au procédé graphémique. L’inefficacité de la prise d’informations gra-
phémiques est à l’origine d’un recours excessif au contexte.

3.2 L’imagerie cérébrale


Les explorations par l’imagerie fonctionnelle ont permis de déterminer le rôle
des aires cérébrales engagées dans le travail de découpage phonologique et la
mise en mémoire de l’information sonore. Des liens entre la structure anatomi-
que de ces aires et la qualité des performances en lecture ont pu être ainsi éta-
blis (Dehaene, 2007).
40 Psycholinguistique cognitive de la lecture

L’imagerie cérébrale a permis, à partir de l’observation de sujets présen-


tant des troubles phonologiques, d’éclairer certains fonctionnements cognitifs.
La discrimination de deux sons différents, qui nécessite un minimum de 20 mil-
lisecondes pour la plupart des sujets, peut, dans certains cas pathologiques
requérir jusqu’à 300 millisecondes pour parvenir au même résultat. Ce fort défi-
cit est le plus souvent attribué à des anomalies de positionnement des neuro-
nes. La moindre qualité des connexions entre les cellules cérébrales inhibe la
capacité de discrimination des sons qui se traduit par des modifications anato-
miques plus ou moins apparentes, suffisantes toutefois pour créer des difficul-
tés d’apprentissage de la lecture. Dans les cas pathologiques, comme dans les
situations de déficit langagier mineur, la rééducation de l’écoute des sons peut
améliorer les performances de discrimination auditive en privilégiant la sélec-
tion des connexions interneuronales les plus efficaces.
Les modes d’apprentissage ont un impact important sur la structure ana-
tomique du cerveau. La spécialisation des neurones en fonction des modalités
d’apprentissage agit sur les connexions qui les unissent. En effet, la plupart des
cellules cérébrales liées à l’apprentissage sont très peu spécialisées à la nais-
sance. Leur spécificité s’acquiert par les stimulations de l’environnement.
L’âge auquel se met en place un apprentissage a des répercussions ana-
tomiques sur la surface des aires cérébrales, le degré de leur spécialisation et le
nombre des connexions qui les relient. Ainsi, l’observation en IRM fonctionnelle
montre chez les violonistes une augmentation considérable de la surface cor-
respondant à la zone de motricité des doigts de la main gauche pour les droi-
tiers. De même, chez les dyslexiques, apparaît après rééducation, une
modification des faisceaux des fibres nerveuses qui assurent les connexions
entre les deux hémisphères.

4. LES MODALITÉS D’APPRENTISSAGE


4.1 Recherche et didactique
Les recherches sur l’imagerie cérébrale, notamment, ont permis de décrire le
fonctionnement et l’activation des zones impliquées dans les traitements mis
Les modalités d’apprentissage 41

en œuvre par les différents processus de l’activité de lecture. Ces données


ouvrent des perspectives de réflexion pour la didactique.
L’étude de la segmentation de la chaîne orale en phonèmes a fait appa-
raître la manière dont s’opère la discrimination sonore dans les principales lan-
gues phonogrammiques chez les bons et les mauvais lecteurs. Elle montre le
rôle essentiel de la discrimination des phonèmes dans l’apprentissage de la lec-
ture. Les dispositions à la segmentation de la langue en phonèmes sont varia-
bles selon les sujets. À l’issue de la mise en correspondance phonème/
graphème, il s’agit pour le jeune lecteur de substituer au code crypté de l’écrit,
celui, immédiatement accessible, de la parole, qui donne sens au message écrit
traduit par la subvocalisation.
Cette tâche complexe mobilise de nombreuses aires corticales du cer-
veau, spécialisées dans le traitement d’unités spécifiques. Il existe ainsi des
aires où sont regroupés les neurones responsables du traitement des mots abs-
traits, d’autres, des mots concrets.
La découverte de la forme des lettres, de leur correspondance sonore,
de leur regroupement en mots porteurs de sens, ainsi que l’intégration de ces
mots dans des ensembles de plus en plus complexes sur le plan sémantique et
grammatical est liée aux informations phonologiques mises en mémoire. La
compréhension se trouve ainsi directement associée au support de l’oral qui la
précède dans les apprentissages.
Pour établir la mise en relation des phonèmes et des graphèmes,
l’apprenti lecteur doit être capable d’identifier avec précision les formes dont le
graphème est constitué. La discrimination visuelle concernant l’identification
des lettres intervient dans l’hémisphère gauche du cerveau, mais l’hémisphère
droit est aussi sollicité dans la mesure où il possède des formes identifiées de
l’orientation dans l’espace. Ainsi, les lettres symétriques (b, d, p, q, n, u, on, ou,
etc.), ou présentant des morphologies voisines proches (m, n,) se prêtent à des
confusions. C’est pourquoi une pédagogie de la lecture facilitant la reconnais-
sance des formes et de leur orientation dans l’espace sera de nature à simplifier
le travail des aires concernées par le traitement de l’information graphique.
Les méthodes d’apprentissage en général, et notamment, de la lecture,
influencent le développement cérébral. Les méthodes privilégiant les associa-
42 Psycholinguistique cognitive de la lecture

tions grapho-phonémiques stimulent la différenciation et la spécialisation des


neurones, et permettent ainsi la facilitation de la mise en place des connexions
interneuronales. En revanche, dans le domaine de la reconnaissance des mots,
une trop grande importance accordée au contexte et à l’émission d’hypothèses
au détriment du code phonologique ne favorise pas le développement rapide
des liaisons entre les cellules nerveuses.
La maîtrise du langage oral et du vocabulaire constituent des éléments
essentiels d’accès à l’abstraction et sont de bons prédicteurs de réussite pour
l’entrée dans l’écrit. En effet, les circuits cérébraux étant interconnectés en un
système bouclé interactif, la stimulation d’une partie du dispositif permet
d’augmenter la compétence de l’ensemble du réseau. L’utilisation de pédago-
gies de l’apprentissage de la lecture adaptées au fonctionnement cognitif de
l’apprenant permet de stimuler son développement intellectuel.
Le lecteur expert active systématiquement le code phonologique des
mots pendant leur reconnaissance. Par conséquent, l’une des tâches essentiel-
les de l’apprenti lecteur consiste à activer très rapidement le code phonologi-
que des mots qu’il lit. Pour ce faire, il doit renoncer progressivement aux
informations données par le contexte pour recourir à la reconnaissance plus
rapide et plus précise des mots. Leur maintien en mémoire de travail permet de
stocker le temps nécessaire pour la compréhension du contexte lié aux phrases
précédentes afin d’en comprendre la cohérence logique et chronologique. Les
procédures de reconnaissance des mots doivent s’automatiser pour gagner en
rapidité et soulager le lecteur du coût cognitif du décryptage pour qu’il puisse
se consacrer alors au sens.
Les voies d’accès à la signification diffèrent en fonction des stades de
développement. À la fin du cycle des apprentissages fondamentaux, les élèves
sont censés recourir de manière privilégiée à la voie directe qui permet d’iden-
tifier quasi instantanément des mots et de faciliter la compréhension en soula-
geant la mémoire.
Reconnaître un mot revient à l’identifier parmi des dizaines de milliers
possibles. Cela suppose d’activer des informations orthographiques, phonologi-
ques, sémantiques et syntaxiques dans un temps très réduit de 0,20 seconde.
Ce processus très coûteux, semble devenir transparent alors qu’il mobilise des
compétences multiples.
Les modalités d’apprentissage 43

Les trois processus d’identification d’un mot, voie directe, médiation


phonologique ou représentation orthographique interviennent différemment.
L’accès par voie directe relève des premiers contacts avec l’écrit aux premiers
stades de l’acquisition, le stade logographique. La médiation phonologique per-
met au jeune enfant et au lecteur expert d’acquérir des mots nouveaux. Les
codes orthographiques jouent également un rôle très important dans la recon-
naissance des mots. Les analogies orthographiques facilitent l’accroissement
du vocabulaire connu.

4.2 Implications pour la didactique


Le modèle de l’expert rend compte de l’aboutissement de processus parallèles
et automatisés entrant en jeu dans l’apprentissage de la lecture. C’est pourquoi
il importe de ne considérer ce modèle qu’en ce qu’il permet de spécifier les
contraintes auxquelles cet apprentissage est soumis depuis le premier contact
de l’enfant avec l’écrit jusqu’au moment où la lecture devient pour lui un outil
cognitif d’acquisition de connaissances (Morais, Pierre & Kolinsky, 2003).
Des recherches récentes ont mis en évidence un certain nombre de prin-
cipes essentiels pour l’enseignement/apprentissage de la lecture. Elles accor-
dent une grande importance au fait que le système d’activation automatique des
représentations orthographiques et phonologiques se constitue progressive-
ment au cours de l’école primaire. Ainsi, dès les premières étapes de l’appren-
tissage de la lecture, les élèves peuvent-ils prendre en compte des unités plus
larges que la lettre, c’est-à-dire certains graphèmes et certaines syllabes.
Le décodage phonologique suppose la découverte du principe alphabéti-
que, et par conséquent la prise de conscience de la parole en tant que séquence
intégrée de phonèmes.
La mise en œuvre du principe alphabétique et d’entraînements destinés à
favoriser chez l’apprenti lecteur l’application des correspondances graphèmes-
phonèmes est un excellent prédicteur de sa réussite de l’apprentissage de la
lecture, tout comme le travail sur les représentations conscientes de phonèmes.
Les capacités phonologiques jouent un rôle essentiel dans l’apprentis-
sage de la lecture et il importe d’entraîner les habiletés sous-jacentes des
44 Psycholinguistique cognitive de la lecture

apprentis lecteurs. La mise en place de situations d’apprentissage et d’ensei-


gnement centrées sur les habiletés phonologiques et orthographiques est de
nature à créer les conditions les plus favorables à l’acquisition d’une meilleure
compétence en lecture.
L’automatisation de la reconnaissance des mots écrits résulte de la
récurrence du décodage graphophonologique séquentiel fondé sur la connais-
sance des correspondances graphèmes-phonèmes. Elle semble liée à des chan-
gements qualitatifs des systèmes de représentations phonologiques et
orthographiques interconnectés qui permettent de traduire les lettres du mot
écrit. La fréquence et la rapidité liées aux stratégies de décodage réitérées ne
semblent pas constituer le facteur déterminant.
Selon les conclusions des recherches sur les méthodes de lecture, les
plus efficaces de ces méthodes privilégient l’enseignement du décodage
(Adams, 1990). Elles mettent en évidence le fait que l’apprentissage du déco-
dage n’est pas un apprentissage naturel ou spontané et qu’il nécessite un
apprentissage systématique (Sprenger-Charolles & Colé, 2006 ; Sprenger-Cha-
rolles, Béchennec & Lacert, 1998, voir TFL).

RÉSUMÉ
Les modèles décrivant l’acte lexique rendent compte des mécanismes cognitifs
impliqués dans le traitement visuel de l’information véhiculée par les signes gra-
phiques de l’écrit. Selon son degré de familiarité avec les mots rencontrés, le lec-
teur expert emprunte deux voies différentes pour accéder à la lecture. Pour
identifier les mots connus, il utilise la voie directe (adressage) fondée sur le trai-
tement du code orthographique et va chercher ces mots en mémoire. En revan-
che, il doit recourir à la voie indirecte (assemblage) lors de la lecture de mots
non connus en assemblant leurs constituants graphiques pour les mettre en cor-
respondance avec un phonème.
Le modèle de l’expert rend compte de l’aboutissement de processus successifs et
inter reliés entrant en jeu dans l’apprentissage de la lecture. Cette procédure,
automatisée et occasionnelle chez l’adulte, doit faire l’objet d’un apprentissage
méthodique. Les modèles à étapes d’acquisition décrivent trois stades successifs
Les modalités d’apprentissage 45

par lesquels passe l’enfant dans la reconnaissance des mots : les phases logogra-
phique, alphabétique (par médiation phonologique) et orthographique.
La conception modulaire sous-jacente aux modèles à étapes s’oppose à la théorie
plus récente des modèles interactifs qui prennent en compte la mobilisation
simultanée des connaissances phonologique, orthographique, sémantique et
morphologique.
Les recherches actuelles sur la lecture accordent une place importante à l’obser-
vation des mouvements oculaires, caractérisés par des fixations régulières dont
le nombre et la durée augmentent avec la difficulté du sujet. Par ailleurs, l’ima-
gerie cérébrale a permis, à partir de l’observation de sujets présentant des trou-
bles phonologiques, d’éclairer certains aspects du fonctionnement cognitif et, en
particulier, de montrer l’effet de la rééducation de l’écoute des sons sur les per-
formances de discrimination auditive.
Les méthodes d’apprentissage de la lecture privilégiant les associations grapho-
phonémiques stimulent la spécialisation des neurones et facilitent la mise en
place des connexions interneuronales, au contraire d’une pédagogie accordant
une trop grande importance au contexte et à l’émission d’hypothèses.

Bibliographie sommaire
Écalle, J. & Magnan, A. (2002). L’apprentissage de la lecture. Fonctionnement et
développement cognitifs. Paris : Armand Colin.
Morais J., Pierre, R. & Kolinsky, R. (2003). Du lecteur compétent au lecteur débutant : impli-
cations des recherches en psycholinguistique cognitive et en neuropsychologie pour l’ensei-
gnement de la lecture. Revue des sciences de l’éducation,(1),51-74..En ligne http://
www.erudit.org/revue/rse/2003/v29/n1/009492ar.html.
Ferrand, L. (2007). Psychologie cognitive de la lecture. Bruxelles : De Boeck Université.
Sprenger-Charolles, L. & Colé, P. (2006). Pratiques pédagogiques et apprentissage de la lec-
ture. Cahiers pédagogiques, article en ligne 2243 (http://www.cahiers-pedagogiques.com/
article.php3 ?id_article=2243)
Sprenger-Charolles, L., Béchennec, D. & Lacert, P. (1998). Place et rôle de la médiation pho-
nologique dans l’acquisition de la lecture/écriture. Revue Française de Pédagogie, 122,
51-67
Voir aussi
Site TFL « Télé FormationLecture » : http://www.uvp5.univ-paris5.fr/TFL/TFL.asp
46 Psycholinguistique cognitive de la lecture

MOTS CLÉS
! Acte lexique
! Phonème
! Saccade
! Procédure logographique
! Procédure alphabétique
! Procédure orthographique
! Théorie modulaire
! Modèle interactif

QUESTIONS
1. Quelle est la différence entre un phonème et un graphème ?
2. Quelles sont les différentes étapes du développement de l’acte lexique et
leurs caractéristiques ?
3. Qu’est-ce qu’une unité infra-lexicale ?
4. Quel est le rôle des métaconnaissances dans les modèles interactifs ?
5. Quelles sont les caractéristiques de l’approche connexionniste ?
6. Qu’est-ce que l’empan visuel ?
7. Présentez trois méthodes de recherche sur la lecture.
8. Quelle est la meilleure stratégie d’apprentissage de la lecture ?
3 CHAPITRE

Psycholinguistique cognitive,
difficultés langagières
et pathologies du langage

SOMMAIRE
1. Origine et expression des troubles
2. Premières approches de la dyslexie
3. Manifestations de la dyslexie
4. Les causes de la dyslexie
5. Implications pratiques
48 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

Les évaluations sur l’apprentissage de la lecture réalisées dans de nom-


breux pays montrent que beaucoup d’enfants quittent l’école primaire ou
l’école fondamentale avec des déficits en lecture qui entraînent de nombreux
échecs dans toute leur scolarité. De façon paradoxale, au fil des années, le pro-
blème revient régulièrement sans que la situation ne change. En effet, on
observe que la recherche fondamentale, spécialement en psychologie cognitive
et en neuropsychologie, a fait des progrès considérables dans le domaine de
l’analyse des mécanismes cognitifs mis en jeu dans la lecture (De Cara, Zagar &
Lété, 1997). Mais, dans le même temps, on observe dans de nombreux cas, une
ignorance de ces travaux et dans la formation et dans les pratiques d’enseigne-
ment/apprentissage. Pourtant ces travaux sont à la base des aides et des remé-
diations aux difficultés de lecture (Grégoire & Piérart, 1994 ; Piérart, 2005).
Dans ce chapitre, nous proposons une introduction à la dyslexie et aux princi-
pales recherches qui ont permis de progresser dans la connaissance de ce dys-
fonctionnement cognitif de l’apprentissage de la lecture.
Cette manifestation des difficultés d’apprentissage et d’utilisation du lan-
gage écrit concerne 8 à 10 % des enfants scolarisés. Elle consiste en un trouble
spécifique du développement linguistique et neuropsychologique. C’est pour-
quoi tous les mauvais lecteurs ne sont pas dyslexiques. En effet, d’autres fac-
teurs tels que l’influence du milieu socio-culturel ne doivent pas être versés
dans le champ de la dyslexie, ce qui consisterait à médicaliser un problème
relevant d’une nature différente.

1. ORIGINE ET EXPRESSION DES TROUBLES


Actuellement, la dyslexie est appréhendée comme un phénomène biologique
lié à un état constitutionnel du système nerveux, dont les causes peuvent être
de nature pathologique ou génétique. La prématurité, tout comme le retard de
croissance intra-utérin, voire la souffrance néonatale peuvent en constituer les
raisons pathologiques. De même, des anomalies génétiques ou hormonales,
peuvent être à l’origine de dyslexies en altérant l’équilibre des compétences ou
la répartition des fonctions dominantes de chaque hémisphère cérébral.
Les principaux signes qui attirent l’attention des enseignants consistent
dans la confusion des sons, l’inversion récurrente de lettres ou de syllabes,
Premières approches de la dyslexie 49

l’absence de structuration des phrases, la persistance d’erreurs lors de la copie,


les difficultés de repérage dans le temps. Ils se caractérisent par un déficit
d’acquisition de certains automatismes de lecture après quelques mois
d’apprentissage.
La dyslexie sévère se caractérise par une déviance permanente des stra-
tégies de lecture qui aboutit à des performances à l’âge adulte ne dépassant pas
celles d’un enfant de 8 ans. En revanche, sa forme bénigne, consistant en un
trouble d’apprentissage du langage écrit, appelle un traitement spécifique, dif-
férent de celui exigé par les simples décalages liés à des retards développemen-
taux qui génèrent eux-mêmes des retards dans les apprentissages (carences
éducatives ou écarts entre le milieu linguistique d’origine et celui de l’école).
La dyslexie se distingue des troubles liés aux carences éducatives, péda-
gogiques, mentales affectives, sensorielles, notamment. D’après les études épi-
démiologiques, le nombre d’élèves réellement dyslexiques est sensiblement
inférieur à celui des élèves considérés comme dyslexiques. La dyslexie est liée
à une difficulté de reconnaissance des mots écrits sous-tendue par les structu-
res cognitives et cérébrales. La résolution des difficultés repose sur des coopé-
rations entre école et famille, et domaine de la santé.

2. PREMIÈRES APPROCHES DE LA DYSLEXIE


La dyslexie est un trouble développemental durable et persistant qui induit une
désorganisation du processus d’acquisition du langage écrit. Elle apparaît chez
des enfants ne présentant aucun déficit intellectuel ou sensoriel, aucun trouble
psychologique ou psychiatrique, aucune lésion cérébrale acquise, ni aucune
carence dans le cursus scolaire (Sprenger-Charolles & Colé, 2003). Ce trouble
de l’apprentissage de la lecture, qui affecte souvent de manière simultanée le
versant compréhension et le versant expression, se caractérise par une diminu-
tion significative des performances en lecture ou en orthographe par rapport à
la norme d’âge. Ainsi, la dyslexie est établie à partir de l’écart chronologique
observé entre le niveau de lecture de l’enfant et son niveau intellectuel. On
peut évoquer le trouble dyslexique lorsqu’un décalage important apparaît entre
l’âge réel de l’enfant et l’âge correspondant au niveau de ses réalisations en lec-
ture et en écriture.
50 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

L’une de ses manifestations consiste dans l’incapacité à reconnaître des


mots en dehors d’un contexte (Stanovich, 1986 ; 2000 ; Stanovich & Siegel,
1994). Toutefois, cette approche doit être envisagée avec circonspection. Stue-
bing, Fletcher, LeDoux, Lyon, Schaywitz et Schaywitz (2002) considèrent en
effet qu’il n’existe pas de différences entre les difficultés de reconnaissance de
mots des dyslexiques et celles des mauvais lecteurs non dyslexiques.

Les compétences en lecture de ces élèves correspondent à un retard


d’environ dix-huit mois, à deux ans par rapport à ceux ne souffrant pas de dys-
lexie. Ce n’est donc qu’après deux ans d’échec de l’apprentissage de la lecture,
soit à l’âge de huit ans, que peut s’établir le diagnostic de dyslexie chez l’enfant.

Des tests permettent d’évaluer les compétences de reconnaissance de


mots écrits et de quantifier la sévérité de la dyslexie. Dans les pays francopho-
nes, le test de l’Alouette (Lefavrais, 1967) est le plus utilisé. Il présente des
mots correspondant à des difficultés multiples, introduisant dans le corpus de
mots soumis aux sujets la présence de lettres muettes, de graphèmes ambigus
ou contextuels ou des lettres proches visuellement et phonologiquement (m,
n). Ce test met aussi les enfants en situation d’anticipation contextuelle, situa-
tion représentative de la lecture des jeunes lecteurs ou des lecteurs peu com-
pétents, et qui consiste à introduire des leurres dans la disposition des mots
donnés à reconnaître (par exemple, le mot « poison » après le mot « lac » qui,
en fonction du champ sémantique dans lequel il s’inscrit, laisserait attendre
« poisson » plutôt que « poison »). Le temps et la précision de la lecture per-
mettent de déterminer un niveau de lecture, puis un âge lexique. Toutefois les
limites de ce test concernent l’âge de passation puisque la rapidité supérieure
d’élèves plus âgés peut infléchir les résultats et masquer ou sous-évaluer des
dyslexies pourtant présentes. Un test plus récent, EVALEC (Sprenger-Charol-
les, Colé, Béchenne & Kipffer-Piquard, 2005) conforte les résultats du test de
l’Alouette en ce qui concerne l’efficience de la procédure de reconnaissance
des mots écrits.

Les troubles de l’acquisition de la lecture liés à la dyslexie affectent non


seulement la lecture, mais aussi, parfois, l’écriture et la production du langage
oral, sous-tendus par des activités cognitives communes.
Manifestations de la dyslexie 51

3. MANIFESTATIONS DE LA DYSLEXIE
Les erreurs d’inversion de lettres ne sont pas toujours imputables à la dyslexie,
même si elles participent de ses manifestations les plus fréquentes. Certains
dyslexiques avérés n’inversent pas les lettres. D’autres phénomènes intervien-
nent qui mobilisent la discrimination auditive et/ou visuelle. Ainsi, la confusion
des phonèmes entre sourdes et sonores (p,b,t,d f,v…) fait partie des manifesta-
tions courantes de la dyslexie. Toutefois, la confusion de lettres visuellement
proches (m, n, b, d...) indépendamment de leur prononciation crée également
des difficultés chez nombre de dyslexiques.
La dyslexie peut également être associée à des troubles temporo-spa-
tiaux. Certains jeunes dyslexiques éprouvent parfois des difficultés à retrouver
l’ordre des séquences d’une histoire ou le chemin de retour de l’école. Ces
carences liées à la séquentialité se traduisent par la difficulté à reproduire des
séquences rythmiques, auditives ou motrices. Des troubles du graphisme appa-
raissent lors de l’écriture, mais aussi dans la reproduction de formes.
La propension des gauchers à la dyslexie serait expliquée par une moin-
dre latéralisation hémisphérique des aires du langage. L’hémisphère droit serait
davantage impliqué que chez les non dyslexiques. D’ailleurs, l’imagerie céré-
brale confirme la moindre spécialisation des tâches langagières dans l’hémis-
phère gauche du cerveau chez les dyslexiques.

3.1 Les dyslexiques phonologiques et les dyslexiques visuels


Différents types de difficulté en lecture dessinent les profils de sous-catégories
de dyslexiques, la dyslexie phonologique et la dyslexie visuelle.
La lecture de mots nouveaux ou de pseudo mots nécessite un traitement
analytique particulier, alors que les mots familiers sont traités globalement et
directement. Chacune de ces deux situations fait appel à des processus cogni-
tifs différents, qui sont plus ou moins perturbés dans le contexte spécifique de
la catégorie dyslexique envisagée. Ainsi, la dyslexie phonologique affecte le
traitement analytique des mots non connus, alors que la dyslexie de surface est
caractérisée par la difficulté à reconnaître globalement des mots supposés
mémorisés.
52 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

Dyslexie ou dyslexies ?
La dyslexie de surface se caractérise par la difficulté à reconnaître visuellement les mots. Le
lecteur lit selon les règles de la combinatoire grapho-phonologique et éprouve des difficul-
tés lorsqu’il rencontre des mots irréguliers ou inconnus. La dyslexie phonologique, plus fré-
quente, permet de définir les difficultés de l’analyse segmentale des mots et de mise en
correspondance des graphèmes et des phonèmes. Le lecteur tente de lire les mots selon la
voie visuelle directe et ne parvient pas à lire les mots peu familiers ou inconnus.

