Vous êtes sur la page 1sur 20

Pr. Z.

METREF

CONFERENCE 4E ANNEE
L’INGENIERIE TISSULAIRE ET REVITALISATION PULPAIRE

INTRODUCTION
Les technologies relatives au domaine de la médecine régénératrice permettent d’intervenir au
niveau de l’organe, du tissu, de la cellule ou du gène. Outre les connaissances dans les
domaines de la physiologie, de la biologie cellulaire et de la vectorisation (transfert de gènes,
délivrance de médicaments), ces interventions nécessitent la mise en œuvre d’expertises en
biomatériaux, nano vecteurs, thérapie cellulaire et ingénierie tissulaire associant biomatériaux
et cellules.
D’une façon générale, la médecine régénératrice désire aujourd’hui aller au-delà de la
réparation et des inconvénients que cela implique. Elle cherche désormais à restaurer l’organe
tel qu’il était avant la maladie, le traumatisme ou les effets du vieillissement, par la
régénération des tissus.
Les stratégies de médecine régénératrice comprennent les domaines établis des biomatériaux
et des dispositifs médicaux, mais aussi ceux plus émergents de l’ingénierie tissulaire avec les
thérapies cellulaires et géniques. Ces stratégies de médecine 4R (Remplacer, Réparer,
Régénérer et Reprogrammer) constituent actuellement un axe majeur de recherche dans les
laboratoires.

STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES DE LA MÉDECINE RÉGÉNÉRATRICE


La médecine régénératrice est une stratégie thérapeutique encore en développement, visant à
réparer une lésion ou un organe malade grâce à des cellules souches qui se différencieront
pour remplacer les cellules lésées ou malades. La base de cette médecine est la thérapie
cellulaire, c’est-à-dire la façon d’inciter les cellules, et par extension le corps, à se régénérer.
La médecine régénératrice peut être divisée en trois catégories : la thérapie cellulaire,
l’ingénierie tissulaire et la thérapie cellulaire supportée ou assistée.

 La thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules afin de restaurer un tissu ou un


organe de façon durable par une implantation unique de cellules « médicaments » ou
pour remplacer les cellules déficientes. Ces cellules sont généralement obtenues à
partir de cellules souches totipotentes (capables de donner tous les types cellulaires)

1
Pr. Z. METREF

ou pluripotentes (capables de donner plusieurs types cellulaires) autologues (provenant


du patient lui-même) ou allogéniques (provenant d’un donneur).

 L’ingénierie tissulaire est une discipline qui consiste à associer des cellules avec un
biomatériau (scaffold) en présence de morphogènes (facteurs de croissance, hormones,
vitamines) pour stimuler l’activité cellulaire (différenciation, prolifération ou
sécrétion). Cette association aboutit à l’obtention d’une structure tridimensionnelle
appelée Matrice Extracellulaire Synthétique (MES).

 La troisième stratégie, la thérapie cellulaire assistée, consiste, comme pour


l’ingénierie tissulaire, à administrer des cellules souches enchâssées au sein d’un
biomatériau. En revanche, dans cette dernière, l’objectif est de conserver les cellules à
l’état pluripotent (souche), non pas pour régénérer directement un tissu, mais afin de
profiter de leurs propriétés paracrines et anti-inflammatoires : On parle de « cellules
médicament ». En effet, les cellules souches présentent la capacité, lorsqu’elles sont
dans un environnement inflammatoire, de réagir à cet environnement et de l’analyser
afin de produire des cytokines anti-inflammatoires permettant ainsi de protéger les
tissus environnants. Cette stratégie est en développement, notamment dans les
domaines de la recherche contre les maladies mettant en jeu des processus
inflammatoires (arthrose) ou encore pour lutter contre les effets néfastes de la
radiothérapie dans le traitement des cancers.

2
Pr. Z. METREF

Principe de l’ingénierie tissulaire : Domaine interdisciplinaire combinant les champs de compétences


en chimie, ingénierie et sciences du vivant pour le développement de substituts biologiques afin de
restaurer, de maintenir ou d’améliorer les fonctions tissulaires.

LES CELLULES UTILISÉES EN MÉDECINE RÉGÉNÉRATRICE


Dans le cadre du développement d’une MES, le choix du type cellulaire est primordial. Il se
fait principalement entre deux grandes familles : les cellules différenciées (les ostéoblastes
pour le tissu osseux, les fibroblastes et kératinocytes pour la muqueuse) et les cellules souches
(embryonnaires, fœtales, adultes ou induites).

 Les cellules différenciées (cellules du tissu cible)


L’utilisation de cellules issues du tissu cible est la stratégie initiale mise au point pour
le développement de l’ingénierie tissulaire. Elle représente une méthode de choix
lorsque ces cellules sont facilement disponibles et en quantité suffisante. Elle est
notamment utilisée dans le cadre de l’ingénierie tissulaire du cartilage ou de l’os. En
effet, l’incorporation de chondrocytes au sein d’un biomatériau a permis de grandes
avancées et a ouvert la voie à l’application de l’ingénierie tissulaire à d’autres tissus
(cardiaque, dentaire). Malheureusement, ces tissus ne présentaient pas les mêmes
contraintes (accès et quantité de cellules) et l’utilisation de cellules souches s’est
considérablement développée.

