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Hémorragies et thromboses

Du diagnostic aux traitements


CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

TRAITÉ DE RÉANIMATION MÉDICALE, coordonné par G. OFFENSTADT. À


paraître 2009.
LA VENTILATION ARTIFICIELLE, par L. BROCHARD, A. MERCAT, J.-C. M.
RICHARD, Collection Pratique en anesthésie, réanimation, urgences. 2008,
336 pages.
LE POLYTRAUMATISÉ, par J. MARTY, Collection Pratique en anesthésie, réa-
nimation, urgences. 2006, 224 pages.
MANUEL D’ANESTHÉSIE, par E. ALBRECHT et J.-P. HABERER. 2006, 64? pages.
RECOMMANDATIONS THÉRAPEUTIQUES EN MÉDECINE VASCULAIRE, par
C. BOISSIER, J.-L. GUILMOT, L. BRESSOLLETTE, H. BOCCALON. Sous l’égide
du Collège des enseignants en médecine vasculaire. 2004, 224 pages.
CARDIOLOGIE CLINIQUE, par W. RUTISHAUSER, J. SZTAJZEL. Collection Car-
diologie pratique. 2004, 288 pages.
MÉDECINE VASCULAIRE, par B. DEVULDER. Collection Abrégés de médecine.
2004, 2e édition, 528 pages.
L’ATHÉROSCLÉROSE. PHYSIOPATHOLOGIE, DIAGNOSTICS ET THÉRAPEUTI-
QUES, par J.-F. TOUSSAINT, M.-P. JACOB, L. LAGROST, J. CHAPMAN. Sous
l’égide de la Société française d’athérosclérose. 2003, 808 pages.
LA MÉNOPAUSE, par J. CONARD. Collection précis de gynécologie-obstétri-
que. 2003, 2e édition, 312 pages.
LES URGENCES PRÉHOSPITALIÈRES, par J.-E. DE LA COUSSAYE. Collection
Pratique en anesthésie, réanimation, urgences. 2003, 224 pages.
ORGANISATION-QUALITÉ-GESTION DU RISQUE EN ANESTHÉSIE RÉANIMATION,
par J. MARTY, Collection Pratique en anesthésie, réanimation, urgences.
2003, 336 pages.
SYNDROME DE PRÉEXITATION VENTRICULAIRE, par J. LAHAM,
B. BREMBILLA-PERROT. Collection Monographies de cardiologie. 2003,
208 pages.
Hémorragies
et thromboses
Du diagnostic
aux traitements

Comité de coordination Hôtel-Dieu :

MM. SAMAMA, I. ELALAMY,


J. CONARD, A. ACHKAR,
M.-H. HORELLOU

Coordinatrice de l’édition :

Françoise MAURIAT
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés
pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle par quelque procédé que
ce soit des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur
est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproduc-
tions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou
d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et
L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

© 2009 Elsevier Masson. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-225-85668-6

ELSEVIER MASSON S.A.S. – 62, rue Camille Desmoulins, 92442 Issy Les Moulineaux Cedex
LISTE
DES COLLABORATEURS

ACHKAR Antoine, service de pneumologie, centre hospitalier Eureseine,


Vernon.
D’AZEMAR Pascal, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, Paris.
BECKER François, service de médecine vasculaire, université de Franche-
Comté, Besançon.
BOISSEAU Michel, laboratoire d’hématologie, université Victor-Segalen,
Bordeaux 2, Bordeaux.
BOREL-DERLON Annie, service d’hématologie biologique, centre hospitalier
et universitaire, Caen.
BOUTBOUL David, service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, Paris.
CABAUD Jean-Jacques, DRASS Ile-de-France, coordination régionale
« Hémovigilance », Paris.
CACOUB Patrice, service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-Salpê-
trière, Paris.
CASADEVALL Nicole, service d’hématologie biologique, hôpital Hôtel-Dieu,
Paris.
CONARD Jacqueline, service d’hématologie biologique, hôpital Hôtel-Dieu,
Paris.
CONDAT Bertrand, service d’hépatologie et Inserm U 481, Fédération médico-
chirurgicale d’hépato-gastro-entérologie, hôpital Beaujon, Clichy.
COPPO Paul, service d’hématologie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
DEPASSE François, Biomnis, Ivry-sur-Seine.
EBEL Anne, Biomnis, Ivry-sur-Seine.
ELALAMY Ismail, service d’hématologie, hôpital Tenon, Paris.
FAVIER Rémi, CRPP, service d’hématologie biologique, hôpital d’Enfants
Armand-Trousseau, Paris.
FLAUJAC Claire, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, Paris
GEROTZIAFAS Grigoris, service d’hématologie, hôpital Tenon, Paris.
GOUIN Isabelle, laboratoire d’hématologie, groupe hospitalier Charles-Foix-
Jean-Rostand, Ivry-sur-Seine.
GUERMAZI Sami, laboratoire d’hématologie, Hôpital Charles Nicolle, Tunis,
Tunisie.
HELFT Gérard, Institut de cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
Paris.
HORELLOU Marie-Hélène, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu,
Paris.
KAMOUN Pierre, service de biochimie B, groupe hospitalier Necker-Enfants
malades, Paris.
VI Liste des collaborateurs

KHER André, Euthemis, Saint Mandé.


LECOMPTE Thomas, université Henri-Poincaré, Nancy 1, Inserm ERIT-M
0323 « Nouvelles approches antithrombotiques », service d’hématologie
biologique, centre hospitalier et universitaire, Nancy.
LECRUBIER Chantal, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, Paris.
LEFRÈRE François, service d’hématologie adultes, hôpital Necker, Paris.
LEFRÈRE Jean-Jacques, laboratoire d’hématologie, centre hospitalier et
universitaire, Amiens et Institut national de la transfusion sanguine, Paris.
LEVESQUE Hervé, département de médecine interne, centre hospitalier
régional et universitaire, Rouen.
LIMAL Nicolas, service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-Salpê-
trière, Paris.
MICHON-PASTUREL Ulrique, service de médecine vasculaire, hôpital Saint-
Joseph, Paris.
NÉGRIER Claude, centre régional de l’hémophilie, hôpital Édouard-Herriot,
Lyon.
PRIOLLET Pascal, service de médecine vasculaire, hôpital Saint-Joseph, Paris.
ROUSSEL Bertrand, laboratoire d’hématologie, centre hospitalier et universi-
taire, Amiens.
SAMAMA Meyer-Michel, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, Paris.
SAMAMA Marc, département d’anesthésie-réanimation, Hôtel-Dieu, Paris.
SCHVED Jean-François, laboratoire d’hématologie, hôpital Saint-Éloi,
Montpellier.
SENE Damien, service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-Salpê-
trière, Paris.
SIÉ Pierre, laboratoire d’hématologie, hôpital Purpan, Toulouse
SIGURET Virginie, laboratoire d’hématologie, hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-
Seine.
TROSSAERT Marc, centre de traitement de l’hémophilie, centre hospitalier et
universitaire, Nantes.
VALLA Dominique, service d’hépatologie et Inserm U 481, Fédération
médico-chirurgicale d’hépato-gastro-entérologie, hôpital Beaujon, Clichy.
VAN DREDEN Patrick, laboratoire Stago, recherche et développement,
Gennevilliers.
VARET Bruno, service d’hématologie adultes, hôpital Necker, Paris.
WOIMANT France, unité neurovasculaire, hôpital Lariboisière, Paris.
ZORN Jean-René, ancien chef du service de gynécologie-obstétrique III,
hôpital Cochin, Paris.
Remerciements pour leur aide dans l’actualisation de certains chapitres à :
DELLUC Aurélien, département de médecine interne, EA 3878, centre hospita-
lier et universitaire de la Cavale Blanche, Brest.
EMILE Carole, laboratoire, hôpital Valère-Lefebvre, Le Raincy.
STIELTJES Nathalie, service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, Paris.
ABRÉVIATIONS

α2-AP : α2-antiplasmine
β2GPI : β2-glycoprotéine I
βTG : β-thromboglobuline
AAN : anticorps antinucléaire
ABO : groupes sanguins ABO
ACC : anticoagulant circulant
ACC/AHA : American College of Cardiology/American Heart
Association
ACCP : American College Chest Physicians
ACT : activated clotting time
ADAMTS : A disintegrin and metalloproteinase with
thrombospondin 1-like domains
ADN : acide désoxyribonucléique
ADNc ADN complémentaire
Afssaps : Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé
AIC : accident ischémique cérébral
AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien
ALAT : alanine aminotransférase
ALR : anesthésie locorégionale
AMM : autorisation de mise sur le marché
AMP : adénosine-5-monophosphate
AMPc : AMP cyclique
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de
santé
ANCA : anticorps dirigés contre le cytoplasme des
polynucléaires neutrophiles
ANS : antinucléaires solubles
anti-IIa : antithrombine
aPE : anticorps anti-phosphatidyléthanolamine
AP-HP : Assistance publique-Hôpitaux de Paris
APL : anticorps antiphospholipides
apo-A1 : apolipoprotéine A1
apo-B : apolipoprotéine B
apo-B100 : apolipoprotéine B100
apo-E : apolipoprotéine E
Arg306Gly : arginine 306 glycine
Arg306Thr : arginine 306 thréonine
VIII Abréviations

ARM : angiographie par résonance magnétique


AT : antithrombine
ATIII : ancienne appellation de l’antithrombine III, désormais
AT
ATEV : accident thromboembolique veineux
ATP : adénosine triphosphate
ATU : autorisation temporaire d’utilisation
AVC : accident vasculaire cérébral
aVF, aVL, aVR : dérivations électrocardiographiques unipolaires
augmentées
AVK : antivitamine K
B2 : deuxième bruit du cœur
B3 : troisième bruit du cœur
B4 : quatrième bruit du cœur
BMI : body mass index (IMC)
BPCO : broncho-pneumopathie chronique obstructive
BPI : bactericidal/permeability increasing protein
CAST : chinese aspirin stroke trial
CBS : cystonine β-synthase
c-ANCA : ANCA cytoplasmique
CETP : cholesterol ester transfer protein
CGR : concentré de globule rouge
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée
CK : créatine kinase
CKMB : isoenzyme MB de la créatine kinase
Cmax : concentration maximale
CMV : cytomégalovirus
COOH : groupement carboxyl
Cox : cyclooxygénase
CPC : cœur pulmonaire chronique
CPCPE : cœur pulmonaire chronique postembolique
CPK : créatine phosphokinase
CPS : concentré de plaquettes standard
CREST : calcification, Raynaud œsophage, sclérodactylie,
télangiectasie
CRP : protéine C réactive
DCI : dénomination commune internationale
D-Di : D-dimères
dDAVP : 1-désamino-8-D-arginine vasopressine ou
desmopressine
DIC : death is coming (acronyme utilisé par Bick)
Abréviations IX

DMSO : diméthylsulfoxyde
DNA : desoxyribonucleic acid
DS : déviation standard
EBV : virus d’Epstein-Barr
ECG : électrocardiogramme
E. coli Escherichia coli
ECT* : extrait de cellules thymiques
EDTA : acide éthylène diamine tétra-acétique
EDV : écho-Doppler veineux
EFS : Établissement français du sang
Elisa : enzyme-linked immunoadsorbent assay
ENA : antigènes nucléaires solubles dans les solutions salines
isotoniques (extractible nuclear antigen)
eNO (synthase) : monoxyde d’azote synthase endothéliale
EP : embolie pulmonaire
ERGIC : endoplasmic reticulum-Golgi intermediate
compartment
ESTHER : estrogen and thromboembolism risk
F1 + 2 : fragments 1 + 2 de la prothrombine
F4P : facteur 4 plaquettaire
FA : fibrillation auriculaire
Fc (fragment) : fragment cristallisable
FDA : Food and Drug Administration
FEVD : fraction d’éjection du ventricule droit
FII : prothrombine, facteur II
FIIa : thrombine ou facteur II activé
FIX : facteur antihémophilique B, facteur IX
fl : femtolitre
FPA : fibrinopeptide A
FPB : fibrinopeptide B
FT : facteur tissulaire
FVL : facteur V Leiden
FVII : proconvertine, facteur VII
FVIII : facteur VIII ou facteur antihémophilique A
FX : facteur X ou facteur Stuart
FXa : facteur X activé
FXII : facteur XII, facteur Hageman
GB : globule blanc
GEHT : groupe d’étude sur l’hémostase et la thrombose
GIHP : groupe d’intérêt en hémostase périopératoire
GP : glycoprotéine
X Abréviations

GPx-3 : glutathion peroxydase


GUSTO : global use of strategies to open occluded coronary
arteries
GVH : greffon contre l’hôte
HBPM : héparine de bas poids moléculaire
HBs : antigène de surface de l’hépatite B
hCG : gonadotrophine chorionique (human chorionic
gonadotrophin)
HCV : virus de l’hépatite C
HDL : lipoprotéines de haute densité
HELLP (syndrome) :hemolysis elevated liver enzymes, low platelet count
HIV : virus responsable du sida (human immunodeficiency
virus)
HLA B51 : antigène d’histocompatibilité locus B
HLA : antigène d’histocompatibilité (human leucocyte
antigen)
HNF : héparine non fractionnée
HPA : human platelet antigen
HPA1 : anciennement connu sous l’abréviation P1-A
HPN : hémoglobine paroxystique nocturne
HSP 60 : heat shock protein
HTA : hypertension artérielle
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire
HTLV-I/II : human T lymphoma virus
IC : index cardiaque
ICAM-1 : intercellular adhesion molecule 1
IDM : infarctus du myocarde
IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion
IFI : immunofluorescence indirecte
IFNα/IFNγ : interféron alpha/gamma
IFP : inhibiteur du fonctionnement plaquettaire
Ig : immunoglobuline
IgIV : immunoglobulines par voie intraveineuse
IL1 : interleukine 1
IL10 : interleukine 10
IL6 : interleukine 6
IL8 : interleukine 8
IM : intramusculaire
IMC : indice de masse corporelle
INR : International normalized ratio
IPSC : index de pression systolique de cheville
Abréviations XI

IRM : imagerie par résonance magnétique


ISI : index de sensibilité international
IST : International Stroke Trial
ISTH : International Society on Thrombosis and Haemostasis
IV : injection intraveineuse
IVC : insuffisance veineuse chronique
IVCI : interruption de la veine cave inférieure
IVD : insuffisance ventriculaire droite
KHPM : kininogène de haut poids moléculaire
LA : lupus anticoagulant
LATEX (méthode) : méthode de dosage aux particules de latex
LCR : liquide céphalo-rachidien
LDH : lacticodéshydrogénase
LDL : low density lipoprotein (lipoprotéine de faible densité)
LED : lupus érythémateux disséminé
Leu54Phe : leucine 54 phénylalanine
LFB : Laboratoire français du fractionnement et des
biotechnologies
LLC : leucémie lymphoïde chronique
LNH : lymphome non Hodgkinien
MAT : microangiopathie thrombotique
MCP-1 : monocyte chemofactor (ou chemoactive) protein
MDS : médicaments dérivés du sang
MGG : May-Grünwald-Giemsa
MMP : métalloprotéinase matricielle (matrix
metalloproteinase)
MPO : myéloperoxydase
MPT : maladie post-thrombotique
MS : membre(s) supérieur(s)
MTEV : maladie thromboembolique veineuse
MTHFR : méthylène tétrahydrofolate réductase
MTP : microsomial transfer protein
NANA : nuclear associated neutrophil antibodies
NAP-2 : neutrophil-activating peptide
NAPc2 : nematode anticoagulant peptide c2
NINDS : National Institute of Neurological Disorders and Stroke
NO : monoxyde d’azote
n-PA : lanotéplase
NYHA : New York Heart Association
OR : odds ratio
ORL : oto-rhino-laryngologie
XII Abréviations

PAC-1 : Ac monoclonal anti-GPIIb-IIIa modifiés


PAF : platelet activating peptide
PAI1 : inhibiteur de l’activateur tissulaire du plasminogène et
de l’urokinase
PAN : périartérite noueuse
p-ANCA ANCA d’aspect périnucléaire OK
PaO2 : pression artérielle en oxygène
PAP : plasmine-antiplasmine
PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne
PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion
PAR protease activated receptor
PC : protéine C
PCa : protéine C activée
PDF : produits de dégradation du fibrinogène/fibrine
PDGF : platelet derived growth factor
PE : phosphatidyléthanolamine
PFA-100 : automate platelet function analyser
PFC : plasma frais congelé
PGH : prostaglandine H
PGI2 : prostacycline
PICT : prothrombinase induced clotting test
PIVKA : protein induced vitamin K antagonist ou absence,
protéines induites en l’absence ou par un antagoniste de
vitamine K
PPSB : complexe prothrombinique
PR3 : protéinase 3
ProUK : pro-urokinase
PS : protéine S
PSa : protéine S activée
PSGL-1 : P-selectin glycoprotein ligand-1
PSL : produits sanguins labiles
PSS : produits sanguins stables
PTI : purpura thrombopénique idiopathique
PTT : purpura thrombotique thrombocytopénique
PZ : protéine Z
QRS : complexe QRS
RAP : résistance artérielle pulmonaire
rFVIIa : FVII activé recombinant
Rh : rhésus
RIPA : ristocetin induced platelet agglutination
RNP : ribonucléoprotéines
Abréviations XIII

r-PA : rétéplase
RPCA : résistance à la protéine C activée
R scav : récepteur éboueur (scavenger)
rt-PA : t-PA recombinant
S1Q3 : onde S en D1 et onde Q en D3 de
l’électrocardiogramme
SA : semaine d’aménorrhée
SAPL : syndrome des antiphospholipides
SBS : syndrome de Bernard et Soulier
SC : sous-cutanée
Scl : antigène nucléaire
SFAR : Société française d’anesthésie et de réanimation
SFH : Société française d’hématologie
SHU : syndrome hémolytique et urémique
s-ICAM-1 : ICAM-1 soluble
SK : streptokinase
SPORTIF : stroke prevention using an oral thrombin inhibitor in
atrial fibrillation
SRH : système réticulo-histiocytaire
SRLF : Société de réanimation de langue française
SSA : syndrome sec antigène A (sicca syndrome A)
SSB : syndrome sec antigène B (sicca syndrome B)
SSC : Scientific and Standardization Committee
ST (segment) : segment ST de l’électrocardiogramme
T (onde) : onde T de l’électrocardiogramme
TAFI : thrombin activatable fibrinolysis inhibitor
TAR (syndrome) : thrombopénie et absence de radius
TASC : Transatlantic Intersociety Consensus
TAT : thrombine-antithrombine
TC : thrombopénies constitutionnelles
TCA : temps de céphaline avec activateur
TCD : test de Coombs direct
TCK : temps de céphaline kaolin
TE : thrombocytémie essentielle
TFPI : tissue factor pathway inhibitor, inhibiteur de la voie du
facteur tissulaire
TGF-β1 : tumor growth factor
Th-1 : thymocyte 1
Thr : thymocyte régulateur
THRIFT : thromboembolic risk factors
TIH : thrombopénie induite par l’héparine
XIV Abréviations

TIMI : thrombolysis in myocardial infarction


TIMP : tissue inhibitor of metalloproteinases
TIPS : shunt porto-cave intrahépatique transjugulaire
TM : thrombomoduline
TNF : tumor necrosis factor
TNK-t-PA : ténectéplase
TO : temps d’occlusion
TOAST : trial of ORG 10172 inacute stroke treatment
TP : temps de prothrombine
t-PA : activateur tissulaire du plasminogène
TPO : thrombopoïétine
TQ : temps de Quick
TS-Ivy : temps de saignement selon la méthode Ivy
TS : temps de saignement
TT : temps de thrombine
TTD : temps de thrombine dilué
TV : thrombose veineuse
TVP : thrombose veineuse profonde
TVS : thrombose des veines superficielles
TVVR : temps de venin de vipère Russel
Tx : thromboxane
TxA2 : thromboxane A2
UI : unité internationale
UIK : unité inhibitrice de la kallicréine
UK : urokinase
u-PAR : récepteurs de l’urokinase
VASP : vasodilatation stimulator protein
VCAM : vascular cell adhesion molecule
VD : ventricule droit
VEGF : fraction d’éjection du ventricule gauche
VG : ventricule gauche
VHB : virus de l’hépatite B
VHC : virus de l’hépatite C
VIH : virus de l’immunodéficience humaine
VS : vitesse de sédimentation
VWF : facteur von Willebrand
VWF : Ag : antigène du facteur Willebrand
VWF : RCo : activité cofacteur de la ristocétine du VWF
WARSS : Warfarin Aspirin Recurrent Stroke Study
WAS : syndrome de Wiskott-Aldrich
AVANT-PROPOS

Le diagnostic et le traitement des maladies hémorragiques ont fait d’immenses


progrès permettant de faire ainsi le point des connaissances sur la physiopa-
thologie et la prise en charge des patients. En revanche, la thrombose invalide
et tue au moins aussi souvent que le cancer, ce qui explique l’importance des
recherches tant dans le domaine veineux qu’artériel sur les facteurs de risque,
les mécanismes des affections et leur prise en charge préventive ou curative.
Les traitements antithrombotiques, longtemps limités aux antivitamines K et à
l’héparine, ont connu des développements importants aboutissant à la mise à
disposition du médecin de nombreuses nouvelles molécules. Leur connais-
sance est essentielle pour pouvoir faire bénéficier les malades des traitements
les plus appropriés.
Rédigé par quarante-six auteurs et coordonné par l’équipe de l’hôpital Hôtel-
Dieu, le présent ouvrage a pour mission d’apporter sous une forme concise
des informations aussi précises que possible de façon à respecter la médecine
fondée sur les preuves pour la meilleure prise en charge des malades. Bien
entendu, en l’absence de telles recommandations, il reste le jugement clinique
de chacun et le conseil des experts spécialisés dans chaque pathologie
concernée.
À ce jour, il existe un très petit nombre d’ouvrages anglo-saxons ayant les
mêmes objectifs. Aussi, il a paru utile aux auteurs de proposer un ouvrage en
langue française.
Les auteurs remercient tout particulièrement Françoise Mauriat, qui a coor-
donné le manuscrit, et les éditions Elsevier-Masson pour leur confiance et
l’addition de cet ouvrage à leur très prestigieuse collection des « Abrégés de
médecine ».

Professeur Meyer-Michel SAMAMA


1 RAPPELS DE
LA PHYSIOPATHOLOGIE
ET DE LA SÉMIOLOGIE
CLINICOBIOLOGIQUE

INTRODUCTION
Le diagnostic des maladies hémorragiques ou thrombosantes implique la
connaissance, au moins sommaire, de la physiologie de l’hémostase et des
mécanismes de ses dérèglements. Il est à la fois fondé sur l’analyse clinique et
sur les explorations biologiques dont les performances ont considérablement
augmenté ces dernières années.

PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE
Ismail ELALAMY, François DEPASSE, Gregoris GEROTZIAFAS,
Meyer-Michel SAMAMA

L’hémostase est le processus physiologique regroupant les différents méca-


nismes qui assurent la prévention des saignements spontanés et l’arrêt des
hémorragies en cas de rupture de la continuité de la paroi vasculaire par la
formation d’un thrombus. Elle comprend :
– l’hémostase primaire avec le temps vasculaire et le temps plaquettaire;
– la coagulation avec ses différentes étapes;
– la fibrinolyse dont le rôle exact reste imparfaitement connu.
Les mécanismes impliqués dans ces processus sont complexes et intimement
intriqués (fig. 1.1).

Physiologie de l’hémostase primaire


L’hémostase primaire fait intervenir trois acteurs principaux : les vaisseaux
– et en particulier l’endothélium vasculaire –, les plaquettes et le facteur von
Willebrand (VWF) ou facteur Willebrand. Le fibrinogène, à l’état de traces,
est également nécessaire à l’hémostase primaire.

Temps vasculaire
L’endothélium intact est non thrombogène. En cas de brèche vasculaire, une
vasoconstriction réflexe immédiate mais transitoire des petits vaisseaux lésés
favorise l’interaction plaquettes-endothélium vasculaire. Les plaquettes
4 Maladies hémorragiques

Effraction vasculaire

HÉMOSTASE PRIMAIRE COAGULATION

Vaisseau Facteurs
Plaquettes coagulation et
vWF inhibiteurs
physiologiques
Thrombine

Caillot fibrinoplaquettaire

Activateurs et
Fibrinolyse inhibiteurs
Oblitération de la Plasmine"
brèche vasculaire
Dissolution du caillot et
réparation du vaisseau

Fig. 1.1. Les trois étapes de l’hémostase.

renforcent cette vasoconstriction grâce à l’apport d’adrénaline, de noradréna-


line et de sérotonine au niveau de la lésion. Une fois activées, elles sont en
outre capables de synthétiser localement du thromboxane A2 (TxA2) doué de
propriétés proagrégantes et vasoconstrictrices. Les cellules endothéliales
sécrètent en revanche de la prostacycline (PGI2) et du monoxyde d’azote
(NO) dont l’action, opposée à celle du TxA2, assure l’équilibre nécessaire au
bon déroulement des premières étapes de l’hémostase. Le dysfonctionnement
endothélial occupe désormais une place importante en pathologie vasculaire.

Temps plaquettaire
Le bon déroulement de cette étape requiert l’intégralité des différentes fonc-
tions plaquettaires (fig. 1.2).
Après la blessure vasculaire, les plaquettes viennent adhérer aux surfaces
sous-endothéliales avant de sécréter leur contenu granulaire et d’agréger.
L’adhésion est facilitée par la fixation du VWF plasmatique à la glycoprotéine
Ib présente sur la membrane plaquettaire.
L’agrégation des plaquettes fait intervenir l’interaction entre le fibrinogène et
le complexe glycoprotéique IIb/IIIa à la surface plaquettaire (α2β3 intégrine).
Simultanément, les plaquettes amplifient la génération de thrombine, en expo-
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 5

Plaquettes
Sous-endothélium VWF

Adhésion

Changement
de forme

Sécrétion Activité
Synthèse des PG
plaquettaire procoagulante

TXA2
ADP Thrombine

Agrégation

Clou plaquettaire

Fig. 1.2. Étapes du temps plaquettaire.

sant des phospholipides anioniques membranaires, supports indispensables à


l’activation des différents facteurs plasmatiques de la coagulation
(tableau 1.I). Les premières traces de thrombine transforment le fibrinogène

Tableau 1.I. Facteurs de la coagulation


avec leurs caractéristiques essentielles

Taux
Concen-
Lieu de Demi-vie minimum Vitamine K
Facteur Synonyme tration
synthèse (heure) nécessaire à dépendant
(mg/l)
l’hémostase
I Fibrinogène Foie 2-4 ×103 120 0,5 à 1 g/l non
II Prothrombine Foie 100-150 80 40 % oui
V Proaccélérine Foie 5-10 24 10 à 15 % non
VII Proconvertine Foie 0,35-0,6 6 5 à 10 % oui
VIII F antihémophilique A Foie + SRH 0,1-0,2 12 30 à 50 % non
IX F antihémophilique B Foie 3-5 24 30 à 50 % oui
X Facteur Stuart Foie 7-17 48 10 à 20 % oui
XI Facteur Rosenthal Foie 3-6 60 environ 30 %* non
XII Facteur Hageman Foie 30-40 60 – non
XIII Facteur de stabilisation Foie 20-30 240 2à3% non
de la fibrine
* Valeur insuffisamment documentée.
SRH = système réticulo-histiocytaire.
6 Maladies hémorragiques

1 Blessure 2 Vasa-constriction

3 Accollement
des parois
4 Formation du clou
plaquettaire

5 Caillot

Fig. 1.3. Schéma de Quick : les trois temps de l’hémostase.

soluble en fibrine insoluble contribuant à la formation des agrégats plaquet-


taires irréversibles.
La plaquette, anucléée, participe à de nombreux processus physiopathologi-
ques grâce à ses capacités :
– mécaniques : contractilité et déformabilité;
– sécrétrices : dégranulation et synthèse des prostaglandines.
La place occupée par le VWF au sein des plaquettes et dans le plasma est
également importante.
Les tests d’agrégation sont utiles dans l’étude du fonctionnement plaquettaire
et le diagnostic des thrombopathies. Ils permettent aussi d’évaluer la réponse à
un traitement antiplaquettaire ou de faire le diagnostic biologique des throm-
bopénies induites par l’héparine (TIH).
Les trois temps – vasculaire, plaquettaire et plasmatique (coagulation) – sont
indiqués dans le schéma proposé par Quick (fig 1.3).

Physiologie de la coagulation
La coagulation doit être appréhendée de manière dynamique. Après son initia-
tion, elle s’amplifie. Mais elle doit rester localisée à la brèche vasculaire et ne
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 7

pas être associée à une hypercoagulabilité circulante ou systémique. À cet


effet, des mécanismes régulateurs importants sont mis en jeu.

Représentation classique
Pendant longtemps, ont été distinguées dans la cascade de la coagulation :
– la voie extrinsèque explorée par le temps de Quick (TQ) ou temps de
prothrombine (TP);
– la voie intrinsèque, explorée par le temps de céphaline avec activateur
(TCA).
Le schéma classique de la coagulation repose sur le TQ et le TCA (voie extrin-
sèque ou du facteur tissulaire ou FT et voie intrinsèque ou du système
contact). Il conserve une place essentielle en biologie dans le diagnostic des
principales altérations de la coagulation (fig. 1.4).
L’activateur extrinsèque du facteur X (extrinsic Xase ou ténase) et l’activateur
intrinsèque du facteur X (FX, intrinsic Xase) activent le FX en FXa. Ils
conduisent à la formation de prothrombinase. Cette dernière est à l’origine de
la transformation de la prothrombine (FII) en thrombine (FIIa).
Tous ces phénomènes se produisent au contact des phospholipides à la surface
membranaire des plaquettes, ou contenus dans les réactifs thromboplastine et
céphaline utilisés pour la réalisation des temps de coagulation globaux, le TQ
et le TCA.

Voie extrinsèque Voie intrinsèque


Temps de Céphaline + Activateur

– FT – FXII
– FVII – FXI
– FIX
Prothrombinase – FVIII
Xa-Va-Phospholipides
Temps de Quick

Prothrombine
FII

Thrombine
FIIa

Fibrinogène
FI

Fibrine
FIa

Fig. 1.4. Schéma classique de la coagulation.


8 Maladies hémorragiques

Représentation moderne
Plus dynamique que la précédente, elle est aussi plus représentative des
phénomènes in vivo initiés par la mise à nu du FT (composant de la thrombo-
plastine). Il est présent dans le sous-endothélium mais il n’apparaît au niveau
de l’endothélium que lorsque celui-ci est anormal, lésé ou activé. Il peut
également être exprimé à la surface des macrophages ou des monocytes
activés, au niveau d’une plaque athéroscléreuse par exemple. Il a récemment
été démontré que des traces de FT soluble existent dans le sang circulant. Le
FT est également exprimé sur la membrane de cellules cancéreuses, à des
quantités variables selon le type histologique. Les microparticules d’origine
plaquettaire qui se produisent au cours de la formation des complexes leuco-
plaquettaires, constituent une autre source de FT.
Le FVII est le seul facteur de la coagulation présent à l’état de traces dans le
plasma, sous sa forme activée; sa demi-vie à l’état activé est plus longue que
celles des autres facteurs Va, VIIIa et FT. Cependant, le FVIIa isolément n’a
pas d’activité enzymatique. Celle-ci ne se manifeste qu’après la liaison du
FVIIa avec le FT et la formation du complexe FT-VIIa, qui est le détonateur
de la coagulation. Il active un petit nombre de molécules de FX en FXa. Ce
dernier initie rapidement l’activation d’un petit nombre de molécules de
prothrombine avec génération des premières traces de thrombine indispensa-
bles à la continuation et à l’amplification du processus de la coagulation.
L’activation des plaquettes, du facteur V (FV) en FVa et du FVIII (appelé aussi
facteur antihémophilique A) en FVIIIa est réalisée par ces premières traces de
thrombine.
Le complexe FT-VIIa active :
– le FX en FXa;
– le FIX en FIXa (fig 1.5).
La première réaction est prioritaire, mais la seconde n’est pas à négliger. En
effet, lorsque le FXa apparaît, il favorise lui-même la transformation du FIX
en FIXa.
Le phénomène de la coagulation évolue par des étapes caractérisées par la
formation des complexes enzymatiques.
La ténase intrinsèque (ou activateur de la voie intrinsèque) est formée en
présence des phospholipides plaquettaires, du FVIIIa, du FIXa et de calcium.
Le FIXa incorporé dans la ténase intrinsèque constitue l’activateur intrinsèque
du FX. Ce dernier amplifie l’activation du FX en FXA. Cette réaction permet la
poursuite de l’activation du FX. Elle explique le mécanisme des hémorragies :
– dans l’hémophilie A par déficit en FVIII;
– dans l’hémophilie B par déficit en FIX.
Puis, le FXa permet la formation d’une première quantité de prothrombinase
constituée par le FXa, les phospholipides, le calcium et le FVa.
Schématiquement on décrit la coagulation selon les étapes suivantes :
– le complexe FT-FVIIa est responsable de l’initiation de la génération de
thrombine;
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 9

Sous endothélium

FT VII

VIIa
INITIATION
X Xa
IX IXa
+ prothrombine PROPAGATION

Prothrombine Thrombine
Premières traces
de thrombine X

Va – VIIIa – Xa – IXa – XIa


V Va VIIIa VIII
AMPLIFICATION Plaquettes Plaquettes activées
XI XIa
D’après Hoffman, Monroe : Cell mediated Hemostasis

Fig. 1.5. Schéma moderne simplifié de la coagulation en excluant les inhibiteurs


(initiation, amplification, propagation).

– la formation de la prothrombinase amplifie la génération de thrombine;


– la ténase intrinsèque et la prothrombinase sont responsables de la propaga-
tion de la génération de thrombine.
L’apparition des premières traces de thrombine est nécessaire à l’activation du
FV en FVA, du FVIII en FVIIIa et permet l’amplification du processus de
coagulation. La thrombine induit aussi le processus de sa neutralisation via
l’activation de la protéine C (PC).
Au total, la coagulation normale est caractérisée par une phase d’initiation où
l’intervention du FT à la surface des plaquettes est essentielle. Lui succède
une phase d’amplification, impliquant une activation des plaquettes et des
facteurs plasmatiques (FV, FVIII, FIX, FXI…) afin de permettre la génération
de la prothrombinase.
Ensuite, la phase de propagation entraîne la génération de grandes quantités de
thrombine à la surface des plaquettes. La génération de thrombine n’est plus
un phénomène plasmatique puisque non seulement les plaquettes mais aussi
les leucocytes (notamment les monocytes) peuvent jouer un rôle important.
Ainsi, la voie extrinsèque démarre in vivo la génération de la thrombine tandis
que la voie intrinsèque assure la persistance de la génération de thrombine
pendant le temps nécessaire et suffisant pour assurer l’hémostase
physiologique.
La reprise retardée du saignement dans l’hémophilie illustre bien le rôle de la
voie intrinsèque de la coagulation.
10 Maladies hémorragiques

Inhibiteurs physiologiques de la coagulation (tableau 1.II)


Les principaux inhibiteurs de la coagulation sont le TFPI, l’antithrombine, le
système de la PC (protéines C et S), la protéine Z et à un moindre degré
l’α2-AP. La génération initiale de thrombine (ou étape d’initiation) est régulée
par l’inhibiteur de la voie du FT, le TFPI (tissue factor pathway inhibitor), un
inhibiteur plasmatique synthétisé par la cellule endothéliale. Le TFPI inhibe
l’activité catalytique du complexe FT-VIIa en deux étapes (voir fig. 1.5, ci-
dessus) :
– dans un premier temps, le TFPI se fixe au FXa;
– puis le complexe TFPI-Xa s’associe au complexe FT-VIIa pour former le
complexe quaternaire inactif FXa-TFPI-FT-FVIIa (justifiant la nécessité de la
présence du Xa pour initier l’inhibition par le TFPI).
Le TFPI circule sous deux formes :
– une forme liée (80 % du TFPI circulant) aux lipoprotéines (lipoprotéines de
haute densité : HDL, lipoprotéine A, lipoprotéine de faible densité LDL);
– une forme libre étant responsable de l’activité anticoagulante.
In vivo, l’héparine (héparine non fractionnée [HNF] et héparine de bas poids
moléculaire [HBPM]) déplace le TFPI fixé aux glycosaminoglycanes de la
paroi vasculaire, avec pour conséquence une augmentation de son activité
inhibitrice.
Dans le même temps, la thrombine en présence de thrombomoduline (TM)
permet l’activation de la PC en PC activée (PCa), capable d’inhiber en
présence de protéine S les facteurs Va et VIIIa (fig. 1.5). De plus, dans l’inacti-
vation du FVIIIa, le FV joue un rôle de cofacteur. Cette fonction sera
déficiente en cas de mutation du FV (FV Leiden). Cette boucle de rétroactiva-
tion négative démontre la complexité du phénomène et son caractère
dynamique, en parfait équilibre en cas d’hémostase normale. La thrombine
coagulante, génère elle-même un anticoagulant : la PCa. Protéine de

Tableau 1.II. PM et concentrations des principaux inhibiteurs

Concentrations
PM Concentrations Vitamine K-
Facteur plasmatiques
(Da) (µg/ml) dépendant
(µM)
AT 58 000 140 2,4 non
PC 62 000 4 0,064 oui
PS 69 000 10 (libre) 1,144 oui
PZ 72 000 2,6 0,04 oui
α2-antiplasmine 63 000 66 0,95 non
α2-macroglobuline 725 000 2,100 2,89 non
TFPI* 34 000 0,073 0,002 non
* Localisée dans les cellules endothéliales
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 11

membrane endothéliale, la TM est un protéoglycane récepteur de la thrombine


faisant partie intégrante de la membrane des cellules endothéliales.
L’antithrombine (AT) agit sur presque tous les facteurs activés de la coagula-
tion. Elle joue un rôle essentiel pour freiner les mécanismes de coagulation.
Anciennement dénommée ATIII (antithrombine III), l’AT inhibe à la fois le
FVIIa, le FIXa, le FXa, le FXIa et la thrombine.
La protéine Z (PZ) circule dans le sang sous la forme d’un complexe avec un
inhibiteur PZ-dépendant (PZI, pour protein Z inhibitor). Cet inhibiteur est une
sérine protéase dont la concentration plasmatique est de 38 µg/ml (53 nM/ml).
La PZ sert de catalyseur à la neutralisation du facteur Xa par PZI, en présence
de phospholipides. Le PZI inhibe le FXIa sans le concours de la PZ.

Physiologie de la fibrinolyse
La fibrinolyse intervient de façon physiologique pour éviter le dépôt excessif
de fibrine et sans doute pour assurer la reperméabilisation d’un vaisseau, après
formation d’un thrombus. Dans le plasma normal circule une glycoprotéine, le
plasminogène qui va être activé en plasmine grâce à l’action d’activateurs
plasmatiques ou tissulaires. La plasmine, enzyme protéolytique, agit ainsi sur
la fibrine, mais aussi sur le fibrinogène et les facteurs V et VIII de la coagula-
tion, pour lyser le caillot et former des produits de dégradation de la fibrine
(D-dimères [D-Di]) et du fibrinogène. La libération d’inhibiteurs de la fibrino-
lyse empêche la dissémination du phénomène, au-delà du thrombus ou du
dépôt de fibrine.
Les auteurs modernes appellent le système fibrinolytique le système du plas-
minogène en raison de son intervention dans d’autres réactions telles que
l’activation des métalloprotéases au niveau de la matrice tissulaire.
Le plasminogène est une glycoprotéine constituée par une chaîne unique de
790 acides aminés, synthétisée dans le foie. L’hydrolyse de la liaison
arginine 560-valine 561 le transforme en plasmine. Celle-ci est une sérine
protéase douée de propriétés protéolytiques vis-à-vis de nombreux substrats :
fibrinogène, fibrine… Son PM, de 88 000 Da, est le même que celui du plas-
minogène. La plasmine comprend deux chaînes d’acides aminés.
Il existe trois voies distinctes entraînant l’activation du plasminogène en
plasmine :
– une voie vasculaire faisant intervenir l’activateur tissulaire du plasminogène
(t-PA);
– une voie plasmatique à deux branches :
- l’une dépendant de la phase contact dont la réalité et la pertinence
clinique sont discutées,
- l’autre, beaucoup plus importante, de l’activation de la pro-urokinase
(ProUK) en urokinase (UK) (fig. 1.6).
Plusieurs activateurs du plasminogène peuvent intervenir :
– le t-PA est une sérine protéase composée d’une seule chaîne de 527 acides
aminés. Il est actif sous cette forme. Une seconde forme active apparaît après
l’hydrolyse d’une liaison disulfure S-S entraînant la formation d’une molécule
12 Maladies hémorragiques

Cellule endothéliale FXII, KHPM Pro UK

Prekallikréine Kallikréine Plasmine


sct-PA
C’1-INH
PAI-1 Plasmine

tct-PA UK-HPM

PAI-1 PAI-1

Plasminogène Plasmine
α2AP
HRGP α2M

Fibrine
Activation Inhibition

Fig. 1.6. Voies d’activation du plasminogène en plasmine.


sct-PA = single chain t-PA α2AP = alpha 2-antiplasmine
tct-PA = two chain t-PA α2M = alpha 2-macroglobuline

de t-PA à deux chaînes, également active. Le t-PA a une activité faible en


l’absence de fibrine qui augmente son affinité pour le plasminogène. Il est
aussi beaucoup plus actif à la surface de la fibrine (fibrinospécificité) qu’en
milieu plasmatique. Il en résulte une moindre diminution du fibrinogène circu-
lant après son administration thérapeutique.
– l’UK, présente dans l’urine, est une sérine protéase composée de deux
chaînes polypeptidiques. Il existe une UK à une seule chaîne ou scu-PA
(single chain urokinase type plasminogen activator). Elle peut être trans-
formée en UK à deux chaînes.
La streptokinase et la staphylokinase sont deux agents fibrinolytiques non
physiologiques utilisés en thérapeutique.
Les inhibiteurs de la fibrinolyse comprennent :
– l’α2-antiplasmine, un très puissant inhibiteur de la plasmine;
– un inhibiteur principal de l’activation du plasminogène (PAI-1);
– l’anti-C1 estérase qui appartient à la voie du complément et inhibe la voie
contact;
– l’histidine rich glycoprotein (HRGP) inhibe également l’activation du plas-
minogène selon un mécanisme comparable à celui de l’agent
antifibrinolytique thérapeutique, l’acide aminocaproïque. Elle inhibe la fixa-
tion du plasminogène sur la fibrine;
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 13

– enfin, un nouvel inhibiteur de la fibrinolyse, le TAFI (pour thrombin activa-


table fibrinolysis inhibitor) est décrit. Son rôle est important dans l’équilibre
physiologique existant entre la coagulation et la fibrinolyse. Il est activé par le
complexe thrombine-TM en TAFIa, carboxypeptidase inhibitrice de la
fibrinolyse.
La découverte du TAFI rend compte de l’existence d’un véritable lien molécu-
laire entre les processus de la coagulation et ceux de la fibrinolyse. Ainsi, la
formation de thrombine favorise l’activation du TAFI et entraîne une inhibi-
tion de la fibrinolyse. La réduction de la concentration de la thrombine au
niveau d’un thrombus le rend plus vulnérable à la fibrinolyse.
Le t-PA active essentiellement la fibrinolyse systémique tandis que l’UK est
considérée comme le principal activateur de la fibrinolyse cellulaire. En effet,
à côté de la fibrinolyse physiologique, il faut faire une place importante à une
fibrinolyse cellulaire, au sein même des cellules. Ainsi, au cours de la
leucémie promyélocytaire survient un syndrome de défibrination avec
hémorragies.

BIBLIOGRAPHIE

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14 Maladies hémorragiques

APPROCHE CLINICOBIOLOGIQUE DU PATIENT


SUSPECT DE MALADIE HÉMORRAGIQUE
François DEPASSE, Ismail ELALAMY, Gregoris GEROTZIAFAS,
Meyer-Michel SAMAMA, Patrick VAN DREDEN

Circonstances du diagnostic
Il s’agit le plus souvent d’un motif de consultation à la suite d’un ou plusieurs
épisodes hémorragiques ou pour vérifier le fonctionnement normal de
l’hémostase. En milieu chirurgical ou obstétrical, la responsabilité de l’acte
vulnérant doit être éliminée, mais une diathèse hémorragique congénitale ou
acquise peut être révélée chez un opéré récent. Il faut distinguer une hémor-
ragie focale, en rapport avec une cause locale, du saignement au niveau de
territoires différents évoquant davantage un trouble de l’hémostase.
Diverses étapes sont essentielles dans cette approche clinicobiologique :
– évaluation de l’importance du saignement et du caractère d’urgence;
– interrogatoire du patient sur ses antécédents personnels et familiaux;
– recherche de la relation de cause à effet entre l’accident hémorragique et le
contexte thérapeutique;
– association éventuelle de l’affection actuelle à des problèmes d’hémostase
et/ou à un risque hémorragique accru;
– confrontation de l’examen clinique et des résultats des examens biologiques
antérieurs;
– en cas d’alimentation parentérale, une carence en vitamine K est possible;
– recherche de stigmates biologiques et/ou cliniques de la coagulation intra-
vasculaire disséminée (CIVD), ou d’une complication iatrogène : héparine,
antivitamine K (AVK), thrombolytiques, transfusions massives, perfusions de
solutés de remplissage (amidon).
De même, cinq caractères essentiels associés ou non doivent être recherchés :
– le mode d’apparition : saignements spontanés ou déclenchés par un trauma-
tisme minime (choc léger, injection intramusculaire);
– la localisation : la répétition des saignements dans le même territoire évoque
plutôt une lésion locale, tandis que leur apparition dans des territoires diffé-
rents oriente vers une diathèse hémorragique constitutionnelle ou acquise;
– l’aspect clinique :
- les saignements cutanéomuqueux à type de purpuras, pétéchies, ecchy-
moses ou épistaxis traduisent souvent une anomalie de l’hémostase
primaire,
- les télangiectasies évoquent la maladie de Rendu-Osler;
– le caractère récidivant;
– l’existence d’antécédents familiaux.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 15

Interrogatoire, examen et renseignements cliniques


Un interrogatoire approfondi et précis du patient ainsi que la communication
par le clinicien au biologiste de renseignements cliniques concernant les
circonstances de la demande d’examen sont indispensables. Le type et les
circonstances de survenue d’événements hémorragiques (ecchymoses,
purpura cutané ou cutanéomuqueux, épistaxis, hématurie, ménorragies, héma-
tomes, télangiectasies, hémarthrose par exemple), la notion d’accident isolé
ou au contraire récidivant, l’âge du patient au moment du premier accident, la
prise éventuelle de médicaments et l’histoire familiale aident le biologiste
dans sa démarche diagnostique.
L’examen clinique permet aussi la mise en évidence de signes cliniques éven-
tuels (directs ou indirects) de la pathologie hémorragique. Le cas échéant, il
permet de découvrir une pathologie sous-jacente, en relation possible avec le
syndrome hémorragique. L’examen clinique contribue à la distinction entre un
simple saignement épisodique et une authentique altération de l’hémostase.
Les saignements peuvent revêtir des formes diverses qu’il convient de définir.
Il peut s’agir de gingivorragies provoquées ou spontanées, d’épistaxis, de
ménorragies, d’hématuries, de rectorragies, ou de melæna. Les hématomes
peuvent atteindre n’importe quel territoire du corps. Ils peuvent être sous-
cutanés, musculaires, parfois compressifs avec risque de perte d’une fonction,
ou même cérébraux avec mise en jeu du pronostic vital. Enfin, les hémarth-
roses sont des saignements survenant à l’intérieur des articulations,
spontanément, suite à un effort prolongé ou à un traumatisme. Ils peuvent
entraîner une arthropathie menaçant l’articulation. Les hémarthroses non trau-
matiques évoquent en première analyse une hémophilie majeure.
Au cours de l’interrogatoire, il faut également rechercher une prise médica-
menteuse et établir la liste exhaustive des traitements pris dans les 10 derniers
jours (anticoagulants, antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens et
autres antiagrégants plaquettaires).
L’examen clinique doit toujours précéder l’exploration biologique. Il doit
rechercher des pétéchies, un purpura, des télangiectasies (lobe de l’oreille,
langue, extrémités des doigts). Les conjonctives, les muqueuses orales
(gencives, langue) doivent également être examinées après retrait de toute
prothèse dentaire amovible. L’existence de bulles hémorragiques, d’héma-
tomes, de déformations articulaires est importante à noter. L’examen
hématologique classique comprend aussi la palpation des aires ganglionnaires,
du foie et de la rate. Le plus souvent, l’interrogatoire et l’examen clinique bien
conduits suffisent chez l’adulte à affirmer ou non l’existence d’une maladie
hémorragique dans 90 % des cas.
Des pétéchies et des ecchymoses d’apparition spontanée orientent vers une
anomalie de l’hémostase primaire de type vasculaire tandis que des hémorra-
gies spontanées à type également de pétéchies et ecchymoses mais aussi
d’hémorragies cutanéomuqueuses, de gingivorragies, d’épistaxis, d’hématurie
et de ménorragies peuvent orienter vers une anomalie de l’hémostase primaire
touchant les plaquettes. Les hémorragies observées dans l’hémophilie ou les
atteintes du complexe prothrombinique sont le plus souvent provoquées. Il
16 Maladies hémorragiques

s’agit d’hématomes, d’hémarthroses et d’hématuries dans l’hémophilie et


d’hématomes, d’hématuries et d’hémorragies digestives ou cérébrales dans les
atteintes des facteurs du complexe prothrombinique. Les hémorragies peuvent
être spontanées ou provoquées, à type d’ecchymoses volontiers en cartes de
géographie, d’hématurie ou d’hémorragies aux points de piqûre dans le
syndrome de défibrination ou d’hyperfibrinolyse. La réalisation d’un myélo-
gramme en complément de l’hémogramme peut s’avérer nécessaire en cas de
suspicion d’hémopathie maligne. La ponction sternale nécessite des précau-
tions particulières en cas de maladie hémorragique sévère (hémophilie,
syndromes de défibrination graves).

Étapes du diagnostic biologique


Le point de départ du diagnostic biologique repose sur des tests de première
intention :
– hémogramme avec numération des plaquettes et examen morphologique sur
lame;
– temps de saignement (TS) ou temps d’occlusion (PFA 100);
– TQ;
– TCA.
Le dosage du fibrinogène ou le temps de thrombine (TT) sont parfois prescrits.

Importance de l’étape préanalytique


La fiabilité des résultats obtenus dépend du respect des conditions préanalyti-
ques. Il convient de privilégier le prélèvement au laboratoire et de respecter
scrupuleusement les recommandations préanalytiques de ce dernier. Les
conditions de prélèvement, la qualité de la prise de sang et l’utilisation de
tubes à prélèvement appropriés sont essentielles, de même que les conditions
du transport des prélèvements au laboratoire. Certains examens peuvent être
réalisés ultérieurement sur un échantillon de plasma conservé dans des condi-
tions bien définies.

Examens biologiques essentiels


❐ Hémogramme
Outre les informations relatives aux lignées rouge et blanche, l’hémogramme
permet de détecter une éventuelle thrombopénie modérée (plaquettes entre 50
et 120 G/l) ou importante (plaquettes < 50 G/l). En plus de la découverte
d’une anémie, qui peut être liée à la maladie hémorragique, l’hémogramme
peut révéler une hémopathie responsable d’un saignement motivant la
consultation.

❐ Temps de saignement (TS)


La mesure du TS est de moins en moins souvent prescrite. Deux techniques
sont principalement utilisées pour le TS :
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 17

– la méthode de Duke consiste en une incision pratiquée au lobe de l’oreille.


Mal standardisée et peu sensible, cette technique est déconseillée, voire aban-
donnée, et aujourd’hui souvent remplacée par la méthode d’Ivy;
– la méthode d’Ivy consiste à réaliser une incision standardisée sous une pres-
sion de 40 mmHg avec un brassard de tensiomètre au niveau de la face interne
de l’avant-bras. Le sang qui s’écoule est recueilli grâce à un papier-filtre toutes
les 30 s, sans toucher la plaie. Le TS normal avec la méthode d’Ivy (incision
horizontale) est de 4 à 8 min. Le dispositif à usage unique (Surgicut), pour
adulte, et le modèle pédiatrique peuvent être utilisés. Une variante consiste à
réaliser trois points de saignement avec une microlance à la place de l’incision
et à mesurer le TS (valeurs de référence : 2 à 4 min).
Le TS explore la phase primaire de l’hémostase. Il peut être allongé en cas de
thrombopénie, de thrombopathie constitutionnelle ou acquise ou de maladie
de Willebrand. Il peut néanmoins être normal dans certains variants (variant
de Normandie type 2 N) ou dans les formes modérées de la maladie de Wille-
brand et dans le variant Normandy. C’est un test peu sensible : un TS normal
ne permet pas d’exclure formellement un trouble de l’hémostase primaire.
Certains médicaments peuvent également être responsables d’un allongement
du TS (aspirine, AINS, ticlopidine [Ticlid], clopidogrel [Plavix] par exemple).
Il est à noter que la réalisation d’un TS chez un patient ayant une numération
de plaquettes < 50 G/l peut comporter un risque hémorragique. Le manque de
corrélation entre le résultat et le risque hémorragique, son caractère opérateur-
dépendant et son défaut de sensibilité en limitent la pertinence clinique. Son
intérêt pratique reste discuté; il est de plus en plus délaissé par les cliniciens.
Un nouvel automate a récemment été développé, le PFA-100 (automated
platelet function analyser-Siemens). Il permet la réalisation d’un temps
d’occlusion (TO) plaquettaire. Il réalise une hémostase primaire artificielle in
vitro où le temps de formation du clou plaquettaire sous la contrainte de forces
de cisaillement élevées est mesuré en sang total citraté. En raison de sa
commodité d’utilisation, de la simplicité de sa réalisation et de son caractère
non invasif, il remplace de plus en plus fréquemment le TS. Son intérêt dans
l’évaluation du risque hémorragique clinique n’est pas encore démontré. En
revanche, il est performant dans le diagnostic de la maladie de Willebrand et
dans les thrombopathies.

❐ Temps de Quick (TQ)


Le TQ est le temps de coagulation d’un plasma citraté pauvre en plaquettes
recalcifié en présence de thromboplastine de lapin, de placenta humain ou
recombinante humaine.
Les résultats sont exprimés en secondes par rapport à un pool de plasmas
témoins. En France, les résultats sont classiquement exprimés en
pourcentages : 100 % correspond à l’activité d’un pool de plasma normal,
50 % d’activité à ce même pool dilué au demi en solution tampon et ainsi de
suite. Pour le suivi des traitements par AVK, c’est l’expression en INR (inter-
national normalized ratio) qui doit être préférée. Ce mode d’expression limite
la variabilité inter-réactifs des résultats en prenant en compte un indice de
sensibilité propre au réactif utilisé, l’indice de sensibilité international (ISI).
18 Maladies hémorragiques

Le test explore la voie « extrinsèque » de la coagulation, c’est-à-dire les facteurs


II, V, VII, X et le fibrinogène. Un déficit quantitatif ou qualitatif en l’un ou
plusieurs de ces facteurs entraîne un allongement du TQ proportionnel au
déficit. La sensibilité du test dépend du réactif utilisé. Le TQ est allongé en cas
de traitement par les AVK. Les réactifs contiennent pour la plupart un inhibiteur
de l’héparine qui les rendent plus ou moins insensibles à cette dernière, tout au
moins aux concentrations habituellement rencontrées en thérapeutique. Les
valeurs normales exprimées en pourcentage sont en général comprises entre 80
et 100 % alors que les valeurs > 100 % sont difficiles à interpréter. En règle
générale, les réactifs sont assez peu sensibles aux anticoagulants circulants
(ACC) qui peuvent néanmoins être responsables dans certains cas d’un allonge-
ment du TQ. Contrairement à celui observé dans les déficits, cet allongement
n’est pas corrigé par l’addition à volume égal d’un plasma témoin issu d’un pool
de plasmas normaux ou fourni par un laboratoire et destiné à cet usage.

❐ Temps de céphaline avec activateur (TCA)


Le TCA est le temps de coagulation d’un plasma citraté pauvre en plaquettes
et recalcifié en présence de céphaline jouant le rôle de substitut plaquettaire et
d’un activateur de la phase contact de la coagulation.
Les résultats sont exprimés en secondes par rapport à celui d’un pool de
plasmas normaux appelé témoin. Le résultat est en général considéré comme
anormal si le rapport TCA du malade sur TCA du témoin dépasse 1,20. Le
TCA est par ailleurs plus long chez les enfants, pour lesquels il n’existe pas de
valeurs de référence clairement établies : il se raccourcit avec l’âge. Il est plus
court aussi dans certaines situations physiopathologiques (grossesse,
syndrome inflammatoire) qui s’accompagnent d’une augmentation plus ou
moins importante du taux de FVIII et/ou du fibrinogène. L’interprétation des
raccourcissements reste difficile à interpréter après l’élimination d’un éventuel
artefact lié aux conditions préanalytiques (hémolyse, activation mécanique par
exemple).
Le test explore la voie « intrinsèque » de la coagulation : il permet d’identifier
un déficit quantitatif ou qualitatif en FVIII, FIX, FXI, FXII, en prékallicréine
ou en kininogène de haut poids moléculaire (KHPM). Il est moins sensible
aux déficits en FII, ainsi qu’aux déficits significatifs en fibrinogène, et aux
ACC. En revanche, il est sensible à l’activité anticoagulante de l’HNF. La
sensibilité aux HBPM est faible pour les doses prophylactiques, et augmente
dans les traitements d’un accident constitué. Sa sensibilité à un ACC lupique
est variable selon les réactifs utilisés :
– classiquement, les réactifs dont l’activateur est le kaolin sont peu sensibles;
– les réactifs dont l’activateur est l’acide ellagique sont insensibles aux défi-
cits en facteurs de la phase contact.
Idéalement, il faut tenir compte de l’indication de l’examen dans le choix du
réactif utilisé.
Devant tout allongement du TCA, le biologiste doit réaliser une épreuve de
correction par mélange à parties égales du plasma du patient et d’un pool de
plasmas normaux : cette épreuve est appelée TCAM+T. Elle permet d’orienter :
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 19

– soit vers un déficit constitutionnel ou acquis en un facteur de la coagulation


exploré par le TCA, dans ce cas le TCAM+T (mesuré sur un mélange de plasma
malade + plasma témoin) est corrigé : la valeur obtenue est proche de celle du
témoin.
– soit vers la présence d’un ACC. En présence d’un ACC, le TCAM+T n’est pas
corrigé : il reste à une valeur éloignée de celle du témoin. En pratique, la
correction (ou la non correction) du TCA est objectivée par le calcul de
l’indice de Rosner.

❐ Fibrinogène
Le dosage de fibrinogène par méthode chronométrique (méthode de Clauss)
permet de mettre en évidence une hypo- ou une dysfibrinogénémie. Le
diagnostic différentiel peut être posé après dosage du fibrinogène par méthode
immunologique, ce dernier étant abaissé en cas d’hypofibrinogénémie, mais
normal en cas de dysfibrinogénémie.

❐ Temps de thrombine (TT)


Le TT est allongé aussi bien en cas d’hypofibrinogénémie que de dysfibrino-
génémie, de présence d’une activité inhibitrice de type antithrombinique ou
d’un traitement par l’HNF. L’allongement est moindre, voire nul, en cas de
traitement par une HBPM. Il dépend ici encore de la préparation d’HBPM
utilisée et de la dose administrée. Il convient d’observer que les temps de
reptilase et d’écarine ne sont pas allongés en cas de traitement par l’héparine
(non fractionnée ou de bas poids moléculaire). Ces tests ne sont toutefois pas
réalisés en routine.
L’hirudine, ses dérivés et les agents antithrombiniques directs (mélagatran,
argatroban, dabigatran [Pradaxa], bivalirudine [Angiox]) allongent le TT et le
temps d’écarine.
Le diagnostic spécifique de l’anomalie en cause nécessite le recours à des tests
plus spécialisés. Les mécanismes à envisager pour expliquer la diminution du
taux d’un facteur de la coagulation sont résumés dans le tableau 1.III.

Tableau 1.III. Principaux mécanismes pouvant expliquer


des taux abaissés des facteurs de la coagulation

– Défaut de synthèse (déficit quantitatif)


– Synthèse d’un facteur de la coagulation qualitativement anormal à activité
fonctionnelle réduite (déficit qualitatif)
– Présence d’un inhibiteur spécifique
– Consommation par des thromboses ou fixation du facteur sur des tissus ou
des cellules (exemple : FX dans l’amylose)
– Consommation accélérée (ex. : CIVD)
– Hémodilution

Au total, ces différents tests orientent le diagnostic précis de la maladie


hémorragique (tableau 1.IV).
20 Maladies hémorragiques

Tableau 1.IV. Tests biologiques classiques

Maladie des Maladie de Maladie des Maladie de la


vaisseaux Willebrand plaquettes coagulation
Thrombo- Thrombo-
pénie pathie
Nombre des N N ou   N N
plaquettes
TS N ou  N ou    N
TQ N N N N N ou An
TCA N N ou  N N N ou An
N : normal, An : anormal,  diminué,  allongé

Dans de plus rares circonstances, l’exploration de la fibrinolyse peut s’avérer


utile, en particulier lors d’un syndrome de défibrination.

Recherche d’une défibrination et exploration de la fibrinolyse


❐ Exploration d’un syndrome de défibrination
Son mécanisme est variable. De plus, l’hyperfibrinolyse est plus rarement
incriminée qu’une exagération pathologique du processus de la coagulation.
Cette exploration biologique doit s’attacher à évaluer :
– l’hyperconsommation par l’allongement des temps de coagulation globaux
(TQ, TCA, TT) ainsi que le déficit plus ou moins profond en facteurs (fibrino-
gène, V, VIII, II surtout), la thrombopénie souvent marquée et même parfois la
diminution significative des inhibiteurs physiologiques comme l’AT;
– l’activation de la fibrinolyse réactionnelle par augmentation de l’activité
fibrinolytique globale et un raccourcissement significatif du temps de lyse du
caillot de sang total ou d’euglobulines. Une diminution du taux de plasmino-
gène plasmatique est également observée;
– la mesure des D-Di, fragments spécifiques de la fibrine stabilisée augmentés
et dosables par agglutination de particules de latex. Elle est à réponse immé-
diate et suffisamment sensible;
– la formation de complexes solubles issus de l’association de monomères de
fibrine, formés au cours de la transformation du fibrinogène en fibrine par la
thrombine, avec des molécules de fibrinogène ou des fragments de dégradation
de la fibrine et/ou du fibrinogène empêchant ainsi la polymérisation de la fibrine.
Voir également le chapitre consacré à la CIVD.

❐ Exploration de la fibrinolyse
L’exploration de la fibrinolyse est le parent pauvre de l’hémostase en raison de :
– l’absence d’un test simple et automatisé de routine évaluant l’activité
fibrinolytique;
– la rare nécessité en clinique de cette exploration.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 21

L’exploration comporte trois objectifs :


– la mise en évidence d’une lyse accélérée du caillot (le temps de lyse des
euglobulines est le plus employé) et le dosage des différents paramètres du
système fibrinolytique : le dosage des t-PA, plasminogène, PAI1, α2-AP,
TAFI, et complexes plasmine-antiplasmine (PAP), de connaissance plus
récente, sont réservés à des laboratoires spécialisés;
– l’étude du retentissement de la fibrinolyse exagérée sur les tests de coagula-
tion classique, fibrinogène, TP dont l’allongement traduit la protéolyse de la
proaccélérine ou FV, TCA allongé en cas de diminution du FVIII, en
particulier;
– le dosage des produits de dégradation fibrinogène/fibrine et plus récemment
celui des D-Di, spécifiques de la lyse de la fibrine. Leur augmentation peut
être le reflet d’une hypercoagulation, favorisant dans une réaction secondaire,
l’activation du système fibrinolytique.

Limites de l’exploration classique


En cas de polyglobulie, hématocrite ≥ 60 %, les temps de coagulation peuvent
être faussement allongés. Il faut aussi savoir qu’un taux d’un facteur de la
coagulation à 50 % de la normale ne retentira ni sur les valeurs du TQ, ni sur
celles du TCA. Des résultats normaux n’excluent donc pas systématiquement
un déficit modéré. Ainsi pour de nombreux réactifs, le TCA ne s’allonge
sensiblement que pour un taux de facteur antihémophilique B (FIX) ≤ 20 %.
Une hémophilie B atténuée peut donc être méconnue.
Le TCA est très sensible au déficit en FXI, responsable d’une maladie hémor-
ragique constitutionnelle plus fréquemment rencontrée chez les juifs
ashkénazes (originaires de l’Europe) que dans d’autres ethnies.
Il faut rappeler également que les déficits en FXII (facteur Hageman) en
prékallicréine ou en KHPM entraînent un allongement important du TCA,
sans qu’ils soient responsables d’un risque hémorragique accru. En revanche,
ils ne protègent pas contre un accident thrombotique.
Théoriquement, la maladie de Willebrand est associée à un allongement du
TCA en raison de la diminution du taux de FVIII. Cet allongement peut
manquer dans des formes modérées de la maladie. Un petit nombre d’affec-
tions hémorragiques sont compatibles avec des tests classiques d’exploration
de l’hémostase parfaitement normaux. Il s’agit par exemple du déficit en
α2-AP ou en un autre inhibiteur de l’activation du plasminogène et du déficit
en FXIII. Il faut savoir rechercher ces altérations devant une diathèse hémorra-
gique très vraisemblable au plan clinique contrastant avec des tests normaux.
L’intervention d’un laboratoire spécialisé paraît alors souhaitable.
Au total, un petit nombre de tests est prescrit en pratique courante, mais il faut
savoir que tous les facteurs cités dans ces chapitres peuvent être spécifique-
ment dosés. L’étude éventuelle de l’agrégation plaquettaire, le dosage des
différents facteurs de la coagulation et une interprétation appropriée des résul-
tats des examens de laboratoire permettent dans presque tous les cas d’établir
un diagnostic précis.
Des tests anciens qui étaient abandonnés suscitent un regain d’intérêt. Ainsi, le
test de génération de la thrombine initialement développé en 1953 connaît un
22 Maladies hémorragiques

renouveau important avec une automatisation de sa technique et une informa-


tisation des résultats. La thromboélastographie suscite également un nouvel
engouement après une longue phase de désintérêt. Elle a l’avantage de pouvoir
étudier le sang total et de mesurer la fermeté du caillot. En revanche, un test
moderne est apparu : la recherche de microparticules.
Il ne faut pas perdre de vue la performance limitée des tests d’exploration de
la coagulation, leur caractère statique, l’absence de thrombomoduline (TM) et
des autres partenaires du pool vasculaire. Ceci explique les orientations de la
recherche actuelle de tests plus proches de la réalité physiologique. Les
examens de recherche d’une hypercoagulabilité sont étudiés dans la deuxième
partie de l’ouvrage.

Exploration particulière de la coagulation


Le test de génération de thrombine (TGT) et la thromboélastographie (TEG),
méthodes anciennes, connaissent un regain d’intérêt lié en partie au perfec-
tionnement des appareils de laboratoire et à la mise au point de logiciels pour
la gestion de leurs résultats.

❐ Le test de génération de thrombine (TGT)


Le TGT permet l’évaluation en continu de la quantité de thrombine générée
(thrombogramme) après le déclenchement de la coagulation (par l’addition du
CaCl2) dans un plasma pauvre ou riche en plaquettes, additionné éventuelle-
ment de facteur tissulaire à très faible concentration, de phospholipides (voie
extrinsèque) ou d’un activateur de la phase « contact » de la coagulation (voie
intrinsèque). L’utilisation d’un calibrateur dans le plasma à tester permet
l’expression quantitative nanomolaire de la thrombine générée.
Les paramètres du thrombogramme (fig. 1.7) sont :
– lag-time : le temps de latence (exprimé en min), qui correspond à la phase
d’initiation de la génération de thrombine;
– peak : la concentration maximale de thrombine générée, exprimée en nM;
– time to peak : le temps (exprimé en min) nécessaire pour arriver à la concen-
tration maximale de thrombine;
– le potentiel endogène de la thrombine (ETP, pour endogenous thrombin
potential) : c’est l’aire sous la courbe (exprimé en nM/min); l’ETP représente
le travail enzymatique réalisé par les molécules de la thrombine pendant le
temps où elles sont actives dans le plasma;
– start-tail : le temps (exprimé en min) jusqu’au moment où la courbe du
thrombogramme revient à la ligne de base;
– index de vitesse moyenne (IVM) : notre équipe a introduit un autre para-
mètre, qui est informatif sur la vitesse de la phase de propagation. Ce
paramètre est calculé selon la formule suivante :
peak
IVM = ----------------------------------------
-
ttPeak – lag-time
Il est exprimé en nM/min. L’IVM est influencé par la vitesse de formation de
la prothrombinase. L’IVM est un paramètre sensible à l’activité des inhibiteurs
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 23

200 time to peak Peak

e nne
150

s e Moy
thrombine (nM)

e Vites
100

ETP * Endogenous Thrombin Potential


Index d

50
Lag- time

Start Tail
0

+ FT (6 pM )
Temps de coagulation

0 10 20
temps (min)

Fig. 1.7. Les paramètres du thrombogramme.

spécifiques du FXa (directs comme le rivaroxaban, ou indirects comme le


fondaparinux et l’idraparinux).
L’expérience de l’utilisation du TGT dans le diagnostic biologique d’un état
d’hypercoagulabilité ou d’hypocoagulabilité ou dans la surveillance biolo-
gique du traitement anticoagulant ou du traitement hémostatique chez les
hémophiles est encore limitée.
Jusqu’à présent la pertinence clinique de l’étude de la génération de thrombine
avec un principe méthodologique similaire a été évaluée dans divers contextes
cliniques : chez les patients atteints de lupus érythémateux, les patients sous
traitement par HNF ou antagonistes de la vitamine K, chez les femmes sous
traitement œstroprogestatif, chez les patients ayant une thrombophilie et chez
les patients ayant une hémorragie sévère et une thrombopénie profonde traités
par le FVIIa recombinant. Le TGT est également utilisé dans l’étude du méca-
nisme d’action des HBPM, et des nouveaux antithrombotiques.
La standardisation de la méthodologie du thrombogramme est nécessaire afin
d’utiliser cette méthode dans les études cliniques. L’influence de la concentra-
tion du FT, des phospholipides, des plaquettes, et de l’effet de la congélation
du plasma sur les paramètres du thrombogramme a été évaluée dans ce but.

❐ La thromboélastographie (TEG)
La TEG, mise au point par Hartert d’Eidelberg en 1948, permet l’étude de la
cinétique de formation du caillot et de ses propriétés physiques. La fig. 1.8
illustre son fonctionnement. La TEG a été récemment ressuscitée grâce à une
24 Maladies hémorragiques

Thrombo élastographe TEG®

α
ma
r
k
CaCl2 0.2 M
TF 1/8000

Traduction Schéma : Tracé en diapason


Torsion wire = Fil de torsion
Pin = Plongeur R sec : Temps nécessaire pour attein dre une amplitude maxima de 2 mm
Cup = Cuvette K min : Temps nécessaire pour attein dre une amplitude maxima de 20 mm
Whole Blood clotted = Sang α (angle) : Vitesse de consolidation du caillot
MA mm : Amplitude maxima
total coagulé

Fig. 1.8. Thromboélastographie comme indiquée sur la figure elle-même.

amélioration de la reproductibilité, et un perfectionnement de l’équipement et


de l’informatisation de la méthode. Deux instruments sont disponibles
actuellement : l’instrument classique de Hartert, ou TEG (Haemoscope), et
l’appareil Rotem de la société Pentapharm. Dans ce dernier, les mouvements
d’oscillation du plongeur sont transmis à la cuve par la formation de fibrine.
De plus, l’appareillage actuel permet la réalisation de la TEG dans le bloc
opératoire ou même au lit du patient.
La TEG a l’avantage de permettre une étude globale du processus de la coagu-
lation sur sang total, en présence de différents réactifs. De plus la préparation
de nombreux réactifs présents dans les cuves permet différentes mesures
thromboélastographiques. Ainsi, l’addition d’héparinase permet d’étudier la
coagulation du sang riche en héparine (chirurgie à cœur ouvert), celle d’apro-
tinine pour inhiber la fibrinolyse, de kaolin pour accélérer la coagulation ou
celle de faibles concentrations de FT pour simuler les conditions in vivo.
La TEG est actuellement utilisée essentiellement en biologie délocalisée dans
la chirurgie cardiovasculaire, en obstétrique ou éventuellement dans l’étude
des nouveaux anticoagulants.
Les paramètres du thromboélastogramme sont :
– la constante r, ou clotting time (CT) selon la terminologie du Rotem, mesure
le temps de latence (exprimé en minutes) correspondant au temps qui précède
l’apparition des premiers filaments de fibrine;
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 25

– la constante k, ou clot formation time (CFT) selon la terminologie du Rotem,


mesure le temps (exprimé en minutes) depuis la fin du clotting time jusqu’au
moment où les deux branches s’écartent de 20 mm; le k est une constante
mesurant le temps de coagulation initiale. L’amplitude de 20 mm correspond à
l’amplitude observée pour un plasma normal déplaquetté;
– l’angle α (exprimé en degrés) témoigne de la vitesse de la fibrinoformation,
et serait peut-être lié à la vitesse de génération de thrombine;
– l’amplitude maximale, ou maximum clot firmness (MCF) selon la termino-
logie du Rotem (exprimé en mm), renseigne sur la force du caillot plutôt que
sur son élasticité.
La standardisation des techniques explorant le TGT est en cours. Les applica-
tions cliniques sont encore du domaine de l’investigation clinicobiologique,
même si elle est déjà utilisée en biologie délocalisée.

❐ La recherche des microparticules procoagulantes


Il s’agit du dernier test proposé dans l’exploration moderne de la coagulation.
Un petit nombre de techniques sont disponibles; elles restent encore toutefois
réservées à un nombre très restreint de laboratoires. Elles devraient permettre
de mettre en évidence des états d’hypercoagulabilité biologique. Le dosage de
microparticules procoagulantes d’origine plaquettaire s’effectue principale-
ment par la méthodologie de cytométrie en flux. Des tests fonctionnels de la
coagulation sont également proposés. Cependant ces tests ne sont pas encore
validés en pratique clinique. Des travaux récents de recherche montrent que la
concentration des microparticules d’origine plaquettaire est augmentée dans le
plasma des patients atteints d’athérothrombose et de diabète.