L’évaluation précise des troubles dyslexiques a fait l’objet de recherches


en diachronie. Boder (1973) a mis en place une procédure expérimentale desti-
née à discriminer les troubles de la dyslexie phonologique et visuelle. Portant
sur une centaine d’enfants âgés de huit à seize ans, son étude consistait à pré-
senter pendant une seconde des mots aux sujets. Les mots non reconnus lors
de ce temps étaient présentés à nouveau pendant dix secondes. Le postulat
consistait à considérer que les mots reconnus en une seconde faisaient partie
du vocabulaire visuel, mémorisés par les élèves, alors que ceux reconnus au
bout de dix secondes, étaient censés avoir été décodés. Une épreuve d’écriture
portant sur les mots mémorisés et sur les mots décodés a permis d’établir des
troubles dans le traitement phonologique chez 60 % des dyslexiques, que l’on
nomme dysphonétiques. Seulement 10 % souffrent de troubles du traitement
visuel : incapables de mémoriser les mots, ces dyslexiques dits dyséidétiques
sont contraints de les décoder l’un après l’autre en les subvocalisant. Un certain
nombre de dyslexiques cumulent ces deux types de difficultés qui génèrent des
troubles sévères lors de l’apprentissage de la lecture.

La difficulté du traitement phonologique est associée à une difficulté à


entrer dans les processus métaphonologiques qui requièrent une manipulation
consciente de sons qui constituent les mots. La dyslexie visuelle, aussi nommée
dyslexie de surface, est plus liée à des troubles visuo-attentionnels qu’à des
troubles visuels et résultant d’une capacité d’attention limitée à une fenêtre
attentionnelle restrictive. Elle ne permet pas le traitement global des mots mais
le limite à son aspect séquentiel. Le mot n’est alors pas reconnu en lecture. En
raison des liens étroits entre lecture et orthographe, les phénomènes de dys-
lexie et de dysorthographie sont corrélés.
Manifestations de la dyslexie 53

3.2 Les dyslexies liées à un accident cérébral


Plus récemment, les recherches en neuropsychologie ont permis de mettre à
jour des troubles liés à la dyslexie en s’intéressant, chez l’adulte qui a appris à
lire sans difficulté particulière, aux troubles produits à la suite d’un accident
cérébral. Les troubles acquis permettent d’émettre des hypothèses sur les pro-
cessus cognitifs mis en œuvre lors de la lecture et théorisés dans des modèles.
Ainsi le modèle à double voie, (à voie directe par adressage et à voie indirecte
par assemblage) est issu du constat de la double dissociation des processus mis
en œuvre lors de la lecture de ces sujets adultes. Cette caractéristique de la
lecture a été mise en évidence à partir de troubles consistant chez certains
patients à décoder les mots réguliers sans être capables de traiter les irrégulari-
tés (comme dans le mot « faon »), et pour certains autres au contraire, à s’avé-
rer incapables de lire des mots nouveaux. La dissociation de ces deux fonctions
a permis d’établir une distinction entre deux modalités d’accès à la lecture.
Dans la première, les sujets se fondent essentiellement sur le décodage ; ils ont
perdu la représentation orthographique des mots et présentent une dyslexie de
surface (Coltheart, 1983). Dans la deuxième situation, en revanche, les sujets
dysphonologiques présentent des difficultés à décoder les mots.

La dyslexie s’applique le plus souvent à un déficit phonologique. Il est


parfois difficile d’apprécier le degré de dyslexie. Un grand nombre d’analyses
prenant en compte le degré de précision de la reconnaissance des mots sont
insuffisantes à rendre compte de la sévérité des troubles dyslexiques. Il est
important d’y associer des temps liés à la reconnaissance des mots.

Les difficultés des dyslexiques à lire les mots nouveaux s’expliquent par
l’insuffisance des compétences d’analyse phonémique et en mémoire phonolo-
gique à court terme. Les déficits rendent difficile la mise en place de la procé-
dure sublexicale. Cette procédure suppose plusieurs étapes : la mise en
correspondance des unités sublexicales des mots écrits (les graphèmes) et les
phonèmes. L’opération d’assemblage résultant de ce transcodage sollicite la
mémoire phonologique à court terme.

La dyslexie phonologique apparaît liée à un déficit cognitif phonologi-


que.
54 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

Les sujets dyslexiques parviennent parfois à pallier les effets négatifs de


leurs déficits phonologiques en développant d’autres compétences susceptibles
de contribuer à la reconnaissance des mots.
La mise en place du lexique orthographique dépend essentiellement de
l’efficience de la procédure phonologique lors de la lecture.
Le déficit de surface est plus rare que le déficit phonologique. Il corres-
pond à un retard à l’apprentissage et peut être compensé par l’orthophonie. Les
sujets affectés par ce déficit ont la possibilité de lire des mots nouveaux, s’ils
disposent d’un temps de traitement très long. On considère que le déficit pho-
nologique des dyslexiques de surface est moins sévère que la dyslexie phonolo-
gique. Cependant, la dyslexie phonologique des dyslexiques de surface peut
avoir été occultée si les tests de dépistage ont pris en compte la seule précision
de la lecture et non le temps de traitement (Sprenger-Charolles, Siegel &
Béchennec, 1998).
Les dyslexies de surface peuvent être aggravées par des facteurs envi-
ronnementaux défavorables, une moindre confrontation à l’écrit et une moin-
dre motivation. Ainsi, la justification de la question de l’orthographe, souvent
associée à l’environnement, est liée à la confrontation avec l’écrit. L’opacité de
l’orthographe aggrave le déficit de la procédure phonologique de lecture.
En revanche, la dyslexie phonologique relève de facteurs génétiques
(Olson, 2002), la dyslexie de surface relève, selon certains chercheurs, de défi-
cits visuels/ ou visuo attentionnels qui interviendraient à la marge dans le défi-
cit de la procédure orthographique.
Toutefois, les habiletés orthographiques des enfants dyslexiques sont
souvent satisfaisantes ; ils acquièrent une « conscience orthographique » qui
semble relever d’un processus de compensation de leurs déficits phonologi-
ques, lié à leur expérience de la lecture, et à la focalisation de leur attention sur
des séquences de lettres des mots de la langue (Morais, Pierre & Kolinsky,
2003).
Ces stratégies compensatoires ne permettent pas toutefois de résoudre
tous les problèmes de lecture, avec les conséquences que cela entraîne sur la
compréhension et l’apprentissage.
Les causes de la dyslexie 55

4. LES CAUSES DE LA DYSLEXIE


Diverses théories s’affrontent, mais la majorité insiste sur l’origine phonologi-
que de la dyslexie.
Il faut écarter du diagnostic de dyslexie les sujets atteints de troubles
auditifs ou visuels avérés qui relèvent évidemment d’un tout autre domaine et
ne s’intéresser qu’aux déficits mineurs dans ces domaines.
La plupart des dyslexiques présentent en effet des troubles auditifs et
un déficit phonologique. Ce déficit ne semble pas lié, malgré certaines hypothè-
ses avancées, à une déficience des traitements temporels des unités de la lan-
gue orale. Les troubles auditifs, qui concernent une des typologies de la
dyslexie, ont un rôle mineur dans la plupart des autres cas de dyslexie. Les dif-
ficultés de traitement phonologiques et de lecture ne sont ni associées à des
déficits auditifs, ni associées au rythme plus ou moins rapide des stimuli audi-
tifs. Cependant, la difficulté d’identification et de discrimination, caractéristi-
que des dyslexiques concerne des sons et des syllabes spécifiques : ils sont très
proches phonétiquement.
Les troubles visuels sont mineurs dans les causes de la dyslexie. L’hypo-
thèse ancienne de l’ophtalmologiste Orton (1937) fondant la dyslexie sur la
confusion de lettres proches graphiquement, est irrecevable. En effet, si la con-
fusion lors de la lecture de consonnes telles que p et b peut être attribuée à la
défaillance du traitement visuel de graphies proches, en revanche, la confusion
de nombreux dyslexiques entre les lettres t et d relève objectivement de fac-
teurs totalement différents et qui rendent la première hypothèse partielle. En
effet, la confusion entre t et d ne provient pas d’une ressemblance graphique,
mais de la proximité phonique entre deux sons dont l’un est non voisé (sonorité
sourde), alors que l’autre l’est (sonorité sonore). Le traitement phonologique
est donc à l’origine de l’erreur de transcodage.
La cause doit plutôt être recherchée dans un déficit des traitements
visuo attentionnels. Une attention visuelle séquentielle est en effet indispensa-
ble pour prélever les informations nécessaires à la lecture. La vision captée par
la rétine n’a pas la même acuité selon la partie impliquée dans cette perception.
La vision fovéale correspondant au centre de la rétine permet une acuité
visuelle importante qui diminue en vision périfovéale. C’est pourquoi la petite
56 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

taille de la fovéa, qui elle seule possède un fort pouvoir de résolution visuelle
oblige l’œil à des saccades régulières ; chaque fixation oculaire permet en effet
d’identifier environ dix caractères. La perception visuelle se différencie lors de
la reconnaissance de mots entre dyslexiques et normolecteurs. Pour ceux-ci,
dans les écritures de gauche à droite (comme celle de la langue française), la
fixation fovéale du mot a lieu légèrement à gauche de la partie médiane de ce
mot, qui correspond au point de fixation optimal du regard (OVP : Optimal
Viewing Position). Le début du mot fournit un plus fort taux de prédictibilité
que ses autres parties, milieu ou fin du mot. En revanche, chez les dyslexiques,
une fixation symétrique, au milieu du mot donne de meilleures performances
en reconnaissance de mots nouveaux.
Le déficit phonologique présenté par la plupart des sujets dyslexiques
intervient en corrélation avec le déficit visuel. La théorie cérébelleuse qui asso-
cie la dyslexie à des troubles moteurs et à des troubles liés à l’hyperactivité ne
rend compte que d’une très faible minorité de cas. Les travaux de Baddeley
(1986) ont mis en évidence la présence d’une boucle articulatoire qui inter-
vient dans la mémoire phonologique à court terme en permettant l’auto-répéti-
tion du processus de subvocalisation et en facilitant l’assemblage des unités à la
suite du transcodage grapho phonémique.

5. IMPLICATIONS PRATIQUES
La seule explication qui permette de rendre compte de la dyslexie est l’explica-
tion phonologique. Les capacités phonologiques sont les seules à être systéma-
tiquement reliées au niveau de lecture. De surcroît, les déficits phonologiques
sont fortement héritables, or ce n’est pas le cas des enfants auditifs.
La dyslexie caractérisée est attestée par l’imagerie cérébrale qui montre
des déficiences dans l’aire périsylvienne de l’hémisphère gauche, spécialisée
dans le langage (Demonet, Taylor & Chaix, 2004).
Combler les déficits phonologiques relevés avant le début de l’apprentis-
sage de la lecture est nécessaire pour éviter l’échec en lecture.
C’est pourquoi il est important de multiplier des dispositifs de dépistage
de la dyslexie afin de lutter contre l’échec dans l’apprentissage de la lecture.
Implications pratiques 57

La précocité de la détection de la dyslexie permet d’agir sur les capacités


langagières de l’enfant, le conduit ainsi à structurer son langage oral et appré-
hender plus facilement l’univers de l’écrit. Ainsi, des tests simples permettent,
dès l’âge de 3 ou 4 ans, d’orienter l’enfant vers un orthophoniste. Celui-ci étu-
die les stratégies utilisées par le dyslexique pour traiter l’information et il per-
sonnalise sa rééducation en fonction de ses caractéristiques. La rééducation
permet à l’enfant de surmonter ses difficultés et de suivre un cursus scolaire
normal.

Des entraînements spécifiques à la discrimination auditive, aux compé-


tences métaphonologiques à la discrimination visuelle chez les dyslexiques
comme chez les normo lecteurs ont des conséquences favorables sur le traite-
ment des unités de la langue écrite (De Cara, Zagar & Lété, 1997 ; Sprenger-
Charolles, Béchennec & Lacert, 1998).

Les méthodes de lecture à privilégier pour atténuer les troubles liés à la


dyslexie, mais plus généralement dans l’apprentissage de la lecture, sont celles
qui permettent aux élèves, d’une part, d’acquérir des compétences d’analyse
des unités constitutives des mots et d’autre part, de développer la capacité à
appréhender la structure idéo-visuelle des mots.

RÉSUMÉ
La dyslexie est un trouble développemental durable qui apparaît chez des
enfants ne présentant aucun déficit intellectuel, psychologique ou sensoriel, ni
aucune carence dans le cursus scolaire. Concernant 8 à 10 % des enfants scolari-
sés, la dyslexie se manifeste par des difficultés d’apprentissage et d’utilisation du
langage écrit liées à la confusion des sons, l’inversion récurrente de lettres ou de
syllabes, l’absence de structuration des phrases, la persistance d’erreurs lors de
la copie et des difficultés de repérage dans le temps.
60 % des dyslexiques, que l’on nomme dysphonétiques, sont atteints de troubles
dans le traitement phonologique. Seulement 10 % souffrent de troubles du traite-
ment visuel : incapables de mémoriser les mots, ces dyslexiques dits dyséidéti-
ques sont contraints de les décoder l’un après l’autre en les subvocalisant. Un
58 Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières et pathologies du langage

certain nombre de dyslexiques cumulent ces deux types de difficultés qui génè-
rent des troubles sévères lors de l’apprentissage de la lecture.
Des recherches récentes en neuropsychologie ont permis d’émettre des hypothè-
ses sur les processus cognitifs mis en œuvre lors de la lecture en s’intéressant,
chez l’adulte qui a appris à lire sans difficulté particulière, aux troubles produits
à la suite d’un accident cérébral. Ainsi le constat de la double dissociation des
processus mis en œuvre lors de la lecture de ces sujets adultes est à l’origine de
la théorisation du modèle à double voie, (voie directe par adressage et voie indi-
recte par assemblage).
La dyslexie phonologique relève de facteurs génétiques. La dyslexie de surface
relève de déficits visuels/ ou visuo attentionnels qui interviendraient à la marge
dans le déficit de la procédure orthographique. Elle peut être aggravée par des
facteurs environnementaux défavorables, une moindre confrontation à l’écrit et
une moindre motivation
Toutefois, les habiletés orthographiques des enfants dyslexiques sont souvent
satisfaisantes ; elles semblent relever d’un processus de compensation de leurs
déficits phonologiques, lié à leur expérience de la lecture, et à la focalisation de
leur attention sur des séquences de lettres des mots de la langue.
L’entraînement spécifique à la discrimination visuelle et auditive, ainsi qu’aux
compétences métaphonologiques a des conséquences favorables sur le traite-
ment des unités de la langue écrite, chez les dyslexiques comme chez les normo
lecteurs.

Bibliographie sommaire
De Cara, B., Zagar, D. & Lété, B. (1997). Remédier aux difficultés de lecture chez
l’apprenti lecteur : revue de question et perspectives d’application. In C. Barré-De
Miniac & B. Lété (Éds.), L’Illettrisme : de la prévention chez l’enfant à la prise en
charge chez l’adulte (pp. 181-202). Bruxelles : De Boeck.
Grégoire, J. & Piérart, B. (1994). Évaluer les troubles de la lecture. Les nouveaux modèles
théoriques et leurs implications diagnostiques. Bruxelles : De Boeck.
Piérart, B. (2005). Le langage de l’enfant. Comment l’évaluer ? Bruxelles : De Boeck.
Sprenger-Charolles, L. & Colé, P. (2003). Lecture et dyslexie. Approche cognitive. Paris :
Dunod.
Implications pratiques 59

Sprenger-Charolles, L., & Serniclaes, W. (sous presse). Nature et origine des déficits dans la
dyslexie développementale : l’hypothèse phonologique. In D. David, S., et P. Colé (Éds). Les
Dyslexies Développementales (Acte de la Journée d’Étude de la SNPLF sur la dyslexie.
Grenoble, 24 mars 2001). Marseille : SOLAL.
Sprenger-Charolles, L., Béchennec, D. & Lacert, P. (1998). Place et rôle de la médiation
phonologique dans l’acquisition de la lecture/écriture. Revue Française de Pédago-
gie, 122, 51-67.

MOTS CLÉS
! Dyslexie
! Discrimination
! Dyslexie phonologique
! Dyséidétique
! Processus métaphonologique
! Orthophonie
! Dyslexie de surface
! Transcodage

QUESTIONS
1. Quelles raisons peuvent être à l’origine de la dyslexie ?
2. Qu’est-ce qu’une dyslexie sévère ?
3. À partir de quel âge peut-on établir un trouble dyslexique ?
4. Citez deux tests d’évaluation des troubles dyslexiques.
5. Quelle est la différence entre la procédure d’assemblage et la procédure
d’adressage ?
6. Expliquez la différence entre une dyslexie de surface et une dyslexie phono-
logique.
7. Quelle est la différence entre la dyslexie visuelle et la dyslexie
phonologique ?
8. Quelle différence existe-t-il entre un mauvais lecteur non dyslexique et un
lecteur dyslexique ?
4 CHAPITRE

Psycholinguistique cognitive
de la compréhension de textes

SOMMAIRE
1. Trois générations de recherche en compréhension
de textes
2. Les théories cognitives de la compréhension
des textes narratifs
3. Le modèle princeps de la compréhension :
Kintsch et van Dijk (1978)
62 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

La compréhension de texte peut se concevoir à la fois comme une acti-


vité mentale de construction de la signification du texte et comme le produit de
cette activité, c’est-à-dire la signification. Par conséquent, la signification n’est
pas contenue dans le texte, mais se trouve dans la tête du lecteur.
Elle résulte en effet d’une interaction entre un texte et son contenu et
les structures de connaissances/croyances activées ou élaborées par un indi-
vidu lecteur au cours de la lecture. Pour construire la signification d’un texte, il
est nécessaire de construire sa cohérence locale (microstructure) et globale
(macrostructure) en mettant en rapport différents types d’informations issues
du texte et les connaissances du lecteur stockées en mémoire et activées lors
de la lecture. Ce sont ces connaissances qui permettent d’assurer la cohérence
locale et globale.
Cette cohérence de la signification du texte se construit à l’aide des con-
naissances générales et spécifiques que l’individu possède sur le « monde »
évoqué par le texte, mais également sur le contexte et son monde environnant.
Comprendre un texte consiste donc pour le lecteur à lier les informations (syn-
taxiques, sémantiques) issues du texte à ses connaissances sur le monde, con-
cernant les objets, les événements et les états évoqués par le texte.
Cette intégration du contenu sémantique et des informations linguisti-
ques du texte aux connaissances du sujet s’opère essentiellement par l’inter-
médiaire d’une représentation mentale élaborée au fur et à mesure de la
lecture et dont le principe de construction est de garantir la cohérence de
l’énoncé. Cette cohérence peut être référentielle (Kintsch & Van Dijk, 1988) ou
causale, et s’appliquer soit localement (lorsque le lecteur relie la proposition ou
la phrase qu’il lit aux propositions ou aux phrases immédiatement précéden-
tes), soit globalement (lorsqu’il met en cohérence l’ensemble des informations
issues du texte).
La représentation mentale peut s’analyser en plusieurs niveaux : un
niveau de surface exprimant l’information lexicale et syntaxique, un niveau
sémantique représentant à la fois la signification locale et globale des phrases et
du texte, et un niveau situationnel englobant les connaissances antérieures évo-
quées par le texte ainsi que les aspects contextuels de la situation de lecture.
Dans ce chapitre, nous présentons une synthèse des principales recher-
ches en compréhension de textes, puis à titre d’illustration, les théories cogniti-
Trois générations de recherche en compréhension de textes 63

ves de la compréhension des textes narratifs, avant de nous intéresser au


modèle princeps de la compréhension de Kintsch et Van Dijk de 1978.

1. TROIS GÉNÉRATIONS DE RECHERCHE


EN COMPRÉHENSION DE TEXTES
Trois générations de modèles peuvent caractériser les recherches conduites
sur la compréhension de texte depuis trois décennies. La présentation de ces
trois générations permet de comprendre les évolutions et les progrès des gran-
des théories destinées à mieux cerner l’activité de compréhension de textes
(Van den Broek & Gustafson, 1999 ; voir Blanc & Brouillet, 2005).

1.1 Les modèles de première génération : une approche


centrée sur le « produit » de la compréhension
La compréhension d’un texte est analysée comme le résultat d’une interaction
entre un lecteur et un texte. Elle suppose de la part du lecteur la construction
d’une représentation mentale qui dépasse l’information fournie par ce texte.
Van Dijk et Kintsch (1983) établissent dans leur modèle une distinction entre la
signification de la structure de surface et la signification du contenu du texte.
La première renvoie au traitement des mots, alors que la seconde renvoie à la
fois à la « base de texte » (microstructure et macrostructure), c’est-à-dire à la
signification des informations contenues dans le texte, et aux connaissances
antérieures du lecteur activées lors de la construction de la signification du
texte. D’après ce modèle, la réussite du processus de compréhension suppose
la construction en mémoire d’une représentation cohérente de la situation
décrite dans le texte, cette représentation étant définie comme un réseau
d’événements, d’états, d’actions et de faits, reliés entre eux suivant les relations
qu’ils partagent. Van den Broek et Gustafson (1999) ont observé que « ce type
de relation, causal, caractérise aussi bien les textes narratifs qu’une grande
partie des textes explicatifs » (p. 19). C’est ce constat qui a été le fondement
de la théorie du réseau de causalité (causal network theory) (Van den Broek,
1990) et à la base des théories de la cohérence de la signification des textes
(Van den Broek, 1997 ; Tapiero, 2007).
64 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

1.2 Les modèles de la deuxième génération : la prise


en compte des processus cognitifs
Dans les modèles représentatifs de la deuxième génération, les chercheurs
s’intéressent aux processus cognitifs mis en jeu durant la lecture et à la nature
des informations activées. Le processus cognitif essentiel sur lequel ont tra-
vaillé les chercheurs est l’élaboration des inférences, en relation avec la mobili-
sation des ressources attentionnelles. La plupart des modèles s’appuient sur les
contraintes de la capacité limitée des ressources attentionnelles ou de la
mémoire de travail, the current state strategy (Fletcher & Bloom, 1988), the
construction-integration model (Kintsch, 1988), the structure building fra-
mework (Gernsbacher, 1990). À chaque instant de la lecture, l’individu doit
focaliser son attention sur un petit nombre d’éléments qu’il juge pertinents
pour la compréhension du texte.

1.3 Les modèles de troisième génération : une approche


intégrative de la compréhension
Van den Broek et Gustafson (1999) caractérisent la troisième génération de
modèles comme « une extension des conclusions des première et deuxième
générations » (p. 29). C’est pourquoi ces modèles tendent à fournir une appro-
che intégrative de l’activité de lecture et du produit de la compréhension. Ils
cherchent à rendre compte des mécanismes par lesquels les processus on line,
c’est-à-dire en temps réel, conduisent à la construction d’une représentation en
prenant en compte les facteurs qui affectent le produit de la compréhension,
les processus et leurs interactions. Les modèles s’efforcent de suivre l’activa-
tion de l’ensemble des composants textuels et l’activité inférentielle tout au
long de la lecture (Kintsch, 1988). Si les modèles des deux premières généra-
tions ont largement contribué à saisir la nature de la représentation construite
en mémoire et les processus cognitifs intervenant dans cette activité de cons-
truction, les modèles de la troisième génération ont permis essentiellement de
fournir une vision intégrative de la manière dont l’activation se distribue au
cours de l’activité de lecture. Ainsi, cette nouvelle approche rend compte de la
manière dont les éléments textuels et inférentiels fluctuent au fil de la lecture
Les théories cognitives de la compréhension des textes narratifs 65

et conduisent progressivement à l’élaboration d’une représentation cohérente


du contenu du texte. Au cours de l’activité de lecture, la représentation en
cours de développement influence l’activation des éléments subséquents (Van
den Broek, Young, Tzeng & Linderholm, 1998/2004).

2. LES THÉORIES COGNITIVES DE


LA COMPRÉHENSION DES TEXTES NARRATIFS
Les travaux sur la compréhension de texte ont commencé par s’appuyer sur les
premières recherches de la psycholinguistique textuelle portant essentielle-
ment sur le récit (Coirier, Gaonach’ & Passerault, 1996) qui renvoient à la pre-
mière génération de modèles. Le traitement des autres types de textes et, en
particulier, des textes explicatifs nécessite de faire intervenir les connaissances
de l’élève et donc une dimension cognitive dans la modélisation de la compré-
hension. Nous présentons dans ce chapitre uniquement les bases de la compré-
hension du texte narratif.

2.1 Théorie des schémas et compréhension de textes


Dans le cadre de la psychologie cognitive, les premières tentatives d’élabora-
tion d’une théorie des processus de compréhension de textes datent du début
des années 1970. La conception de la compréhension de textes a été fortement
influencée par la théorie des schémas. Selon Rumelhart (1980), cette théorie
considère l’état des connaissances nécessaires à la compréhension d’un texte
comme un bloc façonné par les apprentissages et leurs modalités de construc-
tion. Les approches théoriques qui s’y réfèrent sont axées sur la complexité des
processus interactifs et constructifs impliqués dans la compréhension (Den-
hière & Baudet, 1992).
Certains chercheurs décrivent la façon dont la théorie des schémas per-
met de conceptualiser l’interaction entre les processus fondés sur le texte et
les processus fondés sur les connaissances et couramment dénommés :
traitements « bas-haut » et traitements « haut-bas » (Rumelhart, 1980). Les
traitements « bas-haut » consistent à décoder les unités linguistiques indivi-
66 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

duelles (phonèmes, graphèmes, mots jusqu’aux syntagmes et propositions),


puis à confronter ces unités analysées à des connaissances générales initiales.
Les traitements « haut-bas », consistent, eux, à élaborer des prédictions sur la
signification du texte, à partir des connaissances générales activées lors de la
lecture.
L’interaction dans la compréhension de textes implique tous les types de
connaissances que le lecteur utilise dans une tâche de lecture : les connaissan-
ces et les croyances sur le monde (schémas de contenu), les connaissances des
différents types de texte, de leur organisation et de leur structure typique
(schémas formels), tout comme les connaissances lexicales, syntaxiques,
sémantiques et pragmatiques..
Les connaissances antérieures du lecteur sont déterminantes dans les
processus de compréhension. Ainsi, la théorie des schémas permet d’étudier le
rôle joué par les structures de connaissances initiales des participants dans les
traitements cognitif et linguistique des textes utilisés. Toutefois cette théorie
semble présenter une limite du fait qu’elle n’intègre pas le rôle des facteurs lin-
guistiques et culturels dans le processus de compréhension.

