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Les gens ne se soucient pas que vous viviez ou mouriez.

Ce sont d'autres personnes !

C'est ça la justice ? C'est ça l'Europe ?


Ils parlent de Tiers-Monde. C'est ici le tiers-monde !
Aussi longtemps que cette mentalité existera... c'est du racisme !
Je ne comprenais pas ce que signifiait le racisme
quand j'étais dans mon pays. Je l'ai compris ici,
J'ai compris ici ce que signifie le racisme !1

1Temoignage de deux personnes emprisonnées aux CPR de Corso Brunelleschi, Juin 2020
INTRODUCTION

Dans la lutte contre la détention en général, et les Centres de Rétention pour le Rapatriement (CPR),
en particulier, il a toujours été clair que les révoltes à l'intérieur de ces lieux ont été le seul moyen de
retrouver la liberté, de retrouver sa vie quotidienne ou de contrecarrer les mailles impitoyables de
l'Etat. État qui a toujours essayé d'anéantir par tous les moyens possibles les personnes enfermées
parce qu'elles sont considérées comme indésirables ou nuisibles à la vie de la société capitaliste
occidentale.

Depuis des années, ceux qui sont emprisonnés parce qu'ils n'ont pas de papiers sont soumis à une
politique de contrôle - plus ou moins spectaculaire selon les besoins de propagande de l'État - qui
montre le visage coercitif de la démocratie tant proclamée : les Centres de Permanence pour le
Rapatriement ne sont rien d'autre qu'une forme moderne de domination et de discipline sur un
groupe de personnes considérées comme indésirables, donc destinées à être expulsées. Les centres,
créés dans le seul but d'identifier et d'expulser les personnes du territoire italien, devraient remplir la
fonction de rapatriement de ceux qui n'ont pas de documents, ces derniers étant de plus en plus liés
à la possibilité de produire un revenu. Un écrémage profitable de tous ceux qui ne sont plus
productifs au sein de la société. Au vu, toutefois, de la faible portée du système de détention-
déportation (le nombre de personnes rapatriées est minime par rapport aux personnes "irrégulières"
présentes sur le territoire), une autre fonction devient évidente : celle d'intimider et de dissuader. Le
CPR trouve donc une deuxième manière de discipliner les personnes qui pourraient finir par y être
enfermées : la menace continue et omniprésente de la déportation, de l'éloignement forcé de leur vie
et de leurs attachements comme un avertissement pour tous ceux qui se trouvent sur le territoire.
L'action dissuasive est donc un élément fondamental du système lui-même.

Nous ne considérons pas les CPR comme une exception dans les politiques de l'Etat, mais comme
un dispositif qui joue un rôle dissuasif, intimidant et même économique, nécessaire à cette société.
Le commerce de la détention des migrants dans l'Union européenne est, en fait, florissant et
rentable. Il s'agit d'un véritable marché qui se joue sur la compétitivité des organismes gestionnaires
qui remportent les appels d'offres, organisent les flux de marchandises entrants et sortants, sous-
traitent et gèrent l'argent disponible, en en tirant toujours profits. Toujours, bien sûr, sur la vie des
personnes qui restent coincés dans ce mécanisme.

Dans ce cadre, loin de revendiquer n'importe quel droit à la vie - compris dans un sens occidental et
colonialiste - et en se tenant à distance des tendances humanitaires qui soutiennent des formes plus
"humaines" de contrôle et de déportation, en collaborant souvent avec les partis gouvernementaux
qui ont eux même établi et renouvelé la détention administrative, nous pouvons nous demander
pourquoi traiter de la santé dans la lutte contre les CPR. D'autant plus si ce qui pousse à lutter
contre ces lieux infâmes n'est pas la volonté de rendre le quotidien des personnes plus digne ou la
reconnaissance par les autorités de l'inhumanité de la vie à laquelle elles sont contraintes, mais la
destruction, la fin de ces lieux et de ce système de détention.

Les raisons pour lesquelles nous traitons de la santé au sein du CPR ne sont pas exclusivement liées
à la forte mise en lumière du sujet dans le débat public, causée par la pandémie de Covid-19. La
question sanitaire a toujours été au contraire un des éléments de domination des personnes en
détention, révélant ce que sont réellement les CPR : des lieux d'humiliation et de harcèlement, des
lieux où la vie et la santé ne sont certainement pas une priorité. Depuis leur création, plus de 20
personnes sont mortes dans ces lieux2. Rien qu'au cours des trois dernières années, il y a eu 4 décès
derrière les murs des CPR italiens. Le dernier s'est produit dans le CPR de Turin dans la nuit du 22
au 23 mai 2021 : la personne décédé s'appelait Musa Balde, il avait 23 ans et était originaire de
Guinée. Le 9 mai, il avait été attaqué à coups de barres par trois garçons italiens à Vintimille, une
ville frontalière avec la France. Après avoir été battu, il a été transporté à l'hôpital de Bordighera
(Imperia) et est sorti de l'hôpital avec un pronostic de 10 jours pour des blessures graves et un
traumatisme facial. En raison de la plainte déposée à la préfecture de police, il est apparu qu'il était
en situation irrégulière sur le territoire national et le lendemain, il fut emmené au CPR de Corso
Brunelleschi à Turin, puis enfermé dans la « zone rouge ». Il a ensuite été placé en isolement dans la
section appelée "Ospedaletto"(petit hôpital). Selon le témoignage d'un codétenu, bien qu'il ait
montré des signes évidents de souffrance due à des blessures corporelles, Musa Balde n'a jamais été
examiné par un médecin ou un membre du personnel de santé du CPR. Il nous a dit qu'après son
transfert à l'isolement, qui a eu lieu sans raison claire, il l'a entendu crier et demander l'intervention
d'un médecin sans jamais recevoir de réponse3.
En juillet 2019, dans la même section du "Ospedaletto", Faisal Hossain était lui aussi décédé en
isolement, abandonné à lui-même, sans soins adéquats. Sa mort, rapidement déclarée, aurait été
causée par une crise cardiaque4.
2 Report d’enquête “Morti di Cie - Storie di ordinaria detenzione amministrativa”, 2016;
https://www.repubblica.it/cronaca/2020/01/20/news/migrante_morto_al_cpr_la_procura_indaga_per_omicidio_volo
ntario_diffuso_audio_sul_pestaggio-246201667/
3 https://www.passamontagna.info/?p=2171; https://hurriya.noblogs.org/post/2021/06/04/torino-sabato-5-giugno-
presidio-cpr-aggiornamenti-dallinterno/#more-7346
4 https://www.lastampa.it/torino/2019/07/10/news/bengalese-32enne-morto-al-cpr-di-torino-l-autopsia-conferma-l-
arresto-cardiaco-1.36911591
Il ne s'agit pas seulement d'un droit refusé, mais plutôt d'un instrument coercitif pour contrôler la
conduite de ceux qui sont emprisonnés - je te soignerai si tu arrêtes la grève de la faim -, visant à
l'annulation de la personne elle-même. Comme il arrive souvent, cependant, pour de nombreuses
institutions globales, coercitives et concentrationnaires, il existe dans certaines circonstances des
échappatoires, des voies de sortie, des possibilités de liberté : la sortie du CPR pour des raisons de
santé et l'entrée qui s'en suit dans des lieux tels que les hôpitaux et les salles d'urgence, est souvent
la seule chance d'échapper à la détention, pour quelques heures, quelques jours ou, dans le meilleur
des cas, pour toujours.

Nous sommes convaincus que le système de détention administrative n'est pas seulement composé
de personnes opprimées, mais aussi de personnes responsables. Bien que nous pensons que les CPR
fassent partis de ce que l'on appelle la zone grise, où toute oppression semble être autorisée et
normalisée en étant enveloppée de silence et d'indifférence, il nous a semblé important d'écrire et de
rappeler qu'il existe des institutions et des personnes responsables de ce qui se passe dans ces
structures, surtout à un moment où la communication avec les détenus est particulièrement difficile.
C'est pour ces raisons que nous avons décidé d'essayer d'écrire ce livret, quelques pages et quelques
éléments de réflexion pour dire ce qui a été fait et surtout ce qui n'a pas été fait du point de vue de la
situation sanitaire.

Conscients que les Centres de Rapatriement ont toujours été des lieux de mort, surtout dans une
période d'urgence sanitaire qui a mis en évidence les contradictions du système capitaliste dans
lequel nous vivons, nous avons essayé de raconter la véritable gestion sanitaire à partir des mots des
personnes emprisonnées, en essayant de donner la parole à ceux qui vivent chaque jour dans leurs
chairs les conditions d'oppression et de torture à l'intérieur du CPR de Corso Brunelleschi.

La gestion des soins à l'intérieur des Centres de Permanence pour le Rapatriement


Règlement unique et cahier des charges

En 2014, le ministère de l'Intérieur, par le biais du Département des libertés civiles et de


l'immigration et sur la base de la nécessité d'uniformiser les règles et les " niveaux d'accueil " dans
les centres d'identification et d'expulsion (CIE), approuve par décret le Règlement unique des
CIE5, contenant les critères d'organisation et de gestion des centres d'expulsion. Fruit de la
collaboration avec le département de la sécurité publique et d'un groupe technique constitué ad hoc
5 http://www.prefettura.it/FILES/AllegatiPag/1199/Regolamento_Unico_dei_CIE_-ora_C.P.R.-.pdf
par le ministère de la santé, l'OMS, Médecins sans frontières, le INMP (Institut national pour la
santé, la migration et la pauvreté) et la Croix-Rouge italienne, le règlement unique régit tous les
aspects de la gestion de la vie quotidienne dans les CIE, y compris le service sanitaire. Le règlement
est toujours en vigueur, bien que les Centres d'Identification et d'Expulsion (CIE) soient entre-temps
devenus des Centres de Permanence pour le Rapatriement (CPR).

