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INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE

ET D'ADMINISTRATION DES ENTREPRISES


CYCLE D'EXPERTISE COMPTABLE (C.E.C)
ISCAE

MÉMOIRE PRÉSENTÉ POUR L’OBTENTION DU


DIPLÔME NATIONAL D’EXPERT-COMPTABLE

Sujet :

CONCESSIONS DE SERVICE PUBLIC :

PROPOSITION D’UNE NORMALISATION COMPTABLE DU

TRAITEMENT DES IMMOBILISATIONS DU DOMAINE CONCEDE

-------------------------------------

ILLUSTRATION AU SERVICE DE DISTRIBUTION


D’EAU POTABLE

Auteur : M. Mehdi EL ATTAR

Président du jury : M. Driss ALAOUI M’DAGHRI – Professeur à l’ISCAE

Directeur de recherche : M. Abdelaziz AL MECHATT – Expert-Comptable DPLE

Suffragants : M. Faouzi BRITEL – Expert-Comptable DPLE


M. Mohamed HDID – Expert-Comptable DPLE

Session de novembre 2004


PLAN DU MEMOIRE

Pages

Introduction …………...…………..……….....……………………………………………………………… 1

Partie I) : Diagnostic des cadres juridique, comptable et fiscal applicables aux concessions
de service public …………………………………………………………………………………. 7

Chapitre I) : Les particularités juridiques du contrat de concession de service public ………………… 10


Section 1 : Le contrat de concession et les contrats voisins ………………………………………… 10
A) Le contrat de concession …………………………………………………………………… 10
B) Les contrats voisins ………………………………………………………………………… 11
Section 2: L'élaboration du contrat de concession ……………………………………………………13
A) Les parties contractantes …………………………………………………………………… 13
B) Le domaine d'application ……………………………………………………………………14
C) Les documents de la concession …………………………………………………………… 15
D) La nature juridique du contrat ……………………………………………………………… 15
Section 3: L'exécution du contrat de concession ……………………………………………………… 16
A) Obligations et droits de l'autorité concédante ……………………………………………… 16
B) Obligations et droits du concessionnaire ……………………………………………………17
C) Biens de la concession……………………………………………………………………… 18
D) Régime financier du contrat …………………………………………………………………22
Section 4: L'extinction du contrat de concession …………………………………………………… 25
A) Conditions d'extinction du contrat de concession ……………………………………………25
B) Conséquences de l'extinction du contrat de concession ……………………………………… 25

Chapitre II) Présentation du cadre réglementaire comptable actuel ……………………………………… 27


Section 1: L'environnement comptable marocain ……………………………………………………27
A) Les règles de la comptabilité commerciale face aux spécificités du contrat de
de concession …………………………………………………………………………………27
B) Les insuffisances du cadre comptable marocain …………………………………………… 28
Section 2: L'environnement comptable international …………………………………………………30
A) L'environnement comptable français ………………………………………………………… 30
B) L'environnement européen …………………………………………………………………… 33
C) Les conceptions internationales du traitement comptable des concessions …………………34

Chapitre III) : Les immobilisations de la concession de sevice public …………………………………… 38


Section 1: Présentation du cadre juridique actuel …………………………………………………… 38
Section 2: Différents types de classification des immobilisations ……………………………………40
A) Classification en domaine concédé et domaine privé ……………………………………… 41
B) Classification par mode de financement …………………………………………………… 41
C) Classification en fonction du caractère renouvellable ………………………………………43
D) Classification par nature …………………………………………………………………… 45
Section 3: Analyse juridique du régime de propriété des immobilisations du domaine concédé ……46
A) Les immobilisations reçues à titre gratuit en début de concession ………………………… 50
B) Les immobilisations financées par le concessionnaire ………………………………………51
C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux ………………………………………52
D) Les immobilisations financées par les abonnés ……………………………………………… 52
Section 4: Analyse du régime fiscal des immobilisations de la concession ………………………… 52
A) Les immobilisations reçues à titre gratuit en début de concession ………………………… 53
B) Les immobilisations financées par le concessionnaire ………………………………………55
C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux ………………………………………57
D) Les immobilisations financées par les abonnés ……………………………………………… 59
E) Les provisions pour renouvellement et grosses réparations …………………………………61

Chapitre IV) : Les amortissements et les provisions dans les concessions de service public ………………65
Section 1: Les différents d'amortissements en vigueur dans les concessions
de service public ………………………………………………………………………… 66
A) L'amortissements pour dépréciation …………………………………………………………66
B) L'amortissement de caducité …………………………………………………………………69
Section 2: Les provisions spécifiques liées aux concessions de service public ………………………72
A) La provision pour renouvellement …………………………………………………………… 72
B) La provision pour grosses réparations et remise en état …………………………………… 73
Section 3: La situation en fin de contrat ………………………………………………………………77
A) L'arrivée au terme et arrêt de la concession …………………………………………………77
B) Prorogation du contrat de concession ……………………………………………………… 78

Conclusion de la première partie ………………………………………………………………………………81

Partie II) : Proposition d'une normalisation du traitement comptable des immobilisations


du domaine concédé ……………………………………………………………………………… 87

Chapitre I) Principales positions adoptées pour l'élaboration de notre proposition de


normalisation comptable ……………………………………………………………………… 90
Section 1: Reflexion sur les difficultés originelles de la concession de servive public ………………90
A) Les ambiguités originelles nées de la collaboration entre une peronne de droit
public et une personne de doit privé au sein du contrat de concession …………………………90
B) La concession de service public en tant qu'entité comptable ………………………………… 94
Section 2: Mise en évidence des positions retenues pour faire face aux principales
problématiques relatives à la traduction comptable du contrat de concession ……………………… 95
A) Faut-il inscrire les immobilisations appartenant à l'autorité concédantre au
du bilan du concessionnaire? ……………………………………………………………………95
B) Comment traduire comptablement le droit exclusif d'exploitation du service
public? …………………………………………………………………………………………… 100
C) Quelles sont les modalités financières et comptables relatives à la récupération
des capitaux investis? ……………………………………………………………………………103
D) Comment traduire les obligations du concessionnaire en terme de renouvellement ………… 103

Chapitre II) Traitement comptable : proposition d'une norme ……………………………………………… 106


Section 1: Comptes spécifiques à prévoir dans le cadre de notre proposition ……………………… 106
A) Nomenclature des comptes liés aux immobilisations ……………………………………… 106
B) Présentation du bilan du concessionnaire ……………………………………………………113
Section 2: Proposition de traitement comptable des immobilisations du domaine concédé …………119
A) Les immobilisations reçues en début de concession …………………………………………120
B) Les immobilisations financées par le concessionnaire ………………………………………124
C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux ………………………………………136
D) Les immobilisations financées par les abonnés ……………………………………………… 140
Section 3: Comparatif de notre proposition avec la paratique comptale des entreprises
marocaines concessionnaires de distribution d'eau potable …………………………………………… 144
A) Les immobilisations reçues en début de concession …………………………………………145
B) Les immobilisations financées par le concessionnaire ………………………………………149
C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux ………………………………………157
D) Les immobilisations financées par les abonnés ……………………………………………… 159
E) Nomenclature des comptes et présentation du bilan …………………………………………161
Section 4: Rôle de l'expert comptable dans la mise en application de notre proposition
de normalisation comptable …………………………………………………………………………… 166
A) L'importance du suivi extra-comptable des immobilisations pour la fiabilisation
des traitements comptables et l'appréciation des engagements du concessionnaire …………166
B) Non négligence des opérations intéressant exclusivement le domaine concédé ……………167
C) L'ETIC : outil encore plus indispensable pour le cas de l'entreprise concessionnaire ………168

Conclusion de la deuxième partie ………………………………………………………………………………


170

Conclusion Générale ……………………………………………………………………………………………


173

Bibliographie

Lexique

Annexes
INTRODUCTION

1
Intérêt du sujet

Le choix du sujet de la normalisation comptable du secteur concessionnaire a été


principalement motivé par deux natures de constats :

- D’une part, les pouvoirs publics ont ressenti la nécessité d’associer les entreprises
privées à l’exécution de certains de leurs services publics pour répondre au mieux
aux besoins des usagers. Deux raisons essentielles prédominent : une expertise
technique insuffisante et un palliatif à la faiblesse de leur ressources financières ;
- D’autre part, le droit comptable marocain souffre d’un énorme vide ne permettant
pas, pour l’entreprise concessionnaire, la traduction des droits et obligations nés du
contrat de concession.

Afin de soutenir le développement de ce mode de gestion déléguée, un effort notable de


mise à niveau des textes réglementaires s’impose pour établir un cadre (économique,
financier, social, fiscal….) propice à la concession. L’expert-comptable sera également
appelé à contribuer à cet effort d’adaptation à travers la normalisation comptable de ce
secteur qui se caractérise par une quasi-inexistence de règles spécifiques de droit
marocain et une insuffisance de réglementation internationale.

Essor de la concession de service public au Maroc

Le début de l’intervention des entreprises étrangères dans le cadre des concessions au


Maroc date de 1906 consécutivement à la signature de l’acte d’Algesiras. Avant de
connaître son essor actuel, la concession de service public a connu une période de recul
suite à l’indépendance du pays et la reprise par l’Etat de ces concessions à travers la
création des offices et des établissements publics.

La politique de décentralisation et le désengagement de l’Etat pratiquée par la suite ont


favorisé une relance des contrats de délégation de service, de manière générale, et des
concessions, de manière particulière. Ce mode de gestion a touché, durant les deux
dernières décennies, divers services tels que :

2
- Les autoroutes ;
- Le transport public (notamment le groupe Alsa à Marrakech) ;
- L’exploitation des centrales thermiques (notamment celle de Jorf Lasfar) ;
- L’exploitation des parcs éoliens (notamment celui de Koudia Al Baida) ;
- La distribution d’électricité ;
- La distribution d’eau potable et l’assainissement du liquide ;
- Collecte et évacuation des déchets solides ;
- Etc..

Historique de la gestion du service public de distribution d’eau potable au


Maroc

Le service public de distribution d’eau potable nous a paru comme un vecteur


représentatif pour mener à bien l’étude des particularités du contrat de concession. La
gestion de ce service public a connu diverses évolutions avant d’aboutir à son mode
actuel de gestion déléguée.

Historiquement, la gestion du service public de distribution d’eau potable était assurée


par les sociétés étrangères privées concessionnaires. Après l’indépendance politique du
Maroc, ces concessions ont été récupérées par l’Etat et la gestion du service public
confiée aux communes. Les principales priorités des communes consistaient à continuer
de maintenir les acquis de la période du protectorat et d’assurer l’accès et la continuité
du service public.

En vertu de la libre administration du service public local par les communes, ces
dernières étaient censées rechercher la meilleure organisation à même d’assurer
l’exécution du service. Organiser un service public nécessite le respect de certains
principes auxquels les usagers sont très attachés tels que la continuité, l’égalité d’accès
et l’adaptation permanente du service public.

Parmi les différentes formules offertes aux communes pour assurer la gestion du service
public local, ces dernières ont opté pour la régie personnalisée. Dans le cadre de ce
mode de gestion, la commune confie la gestion à une personne morale distincte, de droit

3
public, dite « régie » qui possède ses propres organes de gestion et de contrôle et qui est
également, dotée de la personnalité moral et de l’autonomie financière.

Les régies sont crées par délibération du conseil communal ou du comité de syndicat
des communes dans le cadre des dispositions arrêtées par le décret n°2-4-394 du 29
septembre 1964. En raison de leur autonomie, ces régies interviennent principalement
dans les services publics à caractère industriel et commercial.

L’autonomie des régies peut nous conduire à les classer, du moins sur un plan
théorique, parmi les modes de gestion déléguée. Toutefois, dans la pratique, cette
autonomie s’avère plus apparente que réelle. En effet, les régies qui sont gérées par les
organes suivants :
- Un conseil d’administration qui délibère sur toutes les questions importantes
intéressant la gestion de la régie ;
- Un comité de direction qui veille à l’application des décisions prises par le conseil
d’administration ;
- Et, un directeur assurant la gestion quotidienne de l’établissement.
sont fortement influencées par le pouvoir du conseil d’administration dont les membres
ne sont autres que les élus locaux (dans une proportion supérieure aux 2/3). Cette
autonomie par rapport aux communes, rendue possible à travers l’artifice juridique de la
reconnaissance de la personnalité morale, se trouve vidée de toute sa substance
lorsqu’on analyse la portée des pouvoirs directs dont jouissent les communes en matière
de contrôle et des pouvoirs indirects dont elles jouissent en matière de prise des
décisions de gestion.

La première régie autonome de distribution d’eau potable créée au Maroc est l’ex-RAD
qui assurait la distribution de l’eau au niveau de la wilaya de Casablanca.

Les dysfonctionnements majeurs et la gestion archaïque des régies, conjuguées à la


démotivation du personnel n’allaient par tarder à se faire sentir et pousser les pouvoirs
publics à repenser ce mode de gestion. En effet, le déficit de plus en plus important des
régies, la détérioration des conditions de réalisation des prestations, la vétusté des
réseaux et l’importance des investissements à réaliser ont conduit l’Etat marocain à se

4
réorienter vers la concession du service public, comme forme de gestion déléguée, pour
réaliser ses objectifs et relever les défis du développement.

Le service de distribution d’eau potable a, ainsi, été concédé à des entreprises


marocaines de droit privé, souvent filiales de groupes internationaux spécialistes du
métier : SUEZ, VEOLIA (ex-VIVENDI Environnement), ELYO, AGBAR,
ANDESA…etc. La première régie concédée était la RAD de Casablanca en 1997,
suivie de la RED de Rabat-Salé en 1999 et finalement la RAID de Tanger et la RAI de
Tétouan en 2000.

Problématique et objectifs poursuivis

L’étude des contrats de concession et de leurs cahiers des charges font apparaître des
spécificités telles, qu’il est force de constater que les règles de la comptabilité
commerciale ne sont pas totalement adaptées pour traduire les spécificités des
entreprises concessionnaires ; d’où un réel besoin de normalisation.

Au delà de notre modeste contribution à l’effort de normalisation, le but recherché est,


d’une manière plus générale, de susciter la réflexion des divers intervenants en cette
matière, afin qu’à très court terme, une harmonisation soit réalisée.

La première partie de notre mémoire sera consacrée à l’étude du contrat de concession


et au diagnostic des cadres juridique, comptable et fiscal qui lui sont applicables. A
l’issue de ce diagnostic nous aurons mis en relief les insuffisances du cadre
réglementaire actuel à traduire les spécificités des concessions.

Le diagnostic effectué, nous servira, dans le cadre de la deuxième partie, de plate-forme


pour l’élaboration d’une proposition de normalisation du traitement comptable des
immobilisations du domaine concédé ainsi que des règles de présentation du bilan des
entreprises concessionnaires.

5
Limites du sujet

Le présent travail ne peut prétendre à l’exhaustivité puisque l’étude des particularités


des concessions est un domaine tellement vaste qu’il ne saurait être question de
l’aborder dans son ensemble.

Ainsi notre proposition de normalisation ne concernera que le traitement des


immobilisations du domaine concédé et ne traitera pas des autres opérations de gestion
ou d’exploitation de l’entreprise concessionnaire.

Nous avons été amené, tout au long de notre proposition de normalisation, à privilégier
certaines options comptables par rapport à d’autres qui nous l’espérons, à défaut de
réunir un consensus seront partagées par une majorité des lecteurs.

Nous attirons l’attention du lecteur que notre proposition de normalisation comptable


est illustrée à travers le service public de distribution d’eau potable, et ce en raison de
notre expérience dans le domaine. La transposition de cette normalisation comptable à
la concession de certains services publics spécifiques nécessitera, éventuellement, le
recours à de légères adaptations qui n’altèrent en rien le cadre général retenu pour la
traduction comptable des droits et des obligations nés du contrat de concession et liés au
traitement des immobilisations du domaine concédé.

6
PREMIERE PARTIE :

DIAGNOSTIC DES CADRES JURIDIQUE, COMPTABLE ET FISCAL


APPLICABLES AUX CONCESSIONS DE SERVICE PUBLIC

7
Compte tenu de l’essor des concessions des services publics au Maroc, la première
partie de ce mémoire est consacrée au diagnostic des cadres juridique, fiscal et
comptable dans lesquels évolue ce mode originel de gestion déléguée, et ce dans
l’objectif d’évaluer le niveau d’adaptation des textes législatifs et réglementaires avec
les particularités juridiques du contrat de concession.

Ainsi, le premier chapitre traitera des particularités juridiques du contrat de concession


de service public en analysant :

- dans un premier temps, les différents modes d’exploitation d’une délégation de


service public afin de nous permettre de différencier le contrat de concession des
autres contrats voisins tels que l’affermage, la gérance, la régie et la contrat
d’exploitation ;
- dans un deuxième temps, les particularités du contrat de concessions depuis son
élaboration jusqu’à son extinction. Un intérêt particulier sera accordé à l’analyse des
obligations du concessionnaire compte tenu de leurs répercussions sur le traitement
comptable des immobilisations.

Le deuxième chapitre sera consacré au diagnostic de l’environnement réglementaire


comptable marocain et international. L’absence de normes comptables nationales nous a
incité à mener une enquête auprès des concessionnaires marocains de distribution d’eau
potable pour étudier et comparer leurs pratiques comptables ainsi qu’apprécier les
référentiels comptables à l’origine de leurs pratiques.

Au niveau du troisième chapitre, l’on ne s’intéressera plus au contrat de concession


dans sa globalité mais on focalisera d’avantage notre intérêt sur les immobilisations du
domaine concédé à travers une analyse des régimes juridique et fiscal qui leurs son
applicables.

Avant d’entamer la deuxième partie du mémoire relative à la normalisation comptable,


il nous a paru incontournable de présenter, dans un quatrième chapitre, les
amortissements et provisions spécifiques au contrat de concession. En effet, la
présentation de certains amortissements et provisions spécifiques, tels que

8
l’amortissement de caducité et la provision pour renouvellement, se justifie d’avantage
par le fait que notre proposition de normalisation permet de supprimer la notion de
caducité et de traiter d’une manière différente le renouvellement des immobilisations ;
ce n’est, donc, qu’en présentant la conception actuelle de ces charges spécifiques que le
lecteur pourra apprécier l’apport de notre proposition de normalisation comptable.

9
Chapitre I) Les particularités juridiques du contrat de concession de
service public

Avant d’aborder l’élaboration du contrat de concession, son exécution et son extinction,


il convient tout d’abord de définir ce contrat et de le nuancer par rapport aux autres
contrats voisins tels que l’affermage, la gérance, la régie et le contrat d’exploitation.

Section 1 : Le contrat de concession et les contrats voisins

A) Le contrat de concession

En l’absence d’une définition légale, nous allons examiner la définition donnée par Jean
DUFAU dans son ouvrage « Les concessions de service public ». Jean DUFAU définit
la concession comme un contrat par lequel une personne publique « l’autorité
concédante » charge une personne privée « le concessionnaire » d’exploiter un service
public, à ses risques et périls, pour une longue durée, moyennant une rémunération
versée par les usagers du service.

L’analyse de la précédente définition permet de mettre en évidence les précisions


suivantes :

- La première précision concerne l’aspect contractuel des relations : il ne s’agit pas


d’un acte unilatéral de gestion d’une collectivité, il suppose un accord préalable ;

- La deuxième observation se rapporte à l’objet même du contrat : celui-ci peut


différemment porter sur la réalisation et l’exploitation d’un ouvrage public, ou sur
l’exécution d’une mission de service public; seule la terminologie sera différente.
On parlera dans le premier cas de concession de travaux publics et dans le deuxième
cas de concession de service public ;

10
- La troisième observation est relative au risque lié à l’exploitation dont le
concessionnaire assume la charge ;

- La quatrième observation concerne la durée généralement longue (25 à 75 ans) des


concessions : la durée étant en liaison avec l’importance des investissements à
réaliser et des moyens à mettre en œuvre. Afin d’assurer la réussite de ce type de
contrat, il convient d’en prévoir la stabilité ;

- Enfin, la dernière caractéristique de ce contrat est la rémunération du


concessionnaire qui est assurée par un prélèvement financier opéré sur les usagers
du service.

B) Les contrats voisins

Afin de permettre une meilleure comparaison, ceux-ci seront classés selon la nature des
relations liant les intervenants.

a- Acte contractuel : l’affermage

Ce procédé très proche de la concession reste un mode contractuel de gestion de service


public.

Il se distingue du contrat de concession essentiellement sur un point : les ouvrages


nécessaires à l’exploitation du service public restent à la charge de l’autorité
concédante.

Deux autres particularités en découlent :

- D’une part, la durée du contrat d’affermage est plus réduite : pas de problèmes liés à
la récupération des investissements ;

- D’autre part, le fermier restitue à l’autorité concédante une partie des redevances
versées par les usagers.

11
b- Actes unilatéraux

La gérance :
C’est un contrat par lequel la collectivité confie à un gérant la gestion d’un service
public en contrepartie d’une rémunération fixe. Les attributions du gérant sont réduites,
il gère pour le compte et selon les directives de la collectivité qui seule assure les
risques et périls de l’exploitation.

La régie :
La régie fait partie des modes de gestion directe du service public par la collectivité
locale. On distingue trois types de régies :
- La régie directe ou simple : la régie directe ne possède ni la personnalité juridique ni
l’autonomie financière, elle ne possède pas non plus d’organe de gestion puisque les
décisions sont prises par l’assemblée délibérante de la collectivité. Les charges de
fonctionnement et les dépenses d’investissement sont prises sur le budget et
exécutées par les organes de la collectivité. Ce mode de gestion se caractérise donc
par le contrôle total du service par la collectivité.
- La régie autonome (autonomie financière) : la régie est dotée de l’autonomie
financière qui se caractérise par un budget propre rattaché à celui de la collectivité.
Toutefois, elle ne dispose pas de la personnalité morale.
- La régie personnalisée (autonomie financière et personnalité morale) : ce mode de
gestion est le plus prépondérant dans notre pays. La collectivité (généralement une
commune) confie la gestion à une personne morale distincte, de droit public sous
forme d’établissement public, qui possède ses organes de décision et délibérant avec
un conseil et un président. L’autonomie de ces établissements à des limites en raison
de l’influence notable de l’Etat et des collectivités locales sur la gestion de ces
établissements.

Le contrat d’exploitation :
C’est un marché de prestations de services entre une entreprise et la collectivité. Ce
contrat obéit aux règles des marchés pour notamment, le choix de l’entrepreneur et les
règles de responsabilité.

12
Section 2 : L’élaboration du contrat de concession

Nous traiterons la présente section en examinant tout d’abord les parties contractantes
(autorité concédante et concessionnaire) avant de définir le domaine d’application, les
documents prévus pour ce type de contrat et enfin la nature juridique du contrat.

A) Les parties contractantes

Il convient dans un premier temps de préciser la nature juridique des intervenants.

a- L’autorité concédante

L’autorité concédante est nécessairement une personne publique, en l’occurrence l’Etat


ou les collectivités locales puisqu’ils sont les seuls à disposer des prérogatives de
puissance publique. Les établissements publics peuvent également être autorité
concédante (exemple de la centrale électrique de Jorf Lasfar liant l’Office National de
l’Electricité à CMS Energy).

b- Le concessionnaire

Il s’agit généralement d’une entreprise privée, personne physique ou morale, mais on


rencontre aussi des société d’économie mixte.

En principe le choix du concessionnaire est libre. Les modes de choix des


concessionnaires les plus utilisés sont l’entente directe et l’appel d’offres ouvert1. La
liberté du choix s’explique aisément compte tenu de l’importance de la durée du contrat
de concession, l’autorité concédante devant avoir la maîtrise du choix du candidat dont
elle connaît le sérieux et l’expérience.

Ce principe de libre choix du concessionnaire peut être écarté dans les cas suivants :

1
Avec le nouveau projet de loi sur la gestion déléguée des services publics, préparé par la Direction des
Entreprises Publiques et de la Privatisation, l’appel à la concurrence deviendra la règle et l’entente directe
sera sévèrement encadrée.

13
- l’autorité concédante peut tout d’abord opter pour une procédure spéciale de
passation. Cette procédure spéciale permettrait de stimuler l’offre ou permettre de
mieux connaître le futur concessionnaire ;

- le concessionnaire peut, dans certains cas, être désigné par un texte ;

- enfin certains textes peuvent prévoir des restrictions quant à la nationalité du


concessionnaire qui sera chargé de gérer le service public.

B) Le domaine d’application

Les services publics délégables sont essentiellement des services à caractère industriel
et commercial2.

En France, certains services à caractère social, sportif ou culturel peuvent être


concédés (cantines scolaires, centres de loisirs, colonies de vacances, maisons de
culture, théâtre municipaux, offices de tourisme, etc.).

Au Maroc, plusieurs services publics revêtant un caractère tantôt industriel et


commercial (eau, électricité) tantôt administratif (assainissement, ramassage des
ordures) ont été concédés.

Les activités pouvant être concédées sont très variées :

- Les transports (routiers, aériens, ferroviaires, maritimes) ;


- L’infrastructure des voies de communication (routes, ponts, aérodromes, ports) ;
- L’entretien des voies de navigation ;
- La production et la distribution d’électricité ;
- La distribution d’eau potable ;
- L’exploitation des plages ;
- L’exploitation des ports ;

2
Le projet de loi sur la gestion déléguée des services publics ne réduit pas les secteurs éligibles à la
concession aux seuls services publics à caractère industriel et commercial – bien que ces derniers en
soient les plus concernés. Le texte précise bien que des services n’ayant pas un caractère industriel et
commercial peuvent faire l’objet de concessions dont la liste sera fixée par décret.

14
C) Les documents de la concession

Dans la majorité des cas, cet acte comprend deux parties distinctes : la convention de
concession et le cahier des charges.

• La convention de concession :
C’est un document normalement assez court dans lequel les parties manifestent leurs
volontés réciproques, on y relève les clauses d’une portée générale.

• Le cahier des charges :


Ce document essentiel règle l’objet, les conditions d’exécution, les règles
d’exploitation, le régime financier, la durée, le régime des biens…etc.

Dans de nombreux domaines (concessions d’eau, d’électricité…) des documents types


servent de référence3.

D) La nature juridique du contrat

Comme nous venons de le voir, un contrat de concession comprend deux parties


distinctes mais qui forment néanmoins un tout. La particularité que l’on souhaite mettre
en évidence à ce niveau est la coexistence dans ce contrat de clauses réglementaires et
de clauses contractuelles, ce qui le rend mal aisé à classifier.

La concession a une double nature juridique :

- dans les rapports concédant – concessionnaire, elle a un caractère exclusivement


contractuel du fait de l’existence d’un contrat de concession ;
- dans les rapports concessionnaire – tiers, elle a un caractère réglementaire.

3
Un modèle de contrat type d’une concession de service public est fourni à l’annexe 1.

15
Section 3 : L’exécution du contrat de concession

La signature d’un contrat de concession génère des droits et des obligations pour
chacune des parties contractantes : l’autorité concédante et le concessionnaire

En raison de leurs spécificités, le régime des biens de la concession et le régime


financier du contrat feront l’objet de deux sous-sections.

A) Obligations et droits de l’autorité concédante

Le délégant confie à un tiers l’exploitation d’un service public, à ce titre, il dispose de


droits (pour s’assurer de la correcte réalisation de la délégation) et d’obligations (pour
permettre au concessionnaire de réaliser son service dans les meilleures conditions).

a- Les obligations de l’autorité concédante

Les obligations de l’autorité concédante sont de trois types.

Tout d’abord l’autorité concédante doit respecter tous les engagements souscrits et ne
pas prendre de mesures en contradiction avec les obligations stipulées dans le contrat. Il
est à noter que les sanctions encourues par l’autorité concédante, pour le non respect de
ses obligations, ne peuvent être prononcées que par le juge. Le concessionnaire ne
saurait s’en prévaloir pour se dispenser de ses obligations.

En effet, la concession étant un contrat de droit public, son contentieux relève des
juridictions administratives. Le recours à l’arbitrage se heurte au principe de
l’interdiction du recours à l’arbitrage pour les personnes publiques. Cette prohibition ne
cède le pas que dans la mesure où le contrat de concession revêt le caractère d’un
contrat international ou dans le cas où l’investisseur est étranger.

La deuxième obligation faite à l’autorité concédante est la remise des installations


existantes en début de concession : le concédant a l’obligation de remettre pour la durée

16
de la concession au nouvel exploitant les immobilisations qui vont lui permettre de
réaliser l’exploitation du service public.

Enfin, l’autorité concédante est tenue de favoriser, dans la mesure du possible, l’action
du concessionnaire.

b- Les droits de l’autorité concédante

En plus de son pouvoir de sanction, on reconnaît à l’autorité concédante un pouvoir de


contrôles technique et financier.

L’autorité concédante délègue la charge d’un service public à une entreprise privée.
Néanmoins, vis-à-vis des usagers, elle reste potentiellement le principal responsable des
problèmes survenus au cours de l’exploitation de la concession. A ce titre, elle dispose
d’un pouvoir étendu de contrôle des services délégués. Il s’agit d’un pouvoir de contrôle
financier (les délégataires doivent réaliser un compte rendu financier dont l’objectif est
le suivi des recettes et des dépenses de la concession) mais aussi technique (contrôle des
services techniques de la collectivité).