2.2 Théorie de schémas et compréhension de récits


Les travaux sur la compréhension de récits se sont longtemps appuyés sur la
notion de schéma. Les schémas de récits comportent des modèles de l’organi-
sation sous-jacente censée guider la compréhension des histoires. Ces schémas
ont permis de rendre compte des régularités rencontrées dans les rappels
d’histoires (Denhière, 1984).
Selon Denhière et Baudet (1989), parmi les opérations cognitives mises
en jeu dans la compréhension, il convient de distinguer celles qui interviennent
lors de la lecture et du traitement en cours de déroulement (on line) de celles
qui se déroulent au cours du rappel, pendant l’activité de récupération de
l’information en mémoire. D’après ces travaux, les performances de rappel
varient en fonction de facteurs tels que l’âge, l’origine sociale, les connaissan-
ces antérieures et l’importance relative attribuée aux informations en fonction
de l’origine du lecteur.
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 67

2.3 Compréhension et grammaire de récits


Dans le cadre des grammaires de récits, Kintsch et Greene (1978) ont montré
que la compréhension des histoires inspirées des mythes du folklore inuit, par
exemple, s’appuyait sur une grammaire de récits spécifique à ces mythes. Dans
une expérience de Steffensen, Joag-Dey et Anderson (1978), des Indiens et
des Américains lisaient des textes issus de leur culture, plus rapidement que
d’autres textes. Ces expériences indiquent que les textes en rapport avec la
culture du lecteur favorisent la production d’inférences et le rappel. Ces don-
nées vont dans le sens de l’hypothèse selon laquelle la compréhension d’un
texte dépend des connaissances initiales du lecteur, mais aussi des connaissan-
ces façonnées dans sa culture et son milieu d’origine et construites selon les
modalités de communication des informations propres à cette culture.
Dans une recherche s’appuyant, non pas sur les schémas de récits, mais
sur les schémas culturels, Pritchard (1990) a montré, à partir d’une épreuve de
rappel libre, que les sujets (30 sujets américains et 30 sujets de Palau) rappel-
lent davantage de propositions, produisent davantage d’inférences élaboratives
et moins de distorsions pour les textes portant sur des schémas familiers que
pour les textes portant sur des schémas culturels non familiers.
Ainsi, la compréhension d’un texte dépend en grande partie des connais-
sances du monde du lecteur, c’est-à-dire des connaissances développées dans
le cadre du contexte et de la culture dans laquelle il grandit. Cependant, la
limite de la théorie des schémas et des grammaires de récits tient à ce qu’elle
conceptualise l’activité de compréhension essentiellement à partir de ces sché-
mas, c’est-à-dire, de la représentation sémantique du texte, et non pas du fonc-
tionnement cognitif du lecteur.

3. LE MODÈLE PRINCEPS DE LA
COMPRÉHENSION : KINTSCH ET VAN DIJK (1978)
D’après le modèle de compréhension de textes élaboré par Kintsch et Van Djik
(1978), plusieurs processus complexes opèrent en parallèle et de manière inte-
ractive. Nous présentons ces différents processus.
68 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

3.1 La microstructure sémantique


Selon le modèle de Kintsch et Van Dijk de 1978, la première tâche du lecteur
est de construire « une base de texte », c’est-à-dire une micro- et macrostruc-
ture sémantiques cohérentes du contenu du texte. La signification d’un texte
est représentée par une liste structurée de propositions formées de concepts
incluant un prédicat et un ou plusieurs arguments. La microstructure d’un
texte est constituée d’un réseau de propositions hiérarchisées, correspondant à
ce qui est directement exprimé en surface. Les relations entre ces propositions
sont définies par la répétition d’arguments.
Selon cette approche, la première étape du traitement d’un texte con-
siste à en établir la cohérence référentielle. Le processus de production d’infé-
rences est mis en œuvre dans le but de combler les « trous sémantiques » et de
rendre la « base de texte » cohérente.
Selon Kintsch et Van Dijk (1978), le traitement d’un texte s’effectue de
manière séquentielle, tronçon par tronçon, chaque tronçon correspondant à un
ensemble de propositions.

3.2 La macrostructure sémantique


La macrostructure sémantique correspond, dans un second temps, au traite-
ment global du texte réalisé en fonction des buts du lecteur. Par l’application
de règles de condensation sémantique (élimination ou suppression, sélection et
généralisation de prédicats ou d’arguments), ce second traitement aboutit à
l’élaboration de la macrostructure sémantique qui exprime le résumé du texte
(Van Dijk & Kintsch, 1983 ; voir Denhière 1984). La cohérence d’un texte ou
d’un discours dépend de ces deux niveaux de structure et de leurs relations.
Le modèle de compréhension de Kintsch et Van Dijk (1978) met en évi-
dence les activités de construction de la cohérence locale et globale d’un texte
et donc de sa macrostructure. La construction de cette cohérence globale
nécessite de la part du lecteur de faire des inférences et d’activer ses connais-
sances en mémoire pour combler les « trous sémantiques » du contenu du
texte. Cette activité d’inférence permet d’accéder aux connaissances évoquées
par le texte ou au « modèle de situation ».
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 69

Ce modèle comporte certaines limites dans la mesure où il ne prend en


compte ni la langue, ni les variables culturelles identifiant les spécificités du
lecteur qui favorisent l’activité d’inférence. Le modèle de Van Dijk et Kintsch de
1983 permet de dépasser ces limites avec l’introduction de la notion de
« modèle de situation ».

3.3 Le « modèle de situation » dans la modélisation


de Van Dijk et Kintsch
Van Dijk et Kintsch définissent le « modèle de situation » comme une représen-
tation cognitive des événements, des actions, des individus et de la situation en
général, évoqués par le texte. Un « modèle de situation » peut incorporer des
expériences antérieures et des connaissances particulières portant sur ces
expériences. Cette notion permet, d’une part, de conceptualiser la représenta-
tion du monde que les individus se construisent à travers leurs expériences et
leurs apprentissages et qu’ils activent lors de la lecture et, d’autre part, de four-
nir un univers référentiel aux expressions langagières. Autrement dit, pour
comprendre un texte, il faut pouvoir être en mesure de se représenter la situa-
tion précise que celui-ci décrit.

« Modèle mental »
Selon la théorie des modèles, la compréhension de texte consiste en une séquence d’activa-
tions de modèles mentaux préexistants en mémoire. Comprendre un discours, ce n’est pas
construire progressivement un réseau de propositions issues du traitement de chaque
phrase, c’est élaborer un « modèle mental » qui est progressivement remanié et enrichi. La
mise à jour du « modèle mental » passe par l’acquisition de connaissances nouvelles, l’actua-
lisation de connaissances anciennes, c’est-à-dire soit leur spécification, soit la substitution
de connaissances supposées exactes à des connaissances reconnues comme erronées

Les travaux conduits dans le cadre des « modèles de situation » (Van


Dijk & Kintsch, 1983) ont permis de conceptualiser la représentation du monde
que les apprenants ont construite à travers leurs expériences et leurs appren-
tissages, et qu’ils activent lors de la lecture d’un texte.
Dans la modélisation de 1983, Kintsch et Van Dijk ont proposé une pers-
pective théorique de la compréhension qui reste l’une des plus largement admi-
70 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

ses aujourd’hui. Elle décrit le processus de compréhension à partir de trois


niveaux de représentation.
Le premier niveau est la « surface du texte ». Il s’agit du niveau de repré-
sentation le plus élémentaire, comprenant les mots du texte et la syntaxe utili-
sée. Vient ensuite le niveau sémantique de la représentation, la « base de
texte », qui est l’ensemble des propositions contenues dans le texte, organisé
en deux niveaux : le niveau local et le niveau global, désignés par la microstruc-
ture et la macrostructure. Le troisième niveau est le « modèle de situation » qui
correspond aux connaissances et expériences du lecteur.
Le lecteur construit en quelque sorte un modèle « original » de la situa-
tion décrite dans le texte et qui renvoie aux connaissances construites dans son
environnement culturel. Ce niveau de représentation est détaché du texte
(Blanc & Brouillet, 2005).
Pour Van Dijk et Kintsch (1983), la microstructure résulte du traitement
de l’information du texte, phrase par phrase. Cette information est intégrée aux
connaissances activées en mémoire à long terme. La microstructure corres-
pond à la structure locale du texte et se compose de prédicats et d’arguments.
Les prédicats sont des termes relationnels comme les verbes, les adjectifs ou
les adverbes ; les arguments sont représentés par les noms. C’est ainsi que la
signification d’une phrase simple peut être représentée par une proposition
complexe qui consiste en un prédicat associé à de nombreux arguments, des
circonstances de temps, de lieu et des éléments modificateurs.
La macrostructure, quant à elle, représente le noyau de la signification,
tel qu’il apparaît dans un résumé. Elle est composée d’une série de propositions
hiérarchiquement organisées qui représentent la structure globale du texte. La
présence de titres, de sous-titres, et le thème de la première phrase de chaque
paragraphe, sont des indices textuels utilisés dans la construction de la
macrostructure. Un grand nombre de facteurs intervient dans la construction
d’une macrostructure, comme les connaissances générales du lecteur et le con-
texte.
En somme, la « base de texte » est une sorte de réseau propositionnel
constitué de relations directement dérivées du texte. À ce réseau pauvre et
souvent incohérent, le lecteur doit ajouter des nœuds et établir d’autres con-
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 71

nexions à partir de ses propres connaissances et expériences. L’intervention de


ses connaissances qui résultent de ses apprentissages et de ses expériences
vécues dans son environnement familial et culturel lui permet de rendre cette
structure cohérente, de la compléter, de l’interpréter et de l’intégrer à ses con-
naissances antérieures. Le lecteur construit ainsi un « modèle de situation ».
Le « modèle de situation » correspond à ce que l’individu a appris du
texte, détaché de la structure textuelle et intégré à ses connaissances. Il per-
met de rendre compte de nombreuses activités intrinsèquement liées à l’apti-
tude de compréhension du lecteur, comme acquérir de nouvelles connais-
sances, raisonner ou résoudre un problème. La construction d’un « modèle de
situation » ne se limite pas cependant au domaine de la compréhension de
textes. Le traitement d’une image ou d’une carte donne également lieu à la
construction d’un « modèle de situation ». Dans ce cas, il n’est pas élaboré à
partir d’une « base de texte », mais directement issu du support d’informa-
tions imagées.
Les connaissances du lecteur sont au cœur de cette modélisation, car ce
sont elles qui conditionnent le passage de « la base du texte » au « modèle de
situation » et donc à une compréhension plus fine du texte, ce que certains
auteurs dénomment l’interprétation (Bajo, Padilla & Padilla, 2001). Selon Van
Dijk et Kintsch (1983), la construction de modèles de situation repose notam-
ment sur l’intervention de différents types de connaissances, qu’il s’agisse des
connaissances générales sur le langage, sur le monde en général et sur le
monde du lecteur en particulier, sur la spécificité de la situation de communica-
tion, ou également des connaissances dérivées d’expériences personnelles.
Ainsi, l’intervention des connaissances et expériences personnelles du lecteur
permet de transformer ce qui n’est au départ qu’une structure isolée en
mémoire (la « base de texte ») en une entité plus intégrée, plus cohérente et
plus complète et qui renvoie à ce que certains auteurs nomment la mémoire
épisodique.

3.4 Le rôle du lecteur


Van Dijk et Kintsch ne se limitent pas à prendre en compte les connaissances
du lecteur au sein de leur modélisation de la compréhension de texte. Ils souli-
72 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

gnent en effet la part active de l’individu en mettant l’accent sur l’importance


de ses objectifs de lecture.
Les travaux de Mannes et Kintsch (1987) constituent une source de
données illustrant la contribution du lecteur dans le processus de compréhen-
sion. Ainsi, suivant le niveau de connaissances et de compétences du lecteur,
celui-ci adopte une stratégie qui privilégie soit le développement de la « base
de texte », soit la construction du « modèle de situation ».
Ces données sont compatibles avec l’idée selon laquelle il existe diffé-
rents niveaux de représentation. Elles permettent de mettre en évidence le fait
que le lecteur développe un « modèle de situation » plus précis lorsque les con-
naissances et les informations du texte doivent être réorganisées de façon cohé-
rente. Le principe de ce modèle constitue une avancée considérable en plaçant
la compréhension au delà d’une simple mémorisation des constituants du texte
pour en faire une vérité activité de construction de la signification où le lecteur
a une part dans l’élaboration et le contrôle de la construction de la signification.
En 1988, Kintsch propose un autre modèle qui permet de concevoir la
place du lecteur bilingue en situation de diglossie dans la compréhension et le
rappel de texte en langue seconde (L2) (Hoareau & Legros, 2006).

3.5 Le modèle de construction-intégration


Dans le prolongement de la théorie élaborée par Van Dijk et Kintsch (1983),
Kintsch (1988 ; 1998) propose le modèle de construction–intégration qui est
un modèle à visée explicative. Cette conception décrit la manière dont les tex-
tes sont représentés en mémoire durant le processus de compréhension et
comment ils sont intégrés aux connaissances du lecteur. La « proposition »
reste ici une notion centrale dans la mesure où elle conceptualise les entrées
linguistiques de textes représentées en mémoire et le texte est conçu comme
un ensemble de propositions sémantiques hiérarchiquement organisées et
constituées de prédicats et d’arguments. Il développe plus particulièrement les
étapes de l’activité de compréhension.
L’auteur simplifie son approche en s’intéressant plus précisément aux
processus responsables de la sélection des informations congruentes et perti-
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 73

nentes pour la construction de la cohérence de la signification. Ainsi, pour com-


prendre un texte, l’individu doit activer ou élaborer un « modèle de situation »,
ce qui nécessite d’établir des connexions entre des éléments d’informations
disparates : les informations véhiculées par le texte et les connaissances anté-
rieures pertinentes. Dans le cadre de ce modèle, la compréhension est donc
conçue comme un processus très flexible et très sensible au contexte, dans la
mesure où il s’agit d’un modèle dirigé par les données. Kintsch distingue deux
principales étapes : la construction et l’intégration.

La construction consiste en l’activation de représentations correctes,


mais également non pertinentes, redondantes, voire contradictoires. La phase
de construction procède en quatre étapes.

Les propositions qui correspondent directement aux entrées linguisti-


ques (i.e., « base de texte ») sont formées et la construction de la microstruc-
ture est élaborée en sélectionnant ces propositions, associées à leurs plus
proches voisins présents dans le réseau de connaissances. Ainsi, chaque propo-
sition sert d’indice dans la récupération des informations issues du réseau de
connaissances des individus. La production d’inférences permet de créer des
liaisons entre les propositions et d’établir les macro-propositions.

Le résultat du processus de construction correspondrait à un réseau


comprenant les nœuds lexicaux activés, les propositions construites, ainsi que
les inférences élaborées au niveau local et global. Une fois le réseau de proposi-
tions construit à partir des diverses règles précédemment mentionnées, et les
propositions reliées au sein du réseau, la représentation mentale s’organise
sous l’action d’un processus de satisfaction de contraintes qui désactive rapide-
ment les constructions inadaptées. L’inhibition des éléments non pertinents de
la représentation et le renforcement des éléments pertinents constituent la
phase d’intégration.

Le processus d’intégration assure l’élimination des incohérences et la


formation d’une nouvelle configuration cohérente, dans laquelle les unités dont
la valeur d’activation est élevée, constituent la représentation du texte.

Dans le modèle de construction-intégration, la construction de la signifi-


cation débute par l’activation des sens potentiels des mots traités qui seront
74 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

graduellement intégrés dans des unités plus larges (phrase, texte) pour aboutir
enfin à l’activation de la signification spécifique.
Cette nouvelle modélisation de la compréhension n’est donc pas incom-
patible avec la précédente. En 1998, Kintsch propose de réduire le nombre des
niveaux de représentation à deux : la « base de texte » qui se compose désor-
mais des éléments de surface et propositionnels du texte, et le « modèle de
situation ». Il précise également que la représentation mentale est unitaire.
Aussi, la distinction entre la « base de texte » et le « modèle de situation » per-
met-elle de décrire la genèse des représentations mentales et ne signifie pas
que ce sont des objets mentaux différents.
Dans la lignée de ces considérations, Kinstch (1998) établit que le con-
tenu de la représentation mentale n’est pas équitablement formé de la « base
de texte » et du « modèle de situation ». Il arrive que l’on se souvienne parfaite-
ment de mots ou de phrases du texte, au moins pour un temps, alors que dans
certains cas, leur mémorisation est très faible. La « base de texte » peut être
plus ou moins cohérente et complète, et le « modèle de situation » peut être
plus ou moins adéquat et précis. Le poids de chacun de ces niveaux de repré-
sentation est fonction du lecteur, de ses spécificités et, plus précisément de ses
caractéristiques culturelles et linguistiques qui peuvent favoriser l’activation de
nœuds en rapport avec les connaissances générales et spécifiques du lecteur.
Des données empiriques bien antérieures sont compatibles avec cette
vision évolutive et variable des constituants des représentations mentales.
Bransford, Barclay et Franks (1972) ont montré que le lecteur peut se souvenir
du texte lui–même, et donc de la « base de texte », mais sans l’avoir très bien
compris et construire une représentation mentale stable à partir de laquelle il
répond aux épreuves de compréhension avec succès. Le lecteur peut très bien
se souvenir du texte, sans toutefois pouvoir construire un « modèle de
situation », notamment lorsqu’il ne dispose pas de connaissances suffisantes en
mémoire sur le sujet évoqué pour pouvoir élaborer une compréhension stable
autour de la « base de texte ».
Dans cette logique, selon Kintsch, les représentations des textes sont
construites séquentiellement. Chaque fois qu’un segment de texte est traité, il
est immédiatement intégré au reste du texte, maintenu en mémoire de travail.
Chaque traitement d’un nouvel élément conduit à l’ajout d’une nouvelle propo-
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 75

sition à la représentation. Cette vision très localiste de la compréhension, basée


sur l’existence de cycles de traitement, est sans nul doute formulée au regard
des contraintes du modèle de construction-intégration.
Un des points forts du modèle de construction-intégration est qu’il rend
compte de l’interaction complexe entre les entrées linguistiques du texte et les
connaissances du lecteur. Il met au premier plan ses connaissances dans la
mesure où elles sont à l’origine de l’activation des éléments pertinents de la
représentation et de l’inhibition des éléments non pertinents.
Cette modélisation de la compréhension, centrée sur les processus, pré-
sente l’avantage de nuancer la distinction initialement proposée entre niveaux,
surface, « base de texte » et « modèle de situation ». En effet, la représentation
mentale est considérée comme un tout, constituée d’informations directement
dérivées du texte et du réseau de connaissances de l’individu. De plus, l’exis-
tence de cycles de traitement souligne le réalisme de cette modélisation. Il est
largement admis que le produit de la compréhension est déterminé non seule-
ment par les connaissances du lecteur, mais également par ses objectifs.
Le modèle de construction–intégration de Kintsch intègre à la fois les
principes du cognitivisme et du connexionnisme. Il permet de faire des prédic-
tions précises sur les différents processus mis en jeu par les individus lors de la
compréhension de texte.
Ce modèle nous permet donc de comprendre comment les enfants issus
de contextes culturels et linguistiques différents traitent sur le plan cognitif les
textes, eux-mêmes inscrits dans un environnement culturel particulier.
L’étude du traitement du récit nous a permis de montrer le passage
d’une psycholinguistique textuelle à une psychologie cognitive du traitement
du texte qui confère un rôle de plus en plus important à la mémoire et aux acti-
vités mémorielles du lecteur. Dans les modèles récents, la focalisation sur le
rôle du sujet dans l’activité de compréhension et l’importance de la mémoire et
des activités mnésiques expliquent les perspectives et les recherches nouvelles
sur le développement des compétences cognitives, métacognitives, didactiques
ainsi que sur le développement des systèmes d’aide.
76 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

RÉSUMÉ
Comprendre un texte consiste pour le lecteur à intégrer les informations syntaxi-
ques et sémantiques issues du texte à ses connaissances sur le monde afin d’éla-
borer une représentation mentale destinée à assurer la cohérence référentielle
ou causale de l’énoncé.
L’approche des modèles de première génération, centrée sur le « produit » de la
compréhension, s’applique aux textes narratifs ainsi qu’à une grande partie des
textes explicatifs. Les modèles de deuxième génération prennent en compte les
processus cognitifs mis en jeu durant la lecture et l’élaboration des inférences.
Les modèles de troisième génération rendent compte d’une approche intégrative
de l’activité de lecture des textes explicatifs. La phase de construction consiste
en l’activation de représentations correctes, mais également non pertinentes,
redondantes, voire contradictoires qui correspondraient à un réseau comprenant
les nœuds lexicaux activés, les propositions construites, ainsi que les inférences
élaborées au niveau local et global. La phase d’intégration consiste en l’inhibition
et la désactivation des éléments non pertinents de la représentation mentale.
La succession des modèles rend compte de l’évolution des descriptions de l’acti-
vité de compréhension de texte. Le premier modèle s’intéresse à la construction
d’« une base de texte », c’est-à-dire une micro- et macrostructure sémantiques
cohérentes du contenu du texte. Le deuxième modèle complexifie la description
des processus de compréhension à partir de trois niveaux de représentation : la
« surface du texte », la « base de texte » et le « modèle de situation ». Dans le
dernier modèle de compréhension de texte, le nombre des niveaux de représen-
tation est réduit à la « base de texte » et au « modèle de situation ».
La « base de texte » devient un réseau propositionnel constitué de relations
directement dérivées du texte auquel le lecteur doit ajouter des nœuds et établir
d’autres connexions à partir de ses propres connaissances pour rendre cette
structure cohérente et l’intégrer à ses connaissances antérieures. Le lecteur
construit ainsi un « modèle de situation ».
Le « modèle de situation » correspond à ce que l’individu a appris du texte, déta-
ché de la structure textuelle et intégré à ses connaissances. Ce modèle permet
de rendre compte de nombreuses activités liées à la compréhension, dont l’acqui-
sition de nouvelles connaissances, le raisonnement ou la résolution de problème.
Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) 77

Les connaissances du lecteur conditionnent le passage du traitement de « la


base du texte » à celui du « modèle de situation ». Elles permettent à celui-ci
d’accéder à une compréhension plus fine du texte.

Bibliographie sommaire
Blanc, N. & Brouillet, D. (2003). Mémoire et Compréhension : Lire pour comprendre.
Éditions In Press.
Coirier, P., Gaonac’h, D. & Passerault, J.-M. (1996). Psycholinguistique textuelle. Paris :
Armand Colin.
Denhière, G. (1984). Il était une fois... Souvenirs de récits. Lille : Presses Universitaires de
Lille.
Denhière, G. & Baudet, S. (1992). Lecture, compréhension de texte et science cognitive.
Paris : Presses Universitaires de France.
Kintsch, W. (1998). Comprehension : A paradigm for cognition. Cambridge, MA : Cam-
bridge University Press.
Tapiero, I. (2007). Situation Models and Levels of Coherence — Towards a Definition
of Comprehension. Mahwah, NJ : Lawrence. Erlbaum Associates.