Une lecture attentive du Règlement unique permet d'identifier les responsabilités de ceux qui gèrent
la vie quotidienne des personnes détenues dans les CPR, les obligations qui leur incomberaient et
les zones grises bureaucratico-administratives qui contribuent à déterminer les conditions dans
lesquelles les détenus sont contraints de vivre. Selon ce qui est écrit dans l'article 3 du règlement
unique - intitulé "Vérification de l'état de santé et soins médicaux" - les détenus ont accès au
Centre après un examen médical effectué par un médecin de l'ASL ou de l'hôpital compétent.
L'examen sert à vérifier l'absence de pathologies qui rendraient incompatible l'emprisonnement
dans le CPR : maladies infectieuses, contagieuses ou dangereuses pour la collectivité, problèmes
psychiatriques, pathologies chroniques ou dégénératives, problèmes cliniques qui ne peuvent pas
recevoir un traitement adéquat dans les Centres. En général, est incompatible avec
l'emprisonnement l'état de santé de ceux qui, à cause du séjour dans le CPR, risquent l'aggravation
d'états pathologiques antérieurs ou survenus pendant la détention elle même. L'incompatibilité doit
être évaluée à l'entrée et faire l'objet de contrôles, tant périodiques qu'à la demande de la personne
ou du personnel du CPR. Une fois que l'état de santé et la compatibilité avec l'emprisonnement ont
été vérifiés, après l'entrée et pendant le séjour dans le Centre, le détenu est soumis à un examen
médical et aux soins du médecin responsable du service de santé dans le CPR. Le médecin
responsable est nommé directement par le directeur du Centre et a pour mission d'évaluer l'état de
santé des détenus et de déterminer la nécessité d'examens spécialisés et/ou de procédures
diagnostiques/thérapeutiques. C'est le médecin du Centre, en accord avec le directeur, qui établit et
autorise l'accès aux hôpitaux publics. Les transferts sont effectués par ambulance, sous la
coordination du centre d'opérations 118. En cas de découverte d'éléments qui ne sont pas apparus
lors de la certification d'aptitude et dans l'attente d'une nouvelle évaluation par l'ASL/Hôpital, la
personne détenue est isolée, mais reste dans les locaux sanitaires du CPR. S'il existe un besoin de
traitement au sein des structures publiques, la préfecture assure la coordination entre celles-ci et le
CPR, toujours dans le but de garantir l’accès aux soins et aux services spécialisés. A cette fin, la
préfecture et l'ASL signent des protocoles d'entente et de coopération, rédigés selon le schéma joint
dans le règlement unique. A la lecture du "Projet de convention entre la Préfecture et l'ASL"
(Annexe 1D), la participation et la responsabilité mutuelles des parties impliquées sont claires.
L'ASL s'engage à : garantir la possibilité de réaliser, dans ses propres structures sanitaires,
l'évaluation de l'aptitude à la vie en communauté restreinte, gérer les services spécialisés dans les
hôpitaux et les districts de l'ASL, reconnaître le responsable sanitaire du CPR comme point de
contact entre l'ASL et le Centre lui-même, communiquer ses coordonnées aux services régionaux
compétents et au Ministère de la Santé, afin que toutes les parties concernées puissent échanger des
informations sanitaires. La préfecture et l'ASL contribuent à la protection de la santé des détenus
par des activités de surveillance sanitaire dans le CPR, avec le personnel technique et sanitaire de
l'ASL. Considérant la garantie d'un accès complet et rapide des détenus au Service National de
Santé, la Préfecture et l'ASL s'engagent à développer et à suivre des parcours opérationnels
standards entre CPR et les structures de l'ASL, en identifiant les personnes de référence. Du moins
sur le papier.

Outre le règlement unique des CIE, la gestion de la vie quotidienne des CPR est régie par le cahier
des charges, c'est-à-dire l'ensemble des clauses qui constituent le contrat entre le ministère de
l'Intérieur et l'entité gestionnaire. Le cahier des charges auquel le Centre de Turin se réfère est celui
publié en novembre 2018 par décret ministériel6 et qui concerne le traitement de biens et de services
liés à la gestion et au fonctionnement des centres de premier accueil et des Cpr.
A la lecture de l'annexe 5 bis27, qui contient les spécifications techniques relatives à ce dernier, il y
a quelques spécificités concernant les questions sanitaires et la responsabilité du médecin principal
du Centre, qui méritent d'être soulignées. Au POINT C de l'annexe, intitulé Service Sanitaires, il est
décrit comment les soins doivent fonctionner au sein du CPR. Les soins sont un service
complémentaire aux services garantis par le système national de santé et sont assurés par un poste
fixe afin de prendre, en cas de besoin, les mesures de prophylaxie, de surveillance et d'aide
médicale. Si le détenu en a besoin, le médecin doit organiser le transfert vers les structures
hospitalières sous la coordination du centre d'opérations 118. Toutefois, la présence de personnel
médical et paramédical ne comprend pas de soins de santé 24 heures sur 24, conformément au
nouveau cahier des charges8, qui a prévu une réduction drastique des services à la personne9 : les
infirmières sont présentes 6 heures par jour tandis que les médecins travaillent au total 24 heures par
semaine10.

6 https://www.gazzettaufficiale.it/eli/id/2018/11/27/18A07563/sg ; https://www.interno.gov.it/it/amministrazione-
trasparente/bandi-gara-e-contratti/schema-capitolato-gara-appalto-fornitura-beni-e-servizi-relativo-alla-gestione-e-
funzionamento-dei-centri-prima-accoglienza
7 https://www.interno.gov.it/sites/default/files/all._5-bis_specifiche_tecniche_cpr.pdf
8 Précédent cahier des charges (2017) prevoyait une assistance mediacale 24h sur 24.
9 http://www.comune.torino.it/garantedetenuti/wp-content/uploads/2020/11/Relazione_2019_Garante.pdf
10 https://www.regione.piemonte.it/web/temi/sanita/accesso-ai-servizi-sanitari/assistenza-sanitaria-agli-stranieri
Le médecin responsable du centre de santé du CPR doit effectuer un premier examen médical (le
deuxième après celui fantôme de l'ASL), et les premières interventions de secours, visant à vérifier
les pathologies qui nécessitent des mesures d'isolement ou des visites de spécialistes ou des
parcours diagnostiques/thérapeutiques dans les établissements de santé publique, ainsi qu'à vérifier
les situations de vulnérabilité.
Le médecin responsable de l'établissement de santé est également tenu de produire, mettre à jour et
conserver la documentation sanitaire nécessaire pour justifier toute intervention sur le patient. Les
données sanitaires sont conservées dans l'établissement sous la garde du médecin responsable, qui
est tenu d'informer le Directeur du Centre des prestations fournies afin de les enregistrer dans le
dossier individuel et de les communiquer quotidiennement à la Préfecture, qui est donc
constamment informée de la situation sanitaire au sein du CPR. Une copie du dossier médical doit
être remise à chaque détenu lorsqu'il quitte le centre. Enfin, le médecin responsable doit assurer la
continuité thérapeutique. Dans le cas où la sortie du centre est due à un transfert vers un autre
établissement de détention ou d'accueil, une copie du dossier est envoyée au médecin responsable
du centre de destination. En cas de changement d'entité gestionnaire, les données sont mises à la
disposition du médecin responsable de la santé de la nouvelle entité afin d'assurer la continuité
thérapeutique. En cas de rapatriement avec une escorte médicale ou par vol charter, le formulaire est
envoyé au médecin de la police d'État de l'unité d'escorte. Le directeur du centre, afin de mener à
bien les activités liées au service de santé, assure l'accomplissement des procédures nécessaires à
l'inscription des migrants au Service national de santé ou à la délivrance de la carte STP11....... en
fonction de la situation juridique de l'étranger. Mais même ici, seulement sur le papier.

Les soins de santé à l'intérieur du CPR de Turin


Comment les soins de santé sont réellement gérés

Les témoignages directs des détenus dénoncent des situations quotidiennes éprouvantes au sein du
Centre, décrivant un déni continu du droit d'accès aux soins : tout d'abord l'absence d'examen
médical par l'ASL. Les personnes qui sont enfermées dans le CPR de Corso Brunelleschi, en effet,
au moment de leur entrée n'ont jamais reçu un examen par un médecin externe, et n'ont jamais été
emmenées dans une structure ASL pour certifier d'hypothétiques conditions d'incompatibilité avec
l'emprisonnement. L'incompétence de l'ASL à effectuer l'examen médical crée une série de
conséquences dramatiques où des pathologies graves sont complètement ignorées, obligeant les
11 https://www.regione.piemonte.it/web/temi/sanita/accesso-ai-servizi-sanitari/assistenza-sanitaria-agli-stranieri
détenus à souffrir atrocement, dans un abandon total par le personnel médical. Les récits des
personnes emprisonnées nient également la présence d'un second examen médical, celui que le
médecin responsable du centre devrait effectuer au sein de la structure sanitaire afin d'éviter
l'emprisonnement de personnes jugées incompatibles.

En novembre, un garçon tunisien a été amené au CPR du Corso Brunelleschi, alors qu'il avait un
dossier médical qui documentait clairement un cas d'ulcère gastrique sévère. Le jeune homme n'a
jamais été emmené à l'hôpital et n'a jamais reçu de soins médicaux adéquats : parfois, lorsque les
blessures à l'estomac le faisait à vomir du sang, il était emmené à l'infirmerie où on lui donnait de la
Paracétamol ou du Maloox, sans tenir compte des complications potentielles et irréversibles telles
que la perforation de la paroi stomacale ou le développement de tumeurs. Ces conditions,
certainement incompatibles avec l'emprisonnement, aurait donc du être appréhendées par l'ASL au
moment de l'entrée dans le CPR du garçon. Au lieux de ça, on note une complète négligence de son
dossier médical. Ces conditions ont été ignorées jusqu'à son expulsion, qui s'est déroulée dans une
totale tranquillité malgré son état de santé gravement compromis, comme nous l'a raconté l'un de
ses codétenu :

"Juste du Paracétamol ! Si tu ne veux pas de paracétamol, ils t'emmerdent ! Du Paracétamol


pour tout ! Il y a un gars avec moi qui vomit du sang. Il a une blessure à l'estomac. Le docteur lui a
dit de vomir et de lui apporter son vomi. Il a vomi et le leur a apporté, et toujours du Paracétamol.
Puis ils lui ont donné cette pilule... comment ça s'appelle ? Le Maalox ! Il a pris du Maalox. Il a un
dossier médical de cinq ou six pages. Hier, ils lui ont dit qu'ils l'emmenaient à l'hôpital et ils ne l'ont
pas encore amené. Il est toujours là !"