B) Obligations et droits du concessionnaire

Le concessionnaire reçoit par contrat la gestion d’un service public. Ce contrat lui
attribue un marché qu’il est en droit d’exploiter. Il doit néanmoins se soumettre à
certaines obligations imposées par l’autorité concédante.

a- Les obligations du concessionnaire

La première obligation du concessionnaire est bien sûr d’exécuter correctement sa


mission, conformément au contrat. Mais elle n’est pas limitée à cela, car s’agissant de la
gestion d’un service public, le concessionnaire doit respecter d’une part, les lois et
règlements prévus pour le secteur considéré et d’autre part les règles générales qui
commandent le fonctionnement d’un service public telles que :

17
- assurer la continuité du service au même titre qu’une administration publique, sans
pouvoir se délier de son obligation en invoquant des difficultés matérielles ou
pécuniaires.

- respecter l’égalité des usagers comme se doit de le faire la collectivité publique en


charge de la gestion du service public concédé.

Par ailleurs, le concessionnaire est tenu de :

- maintenir en l’état le potentiel de production à travers le renouvellement des


immobilisations. C’est de cette obligation que naît la faculté de constituer des
provisions pour renouvellement.

- remettre gratuitement les biens concédés en fin de contrat. C’est le caractère


temporaire du contrat de concession et l’obligation faite au concessionnaire de
remettre gratuitement certains de ces biens en fin de contrat qui justifieront la
comptabilisation d’un amortissement de caducité.

C) Biens de la concession

Le patrimoine de la concession est constitué des « biens de retour », des « biens de


reprise » et des « biens propres ».

Les « biens de retour » et les « biens de reprise » constituent ce qu’on appelle le


Domaine Concédé, par opposition, au Domaine Privé qui est constitué des « biens
propres ».

Les biens propres appartiennent au concessionnaire et ne sont pas indispensables au


fonctionnement du service public. Cette catégorie de biens, ne présentant aucune
particularité, ne sera pas développée au niveau de la présente sous-section.

Les biens acquis durant la gestion déléguée par le Délégataire rentrent obligatoirement
dans l'une ou l’autre des catégories de biens cités ci haut.

18
Voici, un schéma explicatif de la différenciation des biens de la concession :

Origine du
bien

Concédant Concessionnaire

Apport à titre
gratuit ?

Oui Non

Le retour est
prévu ?

Est–il Oui Non


obligatoire ?

Oui Non

Biens de retour Biens de reprise Biens propres

a- Les biens de retour

Les biens de retour sont ceux qui doivent revenir obligatoirement à l’autorité
concédante à l'expiration de la concession. Ces biens sont propriété inaliénable de
l’autorité concédante. Ils ne peuvent faire l'objet d'aucune cession, sûreté, vente ou
location, par le concessionnaire ou l’autorité concédante, pendant toute la durée de la

19
concession. Ils comprennent, notamment, les ouvrages, canalisations, appareillages,
terrains et constructions.

Pour les besoins de la concession, ces biens sont mis gratuitement à la disposition du
concessionnaire à la date d’entrée en vigueur, et reviennent à l’autorité concédante en
fin de concession.

Les biens de retour comprennent tout à la fois :

- des biens mis à la disposition du concessionnaire par l’autorité concédante à la date


d'entrée en vigueur ;

- des biens nouveaux, affectés par nature aux services concédés, constitués et financés
par le concessionnaire ;

- des biens nouveaux, affectés par nature aux services concédés, constitués par le
concessionnaire et financés par le fonds de travaux ;

- des biens nouveaux, intégrés aux biens de retour existants, constitués et financés par le
concessionnaire, notamment lors de la réalisation des travaux de renouvellement; de tels
biens sont, généralement considérés au sens des contrats de concession, des biens de
retour par accession ;

- des biens nouveaux, constitués par le concessionnaire et financés par des tiers, lors de
la réalisation de travaux d'extension ou de renforcement ;

- le cas échéant, des biens incorporés au domaine public et mis à la disposition du


concessionnaire par l’autorité concédante, postérieurement à la date d'entrée en vigueur.

Les biens de retour comprennent les biens sis à l'intérieur du périmètre de la concession,
soit existant à la date d'entrée en vigueur, soit à construire ou à incorporer
postérieurement au domaine public.

20
En retenant le service public de distribution d’eau potable, les biens de retour seront,
notamment, constitués de l'ensemble des installations de production propre et des
installations constituées par les réservoirs, les canalisations, les stations de surpression,
les branchements, les comptages, et d’une manière générale toutes les installations
comprises entre les points de livraison par les fournisseurs et le domaine privatif de
l'abonné.

En cas de pluralité de services publics concédés, tels que les concessions de distribution
d’eau potable, d’électricité et d’assainissement du liquide, les biens de retour peuvent
inclure les biens communs aux différents services : terrains, immeubles à usage
d'ateliers, bureaux, laboratoires, magasins ou de logements. Sont considérés également
comme biens de retour les logiciels informatiques de base ou développés en interne par
le concessionnaire, les pré-câblages des locaux au réseau informatique, la
documentation, les stations radio d’émission et de réception ainsi que les installations
téléphoniques et de communication, propriétés de l’autorité concédante et utilisés dans
le cadre des services concédés.

b- Les biens de reprise

A l'exception des biens de retour, les biens mobiliers acquis ou constitués par le
concessionnaire à l'effet exclusif de l'exploitation des services concédés sont des biens
de reprise. Ils comprennent, notamment, les éléments mobiliers, affectés par l’autorité
concédante ou achetés par le concessionnaire auprès des tiers et utilisés dans le cadre
des services concédés.

Ces biens, appartenant au concessionnaire pendant la durée de la concession, pourront


devenir, en fin d'exploitation, la propriété de l’autorité concédante.

Les biens de reprise sont constitués par les véhicules automobiles, les engins, les
matériels, les outillages, les mobiliers de bureau, le matériel informatique, les stocks et,
d'une manière générale, tous les biens meubles utilisés dans le cadre de l’exploitation
des services concédés autres que ceux constituant des biens de retour.

21
D) Régime financier du contrat

Le contrat de concession prévoit la perception par le concessionnaire de sa


rémunération sur les usagers. S’agissant de l’exploitation d’un service public, il
convient d’atteindre un équilibre cohérent entre une juste rémunération du
concessionnaire et la satisfaction de l’intérêt général.

Le principe de l’équilibre financier, commun à tous les contrats administratifs, revêt un


rôle particulièrement important dans les concessions compte tenu de leurs durées. Il a
pour effet de concilier l’intérêt du concessionnaire qui n’a pas à assumer la gestion du
service pour s’y ruiner et les exigences inhérentes à tout service public : la continuité et
l’adaptation aux circonstances. Ceci sous-entend un droit au rétablissement de
l’équilibre financier lorsque les agissements de l’autorité concédante entraînent un
déséquilibre pour le concessionnaire.

L’équilibre économique et financier du contrat peut être atteint à travers divers moyens :
Au niveau des tarifs : par l’introduction de la formule de révision pour le
rattrapage économique ;
Au niveau des revues quinquennales : vérifier les résultats obtenus par le
concessionnaire et faculté de révision des programmes d’investissement ;
Au niveau des modifications des termes du contrat : tout évènement ou
imprévu et qui a pour conséquence d’altérer l’équilibre économique et financier
de la concession ;
Les ajustements des tarifs : en cas de modifications des tarifs des producteurs.

L’équilibre financier doit exister au cours des trois phases du contrat : à la signature,
pendant son déroulement et à l’issue de la période contractuelle.

a- L’équilibre financier à la signature du contrat

La signature du contrat est la première phase de la vie du contrat. Au moment de sa


rédaction, les parties n’ont qu’une visibilité réduite du déroulement financier probable
du contrat. C’est pourquoi les contrats prévoient généralement l’annexion d’un compte
de résultat prévisionnel. Les tarifs sont fixés en fonction des éléments fournis par

22
l’autorité concédante sur l’étendue du réseau et le nombre d’abonnés lors de la
préparation du contrat. Les tarifs établis par le concessionnaire en fonction des
informations communiquées par l’autorité concédante doivent lui permettre d’équilibrer
son budget et de réaliser une marge. Celle-ci doit, néanmoins, être conforme à celle
réalisée par la profession. L’autorité a, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, la
possibilité de vérifier :

- l’équitable rémunération du concessionnaire : le concédant contrôle qu’il n’y a pas


d’enrichissement anormal au détriment des usagers ;

- le respect de l’égalité des usagers : tous les usagers doivent bénéficier du même
traitement, du même service et à des conditions tarifaires identiques.

b- L’équilibre financier pendant la durée du contrat

Les conditions tarifaires, déterminées par le contrat de concession, sont théoriquement


fixées pour toute la durée de la concession. Cependant, il ne faut pas générer des
distorsions à l’occasion de l’évolution des conditions d’exploitation au détriment du
concessionnaire. Ainsi, le contrat de concession prévoit des clauses contractuelles
couvrant les aléas économiques courants :

- des clauses d’indexation de prix : permettant mécaniquement en fonction d’indices


reconnus de la profession de modifier les conditions de facturation. Ces clauses
permettent un ajustement à la hausse mais aussi éventuellement à la baisse des prix
de vente. Ces clauses plafonnent généralement l’évolution de ces indices pour que,
le cas échéant, une augmentation trop importante et non justifiée n’enrichisse pas le
concessionnaire au détriment de l’intérêt général ;

- des clauses de révisions de prix : ces clauses permettent une renégociation tarifaire.
La révision des prix est nécessaire lorsque des éléments nouveaux, indépendamment
des clauses d’indexation de prix, viennent modifier de manière importante les
conditions d’exploitation de la concession. Dans ces conditions, un avenant au
contrat initial est négocié entre les parties qui explicitent le contexte de révision de
prix, et fixe les nouvelles conditions tarifaires.

23
L’autorité concédante peut unilatéralement modifier les conditions techniques
d’exploitation de la concession dans l’intérêt public. Ces modifications résultent
d’événements externes non prévus au contrat et peuvent remettre en cause de manière
significative l’équilibre général d’exploitation de la concession. Les coûts économiques,
supportés par le concessionnaire sont répercutés aux usagers (par le biais d’un
ajustement du prix facturé aux usagers) ou à l’autorité concédante si celui-ci ne souhaite
pas modifier les tarifs appliqués aux abonnés (une redevance permet la répercussion des
coûts engagés par le concessionnaire).

c- L’équilibre financier à la fin du contrat

A la fin du contrat, le concédant devient mécaniquement propriétaire des biens de la


concession sans indemnités possibles (sauf, le cas échéant, si elles ont été prévues dans
le contrat). Le concessionnaire doit, de plus, faire en sorte de rendre ces installations
dans un parfait état de fonctionnement et d’entretien.

Ces modalités doivent permettre au concessionnaire d’établir ses plans d’amortissement


et de provisions sur la durée de la concession :

- pour couvrir l’ensemble des immobilisations réalisées et financées dans le care de


ses obligations contractuelles (amortissement de caducité ou provision pour
reconstitution des capitaux investis) et n’ayant pas donné lieu aux amortissements
pour dépréciation généralement constatés ;

- et pour mettre en œuvre les réparations nécessaires à la restitution des installations


dans un état de fonctionnement satisfaisant.

Les provisions réalisées au cours de la concession permettent d’étaler la charge afin que
la restitution des biens ne porte pas un préjudice financier au concessionnaire remettant
en cause l’équilibre financier du contrat.

L’équilibre financier du contrat s’analyse ainsi comme un équilibre global sur la durée
totale de la concession. Dès lors que le concessionnaire a récupéré la totalité du

24
financement des biens qu’il a mis dans la concession, la remise des installations
n’appauvrit pas sa situation financière et, la juste rémunération de l’exploitant doit être
analysée eu égard aux résultats réels accumulés durant la concession.

Section 4 : L’extinction du contrat de concession

La concession peut prendre fin à l’occasion de plusieurs circonstances différentes dont


les conséquences économiques et patrimoniales sont, elles aussi, variées.

A) Conditions d’extinction du contrat de concession

La concession conclue pour une durée déterminée doit permettre au concessionnaire de


rentabiliser son investissement.

Normalement la concession prend fin lorsque la durée pour laquelle elle a été instituée
vient à expiration. Son renouvellement ou sa prolongation sont néanmoins deux
situations fréquentes.

La concession peut prendre fin pour d’autres raisons. C’est le cas par exemple :

- de la déchéance du concessionnaire : celle-ci est prononcer par le juge en cas de


faute lourde à la demande de l’autorité concédante. Les fautes visées sont, par
exemple, le non respect des obligations fondamentales liées à la signature d’un
contrat de concession comme le maintien de la continuité du service public ;

- du rachat de la concession : l’autorité concédante peut si elle estime que l’intérêt


général l’exige mettre fin à la concession pour, selon les cas, supprimer le service ou
l’exploiter selon un autre mode.

25
B) Conséquences de l’extinction du contrat de concession

Le contrat de concession comprend plusieurs types de biens tant mobiliers


qu’immobiliers : les biens de retour, les biens de reprise et les biens propres.

Ainsi, les conséquences principales de l’arrivée à échéance du contrat seront les


transferts de biens à réaliser :

- les biens de retour comme leur nom l’indique, doivent en fin de contrat, être
retournés gratuitement à l’autorité concédante ;

- les biens de reprise, biens utilisés pour l’exécution du contrat dont le retour
obligatoire a été écarté, peuvent faire l’objet d’une transaction et être repris contre
indemnité par l’autorité concédante. Dans la pratique, on rencontre le plus souvent
des rachats contractuels où il est fait transfert de tous les biens et une indemnité
correspondante est allouée au concessionnaire.

- Les biens propres ne sont entachés d’aucune condition de retour, qu’elle soit
obligatoire ou bien facultative.

26
Chapitre II) Présentation du cadre réglementaire comptable actuel

Le présent chapitre sera consacré à l’étude du cadre réglementaire comptable applicable


aux concessions de service public. La première section permettra de constater
l’insuffisance du cadre comptable marocain, ce qui nous amènera, dans une deuxième
section, à étudier l’environnement comptable international.

Section 1 : L’environnement comptable marocain

A) Les règles de la comptabilité commerciale face aux spécificités du contrat de


concession :

Une application stricte des règles comptables de droit commun en vue de traduire
certaines situations spécifiques aux contrats de concession s’avère insuffisante pour
atteindre l’image fidèle. Les principales problématiques rencontrées à l’occasion de la
traduction des opérations de la concession sont les suivantes :

• Faut-il inscrire les immobilisations appartenant à l’autorité concédante au niveau du


bilan du concessionnaire ?

Doit-on permettre l’inscription à l’actif du concessionnaire de biens ne faisant pas


partie de son patrimoine, sachant bien que la comptabilité est essentiellement
fondée sur une approche juridique du patrimoine ? Ou au contraire, doit-on
privilégier la recherche de l’image fidèle qui est ici une image économique tendant
vers l’inscription au bilan de tous les biens concourant à l’exploitation et
représentant l’entreprise en tant qu’outil de production ?

Une application stricte des règles de la comptabilité commerciale voudrait que ces
biens ne soient pas inscrits à l’actif du concessionnaire. Que fait-on, alors, des cas :
- des entreprises dont l’activité est exclusivement d’exploiter des concessions
et qui n’ont pratiquement pas ou peu de biens propres ?

27
- des entreprises concessionnaires qui sont tenues de construire les ouvrages
pour les exploiter ensuite, tels que les concessionnaires d’autoroutes qui
auront tout d’abord la charge de construire l’autoroute pour pouvoir
l’exploiter pendant une certaine durée. Les résultats dégagés ne sont-ils pas
directement générés par ce bien de retour ? le lecteur des états de synthèse
n’est-il pas en droit d’être informé sur ces immobilisations qui concourent à
l’exploitation et qui sont à l’origine des résultats dégagés ?

• Comment traduire comptablement le droit exclusif d’exploitation du service


public : ce droit appartenant au patrimoine du concessionnaire comment est-il
possible de l’évaluer, le comptabiliser et éventuellement l'amortir ?

• Quelles sont les modalités financières et comptables relatives à la récupération des


capitaux investis par le concessionnaire dans des biens devant être restitués
gratuitement au concédant à la fin du contrat ?

• Comment traduire les obligations du concessionnaire en terme d’entretien et de


renouvellement ?

Toutes ces problématiques permettent d’affirmer que les règles de la comptabilité


commerciale présentent des limites quant à la traduction comptable des droits et
obligations nés du contrat de concession.

Nous reviendrons plus en détail sur l’analyse des ces problématiques au niveau de la
deuxième partie du mémoire (section 2 du premier chapitre) où nous présenterons
simultanément les options comptables et les positions que nous avons retenu pour les
besoins de notre proposition de normalisation comptable.

B) Les insuffisances du cadre comptable marocain

Le Code Général de Normalisation Comptable ne traite pas des aspects comptables


spécifiques aux concessions.

28
Le Conseil National de la Comptabilité n’a pas eu non plus à se prononcer, dans une
position officielle, sur le thème. Toutefois, il a été, dernièrement, constitué une
commission « concession » dont la première réunion s’est tenue le 11 avril 2003 à
travers un séminaire sur la mise à niveau des normes comptables applicables aux
concessions.

La finalité de cette commission est l’élaboration d’un plan comptable spécifique.


L’avantage des plans comptables spécifiques est de répondre à des besoins clairement
identifiés. A l’inverse, le risque de développer de tels « avantages » est de favoriser le
développement de plans comptables spécifiques au détriment du plan comptable
général.

En l’absence de normes spécifiques à la concession, les conventions de gestion déléguée


prévoient certaines annexes dont l’objet est de définir le traitement comptable de
certaines opérations particulières, il s’agit notamment de :

• l’annexe 11 de la convention de gestion déléguée du service de distribution


d’électricité, du service de distribution d’eau potable et du service d’assainissement
liquide à Casablanca (dont le corps est reproduit à l’annexe 2 du présent mémoire) ;
• l’annexe 7 de la convention de gestion déléguée du service de distribution
d’électricité, du service de distribution d’eau potable et du service d’assainissement
liquide à Tanger (dont le corps est reproduit à l’annexe 3 du présent mémoire) ;
• l’annexe 8 à la convention de gestion déléguée du service de distribution
d’électricité, du service de distribution d’eau potable et du service d’assainissement
liquide de la Wilaya de Rabat – Salé (dont le corps est reproduit à l’annexe 4 du
présent mémoire) ;

Ces annexes qui se limitent uniquement à présenter les principes généraux devant régir
la comptabilisation de certaines opérations de concession sont loin de fournir toutes les
solutions aux problématiques rencontrées lors de la traduction comptable des
spécificités des concessions.

Ainsi, nous avons mené une enquête auprès de l’ensemble des concessionnaires
marocains de distribution d’eau potable (Lydec, Redal et Amendis) pour apprécier leurs

29
référentiels ainsi que leurs traitements comptables des opérations liées aux
immobilisations du domaine concédé.

Les résultats de notre enquête sont présentés au niveau de la deuxième partie du


mémoire4 (section 3 du second chapitre) dont les conclusions se présentent comme suit :

- la constatation de différences de comptabilisation censées traduire des droits et des


obligations similaires chez des concessionnaires d’un même service public ;
- l’établissement d’états de synthèse présentant des informations non comparables
même pour des opérateurs d’un même secteur.

Cet état de fait permet de mettre en évidence un besoin réel en matière de normalisation
comptable du secteur.

Section 2 : L’environnement comptable international

A) L’environnement comptable français :

Nous allons présenter les sources comptables applicables aux concessions de service
public françaises par ordre d’importance décroissante :

• Le Plan Comptable Général de 1982 – Dispositions spéciales (II – 136)

Les entreprises concessionnaires sont soumises aux règles du plan comptable de 1982
dont une disposition spéciale vise particulièrement les concessions de services publics
ou de travaux publics. Le PCG consacre à ces entreprises cinq alinéas spécifiques :

- inscription, pour mémoire, du droit exclusif d’exploitation à l’actif du bilan de


l’entreprise concessionnaire ;
- inscription des biens concédés à l’actif du bilan de l’entreprise concessionnaire ;
- lorsque les biens sont mis gratuitement dans la concession par le concédant,
l’inscription à l’actif comporte une contrepartie au passif ;

30
- le maintien du potentiel productif des biens concédés est recherché par le jeu des
amortissements et provisions adéquates ;
- distinction de l’activité de chaque concession ou catégorie de concession dans des
comptes de résultat appropriés.

• Le Guide comptable des entreprises concessionnaires approuvé par le Conseil


National de la Comptabilité en 1975

Comme il est apparu que les règles de la comptabilité commerciale ne sont pas adaptées
à traduire les particularités des concessions, le Conseil National de la Comptabilité s’est
saisi, en 1970, du problème de la normalisation comptable des entreprises
concessionnaires à travers l’évaluation de l’opportunité de réaliser un plan comptable
spécifique.

L’activité de recherche du CNC a été orientée par les prises de position de la


commission spéciale « concession » chargée de réfléchir à cette normalisation selon les
quatre orientations suivantes :

- appréhender la concession dans sa forme la plus large, d’en déterminer les


constantes en fonction desquelles serait recherché un commun dénominateur de
normalisation comptable ;
- procéder à un inventaire des différents types de concessions dont le classement
ferait apparaître des variantes basées sur le critère de l’activité économique ;
- apporter les clarifications sur le plan terminologique ;
- établir un schéma de normalisation comptable.

Le projet de plan type mis au point par la commission a été proposé comme une simple
directive, sans aucun caractère contraignant.

4
Les résultats de l’enquête seront présentés au niveau de la deuxième partie du mémoire à l’occasion de
la comparaison de notre proposition de normalisation comptable avec les pratiques des entreprises
concessionnaires marocaines.

31
Ces propositions ont été examinés par le CNC réuni en assemblée plénière les 8 juillet,
7 novembre et 18 décembre 1975. Elles ont abouti sur « Le Guide comptable des
entreprises concessionnaires ». Compte tenu de ces motifs le Conseil National de la
Comptabilité constate que « le projet qui lui est soumis répond aux objectifs fixés,
puisque la concession ne constitue pas une personne morale distincte du
concessionnaire et qu’elle ne peut être considérée comme une entité comptable ». Le
CNC a immédiatement attiré l’attention du lecteur sur le caractère provisoire de ce qui
n’est sensé former qu’un corps de recommandations.

• La jurisprudence :

Dans son « Rapport sur les orientations générales en matière de comptabilité des
entreprises concessionnaires », publié en 1994, le CNC cite quelques sources
jurisprudentielles essentielles pour la détermination du mode de comptabilisation des
biens corporels et incorporels de la concession :

- L’arrêt de la Cour de Cassation du 24 juillet 1941 « Union électrique contre


l’administration de l’enregistrement » affirme que la concession est un droit de
jouissance incorporel puisque la clientèle reste attachée à la concession et n’est pas
personnelle et que la concession n’a qu’une durée limitée ;

- La réponse ministérielle n° 10513 du 8 septembre 1962 explique que la concession


est « un louage de chose ayant pour objet un droit incorporel mobilier » ;

- Les arrêts du conseil d’Etat n° 52.147 du 24 mars 1965 et n° 79.628 et 79.629 du 27


juin 1973 :

- confirment que les droits attachés à la qualité de concessionnaire d’un


service public constituent, pour l’entreprise concessionnaire, un élément
incorporel de son actif immobilisé ;

- indiquent que leur valeur doit être déterminée selon les conditions dans
lesquelles il a été acquis ;

- expliquent que cet élément incorporel est sujet à amortissement en


fonction de la durée de la concession.

32
B) L’environnement européen :

L’Europe a tardé à reconnaître la notion de service public. Sa première prise de position


officielle remonte au traité de Rome qui, à l’article 90 consacré aux règles de
concurrence, dispose : « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt
économique général sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles
de concurrence, dans les limites ou l’application de ces règles ne fait pas échec à
l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ».

Cet article du traité de Rome a l’avantage, pour la première fois, de définir au niveau
européen la notion de service public. Il reste néanmoins cantonné aux services publics à
caractère industriel et commercial et ne prévoit rien en matière de service public
« classique ».

La reconnaissance au niveau européen de cette notion assujetti ces services publics aux
règles européennes suivantes :

- les Etats n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité
en ce qui concerne les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou
exclusifs ;
- les entreprises chargées de la gestion de service d’intérêt général sont par principe
soumises aux règles du traité, sauf si l’application d’une de ces règles fait échec à
leur mission.

Les décisions communautaires ont conduit à mettre en place un concept de service


d’intérêt économique général plus étroit que le concept de service public et reconnaît
une certaine liberté aux Etats dans l’organisation de leurs services publics.

La communauté européenne à adopter plusieurs textes d’harmonisation des pratiques


nationales en matière de passation des marchés publics en Europe. Ainsi, sous
l’influence des pays anglo-saxons, la commission européenne a élaboré une doctrine
juridique qui a conduit à assimiler les contrats de concession aux marchés publics.

33
Citons à titre d’exemples deux directives importantes en matière de délégations de
services publics :

- la directive « Travaux », adoptée en juillet 1989 par le conseil européen, traite non
seulement de la passation des marchés publics de travaux, mais aussi de l’attribution
des concessions de travaux ;
- la directive sur « les marchés publics de service » : un fort lobbying mené par les
pays latins a permis d’exclure de cette directive les délégations de service public. En
effet, ces pays ont eu recours de manière conjointe aux entreprises privées et à
l’Etat, et ont effectué des interventions présentes auprès de la communauté
européenne pour bénéficier de cet avantage.

C) Les conceptions internationales du traitement comptable des concessions :

Une analyse comparative entre le traitement international et le traitement marocain n’est


pas applicable en raison de l’absence de normes nationales en la matière.

Pour ce faire, nous allons comparer le traitement international aux pratiques actuelles
des entreprises concessionnaires au Maroc qui fondent principalement leurs traitements
comptables sur les directives comprises au niveau des annexes de leurs contrats de
concession. Les principes généraux édictés par les annexes des contrats de concession
sont au nombre de trois et stipulent que :

1- Les biens mis dans la concession par l’autorité concédante et le concessionnaire sont
inscrits à l’actif du bilan du concessionnaire ;

2- Le maintien au niveau exigé par le service public du potentiel productif des


installations du domaine des services concédés, doit être recherché par le jeu des
amortissements et éventuellement celui des provisions adéquates. Il est assuré, selon
le cas, par la constitution des différentes charges suivantes : amortissement pour
dépréciation, provisions pour renouvellement et amortissement de caducité

3- Dans la mesure où la valeur utile d’une installation du domaine délégué peut être
conservée par un entretien convenable, ladite installation ne fait pas l’objet d’un

34
renouvellement ni au niveau des charges d’exploitation du concessionnaire, ni au
niveau des dotations aux amortissements pour dépréciation.

Pour l’étude des conceptions internationales du traitement comptable des


5
concessions nous retiendrons les normes IFRS/IAS élaborées par l’IASB (International
Accounting Standards Bord) :

- normes concernant les immobilisations incorporelles (IAS 38) et corporelles


(IAS 16) ;
- norme concernant la dépréciation des immobilisations (IAS 36) ;
- norme concernant les provisions pour risque (IAS 37).

• Traitement comptable de l’inscription au bilan des immobilisations mises en


concession :

- les annexes des contrats de concession précisent que les investissements réalisés par
le concessionnaire et l’autorité concédante, pendant la durée de la concession, sont
portés à l’actif du bilan du concessionnaire. Ces biens sont restitués gratuitement au
concessionnaire à l’issue de la concession. La terminologie généralement retenue est
celle de « biens de retour » ;

- selon la norme IAS 16, les immobilisations corporelles sont les éléments d’actif
qui :
♦ sont détenus par une entreprise, dans le but de leur utilisation dans la production
ou la fourniture de biens et services, pour la location à des tiers, ou pour des
raisons administratives ;
♦ et sont censés être utilisés sur plus d’un exercice.

Toute l’ambiguïté du terme « détenu » permet donc, ici, d’envisager l’activation des
biens de retour, appartenant ab initio à l’autorité concédante. La conception
internationale privilégie la notion de « contrôle » sur la notion de « propriété ».

5
L’IASB (ex-IASC) est un organisme chargé de l’élaboration et de la publication des normes
comptables (IFRS/IAS) dans un objectif d’harmonisation des réglementations relatives aux états
financiers. Il a été crée en 1973 à l’initiative des organismes de normalisation comptable de
l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, des Etats-Unis, du Japon, du Mexique, du Royaume Uni et
de l’Irlande.

35
Plus loin dans le même texte, il est stipulé qu’un élément des immobilisations
corporelles doit être inscrit à l’actif lorsque :
♦ il est probable que les avantages futurs associés à cette immobilisation
bénéficieront à l’entreprise ;
♦ et que le coût de cette immobilisation pour l’entreprise peut être mesuré de
façon fiable.

Ces conditions ne nuisent en rien au premier principe édicté par les annexes des contrats
de concession qui préconise l’inscription des biens de retour en immobilisations
corporelles au bilan du concessionnaire.

• Traitement de l’amortissement des biens de la concession :

- Le deuxième principe énoncé dans les annexes des contrats de concession précise
que, dans un objectif de maintien du potentiel de production, les biens de la
concession feront, notamment, l’objet :
♦ d’un amortissement pour dépréciation : destiné à permettre le renouvellement à
leur valeur d’acquisition ou de production ;
♦ d’un amortissement de caducité : destiné à permettre la reconstitution des
capitaux investis.

- la norme 1AS 36 définit la durée d’utilité selon laquelle une immobilisation


corporelle devrait être amortie comme étant :
♦ soit la période pendant laquelle l’entreprise s’attend à utiliser l’immobilisation
(pouvant être assimilée à la durée de vie pour une immobilisation
renouvelable) ;
♦ soit le nombre d'unités de production ou d’unités similaires que l'entreprise
s’attend à obtenir de l'actif (pouvant être assimilée à la durée résiduelle du
contrat de concession pour une immobilisation non renouvelable puisque ces
dernières seront retournées à l’autorité concédante).

