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Cours d’Economie Industrielle

Titre du cours

ECONOMIE INDUSTRIELLE
(ECOINDUS)

Enseignant :
BEKE TITE EHUITCHE, Ph.D
UFRSEG, Université d’Abidjan
CIRES
Mail : beketite@yahoo.fr

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Cours d’Economie Industrielle

Descriptif du cours

Ce cours d’économie industrielle (ECOINDUS) traite des théories les plus récentes sur l’organisation
des entreprises et des marchés. Dépassant le paradigme traditionnel structure-conduite-performance,
il fait une large place aux nouveaux développements de la microéconomie : théorie des marchés
contestables, des jeux et de la réglementation.

Objectifs généraux

Le cours vise à familiariser les étudiants avec les outils microéconomiques utiles à l'analyse de la
structure des marchés et des entreprises, ainsi que de leurs interactions. Ce cours développe une
approche réaliste et détaillée du fonctionnement des entreprises et des marchés, complétant ainsi un
cours de microéconomie de base où seuls les modèles idéaux sont abordés.

Objectifs spécifiques/compétences attendues des étudiants

À la fin du cours, l’étudiant devrait maîtriser les compétences suivantes :


- Appréhender ce qu’est l’économie industrielle;
- Comprendre le fonctionnement des entreprises et des marchés;
- Caractériser et modéliser les stratégies des entreprises en concurrence sur les marchés
oligopolistiques;
- Discuter de l’inefficience des marchés et de leur réglementation.

Stratégies d’enseignement

La méthode pédagogique privilégiée dans le cadre de ce cours comprend les modes d’intervention
suivants : exposés de l’enseignant et analyses de thèmes dont la synthèse est présentée par les étudiants.

Moyens d’enseignement

- Cours théorique à partir des documents de base cités dans la bibliographie.


- Du matériel supplémentaire sera distribué aux étudiants sur différentes thématiques du cours.

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Thèmes et contenus

Introduction générale

PREMIERE PARTIE : Structure de marché et processus concurrentiel


Chapitre 1 : La concurrence parfaite
1.1. Postulats
1.2. Comportement de l’entreprise représentative
1.2.1. Maximisation du profit
1.2.2. Seuil de fermeture de l’entreprise
1.2.3. Courbe d’offre de la firme en Concurrence parfaite
1.3. Fonctionnement d’une industrie concurrentielle
1.3.1. La courbe d’offre à court terme de l’industrie
1.3.2. La courbe d’offre à long terme de l’industrie
1.4. Efficience et bien-être
1.4.1. Efficience
A. Efficience de la production
B. Efficience de la consommation
1.4.2. Bien-être
A. Surplus des consommateurs
B. Surplus des producteurs
C. Surplus social et Perte sèche
1.5. La théorie des marchés contestables
1.6. Limites de la concurrence parfaite

Chapitre 2 : Configurations d’industrie


2.1. Positionnement concurrentiel et formes de pouvoir de marché
2.1.1. Diagnostic interne et pouvoir de marché
2.1.2. La notion de diagnostic externe
2.2. Domination par les coûts et configuration naturelle d’un marché en production simple et en
production multiple
2.2.1. Configuration optimale d’un marché en production simple
A. Avantage absolu de coût
B. Notion de sous-additivité des coûts

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C. Définition d’une structure industrielle optimale


2.2.2. Configuration d’un marché en production multiple
A. Sous-additivité des coûts et économies d’envergure
B. Le choix d’une structure industrielle optimale en production multiple

Chapitre 3 : Le monopole
3.1. Comportement du monopole
3.1.1. Maximisation du profit
3.1.2. Pouvoir de monopole
3.2. Perte sèche due au monopole

Chapitre 4 : Structures de marché et performances


4.1. Théories de l’écart prix-coûts et des profits
4.2. Structures, Conduites et Performances
4.2.1. Indicateurs de performances
A. Concentration des entreprises
B. Barrières à l’entrée
C. Syndicalisation
4.2.2. Indicateurs de performances
A. Taux de rendement
B. Marge prix-coût
4.2.3. Relation entre Structures de marché et performances
A. Taux de rendement et structure industrielles
B. Marge prix-coût et structures industrielle

DEUXIEME PARTIE : Comportement stratégique des entreprises

Chapitre 5 : Comportement stratégique non-coopératifs : les oligopoles non-coopératifs


5.1. Concurrence en quantité : le modèle de Cournot
5.1.1. L’équilibre de Cournot (exemple du Duopole)
5.1.2. Principales propriétés du modèle de Cournot
5.2. Concurrence en prix : le modèle de Bertrand (le Paradoxe de Bertrand)
5.2.1. Le modèle de Bertrand (1883) : présentation
5.2.2. L’équilibre de Bertrand

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5.2.3. Les solutions au paradoxe de Bertrand


5.3. Modèle de Stackelberg du leader-suiveur

Chapitre 6 : Différenciation des produits, concurrence monopolistique et publicité


6.1. La différenciation des produits
6.2. La différenciation verticale
6.3. La différenciation horizontale
6.4. Le rôle de la publicité

TROISIEME PARTIE : La réglementation des marchés

Chapitre 7 : Inefficience des marchés


Thème 1 : Les externalités
Thème 2 : Le monopole naturel

Thème 3 : Les biens collectifs

Chapitre 8 : La réglementation des externalités (Thème 4)

Chapitre 9: La réglementation des monopoles naturels (Thème 5)

Chapitre 10 : La réglementation des biens collectifs (Thème 6)

Bibliographie
Arrow, Kenneth (1962) « Economic Welfare and the Allocation of Resources for Invention »
Princeton University Press.
Akerlof, George (1970) “The Market for “Lemons”: Quality Uncertainty and the Market Mechanism”.
Quarterly Journal of Economics 84: 488-500.
Baumol, William, Panzar et R; Willig (1982) Contestable Markets and the Theory of Industgry
structure, New York
Varian, Hal (1984) Microeconomic Analysis; New York.
Dennis W. Carlton and Jeffrey Perloff (1998) Economie Industriel, De Boeck Université.

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Introduction Générale

L’économie industrielle commence sans conteste par se définir comme la branche de la théorie

économique qui étudie les structures de marché et la concurrence entre firmes.

A cette première dimension de l’économie industrielle (extérieure à la firme), il convient d’ajouter

une deuxième dimension plus intérieure et qui concerne l’organisation interne des firmes. Un

dernier aspect de l’économie industrielle qui est beaucoup plus récent analyse la réglementation

des marchés.

L’économie industrielle vient ainsi compléter le modèle de la concurrence parfaite par

l’introduction des imperfections du monde réel : barrières à l’entrée de nouvelles entreprises sur

le marché, information limitée, présence d’externalités, coûts de transaction…En effet, l’économie

industrielle étudie l’organisation des entreprises et la façon dont elles entrent en concurrence dans

le monde réel.

Dans cette introduction, nous indiquons quelles sont les lignes conductrices du cours. Il existe au

moins deux approches majeures de l’économie industrielle. La première, dite « Structure-

Conduite-Performance », est essentiellement descriptive et servira de toile de fond à notre

présentation de l’économie industrielle. La seconde est la théorie des prix, qui recourt

systématiquement à la microéconomie pour expliquer le comportement des entreprises et la

structure des marchés.

Dans l’approche structure-conduite-performance, la performance d’une industrie (sa capacité à

satisfaire les consommateurs) dépend de la conduite (ou comportement) des entreprises, laquelle

est elle-même déterminée par la structure du marché1 (configuration du marché). Le paradigme

1
Ensemble des facteurs qui concourent à la compétitivité d’un marché.

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Structure-Conduite-Performance est ainsi suffisamment large et ouvert pour servir de base à

l’étude de l’économie industrielle. C’est pourquoi ce cours l’utilisera comme cadre

d’interprétation.

Le Chapitre 1 de ce cours constitue une révision et un approfondissement de la théorie

microéconomique de l’entreprise en concurrence parfaite. La théorie sur les structures de base des

marchés est traitée dans le Chapitre 2. Dans ce chapitre, une attention particulière est accordée aux

coûts parce qu’ils sont essentiels à l’explication de la structure du marché. La première partie de

ce cours s’achève avec le Chapitre 3 consacré au monopole naturel.

La deuxième partie du cours traite du comportement stratégique des entreprises. Contrairement

aux entreprises en concurrence, les entreprises oligopolistiques s’attendent à ce que leurs rivaux

réagissent à leurs comportements ou stratégies. Nous verrons, au moyen des modèles de

Stackelberg, Cournot et Bertrand, ce qui se produit en particulier lorsque les oligopoles ne

coopèrent pas (Chapitre 4). Enfin, le Chapitres 5 donne un aperçu des autres stratégies des

entreprises à savoir la différenciation des produits et la publicité.

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Première partie : Structure des marchés et processus concurrentiel

Le nombre d’entreprises composant un marché et la facilité d’entrée de nouvelles entreprises sont


les deux critères généralement retenues pour décrire les structures de base des marchés. Six
structures de marchés fondamentales sont généralement retenues. La concurrence ou le marché de
concurrence pure et parfaite, le marché de monopole, le marché de monopsone, le marché
d’oligopole, le marché d’oligopsone et le marché de concurrence monopolistique.

Ces différentes structures de marché dépendent du nombre d’entreprises composant le marché.


Ainsi :

- La concurrence est une structure de marché caractérisée par un grand nombre d’acheteurs
et de vendeurs potentiels sans barrières à l’entrée ni à la sortie ;
- En monopole, une seule entreprise vend son produit à de nombreux acheteurs et aucune
autre entreprise ne peut entrer sur le marché ;
- Réciproquement, lorsqu’une seule entreprise acheteuse est face à de nombreux vendeurs,
il s’agit d’un monopsone ;
- En oligopole, un petit nombre de vendeurs offrent un produit homogène à de nombreux
acheteurs. Lorsqu’il y a deux offreurs, on parlera de duopole.
- Réciproquement, l’oligopsone est caractérisé par un petit groupe d’entreprises acheteuses
qui font face à de nombreux vendeurs.
- En concurrence monopolistique, il y a plusieurs firmes qui produisent des biens qui sont
de proches substituts sans toutefois être parfaitement homogènes.

Cette première partie du cours commence par étudier la concurrence parfaite car elle sert à évaluer
les autres formes de marché. Les points essentiels de cette partie peuvent être résumés ainsi : (1)
la concurrence a de nombreuses propriétés bénéfiques ; (2) la liberté d’entrée ou de sortie du
marché est une condition essentielle de l’efficacité du mécanisme concurrentiel ; (3) la
concurrence maximise le bien-être ; (4) les effets positifs de la concurrence se réduisent en
présence d’externalité ; (5) lorsque toutes les conditions de la concurrence parfaite ne sont pas
réunies, les marchés conservent certaines propriétés de la concurrence parfaite.

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Chapitre 1 : La concurrence parfaite

La concurrence parfaite est rare. Peut-être même n’existe – elle pas en réalité. Nous l’étudions
malgré tout car c’est un modèle idéal servant de référence pour évaluer les autres formes de
concurrence. Dans les chapitres suivants, nous examinerons comment les marchés réels s’écartent
de la concurrence parfaite et quels sont ceux qui s’en écartent le plus.