Une histoire similaire était arrivé à un autre détenu tunisien souffrant d'une forme grave de cancer
de l'intestin : malgré des tentatives répétées de demander de l'aide, il a été abandonné dans la
douleur pendant des semaines dans son lit, jusqu'au moment de son expulsion. Toute forme de
handicap est ignorée, comme le raconte un marocain atteint d'un grave problème aux articulations
inférieures, laissé au CPR sans fauteuil roulant et sans béquilles pour se déplacer. Incapable de se
déplacer, il n'a pu utiliser les salles de bains qu'avec l'aide de ses codétenus.

En partant de l'absence de la première visite médicale, l'entrée dans le Centre de Turin marque le
début d'une absence totale d'assistance sanitaire. Dans tous les cas où les détenus ont eu besoin
d'un traitement diagnostique/thérapeutique en dehors du CPR, ils n'ont presque jamais été conduits
à l'hôpital pour y subir des examens médicaux, contraints d' attendre extrêmement longtemps ou
recourir à des actes de protestation extrême pour être soignés :

"Ils m'ont emmené à l'hôpital Martini, ils ont enlevé ma dent mais ils m'ont laissé un
morceau, un gros morceau de la racine de la dent. On l'a laissé là et ça m'a donné une infection. Et
ça fait mal ! Le centre m'a dit : "tu vas bien, tu vas bien !". Masque et menottes d'ici à l'hôpital et
aussi à l'intérieur de l'hôpital avec menottes. Et même à l'intérieur où ils ont arraché ma dent sur la
chaise du dentiste avec des menottes. Comme un criminel ! Ils vous traitent comme un animal. Le
chien a des documents, il a le médecin quand il se sent malade et immédiatement le propriétaire
l'emmène chez le vétérinaire. Mais là, pour enlever une dent, j'ai souffert pendant quatre mois, j'ai
dû boire de l'eau de Javel, je me suis coupé le bras, et puis ils m'ont emmené pour enlever cette dent
et quand ils l'ont enlevée, ils ont laissé un gros morceau comme ça de la racine de la dent à
l'intérieur !".

Dans les Centres de Permanence pour le Rapatriement, il n'existe pas de continuité thérapeutique
de l'extérieur ou pour ceux qui viennent de la prison. Dans le cas où la sortie du CPR est due au
transfert vers une autre structure d'accueil, la copie de la fiche médicale n'est pas transmise au
médecin responsable de la santé du Centre de destination, n'assurant pas, même dans ce cas, la
continuité thérapeutique. En outre, les personnes libérées du CPR de Turin pour des raisons de santé
reçoivent rarement une quelconque fiche de santé. Selon les témoignages des détenus, il existe une
résistance totale à l'exercice du droit d'accès à une copie de leur dossier médical. Le titulaire d'un
dossier médical, propriétaire du corps "détenu" par l'État et faisant l'objet d'un traitement médical,
ne peut avoir connaissance et copie des informations le concernant12.

Il arrive souvent que les dossiers médicaux disparaissent ou que de faux rapports soient signés afin
de permettre des rapatriements qui seraient autrement irréalisables en raison de l'état physique des
personnes détenues. En novembre 2020, en effet, une personne, lors d'un appel téléphonique, a
raconté avoir vu un médecin du Centre pleurer après avoir été pressé et menacé par l'inspecteur
pour signer des rapports permettant d'expulser des personnes réellement inaptes.

Ce qui est certain, c'est qu'à partir du moment où le Cpr du Corso Brunelleschi a été créé, il y a eu
deux constantes dans la gestion du Centre : d'une part, la limitation quotidienne de l'accès aux soins
pour les personnes en détention ; d'autre part, une réduction progressive des ressources et des

12 https://www.pressenza.com/it/2021/02/maurizio-veglio-asgi-il-cpr-racchiude-una-somma-di-discriminazioni/
services au sein de la structure, marque de fabrique de la direction de GEPSA de 2015 à aujourd'hui.

"Il y a un type avec moi dans la salle, un citoyen tunisien, qui a trente-trois balles de plomb
dans le pied et personne ne veut l'examiner. Aujourd'hui, il est allé chez le médecin et il lui a dit :
"Tu dois aller en Tunisie pour te faire soigner. On ne regarde même pas ton visage ici !" Ils l'ont
traité comme un animal. Et il a pleuré comme un bébé. Ils nous insultent, ils insultent nos familles,
ils nous traitent comme... Sauf qu'ils nous appellent non-européens, ce qui signifie qu'ils nous
traitent comme quelque chose de tiers. Mais cela vous semble-t-il juste ?"

"Un truc hallucinant, je ne peux pas croire que tout cela a été dit par un professionnel de la
santé sous serment ! Le gars n'avait pas mangé depuis sept jours, puis il est allé voir un médecin
pour qu'il le soigne et il lui a dit que si tu veux être soigné, retourne dans ton pays ! Cela vous
semble-t-il juste ? Venant d'un médecin !"

Les personnes emprisonnées nous ont souvent parlé des moqueries qu'elles subissent non
seulement de la part du personnel médical lors des visites, mais aussi très souvent de la part
de la police. Leurs problèmes de santé sont totalement méprisés et tout type de traitement leur est
refusé.

"Il y a un autre type qui a déraillé dans la zone violette. Et personne ne l'a aidé. Il y avait des
soldats qui regardaient et qui riaient. Tout le monde rit ! Il se jetait au sol, donnait des coups de tête
contre le mur. Tu te moques de moi ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est humain ? Est-ce cela la
démocratie italienne ? Les gens pensent qu'ils viennent ici pour trouver la démocratie, la liberté et
les droits de l'homme et ils sont traités comme des animaux ? Je suis désolé, mais je suis agité et je
ne peux pas parler car ce qui est en moi est lourd, c'est difficile à exprimer".

"Il y a une femme roumaine qui est infirmière et quoi que vous ayez, elle entre et dit "oh
mon pote, aller, tu n'as rien...", et puis elle sort et dit "c'est bon, tu n'as rien". L'autre fois aussi, un
type a fait une crise, elle est entrée, l'a pris en charge, ils ne l'ont même pas emmené à l'infirmerie,
elle l'a giflé deux fois, juste comme ça ! Et puis : "oh mon gars, allez. Non, inspecteur... c'est bon, il
n'y a rien d'anormal avec lui !"

"L'autre fois, un type s'est ouvert les veines et on ne l'a pas emmené aux urgences. Et
pendant qu'il coupait, ils riaient parce qu'ils n'en ont rien à faire."
Une autre constante, qui ressort des propos des détenus, concerne les repas qui sont administrés
quotidiennement. L'organisme gestionnaire GEPSA est en fait responsable des repas dans
l'établissement, mais le service est généralement sous-traité à des sociétés tierces. En ce qui
concerne le Cpr de Turin, l'appel d'offres a été remporté en 2019 par la société française SODEXO,
qui depuis, d'après ce que l'on sait113, est en charge de la préparation et de la livraison des aliments.
Ce que les détenus nous disent constamment, c'est que la nourriture est livrée froide et presque
toujours malodorante, périmée ou avariée. Ils nous disent également que des médicaments sont
ajoutés à la nourriture, très probablement des somnifères et/ou des psychotropes, qui provoquent un
état de somnolence profonde immédiatement après le repas, qui dure parfois plusieurs heures.

L'administration de psychotropes à l'intérieur des Centres de Permanence pour le Rapatriement, un


fait dénoncé depuis plusieurs années, reflète la volonté de ceux qui gèrent les CPR de sédater les
détenus et l'impossibilité pour eux d'entamer toute forme de protestation. Au fil des ans, en effet, de
nombreuses protestations ont eu lieu concernant l'alimentation, le manque de soins, et les
mauvaises conditions de vie14.

"Ils mettent quelque chose dans la nourriture parce que dès qu'on mange, on a sommeil.
Surtout à midi pour que les gens soient tranquilles pendant la journée."

"Mauvaise situation, tu sais ? Manger tout sec, tout mauvais. Propre ? Ce n'est pas propre. Si
tu as mal aux dents, ils s'en tapent. Ils nous laissent juste mourir là. La médecine ? Il n'y a pas de
docteur ici, ce type est juste un psychiatre. Il donne des médicaments et ensuite ils dorment tous.
Tous avec la bouche ouverte comme des fous. Personne n'est fous, mais ils vous rendent fous. Tu
sais, comme un animal. Ils restent comme ça, avec la bouche ouverte. Tu sais ce que je veux dire ?
J'en prends pas moi, c'est pour ça je suis éveillé. Mais ils les donnent à tous les autres. Tout le
monde dort, les pauvres ! Tous comme des animaux ! Pire que les animaux."

"Non, le médecin n'est que le psychiatre. Celui qui vous donne juste pour se sentir comme
un idiot, comme un fou. "

La situation est aggravée par le fait que, d'une part, la plupart du temps, le personnel de santé n'est
pas formé professionnellement à l'utilisation de certains médicaments, comme le Rivotril, qui, en
13https://hurriya.noblogs.org/post/2019/11/21/torino-fuori-sodexo-dalle-universita/
14 https://macerie.org/index.php/2019/11/23/malinverno-ultime-dal-cpr/
raison de leurs effets secondaires et des dommages qu'ils peuvent causer au corps humain, ne
doivent être pris que dans des situations particulières et sous la supervision d'un médecin spécialiste
; d'autre part, non seulement des données fragmentaires, partielles et contradictoires circulent, mais
personne - pas même au niveau institutionnel - ne sait, par exemple, combien de médicaments sont
utilisés et à quelles doses. En fait, la gestion de la santé est souvent entourée de mystère : elle ne
produit pas de chiffres, elle ne produit pas d'informations, imposant une chape de silence.