3
Pr. Z. METREF

 Les cellules souches


Plusieurs sortes de cellules souches sont utilisées à des fins de thérapie cellulaire. Ces
différents types de cellules partagent toutefois trois propriétés essentielles : la
clonogénicité (autorenouvèlement indéfini à l’identique), offrant un stock presque
illimité de matériel, et la possibilité de donner naissance à plusieurs types cellulaires
différents (multipotence). Les cellules souches mésenchymateuses présentent
également la propriété d’adhérer au plastique des boîtes de culture, permettant leur
mise en culture in vitro. Les cellules souches possèdent une remarquable capacité à
proliférer et à se différencier en de nombreuses lignées cellulaires capables de former
l’organe désiré. Par conséquent, elles portent en elles de grands espoirs pour le
développement de stratégie de régénération tissulaire. Depuis de nombreuses années,
les hématologues utilisent les cellules souches hématopoïétiques pour le traitement des
leucémies… Les cellules souches utilisées peuvent être de différentes origines :
embryonnaires, fœtales, mésenchymateuses (adultes) et, plus récemment, pluripotentes
induites (obtenues par génie cellulaire à partir de cellules différenciées adultes).
Les cellules souches sont des progéniteurs partiellement différenciés qu’il est possible
de trouver dans les tissus embryonnaires ou adultes. Elles peuvent être classées en
différentes catégories en fonction de leur différenciation et de leur capacité de
différenciation :
- Totipotentes : cellules souches capables de se différencier en tous les types
cellulaires embryonnaires et extra-embryonnaires
- Pluripotentes : cellules souches capables de donner tous les types de cellules d’un
organisme à l’exception des tissus extra-embryonnaires ;
- Multipotentes : cellules souches capables de donner un grand nombre de types
cellulaires, mais pas tous.

 Les cellules souches embryonnaires


Issues d’embryons humains, ces cellules indifférenciées possèdent encore toutes les
potentialités de différenciation de l’œuf lui-même et peuvent donner naissance à tous
les types cellulaires qui constituent un organisme humain, soit environ 200 types
cellulaires. Elles sont dites totipotentes. Pour les chercheurs, elles ont plusieurs
avantages : elles sont nombreuses, accessibles, facilement cultivables et ont la plus
grande capacité à se différencier. En revanche, du côté des inconvénients, elles ont une
certaine propension à se transformer en cellules tumorales (tératome) et le contrôle de
la différenciation est difficile. Sur le plan éthique, elles nécessitent la destruction d'un
embryon. L’utilisation des cellules embryonnaires fait l’objet de grands débats
éthiques partout dans le monde et n’est pas autorisée dans tous les pays.

 Les cellules souches adultes

4
Pr. Z. METREF

Les cellules souches sont des cellules multipotentes, ce qui signifie qu’elles ont la
capacité de donner naissance à de nombreuses lignées cellulaires. Leur présence dans
tous les organes est suspectée et permet une régénération des cellules. Dans certains
tissus, les cellules sont constamment renouvelées. Leurs cellules souches produisent
des cellules différenciées pour remplacer les cellules dont le temps de survie est
dépassé, comme les cellules souches hématopoïétiques (moelle osseuse) capables de
se différencier pour renouveler l’ensemble des cellules sanguines, les cellules souches
épithéliales (greffes de peau) ou encore les cellules souches hépatiques (régénération
du foie après une hépatectomie).
Au fur et à mesure que les organes se forment, le potentiel de différenciation des
cellules souches se restreint. Mais il ne disparaît pas complètement. Elles se révèlent
d’une plasticité (flexibilité) insoupçonnée : transplantées dans un organe différent,
elles peuvent devenir différentes de ce pour quoi elles étaient initialement
programmées. Côté avantages, elles présentent une flexibilité plus importante et leur
activité d’induction est plus facile sur les tissus à réparer car elles sont déjà
partiellement spécialisées. Elles ne provoquent pas de rejet (en provenant du même
individu).

 Les cellules souches adultes d’origine bucco-dentaire

Les cellules souches adultes, comme pour les autres tissus humains, sont
également présentes dans les tissus bucco-dentaires. De façon schématique, ces
cellules peuvent être classées en deux familles, elles-mêmes divisées en trois
catégories :
- de type pulpaire comprenant les cellules souches de la pulpe dentaire
(DSPCs), des dents de laits exfoliées (SHED) et de la papille apicale (SCAP) ;
- de type parodontal avec les cellules progénitrices du follicule dentaire
(DFPCs), les cellules souches du ligament (PDLSCs) et gingivales (GSCs).
Côté avantages, l’utilisation de cellules issues des tissus bucco-dentaires pour
le développement de thérapeutiques régénératrices de l’organe dentaire permet
de s’affranchir des difficultés de différenciation et permet également un accès
facile pour les praticiens. En revanche, demeurent toujours les inconvénients
d’une quantité de cellules limitée et d’une morbidité du site donneur.

 Les cellules souches pluripotentes induites

Les cellules souches pluripotentes induites (CSPi) (en anglais Induced


Pluripotent Stem cells, soit IPS) sont semblables aux cellules souches
embryonnaires, mais fabriquées par génie génétique (reprogrammation
génétique) à partir de cellules adultes. Depuis 2007, des centaines de lignées de
cellules IPS ont été obtenues à partir de presque tous les types de cellules

5
Pr. Z. METREF

adultes capables de se multiplier. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent


peuvent être utilisées pour cette reprogrammation.
Comme pour les greffes d’organes ou de tissus se pose la question de l’origine
des cellules, autogreffe ou allogreffe. La greffe de cellules souches autologues
est généralement la stratégie préférée, car elle permet de s’affranchir des
problèmes de rejet. Néanmoins, elle nécessite la disponibilité de cellules
souches saines. Cette stratégie est souvent sélectionnée, notamment dans le
cadre du traitement de maladies hématologiques malignes sensibles à la
chimiothérapie. Lors de l’utilisation de cellules souches mésenchymateuses
pour la régénération de tissus conjonctifs, par exemple le tissu osseux, l’un des
problèmes est la quantité de ces cellules dans le tissu donneur comme la moelle
osseuse ou le tissu adipeux.