Les économistes valorisent généralement la concurrence, car cette structure de marché a des
propriétés particulièrement intéressantes. Toutefois, il faut se garder de penser qu’un marché qui
n’est pas parfaitement concurrentiel serait nécessairement plus performant s’il devenait
concurrentiel.

1.1. Les postulats de la concurrence parfaite

La concurrence parfaite est une structure de marché dans laquelle un grand nombre d’entreprises
produisent un bien homogène pour de nombreux acheteurs. Il n’y a ni barrières à l’entrée, ni
barrières à la sortie, les producteurs et les consommateurs sont parfaitement informés, ne
supportent aucun coût de transaction et n’ont pas d’influence sur le prix. Pour résumer, les
principaux postulats de la concurrence parfaite sont :

1. L’homogénéité du produit : Toutes les entreprises vendent un produit identique. Les


consommateurs considèrent que les produits fournis par les différentes entreprises sont les mêmes.
Ils sont donc indifférents à l’origine du produit.

2. L’atomicité des vendeurs et acheteurs : les entreprises et les consommateurs sont nombreux et
les ventes ou achats de chaque unité prise individuellement sont très petits par rapport au volume
global des transactions.

3. La liberté d’entrée et de sortie : les entreprises peuvent pénétrer un marché et le quitter


rapidement et à tout moment, sans avoir à supporter de dépenses particulières. Autrement dit, il
n’y a ni barrières à l’entrée, ni barrières à la sortie.

4. La Mobilité parfaite des ressources : les facteurs de production sont parfaitement mobiles entre
les différents emplois possibles et les différents secteurs de l’économie.

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5. La transparence du marché : les acheteurs et les vendeurs disposent de toutes les informations
utiles concernant le marché. En particulier, ils connaissent le prix et la qualité du produit.

6. La divisibilité parfaite de la production : Les entreprises peuvent produire et les consommateurs


acheter n’importe quelle fraction d’unité produite. De ce fait, la quantité produite peut être
considérée comme une fonction continue du prix. Il s’agit d’un postulat technique qui évite d’avoir
à se préoccuper des problèmes causés par de larges variations ponctuelles d’offre et de demande
en réaction à de faibles variations de prix.

1.2. Comportement de l’entreprise représentative en concurrence parfaite

Nous étudions le comportement d’une entreprise type en régime de CPP.

1.2.1. Maximisation du profit

L’objectif de toute entreprise, y compris l’entreprise concurrentielle, est de maximiser ses profits
ou de façon équivalente, de minimiser ses pertes.

Le profit maximum peut être déterminé selon deux approches :

A. L’approche totale2 de maximisation du profit

Elle consiste à déterminer le profit comme la différence entre la recette totale et le coût total
d’exploitation de la firme. Le profit sera maximisé pour le niveau d’output qui maximise la
différence entre la Recette totale et le Coût total.

Soit le Tableau suivant relatif aux Recettes et Coûts totaux.

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Elle et utilisée en particulier lorsque l’hypothèse de divisibilité parfaite de la production n’est pas vérifiée.

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Tableau 1.1 : Approche totale de la maximisation du profit

Q P RT CT Π
100 8 800 2000 -1200
200 8 1600 2300 -700
300 8 2400 2400 0 PEE
400 8 3200 2524 676
500 8 4000 2775 1225
600 8 4800 3200 1600
650 8 5200 3510 1690 𝚷𝒎𝒂𝒙
700 8 5600 4000 1600
800 8 6400 6400 0 PEE
PEE3 : point d’équilibre d’exploitation

B. L’approche marginaliste de la maximisation du profit

En concurrence le profit d’une entreprise est donné par : Π = 𝑃𝑄 − 𝐶(𝑄) où

𝑃 est le prix (ce prix est une donnée pour l’entreprise en concurrence parfaite),

𝑄 est la quantité produite et vendue,

𝐶(𝑄) est le coût total.

Le problème de l’entreprise peut se formuler ainsi :

max Π = 𝑃𝑄 − 𝐶(𝑄)
𝑄

Condition du premier ordre

𝛿Π
= 𝑃 − 𝐶 ′ (𝑄) = 0 ⟺ 𝑃 = 𝐶 ′ (𝑄) = 𝐶𝑚
𝛿𝑄

3
Seuil de rentabilité ou point mort.

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L’égalité entre le prix et le coût marginal est la condition nécessaire de maximisation du profit en
concurrence parfaite.

La condition du second ordre est :

𝛿 2Π
= −𝐶 ′ (𝑄) < 0
𝛿𝑄

La condition de second ordre de maximisation du profit (Π) nécessite que la dérivée seconde soit
négative, ce qui signifie que le coût marginal doit être croissant pour le niveau de production
d’équilibre (la valeur de l’output qui maximise Π).

Graphique 1.1 : Approche marginaliste de la maximisation du profit

Cm CTM

P P = Rm= Cm

Profit de court terme

CVM

PS Min CVM ou seuil de fermeture

qs Q* Q

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Commentaires du graphique 1.1 :

- L’équilibre de court terme de la firme est réalisé au point E où le coût marginal est égal au
prix.
- Tout niveau de production inférieur à 𝑄 ∗ correspond au 𝐶𝑚 < 𝑃 : dans ce cas,
l’augmentation de la production entraîne un accroissement plus que proportionnel de la
recette totale par rapport au coût total. L’entreprise peut accroître son profit en augmentant
sa production tant que cette inégalité se maintient.
- Par contre si le niveau de production est supérieur à 𝑄 ∗ alors le 𝑃 < 𝐶𝑚 . Dans ce cas, tout
accroissement du niveau de production entraîne une hausse du coût total qui excède
l’augmentation de la recette totale. En conséquence, le niveau de profit se réduit. Il est donc
nécessaire de réduire le niveau de production afin d’accroître le profit Π.

Ces deux cas limites indiquent que le profit de court terme en CPP est maximisé uniquement au
niveau de production qui réalise l’égalité entre le coût marginal et le prix du bien.

Le niveau de production optimum offre ainsi à la firme en CPP trois options :

- Si le prix du bien, P > Coût Total Moyen (CTM) alors la firme maximise ses profits ;
- Si P < CTM mais P > CVM (CVM < P < CTM) ( Si le prix est inférieur au CTM mais
supérieur au CVM) la firme minimise ses pertes totales.
- Si P < CVM, la firme minimise ses pertes totales et ferme ses portes (Elle n’arrive pas à
couvrir les coûts de ces facteurs de production variables).

1.2.2. Seuil de fermeture de l’entreprise en concurrence parfaite

Une entreprise ne produit que si c’est profitable, c'est-à-dire si ses recettes sont supérieures aux
coûts récupérables (les sommes que l’entreprise récupère si elle arrête de produire et vend ce
qu’elle possède). Au-delà du montant correspondant aux coûts récupérables, tout supplément de
recette correspond à une quasi-rente, c'est-à-dire un revenu supplémentaire à ce qui est strictement
nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.

Pour simplifier, supposons maintenant que tous les coûts fixes sont irrécupérables. Un exemple de
coût fixe irrécupérable est celui des droits d’inscription au registre du commerce. Ces droits ne
sont pas remboursés en cas de cessation d’activité. Si tous les coûts fixes sont irrécupérables, la

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partie récupérable des coûts est juste égale aux coûts variables car ceux-ci sont évités si l’entreprise
décide de stopper sa production.

Aussi la règle qui préside à la décision de produire ou non doit être : ne produire que si les recettes
sont au moins égales aux coûts variables. De façon équivalente, l’entreprise ne doit produire et
vendre au prix P que si P est égale ou supérieur au Coût Variable Moyen (CVM).

Si le prix est inférieur au minimum du coût moyen (P < min CM) mais supérieur au minimum du
CVM (min CVM < P < min CM)4, il est profitable pour une entreprise de produire plutôt que de
fermer. Autrement dit, il vaut mieux produire et encaisser l’excédent des revenus sur les coûts
variables que de fermer et de n’avoir plus aucun revenu (car cela permet en partie de compenser
les coûts fixes irrécupérables).

Au prix du marché 𝑃𝑠 , le niveau de production d’équilibre correspond au minimum du coût


variable moyen. Dans ce cas, la firme est indifférente entre le niveau de production nulle et le
niveau d’output correspondant au minimum du CVM ; car dans les deux cas, les pertes de
l’entreprise sont égales à ses coûts fixes.

Le point de production 𝑞𝑠 correspondant au minimum du CVM est appelé seuil de fermeture.

1.2.3. Courbe d’offre de la firme en concurrence parfaite

On appelle courbe d’offre de la firme, la courbe qi indique la quantité qu’elle souhaite produire
pour chaque prix possible. En concurrence parfaite, la courbe d’offre d’une entreprise correspond
à la partie de la courbe de coût marginal située au dessus de la courbe de coût variable moyen (ou
au dessus du minimum du coût variable moyen ou seuil de fermeture).

Commentaires du graphique 1.2 :

- la fonction d’offre n’est pas définie pour des niveaux de prix inférieurs à P0
- la fonction est obtenue à partir de la condition de Π max ; ie P=Cm
- puisque le Cm de court terme dépend de la quantité produite, l’offre sera positive dans les
conditions suivantes :
- si P≥Min CVM⇒ Si = Si (P) : la firme produit

4
Le coût moyen minimum est supérieur au minimum du coût variable moyen à court terme.

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- si P<Min CVM⇒ Si = 0 : la firme ne produit pas avec Si=offre du bien i.


- entre les points E et G (prix P0 et P2) la firme fera des pertes à court terme puisque le prix
est inférieur au CTM. Mais elle récupérera une partie de ses frais généraux.
- On appelle P0 le prix de fermeture i.e le prix en dessous duquel la firme réduit ses pertes
en choisissant de ne rien produire.

Graphique 1.2 : Courbe d’offre de l’entreprise dans le court terme

P Cm CTM

CVM

P0 E Min CVM ou seuil de fermeture

q0 q1 q2 q3 q

Exercice d’application

Soit la fonction de CT suivante d’une entreprise :

CT = 0,1 q3 – 2q2 + 15q + 10

Déterminer la courbe d’offre de court terme de cette entreprise.

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1.3. Fonctionnement d’une industrie concurrentielle

Nous pouvons déduire la courbe d’offre de l’industrie concurrentielle à partir du comportement


des entreprises individuelles. L’intersection de la courbe d’offre de l’industrie avec la courbe de
demande correspondante détermine l’équilibre concurrentiel.

1.3.1. La courbe d’offre à court terme de l’industrie

La courbe d’offre de l’industrie est obtenue en faisant la somme horizontale des courbes d’offre
individuelles des firmes ; que ce soit dans le court terme comme dans le long terme.

Supposons qu’il y ait 2 entreprises A et B. La courbe d’offre de chacune est la portion de sa courbe
de coût marginal (Cm) située au-dessus du prix de fermeture.