La transposition de cette définition au cas des biens de retour (plus spécifiquement


les biens financés par le concessionnaire) permet d’affirmer que :

36
• pour les immobilisations renouvelables, la durée d’utilisation estimée est la
période restant à courir jusqu’au prochain renouvellement : application d’un
amortissement pour dépréciation ;
• pour les immobilisations non renouvelables, la durée d’utilisation s’identifie à la
durée résiduelle de la concession : application d’un amortissement de caducité.

Ici également, on constate une relative convergence entre le traitement comptable


international et les principes énoncés au niveau des annexes aux contrats de concession.

• Traitement comptable de l’obligation de maintien du potentiel de production :

- les annexes des contrats de concession prévoient la constitution, entre autres, de


provisions pour renouvellement et grosses réparations destinées à permettre le
maintien du potentiel de production du service public. Toutefois, lorsque la valeur
d’utilité d’une immobilisation peut être maintenue par un entretien convenable, il
n’y a plus lieu de constituer de provisions ;
- selon la norme 37 de l’IASB, une provision est enregistrée si elle constitue une
quasi-dette (incertitude sur le montant ou sur l’échéance). Par conséquent, les
travaux ne peuvent être enregistrés au passif que s’ils ont été exécutés. Les normes
IFRS préconisent l’immobilisation des travaux de grosses réparations ainsi que les
renouvellements avec pour objectif d’obtenir une charge d’amortissement
équivalente aux dotations aux provisions.

Cette analyse remet en cause le traitement comptable prévu aux annexes des contrats de
concession concernant les dépenses de renouvellement et de grosses réparations. Les
normes internationales préfèrent constater au fil de l’eau les dépenses afférentes.

37
Chapitre III) Les immobilisations de la concession de service public

L’analyse du régime juridique des immobilisations de la concession est le point de


départ de toute tentative de normalisation comptable ou de compréhension du traitement
fiscal qui régit la matière puisque, la comptabilité est sensée traduire des situations
juridiques.

Avant de traiter du régime juridique des immobilisations de la concession (section 3), il


nous semble pertinent de commencer par présenter le cadre juridique actuel (section 1)
ainsi que les différentes classifications possibles des immobilisations (section 2) avant
de traiter en dernier lieu du régime fiscal des immobilisations de la concession
(section 4).

Section 1 : Présentation du cadre juridique actuel

Il faut dire qu’il n’existe pas de texte spécifique aux concessions des services publics.
Néanmoins, la concession trouve ses bases dans différents textes tels que :

- Dahir du 1er juillet 1914 relatif au Domaine Public ;


- Dahir du 19 octobre relatif au domaine municipal ;
- Décret du 14 octobre 1976 relatif aux marchés de travaux, fournitures, ou services
au compte de l’Etat ;
- Loi sur l’eau n°10-95.

Devant cette insuffisance du cadre juridique, la Direction des Entreprises Publiques et


de la Privatisation (DEPP) a préparé et déposé au Secrétariat Général du Gouvernement
un projet de loi sur la gestion déléguée des services publics. En attendant que le projet
passe par le conseil du gouvernement, puis le conseil des ministres et soit enfin voté au
parlement, les opérateurs devront se contenter de l’application des principes généraux
du droit des contrats administratifs, s’inspirer des expériences de pays plus avancés et
surtout doubler de prudence lors de la rédaction et la négociation des contrats.

38
Si les premiers contrats de concessions comportaient certaines lacunes6, les plus récents
sont relativement « mieux négociés ». En effet, l’autorité concédante avait mal négocié
certains aspects des contrats (mode de contrôle, tarification…) et des mises à jour ont
été ainsi introduites au niveau du système de tarification, par exemple. Les prix reposent
désormais sur la structure de la consommation et les augmentations sont conditionnées
par les réalisations des investissements de l’année antérieure.

Le projet de loi préparé par la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation


a pour objet :

- l’instauration d’un cadre général, souple et clair consacrant les principes de la


transparence, de la concurrence et de l’égalité d’accès aux services publics et aux
infrastructures ;
- la distinction entre les concessions relevant de l’Etat et celles relevant des
Collectivités Locales.

Le projet de loi consacre les principes suivants :

- le respect des règles universellement admises en matière de transparence, de mise en


concurrence ;
- le recours systématique à l’appel à la concurrence, sauf dans des cas exceptionnels
fixés par le texte notamment, pour des raisons de défense nationale ou de sécurité
publique lorsqu’il y a urgence à assurer la continuité du service public ou lorsque
l’exploitation du service public concerné est réservée à une technologie spécifique ;
- la publicité.

Le projet de loi traite également de :

- la durée de la concession ;
- la nature des biens de reprise et de retour ;
- le calcul des droits d’entrée et des redevances versées par le concessionnaire ;
- la périodicité et les modes de contrôle ;

6
Exemple du contrat signé avec la Lyonnaise des Eaux qui prévoit un système de tarification reposant sur
les prix moyens (sommation des tarifs unitaires*volume), sur la révision semestrielle des prix et sur des
augmentations contractuelles. Cette méthode s’est avérée peu efficace et a conduit à des tarifs d’électricité
8% supérieurs au tarif national.

39
- la tarification, les conditions de modification des tarifs.
- la cession de la concession ;
- le rachat de la concession par le concédant ;
- la reprise du personnel ;
- les sanctions, ainsi que le principe et les modalités d’indemnisation du
concessionnaire ;
- le recours à l’arbitrage international ;
- la création d’un conseil consultatif des concessions ;
- la création d’un organe de régulation indépendant, doté de la personnalité morale et
de l’autonomie financière.

Section 2 : Les différents types de classification des immobilisations

L’intérêt de la présente section est de présenter les différents critères de classification


possibles pour les immobilisations d’une concession de service public. Cette distinction
nous permettra de retenir la classification la plus pertinente pour notre analyse dex
régimes juridique et fiscal des immobilisations du domaine concédé.

En effet, nous commencerons par faire la distinction entre immobilisations du domaine


concédé et immobilisations du domaine privé. Le présent mémoire ne s’intéressera qu’à
la normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine concédé et
plus précisément des biens de retour puisque les biens propres et les biens de reprise
sont la propriété du concessionnaire et sont, de ce fait, soumises aux règles comptables
de droit commun.

Notre proposition de normalisation (écritures et nomenclature comptable), comme nous


le verrons au niveau du deuxième chapitre de la deuxième partie du présent mémoire,
consacrera la priorité à une classification des immobilisations par mode de financement.
En effet, les écritures comptables se différencieront essentiellement en fonction du
mode de financement retenu pour l’investissement.

40
Au niveau de la nomenclature des comptes, les immobilisations seront classées tout
d’abord selon leur caractère renouvelable ou pas, puis par nature.

A) Classification en domaine concédé et domaine privé

Les biens du domaine concédé, parce qu’ils devront ou pourrons être remis au
concédant en fin de contrat, nécessitent des traitements comptables et fiscaux
particuliers.

La distinction entre biens du domaine concédé et biens du domaine privé a été


précédemment traitée au niveau de la première Partie, Chapitre 1, Section 3, §C.

Les biens propres, constitutifs du domaine privé, sont la propriété du concessionnaire


qui peut en disposer à sa guise. Ces biens suivent les règles de droit commun des
immobilisations. N’appartenant pas au domaine concédé, aucune obligation de
renouvellement ne pèse sur le concessionnaire au titre de ces biens et ils n’appellent pas
d’autres commentaires de notre part et ne font pas l’objet du présent mémoire.

B) Classification par mode de financement

La distinction par financement et au départ avant tout pratique et liée à la mise en place
du contrat de concession. Nous avons pu constater que les cahiers des charges
distinguent toujours les biens apportés (mis en concession, financés) par le concédant
(ou les tiers) de ceux financés par le concessionnaire pour définir les obligations de
chacun.

Les programmes d'investissements contractuels sur la durée de la concession sont,


généralement, assurés par quatre modes de financement :

Les financements du concessionnaire, constitués par les apports en capitaux propres,


les emprunts et l'autofinancement dégagé par l'exploitation de la concession.

41
Le concessionnaire mobilise tous ses efforts pour obtenir les emprunts aux conditions
les plus favorables à la concession.

Le concessionnaire veille à maintenir, sur toute la durée de la concession, des fonds


suffisants eu égard aux besoins de financement.

Un montant prévisionnel de dépenses, assis sur les produits d'exploitation de la


concession, est destiné à couvrir les dépenses nécessaires de renouvellement et de
grosses réparations.

Le montant annuel des dépenses de renouvellement et de grosses réparations et les


modalités de son utilisation sont généralement définis au contrat.

La participation des abonnés (ou Fonds de travaux), cette source de financement est
généralement réservée aux travaux de renforcement et d'extension des réseaux et des
ouvrages qui sont nécessaires pour assurer l'exécution des services concédés.

La participation des abonnés alimente un fonds dénommé "Fonds de travaux" tenu par
le concessionnaire qui servira à financer ces investissements.

Le compte Fonds de Travaux est le compte courant assurant la liaison comptable entre
l’autorité concédante et le concessionnaire. Ce compte enregistre à son crédit et à son
débit respectivement les ressources et emplois définis dans les contrats de concession de
la manière suivante :

Est porté au débit les montants résultant Est porté au crédit les montants résultant

- Des études et travaux réalisés dans le cadre - Le produit des participations des
des marchés ; abonnés ;
- Des travaux d’exécution des infrastructures - Le produit des remboursements, par les
sociales ; bénéficiaires des branchements sociaux ;
- Du coût de servitude, des frais - Le produit de récupération des
d’expropriation ou d’acquisition de terrains installations détruites ou de la vente du

42
privés nécessaires à l’établissement matériel réformé ;
d’ouvrages et les frais de constitution de - Les intérêts produits des placements du
périmètres de protection ; compte ouvert à la Trésorerie Générale ;
- Du coût d’achèvement des travaux en cours - Les subventions, emprunts, dons et legs
de réalisation en début de contrat, accordés à l’Autorité concédante ;
- De toute autre dépense imputable à ce fonds - Le produit de la surtaxe affecté au
conformément au contrat ou à l’accord entre remboursement des emprunts contractés
les parties. par l’ancienne régie ;
- Toute autre recette arrêtée d’un commun
accord entre les deux parties.

Les excédents de trésorerie dégagés par le fonds de travaux font l'objet d'un placement
en bons du Trésor de l’Etat marocain.

Le financement par les abonnés du coût des travaux faits pour leur compte. Il s’agit
d’immobilisations financées par les abonnés dans le cadre des renforcements et des
acquisitions nouvelles concernant l’infrastructure. Ces travaux sont communément
appelés « travaux remboursable ».

C) Classification en fonction du caractère renouvelable

L’utilité d’une telle classification se justifie par l’obligation du maintien du potentiel de


production qui doit conduire le concessionnaire à renouveler les biens du domaine
concédé dont la durée de vie est inférieure à la durée résiduelle de la concession au
moment de leur mise en service.

L’identification des biens renouvelables permettra ainsi de leur réserver le traitement


adéquat en matière de provisions spécifiques et d’amortissement technique.

43
a- Les biens non renouvelables

Les biens non renouvelables regroupent :


- les biens de premier établissement qui dès leur mise en service ont une durée de vie
supérieure à celle de la concession (barrages hydroélectriques par exemple) ;
- les biens de remplacement lorsque la fin de concession approche.

Ces biens ne peuvent générer :


- ni provision pour renouvellement ;
- ni charge d’amortissement pour dépréciation.

En effet l’amortissement pour dépréciation d’un bien doit être calculé sur la durée de
vie de ce bien. Or la durée de vie prévisionnelle excède celle restant à courir de la
concession. La dépréciation du bien au bilan sera traduite par l’enregistrement d’un
amortissement technique « pour ordre » sans passer par les charges.

Les biens non renouvelables peuvent faire l’objet de travaux d’entretien et de réparation
au même titre que les biens renouvelables. Si par ailleurs, de grosses réparations sont
nécessaires, le concessionnaire pourra constater une provision à ce titre en prévision des
travaux.

a- Les biens renouvelables

Une provision pour renouvellement peut être constatée pour chaque bien renouvelable,
indépendamment de son financement. Une telle provision a pour objectif de permettre
au concessionnaire, responsable du remplacement, de disposer de fonds nécessaires en
affectant une partie des bénéfices.

Les biens renouvelables se déprécient dans le temps et sont donc amortissables.


L’amortissement constaté par le concessionnaire en résultat permet, entre autres
fonctions, de préparer le renouvellement du bien en affectant également une part des
bénéfices égale à la dépense d’origine pour le concessionnaire. Toutefois, compte tenu
de l’érosion monétaire la valeur de remplacement du bien sera sans doute supérieure à
la valeur d’origine et les fonds ainsi accumulés au travers de l’amortissement ne

44
suffiront pas au renouvellement. C’est pour cela qu’une provision peut être constituée :
elle couvre le différentiel entre le coût de remplacement de l’immobilisation et sa valeur
supportée à l’origine par le concessionnaire.

A ce titre, il convient de signaler que la valeur d’origine pour le concessionnaire est


différente selon que les immobilisations ont été financées ou non par lui. La valeur
d’origine pour le concessionnaire sera :

- la valeur brute, si l’immobilisation a été financée par lui ;


- nulle, si le bien a été mis en concession gratuitement par le concédant ou les tiers.

La base de la provision pour renouvellement est donc différente selon les financements.

D) Classification par nature

La distinction des immobilisations selon leur nature telle que définie par le Plan
Comptable Général des Entreprises (terrains, constructions, installations techniques
matériel et outillage….) s’impose aux sociétés concessionnaires au même titre que les
autres sociétés.

La classification des immobilisations du domaine concédé, dans le cadre de notre


proposition de normalisation, se fera tout d’abord par source de financement puis selon
leur caractère renouvelable et enfin par nature. Cette hiérarchisation des critères de
classification se justifie plus par un souci de disponibilité d’informations importantes à
la gestion par une simple lecture de la balance générale sans avoir à opérer de
traitements extracomptables. Ainsi, une classification par sources de financement
permettrait de situer rapidement le niveau d’avancement des réalisations par rapport au
programme d’investissement contractuel.

45
Section 3: Analyse juridique du régime de propriété des
immobilisations du domaine concédé

Loin de pouvoir donner un statut juridique unifié au régime de propriété des


immobilisations du domaine concédé, les textes disponibles permettent tout de même
d’avancer avec certitude le fait que les biens immeubles cédés par une Collectivité
Locale concédante ou construits par un concessionnaire au cours d’une concession, sont
et restent la propriété inaliénable de cette Collectivité. Ils rentrent dès la signature du
contrat de concession dans le domaine public (ex : article 1er h) du Dahir du 1er juillet
914).

Les dispositions du dahir de 1914 sur le Domaine Public, complété par les dahirs de
1925 et 1929 et par la Loi sur l’Eau datant de 1995 ne donnent pas une autre solution.

Citons à titre d’exemple l’article 41 de la loi de 1995 sur l’Eau : « La concession


constitue des droits réels de durée limitée qui ne confèrent à son titulaire aucun droit de
propriété sur le domaine public hydraulique ». Ou encore l’article 11 du décret du 24
octobre 1962 réglementant les conditions relatives à la délivrance des autorisations,
permissions et concessions des distributions d’énergie électrique ainsi qu’au
fonctionnement et au contrôle des dites distributions. En effet, celui-ci prévoit que « le
concessionnaire est autorisé à occuper des parcelles du Domaine Public nécessaires à
l’établissement des conduites aériennes…….. ou autres ouvrages de la distribution
concédée ».

Plus loin le décret prévoit que cette occupation se fait contre le paiement d’une
redevance. Il y a donc une location et non transfert de propriété.

Ainsi, le peu de législation concernant ce type de contrat permet tout de même de


dégager le principe de droit administratif marocain selon lequel les biens nécessaires à
l’exécution d’une mission de service public restent la propriété inaliénable de
l’Etat.

46
Pour apprécier le régime de propriété des biens du domaine concédé, nous allons nous
appuyer d’une part sur le principe de droit administratif cité au paragraphe précédent et
d’autre part sur l’analyse de l’une des conventions de gestion déléguée existantes. Pour
ce faire, nous rappelons qu’il existe au Maroc quatre conventions de gestion déléguée
de la distribution d’eau potable :

Convention 1 : Wilaya de Casablanca (1997);

Convention 2 : Wilaya de Rabat – Salé (1999) ;

Convention 3 : Ville de Tanger (2002) ;

Convention 4 : Ville de Tétouan (2002).

Les conclusions auxquelles aboutira notre analyse seront identiques quelque soit la
convention étudiée. Ainsi, nous allons étudier l’une des dernières conventions conclues
à savoir celle de Tanger7 (la convention de Tétouan est exactement similaire à celle de
Tanger puisque le concessionnaire est le même).

Il est donc incontournable de recenser et de rappeler les articles de la Convention


traitant des biens du domaine concédé.

La Convention de Gestion Déléguée de Tanger a consacré le troisième Chapitre8 de son


Titre premier aux « biens de la gestion déléguée ». Les articles qui nous intéressent à cet
effet sont les articles 9 et 10 qui traitent des biens de retour liés au service public de
distribution de l’eau potable. Les autres articles traitent des biens de reprise qui sont et
restent, durant la période du contrat, la propriété du concessionnaire. Les biens de
reprise ne nous intéressent pas au niveau de la présente étude puisqu’ils sont soumis aux
règles de droit commun.

7
Il est possible d’aboutir aux mêmes conclusions en se basant sur l’analyse des articles 7, 24 et 46 de la
convention de Casablanca signée le 28 avril 1997 entre la LYONNAISE DES EAUX et la Communauté
Urbaine de Casablanca.
8
Cf. annexe 5 du présent mémoire.

47
Extrait du Titre Premier de la convention :

-------------------

CHAPITRE 3 – DES BIENS DE LA GESTION DELEGUEE

ARTICLE 9 : Biens de retour

1- Définition des biens de retour

1.1- Les biens de retour sont ceux qui doivent revenir obligatoirement à
l’Autorité Délégante à l'expiration de la gestion déléguée. Ces biens sont
propriété inaliénable de l’Autorité Délégante. Ils ne peuvent faire l'objet
d'aucune cession, sûreté, vente ou location, par le Délégataire ou l’Autorité
Délégante, pendant toute la durée de la gestion déléguée. Ils comprennent,
notamment, les ouvrages, canalisations, appareillages, terrains et constructions.

Pour les besoins de la gestion déléguée, ces biens sont mis gratuitement à la
disposition du Délégataire à la Date d’Entrée en Vigueur, et reviennent à
l’Autorité Délégante en fin de gestion déléguée dans le cadre des dispositions
prévues dans le Contrat.

1.2- Les biens de retour comprennent tout à la fois :

a- des biens mis à la disposition du Délégataire par l’Autorité


Délégante à la Date d'Entrée en Vigueur.

b- des biens nouveaux, affectés par nature aux services délégués,


constitués et financés par le Délégataire;

c- des biens nouveaux, affectés par nature aux services délégués,


constitués par le Délégataire et financés par le fonds de travaux;

d- des biens nouveaux, intégrés aux biens de retour existants,


constitués et financés par le Délégataire, notamment lors de la
réalisation des travaux de renouvellement; de tels biens sont, au
sens du Contrat et du cahier des charges, des biens de retour par
accession.

48
e- des biens nouveaux, constitués par le Délégataire et financés par
des tiers, lors de la réalisation de travaux d'extension ou de
renforcement;

f- le cas échéant, des biens incorporés au domaine public et mis à la


disposition du Délégataire par l’Autorité Délégante,
postérieurement à la date d'Entrée en Vigueur, dans les conditions
prévues dans le Contrat.

ARTICLE 10 : Régime des biens de retour

1- Les biens de retour ont le régime spécifique suivant :

a- Les biens de retour, existants, à construire ou à incorporer au domaine


public, forment et formeront l'ensemble du patrimoine de l’Autorité Délégante
affecté aux services délégués, et le Délégataire reconnaît qu'ils sont et resteront
la propriété de l’Autorité Délégante.

b- Les biens de retour constitués par le Délégataire sont, ab initio, la


propriété de l’Autorité Délégante.

c- Les biens de retour, à l'expiration du Contrat, pour quelque cause que


ce soit, seront remis à l’Autorité Délégante, dans les conditions prévues à
l'article 75.

2- Postérieurement à la Date d’Entrée en Vigueur, des équipements et ouvrages


de l’Autorité Délégante ou appartenant à des tiers, utiles aux services délégués
autres que ceux visés à l’article 9.1.2 ci-dessus, ne peuvent être mis à la
disposition du Délégataire et affectés aux services délégués que par avenant à la
Convention. Dans tous les cas, ces biens doivent préalablement être incorporés
au domaine public.

-------------------

49
En tenant compte de l’analyse du régime de propriété des biens du domaine concédé, il
nous faut pour des raisons essentiellement fiscales et comptables envisager plus
généralement le statut juridique de ces biens en les classant par mode de financement.

Rappelons que les immobilisations réalisées et à réaliser durant l’exécution du contrat


sont des travaux débouchant sur la création de biens dénommés biens de retour qui sont
appelés à revenir gratuitement à l’autorité concédante en fin de contrat.

En effet, on comprend dès lors que le concessionnaire n’a qu’un droit de jouissance et
non un droit de propriété sur l’ensemble des biens de retour, même ceux dont il
finance exclusivement la réalisation.

De plus cette analyse peut être complétée grâce aux termes employés dans l’article 9 qui
fait état d’une mise à disposition des biens de retour. La technique juridique veut que la
mise à disposition soit appréhendée comme un contrat de prêt et non comme un contrat
de transfert de propriété.

Enfin, on peut dire qu’à l’arrivée du terme du contrat, le principe de la continuité du


service public exige que les biens nécessaires à son exploitation appartiennent à
l’autorité concédante.

Les biens de retour appartiennent de façon inaliénable à l’autorité concédante et ceci


quel que soit le mode de financement ayant présidé la réalisation de ces biens, qu’il
s’agisse d’un financement par l’autorité concédante, d’un autofinancement par le
concessionnaire, d’un financement provenant de fonds de travaux ou d’un financement
des abonnés.

A) Les immobilisations reçues gratuitement en début de concession

Pour ces biens, le concessionnaire se comporte comme un véritable délégataire. Il n’en


est pas le propriétaire mais il s’est engagé à les prendre en charge : les exploiter, les
entretenir et les réparer conformément aux stipulations du contrat.

50
Ces biens étant des biens de retour au sens de l’article 9 alinéa 1.2 – a), ils seront remis
gratuitement à l’autorité concédante à la fin de la concession.

Toutefois, même si le concessionnaire ne dispose pas d’un droit de propriété sur ces
biens, il en dispose d’un droit de jouissance et d’exploitation exclusif. Dans le cas où
ces biens seraient reçus à titre onéreux9, le montant des débours constituerait un droit
incorporel à inscrire au bilan du concessionnaire. Ce droit incorporel fait partie
intégrante du droit d’entrée représentatif du droit exclusif d’exécution accordé par le
contrat de concession au concessionnaire.

Le traitement comptable du droit d’entrée et des biens reçus gratuitement en début de


concession sera abordé plus en détail au niveau de la deuxième partie du présent
mémoire.

B) Les immobilisations financées par le concessionnaire

Ici, le concessionnaire se comporte également comme un délégataire de service public.


Il va financer la réalisation de biens qui ne sont pas sa propriété et qu’il devra rétrocéder
à l’autorité concédante à l’arrivée du terme du contrat. En effet, ces biens sont assimilés
à des biens de retour au sens de l’article 9 alinéa 1.2 – b).

Le concessionnaire va réaliser les travaux en son nom car cela va lui permettre
d’accroître la rentabilité d’exploitation du service public dont il a la charge et
conséquemment les profits qu’il va tirer de cette exploitation mais ces investissements
seront réalisés pour le compte de l’autorité concédante du fait de leur rétrocession en fin
de contrat.

Parallèlement, ces immobilisations financées par le concessionnaire constituent un


complément au montant à payer par le concessionnaire pour avoir le droit d’exploiter le
service public. Ces investissements font ainsi partie des droits incorporels du
concessionnaire.

9
Cas rarement rencontré au Maroc. En effet, le remise des biens au concessionnaire par l’autorité
concédante en début de contrat se fait généralement à titre gratuit.

51
C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux

Ici, le concessionnaire joue le rôle d’un simple mandataire agissant au nom et pour le
compte de l’autorité concédante, son rôle se limitera à assurer une mission de
représentant ou d’intermédiaire de cette dernière.

Ces investissements, pourraient être réalisés en l’absence de la mise en place de la


concession, leur financement étant totalement distinct de celui que doit réaliser le
concessionnaire au titre de la concession.

Ces biens sont également assimilés à des biens de retour au sens de l’article 9 alinéa 1.2
– c).

D) Les immobilisations financées par les abonnés

L’analyse juridique des immobilisations financées par les abonnés dites également
financées par les tiers est similaire à celle des immobilisations financées par le fonds de
travaux. Ces biens sont également assimilés à des biens de retour au sens de l’article 9
alinéa 1.2 – e).

Ainsi, nous pouvons conclure que les quatre catégories d’immobilisations


traitées sont des biens de retour, propriété inaliénable de l’autorité
concédante.

Section 4 : Analyse du régime fiscal des immobilisations de la


concession

Les biens propres et les biens de reprise sont la propriété du concessionnaire, ils
obéissent aux règles fiscales de droit commun et ne nécessitent pas de remarques
particulières de notre pat. La présente section sera donc consacrée au régime fiscal des
biens de retour compte tenu de leurs particularités.

52
En l’absence de règles fiscales spécifiques dans le domaine, notre étude est
principalement fondée sur :
- l’analyse des dispositions des annexes (relatives au traitement fiscal) des
conventions de gestion déléguée de la distribution de l’eau potable dans les
régions de Casablanca et de Tanger ;
- l’analyse des positions expressément confirmées par la Direction des Impôt au
niveau de ses correspondances avec les concessionnaires de la distribution de
l’eau potable dans les régions de Casablanca (réponse adressée à la Lydec Cf.
annexe n°6) et Rabat (réponse adressée à la Redal Cf. annexe n°7)

A) Les immobilisations reçues à titre gratuit en début de concession

Les biens reçus gratuitement en début de concession constituent des biens de retour. Le
concessionnaire ne bénéficie que d’un droit de jouissance sur ces biens, en ayant
l’obligation de les affecter à la concession et les maintenir en bon état de
fonctionnement.

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés :

Les biens en question étant acquis gratuitement et inscrits uniquement dans le domaine
concédé, ils ne peuvent faire l’objet d’amortissement pour dépréciation déductible de
l’assiette de l’Impôt sur les Sociétés.

En cas de cession des biens reçus gratuitement, les recettes afférentes à ces cessions et
inscrites au crédit du Fonds de Travaux, ne constituent pas normalement des produits du
concessionnaire imposables à l’Impôt sur les Sociétés.

b- Traitement en matière de la taxe sur la valeur ajoutée

Par référence au régime en matière d’Impôt sur les Sociétés, la TVA qui aurait grevé les
biens en question, non déduites par l’autorité concédante (représentée par les ex-régies),
n’ouvre pas droit à une quelconque récupération au niveau des déclarations du
concessionnaire.

53
En cas de cession des biens reçus gratuitement, les recettes de ces cessions ne sont pas
normalement passibles de la TVA, puisque s’agissant de fonds collectés pour le compte
d’une collectivité locale (généralement une communauté urbaine) laquelle n’est pas
assujettie à la TVA.

c- Traitement en matière d’impôt des patentes

En vertu des dispositions du dahir n° 1-61-442 du 30/12/1961 tel qu’il a été complété et
modifié, relatif à l’impôt des patentes, cet impôt frappe toutes professions et toutes
activités commerciales et industrielles.

L’assiette de l’impôt est établie sur les moyens d’exploitation comprenant les magasins,
usines, ateliers, chantiers, dépôts ainsi que les moyens matériels de production qui y
sont rattachés.

Ainsi, les biens susvisés reçus par le concessionnaire sont imposables à la patente en
tant que biens affectés à l’exploitation du concessionnaire.

L’assiette de l’impôt sera établie sur la valeur locative de ces biens, déterminée tel que
prévue par la loi susvisée.

Par ailleurs, et par référence aux dispositions de la loi de finance 1996 qui ont modifié
le dahir relatif à la patente, les entreprises nouvelles ayant débuté leur activité à compter
de 1996 bénéficient de l’exonération quinquennale du principal de l’impôt des patentes
depuis le début de leur exploitation. Toutefois, l’administration fiscale n’a pas admis
cette exonération au concessionnaire du service de distribution de l’eau potable de la
région de Casablanca (Lydec) puisque semble t-il, elle l’a considéré comme
continuateur de l’ex-régie.

Compte tenu de la mission qui est confiée aux concessionnaires de distribution de l’eau
potable en matière de développement de certaines installations de base, l’administration
fiscale a fait bénéficier ces derniers de l’exonération de certains éléments. Cette
exonération concerne des équipements se rapportant aux réseaux de distribution et aux

54
ouvrages de conduite d’eau (tels que les canalisations, lignes, pylônes, câbles…..) dès
lors qu’ils sont utilisés en tant que moyens de transport nécessaires à l’exercice de
l’activité, ainsi que le petit matériel et outillage.

d- Traitement en matière de taxe urbaine et de taxe d’édilité

En vertu des dispositions de la loi 37-89 relative à la taxe urbaine, cette taxe s’applique
aux immeubles affectés par leurs propriétaires à une profession ou une quelconque
activité commerciale ou industrielle, y compris les moyens d’exploitation qui en font
partie intégrante. Par ailleurs, la même loi prévoit l’exonération quinquennale de la taxe
au titre des constructions nouvelles, additions de constructions ainsi que les moyens
d’exploitation nouvellement acquis.

