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Pascal BARNETO

Professeur de finance
IAE – Ecole Universitaire de Management
35, rue Abadie
33076 Bordeaux cedex - France
pascal.barneto@u-bordeaux.fr

Rapport sur la thèse de Doctorat en Sciences de Gestion


présentée par Madame Amal HSISSOU

Le document présenté par Madame Amal Hsissou en vue d’obtenir le doctorat en sciences de
gestion s’intitule : « Comptabilisation des actifs incorporels : cas du Goodwill ».

Il s’agit d’une thèse de 177 pages, rédigée en anglais et composée réellement de trois articles,
recoupant trois niveaux (micro/mezzo/macro). Après une introduction générale et un chapitre
descriptif sur le Goodwill (GW) et ses modalités de dépréciation, il a été rédigé trois
chapitres. Le chapitre 1 s’intitule : « The effect of goodwill and its impairment on cash flow
prediction ». Le chapitre 2 traite du sujet suivant : « Goodwill and stock price crash risk ». Le
chapitre 3 a pour titre : « Economic policy uncertainty and goodwill impairment ». Les trois
chapitres sont formatés pour une soumission à publication et ont sensiblement le même plan
(plan standard pour une revue).

Le rapporteur félicite avant tout la candidate pour avoir travaillé sur un sujet pertinent en
comptabilité financière, qui reste plus que jamais d’actualité. La comptabilité retrace très mal
à ce jour tous les éléments qui ne sont pas considérés comme traçables ou identifiables, car
non contrôlés. En réalité, c’est cette notion de contrôle qui est mobilisée dans les cadres
conceptuels et dans différentes normes, mais qui reste très mal définie. La littérature sur le
GW – et plus exactement sur les dépréciations et/tests de dépréciation – a tourné jusqu’à
présent autour de cinq questions exposées par l’auteure : la perception par le marché ; les
déterminants ; la value relevance ; la latitude de la direction et la mise en place des tests.
L’écriture en anglais de la thèse est fluide, même s’il y a de nombreuses répétitions de phrases
(cas des thèses sur articles), les références bibliographiques sont bonnes et la présentation
générale est propre.

Le chapitre liminaire expose le GW uniquement à travers deux référentiels : US GAAP et


IFRS. C’est assez restrictif au final et on regrette ce choix car il aurait été intéressant
d’exposer d’autres cadres comptables, en particulier la position du normalisateur comptable
français. Par ailleurs, Mme Hsissou nous fait entrer directement dans l’actualité et le vif du
sujet avec son GW, sans trop regarder l’histoire mouvementée qu’a connu ce dernier, bien
avant les années deux mille (passage de SFAS 142 à ASC 350 ou de IAS 22 à IFRS 3 et
IFRS3R). Un chapitre sur l’histoire du GW depuis le 19ème siècle aurait été intéressant afin de
mieux comprendre pourquoi les autorités ont été amenées à (re)mettre au goût du jour les tests
de dépréciation et à enlever l’amortissement (voir la revue de la SFAF). Les exemples des
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firmes US sont pertinents mais on aurait pu illustrer certains propos avec des exemples
caricaturaux (en France par exemple, avec Vivendi, Alcatel, France Télécom et Orange, Total
et Elf Aquitaine, etc.) qui à l’époque établissaient des comptes en PCG et en US GAAP.

Les trois essais portent uniquement sur des firmes US de 2003 à 2020. Si ce choix est
acceptable, nous ne comprenons pas pourquoi il est fait référence aux normes IFRS dès la
partie introductive La littérature sur le GW étant extrêmement abondante, de nombreuses
autres références auraient pu être mobilisées (voir la revue CCA par exemple), conduisant à
d’autres questions de recherche. Toutefois, la page 38 résume bien les trois essais, les
objectifs et les résultats obtenus. Un débat sur le cadre institutionnel, politique et économique
aux Etats-Unis aurait permis de mettre en évidence pourquoi la question du GW est aussi
importante dans le cadre des firmes américaines mais également pourquoi cela le différencie
de ce que l’on aurait pu avoir ou faire en Europe et/ou en Asie.