Définition : on appelle prix d’entrée ou de sortie, le prix P1 correspondant au minimum de la


courbe du CMLT. Les firmes ne font alors que des profits normaux. Il n’existe aucune incitation à
entrer dans la branche ou à la quitter. Les ressources immobilisées par la branche rapportent
exactement leur coût d’opportunité i.e. ce qu’elles rapporteraient ailleurs. Tout prix inférieur à P 1
incitera l’entreprise à sortir de la branche à long terme i.e à la quitter définitivement. Lorsque le
prix est supérieur à P1, la firme peut rapporter des superprofits. P1 est le prix minimum nécessaire
pour que l’entreprise reste dans la branche. C’est aussi le prix qui couvre le coût moyen le plus bas
auquel le nouvel entrant pourrait produire i.e le seuil critique à partir duquel l’entrée devient
intéressante. Tout prix supérieur à P1 procure des superprofits.

Graphique 1.3 : Détermination de l’équilibre au niveau de la firme et de la branche

Cm S0 S1

P0 A CVM P0 E0

Profit maximum

P1 C B P1 E1

q1 q0 Q0 Q1

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Commentaire du graphique 1.3

Soit un ensemble de firmes ayant la même taille et représentées par la fonction de Cm à partir
duquel un équilibre initial (E0) permet d’obtenir les valeurs (P0, q0 et Q0). Au prix P0, chaque firme
atteint un équilibre de court terme au point (A) où le coût marginal est égal au prix (Cm=P). A ce
point d’équilibre, chaque firme de la branche produit la quantité (q0) qui lui permet de réaliser un
profit économique pur ou profit maximum. (AB x q0).

Puisque chaque firme de la branche réalise des profits économiques purs, il y aura de nouvelles
firmes qui feront leur entrée sur le marché. Par conséquent la courbe d’offre de la branche va passer
de S0 à S1 : ce qui accroît la quantité offerte dans la branche de Q0 à Q1, mais le prix d’équilibre
est réduit à p1. Cette baisse de prix entraîne une réduction de la quantité offerte par chaque firme
de q0 à q1.

Au prix P1, chaque firme produit la quantité (q1) qui égalise le prix (P1) au coût marginal (point
C), i.e au minimum du CVM. Il s’agit là du point d’équilibre de long terme où les firmes de la
branche ne réalise ni profits économiques purs ni pertes mais plutôt des profits comptables ou
profits normaux.

1.3.2. L’équilibre de long terme de l’industrie

A. L’équilibre de long terme de la firme

Le graphique 1.4 : ci-dessous résume l’équilibre de long terme d’une firme en CPP

Graphique 1.4 : Equilibre de LT de la firme CmC CmL CMC CML

EL
PE
P=RM=CMC=CML=CmC=CmL

qE q

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Commentaires du graphique 1.4

L’équilibre de long terme (EL) et atteint au point où le CTM de long terme est égal au prix de
marché (PE=CTML). La firme réalise des profits ou des pertes selon que l’une ou l’autre des
conditions suivantes se vérifie :
- Si PE > CTML : les firmes réalisent des profits économiques purs et de nouvelles firmes
font leur entrée sur le marché et la quantité offerte augmente,
- Si PE < CTML : il y a des firmes de la branche qui subissent des pertes économiques : pures
celles-ci vont quitter la branche.
- Au point d’équilibre final (EL) les firmes ne réalisent ni profits économiques purs, ni pertes
économiques pures. Il n’y a donc pas d’incitation à l’entrée de nouvelles firmes car les
entreprises existantes ne réalisent que des profits comptables ou profits normaux réalisables
dans n’importe quelle autre branche en CPP. Pour ces mêmes raisons les firmes ne
quitteront pas la branche. A ce point d’équilibre de long terme, il est donc nécessaire que :
PE=RM=CMC=CML=CmC=CmL.

B. Détermination de l’équilibre de long terme dans les industries à coûts


constants

Dans une industrie en CPP à coûts constants, les prix des facteurs de production restent constants
avec l’accroissement du nombre de firmes. Dans une telle industrie le prix d’équilibre de long
terme est déterminé au minimum du coût moyen de court terme et de long terme.

1.4. Efficience et bien-être

S’agissant d’efficience et de bien-être, les marchés concurrentiels ont des propriétés bénéfiques.
Rappelons qu’un équilibre concurrentiel est caractérisé par l’équilibre de l’offre et de la demande
et si toutes les entreprises sont identiques, le profit de chacune est nul à long terme.

1.4.1. Efficience

Le prix et la quantité qui caractérisent l’équilibre concurrentiel reflètent deux propriétés de cet
équilibre : l’efficience de la production et l’efficience de la consommation.

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A. Efficience de la production

La production est efficiente dans le sens où tous les produits sont fabriqués au coût minimum.
Autrement dit, aucun réagencement des ressources (telles que le travail, les machines et les
matières premières) entre les entreprises ne permettrait d’augmenter la production d’un produit
sans réduire celle d’au moins un autre. (Nous sommes sur la FPP).

B. Efficience de la consommation

La quantité consommée de chaque bien correspond aussi au critère de l’efficience : la valeur qu’un
acheteur accorde à la consommation d’un bien est exactement égale au coût marginal de production
de ce bien. Aucune autre répartition des biens entre les consommateurs ne pourrait améliorer le
bien-être d’un consommateur sans réduire celui d’au moins un autre.

1.4.2. Bien-être

Pour toute distribution donnée du revenu, la concurrence maximise le bien-être. Pour le montrer,
nous expliquons de quelle facon l’on mesure les gains et les pertes des consommateurs et des
producteurs, de facon à comparer les différentes structures de marché sous ce rapport. Nous
pourrons alors utiliser ces instruments pour évaluer les effets socialement négatifs de tout écart par
rapport à la situation de concurrence (comme l’écart introduit par le prélèvement d’impôts).

A. Surplus des consommateurs

On appelle surplus du consommateur, la différence entre la somme maximale de monnaie qu’il est
disposé à payer pour acquérir une certaine quantité de bien et la dépense qu’il supporte
effectivement.

Commentaire du graphique 1.5

La courbe de demande ci-dessous, indique que les consommateurs sont disposés à payer 10F pour
100 unités du bien, 8F pour 200 unités et 6F pour 300 unités. A l’équilibre les consommateurs
paient 6F pour 300 unités. Ils auraient été disposés à payer 4F de plus pour consommer seulement
100 unités, 2F de plus pour consommer seulement 200 unités, mais rien de plus pour consommer
300 unités.

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Graphique 1.5 : Surplus du consommateur et surplus du producteur

Prix, F

12

10
Offre, S
8

2 Demande, D

100 200 300 Quantité

Le surplus du consommateur correspond à la surface située sous la courbe de demande et au dessus


du prix d’équilibre (6F). Cette surface est égale à 900 F (c'est-à-dire 300 x 6 / 2 = 900 F).
Les consommateurs ont payé 1800 F pour acheter 300 unités. Mais, s’ils n’avaient pas bénéficié
du prix du marché, les entreprises auraient pu obtenir d’eux qu’ils dépensent jusqu’à 900 F de plus,
c'est-à-dire 2 700 F en tout. Dans cet exemple, le surplus des consommateurs représente 50% de
ce que les consommateurs ont effectivement payé.
Par sommation des courbes de demande individuelle on obtient la demande de marché d’un bien.
Cette courbe indique l’évaluation marginale du bien considéré pour l’ensemble des individus
consommant ce bien. En utilisant cette courbe de demande de marché, on définit de manière
analogue le surplus des consommateurs.

B. Surplus des producteurs

On appelle surplus des producteurs, la différence entre les dépenses des consommateurs (ce qui
est une recette pour les producteurs) et le coût de production.

Sur la figure 1.5, par exemple, cela coûte 2 F pour produire 100 unités, 4 F pour produire 200
unités et 6 F pour produire 300 unités. Au prix d’équilibre de concurrence (concurrentiel), 6 F, les

20
Cours d’Economie Industrielle

entreprises obtiennent 4 F de plus que le coût marginal pour les 100 premières unités. Sur la figure
1.5, le surplus des producteurs donné par la surface située au-dessus de la courbe d’offre et au-
dessous du prix (6 F) est égal à 900 F. Autrement dit le profit des entreprises au prix d’équilibre
concurrentiel (6 F) est égal à 900 F.

C. Bénéfice social, Surplus social et Perte sèche

On sait que le surplus des consommateurs est :


𝑞∗
𝑆 = ∫ 𝑝(𝑞)𝑑𝑞 − 𝑝∗ 𝑞 ∗
0

Supposons que ce surplus résulte de la réalisation d’une entreprise ou d’un projet qui fournit une
quantité q* d’un bien au prix p*. On sait que les consommateurs dépensent effectivement p*q* ;
mais sont disposés à payer aussi S pour avoir q*. La volonté totale de payer des consommateurs
est alors S+p*q*. Cette volonté totale de payer est appelée bénéfice social du projet ou encore
variation d’utilité collective ou encore surplus économique.

Graphique 1.6 : Bénéfice social = S+p*q*


P Offre

S
P* Demande

p*q*
q* Q
Bien entendu le projet qui a mis à la disposition des consommateurs la quantité q* a nécessité un
coût de production. On appelle surplus social, le bénéfice social moins le coût de production. On
appelle surplus des producteurs, la différence entre la recette et le coût de production. Ainsi, le
surplus social est égal à la somme des surplus des consommateurs et des producteurs.

21
Cours d’Economie Industrielle

On appelle perte sèche (PS) le coût social d’un mauvais fonctionnement du marché. La perte sèche
est égal à la réduction des surplus du consommateur et du producteur causée par une déviation par
rapport à l’équilibre concurrentiel.
Graphique 1.7 : Perte sèche
P

P*
A B
T P0 Perte sèche PS
C D

P*-T

Q* Q0 Q

1.5. La nouvelle économie industrielle et la théorie des marchés contestables

La théorie des marchés contestables apparue au début des années 1980 et proposée par Baumol
visait à donner un contenu au concept de concurrence lorsqu’il y a un petit nombre d’entreprises
qui proposent un même bien sans exclure le cas où elles auraient des rendements d’échelle
constants.

Cette théorie s’appuie essentiellement sur l’idée que la seule présence de candidats potentiels à la
production d’un bien empêche les entreprises en place de tirer parti de leur situation (en faisant
notamment des profits anormaux) et les oblige à pratiquer des prix concurrentiels. Un marché dans
lequel l’entrée est parfaitement libre et dont la sortie s’effectue sans coût est un marché contestable
ou encore disputable.

Selon la théorie des marchés contestables les situations où il y a un petit nombre d’entreprises qui
offrent le même bien (d’oligopoles ou de monopoles) peuvent être des situations de concurrence
aussi efficiente que la concurrence pure et parfaite ; pour cela il faut que les entreprises en place

22
Cours d’Economie Industrielle

puissent être « contestées » par d’autres qui sont disposées à les supplanter. Ainsi, le rôle de l’Etat
ne consiste pas à imposer des contraintes d’ordre réglementaire aux entreprises qui abusent de leur
position dominante mais à créer les conditions d’une libre entrée et libre sortie sur le marché pour
qu’elles puissent être contestées.

La théorie des marchés contestables est bâtie sur un certain nombre de concepts qu’elle a elle-
même forgés tel celui de la « configuration d’industrie » et sur trois hypothèses très particulières.
Le propos de la théorie des marchés contestables est que dans une société libérale le pouvoir de
monopole est rare, faible et transitoire.