Les centres de rapatriement au début de la pandémie

Entre la fin du mois de février et le début du mois de mars 2020, la première vague importante du
Coronavirus est survenue, notamment dans le nord de l'Italie. Le 31 janvier déjà, le Premier
ministre Giuseppe Conte avait proclamé l'état d'urgence sanitaire, imposant un verrouillage quasi
total du territoire à partir du 9 mars. Les décrets-lois publiés à cette époque ont introduit
l'interdiction de toute forme de rassemblement dans les lieux publics et imposé la distanciation
sociale et physique comme seul moyen de contenir le risque de contagion. Mais si l'attention des
médias a été totalement focalisée sur le bien-fondé ou non des mesures prises pour prévenir la
contagion du Covid-19, aucune décision politique ou déclaration publique n'a été prise sur les lieux
de détention administrative sur le territoire italien. Des lieux dans lesquels, manifestement, toutes
les directives en matière de santé ne pouvaient pas être appliquées. Dans le silence habituel, les
détenus sont totalement ignorés et, comme toujours, ne sont pas considérés de la même manière que
les personnes en "liberté". La présence ou le fonctionnement des Centres de Permanence pour le
Rapatriement n'ont jamais été remis en cause, malgré la situation de pandémie. Fin mars, les
voyages aériens et maritimes avaient été suspendus, bien qu'il n'y ait eu aucune déclaration
officielle concernant le blocage des retours par les autorités compétentes. Au contraire, pendant
toute la période de la pandémie, sept CPR sont restés ouverts et opérationnels : Ponte Galeria
(Rome), Corso Brunelleschi (Turin), Macomer (Nuoro), Gradisca d'Isonzo (Gorizia), Restinco
(Brindisi), Palese (Bari) et Via Corelli (Milan). La situation est apparue encore plus grave compte
tenu de l'interruption des auditions des demandeurs d'asile ordonnée par la Commission nationale15
et de la suspension, déjà mentionnée, par de nombreux pays du trafic aérien en provenance d'Italie,
ce qui a rendu impossible les expulsions (de nombreux pays tels que le Maroc, la Tunisie, le Ghana
et l'Égypte, ayant tardé à activer le blocus total, ont initialement reçu les personnes expulsées mais
les ont contraintes à une quarantaine préventive)16. En ce qui concerne le CPR de Turin, en février

15https://www.interno.gov.it/sites/default/files/allegati/decreto_2.4.2020_commissione_nazionale_asilo_covid19.pdf
16 https://macerie.org/index.php/2020/04/01/di-virus-contenimento-e-deportazioni-un-punto-sui-cpr/
2020, il comptait le plus grand nombre de personnes détenues sur le territoire italien, soit 103.
Comme l'a confirmé le Garant national des droits des personnes privées de liberté, c'est également
l'établissement qui a accueilli le plus grand nombre de personnes emprisonnées pendant la
pandémie17. Le nombre d'entrées n'a jamais cessé : non seulement des personnes arrêtées lors de
descentes de police dans les rues de Turin, mais aussi des entrées de personnes provenant d'autres
régions18. Par exemple, à la suite d'une descente de police à Bolzano, dans la nuit du 17 mars,
certains sans-abri ont été transférés en partie au CPR de Gradisca d'Isonzo, mais certains sont
arrivés au CPR de Corso Brunelleschi. Il est important de souligner que, grâce aux émeutes des
mois précédents qui avaient détruit une grande partie du Centre19, les zones en fonction à la fin du
mois de février n'étaient que 2 ; ce fait a rendu encore plus élevée la possibilité de contagion à
l'intérieur de la structure.
En ce qui concerne les personnes libérées pendant le confinement, le garant a déclaré que seuls les
détenus qui avaient atteint la période maximale de détention - 180 jours - seraient libérés du CPR
avec l'obligation de quitté le territoire italien.
Si, toutefois, avant même le déclenchement de la pandémie, les CPR étaient dans de très mauvaises
conditions, la propagation du virus n'a fait qu'exacerber des situations telles que le manque
d'hygiène, le manque de soins et la surpopulation. Face à une situation dramatique, ce qui a été fait
ou envisagé n'a même pas abordé une réelle protection contre le virus Covid-19. La peur de la
contagion et la certitude qu'elle pourrait conduire à de véritables massacres ont poussé de
nombreuses personnes à se rebeller avec courage et détermination : le 15 mars, dans le CPR du
Palazzo San Gervasio de Potenza, de nombreux détenus ont entamé une grève de la faim pendant
plusieurs semaines ; le 18 mars, à Ponte Galeria, les détenus de la section féminine ont organisé une
manifestation ; le 22 mars, à Gradisca d'Isonzo, une grève de la faim a duré quatre jours. Le 25
mars, le maire de Gradisca d'Isonzo a confirmé qu'une personne, amenée de Lombardie au CPR le
19 mars, a été testée positive au Covid19 et a été mise en isolement. Quelques jours plus tard, le 29
mars, des émeutes éclatèrent, détruisant et mettant le feu à plusieurs salles du Centre Friuli.

Mesures pour prévenir la propagation du Covid-19 dans les CPR


Ce qui a été fait au niveau institutionnel pour contenir les contagions

En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement pour contenir une hypothétique
17http://www.comune.torino.it/garantedetenuti/wp-content/uploads/2020/11/Es-CSP_A4-Tuttochiuso-singole.pdf
18 https://www.law.ox.ac.uk/sites/files/oxlaw/no_one_is_looking_at_us_anymore_1.pdf
19Dicembre: https://macerie.org/index.php/2019/12/16/gialla-viola-e-rossa/;
Gennaio: https://macerie.org/index.php/2020/01/05/nella-notte-3/; https://macerie.org/index.php/2020/01/08/cpr-cosi-
fan-tutti/; Febbraio: https://macerie.org/index.php/2020/02/20/quel-che-filtra/.
épidémie au sein des CPR, les quelques mesures prises par le ministère de l'Intérieur sont
concrétisées encirculaires adressées aux préfets et aux organismes gestionnaires20 . Celles-ci invitent
simplement les personnes qui gèrent les centres à prendre, respecter ou augmenter les mesures
d'hygiène et de salubrité pour éviter la propagation du virus Covid-19. Il est donc nécessaire d'éviter
les rassemblements, de distribuer des équipements de protection individuelle, d'assainir les zones
des centres, de préparer des zones d'isolement sanitaire, de distribuer des informations spécifiques
sur les mesures sanitaires également par le biais de médiateurs culturels.
Si l'État s'est limité à des prescriptions peu nombreuses et inadéquates, conformes à celles données
dans les différents décrets ministériels adressés à toute la nation, l'organisme gestionnaire du CPR
de Turin GEPSA déclare avoir mis en œuvre les prescriptions suivantes :

• 1. Les nouvelles personnes qui entrent doivent subir un examen médical et être isolées
pendant 14 jours dans l'Ospedaletto, qui a une capacité maximale de 12 places dans des
chambres de détention individuelles ;
• 2. Les espaces doivent être assainis quotidiennement par l'entreprise de nettoyage qui opère
dans le CPR et tous les 15 jours, il faut remplacer le filtre de la climatisation ;
• 3. Augmentation du nombre de kits d'hygiène personnelle et distribution de masques en
coton lavables conformes aux normes, à porter dans les zones communes (les désinfectants
pour les mains n'ont pas été fournis dans les zones de détention pour des raisons de sécurité,
afin d'éviter que les détenus n'ingèrent leur contenu dans un geste d'automutilation) ;
• 4. Les opérateurs travaillant dans le Centre sont munis de l'équipement ministériel (masque,
visière de protection, gants, chaussures de sécurité) ;
• 5. Des informations sur les urgences sanitaires et les équipements de protection individuelle
ont été fournies par la distribution de dépliants et d'annonces diffusées deux fois par jour
dans les zones de détention. Les dépliants et les annonces ont été traduits en arabe, français,
anglais et espagnol ;
• 6. La correspondance avec l'extérieur doit être garantie par l'utilisation de cabines
téléphoniques placés à l'intérieur de chaque zone - à l'exception de l'Ospedaletto - et il est
prévu le renforcement du service postal ;
• 7. Pendant la période de confinement, un système audiovisuel a été installé dans une pièce
spéciale et isolée afin d'effectuer des entretiens visuels avec les membres de la famille. Ces
entretiens ne sont accordés qu'en cas d'extrême nécessité ; au cours des mois d'enfermement,
et en particulier depuis la mi-mars, même les audiences de validation et de prolongation,
20 Circolare 5587 del 5\03\20; Circolare 5897 del 10\03\20; Circolare del 3393 del 18\03\20; Circolare 3567 del
26\03\20; Circolare 3728 del 01\04\20.
ainsi que les entretiens spécifiques avec les psychologues, les médiateurs culturels, les
opérateurs juridiques du CPR, ont été réalisés de cette manière ;
• 8. La socialité au sein du centre est limitée. Par exemple, il n'y a pas de matchs de football
entre les détenus des différentes zones ; le terrain de football est utilisé à tour de rôle par les
détenus de la même zone.

Le Garant des personnes privées de liberté de la Municipalité de Turin, qui a effectué trois visites à
l'intérieur des murs du CPR, le 25 mai, le 9 juillet et le 15 juillet 2020, a confirmé la mise en place
des points susmentionnés. La confirmation provient de la "Recherche sur la gestion de l'urgence
sanitaire à l'intérieur du Centre de Permanence pour le Rapatriement (CPR) Brunelleschi de
Turin", promue par le même Garant21. La collecte des données et l'élaboration du texte final ont été
réalisées en collaboration avec le International University College de Turin (IUC) et certains
étudiants de la Human Rights and Migration Law Clinic (Clinique des droits de l'homme et du droit
des migrations) qui aurait relatés la situation. Cependant, ce récit s'avère en totale contradiction
avec ce que racontent les détenus.

La gestion sanitaire du CPR de Turin pendant la pandémie

Comment l'urgence sanitaire a été réellement gérée

D'après les informations reçues des détenus pendant la période de pandémie, nous savons que la
réalité était très différente : à l'intérieur du CPR de Corso Brunelleschi, les mesures n'ont été
appliquées que de manière sporadique et certainement après la mi-avril. Malgré les déclarations
faites par la direction du Centre et recueillies dans ces rapports, les détenus affirment, tout d'abord,
que les premiers masques jetables n'ont été fournis que le 17/04/2020, soit plus d'un mois après la
diffusion de la circulaire et en pleine pandémie, alors que 86 personnes étaient détenues dans
seulement 3 zones.
Dans les rapports produits par le Garant de Turin, le public reçoit des données filtrées par la
préfecture de police, comme, par exemple, le nombre total d'admissions - mais pas le nombre
d'expulsions - sans donner plus d'informations sur la répartition des personnes dans les quelques
zones accessibles, en omettant que dans les chambres à sept lits était obligé de s'entasser quinze
personnes. Les détenus ont confirmé à plusieurs reprises qu'après la livraison des premiers masques,
il n'y a pas eu de remplacement, ce qui les a obligés à utiliser le même masque pendant toute la
21 http://www.comune.torino.it/garantedetenuti/wp-content/uploads/2020/11/Es-CSP_A4-Tuttochiuso-singole.pdf
durée de leur détention.