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PATHOLOGIE DE L’HÉMOSTASE
Ismail ELALAMY, François DEPASSE, Gregoris GEROTZIAFAS,
Meyer-Michel SAMAMA

Elle comprend classiquement les altérations de :


– l’hémostase primaire;
– de la coagulation;
– de la fibrinolyse.
Ce chapitre liste les nombreuses affections hémorragipares avec quelques
unes de leurs caractéristiques essentielles, mais dont la plupart fait l’objet
d’une étude détaillée dans l’ouvrage.

Pathologie de l’hémostase primaire


Les anomalies congénitales de l’hémostase primaire sont rares et les altéra-
tions acquises de loin les plus fréquentes.
Il est classique de distinguer trois grands groupes d’affections :
– les altérations de la paroi vasculaire;
– les perturbations quantitatives et/ou qualitatives des plaquettes;
– la maladie de Willebrand constitutionnelle et les déficits acquis en VWF.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 27

Altérations de la paroi vasculaire


En cas de malformation vasculaire (la télangiectasie par exemple), des
hémorragies sont décrites sans qu’aucun test de l’hémostase ne soit perturbé.
Auparavant explorée par le signe du brassard, du lacet ou de la ventouse, une
fragilité capillaire correspond à une tendance aux ecchymoses et à des
saignements mineurs, voire « cosmétiques ». Les autres tests d’hémostase
sont tout à fait normaux.
L’atteinte de la paroi capillaire peut provoquer un purpura ayant l’allure de
pétéchies (ponctuations), d’ecchymoses plus ou moins étendues ou de vibices
(stries allongées).
L’origine est immunologique, infectieuse ou le plus souvent indéterminée ou
idiopathique. Les facteurs plasmatiques ainsi que les fonctions plaquettaires
sont normaux. Les tests de fragilité capillaire (signe du brassard à tension,
ventouse) sont souvent positifs, mais leur intérêt est très limité; l’examen
clinique suffit le plus souvent pour reconnaître la fragilité capillaire. Le
pronostic est fonction d’une éventuelle affection concomitante.
Différentes formes de purpuras sont décrites :
– purpura par vascularite leucocytoclasique, purpura rhumatoïde ou syndrome
de Schönlein-Henoch (vascularite leucocytoclasique à IgA);
– purpura fulminans méningococcique de pronostic sévère associé à une
CIVD. Il doit être traité en urgence;
– purpuras de diverses origines : vascularites septiques à germes Gram + ou
Gram-, maladies éruptives (rougeole, rubéole, scarlatine), maladie d’Osler,
purpuras par fragilité capillaire (sénile, scorbut, corticothérapie prolongée).

Atteinte plaquettaire
Elle peut être quantitative avec une diminution (thrombopénies le plus souvent
acquises) ou une augmentation (thrombocytose secondaire ou thrombocy-
témie primitive). Des perturbations fonctionnelles peuvent être associées. Les
thrombopathies sont essentiellement acquises ou très exceptionnellement
constitutionnelles. La découverte récente de la mutation JAK2 est une avancée
diagnostique importante.

❐ Thrombopénies
La thrombopénie est la diminution de la numération plaquettaire en dessous
de 120 G/l. Pour certains auteurs, il suffit que ce chiffre soit < 150 G/l.
• Thrombopénies d’origine centrale
Elles sont acquises ou beaucoup plus rarement constitutionnelles.
• Thrombopénies périphériques
Les mécanismes responsables des thrombopénies périphériques sont de trois
types :
– par hyperdestruction;
28 Maladies hémorragiques

– par anomalie de répartition (hypersplénisme);


– par hyperconsommation (CIVD, microangiopathie…).

❐ Thrombocytoses et thrombocytémies
La thrombocytose est l’augmentation secondaire de la numération plaquettaire
au-dessus de 450 G/l notée à plusieurs examens biologiques successifs. La
thrombocytémie est l’augmentation primitive de la production plaquettaire
dans le cadre d’un syndrome myéloprolifératif.

• Thrombocytoses réactionnelles
Physiologiquement, la rate sécrète un régulateur hormonal de la production
médullaire de plaquettes. Elle séquestre également 20 à 30 % des plaquettes
circulantes. La numération s’élève 2 jours après une splénectomie jusqu’à
1 000 G/l en 7 à 15 jours. Puis elle régresse en 1 à 2 mois (voire 6 mois) pour
se stabiliser généralement entre 500 et 700 G/l. En dessous de 600 G/l, aucune
thérapeutique antiagrégante plaquettaire n’est habituellement envisagée.
En dehors de la splénectomie, les causes des thrombocytoses secondaires sont
de diverses origines : l’anémie ferriprive (hyposidérémie), les anémies hémo-
lytiques, les réactions inflammatoires, la sécrétion d’une substance
thrombopoïétine-like par certaines tumeurs, voire les traitements par HBPM.
Une thrombocytose persistante confirmée par des numérations successives
peut être révélatrice ou concomitante de :
– cancers (30 à 40 % des cas);
– maladies infectieuses aiguës ou chroniques et autres pathologies inflamma-
toires (17 à 30 % des cas);
– carence martiale.

• Thrombocytémies primitives
Elles accompagnent les syndromes myéloprolifératifs : polyglobulie de
Vaquez, leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde ou thrombo-
cytémie essentielle elle-même.

Maladie de Willebrand
C’est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase,
définie par une altération quantitative ou qualitative du VWF. Elle est étudiée
en détails plus loin. Les déficits en VWF peuvent être quantitatifs (types 1 et
3) ou qualitatifs (types 2). La transmission est autosomale, le plus souvent
dominante. La prévalence des hétérozygotes se situe entre 0,6 et 1 %.

Pathologies de la coagulation
Sont ici étudiées les altérations biologiques pouvant être responsables d’un
syndrome hémorragique clinique (tableau 1.V). Les anomalies responsables
d’un risque accru de thrombose font l’objet d’un autre chapitre.
Tableau 1.V. Variations physiopathologiques des facteurs de la coagulation

Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
Plaquettes
Taux (G/l) 250 107-297 293 332 260  18-40 % 225
Taille (fl) 9,0 8,9 8,5 9,1 9,6 
Agrégation ADP N +     15 %
Collagène N    N  60 % N
Ristocétine N    10 %
TS (min) 2-9 3,6 ± 2 3,4 ± 1,8 9,0 ± 1,4 5-6
Coagulation
TCA 1 4,0 3 1,3 1,1 1,1  15 % 
TP 1,00 2,3 1,3 1,1 1 0,95 N
TT 1 2,4 1,3 1,1 1 0,92 N
Fibrinogène (mg/dl) 278 96 250 240 251 450  25 %  15 %
FII (U/ml) 1 0,16 0,32 0,52 0,88 1,15 N
FV (U/ml) 1,0 0,32 0,80 1,00 0,91 0,85 N
FVII (U/ml) 1,0 0,27 0,37 0,57 0,87 1,17  200 %  25 %
FVIIIc (U/ml) 1,0 0,50 0,75 1,50 0,90 2,12  250 % 1,50
VWF (U/ml) 1,0 0,65 1,50 1,60 1,07 1,7  75-200 % 
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique

F IX (U/ml) 1,0 0,10 0,22 0,35 0,86 0,81-2,15  25 % 1,0-1,40


29



30
Tableau 1.V. Variations physiopathologiques des facteurs de la coagulation (suite)

Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
FX (U/ml) 1,0 0,19 0,38 0,45 0,78 1,30 N
FXI (U/ml) 1,0 0,13 0,2 0,42 0,86 0,7 N
FXII (U/ml) 1,0 0,15 0,22 0,44 0,77 1,3  16 %
FXIII (U/ml) 1,04 0,30 0,4 0,61 1,04 0,96
Maladies hémorragiques

Prékallicréine 1,12 0,13 0,26 0,35 0,86 1,18  27 %


(U + ml)
Kininogène de haut 0,92 0,15 0,28 0,64 0,82 1,6  32 %
PM (U/ml)
Anticoagulants
AT (U/ml) 1,0 0,23 0,35 0,56 1,04 1,02  14 % N
α2-MacroG (U/ml) 1,05 0,18 1,39 1,91 1,53
C1 inhibiteur 1,01 0,72 1,41
estérase (U/ml)
PC (U/ml) 1,0 0,10 0,29 0,50 0,59 0,99 N N
PS totale (U/ml) 1,0 0,15 0,17 0,24 0,87 0,89 N
PS libre (U/ml) 1,0 0,22 0,28 0,49 0,25
Cofacteur II de 1,01 0,10 0,25 0,49 0,97  15 %
l’héparine (U/ml)
TFPI (ng/ml) 73 21 20,6 38




Tableau 1.V. Variations physiopathologiques des facteurs de la coagulation (suite)

Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
Fibrinolyse
Plasminogène (U/ml) 1,0 0,20 0,35 0,37 0,90 1,39  10 % N
t-PA (ng/ml) 4,9 8,48 9,6 2,8 4,9  300 % N
α2-AP (U/ml) 1,0 1,0 0,74 0,83 1,11 0,95 N N
PAI1 (U/ml) 1,0 1,5 1,0 1,07 4,0 5% N
Activité fibrinolytique N       
globale
D’après Hemostasis and Thrombosis Basic Principles and Clinical Practice JB Lippincott Compagny, 1994.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique
31
32 Maladies hémorragiques

Déficits constitutionnels par atteinte exclusive d’un seul facteur


Ils sont très peu fréquents. En règle générale, il s’agit d’un déficit isolé en un
facteur de la coagulation par opposition aux déficits acquis qui impliquent en
général l’atteinte de plusieurs facteurs. Leur gravité est liée au facteur en
cause et à la profondeur du déficit. Les maladies pilotes de ce groupe sont :
– l’hémophilie A (déficit en FVIII);
– l’hémophilie B (déficit en FIX).
Pour les hémophilies, un chapitre de l’ouvrage leur est entièrement consacré
(voir chapitre 2).
Les déficits en FII, FV, FVII et FX ont une même traduction clinique : les
formes hétérozygotes sont habituellement asymptomatiques et les formes
homozygotes sont associées à des accidents hémorragiques. Les déficits cons-
titutionnels en facteur de la coagulation peuvent être quantitatifs ou qualitatifs.
Pour les déficits isolés en FII, FV, FVII ou FX une origine acquise doit être
éliminée, par exemple les autoanticorps associés aux ACC de type lupus ou au
syndrome des antiphospholipides (SAPL). Le déficit isolé en FX est décrit
dans l’amylose.
En cas de déficit en fibrinogène, il est classique de distinguer les déficits quali-
tatifs ou dysfibrinogénémies et les déficits quantitatifs ou hypofibrinogéné-
mies. En fait, il existe aussi des hypodysfibrinogénémies. La dysfibrinogé-
némie est relativement plus fréquente avec plus d’une centaine de familles
rapportées dans la littérature. De transmission autosomale dominante, elle est
dans la plupart des cas asymptomatique et de découverte le plus souvent
fortuite. Toutefois, les déficits en FXII, prékallicréine et KHPM ne comportent
pas de risque hémorragique.

Déficits associés constitutionnels


Ils sont exceptionnels. Il est ainsi décrit un déficit familial conjugué en FV et
FVIII. Ce déficit est la conséquence d’une seule anomalie génique récemment
identifiée. Elle est responsable d’hémorragies provoquées et de saignements
cutanéomuqueux.

Déficits acquis en FII, FV, FVII, FIX et FX


Un trouble du métabolisme de la vitamine K acquis est souvent responsable de
ces déficits à l’exclusion de celui du FV : ictère rétentionnel, sprue, maladie
cœliaque ou résection intestinale étendue. La maladie hémorragique du
nouveau-né est en grande partie liée à l’hypovitaminose K.
Les déficits en vitamine K ou la prise d’AVK entraînent ainsi la génération de
protéines induites en l’absence ou par un antagoniste de vitamine K (PIVKA,
protein induced by vitamin K antagonist or absence).
De très rares anomalies génétiques, entraînant un déficit de tous les facteurs
vitamine K-dépendants, ont été décrites.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 33

L’insuffisance hépatocellulaire est associée à des déficits souvent complexes et


multiples. Les anomalies résultent d’une atteinte vasculaire ou d’un hypers-
plénisme avec hypertension portale ou d’une atteinte posthépatique avec des
troubles de synthèse ou même une coagulopathie de consommation aboutis-
sant à des tableaux biologiques hétérogènes et de sévérité variable. Les
premiers facteurs atteints sont ceux dont la demi-vie est la plus courte. C’est le
cas par exemple des FVII et FX, ainsi que des PS, PC et PZ. En cas d’atteinte
parenchymateuse plus importante, il apparaît alors une diminution des taux de
FV et de fibrinogène, puis d’AT ainsi que de plasminogène et de PAI1.

Inhibiteurs acquis
L’apparition dans le sang de différents inhibiteurs spécifiques d’un facteur de
la coagulation est à l’origine de rares syndromes hémorragiques. Les anticoa-
gulants spécifiques sont retrouvés dans des contextes dysimmunitaires tels que
le lupus érythémateux disséminé (LED), la polyarthrite rhumatoïde, les hémo-
pathies malignes, le diabète, les traitements antibiotiques ou le post-partum.
Les plus fréquents sont les anti-VIII qui restent dans la moitié des cas
d’origine idiopathique. Ils représentent une véritable urgence hématologique
car, chez près de 90 % des patients, la symptomatologie fonctionnelle est
hémorragique et potentiellement grave : hématomes profonds, rétropérito-
néaux, intracérébraux, avec un pronostic réservé (20 % de décès). Le
diagnostic est suspecté sur un allongement significatif du TCA isolé non
corrigé par l’apport de plasma témoin en parties égales. Les taux de FVIII
coagulant sont effondrés.
Les maladies de Willebrand acquises sont décrites dans les dysglobulinémies,
les syndromes lymphoprolifératifs ou myéloprolifératifs, les cancers ou les
dysthyroïdies.
Des antithrombines (anti-IIa) ont été rapportées dans les suites d’intervention
chirurgicale ayant requis l’utilisation de colles hémostatiques contenant de la
thrombine bovine.
Des anti-XI comme des anti-XII et des anti-prékallicréine sont retrouvés dans
certaines collagénoses. En revanche, ils ne sont pas inducteurs de complica-
tions hémorragiques.
Des inhibiteurs du fibrinogène et de la fibrinoformation ont même été
rapportés dans certains syndromes lymphoprolifératifs (pour leur étude
détaillée, voir chapitre 2).

Pathologie de la fibrinolyse
Hyperfibrinolyse
Une fibrinolyse excessive non compensée est l’une des causes de défibrina-
tion. L’hyperfibrinolyse favorise le saignement et l’hypofibrinolyse la
thrombose. Elles sont le plus souvent acquises et exceptionnellement
constitutionnelles.
34 Maladies hémorragiques

Une augmentation de l’activité fibrinolytique associée à une traduction


clinique, c’est-à-dire à des accidents hémorragiques, est très rare. L’augmenta-
tion la plus fréquente est celle qui est réactionnelle à une CIVD ou à un
traitement thrombolytique. Ainsi, l’adsorption d’une concentration importante
de l’activateur du plasminogène sur des dépôts de fibrine entraîne leur dissolu-
tion précoce pouvant être à l’origine d’un saignement digestif ou autre. Née de
l’activation du plasminogène, la plasmine ne peut pas faire la différence entre
un thrombus hémostatique et un dépôt de fibrine anormal comme une
thrombose.
L’hyperfibrinolyse induite par un traitement thrombolytique est le meilleur
exemple d’une hyperfibrinolyse hémorragique (1 % d’hémorragies
intracérébrales).

Altérations constitutionnelles ou acquises


Un déficit en inhibiteur augmente le risque hémorragique, tandis que celui en
plasminogène prédispose à la thrombose.

Déficits constitutionnels en inhibiteurs physiologiques


de la fibrinolyse
Le déficit en α2-AP (ou maladie de Miyasato) a été découvert au Japon dans
les années 1990. Seule la forme homozygote a une expression clinique faite de
saignements sévères, incluant même des hémarthroses. Il faut savoir y penser
malgré sa très grande rareté.
Le déficit en PAI1 est également très rare. Des observations ont été rapportées
à l’occasion d’hémorragies du post-partum ou d’un tableau hémorragique fait
d’épistaxis, d’hémorragies après amygdalectomie ou extraction dentaire.
Dans ces deux affections, les inhibiteurs de la fibrinolyse (en particulier
l’acide tranexamique) sont efficaces pour prévenir ou combattre le
saignement.

Hyperfibrinolyse acquise
Il existe aussi très vraisemblablement des états d’hyperfibrinolyse localisée
sans expression systémique significative, par exemple au niveau de la sphère
orale, gastro-intestinale, génitale ou même cérébrale, plus ou moins identifiés.
Les cas les mieux étudiés ont été rapportés dans des cancers de la prostate, du
pancréas ou du foie. Les tumeurs vasculaires et les anévrismes peuvent être
aussi responsables d’une hyperfibrinolyse. Le diagnostic différentiel entre
fibrinolyse réactionnelle à une CIVD et fibrinolyse primaire a été codifié à
l’aide d’examens de laboratoire, mais il n’est pas toujours facile d’aboutir
avec sécurité à une conclusion définitive. Ceci est souvent le cas dans
certaines leucémies, l’amylose, la cirrhose du foie, ou lors des accidents de
défibrination obstétricale avec embolie amniotique, voire hématome
rétroplacentaire.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 35

Les cas les mieux documentés ont été des malades atteints de leucémie
promyélocytaire avant l’introduction de l’acide transrétinoïque. Chez ces
patients, l’existence d’une augmentation de l’activité fibrinolytique participant
au tableau hémorragique avait été bien mise en évidence.
L’hyperfibrinolyse a même été identifiée après des lésions importantes du tissu
cérébral et après électrochoc.
Au total pour les spécialistes, une dizaine de conditions, citées ci-dessus, ont
été ainsi reconnues comme pouvant être associées à une hyperfibrinolyse
secondaire.

Syndromes de défibrination
Les coagulopathies de consommation ou CIVD sont rencontrées dans de
nombreux contextes pathologiques.

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2 MALADIES
HÉMORRAGIQUES
CONSTITUTIONNELLES

THROMBOPATHIES CONSTITUTIONNELLES
Ismail ELALAMY

Beaucoup plus rares que les thrombopathies acquises, les thrombopathies


constitutionnelles peuvent être classées en fonction de la localisation du
défaut fonctionnel. Les plus sévères sont précoces et invalidantes dans leur
expression clinique. La qualité de l’interrogatoire et la confirmation des
défauts fonctionnels plaquettaires in vitro sont fondamentales pour un
diagnostic précis.

Principales pathologies des récepteurs glycoprotéiques


Dystrophie thrombocytaire hémorragipare de Bernard et Soulier
Elle est de transmission autosomale récessive. Au plan biologique, elle se
caractérise par une absence d’adhésion des plaquettes au sous-endothélium
vasculaire. Les plaquettes sont de grand volume (12 à 15 fl), en nombre légè-
rement diminué. Le déficit en récepteurs membranaires glycoprotéiques (GP)
Ib-IX-V est démontré sur électrophorèse bidimensionnelle et/ou par cytomé-
trie en flux. L’étude fonctionnelle in vitro confirme l’absence d’agglutination
en présence de ristocétine et de botrocétine, tandis que l’agrégation induite par
les autres agonistes classiques (thrombine, collagène) est normale. Le TO
obtenu par l’automate PFA-100 (automate platelet function analyser) est très
allongé avec les deux cartouches. La biologie moléculaire permet de mettre en
évidence des variants avec des mutations différentes.

Thrombasthénie de Glanzmann
Elle est aussi de transmission autosomale récessive. Le syndrome hémorra-
gique cutanéomuqueux peut s’estomper à l’âge adulte. Une anémie ferriprive
fréquente peut témoigner de la persistance de saignements occultes.
La maladie est caractérisée par une absence d’agrégation des plaquettes quel
que soit l’agoniste utilisé. Elle est liée à un déficit en site d’amarrage du
fibrinogène : les complexes GPIIb-IIIa ou intégrines α2bβ3 dont il existe
40 000 à 80 000 copies par plaquette normale. Ce chiffre est réduit à 20 %
dans le type II, forme atténuée et 5 % dans le type I, forme sévère, la plus
Maladies hémorragiques constitutionnelles 37

fréquente. Il existe des variantes où l’anomalie du complexe est strictement


qualitative. L’étude fonctionnelle in vitro montre une activation plaquettaire
limitée à un changement de forme et réaction sécrétoire conservée avec une
libération d’ATP pratiquement normale. La rétraction du caillot est nulle. Le
TO au PFA-100 est allongé avec les deux cartouches. La biologie moléculaire
permet l’étude des anomalies génétiques associées (mutations ponctuelles).
En France, la maladie est le plus fréquemment observée chez les Gitans,
groupe ethnique à forte endogamie. Elle est favorisée par la consanguinité.

Altérations des voies de signalisation plaquettaire


Au cours des anomalies de la voie des prostaglandines (aspirin-like syndrome)
dans les plaquettes, un déficit enzymatique de la cyclo-oxygénase 1 ou prosta-
glandine-H2 synthétase 1 entrave la synthèse du thromboxane A2 (TxA2).
L’anomalie de la réponse à l’activateur plaquettaire (adénosine diphosphate ou
ADP) est voisine, par ses caractères biologiques, de la thrombopathie acquise
induite par la ticlopidine ou le clopidogrel. Elle a été observée dans un petit
nombre de familles.
Des anomalies de réponse du récepteur de l’adrénaline ou du collagène (GPIa-
IIa) ou de la thrombine sont aussi décrites. D’autres anomalies, telles que des
troubles de la microvésiculation, sont décrites et sont rappelées dans le
tableau 2.I.

Tableau 2.I. Types de thrombopathies constitutionnelles

Anomalies de l’adhésion Maladie de Bernard et Soulier


Pseudo-Willebrand
Anomalies de Thrombasthénie de Glanzmann
l’agrégation primaire
Anomalies de la Déficit en cyclooxygénase
signalisation Déficit en Tx synthétase
Défaut de la mobilisation calcique
Défaut de synthèse du phosphatidyl-inositol
Anomalies du système des protéines G
Anomalies de la Pool vide delta
sécrétion Pool vide alpha ou syndrome des plaquettes grises
FV Québec
Anomalies de la Syndrome de Scott
fonction procoagulante
Tx : thromboxane

Pathologies sécrétoires
L’atteinte de la réponse sécrétoire par trouble de la signalisation ou de la capa-
cité des granules à libérer leurs granules est responsable d’une désagrégation
notable des plaquettes. Les progrès de la microscopie électronique et des
38 Maladies hémorragiques

dosages des constituants granulaires ont permis une meilleure compréhension


et une distinction des thrombopathies sécrétoires. Ainsi, sont distingués les
pools vides delta (anomalies des grains denses) et les pools vides alpha
(anomalies des grains alpha).
Le syndrome d’Hermansky-Pudlak est de transmission autosomale domi-
nante, associé à un albinisme et à l’accumulation de substance céroïde dans
les cellules réticulo-histiocytaires.
De transmission autosomale récessive, le syndrome de Chediak-Higashi, est
associé à un albinisme partiel et à des infections récurrentes. L’évolution est
marquée par des phases de thrombopénie et de leucopénie.
Le syndrome de Wiskott-Aldrich est aussi caractérisé par un déficit en
granules denses.
Le déficit en contenu des granules alpha plaquettaires, ou maladie du pool
vide alpha correspond au syndrome des plaquettes grises, car ces granules
apparaissent azurophiles au sein de la plaquette. La transmission est autoso-
male dominante.

Autres pathologies
D’autres pathologies associent des anomalies des plaquettes et des facteurs
plasmatiques.
La maladie de Willebrand comporte le variant type 2B, caractérisé par une
affinité accrue du VWF pour la GPIb plaquettaire et la pseudo-maladie de
Willebrand, caractérisée par une affinité accrue de la GPIb plaquettaire pour la
ristocétine (voir chapitre 2).

Anomalie du FV plaquettaire (thrombopathie Québec)


Elle est caractérisée par un syndrome hémorragique clinique transmis sur le
mode autosomal dominant. Les plaquettes sont en nombre relativement
diminué, avec une absence de réponse à l’adrénaline, un déficit en multimé-
rine et une protéolyse exagérée des constituants granulaires α (FV,
thrombospondine, fibrinogène, VWF, fibronectine et sélectine). Le déficit en
FV plaquettaire entraîne une diminution des fonctions procoagulantes. Une
particularité clinique de cette thrombopathie est l’absence d’efficacité des
transfusions plaquettaires pour contrôler les épisodes hémorragiques.

Syndrome de Scott
Dans ce syndrome, les plaquettes présentent une anomalie d’exposition des
phospholipides membranaires conduisant à un défaut d’activation de la coagu-
lation plasmatique (ralentissement de la cinétique d’activation de la
thrombine). Le test de consommation de la prothrombine permet aisément
d’évaluer l’activité coagulante des plaquettes en mesurant la prothrombine
résiduelle dans le sérum qui doit être normalement < 10 %. Le mode de trans-
mission est autosomal récessif.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 39

L’anomalie du cytosquelette associée à un déficit en scramblase (aminophos-


pholipide-translocase) est responsable du défaut de réponse plaquettaire par
anomalie du flip-flop membranaire responsable de la translocation des phos-
pholipides anioniques à la surface plaquettaire et assurant le support de la
coagulation plasmatique proprement dite (facteur 3 plaquettaire).

MALADIE DE WILLEBRAND
Marc TROSSAËRT

Décrite pour la première fois en 1926 par Erik von Willebrand chez une
famille de l’archipel d’Aaland en Finlande, la maladie de Willebrand est la
plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase avec une
prévalence estimée dans la population générale à 1 %. Elle se transmet sur un
mode autosomal, généralement dominant. Elle est liée à une anomalie soit
quantitative, soit qualitative, du facteur Willebrand (VWF). La plupart des
patients (70 à 80 %) ont une symptomatologie modérée, faite d’hémorragies
cutanéomuqueuses. La prévalence des sujets symptomatiques serait de
1 pour 10 000, donc assez voisine de celle de l’hémophilie A ou
B. Cependant, il existe une très grande hétérogénéité dans l’expression
clinique et biologique de la maladie de Willebrand.
Le traitement de la maladie de Willebrand est celui des accidents hémorragi-
ques ou de leur prévention. Le choix thérapeutique est guidé par la
caractérisation du type et du sous-type :
– type 1 (déficit quantitatif partiel en VWF);
– type 2 (anomalie qualitative et nombreux sous-types);
– type 3 (déficit total).
Deux possibilités thérapeutiques existent :
– la desmopressine ou 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP). Son
efficacité est variable et doit être systématiquement évaluée avant son utilisa-
tion thérapeutique.
– les concentrés de VWF d’origine plasmatique, efficaces chez tous les
patients mais utilisés en cas d’inefficacité ou de contre-indication à la dDAVP.

Physiopathologie
Le VWF est synthétisé par deux types cellulaires : les cellules endothéliales et
mégacaryocytes. Le gène du VWF de grande taille (180 kb) est localisé à
l’extrémité du bras court du chromosome 12. Le produit primaire du gène est
un précurseur, le pré-pro-VWF (2 813 acides aminés) qui, après clivage du
peptide signal, donne le pro-VWF. Ce dernier subit différentes étapes de matu-
ration permettant la dimérisation et la multimérisation du VWF. Le VWF
mature apparaît comme une série de multimères (de 500 à 20 000 kDa) formés
par l’association de sous-unités identiques (270 kDa). Le VWF est ensuite
stocké au niveau de granules spécifiques : corps de Weibel-Palade dans les
40 Maladies hémorragiques

cellules endothéliales et granules α dans les plaquettes. Le VWF est sécrété


dans le plasma et le sous-endothélium par deux voies :
– l’une dite constitutive;
– l’autre régulée permettant une libération rapide à partir des corps de Weibel-
Palade en réponse à un stimulus, par exemple libération induite par la dDAVP.
Il peut être également libéré dans le plasma à partir des granules α des
plaquettes après activation cellulaire. Seuls les granules α et les corps de
Weibel-Palade contiennent des multimères du VWF de très haut PM. Ces
multimères ne sont pas retrouvés dans la circulation. En effet, une protéase
spécifique du VWF (ADAMTS12) module la distribution multimérique du
VWF en circulation dans le plasma en dégradant les multimères de très haut
PM issus des compartiments cellulaires. Cette protéolyse physiologique
permet de prévenir la formation spontanée pathogène d’agrégats plaquettaires.
La relation structure moléculaire/activité du VWF est envisagée plus loin.

Rôle du VWF
Le rôle du VWF dans l’hémostase est double : grâce à des sites de liaison
spécifiques, il permet l’adhésion et l’agrégation plaquettaire en formant d’une
part un pont moléculaire entre les plaquettes et la paroi vasculaire lésée,
d’autre part entre les plaquettes elles-mêmes. Dans cette fonction, les multi-
mères de plus haut poids moléculaire sont les plus actifs. Le VWF assure le
transport du FVIII au site de la lésion vasculaire. En se liant au FVIII, cofac-
teur essentiel de la génération de FXa, le VWF le protège d’une dégradation
enzymatique et lui permet d’avoir une durée de vie plus longue dans la circu-
lation. Tout changement du taux de VWF s’accompagne généralement d’une
variation parallèle du taux de FVIII dans la circulation.

Mécanismes de régulation
La régulation de la synthèse du VWF fait intervenir des mécanismes
complexes influencés par des facteurs environnementaux et des facteurs géné-
tiques. Tout ceci explique la pénétrance incomplète de la maladie de
Willebrand et la grande variabilité du phénotype clinique et biologique, parti-
culièrement dans le type 1. Les facteurs environnementaux sont
essentiellement l’âge, le stress, un syndrome inflammatoire, qui entraînent des
augmentations des taux de VWF. Parmi les facteurs génétiques, le groupe
sanguin ABO ainsi que d’autres facteurs inconnus à ce jour influencent les
taux de VWF. Les sujets de groupe O ont par exemple des taux plasmatiques
de VWF 25 à 35 % plus faibles que ceux des sujets non O.
Il existe également des facteurs hormonaux : le taux de VWF s’élève physio-
logiquement à partir du 2e trimestre de la grossesse. En pathologie, au cours de
certaines affections chroniques (hyperthyroïdie, insuffisance rénale, diabète,
insuffisance hépatique, néoplasie), il existe une élévation qui peut être impor-
tante des taux de VWF.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 41

Diagnostic
Comme pour toutes les anomalies de l’hémostase primaire, la symptomatologie
hémorragique est essentiellement cutanéomuqueuse : hémorragies muqueuses
(épistaxis, gingivorragies, hémorragies amygdaliennes, ménorragies, hémorra-
gies gastro-intestinales) et cutanées (ecchymoses). Cette symptomatologie est
relativement fréquente dans la population normale. Cela explique en partie la
difficulté du diagnostic. La pénétrance et l’expression sont extrêmement varia-
bles (en particulier pour le type 1) et la prévalence des formes symptomatiques
serait environ de 100 cas par million dont 70 à 80 % de type 1.
La grande hétérogénéité de la maladie de Willebrand explique que l’âge de décou-
verte de l’affection demeure extrêmement variable. Une étude récente a montré
que le diagnostic de maladie de Willebrand peut être porté chez 13 % de femmes
consultant pour ménorragies et bénéficiant d’une exploration de l’hémostase.
Les manifestations cliniques peuvent être soit spontanées, soit provoquées par
un traumatisme (avulsion dentaire, acte chirurgical) même minime. La symp-
tomatologie est généralement modérée, sauf dans le type 3 ou dans certains
types 2 où les hémorragies peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Les formes
frustes seront plus volontiers révélées à l’apparition des règles, lors d’actes
opératoires ou à l’occasion d’un bilan d’hémostase systématique.
À l’inverse de l’hémophilie, les hématomes (sous-cutanés profonds ou intra-
musculaires) et les hémarthroses sont rares. Ils ne s’observent que pour les
formes où il existe un déficit important en FVIII (type 3 essentiellement).
Compte tenu du caractère constitutionnel de la maladie de Willebrand, l’inter-
rogatoire doit s’attacher à documenter la symptomatologie clinique chez le
propositus mais aussi dans la famille.
Le diagnostic biologique repose sur l’exploration biologique (tableau 2.II) qui
seule permet d’affirmer le diagnostic, de préciser le type d’anomalie (quantita-

Tableau 2.II. Diagnostic biologique de la maladie de Willebrand


Tests de routine TS
Temps d’occlusion réalisé grâce à un analyseur de la
fonction plaquettaire (PFA-100)
TCA
Numération plaquettaire
Tests spécifiques Dosages du VWF : Ag, de l’activité du cofacteur du
VWF : RCo, de l’activité de liaison au collagène
(VWF : CB), du FVIII (FVIII : C)
Tests discriminatifs Agrégation plaquettaire en présence de ristocétine
Distribution des multimères du VWF dans le plasma et
les plaquettes
VWF plaquettaire
Tests très spécialisés Liaison du VWF à la GPIb, au collagène
Liaison au FVIII (VWF : FVIIIB)
Analyse de l’ADN
TCA : temps de céphaline avec activateur
42 Maladies hémorragiques

tive ou qualitative) et la prise en charge thérapeutique. Les tests de routine


sont nécessaires mais insuffisants. Le temps de saignement (TS), test in vivo
réalisé par la méthode d’Ivy, a une sensibilité qui n’est que de l’ordre de 50 %
et ne dépiste donc que les formes les plus graves. En revanche, l’exploration
de l’hémostase primaire par l’automate PFA-100 donne des résultats anor-
maux dans pratiquement toutes les formes de maladie de Willebrand sauf le
type 2 N.
La numération plaquettaire est normale sauf chez certains patients avec une
maladie de Willebrand de type 2B, qui ont classiquement une thrombopénie
fluctuante et d’intensité variable.
Le temps de céphaline avec activateur (TCA) est inconstamment allongé et cet
allongement est corrélé aux taux du FVIII plasmatique.
Ainsi, le diagnostic nécessite le recours à des tests spécifiques :
– dosage du FVIII (FVIII : C) qui est généralement plus élevé que les taux de
VWF (sauf dans les types 2 N). Ainsi, les patients porteurs d’une anomalie
quantitative fruste ou qualitative du VWF peuvent avoir des taux de FVIII
normaux ou peu diminués. Dans les formes sévères (type 3) et le type 2 N, le
déficit en FVIII est net;
– dosage de l’activité du cofacteur de la ristocétine du VWF (VWF : RCo).
Il mesure la capacité de liaison du VWF à la GPIb plaquettaire induite par la
ristocétine (agglutination sur lame, agrégamétrie ou turbidimétrie). Le taux
de VWF : RCo est diminué dans tous les types de maladie de Willebrand
(sauf le type 2 N) et ce dosage est donc le critère de choix pour le diagnostic.
Les taux sont indétectables dans les formes graves, parallèles au déficit en
antigène du VWF (VWF : Ag) dans les anomalies quantitatives et notable-
ment plus abaissés que les taux de VWF : Ag dans les anomalies
qualitatives ;
– dosage du VWF : Ag est réalisé grâce à l’utilisation d’anticorps spécifiques
par technique Elisa, ELFA ou Liatest.
Ces trois dosages spécifiques permettent de diagnostiquer la maladie de Wille-
brand et d’orienter vers le type. Dans la population normale, les taux du
cofacteur du VWF : RCo et du VWF : Ag sont variables (50 à 150 UI/dl, UI =
unité internationale) et fonction du groupe ABO. Le rapport VWF :
RCo/VWF : Ag est diminué (< 0,7) dans les anomalies qualitatives du type 2
(sous-types 2A, 2M et 2B). Le rapport est voisin de 1 dans les maladies de
Willebrand de type 2 N. Le rapport FVIII/VWF : Ag est ≥ 1 dans toutes les
formes de maladie de Willebrand sauf pour le type 2 N où il est < 0,7, voire
< 0,5.
L’étude de l’agrégation du plasma riche en plaquettes du patient en présence
de ristocétine (RIPA) permet surtout de différencier les maladies de Wille-
brand de type 2 (tableau 2.III), particulièrement pour mettre en évidence une
agrégation paradoxale à faibles doses de ristocétine dans le type 2B.
Un autre test peut être pratiqué : le dosage de l’activité de liaison du VWF au
collagène (VWF : CB) par technique Elisa. Ce test sensible à la multimérisa-
tion du VWF peut être normal dans le type 1 et le type 2M.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 43

D’autres tests, hautement spécialisés, permettent essentiellement un


diagnostic précis de sous-type de la maladie de Willebrand.

Classification de la maladie de Willebrand


Le déficit en VWF caractérisant une maladie de Willebrand peut être :
– soit quantitatif : déficit partiel ou complet de VWF;
– soit qualitatif : le VWF circule en quantité suffisante mais ne remplit pas une
de ses fonctions.
Il existe trois grands groupes de maladie de Willebrand (tableau 2.III), avec de
nombreux sous-types :
– le type 1 : diminution plus ou moins importante de VWF normal dans le
plasma;
– le type 2 : synthèse quantitativement normale ou modérément diminuée de
VWF qualitativement anormal;
– le type 3 : VWF indétectable.

Tableau 2.III. Classification de la maladie de Willebrand


(d’après Sadler et al., 2006)

Type/sous-types Description
1 Déficit quantitatif partiel en VWF
Transmission dominante
Plusieurs sous-types, fonction du contenu intraplaquettaire
en VWF
2 Déficit qualitatif en VWF (variants moléculaires)
Transmission habituellement autosomale dominante
2A Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes,
associée à l’absence des multimères de haut poids
moléculaire
2B Augmentation de l’affinité du VWF pour les plaquettes,
associée à l’absence des multimères de haut poids
moléculaire
Thrombopénie fluctuante
2M Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes non
liée à une anomalie des multimères du VWF
2N Diminution de l’affinité du VWF pour le FVIII
3 Déficit quantitatif total en VWF
Transmission récessive

Maladie de Willebrand de type 1


Il s’agit du type le plus fréquent (50 à 70 % des patients atteints de maladie de
Willebrand) et souvent le plus difficile à diagnostiquer. En effet, le taux de
VWF des patients et ceux d’une population normale peuvent se chevaucher.
44 Maladies hémorragiques

Par définition, il s’agit d’un déficit quantitatif partiel en VWF (taux de VWF
de 10 à 50 %) :
– avec une réduction parallèle dans le plasma des taux de VWF : Ag et de
VWF : RCo (VWF : RCo/VWF : Ag > 0,7);
– avec présence de tous les multimères de VWF dans le plasma et les
plaquettes.
Sa transmission est dominante avec expression et pénétrance variables.
Diagnostiquer une maladie de Willebrand de type 1 peut être difficile, surtout
chez les sujets de groupe sanguin O. Pour éviter le risque de diagnostic abusif,
des critères diagnostiques très stricts doivent être respectés :
– des symptômes hémorragiques bien définis mais pas obligatoirement
sévères;
– des antécédents familiaux;
– un déficit quantitatif en VWF.
Théoriquement, le déficit en VWF est défini comme un taux inférieur à la
moyenne – 2 déviations standard (DS) d’une population normale de même
groupe sanguin (O ou non O). Compte tenu de la grande variabilité des taux de
VWF dans la population normale, de la zone de chevauchement entre patients
de type 1 et sujets normaux, il est nécessaire de répéter deux à trois fois les
dosages à différentes époques chez le propositus et des membres de sa famille.
Dans la maladie de Willebrand de type 1, la réponse thérapeutique à la dDAVP
est généralement bonne. Au niveau génétique, l’étude de l’ADN (acide
désoxyribonucléique) n’est généralement pas effectuée et les anomalies molé-
culaires responsables du type 1 restent encore le plus souvent inconnues.

Maladie de Willebrand de type 2


Le type 2 est défini comme une anomalie qualitative (fonctionnelle et/ou
structurale) du VWF. Il existe quatre grands sous-types : 2A, 2B, 2M et 2 N de
fréquence relative identique. Les trois premiers sont à transmission autoso-
male dominante. La maladie de Willebrand de type 2 N est à transmission
autosomique récessive.
Dans les trois premiers variants, le déficit en VWF est dû à une anomalie de
l’interaction du VWF avec les plaquettes. Comme il s’agit d’une anomalie
qualitative, le rapport VWF : RCo/VWF : Ag est classiquement < 0,7. Dans le
type 2A, le VWF a une affinité diminuée pour les plaquettes due à l’absence
de ses multimères de haut poids moléculaire et de PM intermédiaire. Dans le
type 2M, la diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes n’est pas liée
à une anomalie de multimérisation. Au contraire, dans le type 2B, l’affinité du
VWF pour la GPIb est augmentée, entraînant l’adsorption des multimères de
haut PM sur les plaquettes et une thrombopénie fluctuante. Ce diagnostic est
suspecté par l’agrégation plaquettaire paradoxale à faible dose de ristocétine.
Dans ce dernier type, la dDAVP est contre-indiquée, pouvant exacerber la
thrombopénie.
Le type 2 N de la maladie de Willebrand, de transmission autosomique réces-
sive, est particulier et ne s’accompagne pas de diminution du taux de VWF
Maladies hémorragiques constitutionnelles 45

(sauf autre anomalie associée). Il s’agit d’une anomalie d’interaction du VWF


avec le FVIII. Les résultats biologiques montrant le déficit en FVIII avec un
rapport FVIII : C/VWF : Ag < 0,5, sont proches de ceux d’un hémophile A
mineur ou modéré. Le diagnostic ne pourra être fait que par la réalisation de
l’étude de liaison du VWF au FVIII (VWF : FVIIIB).
L’étude génotypique du type 2 est complexe et hautement spécialisée. Elle
relève du domaine de la recherche fondamentale. Elle permet parfois
d’affirmer des diagnostics, souvent difficiles avec les tests d’hémostase.
Comme souvent en physiopathologie, l’étude moléculaire des différents
variants pathologiques autorise une approche physiologique et une meilleure
compréhension des interactions moléculaires du VWF dans l’hémostase.

Maladie de Willebrand de type 3


C’est le type le plus rare (1 à 3 % de toutes les maladies de Willebrand) carac-
térisé par un déficit quantitatif total en VWF. Il s’agit d’une forme dont la
transmission est autosomique récessive : les sujets atteints sont homozygotes
ou hétérozygotes composites. La symptomatologie hémorragique est particu-
lièrement grave avec des manifestations hémorragiques dès la petite enfance.
Les hémarthroses ne sont pas rares. Le diagnostic est plus facile que dans les
autres types : le TS est très allongé, le VWF indétectable, le taux de FVIII :
C très diminué (< 10 UI/dl).

Diagnostic différentiel
Sujet normal
Il est parfois difficile de différencier un sujet normal de groupe sanguin O d’un
sujet atteint d’une maladie de Willebrand de type 1. Dans cette situation, il
convient de respecter strictement les critères diagnostiques et de ne pas porter
de façon excessive un diagnostic d’anomalie de l’hémostase chez un sujet
normal.

Hémophilie A
Au niveau biologique, la distinction est facile : sauf pour les variants 2 N, le
dosage de VWF : RCo est habituellement abaissé dans la maladie de Willebrand
alors qu’il est normal dans l’hémophilie. Devant un déficit en FVIII et un VWF
normal, l’étude de la liaison du FVIII au VWF (VWF : FVIIIB) permettra la
distinction entre maladie de Willebrand type 2 N ou hémophilie A (chez un
homme) ou statut de conductrice d’hémophilie A (chez une femme). L’enquête
familiale et l’étude de la transmission génétique (liée au sexe dans l’hémophilie
A, autosomique dans le type 2 N) orienteront également le diagnostic.

Pseudomaladie de Willebrand
Il s’agit d’une thrombopathie avec augmentation de l’affinité de la GPIb
plaquettaire pour le VWF et thrombopénie variable. La distinction entre une
46 Maladies hémorragiques

maladie de Willebrand de type 2B et une pseudo-maladie de Willebrand est


très difficile et réservée à des laboratoires hautement spécialisés (étude spéci-
fique de la liaison du VWF du plasma du patient à des plaquettes normales).
Néanmoins, il est essentiel de faire cette distinction diagnostique pour un trai-
tement adapté. Dans les cas les plus difficiles, l’étude de génétique
moléculaire permettra de mettre en évidence la mutation au niveau de la GPIb.

Syndrome de Willebrand acquis


Certains contextes cliniques (syndromes lympho- ou myéloprolifératifs,
gammapathies monoclonales, néoplasies, rétrécissement aortique serré, mala-
dies auto-immunes) peuvent s’accompagner d’un déficit acquis en VWF dû à
différents mécanismes. Le VWF est produit normalement, mais il est rapide-
ment éliminé du plasma, ce qui induit un déficit en VWF. Trois mécanismes
principaux ont été incriminés : la présence d’un autoanticorps anti-VWF
(certaines hémopathies, maladies auto-immunes), l’adsorption anormale du
VWF sur des cellules tumorales ou activées ou une dégradation protéolytique
du VWF (certaines leucémies).
Le diagnostic est suspecté devant un syndrome hémorragique avec anomalies
biologiques de la maladie de Willebrand mais sans antécédents personnels ou
familiaux. L’incidence est variable mais vraisemblablement sous-estimée. Il
survient en général après 50 ans. L’expression hémorragique est généralement
modérée (ecchymoses, hémorragies des muqueuses et saignements postopéra-
toires). L’exploration biologique évoque une maladie de Willebrand de type 1
ou plus volontiers type 2 :
– allongement du TS et des TO sur PFA-100;
– parfois, mise en évidence d’un anticorps généralement dirigé contre le
VWF : RCo.
La disparition du syndrome après traitement de l’affection causale peut consti-
tuer un excellent élément diagnostique rétrospectif.

Traitement
Dans la majorité des cas, la symptomatologie est modérée et le traitement ne
sera nécessaire que lors d’un traumatisme important ou d’un acte chirurgical.
Le traitement est avant tout préventif. Il passe par une bonne information et
une éducation du patient sur ses risques hémorragiques, sur le fait que tout
traitement susceptible d’accroître le risque hémorragique (antiagrégant
plaquettaire, dérivés salicylés, AINS) doit être évité ou soigneusement discuté
et que tout geste invasif doit être discuté.
En cas de saignement, des solutions simples à mettre en œuvre qui dépendent
du site du saignement sont parfois suffisantes : compression locale, méchage
(épistaxis), colle biologique après avulsion dentaire, traitement hormonal pour
ménorragies par exemple.
Dans tous les cas et surtout en cas de maladie de Willebrand de type 2 ou 3, un
suivi dans un centre spécialisé dans les troubles de l’hémostase doit être
proposé pour une prise en charge thérapeutique, une information du patient et
Maladies hémorragiques constitutionnelles 47

l’établissement d’une carte de maladie de Willebrand. Cette carte précise les


caractéristiques de la maladie, les résultats biologiques, les résultats de
l’épreuve thérapeutique à la dDAVP et les traitements à utiliser en cas de
besoin.
L’objectif du traitement préventif ou curatif est de corriger les anomalies de
l’hémostase primaire et/ou de la coagulation soit par mobilisation des
réserves endogènes par la dDAVP, soit par apport de VWF exogène (et de
FVIII exogène dont certaines circonstances) sous forme de concentrés
plasmatiques.

Desmopressine
La dDAVP, analogue synthétique de la vasopressine, est une hormone natu-
relle susceptible d’induire la libération du VWF et du FVIII à partir des
compartiments cellulaires. Elle est actuellement disponible sous deux formes
d’administration : IV (Minirin IV) et intranasale (Octim). La voie intranasale
est surtout utilisée pour le traitement à domicile des saignements menstruels
ou des saignements mineurs.
Son efficacité dépend du type de maladie de Willebrand. Elle est efficace dans
le traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de
certains actes chirurgicaux chez presque tous les sujets avec une maladie de
Willebrand de type 1. Elle est complètement inefficace dans le type 3 (forme
sévère) et d’efficacité variable dans le type 2. Elle est classiquement contre-
indiquée dans le type 2B où elle risque d’aggraver la thrombopénie
(tableau 2.IV).

Tableau 2.IV. Efficacité de la dDAVP dans les différents types


de maladie de Willebrand (d’après Mannucci, 2001)

Type Desmopressine
1 Habituellement efficace
2A Efficacité variable
2B Généralement contre-indiquée
2M Efficacité variable
2N Efficace mais réponse très brève
3 Inefficace

Avant son utilisation thérapeutique, une étude de la réponse doit être réalisée
chez chaque patient, lors du diagnostic ou au moins 1 semaine avant une
chirurgie, afin de déterminer si la correction de l’hémostase est suffisante.
Après administration de dDAVP, la demi-vie du VWF libéré est d’environ 6 à
8 h. La correction du TS est brève. En cas de bonne efficacité, les taux de base
de VWF et de FVIII sont multipliés par 3 à 5. L’injection peut être répétée
toutes les 12 à 24 h en fonction de la situation clinique (la réponse est cepen-
dant de moins en moins efficace en raison de la survenue d’une tachyphylaxie).
48 Maladies hémorragiques

Une restriction des apports hydriques est indispensable (750 ml/j chez l’adulte
et 20 ml/kg chez l’enfant). Les effets indésirables de la dDAVP sont la rétention
hydrique, une vasodilatation modérée (flush facial, tachycardie et céphalées).
L’utilisation de la dDAVP doit rester prudente chez les patients âgés et les
jeunes enfants, mais aussi en cas de pathologie cardiovasculaire, d’hyperten-
sion artérielle ou d’insuffisance corticotrope. D’une manière générale,
l’utilisation de la dDAVP nécessite une information précise du patient par le
médecin prescripteur. En cas de non-respect de la diminution de la quantité de
liquides journaliers, une hyponatrémie peut survenir avec parfois survenue de
convulsions et d’un coma.
Les contre-indications connues de la dDAVP sont l’hypersensibilité à l’un des
constituants de la préparation, la femme enceinte ou en cours d’allaitement,
l’enfant de moins de 2 ans, la maladie de Willebrand de type 2B (car la
dDAVP peut entraîner une agrégation plaquettaire responsable de thrombocy-
topénie du fait de la structure anormale du VWF).

Traitements substitutifs
Les médicaments contenant du VWF sont efficaces dans tous les types de
maladie de Willebrand. Leur utilisation est réservée aux patients pour lesquels
la dDAVP est soit inopérante soit contre-indiquée.
Actuellement en France, deux médicaments du Laboratoire français du frac-
tionnement et des biotechnologies (LFB) contenant du VWF humain ont une
autorisation de mise sur le marché (AMM) : le Wilfactin contenant unique-
ment du VWF et le Wilstart contenant du VWF et du FVIII.
Lors de l’utilisation des concentrés de VWF, il convient de savoir que l’admi-
nistration de VWF permet la stabilisation et la protection du FVIII endogène
synthétisé par le patient. Mais le taux maximum de FVIII n’est obtenu
qu’après 12 à 24 h. Si le patient présente un déficit en FVIII et doit être traité
en urgence, le Wilstart peut être utilisé car la correction simultanée des défi-
cits en FVIII et en VWF est obtenue immédiatement. Dans ce cas, et en
absence de Wilstart, le Wilfactin peut être utilisé en association avec le
concentré de FVIII, d’origine plasmatique ou recombinante. Après la
première injection, le traitement peut être relayé par Wilfactin ce qui peut
éviter des taux de FVIII trop élevés dans les jours qui suivent, pouvant repré-
senter un facteur de risque de thrombose. En cas de chirurgie programmée, le
traitement peut être débuté au moins 12 h avant par Wilfactin. Si le patient ne
présente pas de déficit en FVIII, le traitement peut être initié par le Wilfactin,
même en urgence.
Dans tous les cas, les dosages de VWF : RCo et de FVIII : C doivent être
effectués afin d’adapter la posologie. Pour les deux médicaments, 1 UI/kg
augmente le taux plasmatique de VWF de 2 % environ. En pratique, la poso-
logie est de 40 à 60 UI/kg en première injection et 40 à 80 UI/kg pour les
injections suivantes de VWF : RCo dans les formes sévères; à répéter toutes
les 12 à 24 h pendant un à plusieurs jours.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 49

Cas particulier du traitement du syndrome de Willebrand acquis


Le traitement de fond est celui de la pathologie sous-jacente responsable du
déficit. En cas de syndrome hémorragique ou en prévention en cas de geste
invasif, les traitements habituels de la maladie de Willebrand constitutionnelle
(dDAVP ou concentrés en VWF) peuvent ne pas être efficaces. Après dDAVP,
l’augmentation initiale du taux de VWF circulant est parfois insuffisante et la
demi-vie particulièrement brève du fait de l’élimination accélérée propre au
syndrome. En cas de nécessité de recours à des concentrés de VWF, l’augmen-
tation du rythme et de la posologie des injections peut être importante pour
obtenir un taux satisfaisant de VWF circulant. L’administration de fortes doses
(1 g/kg/j pendant 24 à 48 h) d’immunoglobulines intraveineuses peut corriger
transitoirement (pendant 2 à 3 semaines) le déficit en VWF en cas de gamma-
pathie monoclonale IgG.
Ainsi, le choix du traitement en cas de syndrome de Willebrand acquis doit
être fait au cas par cas en évaluant le mécanisme physiopathologique et le
risque hémorragique du patient. Lorsqu’il est nécessaire de recourir à un trai-
tement hémostatique, il est recommandé d’utiliser la dDAVP en première
intention, en l’absence de contre-indication. Si le sujet est non répondeur, on
peut proposer en deuxième intention de recourir à l’administration d’IgIV
dans les contextes de lymphopathies ou de gammapathies monoclonales IgG
ou à l’administration de concentrés de VWF dans les gammapathies IgM.

Cas particulier de la grossesse et de l’accouchement


Au cours de la grossesse, il existe une augmentation physiologique du taux de
VWF plasmatique. En cas de maladie de Willebrand de type 1, cette augmen-
tation des taux de VWF et de FVIII survient à partir des 10e et 11e semaines
d’aménorrhée (SA). Dans le type 2, il existe également une augmentation des
taux de VWF : Ag. Mais la molécule reste dysfonctionnelle et les troubles de
l’hémostase primaire persistent. Dans le type 3, il n’y a aucune amélioration
de l’hémostase.
Dans les types 1 et 2, un suivi biologique pendant la grossesse permet donc
d’apprécier le risque hémorragique à l’accouchement : l’utilisation de la
dDAVP peut être parfois envisagée lors de l’accouchement (juste après la déli-
vrance) si une bonne réponse à la dDAVP a été documentée. L’analgésie
péridurale ne peut être envisagée que s’il existe en fin de grossesse avant tout
traitement, une correction parfaite de tous les paramètres (comme les TS, TO,
VWF : RCo, FVIII) ce qui est souvent le cas dans le type 1. Dans la plupart
des types 2 (où persistent en général un allongement du TS ou du TO et un
déficit en VWF : RCo) et dans le type 3, un traitement par des concentrés de
VWF est indispensable. Dans tous les cas de maladie de Willebrand de type 2
ou 3, une analgésie péridurale est contre-indiquée.
Il faut être vigilant durant les semaines consécutives à l’accouchement. Un
suivi est nécessaire dans le post-partum (les taux de VWF et de FVIII dimi-
nuent d’autant plus vite qu’il y a suppression de la lactation). Il existe en effet
un risque hémorragique lors du retour de couches.
50 Maladies hémorragiques

BIBLIOGRAPHIE

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brand syndrome : from pathophysiology to management. Thromb Haemost
2000; 84 : 727-728.

RELATION STRUCTURE MOLÉCULAIRE-


FONCTIONS DU FACTEUR WILLEBRAND
Annie BOREL-DERLON

Toutes les maladies hémorragiques constitutionnelles sont liées à une altéra-


tion génétique bien identifiée. Bien plus, de nombreuses études ont été
consacrées aux différents facteurs de l’hémostase dont la synthèse est défici-
taire ou dont la structure moléculaire est modifiée. Il a donc été possible grâce
à l’étude des altérations moléculaires de déterminer la relation structure molé-
culaire/activité pour la plupart des facteurs de l’hémostase. Dans cet abrégé à
titre d’exemple, nous avons retenu le cas du VWF puisque la maladie de
Willebrand est l’affection hémorragipare constitutionnelle la moins rare.
Dans les mécanismes protéiques et cellulaires de l’hémostase, le VWF a deux
fonctions essentielles :
– le transport du FVIII dans le sang circulant, lui assurant une stabilité de son
activité coagulante et le protégeant d’une dégradation protéolytique précoce;
– la formation des ponts moléculaires entre la paroi vasculaire lésée et les
R plaquettaires spécifiques dont la glycoprotéine IbIX.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 51

Ainsi, la séquence des événements biologiques impliquant le VWF dans les


différentes étapes de l’hémostase primaire a pu être identifiée selon les réac-
tions suivantes :
– la liaison du VWF aux constituants du sous-endothélium et, en particulier,
aux différents collagènes fibrillaires de type I, III, IV et non fibrillaires du type
VI. Cette liaison du VWF aux structures sous-endothéliales induit un change-
ment conformationnel de la protéine qui se lie secondairement à son
R plaquettaire spécifique, la glycoprotéine IbIX, permettant l’adhésion initiale
des plaquettes;
– l’activation plaquettaire permettant le changement de conformation de la
glycoprotéine IIbIIIa sur la membrane plaquettaire induit secondairement la
liaison du VWF à cette glycoprotéine (fig. 2.1);
– ces différentes étapes conduisent à l’étalement des plaquettes, à leur adhé-
sion irréversible et leur agrégation;
– ainsi, grâce à des sites de liaison spécifiques, le VWF forme des ponts
moléculaires :
- d’une part entre les plaquettes et la paroi vasculaire lésée, permettant
l’adhésion plaquettaire,
- d’autre part entre les plaquettes entre elles, permettant l’agrégation
plaquettaire et la formation de thrombus.
Il est important de noter que le fibrinogène est, comme le VWF, un ligand de
la GPIIb/IIIa. Mais dans certaines conditions hémodynamiques, telles que les

A1 A3

A2
N C
c c c c
1 509-695 923-1109 2050

FVIII 1-272

GPIb 474-488 695-708


514-542

GPIIb/IIIa 1744-1746

Collagène 542-622 948-998

Héparine 1-272 565-587

Sulfatides 569-584 628-645

Fig. 2.1. Représentation schématique des domaines fonctionnels de la sous-


unité du VWF (d’après E. Fressinaud, Maladies de Willebrand. Le biotechno-
logiste 1996; 14 :22-30).
FVIII = facteur VIII; GPIb = glycoprotéine Ib plaquettaire; GBIIb/IIIa = glyco-
protéine IIb/IIIa plaquettaire.
52 Maladies hémorragiques

forces de cisaillement élevées, le VWF serait la protéine essentielle prioritaire


et responsable de l’agrégation plaquettaire (par l’intermédiaire de la
GPIIb/IIIa), en particulier dans la microcirculation.
Concernant les relations structure/fonctions, les sous-unités de VWF sont
glycosylées et très riches en cystéine, en particulier dans les régions N et C
terminales. Dans la région centrale de la sous-unité mature, contenant les
domaines A, les cystéines sont beaucoup plus rares. Mais elles permettent la
formation de deux boucles identiques de 185 résidus : les domaines A1 et A3.
Ces domaines A1 et A3 ont une grande importance fonctionnelle car ils sont
facilement accessibles aux ligands spécifiques et peuvent subir des change-
ments conformationnels : les domaines A1 et A3 comportent les sites de
liaison aux collagènes de la matrice extracellulaire et les sites de liaison à la
GPIb (voir fig. 2.1).
Situé entre les domaines A1 et A3, le domaine A2 ne comprend pas de struc-
tures en boucle mais le site physiologique de protéolyse entre les acides
aminés 842 et 843. Le site de liaison à la glycoprotéine IIbIIIa, qui intervient
dans l’agrégation plaquettaire par l’intermédiaire du VWF, est localisé à
l’extrémité C terminale de la sous-unité mature.
Avec le FVIII, le domaine de liaison du VWF est situé à l’extrémité N termi-
nale du domaine D’.

HÉMOPHILIES A ET B
Claude NÉGRIER

L’hémophilie est la plus fréquente des maladies hémorragiques graves :


– l’hémophilie A est due à un déficit en FVIII. Elle touche environ 1 naissance
sur 5 000 enfants de sexe masculin;
– l’hémophilie B correspond à un déficit en FIX. Son incidence est de 1 sur
30 000 enfants de sexe masculin.
Ces deux affections héréditaires sont transmises par les femmes appelées de
ce fait conductrices selon un mécanisme récessif lié au chromosome X. Par
conséquent, seuls les garçons sont touchés si l’on excepte les exceptionnels
cas d’hémophilie féminine. Cette maladie hémorragique chronique présente
plusieurs niveaux de sévérité selon l’importance du déficit en facteur de
coagulation. Il s’agit de la plus fréquente des pathologies hémorragiques de la
coagulation, dans le cadre de laquelle les accidents hémorragiques touchent
plus particulièrement les articulations et les muscles.

Bases biochimiques utiles


pour une compréhension physiopathologique
Les FVIII et FIX sont deux facteurs de coagulation synthétisés par le foie, qui
circulent dans le plasma, sous forme libre pour le FIX, sous forme liée à une
Maladies hémorragiques constitutionnelles 53

protéine de transport, le VWF, pour le FVIII. Leur rôle est fondamental pour
que le phénomène de coagulation puisse se dérouler de façon efficace. Ainsi,
en cas de diminution de l’un de ces deux facteurs, l’hémostase au niveau
d’une brèche vasculaire traumatique ne peut avoir lieu de façon correcte, et le
saignement chez l’hémophile est donc la conséquence d’un tel phénomène. Si
ce saignement est extériorisé, il est donc simplement prolongé par rapport à un
sujet normal. L’importance de cette tendance hémorragique est globalement
assez bien corrélée au taux du facteur de coagulation déficitaire dans le
plasma. À taux identiques, les déficits en FVIII s’expriment de façon similaire
à ceux en FIX. De plus, dans une même famille, la sévérité du déficit est géné-
ralement identique d’un membre à l’autre de la famille. Elle ne se modifie pas
au cours du temps.
Dans la forme sévère (qui représente environ 40 % des cas), le taux plasma-
tique du FVIII ou du FIX est < 1 % (soit 1 U/dl). Lors d’hémophilie modérée,
ce taux est compris entre 1 et 5 %. Dans les formes mineures, il se situe entre
5 et 30 %.

Bases génétiques
Le gène du FVIII comme celui du FIX est situé sur le bras long du chromo-
some X. Un seul allèle est donc présent chez l’homme et deux chez la femme.
Les femmes conductrices sont en général non symptomatiques, bien que
certaines puissent présenter un taux de FVIII plasmatique abaissé en dessous
de la valeur médiane théorique de 50 %. Elles peuvent transmettre l’anomalie
génétique à leur descendance. Celle-ci va alors toucher 1 garçon sur 2 et 1 fille
sur 2. Les enfants d’un garçon hémophile seront tous indemnes de la maladie
s’ils sont de sexe masculin et leurs filles seront toutes conductrices. On sait
aujourd’hui déterminer par des techniques de génétique moléculaire les muta-
tions responsables de chacun des deux gènes, et l’on se sert de cette
information pour rechercher les conductrices dans une famille ou réaliser un
diagnostic anténatal. Il faut toutefois savoir que dans près d’un tiers des cas,
une mutation spontanée provoque une hémophilie A ou B, aucun cas n’étant
connu préalablement dans la famille.

Manifestations cliniques
Chez l’hémophile atteint d’une forme sévère de la maladie (FVIII ou FIX < 1 %),
le traumatisme déclenchant est parfois si discret qu’il peut passer inaperçu,
faisant ainsi croire à une hémorragie spontanée. À l’inverse, l’expression hémor-
ragique est moins forte en cas d’hémophilie modérée ou mineure : les
hémarthroses sont plus rares, voire absentes; elles font suite à des traumatismes
reconnus. Le risque hémorragique est en revanche bien réel en cas d’acte
chirurgical.
Certains accidents hémorragiques peuvent menacer le pronostic vital (hémor-
ragie digestive ou du système nerveux central) ou fonctionnel (orbite, loge
antérieure de l’avant-bras ou creux axillaire par exemple). Ils requièrent une
administration d’urgence du produit antihémophilique adapté.
54 Maladies hémorragiques

À l’interrogatoire, sont recherchés des antécédents familiaux connus d’hémo-


philie chez un ou plusieurs garçons, ou simplement une tendance
hémorragique anormale (saignement prolongé post-traumatique ou postchi-
rurgical). Notons par ailleurs que dans les formes frustes ou modérées, il peut
s’agir d’une découverte fortuite (lors d’un bilan préopératoire par exemple ou
à l’occasion d’un saignement prolongé à la suite d’une intervention chirurgi-
cale mineure telle qu’une extraction dentaire).
Les manifestations hémorragiques les plus fréquemment rencontrées sont
des hémarthroses (70 % des accidents hémorragiques) et des hématomes
sous-cutanés ou intramusculaires (10 à 20 % des accidents hémorragi-
ques). En dehors de ces deux types d’expression préférentielle, les
phénomènes hémorragiques peuvent toucher l’arbre urinaire, où ils sont le
plus souvent dus à une fracture minime du parenchyme rénal ou à une
simple infection urinaire (provoquant des hématuries avec un risque de
colique néphrétique), les muqueuses nasale et digestive ou encore les
viscères intra-abdominaux. La chute des dents de lait est en règle peu
hémorragique chez l’enfant, mais les morsures de langue ou les trauma-
tismes du frein de la langue et de la joue sont fréquemment responsables
d’hémorragies intrabuccales. Les hémorragies du système nerveux central
font suite à un traumatisme qui peut être passé inaperçu. Elles doivent être
prises en charge en milieu spécialisé en urgence, mais leur pronostic
demeure encore sévère.

Complications
Elles peuvent être de plusieurs types : infectieuses, immunologiques et
ostéoarticulaires.

Complications infectieuses
Avant 1987, année de l’introduction large de la méthode d’inactivation virale
des concentrés de FVIII dérivés du plasma par solvant détergent qui permet
d’inactiver de façon convenable les principaux virus pathogènes munis d’une
enveloppe lipidique, les infections virales ont été au premier plan. Trois types
viraux ont été majoritairement transmis par les dérivés du plasma : le virus de
l’hépatite B (VHB), celui de l’hépatite C (VHC) et celui de l’immunodéfi-
cience humaine (VIH). En ce qui concerne le VHB, la quasi-totalité des
hémophiles régulièrement transfusés ont été contaminés avant que la vaccina-
tion systématique soit mise en place. Le VHC a contaminé environ 80 % des
hémophiles et plus de la moitié d’entre eux ont développé une hépatite C chro-
nique. Enfin, la transmission du VIH avant 1985 (date à laquelle les produits
furent chauffés) a représenté une tragédie médicale d’importance considé-
rable. Depuis 1987, aucune transmission de l’un de ces virus n’a été
documentée en France par l’utilisation de ces médicaments, si bien que la
complication la plus dangereuse est aujourd’hui l’apparition d’anticorps inhi-
biteurs dirigés contre la protéine manquante.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 55

Complications immunologiques
Cette immunisation est plus fréquente chez l’hémophile A que chez l’hémo-
phile B puisque lors d’hémophilie sévère, l’incidence est de 30 % et 3 %
respectivement. Certains de ces anticorps (environ 1/3) sont transitoires et ils
peuvent disparaître spontanément au bout de quelques jours ou de quelques
semaines. D’autres vont persister et s’ils sont d’un titre suffisamment élevé
(exprimé en unités Bethesda), ils vont compromettre la réponse à l’injection
de FVIII ou de FIX. Dans ces cas, un autre type de médicament devra être
utilisé car il devient impossible d’obtenir une hémostase correcte avec simple-
ment du FVIII ou du FIX, celui-ci étant reconnu par l’anticorps et inactivé en
l’espace de quelques minutes.

Complications ostéoarticulaires
Une autre complication fréquente touchant notamment les patients atteints
d’une forme sévère d’hémophilie A ou B, est l’apparition progressive de
séquelles musculoarticulaires. Elles sont généralement la conséquence de la
répétition des saignements dans les articulations. Des modifications chimiques
du liquide synovial articulaire associées à des troubles vasomoteurs liés aux
phénomènes de pression qui s’exercent sur les surfaces articulaires lorsque
l’hémarthrose est importante, provoquent une destruction progressive du
cartilage de surface qui va disparaître, laissant l’os sous-chondral à nu. Des
kystes sous-chondraux et intra-osseux apparaissent au niveau des épiphyses,
modifiant les repères anatomiques normaux. Ces phénomènes provoquent une
impotence fonctionnelle progressive, des attitudes vicieuses (flexum du genou
par exemple) et bien sûr des douleurs mécaniques et inflammatoires. Une
amyotrophie de proximité est très fréquemment associée. Les tissus mous de
l’articulation (synoviale articulaire) deviennent le siège d’un phénomène
inflammatoire chronique (synovite) qui entraîne un épaississement et une
fragilisation de cette membrane, ce qui la rend encore plus susceptible aux
saignements. On parle alors d’articulation cible car celle-ci devient le lieu
principal des saignements (jusqu’à deux saignements par semaine dans
certains cas). S’installe alors un véritable cercle vicieux qui peut apparaître
dès l’enfance et provoquer en plus des troubles de croissance au niveau des
épiphyses fertiles qui déforment rapidement les extrémités osseuses s’ajoutant
ainsi aux troubles de congruence articulaire.
Plus rarement, on peut voir apparaître une pseudo-tumeur hémophilique qui se
développe à partir d’hématomes musculaires insuffisamment traités. Cette
masse hématique résiduelle va progressivement éroder les structures de voisi-
nage, tissus mous et tissus osseux pour former une masse molle, adhérente aux
plans tissulaires, généralement peu douloureuse, pouvant donner l’impression
d’une tumeur développée aux dépens de l’os, d’où sa dénomination. Il ne
s’agit pas d’une tumeur maligne même si les clichés radiologiques peuvent
être impressionnants.
Les nouvelles techniques d’imagerie (IRM) ont permis de bien apprécier les
lésions, parfois très précoces chez l’enfant, des parties molles ou de tissu
56 Maladies hémorragiques

osseux. Elles représentent un apport intéressant pour confirmer l’impression


clinique et guider la stratégie thérapeutique.

Autres complications
La localisation particulière de certains saignements (zones dites dangereuses
comme le creux poplité, le poignet ou la face antérieure de l’avant-bras, ou
encore les muscles fessiers ou laryngés) induit un risque de compression
vasculo-nerveuse important qui nécessite une prise en charge thérapeutique
d’urgence.
L’importance d’autres hémorragies internes ou extériorisées peut provoquer
une anémie aiguë par spoliation sanguine, plus facilement chez l’enfant.

Diagnostic biologique
Il repose sur quelques tests simples de coagulation :
– allongement isolé du TCA, le temps de prothrombine (TP), le temps de
thrombine (TT) et le fibrinogène étant normaux;
– dosage spécifique du FVIII et du FIX qui fournit le diagnostic du type
d’hémophilie A ou B et en définit la sévérité : forme sévère si le facteur de
coagulation est < 1 %, forme modérée entre 1 et 5 % et forme fruste ou
mineure entre 5 et 40 %;
– TS et dosage du VWF normaux.

Diagnostic différentiel
Il s’effectue avec les autres déficits de la coagulation allongeant le TCA de
façon isolée :
– déficit en FXI et en FXII (ce dernier n’induit aucune tendance au saigne-
ment même en cas de déficit complet);
– maladie de Willebrand où le VWF est généralement abaissé;
– déficits acquis par pathologie auto-immune : hémophilie acquise par autoan-
ticorps anti-FVIII ou autoanticorps anti-FIX (beaucoup plus rare), ou plus
fréquemment anticorps de type lupique.