LES MORPHOGÈNES IMPLIQUÉS EN INGÉNIERIE TISSULAIRE


Un morphogène est une molécule qui joue un rôle crucial dans la différenciation cellulaire et
le développement cellulaire. Toutefois, en ingénierie tissulaire, les morphogènes jouent un
rôle essentiel au cours du développement embryonnaire pour donner une information de
position et de différenciation aux cellules et former des axes de polarité.
Les morphogènes intervenant au cours du développement dentaire sont des molécules
identiques ou proches de celles intervenant dans le développement osseux. En effet, la
dentinogénèse est un processus voisin de l’ostéogenèse et les odontoblastes sont extrêmement
similaires aux ostéoblastes. Les principaux morphogènes sont :
- les facteurs de croissances de la famille du TGF-β, qui font partie intégrante des matrices
organo-minérales (os, dentine) et sont relargués en cas de lésion. Le TGF-β ainsi relargué
stimule les cellules souches (DPSCs, ostéocytes), induit la formation de dentine et de Bone
Morphogenic Protein (BMP) et stimule la différenciation des DPSCs en cellules productrices
de dentine ainsi que la formation de dentine de réparation ;

6
Pr. Z. METREF

- la Dentin Matrix Potein-1 (DMP-1) qui est impliquée dans le processus de minéralisation
et stimule la production de collagène ;
- la Bone Morphogenic Protein (BMP-2) qui est impliquée dans le processus de
minéralisation osseuse et stimule la production de collagène ;
- les glucocorticoïdes qui réduisent la prolifération cellulaire et stimulent la différenciation
cellulaire ;
- le β-glycérophosphate qui induit la formation de collagène et la minéralisation
Les facteurs de croissance sont déjà utilisés en Odontologie dans le cadre de la régénération
tissulaire, notamment avec l’utilisation de Platelet Rich Fibrin (PRF) et d’Emdogain® en
régénération tissulaire induite (RTI). Le PRF est un caillot de fibrine constitué naturellement
pendant que le sang coagule dans le tube de prélèvement ; la centrifugation ayant pour seul
effet de séparer les différents éléments. Ce caillot de fibrine contient la forme moléculaire
naturelle de la fibrine, à l’inverse du Plasma Riche en Plaquettes (PRP). La présence de
leucocytes dans le caillot permet également de présenter une configuration physiologique du
thrombus. Cette approche naturelle du caillot est appréciée par de nombreux auteurs. La
preuve scientifique de son efficacité ne fait pas encore consensus, car il s’agit de la première
phase de la cicatrisation.
Les dérivés de la matrice amélaire (Enamel Matrix Derivative, EMD), plus connus sous
l’appellation commerciale d’Emdogain®, sont actuellement commercialisés et utilisables au
cabinet dentaire, notamment pour les soins de Parodontologie. Il est important de noter que
leur utilisation est actuellement particulièrement controversée tant en termes de composition
(extrait de dents d’embryon de porc) que d’efficacité.

Principaux morphogènes intervenant au cours du développement dentaire.

LES BIOMATÉRIAUX POUR L’INGÉNIERIE TISSULAIRE

7
Pr. Z. METREF

Le développement des biomatériaux servant de matrice pour l’ingénierie tissulaire est un


domaine crucial et en plein essor depuis de nombreuses années. Leur rôle est de servir de
support pour la délivrance des cellules et des morphogènes au niveau du tissu cible. Ils
doivent également permettre leur maintien sur place pendant une durée suffisante pour
régénérer le tissu. Pour cela, le biomatériau doit répondre à un cahier des charges précis :
- biocompatibilité pour le contrôle des réactions inflammatoires et immunogéniques ;
- biodégradabilité pour permettre son remplacement par le tissu néoformé et limiter les
réactions inflammatoires chroniques. Toutefois, cette propriété n’est nécessaire que pour les
biomatériaux qui ont pour objectif d’être remplacés par le tissu néoformé ;
- adhésion cellulaire pour permettre la rétention des cellules au sein de la matrice ainsi que le
maintien du phénotype cellulaire ;
- perméabilité pour permettre les échanges nutritionnels et limiter le gradient en oxygène ;
- possibilité de stérilisation, facilité de mise en œuvre et stabilité au stockage…
De nombreuses structures ont été développées au cours du temps, variant en termes de nature
du matériau utilisé et de formulation (mise en forme du matériau). Les matériaux peuvent être
classés en différentes catégories de nature :
- minéraux (phosphate de calcium biphasique, hydroxy- apatite, phosphate tricalcique,
bioverre…) ;
- polymères naturels (protéiques et polysaccharidiques)
- polymères synthétiques (dégradables et non dégradables) ;
- métaux (titane).
Les matériaux peuvent aussi être classés selon leur formulation (granules, ciments, hydrogels,
mousses, membranes…).
Dans le domaine de l’ingénierie tissulaire, l’un des éléments-clés est l’utilisation
d’échafaudages ou de scaffolds bioactifs comme architectures pour favoriser les interactions
cellulaires et la formation de la matrice extracellulaire (MEC), qui fournit un support
structurel au tissu nouvellement généré. Les constituants majeurs de la MEC sont des
protéines (élastine), des glycoprotéines (collagène, fibronectine, etc.), des
glycoaminoglycanes, des protéoaminoglycanes et, dans le cas de matrices osseuses, des sels
minéraux (hydroxyapatite et phosphate de calcium). La réalisation d’une architecture
temporaire capable de mimer les fonctions physiologiques de la MEC est primordiale pour
préserver la capacité des cellules à se différencier vers différents phénotypes, mais aussi pour
constituer un matériau apte à combler la lésion tissulaire.