MOTS CLÉS

! Cohérence référentielle
! Structure de surface
! Structure sémantique
! Base de texte
! Modèle de situation
! Proposition sémantique
! Grammaire de récit
! Inférence élaborative
78 Psycholinguistique cognitive de la compréhension

QUESTIONS
1. Quelle est la différence entre la structure de surface et la structure
sémantique ?
2. Quelle est la différence entre la base de texte et le « modèle de situation » ?
3. Quelle est la différence entre les inférences élaboratives et les inférences de
liaison ?
4. Citez deux modèles de la compréhension de texte et leurs caractéristiques.
5. Quelles sont les différences entre les modèles de Van Dijk et Kintsch (1983)
et Kintsch et Van Dijk (1978) ?
6. Expliquez les deux phases du modèle de construction-intégration.
7. Quelle est la différence entre cohérence locale et cohérence globale ?
8. Quel est le rôle de la mémoire dans la compréhension de texte ?
5
Aides et remédiations
CHAPITRE

aux difficultés
de compréhension

SOMMAIRE
1. Les aides à la compréhension des textes narratifs
2. Les aides à la compréhension des textes scientifiques
80 Aides et remédiations

Pour lire et comprendre un texte, l’apprenti lecteur doit mener simulta-


nément deux opérations cognitives. Il doit non seulement acquérir la maîtrise,
c’est-à-dire l’automatisation des processus impliqués dans le déchiffrage gra-
pho-phonémique, mais aussi être capable d’élaborer une représentation men-
tale de l’ensemble des informations véhiculées par le texte, afin d’en
comprendre la signification globale. L’importance relative de chacune de ces
deux opérations cognitives dépend du type de texte proposé et du niveau de
connaissances initiales de l’apprenti lecteur.
En effet, des études récentes (McNamara, Floyd, Best & Louwerse,
2004) ont montré les différences liées à la difficulté de traitement de textes
narratifs et de textes explicatifs. La compréhension de ces textes par les élèves
varie en fonction de leurs habiletés en lecture et, nécessite de plus, pour les
textes explicatifs, l’activation de connaissances antérieures à la découverte du
texte sur le domaine qu’il évoque. C’est pourquoi de nombreux apprenants
capables de déchiffrer un texte sont pourtant incapables d’élaborer les inféren-
ces fondées sur les connaissances du monde qui leur permettraient de cons-
truire la macrostructure sémantique d’un texte explicatif.
Les difficultés de compréhension de textes sont à rattacher à deux acti-
vités fondamentales, indispensables à la construction d’une représentation
mentale cohérente. Il s’agit, d’une part de la construction de la cohérence
locale, intra et interphrastique et d’autre part, de l’élaboration de la cohérence
globale.
Dans ce chapitre, nous évoquons quelques outils d’aide à la construction
de la cohérence de la signification locale et globale d’un texte en nous intéres-
sant dans un premier temps aux aides à la compréhension des textes narratifs
(première génération de modèles), puis dans un second temps aux aides à la
compréhension des textes scientifiques (deuxième génération de modèles).
Fournir à l’élève des ressources sous la forme d’aides à la compréhension
des textes suppose en amont de déterminer d’après le modèle de l’expert les
compétences nécessaires au traitement et à la mise en relation des informa-
tions ainsi qu’à la construction de la cohérence globale du texte (Gaonac’h &
Fayol, 2003).
Les aides à la compréhension des textes narratifs 81

1. LES AIDES À LA COMPRÉHENSION DES TEXTES


NARRATIFS
1.1 Le rôle des processus cognitifs dans la compréhension
de texte
Des études récentes sur les mécanismes de l’activité de traitement ont mis en
évidence les compétences nécessaires à la compréhension de textes et opéra-
tionalisé les moyens de les développer. Certaines banques d’outils permettent
ainsi d’établir un diagnostic cognitif précis des compétences en compréhension
de textes (Denhière, Baudet & Verstiggel, 1991), et de mettre en œuvre des
procédures d’apprentissage et d’aide individualisées en fonction des résultats
obtenus à ce diagnostic.
Lire et comprendre un texte consiste à transformer des informations
textuelles en représentations mentales. La compréhension met en jeu un
ensemble de processus qui interviennent dans le traitement de l’information.
Ces processus, menés en parallèle, concernent l’analyse de l’agencement syn-
taxique des constituants de la phrase, la récupération en mémoire des signifiés
et la construction de la cohérence locale et globale de la signification.
En effet, pour comprendre un texte, le lecteur doit établir des liens de
cohérence entre les informations à deux niveaux, d’abord au niveau local
(microstructure) qui lui permet d’accéder à la compréhension de la phrase,
puis au niveau global (macrostructure), à partir duquel il peut construire la
cohérence d’ensemble du texte, en y intégrant ses connaissances personnelles.
Les processus entrant en jeu dans la compréhension prennent également en
compte les connaissances et les croyances (Legros & Baudet, 1996) nécessai-
res à la construction de la signification, qui n’est pas figée, et varie selon la
structure du texte, sa cohérence et sa valeur affective (Legros, 1988).
Pour être efficace, la construction de la représentation mentale doit s’éta-
blir de manière continue en intégrant au fil de la lecture les nouvelles informa-
tions apportées par le texte ou résultant d’inférences « élaboratives » permettant
au lecteur d’activer ses connaissances sur le domaine évoqué par le texte, et
stockées dans sa mémoire à long terme (St-George, Mannes & Hoffman, 1997).
82 Aides et remédiations

1.2 Les moyens d’agir sur la compréhension de texte


La compréhension résulte d’une interaction entre un lecteur et un texte (Den-
hière & Legros, 1989), c’est pourquoi les modalités de remédiation en compré-
hension portent sur le texte, sur le lecteur, ou sur le système que forment le
lecteur et le texte (Daguet, Legros, Ghiglione & Denhière, 1999).
Les procédures les plus efficaces intervenant sur le texte sont celles qui
prennent en compte les capacités limitées de traitement de l’information en
mémoire de travail. Elles libèrent le lecteur novice ou en difficulté, qui n’a pas
automatisé ces processus (Baddeley, 1986), d’une partie des activités de traite-
ment en diminuant sa charge mentale et en focalisant son attention sur le con-
tenu sémantique du texte.
Ces procédures consistent essentiellement en stratégies destinées à
améliorer la lisibilité matérielle et typographique du texte, en recourant par
exemple, au soulignement, à l’isolement ou à l’encadrement des énoncés prin-
cipaux afin d’attirer l’attention du lecteur sur les informations importantes et
de favoriser ainsi leur sélection. De même, segmenter les textes en unités de
taille réduite facilite la gestion temporelle des activités d’intégration et limite
les problèmes de surcharge cognitive. Proposer un résumé à la suite d’un texte
permet également de faire accéder le lecteur à la compréhension globale de ce
texte en favorisant la hiérarchisation des informations sous-jacentes à l’élabo-
ration de la « base de texte », de la macrostructure textuelle et de l’activité
inférentielle.
Une deuxième voie d’aide à la compréhension de textes consiste à agir
sur le lecteur en facilitant la maîtrise de procédures métacognitives grâce aux-
quelles il peut construire et mobiliser des stratégies en fonction des objectifs
qu’il s’est assignés.
Ainsi, pour permettre à l’élève de disposer de telles ressources métaco-
gnitives, il convient de lui fournir préalablement des ressources cognitives en
lui enseignant de manière explicite et magistrale un certain nombre de procé-
dures visant à lui donner une attitude distancée par rapport au matériau lin-
guistique constitué par le texte. Ces procédures consistent, notamment, à
clarifier le but du texte (de son auteur), hiérarchiser les informations, cons-
truire la signification locale (microstructure sémantique), évaluer la cohérence
Les aides à la compréhension des textes narratifs 83

du texte et activer la base de connaissances nécessaire à l’élaboration des infé-


rences lui permettant de compléter les informations manquantes dans la struc-
ture de « surface du texte ».
Cette modalité de remédiation centrée sur le lecteur fait appel à ses facul-
tés de méta-compréhension (Gombert & Colé, 2000). Elle a pour objectif de
l’« amener […] à recourir à l’autorégulation » (Fayol, 1992). Pour cela, le lecteur
doit mettre en œuvre des procédures de contrôle de sa propre compréhension
(Jamet, Legros & Salvan, 2007) afin de pouvoir choisir et utiliser les procédures
les plus efficaces en fonction de son objectif d’apprentissage et du contexte.
La troisième modalité d’action sur la compréhension de texte prend en
compte le système formé par le lecteur et son texte (Legros, Denhière & Salvan,
1998). Elle consiste à établir différents profils de lecteurs en fonction de leurs
difficultés spécifiques de compréhension, puis à élaborer des textes répondant
aux problèmes rencontrés afin d’agir sur le versant cognitif du lecteur.

1.3 Les tâches d’apprentissage/remédiation


La diversité des processus engagés dans l’activité de compréhension nécessite
d’isoler et de contrôler chacun de ceux-ci afin de rendre compte des significa-
tions construites et de l’activité cognitive de construction de ces significations.
Des processus importants mis en œuvre au cours de la construction de
la cohérence de la signification des textes concernent les relations causales et
temporelles entre les informations, leur hiérarchisation et leur condensation.
Ils ont été mis en évidence, par exemple, dans des épreuves de diagnostic du
fonctionnement cognitif des lecteurs comme celles de la batterie Diagnos-Lec-
tureTM (Denhière, Legros & Salvan, 1997 ; Denhière, Thomas, Legros &
Caillies, 1998).
L’aide à l’établissement de relations logiques entre les informations d’un
texte contribue à la cohérence de sa représentation mentale et favorise la récu-
pération de l’information en mémoire. Elle est améliorée par les activités de
remise en ordre de phrases dans un texte.
Dans le dispositif de remédiation cité supra, l’épreuve de remise en ordre
comporte six textes constitués d’une séquence de huit phrases décrivant une
84 Aides et remédiations

action ou un événement. L’action présente un changement d’état finalisé par un


but et réalisé par un agent, alors que l’événement décrit un changement d’état
du monde physique sans l’intervention d’un agent (Kozlowzka, 1998).
La tâche impose à l’enfant de remettre en ordre les phrases, c’est-à-dire
de construire la signification globale du texte. Elle permet ainsi de rendre
compte de sa capacité à construire la cohérence de la représentation des
séquences lues, mais aussi de détecter les ruptures de cohérence des représen-
tations intra-textuelles. Pour réussir cette tâche, le lecteur doit être capable de
construire la macrostructure sémantique du texte. La gestion et donc le main-
tien de plusieurs informations en mémoire de travail ne peuvent s’opérer sans
le traitement de la structure sémantique dans sa globalité.
La hiérarchisation des informations est appréhendée par des tâches de
jugement d’importance relative des informations. L’épreuve de Jugement
d’Importance Relative des informations telle qu’elle a été conçue dans la batterie
Diagnos-Lecture, évalue la capacité du lecteur à sélectionner dans un récit les
informations lues et à les hiérarchiser en fonction de trois niveaux d’importance.
Ces niveaux d’importance (phrase très importante, peu importante ou
non importante pour la compréhension de l’histoire), sont affectés par l’élève
au contenu sémantique et informationnel de chacune des phrases qui contien-
nent les informations. Ces niveaux de pertinence sont déterminés en fonction
du modèle de compréhension de l’expert et comparés, pour évaluation, à la hié-
rarchisation effectuée par les apprenants. Cet exercice implique de rétablir les
liens logiques entre les informations de même niveau de pertinence et de parti-
ciper ainsi à la construction de la cohérence globale du texte. Il présente égale-
ment l’intérêt d’améliorer la gestion des capacités mnésiques et le contrôle du
lecteur sur son activité mentale.
Cette compétence est indispensable à la construction de la cohérence de
la signification d’un texte. En l’absence de cette compétence, il est probable
que les stratégies adoptées par le lecteur sont de l’ordre du rappel des informa-
tions présentes en mémoire à court terme, informations segmentées et sélec-
tionnées en fonction de leur récence, et non en fonction de leur importance.
La procédure de remédiation la plus courante concerne la condensation
de la signification d’un paragraphe par un mot, le regroupement thématique de
Les aides à la compréhension des textes scientifiques 85

phrases et la remise en ordre d’énoncés reliés à un thème général. La recher-


che du titre constitue une aide active dans la construction de la représentation
sémantique en facilitant la construction de la cohérence globale de la significa-
tion d’un texte. L’entraînement à la recherche du titre, comme l’ensemble des
processus impliqués dans la généralisation à partir d’un terme ou d’une infor-
mation spécifique, facilite la mise en place des invariants cognitifs et des pro-
cessus nécessaires à la compréhension textuelle. Il conduit à décrire la macro-
action ou le macro-événement de l’ensemble d’un texte.
L’élaboration d’activités de remédiation suppose d’établir une progres-
sion dans la résolution des difficultés et de recourir à l’analyse des processus
cognitifs impliqués dans l’activité de compréhension de textes narratifs. Ces
processus englobent d’une part, la lecture, la compréhension et la mémorisa-
tion de textes (voir Denhière, 1984 ; Denhière et Baudet, 1992) et d’autre part,
la construction des catégories sémantiques d’état, d’événement et d’action
(voir François & Denhière, 1997), telles qu’elles ont été définies au cours du
premier chapitre de cet ouvrage. La prise en compte des processus cognitifs de
l’apprenant dans la fabrication de ces exercices de remédiation permet aux
enseignants d’adapter les pratiques d’aide à son fonctionnement cognitif.

2. LES AIDES À LA COMPRÉHENSION DES TEXTES


SCIENTIFIQUES
2.1 La complexité des textes scientifiques
La lecture des textes scientifiques présente une complexité de traitement qui
augmente les difficultés de compréhension dans les disciplines scolaires faisant
référence à des savoirs sur le monde. La compréhension de ces textes nécessite
des connaissances lexicales et référentielles souvent étrangères à la culture de
nombre d’élèves qui échouent à élaborer une représentation mentale de leur
contenu sémantique à partir de connaissances insuffisantes.
La concision du lexique spécialisé des textes scientifiques en rend la
compréhension difficile. Le contexte ne suffit pas à éclairer la signification des
mots et les indices contextuels sont sans effet sur la construction de la cohé-
86 Aides et remédiations

rence des informations, dépendante de la maîtrise d’un vocabulaire et de con-


naissances précis sur le domaine évoqué par le texte. Ainsi la compréhension
des textes scientifiques est très discriminante et révèle le degré de maîtrise de
compétences et de stratégies encore en développement.
Comprendre un texte scientifique suppose d’en construire la significa-
tion. Or cette signification n’est pas contenue dans le texte, mais élaborée par
un sujet lecteur au cours d’une activité cognitive qui combine les informations
du texte et un ensemble hétérogène de connaissances/croyances antérieures et
d’expériences activées en mémoire par le lecteur.
La compréhension d’un texte scientifique suppose d’accéder à des con-
naissances non évoquées par le texte, mais appartenant au « modèle de
situation », nécessaires pour que l’apprenant puisse élaborer une représenta-
tion mentale cohérente du contenu de celui-ci. La distinction entre les deux
niveaux de représentation — « base de texte » et « modèle de situation » —
permet de distinguer plusieurs degrés de compréhension, plusieurs niveaux de
difficultés et donc plusieurs types d’aides.
Le niveau de connaissances lié à la représentation propositionnelle du
texte traduit la capacité du lecteur à effectuer plusieurs opérations mentales. Il
doit produire des idées renvoyant à une liste de notions ou de concepts. Il doit
aussi activer les propriétés relatives à ces concepts et analyser la structuration
du texte. Pour accéder au niveau de compréhension le plus élaboré, il lui faut
mobiliser des processus plus coûteux tels que l’activation de connaissances
relevant d’inférences causales, de justifications logiques, de réseaux de causa-
lité et la hiérarchisation but, plan, action.
Les inférences nécessaires à la compréhension des textes scientifiques
(Graesser & Bertus, 1998) renvoient à des connaissances disciplinaires exté-
rieures au contenu du texte et qui jouent un rôle essentiel dans la compréhen-
sion (Van den Broek, Virtue, Everson, Tzeng, & Sung, 2002).
La difficulté pour les élèves d’accéder aux informations constitutives du
« modèle de situation » des textes scientifiques explique les difficultés à traiter
les inférences. Ainsi, la compréhension des textes informatifs et explicatifs est
étroitement liée aux connaissances acquises par l’élève. Comprendre un texte
scientifique consiste donc à élaborer une représentation du domaine évoqué
Les aides à la compréhension des textes scientifiques 87

par le texte, et donc à organiser ou à réorganiser de manière cohérente un


ensemble de connaissances afin d’y intégrer de nouvelles informations appor-
tées par le texte (McNamara & Kintsch, 1996).
Lire un texte scientifique oblige à établir les causes antécédentes aux
événements et aux processus décrits ainsi que leurs conséquences. Le lecteur
doit se poser les questions concernant ces relations logiques, afin d’établir dans
le réseau de ces relations un chemin causal entre l’état initial et l’état final d’un
système de connaissances.

2.2 Les trois niveaux de la représentation du texte


Van Dijk et Kintsch (1983) distinguent trois niveaux de représentation du
texte : la forme linguistique de surface, la « base de texte » et le « modèle de
situation ». Ils définissent la « base de texte » comme le contenu sémantique du
texte lié à la représentation sémantique propositionnelle des unités d’informa-
tions explicites qui le constituent. Le « modèle de situation » intègre en outre
des éléments absents du texte et que le lecteur infère à partir des informations
du texte, de ses connaissances et de ses représentations antérieures du
domaine. Le contenu sémantique d’un texte peut ainsi être décrit comme une
suite de propositions dont le traitement aboutit à la construction de systèmes
cohérents de représentations d’états, d’événements et d’actions (Denhière &
Baudet, 1992 ; Denhière & Legros, 1989).

2.3 Les trois types d’aides à la compréhension des textes


scientifiques
Les aides à la compréhension des textes scientifiques portent sur les trois
niveaux de traitement du texte, tels qu’ils ont été modélisés par Van Dijk et
Kintsch (1983). Elles concernent chacun de ces niveaux : l’organisation syn-
taxique de surface, les unités lexicales composantes de la « base de texte », et
les inférences permettant d’activer les connaissances appartenant au « modèle
de situation » du texte lu (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2004).
Des recherches récentes (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007) ont mon-
tré l’effet, sur des lecteurs novices du cycle 3 de l’école primaire, de ces diffé-
88 Aides et remédiations

rents types d’aides sur la compréhension des textes scientifiques. Ces auteurs
ont décrit l’effet de ces aides à partir de trois dispositifs expérimentaux. Le
premier consiste en une réécriture de texte simplifiant sa syntaxe, le deuxième
propose l’ajout d’informations explicitant le contenu du texte, et le troisième
ajoute des informations facilitant l’activité inférentielle nécessaire à la cons-
truction de la cohérence de la signification du texte. L’effet des aides sur la
compréhension des textes scientifiques diffère en fonction de la spécificité des
processus de traitement qu’ils mettent en œuvre.

2.3.1 Les aides répondant au niveau de la forme linguistique


de « surface du texte »
Le premier type d’aide portant sur la forme linguistique de surface concerne
essentiellement la récriture et la simplification de la syntaxe (McNamara,
Floyd, Best & Louwerse, 2004).
En effet, le traitement de la surface textuelle de tout énoncé est facilité
par l’organisation syntaxique et la structuration des énoncés. L’ordre des mots
et des groupes de mots ont un effet sur la compréhension de texte (Gaux &
Gombert, 1999).
Les facteurs linguistiques qui jouent sur la densité des informations
influencent la compréhension. Des procédés tels que la transformation de phra-
ses complexes en phrases simples, la suppression de nominalisations au profit
de verbes (par exemple : « le dérèglement du climat » fait place au « climat se
dérègle ») rend plus immédiatement accessibles les informations véhiculées
par le texte.
La simplification syntaxique du texte permet aux lecteurs de recourir
davantage à des traitements automatisés de la forme linguistique et d’allouer
l’essentiel des ressources cognitives disponibles à la construction de la « base
de texte ». Lors d’épreuves de rappel où l’on juge de la compréhension d’un
texte d’après la restitution écrite qu’en font les élèves, on constate que ce type
d’aide favorise la cohérence du rappel au niveau de la cohérence locale
(microstructure), mais pas au niveau de la cohérence de la signification globale
(macrostructure). C’est pourquoi son effet positif porte surtout sur le rappel
des informations ponctuelles (microstructure). En revanche, il ne semble pas
améliorer l’activation des relations causales entre les propositions sémantiques.
Les aides à la compréhension des textes scientifiques 89

L’un des obstacles à la compréhension des textes scientifiques est l’absence de


connaissances pertinentes sur le domaine de référence qui rend difficile l’acti-
vité inférentielle.
L’aide généralement proposée par les enseignants en présence de textes
documentaires et notamment à l’école élémentaire, consiste à apporter des
aides concernant le niveau de représentation linguistique du texte (Van Dijk &
Kintsch, 1983). Cette aide consiste à faciliter le traitement du niveau linguisti-
que par la reformulation et l’explicitation. Or ce n’est pas en jouant sur la sur-
face linguistique du texte que l’on peut aider le lecteur à surmonter ce type de
difficultés. L’aide la plus efficace consiste à enrichir le « modèle de situation »
afin de permettre l’activité inférentielle en mettant à la disposition des élèves
des ressources de natures différentes.

2.3.2 Les aides répondant aux unités lexicales composantes


de la « base de texte »
Le deuxième type d’aide porte sur les unités lexicales composantes de la « base
de texte ». Il consiste à fournir aux élèves des notes explicitant le vocabulaire
difficile renvoyant exclusivement à la « base de texte », sans ajout d’informa-
tion supplémentaire, ni mise en relation des informations entre elles. Ces éluci-
dations lexicales proposent des notes explicitant la signification de mots à
l’aide de définitions et de reformulations. Par exemple, une note définit une
zone aride comme « une partie du monde où il ne pleut pas beaucoup », où « il
fait très sec ».
Lors d’épreuves de rappel de textes par les élèves, il apparaît que les
notes renvoyant au contenu du texte tendent à produire davantage d’informa-
tions de l’ordre de la microstructure (informations ponctuelles) que d’informa-
tions renvoyant à la macrostructure (informations causales).
Permettre l’accès aux informations lexicales manquantes est indispensa-
ble à la construction du contenu propositionnel d’un texte mais ne suffit pas
pour autant à construire la cohérence du texte. Les notes centrées sur l’explici-
tation d’éléments lexicaux peuvent parfois même focaliser l’attention des élè-
ves — et plus particulièrement celle des faibles lecteurs qui éprouvent des
difficultés à aller au-delà du traitement d’informations isolées — sur des élé-
ments ponctuels au détriment de la cohérence entre propositions sémantiques
90 Aides et remédiations

et de la cohérence globale. Ce type d’aide correspond d’ailleurs à nombre de


pratiques de classe où sont rarement pris en compte les processus cognitifs mis
en œuvre par l’élève pour traiter les informations nouvelles et les intégrer à
l’élaboration du sens global (Jamet, Legros & Es-Saïdi, 2003).

2.3.3 Les aides répondant au niveau du « modèle de situation » du texte


Le troisième type d’aide porte sur le « modèle de situation » du texte (Van Dijk
& Kintsch, 1983). Il prend en compte non seulement les informations absentes
du texte et que le lecteur doit inférer à partir du contexte, mais aussi ses con-
naissances et ses représentations antérieures sur le micro-monde évoqué par le
texte. Le contenu sémantique d’un texte peut ainsi être décrit comme un
ensemble ordonné de propositions dont le traitement permet d’aboutir à la
construction de systèmes cohérents de représentations.
Les aides permettant d’accéder aux systèmes de représentation d’un
texte concernent la chaîne des relations causales et les inférences nécessaires
à la construction du « modèle de situation » du texte. Elles explicitent les rela-
tions logiques implicites. Elles consistent par exemple à reformuler les rela-
tions cause conséquence et/ou introduisent les informations à inférer. À titre
d’exemple, pour éclairer le phénomène de l’érosion, une aide renvoyant au
« modèle de situation » peut ainsi l’expliciter : « Quand il pleut beaucoup, la
terre est emportée par l’eau. Les paysans ne peuvent donc plus rien cultiver ».
Par la mise en exergue de la relation entre les deux événements (fortes pluies
et érosion), la corrélation entre la disparition de la surface cultivable et l’impos-
sibilité de cultiver est établie.
De telles notes aident les élèves en leur indiquant une stratégie à mettre
en œuvre pour créer des liens de causalité entre les informations présentes
dans le texte et le comprendre. La mise à disposition d’une explication des
informations non explicites dans le texte aide le lecteur à construire la cohé-
rence. Ainsi, l’activité de lecture et l’activité d’acquisition de connaissances
apparaissent comme étroitement liées.
Apprendre à lire et à comprendre ne saurait constituer un apprentissage
purement technique, détaché des contenus de connaissances véhiculés par les
textes. Lire des textes scientifiques et plus généralement explicatifs ne néces-
site pas seulement de garder en mémoire des propositions sémantiques, mais
Les aides à la compréhension des textes scientifiques 91

aussi de les assembler en des chaînes causales et d’inférer les informations


manquantes. Ainsi, un article de presse réécrit, de manière à expliciter les infé-
rences requises pour en établir la cohérence, est mieux compris que la version
originelle (Britton & Gulgoz, 1991).
Les ajouts d’informations qui renvoient aux connaissances du monde
évoquées par le texte facilitent l’activité d’inférence et aident les lecteurs à
relier causalement les états et les événements en leur permettant de rétablir
les relations logiques intra et interphrastiques (microstructure) et au niveau du
paragraphe et du texte (macrostructure). Ces aides favorisent les interactions
complexes entre les caractéristiques du texte lu et les connaissances des lec-
teurs (McNamara, Kintsch, Songer & Kintsch, 1996).

2.4 Perspectives pour la recherche sur les aides


à la compréhension
Devenir un lecteur performant nécessite de s’appuyer sur des connaissances
du monde et sur les activités inférentielles qui permettent cette construction.
Cela suppose également de se poser les bonnes questions (Rouet & Vidal-
Abarca, 2002) afin d’activer des connaissances pertinentes et de construire la
cohérence de la représentation. L’activité « assistée » peut être ainsi considé-
rée comme une étape vers l’acquisition de la compétence à construire de
manière autonome les inférences causales.
Le rôle grandissant des technologies de l’information et de la communi-
cation dans les recherches sur l’apprentissage permet d’envisager des aides
fondées sur les fonctionnalités et les usages qu’elles génèrent et notamment
l’activation de liens hypertextes favorisant chez les élèves la construction de
nouvelles ressources cognitives et l’accès au « modèle de situation » du texte
scientifique (Crinon, Legros, Marin & Avel, 2005). MacArthur et Haynes (1995)
ont testé les effets d’aides hypermédias sur l’amélioration de la compréhension
de textes scientifiques chez dix élèves de quinze à dix-sept ans présentant des
difficultés de lecture. Deux versions d’extraits d’un manuel de sciences leur ont
été proposées sur ordinateur : l’une est une simple reproduction du texte
imprimé ; dans l’autre, ont été ajoutés une synthèse vocale, un glossaire, des
liens entre les questions et le texte, un soulignement des idées principales, des
92 Aides et remédiations

explications supplémentaires. Les chercheurs ont constaté que les élèves utili-
sant la version hypermédia obtenaient les meilleures performances de compré-
hension.
La présentation sur écran diminue le coût cognitif de l’accès aux infor-
mations extérieures au texte (Rouet & Levonen, 1996) et favorise chez les étu-
diants la compréhension des textes. Cependant, avec de jeunes enfants, les
aides en ligne semblent moins efficaces
Les recherches sur le rôle de l’inférence et des activités mémorielles
dans la compréhension sont compatibles avec les modèles de l’activité mémo-
rielle issus du couplage de la théorie de la Mémoire de Travail à Long Terme
(MTLT) (Ericsson & Kintsch, 1995) et du modèle « construction-intégration »
de Kintsch (1998) pour rendre compte de l’interaction entre le texte et les
structures mémorielles du sujet (Hoareau & Legros, 2006). Ce sont ces structu-
res qui rendent compte de l’effet de l’expérience du sujet, de ses connaissances
antérieures et de son niveau d’expertise sur la compréhension et l’apprentis-
sage (McNamara & al., 1996).
Ces recherches qui concernent conjointement les sciences du langage,
les sciences de la cognition et la didactique nécessitent une étroite articulation
des recherches et des pratiques de terrain (Snow, 2003).