Principes thérapeutiques
Plusieurs produits antihémophiliques sont disponibles sur le marché français.
Ils sont soit purifiés à partir du plasma humain, soit fabriqués par génie géné-
tique. Ils sont uniquement disponibles dans les pharmacies hospitalières pour
l’instant, et sont soumis à des règles de prescription particulières. On utilise
toujours un traitement visant à substituer la molécule manquante dans l’orga-
nisme, FVIII chez l’hémophile A et FIX chez l’hémophile B, en l’absence
d’anticorps inhibiteur de titre élevé. Les deux critères principaux de choix des
médicaments sont la sécurité et l’efficacité.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 57

En ce qui concerne la sécurité, la transmission d’agents infectieux est bien sûr


au premier plan. Depuis l’introduction des méthodes d’inactivation et d’élimi-
nation virales, aucune transmission, par les médicaments dérivés du plasma
humain, d’un virus enveloppé (hépatite B, C ou VIH) n’a été documentée.
L’Agence européenne du médicament (EMEA), qui émet régulièrement des
recommandations pour assurer la sécurité sanitaire des produits thérapeuti-
ques, demande que les deux méthodes d’inactivation/réduction des agents
infectieux soient combinées lors de la fabrication de ces médicaments. À ce
jour, aucune transmission d’agent infectieux non conventionnel tel que le
prion n’a été rapportée dans la littérature internationale comme pouvant avoir
été médiée par ces médicaments stables dérivés du sang.
Les facteurs produits par génie génétique visent progressivement à l’élimina-
tion de tous les composés humains ou animaux présents dans leur mode de
fabrication. Cette sécurité théorique quasi absolue à l’égard des agents infec-
tieux humains est mise en balance par certaines données suggérant que les
produits recombinants seraient associés à une incidence supérieure d’anti-
corps inhibiteurs vis-à-vis du FVIII, mais sans que l’on dispose de preuve
formelle à cet égard.
L’efficacité est le second critère essentiel d’évaluation des produits antihémo-
philiques. À l’heure actuelle, on peut raisonnablement dire que les
caractéristiques pharmacocinétiques des différents produits sont très proches,
même si certaines différences subsistent. La mesure de la récupération pour
les différents FVIII est voisine de 2 U/dl remises en circulation par unité
perfusée et par kilo de poids (une injection de 50 UI/kg provoque une
remontée moyenne à 100 % du FVIII plasmatique chez l’hémophile sévère).
La demi-vie des produits est de 10 à 17 h Pour le FIX, cette récupération n’est
que de 0,5 à 1 U/dl remise en circulation par unité perfusée et par kilo de
poids. Le traitement des accidents hémorragiques mineurs nécessite
d’atteindre un niveau circulant de facteur antihémophilique de l’ordre de
30 %. Les accidents plus sévères requièrent un niveau circulant de l’ordre de
50 %. Pour les accidents les plus graves ou les chirurgies les plus lourdes, il
est suggéré d’atteindre des chiffres au moins > 80 %.
Le traitement est généralement administré à domicile parfois avec l’aide des
parents ou d’une infirmière, puis l’apprentissage de l’autotraitement par le
patient est habituellement réalisé lors de l’adolescence. Ce traitement peut être
curatif ou préventif. Le traitement curatif est un traitement à la demande où
l’hémophile reçoit par voie intraveineuse le facteur de coagulation manquant
sous forme concentrée à l’occasion d’un épisode hémorragique. Une ou deux
injections séparées de 8 à 12 h permettent d’obtenir une hémostase correcte et
par conséquent de traiter l’accident hémorragique dans près de 9 cas sur 10. Il
faut toutefois réaliser l’injection dans le délai le plus court possible après le
déclenchement de l’hémorragie, ce qui permet de limiter l’importance du
saignement et de diminuer le risque de mauvaise réponse thérapeutique.
Le traitement préventif, encore appelé prophylactique, mérite une attention
particulière. Il existe deux types de prophylaxie :
– l’une est effectuée chez le petit enfant souvent dès l’apparition des premiers
accidents hémorragiques;
58 Maladies hémorragiques

– l’autre est administrée de façon temporaire pour assécher une articulation


cible d’hémarthroses répétées.
La prophylaxie au long cours a été prônée en Suède depuis plusieurs années et
il faut reconnaître que le statut orthopédique des adolescents et des adultes
ainsi traités est meilleur que celui de la plupart des patients traités à la
demande. Les injections de FVIII sont faites dès la petite enfance : de 1 à 3 par
semaine avec des doses de l’ordre de 25 à 50 U/kg de poids au moins jusqu’à
la fin de l’adolescence. Un schéma sensiblement identique est réalisé lors
d’hémophilie B, mais les administrations ne sont plus, en général, que d’une à
deux fois par semaine du fait de la demi-vie plus prolongée du FIX. Outre sa
contrainte évidente, l’un des inconvénients essentiels de ce traitement prophy-
lactique concerne l’accès veineux chez le petit enfant, nécessitant parfois la
mise en place d’un accès veineux profond de type cathéter ou plus souvent
Port-a-Cath. Si l’implantation de ces voies d’abord ne représente pas la
plupart du temps un écueil technique, le risque d’infection et de thrombose au
long cours mérite d’être considéré lors de la décision thérapeutique. Une
prophylaxie de courte durée peut être initiée pour éviter la répétition des
saignements dans une articulation cible, siège d’hémarthroses récurrentes. Les
doses et les fréquences d’administration sont comparables à celles évoquées
plus haut, seule la durée du traitement est limitée dans le temps dans ce cas.
L’apparition d’anticorps inhibiteurs anti-FVIII modifie dans presque tous les
cas le schéma habituel de traitement. On essaie si possible aujourd’hui de le
faire disparaître au moyen d’un protocole d’induction de tolérance immune.
Celui-ci utilise des administrations journalières de fortes quantités de FVIII.
Certains inhibiteurs demeurent toutefois résistants à cette tolérance immune et
il faut savoir recourir à d’autres produits pour traiter ou prévenir les phéno-
mènes hémorragiques. Les complexes prothrombiques activés ont pour
objectif de contourner l’inhibiteur pour activer le système de coagulation
directement à partir du FX (dit aussi facteur Stuart). Bien que moins efficaces
que le FVIII, notamment vis-à-vis des accidents hémorragiques les plus
importants, leur efficacité leur confère néanmoins une place indéniable dans
l’arsenal thérapeutique disponible. Le FVIIa recombinant a un objectif iden-
tique, mais un mode d’action différent. Il faut savoir enfin qu’il existe des
inhibiteurs transitoires, souvent de faible titre, disparaissant après quelques
semaines ou mois, et restant compatibles avec la poursuite du traitement par
FVIII.
Il convient également de signaler que de façon maintenant assez large la
dDAVP est utilisée comme alternative thérapeutique chez l’hémophile mineur
dès lors que le niveau plasmatique basal du FVIII atteint 7 à 10 %. Cette molé-
cule chimique administrée par IV (doses de 0,3 à 0,4 µg par kilo de poids
corporel) ou intranasale (une ou deux pulvérisations intranasales selon le
poids) multiplie en moyenne par 2 à 3 les taux circulants du FVIII par rapport
aux chiffres de base. Elle n’est pas utilisable chez l’hémophile B.
En dehors de l’hémophilie congénitale liée à une mutation sur le gène du
FVIII ou sur le gène du FIX, il existe une forme acquise de cette pathologie
consécutive à l’apparition d’autoanticorps anti-FVIII (voir chapitre 3, p. ♠♠).
Cette situation, dans laquelle le FVIII était et reste normalement synthétisé,
Maladies hémorragiques constitutionnelles 59

est due à une production inappropriée d’autoanticorps. Elle se rencontre donc


lors de pathologies auto-immunes (lupus notamment), mais peut également
accompagner les pathologies lymphoïdes malignes, les pathologies tumorales,
la période du post-partum, ou apparaître de façon idiopathique chez le sujet de
plus de 65 ans dans environ 1 cas sur 2. Le traitement des manifestations
hémorragiques ne diffère pas réellement du traitement de l’hémophilie congé-
nitale avec alloanticorps anti-facteur VIII, mais on introduit en plus un
traitement immunosuppresseur (corticoïde, cyclophosphamide…) ou immu-
nomodulateur (immunoglobulines polyvalentes) pour éradiquer la production
de l’anticorps.
L’hémophilie demeure encore de nos jours une pathologie chronique poten-
tiellement grave dont la prise en charge clinique et thérapeutique doit se faire
en étroite collaboration avec un centre spécialisé. Depuis la première transfu-
sion directe de sang total effectuée avec succès par Lane en 1840 chez un
enfant présentant une pathologie hémorragique majeure vraisemblablement de
nature hémophilique, les progrès sur la nature, la physiopathologie, les
complications et le traitement de l’hémophilie ont été considérables. Certains
points méritent néanmoins d’être améliorés afin notamment de limiter les
séquelles musculoarticulaires qui viennent grever la qualité de vie et compli-
quent l’insertion socioprofessionnelle de ces patients.

BIBLIOGRAPHIE

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génétique, complications. La Revue du Praticien 1998; 48 : 657-659.

MALADIES HÉMORRAGIQUES
PAR DÉFICIT CONSTITUTIONNEL EN FACTEURS
DE LA COAGULATION EN DEHORS DE L’HÉMOPHILIE
ET DE LA MALADIE DE WILLEBRAND
Jean-François SCHVED

L’hémophilie et la maladie de Willebrand constituent les déficits constitution-


nels hémorragipares les plus fréquents. Néanmoins, il n’est pas rare de
rencontrer lors de la pratique médicale ou de la consultation préanesthésique
d’autres anomalies constitutionnelles de la coagulation. Ces déficits, dont le
risque hémorragique est variable, sont pratiquement tous transmis sur le mode
autosomique récessif et touchent donc autant les hommes que les femmes,
exposant ainsi, à la différence de l’hémophilie, aux problèmes des ménorragies,
60 Maladies hémorragiques

de la grossesse et de l’accouchement. Dans la plupart des cas ici étudiés, les


déficits hétérozygotes sont peu ou pas hémorragipares, les risques hémorragi-
ques se rencontrant essentiellement chez les homozygotes ou les hétérozygotes
composites. La séméiologie clinique peut différer beaucoup suivant le type de
déficit, elle est difficile à décrire du fait de la rareté de chacune de ces patholo-
gies. Nous les étudierons dans l’ordre où les facteurs agissent dans le processus
physiologique de la coagulation.

Déficit en FVII ou proconvertine


Prévalence
Le déficit sévère en FVII est l’un des moins rares dans ce groupe de patholo-
gies puisque sa prévalence est estimée à 1 pour 500 000. Cette prévalence est
en fait difficile à estimer car un certain nombre de déficits sévères n’ont pas de
signes hémorragiques, le diagnostic étant alors méconnu ou fortuit.

Signes cliniques
La sévérité du déficit est variable et mal corrélée au taux plasmatique de FVII.
Les patients ont souvent des saignements identiques à ceux des hémophiles
avec des signes hémorragiques survenant précocement dans la vie, comportant
le risque d’hémorragie du cordon ombilical à la naissance ou de céphalhéma-
tome. Les signes les plus fréquents sont les saignements cutanéomuqueux :
épistaxis, ecchymoses spontanées, ménorragies, gingivorragies. La gravité de
la pathologie peut venir d’hémarthroses, susceptible de générer une arthropa-
thie chronique, d’hémorragies digestives et surtout de saignements du système
nerveux central.
Un fait fréquemment signalé est la tolérance assez bonne aux gestes invasifs
même s’ils sont effectués sur des déficits sévères et sans traitement substitutif.
De plus, un certain nombre de patients reste asymptomatique malgré des taux
très faibles, voire pratiquement indosables.

Diagnostic
Le diagnostic du déficit en FVII est suspecté devant un syndrome hémorra-
gique associant un allongement du temps de Quick (TQ) et un TCA normal.
Cette association conduit à demander un dosage de FVII en sachant que les
taux retrouvés peuvent être extrêmement différents suivant le réactif qu’utilise
le laboratoire. Le diagnostic différentiel est en fait le déficit acquis en FVII tel
qu’il peut se voir au début des traitements anticoagulants, des hypovitami-
noses K, des avitaminoses K ou lors des sepsis graves.

Traitement
On dispose pour les accidents hémorragiques de deux types de traitements :
– le concentré de FVII humain cryo-desséché : le FVII-LFB. Ce produit est un
dérivé plasmatique non nanofiltré. On considère que 1 UI/kg injectée
Maladies hémorragiques constitutionnelles 61

augmente le taux circulant de 2 %. La demi-vie du FVII injecté est de 4 à 6 h


Il faut donc en cas d’hémorragie, répéter les injections deux à trois fois par
jour;
– le facteur VII activé recombinant (rFVIIa : NovoSeven). Les doses en cas
d’hémorragie sont de 20 à 40 µg/kg, à renouveler deux à trois fois par jour si
nécessaire.
Les alternatives à ces traitements, en cas de non-disponibilité des produits,
sont le PPSB (Kaskadil : FII, FVII, FX et facteur antihémophilique B) et le
plasma frais.

Déficit en FX ou facteur Stuart


Prévalence
Le déficit en FX est rare : la prévalence des déficits sévères en FX serait de 1
pour 1 million. Un certain nombre de variants moléculaires a été décrit, indui-
sant une discordance entre les dosages immunologiques de FX qui peuvent
être normaux et les dosages d’activité, parfois très bas.

Signes cliniques
Bien que les manifestations cliniques puissent apparaître pratiquement à tous
les âges, la plupart des déficits sévères se révèlent très tôt dans la vie. Le
syndrome hémorragique est alors souvent très sévère avec des hématomes, des
hémarthroses, mais aussi parfois des saignements gastro-intestinaux. Les
hématuries seraient assez fréquentes.

Diagnostic
Le diagnostic des déficits en FX est suspecté devant un syndrome hémorra-
gique et l’association d’un allongement du TCA et du TQ. Dans le cadre des
maladies congénitales, l’association d’un allongement du TCA et du TQ fait
suspecter soit une anomalie du fibrinogène, soit un déficit de la voie finale
commune : déficit en FII, en FV ou en FX. Ceci montre l’intérêt, devant
l’association TCA-TQ allongés, de demander le dosage des facteurs du
complexe prothrombinique : FII, FV, FVII, FX.
En dehors des déficits isolés cités précédemment (II, V, X, fibrinogène), les
diagnostics différentiels devant un allongement du TCA et du TQ sont l’hypo-
vitaminose K qui associe une baisse des FII, FVII, FIX et FX, mais aussi
l’insuffisance hépatocellulaire dans laquelle tous les facteurs de la coagulation
sont abaissés. Il existe des déficits acquis en FX. Une cause possible de déficit
en FX est l’amylose soit primitive, soit secondaire, une gammapathie mono-
clonale. Le contexte et l’enquête familiale font le diagnostic.

Traitement
Il n’y a pas de concentrés de FX commercialisé. Il faut donc avoir recours au
PPSB (Kaskadil). Les doses nécessaires sont de 20 à 40 UI/kg selon l’importance
62 Maladies hémorragiques

du déficit. Le PPSB contient en moyenne pour 10 ml de solution reconstituée


400 UI de FX pour 250 UI de FIX. Il semble qu’un taux de 10 à 15 % de FX
suffise à arrêter les hémorragies. Le taux de récupération du FX est de 1,7 %, ce
qui veut dire qu’1 UI/kg de FX augmente le taux circulant d’environ 1,7 %. La
demi-vie du FX étant de 40 h, une injection quotidienne suffit.
Comme pour tous les autres déficits, l’alternative est le plasma frais congelé à
la dose de 15 à 20 ml/kg.

Déficit en FII ou prothrombine


Prévalence
Le déficit en FII paraît encore plus rare que les précédents. La prévalence des
déficits sévères en FII serait de 1 pour 1 million, voire 1 pour 2 millions. Les
patients homozygotes (ou hétérozygotes composites) ont habituellement des
taux entre 2 et 20 % et il n’a pas été reporté dans la littérature de cas de déficit
en FII avec des taux < 1 % (considéré comme indosable). Il semble donc que
l’absence de FII soit létale. Les hétérozygotes sont habituellement asympto-
matiques, mais il a été décrit chez les patients ayant des taux de FII à 50 % des
épistaxis et des saignements après extractions dentaires. À côté des déficits
vrais, existe un nombre restreint de dysprothrombinémies entraînant une
discordance entre les dosages immunologiques et les dosages fonctionnels du
FII.

Signes cliniques
Les déficits en FII peuvent être sévères avec des hémorragies cordonales
graves à la naissance, des tableaux de type hémophilie comportant des
hémarthroses, voire des arthropathies chroniques y compris chez des patients
ayant des taux mesurables de FII. Les autres accidents hémorragiques ne sont
pas spécifiques : hématomes musculaires, ecchymoses spontanées, épistaxis,
ménorragies, hémorragies du post-partum.

Diagnostic
Le diagnostic de déficit en FII doit être évoqué devant un allongement du TQ
associé à un allongement du TCA. La démarche diagnostique est la même que
celles vues précédemment pour les déficits en FX.
En dehors des déficits isolés en fibrinogène, en FX, en FV, les diagnostics
différentiels sont à nouveau l’hypovitaminose K et l’insuffisance hépato-
cellulaire.
Dans les anomalies acquises, il faut noter la possibilité de déficit acquis en FII
lors du syndrome des antiphospholipides (SAPL). L’existence d’un syndrome
hémorragique chez un patient ayant un anticoagulant lupique doit faire recher-
cher un déficit associé en FII.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 63

Traitement
Tout comme pour le FX, il n’existe pas de concentré spécifique en FII. Le
PPSB (Kaskadil) est donc à nouveau utilisé. Ce produit contient pour 10 ml de
solution reconstituée 370 UI de FII et 250 UI de FIX. Le taux de récupération
du FII est de 2 %. 1 UI/kg de FII augmente donc le taux circulant d’environ
2 %. Les doses de FII injectées en cas d’accident hémorragique sont de 20 à
40 UI/kg selon l’importance du déficit, le but étant d’obtenir un taux de 20 à
30 %. La demi-vie du FII est longue (72 h). Une injection par jour, voire tous
les 2 jours, est donc souvent suffisante.

Déficit en FV ou proaccélérine
Prévalence
Les déficits en FV sont rares : la prévalence des déficits sévères est estimée à 1
pour 1 million de naissances. Il semble que les variants moléculaires sont
fréquents et représentent environ 25 % des cas de déficit en FV. Une particula-
rité du FV est sa présence dans les plaquettes, le rôle du FV plaquettaire
n’étant pas encore parfaitement connu.

Signes cliniques
Les signes hémorragiques dans les déficits sévères apparaissent assez précoce-
ment dans la vie. Les épistaxis sont très fréquentes, y compris lorsque le taux
de FV est mesurable. Une particularité fréquemment citée, mais de peu
d’intérêt, est l’allongement du TS retrouvé chez ces patients. Les hématomes
et surtout les hémarthroses seraient assez fréquents puisque les hémarthroses
sont constatées chez 5 % des déficitaires sévères. Ceci avait valu au déficit de
FV le nom de para-hémophilie d’Owren. Il faut noter qu’il a été décrit chez
certains patients porteurs de déficit en FV, des manifestations thrombo-
emboliques.

Diagnostic
Le déficit en FV est suspecté devant un syndrome hémorragique associant un
allongement du TQ et un allongement du TCA. La démarche est celle déjà
envisagée pour les déficits en FX et en FII.
Le diagnostic différentiel se pose avec les déficits acquis en FV en particulier
par anticorps anti-FV. Ceux-ci ont été décrits dans certaines circonstances
pathologiques : pancréatite, cancer, fracture et les infections graves. Dans ce
dernier cas, le rôle des antibiotiques de type aminoside a été suspecté.
Les déficits en FV peuvent être observés dans l’insuffisance hépatocellulaire,
lors de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et lors des fibrinolyses
aiguës primitives, ainsi que chez des patients atteints d’une splénomégalie. Le
contexte pathologique permet de faire ce diagnostic différentiel.
64 Maladies hémorragiques

Traitement
Le déficit en FV est celui qui pose le plus de problèmes thérapeutiques. En
effet, il n’existe ni concentré spécifique ni complexe coagulant contenant du
FV. La seule possibilité est donc l’utilisation de plasma frais congelé (PFC). Il
semble que des doses de 15 à 20 ml/kg de PFC suffisent. Le taux visé doit être
de 10 à 20 %. La demi-vie du FV injecté est de 36 h. Une injection par jour
suffit donc habituellement.
L’absence de concentrés spécifiques peut créer des problèmes délicats en cas
d’intervention chirurgicale : en effet, les quantités de plasma nécessaires
peuvent être à l’origine de surcharges volémiques chez le jeune enfant ou chez
le patient ayant une pathologie cardiaque. Dans la mesure du possible, les
saignements des déficits en FV doivent être combattus par les thérapeutiques
locales associant la compression et les antifibrinolytiques. Dans certains cas
graves, le recours à des transfusions plaquettaires amenant du FV, a pu
permettre de placer un cap difficile.

Déficit combiné constitutionnel


en facteurs vitamine K-dépendants
Connue depuis 40 ans, une affection hémorragique très rare à transmission
autosomale récessive entraîne un déficit dès la naissance en facteurs à
synthèse vitamine K-dépendante (FII, VII, IX, X, protéines C, S et Z [PC, PS
et PZ], et ostéocalcine). Les hémorragies sont assez fréquentes et parfois très
sévères avec de rares cas d’hémorragie intracérébrale. Le TQ est très allongé
et toutes les protéines à synthèse vitamine K-dépendante sont diminuées.
L’injection d’une dose thérapeutique de vitamine K modifie peu ou pas la
coagulation. Le diagnostic différentiel comporte l’élimination d’une prise
– délibérée (syndrome de Münchhausen), accidentelle, voire criminelle – de
warfarine. Rappelons que cette substance est utilisée comme raticide.
Une exploration hépatique est indiquée de même que la recherche d’une
malabsorption ou d’un régime alimentaire dépourvu de vitamine K. Bien
entendu, l’avitaminose K du nourrisson est devenue très rare depuis l’adminis-
tration systématique à la naissance de cette vitamine.
Le traitement comporte de fortes doses de vitamine K à une posologie pouvant
atteindre 50 mg/j. Les transfusions de plasma frais, congelé, décongelé et sécu-
risé constituent le traitement classique des accidents hémorragiques.
Curieusement, d’exceptionnels accidents thromboemboliques ont été rapportés.

Déficit combiné en FV et FVIII


Prévalence
Il s’agit d’une anomalie rare dont la prévalence est estimée à 1 pour 1 million.
Sa physiopathologie n’a été élucidée que récemment. En effet, compte tenu de
la rareté de l’hémophilie et du déficit en FV, le déficit mixte par association
fortuite aurait dû être tout à fait exceptionnel. En fait, on observe chez les
Maladies hémorragiques constitutionnelles 65

patients porteurs de ce déficit mixte des mutations sur des gènes codant des
protéines impliquées dans les transports intracellulaires des FV et FVIII. Il
s’agit dans les deux tiers des cas du gène LMAN1, également nommé ERGIC,
situé sur le chromosome 18, et dans le tiers restant du gène MCFD2, situé sur
le chromosome 2, et qui code une protéine réticuloendoplasmique intervenant
dans les transports intracellulaires des FV et FVIII. Les patients ont habituel-
lement des taux modérément abaissés des deux facteurs (entre 5 et 20 %).

Signes cliniques
Le syndrome hémorragique des déficits combinés en FV et FVIII est habituel-
lement modéré avec des épistaxis, des ménorragies et des saignements après
extraction dentaire.

Diagnostic
Le diagnostic est suspecté devant l’association d’un allongement du TCA et du
TQ. Cette constatation conduit assez rapidement au diagnostic des déficits en FV
et peut amener à méconnaître le déficit associé en FVIII, d’où la règle de systéma-
tiquement doser au moins une fois le FVIII devant un déficit congénital en FV.
Il n’y a pas réellement de diagnostic différentiel en dehors de la CIVD et de la
fibrinolyse qui habituellement surviennent dans des contextes très différents.

Traitement
La problématique rejoint celle du déficit en FV : le traitement isolé du déficit
en FVIII risque de ne pas suffire pour arrêter un syndrome hémorragique. Il
est donc nécessaire d’utiliser là encore le plasma frais congelé à raison de 15 à
20 ml/kg, sachant que la demi-vie du FVIII contenu dans le plasma frais
congelé est plus courte que celle du FV d’où la nécessité de recourir souvent à
deux injections quotidiennes en cas de syndrome hémorragique.

Déficit en FXI
Prévalence
Le déficit en FXI est probablement le moins rare des déficits isolés en facteur
de la coagulation en dehors de l’hémophilie. La prévalence est habituellement
estimée à 1 pour 100 000, mais elle est en fait très variable suivant les popula-
tions étudiées : ainsi chez les juifs ashkénazes, la fréquence des hétérozygotes
reste de 5,5 à 11 % et celle des homozygotes de 0,1 à 0,3 %. L’étude des défi-
cits en FXI a permis d’établir des parallèles historiques particulièrement
intéressants sur des migrations des populations juives au début de notre ère.

Signes cliniques
Les hémorragies spontanées sont très rares, y compris chez les patients
ayant des déficits sévères qui peuvent rester asymptomatiques. Quelques
66 Maladies hémorragiques

complications spontanées ont été décrites : hémothorax, hémorragies du


système nerveux central. Toutefois, la plupart des saignements constatés
sont observés après des gestes chirurgicaux (en particulier lorsque ceux-ci
sont effectués dans la sphère oto-rhino-laryngologie ORL ou bucco-
dentaire) ou alors au niveau des voies urinaires (circoncision). Les circons-
tances les plus fréquentes sont d’une part les extractions dentaires, les
amygdalectomies et la chirurgie de la cavité buccale, d’autre part la
chirurgie de la vessie (dont les endoscopies) ou de l’utérus.
Des hémorragies du post-partum ont été décrites chez presque un quart des
patientes. Ces localisations de saignement sont des zones à forte activité fibri-
nolytique. Des connaissances récentes sur le FXI et son rôle dans la
fibrinolyse ont permis de mieux expliquer ces constatations.
Une des grandes difficultés vient de l’impossibilité de prévoir le risque hémor-
ragique. En effet, pour certains auteurs, un syndrome hémorragique pourrait
se voir chez des patients ayant des taux de 35 à 50 % de FXI. En première
approche, on peut considérer que des patients ayant des taux de moins de
20 % ont un risque de saignement lors des gestes chirurgicaux cités
précédemment.

Diagnostic
Le déficit en FXI doit être suspecté devant un syndrome hémorragique avec un
allongement du TCA et un TQ normal. Les premiers diagnostics envisagés
devant cette association sont l’hémophilie et les autres déficits en FVIII
(maladie de Willebrand, anticorps anti-FVIII). Chez les sujets asymptomati-
ques, l’allongement du TCA avec un du TQ normal peut évoquer un déficit en
FXII (qui n’est jamais hémorragipare) ou un anticoagulant lupique qui,
lorsqu’il est isolé, n’est pas responsable de syndrome hémorragique. C’est la
raison pour laquelle, devant une association allongement du TCA et TQ
normal, il faut systématiquement doser le FXI.
Il n’y a pas de diagnostic différentiel : on peut considérer que les déficits en
FXI sont pratiquement toujours congénitaux.

Traitement
Il existe un concentré de FXI : Hemoleven. Le but pour la chirurgie est
d’obtenir des taux de 30 à 45 % à l’aide de la formule :
dose = poids (kg) du patient × augmentation souhaitée (pourcentage) × 0,5
La demi-vie du FXI étant de 48 h, une injection toutes les 48 h suffit.
Il faut être extrêmement prudent dans les doses. En effet, lors des utilisations
initiales de concentrés de FXI, des tableaux graves de CIVD ont été constatés
en raison de surdosage.
En l’absence de disponibilité du concentré de FXIII, on pourra utiliser un
PFC. Là encore, des doses modérées suffisent : 5 ml/kg de poids.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 67

Déficit en fibrinogène
Prévalence
La prévalence du déficit en fibrinogène est difficile à estimer : il faut bien
différencier
– les afibrinogénémies dans lesquelles il y a une absence totale de fibrinogène
quelle que soit la méthode de mesure (immunologique ou par technique de
coagulation);
– les dysfibrinogénémies dans lesquelles les méthodes habituelles de dosage
du fibrinogène par technique de coagulation donnent des taux parfois très bas
alors que les techniques immunologiques trouvent des taux normaux et
subnormaux;
– les hypofibrinogénémies, qui sont des formes modérées, recouvrent des défi-
cits vrais ou des dysfibrinogénémies non sévères. On estime la fréquence des
afibrinogénémies à 1 pour 1 million.

Signes cliniques
Les signes sont extrêmement variables suivant le type de déficit : en général,
les formes les plus sévères sont les afibrinogénémies qui peuvent induire des
saignements néonataux graves au niveau du cordon, ou de volumineux héma-
tomes sous-cutanés, des saignements de la cavité buccale, des épistaxis, voire
des hémorragies intracrâniennes. On retrouve aussi dans les afibrinogénémies
des avortements à répétition.
Les hypofibrinogénémies sont habituellement asymptomatiques, tout comme
les dysfibrinogénémies. Rappelons qu’il a été décrit de très rares cas de fibri-
nogènes anormaux (dysfibrinogènes) responsables de thromboses.

Diagnostic
Les déficits en fibrinogène sont suspectés devant l’association : TQ allongé +
TCA allongé (les allongements sont parfois extrêmement prononcés). Devant
ces tableaux biologiques, le premier dosage à faire est celui du fibrinogène. Le
TT peut être un élément d’orientation vers les anomalies du fibrinogène. Les
techniques utilisées pour doser le fibrinogène sont des techniques fonction-
nelles utilisant la propriété qu’a le fibrinogène à coaguler sous l’action de la
thrombine. Ces méthodes ne permettent pas de différencier les afibrinogéné-
mies et les dysfibrinogénémies. Devant la constatation d’un fibrinogène bas et
d’une anomalie congénitale, il est donc nécessaire de faire un dosage immuno-
logique qui permet de différencier ces pathologies.
Le diagnostic différentiel se pose avec les anomalies acquises du fibrinogène.
L’élément le plus caractéristique est le caractère isolé de la baisse du fibrino-
gène dans les déficits congénitaux. En effet, les autres causes de baisse du
fibrinogène (insuffisance hépatocellulaire, fibrinolyse, CIVD) surviennent dans
un contexte pathologique très particulier et associent d’autres baisses de
facteurs de coagulation. Une difficulté peut venir de la découverte fortuite d’un
déficit en fibrinogène jusqu’alors ignoré, dans des conditions pathologiques
68 Maladies hémorragiques

diverses : hémorragie post-traumatique, septicémie, syndrome hémorragique


chirurgical. Le taux bas de fibrinogène risque d’être interprété comme
anomalie acquise, orientant vers de faux diagnostics. Le diagnostic de maladie
congénitale sera alors suspecté soit sur la dissociation entre des taux de fibrino-
gène très bas et des perturbations modestes du bilan d’hémostase, soit après
guérison de l’épisode clinique devant la constatation d’un taux bas persistant de
fibrinogène.

Traitement
Il existe un concentré de fibrinogène appelé Clottagen. Les flacons de 100 ml
contiennent 1,5 g de fibrinogène. On peut calculer la dose par la formule :
taux à obtenir (g/l) – taux basal (g/l)
dose = --------------------------------------------------------------------------------------
poids (kg) × 0 ,04
En pratique, 0,5 à 0,8 g/kg toutes les 48 h suffisent pour maintenir le fibrino-
gène au-dessus de 1 g/kg. En cas de non-disponibilité du concentré de
fibrinogène, on peut avoir recours au PFC à raison de 15 à 20 ml/kg de poids.

Déficit en FXIII ou facteur de stabilisation de la fibrine


Prévalence
Le déficit en FXIII est le plus rare des déficits en facteur de la coagulation
avec une prévalence estimée à 1 pour 3 millions.

Signes cliniques
Le syndrome hémorragique des déficits en FXIII est habituellement grave.
Dans plus de 80 % des cas, le déficit se révèle par des saignements au niveau
du cordon. Les risques hémorragiques pour l’enfant sont immédiats avec un
risque important de décès périnatal par saignement intracrânien. Par la suite,
les saignements cutanéomuqueux et les hématomes musculaires sont très
fréquents et parfois préoccupants alors que le risque d’hémorragies intracrâ-
niennes persiste. Les épistaxis, les hématuries et les hémorragies digestives
sont assez fréquentes. Des avortements spontanés récidivants sont souvent
rapportés. Des formes moins sévères ont cependant été décrites, révélées par
des saignements postchirurgicaux.

Diagnostic
Le diagnostic de déficit en FXIII est difficile car aucun des tests usuels
d’hémostase (TQ, TCA, fibrinogène, TT) n’est modifié. Le seul test semi-
global de coagulation permettant de suspecter ce déficit était le thromboélasto-
gramme, maintenant abandonné. Le diagnostic devra donc être suspecté sur
l’existence d’un syndrome hémorragique précoce avec des tests d’hémostase
normaux. Il faut alors penser à demander un dosage de FXIII. Les taux trouvés
sont très bas (FXIII souvent indosables).
Maladies hémorragiques constitutionnelles 69

Des déficits acquis en FXIII ont été retrouvés lors des purpuras rhumatoïdes
ou de rectocolite ulcérohémorragique. Il s’agit de déficits modérés d’origine et
de signification incertaines.

Traitement
Il existe un concentré de FXIII : Fibrogammin. Ce produit n’est pas commer-
cialisé en France. Les doses sont de 10 à 20 U/kg soit le plus souvent 1 000 U
qui peuvent, pour un traitement prophylactique, être administrées toutes les
4 semaines compte tenu de la longue demi-vie du FXIII (5 à 10 jours) et du
faible taux nécessaire pour assurer l’hémostase (2 à 3 %). En cas d’impossibi-
lité à obtenir le produit, on peut avoir recours au plasma frais congelé.

Autres déficits non hémorragipares


Les déficits en facteurs du système contact peuvent donner des allongements
parfois impressionnants du TCA sans syndrome hémorragique. Ce sont habi-
tuellement des découvertes fortuites.

Déficit en FXII (facteur Hageman)


Ce déficit est assez fréquent, il ne donne pas de signe hémorragique. Il a long-
temps été suspecté de favoriser les thromboses, mais ceci est très contesté. La
seule pathologie associée au déficit en FXII pourrait être la survenue d’avorte-
ments à répétition. Il n’y a pas de traitement puisqu’il n’y a pas lieu de substituer
le FXII manquant, y compris chez les patients ayant un FXII indosable.

Déficit en prékallicréine
Appelé aussi facteur Fletcher, la prékallicréine est un des éléments de la phase
contact.
Les circonstances de découverte sont les mêmes que pour les déficits en FXII :
allongement parfois important du TCA et absence de syndrome hémorragique.
Cet allongement est variable suivant l’activateur utilisé pour effectuer le TCA
et se réduit en cas d’incubation prolongée avec l’activateur. Le diagnostic
nécessite un dosage spécifique de la prékallicréine.

Déficit en kininogène de haut poids moléculaire (KHPM)


Ce facteur s’est appelé aussi facteur Flaujeac ou facteur Fitzgerald. Les
circonstances de découverte du diagnostic sont les mêmes que pour le FXII et
la prékallicréine. L’incubation prolongée raccourcit peu le TCA. Le diagnostic
nécessite un dosage spécifique de KHPM.

Conclusion
La sémiologie spécifique de chacun de ces déficits rares de la coagulation est
encore assez imprécise. La biologie permet d’affirmer le diagnostic, mais elle
70 Maladies hémorragiques

n’est pas toujours standardisée, les taux pouvant varier suivant les réactifs
utilisés (tableau 2.V). Les attitudes thérapeutiques commencent à être mieux
codifiées, mais là encore il serait important de mieux définir, comme cela est
fait dans l’hémophilie, les seuils critiques : taux moyen à atteindre pour
prévenir ou stopper un saignement ou pour effectuer une intervention chirurgi-
cale. Ces lacunes dans nos connaissances expliquent l’intérêt de constituer de
larges registres permettant le recueil d’un nombre suffisant de données.

Tableau 2.V. Déficits en facteurs de coagulation. Prévalence


des déficits sévères, demi-vie du facteur, nom commercial
du produit substitutif et constitution

Prévalence Traitement
Demi-vie Contenu
estimée substitutif
Fibrinogène 1 :1 000 000 96-144 h Clottagen Concentré
Fibrinogène
Facteur II 1 :2 000 000 72 h Kaskadil PPSB (1)
(prothrombine)
Facteur V 1 :1 000 000 36 h Plasma frais
(proaccélérine) congelé
Facteur VII 1 : 500 000 4-6 h Facteur VII-LFB Concentré
(proconvertine) NovoSeven Facteur VII
Facteur VIIa
recombinant
Facteur X 1 :1 000 000 40 h Kaskadil PPSB (1)
(fact. Stuart)
Facteur XI 1 : 100 000 52 h Hemoleven Concentré
(fact. Rosenthal) Facteur XI
Facteur XIII 1 :3 000 000 5-10 jours (Fibrogammin P) Concentré
(fact. stabilisant Facteur XIII
la fibrine : FSF)
(1) PPSB : prothrombine, proconvertine, facteur Stuart, facteur antihémophilique B

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3 MALADIES
HÉMORRAGIQUES
ACQUISES
ET THROMBOPÉNIES

THROMBOPÉNIES ACQUISES
OU CONSTITUTIONNELLES
Ismail ELALAMY, Nicole CASADEVALL, Paul COPPO, Rémi FAVIER

Introduction
Pour une meilleure compréhension de ces pathologies, nous avons jugé préfé-
rable de ne pas séparer les thrombopénies acquises, fréquentes, des
thrombopénies constitutionnelles (TC), extrêmement rares. Les plaquettes
sanguines sont issues de la fragmentation de leurs précurseurs médullaires, les
mégacaryocytes. Les mégacaryocytes sont des cellules géantes de la moelle
osseuses subissant une maturation de type endomitose (2 N → 64 N) et libé-
rant les plaquettes de leur cytoplasme. En cas de régénération ou
d’accélération de la thrombopoïèse, les mégacaryocytes plus jeunes (16 N)
libèrent alors des plaquettes de plus grande taille. La durée de vie des
plaquettes est de l’ordre de 8 jours et leur numération est normalement
comprise entre 140 et 400 G/l. La numération plaquettaire est un examen
systématique couramment réalisé dans les laboratoires d’analyse médicale.
Une thrombopénie est définie par un chiffre de plaquette < 140 G/l et peut être
secondaire à un très grand nombre d’étiologies plus souvent acquises que
constitutionnelles, mais qui ne doivent pas être méconnues.

Fausses thrombopénies : pièges et astuces


La découverte d’une thrombopénie est de plus en plus fréquente compte tenu
de l’automatisation des hémogrammes incluant systématiquement la numéra-
tion plaquettaire. Devant toute thrombopénie découverte de façon fortuite, il
convient tout d’abord de confirmer la réalité de cette diminution de la numéra-
tion plaquettaire.
Plusieurs alarmes sont prévues sur les automates et concernent généralement le
nombre et la taille des plaquettes. De grandes plaquettes peuvent être prises
pour des petits lymphocytes, générant une alarme sur le canal des globules
blancs (GB), conduisant à une surestimation du nombre des GB et à une sous-
estimation des plaquettes. À l’inverse, de petites plaquettes peuvent être consi-
dérées comme des débris cellulaires et participer au bruit de fond de l’appareil.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 73

Dans ce cas, l’automate ne peut compter les particules dont la taille est
comprise entre 2 et 20 femtolitres (fl), car il existe une quantité importante de
débris formant un nuage au niveau des particules de taille voisine de 2 fl. Cette
situation est observée au cours des microangiopathies thrombotiques (MAT) ou
syndrome hémolytique et urémique (SHU), ou en cas de paludisme. Il est alors
nécessaire de vérifier la distribution et la courbe de répartition volumétrique
des plaquettes comptées (entre 2 et 20 fl), de contrôler sur un frottis sanguin lu
au microscope optique et de numérer les plaquettes à partir d’une Unopette.
D’une part, il est indispensable d’éliminer une pseudo-thrombopénie ou
fausse thrombopénie. Elle peut être due à une thromboagglutination dépen-
dante de l’anticoagulant ou à un phénomène de satellitisme en contexte
infectieux ou inflammatoire. Parfois, elle est liée à la présence d’agglutinines
froides actives à température ambiante ou à une activation plaquettaire artefac-
tuelle lors du prélèvement. L’observation du frottis, notamment dans les
franges, après coloration au May-Grünwald-Giemsa (MGG) est donc indis-
pensable pour s’assurer de l’absence d’amas plaquettaires ou d’une
distribution périleucocytaire des plaquettes. Il est également intéressant de
rechercher d’éventuelles anomalies morphologiques des plaquettes (dégranu-
lation, grande taille, dystrophies) et/ou des autres lignées.
D’autre part, les prélèvements veineux sur différents anticoagulants (citrate,
héparine), couplés parfois à des antiagrégants pour écarter une activation
plaquettaire potentielle, associés à un prélèvement capillaire à la pulpe du doigt
pour une numération en Unopette, sont les compléments incontournables de
l’enquête biologique. Enfin, la numération des plaquettes en maintenant
l’échantillon sanguin à 37 °C devrait permettre d’éviter l’action de thromboag-
glutinines froides éventuelles et d’assurer une correction significative de la
thrombopénie. En fait, devant toute thrombopénie il faut « obéir au doigt et à
l’œil », c’est-à-dire observer le frottis coloré au MGG en microscopie optique
et, si l’on voit des amas plaquettaires, refaire éventuellement une numération à
partir d’un prélèvement capillaire au bout du doigt à l’aide d’une Unopette.
En plus des données chiffrées de la numération et de l’appréciation des
volumes plaquettaires (courbe de distribution volumétrique plaquettaire), un
interrogatoire soigneux permettra de préciser l’origine ethnique, d’établir
l’arbre généalogique, de connaître les antécédents familiaux et personnels, la
notion d’une numération plaquettaire antérieure normale ou non, une prise
médicamenteuse récente, l’exposition à certains toxiques, ou un contexte
évocateur d’une infection virale.
Tous ces éléments sont déterminants dans l’enquête étiologique de toute
thrombopénie pour en documenter le caractère congénital ou acquis, la tolé-
rance clinique et poser l’indication d’explorations plus spécifiques. De plus,
l’établissement du diagnostic précis permettra d’éviter des traitements inutiles
et surtout potentiellement dangereux (corticothérapie, splénectomie).

Attitude pratique devant une thrombopénie


Qu’elle s’accompagne ou non d’un syndrome hémorragique, sa constatation
impose une enquête rigoureuse à la recherche du mécanisme en cause dont
74 Maladies hémorragiques

dépend le traitement. Il convient de s’assurer de la réalité de la thrombopénie


en tenant compte des causes d’erreur envisagées ci-dessus.
Une fois la thrombopénie confirmée, il faut procéder à une enquête
étiologique :
– s’assurer du caractère isolé ou non de cette thrombopénie;
– vérifier l’existence éventuelle d’anomalies morphologiques plaquettaires
évocatrices : pseudo-corps de Döhle dans l’anomalie de May Hegglin
(macrothrombopénie constitutionnelle), dégranulation leucocytaire dans le
cadre d’une myélodysplasie, macrocytose érythrocytaire, schizocytose;
– s’assurer de l’absence de troubles de la coagulation (signes de coagulation
intravasculaire disséminée [CIVD]);
– orienter alors le patient vers un service spécialisé.
L’interrogatoire et l’examen clinique fournissent les premiers éléments de
réflexion et doivent être complétés par un hémogramme complet, des tests
d’hémostase et un myélogramme. L’analyse de l’hémogramme complet peut
orienter à lui seul vers le mécanisme :
– une pancytopénie arégénérative est en faveur d’une origine centrale (aplasie
ou leucémie aiguë);
– une anémie régénérative avec signes d’hémolyse plaide pour une destruction
d’origine immunologique, mécanique ou par coagulopathie de consom-
mation;
– une thrombopénie isolée est en faveur d’un purpura thrombopénique auto-
immun (anciennement dénommé purpura thrombopénique idiopathique ou
PTI) qui doit être un diagnostic d’exclusion.
Les tests d’hémostase recherchent l’existence d’anomalies associées. Par
exemple, une hypofibrinogénémie avec élévation des produits de dégradation
du fibrinogène (PDF), un test à l’éthanol positif et un allongement des tests de
coagulation globaux avec baisse du FV évoquent une coagulopathie de
consommation pouvant à elle seule expliquer la thrombopénie (sauf dans le
cas d’une leucémie aiguë promyélocytaire). Une baisse des facteurs du
complexe prothrombinique (PPSB) est en faveur d’une atteinte hépatique
(hépatite, cirrhose), la thrombopénie étant alors expliquée par un hypersplé-
nisme, la toxicité médullaire directe de l’alcool, une carence en folates ou
l’atteinte hépatique elle-même. Un ACC associé à une élévation des anticorps
anticardiolipine évoquera dans ce contexte un lupus ou un syndrome des anti-
phospholipides (SAPL) primaire.
Enfin, le myélogramme permet de déterminer le caractère périphérique (les
mégacaryocytes sont en nombre normal ou augmenté) ou central (les mégaca-
ryocytes sont absents ou très diminués) de la thrombopénie.

Principales étiologies des thrombopénies


Deux types de mécanismes pathogéniques peuvent être à l’origine d’une
thrombopénie : soit une destruction périphérique, soit un défaut de production
d’origine médullaire, et donc central.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 75

Thrombopénies centrales par insuffisance de production


La diminution des mégacaryocytes par aplasie ou par la prolifération d’une
autre lignée cellulaire (métastase, leucémie par exemple) est responsable
d’une diminution de la production plaquettaire. Leur durée de vie est normale.
Deux caractéristiques prévalent :
– l’insuffisance médullaire globale (bi- ou pancytopénie) qui peut être soit
bénigne : anémie mégaloblastique (carence en acide folique ou vitamine
B12); soit sévère : aplasie primitive ou toxique, leucémie aiguë, myélodys-
plasie, myélofibrose, leucémie aiguë à un stade avancé, myélome, carcinome;
– l’atteinte isolée des mégacaryocytes a plusieurs causes : toxique (trimétho-
prime, phénylbutazone, chlorothiazide par exemple); virale (rubéole,
oreillons, rougeole, varicelle, hépatites); ou alcoolisme aigu. Enfin, quelque-
fois, un déficit intrinsèque constitutionnel d’une des étapes de la
mégacaryopoïèse (différenciation, prolifération, formation des proplaquettes)
peut aussi être en cause.

Thrombopénies périphériques par excès de destruction


Les plaquettes sont détruites avec une durée de vie particulièrement raccourcie
et une mégacaryocytose médullaire augmentée. Plusieurs étiologies sont
rapportées :
– les thrombopénies infectieuses. Elles peuvent être virales (antécédents
récents de rougeole, rubéole, varicelle, oreillons, mononucléose infectieuse,
hépatite A, B ou C, infection à VIH, à parvovirus ou à cytomégalovirus). Elles
peuvent être bactériennes, le plus souvent au cours d’une septicémie dans le
cadre d’une coagulopathie de consommation, ou encore parasitaires (palu-
disme, toxoplasmose, leishmaniose);
– les thrombopénies médicamenteuses. Plusieurs médicaments sont potentiel-
lement responsables d’une thrombopénie (quinine, quinidine, sulfamides,
rifampicine, cimétidine, digoxine, thiazides, chlorothiazide, pénicillines, aspi-
rine par exemple) (tableau 3.I). Les thrombopénies induites par l’héparine
(TIH) ont la particularité d’être thrombosantes;
– les thrombopénies immunes. Elles sont rapportées au cours du lupus érythé-
mateux disséminé (LED) ou associées à une anémie hémolytique auto-
immune comme le syndrome d’Evans, dans le cadre d’une hémopathie
lymphoïde ou d’une collagénose. Dans cette catégorie, on observe :
- le purpura thrombopénique auto-immun. Anciennement PTI, il est le plus
souvent asymptomatique. Il survient à tout âge avec une thrombopénie de
gravité variable avec toutefois plus de 1 500 nouveaux cas/an rapportés
touchant essentiellement l’adulte jeune ou l’enfant. Face au caractère isolé
tant au plan biologique que clinique de cette thrombopénie, la mise en
évidence d’anticorps dirigés contre certaines glycoprotéines de la
membrane plaquettaire n’est pas utile. Mais la durée de vie des plaquettes
très raccourcie (< 2 jours) permet d’affirmer son caractère immun (voir
chapitre 3),
76 Maladies hémorragiques

Tableau 3.I. Principaux médicaments thrombopéniants

Niveau I Acétaminophène Diazépam Thiotixène


(niveau AAS Diazoxide Naphazoline
d’évidence Acide iopanoïque Diclofénac Levamisole
clinique Acide nalidixique Diéthylstilbestrol Lithium
certain) Alprenolol Difluorméthyl Meclofenamate
Aminogluthetimide ornithine Méthyldopa
Amiodarone Digoxine Méthicilline
Amphotéricine B Éthambutol Pipéracilline
Amrinone Halopéridol Quinidine
Céfalotine Interféron-alpha Quinine
Chlorothiazide Isoniazide Rifampicine
Chlorpromazine Minoxidil Tolmétine
Cimétidine Novobiocine Trimethoprime-
Danazole Oxprénolol sulfamethoxazole
Desferrioxamine Sulfasalazine Trinitrine
Diatrizoate Sulfisoxazole Vancomycine
méglumine Tamoxifène
Niveau II Ampicilline Glibenclamide Phénytoïne
(niveau Captopril Hydrochlorothiazide Procaïnamide
d’évidence Carbamazépine Ibuprofène Ranitidine
clinique Chlorpropamide Oxyphenbutazone Sels d’or
probable) Fluconazole Oxytétracycline Sulindac

- le SAPL, lui, peut être associé à une thrombopénie en particulier dans la


forme dite secondaire,
- les thrombopénies post-transfusionnelles sont en rapport avec une allo-
immunisation. Le purpura transfusionnel iso-immun est le plus souvent
retrouvé chez des femmes qui développent un anticorps anti-Pla 1. La
thrombopénie des exsanguino-transfusions peut être prévenue par la perfu-
sion d’unités plaquettaires,
- les microangiopathies thrombotiques (MAT). Elles regroupent un ensemble
de pathologies caractérisées par l’association d’une anémie hémolytique
mécanique (schizocytes), d’une thrombopénie périphérique, d’une fièvre et
d’une atteinte neurologique et rénale. Il s’agit d’une urgence thérapeutique.
Deux formes sont classiquement décrites : le syndrome de Moschcowitz ou
purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) et le syndrome hémoly-
tique et urémique (SHU) de l’enfant. D’autres circonstances cliniques sont
toutefois associées à une MAT : le HELLP syndrome (Hemolysis Elevated
Liver enzymes, Low Platelet count), la maladie veino-occlusive ou le SAPL.
L’atteinte est systémique avec des microthrombi capillaires au niveau céré-
bral (PTT), ou rénal (SHU), consécutifs à une lésion endothéliale liée à une
infection virale (VIH ou virus de l’immunodéficience humaine) ou bacté-
rienne (E. coli), à une maladie auto-immune (comme le lupus), à des
médicaments (ciclosporine A, quinine par exemple), à un cancer métastasé
ou à une chimiothérapie. Rapporté dans certaines MAT, le déficit en protéase
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 77

spécifique du clivage du facteur Willebrand (VWF) est responsable d’une


accumulation des formes multimériques prothrombotiques. Cette protéase
ADAMTS13 appartient à la famille ADAMTS (a disintegrin and metallopro-
teinase with thrombospondin 1 like-domains). Il existe ainsi des formes
familiales de PTT (syndrome d’Upshaw-Schulman) ou des formes acquises
dues à un autoanticorps inhibiteur de cette protéase;
- les CIVD s’accompagnent d’une thrombopénie de consommation qui est
l’un des signes diagnostiques cardinaux de ce syndrome;
- les thrombopénies par trouble de répartition : la séquestration des
plaquettes dans la pulpe rouge en cas de splénomégalie avec hypersplé-
nisme est classiquement rapportée avec une durée de vie peu diminuée et
une richesse en mégacaryocytes préservée.

Thrombopénies constitutionnelles
Le caractère constitutionnel de la thrombopénie ne pourra être évoqué
qu’après avoir formellement exclu les causes de thrombopénies acquises, en
particulier durant la période néonatale. Du fait des difficultés diagnostiques,
leur incidence reste mal connue. Beaucoup de patients sont considérés à tort
comme atteints de PTI. Ils ont pu recevoir le plus souvent sans succès une
corticothérapie ou des IgIV, voire une splénomégalie. Évoquer cette possibi-
lité diagnostique revient à rassembler des éléments d’orientation tels que les
notions de thrombopénie familiale, d’anomalies morphologiques cliniques et
plaquettaires, préciser la réponse à des traitements antérieurs ou l’existence de
signes hémorragiques associés.
La classification des TC est difficile, compte tenu de leur hétérogénéité clini-
cobiologique et du manque de données physiopathologiques. Actuellement, il
n’existe pas de classification de référence ou consensuelle, mais l’une des plus
intéressantes se fonde sur la taille des plaquettes. Ainsi, trois catégories de TC
sont considérées en fonction de l’examen du frottis sanguin en microscopie
optique et de la mesure du volume plaquettaire moyen (VPM) :
– les TC microcytaires;
– les TC normocytaires;
– les TC macrocytaires.

❐ TC microcytaires
Le syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS) (OMIM 30092), thrombopénie liée au
chromosome X, est caractérisé par l’association d’une thrombopénie à une
dysimmunité sévère (infections à répétition, allergies, eczéma) et des anomalies
auto-immunes. Il existe une forme variante, dite thrombopénie liée au
chromosome X (XLT), sans signes cliniques associés. Alors que l’incidence du
XLT n’est pas connue, la fréquence du WAS est de 1 cas/250 000 dans la popula-
tion européenne. La médiane de survie des WAS est de 15 ans. Les femmes
conductrices n’ont habituellement pas d’expression clinicobiologique de la
maladie, du fait de l’inactivation préférentielle de l’X muté dans les cellules
hématopoïétiques. Les études fonctionnelles et structurales plaquettaires révèlent
un déficit modéré en granules intraplaquettaire. Le diagnostic de certitude repose
78 Maladies hémorragiques

sur l’analyse moléculaire du gène WAS. En effet, ces deux syndromes sont liés à
des mutations impliquant un même gène appelé WAS, localisé en Xp11 et codant
une protéine de 502 acides aminés nommée WASp. Une centaine de mutations
différentes ont été identifiées et il s’agit principalement de substitutions nucléoti-
diques. La protéine WASp, présente au sein des cellules mononucléées, membre
de la famille Rho des GTPases, régule l’architecture du cytosquelette de la
cellule. En cas de mutation de WAS, les mécanismes actine-dépendants de réor-
ganisation architecturale du cytosquelette sont altérés avec par conséquence un
défaut d’activation, de mobilité et de phagocytose cellulaire contribuant au
dysfonctionnement immunitaire. La thrombopénie et la microcytose plaquettaire
seraient également liées à un défaut d’organisation du cytosquelette plaquettaire
par absence de WASp.

❐ TC normocytaires
La thrombopénie familiale avec prédisposition aux leucémies (OMIM
60194) : il s’agit d’une pathologie de transmission autosomique dominante
rare, décrite chez 13 familles. Les sujets atteints présentent une thrombopénie
le plus souvent modérée et peu symptomatique (épistaxis, hémorragie
minime), associée à une thrombopathie marquée en réponse à l’adrénaline ou
à l’acide arachidonique, évoquant un syndrome du pool vide ou aspirin-like.
Cette thrombopénie familiale peut se compliquer d’une pathologie hématolo-
gique comme une leucémie aiguë myéloblastique, une aplasie médullaire ou
un syndrome myélodysplasique. Des mutations et des délétions intragéniques
du gène AML1 ou RUNX 1, localisé en 21q22, ont été rapportées.
L’amégacaryocytose congénitale : c’est un syndrome de transmission auto-
somique récessive rare avec une quarantaine de patients rapportés. La
thrombopénie est sévère (< 40 G/l), isolée, normocytaire. Deux formes de
gravité de la maladie semblent corrélées au génotype. Le type I (60 % des cas)
est dû à des mutations non-sens ou des délétions de c-mpl et il évolue vers une
pancytopénie précoce. Le type II (40 % des cas) est dû à des mutations faux
sens homozygotes ou double hétérozygotes, marqué par une correction de la
thrombopénie pendant la 1re année et évoluant plus tardivement vers l’aplasie
médullaire en 1 à 5 ans. Le myélogramme met en évidence une moelle de
richesse normale avec amégacaryocytose ou présence de rares mégacaryo-
cytes dysmorphiques évoluant progressivement vers l’aplasie. Le gène c-mpl,
localisé en 1p34, code le récepteur de la thrombopoïétine (TPO) exprimé à la
surface des progéniteurs hématopoïétiques. La TPO est un facteur de crois-
sance spécifique de la lignée mégacaryocytaire avec un effet antiapoptotique,
mais il agit aussi au niveau des cellules souches. Les patients atteints ont une
élévation des taux sériques de TPO et les cultures de progéniteurs montrent
une absence de réponse à la TPO. Des mutations non-sens, faux sens et des
délétions ont été décrites au niveau du gène c-mpl suggérant le rôle de la TPO
et de son récepteur (c-mpl) dans cette pathologie;
Les TC avec anomalies osseuses : trois syndromes associent TC et atteinte
osseuse :
– le syndrome « thrombopénie et absence de radius » (syndrome TAR). Il
s’agit d’une pathologie de transmission autosomique récessive et dont la
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 79

prévalence est estimée à 1/500 000 à 1 million de naissances : plus de


50 familles ont été décrites. Le TAR syndrome est caractérisé par l’association
de malformations squelettiques (absence bilatérale de radius) et d’une throm-
bopénie centrale, sévère (< 10 G/l) apparue dès la naissance pour se
normaliser à l’âge adulte. Il existerait un blocage in vitro de la différentiation
des précurseurs mégacaryocytaires et une diminution de la réponse à la TPO
avec un taux sérique de TPO augmenté. L’anomalie génétique en cause reste
inconnue;
– l’amégacaryocytose et synostose radiocubitale (CTRUS). Il s’agit d’un
syndrome de transmission autosomique récessive décrit dans deux familles
distinctes et non consanguines. L’atteinte osseuse est marquée par la présence
constante d’une CTRUS et d’une clinodactylie. L’amégacaryocytose peut
apparaître secondairement et évoluer vers l’aplasie médullaire. Le gène
HOXA11 est le siège de délétions dans son exon 2;
– le syndrome oto-oculo-radial (IVIC syndrome). Ce syndrome est décrit
seulement chez deux familles distinctes et non consanguines et sa transmis-
sion est autosomique dominante. L’expression clinicobiologique de la maladie
est variable avec des anomalies du membre supérieur (CTRUS, hypoplasie du
pouce et des os du carpe, hypoplasie ou absence de radius), un strabisme, une
surdité, une imperforation anale et une thrombopénie modérée et inconstante;
– le syndrome des plaquettes Québec. Décrit au Canada chez deux familles
non apparentées et non consanguines, ce syndrome de transmission autoso-
mique dominante se caractérise au plan clinique par des saignements variables
cutanéomuqueux (épistaxis, ménorragies) ou post-traumatiques (chirurgie par
exemple) et de survenue retardée (12 à 24 h). La thrombopénie normocytaire
est inconstante et modérée (80 G/l). Une absence isolée de réponse plaquet-
taire à l’adrénaline est rapportée. Les plaquettes des sujets atteints contiennent
des taux élevés d’u-PA (urokinase type plasminogen activator), responsable
de la fibrinolyse des protéines contenues dans les granules α (fibrinogène, FV,
VWF). Les dosages des PDF sériques combinés à l’étude des protéines des
granules α et du taux d’u-PA plaquettaires permettraient le diagnostic de cette
TC avec thrombopathie;
La thrombopénie familiale autosomique dominante : cette étiologie
regroupe les cas de TC normocytaire isolée et asymptomatique, et pour
lesquels aucune des étiologies précédentes ne peut être évoquée.

❐ TC macrocytaires
Ce sont les macrothrombopénies constitutionnelles les plus fréquentes.
Le syndrome de Bernard et Soulier (SBS) (OMIM 606672). Décrit pour la
première fois en 1948, il associe une thrombopénie d’expressivité variable
(symptomatologie hémorragique importante à modérée) en rapport avec un
déficit quantitatif et/ou qualitatif du complexe glycoprotéique Ib-IX-V (GPIb-
IX-V) situé sur la membrane plaquettaire et des plaquettes géantes. Transmis
sur un mode autosomique récessif à pénétrance incomplète, la fréquence des
SBS homozygotes est estimée à 1/1 million alors que la fréquence des hétéro-
zygotes serait de 1/500. Les patients homozygotes ont, en général, une
symptomatologie hémorragique sévère, à type d’épistaxis fréquentes, de
80 Maladies hémorragiques

gingivorragies, de ménorragies, pétéchies et d’hémorragies plus graves, post-


chirurgicale ou post-traumatique. Ces signes peuvent s’atténuer à la puberté et
à l’âge adulte. Il existe une grande variation interindividuelle et au sein d’une
même famille. Les hétérozygotes ont des manifestations cliniques bien plus
modérées et la thrombopénie peut manquer. Les SBS homozygotes ont une
thrombopénie variable, mais la macrocytose plaquettaire est constante.
L’observation en microscopie électronique révèle de nombreux complexes
membranaires intraplaquettaires et de larges vacuoles. Le TS est allongé et
l’agglutination des plaquettes est absente en présence de ristocétine ou très
réduite avec la thrombine. L’analyse par cytométrie en flux confirme le déficit
du complexe membranaire plaquettaire GPIb-IX-V. Les SBS hétérozygotes
présentent les mêmes variations de leur nombre de plaquette, l’agrégation in
vitro induite par la ristocétine est faible ou quasi-normale car le déficit en
GPIb-IX-V est partiel. Il est difficile d’établir une relation directe entre
l’anomalie des glycoprotéines GPIb-IX-V et la macrothrombopénie. On sait
que la GPIb se lie directement à l’actin binding protein facteur considéré
comme important pour maintenir la forme discoïde des plaquettes non stimu-
lées. Mais aucune étude ne permet d’affirmer que ce complexe protéique
régule la production et la morphologie plaquettaire normale. Les SBS présen-
tent des mutations à l’état homo- ou hétérozygote, pouvant toucher les gènes
GPIbα, GPIbβ et GPIX situés respectivement sur les chromosomes 17,22 et 3.
La maladie de Willebrand type 2B/pseudo-maladie de Willebrand est la
plus fréquente des affections hémorragiques constitutionnelles (0,5 à 5 cas
pour 200). Le variant 2B, de transmission autosomique dominante, est carac-
térisé par une réactivité augmentée du VWF vis-à-vis de son récepteur
plaquettaire, la GPIb-IX. Les patients présentent des hémorragies
cutanéomuqueuses : ecchymoses spontanées ou plus souvent provoquées par
un traumatisme minime, épistaxis, gingivorragies, ménorragies par exemple.
L’expression clinique est variable selon les sujets et au sein d’une même
famille.
La pseudo-maladie de Willebrand ou Willebrand plaquettaire, beaucoup
plus rare, présente des éléments clinicobiologiques similaires au Willebrand
de type 2B. Elle se caractérise par une augmentation de l’affinité de la GPIb
pour le VWF. Les multimères de haut poids moléculaire se liant à la GPIb
anormale disparaissent du plasma avec une thrombopénie modérée. Deux
mutations dans le gène codant le vWF ont été identifiées (Gly233Val ou
Met239Val). Le diagnostic est confirmé par l’étude de la liaison du vWF aux
plaquettes en présence de ristocétine.
La macrothrombopénie chronique héréditaire isolée : de très nombreux
cas de TC macrocytaire de transmission autosomique dominante demeurent
sans étiologie. L’origine ethnique méditerranéenne est fréquemment retrouvée
faisant parler de thrombopénie méditerranéenne.
La thrombopénie familiale de Paris-Trousseau (OMIM 188025) est due à
une monosomie 11q23 avec un mode de transmission autosomique dominant
et une fréquence estimée à environ 1/100 000 naissances. Les patients présen-
tent à des degrés variables : un retard mental modéré, un retard de croissance
staturo-pondéral, une dysmorphie faciale, des anomalies des extrémités, des
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 81

malformations cardiaques (50 % des cas), génito-urinaires et dans 16 % des


cas une atteinte du système nerveux central. Une thrombopénie est présente
dans la moitié des cas. Le frottis sanguin met en évidence des macropla-
quettes, des plaquettes avec granules α géants et même des
micromégacaryocytes circulants. En raison de la dysmégacaryopoïèse, les
granules α géants sont issus de la fusion de ces granules et l’apoptose intramé-
dullaire des mégacaryocytes serait responsable de la thrombopénie
périphérique. Une haplo-insuffisance du gène qui code le facteur de transcrip-
tion fli-1, localisé en 11q, est impliquée dans sa physiopathologie, l’anomalie
cytogénétique étant une délétion en 11q. Le facteur fli-1 joue un rôle dans la
différenciation mégacaryocytaire (GPIIb, GPIX), la vasculogenèse et
l’hématopoïèse.
Le syndrome des plaquettes grises (SPG), pathologie congénitale rare, au
mode de transmission variable (autosomique dominant ou récessif) est carac-
térisé par l’association d’une thrombopénie et d’une thrombopathie. Les
manifestations cliniques à type de saignements cutanéomuqueux spontanés ou
provoqués sont décrites. La thrombopénie est variable et rarement sévère
(> 20 G/l). Le frottis sanguin retrouve des plaquettes géantes et surtout des
plaquettes grises dépourvues de granulations azurophiles ou granules α à la
coloration classique de MGG. Il est souhaitable de réaliser ce frottis lors d’un
prélèvement à la pulpe du doigt pour éviter toute activation artefactuelle des
plaquettes. La thrombopathie associée est caractérisée par un allongement du
TS et des anomalies fonctionnelles non spécifiques (défaut d’agrégation au
collagène, à la thrombine et à l’ADP). L’analyse en microscopie électronique
et l’immunomarquage spécifique confirment cette absence au sein des
plaquettes et des mégacaryocytes des protéines solubles normalement stoc-
kées dans les granules α (fibrinogène, VWF, β-thromboglobuline, facteur 4
plaquettaire (F4P), platelet derived growth factor (PDGF), thrombospondine,
fibronectine, FV et PAI1). Présentes dans le milieu extracellulaire, certaines
(TGF-β, PDGF et F4P) activeraient les fibroblastes engendrant une
myélofibrose.
Le syndrome des plaquettes Montréal (SPM) décrit dans deux familles à
transmission autosomique dominante, associe une thrombopénie sévère à
plaquettes géantes et une thrombopathie caractérisée in vitro par l’existence
d’une agrégation plaquettaire spontanée. Il serait lié à un déficit quantitatif et
qualitatif en calpaïne (calcium activated neutral proteinase) responsable de
l’exposition anormale de sites de liaison à la surface plaquettaire pour des
protéines d’adhésion.
Le syndrome MYH9 rassemble cinq types de macrothrombopénies constitu-
tionnelles à transmission autosomique dominante avec une variabilité
d’expression phénotypique mais une origine physiopathologique identique
impliquant différentes mutations du gène MYH9 (myosin heavy chain 9) situé
sur en 22q 12-13. Ce gène code la chaîne lourde de la myosine non musculaire
de type IIA (NMMHICIIA) exprimée dans différents tissus dont les
plaquettes, les leucocytes et la cochlée. Ces cinq syndromes sont connus sous
les termes suivants : syndrome de May-Hegglin (OMIM 155100), syndrome
de Sebastian (OMIM 605249), syndrome d’Epstein (OMIM 153650),
82 Maladies hémorragiques

syndrome de Fechtner (OMIM 153640) et syndrome Alport-like avec une


macrothrombocytopénie. Ils ont en commun une thrombopénie avec des
plaquettes géantes présentes dès la naissance et des atteintes extra-hématolo-
giques cliniques variables, pouvant secondairement s’ajouter et compléter le
tableau clinique ou être d’emblée présentes lors de la découverte de la
maladie. Le tableau 3.II rappelle leurs principales caractéristiques avant leur
regroupement dans l’entité clinique unique du syndrome MYH9. La thrombo-
pénie est modérée, allant généralement de 30 à 90 G/l, ainsi que les signes
hémorragiques. Elle peut être fluctuante. La durée de vie plaquettaire en auto-
logue et en hétérologue est généralement normale. Les plaquettes ne sont pas
très dystrophiques avec des organites en quantité et de répartition proches de
la normale. Elles sont le plus souvent de forme sphérique plutôt que discoïde.

Tableau 3.II. Diagnostic différentiel d’une macrothrombopénie isolée

Purpura thrombopénique Diagnostic d’élimination


immunologique
Macrothrombopénie Autosomale dominante
méditerranéenne Asymptomatique
Anomalie de May-Hegglin Autosomale dominante
Corps de Döhle intraleucocytaires
Syndrome d’Alport Autosomale dominante
Surdité, cataracte, néphropathie
Pas d’inclusions intraleucocytaires
Syndrome de Fechtner Autosomale dominante
Surdité, néphropathie
Inclusions intraleucocytaires
≠ corps de Döhle
Syndrome de Sebastian Autosomale dominante
Inclusions intraleucocytaires
≠ corps de Döhle
Syndrome de Bernard et Soulier Autosomale récessive
Défaut d’adhésion
Déficit en GPIb-IX-V
Syndrome des plaquettes grises Autosomale dominante
Pool vide alpha Absence de granules alpha
Syndrome des plaquettes Autosomale dominante
Montréal Défaut de réponse à la thrombine
FV Québec Déficit de l’activité procoagulante des
plaquettes
Willebrand plaquettaire Autosomale dominante
Willebrand IIB Anomalie d’agglutination à la ristocétine
Anomalie des multimères de haut poids
moléculaire
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 83

Les inclusions basophiles peuvent être difficiles à voir au microscope optique


classique et nécessiter des études en immunofluorescence voire en micros-
copie électronique pour leur détection. Ces inclusions traduisent des précipités
de la myosine anormale dans le cytoplasme des leucocytes par défaut de poly-
mérisation. Elles sont présentes dans un pourcentage variable des
polynucléaires et le pseudo-corps de Döhle en est la forme la plus typique.
Le ou les mécanismes physiopathologiques en cause sont l’objet de recherche,
comme d’ailleurs la relation génotype-phénotype. Les mutations situées dans
le domaine C-terminal de la protéine seraient présentes chez les patients ayant
une expression hématologique pure alors que celles touchant le domaine
N-terminal se retrouveraient chez les patients présentant les atteintes cliniques
extra-hématologiques.
– Macrothrombopénie liée à l’X et dysérythropoïèse : la thrombopénie peut
être sévère et associée à une anémie. Il existe des anomalies morphologiques
des globules rouges sur un frottis sanguin avec présence possible d’érythro-
blastes circulants. La moelle est riche avec des signes de dysérythropoïèse
parfois modérée et des signes de dysmégacaryopoïèse. Les plaquettes peuvent
être géantes et les anomalies génétiques ont été localisées sur le facteur de
transcription GATA-1, dont le gène codant est situé sur le chromosome
X. Peuvent être associées des anomalies de synthèse de chaînes de la globine.

thrombopénie
isolée

confirmation éliminer une pseudothrombopénie

contexte immunologique PTI


syndrome des antiphospholipides

contexte ethnique macrothrombopénie


méditerranéenne

contexte familial
corps de Döhle : anomalie de May-hegglin
clinique
frottis
inclusions intraleucocytaires
≠ corps de Döhle
syndrome de Fechtner
syndrome de Sebastian

étude du VWF Willebrand IIB


plasmatique et plaquettaire Willebrand plaquettaire

absence d’agglutination syndrome de


à la ristocétine Bernard-Soulier

Fig. 3.1. Conduite à tenir devant toute macrothrombopénie.


84 Maladies hémorragiques

Conclusion
La démarche diagnostique devant la découverte d’une thrombopénie reste
assez simple dans la mesure où il faut éliminer une cause avant tout périphé-
rique ou un processus central facile à identifier sur le myélogramme. Il
persiste cependant un groupe de patients non étiquetés à qui l’on attribue par
excès le diagnostic de PTI et qui peuvent être des cibles de thérapeutiques
inutilement agressives. Ce groupe de patients nécessite alors des investiga-
tions très spécialisées mais aussi paradoxalement parfois un examen attentif
du frottis sanguin pour identifier des entités constitutionnelles connues. Un
certain nombre de laboratoires d’aide dans ces investigations sont maintenant
regroupés en France dans un Centre national de référence des pathologies
plaquettaires (CRPP) auquel sont rattachés plusieurs centres de compétence.
Ils constituent une aide importante pour la prise en charge et le diagnostic de
ces thrombopénies.

PURPURA THROMBOCYTOPÉNIQUE
IDIOPATHIQUE
François LEFRÈRE, Bruno VARET

Définition et terminologie
Le terme de purpura thrombocytopénique idiopathique est utilisé pour dési-
gner une pathologie acquise où les plaquettes sont détruites sans que cette
destruction soit entièrement compensée par la moelle osseuse.
De nombreux arguments permettent de penser que cette destruction est due à
des autoanticorps et le terme auto-immun pourrait donc être légitimement
ajouté. Faute de disposer d’un test aussi fiable que le test de Coombs érythro-
cytaire, il convient de se limiter en pratique à un diagnostic d’élimination. Le
terme idiopathique reste pertinent car sont exclues de cette description les
thrombopénies périphériques auto-immunes associées à d’autres pathologies,
comme les maladies auto-immunes ou les hémopathies lymphoïdes malignes.
En effet, si un purpura est le principal symptôme clinique de la maladie, il
peut complètement manquer sans que cela modifie la stratégie diagnostique ni
les modalités évolutives. Le terme thrombocytopénique doit être préféré au
terme thrombopénie utilisé habituellement. En effet, l’élément déficitaire est
le nombre des plaquettes (thrombocytes) et non la formation de thrombus! Au
total, le terme le plus correct est certainement celui de thrombocytopénie péri-
phérique idiopathique.

Rappels physiopathologiques
La thrombocytopénie périphérique idiopathique constitue une variété de
thrombocytopénie acquise de mécanisme périphérique en général due à des
autoanticorps antiplaquettes. Ainsi opsonisées, les plaquettes sont éliminées
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 85

par les macrophages spléniques, voire hépatiques, ou encore de manière


diffuse. Le distinguo entre formes aiguës et chroniques de thrombocytopénie
périphérique idiopathique n’est généralement pas possible lors du diagnostic.
Si les secondes sont habituellement d’origine auto-immune, les premières
peuvent être liées à une infection virale méconnue ou associées à des méca-
nismes d’auto-immunisation transitoire spontanément résolutifs. La
thrombocytopénie périphérique idiopathique doit être distinguée des autres
causes de thrombocytopénies périphériques (allo-immunes, immunoallergi-
ques post-médicamenteuses, virales par exemple).

Circonstances révélatrices et conduite diagnostique


Les circonstances diagnostiques vont d’une découverte fortuite par un
contrôle sanguin systématique, à un syndrome hémorragique généralement
limité à un simple purpura et plus rarement un saignement cutanéomuqueux
voire viscéral.
Le diagnostic repose :
– sur le caractère probablement périphérique de la thrombocytopénie au vu du
myélogramme. La présence normale ou augmentée de mégacaryocytes
confirme le caractère périphérique. La majorité des hématologistes d’adultes
considèrent cet examen comme indispensable à la différence des pédiatres qui
s’en passent volontiers. Cela s’explique par l’existence chez l’adulte de
thrombocytopénies isolées, révélatrices de pathologies centrales (comme les
myélodysplasies) qui ne s’observent guère chez l’enfant. Cette donnée n’a de
valeur que pour une thrombocytopénie profonde, car pour une forme atténuée
(> 50 G/l) quel que soit le mécanisme central ou périphérique de la thrombo-
cytopénie, des mégacaryocytes sont observés sur le myélogramme. En cas de
doute diagnostique, une étude isotopique de la durée de vie des plaquettes
permettra de trancher;
– sur l’élimination des causes secondaires de thrombocytopénies périphéri-
ques :
- la confirmation de la thrombocytopénie sur un frottis sanguin écarte de
fausses thrombocytopénies liées à l’agglutination des plaquettes in vitro.
Les lignées leucocytaires et rouges sont en règle normales. Une anémie
microcytaire par carence martiale liée aux saignements répétés peut être
observée dans les formes chroniques. Toute autre anomalie morphologique
ou quantitative des hématies ou des leucocytes doit faire remettre en ques-
tion le diagnostic,
- l’absence d’intoxication énolique, d’infection évolutive, de syndrome
grippal récent ainsi que la négativité des sérologies VIH, VHC et VHB (les
autres sérologies virales ne présentant pas d’intérêt). Il faut s’enquérir de
l’absence de prise médicamenteuse, de grossesse en cours, de transfusion
récente (contexte rare de thrombocytopénies post-transfusionnelles),
- l’absence de splénomégalie, d’hypertension portale, d’hépatopathie, de
CIVD,
- l’absence de schizocytes sur le frottis sanguin écarte un purpura thrombo-
tique thrombocytopénique,
86 Maladies hémorragiques

- la négativité des anticorps antinucléaires (AAN) et du test de Coombs


direct érythrocytaire (TCD) écarte une maladie auto-immune plus large. En
l’absence de contexte clinique suspect, il est inutile de prescrire la
recherche d’autres autoanticorps. Un TCD négatif et l’absence d’AAN
suffisent à conclure au diagnostic de thrombocytopénie périphérique idio-
pathique. Sinon, la thrombocytopénie peut s’inscrire dans une maladie
auto-immune comme un lupus ou un syndrome d’Evans (hémolyse et
thrombopénie) dont il convient d’établir les diagnostics en raison des
modalités thérapeutiques qui les distinguent de la thrombocytopénie péri-
phérique idiopathique.
L’absence de microcytose plaquettaire (VPM) devrait être requise afin
d’écarter les très rares thrombocytopénies congénitales liées au sexe qui
peuvent se présenter comme une thrombocytopénie périphérique idiopathique.
Muni de l’ensemble de ces éléments, le diagnostic de probabilité de thrombo-
cytopénie périphérique idiopathique peut être légitimement posé.
Les examens nécessaires et suffisants au diagnostic de thrombocytopénie péri-
phérique idiopathique sont :
– hémogramme + frottis + myélogramme;
– temps de prothrombine (TP), temps de céphaline avec activateur (TCA),
fibrinogène;
– sérologie des hépatites B, C et VIH;
– AAN et TCD;
– la recherche d’anticorps antiplaquettes n’est à ce jour d’aucun intérêt dans la
conduite diagnostique d’une thrombocytopénie périphérique idiopathique,
compte tenu d’une spécificité insuffisante;
– ne pas oublier l’examen du fond d’œil lors de l’évaluation du syndrome
hémorragique.