A ce titre, les biens de retour récupérés à la signature du contrat ne sont pas propriété du
concessionnaire, ils ne sont donc pas en conséquence passibles de la taxe urbaine.

B) Les immobilisations financées par le concessionnaire

Il s’agit des biens acquis et financés par le concessionnaire et faisant partie des biens de
retour.

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés

• Traitement en cours de réalisation :


- Cas d’acquisition de biens clés en mains : le concessionnaire acquiert un droit de
jouissance sur ces biens qu’il peut inscrire directement en immobilisations
incorporelles ;
- Cas des biens réalisés avec l’intervention significative du concessionnaire : ici,
le concessionnaire se livre à lui-même une production immobilisée de droit
incorporel. A ce titre, les coûts externes supportés par le concessionnaire pour la
réalisation de ces biens font partie des charges déductibles à l’instar des autres
charges internes (main d’œuvre interne, consommation des matières…..).
Parallèlement ces charges sont contrebalancées par la constatation d’une production

55
immobilisée. Cette production immobilisée n’est pas soumise à la cotisation
minimale au titre de l’IS.
• Traitement après inscription en immobilisations incorporelles : ces biens,
n’étant pas la propriété du concessionnaire, ne peuvent faire l’objet d’un
amortissement pour dépréciation. Néanmoins, il est permis de pratiquer
l’amortissement pour dépréciation du droit incorporel sur ces biens correspondant à
un amortissement pour caducité établi sur la durée d’exploitation avant le
renouvellement des biens. Les biens renouvelés peuvent faire l’objet d’un
amortissement de caducité déductible.

b- Traitement en matière de la taxe sur la valeur ajoutée

Le concessionnaire peut acquérir les biens immeubles en exonération de TVA


conformément aux dispositions du 7° de l’article 8 de la loi 30-85.

Cette prise de position est confirmée par la doctrine administrative actuelle, puisque
l’administration fiscale estime que ces biens sont financés par le concessionnaire, alors
la TVA qui a grevé leur prix de revient ouvre droit à déduction entre ses mains.

Par ailleurs, si ces biens sont produits par le concessionnaire lui-même, ils sont
passibles de la TVA sur les livraisons à soi même au taux de 20%.

c- Traitement en matière d’impôt des patentes

Les biens de retour financés par le concessionnaire constituent des éléments


d’exploitation entrant dans le champ d’application de cet impôt au même titre que les
biens reçus à titre gratuit en début de concession.

d- Traitement en matière de taxe urbaine et taxe d’édilité

Le concessionnaire ne dispose d’aucun droit de propriété sur les biens de retour même
si ceux-ci sont financés par lui d’après le contrat. A cet effet, comme ils sont censés
appartenir ab-initio à l’autorité concédante, ces biens sont exclus du champ

56
d’application de la taxe urbaine à l’image des biens de retour financés par l’autorité
concédante.

Toutefois, l’administration fiscale affirme que les biens mis en concession par le
concessionnaire et financés par lui sont passibles de la taxe urbaine. Aucun argument
juridique convaincant n’est présenté à l’appui.

C) Les immobilisations financées par le fonds des travaux

Il s’agit des biens financés par des fonds collectés auprès de tiers, et consistant dans des
travaux de renforcement des réseaux et ouvrages réalisés par le concessionnaire pour le
compte de l’autorité concédante.

Les acquisitions financées par le fonds de travaux font partie des biens de retour. Par
ailleurs, le fonds de travaux est alimenté au crédit par les produits des participations et
autres recettes prévues par les contrats de concession.

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés

Le concessionnaire dispose d’un mandat de l’autorité concédante portant sur la


réalisation de travaux d’extension des biens relevant du domaine public, moyennant la
perception du financement correspondant sous forme des recettes prévues par le fonds
de travaux.

Le concessionnaire, dans le cadre de ce mandat, agit en tant que simple ingénieur ayant
pour rôle la supervision des travaux et leur réception pour le compte de l’autorité
concédante. Le concessionnaire supporte à ce titre des coûts internes directement
rattachés à ces opérations, et consistant dans la fourniture de main d’œuvre et de
certaines matières. La supervision réalisée par le concessionnaire est par ailleurs
rémunérée par une majoration pour peines et soins calculée au taux de 10% sur le
montant des coûts externes, et visant à faire compenser au profit du concessionnaire les
frais de gestion de ces opérations.

57
Compte tenu de ces éléments, le coût des biens financés par le fonds de travaux serait
traité comme suit :

- Au titre des coûts externes : s’agissant de travaux reçus par le concessionnaire pour
le compte de l’autorité concédante, ces coûts devraient être portés directement au
débit du compte fonds de travaux toutes taxes comprises en tant que débours
financés par le fonds de travaux.
- Au titre des coûts internes : ils sont refacturés à l’identique constituant ainsi des
produits d’exploitation imposables à la cotisation minimale.

b- Traitement en matière de la taxe sur la valeur ajoutée

Comme précisé en matière d’IS, le concessionnaire finance des débours toutes taxes
comprises pour le compte de l’autorité concédante, il se fait rembourser par les recettes
du fonds de travaux. En conséquence, les taxes grevant ces débours ne sont pas
récupérables par le concessionnaire.

Par contre, au titre des coûts internes, le concessionnaire devrait récupérer la taxe qui
aurait grevé ces éléments en amont, et corrélativement soumettre à la TVA au taux de
20% les livraisons de main d’œuvre et de matières, ainsi que les peines et soins.

La TVA facturée devra être établie sur les facturations régulières lors du transfert de
propriété des biens et prestations. Elle devrait être déclarée dès l’encaissement de ces
ventes, notamment suite au débit du compte Fonds de Travaux qui coïncide avec la fin
du chantier.

Lors de la mise en exploitation de ces biens financés par le fonds de travaux, le


concessionnaire n’est pas autorisé à récupérer la TVA grevant ces biens, du moment
qu’ils n’ont pas été financés par lui.

58
c- Traitement en matière d’impôt des patentes, taxe urbaine et taxe d’édilité

• Impôt des patentes : Le traitement est le même que celui des biens reçus
gratuitement au début de la gestion déléguée et des biens financés par le
concessionnaire.
• Taxe urbaine et taxe d’édilité : Le traitement est le même que celui des biens
financés par le concessionnaire.

D) Les immobilisations financées par les abonnés :

Ces travaux sont définis par assimilation comme étant des biens de retour : tels que les
renforcements et acquisitions nouvelles concernant l’infrastructure et assimilés, comme
prévu par la convention ; et le cas échéant des biens de reprise dans des cas particuliers.

Le concessionnaire entretient une quasi-relation directe de prestataire à l’égard des tiers


demandeurs de travaux.

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés

Le traitement varie selon les deux cas de figure suivants :

¬ Cas où les travaux sont réalisés par les tiers et supervisés par le concessionnaire :

Le concessionnaire ne perçoit au titre de cette intervention que la majoration pour


peines et soins ; et il collecte pour le compte de l’autorité concédante la participation au
premier établissement PPE.

Le concessionnaire devrait à ce titre facturer les peines & soins aux tiers en tant que
produits d’exploitation ; par contre, la PPE perçue des tiers ne saurait constituer un
produit d’exploitation imposable à l’IS, puisque s’agissant d’une surtaxe collectée pour
le compte de l’autorité concédante.

Par ailleurs, le coût total des travaux porté dans le domaine concédé ne saurait faire
l’objet d’amortissements déductibles.

59
¬ Cas où le concessionnaire réalise les travaux pour le compte des tiers :

Le concessionnaire est réputé agir en tant qu’entrepreneur de travaux, il devrait à ce titre


constater dans ses charges déductibles les coûts externes hors taxes.

A la livraison des travaux aux tiers, le concessionnaire devrait facturer le montant de


l’installation clé en main (coût global : coûts externes + coûts internes + peines et soins)
réalisée aux tiers en tant que vente de biens immobiliers, imposables à la cotisation
minimale.

b- Traitement en matière de la taxe sur la valeur ajoutée

Le traitement dépend également des deux cas de figure suivants :

¬ Cas où les travaux sont réalisés par les tiers et supervisés par le concessionnaire :

Le concessionnaire devrait facturer la TVA sur les peines et soins qu’il met à la charge
des tiers.

Par contre, la PPE collectée pour le compte de l’autorité concédante ne serait pas
normalement soumise à la TVA, puisque ne constituant pas un produit d’exploitation.

Au titre de l’exploitation des biens mis dans le domaine concédé, le concessionnaire


n’est pas en droit de récupérer la TVA grevant ces biens du moment que ceux-ci n’ont
pas été financés par lui.

¬ Cas où le concessionnaire réalise les travaux pour le compte des tiers :

Dans cette situation, le concessionnaire est réputé agir en tant qu’entrepreneur de


travaux, et il est fondé à récupérer les taxes supportées en amont sur les coût externes
portés en charges.

60
La livraison des travaux aux tiers est soumise à la TVA au taux de 14% applicable aux
travaux immobiliers.

c- Traitement en matière d’impôt des patentes, taxe urbaine et taxe d’édilité

Le régime est identique à celui des biens financés par le Fonds de Travaux.

E) Les provisions pour renouvellement et grosses réparations

En principe, les renouvellements et les grosses réparations sont financés par le


concessionnaire.

Les renouvellements :

Le renouvellement se définit comme étant le remplacement à l’identique d’un bien de


retour. Il ne se traduit pas par une modification de l’actif immobilisé. Le renouvellement
d’un bien financé par le concessionnaire ou par l’autorité concédante est assuré par un
amortissement pour dépréciation (reconstitution du coût d’entrée) et une provision pour
renouvellement (différence entre le coût de remplacement et le coût d’entrée du bien).

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés

En vertu de la loi sur l’IS, sont déductibles les provisions qui sont constituées en vue de
faire face soit à la dépréciation des éléments de l’actif, soit à des charges non encore
réalisées que des événements en cours rendent probables.

Dans ce contexte, les provisions pour renouvellement constituées en anticipation soit


des dépenses de renouvellement, soit du surplus de la valeur de remplacement par
rapport à la valeur d’entrée des biens seraient normalement déductibles sous réserve
d’être détaillées et suffisamment évaluées.

Les provisions doivent normalement faire l’objet d’ajustement en fonction des


prévisions de réalisation.

61
Toutefois, il semble que la Direction des Impôts, dans ses correspondances avec le
concessionnaire du service de distribution de l’eau potable dans la région de
Casablanca, n’admet pas la déductibilité fiscale des provisions pour renouvellement
dans la mesure où elle ne prévoit le traitement fiscal du renouvellement qu’une fois que
celui-ci est réalisé.

Par ailleurs, dans ses correspondances avec le concessionnaire du service de distribution


de l’eau potable dans la région de Rabat, la Direction des Impôts traite uniquement de la
déductibilité de la provision pour renouvellement des biens mis en concession par
l’autorité concédante dont voici l’extrait : « Le délégataire peut constituer en franchise
d’impôt, des provisions pour renouvellement des immobilisations mises dans la gestion
déléguée par l’autorité délégante sous réserve que :

- Le renouvellement soit prévu par un programme préétabli et approuvé par l’autorité


délégante et ce, avant la constitution desdites provisions ;
- Le montant des provisions déductibles fiscalement ne doit pas excéder la différence
entre la valeur actuelle du remplacement et le coût historique du bien renouvelé ;
- Les dépenses auxquelles les provisions sont destinées à faire face doivent :
• être par nature susceptibles d’amortissement ;
• ne pas augmenter la consistance des immobilisations mises dans la gestion
déléguée par l’autorité délégante ;
• être prévisibles avec une certitude suffisante à la clôture de l’exercice, c'est-à-
dire d’établir un plan de renouvellement. »

b- Traitement en matière de taxe sur la valeur ajoutée

Les renouvellements qui sont financés par le concessionnaire et concourrant à la


réalisation d’opérations imposables, ouvrent droit à déduction de la taxe qui les grève
par référence aux règles de droit commun prévues par les articles 17 à 22 de la loi 30-
85.

62
c- Traitement en matière d’impôt des patentes, taxe urbaine et taxe d’édilité

• Impôt des patentes : Le traitement des biens renouvelés est identique au traitement
des biens repris à la signature du contrat.
• Taxe urbaine et taxe d’édilité : Les renouvellements constituent également des
biens de retour, propriété inaliénable de l’autorité concédante. Ainsi, par référence
au régime des biens financés par le concessionnaire, à notre avis, les
renouvellements bien que financés par le concessionnaire, n’en constituent pas sa
propriété et ne sauraient être soumis à la taxe urbaine et à la taxe d’édilité.

Les grosses réparations :

Les grosses réparations sont des charges prévisibles de maintenance importantes qui ne
peuvent être rattachées à un seul exercice et qui ne peuvent par conséquent être
assimilés à des frais courants d’entretien et de réparation.

Les contrats de concession prévoient, généralement, que les modifications et


renforcement des biens d’infrastructure et assimilés font également partie des biens de
retour.

a- Traitement en matière d’impôt sur les sociétés

Au même titre que les provisions pour renouvellement, la loi fiscale prévoit la
déductibilité des provisions destinées à faire face à la dépréciation des éléments de
l’actif ou à des pertes dont le fait générateur se situe au niveau de l’exercice.

Compte tenu de la naissance de charges de grosses réparations liées à l’exploitation des


immobilisations, en principe, les provisions pour grosses réparations seraient
déductibles sous réserve de remplir certaines conditions de base :
- Les grosses réparations ne doivent pas revêtir un caractère courant ;
- Les grosses réparations doivent concerner l’exploitation d’immobilisations
déterminées ;
- Les provisions doivent faire l’objet d’une approximation suffisante qui se réfère à
un programme détaillé des travaux à réaliser.

63
Ces provisions, une fois que les dépenses ont été engagées (et portées en charges ou
transférées au poste autres charges à répartir sur plusieurs exercices), doivent être
reprises en produits.

L’administration fiscale semble ne pas admettre la déductibilité par avance des dépenses
de grosses réparations, et paraît privilégier leur activation, en précisant dans ses
correspondances que lesdites dépenses de grosses réparations sont à étaler sur plusieurs
exercices par leur comptabilisation en immobilisations en non valeur.

A notre avis, cette position remet en cause le principe de rattachement à chaque exercice
de sa quote-part de grosses réparations.

b- Traitement en matière de taxe sur la valeur ajoutée

Le traitement des grosses réparations est identique à celui des renouvellements.

c- Traitement en matière d’impôt des patentes, taxe urbaine et taxe d’édilité

Les grosses réparations ne permettent pas en principe l’accroissement des biens de


l’actif ou la création de nouveaux biens, elles ne sont donc passibles ni de la patente ni
de la taxe urbaine ni de la taxe d’édilité.

64
Chapitre IV) Les amortissements et les provisions dans les concessions de
service public

Avant d’entamer la deuxième partie du mémoire relative à la normalisation comptable,


il nous a paru incontournable de présenter les amortissements et les provisions
rencontrés au niveau des comptes du concessionnaire. En effet, certains amortissements
et provisions spécifiques (amortissement de caducité et provision pour renouvellement)
seront appréhendés et traités différemment dans le cadre de notre proposition de
normalisation comptable. Ainsi, la présentation de la conception et du traitement actuels
de ces charges spécifiques nous semble extrêmement utile pour permettre au lecteur
d’apprécier l’apport de notre proposition de normalisation.

La gestion de la délégation d’un service public entraîne des obligations pour le


concessionnaire qui seront matérialisées, en comptabilité, par l’enregistrement de
charges spécifiques.

L’exploitation d’un service public impose certaines contraintes telles que le maintien à
un niveau satisfaisant de la qualité du service ou encore le respect du principe de la
continuité du service.

La durée prévue du contrat constitue le deuxième élément fondamental, car malgré une
durée généralement importante, le terme est toujours fixé à l’avance.

De la combinaison de ces deux critères on peut mettre en évidence certaines


particularités telles que :

- pour assurer la continuité du service public, les immobilisations indispensables au


bon fonctionnement de l’exploitation, appartenant ou non au concessionnaire,
devront être retournés (la plupart du temps gratuitement) à l’issue du contrat à
l’autorité concédante. Afin que le concessionnaire puisse répartir équitablement la
charge correspondant au coût du retour obligatoire de certaines immobilisations (ou

65
autrement dit qu’il puisse récupérer le montant des fonds investis), il sera autorisé à
pratiquer sur lesdites immobilisations un amortissement de caducité10 ;
- pour assurer la qualité de l’exécution du service public, le concessionnaire devra
renouveler et tenir en bon état de fonctionnement l’ensemble des immobilisations
nécessaire au service public. Le respect de cette règle de qualité, par le maintien en
parfait état de fonctionnement du potentiel productif, sera assuré par le biais de
l’inscription dans les comptes du concessionnaire de provisions pour
renouvellement et/ou provisions pour grosses réparations dites également provisions
pour remise en état des immobilisations.

Section 1 : Les différents amortissements en vigueur dans les


concessions de service public

Deux types d’amortissements sont identifiés dans les concessions de service public. Il
s’agit d’une part de l’amortissement pour dépréciation et d’autre part de
l’amortissement de caducité.

A) L’amortissements pour dépréciation

L’amortissement pour dépréciation est pratiqué pour les trois motifs habituels suivants :

- correction de l’évaluation des actifs qui se déprécient avec le temps ;


- répartition du coût des actifs sur leur durée de vie ;
- affectation d’une partie du bénéfice à la reconstitution du capital.

L’application de l’amortissement pour dépréciation aux concessionnaires présente des


particularités compte tenu de la nature des immobilisations mises en concession et du
régime juridique de leur propriété. Ainsi, le traitement sera différent selon la source de
financement de l’immobilisation.

10
Notre proposition de normalisation comptable, qui sera présentée au niveau de la deuxième partie du
présent mémoire, permet d’éviter le problème de la caducité et les confusions qui s’y attachent.

66
Il convient de rappeler que l’amortissement des biens propres obéit aux règles de droit
commun et ne nécessite aucune remarque particulière de notre part.

a- Les immobilisations reçues gratuitement de l’autorité concédante

Comme démontré au niveau du Chapitre 3, ces immobilisations sont la propriété


inaliénable de l’autorité concédante. Le concessionnaire quant à lui n’en détient qu’un
droit de jouissance.

De ce fait, le concessionnaire ne peut inscrire dans ses charges d’exploitation de


dotations aux amortissements. Toutefois, comme ces immobilisations continuent,
malgré tout, à se déprécier avec le temps, un amortissement reste nécessaire. Cet
amortissement se fera à travers la constatation d’une écriture bilantielle (pour ordre)
sans incidence sur le résultat : diminution aussi bien de l’immobilisation concernée à
l’actif que des droits de l’autorité concédante au passif.

Une exception existe quant à la constatation de l’amortissement pour dépréciation sans


transiter par le résultat. En effet, il peut arriver que l’autorité concédante souhaite
reconstituer le montant de ses investissements ou être indemnisée du montant de la
dépréciation des immobilisations qu’elle a mise gratuitement en concession, en
prévoyant dans le contrat de concession des clauses spécifiques, obligeant le
concessionnaire à inscrire annuellement dans ses charges d’exploitation une dotation
aux amortissements pour dépréciation, et à remettre à l’autorité concédante, en fin de
contrat, le montant des disponibilités ainsi dégagées. On parle dans ce cas de « dotations
aux droits de l’autorité concédante exigibles en espèces ». Le concessionnaire se trouve
donc dans l’obligation contractuelle d’amortir pour le compte de l’autorité concédante.

Concernant les biens renouvelables mis en concession par l’autorité concédante,


certains auteurs préconisent de procéder à un amortissement pour dépréciation, en
transitant par le résultat, de ces biens en dépit du fait que leur propriété n’appartienne
pas au concessionnaire. Cet amortissement se justifie par l’obligation de procéder à leur
renouvellement. A notre avis, l’obligation contractuelle de renouvellement pourra être
traduite comptablement à travers la constatation d’une provision pour renouvellement
plutôt qu’un amortissement pour dépréciation.

67
b- Les immobilisations financées par le concessionnaire

Le traitement de l’amortissement des immobilisations financées par le concessionnaire


mérite que ces dernières soient différenciées selon leur caractère renouvelable ou pas et
selon l’obligation de remise en fin de contrat.

• Immobilisations renouvelables : ce sont les biens financés par le concessionnaire


au moyen de ses fonds propres, au profit de l’autorité concédante et dont la durée de
vie est inférieure à la durée restante de la concession. A la fin de leurs durées de vie,
ces biens seront alors renouvelés.

Le concessionnaire est en droit d’inscrire dans ses charges d’exploitation les


dotations aux amortissements des immobilisations renouvelables. Cet amortissement
correspond à l’étalement du coût d’acquisition sur la durée de vie du bien.
Cependant, pour le dernier bien renouvelé, le concessionnaire est tenu par le contrat
à remettre ce bien sans indemnité à l’autorité concédante en fin de contrat et il n’est
pas alors en droit de pratiquer l’amortissement pour dépréciation sur le bien pour la
période s’écoulant entre le dernier renouvellement et la fin du contrat. Le dernier
investissement du concessionnaire en biens renouvelables sera récupéré à travers
l’amortissement de caducité.

• Immobilisations non renouvelables : ce sont les biens financés par le


concessionnaire dont la durée de vie est supérieure ou égale à la durée restante de la
concession et qui appartiennent ab initio à l’autorité concédante. Le concessionnaire
ne peut prétendre à effectuer sur ses charges d’exploitation des prélèvements au titre
de l’amortissement des biens appartenant à des tiers.

Le concessionnaire dispose uniquement de la faculté de reconstituer les


investissements dans ces biens par l’amortissement financier appelé
« amortissement de caducité ».

N.B. : À ce niveau, nous décrivons la pratique actuelle de l’amortissement des biens


financés par le concessionnaire. Notre proposition de normalisation du traitement

68
comptable de ces biens est fondée sur une approche qui permet de supprimer la
notion de caducité et toutes les confusions qui s’y attachent. Cette approche sera
exposée au niveau de la deuxième partie du présent mémoire.

• Immobilisations remises en fin de concession contre indemnité : il s’agit des


biens de reprise sur lesquels l’autorité concédante a la faculté d’exercer le droit de
reprise contre paiement au concessionnaire d’une indemnité dont les modalités de
calcul sont fixées au contrat. Cette indemnité est généralement fixée soit à la valeur
nette comptable soit à dire d’expert.

Au titre de ces biens, le concessionnaire, également propriétaire, pratique


l’amortissement pour dépréciation dans les conditions de droit commun.
L’indemnité reçue en fin de contrat s’analysera comme un produit de cession.

c- Les immobilisations financées par le fonds de travaux et par les abonnés

Lorsque le concessionnaire agit en tant que mandataire de l’autorité concédante pour


l’acquisition de certains biens dont le financement est à la charge de l’autorité
concédante ou des abonnés, ces biens sont comptabilisés dans l’actif du concessionnaire
en contrepartie des droits de l’autorité concédante. Il s’agit donc de biens sur lesquels le
concessionnaire n’exerce aucun droit de propriété.

L’amortissement de ces biens suit les mêmes règles que les biens mis gratuitement
initialement en concession par l’autorité concédante.

B) L’amortissement de caducité

La remise gratuite par le concessionnaire à l’autorité concédante des biens du domaine


de la concession constitue l’une des principales caractéristiques du contrat de
concession. Cette remise de biens au concédant est partie intégrante du contrat de
concession. Toutefois, lorsque la durée de vie du bien dépasse la durée restante de la
concession, un risque financier émerge quant à la capacité du concessionnaire de
récupérer ses capitaux investis.

69
Mise en évidence du risque : le risque financier peut être facilement explicité à travers
l’exemple suivant :

• Données :

Mise en place d’une immobilisation dont les caractéristiques sont les suivantes :
- Valeur de 1 000 ;
- d’une durée de vie de 50 ans.

Le contrat de concession a une durée de 20 ans.

• Constatation d’une perte lors de la remise gratuite du bien en fin de contrat :

Lors de la remise du bien, en supposant que la méthode de l’amortissement comptable


soit adaptée pour prendre en compte l’évolution de la valeur de l’actif, la valeur nette
comptable de ce dernier sera de : 600 = (1 000 – (20*1 000/50)).

Le prix de vente du bien étant nul, la perte à constater comptablement sera de 600.

• Solution :

L’ensemble des biens financés par l’exploitant doivent faire l’objet d’une prise en
charge adaptée permettant la récupération des capitaux que celui-ci a engagés pour le
financement ultime des immobilisations remises au concédant.

Cette prise en charge est traduite à travers un amortissement financier appelé


« amortissement de caducité ». Le montant de l’amortissement doit correspondre au
montant de l’investissement réalisé par le concessionnaire. L’objet de l’amortissement
de caducité est de reconstituer les capitaux investis par l’entreprise pour financer des
actifs qui seront remis à l’autorité concédante.

a- Les biens concernés par la caducité

Il s’agit des bien financés par le concessionnaire. Ces biens peuvent être :

70
- soit des biens non renouvelables dès l’entrée en concession ;
- soit des biens renouvelés pour la dernière fois quelques années avant le fin de la
concession et dont la durée de vie s’étend au delà de ce terme.

b- La base de l’amortissement de caducité

Elle est composée de la valeur des biens telle qu’elle figure à l’actif du concessionnaire
et non de la valeur prévisionnelle correspondant au prix supposé des biens à l’expiration
de la concession.

Si le bien a été financé en partie par une subvention de l’autorité concédante, ladite
subvention devrait venir en diminution à due concurrence de la base des amortissements
de caducité.

D’une manière similaire, si le retour est appelé à se faire contre une indemnité et que
cette dernière est inférieure à la valeur nette comptable du bien au moment de la remise,
ladite indemnité devrait être déduite de la base à amortir en caducité.

c- La durée de l’amortissement de caducité

La problématique se pose principalement pour les biens renouvelés pour la dernière fois
quelques années avant la fin de la concession. La question qui se pose est de savoir si
l’amortissement de caducité doit intervenir seulement à partir du moment où il apparaît
que l’immobilisation nouvelle ne sera plus renouvelée ou si ledit amortissement doit
être prévu dès l’investissement des capitaux dans la première immobilisation
renouvelable.

Les deux options semblent acceptables. Le guide comptable des entreprises


concessionnaires de 1975, élaboré par le CNC en France, a estimé que les
amortissements de caducité semblent devoir être étalés sur la durée restant à courir
jusqu’à la fin de concession, ce qui veut dire que le concessionnaire devra constater
dans les charges de chacun de exercices ouverts depuis la signature du contrat, une
fraction de l’amortissement de caducité qui sera opéré lors du dernier renouvellement

71
(un exemple d’illustration du calcul de l’amortissement de caducité selon les deux
options est prévu à la fin de la deuxième section du présent chapitre).

Section 2 : Les provisions spécifiques liées aux concessions de service


public

En sus des provisions de droit commun, les concessionnaires sont appelés à constater
certaines provisions spécifiques afin de mieux traduire leurs obligations contractuelles.

A) La provision pour renouvellement

Les entreprises concessionnaires, comme d’ailleurs toutes les entreprises, pratiquent sur
leurs biens immobilisés un amortissement pour dépréciation qui permet d’assurer le
renouvellement des immobilisations. Néanmoins, compte tenu du processus
d’augmentation des prix et du phénomène de l’obsolescence, il est exceptionnel que
l’amortissement pour dépréciation couvre le coût du renouvellement (surtout lorsque les
biens possèdent une longue durée de vie).

Les entreprises concessionnaires sont, donc, en mesure de constituer des provisions


pour renouvellement destinées à couvrir la différence entre le coût prévisionnel du
remplacement de l’immobilisation et le coût initialement supporté pour son
financement. Lorsque le concessionnaire n’a pas supporté de coût à l’origine (il
n’amortit donc pas l’ouvrage à remplacer) la valeur d’origine à retenir est nulle.

La provision pour renouvellement permet donc d’affecter, par avance et en sus de


l’amortissement pour dépréciation, une partie des bénéfices au renouvellement d’une
immobilisation. En l’absence de provision, une entreprise pourrait se trouver en
situation de dégager des profits simplement parce qu’elle n’aurait pas engagé les
dépenses de renouvellement pourtant nécessaires sur un exercice donné.

72
Après le renouvellement de l’immobilisation, et chaque fin d’année, le concessionnaire
enregistre une quote-part de reprise de la provision pour renouvellement sur la durée de
vie du bien ou sur la période restant à courir jusqu’à la fin de la concession.

B) La provision pour grosses réparations et remise en état

Les grosses réparations sont des charges prévisibles de maintenance qui ne peuvent être
rattachées à un seul exercice et qui ne peuvent par conséquent être assimilées à des frais
courants d’entretien et de réparation.

La définition donnée par le contrat de concession du service de distribution de l’eau


potable de Casablanca est : « les grosses réparations sont des interventions sur le réseau
et les ouvrage de génie civile ». Les annexes du contrat de concession donnent
également une énumération des cas de grosses réparations définies en fonction de
spécifications techniques et/ou des montants.

Les grosses réparations doivent faire l’objet d’un programme prévisionnel minimum
établi sur la base de l’état du réseau et des nécessités de son maintien en bon état de
marche. Les grosses réparations par nature doivent également être conformes aux
spécifications du contrat de concession.

Le calcul de la provision est identique quel que soit le mode de financement du bien. La
provision est calculée sur la base du coût prévisible des travaux. La dotation est
constatée par le débit d’un compte de dotation d’exploitation et par le crédit d’un
compte de provisions durables pour risques et charges, ce qui a l’avantage de constater
la charge par anticipation.