8
Pr. Z. METREF

*
 Granules
Historiquement, les premiers biomatériaux développés ont été les matériaux « durs », à savoir
les dérivés phosphocalciques (α-TCP, β-TCP, hydroxy apatite, ciments phosphocalciques,
céramiques) pour la régénération des tissus osseux. Outre les propriétés inhérentes à tout
biomatériau, les dérivés phosphocalciques pour l’ingénierie tissulaire osseuse doivent
répondre à un certain nombre de critères supplémentaires comme l’ostéoconduction (capacité
du matériau à permettre l’adhésion, la migration des cellules, le développement d’un réseau
vasculaire et le dépôt de tissus osseux), une macroporosité interconnectée (pour permettre
l’invasion du matériau par les cellules et permettre une néovascularisation), une cinétique de
dégradation/résorption en adéquation avec l’apposition osseuse et l’absence de toxicité
immédiate et locale du fait d’échanges ioniques trop importants. Les biomatériaux
phosphocalciques sont déjà largement utilisés cliniquement, qu’ils soient synthétiques (par
exemple, MBCP+™ Granules, Biomatlante) pour la régénération osseuse guidée (ROG) dans
le cadre du traitement de lésions parodontales ou naturels avec les xénogreffes et les
allogreffes dans le cadre de greffes d’apposition ou pré-implantaire.

 Fibres et membranes
Plus récemment ont été développés les biomatériaux « mous » afin de répondre aux
attentes de la médecine régénératrice des tissus non minéralisés. Ils sont préparés à
partir de polymères pouvant être naturels ou synthétiques. Les nombreux polymères
disponibles permettent la préparation de scaffolds aux propriétés contrôlables en
termes de dégradabilité, d’adhésion cellulaire, de viscoélasticité ou encore de
propriétés mécaniques. Non seulement l’utilisation des biomatériaux « mous » a
permis la généralisation de l’ingénierie tissulaire à l’ensemble des tissus du corps,
mais leur propension à être formulés en matériaux aux structures variées (hydrogels,
films, éponges ou encore particules) a aussi suscité de nouvelles attentes.

9
Pr. Z. METREF

Les membranes peuvent être divisées en deux catégories, naturelles (membrane de


collagène de porc) et les polymériques, elles-mêmes sous- divisées en deux parties :
d’origine naturelle (collagène) et synthétique (PLA, PGLA). En odontologie, les
membranes sont très largement utilisées en régénération tissulaire guidée et
régénération osseuse guidée. La membrane sert alors de barrière physique pour
prévenir la perte de matériau, empêcher les fibroblastes de pénétrer dans le défaut
osseux et donner aux cellules osseuses le temps nécessaire à la régénération. Leurs
rôles sont le maintien des volumes, l’accroissement de la sécurité thérapeutique et
l’optimisation la régénération tissulaire.

 Hydrogels
Décrits pour la première fois par Wichterle and Lim en 1960, les hydrogels peuvent
être définis comme des structures tridimensionnelles capables de retenir une grande
quantité d’eau tout en conservant leur intégrité physique. Ces structures font l’objet
d’investigations très importantes dans les laboratoires de recherche avec par exemple
l’utilisation des hydrogels en médecine régénératrice du cartilage, du cœur ou encore
du côlon et les films en médecine régénératrice cardiaque ou cutanée.
D’un point de vue odontologique, ces nouveaux matériaux ne sont pas en reste avec
des études sur l’utilisation des hydrogels comme membrane ou encore comme patch
gingival. L’avantage majeur que présentent ces matériaux polymériques est leur
association possible avec les matériaux « durs » afin de cumuler les bénéfices
(composite et mousse). De plus, ils peuvent être associés avec des facteurs de
croissance (BMP ou autres peptides) pour agir comme réservoir et ainsi contrôler le
relargage et par conséquent l’action dans le temps.

 Suspensions/mousses
Par exemple, un matériau hybride, associant des granules de phosphates de calcium
avec un hydrogel très résorbable, permettra de bénéficier de l’ostéoconduction des
granules. Il sera recouvert d’un hydrogel peu résorbable permettant d’apporter des
propriétés de membrane. Récemment, de nouvelles formulations de suspensions
polymères/phosphates de calcium sont apparues afin de réaliser des substituts osseux
injectables et macroporeux.

 Impression 3D
Enfin, dans le cadre de la médecine régénératrice et personnalisée, l’impression 3D
devrait prochainement permettre de proposer des solutions sur mesure avec des
matériaux de substitution osseuse. L’objectif ultime consiste à réaliser de la bio
impression 3D dans laquelle les cellules seront intégrées aux reconstitutions
tridimensionnelles personnalisées en termes de forme, d’architecture ou encore de
porosité. Couplé aux techniques de conception assistée par ordinateur (CAO),
l’objectif est de pouvoir construire des pièces anatomiques personnalisées

10
Pr. Z. METREF

parfaitement adaptées aux défauts cliniques et ainsi de pouvoir appliquer les principes
de la médecine régénératrice à la reconstruction des pertes de substances consécutives
à des traumatismes (accidents de la voie publique, agressions…) ou à des traitements
chirurgicaux (mandibulectomie).

INGÉNIERIE TISSULAIRE EN ENDODONTIE


L’ingénierie tissulaire endodontique a pour but de régénérer totalement un nouveau tissu vital
ad integrum dans un espace canalaire vide et préalablement désinfecté. Cette approche est
complexe, du fait des particularités histologiques et fonctionnelles du complexe pulpo-
dentinaire et des relations qu’il entretient avec son environnement. L’ingénierie tissulaire de
la pulpe dentaire repose sur des acteurs clés que sont les cellules souches, les molécules
bioactives et les matrices (scaffold).