Prise en charge thérapeutique


Comme l’a montré le travail des experts de la Société américaine d’hémato-
logie, et plus récemment celle de la Société britannique d’hématologie, elle est
loin de faire l’objet d’un consensus faute d’études contrôlées suffisamment
valides.

Thrombocytopénie périphérique idiopathique au diagnostic


Les indications thérapeutiques initiales dépendent de la sévérité du tableau
hémorragique, de la profondeur de la thrombocytopénie ainsi que du contexte
clinique :
– si le taux de plaquettes est > 50 G/l, l’abstention thérapeutique est de mise.
Une simple surveillance est recommandée, ce taux n’entraînant à lui seul pas
de risque hémorragique spontané;
– entre 20 et 50 G/l, en l’absence de syndrome et de risque hémorragique,
l’abstention thérapeutique mérite d’être proposée. En effet, il est acquis que la
corticothérapie ne modifie pas l’évolution à long terme et n’a pas d’influence
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 87

sur la probabilité de passage à la chronicité. En présence d’un syndrome


hémorragique, il faut s’interroger sur une autre cause associée de saignement.
Si cette hypothèse est écartée, il convient de recommander une corticothérapie
(1 mg/kg/j d’équivalent prednisone sur 3 semaines);
– en dessous de 20 G/l, corticoïdes et gammaglobulines constituent les traite-
ments de choix en première intention. Une étude française récente a montré
que les gammaglobulines intraveineuses à fortes doses (0,7 g/kg/j durant 3
jours) permettent une ascension plus franche et plus rapide que les bolus intra-
veineux de méthylprednisolone (15 mg/kg/j sur 3 jours). Toutefois la même
étude a montré l’absence de complication hémorragique plus importante ou
plus fréquente chez les patients traités par corticothérapie seule. Compte tenu
du coût élevé des gammaglobulines, il paraît donc raisonnable, en l’absence
de risque hémorragique menaçant, de préconiser les corticoïdes en première
intention et de réserver les gammaglobulines aux patients présentant un score
ou risque hémorragique sévère ou une contre-indication à l’emploi des corti-
coïdes (hypertension artérielle sévère, ulcère gastrique évolutif par exemple);
– le relais après corticothérapie en bolus ou immunoglobulines à fortes doses
par une corticothérapie orale est un excellent moyen de prolonger la durée de
la réponse en attendant une éventuelle guérison spontanée. Les corticoïdes
oraux sans ou en relais des immunoglobulines (ou des corticoïdes en bolus)
s’administrent sur une période de 3 semaines à 1 mg/kg/j d’équivalent predni-
sone suivie d’un sevrage décroissant jusqu’à l’arrêt (sur quelques jours). Il est
inutile et non sans inconvénient de poursuivre une corticothérapie au long
cours, ces traitements n’ayant pas d’influence sur l’évolution à long terme de
la thrombopénie;
– le traitement initial de référence d’une thrombocytopénie périphérique idio-
pathique avec plaquettes < 20 G/l et/ou syndrome hémorragique est soit les
gammaglobulines soit les corticoïdes à fortes doses en IV sur 3 jours, suivis
d’une corticothérapie à 1 mg/kg/j sur 3 semaines.
Un tiers des cas de thrombocytopénie périphérique idiopathique de l’adulte et
plus de 2/3 des cas de thrombocytopénie périphérique idiopathique de l’enfant
évoluent vers la guérison en quelques semaines (thrombocytopénies périphéri-
ques idiopathiques aiguës).

Récidive ou résistance après la thérapeutique initiale


En cas d’échec primaire accompagné de signes hémorragiques après un traite-
ment de première ligne, on propose le traitement alternatif : corticoïdes en cas
d’échec des gammaglobulines et vice-versa.
En cas de rechute à l’arrêt des corticoïdes (situation fréquente), les choix
thérapeutiques ne sont pas standardisés. L’abstention est justifiée en cas de
syndrome hémorragique nul ou minime, aucun traitement médical n’ayant à
ce jour fait la preuve de son efficacité curative. Un traitement par le Danatrol
ou la Disulone peut être tenté. Le Danatrol (danazol) est un pseudoandrogène
peu virilisant, la posologie est de 600 mg/j. Son délai d’efficacité est lent (1 à
2 mois) et inconstant. Son effet s’épuise en règle à l’arrêt du traitement. Ce
médicament est contre-indiqué chez l’enfant, la femme enceinte et d’emploi
88 Maladies hémorragiques

délicat chez les femmes jeunes compte tenu de ses effets secondaires virili-
sants. En induisant une oxydation de l’hémoglobine, la dapsone (Disulone)
suscite une hémolyse, permettant une diversion de l’activité des macrophages
spléniques des plaquettes vers les hématies.
La corticothérapie au long cours est à proscrire, et il est déconseillé de
reprendre une corticothérapie, même en cas de succès initial, car à terme de
toute façon vouée à l’échec.
La splénectomie par laparotomie ou cœlioscopie, permettant en règle
d’éliminer le principal sanctuaire de destruction plaquettaire, constitue le trai-
tement de choix de la thrombocytopénie périphérique idiopathique chronique
avec un taux de plaquettes régulièrement < 50 G/l. En France, un délai de 6
mois est généralement attendu, car au-delà, la probabilité de guérison spon-
tanée devient très faible (< 1 %). En deçà du délai de 6 mois d’évolution, la
possibilité de rémission spontanée au moins partielle doit conduire à proposer
des traitements d’attente avant de réaliser la splénectomie. Toutefois aux
États-Unis, la splénectomie est souvent proposée plus précocement. Si le taux
de plaquettes se maintient spontanément et régulièrement à > 50 G/l, l’absten-
tion thérapeutique est unanimement recommandée.
Lorsque le caractère périphérique de la thrombocytopénie n’est pas formelle-
ment établi, soit parce que la thrombopénie n’a pas justifié de traitement
immunomodulateur, soit parce qu’aucun de ces traitements n’a été efficace, il
est préférable de faire pratiquer une épreuve isotopique de durée de vie des
plaquettes. Celle-ci confirme le caractère périphérique de la thrombopénie par
une durée de vie raccourcie des plaquettes ou contre-indique la splénectomie
si la durée de vie des plaquettes est normale (thrombocytopénie de mécanisme
central). Si le chiffre de plaquettes est < 20 G/l, l’examen peut être impossible
à réaliser. L’intérêt prédictif de l’étude du siège de la destruction des
plaquettes est très controversé. Devant une thrombocytopénie sévère et/ou
symptomatique, la splénectomie est la thérapeutique qui a la plus de chance
d’être efficace. Elle s’impose donc sans connaître ou sans tenir compte du
siège de séquestration. Ce dernier peut en revanche être pris en considération
dans les formes modérées et asymptomatiques.
Environ 2/3 des patients splénectomisés retrouveront un taux de plaquettes
normal sans besoins de traitements ultérieurs. Pour les autres, la moitié des
rechutes est constatée dans les 6 mois. Dans le cas particulier des enfants, la
splénectomie est rarement indiquée. Celle-ci doit être impérativement discutée
entre spécialistes qui évalueront le rapport bénéfice/risque suivant la gravité de
la situation.

Récidive après splénectomie


Si la récidive ou l’échec sont avérés, une corticothérapie après splénectomie
peut permettre une guérison là où elle avait échoué lors du diagnostic (après
avoir éliminé par la vérification de l’absence de corps de Jolly sur le frottis
sanguin la persistance d’une rate accessoire au décours de l’intervention qui
expliquerait la rechute). De même, il n’est pas rare qu’une corticodépendance
observée avant splénectomie disparaisse après l’intervention. En cas d’ineffi-
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 89

cacité, un traitement immunosuppresseur per os par cyclophosphamide


(Endoxan, 100 à 150 mg/j sur 3 à 6 mois) ou azathioprine (Imurel) peut être
proposé en cas de thrombocytopénie sévère et/ou symptomatique. Ces traite-
ments peuvent permettre une guérison définitive, alors que ces mêmes
traitements ne sont pas assez efficaces avant splénectomie pour être préconisés
à ce stade. La ciclosporine permet aussi d’obtenir des réponses, mais suivies
de récidives à l’arrêt. Ces indications doivent êtres discutées au cas par cas en
évaluant les bénéfices et risques car de nombreux patients peuvent mener une
vie normale avec des taux de plaquettes voisins de 20 G/l. Des thérapeutiques
utilisant des anticorps monoclonaux anti-CD20 (rituximab) semblent donner
des résultats prometteurs encore en évaluation. Des thérapeutiques plus agres-
sives (chimiothérapie à fortes doses) soutenues par autogreffe de cellules
souches périphériques sont également en cours d’évaluation pour les formes
très sévères et rebelles.

Thérapeutiques émergentes
❐ Le rituximab
Une étude française de phase 2 récemment publiée a testé l’impact du
rituximab (4 perfusions sur 1 mois) comme alternative à la splénectomie chez
des patients adultes atteints de PTI chroniques (< 30 G/l). Deux ans après le
traitement, 33 % des patients conservaient une réponse hématologique leur
permettant d’éviter une splénectomie. Ces résultats, quoique inférieurs au trai-
tement de référence par splénectomie, permettent d’envisager cette option
thérapeutique lorsqu’il existe une contre-indication opératoire ou un refus de
la chirurgie par le patient.

❐ Les agonistes de la thrombopoïétine (TPO)


Le développement des biotechnologies a permis la mise au point de molécules
mimant l’action physiologique de la TPO et dont l’administration, suscitant
une augmentation d’activité de la thrombopoïèse (pourtant déjà augmentée
dans le PTI), permet de compenser l’excès de destruction périphérique des
plaquettes. Ces molécules n’ont aucune homologie de structure avec la TPO,
ce qui permet ainsi de s’affranchir des risques d’immunoallergie croisée entre
le médicament et l’hormone naturelle.
– Une première molécule, le romiplostin s’administre par voie sous-cutanée
en injection hebdomadaire. Testée contre placebo sur une période de 6 mois
chez des patients présentant un PTI avec plaquettes inférieures à 30 G/l, le
taux de réponse globale atteignait 80 % des patients traités. Une réponse
soutenue était obtenue chez 40 % des patients splénectomisés et 56 % parmi
les patients non splénectomisés au prix d’une tolérance acceptable. Ce médi-
cament déjà disponible en ATU devrait obtenir rapidement une AMM.
– Une seconde molécule, l’eltrombopag, s’administre par voie orale et paraît
présenter des résultats similaires à la forme injectable.
Le coût de ces traitements, la nécessité de leur administration au long cours et
les incertitudes des effets à long terme (notamment de myélofibrose) doivent
90 Maladies hémorragiques

limiter les indications aux formes de PTI réfractaires aux traitements classi-
ques ou à la « gestion » des patients en attente de splénectomie.
– Certains auteurs ont signalé des formes de PTI chroniques associées à des
infections par Helicobacter pylori dont l’éradication thérapeutique (amoxicil-
line, clarithromycine, oméprazole) aurait coïncidé avec des rémissions au moins
partielles du PTI. Ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres publications.

Mesures concomitantes
Il faut proscrire toutes médications susceptibles de déprimer l’hémostase
(aspirine), interdire les injections IM, déconseiller les activités à risque trau-
matique, évaluer l’intérêt d’un traitement hormonal afin de prévenir les
ménométrorragies. Il faut réaliser avant ou au décours de la splénectomie des
vaccinations antipneumocoque, antiméningocoque et anti-Hæmophilus
influenzæ B, à renouveler tous les 5 ans pour la vaccination antipneumococ-
cique. Une prophylaxie à base d’Oracilline (1 comprimé matin et soir) durant
2 ans est recommandée. Il est capital de recommander une antibiothérapie
antipneumococcique en cas de fièvre élevée chez les patients splénectomisés
sans limites de temps. Le port d’un certificat ou d’une carte indiquant l’anté-
cédent de splénectomie est recommandé et un traitement en cas de fièvre est
nécessaire. Une hospitalisation d’urgence pour prélèvement bactériologique et
administration d’antibiotique adaptée à un éventuel pneumocoque résistant
(Claforan) devrait être systématiquement proposée.
Un suivi régulier du taux de plaquettes au décours de l’intervention doit être
réalisé en raison du risque de thrombocytose généralement transitoire et d’une
possible récidive de la thrombopénie.
Les transfusions de concentrés plaquettaires sont inutiles lors des thrombopé-
nies périphériques. Le rendement transfusionnel étant médiocre, il faut
réserver les transfusions en cas d’hémorragie viscérale sévère en sachant que
celles-ci auront au mieux une efficacité partielle et transitoire.

Cas particulier
– La thrombocytopénie périphérique de type idiopathique, mais associée à
d’autres pathologies.
– Les thrombocytopénies auto-immunes associées à un lupus. Les modalités de
la corticothérapie sont celles d’un lupus érythémateux disséminé, c’est-à-dire
prolongée bien au-delà de 3 semaines avec un sevrage très progressif. Si la
thrombocytopénie constitue l’unique symptôme récidivant du lupus imposant
alors des cures de cortisone à répétition, la splénectomie doit être discutée.
– Le syndrome des antiphospholipides peut s’associer à des thrombocytopé-
nies auto-immunes. Le diagnostic sera évoqué sur des antécédents de
thrombose, de fausses couches spontanées et l’allongement du TCA.
– Une thrombocytopénie périphérique idiopathique peut précéder ou émailler
l’évolution de certaines affections comme les dysthyroïdies.
– Les hémopathies lymphoïdes malignes : un tableau de thrombocytopénie péri-
phérique sévère peut survenir au cours d’une leucémie lymphoïde chronique
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 91

(LLC) ou d’un lymphome non Hodgkinien (LNH). En cas de LLC, l’évolution


de la thrombocytopénie n’est pas parallèle à celle de l’hémopathie et le traite-
ment est celui d’une thrombocytopénie périphérique idiopathique. En cas de
LNH, la chimiothérapie pour le lymphome associée à une corticothérapie
(1 mg/kg/j sur 3 semaines) permet généralement de guérir la thrombocytopénie
périphérique. Des formes de maladie de Hodgkin révélées par un tableau de
thrombocytopénie périphérique idiopathique ont été rapportées, le diagnostic de
lymphome n’ayant parfois été fait que sur la pièce de splénectomie.
– La thrombocytopénie périphérique idiopathique et la grossesse (à distinguer
des thrombocytopénies gestationnelles physiologiques en règle modérées) : les
gammaglobulines sont souvent proposées à intervalles réguliers pour les formes
sévères, notamment avant l’accouchement. Même si la thrombocytopénie est
sévère, les conditions de l’accouchement sont celles requises par les contraintes
obstétricales. La césarienne n’est pas indiquée pour le seul diagnostic de throm-
bocytopénie périphérique idiopathique quel que soit le taux de plaquettes.
Environ 1/4 des enfants naîtront thrombopéniques, mais le seul critère prédictif
semble être la notion de thrombocytopénie néonatale lors des accouchements
précédents : en l’absence d’accident antérieur chez une multipare, le risque
paraît très faible et inversement. Les nouveau-nés doivent faire l’objet d’une
surveillance durant les 3 jours suivant l’accouchement. Contrairement à une
notion répandue, les ponctions de sang de cordon in utero ou celles de sang
fœtal sur le scalp lors de l’accouchement ne sont pas recommandées compte
tenu des risques hémorragiques encourus.

Évolution et pronostic
Les formes pédiatriques surviennent volontiers dans un contexte d’infection
virale récente. Elles évoluent le plus souvent selon un mode aigu, guérissant
spontanément en quelques jours à quelques semaines, avec ou sans traitement.
Chez l’adulte, les formes chroniques sont prédominantes et 2/3 des thrombo-
cytopénies périphériques idiopathiques au diagnostic vont persister ou
récidiver après un traitement initial. La probabilité de guérison spontanée
après 3 mois d’évolution ne dépasse pas 10 % des patients. Les rechutes post-
splénectomies sont de l’ordre de 30 %. La proportion de décès imputables à la
thrombocytopénie périphérique idiopathique est de l’ordre de 5 %, surtout
dans la 1re année du diagnostic. Ils concernent généralement les formes avec
syndrome hémorragique clinique d’emblée sévère, résistant aux traitements.

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THROMBOCYTOSES ET THROMBOCYTÉMIES
Ismail ELALAMY, Nicole CASADEVALL

Le développement des automates autorisant la quantification des plaquettes


permet d’objectiver de plus en plus fréquemment une augmentation de la
numération plaquettaire. Cette découverte est souvent fortuite. Il est important
d’adopter une stratégie diagnostique optimale pour distinguer les hyperpla-
quettoses réactionnelles ou thrombocytoses des hyperplaquettoses primitives
ou thrombocytémies traduisant une perturbation médullaire en rapport avec un
syndrome myéloprolifératif.
Une hyperplaquettose correspond par définition à une numération plaquettaire
> 500 G/l.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 93

Hyperplaquettoses réactionnelles ou thrombocytoses


Elles sont en général identifiées dans un contexte clinique particulier avec un
syndrome inflammatoire ou une carence martiale par exemple. Elles sont
modérées, < 1 000 G/l et asymptomatiques. Différentes situations sont ainsi
classiquement décrites.

Thrombocytoses transitoires
Ces augmentations passagères du nombre des plaquettes sont imputables à
une cause évidente. Il est ainsi classique d’observer une augmentation de la
lignée plaquettaire dans les suites d’une intervention chirurgicale, après un
traumatisme ou un stress (exercice physique par exemple) ou même dans le
post-partum. La réaction inflammatoire contribue à cet entraînement de la
mégacaryopoïèse. Par ailleurs, la réparation d’une thrombopénie par défaut de
production médullaire ou par excès de destruction peut aussi induire de façon
passagère une élévation du nombre de plaquettes circulantes. Ainsi, on peut
citer les suites d’une hémorragie ou d’une hémolyse, la correction d’une
carence vitaminique (folates ou B12), la réparation d’une intoxication alcoo-
lique aiguë ou d’une chimiothérapie. Certains médicaments peuvent induire
une augmentation des plaquettes (corticoïdes, facteurs de croissance, andro-
gènes par exemple). La responsabilité des héparines de bas poids moléculaire
(HBPM) est même envisagée en raison de leurs propriétés thrombopoïétiques
qui restent à démontrer.

Thrombocytoses durables
L’augmentation de la numération plaquettaire persiste ou s’accroît dans diffé-
rents contextes :
– post-splénectomie : la thrombocytose est prévisible mais inconstante. Elle
apparaît dans la semaine qui suit l’ablation de la rate pour atteindre un pic au
bout de quelques semaines. Avec la mobilisation du pool splénique, elle peut
dépasser parfois 1 000 G/l et le retour à la normale est atteint en quelques
mois. En cas de persistance d’une numération plaquettaire élevée, il est néces-
saire alors de rechercher une cause associée telle qu’une carence martiale ou
une hémolyse responsable d’une stimulation médullaire chronique;
– carence martiale : la recherche minutieuse d’une telle carence est classique.
Même en l’absence d’anémie franche, il faut identifier ce déficit par des signes
comme l’hypochromie ou la microcytose érythrocytaires et le confirmer par
un bilan martial révélant l’effondrement des réserves (ferritinémie, fer sérique,
capacité totale de saturation de la sidérophiline). Le mécanisme physiopatho-
génique de cette thrombocytose par entraînement médullaire reste en fait mal
connu en l’absence d’élévation satellite de la thrombopoïétine;
– inflammation : la production de cytokines (interleukine 6 [IL6]) dans un tel
contexte contribue à la stimulation secondaire de la thrombopoïèse. Ces hyper-
plaquettoses sont facilement identifiées dans ces circonstances cliniques
(polyarthrite, sepsis chronique, colites par exemple) et biologiques (augmentation
94 Maladies hémorragiques

de la protéine C réactive [CRP], de la vitesse de sédimentation [VS], du fibrino-


gène par exemple);
– cancer : différents contextes néoplasiques sont combinés à une thrombocy-
tose. Il s’agit en général des cancers associés à un saignement chronique et à
une réaction inflammatoire péritumorale importante. Il est ainsi fréquent
d’observer cela en cas de cancers épithéliaux (bronches, reins, sein) ou de
lymphomes (Hodgkinien ou non Hodgkinien). Cette thrombocytose peut être
un indicateur paranéoplasique de l’évolutivité tumorale.

Prise en charge des patients


La découverte d’une augmentation de la numération plaquettaire doit être
corrélée à l’analyse du contexte clinique (inflammation, sepsis, carence
martiale, cancer par exemple), et de la symptomatologie fonctionnelle (fièvre,
troubles microcirculatoires par exemple). Le caractère persistant, l’association
éventuelle à une atteinte des autres lignées sur l’hémogramme ou l’aggrava-
tion de cette thrombocytose doivent motiver la consultation spécialisée en
hématologie. En général, après splénectomie, le traitement anticoagulant
prophylactique classique est recommandé. L’association ou l’indication d’un
antiplaquettaire doit être envisagée après un avis hématologique.

Hyperplaquettoses primitives ou thrombocytémies


Elles traduisent une atteinte primitive de la moelle et elles peuvent être le
témoin d’un syndrome myéloprolifératif ou plus rarement d’un syndrome
myélodysplasique. Elles peuvent dépasser 1 000 G/l.

Syndromes myéloprolifératifs
Comme la thrombocytémie essentielle (TE), tous les syndromes myéloprolifé-
ratifs peuvent s’accompagner d’une augmentation du nombre de plaquettes :
la leucémie myéloïde chronique, la polyglobulie de Vaquez et la splénomé-
galie myéloïde. L’enquête hématologique sera soigneuse et visera à
déterminer le type de syndrome myéloprolifératif. L’examen du sang, voire du
myélogramme avec biopsie ostéomédullaire (mégacaryocytes dystrophiques,
en îlots, et fibrose réticulinique) et la culture des progéniteurs médullaires
(pousse spontanée) en laboratoire spécialisé sont nécessaires pour affirmer le
diagnostic dans les formes où l’hémogramme n’est pas caractéristique d’un
syndrome myéloprolifératif.

Thrombocytémie essentielle (TE)


Elle représente le syndrome myéloprolifératif le plus fréquent. La découverte
récente de la mutation JAK2 V617F, a facilité le diagnostic de la TE. La muta-
tion, caractéristique des syndromes myéloprolifératifs, est absente dans la
leucémie myéloïde chronique et présente dans la maladie de Vaquez, la TE et
la myélofibrose primitive.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 95

Le taux de la thrombopoïétine élevé et la culture spontanée d’érythroblastes


sont de bons indicateurs de cette pathologie.
Les thromboses artérielles, en particulier microvasculaires, et les thromboses
veineuses (TV) sont plus fréquentes que les hémorragies. Ces accidents ne
sont pas directement liés au nombre élevé des plaquettes, mais sont plus
fréquents au-dessus de 1 million de plaquettes.
La fréquence moyenne de ces accidents est de 25 à 30 %, mais il n’existe pas
de pourcentage bien validé concernant ces complications.
Les acroparesthésies des orteils ou érythromélalgie (orteils bleus) sont carac-
téristiques et répondent très bien à la prise d’aspirine.
La thrombocytémie est plus fréquente chez la femme que chez l’homme. Elle
apparaît volontiers après 60 ans. L’examen clinique ne révèle en général pas
de splénomégalie ni d’hépatomégalie.
Le traitement, réservé à un hématologue, comprend l’hydroxyurée qui serait
plus efficace sur la myéloprolifération que l’anagrélide. L’interféron alpha
(IFN α), le phosphore radioactif, le melphalan, le chlorambucil ont été très
utilisés, mais ils présentent le risque d’apparition de leucémies et de cancers.
L’aspirine à faibles doses, 75-100 mg, en dehors d’une contre-indication, est
efficace pour prévenir les complications thromboemboliques, l’amaurose tran-
sitoire et les complications coronaires. L’aspirine peut majorer le risque de
saignement s’il existe une thrombopathie mise en évidence par les études de
l’agrégation plaquettaire.
La plaquettophérèse, dans le cas de très fortes élévations du compte plaquet-
taire, > 1 million, ou en présence de complications thromboemboliques ou
hémorragiques mettant la vie du malade en danger, est un traitement transi-
toire et efficace.
La grossesse est souvent compliquée d’avortements spontanés, de mort fœtale
ou d’hématome rétroplacentaire. Ces complications existent chez près de
50 % des femmes enceintes. L’anagrélide est à éviter, l’hydroxyurée, malgré
son pouvoir tératogène, peut être est utilisée, mais seulement à partir du
2e trimestre. L’IFN α a été utilisé.
En revanche, l’utilisation de faibles doses d’aspirine est recommandée. La
place des HBPM est discutée.

Polyglobulie de Vaquez
L’hyperplaquettose est classiquement combinée à une élévation de l’hémato-
crite. L’augmentation de la masse sanguine a une valeur diagnostique
fondamentale en cas de splénomégalie et d’hyperleucocytose associées.

Splénomégalie myéloïde
L’hyperplaquettose est plus rarement identifiée avec l’érythromyélémie et les
déformations érythrocytaires (hématies en larme) caractéristiques de ce
syndrome.
96 Maladies hémorragiques

Leucémie myéloïde chronique


L’hyperplaquettose est parfois associée à une hyperleucocytose neutrophile
avec myélémie et splénomégalie. Avec la recherche du chromosome Philadel-
phie et du transcrit bcr/abl, l’augmentation des plaquettes est un critère
pronostique du score de Sokal qui peut témoigner de l’imminence de sa trans-
formation en leucémie aiguë.
Des thromboses, aussi bien veineuses qu’artérielles ont été rapportées au cours
des syndromes myéloprolifératifs et tous les vaisseaux peuvent être atteints, des
vaisseaux rétiniens aux veines et aux artères du système porte. La polyglobulie
responsable d’hyperviscosité multiplie par 12 environ le risque de TV. Dans la
TE, les thromboses artérielles (coronaires, cérébrales) sont bien plus fréquentes
que les accidents veineux avec néanmoins des sièges insolites tels que la throm-
bose splanchnique ou celle des corps caverneux avec priapisme par exemple.
L’érythromélalgie est une complication bien connue de la TE. Elle est due à
une activation plaquettaire responsable de l’obstruction passagère des artères
distales microcirculatoires des membres inférieurs. Évoluant par crises, elle
est caractérisée par une douleur avec sensation de brûlure et érythème prédo-
minant aux plantes des pieds et, plus rarement, à la paume des mains. Elle
régresse de façon spectaculaire sous aspirine. Enfin, des microthromboses des
vaisseaux placentaires ont été incriminées dans différentes complications
obstétricales alors que la prédominance féminine et un second pic de
fréquence à 30 ans sont reconnus pour la TE. Des pertes fœtales au
1er trimestre et des états pré-éclampsiques ont même été décrits. De la même
manière, des atteintes cérébrales avec des épisodes d’hémiparésie, des trou-
bles oculaires ou de l’équilibre, ont été rapportées.
Les accidents hémorragiques sont beaucoup plus rares et ils sont en général
provoqués par un traumatisme local ou une intervention chirurgicale. Il s’agit
d’hémorragies cutanéomuqueuses en rapport avec un trouble de l’agrégation.
La microscopie électronique permet de mettre en évidence des anomalies du
cytosquelette et des granulations intracytoplasmiques plaquettaires. Plusieurs
anomalies sont ainsi répertoriées (tableau 3.III). De plus, il est possible
d’observer un déficit acquis en VWF par clairance accrue des hauts poly-
mères, aggravant alors la symptomatologie hémorragique chez ces patients.

Tableau 3.III. Anomalies de l’hémostase primaire


et syndromes myéloprolifératifs

Défaut de réponse à divers agonistes : adrénaline, adénosine diphosphate,


collagène
Trouble sécrétoire du contenu des granules plaquettaires : pool vide acquis
Déficits quantitatifs et/ou qualitatifs en récepteurs membranaires :  GPIIb/IIIa,
 GPIb
Anomalies de synthèse des prostanoïdes :  TxA2 et  activité lipoxygénase
Déficit acquis en VWF
TxA2 : thromboxane A2
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 97

Myélodysplasies
Les syndromes myélodysplasiques constituent un groupe hétérogène d’hémo-
pathies clonales caractérisées par une hématopoïèse inefficace avec
avortement intramédullaire et un risque élevé de transformation en leucémie
aiguë myéloïde.
Une hyperplaquettose modérée peut être observée au cours d’une anémie
réfractaire sidéroblastique idiopathique chez le sujet âgé. L’anémie est classi-
quement macrocytaire avec des signes manifestes de dysérythropoïèse. Le
myélogramme révèle une hyperplasie érythrocytaire avec des sidéroblastes en
couronne et contribue ainsi au diagnostic biologique.
Le syndrome myélodysplasique avec délétion du bras long du chromosome 5
(del. 5q) ou syndrome 5q- est généralement décrit chez une femme âgée
présentant une anémie macrocytaire, une leuconeutropénie et une hyperpla-
quettose avec splénomégalie. Le myélogramme objective les dystrophies
mégacaryocytaires avec des cellules de taille réduite et un défaut de lobulation
nucléaire ainsi que des dystrophies de la lignée granuleuse.

Traitements utilisés pour la prévention des thromboses


Bien que dans près de la moitié des cas l’hyperplaquettose soit découverte
chez des patients asymptomatiques, les complications thrombotiques font
toute la gravité de la maladie. Ce risque thrombotique n’est pas corrélé au
degré de l’inflation plaquettaire, mais plutôt à l’âge avancé des patients
(> 65 ans) et à l’existence d’antécédents thrombotiques. En fait, paradoxale-
ment les formes très thrombocytaires sont les plus à risque hémorragique
(> 1 500 G/l).
Les saignées dans la polyglobulie et l’aspirine à faible dose (75 à 100 mg/j
voire tous les 2 jours) dans les TE sont recommandées. L’aspirine est très effi-
cace dans l’érythromélalgie. Spectaculaire, son effet sur les crises
douloureuses a souvent été rapporté et la réduction significative de la
fréquence des thromboses artérielles a été démontrée. Son utilisation dans ce
contexte doit être systématique.
Différents médicaments cytoréducteurs, comme l’hydroxyurée (Hydrea)
peuvent être proposés chez les patients, ayant un risque thrombotique élevé ou
une pathologie vasculaire associée, pour maintenir la thrombocytose au-
dessous de 500 G/l (Hydrea, 2 gélules/j pendant 15 jours, puis ajuster les
doses afin de maintenir les plaquettes au-dessous de ce seuil avec une
surveillance mensuelle de l’hémogramme). Toutefois, le risque leucémogène à
long terme reste une préoccupation de ce traitement de référence. Par ailleurs,
près d’un quart des cas de TE sont réfractaires à l’hydroxyurée et conduisent à
proposer le pipobroman (Vercyte, 1,25 mg/kg/j pendant 10 semaines puis une
posologie d’entretien mi-dose) ou l’interféron (3 MU, trois fois/semaine),
réservé aux indications de courte durée. Plus récemment, l’interféron α a été
proposé comme cytoréducteur, en particulier chez la femme enceinte où il
n’est pas contre-indiqué. Néanmoins, il faut noter que les plaquettes ont
tendance à diminuer spontanément au fur et à mesure que la grossesse évolue.
98 Maladies hémorragiques

L’association d’héparine à la prophylaxie par aspirine est discutée en cas


d’antécédents de TV. L’intérêt de l’Anagrélide (Xigrad) réside dans sa tolé-
rance puisqu’il semble dépourvu d’effet mutagène, son efficacité chez les
sujets résistant aux autres médicaments et chez les jeunes patients. Toutefois,
il n’est pas démontré que son effet leucémogène à long terme soit moindre
comparativement aux traitements cytoréducteurs classiques.
La thrombocytaphérèse peut être indiquée dans un petit nombre de cas mais
elle est de bénéfice limité et transitoire.

Conclusion
La stratégie diagnostique des hyperplaquettoses consiste à éliminer les formes
réactionnelles asymptomatiques, de bon pronostic et à identifier les proliféra-
tions primitives potentiellement à haut risque thrombotique. La TE constitue
le syndrome myéloprolifératif le plus fréquent. Sa prise en charge thérapeu-
tique, orientée par l’appréciation du rapport bénéfice/risque, doit associer des
traitements cytoréducteur et antiplaquettaire dont la surveillance biologique
attentive reste incontournable.

BIBLIOGRAPHIE

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special emphasis on the use of anagrelide. Hematology 2002; 7 (3) : 173-177.
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SCHAFER AI. Thrombocytosis and thrombocythemia. Blood Rev 2001; 15 (4) :
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THROMBOPATHIES ACQUISES
Ismail ELALAMY

Les altérations fonctionnelles plaquettaires sont responsables de troubles


hémorragiques surtout si elles perturbent les relations des plaquettes avec les
autres partenaires du pool vasculaire et si elles sont combinées à une comorbi-
dité hémorragipare avec un terrain particulièrement fragile. Elles sont de loin
les plus fréquentes et bien souvent découvertes fortuitement. Le caractère
acquis sera évoqué essentiellement devant l’absence d’antécédents hémorragi-
ques personnels ou familiaux signalés lors de l’interrogatoire et le caractère
récent de la symptomatologie fonctionnelle.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 99

Thrombopathies médicamenteuses
Les médicaments sont les plus fréquemment à l’origine de ces altérations
fonctionnelles plaquettaires avec en premier lieu les anti-inflammatoires non
stéroïdiens dont l’aspirine, puis les autres agents antiagrégants comme la ticlo-
pidine ou le clopidogrel.
C’est en 1971 que Sir John Vane révèle le mécanisme d’action de l’aspirine :
acétylation irréversible de l’enzyme plaquettaire responsable de la synthèse de
prostaglandines et impliquée dans la voie de génération du thromboxane A2
(TxA2), la cyclooxygénase (Cox). Dans les années quatre-vingt-dix, il est
décrit que les sites sérine de la Cox sont modifiés définitivement par l’aspirine
rendant non fonctionnelle cette enzyme durant toute la durée de vie plaquet-
taire soit 8 jours. Par opposition, les autres AINS ont une action réversible,
corrélée à leur durée de vie, en bloquant transitoirement l’entrée du site cata-
lytique de l’enzyme. L’action antiplaquettaire de ces anti-inflammatoires est
donc limitée à l’une des voies de la réponse cellulaire. Elle abolit la réponse à
l’acide arachidonique, inhibe la synthèse du TxA2 et la sécrétion d’ADP
granulaire. L’allongement du TS est inconstant sous aspirine compte tenu
d’une grande variabilité interindividuelle. Il a ainsi été rapporté des sujets
résistants à l’Aspirine avec une discordance entre l’inhibition plus ou moins
complète de la réponse plaquettaire à l’acide arachidonique et l’absence de
retentissement sur le TS (Ivy incision) ou le temps d’occlusion (par l'automate
PFA-100). Le problème est donc d’éliminer la prise inopinée d’aspirine par le
patient pouvant induire le profil de thrombopathie ou d’atteinte de l’hémostase
primaire. De multiples spécialités renferment de l’aspirine (Alka Seltzer,
Cephyl, Ponstyl par exemple) alors qu’elles ne sont pas considérées comme
telles par les patients.
La liste des thrombopathies iatrogènes est, bien entendu, non exhaustive et
l’on peut citer : les antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), macromolé-
cules qui à forte dose peuvent perturber le fonctionnement des récepteurs
membranaires plaquettaires, les diurétiques, les inhibiteurs calciques pouvant
gêner la mobilisation calcique indispensable à la réponse plaquettaire.
Certaines chimiothérapies, les anesthésiques, les antidépresseurs tricycliques,
le dextran, les hypolipémiants et même l’alcool sont incriminés dans l’appari-
tion d’un dysfonctionnement plaquettaire (tableau 3.IV).

Thrombopathies associées à une pathologie organique


D’authentiques pathologies peuvent entraîner des perturbations secondaires
de la réponse plaquettaire (tableau 3.V).

Hémopathies
Les troubles de la myélopoïèse associés à cette atteinte centrale sont responsa-
bles d’une dysmégacaryopoïèse génératrice de plaquettes de qualité et de
morphologies imparfaites. L’analyse optique sur lame permet de révéler une
anisocytose plaquettaire avec des atypies morphologiques. L’existence de trou-
bles fonctionnels plaquettaires peut précéder de plusieurs mois l’apparition
100 Maladies hémorragiques

Tableau 3.IV. Principaux médicaments altérant la fonction plaquettaire


et pouvant exposer à un risque hémorragique accru

Agents Mécanismes
Acide acétylsalicylique (aspirine) Inhibiteur irréversible de Cox
AINS (ibuprofène, diclofénac, Inhibiteur réversible de Cox
indométacine par exemple)
Ticlopidine, clopidogrel Inhibiteur irréversible des récepteurs
de l’ADP
Antagonistes des GPIIb/IIIa Inhibiteur des sites de liaison du
(abciximab, eptifibatide, tirofiban) fibrinogène
Antibiotiques (bêtalactamines) Interférence avec les récepteurs
membranaires plaquettaires
Inhibiteurs calciques (nifédipine, Perturbation des mouvements
vérapamil) calciques
Dextran (macromolécules de Interférence avec les récepteurs
remplissage) membranaires plaquettaires
Bêtabloquants Indéterminée
Antidépresseurs tricycliques Altération de la réponse plaquettaire
(imipramine paroxétine) à l’ADP

Tableau 3.V. Principales causes de thrombopathies acquises

Iatrogènes
Antiplaquettaires : aspirine, clopidogrel, AINS, anti-GPIIb/IIIa
Antibiotiques : bêtalactamines
Inhibiteurs calciques
Antidépresseurs
Insuffisance rénale chronique
Insuffisance hépatique chronique
Activation plaquettaire systémique
CEC
Valvulopathie
Prothèse vasculaire
Thalassémies, drépanocytose
Dysimmunité
Maladie auto-immune
Dysglobulinémie
Hémopathies
Myélodysplasies

manifeste de l’hémopathie proprement dite. Cela est classiquement rapporté


dans divers contextes d’hémopathies : les syndromes myéloprolifératifs et
préleucémiques, les dysglobulinémies ou les myélodysplasies.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 101

Insuffisance rénale chronique


L’allongement du TS ou du temps d’occlusion associés à une diathèse hémor-
ragique est régulièrement décrit dans l’insuffisance rénale chronique.
L’augmentation de l’urémie ou d’autres toxiques, comme l’acide guanidino-
succinique qui stimule la libération de NO, et l’anémie classique ne sont pas
les seuls responsables de ces perturbations de l’hémostase primaire. Une
authentique thrombopathie peut être identifiée avec des anomalies de l’agréga-
tion à divers agonistes, voire une désensibilisation de certains récepteurs
membranaires dont la répartition en surface semble perturbée. Dans certains
cas, il est aussi noté une thrombopénie modérée avec un volume plaquettaire
moyen réduit limitant ainsi le plaquettocrite de l’insuffisant rénal chronique.

Épuisement plaquettaire
Dans divers contextes, les plaquettes peuvent être activées a minima et
secréter ainsi leur contenu granulaire pour circuler dans un état devenu réfrac-
taire. Cette thrombopathie par pool vide acquis est ainsi décrite dans les
contextes postopératoires comme la circulation extracorporelle avec une acti-
vation mécanique des plaquettes dans les circuits, en cas de valvulopathies
cardiaques, avec un dysfonctionnement des valves responsables de turbu-
lences anormales et de traumatismes cellulaires proactivateurs. Dans ces
circonstances, différents marqueurs peuvent authentifier l’activation systé-
mique des plaquettes. L’étude agrégométrique révèle une désagrégation
anormale des plaquettes (pool vide) et une réponse nettement diminuée avec la
plupart des agonistes (désensibilisation des récepteurs). La mesure des taux de
différentes protéines granulaires s’avère anormalement élevée dans le plasma :
la β-thromboglobuline, le F4P ou la thrombospondine par exemple. La mise
en évidence de complexes leucoplaquettaires ou de microparticules authenti-
fiant l’activation cellulaire est proposée en cytométrie en flux. Un tel profil de
désensibilisation a été aussi décrit dans les hémoglobinopathies type drépano-
cytose ou thalassémie homozygote. Il s’agirait dans ce contexte d’un moyen
de protection naturelle contrebalançant l’hypercoagulabilité et le risque
thrombotique accru associé.

Thrombopathies immunes
La liaison d’autoanticorps sur la membrane plaquettaire peut gêner le fonc-
tionnement des récepteurs en réponse à divers agonistes. Cet encombrement
peut ainsi paraître non spécifique. Les tests fonctionnels plaquettaires sont
perturbés lorsqu’ils sont réalisés en plasma riche en plaquettes. En revanche,
après lavage des plaquettes, celles-ci répondent parfaitement aux agonistes
testés confirmant ainsi la nature plasmatique de l’inhibiteur. Le risque hémor-
ragique clinique ne semble pas majeur. Parfois ces anticorps peuvent se fixer
spécifiquement sur des cibles protéiques précises et induire une thrombopathie
spécifique telle d’une thrombasthénie acquise par autoanticorps anti-
GPIIb/IIIa avec dans ces conditions un risque hémorragique sévère. Ces éven-
tualités sont décrites en cas de maladies auto-immunes type lupus
érythémateux, ou en cas de dysglobulinémies type myélome ou Waldenström.
102 Maladies hémorragiques

Hépatopathies chroniques
Les troubles hémorragiques sont fréquemment rapportés dans le contexte
d’hépatopathie chronique. Les altérations de l’hémostase sont nombreuses,
mais l’atteinte de la lignée plaquettaire peut être quantitative et/ou qualitative.
Différents mécanismes sont possibles : un hypersplénisme avec séquestration
des plaquettes, une atteinte immune avec une réduction de la durée de vie
plaquettaire ou un déficit en thrombopoïétine avec une dysmégacaryopoïèse.
La consommation d’alcool aggrave ce profil compte tenu de la toxicité méga-
caryocytaire directe et des carences vitaminiques associées (acide folique).
Une thrombopathie est rapportée chez plus de 50 % des cirrhotiques. Il a été
décrit une diminution des sites GPIb à la surface plaquettaire. Cette glycopro-
téine est le site d’amarrage du VWF à l’initiation du processus de l’hémostase
primaire. D’autres déficits de la réponse plaquettaire sont rapportés. Leur
diagnostic est difficile et il doit être effectué par des laboratoires spécialisés.

MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE AVITAMINOSE K
Meyer-Michel SAMAMA

Physiopathologie
La vitamine K intervient dans l’un des derniers stades de la synthèse de
plusieurs facteurs de la coagulation : FII, FVII ou proconvertine, FIX ou facteur
antihémophilique B, FX. L’absence de vitamine K entraîne un arrêt prématuré
de la synthèse au stade d’acarboxyprotéine : les protéines formées sont inactives
car elles n’ont qu’un seul groupement carboxylique et ne peuvent pas fixer le
calcium. En revanche, en présence de vitamine K, la synthèse est complétée par
la formation d’un second groupement COOH qui leur permet de se lier au
calcium bivalent. La synthèse de trois autres protéines – les protéines C, S et Z
[PC, PS et PZ] – nécessite également la présence de vitamine K. Les protéines C
et S sont anticoagulantes physiologiquement et la PZ intervient dans le métabo-
lisme osseux. Cet arrêt prématuré de la synthèse dans l’avitaminose K explique
la présence dans le sang des précurseurs inactifs ou hypocarboxylés appelés
PIVKA (protein induced vitamin K antagonist or absence). La rapidité d’action
de la vitamine K est expliquée par son intervention sur ces précurseurs.
Les sources de vitamine K sont d’une part l’alimentation (en particulier
légumes verts), d’autre part la synthèse par des bactéries intestinales de vita-
mine K2. La vitamine K est une vitamine liposoluble qui nécessite donc pour
son absorption intestinale l’intervention de la bile et d’une lipase pancréa-
tique. Les fistules biliaires et l’ictère par rétention sont des causes classiques,
les plus anciennement connues d’avitaminose K.
Il est facile également de comprendre qu’une alimentation parentérale
dépourvue de vitamine K, un régime pauvre, également en cette même vita-
mine, les traitements antibiotiques prolongés, les maladies pancréatiques, le
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 103

syndrome de la malabsorption intestinale, les résections intestinales étendues,


la maladie cœliaque, les colites ulcéreuses, les polyposes et les troubles
biliaires peuvent entraîner une avitaminose K. Les céphalosporines de 3e
génération peuvent bloquer le métabolisme de la vitamine K.

Aspects cliniques
Les manifestations hémorragiques n’apparaissent que lorsque le taux des
facteurs de la coagulation s’abaisse au-dessous de 30 ou même 20 %. Elles
consistent en hématurie, ecchymoses, hématomes, avec la possibilité
d’hémorragie cérébrale.

Maladie hémorragique du nouveau-né


Sa fréquence est de 0,25 à 1 %. Elle doit être étudiée dans ce chapitre
puisqu’elle est liée à une avitaminose K associée éventuellement à une imma-
turité hépatique, rendant la vitamine K partiellement efficace. Elle se
manifeste dans les premiers jours de la vie par des hémorragies ombilicales.
L’administration aujourd’hui classique de 0,5 à 1 mg de vitamine K1 au nour-
risson par voie parentérale (ou de 2 mg par voie orale dès la naissance) permet
de réduire sensiblement sa fréquence. Cette administration est renouvelée
après 1 semaine et vers le 30e jour en cas d’allaitement maternel, en raison de
la pauvreté en vitamine K du lait maternel.
La maladie hémorragique du nouveau-né est considérée comme moins rare
chez les femmes traitées pour une épilepsie, les médicaments employés jouant
un rôle dans l’avitaminose K du nouveau-né.

Diagnostic biologique
Le temps de Quick (TQ) est allongé et le dosage des facteurs de la coagulation
montre une diminution des FII, FVII, FX et FIX avec conservation d’un taux
de FV normal. Le test de Köller consiste à vérifier que le TQ est corrigé après
administration parentérale ou par voie orale si une carence d’apport en vita-
mine K1 est vraisemblable. La dose à utiliser chez le nouveau-né est de l’ordre
de 5 à 20 mg et peut être éventuellement renouvelée.
Il existe deux possibilités d’absence de correction transitoire ou définitive des
résultats biologiques :
– un déficit constitutionnel (extrêmement rare) par mutation génétique d’une
enzyme du site de la vitamine K responsable d’un trouble de la synthèse des
facteurs de la coagulation avec les manifestations hémorragiques qu’il
comporte. Ceci a été observé à l’occasion de mariages consanguins en raison
du caractère récessif de la transmission de cette tare;
– les intoxications volontaires, accidentelles ou provoquées par l’utilisation de
raticides. La correction de l’anomalie biologique nécessite l’augmentation des
doses et le renouvellement des injections de vitamine K sous contrôle du
laboratoire.
104 Maladies hémorragiques

Il est assez facile de doser les protéines hypo- ou acarboxylées et en particu-


lier, l’acarboxy-FII pour confirmer l’avitaminose K (laboratoire spécialisé).

Traitement
Le traitement de l’avitaminose K est essentiellement fonction des causes de ce
dernier. Dans le cas simple du traitement par les antivitamines K (AVK),
l’administration de vitamine K1 corrige le trouble.
Dans le cas des maladies cœliaques ou de la sprue, le trouble sera corrigé par
un régime approprié qui permet la correction des troubles de l’absorption, de
l’avitaminose K ainsi que la synthèse des différents facteurs de la coagulation.
Dans le chapitre traitant les traitements hémostatiques, les conditions d’utili-
sation de la vitamine K sont explicitées. La transfusion de plasma frais viro-
inactivé peut être nécessaire pour corriger rapidement les déficits en facteurs
de la coagulation.

MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE ATTEINTE HÉPATIQUE
Meyer-Michel SAMAMA

Le foie réalise la synthèse d’un très grand nombre de facteurs de la coagula-


tion. Pour leur production, certains d’entre eux nécessitent le concours de la
vitamine K. Le foie intervient aussi dans la synthèse des facteurs du système
fibrinolytique et dans la clairance de l’activation du plasminogène. Les hépa-
tites acquises fulminantes, les hépatites chroniques sévères, la cirrhose du foie
et la pathologie biliaire sont responsables d’atteintes diffuses de la coagula-
tion. L’existence fréquente d’une splénomégalie entraîne une diminution
préférentielle du FV et une baisse du nombre de plaquettes et/ou des fonctions
plaquettaires.
Le retentissement des atteintes hépatiques sur l’hémostase est complexe, non
seulement en raison du rôle du foie dans la synthèse de presque tous les
facteurs de la coagulation en dehors du VWF, mais aussi du fait de son rôle
dans la clairance des facteurs actifs de la coagulation et de la fibrinolyse (acti-
vateur tissulaire du plasminogène [t-PA]). Le plus souvent, dans les atteintes
sévères, un syndrome hémorragique est présent mais des thromboses peuvent
également survenir.
La complication habituelle que constitue l’hypertension portale est respon-
sable de varices œsophagiennes, et la survenue d’un hypersplénisme
secondaire associé à une séquestration des plaquettes qui en résulte entraîne
une thrombopénie. Le foie synthétise la thrombopoïétine.
La transplantation hépatique corrige les désordres de l’hémostase mais l’inter-
vention chirurgicale peut être compliquée par de graves saignements qui
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 105

doivent être corrigés. Enfin, un bénéfice de la transplantation est la disparition


de l’hémophilie et de la mutation du facteur V Leiden.
La diminution des facteurs est observée en fonction de leur demi-vie. Parallè-
lement, une augmentation du FVIII et du FVW, associée à la diminution de
l’antithrombine (AT), de la PC, de la PS et de l’α2-macroglobuline, peut
expliquer la survenue d’un accident thromboembolique.
Dans de rares observations une activité anticoagulante neutralisable par
l’héparinase en thromboélastographie a été mise en évidence.
Dans des cas extrêmes, une CIVD latente dans les cirrhoses du foie (voir
chapitre 3) peut survenir avec altération parallèle et/ou consécutive du
système fibrinolytique. L’exploration de l’hémostase primaire et de la coagu-
lation doit être très complète chez de tels sujets pour évaluer le retentissement
de l’atteinte hépatique, surtout en cas de prescription d’un geste invasif (ponc-
tion, biopsie hépatique ou chirurgie).
Une dysfibrinogénémie acquise a été observée dans des hépatomes ou cancers
primitifs du foie.
Dans le cas particulier de la maladie de Gaucher, de nombreux cas de déficits
en facteurs de la coagulation ont été observés, tout en notant que les cérébro-
sides caractéristiques de la maladie peuvent influencer les examens de la
coagulation.
Il existe des problèmes particuliers :
– la biopsie hépatique peut être contre-indiquée. La voie transjugulaire limite
le risque hémorragique, mais peut diminuer la qualité de l’exploration.
Récemment, un score basé sur les résultats du dosage d’un petit nombre de
paramètres sanguins (Fibrotest Fibromètre) a été proposé pour réduire le
nombre de biopsies hépatiques. Son intérêt est discuté;
– la chirurgie majeure comporte un risque hémorragique et nécessite un traite-
ment substitutif riche en protéines déficitaires;
– la colle hémostatique peut être utile au chirurgien. Une thrombopénie
< 50 G/l majore le saignement, surtout lorsqu’il existe une thrombopathie
associée;
– le HELLP syndrome et la pré-éclampsie peuvent être à l’origine d’accidents
hémorragiques en obstétrique;
– il y a peu d’années, la transplantation hépatique comportait un risque hémor-
ragique très important. La thérapeutique substitutive associée à des
antifibrinolytiques convenablement utilisés a transformé le pronostic des acci-
dents hémorragiques.
Les shunts péritonéaux mis en place chez des cirrhotiques porteurs d’une ascite
volumineuse peuvent entraîner une CIVD. Des traitements en milieux haute-
ment spécialisés permettent le traitement des complications hémorragiques.

Traitement des hémorragies


La vitamine K est sans activité en l’absence d’une rétention biliaire ou d’une
autre cause d’avitaminose K.
106 Maladies hémorragiques

Le traitement régulièrement recommandé est la transfusion de plasma frais


congelé décongelé, sécurisé qui apporte tous les facteurs pro- et anticoagu-
lants physiologiques.
La transfusion de plaquettes peut parfois être indiquée mais son intérêt n’a pas
été démontré.
La desmopressine (dDAVP) ne paraît pas efficace dans les hémorragies des
varices œsophagiennes. Elle pourrait améliorer l’hémostase primaire chez
certains patients.
Les perfusions de concentrés d’AT doivent être envisagées en particulier au
cours de la transplantation hépatique.
Le recours au NovoSeven peut, dans une faible proportion des cas d’hémorra-
gies incontrôlables des varices œsophagiennes, favoriser l’arrêt du
saignement. Il faut s’assurer que le taux du fibrinogène des patients est supé-
rieur à 1 g/l de plasma. De rares complications thrombotiques liées à
l’administration de FVIIa recombinant ont été rapportées, en particulier
lorsqu’existait une CIVD. Celle-ci paraît donc contre-indiquer le recours au
NovoSeven.

Biopsie hépatique
Elle est associée à un risque de saignement, et des hémorragies mortelles ont
été rapportées quoique extrêmement rares. Le recours à la voie transjugulaire,
et aux autres méthodes non invasives, – Fibrotest, FibroMètre, FibroScan –
doit être envisagé.

Transplantation hépatique
Elle comporte une altération importante de l’hémostase de caractère variable
en fonction du stade de l’intervention préanhéatique, dominée par une hyperfi-
brinolyse, anhépatique ou après reperfusion, période où le risque
hémorragique est maximum. Une CIVD, la libération d’anticoagulants à acti-
vité neutralisable par la protamine, une hyperfibrinolyse ont été incriminées
dans ces accidents devenus beaucoup plus rares.
Le recours à l’aprotinine est abandonné en raison de la possibilité de choc
anaphylactique.
Le recours systématique à l’acide ε-aminocaproïque ou à l’acide tranexa-
mique est prôné par un certain nombre d’équipes chirurgicales.
Plusieurs équipes accordent un certain intérêt à la surveillance en salle
d’opération des variations de la coagulation et de la fibrinolyse à l’aide de la
thromboélastographie.
En période postopératoire, une thrombopénie transitoire d’une durée
d’environ 10-14 jours peut être observée.
Le risque thromboembolique postopératoire n’est pas bien documenté. Il
n’existe pas de recommandation sur la prise en charge de ce risque éventuel.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 107

BIBLIOGRAPHIE

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MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE ATTEINTE RÉNALE
Meyer-Michel SAMAMA

Le rein joue un rôle mineur en hémostase, puisque l’urokinase est le seul


facteur qu’il synthétise. En revanche, il intervient dans la synthèse de
l’érythropoïétine.
Les désordres de l’hémostase dans le syndrome hémolytique et urémique
(SHU), le myélome, chez le malade opéré et le cas particulier de la thrombose
veineuse rénale sont étudiés.
La CIVD peut être compliquée d’une altération de la fonction rénale (voir
p. 117 CIVD)
La protéase ADAMTS13, responsable du clivage des molécules du VWF de
très haut PM, voit son taux diminuer chez les patients atteints de CIVD. La
thrombine et la plasmine peuvent inactiver ADAMTS13. Des taux très
abaissés de cette protéase pourraient être en relation avec l’insuffisance rénale.
La thrombose de la veine rénale est une complication du syndrome néphro-
tique, lequel est associé à une hypercoagulabilité sans doute par déficit en AT
lié à la perte dans l’urine de cet important anticoagulant physiologique. Une
perte également de la PS par ce même mécanisme ou par une plus grande
liaison à la C4BP est possible. Épisodes douloureux, hématurie et altération
brutale de la fonction rénale constituent la triade caractéristique qui est loin
108 Maladies hémorragiques

d’être constante. Elle peut être associée à des thromboses dans d’autres terri-
toires. L’imagerie et l’ultrasonographie permettent un diagnostic objectif.
Le traitement anticoagulant oral est classiquement indiqué, mais sa durée reste
mal définie. L’évolution de la fonction rénale peut renseigner sur l’efficacité
de ce traitement
L’insuffisance rénale s’accompagne classiquement d’une tendance hémorra-
gique le plus souvent liée à une thrombopénie et/ou une thrombopathie de règle
modérée. Les hémorragies sont cutanéomuqueuses, mais des hémorragies
sévères gastro-intestinales ou des hématomes dangereux par leur localisation,
ont été observés. L’insuffisance rénale du SHU doit être distinguée du
syndrome de Moschcowitz ou purpura thrombotique thrombocytopénique.
Dans ce dernier cas, la schisocytose est beaucoup plus marquée tandis que
l’insuffisance rénale l’est moins que dans le SHU. La concentration plasma-
tique en ADAMTS13 est très diminuée dans le syndrome de Moschcowitz
alors qu’elle est sensiblement normale dans le SHU.
Parmi les patients ayant un myélome, 10 à 30 % ont une insuffisance rénale
qui relève du traitement par échange plasmatique avec des résultats variables.
L’association thalidomide-chimiothérapie ou thalidomide-dexaméthasone
entraîne un risque thromboembolique qui peut nécessiter un traitement
préventif antithrombotique.
L’atteinte plaquettaire est attribuée à des métabolites anormaux présents dans
le plasma des insuffisants rénaux et qui altèrent l’adhésion et/ou l’agrégation
plaquettaire. L’anémie profonde majore le risque de saignement. Les altéra-
tions de la coagulation et de la fibrinolyse sont plus rares. Il existe une
augmentation du fibrinogène, du FVIII et une baisse des protéines C et S. La
fibrinolyse est déprimée à la suite d’une élévation possible des inhibiteurs
PAI1 et α2-antiplasmine (α2-AP), contrastant avec une diminution du t-PA.
La diminution du FV a une valeur généralement péjorative. Toutefois, il faut
noter qu’une amorce de coagulation au cours du prélèvement sanguin peut
fausser le dosage du FV du fait de son augmentation artefactuelle par activa-
tion du FV en FVA.
Un grand nombre d’altérations sont corrigées par l’hémodialyse, en particulier
l’atteinte plaquettaire.
Le syndrome hémorragique est constitué par un purpura ecchymotique et un
saignement de muqueuses gastro-intestinales. Des hémorragies peuvent
survenir à l’occasion d’un acte invasif ou d’une intervention chirurgicale.
Des syndromes hémolytiques (syndrome hémolytique et anémique) peuvent
être exceptionnellement rencontrés.
Le purpura thrombotique thrombocytopénique (ou syndrome de Mosch-
cowitz) peut survenir chez un insuffisant rénal.
Le traitement des accidents hémorragiques repose le plus souvent sur l’hémo-
dialyse. Utilisée pendant l’hémodialyse, l’accumulation de l’héparine non
fractionnée (HNF) ou d’une HBPM peut être responsable de saignements,
d’autant que l’élimination de l’HBPM est exclusivement rénale.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 109

La dDAVP a été utilisée avec succès. La correction de l’anémie réduit le


risque hémorragique et l’emploi de l’érythropoïétine a transformé la prise en
charge de ces patients.
Le cas particulier du syndrome néphrotique doit être évoqué. Un déficit acquis
en AT a été rendu responsable d’une prédisposition aux accidents thromboem-
boliques. Le risque de thrombose de la veine rénale ne doit pas être méconnu
Un certain nombre d’altérations de l’hémostase a été rattaché à l’hypoalbumi-
némie qui rend le recours au traitement anticoagulant oral difficile.

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MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À DES AUTOANTICORPS DIRIGÉS
CONTRE UN FACTEUR DE LA COAGULATION
Sami GUERMAZI

Les autoanticorps anti-facteurs de coagulation peuvent se voir au cours de


maladies auto-immunes, de certaines hémopathies, à la suite de la prise de
certains médicaments ou sans cause apparente. Certains autoanticorps sont
responsables de saignements chez un sujet n’ayant pas dans ses antécédents de
maladie hémorragique. Ils sont à différencier des alloanticorps anti-facteurs
qui apparaissent après traitement substitutif chez des patients ayant un déficit
constitutionnel en un facteur de la coagulation.

Autoanticorps anti-VIII
Ce sont les plus fréquents parmi les autoanticorps dirigés contre les facteurs
de la coagulation. Ils ont été décrits dans différentes circonstances : lupus
érythémateux disséminé (LED), certaines dermatoses, syndromes lymphopro-
lifératifs, gammapathies monoclonales, post-partum, suite à la prise de
certains médicaments. Parfois ils apparaissent de manière apparemment
isolée. En raison de leur importance, ils font l’objet d’un chapitre spécifique
(voir ci-dessous).
110 Maladies hémorragiques

Inhibiteurs du VWF
Des maladies de Willebrand acquises ont été décrites au cours de syndromes
lymphoprolifératifs, de gammapathies monoclonales même bénignes du sujet
âgé et au cours des lymphomes. Le TS est habituellement moins allongé que ne
le voudrait la baisse du complexe FVIII : VWF. Une anomalie de répartition des
multimères du VWF peut être mise en évidence. L’effet inhibiteur est souvent
difficile à mettre en évidence in vitro, mais il existe une mauvaise réponse in
vivo après administration de concentrés de VWF. Les mécanismes de ces défi-
cits acquis sont multiples : autoanticorps ou adsorption du VWF par des
populations lymphocytaires ou des tissus anormaux (voir chapitre 3).

Autoanticorps dirigés contre les autres facteurs


de la coagulation
Ils sont très rares et prédisposent tous aux hémorragies à l’exception des anti-
XII et anti-prékallicréine. Les inhibiteurs du FXI peuvent se manifester par
des saignements ou des thromboses. Des inhibiteurs du FV ont pu être mis en
évidence chez des patients traités par des aminosides. Les autoanticorps anti-
VII et anti-X sont exceptionnels. Les anticorps anti-prothrombines sont
souvent associés au lupus anticoagulant et peuvent induire un déficit en FII
responsable de manifestations hémorragiques. Des inhibiteurs du fibrinogène
ont été rarement rapportés chez des patients à taux de fibrinogène initialement
normal avant l’apparition de l’anticoagulant. Les inhibiteurs du FXIII ont été
décrits chez des patients sous isoniazide.
Des anticorps anti-PS ont été décrits chez des patients lupiques, HIV positifs,
ou à la suite d’infections virales (varicelle). Ils induisent un déficit acquis en
PS, mais leur implication dans la survenue de thromboses n’est pas clairement
démontrée.

HÉMOPHILIE ACQUISE
Hervé LEVESQUE

L’hémophilie acquise est une maladie hémorragique rare due à la présence


d’anticorps dirigés contre le FVIII qui diminuent son activité coagulante
jusqu’à un taux souvent très bas. Son incidence n’est pas connue avec préci-
sion, mais elle a été estimée à un cas pour 1 à 4 millions d’individus.
L’étiologie de cette maladie n’est pas claire, bien que souvent associée à des
maladies auto-immunes variées, des hémopathies lymphoprolifératives ou à la
grossesse, notamment en post-partum.

Données cliniques
En règle, son diagnostic est évoqué devant un syndrome hémorragique d’appa-
rition souvent brutale et bruyante, sans notion d’antécédents hémorragiques
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 111

personnels ou familiaux. L’âge moyen de survenue est d’environ 60-67 ans,


sans prédominance de sexe bien qu’il existe plus de femmes dans la tranche
d’âge la plus jeune, témoin indirect des hémophilies acquises survenant en
post-partum. En dehors des rares cas survenant dans l’enfance, deux situations
se rencontrent habituellement : les cas observés en post-partum et ceux beau-
coup plus fréquents survenant après 50 ans (2/3 des cas). Ces patients
développent des ecchymoses spontanées étendues à l’emporte-pièce, sans
facteur favorisant et en l’absence de contexte hémorragique personnel ou fami-
lial. À côté de ces hématomes extensifs, des complications hémorragiques
menaçant le pronostic vital avec notamment des hémorragies gastro-intesti-
nales, urinaires, intracérébrales ainsi que des épistaxis parfois très abondantes
ne sont pas rares. Les hémorragies cutanéomuqueuses étendues sont habi-
tuelles dans l’expression clinique qui diffère de celle des hémophilies
congénitales où le syndrome hémorragique se traduit surtout par des hémorra-
gies musculaires et des hémarthroses. Parfois, le tableau est peu sévère avec
des ecchymoses spontanées plus ou moins importantes qui sont souvent la
première manifestation. La méconnaissance et la rareté de cette pathologie
peuvent être à l’origine d’un délai diagnostique excessif, au cours duquel le
patient peut être soumis à des investigations ou à des actes chirurgicaux
pouvant se compliquer d’hémorragies incontrôlables. La survenue d’accidents
hémorragiques de localisation rétropéritonéale peut par exemple être source de
difficultés diagnostiques considérables, dans un contexte d’urgence chirurgi-
cale où toute intervention sans traitement antihémorragique spécifique risque
d’être délétère. Dans une série de 215 cas, 87 % des patients ont eu des mani-
festations hémorragiques sévères du fait de leur localisation (urinaire,
digestive, rétropéritonéale ou intracérébrale) et de leur importance (nécessitant
des transfusions sanguines). Dans la série française de la Société nationale
française de médecine interne (étude SACHA), des hémorragies majeures ont
été constatées dans 21 % des cas et des ecchymoses étendues chez 90 % des
patients. Le pronostic vital semble particulièrement engagé dans les premières
semaines suivant les premiers signes cliniques. La mortalité reste encore trop
élevée même si elle semble diminuer depuis 20 ans.

Affections associées
Si une fois sur deux l’autoanticorps est apparemment isolé, chez les autres
patients une affection maligne solide ou parfois bénigne solide ou lymphopro-
liférative, une maladie auto-immune ou des facteurs favorisants (post-partum)
sont objectivés (tableau 3.VI). Au cours des affections auto-immunes la
présence d’un anticorps anti-VIII n’est pas véritablement une surprise, car ces
affections s’accompagnent volontiers d’anomalies ou de maladies immunolo-
giques. La fréquence de l’association est cependant impossible à préciser du
fait de la rareté de cette coagulopathie. Les affections auto-immunes les plus
souvent signalées sont le LED, la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de
Gougerot-Sjögren et la pemphigoïde bulleuse. L’hémophilie acquise semble,
certes rarement pouvoir être rattachée à des traitements médicamenteux, en
particulier la pénicilline, le méthyldopa et la phénytoïne. Les autres associa-
tions morbides pourraient être des associations fortuites, notamment chez le
112 Maladies hémorragiques

sujet âgé. Les cancers ou les syndromes lymphoprolifératifs sont une associa-
tion à rechercher de principe chez ces patients, les plus classiques étant les
leucémies lymphoïdes, les lymphomes, les cancers du poumon, du colon, du
rein, de la prostate ou de l’ovaire. L’association hémophilie acquise et gros-
sesse est connue depuis de très nombreuses années. Comme pour les autres
affections auto-immunes survenant en post-partum, l’hémophilie acquise
survient le plus souvent précocement entre 2 à 5 mois après l’accouchement et
plus fréquemment après la première grossesse. La réapparition lors d’une
grossesse ultérieure est exceptionnelle. L’évolution spontanée semble
meilleure dans cette situation. Pour beaucoup d’auteurs, il n’est pas utile de
proposer de manière systématique un traitement immunosuppresseur.

Tableau 3.VI. Hémophilies acquises et affections associées

Hémophilie acquise idiopathique : 50 % des cas


Hémophilie acquise secondaire :
Post-partum
Maladies auto-immunes
LED
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Polyarthrite rhumatoïde
Autres : pemphigoïde bulleuse
Hémopathies malignes
Hémopathies lymphoïdes
Lymphome Hodgkinien ou non
Myélome
Protéines monoclonales de signification indéterminée
Cancers solides (adénocarcinome surtout)
Médicaments
Divers

Critères diagnostiques
L’hémophilie acquise est due à l’apparition d’anticorps dirigés contre le
FVIII. Ces anticorps sont habituellement de type IgG. Le diagnostic est établi
par la mise en évidence d’une part d’un inhibiteur ou ACC sur le TCA et
d’autre part de sa spécificité vis-à-vis de l’activité coagulante du FVIII (labo-
ratoire spécialisé).
Il existe un allongement isolé du TCA lié à la présence d’un ACC démontrée
par l’absence de correction du TCA par le mélange du plasma du malade à
parties égales avec un plasma de référence normal. L’activité coagulante du
FVIII est franchement diminuée, le plus souvent < 10 %, toujours < 30 % chez
un malade sans histoire personnelle ou familiale d’hémorragies. Le taux et
l’activité des autres facteurs de la voie intrinsèque et du VWF sont normaux.
Le test Bethesda permet de quantifier le titre de l’ACC anti-FVIII. Il est
exprimé en unités Bethesda.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 113

Il paraît licite de définir biologiquement l’hémophilie acquise par l’association


des deux critères suivants : d’une part un taux de FVIII < 30 %, d’autre part la
présence d’un anticorps anti-FVIII détectable à un taux ≥ 1 U selon la
méthode Bethesda.

Stratégie thérapeutique
Véritable urgence diagnostique et thérapeutique, la découverte d’une hémo-
philie acquise impose une prise en charge en milieu spécialisé. Le traitement
comporte deux volets : d’une part traiter les complications hémorragiques,
d’autre part éliminer l’autoanticorps. En réalité, aucun consensus n’existe
pour chacune des deux parties du traitement du fait de la rareté de l’anomalie
et de l’absence d’un nombre suffisant d’études prospectives.

Traitement antihémorragique
Deux stratégies peuvent être utilisées pour restaurer l’hémostase :
– élever le taux de FVIII à des valeurs au moins > 30 % en utilisant des
concentrés de FVIII porcin, voire humain;
– court-circuiter le FVIII en apportant soit des complexes prothrombiniques,
soit du FVII activé recombinant, soit rFVIIa (NovoSeven) qui activeraient
directement le FX.

FVIII humain
Contrairement à l’hémophilie constitutionnelle, les données pharmacocinéti-
ques du FVIII sont imprévisibles au cours de l’hémophilie acquise du fait
d’une inhibition souvent rapide et importante du FVIII humain par l’inhibi-
teur. Par conséquent, les concentrés de FVIII humain sont en général
cliniquement inefficaces chez la plupart des patients atteints d’hémophilie
acquise, sauf s’ils sont donnés à des patients avec un titre bas d’inhibiteur ou
s’ils sont associés à une stratégie de réduction de la concentration d’anticorps,
telle qu’une plasmaphérèse ou une immunoadsorption. En pratique, les
concentrés de FVIII humain offrent habituellement peu d’intérêt dans cette
indication. Néanmoins, ils peuvent être utilisés en l’absence ou dans l’attente
de thérapeutiques plus efficaces si le pronostic vital est engagé.

FVIII porcin
Son intérêt tient au fait que pour des doses égales au FVIII humain, il est
beaucoup plus efficace chez la plupart des patients atteints d’hémophilie
acquise, car l’inhibiteur n’a souvent que peu ou pas de réactivité croisée avec
le FVIII porcin. Malheureusement, comme pour le FVIII humain, la pharma-
cocinétique du FVIII porcin peut être imprévisible. En cas d’absence ou
d’échec d’autres alternatives thérapeutiques, la prescription de FVIII porcin,
qui nécessite une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative, peut
être réservée aux patients dont le taux d’inhibiteur vis-à-vis du FVIII humain
est relativement faible.
114 Maladies hémorragiques

Complexes prothrombiniques activés


Produits dérivés du sang comparables à du PPSB mais contenant en plus des
formes activées des facteurs de coagulation et des phospholipides, ils ont été
largement utilisés depuis 20 ans dans le traitement des inhibiteurs du FVIII.
Le produit utilisable en France est le Feiba (Baxter-Immuno). Les posologies
usuelles sont de 50 à 200 U/kg/j, soit en pratique une injection de 70 U/kg,
éventuellement renouvelée 8 ou 12 h plus tard, mais sans dépasser 200 U/kg/j.

rFVIIa
Une autre possibilité est le recours au FVII activé recombinant (rFVIIa, Novo-
Seven, voir chapitre 4). Produit par biotechnologie, il ne contient aucun produit
d’origine humaine. Administré à fortes doses supraphysiologiques, le rFVIIa est
bien toléré et a une efficacité clinique intéressante, réponse bonne ou partielle
après 8 et 24 h dans plus de 90 % des cas. La facilité d’administration et
l’absence d’effet secondaire ont permis une prise en charge à domicile des
patients hémophiles avec inhibiteurs ainsi que d’une femme ayant une hémo-
philie acquise en post-partum. La dose actuellement recommandée (AMM dans
cette indication) est de 90 µg/kg en bolus, répétée 2 h plus tard (en raison de la
demi-vie courte du produit), puis en fonction de l’évolution clinique toutes les 4
à 6 h jusqu’à disparition du risque ou du syndrome hémorragique.

Desmopressine
Elle peut être intéressante au cours des hémophilies acquises. Son effet peut
être très transitoire. Ce traitement n’a pas d’intérêt chez les patients ayant un
titre élevé d’inhibiteur et un taux bas de FVIII : son utilisation peut provoquer
un retard à la mise en place d’une thérapeutique plus efficace.
Ainsi, la prise en charge thérapeutique des complications hémorragiques est
fonction de leur sévérité, du contexte de survenue, des titres d’inhibiteur
contre le VIII humain et de la disponibilité en urgence des produits. Aucun de
ces produits n’est efficace de façon constante ce qui rend la prise en charge
difficile (tableau 3.VII). Un avis spécialisé auprès d’une équipe entraînée à ce
type de pathologie ou à la prise en charge des hémophilies constitutionnelles
est indispensable, mais il ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique.