"Les masques nous ont été donnés le dix-sept du quatre. Le 17 avril. Et c'est tout, sans les
changer. Ils nous les ont donnés le dix-sept avril de l'année deux mille vingt et sans l'alcool pour les
mains, qui est prévu par la loi, nous n'avons jamais vu cela ici non plus".

"Je suis dans le centre de déportation de Turin. Je n'appelle pas ça un centre de déportation
mais un camp de concentration car ils nous traitent comme des animaux. Les gens sont désespérés.
Il y a des gens qui sont dans une situation telle que si vous la voyez, vous avez envie de pleurer.
Moi, par exemple, quand je suis entré, ils m'ont laissé vingt-quatre heures dans le froid pour
m'accueillir. Lorsque vous entrez, ils vous donnent un masque jetable et vous devez l'utiliser
pendant tout votre séjour dans le centre d'expulsion".

Les témoignages montrent souvent qu'en plus de l'absence de remplacement des équipements de
protection individuelle, il n'y avait pas d'assainissement adéquat des locaux et des téléphones
publics, seul moyen d'avoir un contact avec l'extérieur. En outre, depuis le début de la pandémie, le
personnel du Centre, pourtant en contact permanent avec le monde extérieur, était souvent dépourvu
de protection adéquate, au moins pendant les deux premiers mois. En outre, pendant cette période,
une diminution des services d'assistance médicale fournis dans le CPR22 a été signalée.
Au moment de l'entrée, les détenus, qui n'avaient pas été testés à l'extérieur, ont été soumis à un
examen de santé général et placés en isolement préventif pendant 7 jours, et non 14 comme l'ont
déclaré le garant et la direction du centre. Ils ont ensuite été placés en isolement dans la section
appelée Ospedaletto, qui est divisée en petites chambres individuelles et a une capacité maximale de
12 places. Depuis juin, cependant, les détenus ont été conduits directement dans les zones sans être
soumis à un quelconque isolement préventif.

Dans les derniers mois de 2020, le CPR de Turin semble anticiper de nouvelles dynamiques en
termes de détention administrative : ces nouvelles dynamiques reflètent en partie la volonté des
accords entre l'Union européenne et la Tunisie conclus en août23 et, en même temps, consolident un
discours politique qui propose pour la énième fois des temps de détention plus courts et des retours
plus rapides. Un élément de nouveauté et d'exemplarité de la gestion des nouveaux arrivants est
représenté par la zone Viola, l'une des six zones de détention qui composent le CPR de Corso
22https://borderlandscapes.law.ox.ac.uk/sites/default/files/2020-06/CPR%20Torino%20and%20Covid
%20%2812%20March%20%E2%80%93%2027%20April%202020%29%20%28CILD%29.pdf
23Sur les accord avec la Tunisie sont fait quelques réflexions dans Raisonnement et Conclusions
Brunelleschi. La zone Viola avait été entièrement détruite par les émeutes des détenus qui ont eu
lieu entre décembre 2019 et février 2020 et a été rendue à nouveau accessible en novembre. À
l'intérieur, des personnes provenant d'autres régions, de "navires de quarantaine" ou des hot-spot
étaient déchargées comme s'il s'agissait de marchandises et mises en isolement à l'intérieur de la
zone pendant plusieurs jours, sans pouvoir entrer en contact avec les détenus des autres zones, sans
pouvoir parler ou rencontrer les avocats, sans pouvoir recevoir de vêtements ou de protection
individuelle et surtout sans pouvoir recevoir le moindre soins. Les personnes arrivées pendant cette
période n'ont jamais subi d'examen médical au moment de l'entrée, ce qui évitait de devoir émettre
des hypothétique conditions d'incompatibilité avec l'emprisonnement. Selon les témoignages de
personnes qui se trouvaient dans les zones voisines et qui ont réussi à communiquer avec les
hommes à l'intérieur de la zone de Viola, deux fois par semaine, des groupes de dizaines de
personnes étaient emmenés de force par les gardes pendant la nuit, pour être chargés dans deux bus
et transférés vers un aéroport pour être déportés. Les jours précédents, les personnes qui devaient
être déportées ont été emmenées dans une pièce où elles ont été battues, immobilisées par les gardes
et finalement forcées, sous la torture, à se faire tester afin de permettre leur rapatriement. Les
prélèvements n'ont jamais été effectués, sauf après l'été et de manière forcée, dans le seul but de
rapatrier ceux qui pouvaient être expulsés. En novembre 2020, une personne emprisonnée dans la
zone blanche a raconté par téléphone un autre abus que les personnes emprisonnées subissaient pour
être expulsées :

"Ils font des prélèvements sur les autres gars, toujours dans la zone violette. Oui, comme
d'habitude, ceux qui veulent faire le prélèvement le font, ceux qui ne veulent pas le faire doivent le
faire de force ! Ils sont battus, ils ont la corde au cou, vous comprenez ? Ils les emmènent dans une
pièce vide, les font tournés comme des loups et leur disent de faire un test. Si vous ne faites pas le
prélèvement, ils commencent à crier, à terroriser, vous comprenez ? Et puis si ça ne se passe pas
comme ça, ils le prennent de force, ils le mettent au mur avec leurs mains dans à la gorge, et ils
tournent leurs bras dans son dos, et ils lui font faire le test de force".

Dans le CPR, l'exécution d'une procédure médicale est transformée en un nouvel acte de torture.

Entretiens et visites de parents

Du point de vue de la communication avec l'extérieur, la situation, qui était déjà grave avant la
pandémie, n'a fait que s'aggraver. Les téléphones personnels, qui ont toujours été autorisés à
l'intérieur de l'établissement, ont été saisis début 2020 à titre de punition et de répercussion suite à
une période d'émeutes survenues à l'automne/hiver 201924. Depuis lors, les gens n'ont pu
communiquer avec le monde extérieur que par le biais de cabines téléphoniques installées à
l'intérieur de chaque zone. Alors que GEPSA prétend avoir donné aux gens la possibilité de
consulter leurs annuaires téléphoniques pour accéder à leurs contacts, ce fait a été largement
démenti par les personnes qui ont été emprisonnées et par leurs avocats. Quant aux cabines
téléphoniques qui devraient être actives dans les zones, les avocats ont déclaré qu'ils n'ont pu
joindre que le téléphone de la zone bleue, tandis qu'ils ne connaissaient pas le numéro des autres
téléphones ni leur existence réelle. Depuis le mois de mars et pendant toute la période
d'enfermement, les visites des membres de la famille ont été complètement suspendues. En outre, la
direction, pour pallier l'impossibilité de réaliser les entretiens avec les membres de sa famille, a
installé un système audio-visuel dans une pièce spéciale isolée. Il est regrettable que pendant toute
la période d'isolement, il n'ait été autorisé à parler par appel vidéo qu'une seule fois. En outre,
pendant cette période, le courrier a subi de sérieux retards et les lettres sont arrivées à destination
des semaines après la date prévue.
Depuis le mois d'avril, les audiences de validation et de prolongation, ainsi que les entretiens
spécifiques avec les psychologues, les médiateurs culturels et les opérateurs juridiques du Centre,
sont réalisés par voie électronique. Les avocats interrogés se sont souvent plaints de la mauvaise
qualité de la connexion et de l'audio, rendant difficile une bonne compréhension mutuelle,
notamment entre le juge et le détenu, et rendant parfois le procès-verbal de l'audience approximatif.
Cela a souvent conduit les avocats à se rendre en personne dans l'établissement afin de parler avec
leurs clients, mais même dans ce cas, la réservation de la visite a été difficile et au risque d'une
interruption totalement arbitraire par la direction.
Ce contexte a contraint les personnes détenues dans les CPR à un isolement encore plus grand par
rapport au reste du monde, rendant les conditions des Centres de plus en plus brutales.

Le cadre juridique

Bien que nous ne croyions pas à la liberté érigée par des lois et des directives que nous considérons
comme défenderesses d'un ordre capitaliste, raciste et classiste, nous estimons qu'il est important
d'élaborer un cadre juridique minimum, en soulignant comment l'État se contredit et se nie lui-
24 https://macerie.org/index.php/2020/01/14/gli-aguzzini-si-vendicano/
même en violant les lois qu'il promulgue lui même.
Selon les lois italiennes et européennes, la détention administrative est légitime dans la mesure où
elle vise le rapatriement ; si celui-ci n'est pas possible, toute détention doit être considérée comme
illégitime et l'emprisonnement lui-même n'a aucune base légale lorsque la mobilité internationale
est effectivement suspendue. L'article 15, paragraphe 4, de la directive "retour" 115/2008/CE de
l'UE dispose que "lorsqu'il apparaît qu'il n'y a plus de perspective raisonnable d'éloignement [...],
la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est libérée immédiatement "25. La même
directive "retour" continue d'orienter les États vers des mesures alternatives à la détention, en
prenant des mesures telles que : a) la remise du passeport ou d'un autre document équivalent en
vigueur, à restituer au moment du départ ; b) l'obligation de rester dans un lieu préalablement
identifié, où la personne contrainte au retour peut être facilement retrouvée ; c) l'obligation de se
présenter, à jours et heures fixes, à un bureau compétent des forces de police.