Deux techniques sont aujourd’hui décrites dans la littérature afin de régénérer le complexe
pulpo-dentinaire. La première approche consiste en la transplantation d’un tissu issu de
l’ingénierie tissulaire ou la transplantation de cellules souches associées ou non avec des
biomolécules et des matrices. La deuxième approche, dite acellulaire, réside dans l’attraction
des cellules sur le site à régénérer.

Limites des thérapeutiques endodontiques


 Inconvénients des thérapeutiques endodontiques
Les thérapeutiques endodontiques actuelles (traitements initiaux, retraitements
orthogrades ou rétrogrades) visent à désinfecter le réseau canalaire et à maintenir
cet état en l’obturant de manière tridimensionnelle. Les matériaux dédiés à ces
traitements sont biocompatibles (gutta percha) et plus récemment bioactifs
(ciments silicates). Les pronostics de ces thérapeutiques sont bons voire excellents
pour peu que les indications et les protocoles opératoires soient respectés (cf
critères de qualité de l’European Society of Endodontology (ESE).
Néanmoins, ces thérapeutiques comportent un certain nombre d’inconvénients.
Les dents traitées endodontiquement sont structurellement fragilisées par la lésion
carieuse préexistante, l'aménagement des voies d’accès endodontiques et les
altérations dentinaires lors de la mise en forme canalaire. Le retrait de la pulpe
dentaire ou la nécrose de celle-ci, empêchent les phénomènes naturels de
cicatrisation (formation de dentine tertiaire) ou de signal d’alarme présent lorsque
la pulpe dentaire est fonctionnelle, de se produire.
Les actes techniques d’endodontie ne sont pas exempts d’éventuelles
complications (butée, stripping, zipping, perforations, fractures instrumentales,
difficulté d’anesthésie) pouvant parfois entraîner des situations difficiles à gérer
pour les praticiens. À ces complications techniques peuvent s’ajouter des
complications esthétiques (dyschromies). Enfin, même si le coût des

11
Pr. Z. METREF

thérapeutiques endodontiques reste inférieur aux solutions implantaires, il n’est


pas négligeable pour les patients.

 Particularité de la dent immature (apexification versus régénération)


Lorsque la dent est immature, la perte de vitalité de la pulpe dentaire freine et
arrête le développement radiculaire, laissant la dent avec un apex parfois
largement ouvert. Ces dents nécrosées immatures peuvent donc être traitées par
des procédures d’apexification en utilisant soit un traitement à long terme à
l’hydroxyde de calcium, soit un placement immédiat d’un bouchon apical de
Mineral TrioxideAggregate (MTA) ou ses dérivés.
Le nettoyage, la détermination de la longueur de travail, la mise en forme et enfin
l’obturation du système canalaire sont délicats en raison de la minceur des parois
dentinaires. De plus, ces dents sont susceptibles de se fracturer pendant ou après le
traitement du fait de la finesse des parois radiculaires. Le pronostic de ces deux
techniques est bon et supérieur à 85 %. En revanche, ces traitements ne renforcent
pas la racine et ne favorisent pas son développement ultérieur. La perte d’une
incisive chez un jeune patient peut se révéler extrêmement compliquée à gérer.
L’absence d’une ou plusieurs incisives peut altérer le développement des os
maxillaire et mandibulaire, entraîner des difficultés de prononciation, de
mastication et enfin avoir un retentissement psycho-social préjudiciable.

Définition et historique de la régénération du complexe dentino-pulpaire


En cas d’agression bactérienne, la pulpe dentaire est capable de déclencher dans un premier
temps une réponse immune innée, puis spécifique d’antigène (adaptative). Dans un certain
nombre de cas, la sécrétion de médiateurs inflammatoires, l’excès de réponse immunitaire, la
sécrétion d’enzymes détruisant la matrice extracellulaire conduisent in fine à la nécrose du
tissu pulpaire. Dans de telles situations, le traitement endodontique radiculaire est requis. Pour
pallier les inconvénients des thérapeutiques endodontiques, notamment dans le cas de dents
immatures, de nouvelles stratégies ont émergé afin d'envisager la régénération du complexe
dentino-pulpaire.
La régénération du complexe dentino-pulpaire est un processus biologique dont l’objectif est
de remplacer ad integrum les structures endommagées : la pulpe et la dentine. Cette procédure
comprend différentes approches cliniques.
La première consiste à utiliser le potentiel biologique du tissu pulpaire résiduel. Dans cette
situation, il est impératif de préserver la vitalité de la pulpe grâce aux thérapeutiques dites de
vitalité pulpaire. L'application directe d'un biomatériau sur le tissu pulpaire vital vise à réduire
l'inflammation de la pulpe, à stimuler le processus de cicatrisation et à former un tissu minéral
afin de créer une barrière physique. Contrairement au coiffage indirect de la pulpe, qui a

