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Les Lichens

Les Lichens ont été considérés longtemps comme


formant un groupe distinct des Champignons et des
Algues, mais on sait depuis le milieu du XIXe siècle
qu'ils ne forment pas une unité systématique
particulière, mais correspondent à un ensemble de
végétaux où doivent rentrer tous les Champignons
vivant en société avec les Algues. Les Lichens forment,
du fait de la physionomie particulière que leur donne
cette association, un groupe spécial. Celui-ci est
essentiellement physiologique, mais très hétérogène au
point de vue morphologique, puisqu'il renferme à la fois
des Ascomycètes (Discomycètes et Pyrénomycètes) et
même quelques Basidiomycètes. Le Champignon est
toujours un représentant d'une de ces familles, mais il
ne se trouve que chez les Lichens, tandis que l'Algue
associée n'est pas exclusive aux Lichens et se retrouve
partout où les conditions extérieures peuvent favoriser
sa croissance et sa multiplication.

Le bénéfice réciproque de l'association de l'Algue et du


Champignon n'est pas identique pour les deux êtres.
L'association, indispensable au Champignon, ne l'est
généralement pas pour l'Algue qui peut exister sans lui.
De plus, aussi, une espèce d'Algue différente ne
correspond pas nécessairement à chaque groupe
("genre") de Lichen, mais la même Algue peut être
associée à des Lichens très dissemblables. De plus,
des Algues très différentes peuvent se rencontrer dans
des Lichens tout à fait voisins et le même Lichen peut
emprisonner en même temps plusieurs Algues de
genres et même d'ordres distincts. Pourtant certains
Lichens s'associent de préférence avec certaines
Algues.

Les Lichens sont des végétaux très répandus dans la


nature. On les rencontre partout, sur les pierres, le sol,
les arbres, les rochers; mais, quel que soit leur
substratum, c'est à l'abri du Soleil direct que le
développement de la plante est le meilleur. Les variétés
("espèces") sont d'autant plus nombreuses dans une
région que celle-ci fournira plus de forêts et de roches
granitiques. Elles affectionnent les endroits incultes où
les plantes à fleurs sont absentes. Mais elles
demandent des conditions de développement
favorables. Il leur faut de l'air, de la lumière, de la
chaleur et de l'humidité, surtout cette dernière. La
sécheresse arrête l'évolution et l'existence des Lichens,
mais ils renaissent à la vie après une longue période de
mort apparente.

Suivant leur aspect extérieur, on a divisé les Lichens en


gélatineux, foliacés, crustacés, fruticuleux. Dans le
premier cas, les filaments du Champignon se ramifient
dans la masse gélatineuse de l'Algue (Nostoc, par
exemple) sans en altérer beaucoup la forme. C'est
l'Algue qui imprime au Lichen son aspect extérieur.
Dans les autres cas, de beaucoup les plus fréquents, où
les cellules vertes de l'Algue sont emprisonnées dans le
tissu compact du Champignon, le Lichen peut s'étaler
en croûte peu épaisse, fixée au substratum dans les
cavités duquel il peut même s'enfoncer et disparaître
presque totalement (L. crustacé) ou bien former une
lame membraneuse, parfois de grandes dimensions
(Peltigera) à bords ondulés ou en lobes, étendus sur un
support auquel elle est fixée par des rhizomes plus ou
moins espacées (L. foliacé). Quant au Lichen
fruticuleux, c'est une petite arborescence dressée,
simple ou ramifiée, ressemblant à un buisson, fixée à
un support en un seul endroit et par une base étroite
(Usnea, Roccella). On peut quelquefois observer une
combinaison de ces différentes formes, comme dans la
Cladonia Rangiferina où le thalle demeure crustacé tant
qu'il siège sur les branches mortes, les écorces, mais
se développe en branches dressées et frutescentes dès
que le vent l'apporte sur la terre humide.
La morphologie et la reproduction des
Lichens

Le thalle des Lichens est dit homoeomère quand l'Algue


y prédomine sur le Champignon, ou quand les cellules
des deux thalles sont mélangées à peu près partout
dans les mêmes proportions; hétéromène, quand le
thalle présente sur sa section transversale plusieurs
couches, et que les cellules de l'Algue y sont localisées
en une couche dite verte, entre la couche dite corticale
et la couche médullaire. La couche verte n'existe chez
les Lichens foliacés que vers la face supérieure; chez
les Lichens fruticuleux elle existe tout autour. La
coloration des thalles est variable. Souvent elle est
terne et grisâtre, plus ou moins verte, quelquefois
blanchâtre, jaunâtre, orangée, brune, noirâtre. Le thalle
d'un Lichen est constitué par deux portions associées,
l'une incolore (thalle de Champignon), formée de
filaments cloisonnés et ramifiés, l'autre chlorophyllée
par le fait de la présence d'une Algue. Celle-ci peut être
une Cyanophycée, une Conferve ou une Protococcée,
une Palmellacée. Le Champignon est toujours un
Ascomycète, sauf le cas d'un Cora ou d'un
Rhipidonema qui sont des Basidiomycètes. L'Algue se
trouve dans la portion aérienne du thalle du Lichen. Les
cellules sont retenues dans un stroma de filaments
rameux enchevêtrés en un massif de
pseudoparenchyme. Le Champignon constitue à lui seul
la partie profonde du thalle, la partie enfoncée dans le
milieu nutritif, formée de filaments rameux isolés, le
mycélium.