Après ce bref tableau, certaines considérations surgissent spontanément :


1) Aucune libération à Turin n'a eu lieu sur la base d'un manque de légitimité déclaré de la
détention administrative. Comme écrit précédemment, les libérations du CPR de Corso
Brunelleschi ont eu lieu après le maximum de jours de détention atteint et avec un ordre
d'expulsion du territoire italien dans les 7 jours. Dans un moment où les frontières sont
fermées, la mobilité est limitée et, à l'extérieur, on professe qu'il faut rester chez soi comme
seule véritable protection contre un virus extrêmement contagieux. L'ordre d'expulsion est
une mesure approximative et grotesque, qui fait facilement entrer les personnes sans
domicile fixe dans le cercle de la détention administrative en cas de non-expatriation dans le
délai imparti.
2) A Turin, l'illégitimité de la détention n'a pas du tout touché certains juges de cour, qui ont
même prolongé le séjour dans les CPR pour certains détenus qui avaient terminé la période
de 180 jours de détention.
3) L'État n'a même pas envisagé de mesures alternatives à la détention : outre le fait qu'elles
sont absolument marginales dans la gestion des flux migratoires, elles continuent à être un
élément fondamental d'un système de gestion migratoire pourri, coercitif, raciste et
colonialiste et elles ne font rien d'autre que de consolider une nasse dont on ne peut
s'échapper. Ces mesures visent à contrôler les personnes et à limiter leurs déplacements,
dans le cadre d'un régime qui semble avoir un caractère de contrôle.
4) Les circulaires du Ministère de l'Intérieur du 18/03/2020 et du 1/04/2020 définissent la

25https://eur-lex.europa.eu/legal-content/IT/TXT/PDF/?
prolongation de la détention dans les CPR - et les centres d'accueil - comme une forme de
protection contre l'infection Covid-19, puisqu'elle évite les déplacements inutiles. La
détention est donc considérée comme utile pour la santé des personnes détenues, en
contradiction avec l'illégitimité prônée par l'article 15.

Raisonnement et conclusions

Les pages précédentes tentent de raconter la situation sanitaire réelle à l'intérieur du CPR de Corso
Brunelleschi. Les témoignages des détenus nous parlent non seulement de l'impossibilité de
recevoir des soins adaptés à leurs besoins, mais aussi de moqueries, d'humiliations et de
harcèlement. De ceux qui sont traités de manière inhumaines et qui en subissent les répercussions, à
ceux qui ne peuvent rien recevoir d'autre qu'un Doliprane. Le cas des soins à l'intérieur des centres
de rapatriement n'indique pas seulement une négligence médicale, une négligence des problèmes de
santé, mais plutôt un élément de contrôle des corps des personnes emprisonnées. Le pouvoir de
décider comment et si l'on doit soigner, qu'il s'agisse d'administrer des psychotropes pour réprimer
toute forme de protestation ou de menacer une personne de ne pas la soigner si elle n'arrête pas sa
grève de la faim, devient clairement une domination et une discipline des corps et des volontés. Ces
dynamiques de contrôle se développent selon deux autres voies interconnectées : la première est la
falsification des rapports médicaux, qui pourrait permettre les expulsions en l'absence de situations
sanitaires inadaptées à l'expulsion ; la seconde est l'inaccessibilité même aux dossiers médicaux
certifiant l'état de santé des personnes emprisonnées. Dans ce monde totalement bureaucratisé, où la
possession de certains types de documents garantit la présence sur le territoire, la possession ou non
de ses propres rapports médicaux peut déterminer l'issue de sa demande d'asile ou de son recours.
Ce ne sont là que quelques-uns des facteurs qui contribuent à l'objectivation et à la déshumanisation
des détenus à travers la gestion des soins, en tant qu'éléments fondateurs d'un système qui organise
la mort des détenus au quotidien.

L'arrivée du virus Covid-19 n'a fait que consolider un manque total d'assistance sanitaire. Dans un
contexte sans précédent d'épidémie mondiale, les Centres Permanents pour le Rapatriement se sont
confirmés comme étant des lieux où l'État peut gérer la vie ou la mort à sa guise. Ses actions se sont
limitées à quelques mesures pas toujours réalisables, en pleine contradiction avec les conditions
structurelles des centres eux-mêmes. La même distance physique - l'une des plus importantes
mesures de prévention professées en dehors des murs du CPR - ne peut exister là où les détenus
sont entassés dans les rares et petites pièces disponibles. Alors que les préfets et les organismes
gestionnaires étaient invités à suivre des prescriptions sanitaires structurellement impossibles à
mettre en œuvre, le fonctionnement continu des centres et l'enfermement de ceux qui ne pouvaient
être effectivement rapatriés n'ont pas été remis en question. Au contraire, les circulaires du ministère
de l'Intérieur du 18/03/2020 et du 1/04/2020 recommandaient la prolongation de la détention dans
les CPR et les centres d'accueil, car la limitation des mouvements aurait représenté une forme de
protection contre les contagions. Comme si dans la chaire des personnes emprisonnées se jouait le
jeu de la prévention de la contagion sur tout le territoire italien. Pas seulement des boucs émissaires
de l'urgence, mais des corps vivants sur lesquels l'État exerce une violence quotidienne ; encore plus
avec la prétention de penser que la gestion de la contagion peut être administrée par la privation de
liberté, dans des lieux insalubres et peu sûrs où même les mesures de sécurité de base ne sont pas
mises en œuvre. La sécurité que l'on qualifie ici de sanitaire devient en réalité synonyme de gestion
de l'ordre public : que des données à administrer, des contagions à dénombrer et à contenir, des
rapatriements à effectuer. La prolongation de la détention est considérée comme légitime car
l'urgence sanitaire consolide et justifie les politiques de sécurité.
Rappelons également que pendant la période de la pandémie, les hot-spots et les centres de premier
accueil situés dans la partie sud de la péninsule étaient également saturés et surpeuplés en raison des
nombreux débarquements. Cette situation a motivé un nouvel autre élément, légitimé par la période
d'urgence sanitaire, à savoir l'introduction1, en avril 202026, d'une nouvelle forme de détention
administrative : les "navires de quarantaine" ou "prisons flottantes", réquisitionnés par l'État italien
contre un paiement important aux compagnies maritimes, utilisés pour enfermer des centaines de
personnes qui se déplaçaient également en raison de la situation d'urgence liée au Covid19. Les
"navires de quarantaine" sont devenus la première frontière, le lieu où ont eu lieu les premières
identifications et, par conséquent, les premiers rejets sur le territoire européen27.
Des centaines de personnes ont été transférées des " navires de quarantaine " ou des hot-spots
directement dans les CPR situés sur le territoire national et destinés à devenir des " structures à
portes tournantes ", comme les a définies la ministre de l'Intérieur Luciana Lamorgese3, sans
aucune possibilité d'accès aux procédures de protection internationale. La tentative est clairement de
26http://www.protezionecivile.gov.it/amministrazione-trasparente/provvedimenti/dettaglio/-/asset_publisher/default/
content/decreto-del-capo-dipartimento-n-1287-del-12-aprile-2020-nomina-del-soggetto-attuatore-per-le-attivita-
emergenziali-connesse-all-assistenza-e-alla-sorv; https://www.asgi.it/asilo-e-protezione-internazionale/diritti-in-rotta-le-
navi-quarantena-tra-rischi-e-criticita/.
27 Pour plus d'infos sur les “navir de quarentaine” e hot-spot: https://macerie.org/index.php/2020/02/23/il-sistema-dei-
punti-di-crisi-gli-hotspot/; https://macerie.org/index.php/2020/10/22/le-navi-quarantena-e-lo-sviluppo-di-un-nuovo-
dispositivo-detentivo/.
rendre le plus efficace possible le système de détention-déportation, en accélérant les procédures
d'identification et d'expulsion. Cette volonté s'est clairement exprimée au cours de l'été 2020,
lorsque les ministres Lamorgese28 et di Maio ont rencontré le président Kais Saied et ont signé un
pacte qui, en plus d'allouer 11 millions d'euros à la Tunisie pour renforcer le contrôle de ses
frontières maritimes, a déterminé la préparation de 2 vols charter par semaine à partir du mois
d'août, chacun avec un maximum de 40 personnes à bord, pour un total de 80 rapatriements par
semaine29. En octobre, après les demandes de la Farnesina d'augmenter et d'accélérer les procédures
de retour, les vols charter ont été portés à 3, pour un total de 120 retours par semaine. Les données
rapportées montrent le recours systématique aux vols charters vers la Tunisie, qui ont parfois
quadruplé30 . Pendant la pandémie, des centaines de personnes ont donc été traitées comme des
marchandises, débarquées à des milliers de kilomètres pour être rapatriées au plus vite après
quelques jours de détention. Des personnes qui, depuis leur arrivée en Italie, n'ont vu que des
prisons, des cages et des gardes. C'est précisément pour cette raison que, pendant la période de la
pandémie, une longue série de protestations et d'émeutes ont éclaté dans les lieux de détention sur le
territoire italien, également en raison des conditions brutales et injustes dans lesquelles ils étaient
forcés de vivre. Dans les prisons, c'est le courage des détenus qui a fait bouger les choses. En mars,
en effet, ils se sont révoltés et ont détruit de nombreuses prisons, un fait qui a eu une résonance
médiatique considérable31. Même dans les CPR, malgré la tentative de l'État de cacher les situations
et malgré le peu d'informations auxquelles les détenus avaient accès en raison de l'absence de
communication avec l'extérieur, elles ont donné lieu à une série de protestations et d'émeutes qui ont
impliqué toute l'Italie.

Qui est responsable ?

Comme cela a été dit à plusieurs reprises dans cette brochure, nous croyons fermement que ce
système n'est pas seulement composé de personnes opprimées, mais aussi de personnes