12
Pr. Z. METREF

généralement des résultats cliniques prévisibles, les thérapeutiques de vitalité pulpaire ont des
résultats plus variables.
Le pronostic dépend principalement des réponses pulpaires de l'hôte (passé pathologique
pulpaire, âge du patient, diagnostic pulpaire), de la technique de l'opérateur, de la facilité
d’obtention de l’hémostase du biomatériau et de la contamination bactérienne (volume de la
lésion carieuse, taille de l’exposition pulpaire).
Ces techniques utilisées cliniquement permettent seulement une réparation au contact du
biomatériau et non une régénération du tissu pulpaire au sein du biomatériau. De nouvelles
propositions émergent à l’heure actuelle et visent à régénérer le volume pulpaire détruit par
les lésions carieuses ou les traumatismes dentaires.
L’autre approche vise à régénérer totalement un nouveau tissu vital dans un espace canalaire
vide et désinfecté. Cette approche est complexe du fait de la structure histologique particulière
de la pulpe dentaire et de sa relation fonctionnelle avec le milieu environnant.
Le succès clinique est possible car le rétablissement d'un approvisionnement sanguin dans le
tissu pulpaire ischémique mais non infecté, est suivi d'une réinnervation à partir des axones
sensoriels issus de la région apicale. Les termes donnés à ces phénomènes sont ceux de
revascularisation ou revitalisation. Afin de mimer ce processus, différentes procédures
s’appuient sur la création de saignements de la région apicale afin de remplir passivement
l’espace canalaire et de former un caillot de sang. De nombreux rapports de cas publiés ont
montré la résolution de la parodontite apicale et des signes radiographiques de développement
continu des racines et de rétrécissement apical ainsi que dans certaines situations, des
réponses positives aux tests de vitalité pulpaire.
L’explication à ces phénomènes a été avancée en 2011. Il a été montré que l’afflux de sang
apical dans les canaux radiculaires désinfectés s’accompagne d'un transfert cliniquement
significatif de cellules souches mésenchymateuses dans le système canalaire. Cependant, les
tissus néoformés ne correspondent pas à une pulpe dentaire fonctionnelle mais plutôt à un
tissu conjonctif associant éléments parodontaux, osseux et cémentaires. La prise de
conscience du rôle des cellules souches a poussé les chercheurs et les cliniciens à examiner les
principes de l'ingénierie tissulaire afin d'améliorer les protocoles de traitement et de
développer la prochaine génération de procédures dites de procédures de régénération
endodontique (PRE).

13
Pr. Z. METREF

Acteurs clés de l’ingénierie tissulaire appliquée à la régénération pulpaire


Le concept classique d’ingénierie tissulaire de la pulpe dentaire est basé sur des acteurs clés :
les cellules-souches, les molécules bioactives et les matrices. Les matrices assurent la
résistance mécanique et la stabilité chimique des tissus issus de la bio ingénierie. L’objectif
étant de mimer les conditions naturelles in vivo. Les cellules souches assurent le
renouvellement normal des tissus, leur guérison et leur régénération après une blessure.
L’activité de ces cellules souches est sous la dépendance de molécules bioactives telles que
les facteurs de croissance qui influencent la prolifération, la migration, la différenciation et la
sécrétion de la matrice extracellulaire (MEC).

 Cellules-souches de la pulpe dentaire


Les cellules-souches sont retrouvées dans tous les organismes multicellulaires.
Elles sont communément définies comme des cellules clonogéniques avec une
capacité de différenciation multi-lignée et à auto renouvellement.
Conformément aux critères minimaux définis par l’Inter- national Society for
Cellular Therapy (ISCT), les cellules souches possèdent les propriétés
d'adhérence au plastique, l’expression positive ou négative de marqueurs
spécifiques d’antigène de surface et la formation de colonies in vitro. Les
cellules souches peuvent provenir du receveur lui-même (autologue) ou d'un
donneur (origine allogénique). Les cellules souches peuvent être subdivisées
en quatre sources principales : les cellules souches mésenchymateuses adultes
(MSC), les cellules souches embryonnaires (ESC), les cellules souches
néonatales du cordon ombilical et les cellules souches pluripotentes induites
(iPSC) obtenues à partir de cellules déjà différenciées. Bien que les ESC
suscitent un vif intérêt, leur application pratique en ingénierie tissulaire et en
thérapie cellulaire est limitée en raison du risque élevé de tumorigénicité ainsi
qu’aux problèmes éthiques et juridiques associés à leur origine embryonnaire.
À l'heure actuelle, la recherche s'intéresse de plus en plus au développement

14
Pr. Z. METREF

d'une thérapie de régénération tissulaire utilisant des cellules souches


postnatales identifiées provenant de divers tissus et organes du corps humain.
Aux mêmes titres que d’autres organes ou tissus du corps humain, les tissus
dentaires sont considérés comme des niches potentielles de MSC. De
nombreuses études ont démontré que la pulpe dentaire constitue une source
appréciable et facilement accessible de cellules-souches postnatales pouvant
être récoltées à partir de dents extraites ou de dents déciduales. Il existe
différentes populations de cellules-souches pulpaires (DPSC), des cellules
souches des dents déciduales exfoliées (SHED), des cellules souches issues du
follicule dentaire (DFSC) et des cellules souches de la papille apicale (SCAP).
Elles ont toutes montré de grandes potentialités pour l'ingénierie tissulaire
dentaire, en particulier dans le domaine de la régénération des tissus dentinaire
et pulpaire.

 Matrices
Avec les cellules souches et les molécules bioactives, les matrices sont l’un des
trois composants classiques des stratégies d’ingénierie tissulaire. Sur le plan
fonctionnel, les matrices assurent l'ensemencement, l'adhérence, la
prolifération et la distribution spatiale des cellules.
L’objectif est de favoriser le remplacement complet de cette matrice par une
matrice nouvellement synthétisée par les cellules hôtes endogènes. Le rôle
d'une matrice ne se limite pas à servir d’échafaudage pour les cellules, mais
s'étend à une plate-forme bioactive régulant les activités cellulaires, la
communication intra- et intercellulaire de manière à récapituler le micro-
environnement physiologique.