RÉSUMÉ
La compréhension résulte d’une interaction entre un lecteur et un texte, c’est
pourquoi les modalités de remédiation en compréhension portent sur le texte,
sur le lecteur, ou sur le système que forment le lecteur et le texte.
Les aides à la compréhension de texte narratif concernent la lisibilité typogra-
phique et matérielle du texte, mais aussi la mise à disposition du lecteur de res-
sources telles que le résumé du texte lu. L’entraînement à certaines tâches,
comme le jugement d’importance relative des informations, le regroupement
thématique de phrases, la remise en ordre d’énoncés reliés à un thème général
ou la recherche du titre constituent une aide active dans la construction de la
représentation sémantique en facilitant la construction de la cohérence globale
Les aides à la compréhension des textes scientifiques 93

de la signification d’un texte. Elles supposent la construction de la cohérence


globale du texte et permettent d’améliorer la gestion des capacités mnésiques
ainsi que le contrôle du lecteur sur son activité mentale. La mise en œuvre de
procédures métacognitives constitue un pôle essentiel des aides à la compréhen-
sion de texte.
La lecture des textes scientifiques présente une complexité de traitement qui
augmente les difficultés de compréhension. Les aides à la compréhension de ces
textes portent sur les trois niveaux de traitement du texte et concernent l’organi-
sation syntaxique de surface, les unités lexicales composantes de la « base de
texte » et les inférences permettant d’activer les connaissances appartenant au
modèle de situation du texte lu. La simplification syntaxique du texte permet aux
lecteurs de recourir à des traitements automatisés de la forme linguistique et
d’allouer l’essentiel des ressources cognitives disponibles à la construction de la
« base de texte ». Cependant, l’aide la plus efficace consiste à enrichir le modèle
de situation permettant d’accéder aux systèmes de représentation d’un texte et
d’appréhender la chaîne des relations causales et les inférences nécessaires à la
construction du « modèle de situation » du texte.
Le rôle grandissant des technologies de l’information et de la communication
dans les recherches sur l’apprentissage permet d’envisager des aides fondées sur
les fonctionnalités et les usages qu’elles génèrent et notamment l’activation de
liens hypertextes favorisant chez les élèves la construction de nouvelles ressour-
ces cognitives et l’accès au modèle de situation du texte scientifique. L’activité
« médiée » par ordinateur constitue une étape vers l’acquisition de la compé-
tence à construire de manière autonome les inférences causales.

Bibliographie sommaire
Gaonac’h, D. & Fayol, M. (Éds.), (2003). Aider les élèves à comprendre. Paris : Hachette.
Gombert, J.É. (1990). Le développement métalinguistique. Paris : Presses Universitaires de
France.
Hoareau, Y. & Legros, D. (2006). Rôle des contextes culturels et linguistiques sur le dévelop-
pement des compétences en compréhension et en production de textes en L2 en situation
de diglossie. Enfance, 2, 191-199.
94 Aides et remédiations

Jamet, F., Legros, D. & Salvan, C. (2007). Travail collaboratif, déficience intellectuelle et rai-
sonnement causal. Interactions. En ligne : http://www.revue-interactions.fr/revue/pagint/
revue/article.php ?cidarticle=58
Marin B., Avel P., Crinon, J. & Legros, D. (sous presse, 2007). Les aides à la construction
des apprentissages scientifiques. Revue Française de Pédagogie, 160, 119-131.

MOTS CLÉS
! Signification locale
! Signification globale
! Lisibilité
! Hiérarchisation des informations
! Chemin causal
! Événement
! Action
! Ressources cognitives

QUESTIONS
1. Quelle est la différence entre la signification locale et la signification globale
d’un texte ?
2. Comment peut-on évaluer les difficultés de compréhension de récit ?
3. Présentez des méthodes de remédiation à la compréhension de récit.
4. Comment peut-on aider des élèves à construire un résumé de récit ?
5. Quelle est la différence entre un événement et une action ?
6. Pourquoi les textes scientifiques sont-ils plus difficiles à comprendre que les
textes narratifs ?
7. Comment peut-on favoriser la compréhension des textes scientifiques ?
8. Qu’est-ce qu’un texte difficile ?
6 CHAPITRE

Psycholinguistique cognitive
de la production de textes

SOMMAIRE
1. Le modèle princeps de Hayes et Flower (1980)
2. Le rôle de la mémoire de travail
3. Les modèles liés au développement de l’activité
rédactionnelle
4. Les modèles de planification et de révision
96 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

La production d’écrit est une activité mentale qui suppose de la part du


rédacteur des compétences multiples. Celui-ci doit en effet disposer des infor-
mations sur le contenu du texte à produire et des connaissances sur la langue
et les textes nécessaires à leur mise en mots. Les connaissances activées et les
processus de traitement de ces connaissances ont fait l’objet de nombreuses
recherches qui tentent de rendre compte de cette activité complexe. La pré-
sentation des principaux modèles permet de comprendre à la fois les progrès
dans l’analyse et la compréhension de cette activité, mais en même temps de
mesurer l’évolution des cadres théoriques et des méthodes de recherche
qu’elles mettent en jeu.
La rédaction de textes nécessite de mobiliser des connaissances référen-
tielles, (concernant le domaine évoqué par le texte), linguistiques (mettant en
jeu la syntaxe et l’orthographe) et pragmatiques (adaptées aux intentions du
scripteur en fonction du contexte et du destinataire). Cette activité met en
œuvre de nombreux processus qui permettent d’activer le contenu du texte à
produire, d’adopter la forme linguistique la plus adaptée au but de l’écriture et
au destinataire. Parmi ces processus interviennent aussi la relecture et la cor-
rection du texte.
Ces modèles intègrent les différentes opérations entrant dans la produc-
tion de texte, les composantes contextuelles et les caractéristiques du rédac-
teur.

1. LE MODÈLE PRINCEPS DE HAYES ET FLOWER


(1980)
1.1 Présentation du modèle
L’objectif des auteurs est de formaliser l’activité de production de texte. Ce
modèle, élaboré à partir de l’analyse de protocoles verbaux recueillis au cours
de l’activité de rédacteurs experts, prend en compte trois composantes de sta-
tut différent. Les deux premières concernent l’environnement de la tâche et le
rôle de la mémoire à long terme (MLT), et la troisième décrit précisément les
processus rédactionnels.
Le modèle princeps de Hayes et Flower (1980) 97

La première de ces composantes, liée à l’environnement de la tâche,


inclut les contraintes d’écriture. La deuxième composante du modèle est la
MLT. En effet, pour être en mesure de produire un texte, le rédacteur doit
récupérer en MLT des informations afin de les organiser ou de les réorganiser
en élaborant des plans d’action. Les informations stockées en MLT concernent
les connaissances référentielles, le type de texte à produire, l’élaboration d’un
plan de texte et les connaissances pragmatiques.
La troisième composante englobe l’ensemble des processus rédaction-
nels. La planification (planning) permet d’élaborer, à un niveau conceptuel,
un message préverbal correspondant aux idées que le rédacteur veut transmet-
tre La formulation (translating) permet de transformer les ébauches préver-
bales en un message verbal. Enfin, la révision (reviewing), favorise
l’évaluation du texte (en cours d’élaboration ou achevé). La planification, la for-
mulation et la révision sont supervisées par une instance de contrôle (moni-
tor) qui permet l’interaction de ces trois processus.
Dans le modèle révisé de 1981, Hayes et Flower décrivent précisément les
processus. La planification (planning) comprend trois types de plans d’actions
concernant les traitements et les contenus. Le plan « pour faire » (plan to do)
définit les buts rhétoriques et pragmatiques de la rédaction en fonction des
intentions, de la motivation du rédacteur et du texte (narratif, argumentatif,
explicatif…). Le plan « pour dire » (plan to say) organise sous forme de notes,
de brouillon, de plan ou de schéma, le contenu général du texte à écrire. Le plan
« pour rédiger » (plan to compose) est un plan procédural qui favorise la ges-
tion des traitements conceptuels et linguistiques nécessaires à la réalisation.
La planification comprend trois sous-processus. Le premier, ou sous-pro-
cessus de génération (generating) permet de récupérer dans la MLT les conte-
nus sémantiques du texte. Le deuxième sous-processus, dit d’organisation
(organizing), intervient dans la hiérarchisation de ces informations. Ces deux
sous-processus contribuent à l’élaboration du « plan pour dire ». Le troisième
sous-processus, d’établissement de buts (goal setting), a pour fonction d’ajus-
ter les traitements en fonction des objectifs de production du scripteur, en
liaison avec le « plan pour faire ».
La formulation (translating) met en jeu plusieurs opérations de traite-
ment qui assurent deux fonctions. La première consiste à développer chaque
98 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

partie du plan élaboré lors du processus de planification. La seconde vise à tra-


duire linguistiquement le contenu sémantique.
La révision (reviewing) se subdivise en deux sous-processus, la lecture
(reading) et la correction (editing). La lecture permet au scripteur d’évaluer
l’adéquation ou le décalage entre le texte écrit et son but initial, entre le texte
réalisé et le texte visé. L’activité de révision permet d’analyser et de réduire les
écarts entre l’intention du rédacteur et le texte produit.

1.2 Limites du modèle d’Hayes et Flower


Le modèle d’Hayes et Flower demeure une référence, toutefois il a fait l’objet
de critiques nombreuses telles que celles de Berninger et Swanson (1994) ou
celle de Hayes lui-même (1996). Ces critiques concernent d’une part le traite-
ment des connaissances. Les connaissances stockées en mémoire et les proces-
sus d’activation de ces connaissances en MLT sont insuffisamment pris en
compte. D’autre part, ce modèle, qui envisage exclusivement le fonctionne-
ment cognitif de l’expert, ne rend pas compte de la construction progressive
des compétences du scripteur novice et ignore l’aspect développemental.
L’apport des recherches ultérieures a consisté à répondre à ces critiques.
Les nouveaux modèles se sont alors donné pour objectif de préciser le rôle joué
par la mémoire de travail (MDT), comme interface avec la MLT lors de l’activité
de production de texte.

Mémoire á court terme et mémoire á long terme


La mémoire à court terme correspond à un type de mémoire limité en durée et en capacité.
Le nombre d’informations et le temps de rétention de ces informations permettent, par
exemple, de mémoriser pour un temps restreint, un numéro de téléphone.
En revanche, la mémoire à long terme ne présente aucune limitation, aussi bien en ce qui
concerne la durée que le nombre des informations stockées.

2. LE RÔLE DE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL


Une activité aussi complexe que la production d’écrit sollicite fortement la
MDT qui joue un rôle essentiel dans la maîtrise de cette activité. La rédaction
Le rôle de la mémoire de travail 99

suppose en effet la gestion coordonnée de traitements dont le coût cognitif


varie en fonction d’une multitude de facteurs. Ces traitements, très deman-
deurs en ressources attentionnelles, peuvent être économiques lorsqu’ils sont
automatisés.
La MDT permet de stocker temporairement des informations prélevées
en MLT et de les rendre opérationnelles. Le rédacteur dispose de ressources
attentionnelles et de capacités de traitement limitées, et variables en fonction
de son niveau de connaissances, de sa motivation, de son état d’éveil et de sa
concentration. Un sujet ne peut donc conduire en parallèle qu’un nombre
d’opérations cognitives limité. En effet, le coût des traitements ne peut dépas-
ser les ressources attentionnelles disponibles.

2.1 Les travaux de Baddeley


Les limites du modèle princeps de Flower et Hayes tenaient à l’évocation du
rôle des contraintes imposées par le faible empan de la mémoire à court terme
dans la gestion de l’activité de rédaction de texte. Récusant la mémoire à court
terme, considérée comme un module de faible capacité, Baddeley accorde une
grande importance à la MDT dont le rôle est essentiel dans l’activité de produc-
tion de texte. La MDT se situe en effet au cœur de l’activité de production ver-
bale, car elle est l’instance exécutive de la pensée. Elle se place entre
l’intention du sujet et ses systèmes de transmission qui lui permettent d’effec-
tuer les gestes graphiques de l’écriture.
Le modèle de Baddeley (1992) auquel il est fait le plus souvent réfé-
rence vise à décrire le fonctionnement de la MDT. La mémoire de travail est
constituée d’un administrateur central et de deux systèmes « esclaves » : la
boucle phonologique, qui gère le traitement du matériel verbal et le calepin
visuo-spatial, qui traite les composantes visuelles et spatiales des stimulations.
L’administrateur central détermine l’activité des systèmes « esclaves », coor-
donne et hiérarchise leur intervention. Ainsi, lorsqu’un individu effectue une
tâche de production, il doit allouer ses ressources attentionnelles de la manière
la plus judicieuse possible afin d’éviter la situation de surcharge cognitive. Le
rôle de l’administrateur central est alors de répartir au mieux les ressources
dans les autres composantes du système.
100 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

Mémoire de travail

Calepin Administrateur Boucle


visuo-spatial central phonologique

FIGURE 6.1
Modèle de la mémoire de travail (d’après Baddeley, 1992)

Toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de la tâche sont


provisoirement maintenues actives dans la mémoire tampon épisodique.
L’administrateur central joue le rôle d’interface entre la MDT et la MLT. Il mobi-
lise des contenus sémantiques et les processus sur lesquels ils opèrent, et
maintient leur activation en mémoire de travail.
Le modèle de Baddeley a mis en évidence l’importance du rôle de la
mémoire de travail dans l’activité de production. Toutefois, sa description du
fonctionnement de la mémoire de travail est restée globale et peu explicite.

2.2 L’articulation des traitements en mémoire de travail


Kellogg (1996), s’appuyant sur les travaux de Baddeley (1986), a enrichi le
modèle de composantes spécifiques à l’expression orale et écrite. Il a élaboré
un modèle des relations entre les différents processus rédactionnels et les dif-
férents registres de la MDT. Pour cela, il a ajouté trois instances
superordonnées : la formulation (formulation), l’exécution (execution) et le
contrôle (monitoring). Chacun de ces systèmes se décompose en deux pro-
cessus. Ainsi, la formulation, envisagée dans la perspective du modèle prin-
ceps de Hayes et Flower, comprend la planification et la traduction
linguistique. L’exécution intègre la programmation (programming), et l’exé-
cution (executing), motrices du message. La représentation linguistique issue
de la phase de formulation est programmée avant sa transcription en fonction
de l’écriture finale (manuscrite ou dactylographiée). Le contrôle suppose la
Le rôle de la mémoire de travail 101

lecture du texte produit (reading) qui permet de relire et vérifier le message


pendant et après son élaboration. Le second processus, l’édition (editing) per-
met de détecter les problèmes et selon la décision du scripteur, les résout en
proposant une nouvelle édition de ce texte.

Formulation Exécution Contrôle

planifier traduire programmer exécuter lire éditer

Calepin Administrateur Boucle


visuo-spatial central phonologique

FIGURE 6.2
Modèle de la mémoire de travail (d’après Kellogg, 1996)

Lors de la formulation, la planification peut donner lieu à des représenta-


tions multiples, caractérisées par des propositions préverbales, des formes
d’abstractions, des images ou des sensations. Le rédacteur doit ensuite traduire
ces différents éléments sous forme écrite en prenant en compte les éléments
du contexte et en choisissant les unités lexicales et les structures syntaxiques
adéquates.
Lors de la programmation et de l’exécution, le système moteur est impli-
qué dans l’écriture, qu’elle soit manuscrite ou dactylographique. Il est à l’ori-
gine de la traduction des idées et il permet le passage du texte virtuel à un
texte concret, en assurant le contrôle des mouvements des doigts et de la main.
Toutefois, le processus d’exécution et de traduction des idées peut être inter-
rompu par le scripteur qui choisit de réviser son texte en cours de rédaction et
de s’auto-réguler.
102 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

Le coût cognitif de ces systèmes de traitement diffère. Selon Kellogg, la


formulation est la plus coûteuse en MDT dans la mesure où elle mobilise les
processus de planification et de traduction linguistique, contrairement à la
composante d’exécution qui est peu coûteuse. Mais ce coût varie en fonction
du degré d’expertise. En effet, les traitements graphomoteurs ont un coût, et
de ce fait, rendent difficile la mise en œuvre des traitements de planification ou
de formulation.
Kellogg décrit avec une grande précision les interactions entre les systè-
mes et processus de production et les composantes de la MDT. Il insiste sur le
rôle fondamental de l’administrateur central qui interviendrait lors de la plu-
part des processus rédactionnels. Chez le rédacteur expert, le processus d’exé-
cution largement automatisé, n’est pas géré par l’administrateur central. La
boucle phonologique ne serait sollicitée que lors des processus à portée linguis-
tique, tels que l’activité des processus de traduction et de lecture. Le calepin
visuo-spatial interviendrait exclusivement dans la planification. En effet,
d’après Kellogg, le fait de générer des idées et de les récupérer en MLT peut
nécessiter le recours à l’imagerie mentale.
Chacun des six processus décrits par Kellogg utilise des ressources en
MDT. Or en fonction de l’expertise du rédacteur et du type de processus requis,
cette utilisation est plus ou moins importante. Selon McCutchen (1996), pen-
dant le traitement, l’information provenant de la MLT est stockée en MDT qui
assure deux rôles complémentaires : le stockage et le traitement des informa-
tions. Or la production de texte impose des exigences de stockage et de traite-
ment d’informations considérables. Ces deux types d’opérations cognitives sont
concurrentes, et plus les ressources allouées au traitement sont importantes,
moins elles sont disponibles pour leur stockage. La réussite du processus
d’écriture tient à la répartition judicieuse de la gestion des ressources cogniti-
ves entre traitement et stockage. Pour y parvenir, le rédacteur doit être cons-
cient des stratégies qu’il déploie et les déterminer en fonction du coût cognitif
qu’elles supposent, en fonction, notamment, de ses compétences d’écriture et
de son degré d’expertise.
En décrivant le rôle de la MDT dans l’élaboration d’un texte, Kellogg
(1996) apporte une aide précieuse à la compréhension des mécanismes de pro-
duction écrite. Cependant, il ne rend pas compte du rôle de la mémoire de travail
Le rôle de la mémoire de travail 103

Calepin visuo- Administrateur Boucle


Processus de base
spatial central phonologique

Planification X X
Formulation
Traduction X X

Programmation X
Exécution
Exécution X

Lecture X X
Contrôle
Révision X

FIGURE 6.3
Répartition des ressources en mémoire de travail (d’après Kellogg, 1998)

dans le développement des compétences rédactionnelles et ne fournit pas de


propositions concrètes pour accroître les capacités de la MDT. Le modèle ne per-
met pas de rendre compte des différences entre bons et moins bons scripteurs.

2.3 Mémoire de travail et rédaction de textes :


alternatives et évolution
D’autres modèles sont proposés (Alamargot & Chanquoy, 2001) qui reposent
sur une conception de la mémoire de travail différente de celle postulée par
Baddeley (1986). McCutchen (1996) se base sur les relations entre mémoire et
maîtrise rédactionnelle pour expliquer l’augmentation de l’interactivité des
processus rédactionnels avec l’expertise. Ainsi, dans la production de l’expert,
l’automatisation des processus graphomoteurs et d’accès au lexique libère des
ressources cognitives dès lors disponibles et allouables aux processus de plus
haut niveau. Ces processus, fortement contrôlés, sont susceptibles de fonction-
ner en parallèle.
Kellogg (1999) et McCutchen (2000) recourent à la conception de la
MDT à long terme (Ericsson & Kintsch, 1995) pour rendre compte de l’activité
du scripteur enfant et adulte. Ce registre fortement stratégique de la MDT à
long terme, intermédiaire entre la MDT et la MLT permettrait au rédacteur
104 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

d’encoder l’ensemble des connaissances impliquées dans l’activité, puis de les


récupérer et de les utiliser avec un faible coût cognitif. Cependant, si ces pro-
positions fournissent des données théoriques sur la dynamique des traite-
ments, le développement de l’expertise rédactionnelle et l’automatisation de
certains processus, elles restent pour le moment spéculatives et n’envisagent
pas l’aspect développemental de la production en fonction de l’accroissement
de l’âge et de l’expertise du scripteur.

3. LES MODÈLES LIÉS AU DÉVELOPPEMENT


DE L’ACTIVITÉ RÉDACTIONNELLE
L’activité rédactionnelle est soumise aux compétences du scripteur qui évo-
luent en fonction de son développement. Le fait que certaines opérations
cognitives soient automatisées libère des ressources en MDT pour d’autres
opérations mentales. C’est le cas de la transcription graphomotrice, très coû-
teuse en ressources cognitives chez le jeune enfant. Le coût de certains traite-
ments, comme l’exécution des lettres, diminue en fonction de l’expertise du
scripteur. Très élevé chez le jeune enfant, il devient négligeable chez l’adulte.
Pour mesurer l’importance du coût de la transcription chez le scripteur débu-
tant, une stratégie a été mise au point, celle de la double tâche (Olive & Piolat,
2003). Elle consiste à mettre un adulte dans une situation d’écriture complexe
où il doit par exemple, écrire un texte en n’utilisant que des majuscules. Les
ressources attentionnelles mobilisées par cette double tâche se soustraient à
celles restées disponibles pour effectuer l’ensemble de la rédaction.

3.1 L’activité de production des scripteurs experts :


les travaux de Bereiter et Scardamalia (1987)
Le modèle de Bereiter et Scardamalia (1987) décrit deux stratégies d’utilisa-
tion des connaissances qui rendent compte des traitements opérés par des
scripteurs âgés de 9 à 16 ans et par des scripteurs adultes.
Les jeunes scripteurs utilisent la « stratégie des connaissances
rapportées » (knowledge telling strategy). Cette stratégie consiste à récupé-
Les modèles liés au développement de l’activité rédactionnelle 105

rer dans la MLT des connaissances et à les transcrire directement en mots, sans
réorganisation de la forme linguistique ni du contenu conceptuel. Les textes
ainsi produits sont constitués de juxtapositions de phrases qui reflètent la
structuration des connaissances du rédacteur.
En revanche, les rédacteurs plus experts ne se satisfont pas d’une simple
transcription de ces connaissances. Ils ont recours à la « stratégie des connais-
sances transformées » (knowledge telling strategy) qui suppose la capacité
de réorganiser ces connaissances afin de les rendre compatibles avec les con-
traintes thématiques et rhétoriques liées à une intention spécifique. Cette
transformation du contenu et de la mise en forme linguistique suppose le déve-
loppement des compétences de planification du contenu du texte pour attein-
dre des buts de plus en plus complexes. Elle s’apparente à une activité de
résolution de problèmes au coût cognitif important qui nécessite d’augmenter
l’empan de la mémoire de travail pour maintenir actives les contraintes liées à
la tâche. La « stratégie des connaissances transformées » s’acquiert progressi-
vement et devient efficace vers l’âge de 16 ans. Les rédacteurs, devenus capa-
bles de prendre en compte des contraintes supplémentaires, parviennent à
produire des textes plus élaborés que ceux des scripteurs novices. De surcroît,
l’analyse que les scripteurs experts font de la situation de communication et la
réorganisation des connaissances à laquelle ils procèdent leur fait acquérir des
compétences supplémentaires lors de l’activité d’écriture.
Ce modèle constitue une avancée considérable dans la compréhension
de l’activité rédactionnelle dans son ensemble, mais il reste d’une portée géné-
rale. D’autres modèles développent des analyses plus fines et plus spécifiques
en approfondissant l’étude de processus rédactionnels en développement chez
le rédacteur novice.

3.2 Le modèle développemental de Berninger et Swanson


Le modèle développemental de Berninger et Swanson (1994) concerne la mise
en place des processus rédactionnels chez les scripteurs novices. Il décrit la
mise en place progressive des compétences rédactionnelles chez l’enfant de 5 à
10 ans. Ces auteurs distinguent trois phases de développement liées à trois
processus de production du texte, telles que Hayes et Flower les avaient
106 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

modélisées : planification, formulation et révision. Toutefois, la focalisation des


recherches de Berninger et Swanson sur les jeunes scripteurs les conduisent à
un infléchissement du modèle en modifiant l’ordre des processus mis en œuvre
dans l’activité rédactionnelle novice. Le premier processus auquel ils s’intéres-
sent concerne alors la formulation, qu’ils décomposent en deux sous-proces-
sus, l’exécution (transcription) et la génération de texte (text generation).
En effet, dans l’accès à la production de texte, le jeune enfant met d’abord en
œuvre le sous-processus d’exécution, plus facilement accessible : il est capable
de recopier mécaniquement un mot alors même qu’il ne dispose encore
d’aucune compétence de génération de mot ou de texte, ce qui intervient pro-
gressivement, une fois le processus d’exécution entièrement automatisé. Le
deuxième processus mis en œuvre est la révision, fort peu mobilisée chez le
très jeune scripteur ; elle se limite à des corrections de surface engageant
essentiellement l’orthographe et la ponctuation. Le troisième processus, la pla-
nification du texte à produire, intervient plus tardivement dans le développe-
ment des compétences en production et se complexifie progressivement en
fonction de l’âge de l’enfant (voir Piolat, 2004).
Le modèle développemental s’intéresse essentiellement à l’activité de
formulation et accorde une moindre importance à la planification et à la révi-
sion. Ces processus sont modélisés plus spécifiquement à partir de la produc-
tion de texte de rédacteurs experts.