L’échantillon A (essai 1) mentionne les firmes avec (74%) et sans (26%) GW. Si l’évolution
du GW moyen et de la dépréciation moyenne sont intéressantes, il aurait été judicieux de
positionner également une approche par secteurs d’activités. De plus, il est évident que les
caractéristiques du dirigeant devraient être mieux prise en compte (opportunisme,
rémunération, gouvernance et comité d’audit, type de firmes, etc.) dans les variables exogènes
notamment pour analyser les tests de dépréciation. Les variables présentées en page 69
semblent trop restrictives pour expliquer les soubassements conceptuels des « impairments ».

L’Essai 1 se positionne dans le cadre de l’évaluation de la firme à travers les GW et les


dépréciations. La notion de Fair Value y est appréhendée à travers deux hypothèses qui
s’opposent : l’une avec le GW, l’autre avec sa dépréciation. Les deux équations de la page 86
nous semblent trop simples pour comprendre les cash flows futurs d’autant que le taux
d’actualisation (le coût du capital ?) n’est pas évoqué. Or ce dernier semble au cœur du calcul
du GW et du test de dépréciation.

L’Essai 2 fait état du risque du prix du titre en lien avec le GW, ce qui nous semble assez
intuitif dans certains secteurs (IT, médical, etc.) lorsque les acquisitions externes sont légions.
Le GW ne traduit in fine que de « l’antimatière », du « vent, de la « spéculation », etc. (c’est
une façon de voir les choses et donc de le qualifier) qui fait qu’au moindre soubresaut de
l’économie, un vent de panique s’empare des marchés et conduit à pertes sur Equity. De ce
fait, l’intérêt du papier se situe au niveau de l’hypothèse H2 page 108. Il aurait été intéressant
d’avoir plus de discussion au sujet des variables testées, car l’écart-type de 108.8 du MTB
page 115 est surprenant. La matrice page 117 concernant précisément la variable MTB affiche
peu de significativité. N’y-t-il pas des redondances dans les variables ou de la colinéarité ? En
outre, plus de discussions sur la portée des résultats auraient été bien accueillies.

L’Essai 3 concerne les incidences macroéconomiques sur les dépréciations des GW. La notion
de sur-confiance du dirigeant est évoquée et testée, mais peu discutée en amont. Elle est un
ressort de la finance comportementale mais n’apparaît dans l’étude qu’à travers des mesures
moyennes quantitatives comme le VIX. Le rapporteur s’interroge sur l’opportunité
d’appliquer une méthodologie qualitative (observation, étude de cas ou entretien) à cette
question de recherche. N’est-elle pas envisagée pour la suite de la recherche ?

Quelques remarques de forme :


p. 68 : lorsqu’on présente une équation, il convient de mettre la définition et la mesure des
variables au-dessous de manière plus claire afin de permettre au lecteur de comprendre

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immédiatement ce qui a été testé. De plus en intégrant le ROA (RN/Total Actif) comme
variable explicative, cela crée une colinéarité avec la variable endogène (le résultat net est la
conséquence de la dépréciation qui explique lui-même la dépréciation !).
p. 87 : On aurait souhaité avoir des informations sur le nombre de firmes (voire leur nom !) et
pas uniquement des années-firmes et aboutir à un nombre de 40046 !!

De nombreux autres points techniques seront évoqués chapitre par chapitre lors de la
soutenance. Cette dernière sera sûrement très riche en échanges.

Pour conclure, Madame Hsissou a rendu un travail très sérieux par les résultats empiriques
obtenus d’un point de vue économétrique. Il correspond aux critères validant une recherche
académique de bon niveau. De plus, ces travaux ont été acceptés et présentés lors de
conférences au cours de ces trois dernières années, même s’ils n’ont pas encore fait l’objet de
publication. Par conséquent, je donne un avis favorable à la soutenance publique de cette
thèse de doctorat.

Bordeaux, le 13 octobre 2022

P. Barneto

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