Cette idée repose sur 3 hypothèses : la première est que la domination d’un secteur par une firme
provient d’une efficacité supérieure.

La seconde est que le seul type de pouvoir monopolistique authentique résulte de collusion entre
firmes, cette collusion est faible et transitoire : l’une des firmes finit par trahir la collusion.

La troisième hypothèse est que les monopoleurs obtiennent rarement des profits de monopole du
fait qu’ils doivent beaucoup dépenser par avance dans des activités de recherche de rentes. (L’idée
est que capter une rente est beaucoup cher car il faut corrompre les hommes politiques, racheter
les potentiels concurrents, etc.

1.6. Limites de la concurrence parfaite

Certains rares marchés répondent à la plupart des critères du modèle de la concurrence parfaite.
Par exemple, le marché boursier :
- les participants au marchés des actions sont nombreux (un grand nombre de personnes
achètent et vendent des actions d’entreprises) et bien informés ;
- le prix d’une action particulière est déterminé par les forces de l’offre et de la demande ;
- aucun participant pris individuellement ne peut influencer le prix du marché.

Ainsi, le marché boursier correspond de très près aux postulats de la concurrence parfaite.
Cependant, ce n’est pas le cas de la plupart des marchés. Seuls quelques marchés fonctionnent
sur le mode de la concurrence parfaite.

C’est pourquoi la plus grande partie de ce cours sera consacrée à l’analyse de modèle plus réaliste
du comportement économique.

23
Cours d’Economie Industrielle

Le modèle de la concurrence parfaite postule que les entreprises ne peuvent pas influencer le prix
du marché. Dans la réalité cependant, les entreprises ont un pouvoir plus ou moins grand de
fixation de prix lorsqu’elles sont en petit nombre (monopoles, oligopoles, cartels). Les chapitres 3
et 4 étudient les stratégies de prix et de quantité des entreprises visant à augmenter les ventes ou
les profits lorsqu’elles sont en petit nombre.

Ensuite en postulant que les consommateurs sont parfaitement informés, le modèle de la


concurrence parfaite ignore implicitement la publicité et le marketing. Le chapitre 5 approfondit
cette question.

24
Cours d’Economie Industrielle

Chapitre 2 : Configurations d’industrie

Nous nous intéresserons à l’industrie d’un bien c'est-à-dire à l’ensemble des firmes ou des
entreprises qui produisent ce bien. S’il y a N entreprises et si la production de l’entreprise i est qi,
alors on appelle configuration d’industrie l’ensemble formé par le vecteur des production
(q1,…,qN) et par un prix p* du bien considéré, prix qui est le même pour toutes les entreprises qui
forment l’industrie.

Une configuration d’industrie est dite réalisable si au prix p*, l’offre totale du bien produit par
l’industrie (q1+…+qN) est égale à la demande totale de ce bien et si aucune entreprise ne produit
à perte. Parmi les configurations réalisables d’une industrie, on distingue celles qui sont
soutenables et qui sont en fait les équilibres du modèle.

Les configurations soutenables sont les configurations réalisables telles qu’il n’y a plus d’entrées
profitables (aucune entreprise extérieure à l’industrie ne puisse offrir le bien produit par cette
industrie à un prix inférieur ou égal au prix de la configuration tout en faisant un profit strictement
positif. La menace que font peser les « candidates » à l’entrée qui en proposant un prix inférieur
peuvent « rafler » toute la demande fait qu’il n’y a pas d’équilibre tant que cette menace peut
s’exercer c'est-à-dire tant que la configuration de l’industrie n’est pas soutenable. Toute situation
où les configurations réalisables ne peuvent être des équilibres que si elles sont soutenables est
appelée marché parfaitement contestable.

2.1. Positionnement concurrentiel et formes de pouvoir de marché

Dans la réalité, on observe que les entreprises cherchent à s’isoler de la concurrence en jouant sur
un grand nombre de variables d’action. L’idée est qu’il faut acquérir un avantage concurrentiel
durable. La découverte de ces variables d’action suppose (au préalable) un diagnostic interne et
externe de la firme.
- faire un diagnostic interne
- faire un diagnostic externe.

2.1.1. Diagnostic interne et pouvoir de marché

25
Cours d’Economie Industrielle

Il s’agit de repérer les forces et faiblesses de l’Entreprise, qui proviennent de 3 formes différentes
de pouvoir de marché qui sont :
- la domination par les coûts (la firme supporte des coûts plus bas que ceux des concurrents) ;
- la différenciation des produits (elle permet d’isoler le produit de la firme de ses proches
substituts proches ;
- les autres formes de pouvoir de marché sont la discrimination par les prix ou les restrictions
verticales des clients ou des fournisseurs (pouvoir de marché exercé vis-à-vis des clients
et des fournisseurs).

A. Indice du pouvoir de monopole

La fonction de coût du monopole : 𝐶(𝑞)

La fonction de demande inverse : 𝑃 = 𝑃(𝑞)

La fonction de profit : Π(𝑞) = 𝑃(𝑞). 𝑞 − 𝐶(𝑞)

𝑑Π⁄𝑑𝑞 = 𝑑𝑃⁄𝑑𝑞. 𝑞 + 𝑃(𝑞) − 𝐶 ′ (𝑞) = 0


𝑑𝑃
⇒𝑃+ . 𝑞 = 𝐶 ′ (𝑞)
𝑑𝑞
(Recette Marginale = Cout Marginal)

𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞) 𝑑𝑃 𝑞 1
𝑃𝑚 − 𝐶 ′ (𝑞) = − 𝑑𝑃⁄𝑑𝑞 . 𝑞 ⇒ =− . =
𝑃 𝑑𝑞 𝑃 𝜀𝑝
C’est la règle de l’élasticité inverse.

𝑃−𝐶 ′ (𝑞)
est le taux de marge du monopole qui est une fonction inverse de l’élasticité de la demande.
𝑃

Plus l’élasticité est faible, plus le pouvoir du monopole ou son taux de marge est élevé et donc plus
son profit est élevé. C’est le principe de la règle de l’élasticité inverse, plus mon produit est
différencié, plus mon élasticité est faible (l’idée est qu’il n’y a pas de substitut).

2.1.2. La notion de diagnostic externe

Cette notion porte sur l’environnement externe des firmes. Il s’agit des menaces et opportunités.
Dans le diagnostic externe, il importe d’analyser :
- l’environnement concurrentiel direct de l’entreprise.
- Faire attention aux entrants potentiels.
- Faire attention aux producteurs de biens substituts.

26
Cours d’Economie Industrielle

- Enfin, il faut observer sa position vis-à-vis des clients et des fournisseurs. C’est le problème
des restrictions verticales. L’idée est qu’il est très dangereux d’être les mains et pieds liés
à un seul client ou un seul producteur. On peut schématiser comme suit :
Pouvoir de négociation des fournisseurs

Entrant potentiels Concurrence dans le secteur Producteurs de biens


substituts

Pouvoir de négociation des clients

(Michael Porter est l’économiste le plus connu dans la stratégie d’entreprise)

2.2. Domination par les coûts et configuration naturelle d’un marché en production simple
et en production multiple

2.2.1. Configuration optimale d’un marché en production simple

A. Avantage absolu de coût et sous-additivité des coûts

L’avantage absolu de coût signifie que la courbe de coût de l’entreprise est durablement inférieure
à celle de ses concurrentes. On a trois sortes d’avantages absolus de coût.

1. l’avantage qui résulte d’une meilleure maîtrise de la technologie de production ou de l’accès à


une technologie spécifique.

2. l’avantage qui provient de l’exploitation d’une position favorable sur le marché des inputs qui
peuvent être le travail, les produits intermédiaires ou les matières premières.

3. enfin, les avantages absolus de coût qui résultent de la réglementation spécifique qui protège les
entreprises installées sur le marché.

Ces avantages peuvent dissuader les entreprises d’entrer sur le marché, mais la plupart du temps,
ils sont transitoires. Notamment si les entreprises ont un accès égal aux techniques de production
et aux marchés des intrants, les avantages devrait disparaitre à long terme.

B. Notion de sous-additivité des coûts

27
Cours d’Economie Industrielle

A long terme, une firme parce que disposant de coûts plus bas arrive à dominer ses concurrentes
en livrant seule l’ensemble du marché. On dit dans ce cas qu’elle a une fonction de coût sous-
additive. L’idée de sous-additivité est liée aux économies d’échelle ou aux coûts moyens
décroissants.

Coût

Coût moyen
qi q q
Propriété de sous-additivité des coûts

𝐶(𝑞) < ∑𝑁 𝑁
𝑖 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 ) avec ∑𝑖 𝑞𝑖 = 𝑞

Cette propriété est généralisable à des configurations de marché avec un nombre limité
d’entreprises c'est-à-dire M entreprises où M < N
𝑀 𝑁

∑ 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 ) < ∑ 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 )


𝑖 𝑖

Dans ce cas on parle d’oligopoles naturels. (Si M =1 on est en situation de monopole naturel).

C. Définition d’une structure industrielle optimale

La définition d’une structure industrielle optimale conduit à introduire des concepts nouveaux de
configurations réalisables et soutenables d’un secteur. La configuration d’un secteur est défini par
trois variables : le nombre de firmes n, les quantités qu’elles produisent, q1, q2,…qN et le prix p.

Une configuration est dite réalisable si les conditions suivantes sont remplies.

28
Cours d’Economie Industrielle

1. 𝑞 = ∑𝑁
𝑖=1 𝑞𝑖 = 𝑞(𝑝) c'est-à-dire que le marché est soldé (l’offre est égale à la demande) et 𝑝𝑞𝑖 −

𝐶(𝑞𝑖 ) ≥ 0, 𝑖 = 1, … 𝑁 c'est-à-dire toutes les firmes sont profitables (aucune firme ne produit à
perte).

Une configuration réalisable est dite soutenable si elle n’offre pas de possibilités d’entrée
profitable. Dans un marché parfaitement contestable (MPC), une configuration n’est optimale que
si elle est soutenable.

Une structure de marché optimale autrement le nombre « naturel » de firmes pour un niveau de
production donné est la population de firmes qui réalise cette production à moindre coût.
(Jacquemin).
Pour des fonctions de coûts sous-additives, la configuration optimale sera le monopole. (Une
entreprise est dite en situation de monopole naturel lorsque sa fonction de coût est sous-additive).
Pour d’autres configurations des courbes de coûts, la structure optimale sera le duopole, l’oligopole
ou encore la concurrence pure et parfaite.