28https://www.interno.gov.it/it/stampa-e-comunicazione/interventi-e-interviste/mio-piano-migranti-entrera-permesso-
chi-viene-lavorare
29https://www.repubblica.it/cronaca/2020/08/17/news/
immigrazione_lamorgese_e_di_maio_in_tunisia_con_loro_anche_l_ue-264809620/
30 https://inlimine.asgi.it/molti-rimpatri-poche-garanzie-unanalisi-dei-dati-sui-rimpatri-dei-cittadini-tunisini-degli-
ultimi-mesi/#_ftn4; https://www.interno.gov.it/it/notizie/rimpatri-tunisia-ripresi-i-voli-charter-bisettimanali-dal-10-
agosto-40-tunisini-trasferimento
31 Sulle rivolte di marzo 2020 nelle carceri italiane vedi: https://ilrovescio.info/2020/12/09/a-nove-mesi-dalla-strage-di-
stato-nelle-carceri/?fbclid=IwAR1uAuVHfnuteYtpKdTE76oRTtledAAXTIPPnQgAIHJ5IXJco8LpYwxuGsY;
https://www.inventati.org/rete_evasioni/?p=3834&fbclid=IwAR1BiLZMA6RzffadcOm6m-5aSR1FvBo-
YSXFQ4XDLqsbV2TXwExZoK56imw.
responsables. Il s'agit d'un système composite de gestion et de détention des sans-papiers, alimenté
par les politiques d'immigration des Etats, mais aussi par les comportements individuels qui
contribuent quotidiennement à consolider les mécanismes racistes et classistes. En bref, chaque
rouage qui permet à cette machine de fonctionner en est responsable.
Dans un monde où il est de plus en plus difficile d'identifier les responsabilités, de donner un nom
et un prénom aux rôles, souvent délibérément anonymes, de ceux qui collaborent à tous les niveaux
de la détention et de l'emprisonnement et d'expulsion (à commencer par le directeur du Centre,
engagé par la société française GEPSA, sur lequel nous ne trouvons aucune information), nous
croyons fermement qu'il est important d'identifier les individus ou les sociétés qu'ils représentent,
qui non seulement collaborent avec la machine à expulser, mais tirent également des profits de cette
machine.
Ce que l'on sait32 : En septembre 2015, la préfecture de Turin a présenté un appel d'offres pour la
gestion du Cpr du Corso Brunelleschi, remporté par la multinationale GEPSA (Gestion
etablissements pénitenciers services auxiliaires) et l'association culturelle Acuarinto d'Agrigente.
GEPSA est active depuis près de trente ans dans la gestion des prisons et des centres de rétention
administrative en France - actuellement, elle est censée gérer 16 prisons et 10 centres de rétention -
et est dirigée par Cofely Italia, une multinationale de l'énergie ; cette dernière est contenue dans le
groupe Gdf-Suez, qui a annoncé en avril 2015 un changement de nom, de GDF Suez à ENGIE
S.p.a., également active en Italie sur le marché de l'énergie. Cette dernière s'avère donc être la
"société mère" de GEPSA. Acuarinto est au contraire une entreprise qui opère dans le secteur de
l'accueil depuis une vingtaine d'années et qui a géré - toujours en collaboration avec GEPSA - le
CPR de Ponte Galeria à Rome. Dans la constellation des entreprises impliquées (certainement dans
le passé) dans le business des expulsions, on trouve aussi la Croix-Rouge italienne - qui a géré le
CPR de Turin de 1999, année de la construction de la structure suite à la loi Turco-Napolitano, en
2015 - des coopératives blanches et rouges comme Connecting People et Auxilium, et des
organismes religieux comme la Miséricorde.
En outre, nous savons du site web de la Préfecture - Bureau territorial du Gouvernement de Turin
qu'en 2019 il y a eu une procédure ouverte concernant l'attribution de l'appel d'offres pour la
FOURNITURE DE BIENS ET SERVICES POUR LE FONCTIONNEMENT DU CPR du montant
de 604 8605 euros, dont la somme liquidée consistait en 2030549,81. GEPSA s.a. figure clairement
parmi les adjudicataires, tandis que parmi les autres participants figurent VERSOPROBO
SOCIETA' COOPERATIVA SOCIALE, qui, avec Cooperativa Luna s.c.s., a remporté l'appel
32 https://www.autistici.org/distrozione/wp-content/uploads/2017/05/i-CIEli-Bruciano2.pdf;
https://leorugens.wordpress.com/2018/09/05/perche-i-francesi-della-gepsa-cofely-gdf-suez-gestiscono-alcuni-centri-
daccoglienza-italiani-da-gradisca-alla-calabria/.
d'offres pour la gestion du CPR de via Corelli à Milan, et EDECO COOPERATIVA SOCIALE
ONLUS, la coopérative de Padoue qui gère actuellement le CPR de Gradisca d'Isonzo33.
De ces petites attentions que nous portons aux institutions, entreprises et associations qui gèrent les
lieux de détention administrative, il ressort clairement qui est principalement impliqué dans le
business des expulsions, et qui profite des expulsions, des coups et même, parfois, des émeutes.
Non seulement à Turin, mais aussi à Milan et à Gradisca d'Isonzo.
Ainsi, l'effort pour donner un vrai visage à l'ennemi, à ceux qui collaborent à tous les niveaux de la
détention et de l'expulsion - de ceux qui construisent les centres à ceux qui les réparent, de ceux qui
apportent la nourriture à ceux qui lavent les draps, de ceux qui profitent des transferts internes et des
déportations - n'est que la plus petite partie d'une lutte, celle contre les CPR, qui se poursuit depuis
l'année de leur création : 1998.
En ce qui concerne les problèmes sanitaires, l'objet principal de cette brochure, il semble juste de
rapporter certains des noms de personnes qui, chaque jour, participent activement aux abus et au
harcèlement que subissent les personnes dans le CPR du Corso Brunelleschi :
Le médecin responsable du service sanitaire du Centre : Fulvio PITANTI, 82 ans, à dans l'un des
nombreux procès liés aux émeutes au sein de la structure, eu le courage de définir le service
sanitaire du CPR "une clinique de première ligne", ainsi que d'admettre que dans le CPR "les
médicaments psychotropes sont utilisés par litres "34.
Dr. Enrico DONEGANI, chirurgien cardiaque à l'hôpital Maggiore de Novara. Il a effectué
plusieurs missions pour Emergency dans différents pays africains. Il a également été engagé comme
médecin au sein de la structure.
Il est important de signaler, en outre, les noms et les prénoms de ceux qui se cachent allègrement
derrière le manque de travail et l'absence de services sanitaires minimums au sein du Centre, c'est-à-
dire les personnes qui composent la Direction Générale de l'ASL de la "Ville de Turin" :

DIRECTEUR GÉNÉRAL : Dr. Carlo PICCO

DIRECTEUR ADMINISTRATIF : dott.ssa Eva COLOMBO

DIRECTEUR DE LA SANTÉ : Dr. Stefano TARAGLIO


33https://hurriya.noblogs.org/post/2020/01/27/vercelli-8-febbraio-presidio-contro-i-cpr-sotto-la-sede-di-versoprobo/ ;
https://www.difesapopolo.it/Media/OpenMagazine/Il-giornale-della-settimana/ARTICOLI-IN-ARRIVO/Migranti-la-
vita-ad-alta-tensione-nel-Cpr-di-via-Corelli-di-Milano;
https://hurriya.noblogs.org/post/2019/12/15/centri-di-espulsione-rivolta-a-torino-apertura-a-gradisca-disonzo-e-rinvio-
a-macomer/
34 http://www.ristretti.org/index.php?option=com_content&view=article&id=83700:torino-qpsicofarmaci-a-litri-ai-
migranti-del-cprq-la-testimonianza-di-un-medico&catid=220:le-notizie-di-ristretti&Itemid=1
En outre, le 13/02/2021 un nouveau protocole d'accord est partagé, intitulé Convention entre ASL
Città di Torino, Prefettura di Torino et GEPSA s.a. pour le contrôle épidémiologique COVID-19
des migrants détenus au CPR de Torino35, avec une dépense prévue de 0 euro. En effet, une équipe
de médecins volontaires constituée par l'Ordre se chargera de l’assistance sanitaire pendant les
heures où les médecins de l'établissement ne sont pas présents, et apportera sa collaboration à une
série d'activités : administration de médicaments et de thérapies, vaccinations, prélèvements
sanguins, collecte d'antécédents médicaux détaillés, aide à la constitution et à la mise à jour des
dossiers médicaux, traduction de la documentation sanitaire étrangère en collaboration avec des
médiateurs culturels, préparation de formulaires de sortie pour les hôtes présentant des problèmes
de santé incompatibles avec la vie collective et des indications de traitement. Ce protocole d'accord,
d'une part, atteste de l'état de mauvaise gestion de l’assistance sanitaire au sein de l'établissement,
au point d'obliger l'Ordre des médecins à mettre en place une équipe de médecins bénévoles pour
pallier les carences et les lacunes structurelles des soins médicaux du Centre ; d'autre part, il vise à
reconsidérer les accords antérieurs et la responsabilité réelle de l'ASL au sein du CPR.

Témoignages de personnes détenues au CPR de Corso Brunelleschi

Juin 2020

"La situation est dramatique. Il n'y a pas de soins, la nourriture est mauvaise, c'est le plus
important. Les gens ici n'ont pas commis de crimes à l'extérieur. Si vous n'avez pas de permis de
séjour, vous pouvez me faire venir ici gratuitement pendant six mois. C'est la troisième fois qu'ils
m'amènent ici".

"Comment tu vas ? Je ne sais même pas ce que tu vas. Vous devez faire six mois ici, sans
crime, sans avoir commis de crime. Si vous prenez une demi-année de ma vie, ce n'est pas facile."

"Je me sens mal, je dois payer six mois sans raison. Et j'ai quatre enfants, j'ai dit au juge. Ce
sont tous des mineurs sans père. Je me sens mal, j'ai envie de pleurer quand j'y pense."
35 http://trasparenza.aslcittaditorino.it/TOAmministrazioneTrasparente/SeriesItem.aspx?IdSeriesItem=18378;https://
omceo-to.it/wp-content/uploads/2021/03/Progetto_Medici_Volontari_CPR_Prot_3242-1.pdf
"Ici c'est trop difficile, ici on fait six mois comme on fait vingt ans de prison. Pire que la
prison, cent fois pire."

"Tu fais gardien de parking parce que je ne veux pas voler, je ne veux pas vendre de la
drogue, je ne veux pas faire des choses que je regretterai plus tard. J'ai choisi. C'est mieux si je vais
gagner vingt euros, ou au maximum trente euros, je mange à Caritas, je dors au dortoir, mais...
tranquille à l'intérieur, quand je pose ma tête sur l'oreiller je dors. Ils ne veulent pas de ça ! Au
contraire, ils disent : " As-tu choisi cette voie ? Viens ici !" Six mois gratuits et quand tu sors, tu fais
ce que tu penses. Mais quand je sors sans famille, sans rien, que dois-je faire ?"

"Il y a un psychologue. Je lui ai parlé, mais comment le psychologue t'aide-t-il ? Le


psychologue, c'est juste pour se défouler : tam tam tam tam et puis bye bye ! Mais personne ne
t'aide ici, mon frère. Vous n'avez pas de famille ici. Personne ne se soucie de rien du tout !"

Novembre 2020

"A présent, je ne me soucie plus de rien, au contraire. Ces enfants qui viennent de Tunisie et
se retrouvent ici sans avoir commis de crime, ils les traitent comme des animaux. La nourriture ici
est vraiment mauvaise, si vous la donnez à un animal, il ne la mangera pas. Malheureusement, nous
sommes parmi les flics ici, qu'allez-vous faire ?"