Parmelia acetabulum (thalle).

Le principal mode de division des Lichens repose sur


l'aspect extérieur qu'offre le périthèce, tantôt largement
ouvert et étalant son hyménium en forme de coupe ou
de disque comme chez les Discomycètes (le Lichen est
alors dit gymnocarpe), tantôt ouvert seulement par un
pore terminal et gardant la forme d'une bouteille
immergée comme chez les Pyrénomycètes (Lichen
angiocarpe). La structure ne diffère pas de celle du
périthèce des Ascomycètes ordinaires et les cellules de
l'Algue associée y ont fort peu d'importance. Leur
couche dans un Lichen gymnocarpe se prolonge en
formant un rebord saillant autour du disque hyménial.
Dans un Lichen angiocarpe, elles peuvent pénétrer
entre les asques et être poussées jusque dans la cavité
du périthèce. Au point de vue de la formation
proprement dite du périthèce, on rencontre dans les
Lichens les divers modes de production déjà observés
pour les autres Ascomycètes. Le plus souvent, elle
s'opère avec une différenciation précoce de la branche
ascogène. Les asques claviformes ressemblent aussi
dans leurs lignes principales à ceux des Discomycètes
et des Pyrénomycètes. Leur membrane épaisse peut se
gonfler et se colorer en bleu par l'iode. Les spores,
généralement par huit, peuvent varier de nombre, et
aller de deux à trois (Pertusaria) à cent et même
davantage (Bactrospora). Simples ou cloisonnées, elles
ont une membrane externe ordinairement lisse et
diversement colorée. A la maturité, elles sont
violemment projetées au loin à travers une déchirure de
la paroi de l'asque, et germent en poussant un ou
plusieurs tubes, suivant qu'elles sont simples ou
cloisonnées. L'iode colore en bleu les spores d'un grand
nombre de variétés appartenant aux Graphis, etc., en
rose ou en lilas celles du Trypethelium ciberinum ou du
moins leur épispore.

Les Lichens peuvent aussi se reproduire par des


conidies naissant à l'intérieur de bouteilles immergées
dans le thalle et s'ouvrant en dehors par un pore
terminal. Elles ont la forme de petits bâtonnets germant
seulement dans un milieu nutritif approprié ou de corps
ovales ou arrondis, munis d'une réserve nutritive et
pouvant germer dans l'eau pure. Enfin la multiplication
des Lichens peut se faire par des corps particuliers
nommés sorédies, constitués par une ou plusieurs
cellules vertes de l'Algue nourricière, entourées de
toutes parts par une couche de filaments du
Champignon et pouvant, une fois détachées du thalle,
en produire un nouveau.

Sphaerophoron coralloides (thalle).

La symbiose

Le Champignon et l'Algue associés dans le Lichen ont


l'un sur l'autre une influence réciproque. Dans le contact
intérieur des cellules vertes de l'Algue, entourées par
les filaments du Champignon ou même pénétrées par
eux, il s'opère des échanges osmotiques, nutritifs,
réciproques. Le Champignon emprunte à l'Algue une
portion des substances hydrocarbonées qu'elle fabrique
sous l'influence de sa chlorophylle et de la lumière, et lui
rend en retour des matières azotées et albuminoïdes
qu'il produit plus vite qu'elle avec ces mêmes hydrates
de carbone. Le bénéfice, écrivait déjà Van Tieghem
, est assurément beaucoup plus grand pour le
Champignon que pour l'Algue, mais celle-ci, comme
compensation, trouve dans le Champignon un abri
contre la sécheresse, la pluie, le vent. Il y a donc bien
association et bénéfice réciproque; un ménage, un
consortium. C'est d'ailleurs grâce à cette union qu'on
peut considérer les Lichens comme les véritables
créateurs du sol. Une roche nue, un récif émergé, une
pierre extraite de la carrière ne sauraient fournir les
moyens d'existence aux végétaux transportés à leur
surface. Une graine de Phanérogame, une spore de
Mousse n'y sauraient se développer, tandis que
certaines Algues inférieures peuvent vivre à leur
surface, aux seuls dépens de la lumière et de l'humidité,
jusqu'à ce que certains Champignons germant sur elles
viennent les envelopper, les protéger et avec leurs
filaments les fixer à la roche qu'ils désorganisent en y
puisant les sels nécessaires à la synthèse rapide des
matières albuminoïdes, à l'aide des hydrates de
carbone (Van Tieghem). Les portions de roche
désorganisées et les débris des plantes primitives
formeront une couche sur laquelle germeront les
Bryophytes, et plus tard les végétaux à fleurs.