2.2.2. Configuration d’un marché en production multiple

A. Sous additivité des coûts et économies d’envergure

• Fonction de coûts séparables et fonction de coûts non séparables

Une fonction de coût associée à N biens est non séparable si on ne peut pas séparer la fonction de
coût en N coûts partiels autrement dit si une partie des coûts est partagée entre plusieurs produits.
𝑁

𝐶(𝑞1, 𝑞2 , … 𝑞𝑁 ) ≠ ∑ 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 )
𝑖=1

Une fonction de coût associée à N biens est séparable si les N biens n’ont donc pas de coûts
communs :
𝑁

𝐶(𝑞1, 𝑞2 , … 𝑞𝑁 ) = ∑ 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 )
𝑖=1

Une fonction de coût associée à N biens est sous-additive si


𝑁

𝐶(𝑞1, 𝑞2 , … 𝑞𝑁 ) ≤ ∑ 𝐶𝑖 (𝑞𝑖 )
𝑖=1

29
Cours d’Economie Industrielle

Autrement dit, si pour les mêmes quantités de biens, une entreprise multiproduit supporte un coût
inférieur à celui que supporteraient ensemble plusieurs entreprises monoproduit. Dans ce cas, on
est en présence d’économies d’envergure.
Il y a 3 facteurs qui peuvent expliquer la présence d’économies d’envergure :
- Le partage d’activités communes (administration, recherche, marketing)
- L’existence de synergies entre activités ;
- La diversification des risques qui sont liés à la vente de produits sur des marchés différents.
A l’inverse, on peut connaitre des déséconomies d’envergure. Ces déséconomies résultent des
coûts de structure élevés qui sont entraînés par la coordination d’un grand nombre d’activités
différentes.

B. Le choix d’une structure industrielle optimale en production multiple

Les économies d’envergure peuvent se combiner avec les économies d’échelle pour aboutir à une
structure industrielle optimale. La détermination de la structure industrielle optimale en production
multiple est un peu complexe, toutes les situations sont possibles. Il faut tenir compte des
interactions entre demandes de produits en production multiple.
On peut retenir deux cas extrêmes :
Si l’entreprise produit des biens substituts, elle pourra pratiquer des prix plus élevés qu’un
monopole uniproduit car une hausse du prix d’un produit entraine une hausse de la demande du
produit substitut.
Si une entreprise produit des biens complémentaires, elle peut avoir intérêt à pratiquer une
tarification inférieure à une tarification monopoliste sur un produit parce qu’en baissant le prix de
ce produit elle entraine une hausse de la demande du produit complémentaire. Elle peut dans
certain cas avoir intérêt à vendre à perte.
La configuration optimale en production multiple est déterminée si le marché est parfaitement
contestable. En effet, les pratiques de subventions croisées sont limitées car cette pratique nécessite
un bien subventionneur et un bien subventionné. Les profits sur le bien subventionneur
compensent les pertes sur le bien subventionné.
Lorsqu’on a des marchés prafaitement contestables, une telle pratique est vite détruite par l’entrée
de nouveaux concurrents sur le marché du bien subventionneur par ce que le prix sur le marché du
bien subventionneur n’est pas concurrentiel, les entreprises monoproduit candidate peuvent faire

30
Cours d’Economie Industrielle

des entrées profitables sur le marché du biens subventionneur et rafler toute la demande par une
légère baisse des prix.

31
Cours d’Economie Industrielle

Chapitre 3 : Le monopole

On dit qu’une entreprise est en situation de monopole lorsqu’elle est seule à offrir un bien
homogène à de nombreux consommateurs.

Quatre causes principales expliquent l’existence de monopoles : les situations de « monopole


naturel », le contrôle d’une ressource rare ou d’un brevet, les positions de monopole institutionnel
et enfin les mécanismes de la concurrence eux-même.

Nous nous intéresserons dans ce chapitre au monopole naturel. On dit qu’il y a monopole naturel
sur un marché lorsque pour tout niveau de production, le coût est minimal lorsque la production
est réalisée par une seule entreprise. (ie. le coût supporté par une seule entreprise est inférieur au
coût que supporteraient conjointement deux ou plusieurs entreprises pour réaliser ce même niveau
de production).

Une condition suffisante pour qu’il en soit ainsi est que toutes les entreprises susceptibles de
produire le bien aient la même technologie et que leur coût moyen soit décroissant (c'est-à-dire
qu’on ait une industrie à rendements d’échelle croissants).

Dans les industries à économies d’échelle, le souci d’efficacité devrait conduire à ne laisser qu’une
seule entreprise sur le marché puisque celle-ci sera en mesure de satisfaire la demande de manière
plus efficace que si les clients se répartissaient entre plusieurs offreurs.

3.1. Le comportement du monopole

3.1.1. Maximisation du profit du monopole (l’équilibre du monopole)

Le profit du monopole, noté Π, est égal à la différence entre la recette totale RT(Y) et le coût total
de production CT(Y) à court ou long terme. On écrira donc :

𝛱(𝑌) = 𝑅𝑇(𝑌) − 𝐶𝑇(𝑌)

CPO

Π′ (𝑌) = 𝑅𝑇 ′ (𝑌) − 𝐶𝑇 ′ (𝑌) = 0

C'est-à-dire, 𝑅𝑚 (𝑌 ∗ ) = 𝐶𝑚 (𝑌 ∗ ). Le niveau de production choisi par le monopole est donc


caractérisé par l’égalité de la recette marginale et du coût marginal.

32
Cours d’Economie Industrielle

A l’équilibre du monopole, le coût marginal 𝐶𝑚 (𝑌 ∗ ) égal à la recette marginale 𝑅𝑚 (𝑌 ∗ ) est


nécessairement inférieur à la recette moyenne c'est-à-dire au prix unitaire P(Y*). On a en effet,
𝑅𝑚 (𝑌 ∗ ) = 𝐶𝑚 (𝑌 ∗ ) = 𝑃(𝑌 ∗ ) + 𝑃′ (𝑌 ∗ )𝑌 ∗ < 𝑃(𝑌 ∗ )

Le volume de production Y* choisi par le monopole est donc inférieur à celui qui correspond à
l’égalité du prix et du coût marginal c'est-à-dire Y’, 𝐶𝑚 (𝑌 ′ ) = 𝑃(𝑌 ′ ).

Ceci est une différence fondamentale avec l’équilibre d’un marché de concurrence parfaite qui
est caractérisé par l’égalité du prix et du coût marginal pour toutes les firmes qui participent au
marché.

En résumé, le comportement du monopole se caractérise par un écart entre prix et coût marginal
et s’accompagne d’une réduction du surplus collectif par rapport à la situation optimale où prix
et coût marginal sont égaux. On parle parfois de « malthusianisme » du monopole pour qualifier
ce comportement d’une entreprise qui restreint volontairement sa production par rapport à un
niveau socialement optimal, afin de bénéficier d’un prix unitaire plus élevé lui permettant de
réaliser un profit plus important.

3.1.2. Le Pouvoir de monopole

Le problème du monopole s’écrit :


max Π(𝑞) = 𝑅(𝑞) − 𝐶(𝑞)
𝑞

CNPO
𝛿Π
= 𝑅 ′ (𝑞) − 𝐶 ′ (𝑞) = 0 ⇔ 𝑅 ′ (𝑞) = 𝐶 ′ (𝑞)
𝛿𝑞
Nous avons :

′ ′ (𝑞) ′ (𝑞)𝑞
𝑃′ (𝑞)
𝑅(𝑞) = 𝑃(𝑞). 𝑞 𝑑 𝑜ù 𝑅 =𝑃 + 𝑃(𝑞) = 𝑃(𝑞) [1 + 𝑞]
𝑃
𝛿𝑃 𝑞
𝑅 ′ (𝑞) = 𝑃(𝑞) [1 + ]
𝛿𝑞 𝑃

1 1
𝑅 ′ (𝑞) = 𝑃(𝑞) [1 + ] = 𝑃(𝑞)[1 + ]
𝛿𝑞 𝑃 𝜀𝑞,𝑃
𝛿𝑃 𝑞
1
L’égalité 𝑅 ′ (𝑞) = 𝐶 ′ (𝑞) devient : 𝐶 ′ (𝑞) = 𝑃(𝑞)[1 + 𝜀 ]. En réarrangeant nous obtenons :
𝑞,𝑃

33
Cours d’Economie Industrielle

𝐶′𝑞) 1 𝐶′𝑞) 1 𝐶 ′ (𝑞) − 𝑃(𝑞) 1 𝑃(𝑞) − 𝐶′(𝑞) 1


=1+ ⇔ −1= ⇔ = ⇔ =
𝑃(𝑞) 𝜀𝑞,𝑃 𝑃(𝑞) 𝜀𝑞,𝑃 𝑃(𝑞) 𝜀𝑞,𝑃 𝑃(𝑞) /𝜀𝑞,𝑃 /
𝑃(𝑞)−𝐶′(𝑞)
Le membre du gauche est l’indice de Lerner ou Markup. Cette formule mesure le
𝑃(𝑞)

pouvoir de monopole et signifie que le prix du monopole excède le coût marginal d’un écart
d’autant plus grand que la demande du bien est inélastique.

3.2. Inefficacité et charge morte du monopole (Deadweight loss)

Cm

Pm

A B
Pc
C

Rm=Cm

Demande P(q)

Qm Rm Qc

La charge morte du monopole est représentée par la surface B+C, cette surface représente la perte
de satisfaction des agents due au fait qu’ils paient le prix du monopole plutôt que le prix
concurrentiel. En effet, suite à un déplacement de la position du monopole à la position
concurrentielle, le surplus du monopoleur diminue de A mais augmente de C.

Le surplus du consommateur augmente lui de A+B. La surface A correspond donc simplement à


un transfert du monopoleur aux consommateurs. La surface B+C représente par contre une réelle
augmentation du surplus des agents. On appelle la surface B+C la charge morte du monopole, elle
mesure la perte de satisfaction des agents découlant du fait qu’ils payent le prix du monopole plutôt
que le prix concurrentiel.

34
Cours d’Economie Industrielle

Deuxième partie : Comportement stratégique des entreprises

Le spectre de la structure des marchés est classé de la structure la plus concurrentielle à la moins

concurrentielle. Le monopole pur est la moins concurrentielle tandis que la concurrence parfaite

est la plus concurrentielle des structures de marché.

Ces deux formes extrêmes de structure de marché partagent un élément commun qui est le suivant,

ni le monopoleur pur, ni la firme en concurrence parfaite n’a besoin d’accorder un intérêt aux

actions des autres firmes dans le plan de maximisation de son profit.

La plupart des marchés observés dans la réalité se situent entre ces deux structures extrêmes. Il

s’agit des marchés oligopolistiques. Sur ces marchés, il y a un petit nombre de grandes firmes, qui

sont conscientes de leur interdépendance stratégique. La caractéristique fondamentale de la

concurrence oligopolistique est l’interdépendance entre les producteurs à travers leurs actions

stratégiques. Les instruments de ces actions peuvent être classés selon la vitesse avec laquelle ils

peuvent être adaptés à une situation donnée. Ainsi,

- A court terme, la principale variable qu’une entreprise peut modifier est d’abord le prix

ensuite les quantités produites. La première variable d’action de court terme est donc le

prix si bien que l’analyse des interactions stratégiques de court terme se confond avec celle

de la concurrence par les prix, ensuite viennent les quantités produites.

- A long terme, on s’intéresse à la collusion tacite et à la différenciation des produits.

35
Cours d’Economie Industrielle

Chapitre 5 : Comportement stratégique non coopératifs (les oligopoles non-coopératifs)

Les modèles d’oligopole se préoccupent des interactions stratégiques qui apparaissent dans un
secteur d’activité quand il y a un petit nombre d’entreprises. Il existe plusieurs modèles pertinents
parce que les entreprises peuvent adopter différents comportements dans un environnement
oligopolistique.