Lors de la réparation, la provision est reprise et les dépenses de réparation sont inscrites
dans les comptes de charges par nature.

73
EXEMPLES D’ILLUSTRATION (provision pour renouvellement et
amortissement de caducité) :

• Cas d’un bien renouvelable mis en concession par le concessionnaire :

Soit un premier bien « A » mis en concession par le concessionnaire de valeur brute


102 (acquis le premier janvier de l’année 1) et amortissable sur 10 ans. A l’issue des
dix années, le concessionnaire le renouvelle (au 1er janvier de l’année 11) par un
deuxième bien « B » de valeur brute 150. A l’issue des dix années, le
concessionnaire le renouvelle (au 1er janvier de l’année 21) par un troisième bien
« C » de valeur brute de 200. La concession expire au bout de 30 ans. Le troisième
bien est donc non renouvelable (et non amortissable).

1ère option : appliquer l’amortissement de caducité dès la première année

Bien Coût Amort. Provis. Amort.


et Période Dépr. Renouv. Caducité

A- années 1-10 102 102 48 34

B-années 11-20 150 150 100 34

C-années 21-30 250 - - 34

Total 502 252 148 102

74
2ème option : appliquer l’amortissement de caducité sur les dernières années
de la concession

Bien Coût Amort. Provis. Amort.


et Période Dépr. Renouv. Caducité

A- années 1-10 102 102 48 -

B-années 11-20 150 150 100 -

C-années 21-30 250 - - 102

Total 502 252 148 102

3ème option : appliquer l’amortissement de caducité sur les dernières années


et sans provisions de renouvellement

Bien Coût Amort. Provis. Amort.


et Période Dépr. Renouv. Caducité

A- années 1-10 102 102 - -

B-années 11-20 150 150 - -

C-années 21-30 250 - - 250

Total 502 252 - 250

Ainsi, le concessionnaire aura récupéré l’intégralité de ses capitaux investis sans


prendre de risque sur la fin de la concession.

75
• Cas d’un bien renouvelable mis en concession par l’autorité concédante :

Soit un premier bien mis en concession par l’autorité concédante et renouvelable au


bout de 10 ans. A l’issue des dix années, le concessionnaire le renouvelle (au 1er
janvier de l’année 11) par un deuxième bien de valeur brute 200. La concession
expire au bout de 15 ans. Le second bien est donc non renouvelable (et non
amortissable).

Années 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Dotation à l'amort. de 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
caducité du 1er bien
Dotation aux amort. 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
dépréciation du 1er bien
Dotation aux prov. 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 0 0 0 0 0
renouvellement du 1er bien
Total 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 0 0 0 0 0

Ce faisant le concessionnaire aura « récupéré », l’intégralité de ses capitaux investis,


soit 200, au travers des dotations à la provision pour renouvellement11 et sans
prendre de risque sur la fin de la concession. On remarquera également qu’aucun
amortissement de caducité n’a été constaté (ni sur le 1er bien ni sur le 2ème bien). Un
tel amortissement aurait pu être anticipé dès la mise en service du premier bien pour
la valeur de 200, la charge annuelle étalée répartie sur 15 ans aurait alors certes été
moindre et mieux étalée mais le concessionnaire n’aurait pas disposé des ressources
nécessaires au remplacement du 1er bien en date du 1er janvier de l’année 11.

11
Le premier bien étant financé par l’autorité concédante, ne peut faire l’objet d’un amortissement pour
dépréciation comptabilisé parmi les charges d’exploitation du concessionnaire.

76
Section 3 : La situation en fin de contrat

L’arrivée à terme du contrat se fait, généralement, à travers les trois cas de figures
suivants :

- A l’échéance prévue initialement, les co-contractants se séparent ;


- A l’échéance prévue initialement, les co-contractants décident de conclure un
nouveau contrat, soit de même type, soit de type différent ;
- A l’échéance prévue initialement, les co-contractants décident de proroger le même
contrat.

Les deux premiers cas de figure ont un traitement similaire, il faudra donc constater
l’arrêt du contrat de concession.

A) L’arrivée au terme et arrêt de la concession

a- Les amortissements de caducité et de dépréciation

Ici, nous nous placerons dans le cas des biens non renouvelables remis gratuitement en
fin de concession à l’autorité concédante. Les amortissements de caducité enregistrés au
passif sont tous terminés car les plans d’amortissement courent jusqu’au terme de la
concession. Ils sont virés au compte des droits de l’autorité concédante. Le montant
total de la dette correspond ainsi à la valeur brute du bien.

Pour tous les biens qui ne sont pas renouvelables (et donc non amortissables), le
concessionnaire a constaté des amortissements pour dépréciation pour ordre qui ne sont
pas passés en compte de résultat mais directement au débit du compte des droits de
l’autorité concédante. Il faut donc également contre-passer ces amortissements pour
ordre à l’actif du bilan par le crédit du compte des droits de l’autorité concédante pour
remettre les biens au concédant.

Le cas de remise contre indemnité (de biens non renouvelables) ne s’applique qu’aux
biens apportés par le concessionnaire. L’indemnité représente une créance sur le

77
concédant que le concessionnaire vient porter au débit du compte des droits de l’autorité
concédante.

b- Les provisions pour renouvellement

L’ensemble des provisions pour renouvellement non utilisées à la fin de la concession


constitue une dette envers le concédant, dans la mesure où elles restent justifiées.

En revanche, les provisions devenues sans objet doivent être reprises par le résultat
(comptablement et fiscalement). C’est le cas lorsque les renouvellements ont été
effectués pour une valeur moindre.

La reprise des provisions devenues sans objet (renouvellement ou grosses réparations)


est un problème difficile pour le concessionnaire. L’impact fiscal est souvent non
négligeable. En pratique certains concessionnaires préfèrent réaliser des travaux plus
importants que prévu ou réaliser de nouveaux investissements pour utiliser totalement
les provisions, donner une meilleure image de la concession et augmenter la valeur du
patrimoine à transférer à l’autorité concédante contre indemnité. L’autorité concédante
doit donc être parfois vigilante sur les travaux réalisés par certains concessionnaires en
fin de concession. Les clauses d’agrément des investissements trouvent là leur
justification.

B) Prorogation du contrat de concession

Le problème est ici différent car cette prorogation va entraîner d’une part, la
requalification de certains biens (biens non renouvelables devenant renouvelables par
exemple) et d’autre part, va donner la possibilité aux parties contractantes d’apporter de
corrections aux clauses initialement prévues (biens du domaine privé intégrés dans le
domaine concédé). Toutes ces modifications n’ont aucune influence sur la nature
juridique du contrat, elles permettent seulement aux parties en présence, de tenir compte
de l’expérience passée, afin d’améliorer l’économie du contrat.

78
a- Les biens apportés par l’autorité concédante

Les modifications éventuelles peuvent avoir une incidence, soit sur les clauses
spécifiques d’amortissement destinées à couvrir les droits en espèces du concédant, soit
en matière de provision pour renouvellement.

• Les clauses spécifiques : en cas d’insertion d’une nouvelle clause spécifique, il


conviendra d’effectuer les dotations correspondantes à compter de la date de
l’avenant. Contrairement, la suppression d’une clause spécifique entraînera la
réintégration pure et simple des dotations antérieures si l’autorité concédante
renonce à ses droits, sinon la reprise des dotations s’effectuera en contrepartie du
versement effectif des sommes à l’autorité concédante.
• La provision pour renouvellement : la prolongation du contrat fera que des biens
non renouvelables deviendront renouvelables. Ainsi, le concessionnaire pourra
pratiquer des dotations sur les années restant à courir avant le renouvellement, et ce
en tenant compte du prix total estimé du remplacement. Afin de respecter une
répartition équitable de la charge, le rattrapage de la provision doit s’effectuer de
manière linéaire sur les années restant à courir entre la date de l’avenant et la date du
remplacement.

b- Les biens apportés par le concessionnaire

Les modifications éventuelles auront des conséquences en matière d’amortissements


pour dépréciation, d’amortissements de caducité, de provision pour renouvellement et
de provision pour remise en état.

• Les amortissements pour dépréciation :


- En cas de passage d’un bien du domaine concédé au domaine privé, une dotation
exceptionnelle pour l’amortissement pour dépréciation non pratiqué doit être
constatée et le bien fera ensuite l’objet d’un amortissement normal à compter de la
signature de l’avenant ;
- En cas de passage du domaine privé au domaine concédé, cette situation semble
litigieuse en raison du caractère définitif des amortissements constatés, la seule
option possible serait d’annuler les dotations antérieures, de constater l’ouverture

79
des droits de l’autorité concédante et de constater la dépréciation de ces droits. Si ce
transfert de domaine résulte d’une exclusion du domaine privé par une disposition
particulière, l’annulation des amortissements pour dépréciation antérieurs ne sera
pas réalisée et en conséquence, les droits de l’autorité concédante ne porteront que
sur la valeur nette comptable du bien au moment du transfert.
• Les amortissements de caducité :
- En cas de passage d’un bien du domaine privé au domaine concédé, une dotation
exceptionnelle pour complément aux amortissements de caducité doit être
constatée ;
- En cas de passage du domaine concédé au domaine privé, il conviendra de reprendre
les dotations aux amortissements de caducité antérieurement pratiquées, celles-ci
étant imposées lors de cette reprise.
• Les provisions pour renouvellement : la transformation d’un bien non
renouvelable en bien renouvelable amènera le concessionnaire à pratiquer une
provision pour renouvellement à étaler sur la durée restant à courir entre la date de
l’avenant et la date du remplacement. Il n’est donc pas tenu compte, par exception,
de la durée de vie du bien et aucune dotation exceptionnelle n’est pratiquée.
• Les provisions pour remise en état : compte tenu de la nouvelle échéance du
contrat, les dotations restant éventuellement à pratiquer sont étalées sur la nouvelle
durée restant à courir. Si par suite de la modification de certaines clauses (biens dont
le retour n’est plus exigé), ces provisions deviennent sans objet, elles doivent être
rapportées au résultat de l’exercice duquel l’avenant a été signé.

80
CONCLUSION
DE LA PREMIERE PARTIE

81
Cette première partie du mémoire a été consacrée au diagnostic des cadres juridique,
comptable et fiscal applicables aux concessions de services publics dont la mise en
œuvre s’est appuyée sur :

- d’une part, l’analyse et l’étude de la documentation juridique, comptable et fiscale


traitant du sujet, telle que les conventions des gestions déléguées de la distribution
d’eau potable des villes de Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan, le projet de loi sur
la gestion déléguée des services publics, les correspondances de la Direction des
Impôts avec les concessionnaires marocains, le guide comptable des entreprises
concessionnaires élaboré par le Conseil National de la Comptabilité français, les
normes IFRS/IAS…etc ;
- d’autre part, l’enquête menée auprès de l’ensemble des concessionnaires marocains
de distribution d’eau potable : LYDEC, REDAL et SEEN12 dans le but
d’appréhender et de comparer leurs traitements comptables des opérations liées aux
immobilisations du domaine concédé.

Les conclusions du diagnostic se présentent comme suit :

Sur le plan juridique :

Il faut dire qu’il n’existe pas de texte spécifique aux concessions des services publics.
Néanmoins, la concession trouve ses bases dans différents textes tels que :

- Dahir du 1er juillet 1914 relatif au Domaine Public ;


- Dahir du 19 octobre relatif au Domaine Municipal ;
- Décret du 14 octobre 1976 relatif aux marchés de travaux, fournitures, ou services
au compte de l’Etat ;
- Loi sur l’eau n°10-95.

Un certain nombre de concessions ont été réalisées en l’absence totale de base juridique.
L’un des exemples les plus récents (janvier 2004) est celui du groupe Suez qui s’est vu
confier par la ville de Casablanca, à travers ses filiales Sita Al Beida et Lydec, la
gestion des déchets solides pour la première et l’éclairage public pour la seconde.

82
Si les premiers contrats de distribution d’eau potable, d’électricité et d’assainissement
du liquide comportaient certaines lacunes (en matière de système de contrôle, de
système de tarification….), les plus récents sont relativement « mieux négociés » grâce
à l’expérience acquise par l’autorité concédante.

Devant cette insuffisance du cadre juridique, la Direction des Entreprises Publiques et


de la Privatisation (DEPP) a préparé et déposé au Secrétariat Général du Gouvernement
un projet de loi sur la gestion déléguée des services publics ayant principalement, pour
objet :

- l’instauration d’un cadre général, souple et clair consacrant les principes de la


transparence, de la concurrence et de l’égalité d’accès aux services publics et aux
infrastructures ;
- la distinction entre les concessions relevant de l’Etat et celles relevant des
Collectivités Locales.

Conclusion du diagnostic du cadre juridique : En attendant que le projet de loi sur la


gestion déléguée des services publics passe par le conseil du gouvernement, puis le
conseil des ministres et soit enfin voté au parlement, les opérateurs devront se contenter
de l’application des principes généraux du droit des contrats administratifs, s’inspirer
des expériences de pays plus avancés et surtout doubler de prudence lors de la rédaction
et la négociation des contrats.

Sur le plan comptable :

Au Maroc : absence de règles comptables spécifiques

Le Code Général de Normalisation Comptable ne traite pas des aspects comptables


spécifiques aux concessions.

12
Dont l’appellation commerciale est Amendis.

83
Le Conseil National de la Comptabilité n’a pas eu non plus à se prononcer, dans une
position officielle, sur le thème. Toutefois, une commission concession a été constituée
dans l’objectif d’étudier, de mettre à niveau et d’élaborer des normes comptables
spécifiques aux concessions. Les travaux de cette commission ont démarré le 11 avril
2003 par un séminaire sur la mise à niveau des normes comptables applicables aux
concessions.

Ainsi, en l’absence de normes spécifiques à la concession, les entreprises


concessionnaires marocaines fondent prioritairement leurs principes comptables sur :

- une analyse critique de leurs contrats de concessions ;


- l’application des principes comptables généraux prévus au niveau des annexes
des conventions de gestion déléguée. Ces annexes qui se limitent uniquement à
présenter les principes généraux devant régir la comptabilisation de certaines
opérations de concession sont loin de fournir toutes les solutions aux problèmes
rencontrés pour la traduction des spécificités des concessions.

Les différentes autres sources de la doctrine comptable qui existent pourront servir
utilement aux entreprises concessionnaires à la réflexion comptable sans toutefois leur
être imposables.

En France : dispositif non contraignant en voie d’évolution

Les principes comptables de base sont donnés dans le Plan Comptable Général et les
problèmes généraux qui en résultent sont compris dans le document du Conseil National
de la Comptabilité « Etudes et documents 1975-1981 ».

Par ailleurs les entreprises concessionnaires ont fait l’objet d’un guide comptable
proposé par le CNC (avis n° 13 de 1975) comme une simple directive car il a été jugé
prématuré de lui donner un caractère plus contraignant. A noter que ce guide comptable
des concessionnaires n’a pas encore fait l’objet d’une mise à jour avec le plan
comptable de 1982.

84
Ensuite, le CNC a entamé une réflexion devant aboutir à la formulation d’un nouveau
plan comptable des entreprises concessionnaires (en substitution du guide comptable de
1975). Deux documents préparatoires ont été établis par le CNC :

- Décembre 1992 : commission « concession » – rapport sur les orientations générales


en matière de comptabilité des entreprises concessionnaires ;
- Décembre 1996 : commission « concession » – rapport d’étape (rapport non
public).

Sur le plan international : absence d’un dispositif spécifique aux concessions

Les normes IFRS/IAS élaborées par l’IASB (International Accounting Standards


Bord) ne prévoient pas, explicitement, de traitement particulier pour les concessions.

La comparaison des traitement comptables prévus au niveau des normes


IAS 16 (immobilisations corporelles), IAS 38 (immobilisations incorporelles),
IAS 36 (dépréciation des immobilisations) et IAS 37 (provisions pour risques) avec les
principes comptables généraux édictés par les annexes des contrats de concession fait
apparaître des convergences au niveau du traitement de l’inscription et de la
dépréciation des immobilisations mais également des divergences au niveau du
traitement des provisions.

Conclusion du diagnostic du cadre comptable : l’insuffisance de la réglementation


comptable aussi bien sur les plans international et surtout national conduit à :

- la constatation de différences de comptabilisation censées traduire des droits et des


obligations similaires chez des concessionnaires d’un même service public tel que
démontré par notre enquête ;
- l’établissement d’états de synthèse présentant des informations non comparables
même pour des opérateurs d’un même secteur.

Chose qui permet de mettre en évidence l’existence d’un besoin pressant en matière de
normalisation comptable.

85
Sur le plan fiscal :

Il n’existe pas de réglementation fiscale spécifique dans ce domaine.

Cependant, la note circulaire d’interprétation de la loi relative à l’Impôt sur les Sociétés
traite de l’amortissement financier rencontré dans le cadre des entreprises
concessionnaires. Ladite note circulaire traite de la distinction entre l’amortissement
pour dépréciation et l’amortissement financier et prévoit la déductibilité de ce dernier
afin de permettre au concessionnaire la récupération des capitaux investis.

Pour palier au manque de réglementation fiscale en la matière, l’administration fiscale


s’est basée, dans le cadre de ses correspondances avec les concessionnaires marocains,
sur la doctrine fiscale pour arrêter des positions claires en matière du traitement fiscal
de la concession, lesquelles positions pourront évidemment lui être opposables par le
contribuable. Les impôts visés au niveau des correspondances de l’administration
fiscale avec les concessionnaires sont l’Impôt sur les Sociétés, la Taxe sur la Valeur
Ajoutée, la Patente, la Taxe Urbaine, la Taxe d’Edilité et le Droit d’Enregistrement.

Conclusion du diagnostic du cadre fiscal : l’insuffisance de la réglementation fiscale ne


constitue pas, sur le plan pratique, un véritable handicape pour les entreprises
concessionnaires marocaines. En effet, les correspondances avec l’administration fiscale
sont assez détaillées et permettent de combler ce vide puisqu’elles explicitent de
manière claire et précise les positions adoptées par l’administration fiscale.

En définitive, la problématique dégagée à travers le diagnostic du cadre réglementaire


applicable aux concessions peut être formulée de la manière suivante : « le
développement de ce mode particulier de gestion déléguée des services publics, qu’est
la concession, ne s’est pas accompagné de la part des pouvoirs publics d’un effort
d’adaptation des textes législatifs et réglementaires régissant la matière ».

C’est ainsi que la deuxième partie de notre mémoire, s’attache à présenter une
proposition de normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine
concédé.

86
DEUXIEME PARTIE :

PROPOSITION D’UNE NORMALISATION DU TRAITEMENT


COMPTABLE DES IMMOBILISATIONS DU DOMAINE CONCEDE

87
Le diagnostic du cadre comptable applicable aux concessions des services publics, nous
a permis de mettre en évidence l’existence d’un besoin réel et pressant en matière de
normalisation, due à une insuffisance de réglementation comptable. La présente partie
du mémoire se propose ainsi, de répondre à ce besoin à travers l’élaboration d’une
normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine concédé.

La spécificité de l’exploitation d’un service public tient à la collaboration grâce au


contrat de concession, d’une personne publique et d’une personne, généralement de
droit privé aboutissant ainsi, à la création d’une entité de gestion. Cette entité de
gestion, à la différence d’une société, n’est pas dotée d’une personnalité juridique
distincte de celle de ses participants. La concession n’est donc pas titulaire d’un
patrimoine qui permettrait la traduction et la description comptable des diverses
opérations dans un cadre juridique : la concession n’est donc pas une entité comptable.

En l’absence de personnalité morale et donc comptable, c’est le concessionnaire qui a


été choisi pour accueillir la traduction comptable des opérations de la concession. Une
fois le concessionnaire choisi pour jouer ce rôle, il s’avère que les règles de la
comptabilité commerciale connaissent leurs limites face à certaines problématique
spécifiques au contrat de concession, telles que :

- La possibilité d’inscrire les immobilisations du domaine concédé à l’actif du


concessionnaire ;
- La traduction comptable du droit exclusif d’exploitation du service public : son
évaluation, sa comptabilisation et son amortissement ;
- Les modalités comptables et financières relatives à la récupération des capitaux
investis dans les biens devant retourner gratuitement à l’autorité concédante en fin
de contrat ;
- La comptabilisation des obligations du concessionnaire en terme d’entretien et de
renouvellement.

C’est ainsi, que le premier chapitre se consacrera à l’étude des principales


problématiques rencontrées à l’occasion de la traduction des opérations de la
concession. Cette étude nous permettra de présenter et d’argumenter les différentes

88
positions retenues, face à ces problématiques, pour les besoins de notre proposition de
normalisation comptable.

Le deuxième chapitre présentera, à la lumière des positions adoptées, notre proposition


de normalisation comptable proprement dite. Dans ce cadre, nous présenterons
successivement :

- la nomenclature des comptes à utiliser, les règles de présentation du bilan du


concessionnaire et les schémas d’écritures comptables du traitement des
immobilisations du domaine concédé ;
- une étude comparative de notre proposition de normalisation comptable avec la
pratique comptable actuelle des trois entreprises concessionnaires de distribution
d’eau potable au Maroc (LYDEC, REDAL et SEEN) ;
- les aspects les plus délicats liés à notre normalisation comptable qui nécessitent une
attention particulière de la part de l’expert-comptable afin que ce dernier puisse
contribuer efficacement à sa mise en application.

89
Chapitre I) Principales positions adoptées pour l’élaboration de notre
proposition de normalisation comptable

Le présent chapitre qui présente les principales options comptables que nous avons
adoptées, constitue un préalable incontournable pour faciliter la lecture et la
compréhension de notre proposition de normalisation comptable.

Avant d’aborder les positions retenues face aux principales problématiques liées à la
traduction comptable des opérations de la concession, on se propose, dans une première
section, d’analyser :

- les ambiguïtés inhérentes au contrat de concession du fait de son association entre


une personne de droit public et une autre de droit privé ;
- et les solutions apportées par les deux parties pour contourner ses ambiguïtés et
permettre le développement de ce mode de gestion.

La concession de service public, en tant qu’entité de gestion, va générer certaines


difficultés comptables qu’on se propose d’étudier dans le cadre la deuxième section.

Section 1 : Réflexion sur les difficultés originelles de la concession de


service public

A) Les ambiguïtés originelles nées de la collaboration entre une personne de droit


public et une personne de droit privé au sein du contrat de concession

La spécificité de l’exploitation d’un service public tient à la collaboration grâce au


contrat de concession, d’une personne publique propriétaire des installations et d’une
personne, généralement de droit privé, responsable de l’exploitation.

90
La mise en application du mode de gestion de la « concession de service public » génère
des ambiguïtés originelles qui trouvent leur source dans l’antagonisme même de ses
deux termes à savoir, « concession » et « service public » :

- Le concept de concession suppose l’existence d’un contrat à durée déterminée alors


que le service public est un service continu à durée illimitée ;

- Le concept de concession suppose l’intervention d’une personne généralement de


droit privé alors que le service public est en principe l’œuvre des pouvoirs publics ;

- La concession vise la recherche de la rentabilité et du profit alors que le service


public relève de l’ordre de l’intérêt général ;

- La concession suppose l’intervention de l’exploitant à ses risques et périls alors que


dans le service public il y a absence de risque financier pour une personne publique.

Nous allons passer en revue chacun de ces contrastes pour analyser comment ils ont pu
être contournés dans le cadre de ce mode particulier de gestion déléguée qu’est le
contrat de concession :

a- Contrat à durée limitée & service continu à durée indéterminée

Pendant la durée limitée de son intervention, le concessionnaire devra assurer la


continuité du service en maintenant et développant le potentiel de production des
installations concédées.

Le respect de cette obligation sera étroitement contrôlé par l’autorité concédante. Les
travaux et les investissements seront soumis à autorisation préalable de l’autorité
concédante, et seront contrôlés au fur et à mesure de leur réalisation. L’autorité
concédante pourra même imposer au concessionnaire d’effectuer ou de prévoir des
investissements visant à assurer la continuité du service public après l’expiration du
contrat.

91
A l’expiration du contrat, les biens et installations devront être restitués à l’autorité
concédante gratuitement ou moyennant une indemnité.

Néanmoins, l’opposition entre contrat à durée déterminée et service à durée


indéterminée est souvent contournée, dans la pratique, par la prolongation du contrat
initial, ou par la poursuite de la collaboration entre les deux parties au moyen de la
conclusion d’un nouveau contrat.

b- Intervention d’une personne de droit privé dans le domaine public

Pour permettre au concessionnaire d’exploiter le service public et pour ne pas le limiter


par les prérogatives de droit privé, des prérogatives de droit public vont lui être
reconnues.

• Prérogatives sur le domaine public :

Sur le domaine public affecté à l’exploitation du service concédé, le concessionnaire


aura le droit :
- d’effectuer tous les travaux nécessaires à l’exploitation du service ;
- de retenir les fruits du domaine public concédé. Il s’agit ici notamment du droit
reconnu au concessionnaire de percevoir des redevances en vertu d’autorisations
d’occupation du domaine public qu’il peut accorder à des tiers (par exemple
redevances perçues sur les commerçants installés dans les gares ou aéroports) ;
- de percevoir une indemnité en cas d’atteinte à son droit de jouissance du domaine
public. Ces atteintes peuvent essentiellement résulter de décisions de l’autorité
concédante préjudiciables au concessionnaire dans son exploitation (par exemple
changement d’affectation d’une partie du domaine initialement concédé).

Sur le domaine affecté à l’usage du public, le concessionnaire pourra occuper et utiliser


les dépendances du domaine public (canalisations d’eau, d’électricité, les voies
publiques…) pour l’aménagement de ses ouvrages et installations.

92
• Prérogatives sur les propriétés privées :

Sur les propriétés privées, le concessionnaire aura la faculté de recourir à


l’expropriation d’utilité publique à l’égard de biens nécessaires à l’exécution du service
concédé (exemple d’expropriation d’un terrain au profit d’une entreprise
concessionnaire d’autoroutes).

D’autre part, le concessionnaire peut recourir aux servitudes spéciales de droit public
pour occuper dans le périmètre concédé des propriétés privées pour la réalisation
d’ouvrages de retenue d’eau, de canaux…etc.

c- Recherche de la rentabilité & mission sociale d’intérêt général

La mission sociale d’intérêt général oblige à limiter les tarifs réclamés aux usagers.
Toutefois ces tarifs doivent permettre la couverture des charges et assurer un bénéfice
au concessionnaire.

L’équilibre financier, auquel a droit le concessionnaire, est dans certains cas difficile à
atteindre lorsque les tarifs sont autoritairement fixés par les pouvoirs publics.

Cependant, pour renforcer et préserver la rentabilité d’exploitation du service concédé,


le concessionnaire jouit d’un droit exceptionnel de protection contre la concurrence. Ce
droit trouve, généralement sa source dans une clause contractuelle.

d- Intervention aux risques et périls du concessionnaire & absence du risque


financier pour la personne publique

Le principe de l’intervention du concessionnaire à ses risques et périls peut être atténué


par le principe de l’équilibre financier du contrat et le mécanisme d’octroi des
subventions pour les concessionnaires intervenant dans des secteurs ou zones
géographiques à faible rentabilité.

93
Pour conclure, on peut affirmer que si la technique de concession a pu connaître son
essor actuel, c’est parce que les parties aux contrats ont pu modifier la conception
théorique de ce mode de gestion et contourner les ambiguïtés originelles évoquées :
- tendance à prolonger la durée limitée d’intervention du concessionnaire ;
- attribution au concessionnaire, personne de droit privé, de prérogatives de droit
public ;
- protection de la rentabilité d’exploitation de la concession ;
- …etc.

L’effort d’adaptation fournit par les deux parties au contrat, nous conduit à constater
que la concession s’apparente à une entité de gestion plutôt qu’à une entité juridique.

B) La concession de service public en tant qu’entité comptable

L’exercice d’une activité concédée selon des rapports de droits établis entre concédant
et concessionnaire aboutit à la création d’une entité de gestion qui, à la différence
d’une société, n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de ses participants. La
concession n’est donc pas titulaire d’un patrimoine qui permettrait la traduction et la
description comptable des diverses opérations dans un cadre juridique : la concession
n’est donc pas une entité comptable.

En l’absence de personnalité morale et donc comptable, s’est posé le problème du choix


de la structure qui accueillerait la traduction comptable des opérations de la concession.
C’est logiquement le concessionnaire qui est retenu puisque :

- c’est lui qui est gestionnaire et responsable de l’exploitation de la concession et non


le concédant qui n’est que propriétaire ;
- la gestion de la concession est dans la quasi-totalité des cas, soumise aux règles
comptables et fiscales des entreprises commerciales. Le concessionnaire est mieux
organisé et plus expérimenté pour aborder ces problèmes que le concédant, personne
publique.

94
Section 2 : Mise en évidence des positions retenues pour faire face aux
principales problématiques relatives à la traduction comptable du
contrat de concession

Une fois le concessionnaire choisi pour accueillir la traduction comptable des opérations
de concession, il s’avère que les règles de la comptabilité commerciale ne sont pas
totalement adaptées pour traduire les spécificités du contrat de concession.

Pour cette raison, il nous a paru utile de commencer, tout d’abord, par une étude des
principales problématiques rencontrées à l’occasion de la traduction des opérations de
concession, avant de présenter en détail notre proposition de normalisation comptable.
Cette étude nous permettra de présenter et d’argumenter les différentes positions
retenues, face à ces problématiques, pour les besoins de notre proposition de
normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine concédé.