Traitement immunosuppresseur
Débuté le plus tôt possible, il a pour objectif :
– de neutraliser l’anticorps par des immunoglobulines ou des plasmaphérèses;
– de supprimer la synthèse de l’anticorps par des stéroïdes seuls ou en associa-
tion aux immunosuppresseurs.

Neutralisation des anticorps


Un traitement par fortes doses d’immunoglobulines (posologie de 1 g/kg/j
pendant deux jours) apparaît intéressant car la réponse est rapide, survenant en
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 115

Tableau 3.VII. Traitements de l’hémophilie acquise

Traitement antihémorragique Traitement immunosuppresseur ou


En cas de syndrome hémorragique immunomodulateur
sévère : En première intention
NovoSeven : 90 à 100 µg/kg en IV à Prednisolone 1 mg/kg/j et
renouveler toutes les 2 h tant que Cyclophosphamide (Endoxan)
persiste le syndrome hémorragique. 2 mg/kg avec une durée minimale de
ou Feiba : 70 U/kg en une injection 6 semaines.
éventuellement à renouveler 8 ou
12 h plus tard, mais sans dépasser En seconde intention
200 U/kg/j. Immunoglobulines polyvalentes
Le FVIII humain (100 U/kg en IVD suivi 1 g/kg/j 2 jours consécutifs.
d’une perfusion de 5 à 10 U/kg/h) ne
devrait être utilisé qu’en l’absence ou Cas particuliers
dans l’attente d’autres produits. – contre-indication au
Les antifibrinolytiques ne doivent pas cyclophosphamide : corticoïdes
retarder l’utilisation de seuls ou immunoglobulines
thérapeutiques plus efficaces. polyvalentes 1 g/kg/j 2 jours
consécutifs ou association des deux.
En cas de syndrome hémorragique – post-partum : corticoïdes seuls ou
modéré : immunoglobulines polyvalentes
Possibilité d’utiliser en première 1 g/kg/j 2 jours consécutifs, ou
intention les antifibrinolytiques*. association des deux, corticoïdes et
Minirin par voie veineuse : 0,3 µg/kg, azathioprine (Imurel).
à renouveler éventuellement 12 h – échecs thérapeutiques : autres
plus tard. associations d’immunosuppresseurs
ou Octim par voie nasale : ou plasmaphérèses, rituximab
150 µg/spray (1 bouffée si poids < (Mabthera) : place à définir.
50 kg et 2 bouffées si poids > 50 kg)
En l’absence de syndrome
hémorragique :
Il n’y a pas lieu de proposer de traite-
ment antihémorragique en l’absence
de traumatisme sévère, de geste inva-
sif ou de chirurgie (une chute par
maladresse comme la chute de son lit
doit s’accompagner d’un traitement
antihémorragique préventif). En
revanche, une prophylaxie dont le
patient doit être informé doit être
envisagée : absence de prise d’aspi-
rine, d’AINS, d’antiagrégant plaquet-
taire, d’AVK, absence d’injection IM,
d’avulsion dentaire ou de geste chirur-
gical sans prophylaxie par exemple.
* Leur emploi ne doit pas retarder l’utilisation de thérapeutiques plus efficaces.
116 Maladies hémorragiques

moins d’une semaine. L’effet des fortes doses d’immunoglobulines semble


attribuable à la présence d’anticorps anti-idiotypiques dans le pool de plasma
ayant servi à préparer les immunoglobulines. Cependant, la réponse aux
immunoglobulines à fortes doses est loin d’être constante au cours de l’hémo-
philie acquise. Bien que la réponse ne puisse pas être prédite avec certitude,
les femmes jeunes et les patients ayant un faible titre d’inhibiteur sont ceux
qui répondraient le mieux à un tel traitement. De fait, les immunoglobulines
doivent probablement être considérées comme un traitement de seconde inten-
tion lorsque les autres modalités de traitement immunosuppresseur se sont
montrées inefficaces, ou en cas de contre-indication aux immunosuppresseurs
(chez l’enfant, la femme enceinte ou en post-partum).
Les méthodes d’épuration plasmatique extracorporelle de l’anti-FVIII : C
(immunoadsorption notamment) peuvent être utiles chez certains patients. Son
indication est encore difficile à préciser, bien qu’évidente dans certains cas
compliqués tels que l’échec curatif, voire préventif du traitement hémosta-
tique avec une hémorragie persistante ou récidivante. Son efficacité étant
habituellement transitoire, elle doit toujours être associée à un traitement
immunosuppresseur afin de bloquer la synthèse d’anticorps en aval.

Traitements immunosuppresseurs
L’indication et le type de traitement immunosuppresseur à proposer sont diffi-
ciles à codifier : d’une part du fait de la rareté de l’anomalie et du contexte
souvent variable de survenue, d’autre part du fait de l’évolution spontanée
imprévisible. Ainsi dans la cohorte américaine de 215 cas, des rémissions
spontanées ou avec une corticothérapie seule étaient possibles notamment
chez l’enfant ou dans le post-partum. Prescrite seule à des posologies de
1 mg/kg/j, la prednisone ne fait disparaître l’inhibiteur que dans environ 30 %
des cas. De fait, le recours d’emblée à une association corticoïdes-cyclophos-
phamide (2 mg/kg/j per os ou 0,7 g/m2 mensuel en bolus intraveineux) est
recommandé par la plupart des auteurs. D’autres associations telles que pred-
nisolone-azathioprine ou prednisone-cyclophosphamide-vincristine se sont
aussi montrées efficaces. Récemment des résultats encourageants ont été
publiés avec un nouvel anti-TNF utilisé pour des pathologies hématologiques
malignes (rituximab).
Un cas particulier est le post-partum pour lequel le recours à un traitement par
immunosuppresseur est discuté et surtout contraignant chez ces femmes en
âge de reproduction où les agents alkylants peuvent provoquer une infertilité.
Chez ces patientes, l’azathioprine et/ou les immunoglobulines à fortes doses
en association avec la prednisolone peuvent être préférées à la prednisolone
associée au cyclophosphamide.
Le dernier problème concerne la durée du traitement immunosuppresseur. La
plupart des patients répondent aux traitements immunosuppresseurs dans un
délai de 3 à 6 semaines mais, dans certains cas, la réponse est très lente,
s’échelonnant sur des semaines ou des mois. De fait aucun consensus ne peut
être proposé quant à la durée minimale de traitement qui repose en fait sur
l’évolution du taux de l’inhibiteur.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 117

BIBLIOGRAPHIE

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COAGULATION INTRAVASCULAIRE DISSÉMINÉE


Meyer-Michel SAMAMA, Sami GUERMAZI, Claire FLAUJAC

La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est un syndrome acquis


d’activation pathologique de la coagulation le plus souvent généralisée, plus
rarement localisée (tumeurs vasculaires) entraînant la formation de fibrine
intravasculaire, avec consommation excessive de plaquettes et de facteurs de
la coagulation (coagulopathies de consommation). La CIVD est souvent asso-
ciée à une activation et/ou à une dépression habituellement modérée de la
fibrinolyse.
La CIVD est un syndrome défini par l’association d’anomalies biologiques
avec ou sans signes cliniques.
Elle est dite :
– biologique lorsque les anomalies biologiques retrouvées, caractéristiques de
ce syndrome, n’ont pas de traduction clinique;
– clinique lorsqu’il existe des manifestations hémorragiques ou ischémiques;
– compliquée dès lors que le pronostic vital ou fonctionnel est mis en jeu ou si
elle s’associe à une ou plusieurs défaillances d’organes.
L’activation de la coagulation peut être très rapide ou progressive comme dans
certaines formes chroniques au cours de cancers par exemple. La multiplicité
des affections primitives causales rend compte de l’extrême diversité de la
présentation clinique et biologique de ce syndrome.

Physiopathologie
La CIVD est un syndrome dont la survenue relève de plusieurs facteurs :
– des facteurs déclenchants;
– des facteurs favorisants;
– des facteurs aggravants.

Facteurs déclenchants des CIVD


L’activation de la voie extrinsèque de la coagulation semble essentielle au
cours des affections compliquées de CIVD. Les facteurs responsables de
118 Maladies hémorragiques

CIVD induisent le plus souvent une libération du FT, activateur de la voie


exogène de la coagulation. Il proviendrait des monocytes, des cellules endo-
théliales vasculaires et des granulocytes. Plusieurs facteurs déclenchants,
souvent intriqués, peuvent être retrouvés :
– les altérations endothéliales étendues surviennent au cours des sepsis graves
par action des endotoxines bactériennes qui peuvent induire la sécrétion de
cytokines d’action pro-inflammatoire et procoagulante. Certaines atteintes
vasculaires étendues (syndrome de Kasabach-Meritt, Klippel Trenaunay par
exemple) sont responsables d’une activation de la coagulation par mise à nu
des structures sous endothéliales;
– les lésions tissulaires (brûlures, traumatismes en particulier crâniens, causes
obstétriciennes) peuvent libérer des substances de type FT qui activent la voie
extrinsèque de la coagulation. La chirurgie et les tumeurs de certains tissus ou
organes riches en FT (poumon, utérus, prostate, placenta) sont associées à un
risque accru de CIVD;
– l’expression par les cellules tumorales de FT ou d’autres molécules procoa-
gulantes comme une cystéine protéase (cancer procoagulant [CP]) capable
d’activer directement le FX en FXa indépendamment du FVII;
– les complexes antigènes-anticorps peuvent activer les facteurs contacts,
induire une agrégation plaquettaire et contribuer à la survenue de lésions
endothéliales au cours de virémies graves et des thrombopénies induites par
l’héparine (TIH);
– l’hémolyse aiguë intravasculaire entraîne la libération d’ADP et de phos-
pholipides d’action procoagulante;
– lors des envenimations par morsures de serpents ou piqûres de scorpions,
des substances activant la coagulation ou les plaquettes peuvent déclencher
une CIVD.
Certaines leucémies ou néoplasies se compliquent souvent de CIVD en raison
de la libération ou de l’expression par les cellules tumorales de substances
procoagulantes (voir chapitre 6). Dans ces cas, la défibrination peut aussi être
due à l’action de substances profibrinolytiques ou protéolytiques.

Facteurs favorisants
Ils contribuent à une accumulation de facteurs activés et à un défaut de neutra-
lisation de la thrombine :
– l’inhibition du système réticulo-histiocytaire (SRH) lors des états de chocs,
des insuffisances hépatiques sévères;
– la diminution des inhibiteurs physiologiques de la coagulation (AT, PC, PS,
TFPI);
– un dysfonctionnement systémique du système de la PC (diminution des
inhibiteurs, modification de l’expression de la thrombomoduline (TM) à la
surface des cellules endothéliales);
– l’inflammation systémique et les réponses cytokiniques (interleukine 6 [IL6]
principalement) qui entretiennent l’activation endothéliale et monocytaire, et
majorent l’activation de la coagulation;
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 119

– la diminution de l’activité fibrinolytique par élévation du PAI1, responsable


d’un défaut d’élimination des dépôts de fibrine.

Facteurs aggravants
– l’insuffisance circulatoire et le ralentissement de la microcirculation favori-
sent l’accumulation des facteurs activés de la coagulation;
– la diminution de la synthèse des facteurs de l’hémostase du fait de l’état de
choc ou d’une insuffisance hépatique est responsable d’un défaut de compen-
sation des facteurs consommés;
Ceci contribue à l’apparition d’insuffisances viscérales graves par défaut de
perfusion des organes nobles (rein, foie, cerveau, poumons). Une élévation
des LDH, de la créatinine, une baisse du pH ou de la pression artérielle en
oxygène (PaO2) doivent faire évoquer ces atteintes organiques.

Conséquences
Les différents facteurs impliqués dans la survenue de CIVD ont plusieurs
conséquences.

Activation de la coagulation
La génération non contrôlée de thrombine in vivo entraîne la consommation
des substrats naturels de la thrombine : fibrinogène, FV, FVIII, FXIII,
plaquettes. L’action de la thrombine sur le fibrinogène donne lieu à des mono-
mères de fibrine solubles qui constituent un argument diagnostique très
important en faveur de la CIVD.

Activation de la fibrinolyse
L’activation de la fibrinolyse est habituellement modérée au cours des CIVD.
Il s’agit d’un processus réactionnel de défense bénéfique qui vise à débar-
rasser les vaisseaux des dépôts de fibrine et donc à prévenir les défaillances
viscérales. La plasmine générée par l’activation de la fibrinolyse dégrade la
fibrine en produits de dégradation de la fibrine, dont les D-dimères (D-Di).
L’α2-AP permet normalement de contrôler l’action de la plasmine. En cas de
dépassement de cet inhibiteur, une fibrinolyse aiguë avec dégradation du fibri-
nogène (fibrinogénolyse) peut être observée.

Aspects cliniques
Les CIVD se voient au cours de très nombreuses circonstances pathologiques
rapportées dans le tableau 3.VIII. Les circonstances obstétricales sont les
moins rares. Les CIVD associées aux cancers métastatiques (prostate), à la
leucémie aiguë promyélocytaire ont été très étudiées. De nombreuses autres
causes, en particulier de rares tumeurs vasculaires, sont à l’origine de CIVD.
Plusieurs formes de CIVD sont distinguées (fig. 3.2).
120 Maladies hémorragiques

Tableau 3.VIII. Circonstances étiologiques des CIVD

CIVD sévères CIVD de degré modéré


– Pathologies obstétricales – Maladies cardiovasculaires
Hématome rétroplacentaire – Maladies auto-immunes
Embolie amniotique – Désordres hématologiques
Rétention d’œuf mort – Atteintes vasculaires rénales
Éclampsie – Maladies inflammatoires
Placenta prævia
Môle hydatiforme
– Septicémies
Gram positif (endotoxine)
Gram négatif (mucopolysaccharides)
– Infections virales sévères (HIV, CMV,
hépatites, herpès)
– Infections parasitaires et fongiques
graves
– Néoplasies
Tumeurs solides malignes (prostate,
poumon, pancréas par exemple)
Leucémies aiguës (à promyélocytes,
monoblastiques par exemple)
– Lésions tissulaires massives
Traumatismes majeurs
Brûlures étendues
Chirurgie lourde
Circulation extracorporelle
Embolie graisseuse
– Hémolyses intravasculaires
Hémolyses aiguës post-transfusionnelles
Hémolyse médicamenteuse
Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Drépanocytose
– Anomalies vasculaires malformatives
Hémangiome géant (Kasabach-Merritt par
exemple)
Anévrismes artériels
Coarctation de l’aorte notamment
– Choc
– Hypothermie
– Atteinte hépatique sévère (cirrhose)
– Syndrome hémolytique urémique
– Infarctus du myocarde
– Prothèses vasculaires
– Envenimations
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 121

Pathologie causale
Cancers, Sepsis
Complications obstétricales
Traumatismes, chirurgie majeure, autres

Syndrome d’activation systémique


de la coagulation
Génération de thrombine intravasculaire
Anomalies de l’hémostase discrètes

CIVD biologique
TP bas
Baisse du fibrinogène
Thrombopénie
Fibrine soluble
D-Dimères positifs

CIVD clinique
Syndrome hémorragique
Ischémie
Thromboses

CIVD compliquée
Défaillances multiviscérales
Pronostic fonctionnel/vital péjoratif

Fig. 3.2. Étapes de la CIVD.

❐ CIVD biologiques
Elles n’ont pas de traduction clinique. Le diagnostic de ce type de CIVD est
posé devant des anomalies de l’hémostase recherchées systématiquement au
cours de circonstances pathologiques réputées pourvoyeuses de CIVD (leucé-
mies, anévrismes étendus, cancers). Les CIVD dites chroniques ont souvent
une expression purement biologique mais une décompensation aiguë peut être
déclenchée par un acte chirurgical ou une aggravation de la symptomatologie.

❐ CIVD cliniques
Elles sont caractérisées par :
– un syndrome hémorragique :
- des hémorragies cutanéomuqueuses : purpura pétéchial et ecchymotique,
avec parfois des ecchymoses extensives dites en carte de géographie, gingi-
vorragies, épistaxis, reprise de saignements aux points de ponctions;
122 Maladies hémorragiques

- des hémorragies viscérales extériorisées ou non pouvant, par leur abondance


(hématémèses, hématuries, hémoptysies par exemple) ou leur localisation
(cérébrales en particulier), mettre en jeu le pronostic vital. En milieu chirur-
gical, on peut observer des hémorragies en nappes en période opératoire, ainsi
que des hémorragies notamment au niveau des drains, cathéters, plaies;
– des manifestations thrombotiques : des thromboses des gros vaisseaux avec
parfois des localisations insolites (mésentériques, axillaires par exemple), ou,
plus souvent, des thromboses au niveau des microvaisseaux qui peuvent
contribuer à la survenue de défaillances viscérales multiples : rein, poumons,
système nerveux central, foie, en particulier dans les fièvres hémorragiques.
Le syndrome hémorragique et l’état de choc sont prédominants au cours des
CIVD dites aiguës, alors que les formes subaiguës se manifestent souvent par
des manifestations thrombotiques.

❐ CIVD cliniques compliquées


Il s’agit de CIVD cliniques avec un pronostic vital ou fonctionnel péjoratif du
fait de l’intensité ou de la localisation des manifestations hémorragiques ou
thrombotiques (état de choc, hémorragie cérébrale, embolie pulmonaire par
exemple) ou de défaillances viscérales multiples. Les purpuras fulminans font
partie du groupe des CIVD compliquées.

❐ Diagnostic positif des CIVD


Devant un contexte clinique évocateur, le diagnostic de CIVD est confirmé par
le bilan d’hémostase qui montre :
– une thrombopénie modérée ou sévère : le nombre de plaquettes est < 50 G/l
dans la moitié des cas. Il faut toutefois tenir compte du contexte étiologique :
la thrombopénie peut être d’origine centrale au cours des leucémies et une
thrombocytose antérieure à la CIVD peut maintenir le taux des plaquettes
dans la zone normale;
– un allongement des tests de coagulation : le temps de Quick (TQ), le TCA et
le temps de thrombine (TT) sont plus ou moins allongés;
– une baisse du fibrinogène : absolue (< 2 g/l, voire < 0,5 g/l) ou relative si les
taux sont initialement augmentés (inflammation, grossesse par exemple);
– une baisse des facteurs activateurs de la coagulation et en particulier du FV;
– l’AT, les protéines C et S peuvent être abaissées;
– la présence de fibrine soluble; des résultats faussement positifs sont possi-
bles si le prélèvement a été difficile;
– la présence de produits de dégradation de la fibrine et en particulier des
D-Di constitue un argument clé du diagnostic positif des CIVD. La technique
de dosage choisie doit permettre la détection des D-Di dont le taux est
> 500 µg/l. Un taux de D-Di élevé peut se voir en dehors des CIVD :
processus thrombotiques, ou acte chirurgical par exemple;
– les signes d’hyperfibrinolyse : le temps de lyse des euglobulines peut être
modérément raccourci, avec une baisse du plasminogène, de l’α2-AP.
La figure 3.3 résume les principales anomalies biologiques observées au cours
des CIVD.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 123

– Activation de la coagulation :  fibrinogène,  facteur V,  plaquettes


 monomères de fibrine soluble
– Activation de la fibrinolyse :
* temps de lyse des euglobulines diminué (1 à 3 h en cas de fibrinolyse
modérée, valeurs normales > 3 h)
* D-dimères 
– Consommation des inhibiteurs :  AT, protéines C et S
– Signes de défaillances viscérales : LDH , variations du pH et de la PaO2

Fig. 3.3. Anomalies biologiques courantes au cours des CIVD.

Un sous-comité scientifique de l’ISTH a proposé d’établir un score de proba-


bilité de CIVD grâce aux résultats des tests courants d’exploration de
l’hémostase. Son application nécessite obligatoirement l’existence préalable
d’une circonstance pathologique favorisant la survenue de CIVD. Les paramè-
tres biologiques retenus sont :
– le nombre de plaquettes :
- < 50 G/l : 2 points,
- < 100 G/l : 1 point,
- > 100 G/l : 0 point;
– l’allongement du TQ :
- > 6 s : 2 points
- > 3 et < 6 s : 1 point,
- < 3 s : 0 point;
– le taux de fibrinogène :
- < 1 g/l : 1 point,
- > 1 g/l : 0 point;
– les complexes solubles, les monomères de fibrine ou les produits de dégra-
dation de la fibrine :
- modérément élevés : 1 point,
- franchement augmentés : 2 points.
Le diagnostic de CIVD est retenu si le score total est ≥ 5 et il est recommandé
de répéter ce score quotidiennement. Si le score est < 5 la CIVD est peu
probable, mais une surveillance biologique peut être nécessaire. Le TQ n’étant
pas toujours disponible certaines équipes ont proposé de retenir le TP, selon
les critères suivants :
– < 40 % (2 points);
– entre 40 et 70 % (1 point);
– > 70 % (0 point).
Les critères de CIVD selon le score de l’ISTH permettent de porter le
diagnostic de CIVD grave et témoignent d’une sévérité particulière des
patients. Il est associé à une augmentation de la mortalité. Des études prospec-
tives semblent encore nécessaires pour valider et/ou améliorer le score des
124 Maladies hémorragiques

CIVD compensées. Le diagnostic biologique des CIVD en milieu de réanima-


tion a également fait l’objet d’un consensus par la Société de réanimation de
langue française (SRLF); outre la positivité des D-Di, le diagnostic biologique
de CIVD est retenu s’il existe un critère majeur ou deux critères mineurs de
consommation.
Critères majeurs Critères mineurs
– numération plaquettaire ≤ 50 G/l > 50 et ≤ 100 G/l;
– taux de prothrombine en % de < 50 % < 65 et ≥ 50 %;
l’activité normale
– taux de fibrinogène ≤ 1 g/l
Selon ces scores, il reste difficile de poser un diagnostic biologique formel de
CIVD au cours de l’insuffisance hépatocellulaire. De même, chez le nouveau-
né, le taux de prothrombine n’est pas utilisable et les seuils des autres
marqueurs sont également différents.

Diagnostic différentiel
Fibrinogénolyse primitive
Très rares, elles justifient l’utilisation des antifibrinolytiques. Elles se différen-
cient des CIVD par :
– un temps de lyse des euglobulines très raccourci (< 30 min) ;
– une thrombopénie absente ou modérée;
– l’absence de complexes solubles;
– un taux normal d’AT;
– l’absence de D-Di et un taux en revanche élevé des PDF totaux.
Dans les cancers (tumeurs solides), il existe une dépression fréquente du
système fibrinolytique due à une élévation du PAI1. En revanche, une hyperfi-
brinolyse est souvent observée dans la leucémie promyélocytaire.

Insuffisance hépatique sévère


Il y a une baisse des facteurs de la coagulation. Mais le taux de D-Di est
normal ou peu augmenté. Les complexes solubles sont absents. Cependant,
une atteinte hépatique sévère peut induire une CIVD vraie.

Traitement
La stratégie de traitement dépend du stade de la CIVD (biologique, clinique,
compliquée), de la prédominance du syndrome hémorragique ou thrombo-
tique, de l’étiologie. Le traitement de la CIVD est d’abord et avant tout celui
de l’étiologie car il peut à lui seul corriger l’ensemble des anomalies de
l’hémostase : évacuation utérine en cas de CIVD obstétricale, lutte contre
l’état de choc, antibiothérapie au cours des sepsis graves, traitement anticancé-
reux (prostate). La lutte contre les défaillances viscérales est également très
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 125

importante. Les autres moyens thérapeutiques peuvent être de nature substitu-


tive ou spécifique.

Traitements substitutifs
La transfusion plaquettaire est indiquée en cas d’association d’une thrombo-
pénie < 50 G/l et de facteurs de risque hémorragique sévère (acte invasif par
exemple) ou d’hémorragie grave. Il est possible d’utiliser les concentrés
plaquettaires standard ou les concentrés plaquettaires d’aphérèse. La dose
recommandée s’élève à 0,55.1011 plaquettes/7 kg de poids corporel. L’effica-
cité de ces transfusions de plaquettes est limitée dans le temps (< 24 h).
Le plasma frais congelé sécurisé ou viro-atténué est indiqué dans les CIVD
avec effondrement des facteurs de la coagulation (TP < 35-40 %), associées à
une hémorragie ou à un risque d’hémorragie (acte invasif). Il apporte tous les
facteurs de la coagulation (activateurs et inhibiteurs) sans risque thrombogène.
La dose préconisée est de 10 à 15 ml/kg à répéter toutes les 12 à 24 h si la
CIVD persiste.
L’utilisation du fibrinogène n’est pas recommandée au cours des CIVD. Le
PPSB, potentiellement thrombogène, est même formellement contre-indiqué
et de plus n’apporte pas de FV (souvent fortement abaissé).
Le FVIIa recombinant a été administré chez des patients ayant une hémorragie
majeure et une CIVD. En dehors de cas rapportés, l’administration de ce
produit n’est pas validée par des études.

Traitements spécifiques
L’intérêt de la plupart de ces nouvelles approches thérapeutiques au cours des
CIVD reste à définir :
– un inhibiteur de la voie du FVII n’a pas fait la preuve de son efficacité au
cours du sepsis sévère chez l’homme;
– les concentrés de PC sont indiqués au cours du purpura fulminans néonatal
par déficit homozygote en PC. Ils pourraient être utilisés dans les CIVD des
cancers (études en cours). Un recombinant de la PCa peut être prescrit au
cours du sepsis associant deux défaillances d’organes. L’intérêt de ce produit
au cours des CIVD est discuté. Il semble être plus efficace en cas de CIVD
grave;
– l’AT augmente le taux de résolution des CIVD au cours du sepsis mais
l’effet bénéfique sur les défaillances d’organes et la mortalité est en cours
d’investigation. Aucune étude ne prouve l’intérêt de l’AT au cours des CIVD
obstétricales;
– l’héparinothérapie a été souvent utilisée au cours du purpura fulminans
postinfectieux, des embolies amniotiques, mais son efficacité n’est pas
démontrée et son utilisation n’est donc pas recommandée;
– l’efficacité des inhibiteurs ou activateurs de la fibrinolyse dans le traitement
de la CIVD n’est pas démontrée.
126 Maladies hémorragiques

BIBLIOGRAPHIE

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Thromb Haemost 2007; 5 : 604-606.
4 MOYENS
THÉRAPEUTIQUES

MÉDICAMENTS HÉMOSTATIQUES
Marie-Hélène HORELLOU, Ismail ELALAMY

Les saignements dus aux déficits d’un facteur de coagulation sont traités par
correction de ce déficit par apport du facteur manquant (perfusion de concen-
trés de FVIII chez les patients porteurs d’une hémophilie A qui présentent un
déficit en FVIII). Un traitement spécifique n’est cependant pas toujours
possible lorsque les déficits sont multiples ou lorsque aucune anomalie de
l’hémostase n’a été identifiée. Un petit nombre de médicaments peuvent
améliorer l’hémostase. L’efficacité de ces médicaments hémostatiques
(desmopressine, antifibrinolytiques) n’a jamais été parfaitement établie dans
des essais contrôlés, mais ils font partie de l’arsenal thérapeutique du médecin
pour le traitement des hémorragies. Nous inclurons également dans ce
chapitre les modalités d’utilisation de la vitamine K, pour la correction des
carences en vitamine K, source d’hémorragies par déficits en facteurs de
coagulation vitamine K-dépendants.

Desmopressine
Structure et mécanismes d’action
La desmopressine (1-désamino-8-D-arginine vasopressine [dDAVP]) diffère
de l’hormone naturelle par deux changements structuraux. Ces modifications
lui confèrent une plus grande efficacité, une plus longue durée d’action et une
diminution de l’effet vasopresseur. Ainsi la dDAVP est pratiquement dénuée
d’effet vasoconstricteur. La première et principale utilisation de la dDAVP
était à visée antidiurétique jusqu’à ce que l’on mette en évidence ses
propriétés hémostatiques. La dDAVP entraîne une augmentation rapide et
importante (taux de base multiplié par 3 à 5 fois) des taux de FVIII, du VWF
et de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) libérés à partir des cellules
endothéliales. Parallèlement sont observées une réduction du temps de saigne-
ment (TS) ainsi qu’une augmentation de l’adhésion et de l’agrégation
plaquettaire. L’augmentation des taux plasmatiques de FVIII et VWF, de t-PA
est quasiment immédiate.
Les indications de la desmopressine sont :
– l’hémophilie A modérée et atténuée (taux de FVIII > 5 %);
– la maladie de Willebrand en dehors des formes sévères ou de type IIB;
– l’allongement inexpliqué du TS en particulier au cours de l’insuffisance
rénale chronique;
128 Maladies hémorragiques

– les complications des traitements antiagrégants plaquettaires.


Analogues à ceux observés après perfusion de concentrés, ces effets permet-
tent l’utilisation de la dDAVP dans le traitement des hémophiles A non sévères
et des patients porteurs d’un déficit en VWF. La dDAVP est également utilisée
pour le traitement d’autres désordres constitutionnels ou acquis de l’hémos-
tase (tableau 4.I), situations dans lesquelles son efficacité est expliquée par des
taux supérieurs à la normale de FVIII et VWF, ainsi que par l’apparition des
multimères de plus haut poids moléculaire de VWF plus efficaces dans l’adhé-
sion des plaquettes au sous-endothélium.

Tableau 4.I. Indications de la dDAVP dans la prévention


et le traitement des complications hémorragiques

Niveau de
Situation clinique Études
recommandation
Hémophilie A modérée, MANNUCCI et al. B
Maladie de Willebrand de type 1 KOBRINSKI et al.
DE LA FUENTE et al.
Thrombopathies constitutionnelles RAO et al. C
Di Michèle
Thrombopathies médicamenteuses KOBRINSKI et al. C
(aspirine, ticlopidine) MANNUCCI et al.
Insuffisance rénale MANNUCCI et al. C
Cirrhose MANNUCCI et al. C
BURROUGHS et al.
Définition des niveaux de recommandation : efficacité et sécurité de la dDAVP montrées
par des essais thérapeutiques contrôlés (A), des études cliniques sans essais cliniques
contrôlés (B), des observations isolées (C).

Utilisation clinique
❐ Hémophilie A mineure
Le taux de FVIII minimum nécessaire à l’hémostase est voisin de 30 %. La
dDAVP est le traitement de choix des accidents hémorragiques et des situa-
tions chirurgicales chez les patients porteurs d’une hémophilie A atténuée et
modérée (taux de FVIII > 5 %), chez les conductrices d’hémophilie A. Son
administration intranasale permet son utilisation dans le traitement à domicile.
Chez les patients atteints d’hémophilie A modérée (taux > 5 %), les taux de
base augmentent de 2 à 6 fois après administration de dDAVP, mais pas chez
les patients atteints d’hémophilie A sévère. En général, des taux de base de 10
à 15 % sont nécessaires pour que les taux obtenus après dDAVP soient suffi-
sants pour corriger ou prévenir le saignement. Il existe une grande variabilité
interindividuelle de réponse, en revanche une grande constance pour un indi-
vidu donné. Chez les patients dont le taux est compris entre 6 et 10 %, une
réponse peut être obtenue mais cette efficacité peut être insuffisante et doit être
surveillée. Une étude de la réponse doit être réalisée chez chaque patient lors
Moyens thérapeutiques 129

du diagnostic ou au moins une semaine avant une chirurgie, afin de déterminer


si la correction de l’hémostase est suffisante. Elle doit figurer sur un document
remis au patient.

❐ Maladie de Willebrand
La dDAVP est indiquée dans la maladie de Willebrand en dehors des formes
sévères et de la maladie de Willebrand de type IIB. Elle est efficace dans le
traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de
certains actes chirurgicaux chez environ 70 à 80 % des patients porteurs d’une
maladie de type 1. Elle est complètement inefficace dans les types 3 (formes
sévères) et d’efficacité variable dans les types 2. Elle est classiquement contre-
indiquée dans les types 2B car elle risque d’aggraver la thrombopénie. La
réponse doit être étudiée et figurer sur le certificat attestant la maladie de
Willebrand remis au patient. La dDAVP peut être également utilisée dans
certaines formes de déficits acquis en VWF, mais la correction a une durée de
vie plus courte.

❐ Thrombopathies
Les manifestations hémorragiques peuvent être également améliorées par la
dDAVP dans de nombreuses thrombopathies héréditaires, à l’exception de la
thrombasthénie de Glanzmann. La dDAVP a montré une certaine efficacité
dans la correction des thrombopathies acquises des syndromes myéloprolifé-
ratifs et des thrombopathies médicamenteuses (aspirine, anti-inflammatoires,
antiagrégant plaquettaire, ticlopidine, clopidogrel par exemple). Un effet favo-
rable a également été trouvé dans les allongements du TS d’origine inconnue.

Désordres hémorragiques acquis


La dDAVP peut raccourcir le TS chez des patients atteints d’insuffisance
rénale pendant 4 à 6 h après la perfusion, ce qui permet son utilisation pour la
réalisation de gestes invasifs, de biopsies et de chirurgie. Dans cette situation,
les œstrogènes conjugués sont une alternative à la dDAVP. Un raccourcisse-
ment de courte durée du TS a également été observé chez les patients atteints
de cirrhose.

Réduction des pertes sanguines chirurgicales


Plusieurs études cas contrôles ont montré que la dDAVP ne diminuait que de
façon modérée (9 %) sans importance clinique majeure, le saignement en
chirurgie cardiaque, chirurgie orthopédique de prothèse totale. Toutefois, la
dDAVP reste une possibilité thérapeutique en cas d’hémorragie sévère
postopératoire.

Posologies et modes d’administration


La dDAVP peut être administrée par voie intraveineuse (Minirin 4 µg/1 ml) ou
par voie intranasale (Octim spray).
130 Maladies hémorragiques

La posologie est de 0,3 µg/kg de poids corporel pour la voie IV, la dose doit
être réduite à 0,2 µg/kg chez le sujet âgé ou présentant des troubles cardiovas-
culaires. La dose totale est diluée dans 50 à 100 ml de sérum physiologique et
administrée en perfusion intraveineuse lente (15 à 30 min). Le pic d’efficacité
est obtenu 30 à 60 min après la fin de la perfusion. La durée d’augmentation
des facteurs de coagulation est la même que celle observée après perfusion de
concentrés de facteurs. En cas de traitement préventif, l’administration doit
avoir lieu immédiatement avant l’acte chirurgical. Si une augmentation suffi-
sante du FVIII est observée après la première perfusion, les administrations
peuvent être répétées toutes les 12 h tant que la prophylaxie est jugée néces-
saire, sous réserve de contrôles répétés du taux du FVIII. Une tachyphylaxie
peut apparaître après trois à quatre doses, la correction étant alors faite par
concentrés de FVIII ou de VWF en cas de nécessité de poursuite de la correc-
tion lors des actes de chirurgie majeure.
La posologie intranasale est de 150 µg en dessous de 50 kg de poids corporel
et 300 µg au dessus (1 pulvérisation dans chaque narine). Une efficacité simi-
laire a été obtenue aussi bien par voie nasale que par IV chez des patients
atteints d’hémophilie A ou de maladie de Willebrand. La prescription d’Octim
est hospitalière, annuelle, sous la responsabilité d’un médecin ayant l’expé-
rience du traitement de l’hémophilie et de la maladie de Willebrand.
La prescription d’antifibrinolytiques est associée à la perfusion de dDAVP
dans les saignements buccaux ou lors des extractions dentaires chez les
patients présentant une tendance hémorragique pour prévenir la fibrinolyse
excessive liée à la perfusion de dDAVP d’une part (libération du t-PA) et liée à
la fibrinolyse locale (salive).

Effets secondaires et complications


Des céphalées transitoires, un flush de la face et une tachycardie réactionnelle
sont fréquemment observés. Une hyponatrémie et une rétention hydrique
peuvent survenir lors des administrations répétées en raison des propriétés
antidiurétiques de la dDAVP. La surveillance du poids, de la natrémie et la
restriction hydrique sont conseillées lors des administrations répétées. Les
essais cliniques en chirurgie cardiaque n’ont pas montré d’augmentation des
complications thromboemboliques chez les patients recevant la dDAVP. Une
réduction de la posologie et de la vitesse d’administration est toutefois
conseillée chez les patients âgés ou présentant des troubles cardiovasculaires
(insuffisance coronarienne, hypertension artérielle).

Médicaments antifibrinolytiques
Mécanismes d’action
Les antifibrinolytiques peuvent agir à deux niveaux de la fibrinolyse :
– en se fixant sur le plasminogène dont ils inhibent en partie l’activation, inhi-
bant ainsi la formation de plasmine (acide tranexamique : Exacyl, Spotof);
Moyens thérapeutiques 131

– ou en inhibant directement la plasmine : l’aprotinine (Trasylol) est un poly-


peptide d’origine bovine. Il inhibe spécifiquement les sérines protéases. C’est
ainsi un inhibiteur direct de la plasmine, de la trypsine, de l’élastase et de la
kallicréine tissulaire et plasmatique.

Pharmacocinétique et modes d’administration


❐ Acide tranexamique
Après administration par voie orale (20 mg/kg), l’absorption est rapide avec
une concentration sanguine maximale entre la 2e et la 3e heure, le produit
n’étant plus retrouvé à la 6e heure. Après administration par voie IV (500 mg),
la concentration maximale est immédiate, la demi-vie est de l’ordre de 3 h. La
posologie de l’Exacyl est de 2 à 4 g/24 h à répartir en deux à trois prises (soit
quatre à 8 comprimés/j, soit deux à quatre ampoules buvables soit deux ou
trois injections). Chez l’enfant la posologie est de 20 mg/kg/j. La posologie du
Spotof est la même, mais il n’existe pas de forme injectable.

❐ Aprotinine
Elle n’est efficace que par voie IV. Après son administration, il est observé une
distribution rapide de l’aprotinine dans l’espace extracellulaire. L’élimination
plasmatique est biexponentielle. Elle a été récemment retirée du marché.

Utilisation clinique
Les antifibrinolytiques sont utilisés dans la prévention et le traitement des
accidents hémorragiques entretenus par une fibrinolyse locale (utilisation
préférentielle de l’acide tranexamique par voie orale) ou le traitement d’une
fibrinolyse systémique (administration intraveineuse d’acide tranexamique
dans les fibrinolyses sévères).

❐ Prévention et traitement de la fibrinolyse locale


L’acide tranexamique est utilisé par voie locale (bains de bouche, rinçage de
cavités) ou générale dans les situations au cours desquelles une fibrinolyse
locale excessive cause ou entretient le saignement, plus particulièrement chez
les patients présentant une hémostase défectueuse (hémophile A, déficit en
VWF).

❐ Traitement des ménorragies


Les règles abondantes sont la cause la plus fréquente d’anémie par carence en
fer chez la femme. L’acide tranexamique réduit le volume des règles de 40 à
50 %, par inhibition de la fibrinolyse locale au niveau de l’endomètre riche en
activateur du plasminogène. L’acide tranexamique ne sera utilisé qu’après
élimination d’une cause locale et en cas de contre-indication aux œstroproges-
tatifs qui sont plus efficaces dans le traitement des ménorragies.
L’administration d’acide tranexamique sera limitée à la durée des règles.
132 Maladies hémorragiques

❐ Hémorragies digestives
Les nouvelles possibilités thérapeutiques générales et endoscopiques sont
actuellement préférées à l’utilisation de l’acide tranexamique malgré les résul-
tats d’études anciennes montrant son efficacité dans le traitement des
hémorragies digestives liées aux ulcères gastriques et rupture de varices
œsophagiennes, réduisant les récidives, la nécessité d’une chirurgie et la
mortalité.

❐ Hématuries d’origine basse


Ce sont les hématuries des adénomes prostatiques, des néoplasies malignes
prostatiques et vésicales, des lithiases et plus généralement des affections
urinaires hémorragiques au décours des interventions chirurgicales prostati-
ques et du tractus urinaire. L’administration se fera par voie IV puis par voie
orale jusqu’à cessation des hématuries. Ces traitements sont contre-indiqués
dans les hématuries d’origine haute en raison du risque de colique néphrétique
par accumulation de caillots.

❐ Hémorragies après extraction dentaire et chirurgie


de la sphère ORL
L’acide tranexamique est administré par voie orale et bains de bouche pendant
4 à 7 jours après l’extraction ou l’intervention chirurgicale (adénoïdectomie
amygdalectomie) chez les patients présentant un déficit constitutionnel ou
acquis de l’hémostase.

❐ Traitement d’une fibrinolyse systémique


Les antifibrinolytiques peuvent être utilisées lors des situations de fibrinolyse
systémique, source de complications hémorragiques sévères et plus particuliè-
rement dans les situations suivantes :
– accidents hémorragiques des traitements thrombolytiques. Rappelons toute-
fois que les thrombolytiques, t-PA recombinant (rt-PA), urokinase, TNK ont
une demi-vie courte de 5 à 30 min, l’activité fibrinolytique disparaissant très
vite après leur arrêt. Les hémorragies sont plus souvent dues à la diminution
du fibrinogène et des autres facteurs de coagulation qu’à une activité fibrinoly-
tique excessive. La correction de ces déficits est un adjuvant du traitement
antifibrinolytique. La décision d’administration d’antifibrinolytiques et plus
particulièrement d’aprotinine devra tenir compte de l’heure de la dernière
administration de thrombolytiques;
– hémorragies sévères associées à une fibrinolyse excessive : une fibrinolyse
excessive peut compliquer les coagulopathies de consommation au cours des
défibrinations obstétricales (embolie amniotique, hématome rétroplacentaire
par exemple), chirurgicales (chirurgie des vaisseaux, de l’utérus par exemple),
des cancers (cancer de la prostate), des leucémies (leucémies à promyélo-
cytes). L’administration d’antifibrinolytiques peut être discutée lors des
manifestations hémorragiques sévères persistantes et fibrinolyse grave;
Moyens thérapeutiques 133

– transplantation hépatique : une augmentation importante de l’activateur du


plasminogène est observée lors de transplantation hépatique. Cette fibrinolyse
systémique peut se compliquer de manifestations hémorragiques. Une diminu-
tion des complications hémorragiques et des besoins transfusionnels par
l’administration intraveineuse d’acide tranexamique ou d’aprotinine avait été
montrée chez un petit nombre de patients. Mais la comparaison au placebo n’a
pas montré de différence significative. Les antifibrinolytiques ne sont donc pas
utilisés en systématique dans cette chirurgie;
– en chirurgie cardiaque, chez des patients sous antiplaquettaires, l’utilisation en
prophylaxie de l’acide tranexamique diminue le saignement postopératoire et
réduit le nombre de transfusions d’environ 25 %. L’aprotinine n’est plus dispo-
nible depuis le 1er juillet 2008. Cette décision fait suite à la publication des
données définitives de l’étude BART1 menée au Canada. Cette étude institution-
nelle, multicentrique, en aveugle, randomisée, menée chez des patients subissant
une chirurgie cardiaque à haut risque hémorragique nécessitant une circulation
extracorporelle, était destinée à comparer l’efficacité et la sécurité de l’aprotinine,
de l’acide aminocaproïque et de l’acide tranexamique chez 2 331 patients. Les
patients devaient subir soit une chirurgie cardiaque (reprise), soit un remplace-
ment de la valve mitrale, soit une chirurgie sur valve multiple, soit une chirurgie
de l’aorte, soit une chirurgie combinée valve/pontage. Ces résultats confirment
les données préliminaires transmises par le comité indépendant de surveillance
de l’étude en octobre 2007 : une diminution modeste des hémorragies massives
dans le bras Trasylol vs acide tranexamique ou acide aminocaproïque (9,5 % vs
12,1 % dans chacun des deux derniers bras), mais aussi une augmentation signifi-
cative de la mortalité toutes causes confondues à 30 jours, 6 % dans le bras
Trasylol vs 3,9 % dans le bras acide tranexamique (risque relatif [RR] 1,55;
IC 95 %, 0,99 à 2,42) et 4 % dans le bras acide aminocaproïque (RR 1,52;
IC 95 %, 0,98 à 2,36). Le risque relatif est significatif lors du regroupement des
deux bras analogues de la lysine (RR 1,53; IC 95 %, 1,06 à 2,22).
– amylose systémique avec fibrinolyse primitive : les complications hémorra-
giques sont des causes fréquentes de mortalité dans l’amylose systémique, liée
le plus souvent à un déficit en FX. Une fibrinolyse systémique détectée par
une diminution du fibrinogène est plus rarement retrouvée. Le mécanisme de
cette hyperfibrinolyse est lié à un déficit en α2-AP, absorbée sur la substance
amyloïde L’administration d’acide tranexamique améliore l’hémostase et
réduit les manifestations hémorragiques.

❐ Effets secondaires
Des nausées, vomissements, diarrhées, vertiges, lipothymies, convulsions
éruptions cutanées allergiques ont rarement été observées lors de l’administra-
tion d’acide tranexamique. Une réduction des doses est recommandée chez les
insuffisants rénaux.
L’inhibition de la fibrinolyse, mécanisme de défense contre la formation des
thrombi, peut favoriser les complications thromboemboliques, plus particulière-
ment dans les situations chirurgicales. Des observations isolées ont été rapportées,
mais il n’a pas été montré d’augmentation significative des complications throm-
boemboliques dans les essais en chirurgie cardiaque et orthopédique.
134 Maladies hémorragiques

Vitamine K1
Mode d’action
La vitamine K1 est utilisée dans le traitement et la prophylaxie des hémorra-
gies liées aux déficits en facteurs vitamine K-dépendants (FII, FVII, FIX, FX),
déficits induits par la carence en vitamine K. L’effet de la vitamine K1 n’est
pas immédiat, même lorsque celle-ci est administrée par voie IV. Le délai
d’action conduit à lui associer d’emblée des facteurs de coagulation (Kaskadil,
plasma frais) dans les hémorragies sévères. La carence en vitamine K peut
avoir différentes origines (voir chapitre 3).

Posologie et mode d’administration de la vitamine K1


La vitamine K1 est disponible sous deux formes :
– solution buvable et injectable à 2 mg/0,2 ml;
– solution buvable et injectable à 10 mg/ml.
La posologie et le rythme d’administration de la vitamine K dépendent de
l’âge, des indications, de la voie d’administration et des résultats des tests de
coagulation.

Maladie hémorragique du nouveau-né


Pour les nouveau-nés sans risque particulier : 2 mg per os à la naissance ou
tout de suite après, puis une deuxième dose de 2 mg per os administrée entre
le 2e et le 7e jour.
En cas d’allaitement maternel exclusif ou « quasi exclusif » (la teneur en vita-
mine K du lait maternel étant insuffisante par rapport aux apports
recommandés) : en complément des recommandations précédemment citées
pour les nouveau-nés sans risque particulier, 2 mg per os par semaine, jusqu’à
la fin de la période d’allaitement exclusif.
Pour les nouveau-nés à risque hémorragique majoré ou présentant une situa-
tion où l’absorption de la vitamine K1 peut être insuffisante, ou son
métabolisme accéléré : 0,5 à 1 mg par voie IM ou IV lente à la naissance ou
tout de suite après.
Traitement de la maladie hémorragique du nouveau-né : dose initiale de 1 mg
par voie IM ou IV lente. Les doses ultérieures sont fonction des paramètres de
la coagulation.

Prévention et traitement des hémorragies par avitaminose K


Solution buvable et injectable à 10 mg/ml.
Carence d’apport :
– antibiothérapie à large spectre prolongée (destruction de la flore intestinale
réalisant la synthèse de la vitamine K);
– alimentation parentérale exclusive non supplémentée en vitamine K;
Moyens thérapeutiques 135

– prévention des hypoprothrombinémies des nouveau-nés dont les mères sont


traitées pendant la grossesse par des inducteurs enzymatiques (certains anti-
épileptiques ou certains antituberculeux);
– carence de résorption digestive (en effet, la vitamine K1 nécessite, pour être
absorbée au niveau de l’intestin grêle, la présence de sels biliaires et de suc
pancréatique) :
- obstructions, fistules biliaires,
- atrésie des voies biliaires du nourrisson et du jeune enfant,
- syndrome de malabsorption (résection intestinale étendue, mucovisci-
dose, colite ulcéreuse, maladie de Crohn, dysenterie).
Hypoprothrombinémies :
– induites par les anticoagulants oraux (antivitamines K [AVK]);
– induites lors d’une intoxication par les raticides;
– autres hypoprothrombinémies d’origine médicamenteuse, lorsqu’il est établi
qu’elles résultent d’une interférence avec le métabolisme de la vitamine K1
(par exemple : latamoxef).

Utilisation de la vitamine K dans les surdosages


en antivitamines K (AVK)
En cas d’élévation excessive de l’INR, avec ou sans manifestations hémorragi-
ques, l’administration de petites doses de vitamine K permet un retour rapide
de l’INR dans les zones thérapeutiques. En l’absence d’hémorragie mena-
çante, il faut éviter l’utilisation systématique de fortes doses de vitamine K qui
peuvent rendre le patient résistant au traitement AVK. Les recommandations
d’utilisation de la vitamine K dans ces surdosages en AVK sont abordées dans
le chapitre spécifique aux AVK.
Dans les intoxications par les raticides, des doses supérieures (50 mg) et répé-
tées plusieurs jours sont nécessaires pour corriger l’hypocoagulabilité majeure
induite par les raticides du fait de la libération progressive et prolongée de ces
produits.
Effets indésirables : des réactions d’hypersensibilité (choc anaphylactique,
urticaire) ont été décrites.

NovoSeven
Une place particulière doit être réservée au NovoSeven obtenu par génie géné-
tique, surtout utilisé dans l’hémophilie avec anticoagulants circulants (ACC).
Il a été également employé à titre compassionnel dans des accidents hémorra-
giques engageant le pronostic vital et résistant aux thérapeutiques habituelles,
en particulier les thrombopénies sévères résistantes au traitement, la throm-
basthénie de Glanzman…
Le NovoSeven (eptacog alfa [activé] ou rFVIIa) est du FVII activé (convertine)
recombinant. Le FVIIa est l’initiateur naturel de la coagulation. Sa liaison au
FT relargué en cas de lésion vasculaire permet la conversion du FX en FXa qui
au sein du complexe enzymatique de la prothrombinase autorise la génération
136 Maladies hémorragiques

de thrombine même en l’absence de FVIII ou de FIX. Il a été montré sur des


modèles cellulaires expérimentaux que le FVIIa est capable de se lier avec une
grande affinité sur les plaquettes activées au niveau des molécules de phospha-
tidylsérine exposées en surface. Le rFVIIa favorise ainsi l’hémostase locale.
Il est indiqué :
– pour le traitement des accidents hémorragiques engageant le pronostic vital;
– en cas d’interventions chirurgicales :
- chez les patients ayant une hémophilie constitutionnelle ou acquise avec
inhibiteurs de titre > 10 unités Bethesda,
- chez les patients avec un titre d’anticorps inférieur mais pour lesquels une
forte réponse anamnestique au FVIII ou au FIX est prévisible.
Son efficacité a été démontrée chez des hémophiles présentant des épisodes
hémorragiques en contexte chirurgical ou à domicile après l’échec des autres
thérapeutiques classiques. Il apparaît en général parfaitement bien toléré.
Toutefois, dans des circonstances pathologiques associées à une libération
accrue de FT, une dissémination systémique de la coagulation ne peut être
écartée. Elle peut alors entraîner la survenue de thrombose imputable au
NovoSeven. L’administration de ce produit est généralement réalisée dans un
hôpital au sein d’un centre spécialisé. En cas d’administration à domicile,
celle-ci doit être réalisée en étroite collaboration avec le centre d’hémophilie
où le patient est régulièrement suivi.
Le NovoSeven doit être administré dès que possible après le début de l’épisode
hémorragique. La dose initiale recommandée, administrée en bolus intravei-
neux, est de 90 µg par kg de poids corporel. Après la dose initiale de
NovoSeven, d’autres injections peuvent être nécessaires, administrées à 3 h
d’intervalle. La durée du traitement et l’intervalle entre les injections varieront
en fonction de la sévérité de l’hémorragie, des procédures invasives ou de
l’intervention chirurgicale pratiquée. Il n’existe pas de surveillance biologique
simple et efficace.
La contre-indication du NovoSeven est l’hypersensibilité connue aux protéines
de souris, de hamster ou bovines. Il est déconseillé d’utiliser le NovoSeven
simultanément avec des concentrés de complexes prothrombiques. En
revanche, la combinaison aux antifibrinolytiques peut être utile. Chez la
femme enceinte ou qui allaite, l’utilisation ne devra être réalisée qu’en cas de
nécessité absolue compte tenu du manque d’information sur la tératogénicité
et le passage possible dans le lait.
Bien qu’aucune complication thrombotique n’ait été rapportée suite à un
surdosage (800 g/kg), des précautions d’emploi sont requises en cas d’antécé-
dents athérothrombotiques ou thromboemboliques veineux compte tenu du
risque potentiel d’accident vasculaire artériel ou de récidive thrombotique et
bien entendu en cas de CIVD évolutive.
Une immunisation secondaire au NovoSeven avec des anticorps anti-VII est
décrite en cas de déficit constitutionnel en FVII.
Le NovoSeven est également proposé dans le traitement des hémorragies
chirurgicales, obstétricales ou post-traumatiques. L’utilisation potentielle du
NovoSeven autoriserait un contrôle immédiat du saignement, une possibilité
Moyens thérapeutiques 137

d’acte chirurgical avec une réanimation adéquate des désordres métaboliques


et thermiques. Dans une méta-analyse récente (Ranucci) reprenant sept études
randomisées comparant l’efficacité du NovoSeven au placebo en chirurgie
majeure, essentiellement chirurgie cardiaque et transplantation hépatique, une
réduction de 30 % du nombre d’unités transfusées est observée chez les
patients recevant des doses de NovoSeven supérieures ou égales à 50 µg/kg
sans diminution de la mortalité ni augmentation du nombre de complications
thromboemboliques.

Hémostatiques divers
Étamsylate (Dicynone)
L’étamsylate est une substance synthétique. Elle augmente l’adhésivité des
plaquettes au verre, diminue la fragilité des capillaires et raccourcit le TS du
sujet sain. L’étamsylate est proposé à la dose de 1 500 mg/j (6 comprimés à
250 mg ou 300 à 500 mg ou ampoule de 250 mg administrables par voie IV ou
voie IM) dans les saignements par fragilité capillaire, les ménorragies. Cette
médication est également proposée aux patients sans tendance hémorragique
accrue qui doivent subir une extraction dentaire, une amygdalectomie. Ces
indications n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées. Des fièvres, céphalées,
troubles digestifs (nausées, diarrhées, vomissements), des réactions allergi-
ques peuvent être observés.

Reptilase
Extrait de venin de serpent, la reptilase est proposée dans le traitement symp-
tomatique des hémorragies chirurgicales en per- et/ou postopératoire, des
hémorragies médicales diverses (épistaxis, hémoptysie, hématurie, ménomé-
trorragies) non liées à un déficit en facteur de coagulation. La reptilase est
administrée par voie IV, sous-cutanée ou locale à la dose d’une à trois
ampoules par 24 h. La voie IM est bien sûr contre-indiquée en cas de perturba-
tion de l’hémostase.

Hémostatiques à usage local


Des médications peuvent être utilisées au niveau même de l’hémorragie :
– la reptilase peut être utilisée comme traitement local des hémorragies;
– des compresses de collagène d’origine bovine (Pangen) peuvent être appli-
quées sur le site hémorragique. Le collagène exogène participe au processus
d’hémostase permettant l’adhésion des plaquettes. Le Pangen n’est disponible
qu’en pharmacie hospitalière;
– colles hémostatiques (Tissucol Kit, Beriplast) : uniquement réservées à
l’usage hospitalier, ces colles sont utilisées comme traitement adjuvant destiné
à favoriser l’hémostase locale lors des interventions chirurgicales. Cette colle
est constituée de deux poudres contenant des facteurs d’hémostase (fibrino-
gène, FXIII, fibronectine, plasminogène, thrombine), mises en solution en
présence d’aprotinine et de calcium.
138 Maladies hémorragiques

BIBLIOGRAPHIE

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PRODUITS SANGUINS LABILES (PSL)


ET PRODUITS SANGUINS STABLES (PSS)
UTILISÉS DANS LES MALADIES HÉMORRAGIQUES
OU THROMBOSANTES
Jean-Jacques LEFRÈRE, Jean-Jacques CABAUD, Bertrand ROUSSEL

Il existe deux catégories de produits sanguins :


– les produits sanguins labiles (PSL) à durée de conservation limitée dans le
temps : de quelques jours à quelques mois selon les produits;
– les produits sanguins stables (PSS) à durée de conservation plus prolongée.
Moyens thérapeutiques 139

Les premiers sont préparés par l’Établissement français du sang (EFS) qui les
distribue aux prescripteurs. Ces PSL sont définis réglementairement et doivent
être conformes à des normes de qualité et préparés selon des règles strictes
appelées « bonnes pratiques transfusionnelles ». Ces dernières incluent les
bonnes pratiques de transport (maîtrise de la chaîne du froid, dans le temps et
dans la distance), d’autant que ces dernières ont acquis une importance particu-
lière en raison du récent regroupement des établissements en « régions ». Les
dons collectés, les échantillons à tester et les produits sanguins délivrés sont
désormais soumis à une traçabilité stricte imposant une logistique rigoureuse.
Les seconds sont préparés industriellement à partir du plasma humain. Ils consti-
tuent des « médicaments dérivés du sang » : c’est pourquoi, depuis janvier 1995,
ils font l’objet d’une AMM ou d’une ATU, délivrées l’une et l’autre par l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Ces dernières années ont vu une amélioration de la sécurité de ces produits,
notamment sur le plan virologique, avec un renforcement des critères de sélection
des donneurs de sang, la déleucocytation systématique des produits sanguins et la
systématisation du dépistage génomique viral sur tous les dons de sang.

Produits sanguins labiles


Concentrés de globules rouges (CGR)
❐ CGR déleucocyté
Le CGR déleucocyté représente aujourd’hui le produit de base qui répond à
une indication majeure de la transfusion : la correction du déficit en hématies.
En effet, l’objectif le plus courant de la transfusion est de fournir un transpor-
teur d’oxygène chez un malade anémique : le globule rouge doit atteindre les
tissus en passant à travers des capillaires d’un diamètre inférieur à son propre
diamètre; il doit avoir conservé une membrane intacte permettant sa déforma-
bilité, laquelle dépend du taux intracellulaire de l’adénosine triphosphate
(ATP). Il doit en outre être capable de libérer l’oxygène qu’il transporte au
profit des tissus.
La déleucocytation par filtration sur fibres textiles permet d’obtenir un produit
sanguin contenant moins de 1.106 leucocytes résiduels. La durée de conserva-
tion à une température comprise entre +2 °C et +8 °C ne doit pas dépasser 6 h
lorsque la préparation est réalisée en circuit semi-ouvert. Un système de
connexion stérile ou des dispositifs de filtration intégrés au kit de prélèvement
permettent de réaliser cette transformation en circuit clos et, ainsi, de
préserver la durée initiale de conservation des globules rouges.
Dans sa présentation « unité adulte », le CGR déleucocyté est préparé après
soustraction du plasma, qui est séparé par centrifugation d’une unité de sang
total; les globules rouges isolés sont resuspendus dans une solution de conserva-
tion qui contient du chlorure de sodium, de l’adénine et du glucose (SAG) ou
ces substances additionnées de mannitol (SAGM) dans des proportions définies.
Le volume minimal du CGR homologue déleucocyté « unité adulte » est de
125 ml. Ce volume tient compte du volume résiduel de la solution anticoagulante
140 Maladies hémorragiques

et de conservation. Le contenu minimal en hémoglobine de l’unité adulte est de


40 g. Son hématocrite (pourcentage du volume globulaire par rapport au volume
sanguin total) est compris entre 50 % et 70 %.
Le CGR déleucocyté doit être conservé dans une enceinte thermostatée et
contrôlée par un système d’alarme, à une température comprise entre + 2 °C et
+ 8 °C. La durée de conservation est de 42 jours si l’on utilise la solution
SAG-mannitol, ce qui est aujourd’hui la situation la plus fréquente.

Si le circuit ou la poche de prélèvement sont ouverts pendant la prépara-


tion, le délai de conservation est réduit à 6 h au maximum. Dans tous les
cas, une ouverture accidentelle conduit à l’élimination du produit sanguin.
En cas de transport du produit sanguin, la température ne peut dépasser
de plus de 2 °C la température maximale de conservation pendant 24 h.
Une unité entamée ou ouverte par piqûre ou de quelque autre façon que
ce soit est impropre à tout usage ultérieur et doit être détruite selon la
procédure d’élimination des déchets validée dans l’établissement et dans
le respect de la traçabilité.
Lorsqu’un produit quitte le lieu de distribution quel qu’il soit, il doit être
transfusé dans les 6 h, étant entendu que toutes les procédures de conser-
vation et de transport ont été respectées.

Les CGR déleucocytés sont indiqués dans le traitement de l’anémie, qu’elle soit
d’origine médicale, chirurgicale ou obstétricale, lorsqu’elle entraîne un défaut
d’oxygénation tissulaire risquant d’entraîner des dommages irréversibles.
En pratique, l’intensité de l’anémie et la tolérance clinique sont les éléments
majeurs qui guident les indications de la transfusion de CGR déleucocytés.
Mais le traitement d’une anémie exige avant tout de connaître son étiologie :
si la transfusion peut constituer le traitement d’urgence, elle ne doit en aucun
cas se substituer à un traitement spécifique. En outre, elle ne doit s’appliquer
qu’après le prélèvement des examens nécessaires au diagnostic et qui pour-
raient être modifiés par la transfusion.

❐ CGR déleucocyté phénotypé


Il s’agit d’un CGR (ou d’un concentré de globules rouges congelés) dont les
antigènes de groupes sanguins ont été déterminés pour au moins cinq spécifi-
cités autres que celles définissant les antigènes ABO et D (rhésus Rh
standard). Le phénotypage concerne toujours les antigènes C, E, c, e, K, et
plus rarement (phénotype étendu) les antigènes Fya, Fyb, Jka, Jkb, Ss qui sont
impliqués dans les allo-immunisations transfusionnelles ou fœto-maternelles.
L’usage des concentrés phénotypés, c’est-à-dire sélectionnés selon le phéno-
type du receveur, permet de réduire significativement :
– les allo-immunisations antiérythrocytaires représentant un risque chez les
jeunes receveuses et les femmes en âge de gestation, certains alloanticorps (anti-
D, le plus fréquent, mais aussi anti-c, anti-E et anti-K) pouvant être responsables
d’une maladie hémolytique néonatale lors d’une grossesse ultérieure;
Moyens thérapeutiques 141

– les allo-immunisations chez les receveurs atteints d’anémies chroniques et


d’hémopathies (thalassémie, drépanocytose, dysérythropoïèse acquise, par
exemple) qui nécessitent des transfusions itératives. Le qualificatif phénotypé
est recommandé chez les enfants.
Les CGR déleucocytés phénotypés permettent aussi d’obtenir une meilleure
compatibilité donneur-receveur et d’éviter les accidents transfusionnels chez
les malades déjà immunisés. Dans ce cas, pour des raisons de sécurité, la sélec-
tion du sang phénotypé doit s’accompagner d’une épreuve de compatibilité au
laboratoire, et ce d’autant qu’il existe déjà la notion de la présence d’un alloan-
ticorps anti-érythrocyte. En aucun cas, la réalisation de ce test au laboratoire ne
doit se substituer au contrôle ultime prétransfusionnel dit « au lit du malade ».

❐ CGR déleucocyté congelé


La congélation à très basse température est le meilleur procédé de conserva-
tion des globules rouges, permettant une conservation de longue durée sans
perte d’efficacité fonctionnelle.
Ce sont des suspensions d’érythrocytes provenant d’une unité de CGR déleu-
cocyté, préparée à partir d’un sang total immédiatement après addition d’un
milieu cryoprotecteur (glycérol), congelés et conservés à – 180 °C en azote
liquide, à – 80 °C (congélateur électrique). Après décongélation au bain-
marie, les globules rouges sont lavés en solution d’osmolarité décroissante
pour éliminer le glycérol et remis en suspension dans du sérum physiologique
tamponné et glucosé.
La conservation des globules rouges à l’état congelé est pratiquement illi-
mitée. Cependant, une fois décongelés, les globules rouges doivent être
utilisés le plus tôt possible dans les 24 h suivant la décongélation.
La congélation des globules rouges est le meilleur procédé de conservation,
mais le coût élevé de leur préparation et les contraintes de stockage obligent à
limiter les indications à la transfusion de malades ayant un groupe sanguin
rare ou ayant développé plusieurs anticorps, lesquels réduisent le nombre de
donneurs compatibles.

❐ CGR déplasmatisé
La déplasmatisation consiste en la soustraction du plasma résiduel et des
composants plasmatiques par lavage. Elle prévient les réactions allergiques de
certaines pathologies assez peu fréquentes, comme le déficit naturel en IgA
avec formation d’anticorps anti-IgA. Une fois préparé, le concentré déplasma-
tisé doit être impérativement transfusé dans les 24 h.

Concentrés de plaquettes
❐ Concentré de plaquettes déleucocyté
Les concentrés de plaquettes déleucocytés sont utilisés dans le traitement :
– des thrombopénies majeures (moins de 10 000 ou de 20 000 plaquettes/mm3
selon les équipes) par défaut de production (leucémies, aplasies médullaires),
142 Maladies hémorragiques

c’est-à-dire par une origine centrale. À côté du taux de plaquettes lui-même, la


décision transfusionnelle doit prendre en compte certains paramètres cliniques
pouvant majorer le risque hémorragique;
– de certaines thrombopénies périphériques par consommation, comme celles
survenant dans le cas de circulations extracorporelles ou dans des CIVD;
– des syndromes hémorragiques liés à une thrombopénie périphérique
d’origine immunologique. Les plaquettes transfusées étant toutefois détruites
comme le sont celles du malade, leur utilisation ne doit s’envisager qu’en cas
de saignement avéré ou de risque hémorragique majeur et en association avec
la corticothérapie ou avec l’injection d’immunoglobulines par voie IV;
– des thrombopathies, en cas de syndrome hémorragique ou d’intervention
chirurgicale.
L’utilisation de concentrés plaquettaires déleucocytés permet la prévention de
l’allo-immunisation anti-HLA et donc la survenue d’un état réfractaire aux
transfusions plaquettaires itératives.
Les propriétés hémostatiques et la survie in vivo des plaquettes sont d’autant
plus grandes que leur utilisation s’effectue précocement au décours de leur
préparation. Conservées dans les conditions précises de pH, à une température
comprise entre + 20 °C et + 24 °C, sous agitation lente et continue, elles
peuvent être utilisées jusqu’à 5 jours à compter de la fin du prélèvement. La
conservation à 4 °C est à proscrire.
Toute défaillance dans le prélèvement ou la conservation du produit peut avoir
une incidence sur la qualité des plaquettes (constante est la préoccupation de
survenue d’un incident bactérien). Les perspectives d’inactivation anti-infec-
tieuse des plaquettes devraient réduire considérablement ce risque.

❐ Concentré de plaquettes standard (CPS) déleucocyté


Ce sont des suspensions de plaquettes extraites d’unités de sang total par
double centrifugation et filtration. Compris entre 40 ml et 60 ml, le volume du
CPS tient compte du volume résiduel de la solution anticoagulante et de
conservation. Le contenu minimal en plaquettes des concentrés est de
3,75.1010 plaquettes. Le pH du produit est compris entre 6,0 et 7,4. Le contenu
maximal en leucocytes résiduels du concentré est de 1.105. Les CPS ne
peuvent être utilisés que sous forme de mélange de 2 à 10 unités (en dehors
d’indications en néonatalogie et pédiatrie). Le transport des CPS est soumis
aux exigences des bonnes pratiques de transport des PSL en général.

❐ Concentré de plaquettes d’aphérèse (CPA) déleucocyté


Le CPA déleucocyté se définit comme une suspension de plaquettes obtenue
par aphérèse, à l’aide d’un séparateur de cellules à partir du sang veineux. Le
volume du CPA est compris entre 200 ml et 650 ml en tenant compte du
volume de la solution anticoagulante et de conservation. Le contenu minimal
en plaquettes du CPA est de 2.1011. Le pH du produit est compris entre 6 et 7,4.
Le contenu maximal en leucocytes résiduels du CPA est de 1.106. Le CPA doit
être conservé à une température comprise entre + 20 °C et + 24 °C, ainsi que
sous agitation lente et continue. Il peut être conservé 5 jours à compter de la fin
Moyens thérapeutiques 143

du prélèvement. En cas de transport, les mêmes précautions que pour le CPS


sont à prendre. Actuellement, l’utilisation des CPA est de l’ordre de 80 %.

❐ CPA congelé
Les concentrés de plaquettes conservés par congélation à l’aide de glycérol ou
de diméthylsulfoxyde (DMSO) peuvent être utilisés. Le glycérol et le DMSO
sont des produits utilisés lors de la congélation des cellules (cryoconservation)
pour protéger ces dernières et conserver le mieux possible leurs propriétés.
Les plaquettes ainsi conservées se montrent certes efficaces, mais avec une
perte de rendement approchant 50 %. Leur avantage est de pouvoir être sélec-
tionnées et utilisées selon leur phénotype HLA et HPA (pour human platelet
antigen, qui est un ensemble de systèmes antigéniques spécifiques aux
plaquettes sanguines humaines).

Produits sanguins labiles irradiés


La qualification « irradié » s’applique à l’ensemble des produits sanguins
thérapeutiques, cellulaires ou susceptibles de contenir des lymphocytes
viables, lorsque ces produits ont été soumis à une dose de rayonnement ioni-
sant de 25 à 45 Gy.
L’irradiation des produits cellulaires vise à prévenir, chez un receveur en état
d’immunodépression profonde, une greffe de cellules souches et l’induction
de la réaction du greffon contre l’hôte (GVH) : lors d’une greffe, les princi-
paux risques sont en effet le rejet du greffon par l’hôte en raison d’une
incompatibilité immunologique, ou la réaction des cellules immunologique-
ment compétentes du greffon contre le receveur. Les principales indications
sont les suivantes :
– le traitement transfusionnel des auto- et allogreffes médullaires;
– les transfusions sanguines dans les déficits immunitaires sévères congéni-
taux ou acquis;
– les transfusions fœtales intra-utérines pour incompatibilité fœto-maternelle;
– les transfusions en réanimation néonatale.

Produits sanguins labiles CMV négatifs


Ces produits sont sélectionnés comme émanant de dons faits par des sujets
séronégatifs pour le CMV. Leurs indications transfusionnelles sont liées au
terrain : receveurs immunodéprimés, femmes enceintes, prématurés, malades
greffés ou en attente de greffe. Par ailleurs, la déleucocytation systématique
des PSL, systématisée en France, semble éliminer la possibilité de transmis-
sion du CMV.

Plasma thérapeutique
Dans un souci de réduire encore davantage tout risque de transmission de
maladies infectieuses par transfusion, différentes techniques d’atténuation ou
144 Maladies hémorragiques

d’élimination d’agent viral contenu dans le plasma ont été développées ou


sont en cours de développement.
Dans le cadre de la transfusion homologue, les principales indications des
différentes formes de plasma frais ont été précisées par l’arrêté du 9 décembre
1991 et réactualisées dans le cadre des recommandations d’août 2002 de
l’Afssaps. Ces indications sont relativement rares. Il s’agit des trois grands
domaines pathologiques suivants :
– coagulopathies graves de consommation avec effondrement du taux de tous
les facteurs de la coagulation;
– hémorragies aiguës avec déficit global des facteurs de coagulation;
– déficit rare en facteur de coagulation, lorsque la fraction coagulante spéci-
fique n’est pas disponible.
Les groupes sanguins ABO et Rh du donneur figurent sur l’étiquette. La
recherche d’anticorps anti-érythrocytes irréguliers et d’anticorps anti-A et/ou
anti-B, actifs à un titre > 1/64°, doit être négative. Dans le cas où les anticorps
anti-A ou anti-B seraient actifs au-delà de ce titre, la mention « À réserver à
une transfusion isogroupe » doit figurer sur l’étiquette.

La validation est de 1 an pour un plasma conservé constamment à une


température < – 25 °C. En raison de la labilité des facteurs de coagulation,
le plasma frais congelé (PFC) doit être injecté dans les 2 h (au maximum
dans les 6 h) qui suivent sa décongélation rapide à 37 °C. Cette procédure
de décongélation ne doit pas être effectuée dans un service de soins mais
dans le service de distribution.
La compatibilité ABO doit être respectée du fait de la présence des anti-
corps anti-A et/ou anti-B du donneur, surtout après l’injection de plusieurs
unités.

Le plasma thérapeutique est disponible sous plusieurs présentations : plasma


sécurisé par quarantaine, plasma viro-atténué par traitement solvant-détergent,
plasma solidarisé.

❐ Plasma sécurisé par quarantaine


Il s’agit d’un plasma thérapeutique dont la sécurité virologique est accrue par
la confirmation de la négativité des tests de dépistage pratiqués sur les dons, à
l’issue d’un délai destiné à couvrir la période sérologiquement silencieuse qui
précède la séroconversion : le procédé de sécurisation consiste à placer le
plasma en quarantaine (délai minimal de 120 jours entre les deux dons) dans
l’attente d’un nouveau don, émanant de la même personne, à l’occasion
duquel les examens de dépistage sont répétés.

❐ Plasma viro-atténué par traitement solvant-détergent


Les solvants-détergents constituent une méthode chimique d’inactivation
virale par incubation du plasma avec un solvant organique et un détergent,
suivie d’une extraction du solvant-détergent par traitement avec l’huile de
Moyens thérapeutiques 145

ricin et chromatographie. Le procédé d’inactivation par solvant-détergent


n’agit que sur les virus enveloppés (comme le VIH et les virus des hépatites B
et C). Il est sans efficacité sur un virus nu comme le parvovirus B19 ou le virus
de l’hépatite A. Le nombre de dons de plasma (plasmas d’aphérèse) entrant
dans la constitution d’un lot de fabrication de plasma traité doit être obligatoi-
rement ≤ 100.

❐ Plasma solidarisé
Pour des malades devant recevoir simultanément des concentrés érythrocy-
taires et du plasma frais congelé (PFC), il est possible d’utiliser les produits
issus d’un même don, donc d’un même donneur, ce qui réduit l’exposition du
receveur à un risque viral éventuel. Cette procédure est cependant de réalisa-
tion assez lourde et pose le problème de la gestion des stocks de produits aux
conditions de conservation différentes. Elle n’est recommandée que pour la
reconstitution du sang total pour exsanguino-transfusion.