De nombreux matériaux ont été proposés et évalués dans la littérature


scientifique. La plupart des biomatériaux utilisés en tant que matrice sont des
polymères naturels (fibrine, collagène, chitosan, glycosaminoglycane, matrice
de dentine, etc.) ou synthétiques (acide polyglycolique [PGA], acide poly-l-
lactique [PLLA], polylactide-co acide glycolique [PLGA], etc.). Il existe
également des matériaux inorganiques et composites qui sont synthétisés sous
forme de matrices poreuses, de matériaux nanofibreux, de microparticules ou
d’hydrogels.
Le cahier des charges de la matrice idéale pour l’ingénierie tissulaire en
endodontie comporte plusieurs éléments. La matrice idéale doit être
biodégradable et doit se rapprocher du taux de synthèse de la matrice
extracellulaire. Si le taux de dégradation est trop rapide, une dissolution du
matériau se produira avant la formation d’un nouveau tissu. À l’inverse si la
dégradation est trop lente, la synthèse de la matrice extracellulaire sera
perturbée créant des structures anarchiques.

15
Pr. Z. METREF

La particularité de l’ingénierie tissulaire endodontique est que cette matrice


doit pouvoir être injectée, à l’aide d’une seringue, dans un espace étroit : le
canal et/ou la chambre pulpaire. Après injection, la matrice doit pouvoir
atteindre rapidement ses valeurs initiales de rigidité. Enfin, la matrice idéale
doit être stérilisable, exempte de risque de contamination et permettre la bio
minéralisation qui existe à l’état naturel dans la matrice extracellulaire
pulpaire. Il est possible d’incorporer certains motifs peptidiques afin de
favoriser la cinétique et les aspects structuraux de la formation de cristaux.

Les différentes matrices utilisées en ingénierie tissulaire endodontique

16
Pr. Z. METREF

 Molécules bioactives
Les molécules bioactives sont des molécules de signalisation, tels que des facteurs de
croissance ou des signaux chimiques, qui contrôlent diverses réponses cellulaires par
liaison spécifique de récepteurs transmembranaires ou intracellulaires dans une cellule
cible. Elles sont essentielles afin d’obtenir une régénération fonctionnelle de la pulpe.
Les facteurs de croissance, par l'induction de voies de signalisation spécifiques,
modulent chaque événement cellulaire clé de l'homéostasie pulpaire : la prolifération
cellulaire, la différenciation et la synthèse minérale. Plusieurs facteurs de croissance
ont prouvé leur importance dans l'ingénierie des tissus dentaires, tels que la
superfamille des Bone Morphogenetic Protein (BMP) : BMP-2, BMP-4, BMP-7 et le
Transforming Growth Factor beta 1 (TGF-ß1). Ces molécules semblent être
prometteuses pour moduler les fonctions cellulaires impliquées dans la différenciation
et la minéralisation des odontoblastes. Le basic Fibroblast Growth Factor (βFGF) et le
facteur de stimulation des colonies de granulocytes (G-CSF) sont impliqués dans la
migration des cellules vers leur tissu d’origine (cell-homing), dans l'angiogenèse et
lors de certains événements neuronaux et anti-apoptotiques. Le Vascular Epithelial
growth Factor (VEGF) et le Platelet Derived Growth Factor (PDGF) sont, quant à eux
impliqués dans l'induction de la formation de vaisseaux sanguins.
Les biomolécules libérées jouent un rôle clé dans plusieurs événements et notamment
sur les fonctions réparatrices du complexe dentino-pulpaire. En revanche, il est
difficile pour le moment d’envisager une application clinique directe car un certain
nombre de limites existent. Les bolus de biomolécules sont susceptibles d’entraîner
des effets toxiques. Les biomolécules libres peuvent présenter une demi-vie limitée et
enfin, il est difficile de maintenir une concentration appropriée de biomolécules pour
toute la période thérapeutique. Pour remédier à ces inconvénients, les recherches
actuelles se concentrent sur des systèmes de libération de biomolécules contrôlée
mimant ainsi une réponse biologique pour l'ingénierie des tissus fonctionnels.

17
Pr. Z. METREF

RÉGÉNÉRATION PULPAIRE PARTIELLE OU RÉGÉNÉRATION DE LA PULPE


VIVANTE
Les avancées récentes dans la compréhension des mécanismes biologiques et l’ingénierie
tissulaire ont réactualisé des concepts anciens de thérapeutiques régénératrices pulpaires dans
le cas d’exposition pulpaire ou de pulpites réversibles. Les cellules-souches pulpaires (DPSC)
représentent une source accessible de cellules indifférenciées pouvant avoir différentes
origines. De manière intéressante, des études récentes ont également démontré que des
cellules-souches pouvaient être isolées de pulpites estimées cliniquement en pulpites
irréversibles. Ces dernières ont montré des capacités favorables de prolifération, de
différenciation odonto/ostéogéniques et de régénération tissulaire in vivo.
Il existe deux techniques potentielles afin de régénérer partiellement la pulpe dentaire. La
première consiste en la transplantation d’un tissu pulpo-dentinaire issu de l’ingénierie
tissulaire ou la transplantation de cellules-souches pulpaires avec une matrice. La deuxième
solution réside dans l’application de facteurs de migration (homing) et de l’utilisation d’une
matrice.
 Transplantation cellulaire à visée de régénération pulpaire partielle

Dans un modèle in vivo de pulpotomie chez le chien, la transplantation de


sous-populations de cellules-souches autologues triées (CD146- et CD31-) et
cultivées tridimensionnellement a ensuite été implantée dans une matrice de
collagène au niveau du site de pulpotomie. Ce modèle a abouti à une
régénération complète du tissu pulpaire avec des processus vasculaires et
neuronaux dans les quatorze jours. Les cellules transplantées ont exprimé des
facteurs
pro-angiogéniques, impliquant une action trophique sur les cellules
endothéliales. La pulpe régénérée contenait une vascularisation et une
innervation bien développées ainsi qu’une structure minérale tubulaire le long
des parois dentinaires.