Les principales problématiques traitées sont les suivantes :

- Faut-il inscrire les immobilisations appartenant à l’autorité concédante au niveau du


bilan du concessionnaire ?
- Comment traduire comptablement le droit exclusif d’exploitation du service public :
ce droit appartenant au patrimoine comment est-il possible de l’évaluer, le
comptabiliser et éventuellement l'amortir ?
- Quelles sont les modalités financières et comptables relatives à la récupération des
capitaux investis par le concessionnaire dans des biens devant être restitués
gratuitement au concédant à la fin du contrat ?
- Comment traduire les obligations du concessionnaire en terme d’entretien et de
renouvellement ?

A) Faut-il inscrire les immobilisations appartenant à l’autorité concédante au


niveau du bilan du concessionnaire ?

La problématique de l’inscription des immobilisations appartenant à l’autorité


concédante au bilan du concessionnaire, revient à opérer un choix entre, soit une vision

95
juridique, soit une vision économique de la concession. En effet, doit-on permettre
l’inscription à l’actif du concessionnaire de biens ne faisant pas partie de son
patrimoine, sachant bien que la comptabilité est essentiellement fondée sur une
approche juridique du patrimoine ? Ou au contraire, doit-on privilégier la recherche de
l’image fidèle qui est ici une image économique tendant vers l’inscription au bilan de
tous les biens concourant à l’exploitation et représentant l’entreprise en tant qu’outil de
production.

Avant d’annoncer la position que nous avons adoptée à l’égard de cette problématique,
il nous paraît pertinent de présenter l’ensemble des arguments pouvant être évoqués en
faveur de l’une ou de l’autre des positions. Pour ce faire, nous allons reprendre les
arguments qui ont animé les débats de la Commission Concession du Conseil National
de la Comptabilité (CNC) français.

a- Arguments en faveur de l’inscription à l’actif du concessionnaire des biens


appartenant à l’autorité concédante

• Arguments d’ordre juridique :


- La comptabilité doit rendre compte des relations entre les parties contractantes qui
prévoient la mise à disposition de biens que le concessionnaire exploite, à ses
risques et périls, sur une longue durée. En outre, les biens apportés par l’autorité
concédante créent un droit de celle-ci sur la concession : c’est le droit qui est inscrit
au passif du bilan du concessionnaire ;
- Il convient de prendre en compte l’obligation pour le concessionnaire de renouveler
les biens en concession. En outre, l’inscription du bien à l’actif du concessionnaire
permet de calculer l’amortissement pour dépréciation ainsi que la provision pour
renouvellement ;
- Un inventaire des biens concédés à l’actif du bilan du concessionnaire permet à ce
dernier et à l’autorité concédante une information et un contrôle permanents sur la
substance des immobilisations concédées et leur permet de veiller à leur
conservation ou à leur renouvellement conformément aux termes du contrat ;
- La notion de patrimoine est particulière dans le cas de la concession (résultat du
concessionnaire lié aux biens apportés par l’autorité concédante, durée de la

96
concession souvent longue,….) ce qui implique un traitement comptable spécifique
également.

• Arguments d’ordre économique :


- Il n’y a pas de différence par rapport à l’emploi, par le concessionnaire, des biens
financés par lui ou par l’autorité concédante. Le traitement comptable doit refléter la
fonction identique des biens de retour, qu’ils soient apportés par le concessionnaire
ou par l’autorité concédante, et non rendre compte des seuls débours du
concessionnaire ;
- Il s’agit de donner une image fidèle et exhaustive des moyens à la disposition du
concessionnaire (potentiel économique) et de leur influence sur les résultats de
l’entreprise. En effet, cette solution tient compte du fait que la valeur ajoutée de
l’entreprise concessionnaire est influencée par tous les biens mis à sa disposition
pendant la durée du contrat quel que soit leur mode de financement ;
- Cette solution permet de renforcer les fonds propres du concessionnaire ;
- Cette approche globale permet, également, de présenter des états reflétant une image
fidèle de la situation et des opérations de l’entreprise en assurant une information
complète des tiers sur les moyens à la disposition du concessionnaire pour assurer sa
mission de service public.

On constate que les arguments d’ordre économique, militant en faveur de l’inscription à


l’actif du concessionnaire des biens appartenant à l’autorité concédante, sont plus
pertinents que les arguments d’ordre juridique.

b- Arguments en faveur de la non inscription à l’actif du concessionnaire des biens


appartenant à l’autorité concédante

• Arguments d’ordre juridique :


- L’inscription à l’actif du concessionnaire des biens mis en concession n’est pas à
priori possible puisque seuls les biens dont une entreprise est propriétaire peuvent
figurer à son actif. Or, le concessionnaire n’est pas propriétaire des biens de retour.
Il ne dispose que d’un droit exclusif de jouissance sur les biens apportés par
l’autorité concédante pour une durée limitée. En effet, ceux-ci sont considérés
comme appartenir ab-initio à l’autorité concédante. Le droit du concessionnaire ne

97
justifie pas lui-même que les biens gérés dans le cadre de ce droit apparaissent à son
actif. Ainsi, lorsqu’une entreprise dispose d’un usufruit sur des biens, elle fait
apparaître à son bilan le valeur pour laquelle elle a acquis cet usufruit et non la
valeur globale du bien dont la propriété est démembrée ;

La règle d’inscription des immobilisations à titre gratuit à leur valeur vénale ne


trouve pas d’application à ce cas particulier. En effet, d’un point de vue juridique, la
remise au concessionnaire des installations financées par l’autorité concédante ne
constitue pas une remise gratuite, dès lors qu’elle est liée à des obligations
contractuelles d’entretien et de renouvellement.
- Par analogie avec la situation du locataire, il ne serait pas souhaitable d’inscrire, à
l’actif du concessionnaire, les biens apportés par l’autorité concédante à titre gratuit
estimant que les diverses obligations du concessionnaires trouvent une traduction
suffisante sous la forme de charges d’entretien et de renouvellement, faisant l’objet
préalablement des provisions nécessaires ;
- L’inscription au bilan de biens n’appartenant pas au concessionnaire nécessite une
disposition législative permettant une telle dérogation.

• Arguments d’ordre économique :


- L’absence de flux financier entre le concessionnaire et l’autorité concédante, et dans
beaucoup de cas, d’un marché de référence pour les biens en cause rend difficile le
détermination des critères de valorisation des biens mis en concession par l’autorité
concédante à titre gratuit. Cette évaluation risque d’être, en outre, d’un coût
administratif élevé (appel à des experts par exemple) ;
- La valeur pour le concessionnaire d’un bien de retour apporté gratuitement par
l’autorité concédante ne peut être la valeur intrinsèque de ce bien mais seulement sa
valeur d’usage tenant compte des obligations du contrat de concession. Or cette
valeur d’usage peut se trouver déjà portée à l’actif lorsque le droit au contrat de
concession a été acquis à titre onéreux ou apporté en société. Il y’a donc double
emploi ;
- La présence de ces biens à l’actif est susceptible de fausser les appréciations portées
sur la situation financière de la société. Ainsi, les traiter comme un apport en fonds
propres (ou quasi-fonds propres) ferait apparaître une garantie illusoire en faveur
des tiers. En outre, on ne peut pas concevoir que l’autorité concédante, qui en

98
général contrôle les tarifs, permette au concessionnaire de trouver dans ses produits
la rémunération d’un investissement qu’il n’a pas eu à supporter ;
- D’autre part comptablement, cela nécessite de sortir de l’actif chaque bien ayant fait
l’objet d’un remplacement et d’inscrire le nouveau bien, il parait donc plus logique
et plus simple, pour faire face à l’entretien et au renouvellement des immobilisations
mises à disposition, de constituer les provisions nécessaires pour couvrir ces
charges.

On constate que les arguments d’ordre juridique, militant en faveur de la non inscription
à l’actif du concessionnaire des biens appartenant à l’autorité concédante, sont plus
pertinents que les arguments d’ordre économique.

Position adoptée face à la problématique :

Pour les besoins de notre proposition de normalisation comptable, il nous parait plus
pertinent de retenir la vision économique de la concession (plus proche de l’image
fidèle) qui veut que les biens du domaine concédé soient inscrits à l’actif, plutôt que de
s’enfermer dans la vision juridique, se trouvant à la base de la comptabilité
commerciale, qui a déjà prouvé ses limites quant à la traduction des particularités du
contrat de concession.

D’autre part, notre proposition de normalisation est d’une vocation pratique. Espérer
voir, un de ces jours, l’adoption de cette proposition par les entreprises concessionnaires
marocaines nous poussent à considérer le coût d’un changement de méthode et de
référentiel par rapport aux pratiques actuelles du secteur. En effet, en l’absence d’une
réglementation comptable en la matière, toutes les entreprises concessionnaires
marocaines ont appliqué les traitements comptables préconisés dans les annexes de leurs
contrats de concession. Lesquelles annexes prévoient unanimement, l’application du
principe de base13 selon lequel : « les biens mis dans la gestion déléguée par l’Autorité
Délégante et le Délégataire sont inscrits à l’actif du bilan du Délégataire ».

13
Extrait de l’annexe 7, de la convention de gestion déléguée du service de distribution d’eau potable, de
distribution d’électricité et du service d’assainissement liquide à Tanger, relative au traitement comptable
de la gestion déléguée.

99
Dépréciation des immobilisations mises en concession :
Après avoir opté pour l’inscription des immobilisations mises en concession à l’actif du
concessionnaire, se pose le problème de la constatation comptable de leur dépréciation.

S’agissant d’immobilisations de retour, propriété inaliénable de l’autorité concédante, le


concessionnaire ne peut inscrire dans ses charges d’exploitation de dotations aux
amortissements. Toutefois, comme ces immobilisations continuent, malgré tout, à se
déprécier avec le temps, un amortissement reste nécessaire. Cet amortissement se fera à
travers la constatation d’une écriture bilantielle (pour ordre) sans incidence sur le
résultat : diminution aussi bien de l’immobilisation concernée à l’actif que des droits de
l’autorité concédante au passif.

B) Comment traduire comptablement le droit exclusif d’exploitation du service


public ?

Le droit exclusif d’exécution accordé par le contrat de concession au concessionnaire


doit être valorisé au bilan de ce dernier comme tout élément de son patrimoine. Il s’agit
d’un actif incorporel.

En effet, dès que les droits rattachés à la concession assurent au concessionnaire une
source régulière et durable de profit, ces derniers constituent pour lui un élément
incorporel de son actif immobilisé dont la valeur doit être déterminée selon les
conditions dans lesquelles ils ont été acquis.

a- Valorisation du droit incorporel rattaché à la concession :

Conformément aux règles générales d’évaluation, la valeur d’entrée dans le patrimoine


de l’entreprise, des biens acquis à titre onéreux correspond à leur coût d’acquisition. La
valeur d’entrée de ce droit doit être définie au regard des flux financiers versés à
l’autorité concédante (ou au concessionnaire précédent) en contrepartie du droit
d’exploiter.

Si les flux financiers sont échelonnés, une dette doit être enregistrée au préalable pour le
montant total des flux. En revanche, si le concessionnaire verse à l’autorité concédante

100
des redevances, ceux-ci constituent des charges d’exploitation et non un actif
incorporel.

b- Dépréciation du droit incorporel

La durée de vie déterminée pour la concession est définitive et intangible. La


dépréciation du droit qui lui est rattaché est donc irréversible.

Ainsi, il convient d’envisager un amortissement (enregistré dans les charges du


concessionnaire) sur la durée du contrat, à un rythme éventuellement adapté à l’activité
de la concession.

Le contrat de concession est conclu pour une durée déterminée, il n’est jamais
renouvelé en tant que tel. Les prolongations de durée obtenues à travers les divers
avenants doivent également être considérées comme autant de nouveaux contrats : pas
de problématique de renouvellement de ces droits.

Position adoptée face à la problématique :

Pour les besoins de notre proposition de normalisation comptable, nous avons opté pour
l’inscription à l’actif des droits incorporels rattachés à la concession.

Le droit incorporel tel que prévu dans notre proposition est constitué de quatre
composantes pour lesquelles nous avons prévu les sous-comptes suivants :

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


22 Immobilisations incorporelles

225 Droits incorporels rattachés à la concession


2251 Droits d'entrée dans la concession
22511 Droits payés par le concessionnaire pour entrer en concession
22512 Immobilisations récupérées en début de concession à titre onéreux

2252 Droit d'exploitation du service public


22521 Droit incorporel sur immobilisations financées par le concessionnaire
22522 Droit incorporel, coût supplémentaire du renouvellement des immobilisations

101
• Droits payés par le concessionnaire pour entrer en concession : il s’agit des flux
financiers payés à l’autorité concédante ou éventuellement à l’ancien
concessionnaire et qui s’analysent comme un droit d’entrée au départ du contrat de
concession. Il est à signaler que la pratique actuelle nous conduit à constater que la
majorité des contrats de concession conclus ne prévoient pas de droits d’entrée à
titre onéreux ;

• Immobilisations récupérées en début de concession à titre onéreux : ces


immobilisations, lorsqu’elles sont reçues à titre onéreux, font partie du prix à payer
pour avoir le droit d’entrée dans la concession. La valorisation de ce droit se fait par
rapport aux sommes déboursées. Il est à signaler que la pratique actuelle nous
conduit à constater que les immobilisations récupérées en début de concession se
font généralement à titre gratuit ;

• Droit incorporel sur immobilisations financées par le concessionnaire :


l’investissement dans les biens de retour représente un droit complémentaire à payer
pour avoir le droit d’exécuter le service public. Ce droit incorporel est évalué à la
valeur des investissements réalisés par le concessionnaire ;

• Droit incorporel, coût supplémentaire du renouvellement des immobilisations : ce


droit qui constitue un complément à payer pour avoir le droit d’exécuter le service
public sera traité plus bas au niveau du point « D » relatif aux obligations d’entretien
et de renouvellement.

Les deux premières composantes, étant décaissées en début de contrat, ont été
regroupées au niveau de ce que nous avons appelé « droit d’entrée dans la concession ».

Les deux dernières composantes, étant décaissées en cours de contrat, ont été
regroupées au niveau de ce que nous avons appelé « droit d’exploitation du service
public ».

Les quatre composantes du droit de jouissance incorporel rattaché au contrat sont


amortissables pour dépréciation sur la durée restant à courir jusqu’au terme de la
concession.

102
C) Quelles sont le modalités financières et comptables relatives à la récupération
des capitaux investis ?

Le problème de la récupération des capitaux investis (tel que décrit au niveau de la


première partie, chapitre IV, section 1, point B) né de la remise gratuite, en fin de
contrat, à l’autorité concédante des biens financés par le concessionnaire ne se pose
plus.

En effet, tous les investissements du concessionnaire, devant revenir à l’autorité


concédante, étant considérés comme des actifs incorporels (représentatifs des droits de
la concession) ils n’évoluent plus avec l’âge des biens matériels mais avec le temps
restant à courir du contrat. Ainsi, en fin de concession, les immobilisations incorporelles
seront totalement amorties et par la même le concessionnaire aura récupéré l’intégralité
de ses capitaux investis.

D) Comment traduire les obligations du concessionnaire en terme de


renouvellement ?

En règle générale, le renouvellement d’une immobilisation est assuré par :

- d’une part, un amortissement pour dépréciation qui permet de reconstituer le


coût d’entrée de l’immobilisation à renouveler ;
- d’autre part, une provision pour renouvellement qui permet de faire face au
différentiel de prix entre le coût du remplacement prévu et le coût d’entrée de
l’immobilisation à renouveler.

Position adoptée face à la problématique :

Dans le cadre des positions adoptées aussi bien en matière d’inscription des
immobilisations du domaine concédé au bilan du concessionnaire qu’en matière de
traitement comptable du droit exclusif d’exploitation du service public, nous rappelons
que :

103
- les immobilisations du domaine concédé ne font pas l’objet d’un amortissement
pour dépréciation constaté par le résultat mais uniquement d’une écriture de
dépréciation bilantielle pour ordre ;
- le coût des immobilisations financées par le concessionnaire est considéré comme
un droit incorporel rattaché à la concession et amorti sur la durée de cette dernière et
non sur la durée de vie de l’immobilisation : d’où une complète indépendance entre
la dépréciation du droit incorporel et l’immobilisations à l’origine de l’inscription de
ce droit ;

Du fait de l’inexistence d’un amortissement pour dépréciation (constaté par le résultat)


permettant de reconstituer le coût d’entrée de l’immobilisation, le renouvellement sera
entièrement assuré par la provision pour renouvellement dont l’assiette est le coût
prévisionnel du renouvellement.

Dans le cadre de notre proposition de normalisation, les dépenses de renouvellement


subiront le traitement suivant :
- Au niveau du domaine concédé, l’immobilisation renouvelée, réputée appartenir à
l’autorité concédante, sera comptabilisée en haut du bilan. Cette immobilisation
sera dépréciée par des écritures d’amortissement pour ordre sur la durée de vie de
l’immobilisation ;
- Au niveau du domaine privé et en l’absence d’un accroissement du potentiel de
production de la concession, les dépenses de renouvellement seront enregistrées en
charges d’exploitation et aucune immobilisation ne sera comptabilisée.

Pour éviter de trop grosses variations des résultats, des provisions pour renouvellement
seront ainsi préalablement constituées pour constater progressivement la charge de la
future dépense. Ces provisions seront reprises par un compte de produit au moment de
l’engagement des dépenses effectives de renouvellement, l’impact sur le résultat serait
nul.

En matière de renouvellement, il convient de distinguer le simple remplacement à


l’identique de l’extension.

104
Le simple remplacement est l’échange de l’immobilisation initiale par une nouvelle
ayant la même utilité et rendant un service équivalent en qualité et en quantité, il n’y a
pas de modification du potentiel de production de la concession et donc pas d’incidence
sur les droits incorporels du concessionnaire. La dépense de renouvellement sera par
conséquent constatée en charges du concessionnaire.

Si par contre, le remplacement entraîne un accroissement quantitatif (augmentation du


volume traité par exemple) ou qualitatif (amélioration sensible du service rendu
entraînant une augmentation des tarifs), il y aura extension de fait du service concédé.
Cette extension justifiera l’accroissement du droit incorporel du concessionnaire
d’exploiter la concession. La valorisation de cet actif sera déterminée par le supplément
du coût de l’immobilisation renouvelée par rapport au coût de l’ancienne
immobilisation : c’est la quatrième composante des droits incorporels rattachés à la
concession traitée au niveau du point « B » de la présente section.

105
Chapitre II) Traitement comptable : proposition d’une norme

Après avoir énoncé les positions retenues face aux principales problématiques liées à la
traduction comptable des spécificités du contrat de concession, nous allons nous
consacrer, à présent, à la présentation proprement dite de notre proposition de
normalisation : présentation de la nomenclature des comptes à utiliser (section 1, A) et
des principes de présentation du bilan de l’entreprise concessionnaire (section 1, B)
ainsi que les schémas de comptabilisation des écritures liées aux immobilisations du
domaine concédé (section 2).

Ensuite, nous allons présenter un comparatif de la pratique comptable actuelle des


entreprises concessionnaire au Maroc par rapport à notre proposition de normalisation
comptable (section 3).

En dernier lieu, nous allons sensibiliser l’expert-comptable aux aspects les plus délicats
liés à notre proposition de normalisation afin qu’il puisse contribuer efficacement à sa
mise en application (section 4).

Section 1 : Comptes spécifiques à prévoir dans le cadre de notre


proposition

A) Nomenclature des comptes liés aux immobilisations :

La liste des comptes que nous avons prévu d’utiliser, pour les besoins de notre
proposition de normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine
concédé, se présente comme suit :

106
a- Comptes du financement permanent :

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


10 Droits de l'Autorité Concédante (DAC)

101 DAC, financemenent concédant


1011 Immobilisations récupérées en début de concession
10111 Immobilisations non renouvelables récupérées en début de concession
10112 Immobilisations renouvelables récupérées en début de concession
1012 Financement concédant, immobilisations non renouvelables
1013 Financement concédant, immobilisations renouvelables

102 DAC, financemenent concessionnaire


1021 DAC, financement concessionnaire, immobilisations non renouvelables
1022 DAC, financement concessionnaire, immobilisations renouvelables
1023 DAC, financement concessionnaire, renouvellement d'immobilisations

103 DAC, financemenent fonds de travaux


1031 Financement FDT, immobilisations non renouvelables
1032 Financement FDT, immobilisations renouvelables

104 DAC, financemenent tiers


1041 Financement tiers, immobilisations non renouvelables
1042 Financement tiers, immobilisations renouvelables

14 Dettes de financement
148 Autres dettes de financement
1488 Fonds de travaux concédant
14881 Fonds de travaux concédant, recettes
14882 Fonds de travaux concédant, dépenses

15 Provisions durables pour risques & charges


155 Provisions pour charges
1555 Provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices
15551 Provisions pour renouvellement des immobilisations
15552 Provisions pour grosses réparations

Les comptes de financement permanent comprennent :

- Les Droits de l’Autorité Concédante (DAC) inscrits à la rubrique spéciale « 20 ». Ce


passif représente les droits de l’autorité concédante sur les immobilisations mises
dans la concession, quelle que soit leur source de financement, du moment qu’ils
son sa propriété et lui reviendront obligatoirement en fin de contrat.
Les comptes des Doits de l’Autorité Concédante sont déclinés par source de
financement : concédant, concessionnaire, Fonds de travaux et tiers.

107
Les financements « Fonds de travaux » et « tiers » sont assimilés à un financement
du « concédant », nous avons opéré cette séparation dans un souci de clarté et de
suivi pour la gestion. En effet, une telle présentation permettra, entre autres, de
comparer à tout moment les investissements réalisés par rapport au programme
d’investissement contractuel (ventilé selon les mêmes sources de financement) sans
recourir à des calculs extracomptables.

- Le compte « Fonds de travaux concédant » est le compte courant assurant la liaison


comptable entre le concessionnaire et l’autorité concédante. Ce compte a été
subdivisé en deux sous comptes, l’un relatif aux dépenses (mouvementé
exclusivement en débit) et l’autre aux recettes (mouvementé exclusivement en
crédit) dont le cumul fait ressortir le solde du Fonds de travaux qui est toujours
créditeur.

- Les comptes de provisions pour renouvellement d’immobilisations et de provisions


pour grosses réparations.

b- Comptes d’actif immobilisé :

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


20 Immobilisations dans le domaine concédé, biens de retour

201 Immobilisations en concession, financement concédant


2011 Immobilisations en concession, récupérées en début de concession
20111 Immobilisations non renouvelables récupérées en début de concession
20112 Immobilisations renouvelables récupérées en début de concession
2012 Immobilisations en concession, financement concédant non renouvelable
20121 Terrains
20122 Constructions
20123 Appareillages
20124 Canalisations
20125 Ouvrages
20126 Autres installations techniques

108
2013 Immobilisations en concession, financement concédant renouvelable
20131 Terrains
20132 Constructions
20133 Appareillages
20134 Canalisations
20135 Ouvrages
20136 Autres installations techniques

202 Immobilisations en concession, financement concessionnaire


2021 Immobilisations en concession, financement concessionnaire non renouvelable
20211 Terrains
20212 Constructions
20213 Appareillages
20214 Canalisations
20215 Ouvrages
20216 Autres installations techniques

2022 Immobilisations en concession, financement concessionnaire renouvelable


20221 Terrains
20222 Constructions
20223 Appareillages
20224 Canalisations
20225 Ouvrages
20226 Autres installations techniques

2023 Renouvellement d'immobilisation


20231 Terrains
20232 Constructions
20233 Appareillages
20234 Canalisations
20235 Ouvrages
20236 Autres installations techniques

203 Immobilisations en concession, financement fonds de travaux


2031 Immobilisations en concession, financement FDT non renouvelable
20311 Terrains
20312 Constructions
20313 Appareillages
20314 Canalisations
20315 Ouvrages
20316 Autres installations techniques

2032 Immobilisations en concession, financement FDT renouvelable


20321 Terrains
20322 Constructions
20323 Appareillages
20324 Canalisations
20325 Ouvrages
20326 Autres installations techniques

109
204 Immobilisations en concession, financement tiers
2041 Immobilisations en concession, financement tiers non renouvelable
20411 Terrains
20412 Constructions
20413 Appareillages
20414 Canalisations
20415 Ouvrages
20416 Autres installations techniques

2042 Immobilisations en concession, financement tiers renouvelable


20421 Terrains
20422 Constructions
20423 Appareillages
20424 Canalisations
20425 Ouvrages
20426 Autres installations techniques

209 Immobilisations en concession en cours


2091 Immobilisations en concession en cours, financement concédant
2092 Immobilisations en concession en cours, financement concessionnaire
2093 Immobilisations en concession en cours, financement fonds de travaux
2094 Immobilisations en concession en cours, financement tiers

N.B. : les comptes d’immobilisations en cours peuvent faire l’objet d’une déclinaison en
immobilisations renouvelables et non renouvelables puis d’une déclinaison par nature.

28 Amortissement des immobilisations

280 Amortissement des immobilisations en concession


2801 Amortissement des immobilisations en concession, financement concédant
28011 Amort. Immob. en concession, récupérées en début de concession
28012 Amort. Immob. en concession, financement concédant non renouvelable
28013 Amort. Immob. en concession, financement concédant renouvelable
2802 Amortissement des immobilisations en concession, financement concessionnaire
28021 Amort. Immob. en concession, financement concessionnaire non renouvelable
28022 Amort. Immob. en concession, financement concessionnaire renouvelable
28023 Amort. Immob. en concession, renouvellement d'immobilisation
2803 Amortissement des immobilisations en concession, financement fonds de travaux
28031 Amort. Immob. en concession, financement FDT non renouvelable
28032 Amort. Immob. en concession, financement FDT renouvelable
2804 Amortissement des immobilisations en concession, financement tiers
28041 Amort. Immob. en concession, financement tiers non renouvelable
28042 Amort. Immob. en concession, financement tiers renouvelable

110
Les comptes d’actif immobilisé du domaine concédé comprennent :

- Les biens de retour, propriété inaliénable de l’autorité concédante, que nous avons
décidé d’inscrire au bilan du concessionnaire ;
- Les comptes d’amortissement des biens de retour. Lequel amortissement s’effectue
par une écriture bilantielle pour ordre sans impact sur le résultat du concessionnaire.

Les comptes de l’actif immobilisé du domaine concédé (au même titre que les Droits de
l’Autorité Concédante) sont, également, déclinés par source de financement : concédant,
concessionnaire, fonds de travaux et tiers.

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


22 Immobilisations incorporelles

225 Droits incorporels rattachés à la concession


2251 Droits d'entrée dans la concession
22511 Droits en espèces payés par le concessionnaire pour entrer en concession
22512 Immobilisations récupérées en début de concession à titre onéreux

2252 Droit d'exploitation du service public


22521 Droit incorporel sur immobilisations financées par le concessionnaire
22522 Droit incorporel, coût supplémentaire du renouvellement des immobilisations

228 Autres immobilisations incorporelles


2285 Droits incorporels en cours rattachés à la concession

N.B. : Les comptes « 22512 » et « 22521 » peuvent faire l’objet d’une déclinaison en
immobilisations renouvelables et non renouvelables puis d’une déclinaison par nature.

28 Amortissement des immobilisations

282 Amortissement des immobilisations incorporelles


2825 Amortissement du droit de jouissace incorporel attaché à la concession
28251 Amortissement du droit d'entrée dans la conession
28252 Amortissement du droit d'exploitation du service public

111
Les comptes d’actif immobilisé du domaine privé comprennent :

- Les droits incorporels rattachés à la concession tels que présentés au niveau du


chapitre précédent (Section 2, point B) ;
- Les comptes d’amortissement de ces droits incorporels. Lequel amortissement est
comptabilisé parmi les charges d’exploitation du concessionnaire et qui permet,
entre autres, la récupération des capitaux investis.

c- Comptes de charges :

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


61 Charges d'exploitation

619 Dotations d'exploitation


6192 Dotations d'exploitation aux amortissement des immobilisations incorporelles
61925 D.E.A. des droits incorporels rattachés à la concession
619251 D.E.A. des droits d'entrée dans la concession
619252 D.E.A. du droit d'exploitation du service public
6195 Dotations d'exploitation aux provisions pour risques & charges
61955 D.E.P. pour risques & charges durables
619555 Provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices
6195551 Provisions pour renouvellement des immobilisations
6195552 Provisions pour grosses réparations

Les comptes de charges comprennent :

- Les comptes de dotations aux amortissements des droits incorporels rattachés à la


concession ;
- Les comptes de dotations aux provisions pour renouvellement et pour grosses
réparations.

112
d- Comptes de produits :

Rubrique Poste Compte Sous-compte Libellé


71 Produits d'exploitation

712 Ventes de biens et services produits


7127 Ventes et produits accessoires
71274 Peines et soins

714 Immobilisations produites par l'entreprise pour elle-même


7142 Immobilisations incorporelles produites

719 Reprises d'exploitation; transferts de charges


7195 Reprises sur provisions pour risques & charges
71955 Reprises sur provisions pour risques & charges durables
719555 Reprises sur provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices
7195551 Reprises sur provisions pour renouvellement des immobilisations
7195552 Reprises sur provisions pour grosses réparations

Les comptes de produits comprennent :

- Les peines et soins représentant la rémunération du concessionnaire pour la


supervision des travaux de construction d’immobilisations financées par le Fonds de
travaux ou par les tiers ;
- Les comptes de production immobilisée utilisés lors de la comptabilisation de la
livraison à soi même des biens incorporels correspondant au financement du
concessionnaire des biens de retour ; il s’agit de la troisième composante du droit
incorporel rattaché à la concession ;
- Les comptes de reprises sur provisions pour renouvellement et pour grosses
réparations.