Les classifications classiques donnent quatre possibilités :

a) un leadership en quantité ;

b) un leadership en prix

c) une détermination simultanée des prix

d) une détermination simultanée des quantités.

5.1. Le leadership en quantité ou modèle de Stackelberg

Dans le modèle de Stackelberg ou leadership en quantité une entreprise conduit le marché en


fixant son output et l’autre suit. Quand le leader choisit sa quantité d’output, il tient compte de la
façon dont le « follower » ou suiveur réagira.

Ainsi, nous analysons d’abord le problème du follower.

𝑀𝑎𝑥 Π2 (𝑦1 , 𝑦2 ) = 𝑃(𝑌)𝑦2 − 𝑐2 (𝑦2 )

CNO

𝛿Π2 𝛿𝑃
= 𝑦 + 𝑃(𝑌) − 𝐶𝑚2 (𝑦2 ) = 0
𝛿𝑦2 𝛿𝑦2 2

𝛿𝑃
𝑅𝑚2 = 𝑃(𝑦1 + 𝑦2 ) + 𝑦 = 𝐶𝑚2
𝛿𝑦2 2

Nous écrivons la solution ou fonction de réaction du follower comme suit 𝑦2 = 𝑓2 (𝑦1 ). Dans le
cas où la fonction de demande inverse revêt la forme suivante :

36
Cours d’Economie Industrielle

𝑃(𝑦1 , 𝑦2 ) = 𝑎 − 𝑏(𝑦1 + 𝑦2 ) et si les coûts sont nuls. La fonction de profit de 2 s’écrit :

Π2 (𝑦1 , 𝑦2 ) = [𝑎 − 𝑏(𝑦1 + 𝑦2 )]𝑦2

𝑅𝑚2 (𝑦1 , 𝑦2 ) = 𝑎 − 𝑏𝑦1 − 2𝑏𝑦2 = 0

𝑎 − 𝑏𝑦1
𝑦2∗ = 𝑓(𝑦1 ) =
2𝑏

La fonction de profit de l’entreprise 1 s’écrit alors comme suit :

𝑀𝑎𝑥 Π1 = 𝑃(𝑦1 + 𝑓(𝑦1 )𝑦1 − 𝐶1 (𝑦1 ) avec 𝑓(𝑦1 ) = 𝑦2∗

𝑎 𝑎
𝑀𝑎𝑥 Π1 = −𝑏𝑦1 = 0 ⇔ 𝑦1∗ = 𝑏
2 2

Enfin l’output du follower est obtenu en substituant 𝑦1∗ dans la fonction de réaction

𝑎−𝑏𝑦1∗
𝑦2∗ = ⇒ 𝑦2∗ = 𝑎/4𝑏
2𝑏

3𝑎
L’output total est donc 𝑦1∗ + 𝑦2∗ = 4𝑏

L’entreprise 2 se comporte comme un follower signifie qu’elle choisit son output sur la base de sa
fonction de réaction 𝑓2 (𝑦1 ).

5.2. Le modèle du leadership en prix

Dans le modèle du leadership en prix, une entreprise leader fixe son prix et l’autre entreprise
follower choisit la quantité qu’elle désire offrir à ce prix.

De nouveau, quand le « leader » choisit son prix, il tient compte de la façon dont le follower
réagira.

La première chose à noter dans le modèle de leadership en prix est qu’à l’équilibre le « follower »
doit toujours avoir le même prix que le leader. Etant donné que les deux firmes vendent des
produits identiques, si elles pratiquent des prix différents, les consommateurs préféraient le
producteur pratiquant le prix le plus bas.

37
Cours d’Economie Industrielle

Supposons que le leader ait fixé un prix P, le follower prend ce prix pour une donnée et choisit
l’output qui maximise son profit. Il s’agit essentiellement du même comportement qu’en CPP.

Le problème du follower s’écrit :

max 𝑃𝑦2 − 𝐶2 (𝑦2 )


𝑦2

CNPO : 𝑃 = 𝐶𝑚2 (𝑦2 )

Cette fonction détermine la courbe d’offre pour le « follower », S(P).

Examinons le problème du leader.

Il sait que s’il fixe un prix P, le follower offrira S(P). la quantité d’output que le leader vendra est
donc 𝑅(𝑃) = 𝐷(𝑃) − 𝑆(𝑃). C’est la courbe de demande résiduelle du « leader ».

La fonction de profit du leader est : Π1 (𝑃) = (𝑃 − 𝐶)[𝐷(𝑃) − 𝑆(𝑃)] = (𝑃 − 𝐶)𝑅(𝑃).

1
Exemple : 𝐷(𝑃) = 𝑎 − 𝑏𝑃 𝐶2 (𝑦2 ) = 2 𝑦22 𝐶1 (𝑦1 ) = 𝐶𝑦1

5.3. La concurrence en quantité : le modèle de Cournot (Mathématicien français du XIXès)

Il s’agit d’un modèle de fixation simultanée des quantités.

5.3.1. Le modèle général

Le modèle général d’oligopole décrit une situation dans laquelle n entreprises produisent et offrent
un même bien à une multitude de consommateurs qui n’ont chacun aucune influence sur la
demande du bien.
- La fonction de coût de chaque entreprise est : 𝐶(𝑞𝑖 )
- La fonction de profit de chaque entreprise est : Π𝑖 = 𝑃(𝑄(𝑞𝑖 )). 𝑞𝑖 − 𝐶(𝑞𝑖 )

Condition de maximisation du profit


𝛿Π 𝛿𝑃 𝛿𝑄
= 𝑞 + 𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) = 0
𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑄 𝛿𝑞𝑖 𝑖

38
Cours d’Economie Industrielle

𝛿𝑃 𝛿𝑄
𝑃 + 𝑞𝑖 = 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) ⇔ 𝑅𝑚 = 𝐶𝑚
𝛿𝑄 𝛿𝑞𝑖
(Recette marginale = Coût marginal)
𝛿𝑄
est le rapport de la variation de la production du secteur sur la variation de la production de
𝛿𝑞𝑖

l’entreprise (i). C’est la réaction du secteur à la politique de l’entreprise i.


On pose : 𝛿𝑄 = 𝛿𝑞𝑖 + 𝛿𝑄−𝑖 avec 𝑄−𝑖 = à la variation de la production des concurrentes en réponse
à la variation de la production de l’entreprise i.
𝛿𝑄 𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑄−𝑖 𝛿𝑄−𝑖
= + = 1 + 𝐴𝑖 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝐴𝑖 =
𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑞𝑖
𝐴𝑖 est la variation conjecturale de la production des concurrentes de l’entreprise (i) à
l’accroissement de sa production.
𝛿𝑃 𝛿𝑄 𝛿𝑃
𝑃 + 𝑞𝑖 = 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) ⇔ 𝑃 + 𝑞𝑖 (1 + 𝐴𝑖 ) = 𝐶 ′ (𝑞𝑖 )
𝛿𝑄 𝛿𝑞𝑖 𝛿𝑄
𝛿𝑃 𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) 𝑞𝑖 𝛿𝑃 𝑄
𝑃− 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) = −𝑞𝑖 (1 + 𝐴𝑖 ) ⇔ =− (1 + 𝐴𝑖 )
𝛿𝑄 𝑃 𝑃 𝛿𝑄 𝑄
𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) 𝑞𝑖 𝛿𝑃 𝑄
=− (1 + 𝐴𝑖 )
𝑃 𝑄 𝛿𝑄 𝑃
𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) 𝑆𝑖
= (1 + 𝐴𝑖 )
𝑃 𝜀𝑃
Le taux de marge de l’entreprise est fonction de trois éléments : 𝑆𝑖 , 𝜀𝑃 et (1 + 𝐴𝑖 ).
𝑞𝑖
𝑆𝑖 = = part de marché de l’entreprise i ;
𝑄

𝐴𝑖 = réaction conjecturale des concurrentes de l’entreprise i à la variation de sa production.


Si 𝑆𝑖 = 1 alors 𝐴𝑖 = 0 par définition, j’ai le monopole.
Si 𝑆𝑖 = 0, nous sommes en concurrence pure et parfaite, P=Cm.
Si 0 < 𝑆𝑖 < 1 , nous sommes un oligopole.
En oligopole (0 < 𝑆𝑖 < 1), comment détermine t-on 𝐴𝑖 ?

• En cas de collusion parfaite

Les entreprises dans ce cas pratiquent un prix de monopole. Le taux de marge du pouvoir de
marché est égal au taux de marge du monopole.

39
Cours d’Economie Industrielle

𝑃 − 𝐶 ′ (𝑞𝑖 ) 𝑆𝑖
= (1 + 𝐴𝑖 ) ⇒ 𝑆𝑖 (1 + 𝐴𝑖 ) = 1
𝑃 𝜀𝑃
Si on a 𝑆𝑖 = 1/𝑛 alors 𝐴𝑖 = 𝑛 − 1 ; Ici les variations de production sont planifiées et toutes les
firmes du marché agissent comme si elles ne formaient qu’une seule firme.

• L’Equilibre du duopole de Cournot

L’oligopole de Cournot correspond à une situation où la firme considère que tous ses rivaux
laisseront leur production inchangée quelle que soit sa propre décision. Cela se traduit par 𝐴𝑖 = 0.
On a alors un prix compris entre le prix concurrentiel et le prix de monopole.
On prendra le cas où il y a deux entreprises. Chaque entreprise maximise son profit en prenant la
production du concurrent comme donnée.
Π1 (𝑞1 , 𝑞2 ) = 𝑞1 𝑃(𝑞1 + 𝑞2 ) − 𝐶1 (𝑞1 )
Π2 (𝑞1 , 𝑞2 ) = 𝑞2 𝑃(𝑞1 + 𝑞2 ) − 𝐶2 (𝑞1 )

𝛿Π1 𝛿𝑃(𝑞1 + 𝑞2 )
= 𝑃(𝑞1 + 𝑞2 ) − 𝐶 ′1 (𝑞1 ) + 𝑞1 =0
𝛿𝑞1 /𝑞2 𝑓𝑖𝑥é 𝛿𝑞1
On aura une relation entre 𝑞1 et 𝑞2 de la forme : 𝑞1 = 𝑅1 (𝑞2 ) avec
𝛿Π1 (𝑅1 (𝑞2 ))
= 0.
𝛿𝑞1

Pour l’entreprise 2, on aura 𝑞2 = 𝑅2 (𝑞1 ). Les deux relations sont décroissantes si mon concurrent
augmente sa production, la mienne va décroître. Les quantités produites sont des substituts
stratégiques, ce qui veut dire qu’une action de l’entreprise entraîne une réaction au sens opposé du
concurrent.
Dans ce cas, on a : 𝑃𝑐 < 𝑃 ∗ < 𝑃𝑚 et 𝑞 𝑐 > 𝑞 ∗ > 𝑞 𝑚 .
L’absence de coordination entre les entreprises engendre une externalité négative car elles
pratiquent un prix inférieur au prix de monopole.