Produits sanguins stables (PSS)


Bien qu’ils soient d’origine humaine, ces produits dérivés du plasma sont
aujourd’hui soumis à la réglementation des médicaments. Le plasma humain
peut être obtenu soit par centrifugation du sang total, soit par plasmaphérèse.
Il contient plus de 180 protéines aux fonctions diverses, essentielles au bon
fonctionnement de l’organisme. Le fractionnement de ce plasma permet
l’isolement et la purification de certaines protéines ayant un intérêt thérapeu-
tique majeur. Ces dérivés sanguins (MDS, pour médicaments dérivés du sang)
sont utilisés soit pour compenser un déficit spécifique, héréditaire ou acquis,
soit comme thérapeutique propre pour certains états pathologiques médicaux
ou chirurgicaux.
Les principales techniques mises en œuvre pour la préparation des PSS sont :
la précipitation, la chromatographie, l’adsorption, l’ultrafiltration, la filtration
(incluant la nanofiltration), les méthodes d’inactivation virale par traitement à
la chaleur, par la méthode dite solvant-détergent, par acidification du pH, par
contact à l’alcool.
La sécurisation virale des PSS comporte plusieurs étapes. Certaines sont
communes aux PSL, d’autres sont spécifiques :
– la sélection rigoureuse des donneurs de sang bénévoles conduit à l’exclusion
du don les individus appartenant à des groupes à risque;
– à la recherche de marqueurs viraux (anticorps anti-VIH1 et anti-VIH2, anti-
HBc, anti-VHC, anti-HTLV-I/II, antigène HBs) pratiqués sur chaque don de
sang sont ajoutés le contrôle de certains marqueurs (anti-VIH1 et anti-VIH2,
anti-VHC, antigène HBs) et la détection du génome des virus transfusionnels
majeurs (ainsi que le parvovirus B19) sur un mélange homogène de plasma,
afin de déceler une éventuelle défaillance des étapes de sécurité virale
d’amont;
– des traitements spécifiques appliqués lors du fractionnement inactivent
certains virus. Des techniques de chromatographie permettent ainsi l’obtention
146 Maladies hémorragiques

de dérivés plasmatiques de haute pureté et peuvent favoriser l’élimination de


certains agents infectieux.

Facteurs de la coagulation
❐ FVIII antihémophilique A
Les produits antihémophiliques A sont utilisés pour le traitement préventif ou
curatif des manifestations hémorragiques de l’hémophilie A, maladie caracté-
risée par un déficit congénital en FVIII. Les produits antihémophiliques
peuvent être classés selon leur origine ou selon leur technologie de
production :
Ils peuvent être d’origine plasmatique : il s’agit des facteurs antihémophili-
ques de très haute pureté et des facteurs antihémophiliques immunopurifiés.
Ils peuvent être issus du génie génétique. Le FVIII recombinant, produit de
synthèse, présente l’avantage, du point de vue du risque virologique, de ne pas
être d’origine humaine. Mais ces produits pourraient être plus immunogènes
que les précédents.

❐ FVIII très haute pureté (Factane)


Les évolutions de la production du FVIII plasmatique ont été importantes au
cours de la dernière décennie, conduisant à la mise au point d’un FVIII de très
haute pureté, viro-inactivé par la méthode des solvants-détergents, et compor-
tant ensuite une étape de chromatographie afin d’éliminer les composés
chimiques utilisés et une étape de nanofiltration. L’activité spécifique du FVIII
coagulant est de l’ordre de 100 UI/mg de protéines.

❐ FVIII immunopurifié (Hemofil, Monoclate-P)


Le FVIII immunopurifié est obtenu lui aussi à partir de plasma d’origine
humaine. Il a été reconnu comme un procédé industriel séduisant de purifica-
tion, mais n’a pas fait la preuve de son apport sécuritaire sur le plan
virologique.

❐ FVIII de recombinaison génétique


(Recombinate, Refacto, Kogenate, Helixate)
Le FVIII de recombinaison génétique est produit par des cellules de mammi-
fères. Le gène du FVIII est coexprimé avec le gène du VWF et l'ADNc
complet du FVIII est exprimé. Le surnageant de culture suit un procédé de
purification complexe associant notamment une chromatographie d’affinité,
deux chromatographies échangeuses d’ions, une adjonction d’albumine, une
stérilisation et une lyophilisation. Seuls les produits de dernière génération,
qui ne sont plus « stabilisés » par l’albumine, ne contiennent plus aucune
protéine qui soit d’origine humaine.
La posologie de FVIII à prescrire et le temps de traitement dépendent de la
nature de l’hémorragie et de sa localisation. Les posologies varient de 10 à
40 U/kg, et peuvent être répétées toutes les 8 ou 12 h. Dans certains cas, la
Moyens thérapeutiques 147

perfusion continue à raison de 3 à 4 U/kg/h sera préférentiellement utilisée. Le


traitement des hémophiles ayant acquis un anticorps anti-FVIII est particuliè-
rement difficile : si le taux d’anti-VIII reste faible, l’inhibiteur pourra être
saturé en augmentant les doses de FVIII administrées; en revanche, lorsque le
titre de l’anti-VIII est trop important pour être saturable, il faudra utiliser du
FVIII d’une autre origine (FVIII porcin) ou des produits permettant l’activa-
tion directe du FX (concentré prothrombinique activé, FVII activé) (Feiba et
NovoSeven).

❐ VWF (Wilfactin, Wilstart)


Il s’agit d’un concentré de VWF hautement purifié. Son activité, exprimée en
unités cofacteur de la ristocétine, est de 100 UI/ml. Ce produit est inactivé par
la méthode des solvants-détergents et d’autres procédures, comme la chroma-
tographie. La tolérance clinique est excellente, même lors de traitements
prolongés et de fortes doses. Les posologies utilisées sont de 40 à 60 UI/kg en
première injection FVIII + 20 à 40 UI/kg, et 40 à 80 UI/kg pour les injections
suivantes, à répéter toutes les 12 à 24 h pendant un à plusieurs jours. Lorsque
le taux de FVIII est inférieur à 20 %, la première injection de VWF ne peut
corriger le déficit en VIII et devra s’accompagner d’une injection unique de
FVIII.
Le traitement de la maladie de Willebrand et de l’hémophilie A modérée peut
également être médicamenteux. Un produit dont le principe actif est un dérivé
de la vasopressine (dDAVP), utilisable par voie IV (Minirin) ou en spray intra-
nasal (Octim) peut en effet entraîner une augmentation sensible du VWF et du
FVIII, et permettre ainsi la correction d’un syndrome hémorragique mineur.
Lors d’une hémorragie importante ou d’une opération chirurgicale lourde, un
traitement substitutif est cependant nécessaire.

❐ Facteur IX
• FIX plasmatique (Betafact, Mononine)
Le concentré lyophilisé de FIX est obtenu par une triple chromatographie du
plasma humain, après séparation du cryoprécipité. Ce produit est inactivé par
la méthode des solvants-détergents et d’autres procédures, comme la chroma-
tographie et la nanofiltration. Il est utilisé chez les hémophiles B, à titre
préventif lors d’interventions chirurgicales ou à titre curatif lors d’accidents
hémorragiques.
• FIX recombinant (Benefix)
Préparé par une méthode et avec des procédés de purification équivalents à
ceux utilisés pour le FVIII, il ne contient aucune protéine d’origine humaine.

❐ Fibrinogène (Clottagen)
En présence de thrombine, de FXIII activé et d’ions calcium, le fibrino-
gène se transforme en un réseau de fibrine stable qui constitue le caillot.
Ce produit est inactivé par la méthode des solvants-détergents et d’autres
procédures comme la chromatographie et l’adsorption sur gel d’alumine.
148 Maladies hémorragiques

Son utilisation thérapeutique est indiquée dans le traitement curatif des


hémorragies et le traitement préventif en situation chirurgicale ou obstétri-
cale dans les cas d’hypo- ou d’afibrinogénémies constitutionnelles, et de
certaines formes de dysfibrinogénémies ou d’hypofibrinogénémies sévères
acquises.

❐ FacteurVII
Il s’agit d’un produit lyophilisé dont l’activité spécifique est de 25 U/ml après
reconstitution. Il est indiqué dans le traitement et la prévention des accidents
hémorragiques liés à un déficit isolé en FVII. Ce produit est inactivé par la
méthode des solvants-détergents et la chromatographie.

❐ Facteur VII activé (NovoSeven)


Le FVII activé recombinant exerce une activité directe sur les facteurs IX et X
qu’il transforme en FIXa et FXa. Sa principale indication est le traitement des
hémorragies chez les hémophiles A ou B ayant un inhibiteur dont le taux est
supérieur à 5 unités Bethesda; il est également utilisé dans l’hémophilie
« acquise ». Ses indications ont été récemment étendues aux patients atteints
d’une maladie de Glanzmann avec anticorps anti-IIb-IIIa et/ou anti-HLA,
ainsi qu’aux patients porteurs d’un déficit congénital en FVII. Après reconsti-
tution, le produit est utilisé par voie IV lente. Dans l’hémophilie, la posologie
est de 90 µg/kg, les injections étant ensuite renouvelées toutes les 2 h puis
avec des intervalles, et sur une durée liée à la sévérité de l’hémorragie ou au
type d’intervention chirurgicale pratiquée.

Complexe prothrombique activé (CCPA)


Le CCPA contient du FII, du FIX, du FX (principalement sous forme non
activée) et du FVII (principalement sous forme activée). Nous ne traiterons ici
que du Feiba, seul CCPA disponible en France. Le produit agit en court-
circuitant l’activation des facteurs VIII et IX. Ses indications sont d’une part,
la prévention et le traitement des hémorragies, ainsi que les situations chirur-
gicales chez des hémophiles A ayant développé un inhibiteur anti-VIII à un
taux souvent supérieur à 10 unités Bethesda; d’autre part, la prévention et le
traitement des accidents hémorragiques et les situations chez les hémophiles B
ayant développé un inhibiteur anti-IX. Les doses et les fréquences d’adminis-
tration sont déterminées en fonction de l’efficacité clinique, de la gravité de
l’hémorragie et du suivi biologique. La posologie est indépendante du taux de
l’inhibiteur, ainsi que du type et de la sévérité de l’hémorragie. On recom-
mande des administrations de 80 U/kg deux à trois fois par jour (sans dépasser
240 U/kg/24 h et 100 U/kg/injection). Les tests de coagulation, qui ne
montrent en général qu’un léger raccourcissement, ne peuvent être utilisés
pour la surveillance du traitement. Les CCPA sont administrés par voie IV
lente, en perfusions discontinues, avec un débit maximal de 2 U/kg/mm,
immédiatement après reconstitution.
Moyens thérapeutiques 149

PPSB (Kaskadil, Octaplex)


Le complexe prothrombinique ou PPSB est constitué de l’ensemble des
facteurs de la coagulation VK-dépendants (FII, FVII, FIX, FX). Il est indiqué
dans le traitement et la prévention des accidents hémorragiques liés à des défi-
cits (globaux ou partiels) sévères en facteurs vitamines K-dépendants, à des
surdosages en AVK, ainsi que dans les déficits constitutionnels en FII et en
FX.
L’Octaplex est composé de PPSB et de PC.

FXIII (Fibrogammin)
L’indication de ce produit lyophilisé est le traitement prophylactique et curatif
des exceptionnels déficits homozygotes en FXIII (une vingtaine de cas en
France).

FXI (Hemoleven)
Produit lyophilisé de 1 000 unités de facteur, à reconstituer dans 10 ml de
solvant. L’indication est le déficit isolé en FXI. La posologie ne doit pas
dépasser 30 U/kg en raison d’un risque potentiel d’activation de la
coagulation.

Concentré d’antithrombine (Aclotine)


L’antithrombine (AT) est un puissant inhibiteur des sérines protéases de la
coagulation agissant principalement sur la thrombine et le FXa. Le concentré
d’AT humaine est obtenu après précipitation du plasma, puis séparation par
chromatographie avec inactivation virale par pasteurisation. L’extraction de
l’AT est basée sur la grande affinité de cette molécule pour l’héparine : l’hépa-
rine, insolubilisée sur un gel d’agarose, fixe l’AT qui est ultérieurement éluée
à l’aide de tampons de force ionique croissante. Les indications du concentré
d’AT sont :
– les déficits congénitaux en AT. Cette maladie se révèle le plus souvent par
des thromboses veineuses profondes, récidivantes, éventuellement compli-
quées d’accidents emboliques, souvent chez un sujet jeune. La fréquence dans
la population est estimée à 1/5 000. La maladie se transmet sur un mode auto-
somique dominant. Dans la plupart des cas, il s’agit de déficits quantitatifs,
mais il existe également des déficits qualitatifs. La demi-vie de l’AT étant
d’environ 50 h, une injection toutes les 48 h est généralement suffisante;
– les déficits acquis en AT s’observent de manière subaiguë ou chronique dans
les insuffisances hépatiques sévères, les syndromes néphrotiques, les CIVD et
dans de nombreuses situations à risque thrombotique. L’AT est utilisable dans
les déficits acquis sévères (taux < 60 %) des CIVD graves, évolutives, asso-
ciées à un état septique. La fréquence des injections sera déterminée en
fonction de l’état clinique est du suivi biologique.
150 Maladies hémorragiques

Protéine C (Rotexel)
La protéine C (PC) est un facteur antithrombotique vitamine K dépendant.
Activée par la thrombine, la PC a une action inhibitrice sur les FV et FVIII
activés. Ses indications sont le purpura fulminans néonatal chez les sujets
atteints d’un déficit sévère (homozygote), ainsi que la prévention et le traite-
ment des thromboses chez le déficitaire en PC, en particulier dans le contexte
chirurgical et obstétrical.
Colle biologique (Tissucol)
La colle biologique est constituée d’un concentré de facteurs de l’hémostase,
préparés à partir du plasma humain et coagulables par la thrombine. Sa
composition équilibrée en fibrinogène, FXIII et fibronectine permet de repro-
duire, par adjonction de thrombine et de calcium, la phase finale du processus
de coagulation : le fibrinogène contenu dans la colle biologique est transformé
en fibrine soluble sous l’influence de la thrombine, puis stabilisé en un réseau
de fibrine insoluble sous l’influence du FXIII. L’aprotinine inhibe la fibrino-
lyse induite par les protéases plasmatiques et tissulaires pendant 14 à 21 jours.
Ce produit subit comme les autres un processus d’inactivation virale. Ses indi-
cations concernent des domaines variés de la chirurgie, qui semblent
actuellement en voie de limitations.

BIBLIOGRAPHIE
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labiles, Heures de France, Paris 1999.
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ROUGER P. La transfusion sanguine. Presses Universitaires de France, « Que
sais-je? », Paris 2001.
5 BASES
PHYSIOPATHOLOGIQUES,
MÉCANISMES
ET FACTEURS DE RISQUE

MÉCANISMES ET FACTEURS DE RISQUE


DES THROMBOSES VEINEUSES
Ismail ELALAMY, Gregoris GEROTZIAFAS, Meyer-Michel SAMAMA

L’incidence des thromboses veineuses (TV) est de l’ordre de 1/1 000 par an.
En France, la fréquence des thromboses veineuses profondes (TVP) des
membres inférieurs est estimée à 70 000 cas/an. La complication principale de
ces dernières est représentée par l’embolie pulmonaire (EP), de pronostic
redoutable (plus de 20 000 décès par an en France) : un nombre non négli-
geable concerne en fait des cancéreux en phase terminale. Les accidents
thrombotiques veineux et les séquelles post-thrombotiques représentent une
part importante des dépenses de santé avec un coût > 1 milliard de dollars par
an, aux États-Unis. Les conditions responsables de la thrombogenèse veineuse
sont connues depuis la célèbre triade de Virchow associant la stase sanguine,
la lésion de la paroi endothéliale et l’altération de l’équilibre hémostatique.
Plus des 2/3 des TV sont asymptomatiques et l’EP est le plus souvent silen-
cieuse, soulignant ainsi l’importance d’une prophylaxie appropriée dans les
contextes favorisants. En fait, l’accident résulte de l’intrication complexe de
facteurs génétiques, retrouvés chez près de la moitié des patients, avec des
facteurs de risque environnementaux (cancer, grossesse, intervention chirurgi-
cale, contraception orale) et/ou des facteurs de risque acquis (syndrome des
antiphospholipides [SAPL], hyperhomocystéinémie), transitoires ou persis-
tants. Les facteurs conduisant à un risque thrombotique accru sont donc de
nature diverse et leur association apparaît plus souvent potentialisatrice
qu’additive (tableaux 5.I et 5.II). Permettant une véritable stratification du
risque thrombotique, la connaissance croissante de ces mécanismes autorise
une optimisation de la prise en charge des patients et de la prévention des TV.
Nous étudierons les localisations habituelles, les facteurs de risque découlant
souvent de la triade de Virchow, avant d’analyser les mécanismes de la throm-
bogenèse veineuse.
154 Maladies thrombosantes

Tableau 5.I. Facteurs de risque de TV


Facteurs Facteurs mixtes ou non
Facteurs acquis
constitutionnels établis
Âge Déficit en AT Hyperhomocystéinémie
Antécédent de thrombose Déficit en PC  du FVIII
Cancer Déficit en PS  du FIX
Immobilisation prolongée > 72 h FVL  du FXI
Immobilisation plâtrée Mutation du FII  du TAFI
Acte chirurgical Dysfibrinogénémie
Traumatisme majeur :
polytraumatisé, fractures multiples,
lésion moelle épinière par exemple
Traitements hormonaux :
contraception, traitement
substitutif de la ménopause
Grossesse et post-partum
SAPL (exceptionnellement familial)
Syndrome myéloprolifératif (JAK2?)
Cathéter central
Insuffisance cardiaque congestive
Obésité
Varices
TIH
AT : antithrombine, FVL : facteur V Leiden, PC : protéine C, PS : protéine S, TIH : thrombopénie
induite par l’héparine

Tableau 5.II. Analyse des facteurs de risque selon la triade de Virchow


Stase Lésion de la Altération de
veineuse paroi vasculaire la coagulation
Âge > 60 ans +
Obésité + +
Grossesse + +
Immobilisation ou paralysie +
Chirurgie orthopédique + +/– +
Traumatisme des membres inférieurs + + +
Insuffisance cardiaque +
IDM (phase aiguë) + +/–
Accident vasculaire cérébral + +/– +/–
Cancer +/– +
Chirurgie générale + + +
Thrombophilie héréditaire ou acquise +
Insuffisance veineuse ou varices + +
+ : implication comme facteurs de risque de la triade de Virchow
+/– : implication comme facteurs de risque de la triade de Virchow dans certains cas
IDM : infarctus du myocarde
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 155

Mécanismes et sites privilégiés de l’apparition des TV


Les TV surviennent classiquement au niveau des veines profondes des
membres inférieurs, mais elles peuvent encore siéger dans le réseau superfi-
ciel aux membres supérieurs, dans les sinus cérébraux, dans le système
porte, au niveau rétinien ou dans des sites insolites (maladie de Mondor du
sein). Le thrombus veineux apparaît dans les zones dites à bas débit
sanguin : les sinus veineux ou les sacs valvulaires des veines profondes des
membres inférieurs par exemple (fig. 5.1 et 5.2). L’extension du thrombus
responsable de l’occlusion veineuse suit une progression rétrograde. Les
valves sont avasculaires et dépendent directement de la qualité du flux circu-
latoire pour l’apport d’oxygène et d’autres nutriments. La stase entraîne une
hypoxémie locale qui favorise l’expression du FT. Les valvules peuvent
aussi subir des traumatismes au même titre que la paroi vasculaire. Un bon
exemple est l’intervention chirurgicale pour prothèse totale de hanche
responsable d’une lésion potentielle de la veine fémorale. De même, le trau-
matisme engendré par les cathéters centraux peut favoriser des thromboses
des membres supérieurs. Les cytokines pro-inflammatoires sont capables
d’induire une activation endothéliale responsable d’une surexpression des
molécules adhésives, qui favorise alors l’adhésion des leucocytes à la
surface vasculaire. Les monocytes liés à la paroi peuvent exprimer du FT
tandis que les neutrophiles génèrent des radicaux libres d’oxygène ainsi que
des protéases. Les microparticules relarguées par les plaquettes accumulées
au niveau du site lésionnel favorisent la formation du caillot. Les TV des
membres supérieurs représentent moins de 5 % de l’ensemble des TVP. Leur
prévalence ne cesse de croître en rapport, le plus souvent, avec une cause

Fig. 5.1. Formation du caillot. (Sevitt S. J Clin Path 1974; 27 : 517-528).


156 Maladies thrombosantes

Coll Facteur tissulaire


GPIb-IX-V VWF GPIa-IIa
6
1
Fibrinogène Fibrine
TxA2 COX1 Voie
TxA2 XIIIa extrinsèque

Prothrombinase
Thrombine Ca2+ + V + Xa X 5
3 Fg GPIIb-IIIa Membrane
4 plaquettaire
Prothrombine
Ca2+ + VIII + IXa IX
Membrane Voie
2 AD ADP plaquettaire intrinsèque
PL3
XIa XI XIIa XII

Microparticules
Surface contact

Fig. 5.2. Étapes intriquées de l’atteinte endothéliale, de l’activation des


plaquettes et de la coagulation plasmatique.
Après la survenue d’une lésion endothéliale ou de la rupture d’une plaque
athéroscléreuse, l’activation de la cascade de la coagulation est à l’origine
d’une génération accrue de thrombine. La thrombine amplifie la réponse
plaquettaire qui est elle-même initiée par la mise à nu des fibrilles de colla-
gène présentes dans le sous-endothélium et aboutit à la génération de
thromboxane A2 (TxA2) (vasoconstricteur et proagrégant) et à l’induction
enzymatique pro-inflammatoire (cyclooxygénase [Cox], phospholipases par
exemple) majorant la coopération intercellulaire. Cela illustre bien le carac-
tère plurifocal de la réponse après une lésion vasculaire.

iatrogène. Le syndrome du défilé thoracobrachial est la cause primitive la


plus fréquente de TV du membre supérieur (50 % des cas). La compression
de la veine sous-clavière ou axillaire se complique dans 30 % des cas de
thrombose. Cet accident survient dans plus de 75 % des cas avant 40 ans.
Au-delà de 50 ans, une cause secondaire néoplasique doit être recherchée
(voir chapitre 6).

Stase sanguine
La stase est un élément prépondérant de la thrombogenèse veineuse. Elle favo-
rise d’une part l’accumulation des différents facteurs procoagulants et limite
d’autre part l’élimination des facteurs activés. Différents phénomènes peuvent
être responsables du ralentissement du flux sanguin.
L’immobilisation ralentit le retour veineux par défaut de contraction muscu-
laire. La réduction de la marche liée à un état grabataire ou à une impotence
fonctionnelle est un facteur de risque démontré d’accident thrombotique
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 157

veineux postopératoire. Ainsi, les TVP sont 4 à 9 fois plus fréquentes dans le
membre paralysé chez les sujets hémiplégiques alors que la fréquence est
identique dans les deux jambes des patients paraplégiques. La survenue d’un
accident thrombotique est aussi liée au type de geste opératoire, à la durée de
l’intervention chirurgicale, à la pathologie sous-jacente ou au terrain du
patient pouvant aggraver cette stase. L’obésité responsable d’une mobilité
réduite et associée à une réduction de l’activité fibrinolytique pourrait ainsi
majorer le risque de TVP postopératoire.
La compression extrinsèque (hématome, kyste, tumeur) ou la persistance de
séquelles post-thrombotiques gênant le retour veineux majorent le risque
thrombotique. Le syndrome de Cockett (ou syndrome de compression
veineuse iliocave) correspond à la compression de la veine iliaque primitive
gauche entre le disque lombosacré et la 5e vertèbre lombaire en arrière et
l’artère iliaque primitive droite en avant. Le plus souvent asymptomatique, ce
syndrome peut être responsable d’œdème chronique du membre inférieur
gauche avec des signes d’hypertension veineuse ou des varices, de thrombose
iliaque gauche en contexte gravide ou après un voyage prolongé, et même
d’une compression de l’artère iliaque primitive gauche.
En cas d’hypercytose (polyglobulie, hyperleucocytose, leucémie par
exemple), de dysglobulinémie (myélome, Waldenström) ou de syndrome
myéloprolifératif, l’hyperviscosité sanguine est un élément à ne pas négliger.
La déshydratation peut renforcer l’hypercoagulabilité plasmatique éventuelle
par l’hémoconcentration des facteurs procoagulants. Les diurétiques utilisés
au cours d’une défaillance cardiaque congestive peuvent ainsi contribuer à
accroître le risque thrombotique par la majoration de l’hémoconcentration
associée à la stase sanguine.
Les dilatations veineuses ou varices sont fréquentes. En cas de grossesse ou de
prise de contraception orale œstroprogestative, elles peuvent majorer le risque
thrombotique en contexte chirurgical postopératoire. La TV superficielle est
une complication fréquente de la maladie variqueuse. Elle peut favoriser la
survenue de TVP. Les varices représentent la huitième cause d’hospitalisation
en France (200 000 interventions/an).
Toutefois, si la stase est un phénomène physique important, elle semble inca-
pable à elle seule de générer un thrombus. En effet, des études
ultrastructurales ont révélé l’existence de lésions endothéliales associées,
responsables d’une perméabilité vasculaire accrue, d’une adhésion leucocy-
taire et d’une migration cellulaire importante.

Lésions endothéliales
Elles jouent classiquement un rôle plus important dans le déterminisme des
thromboses artérielles que veineuses.
Les causes de l’atteinte endothéliale dans la pathologie des veines sont toute-
fois assez nombreuses :
– traumatismes opératoires : les interventions pour prothèse de hanche ou du
genou sont particulièrement associées à une incidence accrue de TV. Les tractions
158 Maladies thrombosantes

vasculaires et le traumatisme médullaire lors de l’utilisation d’un garrot seraient


responsables de l’activation de la coagulation aboutissant à une génération impor-
tante de thrombine. Néanmoins, il ne faut pas méconnaître l’existence de
thromboses postopératoires du côté opposé à celui opéré, qui n’obéissent pas à ce
mécanisme;
– sclérothérapies : la survenue de TV n’est pas négligeable au décours de
séances itératives de sclérothérapie. En cas de thrombophilie constitutionnelle,
le rapport bénéfice/risque de ce geste devrait être particulièrement analysé;
– cathéters veineux : la prévalence de thrombose sur cathéter des gros troncs
veineux est d’environ 5 % et 1/3 des TV des membres supérieurs seraient dues
à un cathéter veineux. Elle est liée au terrain (inflammation, thrombophilie),
au matériau (positionnement correct ou non, taille du diamètre plus ou moins
importante, nature non mouillable en silicone ou en polyuréthane), à la durée
prolongée du maintien du dispositif et au type de produits perfusés (chimio-
thérapie type bléomycine, microparticules des solutés de perfusion). Ce
matériel étranger est classiquement recouvert par un manchon fibrinocruo-
rique mais c’est le thrombus mural en regard de l’extrémité du cathéter qui est
responsable de la symptomatologie clinique. Ce type de thrombose est aussi
facilité par l’infection secondaire du cathéter (staphylocoque doré, bacille
Gram négatif ou Candida albicans);
– mise en place d’une sonde de stimulateur cardiaque : elle se compliquerait
de TV du membre supérieur dans près de 30 % des cas;
– injections multiples des toxicomanes : ce contexte associe le caractère trau-
matique itératif au caractère procoagulant des substances injectées (cocaïne,
amphétamines, quinine par exemple);
– antécédents de TV : le risque relatif de récidive serait quintuplé en cas
d’épisode thrombotique antérieur. En effet, les séquelles phlébologiques, la
dégradation valvulaire et la distension musculaire pariétale limitent le retour
veineux et aggravent la stase veineuse;

Conception récente
Dans les TVP des membres inférieurs, la théorie classique indique l’absence
d’altération de l’endothélium vasculaire. Cette observation est aujourd’hui
remise en question. Ainsi l’hypoxie au niveau des valvules pourrait à elle seule
entraîner une altération des cellules endothéliales (fig. 5.3) de même que celle
des plaquettes entraîne l’expression à la surface cellulaire de P-sélectine. Cette
dernière peut activer les monocytes ce qui se traduit par l’expression de
facteur tissulaire à leur surface. Les microparticules d’origine monocytaire
possèdent du facteur tissulaire et un ligand de la P-sélectine ou P-selectin
glycoprotein ligand 1 (PSGL-1).

Hypercoagulabilité héréditaire
Décrite dès les années soixante-cinq, la thrombophilie familiale est liée à une
génération accrue de thrombine en cas de déficit en inhibiteur physiologique
(antithrombine [AT], protéine C [PC], protéine S [PS]), ou beaucoup plus
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 159

stase
Désaturation de l’hémoglobine

Lésion hypoxique de l’endothélium

Expression de la
P-Selectine
Activation des cellules Interaction avec
les microparticles
endothéliales portant le FT
Expression des
phospholipides
procoagulants

Fig. 5.3. Stase veineuse et thrombogenèse. (Del Conde I, Lopez JA. J Thomb
Haemost 2005; 3 :1-3).

rarement d’hypofibrinolyse (excès de PAI1, défaut d’activateur tissulaire du


plasminogène [t-PA]). Les déficits en inhibiteurs sont retrouvés chez 10 à
15 % des patients ayant des antécédents de TVP. La résistance à l’activité anti-
coagulante de la PC activée (PCa) – le facteur V Leiden (FVL) –, découverte
en 1993, et la mutation G20210A du gène du FII, mise en évidence en 1996,
représentent les causes constitutionnelles les plus fréquentes (30 à 50 % des
patients). L’hétérogénéité de l’expression clinique et la sévérité variable des
thrombophilies sont reconnues de façon consensuelle (voir chapitre 3, p. 188).
L’intrication des anomalies génétiques et des facteurs environnementaux dans
divers contextes favorisants souligne la pluralité des acteurs thrombogènes
potentiels et pourrait expliquer la diversité d’expression clinique des thrombo-
philies héréditaires. L’hyperhomocystéinémie est la résultante de facteurs
génétiques (mutation C677T de la méthylène tétrahydrofolate réductase ou
MTHFR) et acquis (déficit vitaminique en B6, B12, acide folique) (voir
chapitre 6). Associée à une incidence élevée de TVP, l’augmentation des taux
de FVIII (> 150 UI/dl) serait aussi liée à la conjonction de facteurs génétiques
et environnementaux. La combinaison de ces facteurs aboutit non pas à une
simple sommation mais souvent à une véritable potentialisation du risque
thrombotique.

Thrombophilie acquise
La recherche de pathologies connues pour être associées à un risque thrombo-
tique accru sera élargie à partir de l’anamnèse clinicobiologique. La
160 Maladies thrombosantes

confirmation d’une affection sous-jacente conditionnera la prise en charge du


patient avec un traitement étiologique combiné au traitement anticoagulant.
Récemment, l’étude SIRIUS a montré que les patients porteurs d’un accident
thromboembolique veineux symptomatique avaient plus d’un facteur de
risque par rapport au groupe contrôle (1,7 ± 0,05 vs 0,78 ± 0,03) et que la
majorité de ces patients avait en fait plus de deux facteurs de risque identifiés.
Ces divers facteurs sont d’une part propres au sujet et à son terrain (facteurs
intrinsèques), d’autre part liés à une circonstance favorisante (facteurs
extrinsèques).

Âge
Le risque thrombotique augmente singulièrement avec l’âge puisqu’il passe de
1/10 000 avant 40 ans à 1/1 000 après 40 ans et à 1/100 au-delà de 75 ans. Il
existe une augmentation exponentielle du risque d’accident thrombotique
veineux avec la progression de l’âge (risque relatif × 1,9 par décade).
Plusieurs mécanismes sont proposés : limitation de la mobilité physique, stase
sanguine accrue, comorbidité (cancer, inflammation chronique), augmentation
des taux de FVIII, de fibrinogène ou de PAI1 ou vieillissement de
l’endothélium.

Antécédents de thrombose
Ils constituent un facteur de risque très important, retrouvé dans toutes les
séries. Le caractère spontané ou provoqué, le nombre d’accidents jouent un
rôle essentiel dans l’évaluation du risque. Ainsi, il a été démontré que la
fréquence des récidives est bien plus grande pour les thromboses spontanées,
sans cause retrouvée, dites idiopathiques que pour les accidents liés à une
cause déclenchante. Dans ce dernier cas, sa persistance ou sa disparition doit
être prise en compte.

Cancers
Un cancer est objectivé chez 10 à 20 % des patients ayant une TVP. La
survenue d’un épisode thrombotique apparemment idiopathique peut précéder
de plusieurs années le diagnostic effectif de néoplasie évolutive. Armand
Trousseau, professeur de clinique médicale à l’Hôtel-Dieu, a été le premier à
souligner l’association d’accidents thrombotiques veineux à des cancers
gastriques découverts à l’autopsie. Ces phlébites, superficielles ou profondes,
sont volontiers multiples, récidivantes et résistantes au traitement anticoagu-
lant oral bien conduit (voir chapitre 6, p. 201).

Immobilisation prolongée
L’alitement strict est un facteur de risque reconnu de TV. Diverses situations
associées à une mobilisation réduite sont aussi des circonstances déclen-
chantes potentielles. Ainsi, une impotence fonctionnelle ou une paralysie, le
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 161

port d’un plâtre, un voyage prolongé en avion (> 6 h) et même les importants
embouteillages citadins peuvent favoriser la constitution de thrombi.
Les travaux récents en milieu médical tendent à distinguer différents stades
dans l’immobilisation prolongée selon l’autorisation ou non de déplacement à
la salle de bains, de marche de moins ou plus de 10 mètres.

Hémopathies
Différentes hémopathies sont particulièrement associées à un risque thrombo-
tique veineux. Il s’agit principalement des proliférations cellulaires clonales
avec les syndromes myéloprolifératifs chroniques (< 10 % des patients) et les
hémopathies lymphoïdes comme la maladie de Hodgkin ou les lymphomes
non hodgkiniens. En plus du bilan classique d’hémostase, la recherche d’une
pousse spontanée des progéniteurs hématopoïétiques fait partie du bilan étio-
logique des TV portales ou splanchniques.

Chirurgie et traumatismes
Les actes chirurgicaux et les traumatismes sévères favorisent la survenue de
TV et l’alitement associé aggrave la stase sanguine. La chirurgie orthopédique
et la neurochirurgie sont des situations particulièrement à risque. Ainsi, en
dehors de toute prophylaxie, en cas de prothèse totale de hanche ou du genou,
les thromboses sont retrouvées par phlébographie dans 40 à 70 % des cas et,
en cas de chirurgie générale, chez 15 à 30 % des patients. Les chirurgies gyné-
cologique et urologique sont aussi thrombogènes avec 30 % de cas de TVP
proximales. La fréquence des accidents thrombotiques est singulièrement
accrue après un traumatisme pelvien ou une fracture du fémur. Cela serait lié
au passage systémique de matériel médullaire procoagulant, particulièrement
riche en phospholipides, et aux lésions endothéliales combinées avec la stase
sanguine.
En l’absence de prophylaxie et en cas de polytraumatisme, une complication
thromboembolique veineuse peut survenir dans 20 à 90 % des cas. Il faut
insister sur le caractère asymptomatique de ces thromboses puisqu’il s’agit de
la présence de thrombus décelés par phlébographie systématique. Les
conjonctions de l’atteinte endothéliale, de la complexité des lésions osseuses,
de l’immobilisation, de l’acte chirurgical éventuel et du syndrome inflamma-
toire contribuent à générer une hypercoagulabilité importante et à engendrer
un contexte à très haut risque thrombotique.

Contraception orale œstroprogestative et traitements hormonaux


en général
Le premier cas de TVP associée à la prise d’œstroprogestatif a été publié en
1961 et, depuis, de nombreux travaux ont confirmé l’augmentation du risque
thrombotique. La réduction de la teneur en éthinylœstradiol a réduit significa-
tivement ce risque, mais ne l’a pas supprimé (voir chapitre 18).
162 Maladies thrombosantes

Les pilules dites de 3e génération contenant le désogestrel ou le gestodène


sont associées à un risque de TVP supérieur aux pilules dites de 2e généra-
tion contenant du lévonorgestrel. Cet effet serait en partie corrélé à
l’induction d’une résistance à l’activité anticoagulante de la PCa. Il existe
aussi d’autres anomalies de l’hémostase : une authentique hypercoagulabi-
lité par l’augmentation des taux de FVII, FX et FXII associée à une
diminution des inhibiteurs physiologiques comme l’AT ou la PS et une
hyperfibrinolyse liée à la combinaison d’une augmentation du plasminogène
et d’une diminution du PAI1.
Le traitement hormonal substitutif à base d’œstrogène par voie orale est aussi
responsable d’une majoration du risque d’accident thrombotique veineux. Ce
risque ne doit donc pas être négligé dans ce contexte de femmes plus âgées
(voir chapitre 18).

Grossesse et post-partum
La prévalence de TVP est d’environ 1/1 000 grossesses. Chez la femme de
moins de 40 ans, la moitié des accidents thromboemboliques veineux serait
liée à la grossesse ou au post-partum. L’EP fatale reste la cause la plus
fréquente de mortalité maternelle. Plusieurs mécanismes concourent à cette
augmentation du risque thrombotique : le ralentissement du flux sanguin, la
diminution précoce du tonus veineux, la gêne du retour veineux par l’utérus
gravide et les modifications de l’hémostase générant un profil hypercoagu-
lable. Ces perturbations se normalisent dans les 6 à 8 semaines après
l’accouchement. Pour cela, la prise en charge optimale de la TV durant la
grossesse est essentielle (voir chapitres 17 et 18).
Si l’accident thrombotique durant la grossesse a des caractéristiques impor-
tantes (siège au membre inférieur gauche dans 90 % des cas, surtout au niveau
iliofémoral et à risque élevé d’embolisation), il n’a pas été retrouvé d’inci-
dence particulièrement accrue à l’un des différents trimestres. Globalement,
les 2/3 des épisodes thrombotiques surviennent au cours de la période du post-
partum pour certains auteurs. En fait, une association avec une thrombophilie
constitutionnelle doit être recherchée.
Ainsi, une étude a montré que 60 % des femmes enceintes ayant une TVP sont
porteuses du FVL. En revanche, une résistance à l’activité anticoagulante de la
PCa peut aussi être acquise dans ce contexte gravide. En dehors de l’existence
d’une thrombophilie héréditaire, le risque thrombotique augmente avec la
notion d’antécédents de phlébite, l’âge, la multiparité ou le recours à une césa-
rienne. Les fécondations in vitro constituent un cadre particulier où les
épisodes thrombotiques peuvent survenir dans les 2 à 8 semaines suivant
l’induction de la grossesse. Elles touchent préférentiellement le territoire cave
supérieur.

Syndrome des antiphospholipides (SAPL)


Ce chapitre est également traité ailleurs dans l’ouvrage (voir chapitre 15). Un
anticoagulant circulant (ACC) de type lupus ou anti-prothrombinase est
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 163

retrouvé chez environ 5 à 15 % des patients ayant une TVP. Cet ACC serait
aussi associé à un risque thrombotique 5 à 9 fois plus élevé. Certaines mala-
dies dites de système sont à envisager dans le contexte de la maladie
thromboembolique veineuse : le lupus érythémateux disséminé (LED) (5 à
20 % des cas) et la maladie de Behçet (10 à 45 % des cas). L’atteinte des gros
troncs veineux est fréquente. Au cours des colites ulcéreuses comme la
maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, le risque thrombotique est 2
à 3 fois supérieur à celui de la population générale. L’hypercoagulabilité serait
en rapport d’une part avec l’élévation des taux de FVIII, l’hyperfibrinogé-
nèmie, et d’autre part avec l’atteinte endothéliale responsable d’une libération
de FT, d’une adhésivité cellulaire accrue et de l’élévation des taux de facteur
Willebrand (VWF). Ces anomalies ne sont pas spécifiques.

TV iatrogènes ou médicamenteuses
Ces thromboses sont rencontrées au cours des chimiothérapies, toxiques pour
l’endothélium, ou de la contraception œstroprogestative, responsable d’une
authentique hypercoagulabilité systémique. Les antiœstrogènes comme le
tamoxifène peuvent majorer le risque de TV. Plus récemment, un rôle
prothrombotique a été attribué à la Thalidomide lorsqu’elle est associée à la
dexaméthasone. D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse pourraient avoir le
même inconvénient. Le rôle des corticoïdes est discuté. Il ne faut pas omettre
les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) caractérisées par l’apparition
d’une diminution rapide de la numération plaquettaire et la survenue d’un
accident thrombotique veineux extensif. Ce syndrome complexe est une
complication rare (3 à 5 % des traitements par héparine non fractionnée
(HNF) et 0,1 % des traitements par héparine de bas poids moléculaire
[HBPM]), mais qui est redoutable avec une morbi-mortalité sévère liée au
diagnostic tardif et difficile (voir chapitre 8).

Causes plus rares


Le syndrome néphrotique, responsable d’une hypercoagulabilité acquise par
fuite rénale d’AT, peut se compliquer de TVP chez l’adulte, mais cela est
beaucoup plus rare chez l’enfant.
Les érysipèles avec lymphangite sont un diagnostic différentiel de TVP, mais
ils peuvent favoriser l’apparition d’une authentique thrombose. Le syndrome
de Lemierre associe une thrombophlébite de la veine jugulaire interne et/ou
une EP secondaire à une infection à Fusobacterium necrophorum.
Les thromboses des veines sus-hépatiques ou portales sont particulièrement
fréquentes dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (voir chapitre 6).

Stratification du risque thrombotique


Les multiples réunions de consensus et d’experts soulignent l’importance
primordiale de l’évaluation du risque thrombotique propre à chaque contexte
et relatif à un patient donné de façon à définir la stratégie prophylactique assu-
rant le meilleur rapport bénéfice (antithrombotique)/risque (hémorragique).
164 Maladies thrombosantes

Néanmoins, la plupart des études disponibles présentent des limites


méthodologiques : analyse univariée ou absence d’analyse des interrelations
possibles entre les divers facteurs.
En pratique, la hiérarchie véritable du risque thrombotique et l’importance
spécifique de chaque facteur dans un contexte donné, restent difficiles à
définir. Différents systèmes de scores ont été proposés pour déterminer le
niveau du risque global chez les patients chirurgicaux et médicaux afin de
choisir un schéma de prévention antithrombotique adapté au contexte et de
tenter de standardiser cette prise en charge. Aucun score, à ce jour, n’est utilisé
en dehors d’un petit nombre de centres spécialisés. Il y a quatre niveaux de
risque thrombotique en fonction du nombre de facteurs intrinsèques et/ou
extrinsèques identifiés chez un patient : faible (un seul facteur), modéré (deux
facteurs), élevé (trois à quatre facteurs) et très élevé (plus de cinq facteurs).
L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) propose, en revanche, une
stratification à trois niveaux d’intensité croissante, définis selon le type
d’intervention chirurgicale et les risques propres au malade. La validation de
ces scores doit être réalisée de façon prospective sur de grandes séries de
sujets étudiés.
Une nouvelle étude Decision Matrix propose un logiciel spécifique à ce
problème. Il est le fruit d’une collaboration avec de nombreux experts de
différents pays, qui ont confronté leur évaluation du risque sous la direction
d’un spécialiste des études de ce type en médecine et en chirurgie. Une
variante de la méthode Delphi a été utilisée.
La TV résulte invariablement de la conjonction de plusieurs facteurs généti-
ques ou intrinsèques et environnementaux ou extrinsèques. L’association de
ces facteurs est responsable d’un véritable sur-risque thrombotique. La stratifi-
cation de ce risque par l’évaluation précise des différents acteurs de la
thrombogenèse veineuse devrait permettre de mieux définir la stratégie
prophylactique adaptée à un type de patient dans un contexte donné. La déter-
mination de plus en plus fine du risque thrombotique est donc la clé d’une
prophylaxie optimisée pour une réduction significative de la morbi-mortalité
thrombotique veineuse.

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THROMBOGENÈSE ARTÉRIELLE
ET MARQUEURS BIOLOGIQUES
Ismail ELALAMY

Introduction
Les accidents cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité
dans les pays industrialisés. Ils sont responsables de plus de 500 000 décès
aux États-Unis et de plus de 100 000 en France. La morbi-mortalité associée à
ce véritable fléau a un coût estimé à plus de 120 milliards de dollars. Le vieil
adage « l’homme vit avec son artériosclérose mais meurt de thrombose » est
connu depuis près d’un demi-siècle. Dès 1956, le cardiologue norvégien Jens
Dedichen proposa la dénomination d’artériosclérose thrombosante pour carac-
tériser la complication aiguë et imprévisible d’une pathologie inflammatoire
chronique.
Divers paramètres biologiques sont modifiés lors de la survenue d’un épisode
thrombotique coronarien mais la pertinence du choix de ces marqueurs dans
notre pratique quotidienne reste encore à définir.

Athérosclérose
Certes, l’athérosclérose a une définition anatomique avec la disposition en
plaques d’un noyau lipidique coiffé par une chape fibreuse de sclérose au sein
de l’intima des artères. Une classification des différents types lésionnels a été
proposée pour caractériser l’évolution de la plaque qui existe chez tous les
individus à un âge plus ou moins avancé. Il est donc aisé d’imaginer que la
vulnérabilité de la plaque est un élément prépondérant dans l’évolutivité
clinique de cette pathologie inflammatoire de la paroi artérielle avec des
lésions dynamiques capables de passer d’un état de stabilité à un potentiel de
haute gravité clinique. Les plaques molles, riches en lipides et en macro-
phages spumeux sont les plus fragiles.
En fait, l’effraction de la plaque n’explique pas à elle seule l’accident coro-
narien car il faut souligner la fréquence des ruptures asymptomatiques et
une proportion relativement importante de décès non cardiaques avec une
166 Maladies thrombosantes

authentique fissure de plaque (10 à 15 %), alors qu’un thrombus mural ou


occlusif est en revanche constamment retrouvé en cas de décès d’origine
cardiaque. Cette hétérogénéité dans l’expression clinique d’un même type
de plaque suggère l’intervention de différents facteurs en rapport avec
l’hémostase et la fibrinolyse contribuant à l’instabilité et à la rupture de la
plaque (tableau 5.III).

Tableau 5.III. Facteurs influençant la rupture


de la plaque athéroscléreuse

Type de facteurs Mécanismes associés


Mécaniques Forces de turbulence accrues (shear stress)
Vasospasme
Importance du cœur lipidique
Finesse de la chape fibreuse
Constituants de la plaque  Cholestérol estérifié
 Matrice extracellulaire
 Métalloprotéases
 Cellules T et des macrophages
 FT
 Cytokines pro-inflammatoires
Chape fibreuse  Synthèse de collagène
 Dégradation du collagène
 Cellules musculaires lisses

Acteurs de l’athérothrombose
Les divers facteurs de risque artériel sont répertoriés de façon consensuelle :
la dyslipidémie, l’hypertension, le tabac, le diabète, l’âge par exemple. Il est
clairement admis que l’athérothrombose résulte d’un processus plurifactoriel
au sein du compartiment vasculaire avec des acteurs cellulaires et plasmati-
ques multiples. Mais les mécanismes impliquant l’ensemble des
protagonistes sont complexes et encore mal connus. La rupture de la plaque
expose le sous-endothélium thrombogène via le collagène, le VWF et le FT.
La richesse particulière de la plaque elle-même en FT a bien été démontrée.
L’activation plaquettaire consécutive à leur adhésion via les glycoprotéines
(GP) membranaires (GPIb-IX, GPIIb/IIIa) provoque la libération de subs-
tances prothrombotiques telles que le thromboxane A2 (TxA2) et la génération
de thrombine contribuant ainsi à la formation et à la consolidation du
thrombus (voir fig. 5.2). Sa croissance importante et rapide sera responsable
de la symptomatologie ischémique clinique. C’est donc suite à une véritable
coopération métabolique et cellulaire complexe que survient l’accident
athérothrombotique.
Nous envisagerons donc successivement les différents acteurs impliqués dans
l’accident mécanique de la plaque et leurs marqueurs avant de discuter de leur
intérêt potentiel.
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 167

Endothélium
L’atteinte endothéliale est à l’origine de la mise à nu de la matrice conjonctive
riche en collagène et de la croissance du thrombus colmatant la brèche vascu-
laire. Différents paramètres biologiques sont proposés pour évaluer l’atteinte
endothéliale ou l’état d’activation cellulaire de cette structure réputée non
thrombogène :
– la sécrétion de FT avec la détection de complexes FVII-FT;
– la sécrétion de molécules adhésives sous forme soluble telles que sICAM-1
ou sVCAM-1;
– l’expression de E-sélectine favorisant les contacts intercellulaires pro-
inflammatoires;
– les taux accrus de VWF et surtout des formes de haut poids moléculaire;
– la génération de microparticules endothéliales prothrombotiques;
– le détachement de cellules endothéliales circulantes corrélé à l’agression
endothéliale par exemple;
– la thrombomoduline, principalement sous sa forme soluble, serait un indica-
teur fidèle de l’atteinte endothéliale.
La rupture de la plaque athéroscléreuse aboutit donc à la formation d’un
thrombus plaquettaire et à l’activation focale de la génération de thrombine
qui constituent la clé de voûte de la thrombogenèse. La thrombine liée au
thrombus toujours active contribue à la croissance du caillot en agissant sur de
multiples cibles cellulaires ou plasmatiques. La thrombogénicité du thrombus
résiduel dépend à la fois de la sténose générée, des turbulences (forces de
cisaillement) associées et de la thrombine formée restant liée au caillot. La
libération de médiateurs vaso-occlusifs tels que l’endothéline, le thromboxane
d’origine monocytaire et plaquettaire, l’ADP, la sérotonine ou le PAF (platelet
activating peptide) issus des granules plaquettaires contre balancent la vasodi-
latation protectrice endothéliale assurée par la synthèse de prostacycline ou
PGI2 et de monoxyde d’azote ou NO.
Le VWF plasmatique contribue à la formation de l’agrégat plaquettaire dans
des conditions de turbulences élevées. Il apparaît à la fois comme un marqueur
de la phase aiguë d’une thrombose coronaire et comme un facteur prédictif de
récidive et de mortalité postangioplastie.
La VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule 1), l’ICAM-1 (intercellular
adhesion molecule 1) et la E-sélectine permettent l’adhésion et la migration
leucocytaire au sein de la paroi vasculaire concourant ainsi à la croissance et à
l’instabilité de la plaque d’athérome. Dans une étude prospective sur près de
1 250 patients coronariens, des chercheurs ont montré que l’élévation des taux
de sVCAM-1 était associée à une augmentation de 300 % du risque de décès
cardiovasculaire. D’autres chercheurs ont rapporté l’élévation précoce
d’ICAM-1 soluble (sICAM-1) chez les patients présentant un infarctus du
myocarde (IDM) et proposent ce marqueur sensible de l’état inflammatoire
comme un indicateur du risque thrombotique en cas d’atteinte coronaire. Une
méta-analyse de Malik et al., concernant l’association de l’augmentation des
molécules adhésives et de la survenue d’accidents coronariens, souligne
l’utilisation potentielle du dosage des ICAM-1 pour identifier les patients à
168 Maladies thrombosantes

risque thrombotique important et justifier alors une prophylaxie optimisée.


Cela demande néanmoins à être validé au plan épidémiologique.
Récemment, la cytométrie en flux a montré que les microparticules endothé-
liales sont significativement plus nombreuses en cas d’IDM aigu (25,5 ± 4,8;
n = 14) ou d’angor instable (18,6 ± 1,9; n = 13) avec des taux 2 à 3 fois supé-
rieurs à ceux des sujets témoins (9,9 ± 1,6; n = 12) ou ayant un angor stable
(10,1 ± 1,6; n = 12). L’activité du FT, particulièrement abondant au sein des
plaques athéromateuses, combinée aux microparticules riches en phospholi-
pides anioniques contribue ainsi largement à la thrombogénicité de la plaque
et à l’hypercoagulabilité systémique.
Le système complexe du NO, modulant la vasomotricité et la réponse plaquet-
taire, est aussi à l’interface d’un conflit artériel éventuel. Après avoir montré
que les plaquettes des patients ayant un syndrome coronarien aigu produi-
saient moins de NO que celles des sujets ayant un angor stable, il a été
souligné que le déficit endothélial en NO peut contribuer à la genèse d’un
accident thrombotique artériel. La biologie vasculaire a réussi à identifier une
cause rare mais très intéressante en physiopathogénie. Il a en effet été prouvé
la survenue d’accident vasculaire cérébral (AVC) familial chez des sujets
jeunes porteurs d’un déficit constitutionnel en glutathion peroxydase (GPx-3),
enzyme impliquée dans le métabolisme du NO. Cette altération génétique rare
est transmise sur un mode autosomal dominant. Cette observation a comme
application thérapeutique potentielle la recherche de donneurs de NO.

Plaquettes
Nous disposons de nombreuses méthodes pour évaluer la réactivité plaquet-
taire et l’état des plaquettes circulantes (fig. 5.4).
L’agrégométrie permet d’établir l’existence d’une réponse plaquettaire
exacerbée (hyperagrégabilité) ou une réactivité moindre aux agonistes classi-
ques (désensibilisation liée à une exposition préalable in vivo à certains
agonistes). Bien plus, une agrégation spontanée in vitro serait prédictive de
récidive thrombotique et même de mortalité cardiovasculaire dans le
postinfarctus.
Les dosages immunoenzymatiques permettent d’identifier une synthèse
accrue de Txa2 sérique ou urinaire et une libération granulaire consécutive à
l’activation plaquettaire avec l’élévation des taux de certaines protéines
comme le facteur 4 plaquettaire (F4P) ou la β-thromboglobuline (βTG).
Compte tenu des variations artefactuelles potentielles en rapport avec les
conditions préanalytiques drastiques, la possibilité d’étude des métabolites
urinaires métaboliquement stables a simplifié radicalement le recueil des
échantillons et amélioré significativement les possibilités de dosages en
pratique clinique.
Le volume plaquettaire moyen (VPM) est systématiquement disponible grâce
à la réalisation simple de l’hémogramme. L’augmentation du VPM à la phase
aiguë d’un accident coronarien serait un facteur de risque prédictif de l’évolu-
tion péjorative. Cette augmentation de taille serait responsable d’une réactivité
plaquettaire accrue et d’une expression de sites glycoprotéiques membranaires
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 169

(B) Activées
modification conformationnelle
des GP membranaires
expression de GP granulaires
(A) Au repos (C) Désensibilisées
expression basale modification conformationnelle
de GP membranaires des GP membranaires
état réfractaire

Fig. 5.4. États fonctionnels plaquettaires.


Les plaquettes sont des cellules anucléées contribuant à l’hémostase et à la
thrombose. À l’état de repos, elles circulent sous la forme discoïde (A). En
cas de stimulation préalable, les plaquettes deviennent alors réfractaires du
fait d’une désensibilisation des récepteurs membranaires, elles ne répon-
dent pas à l’exposition ultérieure à l’agoniste homologue (C). Cela est
notamment décrit dans certaines situations cliniques avec génération
accrue de TxA2 ou en cas de drépanocytose sévère. Les plaquettes subissent
des modifications conformationnelles du cytosquelette identifiables au
plan membranaire par cytométrie en flux (B). En cas d’activation plaquet-
taire aboutissant à la formation d’un thrombus plus ou moins occlusif, les
modifications morphologiques plaquettaires sont encore plus nettes avec
l’enchevêtrement plus important des pseudopodes membranaires et la
constitution de nombreux points d’ancrage interplaquettaires matérialisés
par les ponts de fibrinogène fixés sur les sites GPIIb/IIIa activés.
(D’après Gawaz, In Blood Platelets, Thieme Medical Publishers, 2002.)

plus nombreux (GPIb, GPIIb/IIIa). Est-elle le reflet d’une consommation


accrue des plaquettes avec des plaquettes réticulées plus nombreuses ou d’une
stimulation de la thrombopoïèse en rapport avec un profil pro-inflammatoire
(sécrétion d’interleukine 6 [IL6]). Les plaquettes réticulées, par analogie avec
les réticulocytes, correspondraient à une sous-population plaquettaire particu-
lièrement riche en acides nucléiques et de nature plus jeune.
Le CD62 ou sélectine est une glycoprotéine membranaire retrouvée au sein
des granules alpha plaquettaires (CD62-P) et des corps de Weibel-Palade des
cellules endothéliales (CD62-E). Une surexpression de la P-sélectine serait
associée au passage de l’état d’angor stable à celui d’angor instable, ou
prédictive d’accidents ischémiques après angioplastie. En analyse multivariée,
il apparaît que l’élévation des taux de la forme soluble de CD62 est prédictive
des complications thrombotiques cardiaques. L’intérêt de ce marqueur a été
considéré comme le meilleur témoin de l’activation plaquettaire. Mais son
intérêt reste discuté en clinique compte tenu des difficultés analytiques de son
évaluation et de ses clairances plasmatique et membranaire particulièrement
rapides.
170 Maladies thrombosantes

Les développements de la cytométrie en flux ont permis de mieux caractériser


le phénotype plaquettaire par la mise en évidence de sites membranaires parti-
culiers (GPIIb/IIIa activée, ligand-induced binding sites, receptor-induced
binding sites) et d’authentifier l’état fonctionnel des plaquettes par leur modi-
fication conformationnelle éventuelle. L’existence de divers polymorphismes
fonctionnels des récepteurs membranaires pourrait ainsi influencer le risque
thrombotique : PlA1/PlA2 pour la GPIIb/IIIa (récepteur du fibrinogène),
Thr145/Met145 pour la GPIb (récepteur du VWF), ou Ser219/Pro219 pour la GPVI
(récepteur du collagène).

Complexes leucoplaquettaires :
coopération cellulaire pro-inflammatoire
Il est de plus en plus évident que l’inflammation occupe un rôle fondamental
en pathologie coronarienne. L’infiltration du compartiment vasculaire par les
cellules inflammatoires est orchestrée par un ensemble complexe de cytokines
(IL6, IL18, TNFα, IL1 par exemple) et de molécules d’adhésion cellulaire
(VCAM-1, ICAM-1 par exemple). Ces éléments pourraient constituer de véri-
tables marqueurs modernes du risque cardiovasculaire. L’expression de
P-sélectine par les plaquettes activées permet la liaison aux récepteurs leuco-
cytaires spécifiques PSGL-1 (P-selectin glycoprotein ligand 1) (fig. 5.5). Le

Polynucléaire neutrophile

Plaquette activée

Monocyte
PSGL-1 T lymphocyte

CD62

Endothélium

Subendothélium

Fig. 5.5. P-sélectine : support de la coopération cellulaire.


La formation de complexes leucoplaquettaires est possible après l’activa-
tion plaquettaire autorisant l’expression accrue de P-sélectine (CD62). Ces
contacts intercellulaires provoquent à leur tour une activation de tous les
partenaires cellulaires du compartiment vasculaire via l’induction d’autres
molécules d’adhésion (MAC-1 par exemple) et de cytokines pro-
inflammatoires.
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 171

pourcentage de ces complexes leucoplaquettaires est significativement accru


chez les patients ayant un angor instable ou un IDM mais pas en cas de
douleur thoracique non cardiaque. Ils seraient des marqueurs précoces de
l’activation plaquettaire in vivo lors des syndromes coronariens aigus.
Le contingent monocytaire joue aussi un rôle prépondérant au sein de l’athé-
rome et de son évolutivité clinique. L’activation monocytaire peut être évaluée
par cytométrie en flux et les patients ayant un IDM aigu présentaient une
surexpression du CD14, alors que cette expression était similaire au groupe
contrôle en cas d’angor instable.
Même les lymphocytes sont impliqués dans le conflit thrombotique. Les taux de
sCD40L, la forme soluble du ligand du CD40 (CD154) étaient significativement
plus élevés en cas d’IDM et d’angor stable par rapport aux valeurs témoins.
La coopération cellulaire au sein du compartiment vasculaire est la pierre
angulaire de la complication thrombotique. Le CD40, autorisant à lui seul des
échanges intercellulaires multiples (lymphocytes, cellules endothéliales,
plaquettes, monocytes par exemple), serait le chaînon manquant (missing link)
de cette association délétère. La combinaison du CD40 membranaire endothé-
lial ou monocytaire au CD154 (CD40L) plaquettaire provoque la synthèse des
molécules adhésives, l’induction de diverses chémokines, l’expression accrue
du FT et même l’activation des métalloprotéases. Le CD40 matérialise ainsi le
lien étroit existant entre la thrombose aiguë et l’inflammation chronique.

Marqueurs de l’hypercoagulabilité :
déséquilibre de la balance hémostatique
Responsable de l’amplification du processus thrombotique et de la consolida-
tion du thrombus, la génération de thrombine est le résultat d’une série de
réactions faisant intervenir de multiples facteurs dont le dosage permettrait de
mieux identifier les patients à haut risque vasculaire (fig. 5.6 et 5.7 et
tableau 5.IV).

Tableau 5.IV. Paramètres potentiels témoins de l’activation


de l’hémostase

Paramètres Évolution et mécanisme physiopathogénie


FT  Lésion endothéliale/activation monocytaire
FVIIa  Activation de la voie du FT
TFPI  Consommation à la phase aiguë
F1 + 2  Génération accrue de thrombine
Complexes TAT  Formation accrue de thrombine
FPA  Formation accrue de fibrine
t-PA  Atteinte endothéliale
PAI1  Atteinte vasculaire
Complexes PAP  Formation accrue de plasmine
D-Di  Dégradation accrue de la fibrine générée
D-Di : D-dimères, PAP : plasmine-antiplasmine, TAT : thrombine-antithrombine
172 Maladies thrombosantes

Fig. 5.6
FPB
Thrombine Monomère de fibrine-2

3 4

Monomère de fibrine-1
FPA Fibrine
TAT soluble
F1+2
2
Prothrombine Thrombine
1

Fibrinogène

Fig. 5.7

Monomère de fibrine-2

Facteur XIIIa
Ca++

Polymère de fibrine

PLASMINE

Produit de dégradation DD-E


de haut poids moléculaire

Génération de D-Di
Produits de dégradation de la fibrine

Fig. 5.6 et 5.7. Marqueurs de l’activation de la coagulation.


La transformation de la prothrombine en thrombine libère les F1+2. Ils reflè-
tent la génération de thrombine comme les complexes TAT. L’attaque du
fibrinogène par la thrombine est alors responsable de la libération des FPA
et FPB et aboutit à la formation de monomères de fibrine. L’action de la
plasmine consécutive à celle de la thrombine génère alors des produits de
dégradation spécifiques de la fibrine, les D-Di, marqueurs indirects de l’acti-
vation de la coagulation.
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 173

L’élévation chronique du fibrinogène est un facteur de risque cardiovasculaire


classique. Il a été montré que son augmentation au-delà de 3,5 g/l est associée
à un risque accru de resténose postangioplastie. Protéine de l’inflammation, le
fibrinogène est le précurseur de la fibrine. Il joue un rôle majeur dans la visco-
sité plasmatique. Il accroît l’adhésion leucocytaire à l’endothélium, stimule la
prolifération des cellules musculaires lisses et favorise la captation macropha-
gique des lipides. Les taux de fibrinogène obéissent à un double
déterminisme : l’un génétique avec l’existence de polymorphismes et l’autre
environnemental, avec l’influence du tabac par exemple.
À la phase aiguë d’un syndrome coronarien, il a récemment été montré que
l’augmentation des taux de fibrinopeptide A (FPA), issus de la protéolyse du
fibrinogène par la thrombine, était associée à une évolution péjorative.
Contrairement à l’augmentation des taux de fragments 1 + 2 de la prothrom-
bine (F1 + 2) ou des complexes thrombine-antithrombine (TAT), seuls les taux
de FPA élevés avaient une valeur prédictive de la mortalité cardiovasculaire.
Produits de dégradation de la fibrine, les D-dimères (D-Di) sont considérés à
la fois comme des marqueurs directs de la fibrinolyse et indirects de l’activa-
tion de la coagulation. Toutefois, leur augmentation régulière avec l’âge et
leur manque de spécificité limitent leur intérêt dans ce contexte où la comorbi-
dité est fréquente : sujets âgés, inflammation, sepsis par exemple. De
nouvelles méthodes de dosage d’exécution simplifiée, unitaires et rapides sont
maintenant disponibles et particulièrement intéressantes dans la stratégie
diagnostique d’un accident thrombotique. Plusieurs tests sont disponibles et
commercialisés. Fondés sur le même principe (Elisa), ils diffèrent par l’anti-
corps monoclonal dirigé contre les D-Di, l’immunoconjugué reconnaissant les
complexes immuns générés, la procédure analytique (temps d’incubation,
nombre de dilutions) et la limite de détection. La limite supérieure des taux
normaux de D-Di varie selon la technique utilisée et selon le mode d’expres-
sion des résultats. Il faut donc garder à l’esprit le défaut de standardisation et
l’hétérogénéité des anticorps utilisés dans ces différentes méthodes. Plusieurs
études ont montré que l’augmentation des D-Di est bien corrélée à une majo-
ration du risque coronarien après ajustement aux autres facteurs de risque
vasculaire tels que le tabac, l’âge, la tension artérielle, les taux de cholestérol
ou de HDL et le poids (ou l’indice de masse corporelle).
Il apparaît que le risque relatif d’accident passe de 1,3 (IC 95 % 0,98 à 1,66) si
le taux de D-Di est compris entre 49 et 94 ng/ml à 1,8 (IC95 % 1,38 à 2,32)
s’il est > 94 ng/ml.

Risque thrombotique : combinaison multifactorielle


La survenue d’un accident thrombotique artériel est la conséquence complexe
de la conjonction de divers facteurs constitutionnels, acquis et environnemen-
taux, de l’interaction de différents acteurs pariétaux et circulants, de la
combinaison délétère de phénomènes mécaniques et pharmacologiques inti-
mement intriqués. La notion de thrombophilie est aussi avancée avec
d’authentiques particularités biologiques responsables d’une hypercoagulabi-
lité plasmatique, comme la résistance à l’activité anticoagulante de la PCa ou
174 Maladies thrombosantes

la mutation du gène codant la prothrombine (FII 20210A), qui sont classique-


ment rapportées en thrombophilie veineuse. L’hyperhomocystéinémie,
responsable d’une toxicité endothéliale, semble être un facteur de risque
cardiovasculaire indépendant. Elle facilite l’expression du FT et module le
système frénateur de la PC et de la thrombomoduline. Elle pourrait alors
potentialiser la génération accrue de thrombine et être associée à une augmen-
tation significative des taux de FVII activé et de F1+2 en cas de syndrome
coronarien aigu.

Cause, conséquence ou coïncidence : intérêt des marqueurs


La physiopathologie moderne réserve une place importante aux processus de
l’hémostase-thrombose et de la fibrinolyse pouvant expliquer les consé-
quences cliniques variables des lésions mécaniques des plaques d’athérome
(tableau 5.V). Des progrès réels ont été réalisés dans l’identification de
marqueurs de plus en plus sensibles, mais leur spécificité reste limitée en
raison de la comorbidité fréquente et l’intrication avec le processus
inflammatoire.

Tableau 5.V. Marqueurs de l’hémostase disponibles et utilisés dans les


essais cliniques dans le contexte des syndromes coronariens aigus

Activation plaquettaire CD62 (P-sélectine, alpha-granulaire)


β-thromboglobuline (alpha-granulaire)
Sérotonine (delta-granulaire)
CD63
PAC-1 (Ac monoclonal anti-GPIIb/IIIa modifiés)
Volume plaquettaire moyen
Complexes leucoplaquettaires (CD16/CD62)
Microparticules plaquettaires
Activation de la coagulation Complexes TAT
F1+2
FPA
FVIIa
Fibrinolyse (dégradation de Complexes t-PA/PAI
la fibrine) D-Di
FPA
Complexes PAP
D-Di : D-dimères, PAP : plasmine-antiplasmine

L’abondance relative des travaux dans la littérature contraste avec la pauvreté


des acquisitions effectives pour la pratique clinique au quotidien. Après l’iden-
tification de l’altération biologique ou la démonstration de sa fréquente
association avec une expression clinique particulière, il reste encore à déter-
miner la causalité et la pertinence de ce paramètre en pratique clinique. Le ou
les paramètres ayant une valeur diagnostique ou prédictive utile au clinicien
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 175

restent donc à identifier. Même si certains d’entre eux peuvent être comparés à
la troponine, leur utilisation souffre de problèmes préanalytiques et de la
complexité de la méthodologie peu applicable en routine.
Les objectifs de ces marqueurs sont néanmoins importants et leurs enjeux
cliniques restent multiples :
– meilleure connaissance de la physiopathogénie;
– stratification du risque avec la définition de sous-groupes de patients aux
besoins thérapeutiques différents;
– suivi thérapeutique ciblé;
– optimisation de la prise en charge des patients.
Donc, l’utilisation de ces marqueurs doit être mieux analysée compte tenu des
retombées potentielles en thérapeutique car la réponse clinique aux différents
schémas préconisés est en fait loin d’être univoque. En effet, restent à établir
l’utilité potentielle de ces indicateurs dans l’évaluation de la pathogénie de
l’accident vasculaire, leur intérêt dans la stratification des patients, leur valeur
pronostique éventuelle, leur caractère prédictif dans la stratégie thérapeutique
et le suivi des patients.

Stratification du risque vasculaire


Un score chez l’homme et chez la femme est proposé pour évaluer le risque
vasculaire. Ce score de Framingham est fondé sur différents critères auxquels
sont accordées des valeurs numériques plus ou moins grandes (– 9 à + 8). Les
critères retenus sont : l’âge, le cholestérol total, le cholestérol HDL, la pres-
sion artérielle systolique, l’existence d’un diabète ou le tabagisme. Le risque
sera estimé selon quatre grades : faible, moyen, modérément élevé, et élevé.
Ce score peut être obtenu sur le site de la Société américaine de cardiologie
(www.circulationaha.org).
Les progrès de la biologie et le développement des tests proposant de
nouveaux marqueurs de l’altération de l’hémostase dans les syndromes coro-
nariens aigus ont certainement contribué à mieux connaître les étapes et les
acteurs de la pathogenèse des accidents thrombotiques. Toutefois, les études
actuelles sont trop limitées pour pouvoir confirmer leur intérêt pronostique et
leur réelle contribution en pratique quotidienne pour la stratification effective
du risque athérothrombotique. Encore réservés à des laboratoires spécialisés,
les limites et les insuffisances de ces dosages spécifiques restent à mieux
définir dans ce contexte particulier à très haut risque vasculaire. Ces
marqueurs devraient idéalement apporter une aide stratégique pour établir le
choix de l’optimum thérapeutique et pour le suivi des patients.

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176 Maladies thrombosantes

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6 MALADIE
THROMBOEMBOLIQUE
VEINEUSE

QUANTIFICATION DU RISQUE ET PROPHYLAXIE


DANS LA MALADIE THROMBOEMBOLIQUE
VEINEUSE
Meyer-Michel SAMAMA, Gregoris T. GEROTZIAFAS,
Marie-Hélène HORELLOU

La prophylaxie de la maladie thromboembolique est une attitude qui gagne une


place de plus en plus importante dans le milieu médical et chirurgical, depuis
que de nombreuses études ont bien établi son efficacité et sa sécurité. Cepen-
dant, tous les spécialistes recommandent de choisir et d’adapter le traitement
prophylactique en fonction de l’importance du risque thromboembolique. Nous
rappellerons succinctement les facteurs de risque thromboembolique, déjà
étudiés (voir chapitre 5), avant d’aborder les méthodes prophylactiques (méca-
niques ou pharmacologiques) afin de déterminer les meilleures stratégies
actuelles de prévention de la maladie thromboembolique en chirurgie et en
médecine.

Facteurs de risque thromboembolique


La classification et l’impact relatif de chaque facteur de risque sont à consi-
dérer. D’après l’expérience accumulée au cours de plusieurs années d’étude,
les facteurs de risque thromboembolique sont classés en utilisant différents
critères comme le confirme bien le travail le plus récent sur le sujet (voir
chapitre 5).
Il convient de distinguer :
– les facteurs intrinsèques (ou prédisposant au risque) sont liés aux caractéris-
tiques individuelles et/ou aux particularités cliniques du patient, qu’ils soient
transitoires ou permanents. Les facteurs de risque intrinsèques, sont également
classés en facteurs de risque héréditaires, acquis ou mixtes;
– les facteurs extrinsèques (ou exposant au risque), également appelés facteurs
déclenchants, peuvent être un acte chirurgical, un traumatisme, une adminis-
tration de certains traitements ou encore une pathologie sous-jacente comme
le cancer. De plus, dans cette catégorie de facteurs de risque thromboembo-
lique figurent des conditions particulières comme la grossesse, le voyage
prolongé, l’immobilisation (alitement avec ou sans autonomie et avec ou sans
marche de plus de 10 m).
178 Maladies thrombosantes

Facteurs extrinsèques ou exposant au risque


L’évaluation des facteurs de risque extrinsèque est essentielle dans la prophy-
laxie de la maladie thromboembolique en milieu chirurgical et médical.
Les facteurs extrinsèques comprennent :
– des activités ou des conditions spontanées, comme un voyage prolongé, un
traumatisme (mineur ou majeur) et des conditions particulières envisagées
plus loin;
– dans le milieu médical, des conditions pathologiques aiguës comme l’infec-
tion, le cancer à un stade avancé ou évolutif, l’IDM, l’accident vasculaire
cérébral (AVC), et l’immobilisation prolongée, l’insuffisance rénale;
– des actes iatrogènes et essentiellement la chirurgie ainsi que le cathétérisme,
l’anesthésie, l’exploration endovasculaire, voire la phlébographie et la
plasmaphérèse.
La chirurgie est un facteur de risque d’exposition important. Le pourcentage
d’accidents de thromboses veineuses profondes (TVP), le plus souvent
asymptomatiques, en l’absence de traitement prophylactique est bien
démontré dans les essais des médicaments antithrombotiques. Pour la
chirurgie orthopédique, la grande fréquence des accidents thromboemboliques
a bien été confirmée dans les groupes placebo, lorsque la phlébographie a été
utilisée comme critère de jugement. Des travaux récents suggèrent que la TVP
asymptomatique en particulier proximale est un bon critère de substitution
(surrogate end point) de la TVP symptomatique. La validité de la phlébogra-
phie a récemment été démontrée en chirurgie orthopédique :
– en reprenant toutes les études comprenant une prolongation du traitement
par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou placebo;
– en comparant le nombre de TVP symptomatiques à celui des phlébographies
positives. Une corrélation statistiquement significative a été mise en évidence
pour les thromboses proximales.