4. LES MODÈLES DE PLANIFICATION


ET DE RÉVISION
4.1 Les modèles de planification
4.1.1 Le modèle de Flower, Shrivey, Carey, Haas et Hayes (1989)
L’analyse du processus de planification, initialement défini par Hayes et Flower
(1980) et Flower et Hayes (1980) a été approfondie dans les modèles ulté-
rieurs. Flower, Shrivey, Carey ; Haas et Hayes (1989) s’intéressent à l’activité
de scripteurs adultes et distinguent plusieurs stratégies de planification con-
cernant les traitements et les contenus.
Les modèles de planification et de révision 107

Selon ces auteurs, les rédacteurs experts ont la possibilité de combiner


le « plan pour faire » et le « plan pour dire » décrit par Hayes et Flower (1980)
pour établir une stratégie de planification « constructive » (constructive plan-
ning), de plus haut niveau. Ce plan contrôlerait l’ensemble du processus
rédactionnel ainsi que chacune de ses étapes. La planification « constructive »
constituerait un « réseau de buts du travail » (network of working goals) per-
mettant de planifier toutes les composantes de la rédaction (le contenu, la
manière de le développer en fonction de son destinataire, etc.).
Toutefois, le mode de « planification constructiviste » est d’un coût
cognitif élevé, c’est pourquoi les auteurs envisagent la possibilité de rédiger un
texte en mettant en œuvre des traitements plus économiques et plus locaux où
l’élaboration du contenu du texte peut être, par exemple, guidée par l’applica-
tion d’un plan ou d’un schéma de texte (schema driven), ou encore par les
connaissances du rédacteur sur le domaine (knowledge driven).

4.1.2 Le modèle de Hayes et Nash (1996)


Hayes et Nash (1996) ont proposé une définition analytique de la planification
rédactionnelle après avoir effectué le bilan de l’ensemble des définitions asso-
ciées à ce processus parmi les différents modèles. Ils décomposent cette plani-
fication qu’ils nomment planning in writing en un ensemble hiérarchisé
d’activités de planification concernant différents types de compétences. Ils
opposent la planification des processus (process planning) focalisée sur les
connaissances procédurales du rédacteur à la planification textuelle (text
planning) centrée sur le contenu du texte élaboré et son influence sur le des-
tinataire.
La planification textuelle se décompose en une planification abstraite
(abstract planning), qui génère des idées sans spécification linguistique, et
une planification langagière (language planning) qui permet de produire un
texte conforme aux règles de la syntaxe. La planification langagière équivaut à
l’étape de la formulation du modèle de production de texte de Hayes et Flower
(1980).
La planification abstraite se subdivise en deux types de planification, une
planification hors contenu (non-content planning) et une planification du
contenu (content planning) qui renvoient pour la première, au « plan pour
108 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

faire » et pour la seconde, au « plan pour dire » du modèle princeps de Hayes


et Flower.
Ces différentes planifications se caractérisent par la nature des traite-
ments et des opérations mentales auxquelles les scripteurs sont supposés pro-
céder. Ainsi, ces auteurs distinguent au sein de cette hiérarchie trois types de
« méthodes de planification » (planning methods). La première de ces métho-
des, la planification par abstraction (planning by abstraction) intervient au
moment de la génération et de l’organisation des idées qu’elle conduit à struc-
turer sans prendre en compte la traduction linguistique des contenus. La
deuxième méthode ou planification par analogie (planning by analogy) per-
met de transposer des connaissances stockées en mémoire en les réactivant.
Par exemple, la connaissance des étapes du schéma narratif permet au rédac-
teur de convoquer une structuration préétablie et de l’activer pour produire
son propre texte. La troisième méthode ou planification par modélisation
(planning by modeling) porte sur tous les éléments nécessaires à la formali-
sation linguistique de la rédaction, tels qu’ils apparaissent, par exemple, dans le
processus de formulation. Produire une phrase suppose en effet de planifier
mentalement toutes ses composantes en établissant le modèle de cette phrase.
La revue de Hayes et Nash (1996) fait apparaître le caractère extrême-
ment complexe et stratégique de la planification dans l’activité de production
de texte. La diversité des modes de traitement mis en jeu explique l’hétérogé-
néité des définitions proposées par les auteurs.
Les sous-processus de récupération et d’organisation des connaissances
référentielles ne représentent qu’une partie minime des traitements impliqués
lors de la planification qui doivent faire dès lors l’objet d’une exploration plus
approfondie.
Par ailleurs les opérations mentales analysées dans le modèle de Hayes
et Nash correspondent à des processus dépassant le cadre strict de la planifica-
tion. Elles relèvent en effet de domaines plus vastes et plus généraux tels que
la réflexion, le raisonnement, la construction de connaissances et la résolution
de problèmes. C’est pourquoi il importe d’aborder la planification de manière
plus spécifique et plus différenciée en la déconnectant des modèles de produc-
tion de texte.
Les modèles de planification et de révision 109

4.2 Les modèles de révision


La production de texte n’est pas toujours achevée à l’issue de la rédaction. Le
scripteur dispose de la possibilité de revenir sur son texte pour l’améliorer.
Cette procédure, nommée révision consiste à apporter d’éventuelles modifica-
tions à un texte rédigé ou en cours de rédaction. Plusieurs modèles correspon-
dant à des conceptions différentes de la révision ont été élaborés. Ils sont
présentés chronologiquement en fonction de leur degré de complexification
croissante.

4.2.1 Les modèle de révision de Bereiter et Scardamalia (1983)


La procédure élaborée par Bereiter et Scardamalia et nommée CDO (compare,
diagnose, operate) envisage l’action du scripteur sur son texte. Il est supposé
comparer (compare) le texte écrit au texte qu’il a planifié mentalement en
évaluant l’écart entre un texte intentionnel, la représentation de ce texte et la
version effectivement écrite. Le processus de diagnostic (diagnose) le conduit
à cerner l’origine des écarts entre le texte souhaité et le texte écrit. Enfin, le
processus de réalisation (operate) vise à mettre en œuvre les modifications
requises par les deux procédés antécédents.
Cependant, ce modèle n’explicite pas les opérations cognitives engagées
au cours de la révision de texte.

4.2.2 La complexification du modèle : Flower, Hayes, Carey, Shriver


et Stratman (1986)
Le modèle de Flower, Hayes, Carey, Shriver et Stratman (1986) a pour visée de
préciser le fonctionnement des processus et opérations mentales engagés lors
de la révision. Il répertorie les connaissances impliquées dans le traitement de
l’information. La révision apparaît alors comme une activité délibérée que le
scripteur peut ou non mettre en œuvre en fonction de ses objectifs, de l’état
d’avancement de son texte et de ses compétences rédactionnelles.
Le choix d’une stratégie de révision est lié à l’appréhension du problème
détecté par le scripteur à l’issue de la relecture de son texte. Il s’agit pour lui de
lire pour comprendre, évaluer, identifier et sérier les problèmes essentiels. Plu-
sieurs solutions s’offrent alors à lui : ignorer la difficulté, différer l’effort pour la
110 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

résoudre, rechercher des informations en mémoire ou dans le texte pour mieux


comprendre ce problème, réécrire un fragment du texte ou le réviser en pré-
servant la première strate d’écriture.
Le modèle de Flower et al. prend en compte la diversité des modifica-
tions opérées par un scripteur se livrant à la réécriture de certains aspects de
son texte initial. Ces modifications concernent le type d’opérations réalisées
pour parvenir à ce but (addition, suppression ou substitution de mots, de grou-
pes de mots ou de phrases, modification d’une partie du texte, etc.). Elles
interviennent à un niveau textuel donné, soit en surface du texte, soit en pro-
fondeur, se situent à un endroit déterminé du texte (début, milieu ou fin) et
dans une phase de sa composition (élaboration du plan, du brouillon, de la ver-
sion finale ou lors d’une étape spécifiquement révisionnelle).
Le modèle de révision de Flower et al. marque une avancée importante
des recherches. Il étudie le processus de révision dans sa spécificité et indé-
pendamment de ses interactions avec les autres processus de production
écrite.

4.2.3 Le modèle de Butterfield, Hacker et Albertson (1996)


Ce modèle de révision fait intervenir deux composantes. D’une part, il inclut
l’environnement du scripteur ou de la tâche qui englobe les dimensions rhétori-
ques et pragmatiques de la production, comme dans le modèle de Hayes et
Flower (1980) (consignes, thème, visée communicative, enjeux de révision,
etc.). D’autre part, il prend en compte le système de traitement en distinguant
la MDT de la MLT où ont lieu les traitements contrôlés. Ces traitements assu-
rent l’établissement d’une représentation des textes et des problèmes rhétori-
ques qui leur sont associés, la détection et le diagnostic des problèmes textuels
et l’établissement de stratégies destinées à les résoudre. En revanche, le regis-
tre de MLT permet de libérer des ressources en mémoire de travail en assurant
le stockage du matériel textuel déjà révisé.
La MLT est caractérisée par un double niveau de fonctionnement, le
niveau cognitif et le niveau métacognitif.
Le niveau cognitif assure le stockage des connaissances (référentielles,
linguistiques et auto-évaluatives) et des stratégies requises par l’activité de
Les modèles de planification et de révision 111

révision et la représentation du texte en cours de révision. Les stratégies d’éva-


luation du texte à réviser permettent la relecture d’un passage difficile, le
retour en arrière, les prédictions sur le texte en gestation et la comparaison de
plusieurs possibilités de révision. De même, les stratégies de contrôle-régula-
tion assurent la synthèse et la clarification de l’information véhiculée par le
texte grâce auxquelles le texte peut être corrigé. Les procédures automatisées
sont réalisées en MLT avec un faible coût cognitif en mémoire de travail. Au
contraire, le déroulement des procédures délibérées et contrôlées qui s’opère
dans la mémoire de travail du scripteur-réviseur est contraint par les ressour-
ces limitées de celle-ci.
Le niveau métacognitif stocke des « modèles de connaissances » ainsi
que des « modèles sur les connaissances ». En les confrontant à son texte, le
rédacteur peut comprendre et analyser les stratégies et les connaissances qu’il
a mobilisées pour produire son texte. Le « superviseur » (monitoring) assure
le transfert des traitements cognitifs au niveau métacognitif. Il permet ainsi au
scripteur-réviseur de procéder à l’analyse métacognitive des traitements qu’il
aura effectués au niveau cognitif. Inversement, le « contrôle » assure le trans-
fert de la réflexion métacognitive vers un niveau d’opérationnalisation du trai-
tement cognitif.
La fonction des compétences métacognitives apparaît essentielle dans
l’activité de rédaction de texte. En effet, les difficultés des scripteurs à réviser
leur texte ne sont pas exclusivement imputables à l’insuffisance ou à l’absence
des connaissances et des stratégies requises ; elles peuvent également être
déterminées par l’impossibilité métacognitive de contrôler et de coordonner
des connaissances et des stratégies pourtant disponibles.
112 Psycholinguistique cognitive de la production de textes

RÉSUMÉ
Le modèle princeps de Hayes et Flower, élaboré à partir de l’analyse de protoco-
les verbaux recueillis au cours de l’activité de rédacteurs experts, s’intéresse aux
contraintes de l’écriture et au rôle de la MLT. Il décrit précisément les processus
rédactionnels en les décomposant en sous-processus de planification, de formu-
lation et de révision. Puis, les modèles se complexifient. Baddeley précise le rôle
joué par la MDT, en interface avec la MLT lors de l’activité de production de
texte. Kellogg y intègre six processus : planifier, traduire / programmer ;
exécuter / lire, éditer.
Le modèle de Bereiter et Scardamalia décrit les compétences évolutives du
scripteur correspondant à deux stratégies d’utilisation des connaissances par des
scripteurs novices et experts : la knowledge telling strategy et la knowledge
transforming strategy. Berninger et Swanson décrivent la mise en place progres-
sive des compétences rédactionnelles chez l’enfant de 5 à 10 ans, en s’intéressant
essentiellement à la formulation. En ce qui concerne la révision, la procédure
CDO élaborée par Bereiter et Scardamalia envisage l’action du scripteur sur son
texte, qui le conduit à cerner l’origine des écarts entre le texte souhaité et le
texte écrit pour mettre en œuvre les modifications nécessaires. La révision peut
consister en différentes opérations, comme l’addition, la suppression ou la subs-
titution de mots. Le niveau métacognitif a une grande importance, car il permet
au rédacteur de contrôler et coordonner des connaissances disponibles,
lorsqu’elles n’ont pas été activées au niveau cognitif.

Bibliographie sommaire
Baddeley, A. D. (1992). La mémoire humaine, théorie et pratique. Presses Universi-
taires de Grenoble.
Fayol, M. (1997). Des idées au texte : Psychologie cognitive de la production verbale,
orale et écrite. Paris : PUF.
Fayol, M. (2007, sous presse). L’approche fonctionnelle de la production verbale
écrite. Où en sommes-nous ? In M. Kail, M. Hickmann & M. Fayol (Éds),
Apprentissage des langues premières et secondes. Paris : CNRS.
Les modèles de planification et de révision 113

Piolat, A. & Pélissier, A. (1998). La rédaction de textes. Approche cognitive. Neuchatel,


Paris : Delachaux & Niestlé.
Piolat, A. (2004). Approche cognitive de l’activité rédactionnelle et de son acquisition. Le
rôle de la mémoire de travail. LINX (Linguistique Institut Nanterre Paris X), 51, 55-
74.

MOTS CLÉS
! Formulation
! Mémoire de travail
! Mémoire à long terme
! Mise en mots
! Planification
! Programmation
! Révision
! Ressources cognitives

QUESTIONS
1. Quelles sont les trois composantes du modèle princeps de Hayes et Flower ?
2. Quels sont les sous-processus de l’activité rédactionnelle dans ce modèle ?
3. En quoi consiste l’apport du modèle de Baddeley ?
4. Quel est le rôle de la mémoire de travail dans le modèle de Kellogg ?
5. Quelles sont les contraintes prises en compte par les modèles de
développement ?
6. Expliquez la différence de traitement dans l’activité de rédaction chez le
novice et chez l’expert.
7. Quels sont les principaux modèles de planification ?
8. Sur quels principes repose le processus de révision ?
7 CHAPITRE

Aides à la production de textes

SOMMAIRE
1. Les aides à la production des textes narratifs
2. Les aides à la production des textes scientifiques
116 Aides à la production de textes

Dans le cadre des aides à la production d’écrit, les systèmes d’assistance


concernent pour la majeure partie la réécriture et la révision de textes. Ces
aides prennent en compte les processus et les sous-processus à l’origine des
difficultés de l’apprenti scripteur et proposent des stratégies compensatoires.
Les difficultés de l’apprenti scripteur tiennent à l’insuffisance de ses con-
naissances sur le domaine évoqué par le texte qu’il a l’intention de rédiger
(Scardamalia & Bereiter, 1986). Disposant de peu d’informations en mémoire, il
ne peut pas activer suffisamment de connaissances pour alimenter son écri-
ture. C’est pourquoi, lors de la réécriture, il ne réussit pas à éliminer de son
texte les éléments non pertinents, alors que l’expert est capable, au contraire,
d’activer plus de connaissances qu’il n’en utilisera.
Les systèmes d’assistance individualisée à la production écrite consis-
tent à fournir aux élèves des bases de connaissances et des outils d’aide à la
mobilisation de ces connaissances. La conception des systèmes d’aide à la réé-
criture varie en fonction du type de texte produit et des processus mis en
œuvre au cours de l’activité de révision. C’est pourquoi nous nous intéresse-
rons à deux grandes catégories d’écrit, les textes narratifs et les textes scienti-
fiques.

1. LES AIDES À LA PRODUCTION DES TEXTES


NARRATIFS
1.1 Du traitement linguistique au traitement sémantique
Les systèmes d’aide à la production de textes narratifs visent à faciliter la
détection et la correction des erreurs de surface, liées à la microstructure, mais
ils permettent aussi de repérer les incohérences textuelles. Ils facilitent ainsi,
dans la révision des récits, le traitement des informations les plus importantes,
qui appartiennent à la macrostructure. Les systèmes d’assistance à la révision
de texte ont pour but de focaliser prioritairement l’attention des élèves sur le
retraitement des informations au niveau de la composition du texte ; en effet,
lorsque les élèves se trouvent en situation d’écriture autonome et sans assis-
Les aides à la production des textes narratifs 117

tance, ils ont le plus souvent tendance à effectuer des reprises limitées à la réa-
lisation linguistique de leurs écrits.
La faible prise en compte du contenu sémantique dans l’activité sponta-
née de (re)traitement de la production d’écrit a conduit les chercheurs à con-
cevoir des systèmes d’aide permettant de mettre en évidence la nécessité pour
le scripteur d’agir sur le texte à ce niveau macrostructurel.

1.2 Des systèmes d’aides informatisés


Des systèmes de questionnement informatisé ont été conçus et testés
expérimentalement ; des systèmes simulant l’auto-questionnement et l’auto-
évaluation permettent d’orienter l’attention de l’apprenti scripteur sur le con-
trôle du niveau sémantique et non plus seulement sur le niveau de la surface
textuelle (Piolat & Roussey, 1995).
Certains de ces systèmes, conçus d’après le modèle du comportement de
l’expert, ont pour but de fournir une facilitation procédurale et une assistance à
la métacognition. Ils facilitent l’analyse des stratégies, processus et sous-pro-
cessus impliqués dans l’activité de réécriture : fixation des buts et des contrain-
tes, lecture et définition des problèmes rencontrés, sélection et exécution
d’une stratégie de révision.
Quelques-uns de ces systèmes d’assistance (Piolat & Roussey, 1992)
proposent des tâches de correction d’erreurs implantées ou de complètement
de récits à phrases manquantes, et ont pour but d’aider les scripteurs novices à
apprendre à réécrire et à transformer un texte incomplet en fonction de sa
cohérence sémantique globale.
Les environnements d’aide informatisée à la réécriture sont plus utiles
aux scripteurs novices qu’aux scripteurs experts, qui diagnostiquent et corri-
gent seuls la plupart des problèmes de forme linguistique (Hayes, Flower,
Schriver, Stratman & Carey, 1987). Toutefois, ils ne semblent pas avoir d’effet
probant sur la réécriture des élèves les plus faibles qui ont tendance à privilé-
gier le (re)traitement de la surface textuelle de leur premier jet d’écriture.
118 Aides à la production de textes

1.3 Réécrire avec une base de données textuelle


1.3.1 Description des fonctionnalités du logiciel
Dans la perspective de la révision de textes narratifs, les banques de données
textuelles ont pour but de fournir aux scripteurs novices des ressources sous la
forme de récits ou de fragments de récits conformes au modèle de l’expert
pour les aider à améliorer la première version de leur production d’écrit.
Un logiciel d’expérimentation pour le cycle 3, Scripertexte (voir Crinon
& Pachet, 1995), fournit des ressources textuelles destinées à faciliter la réécri-
ture de récits d’expérience personnelle. Ces ressources sont constituées d’une
base d’environ 250 extraits de romans dont les élèves peuvent s’inspirer pour
améliorer leur propre récit. Ils ont accès à ces textes à partir de différents des-
cripteurs qui correspondent à des critères de recherche. Ces descripteurs per-
mettent d’adopter une entrée thématique (une bagarre, la cour de récréation,
disputes entre filles …), énonciative (récit au présent, récit au passé, récit à la
première personne du singulier, dialogues…) et rhétorique (mettre en scène
un conflit, créer un effet de suspense, susciter de l’émotion…) à partir d’un
thésaurus.
Les utilisateurs du logiciel peuvent y puiser des mots, des procédures
syntaxiques ou stylistiques pour améliorer la forme et la cohésion de leur pre-
mier jet ; mais ces textes peuvent aussi activer un « modèle mental ». Le pro-
duit de la réécriture constitue ainsi une trace de la restructuration du « modèle
mental » initial de l’élève. Il permet de constater l’influence de la consultation
d’une base de données textuelle sur le retraitement des structures sémantiques
locales et globales et ses effets sur la réécriture (Crinon & Legros, 2002).

1.3.2 Retraitement du texte


La base de données informatique permet de combler le manque de connaissan-
ces linguistiques et textuelles des élèves, et notamment des plus faibles, qui
tirent le plus grand parti de la base de données textuelle. L’aide informatique
propose aux scripteurs les ressources linguistiques et les connaissances du
monde qui leur font défaut. Elle favorise, non seulement l’emprunt, mais sur-
tout l’élaboration de créations intégrées au premier jet du texte produit et la
mise en œuvre des modifications locales, microstructurelles devant accompa-
Les aides à la production des textes narratifs 119

gner les créations ou les emprunts effectués à partir de la base de données tex-
tuelle.
La base de connaissances externe constituée par l’ensemble des textes
consultés par les élèves joue le rôle d’une mémoire externe suppléant l’absence
d’informations indispensables à la réalisation d’une tâche d’écriture. Elle faci-
lite la transformation sémantique des informations empruntées, leur adaptation
au contenu du premier jet du texte produit et la production d’informations
nouvelles.
Le logiciel d’expérimentation Scripertexte semble favoriser l’activation
et la mise à jour du « modèle mental » initial sous-jacent au texte du premier
jet, et permettre de gérer les activités d’interprétation et de verbalisation de ce
modèle, c’est-à-dire le niveau sémantique global de leur texte.
L’efficacité de telles bases de données textuelles paraît liée à la conjugai-
son de deux facteurs, d’une part le mode de consultation attractif, sur écran
d’ordinateur et, d’autre part, le nombre élevé de textes disponibles. Ce second
facteur place le sujet dans une situation favorable à la mise en œuvre des habi-
letés métacognitives. Il est en effet contraint d’élaborer une représentation
mentale de son propre texte avant de planifier sa recherche dans la base de
données, en fonction de cette représentation. Or la possibilité de confrontation
d’une série de textes utiles à la révision, car proches du modèle de son propre
texte, dépend de l’exactitude de la représentation mentale qu’il en aura cons-
truite.
Les systèmes d’aides offrent des perspectives alternatives pour l’ensei-
gnement/apprentissage de la production de textes. Ils permettent de dévelop-
per des capacités de production par la lecture de textes, plus efficaces que
l’étude de la grammaire et la pratique répétée de la composition rédigée (Des-
chênes, 1988).

1.3.3 Aides et processus d’écriture


Le système d’aide fourni par la confrontation du texte en train de s’écrire et de
textes proches, conformes au modèle de l’expert, fonctionne sur un mode de
traitement de type analogique. Ses effets sur l’écriture sont liés à l’allègement
de la charge mentale de la révision grâce à une confrontation entre la première
120 Aides à la production de textes

version du texte du scripteur et plusieurs textes « modèles ». Le système per-


met ainsi de résoudre la difficulté pour le sujet à se décentrer de sa propre pro-
duction et à l’évaluer efficacement, bien que de manière non explicite, à
l’inverse des systèmes de questionnement informatisés (Espéret, 1991 ; Piolat,
1991) ou des stratégies d’autoquestionnement (Daiute & Kruidenier, 1985).
La situation de réécriture est une situation de relance de l’écriture et de
retour sur le texte. Les élèves sont donc plus sensibles à la dynamique du récit,
c’est-à-dire aux actions qui constituent la trame narrative. L’utilisateur de la
base de données continue à planifier, en se servant des critères d’interrogation
de la base de données textuelle : il peut décider d’introduire ou de développer
une « dispute », d’insérer des « dialogues » ou de créer de l’ » émotion ». Tout
se passe comme si la lecture des textes à la fois fournissait à l’élève l’image de
solutions à des problèmes qu’il se posait et provoquait de nouveaux problèmes,
générateurs de la complexification et de l’enrichissement de la représentation
du texte.
L’élève n’utilise plus une simple « stratégie de connaissances
racontées », c’est-à-dire recouvrées et transcrites pas à pas, mais une
« stratégie des connaissances transformées » (Scardamalia & Bereiter, 1986). Il
procède à une structuration et à une adaptation des idées récupérées pour les
rendre compatibles avec le modèle sous-jacent au premier jet (voir Piolat,
Isnard & Della Valle, 1993).
La réécriture des élèves dans cette situation d’assistance informatisée
apparaît moins comme un acte de révision qu’un moment de la création du
texte générée par le renforcement du lien entre les sous-processus intercon-
nectés (Hayes & Flower, 1980).
Pour des scripteurs novices, la reconceptualisation d’une production
d’écrit ne peut en effet intervenir que si la réécriture met en jeu l’ensemble des
sous-processus, c’est-à-dire si la planification, la mise en mots et la révision
agissent de manière récursive. C’est pourquoi les pratiques de classes en
matière d’entraînement à la révision de texte devraient porter sur la réécriture
dans son ensemble et mettre en œuvre des procédures focalisées sur la signifi-
cation.
Les aides à la production des textes scientifiques 121

2. LES AIDES À LA PRODUCTION DES TEXTES


SCIENTIFIQUES
Les aides à la production de textes scientifiques, telles qu’elles sont dévelop-
pées dans cette section accordent un statut particulier à l’activation et à la
construction des connaissances nécessaires à la représentation proposition-
nelle du texte — état, événement, action, processus —, à partir de laquelle
sont produites les structures morphologiques, lexicales et syntaxiques néces-
saires à l’encodage des propositions (Frederiksen & Donin, 1991). Elles pren-
nent en compte l’aide à l’élaboration d’inférences dans le cadre de contextes
d’apprentissage diversifiés où la mémoire joue un rôle important dans l’activa-
tion des connaissances pré-construites et l’élaboration de la « base de texte ».
Ce rôle, qui varie selon les contextes linguistiques et culturels des appre-
nants, appelle diverses modalités d’aide à la production de textes, pouvant se
constituer en ressources spécifiques.