40
Cours d’Economie Industrielle

Graphique 4.1 : L’équilibre de Cournot


𝒒𝟐

𝒒∗𝟐

𝑹𝟐

𝑹𝟏

𝒒∗𝟏 𝒒𝟏

• Principales propriétés du modèle de Cournot

1. Les courbes de réaction sont de pente négative (les quantités sont des substituts stratégiques)

2. les courbes de réaction ont une intersection unique (l’équilibre de Cournot est unique).

3. le prix de marché et le profit de chaque firme diminueront avec le nombre de firmes. En effet,
lorsque le nombre de firmes devient très grand le prix de marché tend vers le prix de concurrence.
Ainsi, un équilibre de Cournot avec un grand nombre de firme est approximativement
concurrentiel. Ce qui est naturel puisque chaque firme n’a qu’une faible influence sur le prix et
agit donc à peu près comme si elle prenait le prix pour donnée.

4. Dans le modèle de Cournot, la variable d’action de chaque entreprise est la quantité produite et
la fonction de demande est supposée connue des duopoleurs.

41
Cours d’Economie Industrielle

5.4. La fixation simultanée des prix et le paradoxe de Bertrand

5.4.1. Le modèle de Bertrand (1883)

En 1883, le mathématicien Joseph Bertrand critique la façon dont Augustin Cournot décrit le
comportement des entreprises dans son modèle de duopole. Plus précisément, il lui reproche
d’avoir supposé que les entreprises agissent à travers les quantités offertes et non à travers les prix
qui sont supposés s’ajuster de façon à égaliser l’offre et la demande globale. Le modèle de Bertrand
considère que les entreprises commence par prendre l’initiative de proposer un prix pour le bien
qu’elles veulent vendre avant de servir la demande qui se manifeste à ces prix.

Bertrand reprend les hypothèses de Cournot en supposant une information très centralisée (les prix
sont connus de tous) et que les entreprises possèdent des technologies de production à coût unitaire
C constant et des capacités e production qui permettent à chacune des deux entreprises de servir
toute la demande, quelque soit le prix.

Bertrand montre que si dans le cadre de ces hypothèses, les duopoleurs prennent l’initiative de
proposer des prix alors il n’y a qu’un seul équilibre où le prix est unique et égal au coût unitaire C
( le profit des deux firmes est donc nul à l’équilibre).

La démonstration du résultat de Bertrand est immédiate. Soit deux entreprises A et B qui produisent
un même bien et soit PA et PB les prix qu’elles proposent pour ce bien respectivement. Si PA=PB=C
alors il y a équilibre, car si l’une ou l’autre entreprise augmentait son prix même très légèrement,
elle perdrait toute sa clientèle et n’augmenterait donc pas son profit, et c’est là, le seul équilibre du
modèle. En effet, si un duopoleur propose un prix P > C l’autre a intérêt :

-soit à diminuer son prix s’il est supérieur ou égal à celui de son concurrent de facon à récupérer
toute la clientèle ;

- soit à l’augmenter légèrement de façon à augmenter son profit en gardant sa clientèle s’il est
strictement inférieur à celui de son concurrent.

Il n’y a donc pas équilibre tant qu’on a pas PA=PB=C car au moins une entreprise est incitée à
modifier son choix.

42
Cours d’Economie Industrielle

5.4.2. Formalisation du modèle de Bertrand

Deux firmes produisent un bien homogène, chacune ayant un coût marginal identique 𝐶 > 0 et
aucun coût fixe. Supposons que la demande de marché est linéaire par rapport à la quantité totale
d’output Q et on écrit donc : 𝑄 = 𝛼 − 𝛽𝑃 où P est le prix du bien. Les firmes annoncent
simultanément les prix et sont prêtes à satisfaire toute la demande à ces prix. Les consommateurs
achètent chez le producteur qui pratique le prix le plus bas. Si les deux déclarent le même prix
alors ils se partageront la demande de marché équitablement.

Ici donc le profit de chaque firme dépend clairement du prix que sa concurrente pratique et de son
propre prix.

Ecrivons le profit de la firme 1 dans le modèle de Bertrand.

(𝑃1 − 𝐶)(𝛼 − 𝛽𝑃1 ) 𝑠𝑖 𝐶 < 𝑃1 < 𝑃2


1
Π1 (𝑃1 , 𝑃2 ) = { (𝑃1 − 𝐶)(𝛼 − 𝛽𝑃1 ) 𝑠𝑖 𝐶 < 𝑃1 = 𝑃2
2
0, 𝑠𝑖 𝑃2 < 𝑃1

Nous supposons que chaque firme restreint son espace de choix aux prix 𝑃𝑖 ≥ C

A l’équilibre, toutes les firmes pratiquent un prix égal au coût marginal et gagne un profit nul. Une
justification est celle-ci : si l’une des firmes accroît son prix au dessus de C , elle perd toute sa
demande puisque le prix de la firme concurrente est alors strictement inférieur. En conséquence,
il n’est pas possible de gagner plus qu’un profit nul. D’où en choisissant :
𝑃𝑖 = C, 𝑖 = 1,2, chaque firme maximise son profit étant donné le choix de l’autre.

5.4.3. Le paradoxe de Bertrand

Si la concurrence entre deux firmes dominant le marché se fait en prix, le modèle de Bertrand
établit alors un équilibre unique où les deux firmes tarifient au coût marginal et ne font pas de
profit. Un simple duopole suffirait ainsi à rétablir la concurrence parfaite, c’est le « Paradoxe de
Bertrand ». En effet, il est difficile de comprendre que les firmes des industries qui n’en
comprennent qu’un petit nombre ne réussissent jamais à manipuler le prix du marché pour faire
des profits.

43
Cours d’Economie Industrielle

Ce paradoxe a été repris et étudiée en théorie des jeux notamment avec le dilemme du prisonnier.
Dans le paradoxe de Bertrand, on s’aperçoit que les prix sont des compléments stratégiques
puisqu’une action d’une entreprise entraine une réaction du concurrent dans le même sens.

44
Cours d’Economie Industrielle

Chapitre 6 : Différenciation des produits, concurrence monopolistique et publicité

Sur un marché oligopolistique, à l’absence de différenciation de produit, les stratégies des


entreprises se limitent aux quantités (modèle de Cournot) et aux prix (modèle de Bertrand). Dans
un univers où les produits sont différenciés, le prix n’est plus la seule caractéristique qui intéresse
le consommateur parce qu’il considère le produit de chaque entreprise comme un produit
spécifique. Aussi, la différenciation va-t-elle adoucir la concurrence entre les entreprises avec la
possibilité pour chacune de fixer son prix au dessus du coût marginal acquérant ainsi un pouvoir
de marché.

La règle générale qui préside à l’analyse de la différenciation est qu’elle est décidée par les
consommateurs. Chaque fois que les consommateurs pensent que deux variétés de produit sont
différentes et qu’ils prennent leur décision d’achat sur cette base, le produit doit être considéré
comme différencié.

La publicité va en conséquence, jouer un rôle fondamental dans la différenciation des produits.


Mais ce rôle dépendra finalement des caractéristiques du marché, du produit et de la nature de la
concurrence que se livrent les producteurs.

6.1. La différenciation des produits

Les biens diffèrent par leurs caractéristiques : qualité, localisation, disponibilité, etc…On peut
ainsi distinguer deux types de différenciation : la différenciation verticale et la différenciation
horizontale.

La différenciation est verticale lorsque le classement établi sur les caractéristiques est le même
pour tous les consommateurs dont les choix ultimes sont déterminés uniquement par leur revenu
et les prix.

Exemple : tous les consommateurs peuvent s’accorder sur le fait qu’une Mercedes est supérieure
à une Renault ou à une Fiat.
La différenciation est horizontale lorsque le classement des produits dépend des goûts individuels.
Exemple : le produit de l’entreprise 1 est préféré par un consommateur X alors que celui de
l’entreprise 2 est préféré par un consommateur Y.

45
Cours d’Economie Industrielle

En choisissant les caractéristiques de leur produit, les entreprises doivent intégrer le fait que ces
choix influencent le degré de la concurrence entre elles, le pouvoir de marché de chacune d’elles
ainsi que le profit réalisé par chaque entreprise. En règle générale, la notion de secteur d’activité
permet de regrouper les biens qui sont étroitement substituables entre eux. Mais les biens d’un
secteur ne sont jamais des substituts parfaits entre lesquels, les consommateurs sont totalement
indifférents quand ils sont vendus au même prix. Les biens sont différenciés verticalement ou
horizontalement.

6.2. La différenciation verticale

La différenciation verticale implique que tous les consommateurs établissent le même classement
entre les qualités du produit. Soit un consommateur achetant un bien de qualité S, S étant un indice
(nombre réel positif) et dont les préférences sont représentées par la fonction d’utilité suivante :
𝛿 − 𝑝 𝑠 ′ 𝑖𝑙 𝑎𝑐ℎè𝑡𝑒 𝑙𝑒 𝑏𝑖𝑒𝑛
𝑈={ 𝑆
𝑂 𝑠𝑖𝑛𝑜𝑛
p = prix du bien et 𝛿 = un paramètre de goût. U se présente ainsi comme le surplus net résultant
de la consommation d’une unité de bien. Nous supposons que le goût 𝛿 est distribué dans
l’économie selon la densité 𝑓(𝛿) avec une fonction de répartition 𝐹(𝛿) définie sur [0, +∞[ avec
F(0) = 0, 𝐹(+∞) = 1.
𝐹(𝛿) est le proportion de consommateurs dont le paramètre de goût est inférieur à 𝛿. La
consommation possible de chaque consommateur est par convention d’une unité. Soit N le nombre
total de consommateurs, la demande pour le bien va provenir des consommateurs dont le paramètre
de goût 𝛿 est tel que 𝛿𝑠 − 𝑝 ≥ 0 ⇔ 𝛿 ≥ 𝑝/𝑠.
La demande totale de biens sera telle que :
𝑝
𝑞(𝑝) = 𝑁[1 − 𝐹 ( )]
𝑠
Supposons qu’il existe deux qualités du bien telles que 𝑠2 > 𝑠1 , les prix des deux qualités étant
𝑝2 > 𝑝1 . Aucun consommateur n’achèterait en effet un produit de qualité inférieur à un prix plus
élevé.
Pour l’expression de la demande des consommateurs entre les deux qualités de biens, nous devons
alors distinguer deux situations :

46
Cours d’Economie Industrielle

- Première situation : le bien de qualité inférieure est dominé. C’est le cas où le surplus net
dégagé par l’achat de la qualité supérieure dépasse au sens large celui correspondant à
l’achat de la qualité inférieure : 𝛿𝑠2 − 𝑝2 ≥ 𝛿𝑠1 − 𝑝1 nous tirons la condition
𝑠2 𝑠1

𝑝2 𝑝1
Ce sont les rapports qualité-prix. Lorsque le rapport qualité-prix est plus élevé pour le bien de
qualité supérieure, le bien de qualité inférieure est dominé et tous les consommateurs qui
achètent effectivement le bien préfèrent toujours la qualité supérieure. La demande pour le
bien de qualité inférieure est nulle.