Tableau 6.I. Niveau de risque thromboembolique en chirurgie générale


sans prophylaxie et recommandations de stratégies prophylactiques
(d’après Geerts et al., consensus ACCP, 2008)
TVP TVP EP sympto-
Niveau EP fatale Stratégies de
distale proximale matique
de risque (%) prévention
(%) (%) (%)
Risque faible 2 0,4 0,2 0,002 Mobilisation précoce
active
Risque 10-20 2-4 1-2 0,1-0,4 HNF faible dose 2 fois/j
intermédiaire HBPM ou CMI*
Risque élevé 20-40 4-8 2-4 0,4-1 HNF faible dose 3 fois/j,
HBPM ou CMI*
Risque très 40-80 10-20 4-10 0,2-5 HBPM, anticoagulants
élevé oraux, CMI* + HNF/HBPM
CMI = compression mécanique intermittente, EP : embolie pulmonaire, HNF : héparine non
fractionnée
Maladie thromboembolique veineuse 179

Après certaines variétés de chirurgie (chirurgie orthopédique majeure, par


exemple), le risque d’accident thromboembolique est très élevé.
Il faut faire une place particulière au risque en milieu médical, qui est souvent
négligé, bien que jouant un rôle plus important que le risque chirurgical dans
la survenue des embolies pulmonaires (EP) mortelles.
La iatrogénicité de certains médicaments doit être rappelée : un petit nombre
de thérapeutiques majore le risque d’accident thrombotique comme la chimio-
thérapie, le tamoxifène, les corticostéroïdes, les médicaments antipsychoti-
ques et, de connaissance plus récente, la thalidomide.

Classification des facteurs de risque


L’objectif est de parvenir à une évaluation précise des facteurs de risque de
façon à aboutir à un score global pour un patient déterminé. La stratégie théra-
peutique sera ensuite adaptée au risque global.
Des grandes études épidémiologiques ont démontré que presque chaque
facteur de risque a un impact différent sur la manifestation d’un accident
thromboembolique qui a permis de les classer en :
– facteurs de risque élevé;
– facteurs de risque intermédiaire;
– facteurs de risque faible.
Chacun de ces facteurs augmente le risque indépendamment des autres. La
présence de plusieurs facteurs de risque chez un même patient peut avoir un
effet multiplicatif. Par exemple, la prévalence de la TVP et d’EP est significa-
tivement plus importante chez les patients ayant des facteurs de risque majeurs
par rapport aux patients qui n’en ont pas.

Estimation du risque en milieu chirurgical


Les auteurs américains ont classé le risque thromboembolique postopératoire
en trois groupes : faible, intermédiaire, élevé :
– le risque faible correspond à la chirurgie mineure chez les malades de moins
de 40 ans, qui n’ont pas de facteur de risque additionnel, aux patients mobiles
ou aux patients ambulatoires;
– le risque intermédiaire correspond à la plupart des opérations de chirurgie
générale gynécologique, urologique ou aux patients alités. On distingue un
groupe à risque modéré avec risque hémorragique important;
– le risque élevé correspond aux arthroplasties (hanche ou genou) aux rhuma-
tismes majeurs, aux lésions de la moelle épinière. Ce 3e groupe comprend un
sous-groupe à risque élevé de saignement;
Le risque très élevé ou majeur concerne un 4e groupe de patients. Il comprend
la chirurgie majeure chez les malades de plus de 40 ans ayant soit un antécé-
dent de TVP, soit un cancer, soit une thrombophilie, ou qui ont subi une
intervention de chirurgie orthopédique majeure (hanche ou genou), ou qui se
sont fracturés la hanche, ou qui ont eu un traumatisme majeur ou un trauma-
tisme de moelle épinière. Le niveau de risque thromboembolique en chirurgie
180 Maladies thrombosantes

générale et les fréquences des EP fatales, des thromboses distales, proximales


s’exprimant cliniquement sans prophylaxie sont rassemblés dans le
tableau 6.I.
Les trois groupes de risque des recommandations ACCP 2008 sont décrits
dans ce même tableau 6.I.
Néanmoins, il existe une difficulté dans la définition précise de chirurgie
mineure ou majeure. Selon le consensus international, toutes les opérations
non abdominales d’une durée < 45 min sont définies comme chirurgie
mineure, tandis que les opérations intra-abdominales et non abdominales
d’une durée > 45 min sont définies comme chirurgie majeure. Cette définition
n’est pas unanimement acceptée.

Estimation du risque en milieu médical


Une classification des facteurs de risque permettant de calculer un score a été
établie par la méthode Delphi. Il est en bon accord avec les recommandations
récentes de la littérature et la classification des facteurs de risque thromboem-
bolique établi anciennement par le groupe d’experts THRIFT (thromboembolic
risk factors). Des enquêtes en milieu hospitalier ont montré que :
– ce protocole n’est pas bien suivi en pratique;
– un nombre important de malades ne reçoit pas la prophylaxie qui était indi-
quée tandis qu’un nombre, aussi important de patients, est traité sans une
indication légitime.
Le groupe d’experts THRIFT réuni quelques années auparavant a proposé une
classification concernant le risque rencontré en milieu médical, qui est égale-
ment en bon accord avec les résultats des travaux précédents. Dans
l’ensemble, ces études sont donc en bon accord. Elles sont très utiles pour
déterminer la stratégie prophylactique en fonction du risque thromboembo-
lique pour un patient donné hospitalisé en milieu non chirurgical. L’extension
à des patients ayant les mêmes facteurs de risque mais traités à domicile a été
acceptée en France par les autorités de santé. Elles proposent des indications
pour le bon usage des HBPM.
L’association cancer et thrombose connaît un regain d’intérêt à la suite de
travaux récents montrant la pertinence clinique de la thromboprophylaxie chez
le patient cancéreux.

Prophylaxie des accidents thromboemboliques veineux


(ATEV)
Les méthodes prophylactiques sont nombreuses. Elles peuvent être utilisées
isolément ou être associées en fonction de l’importance du risque. En France,
la prophylaxie par les HBPM est de très loin la méthode la plus fréquemment
utilisée. Toutefois, les méthodes physiques, principalement celle des bas à
compression graduée antithrombose, ont été trop souvent négligées.
À côté des bas de compression graduée, de la compression mécanique inter-
mittente, la méthode du footpump a récemment été proposée. Elle réalise une
Maladie thromboembolique veineuse 181

compression mécanique intermittente de la plante du pied pouvant favoriser le


retour veineux. Cette méthode est actuellement insuffisamment étudiée, mais
les premiers résultats ont montré une efficacité relative. Elle est beaucoup plus
commode que la compression mécanique intermittente, mais ces deux
méthodes n’ont jamais été comparées dans la même étude. Toutefois, la
compression mécanique intermittente plus compliquée et peu utilisée en
France est beaucoup plus souvent étudiée aux États-Unis. Une récente étude
suggère que la stimulation électrique modérée des jambes chez les patients
immobilisés pourrait réduire le risque thromboembolique.
L’intérêt de cette méthode mécanique dans le traitement de l’insuffisance
veineuse chronique a été récemment suggéré.

Recommandations de thromboprophylaxie en chirurgie


Chaque centre ou chaque unité de thrombose doit mettre au point une stratégie
bien définie pour la thromboprophylaxie adaptée à la stratification du risque
thromboembolique pour chaque groupe des patients. Les auteurs américains
distinguent actuellement trois niveaux de risque de même que les auteurs
européens : risque faible, risque intermédiaire et risque élevé.
Il faut noter l’introduction du fondaparinux (Arixtra) au côté des différentes
HBPM dans la prophylaxie pharmacologique. La prophylaxie mécanique (bas
de contention et appareil de compression pneumatique intermittente) a sa
place, et ne doit pas être négligée. Les méthodes mécaniques de thrombopro-
phylaxie doivent être utilisées en première intention chez les patients à risque
hémorragique élevé (niveau 1A). Elles sont, de plus, associées à la thrombo-
prophylaxie pharmacologique chez certains patients. Les auteurs de la
dernière conférence de l’ACCP ont laissé au prescripteur le choix d’un traite-
ment reconnu, en conseillant de suivre les recommandations du laboratoire
pharmaceutique pour la posologie. Ils reconnaissent que la classification
ancienne fondée sur la fréquence des TVP et des EP en chirurgie, en dehors
d’une prophylaxie, reste cohérente. Toutefois, ils estiment que les fréquences
des accidents thromboemboliques seraient très vraisemblablement plus faibles
si des essais thérapeutiques étaient réalisés aujourd’hui. L’utilisation de l’aspi-
rine est en revanche déconseillée.
– dans le faible risque, une mobilisation précoce est recommandée (niveau de
preuve de la recommandation 1A) (tableau 6.II);
– dans le risque intermédiaire, en chirurgie générale oncologique ou non,
l’HNF, les HBPM et le fondaparinux sont recommandés (niveau 1A);
– dans le risque élevé :
• en chirurgie générale chez les patients ayant plusieurs facteurs de risque,
l’association d’une méthode mécanique à une méthode pharmacologique
paraît logique (niveau 1C);
• en chirurgie orthopédique majeure (prothèse de hanche et de genou) la
recommandation est d’utiliser une HBPM ou le fondaparinux, ce dernier
pouvant être préféré dans le cadre de la fracture du col ou du fémur. Les
AVK sont également utilisés en Amérique du Nord.
Tableau 6.II. Grades de recommandation (d’après le consensus de l’American College of Chest Physicians - ACCP)

Grade de Netteté du rapport Puissance méthodologique étayée


Implications
recommandation risque/bénéfice par des preuves
IA Évidente Essais randomisés sans limitations Recommandation forte : peut être appliquée à
importantes la plupart des malades dans la majorité des
circonstances sans restriction
182 Maladies thrombosantes

IB Évidente Essais randomisés avec limitations Recommandation forte : peut être appliquée
importantes (résultats incohérents, probablement à la plupart des malades
défauts de la méthodologie)
IC Évidente Études observationnelles Recommandations de puissance intermédiaire :
peut varier lorsque des preuves plus fortes sont
disponibles
2A Non évidente Essais randomisés sans limitations Recommandations de puissance intermédiaire :
importantes peut varier selon les circonstances ou les
facteurs liés au patient ou à la société
2B Non évidente Essais randomisés avec limitations Recommandation faible : stratégies alternatives
importantes (résultats incohérents, probablement meilleures pour certains malades
défauts de la méthodologie) dans certaines situations
2C Non évidente Études observationnelles Recommandations très faibles : d’autres
solutions alternatives peuvent également être
raisonnables
Maladie thromboembolique veineuse 183

Il est intéressant de noter que la dernière réunion de l’ACCP a envisagé de


nouvelles recommandations et suggestions dans les chirurgies thoracique,
bariatrique, coronaire, vasculaire et urologique.
Pour les différentes méthodes prophylactiques, le problème de la dose d’hépa-
rine a à peu près été résolu, même si le moment de la première injection reste
discuté. En théorie, la première injection a lieu 2 h avant l’acte opératoire en
chirurgie générale et, pour les HBPM, la veille de l’intervention en chirurgie
orthopédique dans la prothèse totale de hanche. Par ailleurs, les essais
modernes ont utilisé souvent une première injection 6 à 8 h après la fin de
l’intervention. Cette attitude s’est révélée efficace dans le cas de fondaparinux
en chirurgie orthopédique. Toutefois, l’extrapolation de cette observation à
d’autres médicaments doit être discutée. Par ailleurs, les anesthésistes hésitent
souvent à utiliser l’injection d’une HBPM avant de procéder à une anesthésie
locorégionale axiale. Dans ces conditions, le travail de Hull insiste sur le fait
que la première injection doit être faite au « bon moment ». Pour les HBPM, il
préconise le plus souvent que celle-ci ait lieu 6 à 8 h après la fin de l’acte opéra-
toire. Son opinion est confortée par une méta-analyse récente qui ne trouve pas
d’avantage significatif à l’utilisation d’une première injection préopératoire.
Les antivitamines K (AVK), qui constituent un bon traitement pharmacolo-
gique préventif en chirurgie, sont très peu utilisés en France et leur utilisation
en chirurgie orthopédique en Amérique du Nord perd du terrain au profit des
HBPM. Après la première période de prophylaxie, il pourrait être légitime
d’hésiter entre la poursuite d’une HBPM ou son relais par les AVK, mais, dans
un travail comparant les deux stratégies thérapeutiques, les AVK ont entraîné
davantage d’accidents hémorragiques.
Il reste de nombreux secteurs qui n’ont pas fait l’objet d’études suffisamment
importantes pour pouvoir être l’objet de recommandations fortes.

Utilisation des méthodes prophylactiques en médecine


La prophylaxie en milieu médical est très en retard sur celle en milieu chirur-
gical. Cela peut être expliqué par la difficulté à faire les études, à déterminer la
durée de la prophylaxie et le nombre d’études consacrées à ce problème est
peu important. La phase aiguë de l’IDM, les AVC avec en particulier une para-
lysie d’un membre inférieur sont des situations médicales pour lesquelles il
existe des recommandations de niveau de preuve élevé A1, indiquant une
prophylaxie. En revanche, dans une majorité d’autres cas (insuffisance
cardiaque, infection pulmonaire aiguë, alitement chez des malades atteints
d’une affection médicale sévère), il n’existait pas de recommandation forte
avant l’étude Medenox. Celle-ci a montré que chez ces malades, le risque
thromboembolique en l’absence de toute prophylaxie est de l’ordre de 15 %,
soit un malade sur six environ, et que l’énoxaparine à la dose de 40 mg/j plutôt
que 20 mg/j réduisait de plus de 60 % la fréquence des anomalies évocatrices
de TV à la phlébographie faite systématiquement entre le 6e et le 12e jour chez
ces patients. En France, les indications de thromboprophylaxie proposées en
médecine sont regroupées dans le tableau 6.III.
184 Maladies thrombosantes

Tableau 6.III. Indications de thromboprophylaxie proposées


en médecine en France chez les patients hospitalisés plus de 24 h
en milieu non chirurgical (d’après Fagot et al. et en accord avec
les recommandations de Bergman et la classification de THRIFT)

A. HBPM justifiées si présence d’au moins une situation à haut risque :


– post-IDM récent (< 5 jours);
– déficit moteur de(s) membre(s) inférieur(s) (< 7 jours);
– insuffisance cardiaque décompensée;
– cancer évolutif (notamment pelvien, abdominal ou métastatique);
– polyglobulie ou syndrome d’hyperviscosité sanguine;
– antécédent d’ATEV;
– hypercoagulabilité par anomalie de l’hémostase* connue (même sans
antécédent thromboembolique veineux).
B. HBPM justifiées si présence de :
– 2 situations à risque (colonne B1) ou une situation à risque (colonne B2);
– et deux facteurs aggravants (colonne B2).
B1. Situation à risque : B2. Facteurs aggravants :
– syndrome néphrotique – immobilisation (alitement total);
(albuminémie < 20 g/l); – déshydratation grave;
– pathologie inflammatoire – obésité (BMI > 30);
intestinale (évolutive); – insuffisance veineuse, varices;
– pathologie infectieuse grave; – âge > 60 ans;
– insuffisance respiratoire grave – grossesse;
(évolutive); – post-partum (< 6 semaines);
– hyperstimulation ovarienne. – toute contraception orale
œstroprogestative;
– œstrogénothérapie de la
ménopause (voie orale);
– cathéter veineux central;
– voyage prolongé.
C.En l’absence de situation à risque (A, B1), les HBPM ne sont habituellement
pas justifiées.
* Déficit en antithrombine (AT), protéines C et S (PC et PS), résistance à la protéine C
activée (PCa) avec mutation du FV Leiden, mutation FII 20210A, anticoagulant circulant
(ACC), antiphospholipides (APL)
ATEV : accident thromboembolique veineux

La durée de la thromboprophylaxie en milieu médical est de 6 à 10 jours.


Toutefois, une étude récente, EXCLAIM (Hull), montre l’intérêt potentiel
d’une prolongation de cette durée jusqu’à 35 jours, dans des groupes de
patients bien définis. Les résultats de cette étude permettront de définir la
durée optimale de la prophylaxie de la maladie veineuse thromboembolique
en médecine. Cette étude a montré les bénéfices cliniques d’un traitement de
5 semaines par énoxaparine 40 mg/j plutôt que 10 jours chez des patients à
mobilité réduite souffrant d’une affection médicale aiguë.
Maladie thromboembolique veineuse 185

Le risque thromboembolique chez les malades hospitalisés pour brûlures


graves a été reconnu, mais mérite des études complémentaires. Les sujets
admis dans l’un des 22 centres français de soins aux brûlés sont considérés
systématiquement comme étant à risque de TVP et d’EP. Il s’agit là de
brûlures étendues et le risque thrombotique s’inscrit, en dehors des problèmes
psychologiques et sociaux, en parallèle du syndrome hypermétabolique, du
sepsis des plaies, des résistances nosocomiales, des prurits et de l’ulcère
peptique. Le contexte est donc celui d’une polypathologie et de traitements
multiples. Les facteurs de risque thromboembolique veineux sont : l’âge,
l’obésité, l’infection de la brûlure, un fibrinogène élevé et un taux de
D-dimères (D-Di) augmenté (tableau 6.IV).

Tableau 6.IV. Facteurs de risque thrombotique veineux chez le brûlé

Fait clinique ou biologique Intérêt pronostique


Âge élevé (seul) Non (possible à tout âge)
Âge élevé et brûlures étendues Oui (risque en parallèle)
Obèse Oui (discuté pour certains)
Infection de la brûlure Oui (même membre)
Retard de cicatrisation Oui (même membre)
Fibrinogène élevé Oui (au-dessus de 5 g/l)
D-Di élevés Oui (intérêt à partir du 8e jour)
D-Di : D-dimères

Cardiopathies et affections neurologiques


L’étude PRINCE a récemment montré l’intérêt de la prophylaxie par une
HBPM (Lovenox 40 mg 1 fois/j) comparativement à l’héparine sous-cutanée à
5 000 unités 3 fois/j, chez les malades ayant une cardiopathie avec une
défaillance cardiaque, les incluant dans les groupes III ou IV de la classifica-
tion de la New York Heart Association (NYHA).
En cas d’AVC hémorragique, une étude a montré que la compression veineuse
pneumatique intermittente réduisait significativement la survenue de TVP
asymptomatique.
Néanmoins, en dehors de l’infarctus, de l’AVC avec parésie ou paralysie d’un
membre inférieur et de nombreux cas de malades hospitalisés en unité de soins
intensifs, beaucoup de médecins n’ont encore pas introduit dans leur pratique la
prophylaxie par les HBPM en milieu médical. Les recommandations proposées en
France méritent d’être mieux connues et appliquées (tableau 6.V). D’autres études
sont en cours pour essayer de déterminer si un tel traitement peut réduire la morta-
lité et l’incidence des accidents thromboemboliques symptomatiques.

Gériatrie
La prévention antithrombotique par l’héparine standard ou ses dérivés de bas
poids moléculaire est une prophylaxie efficace chez le sujet âgé immobilisé
avec une diminution importante des accidents d’EP et de TVP. Néanmoins, le
Tableau 6.V. Recommandations d’utilisation des HBPM en prophylaxie en milieu chirurgical (d’après Vidal, 2002)

Chirurgie générale risque modéré Chirurgie générale risque élevé Chirurgie orthopédique

Énoxaparine 2 000 UI aXa/j (20 mg) 4 000 UI aXa/j (40 mg) 4 000 UI aXa/j, (40 mg)
Lovenox pendant 10 jours, pendant 10 jours, pendant 4-5 semaines début 12 h
186 Maladies thrombosantes

début 2 h préopératoire début 2 h préopératoire préopératoire ou 2000 UI aXa 2 h


préopératoire puis 4 000 UI aXa/j
Nadroparine 2 850 UI aXa/j, pendant 10 jours, 2 850 UI aXa/j, pendant 10 jours, 38 UI aXa/kg soit 12 h préopératoire
Fraxiparine début 2 h préopératoire début 2 h préopératoire ou dès la 12e heure postopératoire
jusqu’au 3e jour, 57 UI aXa/kg à partir du 4e j
Daltéparine 2 500 UI aXa/j, pendant 10 jours, 5 000 UI aXa/j, pendant 10 jours, 5 000 UI aXa/j, pendant 10 j,
Fragmine début 2 h préopératoire début 2 500 UI aXa 2 h début 2 500 UI aXa 2 h préopératoire et
préopératoire 2 500 UI aXa à la 12e heure
et 2 500 UI aXa après 12 h
Réviparine 1 432 UI aXa/j pendant 10 jours, Augmentation de la dose 3 436 UI aXa/j pendant 10 j,
Clivarine début 2 h préopératoire en fonction du risque début 12 h préopératoire
Tinzaparine 2 500 UI aXa/j pendant 10 jours, 3 500 UI aXa/j pendant 10 jours, 75/kg UI aXa/j début 12-24 h postopératoire
Innohep début 2 h préopératoire début 2 h préopératoire ou 4 500 UI aXa/j, début 12 h préopératoire
Maladie thromboembolique veineuse 187

risque hémorragique paraît plus élevé chez les sujets âgés. Il a en partie été
attribué à une insuffisance rénale et une malnutrition, fréquentes chez ces
malades. Les accidents analysés par la pharmacovigilance ont entraîné la
contre-indication des HBPM chez les malades dont la clairance de la créati-
nine mesurée par l’indice de Cockroft est < 30 ml/minute et des précautions
d’emploi chez ceux dont la clairance est comprise entre 30 et 60 ml/minute.
Chez ces patients, la surveillance de l’activité anti-Xa pourrait permettre de
vérifier l’absence d’accumulation. La mise en évidence d’une insuffisance
rénale sévère (clairance de l’ordre de 30 ml/min) ne contre-indique pas la
prescription d’HBPM dans les indications préventives (voir chapitre 13).

Conclusion
Une longue expérience quotidienne a établi la liste des facteurs de risque
d’accidents thromboemboliques. Il n’existe toutefois pas un score simple
permettant d’évaluer quantitativement le risque global pour chaque malade.
Les travaux ont permis de démontrer la grande efficacité, la très bonne tolé-
rance et surtout la commodité d’emploi des HBPM. Toutefois, leur grand
succès ne doit pas conduire à négliger les autres méthodes prophylactiques
médicamenteuses et physiques. En particulier, la contention élastique graduée
pourrait selon les cas remplacer les héparines en sous-cutané lorsque le risque
thromboembolique est faible à modéré ou leur être associé lorsque le risque
est élevé et surtout très élevé.
De nouvelles molécules pourraient améliorer encore cette prophylaxie. Ainsi,
dans la chirurgie orthopédique de la hanche, les travaux conduits avec le
pentasaccharide de synthèse (fondaparinux) ont montré la supériorité de cet
agent sur le traitement classique constitué par l’énoxaparine (HBPM) au prix
d’un risque hémorragique augmenté. Le même type de supériorité est observé
avec le rivaroxaban, anti-Xa direct, actif par voie orale, non encore disponible.
Un autre antithrombine (AT) oral, le dabigatran fait aussi bien (mais pas
mieux) que l’énoxaparine en chirurgie orthopédique. Enfin, la généralisation
en milieu médical des attitudes établies en milieu chirurgical reste souvent
difficile, dans l’attente d’un plus grand nombre d’études consacrées à la
prophylaxie de la maladie thromboembolique dans ces conditions.

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THROMBOPHILIES CONSTITUTIONNELLES
Jacqueline CONARD, Ismail ELALAMY, Marie-Hélène HORELLOU,
Meyer-Michel SAMAMA

L’incidence annuelle de la TV est d’environ 1/1 000 sujets adultes et elle est
très rare chez l’enfant au-dessous de 15 ans. Ces facteurs de risque de throm-
bose sont congénitaux ou acquis. Ils peuvent être associés entre eux et/ou à
la présence de facteurs de risque favorisants, soulignant l’origine multifacto-
rielle. Comme l’avait décrite Virchow voici plus d’un siècle, la
prédisposition est liée à des perturbations du flux sanguin, de la paroi vascu-
laire et de la composition du sang. Il n’existe pas de définition consensuelle
de la thrombophilie. Il est classique de réserver cette dénomination à des
contextes constitutionnels ou acquis pouvant modifier la balance hémosta-
tique et être responsables d’un état d’hypercoagulabilité. Egeberg, en
Norvège, a été le premier à proposer ce terme dans sa publication du premier
cas de déficit constitutionnel en AT en 1965. D’autres mécanismes d’hyper-
Maladie thromboembolique veineuse 189

coagulabilité biologique ont été décrits, retrouvés chez près de 40 % des


familles présentant des TV.
Aussi, il faut souligner, d’une part qu’aucune anomalie n’est encore retrouvée
chez 60 % des patients présentant une histoire familiale de thrombose, d’autre
part, qu’un bon nombre de patients présentant une « thrombophilie » biolo-
gique sont asymptomatiques. Ces deux réserves conduisent certains à préférer
une définition plus clinique de la thrombophilie, englobant tous les patients
présentant des manifestations thromboemboliques avant 50 ans ou des throm-
boses récidivantes, et toutes les situations cliniques prédisposant aux
thromboses. Nous utiliserons dans ce chapitre la définition biologique, en
décrivant les anomalies constitutionnelles de l’hémostase prédisposant aux
thromboses. L’expression clinique de ces états thrombophiliques se manifeste
le plus souvent sous l’effet de facteurs favorisants environnementaux tels que
les traitements hormonaux, la grossesse ou la chirurgie – soulignant l’origine
multifactorielle des thromboses.

Étiologies des thrombophilies héréditaires


Avant d’affirmer un diagnostic de thrombophilie constitutionnelle, il faut
éliminer une anomalie acquise dont les causes sont nombreuses (tableaux 6.VI
et 6.VII)

Tableau 6.VI. Principales causes de thrombophilies constitutionnelles


et mixtes

Thrombophilies mixtes
Thrombophilies constitutionnelles
ou non établies
Risque Risque
Facteur de risque Facteur de risque
relatif relatif
Déficit en AT 10-40 Hyperhomocystéinémie 26
Déficit en PC (hétérozygote) 5-15  du FVIII 2,5
Déficit en PS (hétérozygote) 5-10  du FIX 2
FVL 5  du FXI
FII20210A 4  du TAFI
Certaines
dysfibrinogénémies
FVL : facteur V Leiden, PC : protéine C, PS : protéine S

En dehors du déficit rare en AT, les anomalies du système de la PC – déficits


en protéine C (PC) et en protéine S (PS) et résistance à la PC activée (PCa)
liée à une mutation du facteur V Leiden (FVL) et la mutation 20210A du gène
de la prothrombine – constituent les principales causes de thrombophilies
constitutionnelles.
D’autres facteurs génétiques sont des candidats potentiels : l’augmentation de
la concentration plasmatique de facteurs de la coagulation comme le FVIII, le
FIX ou le FXI, certaines dysfibrinogénémies, l’hyperhomocystéinémie, des
190 Maladies thrombosantes

augmentations du TAFI (thrombin activatable fibrinolysis inhibitor), des


variants de la thrombomoduline, du second cofacteur de l’héparine ou du
TFPI (tissue factor pathway inhibitor), de la P-sélectine. Cette liste n’est pas
exhaustive et différents polymorphismes ont été trouvés lors de l’étude de
grandes séries de patients (études LETS et MEGA).
Les experts distinguent : d’une part les altérations génétiques responsables
d’une perte de fonction comme les déficits en AT, PC, PS et FVL et d’autre
part, celles liées à un excès de fonction telles la mutation du gène de la
prothrombine et l’augmentation du taux de FVIII.
Dans le déterminisme de la thrombophilie, la faille de la balance hémostatique
est localisée entre les voies pro- et anticoagulantes impliquées dans la généra-
tion de thrombine, alors que le système fibrinolytique avec l’élévation du PAI
par exemple apparaît bien plus rarement mis en cause.

Déficit en AT
L’AT est l’inhibiteur physiologique majeur de la coagulation par action sur des
sérine protéases. Il est le cofacteur indispensable à l’action des héparines. Le
déficit quantitatif (type I) est beaucoup plus fréquent que le déficit qualitatif
(type II) avec des anomalies au niveau du site de liaison à la thrombine
(type II RS) ou du site de liaison à l’héparine (type II HBS). Il existe aussi des
altérations associant à la fois les deux types d’atteintes avec un effet pléiotro-
pique (type II PE). La base de données publiée en 1996 rapporte plus de
250 mutations différentes transmises sur un mode autosomal dominant. La
prévalence des déficits quantitatifs dans la population générale est évaluée à
0,02 % et entre 0,5 et 2 % chez les sujets aux antécédents thrombotiques. Le
déficit hétérozygote en AT serait associé à un risque thromboembolique
veineux 50 fois plus élevé. Toutefois, les mutations responsables d’une
atteinte du site de liaison à l’héparine (HBS) semblent moins thrombogènes.
Les déficits homozygotes quantitatifs seraient létaux, mais de très rares cas de
déficits homozygotes qualitatifs par anomalie du site de liaison à l’héparine
ont été rapportés.

Déficit en PC
La PC est appelée ainsi car elle correspondait au 3e pic après une séparation
électrophorétique de protéines. Elle est un autre inhibiteur physiologique de la
coagulation. Sa synthèse hépatique est dépendante de la vitamine K. La PC,
préalablement activée (PCa) dégrade les FVa et FVIIIa, deux cofacteurs de la
coagulation plasmatique. Décrit dès le début des années quatre-vingt, le déficit
quantitatif (type I) est plus fréquent que le déficit qualitatif (type II). Sa préva-
lence est d’environ 0,3 % dans la population générale et d’environ 3 % chez
les groupes de patients symptomatiques. La base de données a colligé plus de
330 anomalies chromosomiques transmises sur le mode autosomal dominant.
En cas de déficit hétérozygote, le risque thrombotique apparaît 10 fois plus
élevé que dans la population générale.
Maladie thromboembolique veineuse 191

Tableau 6.VII. Déficits acquis en AT, PC et PS

Déficits acquis en AT Déficits acquis en PC Déficits acquis en PS


– Atteinte hépatique – CIVD – LED
aiguë ou chronique* – Purpura fulminans – Syndrome
– Syndrome – Sepsis inflammatoire
néphrotique* – Varicelle important
– Sepsis sévère* – Pré-éclampsie – VIH
– CIVD – Syndrome de détresse – Tabagisme
– Pré-éclampsie respiratoire – Actes chirurgicaux
– Syndrome – Hémodialyse, – Hémodialyse,
hémolytique urémique plasmaphérèse plasmaphérèse
– Hémodialyse, – Atteinte hépatique, – Atteinte hépatique,
plasmaphérèse transplantation rejet de greffe*
– Leucémies hépatique* – Hypovitaminose K*
– Traitement par – Hypovitaminose K* – Traitement par AVK*
œstrogènes, voie orale – Traitement par AVK* – Traitements par
– Traitement par – Traitement par œstrogènes, voie orale
L-asparaginase* L-asparaginase, – Chimiothérapie de
méthotrexate, cancer du sein
Endoxan, 5-fluoro- – Syndromes
uracile myéloprolifératifs
– Drépanocytose
– Grossesse
* Déficits pouvant être importants
LED : lupus érythémateux disséminé

De rares déficits homozygotes de PC sont rapportés chez des nouveau-nés


ayant un purpura fulminans et plus rarement chez des jeunes adultes dévelop-
pant des thromboses massives ou des nécroses cutanées à l’initiation du
traitement anticoagulant oral.

Déficit en PS
Découverte à Seattle (ce qui explique son nom), la PS est aussi vitamine K
dépendante et d’origine hépatique. Elle est un cofacteur de la PC. Son déficit a
été décrit en 1984. Quantitatif, le type I est défini par une diminution des taux
d’activité et d’antigène de PS libre et totale. Qualitatif, le type II est caracté-
risé par une diminution isolée des taux de protéine S activité. Le type III est
associé à une diminution des taux de PS antigène libre et de PS activité, mais
des taux normaux en PS antigène total. Cette classification reste discutée et
difficile, mais il semble que le dosage de PS libre soit suffisant pour dépister la
plupart des déficits hétérozygotes en PS.
Plus de 120 mutations différentes sont rapportées avec une transmission sur le
mode autosomal dominant. La prévalence d’un déficit en PS serait de l’ordre de
1 % dans la population générale. Ce déficit est retrouvé dans près de 5 % des cas
dans un contexte de thrombophilie familiale. En cas de déficit hétérozygote, le
192 Maladies thrombosantes

risque thrombotique apparaît toutefois accru 5 à 10 fois, mais cela reste discuté
compte tenu de l’existence dans environ 40 % des cas d’une co-ségrégation avec
le FVL dans ces familles.
De rares déficits homozygotes en PS ont été rapportés dans des situations
analogues aux déficits homozygotes en PC.

Résistance à la PCa et FVL


Décrite en 1993 par Dahlbäck et al., elle est liée à une mutation ponctuelle du
gène du FV (Bertina et al., 1994). Le nucléotide guanine en position 1691
dans l’exon 10 est substitué par une adénine aboutissant à un FV muté (FVL)
ayant une glutamine en 506 à la place d’une arginine. L’arginine étant un des
sites d’inactivation du FVa par la PCa, il existe donc un retard à la protéolyse
du FVa et une génération accrue de thrombine. La transmission est aussi auto-
somale dominante. Les sujets hétérozygotes ont un risque thrombotique 7 fois
plus élevé que la population générale alors qu’en cas d’homozygotie, il serait
environ 80 fois plus important.
Le FVL est la cause la plus fréquente de thrombophilie car il est retrouvé chez 20
à 40 % des patients ayant fait des accidents thromboemboliques veineux et dans
environ 5 % de la population caucasienne normale ce qui explique la fréquence
des homozygotes en dehors de toute consanguinité. Deux autres mutations ponc-
tuelles – Arg306Gly (FV Hongkong) et Arg306Thr (FV Cambridge) –, très rares,
sont associées au phénotype de RPCA. Plus récemment, une mutation du FV a
été décrite (FV A4070G) associant des taux réduits de FV plasmatique et un
risque accru de TV par rapport aux témoins (9,5 vs 5,8 %).
Des variations notables de répartition géographique ont été constatées :
présence dans la population caucasienne d’Europe et d’Amérique, absence en
Afrique et en Asie, gradient nord-sud en Europe avec une prévalence accrue
au nord. Cela est lié à la mutation d’un gène fondateur, il y a environ 30 000
ans en rapport avec la séparation de l’Homo sapiens sapiens et de l’Homo
africanus.

Mutation du gène de la prothrombine


Poort et al. ont découvert en 1996 une mutation ponctuelle du gène du FII :
FII G20210A. Les sujets porteurs avaient une augmentation des taux plasmati-
ques de FII (+ 30 %) responsable d’une génération accrue de thrombine et
d’une hypercoagulabilité. De transmission autosomale dominante, le risque
thrombotique serait triplé chez l’hétérozygote. Cette anomalie est assez
souvent associée au FVL. Le FII G20210A est retrouvé dans 2 à 3 % de la
population normale et chez environ 7 % des sujets ayant un antécédent throm-
botique. Les mutations homozygotes sont moins rares que celles des
inhibiteurs physiologiques. Le gradient est inversé par rapport au FVL avec
une prévalence 2 fois plus élevée dans le sud que dans le nord de l’Europe.
Cette particularité génétique est également absente dans les populations afri-
caines et asiatiques. Les sujets hétérozygotes ont un risque modérément accru
par rapport aux sujets normaux (risque relatif voisin de 3).
Maladie thromboembolique veineuse 193

D’autres mutations ponctuelles du facteur II ont été décrites (FII 20209,


20218, 20219).

Augmentation des taux de FVIII


Les taux de FVIII varient selon l’âge (augmentation de 6 % par décade), le
sexe (plus élevé chez les femmes), le groupe sanguin (plus faible chez les
sujets O) ou l’origine ethnique (plus élevé chez les noirs). En fait, ces taux
sont influencés par de nombreuses circonstances physiopathologiques. Dans la
Leiden Thrombophilia Study (LETS), 25 % des patients avaient des taux
élevés de FVIII (> 150 %) avec un risque de thrombose significativement
accru. Aucun polymorphisme génétique n’a été mis en évidence à l’heure
actuelle.
D’autres candidats sont potentiellement responsables d’une hypercoagulabilité :
FVII, FIX, FX, FXI, FXII, P-sélectine…

Hyperhomocystéinémie
L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque faible et discuté de TV avec
des valeurs > 15 µmol/l (voir chapitre 6, p. 198).

Manifestations cliniques
Il est clairement admis que toutes les thrombophilies familiales ne sont pas
comparables. Il existe une variabilité phénotypique en fonction du déficit
considéré et même au sein d’une même famille pour une anomalie génétique
donnée. L’hétérogénéité de leur expression clinique souligne le potentiel plus
ou moins thrombogène de ces anomalies, l’implication éventuelle de facteurs
de compensation plus ou moins protecteurs et surtout l’interaction plurigé-
nique de certaines anomalies dans la genèse des accidents thrombotiques.
Les TV restent l’accident le plus fréquemment rencontré qu’il soit spontané
ou provoqué. Il s’agit souvent de TVP associée ou non à une EP, parfois de TV
cérébrales, rénales ou portales, ou d’infarctus veineux mésentériques. La
survenue de TV superficielle serait plus fréquente en cas de FVL ou de FII
G20210A, voire de déficit en PC ou en PS.
Le risque thrombotique est plus faible en cas de FVL ou FII G20210A qu’en
cas de déficit en inhibiteur physiologique et surtout de déficit en AT. Ainsi, les
patients sont symptomatiques au moment du diagnostic dans environ 25 % des
cas pour le FVL et dans plus de 50 % des cas si les sujets sont porteurs d’un
déficit en inhibiteur de la coagulation par exemple. Le taux de récidive
annuelle est de l’ordre de 5 % en cas de FVL hétérozygote.
Des accidents insolites comme les TV rétiniennes ou les fausses couches réci-
divantes ont été plus particulièrement rapportés chez les porteurs de FVL et
les sujets ayant une hyperhomocystéinémie et homozygotes pour le polymor-
phisme C677T de la MTHFR. Ceci reste toutefois discuté dans la littérature.
Les thromboses artérielles, rares en cas d’authentique thrombophilie familiale,
semblent plus fréquentes en cas de déficit en PS et surtout dans des circonstances
194 Maladies thrombosantes

majorant le risque artériel (tabac, âge > 50 ans). Des discordances persistent sur
l’influence FII G20210A et du FVL sur la survenue d’accidents artériels ou
d’AVC ischémiques.
Un facteur déclenchant est retrouvé chez près de la moitié des patients
symptomatiques.
Les accidents obstétricaux : fausses couches répétées, pré-éclampsies, hypo-
trophie fœtale, seraient plus fréquents au cours de la thrombophilie.
Une large majorité (50 à 80 %) des patients ayant un déficit en inhibiteur de la
coagulation mais seulement 25 % des sujets porteurs d’un FVL ou d’un FII
G20210A a son premier épisode thrombotique avant l’âge de 40 ans. Cette
fréquence est accrue en cas d’anomalies combinées. Ainsi, isolé, un FVL ou
un FII G20210A à l’état hétérozygote est respectivement associé à un risque
thrombotique veineux de 5 et de 3. En cas d’association, il existe une addition
des risques voire une véritable synergie et le risque est évalué de 10 à 20. La
reconnaissance de facteurs déclenchants est fondamentale car elle permet
d’envisager une prophylaxie antithrombotique adéquate chez les sujets
porteurs qu’ils soient symptomatiques ou non.

Circonstances favorisantes
Différentes circonstances favorisantes sont clairement identifiées comme la
chirurgie, la grossesse et surtout la période du post-partum. La prise de contra-
ception œstroprogestative contenant de l’éthinylœstradiol (OE) en comprimés,
patchs ou anneau vaginal, ou de certains traitements hormonaux de la méno-
pause contenant des œstrogènes naturels ou conjugués équins par voie orale,
accroît le risque thrombotique. Une récente étude a montré que le risque de
TVP était estimé à 0,8/10 000 chez la femme normale ne prenant pas de
pilule, à 3/10 000 en cas de prise d’OP et à 6/10 000 en cas de FVL sans prise
d’OP. Ce risque était voisin de 30/10 000 en cas de FVL associé à la prise
d’OP. Chez les patientes porteuses de FII G20210A, le risque de thrombose
s’accroît de 16,3 par rapport aux femmes ayant un génotype normal et sans
OP (voir chapitre 18).
Les études familiales plus ou moins larges comme la LETS ont permis
d’objectiver l’association potentielle de plusieurs déficits pouvant expliquer
ainsi en partie l’hétérogénéité d’expression clinique des thrombophilies fami-
liales. Ainsi, 15 % des déficits hétérozygotes en PC, 22 % des sujets ayant un
déficit hétérozygote en PS et 14 % des déficitaires en AT seraient aussi
porteurs d’un FVL à l’état hétérozygote. Dans une série de 143 patients
étudiés à l’Hôtel-Dieu ayant un FII G20210A, 19 % avaient aussi un FVL. La
fréquence des accidents thrombotiques est significativement accrue chez les
patients associant ainsi plusieurs anomalies et chez les homozygotes pour une
mutation donnée, avec un accident de survenue plus précoce et une fréquence
des récidives plus grande.

Diagnostic biologique de thrombophilie héréditaire


Chez qui, comment et quand sont les trois questions couramment posées.
Maladie thromboembolique veineuse 195

Le diagnostic biologique de thrombophilie familiale est fondé sur une anam-


nèse soigneuse de l’histoire clinique et la réalisation de tests spécialisés.
Seuls, le dosage spécifique des inhibiteurs de la coagulation (AT, PC, PS), la
recherche de la résistance à la PCa, en présence de plasma déficitaire en FV,
(test de dépistage éventuellement complété par une recherche de la mutation
du FVL) et la recherche de la mutation G20210A du gène de la prothrombine,
permettent le diagnostic de thrombophilie constitutionnelle. Les tests de
dépistage sont de réalisation relativement coûteuse, certains tests n’étant pas
remboursés, et ils doivent de préférence être réalisés dans des laboratoires
spécialisés. Il faut souligner que le dosage de l’activité biologique de la PS est
encore imparfaitement fidèle. Le dosage de la PS antigène libre lui est souvent
préféré, mais il méconnaît les déficits qualitatifs certes rares.
Il faut ainsi considérer différents paramètres comme critères de sélection :
– antécédent personnel de TV dans un contexte favorisant;
– antécédent personnel de TV idiopathique (sans facteur déclenchant);
– antécédent personnel de TV de site insolite (mésentérique, cérébral,
mammaire, membre supérieur par exemple);
– âge de survenue du premier épisode : avant 45 ans (déficit en inhibiteur de la
coagulation) ou même après 50 ans (FVL, FII G20210A);
– notion de récidive thrombotique spontanée ou provoquée, à l’arrêt du traite-
ment anticoagulant;
– antécédents familiaux de TV avant 45 ans (avant la prescription d’œstropro-
gestatif ou en cas de grossesse).
Pour réaliser le diagnostic biologique chez un sujet présentant un accident
thrombotique, le moment le plus approprié est en général avant l’initiation du
traitement anticoagulant, ce qui permet la détection des déficits en AT qui sont
à risque très élevé. Le diagnostic de déficit en AT peut modifier la nature du
traitement à la phase aiguë et la durée de ce traitement. Un taux abaissé de PS
peut être lié à la prise de CO ou à la grossesse, et non à un déficit congénital.
De nombreux auteurs préfèrent différer cette enquête : 3 à 6 semaines après
l’arrêt du traitement anticoagulant. Cette attitude est justifiée si le médecin
s’assure ainsi que cette recherche à distance ne sera pas oubliée. Toutefois, des
taux de PS et PC très discordants sous AVK peuvent faire suspecter un déficit
congénital en l’une de ces deux protéines et entraîner la mise en évidence
d’autres déficits dans la famille, permettant ainsi la prévention de thromboses
chez les membres de la famille ayant le déficit. Différents tests sont ainsi
réalisés comprenant des explorations classiques en technique de coagulation
et des études de biologie moléculaire (FVL, FIIG20210A) après une informa-
tion du patient permettant de recueillir son consentement éclairé. Le
diagnostic différentiel avec un déficit acquis est essentiel et les multiples étio-
logies ne doivent donc pas être ignorées (voir tableau 6.VI). Après
confirmation de(s) anomalie(s) et de son (leur) caractère constitutionnel, de
préférence dans un centre spécialisé en thrombophilie, une information orale
et l’établissement d’un certificat médical ou d’une carte de thrombophilie sont
nécessaires afin de permettre une prise en charge avisée du patient dans des
contextes médicaux ou chirurgicaux divers comportant un risque accru de
thrombose.
196 Maladies thrombosantes

Stratégie thérapeutique et prophylactique


À la phase aiguë de l’épisode thrombotique, le traitement anticoagulant ne
diffère pas de l’attitude classique et inclut généralement les HBPM ou l’hépa-
rine standard par voie parentérale, pendant 5 jours avec relais par les AVK le
premier jour du traitement en recherchant un INR cible à 2,5 (recommanda-
tion de grade A, c’est-à-dire élevé). L’héparine par voie intraveineuse est
parfois préférée. Dans le cas particulier d’un accident sévère, chez un sujet
porteur d’un déficit en AT et/ou en cas de mauvaise réponse clinique et/ou
biologique à l’héparine, le recours à des perfusions d’AT peut être envisagé
bien qu’il n’existe pas de recommandation précise à ce sujet.
Les recommandations récentes de l’ACCP prennent très peu en compte l’exis-
tence d’une thrombophilie.
Les recommandations générales concernant la durée du traitement sont les
suivantes :
– après un épisode thrombotique unique de TVP ou EP, s’il existe un facteur
favorisant transitoire, la durée du traitement anticoagulant est de 3 mois (grade
1A);
– après un épisode de TVP ou EP, sans facteur favorisant, la durée est d’au
moins 3 mois (grade 1A) avec réévaluation du rapport bénéfice/risque après
cette période. Si la TVP était proximale ou en cas d’EP, en l’absence de risque
de saignement et si la surveillance biologique est possible, un traitement au
long cours est considéré (grade 1A);
– après une récidive sans facteur favorisant, un traitement au long cours est
recommandé (grade 1A). Si le premier épisode était une TVP distale, la durée
est de 3 mois (grade 2B);
– dans tous les cas de traitement au long cours, la durée du traitement doit être
revue à intervalles réguliers (grade 1C).
Concernant les patients porteurs d’une thrombophilie héréditaire, il est
simplement mentionné que le risque relatif est de 1,5 (sans préciser la throm-
bophilie) et que cela peut influencer la durée du traitement après la période
initiale de 3 mois.
Toutefois, il est relativement établi que toutes les thrombophilies familiales ne
sont pas équivalentes, et la durée du traitement anticoagulant oral devrait être
déterminée après une stratification du risque vasculaire. Celle-ci est fondée sur
plusieurs paramètres :
– le type d’anomalie constitutionnelle de l’hémostase et le caractère hétéro-
zygote ou homozygote;
– l’existence de récidives thromboemboliques;
– le caractère provoqué ou spontané des épisodes thrombotiques;
– l’association transitoire ou persistante de facteurs environnementaux majo-
rant le risque vasculaire (alitement, grossesse, contraception, immobilisation,
voyage prolongé, port de plâtre, acte chirurgical par exemple);
– la sévérité de l’anomalie constitutionnelle ou la plurigénicité de la
thrombophilie.
Maladie thromboembolique veineuse 197

La prévention des thromboses comporte les mesures générales en cas de


voyage en avion, voiture ou bus, les immobilisations prolongées, interventions
chirurgicales par exemple. Une compression élastique et un traitement anti-
coagulant préventif par une injection d’HBPM avant le départ sont conseillés
pour les voyages en avion de plus de 8 h (grade 2C) – voire, pour certains
patients à risque élevé, pour les vols de plus de 4 h.
Pour les traitements hormonaux et la grossesse, la stratégie prophylactique est
plus ou moins bien définie (voir chapitre 18).

Aspect psychosocial de la thrombophilie familiale


L’information du patient est fondamentale afin de ne pas engendrer un stress
particulier lors de la présentation des résultats. Il est aussi souhaitable, lors de
la recommandation de l’enquête familiale, de ne pas culpabiliser le patient vis-
à-vis du risque pour sa descendance. Il ne faut pas négliger le retentissement
éventuel sur la pratique de sa profession. Il convient de suggérer au sujet ou au
médecin du travail les aménagements à envisager.
L’information éclairée du patient et de son médecin traitant devrait permettre
une meilleure compréhension des risques et une compliance plus grande pour
son traitement. La remise d’un certificat médical ou d’une carte de thrombo-
philie est indispensable afin d’optimiser la prise en charge du patient et de
limiter les risques de récidives. Cela permet, d’une part, d’attester du type
d’anomalie(s) de la coagulation exposant à un risque thrombotique accru, et
d’autre part de rappeler les mesures générales de prévention et les modalités
d’une prophylaxie antithrombotique éventuelle en cas de long voyage, d’inter-
vention chirurgicale, de plâtre, de traitement hormonal ou de grossesse en
particulier.

Conclusion
La thrombophilie héréditaire, pathologie de connaissance relativement
récente, constitue une pathologie multifactorielle, parfois plurigénique et
associée à une expression clinique hétérogène. Un nombre croissant de causes
biologiques sont individualisées et les mutations FVL et FII G20210A repré-
sentent les étiologies les plus fréquentes. Ces dernières apparaissent associées
à un risque thrombotique bien plus faible que les déficits en inhibiteurs
physiologiques de la coagulation, précédemment décrits.
Les études de cohortes plus ou moins larges de patients ont permis de mieux
caractériser ces thrombophilies, qui apparaissent singulièrement différentes, et
dont la prise en charge doit être plus spécifique. Les conférences de consensus
et les réunions d’experts affinent les protocoles thérapeutiques et les modalités
de prise en charge pour en optimiser le rapport bénéfice/risque. Les outils de la
biologie moléculaire et le dépistage élargi des facteurs environnementaux
devraient apporter des éléments facilitant la compréhension de l’hétérogénéité
clinique de la thrombophilie familiale et l’optimisation appropriée de cette
prise en charge. Il paraît légitime d’espérer la découverte de nouvelles altéra-
tions pour réduire la proportion d’événements thrombotiques inexpliqués.
198 Maladies thrombosantes

Toutefois, le risque généralement plus faible des dernières thrombophilies


découvertes, et le coût des examens biologiques pourraient conduire à donner
plus d’importance à, d’une part, la réalisation de tests globaux de screening
avant les tests spécifiques, d’autre part à la mise au point de scores permettant
l’évaluation du risque veineux d’un sujet donné.

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HYPERHOMOCYSTÉINÉMIE ET THROMBOSES
Pierre KAMOUN, Meyer-Michel SAMAMA

L’hyperhomocystéinémie est une thrombophilie mixte c’est-à-dire d’origine


héréditaire ou acquise. Le très rare déficit constitutionnel en cystathionine-β-
synthase responsable de l’homocystinurie classique est discuté plus loin.
La méthionine est métabolisée en homocystéine, après perte d’un radical
méthyle qui se fixe sur un accepteur. L’homocystéine est soit dégradée, soit
reméthylée en méthionine.
Dix pour cent des Caucasiens sont porteurs de la mutation C677T du gène de
la MTHFR et ont une homocystéine environ 25 % supérieure à celle des
Maladie thromboembolique veineuse 199

porteurs de phénotype sauvage – mais la relation entre cette mutation et une


prédisposition aux thromboses veineuses (TV), n’est pas clairement établie.
Bien plus, tous ne développent pas une hyperhomocystéinémie. L’hétéro-
zygotie pour la mutation du gène est 4 fois plus fréquente que l’homozygotie.
L’hyperhomocystéinémie favorise l’athérogenèse et les thromboses qui sont
artérielles ou veineuses. Les manifestations artérielles sont : les accidents
coronariens ou vasculaires cérébraux et l’artériopathie oblitérante périphé-
rique. Cette progression accélérée de l’athérosclérose devrait répondre à une
supplémentation vitaminique en folates. En revanche, le risque de TV est
moins évident et le risque varie selon les auteurs et les séries étudiées.
L’hyperhomocystéinémie modérée, isolée, de loin la plus fréquente 15 à
45 µmol/l (valeurs normales < 15 µmol/l d’homocystéine) multiplie le risque
de TV par 3 à 4 selon des méta-analyses récentes.
L’association à une mutation du FV entraînerait une élévation sensiblement
plus marquée du risque.
L’hyperhomocystéinémie peut être modérée, le plus souvent acquise
(tableau 6.VIII).
Des complications obstétricales avec pertes fœtales ont été rapprochées de
l’existence d’une hyperhomocystéinémie.

Tableau 6.VIII. Causes d’une hyperhomocystéinémie

– Hyperhomocystéinémie forte (> 45 µmol/l) :


- homocystinurie classique : déficit homozygote en cystathionine-β-synthase
(avec deux formes cliniques : vitamine B6-sensible et vitamine B6-
résistante);
- homocystinurie par déficit de l’un des enzymes impliquées dans la
reméthylation de l’homocystéine en méthionine, en particulier la MTHFR.
Dans ce type d’homocystinurie, la méthionine plasmatique est abaissée
alors qu’elle est élevée dans l’homocystinurie classique.
– Hyperhomocystéinémie modérée :
- insuffisance rénale : l’homocystéine plasmatique, comme la cystéine, est
élevée proportionnellement au degré d’insuffisance rénale;
- cancer, leucémie aiguë lymphoblastique, LED car toutes les proliférations
cellulaires produisent de grandes quantités d’homocystéine;
- hypothyroïdie : le mécanisme n’est pas complètement élucidé;
- maladie cœliaque par carence d’absorption des folates;
- carences d’apport ou d’absorption de vitamines (folates, B12, B6 en
particulier) : alcoolisme, maladie de Biermer.
– Causes médicamenteuses agissant sur :
- folates : méthotrexate; anticonvulsivants (surtout hydantoïnes); extraits
pancréatiques; Bactrim, et analogues; Malocide et Fansidar (traitement de
la toxoplasmose); produits contenant du triamtérène (Cycloteriam, Isobar,
Prestole); Salazopyrine;
- B6 : hydantoïnes; isoniazide; gentamicine; théophylline.
LED : lupus érythémateux disséminé
200 Maladies thrombosantes

Diagnostic
La recherche de l’hyperhomocystéinémie est préférable à celle de la mutation
génétique de la MTHFR. Le prélèvement sanguin et la séparation rapide du
plasma sont essentiels pour éliminer des faux positifs dus à une libération dans
le plasma d’homocystéine d’origine érythrocytaire. Il est classique de distin-
guer les formes à élévation modérée de l’homocystéine (15 à 45 µmol/l) et
celles à très grande élévation (> 45 µmol/l).
Ces dernières sont associées à une atteinte de la cystathionine-β-synthase ou à
une très importante diminution d’activité de la MTHFR, tandis que les formes
secondaires sont liées à une mutation de la MTHFR modifiant sa fonctionna-
lité (voir tableau 6.VIII).

Traitement
Il comporte un régime riche en folates : jus d’orange, aliments verts, céréales.
Des doses de 5 mg/j d’acide folique pendant quelques semaines sont efficaces.
Avant un tel traitement, il est recommandé d’éliminer une anémie de Biermer
pour éviter une aggravation des signes neurologiques associés à cette maladie.
Des faibles doses de vitamine B6 et B12 sont souvent associées à la prescrip-
tion de folates. De rares réactivités à la prise de vitamine B6 existent et ne
doivent pas être méconnues en cas de survenue.

Homocystinurie classique
Extrêmement rare en Europe (1/200 000 habitants), elle est 4 fois plus
fréquente en Irlande (1/50 000).
La mutation du gène de la cystathionine-β-synthase entraîne une hyperhomo-
cystéinémie très importante et une augmentation de la concentration de
méthionine plasmatique.
L’expression clinique est variable avec, dans les formes majeures, une luxa-
tion du cristallin, un aspect marfanoïde. Une myopie, un glaucome ou une
cataracte sont souvent observés, de même qu’une ostéoporose.
Avec un genu valgum, les anomalies du squelette sont fréquentes tandis que
l’arachnodactylie est rare. Le retard mental est fréquent avec quotient intellec-
tuel plus perturbé chez les sujets qui ne répondent pas à la pyridoxine.
Les thromboses sont fréquentes. Elles sont artérielles ou veineuses et peuvent
entraîner le décès. Les AVC sont fréquents et les TV sont retrouvées dans plus
de 50 % des cas.
La mutation entraîne un déficit important en cystathionine-β-synthase. De
nombreuses mutations ont été identifiées. L’expression clinique peut varier à
l’intérieur d’une même famille. L’augmentation de l’homocystéine plasma-
tique est responsable d’une homocystinurie. Le traitement repose sur l’étude
de la réponse à la pyridoxine qui, avec une posologie bien adaptée, réduit le
risque d’accidents thromboemboliques chez 50 % des sujets. Les non répon-
deurs sont traités par la bétaïne, car il existe une voie accessoire de
Maladie thromboembolique veineuse 201

reméthylation de l’homocystéine en méthionine qui utilise la bétaïne comme


donneur de méthyles. On associe aussi à ce traitement, folates et régime
pauvre en méthionine.

BIBLIOGRAPHIE

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MALADIES THROMBOSANTES ACQUISES


Antoine ACHKAR, Sami GUERMAZI, Meyer-Michel SAMAMA

Parmi les maladies thrombosantes acquises, nous avons essentiellement étudié


celles rattachées au cancer, puis au syndrome myéloprolifératif et à l’hémo-
globinurie paroxystique, enfin celles rattachées à la maladie de Behçet.

Cancer et thrombose
Introduction
Depuis l’observation historique de Trousseau en 1865 sur les relations entre
cancer et thromboses, de très nombreux travaux ont confirmé son hypothèse.
L’observation de Trousseau faisait observer une thrombophlébite migrante qui
était associée à un cancer de l’estomac. Les auteurs anglo-saxons incluent
dans le syndrome de Trousseau la thrombophlébite migrante et la TVP. Dans
son texte, Trousseau insistait sur une « condition particulière du sang » qui
prédispose à la coagulation spontanée. Il s’agissait d’une hypercoagulation
pathologique. Il est aujourd’hui admis que :
– cette hypercoagulation, qui existe chez le malade cancéreux, peut prédis-
poser aussi bien à la TVP qu’à des états beaucoup plus graves de CIVD;
– qu’il existe un continuum entre ses différents niveaux d’hypercoagulation.
Dans les cancers métastatiques, en particulier de la prostate, la CIVD peut être
à l’origine d’hémorragies fatales. Ceci explique l’acronyme utilisé par Bick,
« death is coming » (DIC), pour attirer l’attention de ses étudiants sur ce
syndrome de disseminated intravascular coagulation dont la gravité peut être
extrême. Chez le malade cancéreux, les complications thrombotiques
comprennent les TV artérielles, la thrombophlébite migrante, l’EP, dans de
très rares cas l’endocardite thrombotique non bactérienne, enfin ces
syndromes de CIVD avec micro-angiopathie thrombotique qui est responsable
de lésions viscérales. Dans la relation thrombose-cancer, il faut faire une place
à différents sujets : l’épidémiologie et l’évaluation du risque thromboembo-
lique chez les malades porteurs d’un cancer; la découverte d’un cancer occulte
à l’occasion de la survenue d’une TVP ou d’une EP et à plus forte raison
202 Maladies thrombosantes

lorsque cet accident est idiopathique. Il convient également d’établir la throm-


boprophylaxie appropriée chez les malades cancéreux qui subissent un acte
chirurgical. La même préoccupation doit animer le médecin pour des malades
hospitalisés porteurs d’un cancer à l’occasion d’un épisode infectieux sévère
ou d’une affection cardio-respiratoire. Le risque de thrombose des membres
supérieurs avec la complication possible d’EP chez les porteurs de cathéters
centraux doit également être pris en considération.

Épidémiologie de la TV chez le malade porteur d’un cancer


La littérature démontre que la TVP et l’EP sont les secondes causes de morta-
lité chez le malade cancéreux. Des études autopsiques systématiques ont
révélé la présence de 35 à 50 % d’EP. De même, dans des études cliniques, un
accident thromboembolique veineux (ATEV) a été constaté chez 10 à 15 %
chez ces malades. En dehors de l’hypercoagulabilité, de l’immobilisation
prolongée, de la chimiothérapie dont certains des composés induisent un
risque particulier comme le tamoxifène, la L-asparaginase et plus récemment
la thalidomide, la radiothérapie elle-même peut être un facteur de risque de la
TV. Il existe évidemment des facteurs additionnels de risque dans le détermi-
nisme de l’accident thromboembolique chez les patients.
La TV est toujours multifactorielle. C’est souvent l’association de plusieurs
facteurs qui est responsable de l’accident observé. Lorsqu’on étudie le risque
relatif de TV dans différents états cancéreux, la préoccupation est d’une part
quantitative, pour estimer ses fréquences, d’autre part qualitative, pour savoir
si certains cancers prédisposent plus à la TV que d’autres. La fréquence des
cancers dans les études épidémiologiques, même si elles sont imparfaites, est
très variable puisqu’elle oscille entre 5 et 50 %; mais dans les études prospec-
tives le chiffre de 10 % est peut-être plus proche de la réalité. Le risque relatif
a été estimé dans un travail récent de Kakkar pour les différents cancers. Ainsi,
ceux du pancréas, des ovaires, de l’estomac induisent un risque un peu plus
élevé que celui du cancer du sein. Il est à souligner également que les
lymphomes et les leucémies induisent un risque relatif de l’ordre de 2 qui
n’est donc pas négligeable (tableau 6.IX).

Recherche d’un cancer occulte et sa fréquence


chez les malades atteints de TVP
La recherche d’un cancer occulte a toujours été la préoccupation importante
chez les malades âgés de plus de 50 ans et ayant un accident thromboembo-
lique veineux (ATEV). Les études épidémiologiques prospectives et
rétrospectives montrent que les malades admis avec une TVP sans diagnostic
connu de cancer ont, pendant la première année de suivi, voire pendant une
période un peu plus longue, une fréquence de découverte d’un cancer occulte
multipliée par 4. Une étude conduite chez 2 509 malades rend compte des
causes de cette augmentation du risque :
– > 5 dans les cancers du foie, du pancréas, des ovaires, du cerveau;
– 12,9 dans la polyglobulie, la maladie de Hodgkin et les leucémies;
Maladie thromboembolique veineuse 203

Tableau 6.IX. Risque relatif de TV selon le type de cancer


comparé à celui des pathologies non cancéreuses

Type de cancer n ATEV n de patients RR (IC 95 %)


Cerveau 35 20 924 0,29 (0,2-0,4)
Sein 469 186 273 0,44 (0,40-0,48)
Œsophage 64 14 742 0,76 (0,58-0,97)
Foie 121 22 938 0,92 (0,76-1,10)
Prostate 1 230 218 743 0,98 (0,93-1,04)
Vessie 180 74 517 0,42 (0,36-0,49)
Cervical 53 10 236 0,90 (0,68-1,18)
Rectum 417 65 837 1,11 (1,00-1,22)
Poumon 1 504 232 764 1,13 (1,07-1,19)
Colon 1 320 168 832 1,36 (1,29-1,44)
Rein 278 34 376 1,41 (1,25-1,59)
Estomac 280 32 655 1,49 (1,33-1,68)
Lymphome 537 52 042 1,80 (1,65-1,96)
Pancréas 488 41 551 2,05 (1,87-2,4)
Ovaire 327 26 406 2,16 (1,93-2,41)
Leucémie 591 47 234 2,18 (2,01-2,37)
Cerveau 184 13 529 2,37 (2,04-2,74)
Utérus 226 11 606 3,4 (2,97-3,87)
Pathologies non 46 848 8 177 634 1,0
cancéreuses
ATEV : accident thromboembolique veineux

– en revanche, le rapport standardisé de cette fréquence était seulement < 2


pour les cancers du sein, du rectum et de l’œsophage.
La fréquence d’un cancer occulte est significativement plus élevée lorsqu’il
s’agit d’une TV a priori non provoquée, sans cause reconnue, que lorsque la
TV survient après un facteur précipitant. Il importe de préciser que toutes ces
études ont un biais, puisque la recherche d’une thrombophilie n’a que rare-
ment été effectuée chez ces malades. La conclusion pratique est que chez les
malades de moins de 50 ans la recherche de thrombophilie prime, tandis que
chez ceux de plus de 50 ans, c’est celle d’un cancer occulte qui devient
prépondérante.
Les auteurs reconnaissent qu’il importe de ne pas multiplier les investigations
à la recherche d’un cancer occulte. Ils recommandent un examen clinique
soigneux associé à un nombre limité d’examens complémentaires standards :
touchers pelviens, palpation des seins et examen gynécologique chez la
femme, radiographie thoracique, mammographie bilatérale, ce qui se révèle en
204 Maladies thrombosantes

général suffisant chez la plupart des malades au moment de la découverte de la


TVP. Cependant, la découverte d’un cancer occulte améliore-t-elle le
pronostic et l’espérance de vie de ces malades? La question reste ouverte et le
problème débattu. Dans la seule étude prospective disponible, celle de Pran-
doni, la fréquence des cancers occultes est de l’ordre de 10 %; la découverte
d’un cancer occulte est plus fréquente en cas de thrombose non provoquée
secondaire et encore plus fréquente en cas de TV récidivante (tableau 6.X).

Tableau 6.X. Incidence du cancer occulte et ATEV

Étude (année) Type Suivi (mois) Idiopathique n (%) Secondaire n (%) p


Monreal (91) Prospectif 12 7/31 (22,5) 5/82 (6,1) 0,012
Prandoni (92) Prospectif 12 11/145 (7,6) 2/105 (1,9) 0,043
Monreal (93) Prospectif 12 6/21 (28,6) 3/51 (5,9) 0,04
Bastounis (96) Prospectif 12 5/70 (7,1) 2/196 (1) < 0,001
Achkar (97) Rétrospectif 38 13/78 (17) 5/154 (3,2) < 0,05
Monreal (97) Rétrospectif 36 13/105 (12,4) 10/569 (1,8) < 0,01
Rance (97) Rétrospectif ND 10/155 (6,5) 3/171 (1,8) < 0,02
Rajan (98) Rétrospectif 12 13/152 (8,6) 8/112 (7,1) 0,86
Nordstrom (94) Rétrospectif 6 66/1 383 (4,8) 37/2 412 (1,5) < 0,0001
Cornuz (96) Rétrospectif 12 3/122 (2,5) 23/844 (2,7) 0,2
Sorensen (98) Rétrospectif 1977-1992 TVP : 1 737/15 348 (11,3)
EP : 730/11 305 (6,5)
Baron (98) Rétrospectif 1965-1983 ATEV : 2 509/61 998 (4,0)

La chimiothérapie peut majorer le risque thromboembolique. Il faut noter


également qu’une activité prothrombotique liée à l’utilisation d’érythropoïé-
tine chez le cancéreux a été suggérée, et qu’un petit nombre d’études cliniques
randomisées ont dû être interrompues. De nouvelles études sont en cours pour
infirmer ou affirmer le rôle péjoratif de l’érythropoïétine sur le risque throm-
boembolique et la croissance tumorale.
Il reste recommandé d’éviter d’utiliser des posologies qui élèvent le taux
d’hémoglobine au-dessus de 12 g/dl et sans doute d’en limiter l’usage aux
patients sous chimiothérapie selon la conclusion d’un comité de la FDA ayant
proposé cette attitude en mai 2006.

Rappel sur le mécanisme de l’hypercoagulation


L’activation de la coagulation est fréquente dans les états cancéreux comme en
témoigne l’élévation des marqueurs F1 + 2 et des complexes thrombine-anti-
thrombine (TAT). En revanche, les mécanismes de cette hypercoagulation sont
multiples, complexes et imparfaitement élucidés.
Le rôle du FT a été très étudié. Il a été reconnu à la surface de nombreuses
cellules cancéreuses. De plus le tissu cancéreux est à l’origine de la produc-
Maladie thromboembolique veineuse 205

tion de cytokines de l’inflammation, le TNF α et l’interleukine 6 (IL6), qui


favorisent l’expression du FT par les monocytes.
Un second paramètre invoqué dans le mécanisme de l’hypercoagulation est le
« cancer procoagulant », identifié depuis 1975. Il est capable d’activer directe-
ment le FX sans le concours du FVII. Il s’agit d’une cystéine protéase dont
l’intervention reste encore hypothétique selon les études récentes.
L’existence de microparticules portant à leur surface du FT dans des thrombi a
été récemment démontrée. L’accumulation de ces microparticules fait inter-
venir une glycoprotéine, le récepteur de la P-sélectine (P-selectin glycoprotein
ligand 1 [PSGL-1). Une concentration élevée de ces microparticules a été
retrouvée dans le sang de patients atteints de cancer pancréatique suggérant
une relation entre cette observation et la prédisposition de ces malades aux
accidents thromboemboliques.
Des microparticules pauvres en FT circulant dans le sang pourraient jouer un
rôle au même titre que le FT dans l’angiogenèse nécessaire à la survie de la
tumeur cancéreuse.
Le mécanisme le plus récent invoqué dans la relation entre hypercoagulation
et cancer concerne un oncogène, le MET-oncogène prothrombinique, dont
l’activation survient dans de nombreux cancers. Le MET-oncogène augmente
l’expression de la cyclooxygénase 2 et du PAI-1. Au total, les mécanismes
précis responsables de l’association, bien établie, entre cancer et thrombose,
restent incomplètement élucidés.

Prophylaxie des accidents thromboemboliques


en chirurgie oncologique
Un petit nombre de travaux ont bien démontré que le risque d’accidents throm-
boemboliques postopératoires est au moins deux fois plus élevé chez un malade
porteur d’un cancer. Les facteurs de risques associés sont l’âge avancé du
malade, l’immobilisation fréquente préopératoire, l’intervention de traitements
susceptibles d’augmenter l’état d’hypercoagulabilité tels que la chimiothérapie
et l’irradiation, la longue durée de l’intervention, les pertes sanguines impor-
tantes avec nécessité de recourir à des transfusions abondantes, enfin le caractère
même de la chirurgie : sa durée plus grande, l’importance des dissections au
niveau des veines pelviennes, par exemple, qui peuvent entraîner des altérations
de la paroi vasculaire. Une des meilleures études est celle de Merkus (1995).
Elle compare deux doses de daltéparine (2 500 et 5 000 UI anti-Xa) utilisées
chez des malades cancéreux et non cancéreux. La fréquence des TVP s’y révèle
plus efficacement réduite par la posologie la plus élevée (5 000 UI anti-Xa).
Chez le sujet non cancéreux, cette prophylaxie entraîne une majoration du
saignement non observée chez le cancéreux. L’hypothèse soulevée est que le
malade porteur d’un cancer a une coagulation exagérée. L’injection de daltépa-
rine en sous-cutané était débutée la veille de l’intervention puis une injection
quotidienne était réalisée. Au moins trois études ont comparé les héparines au
placebo, démontrant l’intérêt des HBPM dans la prévention des ATEV. L’horaire
approprié pour la première injection est encore discutée aujourd’hui. Elle peut
varier en fonction de la molécule utilisée. Il est admis que la première injection
206 Maladies thrombosantes

doit être faite soit en préopératoire soit en postopératoire et ne doit en aucun cas
dépasser la 24e heure postopératoire. Dans une ancienne étude de notre groupe
de l’Hôtel-Dieu, il avait bien été démontré que la précocité de l’administration
de l’héparine en sous-cutané était très efficace pour éviter les EP précoces en
période postopératoire immédiate, c’est-à-dire dans les tout premiers jours après
l’intervention. L’étude récente Enoxacan est consacrée aux malades cancéreux.
Enoxacan 1 est consacré à un échantillon de 631 patients. Elle révèle l’intérêt
d’une dose de 4 000 UI anti-Xa d’énoxaparine par rapport à l’héparine non frac-
tionnée (HNF) administrée trois fois par jour. Le consensus nord-américain de
2001 insistait déjà sur l’intérêt de retenir une dose relativement élevée chez le
malade cancéreux par rapport au malade non cancéreux. Enoxacan 2 a étudié
l’intérêt d’une prophylaxie prolongée au-delà de 8 ± 2 jours. Elle démontre que
la poursuite du traitement pendant 1 mois au total entraîne une réduction des TV
phlébographiques. Ainsi, au total, la thromboprophylaxie optimale chez un
malade en chirurgie oncologique doit conjuguer l’utilisation d’une dose appro-
priée, l’injection de la première injection au voisinage de l’intervention,
l’optimisation de la durée du traitement et, bien entendu, la prise en considéra-
tion du risque lié au malade.
Le fondaparinux a été évalué par rapport à la daltéparine dans une grande
étude randomisée en double aveugle chez environ 3 000 malades ayant subi
une chirurgie abdominale majeure. La prévention par le fondaparinux à la
dose de 2,5 mg administré par voie sous-cutanée en postopératoire a été
comparée à la daltéparine à la dose de 5 000 UI administrée par voie sous-
cutanée en préopératoire. Aucune différence significative n’a été observée
entre les deux groupes concernant la fréquence des ATEV (4,6 vs 6,1 %), les
hémorragies majeures (3,4 vs 2,4 %) et les décès (1,0 vs 1,4 %). Dans une
autre étude randomisée en chirurgie abdominale majeure, le fondaparinux a
été évalué par rapport au placebo chez 1 300 patients ayant tous reçu une
compression pneumatique intermittente. La fréquence des ATEV et des TVP
proximales était significativement plus basse dans le groupe fondaparinux
associé à la compression pneumatique intermittente que dans celui bénéficiant
de la compression pneumatique intermittente seule (1,7 vs 5,3 % et 0,2 vs
1,7 % respectivement).
La prévention des ATEV en chirurgie majeure pour cancer doit être assurée
par les HBPM en sous-cutanée à dose élevée (entre 4 000 et 5 000 UI anti-
Xa), ou l’HNF en trois injections sous-cutanée de 5 000 UI/j ou le fondapa-
rinux à la dose de 2,5 mg/j en sous-cutané.