"Même le téléphone, pourquoi ne le laissent-ils pas entrer ? Ici, ils te donnent deux euros
cinquante par jour, après deux jours tu as soit un paquet de cigarettes parce que évidemment si tu es
fumeur tu dois fumer, non ? Ou après deux jours, ils vous donnent une carte pour appeler votre
famille. Donc soit ils vous donnent un paquet de cigarettes, soit ils vous donnent une carte et si je
veux fumer, je n'appelle pas la famille. Si je veux appeler la famille, je ne peux pas fumer."

"C'est plein. Il y a des gens qui dorment dans la cafétéria où ils doivent normalement
manger. Sur le béton, sur le sol. Il n'y a pas de lit. Ils dorment dans la cantine parce qu'il n'y a pas de
place. Dieu merci, ils m'ont envoyé des draps de l'extérieur car il n'y a pas de draps ici. Ils vous
donnent un matelas en mousse et c'est tout."

"C'est hallucinant ! Les scènes qui se passent ici sont vraiment exagérées. C'est pourquoi ils
ne laissent entrer personne de l'extérieur. Certaines personnes sont en grève, elles n'ont pas mangé
depuis plus de quinze jours, d'autres se sont fait recoudre la bouche ! Pire encore, l'autre fois, un
type s'est ouvert les veines et on ne l'a pas emmené aux urgences. Et pendant qu'il se coupait, ils
riaient parce qu'ils n'en ont rien à faire. Il y a deux jours, un garçon est devenu vraiment fou, il
courait partout nu et criait par ce temps froid. Pendant deux jours, ils l'ont laissé là, sans dormir.
Alors tu sais ce qu'ils ont fait ? Ils l'ont arrêté et l'ont emmené en prison. Oui, ils l'ont mis en prison
parce qu'il se promenait nu devant les soldats et que c'était obscène pour un fonctionnaire. Ils ont
fait ça parce qu'ici ils sont pleins de seringues, vous connaissez très bien le TSO : traitement
sanitaire obligatoire, ils le font ici aussi. C'est hallucinant !".

"Ils m'ont fait finir le dernier jour de ma fin de peine en prison, puis ils m'appellent là
devant, je sors et je trouve la patrouille parce qu'ils devaient m'emmener pour une journée devant le
juge. Ils m'ont amené ici sous de faux prétextes, je vous dis la vérité. Pour un jour ! "Vous devez
passer devant le juge ", je viens ici, et bye bye, beau gosse ! Maintenant, ça fait quarante-sept jours
que je suis ici !"

"Hier, ils nous ont apporté de la nourriture et ont éteint la lumière. "Tiens, maintenant tu
manges dans le noir comme les chats !" Mais je ne sais pas, ils ne traitent même pas les chats
comme ça, ils les traitent mieux."

Janvier 2021

"Je suis dans le centre de déportation de Turin. Je n'appelle pas ça un centre d'expulsion mais
un camp de concentration car ils nous traitent comme des animaux. Les gens sont désespérés. Il y a
des gens qui sont dans une situation telle que si vous la voyez, vous avez envie de pleurer. Moi, par
exemple, quand je suis entré, ils m'ont laissé vingt-quatre heures dans le froid pour m'accueillir.
Lorsque vous entrez, ils vous donnent un masque jetable et vous devez l'utiliser pendant tout votre
séjour dans le centre de déportation. Quand il neigeait, les gens grelottaient de froid parce qu'ils
n'avaient pas de vestes. Quand on a demandé, ils se sont moqués de nous. Ensuite, lorsqu'une
personne se rend chez un médecin, un juge des libertés, un avocat ou toute autre personne, elle doit
aller avec une quinzaine de policiers, des carabiniers, la police financière et l'armée. Mais selon
vous, c'est humain ? Des personnes, qui ont risqués leur vie en mer, dépensés de l'argent et sont
venus en Italie et ils vous traitent comme un criminel. Nous risquons nos vies pour être en Italie et
ensuite rester en prison."
"L'autre jour, ils ont brûlé la zone non pas par amour, passion ou plaisir. Ils ont brûlé la zone
parce qu'il y avait un garçon qui était malade et ils ne voulaient pas l'emmener à l'hôpital. Ils ont dû
faire ce qu'ils ont fait pour l'emmener à l'hôpital. Puis ils ont fini par l'emmener à l'hôpital et après
ça, ils sont entrés et ont tabassé tout le monde."

"La chose la plus importante que je voulais dire est le droit à la santé. Il y a des gens ici qui
ont besoin d'un traitement mais personne n'intervient. Les forces de l'ordre rient, elles vous
regardent tomber malade et elles rient. Comme un type qui a pété les plombs, dans le froid, et
personne n'intervient. Je ne peux pas le comprendre ! J'ai vu des choses ici que je ne pouvais même
pas imaginer. Nous voulons que notre voix soit entendue à l'extérieur, pour raconter la réalité de ce
qui se passe dans les centres d'accueil. Car, comme l'a dit mon compagnon, je n'appellerais pas cela
un centre d'accueil, car c'est un camp de concentration. Parce que ce que j'ai vu me donne la chair
de poule. Je ne peux pas te le dire, je suis désolé mais j'ai envie de pleurer. Indépendamment de la
race, car pour moi, la race humaine est unique : que vous soyez allemand, italien ou africain, la race
humaine est unique. Mais voir un être humain traité comme ça, même un chien ou un chat ne peut
pas être traité comme ça. Nous espérons que notre voix pourra être entendue et qu'elle pourra au
moins changer un peu les choses. Nous ne demandons pas beaucoup, nous demandons à être traités
comme des êtres humains. Alors si vous devez être rapatrié ou non, wallah ! Mais si quelqu'un a le
droit d'être traité, il doit au moins être traité ! Je n'arrive pas à croire que dans tout le centre
d'accueil il n'y ait qu'un seul médecin. Il devrait y avoir des médecins de garde. Au lieu de cela, il y
a une infirmière qui est un médecin, parce que le médecin ne vient jamais. Il y a ce garçon qui a des
balles dans le pied et qui fait grève depuis sept jours. Hier, nous avons appelé mais il n'a pas pu
trouver de médecin, il a seulement trouvé une infirmière. Mais excusez-moi une minute, si un type
fait une grève de la faim, il devrait être examiné par le médecin et non par l'infirmière. Et
l'infirmière lui a dit, "non, il ne vous arrive rien !". Alors celui qui est en grève doit être contrôlé
quotidiennement ; en revanche, non, on n'appelle pas le médecin. Aujourd'hui, nous avons encore
essayé d'appeler quelqu'un mais rien, le garçon est revenu en larmes parce qu'ils lui ont dit : " si tu
veux être examiné, retourne dans ton pays et soigne-toi là-bas ". Je veux dire quelque chose
d'hallucinant, je ne peux pas croire que tout cela a été dit par un professionnel de la santé sous
serment ! Le garçon n'avait pas mangé depuis sept jours, puis il est allé voir un médecin pour le
soigner et celui-ci lui a dit que si tu veux être soigné, retourne dans ton pays ! Cela vous semble-t-il
juste ? Et ça vient d'un médecin ! Nous ne connaissons même pas son nom. Ils ne donnent pas le
nom du médecin."
"Ils se sentent puissants, parce qu'ils savent que personne ne peut venir ici et vérifier, alors
ils ont l'impression de pouvoir faire ce qu'ils veulent ! C'est la réalité, parce qu'ils disent que c'est
nous qui sommes responsables ici. Nous décidons, donc nous faisons ce que nous voulons parce que
personne ne nous regarde. Il n'y a personne qui nous regarde. On n'a jamais vu la directrice parce
qu'elle n'est jamais là. Elle ne vient jamais. Pour parler à la directrice ? Il n'y a jamais de directrice !
Il y a une directrice qui ne vient que par sa présence, par sa vue. Je ne l'ai personnellement jamais
vue"

Pour plus d'informations sur le CPR et la machine à expulser,

Bibliographie partielle et tendancieuse

en version imprimée :

• Appunti sul nesso tra guerra e migrazioni in Friuli-Venezia Giulia, opuscolo, 2020
• Note sul decreto – parte “immigrazione”. Conoscere il nemico per contrastarlo. Nemici e
Nemiche delle frontiere, opuscolo, 2019
• No CPR, piccola guida ai lager contemporanei, Assemblea No Cpr No Frontiere, opuscolo,
2019
• Migrazione e detenzione delle donne nel CPR di Ponte Galeria. Nemiche e nemici delle
frontiere, opuscolo, 2018
• Fuori Controllo (n.0, n. 1), Periodico di lotta, 2017 - 2018 frontières, brochure, 2018
• Out of Control (no.0, no. 1), Périodique de lutte, 2017 - 2018
• "La carta e solo carta" : sur la détention administrative dans les Pouilles, pamphlet, 2016.
• Dietro il volto umano – Uno sguardo sul sistema SPRAR, dépliant, 2016
• Accoglienza e detenzione: un anno di lotte contro il controllo dello Stato, Hurriya -Senza
frontiere, senza galere, brochure, 2016
• I Cieli Bruciano: dei centri di identificazione ed espulsione e di chi ne permette il
funzionamento, brochure,
• 2016
• Gli hotspot: nuovi modelli di controllo e carcerazione, opuscolo, 2016
• Frontiere e lavoro. Gli schiavi della filiera agroalimentare, opuscolo, 2016
• Abbattere le frontiere – al Brennero e ovunque, pieghevole, 2016
• Considerazioni sulla detenzione amministrativa in Italia, opuscolo, 2015
• CIE e complicità delle organizzazioni umanitarie, D. Cadeddu, Sensibili alle Foglie, 2013
• Tempi di Guerra, Corrispondenze dalle lotte contro le espulsioni e il loro mondo (n.1 – n.6),
periodico, 2004 - 2006

sites utiles :

https://hurriya.noblogs.org
https://transumanze.noblogs.org
https://macerie.org
https://radioblackout.org/?s=cpr
https://radiocane.info/tag/cie-cpr/
https://nociemodena.noblogs.org
https://nofrontierefvg.noblogs.org
https://campagneinlotta.org
https://www.antigone.it/tredicesimo-rapporto-sulle-condizioni-di-detenzione/01-detenzione-
amministrativa/
https://abaslescra.noblogs.org
https://sanspapiersnifrontieres.noblogs.org
https://www.statewatch.org/

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