Cetraria islandica.

Van Tieghem a réuni dans le tableau ci-après un certain


nombre de ces associations :
-
Algues Lichens
Cyanophycées Ephebe, Spitonema, Potychidium.
Lichina Racoblenna.
Stigonémées Heppia, Porocyphus, Pannaria.
Rivulariées Coltema, Leptogium, Pannaria, Peltigera.
Scytonémées Omphalaria,Euchylium,Phylliscum.
Nostacées
Chroococcées

Chlororophycées
Beaucoup de Lichens crustacés (Endocarpon, etc.), foliacés
Protococcées et (Physcia, etc.) ou fructiculeux (Cladonia, Evernia, Usnea,
Palmellacées Anaptychia, etc.)
(Cystococcus,
Pleurococcus,
Protococcus, etc.) Cystocoleus, Coegonium, Graphis, Verrucaria, Roccella.

Confervacées
(Chroolepus, etc.) Opegrapha filicina.

Coléochetées
(Phyllactidium).
La démonstration la plus évidente de la constitution double des
Lichens repose sur la possibilité que l'on a d'en effectuer
directement la synthèse sur de l'argile humide. On obtient, en
suivant une spore de Lichen près d'une Algue et en choisissant
des variétés à développement assez rapide, des thalles de
Lichens qui ont pu parvenir à l'état adulte et produire leurs
bouteilles à conidies linéaires au bout de quatre à six semaines,
leurs périthèces mûrs au bout de quatre à cinq mois (Van
Tieghem). Inversement, on peut facilement produire l'analyse du
Lichen et, en détruisant l'association, rendre à l'Algue, avec sa
liberté, sa forme ordinaire et son mode de végétation normal,
tandis que le Champignon disparaît.

Roccella tinctoria.

La systématique des Lichens


On connaît environ 20 000 variétés de Lichens. Les nombreux
groupes que l'on y constitue se répartissent en trois divisions
principales. L'une, la moins importante, comprend les Lichens
Basidiomycètes (Cora, Rhipidonema, groupe appartenant à la
famille des Hyménomycètes et à la tribu desThéléphorés, voisins
des Stereum). Les deux autres (Lichens Ascomycètes) sont les
Lichens Discomycètes (Gymnocarpes) et les Lichens
Pyrénomycètes (Angiocarpes).

Ces deux subdivisions se décomposent elles-mêmes en tribus.


d'après la conformation du thalle. Voici le classement indiqué par
Van Tieghem :

1° Thalle homoeomère, non gélatineux, fruticuleux par la


ramification de l'Algue : Coenogoniurn, Cystocoleus
(Discomycètes); Ephebe, Ephebella (Pyrénomycètes);

2° Thalle homœomère, gélatineux : Psorotrichia, Omphalaria,


Collema, etc. (Disc.); Lichina, Obryzum (Pyr.);

3° Thalle hétéromère, crustacé : Graphis, Arthonia, Calycium,


Lecidea, Biatora, Lecanora, etc. (Disc.); Pertusaria, Verrucaria,
etc. (Pyr.);

4° Thalle hétéromère, foliacé : Parmelia, Sticta, Imbricaria,


Peltigera, etc. (Disc.); Endocarpon (Pyr.);

5° Thalle hétéromère, fruticuleux : Cetraria, Usnea, Roccella,


Cladonia (Disc.); Sphaerophoron (Pyr.).

Un certain nombre de Lichens ont été traditionnellement


recherchés comme plantes tinctoriales. Tels leRoccella tinctoria,
le Parmelia pallescens fournissant l'orseille. D'autres Lichens
fournissent ou ont fourni des ressources alimentaires en certains
pays : le Lichen d'Islande (Cetraria Islandica), avec le thalle
duquel on préparait une farine spéciale; le Parmelia esculenta
(flore du Sahara ), correspondant, à ce qu'on pense, à la manne
des Hébreux, pouvant une fois desséché se détacher sous les
efforts du vent, retomber plus loin sous forme de pluie et
reprendre vie très facilement; le Cladonia rangiferina, pâturage
excellent pour les rennes qui le découvrent sous la neige; le
Pulmonaire du Chêne (Sticta pulmonaria), contenant un principe
amer et pouvant remplacer le houblon dans la fabrication de la
bière. D'autres Lichens enfin ont des usages thérapeutiques.
(Henri Fournier).

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