 Approche sans transplantation cellulaire

La seconde méthode consiste à recruter des cellules progénitrices issues de la


pulpe dentaire restante grâce à des facteurs de homing ou migration. Ces
cellules pourraient participer à la régénération pulpaire partielle. Cette méthode
semble séduisante car les coûts induits sont plus limités (pas de nécessité
d’isolation, de manipulation et de stockage des cellules-souches). Les risques
de réactions immunes, de contamination, de transmission de pathogènes ou de
tumorigénicité associés aux transplantations cellulaires sont absents.
Les facteurs de migration les plus étudiés sont le Fibrobast Growth Factor 2
(FGF-2) et le Stromal Cell Derived Factor-1 (SDF-1).

Le relargage non contrôlé de FGF-2 accélère la formation de dentine tertiaire


de réparation au niveau de la pulpe résiduelle, tandis que le relargage contrôlé

18
Pr. Z. METREF

du FGF2 à partir d’hydrogel de gélatine induit la formation d’ostéodentine au


niveau des défauts dentinaires.

INGÉNIERIE TISSULAIRE DE L'INTÉGRALITÉ DU COMPLEXE DENTINO-


PULPAIRE (DE L’IN VITRO À UNE APPROCHE CLINIQUE)
 Approche avec transplantation cellulaire
Il a été démontré que la transplantation de cellules-souches pulpaires humaines
dans des canaux radiculaires pouvait régénérer un tissu ressemblant à de la
pulpe dentaire avec des odontoblastes, des vaisseaux sanguins et une
innervation similaire à une pupe dentaire humaine saine. La plupart des
protocoles utilisant des cellules-souches utilisent également une matrice afin de
fournir un environnement adéquat aux cellules permettant leur prolifération,
leur migration et la différenciation en une pulpe fonctionnelle. Ces matrices
doivent pouvoir être injectées dans le canal. Il existe également des approches
alternatives n’utilisant pas directement de matrice exogène mais plutôt la
création d’un tissu pulpaire auto-assemblé tridimensionnel, sans matrice, à
partir des cellules pulpaires.

 Approche sans transplantation cellulaire


Afin de pallier les inconvénients et les limites des approches utilisant la
transplantation de cellules, une approche dite sans cellule a été proposée. Cette
approche sans cellule (tout comme celle sur la régénération pulpaire partielle)
est basée sur le recrutement de cellules. Dans le cas de régénération pulpaire
totale, les cellules cibles à recruter se situent dans la région péri-apicale. Cette
approche est la plus développée cliniquement et dont les pionniers ont été
Trope et collaborateurs. La création d’un caillot sanguin dans le canal
radiculaire se fait en instrumentant de manière intentionnelle le péri-apex.
Après désinfection, le caillot sanguin est généré par l’instrumentation au-delà
de l’apex et jouerait le rôle de matrice pour le nouveau tissu régénéré mais
également de réservoir de biomolécules naturelles permettant le recrutement de
cellules. Ensuite, le scellement coronaire se fait par un biomatériau de type
silicate (MTA, biodentine, biocéramique).
Cette approche ne permet pas la régénération d’un tissu pulpaire fonctionnel.
L'application des principes classiques de l'ingénierie tissulaire pourrait
permettre de mieux contrôler les cellules et les tissus impliqués pour aboutir à
des résultats plus prévisibles. Des biomolécules voire des cocktails de
molécules (βFGF, VEGF, PDGF et de NGF et BMP-7) favorisant la
chemotaxie constituent une stratégie alternative. L’utilisation de matrices
optimisées pour ce type d’application est cruciale et fait l’objet de différentes
études. Les protéines dérivées de la dentine pourraient induire une chimiotaxie
et la formation de tissu ressemblant à une pulpe. Les procédés permettant de
favoriser cette libération sont en cours d’investigation.

19
Pr. Z. METREF

L’utilisation d’acide citrique semblerait être plus avantageuse que l’EDTA qui
est traditionnellement proposé cliniquement pour favoriser le cell-homing dans
les procédures régénératrices.
L’utilisation de matrices optimisées pour la régénération pulpaire est à l’étude.
Par exemple, la matrice extracellulaire (MEC) pulpaire représente une source
naturelle pour produire des matrices imitant les propriétés chimiques et
mécaniques des tissus natifs. L’introduction d’une MEC décellularisée
prédéfinie avec sa distribution spatiale de facteurs trophiques semble être une
piste prometteuse.
Ces matrices, permettent de déclencher une migration de progéniteurs et de
cellules-souches afin de recoloniser la matrice décellularisée. Dans un
processus similaire à celui du remodelage tissulaire, les cellules recrutées dans
les tissus environnants migrent vers le nouveau réseau de matrice extra-
cellulaire et s’enchevêtrent dans ce dernier. Récemment, les matrices à base de
matrice extracellulaire ont montré des résultats prometteurs en termes de
recrutement de cellules progénitrices, de promotion du remodelage constructif
et de modulation de la réponse de l'hôte.

CONCLUSION
L’ingénierie tissulaire appliquée à l’endodontie n’est pas encore applicable dans les cabinets
dentaires. Néanmoins, les efforts intenses de recherche qui allient plusieurs domaines
(cellules-souches, matrice et biomolécules) ont finalement permis de mieux comprendre un
certain nombre de mécanismes présents à l’état naturel. L’adoption et la généralisation d’une
technique ou d’une stratégie d’ingé- nierie tissulaire ayant fait ses preuves au niveau
expérimental ne peuvent se faire que si l’on maîtrise les risques sanitaires et le coût. Bien que
le complexe dentino-pulpaire soit une structure unique au niveau du corps humain, la
recherche en endodontie doit se nourrir et interagir avec les autres disciplines médicales afin
de trouver la ou les stratégies les plus pertinentes dans le but d’améliorer la qualité des soins
pour les patients.

20

Vous aimerez peut-être aussi