- Deuxième situation : le bien de qualité inférieure n’est pas dominé. Soit 𝛿 ′ le paramètre
de goût du consommateur indifférent entre les deux qualités, indifférent non pas dans son
classement mais dans son surplus net : 𝛿 ′ 𝑠2 − 𝑝2 = 𝛿 ′ 𝑠1 − 𝑝1. Nous avons ainsi :
𝑝2 − 𝑝1
𝛿𝑠2 − 𝑝2 ≥ 𝛿𝑠1 − 𝑝1 ⇔ 𝛿 ≥
𝑠2 − 𝑠1
𝑝2 − 𝑝1
𝛿𝑠2 − 𝑝2 < 𝛿𝑠1 − 𝑝1 ⇔ 𝛿 <
𝑠2 − 𝑠1
Les demandes des consommateurs obéissent alors aux règles suivantes :
- les consommateurs dont le paramètre de goût est > à 𝛿 ′ achètent le bien de qualité
supérieure
- les consommateurs dont le paramètre de goût est < à 𝛿 ′ mais > à 𝑝1⁄𝑠1 achètent la qualité
inférieure
- les consommateurs dont le paramètre de goût est inférieur à 𝑝1⁄𝑠1 n’achètent pas le bien.
Les demandes s’expriment alors de la manière suivante :
𝑝2 − 𝑝1
𝑞2 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 𝑁 [1 − 𝐹 ( )]
𝑠2 −𝑠1
𝑝2 − 𝑝1 𝑝1
𝑞1 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 𝑁 [𝐹 ( ) − 𝐹( )]
𝑠2 −𝑠1 𝑠1

6.3. La différenciation horizontale

Le cas type de la différenciation horizontale est celui où la différenciation est liée à l’emplacement
du produit : les consommateurs peuvent préférer un produit localisé dans leur voisinage. Les
consommateurs sont alors identifiés par la distance géographique qui les séparent d’un produit et

47
Cours d’Economie Industrielle

plus deux produits sont spatialement proches, plus ils sont substituables pour un consommateur.
Dans le modèle proposé par Hotelling où les produits ne diffèrent que par la localisation du
magasin qui les vend, nous pouvons supposer qu’une ville est constituée d’une rue principale
unique dont la longueur est par convention égal à l’unité.

Magasin 1 Magasin 2
0 x 1-x 1

Les maisons des consommateurs sont uniformément reparties le long de la rue principale et il
existe un bien physiquement homogène vendu respectivement aux prix 𝑝1 et 𝑝2 par 2 magasins
situés aux extrémités de la ville. La localisation du magasin 1 est x=0 et celle du magasin 2 est
x=1. Le consommateur supporte pour se déplacer un coût t par unité de distance de telle manière
que les prix d’approvisionnement (prix généralisé) pour un consommateur de coordonnée x sont
tels que :
Magasin 1 : 𝑤1 = 𝑝1 + 𝑡𝑥
Magasin 2 : 𝑤2 = 𝑝2 + 𝑡(1 − 𝑥)
Nous supposons qu’il y a N consommateurs dans la ville. Soit 𝛿 ̅ le surplus brut dont bénéficie
chaque consommateur lorsqu’il consomme une unité du bien. L’utilité du consommateur mesuré
par le surplus net dépend du magasin dans lequel il achète le bien :
Magasin 1 : 𝑢1 = 𝛿 ̅ − 𝑤1 = 𝛿 ̅ − 𝑝1 − 𝑡𝑥
Magasin 2 : 𝑢2 = 𝛿 ̅ − 𝑤2 = 𝛿 ̅ − 𝑝2 − 𝑡(1 − 𝑥)
Les consommateurs dans un tel modèle vont exclure un magasin de leurs achats si le différentiel
de coût de transport en sa défaveur est tel qu’il l’emporte sur le différentiel de prix. Posons : 𝑤2 >
𝑤1 ⇔ 𝑝2 + 𝑡(1 − 𝑥) > 𝑝1 + 𝑡𝑥 d′ où 𝑝2 − 𝑝1 > 𝑡(2𝑥 − 1). Dans ce cas, le magasin 2 n’a pas de
demande, tous les consommateurs qui achètent le bien vont l’acquérir dans le magasin 1. Mais les
acheteurs du bien sont les seuls consommateurs pour lesquels nous avons 𝑢1 ≥ 0 ⇔ 𝛿 ̅ − 𝑝1 −
̅ −𝑝1
𝛿
𝑡𝑥 ≥ 0 𝑑′ 𝑜ù 𝑥 ≤ .
𝑡

Les demandes qui s’adressent aux deux magasins sont alors :

𝛿 ̅ − 𝑝1
𝑞1 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 𝑁 [ ]
𝑡

48
Cours d’Economie Industrielle

𝑞2 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 0

Dans ce modèle où la différenciation entre les deux biens est maximale, les deux magasins étant
situés aux deux extrémités de la ville, nous introduisons les deux hypothèses suivantes :

H1 : les prix ne sont pas trop élevés par rapport au surplus 𝛿 ̅ de telle manière que tous les
consommateurs achètent le bien ;

H2 : le différentiel de prix entre les deux magasins n’est pas suffisant pour exclure un magasin de
la demande.

Le consommateur x indifférent entre les deux magasins et qui divise le marché entre les deux
valeurs est tel que :

𝑝1 + 𝑡𝑥 = 𝑝2 + 𝑡(1 − 𝑥) on va avoir : 𝑥 = 𝑝2 − 𝑝1 + 𝑡⁄2𝑡 𝑒𝑡 1 − 𝑥 = 𝑝1 − 𝑝2 + 𝑡⁄2𝑡

D’où les demandes aux deux magasins :

𝑝2 − 𝑝1 + 𝑡
𝑞1 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 𝑁𝑥 = 𝑁 [ ] (𝑚𝑎𝑔𝑎𝑠𝑖𝑛 1)
2𝑡

𝑝1 − 𝑝2 + 𝑡
𝑞2 (𝑝1 , 𝑝2 ) = 𝑁(1 − 𝑥) = 𝑁 [ ] (𝑚𝑎𝑔𝑎𝑠𝑖𝑛 2)
2𝑡

6.4. Le rôle de la publicité

Du point de vue de l’information des acheteurs sur la qualité, il existe trois types de bien :

- les biens de recherche : ils correspondent aux biens qui ont des caractéristiques
observables ;
- les biens d’expérience : ils correspondent aux biens dont les caractéristiques se révèlent à
l’usage ;
- les biens de confiance : il s’agit des biens comme les services de réparation pour lesquels
le consommateur n’a pas d’autres possibilités que de se fier à la parole du prestataire.

6.4.1. Le statut de la publicité

On peut distinguer deux types de publicité : la publicité informative et la publicité persuasive.


49
Cours d’Economie Industrielle

La publicité informative mentionne à l’intention de l’acheteur, les caractéristiques du produit, les


usages possibles, le prix et les avantages par rapport à des produits proches lorsque la loi autorise
la publicité comparative.

La publicité persuasive procède par des affirmations explicites ou implicites faisant appel aux
désirs du consommateur d’être socialement reconnu (la cravate de l’homme moderne) ou de suivre
la mode.

En première approximation, on peut considérer que la publicité informative s’applique aux biens
de recherche tandis que la publicité persuasive s’applique aux biens d’expérience et aux biens de
confiance. Il coexiste chez les analystes deux visions opposées sur la publicité :

Selon la vision positive, la publicité est une source d’information qui réduit les coûts de recherche
des consommateurs et facilite leur choix rationnel. En informant l’acheteur, la publicité favorise
l’entreprise produisant les biens de qualité supérieure qui sont celles ayant le plus d’incitation à
faire connaître leur produit.

Selon la vision négative, la publicité n’est qu’un moyen de tromper le consommateur en favorisant
une différenciation fictive qui réduit la concurrence et renforce les barrières à l’entrée.

Dans beaucoup de pays, les pouvoirs publics punissent la publicité mensongère et/ou obligent les
entreprises à révéler un minimum d’informations fiables sur leur produit. Mais les lois sur la
publicité mensongère peuvent avoir des effets pervers en favorisant justement le développement
de la publicité mensongère. Lorsque la loi interdit par exemple les marques frauduleuses et que les
acheteurs pensent qu’ils sont protégés par la loi, ils auront spontanément confiance dans les
marques qui leur sont présentées ce qui peut encourager les entreprises tricheuses à développer des
marques frauduleuses.

6.5. La condition de DORFMAN – STEINER

Le modèle proposé par Dorfman-Steiner cherche à établir le montant optimal des dépenses de
publicité pour une entreprise en situation de monopole.

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Cours d’Economie Industrielle

La demande qui s’adresse aux monopoleurs dépend du prix du produit 𝑃 et des dépenses totales
de publicité S de l’entreprise. Le rôle de la publicité étant d’informer les consommateurs de
l’existence du produit et de son prix. Nous avons ainsi pour la fonction de demande :
𝛿𝑄 𝛿𝑄
𝑄 = 𝑄(𝑃, 𝑆) 𝑎𝑣𝑒𝑐 <0 >0
𝛿𝑃 𝛿𝑆

La fonction de coût total du monopole est par hypothèse additive dans les coûts de production et
les dépenses de publicité : 𝐶𝑇 = 𝐶[𝑄(𝑃, 𝑆)] + 𝑆 d’où le profit Π(𝑃, 𝑆) = 𝑃. 𝑄(𝑃, 𝑆) −
𝐶[𝑄(𝑃, 𝑆)] − 𝑆.
Le monopole fixe le prix et les dépenses de publicité de manière à maximiser son profit.

𝛿Π(𝑃, 𝑄) 𝛿𝑄 𝛿𝐶 𝛿𝑄
= 𝑄(𝑃, 𝑆) + 𝑃 − =0 (1)
𝛿𝑃 𝛿𝑃 𝛿𝑄 𝛿𝑃

𝛿Π(𝑃, 𝑄) 𝛿𝑄 𝛿𝐶 𝛿𝑄
=𝑃 − −1=0 (2)
𝛿𝑆 𝛿𝑆 𝛿𝑄 𝛿𝑃

𝛿𝑄
𝛿C 𝑃 −1
𝛿𝑆
De (2), je tire : 𝛿𝑄 = 𝛿𝑄
𝛿𝑆

En introduisant, ce résultat dans (1) et après transformations on obtient :

𝛿𝑄 𝑆
𝑆 𝛿𝑆 𝑄
=−
𝑃𝑄 𝛿𝑄 𝑃
𝛿𝑃 𝑄

𝛿𝑄 𝑆
Par définition : = 𝜀𝑆 est l’élasticité de la demande par rapport aux dépenses de publicité et
𝛿𝑆 𝑄
𝛿𝑄 𝑃
= 𝜀𝑃 est l’élasticité-prix de la demande d’où
𝛿𝑃 𝑄

𝑆 𝜀𝑆
=−
𝑃𝑄 𝜀𝑃

Ce résultat est la condition de DORFMA-STEINER, il indique que pour l’entreprise en


monopole, le niveau optimal de publicité est le niveau pour lequel le rapport de dépenses de
publicité sur le chiffre d’affaire est égal à la valeur absolue du rapport 𝜀𝑆 sur 𝜀𝑃 .

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