B) Présentation du bilan du concessionnaire :

Les comptes tels qu’ils ont été présentés au niveau de la présente section et les écritures
comptables telles qu’elles seront présentées au niveau de la deuxième section
permettent de respecter les principes de présentation suivants :

113
Principe 1 : Séparation entre le domaine concédé et le domaine privé

Afin d’atténuer l’option dérogatoire adoptée concernant l’inscription au bilan du


concessionnaire d’immobilisations ne faisant pas partie de son patrimoine (dans le but
d’une meilleure appréhension de l’image fidèle), nous veillerons à ce qu’il y’ait une
séparation marquée entre les immobilisations propriété du concessionnaire
(immobilisations du domaine privé) et les immobilisations propriété de l’autorité
concédante utilisées dans le cadre de l’exploitation du service public (immobilisations
du domaine concédé).

Ainsi, le bilan devra permettre de différencier clairement et facilement :


- les actifs du domaine concédé et les passifs qui y sont rattachés ;
- les actifs et passifs du domaine privé.

Cette différentiation sera possible grâce à la création des rubriques symétriques


suivantes :

- « 10 » : Droits de l’Autorité Concédante (DAC)


- « 20 » : Immobilisations dans le domaine concédé, biens de retour

D’autre part, la présentation telle que nous la verrons en fin de section permet de
dégager clairement un sous total de l’« ACTIF IMMOBILISE - DOMAINE
CONCEDE », un sous total de l’« ACTIF IMMOBILISE - DOMAINE PRIVE » puis
un total général de l’« ACTIF IMOBILISE - DOMAINE CONCEDE & DOMAINE
PRIVE ».

Principe 2 : Egalité entre l’actif concédé et les droits de l’autorité concédante

La nomenclature des comptes et le mode de passation des écritures comptables sont


élaborés de telle manière à respecter à tout moment l’égalité entre :

- le patrimoine mis dans la concession quel que soit sa source de financement, du


moment qu’il est la propriété de l’autorité concédante (rubrique 20) ;

114
- les droits de l’autorité concédante qui traduisent l’obligation de retour gratuit de ces
immobilisations en fin de concession (rubrique 10).

Voici comment se présente le bilan (actif et passif) d’une entreprise concessionnaire


dans le cadre de notre proposition de normalisation :

ACTIF

D LIBELLE N N-1
O Brut Amort. Net Net
M I -A- ACTIF IM M OBILISE DOM AINE CONCEDE
A
I - IM M OBILISATIONS TERM INEES
N Immobilisations en concession, financement concédant
E Immobilisations en concession, financement concessionnaire
A Immobilisations en concession, financement fonds de travaux
C Immobilisations en concession, financement tiers
O
N - IM M OBILISATIONS EN COURS
C Immobilisations financées par concédant - En cours -
E Immobilisation financées par concessionnaire - En cours -
D Immobilisation financées par fonds de travaux - En cours -
E Immobilisations financées par tiers - En cours -

I -B- ACTIF IM M OBILISE DOM AINE PRIVE


* Immobilisations en non valeur
* Immobilisations incorporelles
Immobilisations en R&D
Brevêts, marques, droits & valeurs similaires
Fonds commercial
D Droits incorporels rattahés à la concession
O
M * Immobilisations corporelles
A * Immobilisations financières
I * Ecarts de conversion
N
E TOTAL I-ACTIF IM M OBILISE DOM AINES CONCEDE & PRIVE
II- ACTIF CIRCULANT (HORS TRESORERIE)
*Stocks
P *Créances de l'Actif Circulant
R *Titres et Valeurs de Placement ( H )
D Bons de Trésor ( Fonds de Travaux )
I Placements concessionnaire
V *Ecarts de Conversion actif circulant ( I )
E
TOTAL II-ACTIF CIRCULANT
II- TRESORERIE ACTIF
Chèques et Valeurs à encaisser
E Compte spécial Trésorerie (Fonds de travaux)
Banques
Caisses
TOTAL III-TOTAL TRESORERIE ACTIF
TOTAL GENERAL ACTIF

115
PASSIF

LIBELLE
N N-1
Net Net
I-DROITS DE L'AUTORITE DELEGANTE ( I )

Financement concédant
Financement concessionnaire
B
Financement Fonds de travaux
Financement Tiers

*Capitaux Propres
*Capitaux Propres Assimilés
*Dettes de Financement
Emprunts Obligataires
Autres dettes de financement
Fonds de travaux C

*Provisions Durables pour Risques et Charges


*Ecarts de conversion Passif

TOTAL FINANCEM ENT PERM ANENT


II-PASSIF CIRCULANT ( Hors Trésorerie )
-Dettes passif circulant
-Autres Provisions pour Risques et Charges
-Ecarts de Conversion Passif Circulant
TOTAL PASSIF CIRCULANT
III-TRESORERIE PASSIF
Crédits d'escompte
Crédits de Trésorerie
Banques ( Soldes Créditeurs )

TOTAL III-TOTAL TRESORERIE PASSIF


TOTAL GENERAL PASSIF

Vérification de l’application du premier principe :

Comme constaté, le bilan permet de différencier clairement et facilement :

- les actifs du domaine concédé et les passifs qui y sont rattachés : groupe de comptes
liés par l’accolade « A » pour les actifs et l’accolade « B » pour les passifs ;
- les actifs et passifs du domaine privé : reste du bilan.

116
Vérification de l’application du deuxième principe :

Le bilan permet de respecter l’égalité entre les immobilisations du domaine concédé


(accolade « A ») et les droits de l’autorité concédante qui y sont attachés (accolade
« B ») avec une symétrie parfaite selon les sources de financement : concédant,
concessionnaire, fonds de travaux et tiers.

Principe 3 : Facilité du passage du bilan tel que présenté dans le cadre de notre
proposition au bilan de droit commun

La présentation proposée permet un passage facile du bilan tel que proposé ci haut vers
un bilan qui ne contient que les actifs appartenant au concessionnaire et les ressources à
l’origine du financement des actifs.

Ce passage se fera en deux étapes ;

• Etape 1 : Annulation des immobilisations du domaine concédé avec les droits de


l’autorité concédante correspondants.

Cette annulation permet de retirer du bilan les immobilisations de retour appartenant à


l’autorité concédante.

En effet, le deuxième principe de présentation et la conception des écritures comptables


permettent de garantir, à tout moment, que le solde de la rubrique « 20 » soit égal à
celui de la rubrique « 10 ».

• Etape 2 : Annulation du compte de « Fonds de travaux » par la contrepartie des


comptes de « placements en bons du Trésor – Fonds de travaux » et du compte
« compte spécial Trésorerie – Fonds de travaux ».

Avant d’expliquer le bien fondé de cette annulation, il convient de rappeler les règles de
fonctionnement du compte de Fonds de travaux.

117
Le compte Fonds de Travaux est le compte courant assurant la liaison comptable entre
l’autorité concédante et le concessionnaire. Les recettes de ce fonds sont principalement
constituées des participations des abonnés et ses dépenses sont principalement
constituées du financement des immobilisations.

Les recettes du Fonds de travaux doivent être immédiatement versées dans un compte
bancaire spécial ouvert au niveau de la Trésorerie Générale. Ce compte est géré par le
concessionnaire pour le compte de l’autorité concédante et enregistre les flux de recettes
et de dépenses de trésorerie liés au Fonds de travaux. Les excédents de trésorerie sur ce
compte bancaire font l’objet de placements en bons du trésor de l’Etat marocain.

Ainsi, l’égalité suivante devrait être vérifiée :

Solde du compte « Fonds de travaux »14 = solde du « compte spécial Trésorerie – Fonds
de travaux »15 + solde du compte « placements en bons du Trésor – Fonds de
travaux »16.

Sous réserve de l’absence, à la fin de chaque période comptable, des :


- retards dans la comptabilisation des mouvements du compte de fonds de travaux (un
audit légal ou contractuel efficace permettra de prévenir de tels retard à la clôture) ;
- retards dans les virements des recettes du fonds de travaux dans le compte spécial
ouvert à la trésorerie générale (un contrôle efficace de l’autorité concédante
permettra d’éviter de tels retards) ;
- produits non encore encaissés et de paiements non encore effectués (un tel décalage
entre les mouvements comptables du compte fonds de travaux et les flux financiers
y afférents peut être contourné par la correction du solde du compte de fonds de
travaux par le montant de ce décalage en contrepartie d’un compte d’attente utilisé
uniquement pour les besoins du passage au bilan de droit commun).

Le bien fondé de l’annulation du compte de fonds de travaux se justifie par le fait que :
- d’une part, le compte de fonds de travaux (compte de financement permanent) met à
la disposition du concessionnaire des ressources qu’il n’est pas en mesure d’utiliser

14
Indiqué par la lettre « C » au niveau du bilan ci haut.
15
Indiqué par la lettre « E » au niveau du bilan ci haut.
16
Indiqué par la lettre « D » au niveau du bilan ci haut.

118
pour ses besoins propres. Le fonds de travaux est essentiellement utilisé pour les
investissements en immobilisations dont le financement est à la charge de l’autorité
concédante et d’une manière générale, il est utilisé pour faire face aux dépenses qui
incombent à l’autorité concédante ;
- les placements en bons du trésor et les disponibilités du compte bancaire spécial
ouvert au niveau de la trésorerie générale ne sont pas des actifs appartenant au
concessionnaire. Ce dernier n’est, ni en mesure d’en disposer à sa guise ni en droit
d’en percevoir les produits financiers (également propriétés de l’autorité
concédante).

Section 2 : Proposition de traitement comptable des immobilisations du


domaine concédé

Après avoir annoncé les positions retenues face aux principales problématiques
comptables liées au contrat de concession et présenté la liste des comptes que nous
allons utiliser dans le cadre de notre proposition de normalisation, il convient à présent,
de présenter en détail, les schémas d’écritures relatives à la comptabilisation des
différentes opérations liées aux immobilisations du domaine concédé.

Nous rappelons que le traitement comptable des biens propres et des biens de reprises,
qui sont la propriété du concessionnaire, est régi par les règles de droit commun. Le
traitement comptable de ces deux catégories de biens ne fait pas l’objet du présent
mémoire.

Le traitement comptable des biens appartenant à l’autorité concédante et affectés d’une


clause de retour obligatoire en fin de contrat sera présenté selon la source de
financement du bien :

- immobilisation reçue en début de concession ;


- immobilisation financée par le concessionnaire ;
- immobilisation financée par le fonds de travaux ;
- immobilisation financée par les tiers.

119
A) Les immobilisations reçues en début de concession

En début de concession, l’autorité concédante et le concessionnaire procèdent


contradictoirement à l’identification et à l’évaluation des biens affectés à la concession.
Cet inventaire s’impose à l’autorité concédante et au concessionnaire pour la
détermination de leurs obligations respectives et constitue l’inventaire de début de la
concession.

La remise des biens au concessionnaire peut se faire, soit à titre onéreux, soit à titre
gratuit. Il convient de signaler que tous les contrats de concession du service de
distribution d’eau potable concluent au Maroc, jusqu’en 2004, prévoient cette remise à
titre gratuit. Toutefois, rien n’empêche de voir dans l’avenir des contrats de concessions
stipuler que cette remise se fasse à titre onéreux aussi bien pour le service de
distribution d’eau potable que pour d’autres services publics.

Ainsi, nous allons envisager le traitement comptable de ces deux cas de figure.

a- Immobilisations reçues à titre gratuit

Constatation de l’entrée de l’immobilisation en domaine concédé :

Immobilisations en concession,
2011 X
récupérées en début de concession
101. DAC, financement concédant X

Les immobilisations mises en concession par l’autorité concédante en début de contrat


font partie des biens de retour. Ces immobilisations sont inscrites dans le domaine
concédé (en haut du bilan) en contrepartie du compte « droits de l’autorité concédante »
figurant au passif. Ces biens sont comptabilisés à leur valeur estimée dans le contrat au
démarrage de la concession.

120
Amortissement de l’immobilisation du domaine concédé :

101. DAC, financemenent concédant X


Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2801 concédant

L’amortissement des immobilisations reçues en début de concession n’est pas inscrit


dans les charges du concessionnaire. Il est constaté sous forme de diminution des droits
de l’autorité concédante en contrepartie d’un compte d’amortissement au bilan (écriture
pour ordre). Le coût d’entrée de ces immobilisations étant nul pour le concessionnaire,
leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

L’amortissement est étalé sur la durée de vie économique de l’immobilisation.

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

101. DAC, financemenent concédant X


Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2801 concédant
Immobilisations en concession,
X
2011 récupérées en début de concession

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante, les comptes


d’immobilisations et d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du
droit de l’autorité concédante au niveau du domaine concédé.

b- Immobilisations reçues à titre onéreux

Constatation de l’entrée de l’immobilisation en domaine concédé :

Immobilisations en concession,
2011 X
récupérées en début de concession
101. DAC, financement concédant X

121
Les immobilisations reçues à titre onéreux, en début de concession, font partie des biens
de retour. Ces immobilisations sont inscrites dans le domaine concédé (en haut du bilan)
en contrepartie du compte « droits de l’autorité concédante » figurant au passif. Ces
biens sont comptabilisés à leur prix d’acquisition : flux financiers versés au concédant.

Constatation du droit incorporel attaché aux immobilisations reçues à titre onéreux :

2251 Droits d'entrée dans la concession X


5… Trésorerie X
ou ou ou
4… Dette X

Le coût supporté par le concessionnaire pour l’acquisition des immobilisations auprès


de l’autorité concédante en début de contrat fait partie intégrante du droit exclusif
d’exécution qui lui est accordé par le contrat de concession. Ce droit doit être constaté
au bilan du concessionnaire comme tout élément de son patrimoine : il s’agit d’un actif
incorporel.

La valeur de cet actif incorporel est déterminée selon les conditions dans lesquelles il a
été acquis. Si les flux financiers sont échelonnés, alors une dette doit être enregistrée.

Ainsi, le coût supporté pour la réception des immobilisations en début de contrat se


trouve doublement traduit au niveau du bilan du concessionnaire :
- une fois en tant qu’immobilisations corporelles figurant au niveau du domaine
concédé du bilan ;
- une deuxième fois en tant que droit incorporel du domaine privé du concessionnaire.

Amortissement de l’immobilisation du domaine concédé :

101. DAC, financemenent concédant X


Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2801 concédant

L’amortissement des immobilisations reçues en début de concession n’est pas inscrit


dans les charges du concessionnaire. Il est constaté sous forme de diminution des droits

122
de l’autorité concédante en contrepartie d’un compte d’amortissement au bilan (écriture
pour ordre). Le coût d’entrée de ces immobilisations étant nul pour le concessionnaire,
leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

L’amortissement est étalé sur la durée de vie économique de l’immobilisation.

Amortissement du droit incorporel du domaine privé :

Dotations d'exploitation aux


6192 amortissements des immobilisations X
incorporelles
Amortissement du droit d'entrée
28251 X
dans la concession

L’actif incorporel, représentatif des droits à la concession, n’évolue pas avec l’âge des
immobilisations mais avec le temps restant à courir du contrat. Cet actif incorporel est
donc non renouvelable et à amortir sur la durée de la concession.

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

101. DAC, financemenent concédant X


Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2801 concédant
Immobilisations en concession,
X
2011 récupérées en début de concession

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante, les comptes


d’immobilisations et d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du
droit de l’autorité concédante au niveau du domaine concédé.

Retrait du droit incorporel en fin de concession :

Amortissement du droit d'entrée


28251 X
dans la concession
2251 Droit d'entrée dans la concession X

123
En fin de contrat, les droits incorporels rattachés à la concession ayant expirés, le bien
incorporel correspondant est sorti de l’actif. Le retrait se fait par le crédit du compte du
droit incorporel et le débit du compte d’amortissement correspondant pour solde.

B) Les immobilisations financées par le concessionnaire

Le concessionnaire procède au financement des investissements d’infrastructure comme


convenu dans le programme d’investissement prévu dans le contrat de concession.

Les immobilisations financées par le concessionnaire font partie des biens de retour. Le
financement de ces immobilisations peut se faire de plusieurs manières :

- versement d’un prix à un tiers ;


- production en interne ;
- affectation d’un bien du domaine privé au domaine concédé.

L’investissement dans les biens de retour (immobilisations financées par le


concessionnaire) représente un droit complémentaire à payer pour avoir le droit
d’exploitation du service public. Ce droit d’utiliser les biens de retour du domaine
concédé devrait figurer parmi les immobilisations incorporelles et devrait être valorisé à
la valeur des investissements réalisés par le concessionnaire.

La valeur d’entrée du droit incorporel sera déterminée en se référant aux principes


généraux d’évaluation :

- immobilisations acquises à titre onéreux : coût d’acquisition ;


- immobilisations produites par le concessionnaire : coût de production (dépenses
internes et externes) ;
- immobilisations reçues à titre d’apports en nature : valeur figurant au niveau de l’acte
d’apport ;
- immobilisations transférées du domaine privé au domaine concédé : valeur d’apport.

124
a- Cas d’une immobilisation renouvelable financée par le concessionnaire

Le coût de l’immobilisation peut être constitué aussi bien de coûts externes (factures de
sous-traitance) que de coûts internes (main d’œuvre, sorties de stocks, autres charges
internes).

Comptabilisation des factures externes :

61.. Charges d'exploitation X


3455 TVA récupérable X
441. Fournisseurs X

Les travaux réalisés par les entreprises externes sont comptabilisés sur la base des
factures ou mémoires pour leur montant Hors Taxes. Le concessionnaire est en droit de
récupérer la taxe sur la valeur ajoutée dans la mesure où c’est lui qui finance
l’acquisition de l’immobilisation.

Comptabilisation des dépenses internes :

61.. Charges d'exploitation par nature X


51.. Trésorerie X
31.. Stocks X

Les dépenses internes engagées et rattachées directement ou raisonnablement aux


chantiers concernés, sont comptabilisées à leur entrée dans les comptes de charges par
nature. Il s’agit des charges de personnel, des consommations de stocks et autres frais
généraux raisonnablement rattachés aux chantiers.

Il est à signaler que le concessionnaire est autorisé à incorporer au coût des


immobilisations qu’il a produit la charge afférente aux frais financiers sous réserve de
remplir les conditions suivantes :

- les frais financiers doivent représenter les intérêts des capitaux empruntés et utilisés
pour le financement de la production depuis le " préfinancement " spécifique jusqu'à
la date normale d'achèvement de l'immobilisation ;

125
- par convention17, seront retenus les frais financiers relatifs aux immobilisations dont
la durée de production excède une année.

Livraison à soi même du droit incorporel :

Droits incorporels en cours attachés


2285 X
à la conession
Immobilisations incorporelles
7142 X
produites
4455 TVA collectée 20% X

En fin de chantier, le concessionnaire comptabilise la livraison à soi même de


production d’immobilisations incorporelles qui donne lieu à une facturation de la taxe
sur la valeur ajoutée au taux de 20%.

En cas d’incorporation de frais financiers, ces derniers seront comptabilisés par le crédit
d’un compte de transfert de charges financières en contrepartie du compte
d’immobilisations incorporelles en cours.

Constatation de l’entrée de l’immobilisation corporelle dans le domaine concédé :

L’entrée de l’immobilisation, en tant que bien corporel, dans le domaine concédé sera
parallèlement suivie par la comptabilisation d’un droit incorporel, représentant le droit
exclusif d’exploitation du service public pendant la durée de la concession, au niveau du
domaine privé.

Entrée de l’immobilisation corporelle dans le domaine concédé :

Immobilisations en concession,
2022 financement concessionnaire X
renouvelable
DAC, financement concessionnaire,
1022 X
immobilisations renouvelables

17
Pour le cas des immobilisations produites, la condition relative à la durée de production n’est pas
explicitement prévue par le Code Général de Normalisation Comptable. Par contre, concernant les
immobilisations acquises à titre onéreux, il est explicitement prévu que les frais financiers ne sont
capitalisés que si le délai d’acquisition dépasse une année.

126
L’entrée de l’immobilisation dans le domaine concédé (haut du bilan) vient mettre en
évidence que ce bien en tant qu’immobilisation corporelle, même s’il est financé par le
concessionnaire, fait partie des biens de retour propriété inaliénable de l’autorité
concédante qui en détiendra les droits comptabilisés au passif du bilan. Ce n’est que le
droit incorporel généré par le financement de bien qui sera comptabilisé au niveau du
domaine privé en tant qu’immobilisation incorporelle.

Comptabilisation du droit incorporel au niveau du domaine privé :

Droit incorporel sur immobilisations


22521 X
financées par le concessionnaire

Droits incorporels en cours attachés


2285 X
à la conession

Constatation des écritures d’inventaire (fin de l’exercice comptable) :

Les écritures de fin d’exercice susceptibles de concerner un bien renouvelable financé


par le concessionnaire sont au nombre de quatre :

- Amortissement pour dépréciation de l’immobilisation corporelle figurant au niveau


du domaine concédé ;
- Amortissement pour dépréciation du droit incorporel figurant au niveau du domaine
privé ;
- Dotation de la provision pour renouvellement ;
- Dotation de la provision pour grosses réparations.

Amortissement pour dépréciation de l’immobilisation corporelle du domaine concédé :

DAC, financement concessionnaire,


X
1022 immobilisations renouvelables
Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2802 concessionnaire

Un amortissement économique, sans incidence sur le résultat, est inscrit sur la base des
taux généralement admis (en fonction de la durée de vie de l’immobilisation). Cet

127
amortissement est constaté sous forme de diminution des droits de l’autorité concédante
en contrepartie d’un compte d’amortissement au bilan. Ces immobilisations n’étant pas
la propriété du concessionnaire, leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

Amortissement pour dépréciation du droit incorporel du domaine privé :

Dotations d'exploitation aux


6192 amortissements des immobilisations X
incorporelles
Amortissement du droit
28252 X
d'exploitation du service public

Les actifs incorporels, générés par les investissements du concessionnaire, représentatifs


des droits de la concession n’évoluent pas en fonction de l’âge des immobilisations mais
en fonction de la durée de vie du contrat restant à courir à la date d’acquisition des
immobilisations. Ces actifs incorporels faisant partie du domaine privé du
concessionnaire, leur dépréciation se fera par des prélèvements sur les résultats sous la
forme de dotations aux amortissements.

Le rythme des amortissements peut être adapté aux prévisions de montée en puissance
de l’activité et du résultat de la concession. Dans ce cas, il conviendra de mentionner et
justifier le choix de la méthode au niveau de l’ETIC.

Le problème lié à la récupération des capitaux investis étant résolu, il n’y a pas lieu de
recourir à l’amortissement de caducité tel que pratiqué actuellement par les entreprises
concessionnaires.

Dotation de la provision pour renouvellement :

Dotations d'exploitation aux


61955 provisions pour risques et charges X
durables
Provisions pour renouvellement des
15551 X
immobilisations

Pour satisfaire à son obligation de maintien du potentiel de production, le


concessionnaire est tenu de doter à la fin de chaque exercice une provision pour

128
renouvellement en prévision du remplacement futur. Le calcul de la provision est
identique quel que soit le mode de financement de l’immobilisation. La provision est
calculée sur la base du coût de remplacement prévu à l’expiration de la période
d’utilisation diminué d’une éventuelle subvention.

Dotation de la provision pour grosses réparations :

Dotations d'exploitation aux


61955 provisions pour risques et charges X
durables
Provisions pour grosses
15552 X
réparations

Les grosses réparations sont des charges importantes qui ne peuvent être rattachées à un
seul exercice et ne peuvent être assimilées à des frais courants d’entretien et de
réparations dont l’anticipation se fera à travers le mécanisme des provisions. La
provision doit faire l’objet dès l’acquisition de l’immobilisation d’un programme de
réparations.

Le calcul de la provision se fait sur la base du coût prévisible des travaux.

Réalisations des grosses réparations :

Provisions pour grosses


15552 X
réparations
Reprises sur provisions pour risques
71955 X
et charges durables

Les dépenses des grosses réparations sont comptabilisées dans les comptes de charges
par nature. La reprise de la provision viendra annuler l’impact des réparations sur le
résultat de l’exercice. Les charges de réparation peuvent être immobilisées en charges à
répartir sur plusieurs exercices.

129
Constatation du renouvellement de l’immobilisation :

Le renouvellement de l’immobilisation sera constaté, sur le plan comptable, en trois


étapes :

- Constatation de la sortie de l’immobilisation initiale ;


- Constatation de l’entrée de la nouvelle immobilisation ;
- Reprise de la provision pour renouvellement ;

Constatation de la sortie de l’immobilisation initiale :

Amortissement des immobilisations


2802 en concession, financement X
concessionnaire
Immobilisations en concession,
2022 financement concessionnaire X
renouvelable

L’immobilisation faisant l’objet du renouvellement est retirée de l’actif (domaine


concédé) par le crédit du compte d’immobilisation concernée et le débit du compte
d’amortissement pour solde. Le droit incorporel inscrit, au domaine privé, parallèlement
à l’acquisition initiale de l’immobilisation continuera à s’amortir jusqu’au terme du
contrat de concession.

Constatation de l’entrée de la nouvelle immobilisation :

Le renouvellement se définit comme étant le remplacement à l’identique d’un bien de


retour. A ce niveau, et pour des considérations comptables, il conviendra de distinguer
le renouvellement d’extension du simple remplacement.

Le simple remplacement est l’échange de l’immobilisation initiale par une nouvelle


ayant la même utilité et rendant un service équivalent en qualité et en quantité, il n’y a
pas de modification du potentiel de production de la concession et donc pas d’incidence
sur les droits incorporels du concessionnaire. La dépense de renouvellement sera par
conséquent constatée en charges du concessionnaire.

130
Si par contre, le remplacement entraîne un accroissement quantitatif (augmentation du
volume traité par exemple) ou qualitatif (amélioration sensible du service rendu
entraînant une augmentation des tarifs), il y aura extension de fait du service concédé.
Cette extension justifiera l’accroissement du droit incorporel du concessionnaire
d’exploiter la concession. La valorisation de cet actif sera déterminée par le supplément
du coût de l’immobilisation renouvelée par rapport au coût de l’ancienne
immobilisation.

• Cas du renouvellement sans extension (remplacement à l’identique) :

Les dépenses de renouvellement seront comptabilisées en charges et aucun droit


incorporel ne sera inscrit au niveau du domaine privé :
Charges de renouvellement par
6… X
nature
5… Trésorerie X
ou ou ou
4… Dette X

L’entrée du nouveau bien dans le domaine concédé devra être également constatée :
2023 Renouvellement d' immobilisation X
DAC, financement concessionnaire,
1023 X
renouvellement d' immobilistions

• Cas du renouvellement avec extension :

Les dépenses de renouvellement seront comptabilisées en charges pour la fraction égale


à la valeur de l’ancienne immobilisation. Le surplus du coût de renouvellement par
rapport à la valeur de l’ancienne immobilisation sera inscrit en droit incorporel du
domaine privé :
Fraction du coût du renouvellement
6… égale à la valeur de l' ancienne X
immobilisation
Droit incorporel, coût
22522 supplémentaire du renouvellement X
des immobilisations
5… Trésorerie X
ou ou ou
4… Dette X

131
L’entrée du nouveau bien dans le domaine concédé devra être également constatée à la
valeur globale de remplacement :
2023 Renouvellement d'immobilisation X
DAC, financement concessionnaire,
1023 X
renouvellement d'immobilistions

Reprise de la provision pour renouvellement :

Provisions pour renouvellement des


15551 X
immobilisations
Reprises sur provisions pour risques
71955 X
et charges durables

Au moment du renouvellement la provision pour renouvellement antérieurement


constituée est reprise. Compte tenu de la comptabilisation du coût du renouvellement en
charges, l’effet net sur le résultat du concessionnaire est nul.

Amortissement de l’immobilisation renouvelée (nouveau bien) :

A la fin de chaque exercice comptable, il faudra amortir pour dépréciation aussi bien la
nouvelle immobilisation qu’éventuellement, le droit incorporel correspondant au surplus
du coût du renouvellement par rapport à la valeur de l’ancienne immobilisation. La
première sera amortie sur sa durée de vie, et le dernier sera amorti sur la durée restant à
courir jusqu’au terme de la concession :

Amortissement pour dépréciation de l’immobilisation corporelle du domaine concédé :

DAC, financement concessionnaire,


X
1023 renouvellement d'immobilistions
Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2802 concessionnaire

Amortissement pour dépréciation du droit incorporel du domaine privé :

132
Dotations d'exploitation aux
6192 amortissements des immobilisations X
incorporelles
Amortissement du droit
28252 X
d'exploitation du service public

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante :


- au niveau du domaine concédé, les comptes d’immobilisations corporelles et
d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du droit de l’autorité
concédante ;
- au niveau du domaine privé, les comptes d’immobilisations incorporelles et
d’amortissements correspondants sont soldés. Les immobilisations incorporelles
concernées sont aussi bien le « droit incorporel sur immobilisations financées par le
concessionnaire », correspondant au coût du premier bien renouvelable,
comptabilisé au niveau du compte 22521 et le « droit incorporel, coût
supplémentaire du renouvellement des immobilisations » comptabilisé au niveau du
compte 22522.