2.1 De la telling knowledge strategy à la transforming


knowledge strategy
Pour rendre compte du développement de l’expertise dans le domaine de la
production écrite, McCutchen (2000) propose le cadre théorique de la
mémoire de travail à long Terme (MTLT) (Ericsson & Kintsch, 1995). La modé-
lisation de la double stratégie, la knowledge telling strategy et la knowledge
transforming strategy (Bereiter & Scardamalia, 1987) permettent de rendre
compte du développement des compétences du scripteur en fonction de l’acti-
vité mnésique.
Selon ce modèle, la knowledge telling strategy est articulée autour de
trois composantes nécessaires à l’activité d’écriture. La première concerne la
représentation des instructions (mental representation of assignement) qui
permet au scripteur d’appréhender la tâche et de guider l’ensemble de l’activité
d’écriture. La deuxième est constituée par les connaissances sur le domaine
évoqué par le texte (content knowledge) et les connaissances discursives
(discourse knowledge) permettant de formaliser le contenu sémantique du
122 Aides à la production de textes

texte à produire. La troisième composante, ou processus d’écriture


(knowledge telling process) permet la verbalisation du texte à produire en
fonction des objectifs et des connaissances du scripteur.
La knowledge telling strategy, qui correspond à la stratégie du scrip-
teur novice, se caractérise par la production d’un texte sans aucune réélabora-
tion de son contenu, ni des connaissances sous-jacentes. Elle permet d’assurer
une cohérence locale, mais aucune cohérence globale de la production d’écrit.
Au contraire, la knowledge transforming strategy, caractéristique du
comportement du scripteur expert, correspond à une activité de transforma-
tion permettant l’appropriation et la réélaboration du contenu d’un texte. Cette
stratégie possède les trois composants présents dans la knowledge telling
strategy. Cependant, le scripteur qui utilise la knowledge transforming stra-
tegy met en œuvre des opérations mentales complexes, comme la résolution de
problème, qui le conduit à reconceptualiser son texte pour en effectuer la tra-
duction linguistique en fonction de sa représentation mentale des instructions
et de ses différents registres de connaissances.

Knowledge telling strategy et knowledge transforming strategy


La Knowledge telling strategy correspond à la stratégie du novice qui traite l’information au
niveau de la microstructure. Cette stratégie se traduit par l’utilisation à l’identique des
informations prélevées, sans aucun retraitement.
La knowledge transforming strategy, en revanche, correspond à la stratégie de l’expert qui
traite l’information au niveau sémantique et se l’approprie en effaçant les marques linguis-
tiques du contexte où elles ont été prélevées.

Le développement de l’expertise en écriture est considéré comme un


passage progressif de la telling strategy à la transforming strategy via des
stratégies intermédiaires (voir Chanquoy & Alamargot, 2002). La transfor-
ming knowledge strategy permet au scripteur expert de réaliser des traite-
ments le conduisant à modifier l’organisation de ses connaissances en mémoire
à long terme (MLT) afin de produire un texte cohérent.
Toutefois, la dissociation de la mémoire de travail à long terme (MTLT)
et de la mémoire de travail à court terme (MTCT), au niveau de l’interface avec
les connaissances stockées en MLT, permet également de rendre compte des
Les aides à la production des textes scientifiques 123

stratégies de production du scripteur novice et de proposer des pistes de


réflexion fécondes pour l’élaboration de procédures d’aides à l’écriture inté-
grant le rôle de la mémoire.

2.2 Le contexte plurilingue : la nécessité de ressources


spécifiques
L’activité de construction de connaissances sous-jacente à la production de tex-
tes scientifiques ne peut s’envisager indépendamment de la diversité des con-
textes culturels et linguistiques des apprenants (Cogburn & Smith, 2000). Le
contexte culturel influence en effet le style et les processus cognitifs des appre-
nants, et doit donc être pris en compte dans les activités d’apprentissage/ensei-
gnement (Timm, 1999).
Face à des publics d’enfants côtoyant des milieux culturels et linguisti-
ques multiples, les modèles de référence explicites culturellement marqués
rendent plus difficile l’accès à la compréhension. Ainsi, un grand nombre de dif-
ficultés d’apprentissage ne sont plus à rechercher dans des dysfonctionnements
cognitifs des élèves, mais dans des modèles de référence ethnocentrés, souvent
inadaptés aux enfants aux appartenances sociales et culturelles de plus en plus
hétérogènes. Les données disponibles de la recherche permettent en effet de
constater que les apprenants traitent l’information en fonction des connaissan-
ces construites dans leurs contextes culturels et linguistiques, et qu’ils adaptent
leurs stratégies d’apprentissage en fonction de ces différents contextes.
En contexte pluriculturel et plurilingue, les relations existant entre le
développement des compétences dans les domaines de la compréhension et de
la production écrite ont une importance plus forte que dans les situations
d’apprentissage monolingues. C’est pourquoi ces situations d’apprentissage/
enseignement complexes nécessitent des aides spécifiques prenant en compte
les ressources liées au « format » des connaissances du domaine, constituées
dans les espaces linguistiques, discursifs et pragmatiques d’aires culturelles dif-
férentes.
Ainsi, en contexte plurilingue, le recours à la langue maternelle favorise
l’activation des connaissances du domaine façonnées dans la culture d’origine
124 Aides à la production de textes

et stockées en mémoire à long terme. Les aides à la production d’écrit fondées


sur ce type de stratégies permettent au scripteur d’augmenter les capacités de
sa mémoire de travail en activant les connaissances stockées en mémoire à long
terme, ce que les auteurs définissent aujourd’hui comme la mémoire de travail
à long terme (Ericson & Kintsch, 1995) et d’alléger la charge mentale dévolue à
l’activité de production d’écrit.

2.3 Le travail collaboratif à distance : une aide


à la co-construction de connaissances
L’influence des technologies de l’information et de la communication dans
l’enseignement (TICE) sur le développement des designs pédagogiques fondés
sur les modèles constructivistes ouvre des perspectives au renouvellement des
pratiques d’enseignement. Elle permet d’envisager de nouvelles ressources
pour les apprentissages qui s’appuient sur les interactions entre l’apprenant,
l’enseignant et les différents outils de médiation culturelle, en lien avec l’évolu-
tion des représentations issues de la recherche et des pratiques de terrain.
Le texte, outil de (co)construction des connaissances, redevient, grâce
aux nouvelles technologies, un objet de recherche incontournable (Neuwirth &
Wojalm, 1996), non seulement pour la psychologie cognitive et la psycholin-
guistique du texte, mais aussi pour la didactique du texte et la construction de
connaissances à l’aide de textes. Une didactique interculturelle du texte effi-
cace doit se fonder sur une description précise des activités mentales et une
prise en compte dans ces activités du rôle des systèmes de connaissances/
croyances des différents apprenants.
L’apprentissage collaboratif à distance nécessite de s’appuyer sur une
base de connaissances communes qui ne peut se construire qu’à partir de la
diversité, c’est-à-dire de systèmes de connaissances/croyances différents. Ces
considérations ont nécessairement des implications au niveau de la didactique,
qui peut difficilement ignorer ces contextes, si elle s’assigne pour objectif de
contribuer au développement de modèles d’apprentissage et de designs péda-
gogiques plus adaptés et plus efficaces, face à la fragmentation de la société,
aux crises identitaires et aux menaces qu’elles impliquent au niveau de la cohé-
sion sociale.
Les aides à la production des textes scientifiques 125

Prendre en compte la spécificité du fonctionnement et du style cognitifs


de l’apprenant permet d’envisager des perspectives de renouvellement didacti-
que en relation avec l’évolution des représentations.

2.4 Quelques exemples d’aide à la production d’un texte


explicatif en contexte plurilingue
2.4.1 Lire un texte en langue maternelle
En contexte plurilingue et pluriculturel, les situations de production et de révi-
sion de texte mettant en jeu des variables telles que la distance linguistique,
culturelle et géographique présentent des effets sur les processus cognitifs de
réécriture.
Une activité d’écriture et de réécriture à distance via Internet en con-
texte plurilingue a permis d’étudier chez des enfants bilingues l’effet d’une res-
source spécifique : la lecture de textes d’aide en langue maternelle (L1) sur la
révision et la réécriture d’un texte explicatif écrit en français (L2) (Hoareau &
alii, 2006).
Lors du premier jet d’écriture, les élèves rédigent un texte documentaire
scientifique à visée explicative concernant les causes et les conséquences de la
pollution des eaux douces. Le dispositif d’aide consiste ensuite à donner à ces
élèves une tâche de lecture : il s’agit d’un texte informatif rédigé dans leur lan-
gue maternelle et destiné à les aider à réviser, à réécrire et à enrichir le con-
tenu sémantique et la forme de leur premier jet.
Les ressources constituées par le texte en langue maternelle ont un sta-
tut et une fonction doubles. Elles permettent, d’une part d’apporter de nouvel-
les informations et d’autre part, d’activer un plus grand nombre de
connaissances stockées en MLT en activant la structure de connaissances ou de
croyances sous-jacentes au domaine à partir des informations construites dans
la culture et le système linguistique d’origine.
Même si la modélisation du processus de génération de texte manque de
règles de projection entre les unités sémantiques et les expressions verbales
(Fayol, 1991 ; Frederiksen, Décary & Edmond, 1990), la réécriture correspond
ici à l’activité de verbalisation des différents niveaux d’une représentation du
126 Aides à la production de textes

domaine activé ou construit. À partir de l’aide fournie par la lecture d’un texte
en langue maternelle, le niveau macrostructurel est traité tout autant que le
niveau de la surface textuelle.
Cette procédure de traitement sémantique résulte de l’activation des
connaissances générée par l’apport d’informations en L1. En effet, contraire-
ment au scripteur expert dont l’activité récursive de réécriture se caractérise
par une interaction permanente entre les différents processus, chez l’apprenti
scripteur, l’apprentissage de l’interaction entre les différentes composantes de
la réécriture passe d’abord par un apprentissage de chacune de ces composan-
tes. Il est alors difficile de concevoir des situations d’apprentissage des diffé-
rentes composantes de l’activité d’écriture sans tomber dans une conception
modulaire du modèle. Or cette conception conduit souvent à considérer la révi-
sion comme une simple relecture en vue de corriger les fautes de syntaxe et
d’orthographe.
L’utilisation de la langue maternelle (L1) dans un texte d’aide à la révi-
sion d’un texte explicatif en français (L2) active les connaissances en MLT
construites dans le contexte culturel et linguistique de la L1 et influence la qua-
lité de fonctionnement de la MTLT lors de la lecture, du retraitement et de la
réécriture. Elle semble faciliter la récupération des informations en MLT et
favoriser le fonctionnement de la Mémoire de Travail à Long Terme pendant la
construction de la représentation du texte (Kintsch, 1998). Lors de la tâche de
réécriture, les structures de rappel construites pendant la lecture du texte
d’aide sont réactivées (Kellogg 2001 ; McCutchen, 2000).
Dans le cadre du modèle de développement des compétences en pro-
duction de Bereiter et Scardamalia (1987), les élèves qui bénéficient d’une
meilleure activation des connaissances du fait de l’aide en L1, produisent des
textes de bonne qualité au niveau de la pertinence des informations et des infé-
rences (Olive & Piolat, 2003), selon le traitement de type knowledge transfor-
ming strategy.

2.4.2 Utiliser les ressources de la co-écriture à distance


Un protocole d’aide à la réécriture a été mis en place, à partir du premier jet
d’écriture d’élèves portant sur les causes et les conséquences des eaux douces
(Hoareau & alii, 2006).
Les aides à la production des textes scientifiques 127

Le système d’aide à la réécriture comprend d’une part, dix textes pré-


sentés sur une simulation Google sur disquette. Il est constitué, d’autre part,
d’un texte réécrit par un élève partenaire distant (Khebbeb & Legros, 2005).
Cette double modalité d’aide favorise le retraitement et la réécriture plu-
tôt que la révision de surface, telle qu’elle est mise en œuvre lorsqu’elle fait
suite à la relecture par le scripteur de son propre texte. Elle permet de mettre
en lien des interactions existant entre processus inférentiels et développement
des compétences en production en fonction de la langue d’aide à l’activation
des connaissances et de la décentration induite par la co-révision à distance
via internet.
La « langue d’activation » peut être considérée comme un facteur de la
construction de l’expertise du traitement inférentiel. Elle permet au scripteur
réviseur d’activer ses connaissances, structurées sous forme de structures de
rappel en MTLT (McCutchen, 2000) et de réduire ainsi le coût cognitif des trai-
tements réalisés au sein de l’espace de résolution de problème selon la
knowledge transforming strategy.
L’aide à la production textuelle que constitue la mise à distance par rap-
port au texte dans l’activité de révision est amplifiée dans l’activité de (co)révi-
sion à distance. Ce constat permet de confirmer l’intérêt des situations
d’apprentissage en contexte numérique. Il marque l’importance du rôle des
nouvelles technologies dans les processus de production de textes, et plus lar-
gement, la place des différents outils de communication dans la modification de
la façon de traiter l’information, d’apprendre et d’enseigner (Legros, Pudelko,
Crinon & Tricot, 2000).

2.4.3 Favoriser le processus inférentiel par des questionnaires


En situation d’écriture ou de récriture, élaborer la cohérence des significations
locales (microstructure) et globales (macrostructure) du contenu sémantique
d’un texte présente des difficultés accrues en L2. Le scripteur doit en effet acti-
ver ses connaissances non seulement sur la langue L2, mais aussi sur le monde
évoqué par le texte et construites dans sa langue maternelle. Ces connaissan-
ces lui permettent d’élaborer les inférences nécessaires à la construction de la
cohérence de la signification des textes.
128 Aides à la production de textes

Les systèmes d’aide à la production d’inférences prennent en compte les


effets du recours à la langue maternelle (L1) sur l’activation des connaissances
nécessaires à la compréhension (Marin, Legros & Prodeau, sous presse) et à la
production de textes en langue seconde (L2), en contexte plurilingue et pluri-
culturel.
La mise à l’épreuve, avec des étudiants bilingues, de questionnaires
d’aide à la compréhension, la production et la révision de texte explicatif en L2
(français) a permis de valider l’effet de l’aide de la langue maternelle. L’accès
aux connaissances via la langue maternelle et la culture modifie en termes
quantitatifs et qualitatifs les traitements inférentiels impliqués dans la compré-
hension et la production de texte (Legros, Hoareau, Boudechiche, Makhlouf &
Gabsi, 2006 ; Sawadogo & Legros, 2007).
L’évolution des pratiques doit prendre en compte les contextes locaux et
les usages des outils cognitifs internes que sont la langue, l’écriture et les tex-
tes, mais aussi les outils externes que sont les NTIC.

RÉSUMÉ
Les systèmes d’assistance informatisée à la production écrite fournissent aux
élèves des bases de connaissances et des outils d’aide à la mobilisation de ces
connaissances. Les bases de données textuelles proposent aux scripteurs les res-
sources linguistiques et les connaissances du monde qui leur font défaut. Lors de
la révision de texte, elles favorisent l’emprunt et l’élaboration de créations inté-
grées au premier jet d’écriture. La mise en œuvre de modifications au niveau
local et global est liée à l’allègement de la charge mentale de la révision grâce à
une confrontation entre la première version du texte du scripteur et différents
textes « modèles » proposés par la base de données textuelle. Le système permet
ainsi de résoudre la difficulté du sujet à se décentrer de sa production et à l’éva-
luer objectivement.
Les aides à la production de textes scientifiques concernent l’élaboration d’infé-
rences dans le cadre de contextes d’apprentissage diversifiés où la mémoire joue
un rôle important dans l’activation des connaissances pré-construites. Le con-
texte culturel influence le style et les processus cognitifs des apprenants,
Les aides à la production des textes scientifiques 129

c’est pourquoi les modèles de référence culturellement marqués rendent plus


difficile l’accès à la compréhension d’enfants côtoyant des milieux culturels et
linguistiques multiples. En contexte plurilingue, le recours à la L1 constitue une
aide qui favorise l’activation des connaissances du domaine façonnées dans la
culture d’origine et stockées en mémoire à long terme. Il influence la qualité de
fonctionnement de la MTLT lors de la lecture, du retraitement et de la réécri-
ture.
Les nouvelles technologies participent des aides à l’écriture de textes scientifi-
ques par les échanges qu’elles induisent dans des situations de production et de
révision de texte mettant en jeu des variables telles que la distance linguistique,
culturelle et géographique Elles permettent de mettre en lien des interactions
entre processus inférentiels et développement des compétences en production
en fonction de la décentration induite par la co-révision à distance via internet.
Les situations d’apprentissage en contexte numérique ont un effet important sur
les processus de production de textes, et sur la façon de traiter l’information,
d’apprendre et d’enseigner.

Bibliographie sommaire
Chanquoy, L. & Alamargot, D. (2002). Mémoire de travail et production écrite : quelques
modèles récents et bilan des premiers travaux. L’Année Psychologique. 102, 363-398.
Crinon, J. & Legros, D. (2002). The Semantic Effects of Consulting a Textual Data-Base on
Rewriting. Learning and Instruction 12(6), 605-626.
Hoareau, Y., Legros, D., Gabsi, A., Makhlouf, M. & Khebbeb, A. (2006). Internet et aides à la
réécriture à distance de textes explicatifs en contexte plurilingue. In A. Piolat (Éd.), Lire,
Écrire, Communiquer et Apprendre avec Internet, (pp. 277-297). Paris : Solal.
Olive, T., & Piolat, A. (2003). Activation des processus rédactionnels et qualité des tex-
tes. Le Langage et l’Homme, 28(2), 191-206.

MOTS CLÉS
! Expert
! Novice
130 Aides à la production de textes

! Facilitation procédurale
! Aide analogique
! Telling knowledge strategy
! Transforming knowledge strategy
! Mémoire de travail à long terme
! Contexte plurilingue

QUESTIONS
1. Comment caractériser un scripteur novice et un scripteur expert ?
2. Citez des aides à la production de texte narratif.
3. Comment aider à la construction de la cohérence d’un texte narratif ?
4. Comment aider l’élève à hiérarchiser les informations dans un récit ?
5. Comment favoriser l’activité d’inférence dans l’aide à la production de texte
scientifique ?
6. Expliquez la différence entre la telling knowledge strategy et la transforming
knowledge strategy.
7. Citez des aides à la production de texte scientifique.
8. Imaginez des activités pédagogiques d’aide à la production de texte.
CHAPITRE 8
Perspectives:
nouvelles technologies
et traitement cognitif du texte
Vers une didactique de la compréhension
et de la production de textes en contexte
plurilingue et pluriculturel

SOMMAIRE
1. Nouvelles technologies et traitement cognitif du texte
2. Nouvelles technologies, psycholinguistique cognitive
et didactique cognitive du traitement de texte
3. Vers une didactique cognitive de la compréhension
et de la production de texte en contexte plurilingue
et pluriculturel
132 Perspectives : nouvelles technologies

Les nouvelles technologies ont provoqué un apport considérable dans le


domaine des activités de traitement du texte et de la construction des connais-
sances. De nombreux travaux ont permis d’analyser leurs effets sur les proces-
sus de lecture, de compréhension et de production et mis en évidence les
changements apportés par la lecture des textes numériques et hypertextuels
sur les processus de traitement (Legros & Crinon, 2003). De plus, la construc-
tion des connaissances est facilitée par la masse d’informations mise à la dispo-
sition des individus grâce à Internet. La recherche et la gestion de ces
informations nécessitent la mise en œuvre d’habiletés nouvelles. Le lecteur doit
en effet être capable de développer des stratégies de recherche et de sélection
des informations en fonction de leur niveau d’importance relative ou de leur
niveau de pertinence, variable selon la tâche et les buts de lecture. Ces nouvel-
les stratégies de recherches imposent au lecteur d’être capable de gérer les
processus de traitement de l’information numérique et de conduire un haut
niveau de raisonnement inférentiel (Coiro, 2003 ; Tricot, 2007). Les nombreu-
ses données recueillies sur ces activités de recherche, en particulier à l’aide des
techniques oculométriques, permettent de mesurer ces changements et de
mieux en comprendre les effets sur le traitement et sur l’apprentissage (Bac-
cino, 2004).

Ces nouvelles technologies entraînent ainsi des modifications, non seule-


ment dans la façon de lire, de comprendre et d’écrire un texte, mais plus géné-
ralement dans la façon de communiquer de l’information via les textes,
d’apprendre et d’enseigner (Legros, Crinon, Pudelko & Tricot, 2000). Elles ont
ainsi favorisé le rapprochement des disciplines et des points de vue sur le trai-
tement du texte et contribué au renouvellement des cadres théoriques de réfé-
rence (Legros, Maître de Pembroke & Talbi, 2002).

Enfin, l’accélération des possibilités techniques des systèmes d’aide au


traitement cognitif du texte ouvre des possibilités nouvelles à l’apprentissage
individualisé ou à l’apprentissage à distance et favorise le développement de
recherches nouvelles dans le domaine de la co-construction des représenta-
tions des connaissances et par conséquent dans celui de la co-compréhension
ou de la co-écriture (Palincsar, 2003). Il va de soi que ces nouvelles modalités
de communication nous imposent de prendre en compte les contextes linguisti-
ques et culturels des individus.
Nouvelles technologies et traitement cognitif du texte 133

1. NOUVELLES TECHNOLOGIES ET TRAITEMENT


COGNITIF DU TEXTE
Les activités de lecture et de compréhension de textes, telles qu’elles sont
décrites dans la plupart des modèles actuels (voir Blanc & Brouillet, 2003),
mettent en œuvre tout un ensemble de processus qui traitent l’information en
parallèle : processus d’analyse syntaxique, de récupération en mémoire des
signifiés des mots identifiés, construction des propositions sémantiques, éta-
blissement de leur hiérarchisation et de leur cohérence, activation du « modèle
mental » (Jonhson-Laird, 1983) ou du « modèle de situation » (Van Dijk &
Kintsch, 1983) sous-jacent au texte permettant la mise en œuvre de l’activité
inférentielle et la construction de la signification du texte, c’est-à-dire d’une
représentation locale (microstructure), puis globale (macrostructure) du
monde évoqué par le texte. Les recherches sur les apports cognitifs des nouvel-
les technologies ont permis de concevoir et de valider des aides et des systè-
mes d’aides à tous les niveaux et à toutes les phases de l’activité de lecture, de
compréhension et de production (voir Legros & Crinon, 2003).

Cependant les recherches sur les apports des nouvelles technologies sur
le traitement cognitif du texte et la construction de connaissances à l’aide de
textes posent de redoutables questions de méthodes. Certes, la complexité de
la problématique de la lecture des hypertextes a provoqué un renouvellement
de la réflexion théorique sur les processus cognitifs mis en œuvre dans la lec-
ture et la compréhension des textes, et un renouvellement des modèles et des
méthodologies de recherche (Rouet & Passerault, 1999 ; Tricot, 2007). Cepen-
dant, de nombreuses recherches sur la lecture des hypertextes et leur compré-
hension ont conduit à des résultats souvent contradictoires qui mettent en
doute leur validité même (Rouet & Levonen, 1996). Si la diversité des situa-
tions expérimentales explique en partie ce constat et rend problématique toute
tentative d’effectuer des comparaisons, d’autres raisons d’ordre méthodologi-
que ont été invoquées. Pour Foltz (1996), par exemple, une grande part de
cette variabilité est due aux différences non contrôlées dans les caractéristi-
ques des tâches, les types de textes employés et les systèmes utilisés. En effet,
étant donné que l’hypertexte incorpore plusieurs caractéristiques entièrement
nouvelles par rapport au texte linéaire (liens, outils de recherche, aide en
134 Perspectives : nouvelles technologies

ligne), il est nécessaire de commencer par examiner le rôle et les apports de


ces différentes fonctionnalités et outils afin de déterminer leurs effets sur les
processus de lecture de texte numérique et la compréhension des hypertextes
(Legros, Hoareau, Gabsi & Makhlouf, 2006).
Selon les spécialistes, les changements provoqués par ces nouvelles
technologies sur les activités de traitement et l’apprentissage sont tels que les
recherches doivent être développées à grande échelle (Leu, Leu & Coiro,
2004). Les habiletés nouvelles que nécessite le traitement des textes numéri-
ques conditionnent en effet la réussite des élèves et leur intégration dans la
société de la connaissance (Bereiter, 2002 ; Coiro, 2003).
Les modèles de traitement qui s’inscrivent dans le paradigme théorique
du traitement cognitif du texte se caractérisent par le rôle important conféré à
la mémoire, à l’organisation des connaissances en mémoire et au rôle de ces
connaissances dans le traitement des informations mises en jeu dans les diffé-
rentes tâches (Blanc & Brouillet, 2003). Les recherches sur l’organisation des
connaissances, telle qu’elle a pu être conceptualisée dans la théorie des modè-
les mentaux (Johnson-Laird, 1983) ou dans celle des modèles de situation (Van
Dijk & Kintsch, 1983) ont favorisé la réalisation de systèmes conçus comme des
outils cognitifs d’aide à la construction des connaissances. Ces systèmes appa-
raissent comme des mémoires externes, c’est-à-dire comme des bases de don-
nées qui peuvent interagir avec les connaissances des individus et contribuer à
la construction de connaissances nouvelles et au développement des compé-
tences en compréhension et en production du texte numérique.
Ces outils et ces systèmes peuvent permettre de simuler le rôle de la
mémoire et des représentations, et donc d’adapter les outils de médiation épis-
témique au fonctionnement cognitif des individus. C’est la raison pour laquelle
il est nécessaire, dans le cadre de la psycholinguistique cognitive du traitement
du texte, de poursuivre non seulement l’analyse des représentations des con-
naissances et de leurs modalités de re-présentation, mais aussi des textes
« papier » versus « numérique » et des hypertextes qui y réfèrent et de leurs
différentes modalités de traitement.
Nouvelles technologies, psycholinguistique cognitive 135

2. NOUVELLES TECHNOLOGIES,
PSYCHOLINGUISTIQUE COGNITIVE
ET DIDACTIQUE COGNITIVE DU TRAITEMENT
DU TEXTE
Les Nouvelles technologies ont un impact sur la communication dans la classe
et offrent la possibilité d’établir des situations d’apprentissage dans lesquelles
plusieurs élèves collaborent à la compréhension et à la production d’écrits ou à
la construction de connaissances à l’aide de textes et interagissent à distance à
une même tâche (Lebrun, 2002). Elles ouvrent ainsi des perspectives promet-
teuses au renouvellement des pratiques d’enseignement qui s’appuient sur les
interactions entre l’apprenant, l’enseignant et les différents outils de médiation
culturelle (Pudelko, Henri & Legros, 2002). La variété des types d’activités pos-
sibles et les champs d’observation se multiplient : apprentissages individualisés
à l’aide de systèmes multimédias, échanges à distance, tutorat, contacts entre
pairs, apprentissage collaboratif… Ces types d’activités et ces nouveaux envi-
ronnements constituent ainsi une force potentielle de changement dans la
façon d’apprendre et d’enseigner les activités de traitement du texte. Pour
cette raison, les nouvelles modalités d’enseignement apportées par ces nou-
veaux environnements doivent faire appel à des cadres théoriques et à des
modèles du fonctionnement cognitif de l’apprenant qui permettent de rendre
compte des effets cognitifs des interactions verbales sur le traitement des tex-
tes et la construction des connaissances.
L’analyse de ces cadres théoriques et méthodologiques de référence est
d’autant plus nécessaire que les environnements tendent à reposer souvent sur
des bases théoriques multiples et à proposer des champs de connaissances
multidisciplinaires (Legros, Maître de Pembroke & Talbi, 2002). Cette analyse
et cette co-construction d’un cadre commun intégratif permettra en effet des
échanges plus efficaces entre la recherche théorique, la recherche didactique
et les développements.
Selon Seymour Papert (Papert & Harel, 1991), l’explicitation des modè-
les d’apprentissage est un préalable indispensable aux nécessaires remises en
question des conceptions de l’apprentissage/enseignement face au développe-
136 Perspectives : nouvelles technologies

ment des nouvelles technologies. Plus précisément, l’instructionnisme, avatar


du behaviorisme, qui conçoit le sujet comme un réceptacle passif d’informa-
tions délivrées par les textes et les systèmes doit céder la place au
« constructionnisme ». Selon ce paradigme, les apprenants construisent eux-
mêmes les connaissances partageables avec d’autres individus et gèrent ces
activités métacognitives de construction. Dans ce cadre, les Nouvelles techno-
logies peuvent faciliter ce travail d’adaptation et de développement de cadres
théoriques cohérents et intégrateurs, indispensables au développement des
nouvelles compétences imposées par la société numérique (Leu, Coiro, Knobel
& Lankshear, 2004).

Seymour Papert a marqué l’histoire des technologies de l’information et de la commu-


nication dans l’enseignement (TICE) et de la pédagogie. Proche de Piaget, il a développé le
langage Logo et a créé le Media Lab du Massachussets Institute of technology (MIT) de Bos-
ton. Il a ainsi été l’initiateur des démarches constructivistes utilisant les TIC. Les ensei-
gnants utilisateurs des TICE lui sont redevables d’une partie de leur façon d’enseigner.

Cependant, le terme « constructivisme », qui apparaît aujourd’hui dans


tous les discours, projets et rapports pédagogiques, dans toutes les présenta-
tions théoriques de l’apprentissage et dans tous les milieux pédagogiques, n’est
plus selon Duffy et Cunningham (1996), qu’un « slogan, un cliché et même une
banalité » (p. 170). Ce terme recouvre en effet une multiplicité de significa-
tions qui dissimulent bien souvent un vide théorique et renvoient à des points
de vue différents et contradictoires (voir Legros, Maître de Pembroke & Talbi,
2003). Cette situation entraîne bien souvent des effets négatifs sur la recher-
che, les méthodologies de recherche et sur la conception de la didactique du
texte et des environnements d’apprentissage. Il apparaît donc nécessaire de
clarifier les bases des recherches théoriques et de mettre en évidence les fon-
dements communs qui sont à la base de l’ensemble du paradigme (Garnier, Ula-
novskaya & Bernarz, 2004 ; Jonnaert & Vander Borght, 2003). C’est grâce à ces
fondements scientifiques communs, qu’il est possible de produire des recher-
ches comparatives sérieuses sur le plan scientifique, d’analyser la pertinence
des conceptions de la didactique de la compréhension et de la production de
texte et des environnements d’apprentissage qu’ils inspirent, mais aussi de
concevoir des systèmes d’évaluation cohérents. Enfin, cette clarification per-
Vers une didactique cognitive de la compréhension et de la production de texte 137

met des interactions plus efficaces entre la recherche théorique et la recherche


de terrain (Snow, 2003).
Un nouveau champ de connaissances qui correspond à ces exigences est
apparu à l’interface de la psychologie cognitive et de l’enseignement (Driscoll &
Dick, 1999). Dans le cadre de ce champ, la notion d’« instructional design »
qui renvoie à une conception fondée sur les sciences de la connaissance en fai-
sant appel en même temps à l’expérience pédagogique est ainsi compatible
avec la conception d’une didactique cognitive du traitement du texte. Sur le
plan de la cohérence théorique, ce champ rend ainsi possible et plus efficace
les allers et retours entre la prise en compte des modélisations du fonctionne-
ment cognitif de l’apprenant et les pratiques des enseignants, contrôlées et
évaluées par la recherche empirique.

3. VERS UNE DIDACTIQUE COGNITIVE DE


LA COMPRÉHENSION ET DE LA PRODUCTION
DE TEXTE EN CONTEXTE PLURILINGUE
ET PLURICULTUREL
Le texte, objet de médiation culturel et outil de construction des connaissan-
ces, redevient ainsi, grâce aux nouvelles technologies, un objet de recherche
incontournable (Neuwirth & Wojalm, 1996), non seulement pour la psychologie
et la psycholinguistique cognitive du traitement du texte, mais aussi pour la
didactique du texte et la co-construction de connaissances via les Nouvelles
technologies (Pudelko, Henri & Legros, 2002).
La généralisation de l’utilisation des Nouvelles technologies en classe
peut favoriser la conception et la mise en place de nouvelles situations
d’apprentissage et donc permettre, dans des contextes linguistiques et cultu-
rels différents, le développement des activités de co-compréhension, de co-
écriture et de co-apprentissage à distance. Cependant, dans un monde de plus
en plus globalisé, plurilingue et pluriculturel, de nombreuses conceptions et
pratiques d’apprentissage de la langue et des textes, issues de la tradition
monolingue et monoculturelle de l’école dite « républicaine » ne sont plus
138 Perspectives : nouvelles technologies

adaptées (Bertucci & Corblin, 2004) et peuvent expliquer le décalage entre les
modèles de référence et les attentes implicites. C’est ainsi que de nombreuses
difficultés d’apprentissage souvent traitées comme des dysfonctionnements
cognitifs ne sont en réalité que la conséquence de l’ignorance du contexte lin-
guistique et culturel des élèves et de ses effets sur l’apprentissage. Par exem-
ple, en langue maternelle (L1), de nombreux apprentis lecteurs et producteurs
de textes éprouvent des difficultés à élaborer la cohérence des significations
locale (microstructure) et globale (macrostructure) du contenu sémantique
des textes à comprendre et à produire. En langue seconde (L2), ou en contexte
plurilingue, les difficultés qui sont encore plus grandes conduisent souvent à
l’échec scolaire. Les apprenants doivent en effet activer leurs connaissances
non seulement de la langue L2, mais aussi leurs connaissances sur le monde
évoqué par le texte et construites dans leur langue maternelle. Ce sont ces con-
naissances qui leur permettent de faire les inférences nécessaires à la construc-
tion de la cohérence de la signification des textes.
Les travaux de psychologie cognitive sur la compréhension et la co-écri-
ture de textes en contextes plurilingues et pluriculturels ont permis d’enrichir
les cadres théoriques de référence en mettant en évidence le rôle de la langue
maternelle et de la culture sur le fonctionnement de la mémoire et l’activité
inférentielle (Hoareau & Legros, 2006 ; Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf &
Khebbeb, 2006).
Avec le développement de la mondialisation, et donc de la mondialisa-
tion de la formation, ces recherches de psycholinguistique cognitive et de
didactique cognitive du traitement du texte en contextes plurilingues et pluri-
culturels s’imposent, comme le montrent le développement des nombreux tra-
vaux conduits dans le champ des nouvelles littératies en contexte plurilingue
(Leu, Castek, Coiro, Gort, Henry & Lima, 2004) et les recherches récentes sur
les rapports entre bilinguisme et cognition (Bialystock, 2001). Ces travaux peu-
vent contribuer au développement de modèles d’apprentissage et de concep-
tions plus adaptés et plus efficaces, face à la fragmentation de la société, aux
crises identitaires et aux menaces qu’elles impliquent au niveau de la cohésion
sociale (Bronckart & Gather Thurler, 2004).
Une didactique cognitive plurilingue et pluriculturelle du traitement du
texte pour être réellement fructueuse doit cependant se fonder sur une des-
Vers une didactique cognitive de la compréhension et de la production de texte 139

cription précise des activités mentales et une prise en compte dans ces activi-
tés du rôle des systèmes de connaissances/croyances des différents apprenants
mis en jeu dans les différentes tâches de compréhension, de production de tex-
tes et de construction des connaissances. La participation des chercheurs, des
enseignants et des décideurs dans la réflexion sur les fondements cognitifs,
didactiques, pédagogiques et institutionnels sera-t-elle à la mesure des enjeux
sociaux et politiques qui découlent des transformations imposées par les pro-
grès de la technique ? Selon Pouts-Lajus, (1997), « nous entrons en effet dans
une époque charnière pleine de promesses et d’incertitudes et l’analyse de
l’évolution des représentations et des pratiques doit être conduite en réfé-
rence, d’une part, aux résultats de la recherche et d’autre part, à l’évolution des
pratiques de terrain » (p. 8).

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Index
A causes 18, 21, 48, 55, 87, 125, 126
chemin causal 87
acte lexique 28, 46
code
action 6, 13, 73, 83, 84, 85, 86, 94, 97, 109, code graphophonologique 30, 31, 32,
121
33, 35, 36, 41, 42
activation 17, 21, 22, 31, 32, 36, 37, 38, 40,
cohérence causale du monde physique
43, 64, 73, 74, 75, 80, 86, 88, 91, 98, 100,
21
119, 121, 123, 126, 127, 128, 133, 149
cohérence locale 12, 62, 68, 78, 80, 81,
adressage 29, 32, 53, 59
88, 122
agent 13, 84
cohérence référentielle 68
apprentissage 6, 7, 11, 16, 17, 18, 20, 22,
compréhension 5, 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14,
27, 29, 30, 34, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 28, 34, 41,
44, 45, 46, 48, 49, 50, 52, 54, 56, 57, 81,
42, 49, 54, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68,
83, 90, 91, 92, 119, 121, 123, 124, 126,
69, 71, 72, 73, 74, 75, 78, 79, 80, 81, 82,
127, 132, 134, 135, 136, 137, 138, 145,
83, 84, 85, 86, 87, 88, 91, 92, 93, 94, 96,
146, 148, 149
102, 105, 123, 128, 131, 132, 133, 134,
assemblage 12, 29, 31, 44, 53, 56, 59 135, 136, 137, 138, 139, 141, 142, 143,
attention 48, 52, 54, 55, 64, 82, 89, 116, 145, 146, 147, 149
117 condensation
B des informations 68, 83
connaissances du monde 19, 67, 80, 91,
base de texte 63, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 118
78, 82, 86, 87, 88, 89, 121 connaissances partagées 20
but du texte 82 conséquences 18, 21, 54, 57, 87, 125, 126
C construction de connaissances 22, 108,
121, 124, 132, 133, 134, 135, 137
catégorisation 5, 15 construction de la signification du texte
causalité 13, 20, 21, 63, 86, 90, 145 21, 62, 63, 133
154 Introduction à la psycholinguistique cognitive de la lecture

contexte 6, 23, 33, 34, 38, 39, 42, 50, 51, F


62, 67, 70, 73, 83, 85, 90, 96, 101, 122,
123, 125, 126, 127, 128, 129, 131, 137, fixations 39
138, 145, 146, 149 formulation 97, 100, 101, 102, 106, 107,
108
D
H
développement 5, 6, 7, 10, 16, 31, 37, 41,
42, 45, 46, 48, 65, 72, 75, 86, 93, 95, 103, hiérarchisation des informations 5, 82,
104, 105, 113, 121, 122, 123, 124, 126, 84
127, 129, 132, 134, 136, 137, 138, 145
I
didactique 6, 10, 40, 41, 43, 92, 124, 125,
131, 135, 136, 137, 138, 145, 146, 147 identification des mots 28, 30, 33
difficulté identification visuelle 31
difficultés 28, 38, 45, 49, 51, 52, 53, 55, imagerie cérébrale 35, 39, 40, 51, 56
80, 82, 86, 109, 120, 143 indices 12, 30, 31, 70, 85
discrimination visuelle 30, 35, 41, 57 inférence 5, 25, 68, 69, 91, 92, 128, 130
dyséidétiques 52 informatiques 5, 10, 11, 20
dyslexie
L
dyslexie de surface 47, 48, 49, 50, 51,
52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 151 lecture 5, 6, 7, 10, 14, 17, 19, 27, 28, 29,
dyslexiques 40, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 30, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41,
55, 56, 57, 59 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50, 51, 52, 53,
54, 55, 56, 57, 58, 59, 62, 64, 66, 69, 72,
E 76, 80, 81, 85, 90, 91, 93, 98, 101, 102,
117, 119, 120, 125, 126, 129, 132, 133,
effet de lexicalité 32 139, 142, 143, 148, 149, 150, 151
empan visuel 39, 46 lexique mental 29, 31, 33, 35, 37
étapes d’acquisition 30, 33 lois combinatoires 28
expert
M
expertise 11, 29, 33, 38, 39, 42, 43, 80,
84, 98, 102, 103, 113, 116, 117, 118, macrostructure 12, 14, 15, 17, 20, 21, 25,
119, 122, 126, 130 62, 63, 68, 70, 80, 81, 82, 84, 88, 89, 91,
experts 116, 127, 133, 138
expertise 39, 96, 104, 105, 106, 107, 117 macrostructure sémantique 68
Index 155

mémoire 5, 12, 14, 18, 19, 21, 22, 24, 28, orthographique 36, 49, 52, 54, 96, 106,
29, 34, 37, 39, 41, 42, 53, 56, 62, 63, 64, 126
66, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 78, 81, 82, orthophonie 54
83, 84, 86, 90, 95, 96, 98, 99, 100, 101,
102, 103, 105, 108, 110, 111, 112, 113, P
116, 119, 121, 122, 124, 133, 134, 138
phase phonologique 31
mémoire à court terme 84, 98, 99, 105 phonèmes 28, 29, 31, 32, 38, 41, 43, 44,
mémoire à long terme 37, 70, 81, 96, 98, 51, 53, 66
122, 124 planification 95, 97, 98, 100, 101, 102, 105,
mémoire de travail 42, 64, 74, 82, 84, 95, 106, 107, 108, 113, 120, 149
98, 99, 100, 101, 103, 110, 111, 113, 122, procédure alphabétique 30
124 procédure logographique 30
mémoire de travail à long Terme 121 procédure orthographique 32, 54
message 30, 41, 97, 100 production d’inférences 22, 67, 68, 73
métacognition programmation 100, 101
compétence métacognitive 31 propositions sémantiques 72, 88, 89, 90,
microstructure 12, 13, 15, 17, 20, 21, 62, 133
63, 68, 70, 73, 81, 82, 88, 89, 91, 116, psycholinguistique cognitive 5, 6, 7, 9,
122, 127, 133, 138 10, 16, 45, 131, 134, 135, 137, 138, 147
mise en mots 17, 96, 120 psycholinguistique textuelle 10, 16, 21,
modèle de situation 19, 68, 69, 70, 71, 72, 65, 75
73, 74, 75, 78, 86, 87, 89, 90, 91, 133
R
modèles à double voie 29
modèles interactifs 27, 29, 35, 46 reconnaissance des mots 30, 31, 32, 33,
34, 36, 38, 42, 43, 44, 49, 50, 53, 54
N reformulation 89
nouvelles technologies 6, 22, 124, 127, reformulations 89
131, 132, 133, 134, 136, 137 relations logiques 33, 83, 87, 90, 91
novices 105 remédiations 48, 79
numérique 127, 132, 134, 136 représentation 9, 11, 12, 13, 14, 15, 17,
18, 19, 20, 21, 29, 34, 36, 37, 43, 53, 62,
O 63, 64, 67, 69, 70, 72, 73, 74, 75, 80, 81,
83, 84, 85, 86, 87, 89, 90, 91, 100, 109,
ordinateur 91, 119, 148 110, 111, 119, 120, 121, 122, 125, 126,
orthographe 133, 145
156 Introduction à la psycholinguistique cognitive de la lecture

ressources cognitives 82, 88, 91, 102, textes narratifs 61, 63, 65, 79, 80, 81, 85,
103, 104 94, 115, 116, 118
révision 95, 97, 98, 106, 109, 110, 111, 113, textes scientifiques 79, 80, 85, 86, 87, 88,
116, 117, 118, 119, 120, 125, 126, 127, 89, 90, 91, 94, 115, 116, 121, 123, 147
128, 149 théorie des schémas 19, 65, 66, 67
S théorie modulaire 33, 34
module 33
saccade 39 traitement des informations 11, 32, 102,
scripteurs novices 105, 117, 118, 120 116, 134, 146
signification globale 17, 20, 21, 23, 80, 84, transcodage 53, 55, 56
88, 94
travail collaboratif à distance 124
structure de surface 63, 78
structure sémantique V
macrostructure sémantique 78, 84
vision fovéale
T périfovéale 39, 55
textes explicatifs 18, 21, 63, 65, 80, 129, voie directe 29, 32, 34, 42, 43, 53
145, 149 voie indirecte 29, 34, 53
Table des matières

Présentation .................................................................................................................................................... 5

Chapitre 1
La psycholinguistique cognitive du traitement de texte
Un domaine de recherche au carrefour des sciences
du langage et des sciences de la cognition ...................................................................... 9
1. Cognition, langage et représentation ....................................................................................... 10
2. Les invariants cognitifs et le traitement du texte ................................................................ 12
2.1 La microstructure de la représentation .................................................................................. 12
2.2 La macrostructure de la représentation ................................................................................. 14
2.3 La microstructure et la macrostructure de la cognition :analyse en systèmes .............. 15
3. Psycholinguistique cognitive du traitement de texte ......................................................... 16
3.1 L’activité de traitement du texte .............................................................................................. 16
3.2 Traitement du texte et sémantique cognitive ........................................................................ 17
4. Du texte narratif au texte explicatif :
de la théorie des schémas à la théorie des modèles ............................................................ 18
4.1 Le traitement du texte narratif ................................................................................................ 19
4.2 Le traitement du texte explicatif .............................................................................................. 20
5. Convergences et interdisciplinarité :
vers une didactique cognitive du traitement du texte ....................................................... 22

Chapitre 2
Psycholinguistique cognitive de la lecture ................................................................... 27

1. Les modèles à étapes ........................................................................................................................ 29


158 Introduction à la psycholinguistique cognitive de la lecture

1.1 À l’origine des modèles interactifs : les modèles à double voie ....................................... 29
1.2 Les modèles à étapes liés aux phases successives de l’apprentissage ............................. 30
1.2.1 La procédure logographique ........................................................................................ 30
1.2.2 La procédure par médiation phonologique ............................................................. 30
1.2.3 La procédure orthographique ..................................................................................... 32
1.3 L’intérêt et les limites du modèle développemental à étapes ............................................ 32
1.3.1 Le lexique et le rôle du contexte ................................................................................. 33
1.3.2 Limites des théories modulaires ................................................................................. 33

2. Les modèles interactifs ................................................................................................................... 34


2.1 Des processus analogiques ........................................................................................................ 34
2.2 Un traitement parallèle ............................................................................................................. 35
2.3 La critique connexionniste ........................................................................................................ 36
2.4 Le modèle restreint interactif de Perfetti ............................................................................... 37

3. Les méthodes de recherche actuelles ........................................................................................ 38


3.1 L’étude des mouvements oculaires .......................................................................................... 38
3.2 L’imagerie cérébrale ................................................................................................................... 39

4. Les modalités d’apprentissage .................................................................................................... 40


4.1 Recherche et didactique ............................................................................................................. 40
4.2 Implications pour la didactique ............................................................................................... 43

Chapitre 3
Psycholinguistique cognitive, difficultés langagières
et pathologies du langage .......................................................................................................... 47

1. Origine et expression des troubles ............................................................................................ 48

2. Premières approches de la dyslexie ........................................................................................... 49

3. Manifestations de la dyslexie ...................................................................................................... 51


3.1 Les dyslexiques phonologiques et les dyslexiques visuels ................................................... 51
3.2 Les dyslexies liées à un accident cérébral .............................................................................. 53

4. Les causes de la dyslexie ................................................................................................................ 55

5. Implications pratiques ................................................................................................................... 56


Table des matières 159

Chapitre 4
Psycholinguistique cognitive de la compréhension de textes ....................... 61
1. Trois générations de recherche en compréhension de textes ......................................... 63
1.1 Les modèles de première génération : une approche centrée sur le « produit »
de la compréhension ................................................................................................................... 63
1.2 Les modèles de la deuxième génération :
la prise en compte des processus cognitifs ............................................................................ 64
1.3 Les modèles de troisième génération :
une approche intégrative de la compréhension .................................................................... 64
2. Les théories cognitives de la compréhension des textes narratifs ............................... 65
2.1 Théorie des schémas et compréhension de textes ................................................................ 65
2.2 Théorie de schémas et compréhension de récits ................................................................... 66
2.3 Compréhension et grammaire de récits ................................................................................. 67
3. Le modèle princeps de la compréhension : Kintsch et van Dijk (1978) ..................... 67
3.1 La microstructure sémantique .................................................................................................. 68
3.2 La macrostructure sémantique ................................................................................................. 68
3.3 Le « modèle de situation » dans la modélisation de Van Dijk et Kintsch .................... 69
3.4 Le rôle du lecteur ......................................................................................................................... 71
3.5 Le modèle de construction-intégration .................................................................................. 72

Chapitre 5
Aides et remédiations aux difficultés de compréhension ................................ 79
1. les aides à la compréhension des textes narratifs ................................................................ 81
1.1 Le rôle des processus cognitifs dans la compréhension de texte ...................................... 81
1.2 Les moyens d’agir sur la compréhension de texte ............................................................... 82
1.3 Les tâches d’apprentissage/remédiation ................................................................................ 83
2. Les aides à la compréhension des textes scientifiques ...................................................... 85
2.1 La complexité des textes scientifiques .................................................................................... 85
2.2 Les trois niveaux de la représentation du texte .................................................................... 87
2.3 Les trois types d’aides à la compréhension des textes scientifiques ................................ 87
160 Introduction à la psycholinguistique cognitive de la lecture

2.3.1 Les aides répondant au niveau de la forme linguistique


de « surface du texte » .................................................................................................. 88
2.3.2 Les aides répondant aux unités lexicales composantes
de la « base de texte » .................................................................................................... 89
2.3.3 Les aides répondant au niveau du « modèle de situation » du texte ................. 90
2.4 Perspectives pour la recherche sur les aides à la compréhension .................................... 91

Chapitre 6
Psycholinguistique cognitive
de la production de textes ......................................................................................................... 95

1. Le modèle princeps de Hayes et Flower (1980) .................................................................... 96


1.1 Présentation du modèle ............................................................................................................. 96
1.2 Limites du modèle d’Hayes et Flower .................................................................................... 98

2. Le rôle de la mémoire de travail ................................................................................................. 98


2.1 Les travaux de Baddeley ............................................................................................................ 99
2.2 L’articulation des traitements en mémoire de travail ...................................................... 100
2.3 Mémoire de travail et rédaction de textes : alternatives et évolution .......................... 103
3. Les modèles liés au développement de l’activité rédactionnelle ................................ 104
3.1 L’activité de production des scripteurs experts :
les travaux de Bereiter et Scardamalia (1987) ................................................................... 104
3.2 Le modèle développemental de Berninger et Swanson .................................................... 105
4. Les modèles de planification et de révision ......................................................................... 106
4.1 Les modèles de planification .................................................................................................. 106
4.1.1 Le modèle de Flower, Shrivey, Carey, Haas et Hayes (1989) .............................. 106
4.1.2 Le modèle de Hayes et Nash (1996) ......................................................................... 107
4.2 Les modèles de révision ........................................................................................................... 109
4.2.1 Les modèle de révision de Bereiter et Scardamalia (1983) ................................. 109
4.2.2 La complexification du modèle : Flower, Hayes, Carey, Shriver
et Stratman (1986) ........................................................................................................ 109
4.2.3 Le modèle de Butterfield, Hacker et Albertson (1996) ........................................ 110
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