Ecritures du domaine concédé :

DAC, financemenent
1023 concessionnaire, renouvellement X
d'immobilisations
Amortissement des immobilisations
2802 en concession, financement X
concessionnaire
2023 Renouvellement d'immobilisation X

Ecritures du domaine privé :


Amortissement du droit
28252 X
d' exploitation du service public
Droit incorporel sur immobilisations
22521 X
financées par le concessionnaire

133
Amortissement du droit
28252 X
d' exploitation du service public
Droit incorporel, coût
22522 supplémentaire du renouvellement X
des immobilisations

b- Cas d’une immobilisation non renouvelable financée par le concessionnaire

Entrée de l’immobilisation dans le domaine concédé :

Il s’agit des mêmes écritures comptables que celles traitées au niveau du cas
d’acquisition d’une immobilisation renouvelable financée par le concessionnaire et
traitées successivement sous les titres :

Comptabilisation des factures externes.

Comptabilisation des dépenses internes.

Livraison à soi même du droit incorporel.

Constatation de l’entrée de l’immobilisation corporelle dans le


domaine concédé.

La seule modification concernera l’utilisation des comptes « 1021 » et « 2021 » au lieu


des comptes « 1022 » et « 2022 » pour spécifier qu’il s’agit d’immobilisations non
renouvelables.

Constatation des écritures d’inventaire (fin de l’exercice comptable) :

Les écritures de fin d’exercice susceptibles de concerner un bien non renouvelable


financé par le concessionnaire sont :

- Amortissement pour dépréciation de l’immobilisation corporelle figurant au niveau


du domaine concédé ;
- Amortissement pour dépréciation du droit incorporel figurant au niveau du domaine
privé.

134
Amortissement pour dépréciation de l’immobilisation corporelle du domaine concédé :

DAC, financement concessionnaire,


X
immobilisations non renouvelables
1021
Amortissement des immobilisations
en concession, financement X
2802 concessionnaire

Un amortissement économique, sans incidence sur le résultat, est constaté sous forme de
diminution des droits de l’autorité concédante en contrepartie d’un compte
d’amortissement au bilan. Ces immobilisations n’étant pas la propriété du
concessionnaire, leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

Amortissement pour dépréciation du droit incorporel du domaine privé :

Dotations d'exploitation aux


6192 amortissements des immobilisations X
incorporelles
Amortissement du droit
28252 X
d'exploitation du service public

Le droit incorporel fait partie du domaine privé du concessionnaire et sa dépréciation se


fera par des prélèvements sur les résultats sous la forme de dotations aux
amortissements. L’amortissement sera étalé sur la durée restant à courir jusqu’au terme
de la concession.

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante :


- au niveau du domaine concédé, les comptes d’immobilisations corporelles et
d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du droit de l’autorité
concédante ;
- au niveau du domaine privé, les comptes d’immobilisations incorporelles et
d’amortissements correspondants sont soldés.

135
Ecritures du domaine concédé :

DAC, financemenent
1021 concessionnaire, immobilisations X
non renouvelables
Amortissement des immobilisations
2802 en concession, financement X
concessionnaire
Immobilisations en concession,
2021 financement concessionnaire non X
renouvelable

Ecritures du domaine privé :

Amortissement du droit
28252 X
d'exploitation du service public
Droit incorporel sur immobilisations
22521 X
financées par le concessionnaire

C) Les immobilisations financées par le fonds de travaux

Il s’agit de biens financés par la participation des abonnés qui alimente le fonds de
travaux. Cette source de financement est réservée aux travaux de renforcement et
d’extension des réseaux et des ouvrages qui sont nécessaires pour assurer l’exécution
des services concédés. Les acquisitions financées par le fonds de travaux font partie des
biens de retour.

Le concessionnaire agit comme un simple ingénieur ayant pour rôle la supervision des
travaux et leur réception pour le compte de l’autorité concédante.

Le coût des immobilisations financées par le fonds de travaux est, généralement,


constitué des :
- Coût externes : il s’agit des factures et mémoires des travaux réalisés par les
entreprises externes ;
- Coût internes : il s’agit de la fourniture des charges de personnel, consommations des
stocks, dépenses des véhicules et des autres frais raisonnablement rattachés aux
chantiers ;

136
- Peines et soins : c’est la rémunération du concessionnaire pour la supervision des
travaux visant à compenser les frais de gestion de ces opérations. Pour le cas de la
distribution de l’eau potable, les peines et soins correspondent à 10% du montant des
coûts externes.

Comptabilisation des factures externes :

Immobilisations en concession en
2093 X
cours, financement fonds de travaux
441. Fournisseurs X

Les travaux réalisés par les entreprises externes sont comptabilisés sur la base des
factures ou mémoires pour leur montant Toutes Taxes Comprises. Ainsi, le
concessionnaire finance des « débours » toutes taxes comprises pour le compte de
l’autorité concédante et il se fait rembourser par les recettes du fonds de travaux. En
conséquence, les taxes grevant ces débours ne sont pas récupérables par lui.

Comptabilisation des dépenses internes :

Immobilisations en concession en
2093 X
cours, financement fonds de travaux
719. Transferts de charges d'exploitation X

Dans un premier temps, les dépenses internes engagées et rattachées directement ou


raisonnablement aux chantiers concernés sont comptabilisées à leur entrée dans les
comptes de charges par nature.

A la fin de chaque période comptable (annuellement ou bien mensuellement pour les


sociétés devant envoyer un reporting), les comptes d’immobilisations en cours sont
débités par le crédit des comptes de transferts de charges d’exploitations. Le montant
comptabilisé est identique à celui initialement porté en comptes de charges par nature.

137
Comptabilisation des peines et soins :

Compte transitoire ou d'attente -


3497 X
débiteur
712. Peines et soins X

En fin de période comptable et corrélativement à la comptabilisation des charges


externes, les peines et soins sont provisionnés pour leur montant hors taxes en produits
d’exploitation en contrepartie d’un compte transitoire (pouvant être assimilé à un
compte de produits à recevoir) en l’attente de les imputer au coût de l’immobilisation
lors de son entrée dans le domaine concédé.

Comptabilisation des peines et soins en fin de chantier :

Immobilisations en concession en
2093 X
cours, financement fonds de travaux

Compte transitoire ou d'attente -


3497 X
débiteur
4455 TVA facturée 20% X

En fin de chantier, les peines et soins font l’objet d’une facturation passible de la taxe
sur la valeur ajoutée au taux de 20%. Les peines et soins sont imputés au coût de
l’immobilisation pour leur montant toutes taxes comprises.

Prise en charge du coût de l’immobilisation par le fonds de travaux :

Fonds de travaux concédant,


14882 X
dépenses
Immobilisations en concession en
2093 X
cours, financement fonds de travaux

Une fois le coût de l’immobilisation complété (coûts externes + coûts internes + peines
et soins) sont financement est constaté par le débit du compte de fonds de travaux.
L’immobilisation en cours étant soldée, il sera enfin possible de constater l’entrée de
l’immobilisation fixe dans le domaine concédé.

138
Constatation de l’entrée de l’immobilisation dans le domaine concédé :

Immobilisations en concession,
X
203. financement fonds de travaux
DAC, financemenent fonds de
X
103. travaux

Les immobilisations financées par le fonds de travaux font partie du domaine de


l’autorité concédante et constituent des biens de retour. Le droit de l’autorité concédante
est ainsi constaté au passif en contrepartie d’une augmentation des immobilisations du
domaine concédé.

Amortissement de l’immobilisation du domaine concédé :

DAC, financemenent fonds de


X
103. travaux
Amortissement des immobilisations
en concession, financement fonds X
2803 de travaux

L’amortissement des immobilisations financées par le fonds de travaux n’est pas inscrit
dans les charges du concessionnaire. Il est constaté sous forme de diminution des droits
de l’autorité concédante en contrepartie d’un compte d’amortissement au bilan (écriture
pour ordre). Le coût d’entrée de ces immobilisations étant nul pour le concessionnaire,
leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

L’amortissement est étalé sur la durée de vie économique de l’immobilisation.

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

DAC, financemenent fonds de


X
103. travaux
Amortissement des immobilisations
en concession, financement fonds X
2803 de travaux
Immobilisations en concession,
X
203. financement fonds de travaux

139
Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante, les comptes
d’immobilisations et d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du
droit de l’autorité concédante au niveau du domaine concédé.

D) Les immobilisations financées par les abonnés

Il s’agit d’immobilisations financées par les abonnés dans le cadre des renforcements et
des acquisitions nouvelles concernant l’infrastructure. Ces travaux sont communément
appelés « travaux remboursable ».

Au niveau des travaux remboursables, on distingue deux cas de figure :


- Cas où les travaux sont réalisés par les tiers et supervisés par le concessionnaire
(lotissements par exemple) : le concessionnaire facture ainsi des peines et soins et
collecte pour le compte de l’autorité concédante la « participation au premier
établissement » (PPE) qui ne saurait être assimilée à un produit d’exploitation.
- Cas où les travaux sont réalisés par le concessionnaire pour le compte des tiers : le
concessionnaire agit en tant qu’entrepreneur de travaux qui supporte des coûts externes
et qui facture, à la livraison des travaux, le coût global de l’installation clé en main :
coûts externes, coûts internes et peines et soins.

a- Travaux réalisés par les tiers et supervisés par le concessionnaire

Etablissement du devis :

51.. Trésorerie -Actif X


4421 Clients avances et acmptes X

Le concessionnaire encaisse une avance sur la base d’un devis estimatif pour permettre
le démarrage du chantier.

140
Constatation de la fin du chantier :

4421 Clients avances et acomptes X


Fonds de travaux concédant,
14881 X
recettes (PPE)
712. Peines et soins X
4455 TVA facturée 20% X

La supervision des travaux par le concessionnaire donne lieu, en fin de chantier, à la


facturation des peines et soins au taux de TVA de 20% (comptabilisés en produits
d’exploitation) et à la collecte de la participation au premier établissement (PPE) pour le
compte de l’autorité concédante qui est portée en recettes du fonds de travaux.

Constatation de l’entrée de l’immobilisation dans le domaine concédé :

Immobilisations en concession,
X
204. financement tiers
104. DAC, financemenent tiers X

Les immobilisations financées par les tiers (les abonnés) font partie du domaine de
l’autorité concédante et constituent des biens de retour. Le droit de l’autorité concédante
est ainsi constaté au passif en contrepartie d’une augmentation des immobilisations du
domaine concédé.

Amortissement de l’immobilisation du domaine concédé :

104. DAC, financemenent tiers X


Amortissement des immobilisations
X
2804 en concession, financement tiers

L’amortissement des immobilisations financées par les tiers n’est pas inscrit dans les
charges du concessionnaire. Il est constaté sous forme de diminution des droits de
l’autorité concédante en compte partie d’un compte d’amortissement au bilan (écriture
pour ordre). Le coût d’entrée de ces immobilisations étant nul pour le concessionnaire,
leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

L’amortissement est étalé sur la durée de vie économique de l’immobilisation.

141
Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

104. DAC, financemenent tiers X


Amortissement des immobilisations
X
2804 en concession, financement tiers
Immobilisations en concession,
X
204. financement tiers

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante, les comptes


d’immobilisations et d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du
droit de l’autorité concédante au niveau du domaine concédé.

b- Travaux réalisés par le concessionnaire pour le compte des tiers

La différence de traitement comptable par rapport au cas des travaux réalisés par les
tiers réside uniquement dans la constatation du fin de chantier.

Etablissement du devis :

51.. Trésorerie -Actif X


4421 Clients avances et acmptes X

Le concessionnaire encaisse une avance sur la base d’un devis estimatif pour permettre
le démarrage du chantier.

Constatation de la fin du chantier :

4421 Clients avances et acomptes X


712. Produits d'exploitation X
4455 TVA facturée 14% X

A la livraison des travaux, la concessionnaire enregistre la vente de travaux immobiliers


passible de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 14%. Les charges supportées en
amont ont été préalablement comptabilisées par nature.

142
Constatation de l’entrée de l’immobilisation dans le domaine concédé :

Immobilisations en concession,
X
204. financement tiers
104. DAC, financemenent tiers X

Les immobilisations financées par les tiers (les abonnés) font partie du domaine de
l’autorité concédante et constituent des biens de retour. Le droit de l’autorité concédante
est ainsi constaté au passif en contrepartie d’une augmentation des immobilisations du
domaine concédé.

Amortissement de l’immobilisation du domaine concédé :

104. DAC, financemenent tiers X


Amortissement des immobilisations
X
2804 en concession, financement tiers

L’amortissement des immobilisations financées par les tiers n’est pas inscrit dans les
charges du concessionnaire. Il est constaté sous forme de diminution des droits de
l’autorité concédante en compte partie d’un compte d’amortissement au bilan (écriture
pour ordre). Le coût d’entrée de ces immobilisations étant nul pour le concessionnaire,
leur dépréciation est sans incidence sur ses résultats.

L’amortissement est étalé sur la durée de vie économique de l’immobilisation.

Retour de l’immobilisation à l’autorité concédante en fin de contrat :

104. DAC, financemenent tiers X


Amortissement des immobilisations
X
2804 en concession, financement tiers
Immobilisations en concession,
X
204. financement tiers

Pour constater la remise de l’immobilisation à l’autorité concédante, les comptes


d’immobilisations et d’amortissements correspondants sont soldés en contrepartie du
droit de l’autorité concédante au niveau du domaine concédé.

143
Section 3 : Comparatif de notre proposition avec la pratique
comptable des entreprises marocaines concessionnaires de distribution
d’eau potable

Notre enquête menée auprès des entreprises concessionnaires marocaines de distribution


d’eau potable (LYDEC, SEEN et REDAL) nous a permis :

- d’une part, de comparer les référentiels appliqués et les traitements comptables


réservés aux immobilisations du domaine concédé par chaque concessionnaire ;
- d’autre part, d’apprécier le niveau de divergence entre notre proposition de
normalisation comptable et la pratique actuelle des concessionnaires du secteur.

Les résultats de cette étude comparative sont présentés au niveau des tableaux
synthétiques ci-dessous.

N.B. : - Les trois Concessionnaires du Service Public auprès desquels nous avons mené
notre enquête seront anonymement notés : « CSP1 », « CSP2 » et « CSP3 ».
- Les termes « délégataire » et « autorité délégante » peuvent être assimilés aux
termes « concessionnaire » et « autorité concédante » au niveau des tableaux
comparatifs étant donné que la concession de service public est une catégorie
sui-generis des conventions de gestion déléguée.

144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
163
L’analyse des tableaux comparatifs, nous conduit à formuler deux natures de constats :

• Comparaison entre les traitements comptables des concessionnaires marocains :

- Le traitement comptable des biens reçus en début de concession, des biens financés
par le fonds de travaux et des biens financés par les abonnés est pratiquement le même
chez l’ensemble des concessionnaires. Toutefois, le concessionnaire « CSP1 » ne
constate pas, au passif, les droits de l’autorité concédante relatifs aux biens financés par
le fonds de travaux.

- Le traitement comptable des biens financés par le concessionnaire diffère d’une


entreprise concessionnaire à l’autre :
« CSP1 » traite ces immobilisations comme des biens propres : pas
d’inscription au niveau du domaine concédé, ni de constatation des droits
de l’autorité concédante ;
« CSP2 » comptabilise ces biens en immobilisations corporelles aussi
bien dans le domaine concédé que dans le domaine privé. En sachant,
qu’un même bien corporel ne peut appartenir, au même temps, à deux
patrimoines distincts ;
« CSP3 » comptabilise ces biens en tant qu’immobilisations corporelles
du domaine concédé et en tant que droits incorporels, représentant le
droit exclusif d’utilisation de ces immobilisations, du domaine privé.

- La présentation du bilan diffère également d’un concessionnaire à l’autre :


La séparation des immobilisations du domaine privé de celles du
domaine concédé, au niveau de l’actif, n’est pas opérée chez l’ensemble
des concessionnaires de même que leur ventilation par sources de
financement ;
L’équilibre entre les immobilisations du domaine concédé, à l’actif, et
les droits de l’autorité concédante, au passif, n’est pas vérifié chez
l’ensemble des concessionnaires, notamment chez « CSP1 » ;
Le compte « fonds de travaux » est tantôt comptabilisé au passif
circulant, tantôt en dettes de financement et tantôt en capitaux propres.
Vu l’importance du solde de ce compte, son reclassement est de nature à
impacter la structure du passif.

164
• Comparaison de notre proposition de normalisation avec les traitements comptables
des concessionnaires marocains :

- Le traitement comptable le plus proche de notre proposition de normalisation est celui


de « CSP3 ». Les principales divergences concernent d’une part, le traitement du droit
incorporel lié aux biens financés par le concessionnaire et le traitement du
renouvellement ;

- Les principales divergences entre notre proposition et le traitement comptable de


« CSP2 » résident au niveau du traitement comptable des biens financés par le
concessionnaire, du renouvellement des immobilisations et de la présentation du bilan ;

- Les rares convergences entre notre proposition de normalisation et le traitement


comptable de « CSP1 » résident au niveau du traitement des biens reçus en début de
concession et des biens financés par les abonnés.

En guise de conclusion, on peut confirmer qu’il existe un réel besoin de normalisation


puisque l’on constate :

- des différences de comptabilisation censées traduire des droits et des obligations


similaires chez les concessionnaires d’un même service public ;
- des différences de présentation ne permettant pas une correcte comparabilité de
l’information financière.

Par ailleurs, notre proposition de normalisation comptable nous parait aisément


transposable et applicable par les entreprises concessionnaires étudiées, surtout pour les
cas de « CSP2 » et « CSP3 ».

165
Section 4 : Rôle de l’expert comptable dans la mise en application de
notre proposition de normalisation comptable

L’objectif de la présente section est de sensibiliser l’expert comptable, aussi bien


conseiller qu’auditeur de l’entreprise concessionnaire, aux aspects susceptibles
d’affecter la réussite de l’application de notre normalisation comptable et qui
nécessiteraient de sa part une attention particulière aussi bien au niveau de la production
de l’information financière que lors de sa révision.

A) L’importance du suivi extra-comptable des immobilisations pour la


fiabilisation des traitements comptables et l’appréciation des engagements du
concessionnaire

Les problèmes de prise en charge des engagements du concessionnaire (renouvellement,


maintien en bon état des installations, remise gratuite des biens en fin de contrat…) et
de gestion des immobilisations sont étroitement liés.

Pour un concessionnaire, être capable de remplir ses obligations implique, de facto :


- d’avoir identifié au préalable tous les biens de la concession ;
- d’être capable de maîtriser et de suivre les dates de remplacement de chaque
bien concédé ;
- d’être capable de maîtriser et de suivre les dates de réparation de chaque bien
dès son acquisition.

L’identification de tous les ouvrages de la concession nécessite de pouvoir suivre


individuellement chaque bien de la concession à travers d’une part, un inventaire
physique exhaustif et d’autre part, un fichier des immobilisations correctement tenu.

En effet, s’il est possible de suivre comptablement les biens que le concessionnaire a
investis pour le compte de la concession, la connaissance des biens remis par l’autorité
concédante nécessite un inventaire physique qui, parfois, présente certaines difficultés :
inexistence de plan ou uniquement d’un plan partiel du réseau préexistant, localisation
des immobilisations en réseaux souterrains…etc.

166
Par ailleurs, la maîtrise et le suivi du remplacement seront possibles grâce au plan de
renouvellement mis en place afin d’assurer l’obligation de maintien du potentiel de
production. Aucune règle ou recommandation précise ne porte sur le plan de
renouvellement, néanmoins il se doit de mentionner tous les biens du domaine concédé
avec indication de leur durée réelle d’utilisation et la durée résiduelle de la concession à
laquelle ils appartiennent : ce qui implique d’être en mesure d’individualiser les biens et
de les répartir par concession.

En conclusion, on peut affirmer que la correcte comptabilisation des charges


d’amortissement, de renouvellement et de grosses réparations est fortement tributaire du
niveau de maîtrise et de gestion des immobilisations de la concession à travers
l’existence :
- d’un inventaire physique exhaustif des immobilisations (surtout pour les biens
apportés par l’autorité concédante) ;
- d’un fichier des immobilisations correctement tenu avec un niveau de détail
suffisant ;
- d’un plan de renouvellement ;
- et d’un programme des réparations.

L’expert comptable ne pourra donc apprécier la correcte traduction comptable des


obligations contractées par l’entreprise concessionnaire qu’au regard des outils cités ci
haut.

B) Non négligence des opérations intéressant exclusivement le domaine concédé

Notre proposition de normalisation comptable contient certaines écritures qui ne


concernent que le domaine concédé et qui sont sans influence sur le résultat et sur la
situation nette de l’entreprise concessionnaire.

Ainsi, les producteurs de l’information comptable et financière seraient tentés de


reléguer ces écritures en deuxième plan par rapport aux écritures ayant un impact sur le
résultat ou la situation nette du concessionnaire, prenons à titre d’exemple les deux cas
suivants :

167
- Inscription des immobilisations reçues en début de concession : devant les
difficultés pratiques de mener un inventaire physique exhaustif, le
concessionnaire peut être tenté soit de n’inscrire qu’une partie des
immobilisations gérées (dont le détail est fourni par les ex-régies ou
établissements publics), soit de n’inscrire que les immobilisations dont le
renouvellement est prévisible avant le terme de la concession, soit carrément
renoncer à inscrire l’ensemble des immobilisations apportées par l’autorité
concédante ;
- Amortissement des biens de retour : dans certains cas les biens de retour ne sont
pas amortis malgré leur mise en service (cas de CSP1) ou sont amortis sur des
durées de vies arbitraires (cas de CSP2 qui amortit tous les biens de retour sur
une durée fixe de 30 ans) sous prétexte qu’il s’agit d’une écriture pour ordre
sans incidence sur le résultat ;

L’expert comptable ne devrait pas considérer les écritures comptables qui intéressent
exclusivement le domaine concédé comme secondaires par rapport aux autres écritures
puisque, même sans incidence sur le résultat ou la situation nette, ces écritures restent
indispensables pour atteindre l’image fidèle.

C) L’ETIC : outil encore plus indispensable pour le cas de l’entreprise


concessionnaire

Compte tenu des méthodes dérogatoires utilisées, l’expert comptable devrait réserver à
l’Etat des Informations Complémentaires un rôle central dans la recherche de l’image
fidèle. L’ETIC est, ainsi, encore plus indispensable dans une entreprise concessionnaire
que dans une autre entreprise.

Parmi, les éléments qui nous sembles indispensables à faire figurer à l’Etat des
Informations Complémentaires d’une entreprise concessionnaire de service public, nous
citons :

Une description juridique du contrat et notamment les dates de début et de fin de


contrat, les clauses spécifiques …etc. Ces informations devraient être présentées par

168
contrat, pour le cas des entreprises gérant plusieurs concessions à la fois (il est de
coutume, en matière d’audit de prévoir un état A0 contenant une présentation de
l’activité de l’entreprise).

Définition des méthodes retenues par le concessionnaire (les états A1, A2 et A3


relatifs aux principes et méthodes comptables) :

- Inscription des immobilisations de l’autorité concédante à l’actif ;


- les conventions retenues pour la dépréciation des actifs (base, durée, mode, taux) ;
- le traitement réservé aux droits incorporels rattachés à la concession ;
- les modalités de calcul des provisions pour renouvellement et grosses réparations ;
- …autres.

Une information suffisante sur les engagements de l’entreprise (état B9).

Nous n’irons pas jusqu’à recommander à l’expert comptable de prévoir un ETIC


sectoriel de crainte de voir cet état transformé en un « document fleuve ». L’Etat des
Informations Complémentaires n’a pas été prévu pour donner l’image fidèle de
l’entreprise à la place des comptes. Il n’est là que pour apporter des commentaires sur
les comptes pour leur permettre d’améliorer l’image fidèle qu’ils doivent refléter.

169
CONCLUSION
DE LA DEUXIEME PARTIE

170
Devant le vide du cadre comptable actuel et les limites de la comptabilité commerciale à
traduire les spécificités du contrat de concession, la deuxième partie de notre mémoire
s’est proposée d’élaborer une proposition de normalisation du traitement comptable des
immobilisations du domaine concédé.

Après avoir énoncé et argumenté les options comptables stratégiques retenues comme
soubassement théorique à l’élaboration de notre proposition de normalisation, nous
avons présenté successivement la nomenclature des comptes à utiliser, les règles de
présentation du bilan du concessionnaire ainsi que les schémas d’écritures comptables
relatives aux immobilisations du domaine concédé.

Les principaux apports de notre proposition de normalisation comptable peuvent être


présentés comme suit :

• Notre normalisation reste fidèle à la nature juridique de la concession. Cette


dernière étant un droit de jouissance incorporel faisant partie intégrante du
patrimoine du concessionnaire ;

• Notre normalisation supprime la notion de caducité et toutes les confusions qui


s’y attachent en cédant le pas à un amortissement pour dépréciation des droits
incorporels rattachés à la concession. En effet, le droit légitime du
concessionnaire à récupérer les capitaux qu’il a investis sera fondé sur
l’amortissement pour dépréciation de son droit incorporel à exploiter la
concession sur une durée limitée ;

• Notre normalisation concorde, dans ses grandes lignes, avec les principes
comptables généraux prévus aux annexes des conventions de gestion déléguée.
A rappeler que ces annexes constituent à l’heure actuelle, pour les entreprises
concessionnaires marocaines, le principal référentiel comptable ;

• A partir des résultats de la comparaison de notre proposition de normalisation


avec la pratique comptable actuelle des entreprises concessionnaires de

171
distribution d’eau potable, nous avons constaté que la transposition et l’adoption
de notre normalisation par les concessionnaires sera relativement aisée du fait
qu’elle ne nécessitera pas des réaménagements majeurs au niveau de leurs
systèmes d’informations, de manière générale et de leurs systèmes comptables,
plus particulièrement.

172
CONCLUSION GENERALE

173
L’objectif de ce mémoire a été d’apporter aux professionnels de la comptabilité ainsi
qu’aux dirigeants des entreprises concessionnaires, une contribution à la traduction
comptable des spécificités des concessions en matière :

- de gestion des immobilisations du domaine concédé ;


- de droits incorporels rattachés à la concession.

Nous avons calqué la rédaction du mémoire sur la méthodologie de recherche que nous
avons adoptée. La première partie du mémoire a été consacrée au diagnostic des cadres
juridique, comptable et fiscal applicables aux concessions. Ce diagnostic nous a permis
de mettre en exergue l’insuffisance et les limites du cadre comptable actuel à traduire
les droits et les obligations nées du contrat de concession.

La concession de service public n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de


ses participants. Elle n’est qu’une entité de gestion du service concédé. Elle n’est donc
pas titulaire d’un patrimoine à même de permettre la traduction comptable de ses
opérations.

Ces particularités impliquent que la comptabilité du concessionnaire reflète non


seulement les opérations d’exploitation de la concession, mais aussi les droits et
obligations du concessionnaire justifiés par son intervention à durée déterminée dans
l’exploitation.

C’est dans ce cadre que la deuxième partie du mémoire s’est proposée d’élaborer une
normalisation du traitement comptable des immobilisations du domaine concédé et des
droits et obligations qui s’y rattachent.

Notre proposition de normalisation comptable se veut fidèle à la nature juridique de la


concession qui représente un droit de jouissance incorporel appartenant au patrimoine
du concessionnaire. Bâtir notre normalisation comptable autour de ce postulat de base
nous a permis de :

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- porter à l’actif, le coût des investissements supportés par le concessionnaire en
immobilisations incorporelles du domaine privé ;
- amortir ces immobilisations incorporelles sur la durée résiduelle de la
concession permettant ainsi d’une part, de récupérer les capitaux investis et
d’autre part, de supprimer la notion de caducité et les confusions qui s’y
rattachent ;

Nos efforts, en vue d’aboutir à une normalisation comptable, ont toujours été animés par
le souci de présenter une solution de portée pratique ayant les meilleurs chances d’être
acceptée et adoptée par l’ensemble des parties prenantes (entreprises concessionnaires,
auditeurs et instances chargées de la normalisation comptable). Ce souci, nous a conduit
à:

- éviter la proposition de solutions atypiques et fortement dérogatoires par rapport


aux règles de droit commun édictées par le Code Général de Normalisation
Comptable ;
- en cas de recours à une dérogation, l’atténuation de son impact est recherchée à
travers l’aménagement des règles de présentation du bilan et la fourniture
d’informations complémentaires à l’utilisateur des états de synthèse ;
- rechercher l’optimisation entre les choix comptables retenus et le coût de leur
mise en application pour le concessionnaire, sans que cela ne se fasse au
détriment de la recherche de l’image fidèle.

Un mode de gestion porteur de telles ambiguïtés, nous pousse à remettre en cause sa


pérennité. En effet, la concession repose par nature sur des divergences :

- divergences d’objectifs : le concessionnaire recherche la rentabilité de son


exploitation, alors que l’autorité concédante a une mission prioritaire de
satisfaction de l’intérêt général ;
- divergences de contraintes : le concessionnaire doit gérer son exploitation en
fonction de la durée limitée de son intervention, alors que l’autorité concédante
doit assurer la pérennité du service public.

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Toutefois, les dernières signatures de contrat ne laissent pas préjuger d’un arrêt futur
des délégations de service public et la pratique démontre que le contrat de concession
demeure un axe privilégié pour le développement de certains services publics. L’activité
économique gérée par l’exploitation des concessions a encore de belles années devant
elle avant de se voir réformée.

Par ailleurs, la mondialisation de l’économie suscite de sérieuses inquiétudes quant à la


survie du système des concessions à moyen et long terme. La concession de service
public est basée sur la garantie au concessionnaire du monopole de l’exploitation du
service public sur une longue durée (25 à 75 ans) et la mise en jeu de la concurrence est
essentiellement concentrée, en amont, à l’occasion du choix du concessionnaire. Ce
mode de gestion qui a bien su, jusqu’à maintenant, s’adapter et contourner ses
ambiguïtés, pourra t-il perdurer dans un environnement appelé à devenir de plus en plus
concurrentiel ?

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