Thromboprophylaxie chez les malades cancéreux


en milieu médical
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est fréquente en milieu carci-
nologique, sans doute à cause de multiples facteurs tels que l’état
d’hypercoagulabilité liée au cancer et/ou les effets secondaires des traitements et
des dispositifs intraveineux centraux. La prévention des complications throm-
boemboliques veineuses revêt une grande importance, compte tenu des difficultés
diagnostiques et thérapeutiques chez ces patients où le traitement des thromboses
serait plus difficile à manipuler et peut-être moins efficace avec un risque hémor-
Maladie thromboembolique veineuse 207

ragique accru. Les études disponibles dans la prévention des ATEV chez les
patients cancéreux en milieu médical sont peu nombreuses et contradictoires.
Dans l’étude Medenox, l’efficacité d’une dose quotidienne de 4 000 UI anti-
Xa d’énoxaparine a bien été démontrée dans des sous-groupes de malades.
Chez les malades porteurs d’un cancer, il existe une réduction de l’ordre de
50 % de la fréquence des TV phlébographiques. Toutefois, le faible nombre de
malades étudiés dans chaque groupe explique sans doute l’absence de signifi-
cativité de ce résultat.
Dans une méta-analyse de neuf études randomisées en médecine incluant
20 000 patients, l’utilisation d’une prévention médicamenteuse réduit de 64 %
le risque d’EP mortelle, de 58 % le risque d’EP symptomatique et de 54 %
celui de TVP symptomatique. On peut conclure que les HBPM (l’énoxaparine
à la dose de 4 000 UI anti-Xa, la daltéparine à la dose de 5 000 UI anti-Xa) et
le fondaparinux (à la dose de 2,5 mg) sont plus efficaces que le placebo chez
les patients médicaux en prévention primaire. Dans les mêmes conditions, une
prévention systématique des ATEV chez les patients atteints d’un cancer
admis en hospitalisation et alités pour une affection médicale aiguë associée
est préconisée. Les molécules peuvent être les mêmes que celles utilisées dans
la prévention en milieu médical. Par ailleurs, une adaptation posologique est
possible avec le fondaparinux en cas d’insuffisance rénale avec une clairance
rénale entre 20 et 30 ml/mn avec la dose de 1,5 mg/j au lieu de 2,5 mg/j. La
durée de la prophylaxie préconisée est entre 6 et 14 jours.

Récidive après un premier épisode thromboembolique veineux


Toutes les études font état d’une augmentation du risque de récidives des
ATEV chez les malades atteints d’un cancer. Ces récidives peuvent survenir
malgré un traitement anticoagulant oral bien conduit avec un INR dans la zone
d’hypocoagulabilité thérapeutique compris entre 2 et 3. Ces constats ont
motivé un petit nombre d’études utilisant les HBPM à la place des anticoagu-
lants oraux. Dans quatre études récentes, les HBPM comparées aux AVK
pendant 3, 6 ou 12 mois ont été plus efficaces et mieux tolérées. L’ACCP et les
recommandations françaises SOR (Standards options recommandations),
éditées sous l’égide de l’institut national du cancer et les sociétés de médecine
interne et de médecine vasculaire recommandent l’utilisation des HBPM à
doses curatives pendant les 3 à 6 premiers mois. Au-delà, le traitement doit
être prolongé au long cours jusqu’à guérison du cancer et maintenu tant que le
cancer est actif. L’ensemble des recommandations sur les traitements curatifs
de la MTEV chez les patients atteints de cancer et le traitement des throm-
boses sur cathéter est disponible sur le site internet www.sor-cancer.fr. Le
fondaparinux et les nouveaux antithrombotiques ne doivent pas être utilisés en
cas de cancer en l’absence d’études spécifiques.

Influence du traitement héparinique chez le malade cancéreux


En dehors de l’activité antithrombotique, il est possible que les anticoagulants,
et en particulier l’héparine, possèdent des priorités antiprolifératives capables
d’influencer le pronostic des malades cancéreux bénéficiant d’un tel traite-
208 Maladies thrombosantes

ment. L’activité antinéoplasique des traitements anticoagulants a été évoquée


dans un travail en 1881 aux États-Unis. La warfarine utilisée dans le cancer du
poumon à petites cellules avait un effet favorable sur la mortalité.
L’étude de Lebeau en France en 1994 utilisait une HNF calcique en sous-cutané,
identifiant également un bénéfice dans cette même variété de cancer. Cette étude
avait attiré l’attention sur l’intérêt d’une HNF en sous-cutané donnée quotidien-
nement pendant 5 semaines chez des patients porteurs d’un cancer pulmonaire à
petites cellules. La médiane de survie avait été significativement prolongée
d’une moyenne de 261 jours à 317 jours (p < 0,001). En revanche, ce travail n’a
pas été confirmé par les études utilisant des HBPM dans le traitement des TVP.
En 2004, l’étude FAMOUS publiée après une période de recrutement de 7 à
8 années de malades ayant différents cancers solides ne confirmait pas cette
hypothèse.
Toutefois, une analyse post-hoc soulignait un effet favorable dans les formes
de cancer moins avancées, en particulier sans métastase. L’étude CLOT au
Canada chez des cancéreux atteints d’une TVP et traités par de la daltéparine
allait dans le même sens.
Plus récemment, une étude en Turquie utilisait une HBPM ou un placebo
associé à la chimiothérapie dans le cancer du poumon à petites cellules.
L’étude MALT aux Pays-Bas en 2005 obtient des résultats comparables.
Une méta-analyse de la Cochrane reprenant ces études attribue un effet favo-
rable des HBPM sur la mortalité. Les études se poursuivent, mais à l’heure
actuelle, la Société américaine d’oncologie déconseille le recours aux HBPM
avec cet objectif tant que l’hypothèse sur l’activité antinéoplasique des HBPM
n’aura pas été formellement démontrée.

TV chez les malades porteurs d’un cathéter central


Il s’agit de moyens thérapeutiques pour de nombreuses spécialités et de moyens
de perfusion de solutés aussi bien en chimiothérapie qu’en nutrition ou bien en
milieu de réanimation. C’est un confort indiscutable pour les patients mais
également un élément sécuritaire. Certes, la qualité des matériaux a été
améliorée mais les complications infectieuses et thrombotiques restent
nombreuses et posent un problème diagnostique et thérapeutique. La prévalence
des thromboses est estimée entre 5 à 66 % alors que celle des infections varie
entre 16 à 30 %. Les facteurs de risque sont nombreux et peuvent être liés :
– au site d’implantation, fémoral, brachial, sous-clavier, jugulaire dont le
risque paraît décroître de la première voie d’abord à la dernière;
– à la position de l’extrémité du cathéter : ainsi, la position dans la veine cave
inférieure semble plus thrombogène que celle dans la veine cave supérieure
haute à sa jonction avec l’oreillette droite;
– au type de matériel utilisé (silicone ou polyuréthane);
– à la nature du médicament administré dans le cathéter central (mélange
nutritif, chimiothérapie entraînant des modifications des propriétés du
cathéter);
– au terrain (enfant, état du patient).
Maladie thromboembolique veineuse 209

Tous ces facteurs jouent également un rôle combiné multipliant les risques.
L’extension de la thrombose du cathéter pose encore un problème
diagnostique : thrombus intracardiaque, EP, syndrome cave, infection conco-
mitante notamment à candida, troubles du rythme cardiaque par exemple. La
symptomatologie de la thrombose dépend aussi du stade de la thrombose. Elle
est modeste (voire absente) s’il s’agit de manchons fibrinocruoriques, plus
bruyante si le thrombus est mural avec l’apparition d’un œdème, d’une
douleur, de rougeur, de fièvre, d’occlusion (ou un cordon veineux bien
palpable) enfin, d’une circulation veineuse collatérale. Le diagnostic fait appel
en première intention à l’écho-Doppler veineux, plus rarement actuellement à
la phlébographie ou à l’angiographie numérisée. L’échocardiographie devrait
être systématique à la recherche de thrombus cardiaque. Les autres explora-
tions seront réalisées en fonction du contexte.
Le traitement doit donc être en premier lieu préventif en sachant que les
tumeurs solides ont un risque plus élevé et que les hémopathies sont à risque
modéré (5 %), mais souvent avec une contre-indication au traitement anticoa-
gulant. La voie d’abord sous-clavière sera élective en réduisant le temps de
pose par un opérateur expérimenté. Le type du cathéter doit être choisi en
fonction de l’indication thérapeutique et en utilisant un rinçage fréquent. Le
traitement curatif est difficile et sera discuté en fonction du contexte. Le retrait
doit être systématique si une infection est associée, s’il existe une contre-indi-
cation aux anticoagulants ou fibrinolytiques, s’il existe une compression
médiastinale ou s’il existe une absence d’utilité après traitement par exemple.
Le retrait ne sera pas systématique en fonction des circonstances de survenue,
de la gravité de la symptomatologie, du délai et d’une possibilité réelle
d’autres abords vasculaires et de la nécessité de maintenir la perfusion.
L’héparinothérapie doit être efficace par l’HNF ou bien par les HBPM. La
durée du traitement sera aussi longue que le cathéter sera en place. Des fibri-
nolytiques peuvent être utilisée par exemple l’UK avec une dose de charge de
1 000 à 2 000 UI/kg, suivie d’une dose d’entretien de 1 000 à 2 000 UI/kg/h.
Cette utilisation doit être précoce en respectant les contre-indications d’une
durée de 3 jours, avec un relais par l’HNF ou bien par les HBPM.

Prévention de la TV chez les malades porteurs


d’un cathéter central
L’incidence des thromboses sur cathéters veineux centraux rapportée chez les
patients atteints de cancer varie selon les études. Les études les plus récentes
rapportent un taux de thromboses similaire avec ou sans traitement préventif
(environ 5 % de thromboses symptomatiques).
La warfarine, à dose fixe de 1 mg/j avec un INR < 1,5, ne présente pas de
bénéfice dans la prévention des TV sur cathéter en territoire cave supérieur
chez les patients atteints de cancer. Les données de la littérature montrent un
effet délétère (augmentation de l’INR avec risque hémorragique) des AVK à
faibles doses lorsqu’ils sont associés au 5-FU.
En conclusion, l’utilisation d’une prévention primaire des ATEV sur cathéter
veineux central chez les patients atteints d’un cancer n’est pas recommandée.
210 Maladies thrombosantes

Le traitement curatif d’un ATEV sur cathéter veineux central doit privilégier
les HBPM au long cours, sauf indication particulière.

La TV est plus fréquente chez les malades cancéreux et la découverte d’un


cancer occulte n’est pas exceptionnelle chez les malades ayant un ATEV
idiopathique en particulier récidivant. Il existe un risque plus élevé d’acci-
dent thromboembolique postopératoire en chirurgie oncologique ou chez
le malade porteur d’un cancer. La posologie de l’HBPM sous-cutanée effi-
cace est à peu près bien déterminée. Le moment de l’injection de la
première dose doit être le plus proche possible de l’acte opératoire, soit
avant, soit en postopératoire, mais pas plus de 24 h après cet acte opéra-
toire. La durée du traitement mérite encore d’autres études, mais celle de
7 à 10 jours utilisée en chirurgie générale non oncologique paraît trop
courte, et une durée de 1 mois semble préférable. Il existe également une
augmentation du risque d’accidents veineux thromboemboliques chez les
malades hospitalisés immobilisés ayant une affection médicale aiguë
(infection respiratoire sévère, défaillance cardiaque sévère) et porteur
d’un cancer. Une thromboprophylaxie paraît efficace chez ces malades,
mais sa durée reste mal déterminée. Il existe une augmentation du risque
de récidive chez les malades cancéreux ayant eu un premier accident
thromboembolique et les HBPM au long cours pourraient être préférées
au traitement anticoagulant oral. De nouvelles études sont cependant
souhaitables. La prévention primaire des ATEV chez les malades porteurs
d’un cathéter central n’est pas recommandée.

Thrombose, syndrome myéloprolifératif


et hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)
Les différentes maladies qui composent le syndrome myéloprolifératif, poly-
globulie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique et thrombocytémie
majorent le risque d’accident thromboembolique. Une augmentation du
nombre de plaquettes et une thrombopathie sont souvent associées chez ces
patients. La polyglobulie responsable d’hyperviscosité multiplie par 12
environ le risque de TV.
Des thromboses, aussi bien veineuses qu’artérielles, ont été rapportées au
cours de ce syndrome. Tous les vaisseaux peuvent être atteints, des vaisseaux
rétiniens aux veines et artères du système porte. La recherche d’un syndrome
myéloprolifératif, dans cette dernière pathologie est classique.
Souvent due à des occlusions des artères distales des membres inférieurs,
l’érythromélalgie est bien connue. Elle répond bien au traitement par l’aspi-
rine. Enfin, des microthromboses des vaisseaux placentaires ont été
incriminées dans différentes complications obstétricales, survenues dans ce
groupe de malades. Des pertes fœtales au 1er trimestre, des états pré-éclampsi-
ques ont été décrits. L’examen du sang, voire du myélogramme et la culture
des érythroblastes en laboratoire spécialisé est nécessaire pour affirmer le
Maladie thromboembolique veineuse 211

diagnostic dans les formes où l’hémogramme n’est pas caractéristique d’un


syndrome myéloprolifératif.
Le traitement anticoagulant est efficace en prévention secondaire mais sa
place est discutée en prévention primaire.
La récente découverte de la mutation acquise JAK2 apporte une aide nouvelle
au diagnostic différentiel des différentes maladies du syndrome myéloprolifé-
ratif.
La recherche d’un trouble de l’agrégation plaquettaire aide à distinguer ces
patients, de sujets porteurs d’une thrombocytose.

Hémoglobinurie paroxystique nocturne


ou maladie de Marchiafava-Micheli
Il s’agit d’une affection très rare, acquise, associée à une anomalie génétique
localisée au chromosome X et retrouvée dans les deux sexes. L’altération
entraîne une lésion de la membrane du globule rouge qui a une réponse
d’hypersensibilité au complément activé. La nuit, la diminution du pH
entraîne une activation du complément, responsable d’une hémolyse des
globules rouges anormaux (coloration des urines contenant l’hémoglobine au
réveil).
L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est une cause rare, mais reconnue de
TV des veines hépatiques, rénales, cérébrales ou de la veine cave inférieure.
L’HPN a une sévérité accrue chez la femme enceinte avec un risque augmenté
d’ATEV pouvant justifier le recours à une thromboprophylaxie par les hépa-
rines pendant toute la grossesse et le post-partum.
L’association syndrome de Budd-Chiari et hémoglobinurie paroxystique
nocturne est également bien connue.
Le test de recherche d’une hémolyse en milieu acide ou test de Ham et Dacie,
aide au diagnostic. Dans cette affection, le laboratoire a fait de récents progrès
diagnostiques, en particulier, grâce à la cytométrie en flux, mais le concours
d’un laboratoire d’hématologie spécialisé est nécessaire.

Agents antithrombotiques et autres traitements utilisés


dans la prévention des thromboses
Les saignées dans la polyglobulie et l’aspirine (faibles doses) dans les throm-
bocytémies essentielles sont utiles. L’aspirine est très efficace dans
l’érythromélalgie. Souvent spectaculaire, son effet sur les crises douloureuses
a souvent été rapporté. Le traitement d’une hyperplaquettose importante dans
une thrombocytémie relève d’une consultation d’hématologie.
Différents médicaments, comme l’hydroxyurée et l’anagrélide peuvent
réduire la thrombocytose. La réduction de la fréquence des thromboses par ces
traitements a été montrée. La plaquettophérèse peut être indiquée dans un petit
nombre de cas. Plus récemment, l’interféron alpha (IFNα) a été étudié, en
particulier chez la femme enceinte où il n’est pas contre-indiqué (voir
chapitre 18).
212 Maladies thrombosantes

Vascularite thrombosante particulière : maladie de Behçet


La maladie de Behçet est une maladie de système d’étiologie inconnue,
fréquente dans les pays méditerranéens et en Asie. Elle fait partie des vascula-
rites systémiques en raison de la fréquence élevée des complications
vasculaires, thromboses artérielles ou veineuses, anévrismes. Certaines mani-
festations cutanéomuqueuses sont très évocatrices de la maladie : aphtose
buccale, génitale, pseudo-folliculite. À ce jour, il n’existe pas de tests biologi-
ques spécifiques. La définition de ce syndrome est donc purement clinique. La
maladie se déclare le plus souvent chez l’adulte jeune âgé de 18 à 40 ans. Elle
est rare chez l’enfant et au-delà de 50 ans. Il existe une prédominance mascu-
line franche pour les formes symptomatiques. La physiopathologie de ce
syndrome demeure obscure. Quelques anomalies immunologiques ont été
rapportées, mais c’est surtout le rôle d’agents pathogènes, en particulier le
streptocoque D, qui est fortement suspecté. Une prédisposition génétique est
suggérée du fait de la forte association avec l’antigène HLA B51 (60 % des
cas méditerranéens et japonais) (voir chapitre 14).

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Maladie thromboembolique veineuse 213

THROMBOSE VEINEUSE PROFONDE


ET EMBOLIE PULMONAIRE :
DU DIAGNOSTIC AU TRAITEMENT
Antoine ACHKAR

Malgré l’absence de statistiques exactes sur la fréquence de la maladie throm-


boembolique veineuse (MTEV) en France, celle-ci reste fréquente,
responsable d’une mortalité et d’une morbidité non négligeables. Elle occupe
le 3e rang des maladies cardio-vasculaires avec une incidence annuelle des
thromboses veineuses profondes (TVP) de l’ordre de 1/1 000 habitants/an. La
morbidité liée à une embolie pulmonaire (EP) augmente avec l’âge. L’inci-
dence est plus faible chez les jeunes et plus élevée chez les personnes âgées.
La majorité des ATEV survient en présence de facteurs de risque de throm-
bose (accident secondaire) tels qu’un cancer ou une immobilisation.
Cependant, un ATEV peut également survenir sans facteur de risque identifié
(accident idiopathique ou non provoqué), mais pouvant être révélateur chez
certains patients de thrombophilie héréditaire. Ainsi, une EP est diagnostiquée
chez environ 50 % des patients présentant une suspicion clinique d’EP et/ou
chez les patients ayant une TVP confirmée. Le taux d’EP mortelle peut
atteindre 30 % en cas de diagnostic tardif.

Diagnostic des TVP et de l’EP


Diagnostic d’une TVP (fig. 6.1 et 6.2)
Les symptômes de la TVP sont une augmentation de volume et/ou une
douleur brutale unilatérale d’un membre inférieur. La rougeur, la chaleur ainsi
que la palpation d’un cordon induré d’une veine superficielle peuvent aussi
être rencontrées. Cependant, le seul examen clinique n’a qu’une valeur
d’orientation. Il ne peut prédire l’importance de l’obstruction vasculaire. Le
phlegmatia cærulea dolens représentant la forme la plus grave d’une TVP,
résulte d’une obstruction sévère et aiguë du réseau veineux du membre infé-
rieur. La probabilité clinique de TVP du membre inférieur, établie de manière
empirique ou sur un score de probabilité, reste médiocre. Mais, elle reste
indispensable pour interpréter un résultat négatif d’écho Doppler des membres
inférieurs. Une forte probabilité clinique est évoquée devant la présence d’un
ou plusieurs facteurs de risques majeurs de thrombose, une clinique hautement
suggestive et/ou aucun diagnostic alternatif (tableau 6.XI). À l’inverse, une
faible probabilité clinique repose sur l’absence ou la présence minime de
facteurs de risque de thrombose, la pauvreté des signes cliniques et/ou la
présence d’un diagnostic alternatif. Le diagnostic de TVP du membre infé-
rieur est éliminé quand la probabilité est faible et un résultat négatif d’écho-
Doppler veineux. Le risque d’évolution vers l’EP d’une TVP des membres
inférieurs incite à réaliser des tests diagnostiques objectifs pour confirmer ou
éliminer le diagnostic.
214 Maladies thrombosantes

Suspicion de TVP

Probabilité clinique

Probabilité clinique Probabilité clinique élevée


faible ou intermédiaire

D-Di Écho-Doppler veineux

négatifs positifs positif négatif

TVP exclue Écho-Doppler TVP confirmée D-Di


veineux

positif négatif positifs négatifs

TVP confirmée TVP exclue Écho-Doppler TVP


répété exclue

positif négatif

TVP confirmée TVP exclue

Fig. 6.1. Arbre décisionnel diagnostique devant une suspicion de TVP.

Diagnostic de l’EP
Les trois principaux modes de présentation de l’EP sont la douleur pleurétique
avec ou sans hémoptysie (6 %), la dyspnée isolée sans explication évidente
(22 %) ou l’état de choc (8 %). Ce sont les signes cliniques les plus fréquem-
ment constatés dans respectivement dans 73 %, 66 % et 70 % des cas chez les
patients sans antécédents cardio-vasculaires.
Cependant, la combinaison de plusieurs de ces signes cliniques apparaît utile
pour identifier les patients à forte suspicion clinique d’EP. Par exemple, l’asso-
ciation de dyspnée, de tachypnée et de signes cliniques de TVP est constatée
dans 91 % des patients porteurs d’une EP sans antécédents cardio-vasculaires.
Néanmoins, il n’est pas exceptionnel d’avoir une EP sans facteur de risque
identifié.
Même si la valeur diagnostique individuelle des signes cliniques et para-
cliniques s’avère mauvaise, leur combinaison permet d’évaluer le risque
Maladie thromboembolique veineuse 215

Suspicion de récidive de TVP

Probabilité clinique, Écho-Doppler veineux, D-Di

Écho-Doppler normal Toutes autres Nouvelle


et D-Di négatifs combinaisons et D-Di négatifs compression veineuse

Récidive TVP Récidive TVP


exclue confirmée

Faible probabilité clinique Probabilité clinique modérée


et D-Di négatifs ou élevée ou D-Di positifs
Écho-Doppler anormal mais inchangé ou Écho-Doppler antérieur
par rapport à un examen précédent non disponible

Écho-Doppler Phlébographie veineuse


répété ascendante

Nouvelle compression Écho-Doppler Négative Défect intraluminal


veineuse inchangé

Récidive TVP Récidive TVP Récidive TVP Récidive TVP


confirmée exclue exclue confirmée

Fig. 6.2. Arbre décisionnel diagnostique devant une suspicion de récidive de


TVP.

d’EP de manière empirique ou par l’utilisation de scores de probabilité


clinique dont plusieurs ont été publiés. Le plus ancien et le mieux validé
est celui de Wells (tableau 6.XII). Dans ce score, la probabilité clinique
d’EP est augmentée en cas d’antécédents TEV, de signes évoquant une
TVP, de facteurs favorisants et en l’absence d’alternative diagnostique
possible. Le score proposé par Le Gal (tableau 6.XIII) est une révision du
score de Genève. Il ne repose que sur des éléments cliniques objectifs et ne
nécessite aucun examen complémentaire. Ainsi, la prévalence de l’EP dans
la population à forte probabilité varie de 67 % à 81 %. À l’opposé, la
prévalence de l’EP est < 10 % quand la probabilité clinique est faible. La
présentation clinique de l’EP est donc variable, le diagnostic doit être
évoqué devant un faisceau d’arguments, clinique compatible et des
examens paracliniques de première ligne qui vont permettre d’affiner la
probabilité clinique.
216 Maladies thrombosantes

Tableau 6.XI. Score clinique de Wells prédisant la probabilité


en cas de suspicion de TVP

Score non applicable si :


– grossesse;
– ATCD personnel de TVP/EP;
– traitement anticoagulant en cours sauf si préventif;
– suspicion EP symptomatique simultanée Score d’EP
Les critères Points
– Cancer évolutif (traitement en cours ou récent < 6 mois ou palliatif) +1
– Paralysie, parésie ou immobilisation plâtrée récente des membres +1
inférieurs
– Alitement récent plus de 3 jours ou chirurgie majeure récente +1
moins de 4 semaines
– Douleur provoquée localisée à la palpation +1
– Gonflement de tout le membre inférieur +1
– Œdème prenant le godet prédominant à la jambe symptomatique +1
– Collatéralité de suppléance par veines superficielles non +1
variqueuses
– Diagnostic alternatif au moins aussi vraisemblable que la TVP –2
Total des points
Probabilité clinique :
– élevée si score ≥ 3;
– modérée si score 1-2;
– faible si score ≤ 0.

Tableau 6.XII. Score clinique de Wells prédisant la probabilité


en cas de suspicion d’EP

Score non applicable si :


– grossesse;
– traitement anticoagulant en cours sauf si préventif;
– suspicion TVP/MS comme source d’EP.
Les critères Points
– Cancer évolutif (traitement en cours ou récent < 6 mois ou palliatif) +1
– Symptômes et signes cliniques de TVP +3
– Absence de diagnostic alternatif +3
– Tachycardie = fréquence cardiaque > 100/min + 1,5
– Immobilisation ou chirurgie récente + 1,5
– Antécédents personnels de TVP et/ou EP + 1,5
– Hémoptysie +1
Total des points
Probabilité clinique pré-test :
– élevée si score > 6;
– modérée si score 2-6;
– faible si score < 2.
Maladie thromboembolique veineuse 217

Tableau 6.XIII. Score de Genève révisé par Le Gal

Variables Points
Facteurs de risque
– âge > 65 ans +1
– antécédents de MTVE +3
– chirurgie ou fracture < 1 mois +2
– cancer actif ou considéré en rémission depuis moins +2
de 1 an
Symptômes
– douleur unilatérale du membre inférieur +3
– hémoptysie +2
Signes cliniques
– fréquence cardiaque 75-94/min +3
– > 95/min +5
– douleur à la palpation des membres inférieurs sur trajet +4
veineux, œdème unilatéral
Total des points
Probabilité clinique pré-test :
Faible 0 à 3 points 7,9 (5,0-12,1)
Intermédiaire 4 à 10 points 28,5 (24,6-32,8)
Élevée > 11 points 73,7 (61,0-83,4)

Examens complémentaires indispensables


Électrocardiogramme (ECG)
Il est anormal dans 70 % des cas : anomalies non spécifiques du segment ST et
de l’onde T, un flutter auriculaire, une fibrillation auriculaire (FA), un bloc de
branche droit, une déviation axiale droite du complexe QRS, un aspect S1Q3,
une onde P pulmonaire et rarement une déviation axiale gauche (qui n’exclut
pas le diagnostic d’EP). Les signes ECG de surcharge ventriculaire droite
aiguë (inversion de l’onde T de V1 à V3, déviation axiale droite de QRS,
aspect S1Q3, bloc de branche droit) sont plus rares (< 6 %) et s’observent
essentiellement dans les EP massives avec hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP) importante et index cardiaque abaissé. Les signes ECG sont transi-
toires et parfois retardés. Néanmoins, l’ECG peut orienter vers une autre
pathologie (péricardite, insuffisance coronaire). Son intérêt est relativement
limité pour le diagnostic d’EP.

Radiographie du thorax
La normalité de la radiographie thoracique chez un patient présentant une
dyspnée est considérée comme étant fortement évocatrice d’EP. Cependant, la
radiographie thoracique est rarement normale dans l’EP. Certaines anomalies
sont observées de manière significative chez les patients porteurs d’EP sans
antécédents cardio-vasculaires par rapport aux patients sans EP et sont donc
218 Maladies thrombosantes

fortement évocatrices : atélectasies, opacités linéaires, horizontales, siégeant


au niveau des bases pulmonaires, infiltrats pulmonaires, infarctus pulmonaire.
Des pleurésies sont observées dans 48 % des cas, le plus souvent minimes et
unilatérales. Une hyperclarté lobaire ou pulmonaire est observée dans 21 %
des cas. Un œdème pulmonaire est observé dans 4 % des cas. L’ascension
d’une hémicoupole diaphragmatique est observée dans 24 % des cas, la
distension d’une artère pulmonaire principale dans 15 % des cas. La radiogra-
phie thoracique reste un bon examen permettant d’orienter le diagnostic.

Examens biologiques
L’étude des gaz du sang montre habituellement une hypoxie et une hypo-
capnie. Les gaz du sang artériel ont une valeur diagnostique limitée dans l’EP
puisque l’hypoxémie et l’hypocapnie ne sont pas spécifiques et l’hypoxémie
manque dans 26 %.
Les différents examens biologiques classiques (numération formule sanguine,
hémostase, nombre des plaquettes, ionogramme sanguin, urée, créatinine) ne
présentent aucun intérêt pour le diagnostic d’EP, mais sont indispensables
avant de débuter un traitement antithrombotique.
Marqueurs biologiques plus spécifiques de l’activation de la coagulation et de
la fibrinolyse, les D-Di ont une place importante dans la stratégie diagnostique
de l’EP et de la TVP. Les D-Di sont dosés à l’aide d’anticorps monoclonaux
soit par agglutination (méthode LATEX), soit par méthode Elisa. La sensibi-
lité du dosage des D-Di par méthode LATEX est faible (autour de 89 %) et
donc insuffisante pour utiliser ce test dans la stratégie diagnostique de l’EP. En
revanche, la sensibilité et la valeur prédictive négative du dosage des D-Di par
méthode Elisa sont excellentes (autour de 97 %). Un dosage normal des D-Di
par méthode Elisa est seul intéressant et doit être interprété. Un taux normal
(en général < 500 ng/ml) de D-Di associé à une probabilité clinique faible,
permet d’exclure le diagnostic d’EP ou de TVP. Lorsque la probabilité
clinique est forte, il convient de poursuivre les investigations. Certains auteurs
ont proposé de relever le seuil de positivité des D-Di pour le diagnostic de
l’EP en fonction de la pathologie sous-jacente. Dans une étude rétrospective,
l’élévation du seuil de positivité des D-Di à 900 ng/ml en cas de cancer a
permis une augmentation de la spécificité du test de 16 à 30 %, sans pour
autant faire varier le taux de faux négatifs, qui restait nul. Mais cette étude
comporte un nombre limité de patients et doit être confirmée avec un nombre
plus important de sujets. La spécificité est en revanche faible (< 50 %) et ainsi
un taux de D-Di > 500 ng/ml n’a pas de valeur diagnostique pour l’EP ou la
TVP.

Écho-Doppler veineux des membres inférieurs


L’absence de compressibilité de la veine au point de pression est le critère
échographique diagnostique le mieux validé. Le Doppler n’améliore pas les
critères diagnostiques car la réduction du flux n’est pas spécifique de la
thrombose.
Maladie thromboembolique veineuse 219

La sensibilité et la spécificité de l’échographie Doppler des membres infé-


rieurs sont très élevées pour le diagnostic de TVP proximale chez les patients
symptomatiques, mais la sensibilité est beaucoup moins bonne chez les
patients asymptomatiques, ce qui est fréquemment le cas chez la majorité des
patients suspects d’EP. Même si la phlébographie est théoriquement plus
performante chez ce type de patients, le gain de sensibilité ne justifie pas le
choix de cet examen invasif dans un contexte de dépistage. L’apport des D-Di
dans ces conditions est primordial ainsi que la répétition de l’écho-Doppler
veineux, 3 à 7 jours plus tard.
L’EP et la TVP étant les deux manifestations d’une même maladie, dans la
grande majorité des cas, l’EP est secondaire à une TVP des membres infé-
rieurs. Ainsi, la découverte d’une TVP devant une suspicion d’EP, suffit pour
entreprendre un traitement anticoagulant. Par ailleurs, en présence d’une TVP,
des défauts de perfusion très suggestifs d’EP dit asymptomatique sont mis en
évidence dans près de la moitié des cas à la scintigraphie de perfusion. Afin
d’éviter la pratique d’une angiographie pulmonaire chez des patients suspects
cliniquement d’EP et avec une scintigraphie non contributive, certains auteurs
proposent donc de rechercher une TVP des membres inférieurs par des
méthodes non invasives (échographie Doppler veineux ou pléthysmographie
d’impédance) pour confirmer l’indication d’un traitement anticoagulant
(résultats obtenus dans 15 % des cas dans leurs études). Cependant, si ces
examens permettent d’affirmer la MTEV, la normalité des explorations
veineuses n’exclut pas le diagnostic d’EP.

Scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation


La scintigraphie de perfusion-ventilation est un examen simple, non invasif et
peu irradiant. Classiquement, six incidences (face antérieure et postérieure,
profils et obliques postérieurs droits et gauches) sont réalisées. La scintigra-
phie de ventilation utilise trois types de traceurs :
– soit un gaz radioactif comme le krypton 81m (Kryptoscan);
– soit un pseudo-gaz technicié comme le Technegaz;
– soit des aérosols marqués, c’est-à-dire DTPA marqué au technétium 99m
(99mTc).
Le xénon 133 n’est plus disponible depuis 2004. La scintigraphie de perfusion
utilise des macroagrégats de sérum albumine humaine marquée au 99mTc
injecté par voie IV, dont le diamètre est légèrement supérieur à celui des capil-
laires pulmonaires. La sensibilité de la scintigraphie de perfusion pour le
diagnostic d’EP est de 100 %. Une scintigraphie de perfusion pulmonaire
normale élimine donc le diagnostic d’EP. En revanche, des anomalies à la
scintigraphie de perfusion peuvent s’observer au cours de nombreuses affec-
tions (broncho-pneumopathies chroniques obstructives, pleurésies,
pneumopathies par exemple). Les résultats sont interprétés selon la classifica-
tion de PIOPED, en normale, en probabilité indéterminée et en haute
probabilité. Une scintigraphie de perfusion-ventilation de haute probabilité est
suffisante pour affirmer le diagnostic d’EP. Cependant, seulement 13 % des
patients suspects d’EP ont une scintigraphie de haute probabilité; 14 % ont
220 Maladies thrombosantes

une scintigraphie normale. Les 73 % restants présentent des scintigraphies de


probabilité intermédiaire (39 %) ou faible (34 %); la valeur prédictive positive
de ces deux catégories pour tous les patients suspects d’EP est respectivement
de 30 % et de 14 % et ne permet pas d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic
d’EP. L’étude PIOPED montre que la combinaison de l’évaluation clinique et
la scintigraphie de ventilation/perfusion augmente les chances d’un diagnostic
correct : 96 % lorsque les deux sont de haute probabilité, 96 % dans les cas
associant images scintigraphiques et évaluation clinique de faible probabilité.
La scintigraphie pulmonaire de perfusion reste un des examens praticables
pendant la grossesse.

Tomodensitométrie hélicoïdale
La tomodensitométrie à rotation continue avec balayage spiralé volumétrique
ou angioscanner thoracique permet de visualiser directement les caillots dans
les artères pulmonaires. La sensibilité varie de 91 % à 100 % et la spécificité
de 78 % à 100 %. Les différentes études ont confirmé la fiabilité de
l’angioscanner dans la détection des caillots endoluminaux jusqu’aux bran-
ches artérielles segmentaires. Un autre avantage de cet examen est la
possibilité d’examiner le médiastin et le parenchyme pulmonaire et donc
d’expliquer des lacunes vasculaires scintigraphiques ou angiographiques liées
à d’autres étiologies (tumeurs, emphysème par exemple). Cependant,
certaines réserves doivent être émises car la spécificité n’est pas toujours de
100 %. En effet, certaines images peuvent prêter à confusion avec le
diagnostic d’EP (présence d’adénopathies hilaires, opacification partielle des
veines pulmonaires par exemple). La tomodensitométrie est un très bon
examen pour la détection des caillots proximaux et segmentaires, surtout pour
les EP aiguës massives. Elle doit être utilisée en première intention dans cette
indication. C’est un examen disponible, peu invasif, qui permet éventuelle-
ment un diagnostic différentiel en l’absence d’EP (pneumopathie, dissection
aortique, adénopathie, compression de l’artère pulmonaire par exemple).
Cependant, à l’heure actuelle, un angioscanner thoracique normal ne permet
pas d’éliminer le diagnostic d’EP sous-segmentaire isolée. Mais la résolution
des scanners est en constante amélioration et la signification clinique des EP
sous-segmentaires reste incertaine pour certains auteurs. Il a été montré
qu’une stratégie diagnostique D-Di-ultrasonographie-angioscanner spiralé
était équivalente au D-Di-angioscanner spiralé pour le diagnostic d’EP, quelle
que soit sa probabilité clinique.

Échocardiographie
L’échocardiographie a un grand intérêt dans l’évaluation de la suspicion d’EP
massive, en particulier chez les patients sans antécédents cardio-pulmonaires.
Dans l’EP, l’échocardiographie peut montrer des signes directs du thrombus dans
le tronc de l’artère pulmonaire ou dans les cavités droites. Elle révèle aussi des
signes indirects, comme la présence d’une HTAP, une dilatation du tronc de
l’artère pulmonaire et de ses branches ou encore un cœur pulmonaire aigu (CPA)
avec dilatation du ventricule droit (VD), avec septum paradoxal, avec diminution
Maladie thromboembolique veineuse 221

du pourcentage de raccourcissement ventriculaire droit ou avec diminution du


volume du ventricule gauche (VG). À l’inverse, une échocardiographie sans
signe d’HTAP ou de CPA n’élimine pas le diagnostic d’EP sans répercussion
hémodynamique. L’échocardiographie peut être d’un apport certain dans la
suspicion d’EP en association avec d’autres examens non invasifs.

Angiographie pulmonaire
Technique invasive, l’angiographie pulmonaire est restée l’examen de réfé-
rence du diagnostic de l’EP jusqu’à l’arrivée de la tomodensitométrie
hélicoïdale et des nouvelles recommandations stratégiques diagnostiques. Le
diagnostic positif d’EP repose sur la présence d’une image de caillot flottant
endoluminal ou d’un arrêt cupuliforme du produit de contraste dans une artère
pulmonaire dont le diamètre est supérieur à 2 mm. D’autres aspects sont non
spécifiques et représentent des signes indirects d’EP : hypovascularisation ou
avascularisation périphérique systématisée, opacification retardée d’un terri-
toire, non-visualisation des veines pulmonaires. L’examen permet également
de quantifier le degré d’obstruction par le calcul d’index de Miller fondé sur le
siège de l’obstruction et le degré d’hypoperfusion artériolaire. Sa sensibilité
est de l’ordre de 94 à 97 %. Cet examen est coûteux et invasif s’accompagnant
d’une mortalité de 0,5 %, d’une morbidité de l’ordre de 1 % et de complica-
tions mineures dans 5 % des cas.
En conclusion, l’angiographie pulmonaire ne doit pas être actuellement la
technique d’investigation de première intention en présence d’une suspicion
d’EP. Toutefois, elle se justifie lorsque les données cliniques et les techniques
non invasives n’établissent pas le diagnostic avec certitude.

Stratégies diagnostiques
La symptomatologie clinique de l’EP et de la TVP est aspécifique et ne permet
qu’une orientation diagnostique nécessitant une confirmation ou une infirmation
diagnostique par des examens complémentaires. La mise à disposition des clini-
ciens d’examens non ou peu invasifs performants entraîne le développement de
nouvelles stratégies pour le diagnostic d’EP. L’utilisation d’arbre diagnostique
doit s’inscrire dans des stratégies d’établissement qui dépendent des équipe-
ments et des liens entre les différents services et les cliniciens (fig. 6.3).

EP massive
En cas de suspicion d’EP aiguë grave avec des signes de choc, une échographie
cardiaque s’impose après les examens paracliniques habituels. Elle permet de
mettre en évidence un CPA et de rechercher les diagnostics différentiels de
l’EP à cet état de choc. Après stabilisation de l’état hémodynamique, une
confirmation diagnostique doit être établie par la scintigraphie pulmonaire,
l’angioscanner thoracique ou l’échographie transœsophagienne. Un écho-
Doppler veineux au lit du patient peut être utile dans cette circonstance.
222 Maladies thrombosantes

Suspicion d’EP

Probabilité clinique

Probabilité clinique faible Probabilité clinique élevée


ou intermédiaire

D-Di Écho-Doppler veineux

négatifs positifs positif négatif

pas de Écho-Doppler veineux TVP confirmée Angioscanner


traitement Traitement

négatif positif négatif positif

Angioscanner EP traitement Angiographie EP


Traitement

négatif positif positive négative

Pas d’EP EP EP Pas d’EP


Pas de traitement Traitement Traitement Pas de traitement

Fig. 6.3. Arbre décisionnel de prise en charge devant une suspicion d’EP repré-
sentant une des démarches diagnostiques et thérapeutiques existantes et
incluant l’angioscanner et l’Écho-Doppler veineux.

EP non massive
La pertinence des examens est différente que le patient soit hospitalisé ou en
externe.
Chez les patients présentant une suspicion d’EP adressés aux services
d’urgence, après les examens paracliniques habituels, un dosage négatif des
D-Di en Elisa permet d’éliminer le diagnostic dans 36 % des cas. L’écho-
Doppler veineux des membres inférieurs doit être réalisé en deuxième inten-
tion permettant de retrouver une TV chez 17 % des patients et d’entreprendre
un traitement anticoagulant. Les autres examens seront réalisés en fonction
des résultats des D-Di et de l’écho-Doppler veineux. La scintigraphie pulmo-
naire peut être remplacée par l’angioscanner selon le contexte. L’angiographie
pulmonaire est réservée aux patients dont la probabilité clinique est forte avec
négativité de l’écho-Doppler veineux, de la scintigraphie pulmonaire et de
l’angioscanner.
Maladie thromboembolique veineuse 223

En cas de suspicion d’embolie chez un patient hospitalisé, une scintigraphie


pulmonaire ou un angioscanner pulmonaire couplé(e) à l’écho-Doppler
veineux doivent être réalisés. La rentabilité des D-Di est très faible dans ces
circonstances.

TVP des membres inférieurs


Chez les patients ambulatoires ayant une suspicion clinique de faible probabi-
lité de TVP, un dosage négatif des D-Di en Elisa permet d’éliminer le
diagnostic. Chez les patients hospitalisés et/ou présentant une probabilité
clinique forte, un écho-Doppler veineux s’impose. Le recours à la phlébogra-
phie ascendante des membres inférieurs est devenu exceptionnel.

Traitements des EP et des TVP


L’utilisation des HBPM, mélanges de fragments plus légers de l’héparine
standard connaît actuellement un grand intérêt dans le traitement de la MTEV.
Leurs avantages sont multiples : activité anticoagulante prédictible, meilleure
biodisponibilité, demi-vie plus longue, meilleur confort pour le patient et son
soignant, sécurité d’emploi et efficacité au moins comparables à l’héparine
intraveineuse en perfusion continue. Le traitement ambulatoire est attrayant et
un grand nombre de patients avec une TVP peuvent être actuellement pris en
charge à domicile. Cependant, le traitement de l’EP symptomatique reste
actuellement, dans la grande majorité des cas, réservé à l’hôpital.

Traitement antithrombotique
Il demeure le traitement de base et de référence de la MTEV, permettant à lui seul
de traiter de façon efficace la majorité des patients présentant une EP aiguë. Il
diminue la mortalité de l’EP et la fréquence des récidives (tableau 6.XIV).

Tableau 6.XIV. Résultats des différentes méta-analyses


dans le traitement curatif des TVP

Événement Lensing et al. Leizorovicz et al. Siragusa et al.


Traitement HBPM/HNF HBPM/HNF HBPM/HNF
Récidives TEV (%) 3,1/6,6 2,8/4,6 2,5/4,5
Nombre de 540/546 1 030/1 015 615/613
patients
Hémorragies 0,8/2,8 2,43/4,04 2,2/4,7
graves (%)
Nombre de 753/759 1 030/1 015 850/834
patients
Décès à 3 mois 3,9/7,1 3,3/4,8 3,3/5,9
(%)
Nombre de 540/546 1 030/1 015 641/640
patients
224 Maladies thrombosantes

❐ Héparine non fractionnée (HNF)


L’HNF par IV reste le traitement initial à la phase aiguë de l’EP du fait de sa
rapidité d’action. L’HNF agit en empêchant la formation de nouveaux caillots,
mais elle n’a pas (ou peu) d’activité thrombolytique. Son mode d’action néces-
site une liaison, par l’intermédiaire d’un site pentasaccharidique, à un domaine
spécifique de l’AT. Le complexe héparine-AT neutralise immédiatement la
thrombine formée, ainsi que d’autres facteurs de la coagulation à l’exception
du FVIIa. Elle est le plus souvent administrée sous forme d’un bolus de
5 000 UI (80 UI/kg) en 20 min, suivi d’une perfusion continue administrée à
l’aide d’un pousse-seringue électrique. La posologie initiale d’héparine est de
18 UI/kg/h ou 1 300 UI/h ou 500 UI/kg/j. La dose d’héparine est ajustée afin
d’obtenir un temps de céphaline avec activateur (TCA) entre 1,5 et 2,5 les
valeurs contrôles ou accessoirement une héparinémie comprise entre 0,3 et
0,7 U/ml. Les contrôles biologiques sont effectués 4 à 6 h après le début du
traitement ou le changement de dose et 1 fois par jour, l’équilibre une fois
atteint. Une surveillance plaquettaire doit être également effectuée avant le trai-
tement puis deux fois par semaine pendant 3 semaines si le traitement doit se
prolonger, afin de détecter les thrombopénies héparino-induites. L’HNF est
particulièrement indiquée en cas de risque hémorragique accru, chez les
personnes âgées, l’insuffisant rénal, la période postopératoire précoce et au
cours de la grossesse. Pour certains auteurs, l’HNF est également utilisée le
plus souvent chez les patients présentant une TVP extensive iliofémorale.

❐ Héparines de bas poids moléculaire (HBPM)


Les HBPM ont une forte activité anti-Xa et une activité anti-IIa plus faible. Il
est actuellement clairement établi que les HBPM sont au moins aussi efficaces
et sûres que l’HNF dans le traitement curatif des TVP. Un avantage majeur
réside dans la simplification du traitement avec une ou deux injections par jour
à doses fixes sans contrôle biologique. Les HBPM ont été utilisées de façon
indirecte dans l’EP symptomatique ou asymptomatique associées aux TVP
(50 % d’EP infracliniques), elles n’ont fait l’objet que de très peu d’études
spécifiques à l’EP aiguë non grave. Les résultats sont très encourageants. Les
HBPM tendent à remplacer dans la majorité des cas l’héparine standard. À
l’heure actuelle, l’énoxaparine (Lovenox) et la tinzaparine (Innohep) ont
l’AMM dans le traitement à la phase aiguë de l’EP non grave.
De nombreuses HBPM ont actuellement l’AMM pour le traitement curatif de
la TVP, à doses fixes adaptées au poids corporel. Il faut rappeler qu’aucune
HBPM n’a l’AMM au cours de la grossesse pour les traitements curatifs. Dans
ce cas, leur utilisation relève de recommandations d’équipes spécialisées (sans
cadre légal) ainsi que d’une information éclairée de la patiente. Si une péridu-
rale est envisagée, il est recommandé d’arrêter l’HBPM 24 à 48 h avant
l’anesthésie.

❐ Le fondaparinux (Arixtra)
L’identification et l’isolement de la structure active de l’héparine (pentasac-
charide) ont permis sa synthèse. L’Arixtra a une activité anti-Xa exclusive.
Maladie thromboembolique veineuse 225

Administrée par voie sous-cutanée, elle est éliminée par voie rénale et ne
présente pas de risque théorique de thrombopénie induite par l’héparine
(TIH). Le fondaparinux, à la dose de 7,5 mg en une injection sous-cutanée par
jour, a été évalué dans le traitement curatif des TVP, où il était comparé à
l’énoxaparine, et celui des EP où il était comparé à l’HNF. Dans ces études,
totalisant plus de 4 400 malades au total, l’Arixtra s’est montré aussi efficace
et sûr que l’énoxaparine ou l’HNF en termes de récidive, de décès, et
d’hémorragie majeure. L’Arixtra a actuellement l’AMM dans le traitement à
la phase aiguë des TVP et des EP non massives. Par contre elle n’a pas
d’AMM en cas de TIH compliquant le traitement par héparines ni en cas
d’antécédents de TIH. Sa contre-indication principale est l’insuffisance rénale
sévère avec une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn. le fondapa-
rinux n’a pas d’antidote spécifique. L’Arixtra s’administre à dose fixe en
fonction du poids par voie sous-cutanée en une seule injection par jour. Sa
demi-vie est de 17 h et sa biodisponibilité de 100 %. Il n’y a pas de
surveillance plaquettaire ou de l’activité anti-Xa. Les dosages disponibles
dépendent du poids : 5 mg/j pour les poids inférieurs à 50 kg, 7,5 mg/j pour
les poids compris entre 50 et 100 kg et 10 mg/j pour les poids supérieurs à
100 kg.
Le relais par les anticoagulants oraux, les AVK doit se faire dès les premiers
jours suivant le début de l’héparinothérapie (HNF ou HBPM) ou du fondapa-
rinux (tableau 6.XV). Ceci permet de raccourcir la durée de l’héparinothérapie
réduisant le risque de thrombopénie immunoallergique à l’héparine. Toutefois,
dans les formes sévères avec syndrome inflammatoire, certains auteurs ont
recommandé de différer le relais de quelques jours. Le relais est une période
d’équilibre difficile, car l’association de deux anticoagulants majore le risque
hémorragique et peut exposer aux risques de récidive ou d’extension de la
thrombose si ce relais est mal conduit. Jusqu’à présent, les AVK sont les seuls
anticoagulants actifs après administration par voie orale, jusqu’à l’arrivée de
nouveaux médicaments antithrombotiques en phase 3 de développement
clinique. Leurs premiers résultats sont très encourageants.
Les AVK agissent en altérant la biosynthèse des facteurs de coagulation vita-
mine K dépendant. Leur demi-vie est variable d’une molécule à l’autre.
La surveillance du traitement AVK fait appel à l’INR, test standardisé qui
compense les différences entre les différentes thromboplastines utilisées. Au
moment du relais, la mesure quotidienne de l’INR est recommandée avec
adaptation des posologies tenant compte des demi-vies de chaque molécule.
Le chevauchement entre l’héparinothérapie et les AVK doit être d’au
minimum 5 jours. L’héparinothérapie sera arrêtée après obtention de deux
INR consécutifs à 24 h d’intervalle entre 2 et 3. Ensuite, la prévention des
récidives thromboemboliques veineuses est assurée par une zone thérapeu-
tique comprise dans la même fourchette pour l’INR. La surveillance de l’INR
sera fonction de la susceptibilité individuelle, l’INR cible étant à 2,5. Elle sera
rapprochée les quatre premières semaines de manière hebdomadaire ou biheb-
domadaire en fonction des résultats, puis espacée toutes les 2 à 4 semaines. Un
contrôle sera toujours nécessaire en cas de changement de la dose quelques
jours plus tard, en général 72 h après l’adaptation de la posologie ou au bout
226 Maladies thrombosantes

Tableau 6.XV. Recommandations d’utilisation de l’HNF, des HBPM


et du fondaparinux dans le traitement de la MTEV. HBPM autorisées
en France dans le traitement curatif des TVP et leur posologie.
Conduite pratique du traitement anticoagulant

Suspicion EP et/ou TVP :


– examens biologiques standard avant traitement : numération formule
sanguine, plaquettes, TP-INR, créatinine;
– vérification des contre-indications à l’héparinothérapie;
– première injection HBPM ou fondaparinux ou début bolus HNF;
– diagnostic objectif de l’EP ou la TVP;
– diagnostic confirmé.
HBPM HNF
HBPM en 1 ou 2 injections par jour 2e bolus 80 UI/kg,
doses recommandées : et perfusion continue à 18 UI/kg
2 injections par jour : Surveillance TCA 6 h après
– Lovenox = 100 UI/kg et maintenir TCA entre 1,5-2,5
– Fragmine = 100 UI/kg Fondaparinux
– Fraxiparine = 86 UI/kg – 5 mg si poids < 50 kg
1 injection par jour : – 7,5 mg si poids ≥ 50 et ≤ 100 kg
– Fraxodi = 171 UI/kg/j – 10 mg si poids > 100 kg
– Innohep = 175 UI/kg/j
– surveillance des plaquettes 2 fois/semaine à J3 et J5 sauf pour le fondaparinux;
– introduction AVK entre J1 et J3
– observer un chevauchement entre HNF, HBPM ou fondaparinux et AVK de
5 jours au minimum
– arrêter HNF, HBPM ou fondaparinux lorsque INR entre 2 et 3 pendant 2 jours
consécutifs
– INR souhaitable à 2,5 (entre 2 et 3) pour une durée égale au moins à 3 mois
– ne pas négliger les examens complémentaires étiologiques.
TP : temps de prothrombine

d’une dizaine de jours en cas de modification minime de la posologie pour


laisser le temps à la modification de l’INR de s’établir.
De nombreuses interactions médicamenteuses ont été décrites avec les AVK
qu’il convient de bien connaître afin d’éviter les risques d’hémorragie
essentiellement.
Les AVK sont à éviter durant le 1er trimestre de la grossesse en raison du
risque d’embryopathie ainsi que durant le 3e trimestre du fait de la proximité
de l’accouchement qui nécessite un contrôle rapide de l’hypocoagulabilité
pour réduire le risque hémorragique. Le risque fœtal au cours du 2e trimestre
est difficile à prévoir, l’utilisation de l’héparinothérapie est fortement
conseillée durant toute la grossesse. Durant l’allaitement, seule la Coumadine
n’est pas contre-indiquée car elle ne passe pas dans le lait maternel.
En pratique, il est recommandé d’avoir un bon maniement des HBPM et des
anticoagulants oraux et d’utiliser le traitement dont on connaît parfaitement la
Maladie thromboembolique veineuse 227

posologie et le maniement (tableau 6.XVI). S’il est vrai que la surveillance


d’un traitement par HBPM est très simplifiée, elle est néanmoins particulière-
ment recommandée durant cette période, surtout sur un terrain de débilité ou
en cas de prolongation du traitement par les HBPM (personnes âgées, traite-
ments et pathologies associés, insuffisants rénaux par exemple).

Tableau 6.XVI. Durée du traitement anticoagulant


(d’après la 8e conférence de consensus nord-américain, Chest 2008)

3 mois
– premier ATEV en présence d’un facteur de risque réversible ou limité dans le
temps;
Au moins 3 mois
– premier ATEV non provoqué ou idiopathique.
Au-delà de 3 mois et au long cours
– ATEV associé à un cancer, au moins 6 mois avec HBPM. Au-delà AVK ou
HBPM
– ATEV associé à un déficit en AT.
– ATEV récidivant ≥ 2 associé à un déficit en AT.
– premier ATEV non provoqué si absence de risque hémorragique et si
surveillance adéquate.

Avant tout traitement anticoagulant, il est indispensable de pratiquer quelques


examens biologiques standards comme une numération formule sanguine, des
plaquettes (afin d’avoir un chiffre initial avant le début du traitement), un
dosage du fibrinogène, un TCA, un TP, un ionogramme sanguin, une urée et
une créatinine plasmatique ainsi qu’un bilan hépatique qui peut s’avérer
nécessaire pour l’interprétation de certains dosages des protéines de la
coagulation.
En cas d’antécédent ou de survenue d’une TIH, un traitement par le danapa-
roïde (Orgaran) est indiqué en attendant l’efficacité du traitement par les AVK.
La surveillance de l’activité anti-Xa n’est pas recommandée sauf dans certaines
situations particulières qui sont identiques à celles des HBPM (personnes
âgées, insuffisance rénale par exemple). La surveillance plaquettaire doit en
revanche être obligatoire ainsi que la recherche d’une réaction croisée à
l’Orgaran. L’utilisation pendant la grossesse est possible si aucun autre traite-
ment antithrombotique de substitution n’est envisageable en cas de TIH.
D’autres antithrombotiques sont en cours d’évaluation, tels que l’idraparinux
(inhibiteur indirect du FXa), un autre pentasaccharide de longue durée
d’action permettant une injection sous-cutanée par semaine, ou des inhibiteurs
directs du FXa par voie orale tels que le rivaroxaban, qui auront probablement
un avenir prometteur.

Traitement symptomatique de l’EP


En cas d’hypoxémie, une oxygénothérapie nasale doit être prescrite. Une
ventilation artificielle est parfois inévitable mais non recommandée.
228 Maladies thrombosantes

Dans les états de chocs circulatoires un remplissage vasculaire par des solutés
colloïdes doit être envisagé, associé à l’administration de faibles doses de
dobutamine (5 à 15 µg/kg/min). En cas de collapsus la norépinéphrine à la
dose de 0,1 à 0,5 µg/kg/min peut être utilisée.

❐ Traitement thrombolytique
Le traitement thrombolytique accélère la lyse des thrombus pulmonaires,
entraîne une revascularisation pulmonaire relative de 30 à 50 % en 12 à 24 h et
réduit les résistances vasculaires pulmonaires de 30 à 40 % dès les 6 premières
heures.
Les thrombolytiques ne se discutent que dans les EP récentes (moins de
5 jours) et en l’absence de contre-indications absolues (tableau 6.XVII).
Les thrombolytiques sont recommandés uniquement chez les patients présen-
tant une EP aiguë grave, hémodynamiquement instable avec état de choc ou
collapsus. Leur utilisation chez les patients présentant une EP cliniquement
bien tolérée mais entraînant une dilatation et une dyskinésie du VD est contro-
versée (tableau 6.XVIII).

Tableau 6.XVII. Contre-indications des anticoagulants


et des thrombolytiques

Thrombolytiques Anticoagulants
Absolues Absolues
– manifestations hémorragiques – syndromes hémorragiques
récentes ou en cours – endocardites bactériennes aiguës
– altérations de l’hémostase – AVC non embolique
prédisposant aux saignements – hypertension artérielle maligne
– AVC, traumatisme crânien ou – ulcère digestif évolutif
intervention neurochirurgicale – intervention neurochirurgicale ou
< 2 mois oculaire récente
– intervention chirurgicale récente – injections musculaires ou intra-
< 10 jours articulaires
– traumatisme grave < 10 jours – épanchement péricardique
– examen invasif < 10 jours :
artériographie, biopsie hépatique
ou rénale, ponction veineuse non
compressible, ponction pleurale ou
lombaire, injections musculaires ou
intra-articulaires.
– grossesse et post-partum précoce
< 10 jours
– hypertension artérielle sévère non
contrôlée (systolique > 200 mmHg,
diastolique > 100 mmHg)
– dissection aortique, péricardite
– ulcère digestif évolutif

Maladie thromboembolique veineuse 229

 Tableau 6.XVII. Contre-indications des anticoagulants


et des thrombolytiques (suite)

Relatives Relatives
– diathèse hémorragique – interventions neurochirurgicales
– massage cardiaque externe récentes
– rétinopathie diabétique – péricardite
– prothèse en dacron < 2 mois
– endocardite
– pathologie mitrale avec FA
– insuffisance rénale
– insuffisance hépatique
– lésions ulcérées de la peau et des
muqueuses
– hémorragie gastroduodénale
datant de < 6 mois
– diverticulose colique
– maladie de Crohn
– cancer avec métastases
– âge > 70 ans
Particulières au thrombolytique Propres à l’anticoagulant
– pour la streptokinase (SK) : allergie – pour les héparines : allergie, TIH
grave, asthme, traitement antérieur – pour les anticoagulants oraux :
< 6 mois allergie, insuffisance hépatique ou
rénale grave, association à l’aspirine
à forte dose ou au Daktarin,
miconazole, au phénylbutazone et
dérivés.

Tableau 6.XVIII. Traitement thrombolytique de l’EP


(principaux protocoles)

Thrombolytique Dose de charge Dose d’entretien Durée


rt-PA 10 mg 90 mg 2h
rt-PA 10 mg 40 mg 2h
puis 50 mg 5h
rt-PA – 0,6 mg/kg 2 min
rt-PA – 1 mg/kg 10 min
UK 2 000 UI/kg 2 000 UI/kg/h 24 h
UK 4 400 UI/kg 4 400 UI/kg/h 12 ou 24 h
UK – 15 000 UI/kg 10 min
SK 250 000 UI 10 000 UI/h 24 h
Rt-PA : activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) recombinant
230 Maladies thrombosantes

❐ Embolectomie pulmonaire
L’embolectomie chirurgicale sous circulation extracorporelle concerne unique-
ment les EP graves chez les patients en collapsus, non améliorés par le
traitement thrombolytique ou pour lesquels le traitement thrombolytique est
contre-indiqué, et présentant un état de choc. L’embolectomie par cathétérisme
(aspiration ou fragmentation des caillots) peut être utile chez les patients
présentant à la fois une EP grave et une contre-indication au traitement throm-
bolytique et à l’embolectomie chirurgicale.

❐ Interruption de la veine cave inférieure (IVCI)


Les indications de l’interruption de la veine cave inférieure (IVCI) sont géné-
ralement limitées aux patients présentant une TVP, associée ou non à une EP,
et une contre-indication absolue aux traitements anticoagulants ou bien en cas
d’inefficacité du traitement anticoagulant bien conduit avec récidive embo-
lique. L’IVCI peut être systématique après embolectomie chirurgicale. Les
récidives de TVP et la survenue d’une insuffisance veineuse sont plus
fréquentes chez les patients ayant bénéficié d’une IVCI.

❐ Durée préconisée du traitement anticoagulant


Il est actuellement démontré qu’un traitement prolongé de 3 à 6 mois est
nécessaire dans la majorité des cas, en particulier pour les accidents throm-
boemboliques postopératoires. Dans certaines situations à risque (TVP et/ou
une EP survenant dans un contexte médical sans facteur déclenchant retrouvé,
avec ou sans thrombophilie associée), un traitement anticoagulant de durée
prolongée s’impose et doit être évalué régulièrement au cas par cas. Il doit être
modulé par l’évaluation du risque thrombotique et du risque hémorragique
pour chaque patient. En cas de prophylaxie prolongée, l’intensité de l’hypo-
coagulabilité peut être réduite après les 3 premiers mois de traitement avec un
INR entre 2 et 3 et une fourchette thérapeutique moindre peut être envisagée
avec un INR entre 1,5 et 2. Enfin, l’aspirine ne semble pas efficace pour la
prévention de la MTEV et ne doit pas être utilisée en relais des anticoagulants
oraux.
Par ailleurs, la contention élastique graduée fait partie intégrante du traitement
de toute TVP. Elle doit être prescrite d’emblée, adaptée à l’étendue de la TVP
et à l’état du patient. Le mode d’emploi, la nécessité et surtout les bénéfices
attendus du port de la contention doivent être clairement expliqués au patient.
L’immobilité et le repos strict au lit seront proscrits et la mobilité autorisée dès
les premiers jours, en général 48 h après le début du traitement.

Bilan étiologique
L’examen clinique doit être complet et soigneux entouré d’un interrogatoire
précis à la recherche d’une éventuelle cause thrombogène favorisante. En
fonction du contexte et des résultats de l’enquête clinique, la recherche
s’orientera :
Maladie thromboembolique veineuse 231

– soit vers les situations cliniques et affections acquises prédisposant aux acci-
dents thromboemboliques et évoquant l’existence d’un état d’hypercoagulabilité;
– soit vers les thrombophilies acquises ou constitutionnelles comprenant les
déficits en inhibiteurs de la coagulation (principalement le déficit en AT, PC,
PS, la résistance à la PCa, les mutations du FVL et de la prothrombine ou
FII 20210 A).
Il est important de ne pas négliger l’enquête étiologique notamment à la
recherche d’une néoplasie occulte révélée par une TVP. La fréquence d’un
cancer occulte est très élevée, principalement dans le groupe idiopathique,
sans cause déclenchante évidente. Des examens non invasifs complémentaires
après examen clinique soigneux peuvent se justifier. Néanmoins, l’ampleur de
la recherche reste débattue; il ne semble pas justifié de réaliser systématique-
ment des examens endoscopiques invasifs et non dénués de risque sans point
d’appel somatique.
La recherche d’une anomalie de la coagulation peut s’effectuer sous traite-
ment anticoagulant à condition de préciser sa nature. Elle peut bien entendu
être faite chez le malade ambulatoire à la phase aiguë de son ATEV. Il convient
dans ce cas de prendre contact avec le laboratoire afin de préciser les traite-
ments en cours, y compris la prise de contraception orale lors de l’épisode
thrombotique (qui peut entraîner une diminution de la PS). Seuls les dosages
de la PC et PS seront difficiles à interpréter pendant le traitement anticoagu-
lant oral. L’AT peut voir son taux diminuer modérément pendant le traitement
héparinique. Néanmoins, un taux normal permet de récuser une thrombophilie
héréditaire en AT. Les mutations du FV et du FII peuvent être recherchées par
méthode de biologie moléculaire quel que soit le traitement en cours et les
résultats ne sont jamais modifiés par le contexte clinique. De même, la
recherche d’une néoplasie par des examens complémentaires peut également
se faire en ambulatoire.

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CŒUR PULMONAIRE CHRONIQUE


POSTEMBOLIQUE (CPCPE)
Antoine ACHKAR

Introduction
C’est une maladie thromboembolique chronique compliquée d’HTAP préca-
pillaire. L’HTAP postembolique est rare. Sa prévalence n’est pas connue avec
précision. Elle est estimée à 0,1-0,2 % après EP aiguë massive et augmente
probablement avec un meilleur suivi des patients à distance d’un ATEV.

Physiopathologie
La circulation pulmonaire reçoit la totalité du débit cardiaque (DC) sous un
régime de basse pression. Chez l’adulte au repos, la pression artérielle pulmo-
naire moyenne (PAPm) avoisine les 15 mmHg et les résistances artérielles
pulmonaires (RAP) sont 10 fois < aux résistances artérielles systémiques. La
PAPm est déterminée par trois facteurs :
– le DC;
– la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAP d’occlusion ou PAPO);
– les RAP suivant la relation : PAP = PAPO + (DC 5RAP).
Maladie thromboembolique veineuse 233

L’HTAP est définie par une PAP > 20 mmHg au repos ou 30 mmHg à l’effort.
Trois mécanismes peuvent être à l’origine d’une HTAP :
– une augmentation de la PAP d’occlusion : HTAP postcapillaire;
– une augmentation du DC : HTAP de débit;
– une augmentation des RAP : HTAP précapillaire.
Par définition, le CPCPE est la conséquence d’une HTAP précapillaire. La
physiopathologie de cette maladie reste discutée et soulève deux hypothèses :
– la défaillance de la fibrinolyse physiologique entraîne un défaut de résolu-
tion des EP. Le thrombus subit une endothélialisation, une réorganisation et
une reperméabilisation et devient adhérent à la paroi artérielle pulmonaire
sous forme d’un thrombus fibreux;
– le dépassement des capacités fibrinolytiques physiologiques, secondaire à
une EP massive et/ou des embolies récidivantes, avec résorption incomplète
des caillots.
Si l’obstruction vasculaire pulmonaire est le principal mécanisme d’augmen-
tation des résistances vasculaires pulmonaires, des lésions d’artériopathie
plexiforme et/ou microthrombotique (notamment dans les embolies distales) à
la fois dans les territoires obstrués et non obstrués, contribuent au développe-
ment et à l’aggravation de l’HTAP.
La réponse du cœur droit à l’HTAP chronique peut être divisée en trois
stades :
– adaptation du VD avec hypertrophie et dilatation;
– dysfonction du VD systolique et diastolique;
– insuffisance ventriculaire droite (IVD).

Diagnostic positif
Examen clinique
Les signes cliniques d’HTAP, quelle que soit son étiologie, sont peu spécifi-
ques, surtout au stade précoce de la maladie. De ce fait, le diagnostic est
souvent porté avec retard. La dyspnée d’effort est le signe le plus précoce. Elle
est quasi-constante au moment du diagnostic. Une fatigabilité est fréquem-
ment associée. Les syncopes peuvent être observées au cours des HTAP
graves et surviennent volontiers à l’effort. La vasodilatation périphérique
survenant pendant l’effort n’est pas compensée par une augmentation
adéquate du DC. Des douleurs pseudo-angineuses ne s’observent que dans les
HTAP très sévères, résultant d’une ischémie du VD, secondaire à l’augmenta-
tion des besoins en O2 du VD hypertrophié. Les hémoptysies et la dysphonie
(cette dernière est liée à la compression du nerf récurrent) sont rares. On ne les
rapporte que dans les HTAP sévères et anciennes.
À l’examen clinique, on peut distinguer :
– les signes directement liés à l’HTAP : éclat de B2 au foyer pulmonaire avec
dédoublement serré de B2, click d’éjection pulmonaire, souffle diastolique
d’insuffisance pulmonaire;
234 Maladies thrombosantes

– les signes liés à l’hypertrophie du VD : soulèvement ventriculaire systolique


parasternal gauche ou épigastrique, galop présystolique (B4);
– les signes en rapport avec la dilatation du VD : souffle systolique d’insuffi-
sance tricuspidienne;
– enfin, les signes d’IVD : galop protodiastolique (B3), turgescence jugulaire,
œdèmes des membres inférieurs et hépatomégalie congestive.

Examens paracliniques
Le cathétérisme cardiaque droit, examen invasif, réalisé généralement par
sonde de Swan-Ganz, est la méthode de référence pour affirmer une HTAP et
apprécier sa sévérité. La mesure de la PAP d’occlusion et la détermination de
l’IC permettent d’affirmer le caractère précapillaire de l’HTAP défini par un
gradient de pression PAP - PAP d’occlusion > 9 mmHg et des RAP =
PAP - PAP d’occlusion/IC > 3,6 UI.
Le cathétérisme droit permet par ailleurs :
– de rechercher un shunt intracardiaque droit-gauche à l’aide de prélèvements
sanguins étagés avec mesure de la saturation en O2 ;
– de mesurer, grâce à une sonde à thermistance rapide, la fraction d’éjection
ventriculaire droite en l’absence d’insuffisance tricuspidienne;
– de mesurer la saturation du sang veineux mêlé en O2, d’apprécier le trans-
port en O2 aux tissus ainsi que la consommation tissulaire en O2 ;
– d’apprécier la réponse en terme de RAP à certains vasodilatateurs.
Bien qu’étant un examen indispensable au diagnostic des HTAP sévères, le
cathétérisme droit reste un examen invasif avec de possibles complications et
peut difficilement être répété fréquemment au cours de l’évolution de la
maladie.
Le diagnostic non invasif de l’HTAP se heurte à un certain nombre de diffi-
cultés. La plupart des méthodes non invasives sont indirectes et apprécient les
conséquences de l’HTAP. Ainsi, le diagnostic non invasif de l’HTAP est plus
difficile dans les HTAP modérées sans retentissement ventriculaire droit
important que dans les HTAP sévères (HTAP primitives, HTAP
postemboliques).
À l’ECG, les critères d’hypertrophie du VD sont un axe de QRS > 95°, une
onde P pointue > 2,5 mm en D2, D3 ou aVF (dérivations électrocardiographi-
ques unipolaires augmentées*), une onde R dominante en aVR (*idem) ou V1
avec onde S dominante en V5 et une onde T négative en V1-V3. Ces critères
ne s’observent que lorsque l’hypertrophie du VD est importante et qu’il
n’existe pas d’hypertrophie du VG concomitante. La spécificité de l’ECG est
très élevée, mais la sensibilité est faible (55 à 60 %), en particulier dans la
détection des HTAP modérées.
À la radiographie thoracique, l’HTAP précapillaire entraîne une dilatation du
tronc de l’AP et des AP principales, une égalisation de la vascularisation des
lobes supérieurs et inférieurs, une réduction de la vascularisation périphé-
rique. Particulièrement évidentes dans l’HTAP primitive, ces modifications
sont plus difficiles à interpréter dans certaines HTAP secondaires modérées.
Maladie thromboembolique veineuse 235

Ceci est vrai pour l’augmentation du diamètre de l’artère lobaire inférieure


droite sur un cliché de face (> 16 mm en cas d’HTAP). La sensibilité et la
spécificité de ce signe sont médiocres pour détecter une HTAP modérée.
Lorsque le VD se dilate, ses limites peuvent déborder la silhouette cardiaque
habituelle et le cœur prendre un aspect globuleux. Un cliché de profil montrant
l’empiétement sur l’espace aérien rétrosternal est utile pour confirmer que
l’élargissement de la silhouette cardiaque est dû à une dilatation du VD.
L’échocardiographie Doppler en mode M et bidimensionnel n’est utile que
dans les HTAP avec répercussion ventriculaire droite en révélant une augmen-
tation du diamètre télédiastolique du VD et une diminution du diamètre
télédiastolique du VG, avec, pour conséquence, une augmentation du rapport
VD/VG. La disparition de l’onde A pulmonaire, l’augmentation de l’épaisseur
de la paroi antérieure du VD, peuvent également être notées en mode TM.
L’examen échocardiographique est cependant grevé d’un taux d’échec très
élevé en cas d’hyperinflation pulmonaire associée (BPCO) ou chez les patients
obèses. L’échocardiographie Doppler est actuellement la méthode non inva-
sive la plus intéressante pour faire le diagnostic d’HTAP. C’est le seul examen
non invasif permettant une estimation quantitative de la PAP. La PAP peut être
évaluée à partir de la vitesse du jet d’une insuffisance tricuspide ou à partir du
flux pulmonaire.
La scintigraphie myocardique au thallium 201 permet d’identifier la masse
myocardique, sa perfusion et d’évaluer le VD dans l’HTAP. Un VD normal
n’est pas visualisé, sa visualisation traduit l’hypertrophie et a été proposée
comme critère d’HTAP. La sensibilité de cet examen reste cependant faible
(56 %) lorsque l’HTAP est modérée et le coût de l’examen est élevé.
L’angiographie isotopique est l’étude de la courbe activité-temps au niveau du
VD après injection d’un traceur radioactif et permet de déterminer la fraction
d’éjection du VD (FEVD), différence entre activité télédiastolique et activité
télésystolique rapportée à l’activité télédiastolique. La FEVD normale est
comprise entre 45 et 65 %.
Une FEVD < 45 % a été proposée comme critère d’HTAP. Un abaissement de
la FEVD témoigne d’une dysfonction systolique VD secondaire à une HTAP.
Cette méthode a une bonne sensibilité (80 %) mais une spécificité faible
(50 %), la FEVD dépendant de la contractilité, de la pré- et de la postcharge.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser l’architec-
ture complexe du VD et de réaliser des mesures précises de l’épaisseur de la
paroi et des dimensions internes du VD. La présence d’une HTAP est associée
à une augmentation de l’épaisseur pariétale du VD et du volume télésystolique
de la cavité VD.

Diagnostic du CPCPE
Le diagnostic repose habituellement sur l’existence d’anomalies de la perfu-
sion à la scintigraphie pulmonaire (au moins un défect segmentaire) et d’un
aspect angiographique caractéristique. Le diagnostic de CPCPE est souvent
fait tardivement au stade d’insuffisance cardiaque droite. Le cathétérisme
cardiaque droit révèle souvent une HTAP précapillaire très sévère. Les pres-
236 Maladies thrombosantes

sions moyennes dans l’artère pulmonaire (AP) peuvent atteindre des valeurs
≥ 50 mmHg. La symptomatologie clinique n’est pas spécifique. La dyspnée
d’effort est le symptôme le plus souvent révélateur. Il s’agit d’une dyspnée
progressivement croissante dont l’intensité est corrélée à l’importance de
l’obstruction vasculaire. Son début est difficile à faire préciser. Elle s’installe
en général plusieurs mois après le premier épisode d’embolie. L’hémoptysie,
rare, est due à l’hypervascularisation bronchique, secondaire à l’embolie chro-
nique. Les données de l’interrogatoire sont d’une grande valeur diagnostique,
retrouvant dans 2/3 des cas des antécédents familiaux et/ou personnels d’acci-
dent thromboembolique veineux, de douleurs thoraciques non étiquetées, de
pneumopathies à répétition sans étiologie précise et des facteurs de risque de
thrombose. L’existence de séquelles veineuses au niveau des membres infé-
rieurs (mauvais état veineux, séquelles cutanées) a une grande valeur
diagnostique. Un souffle systolique ou continu, peu intense, peut être audible
sur tout le thorax, en dehors de l’aire cardiaque. Il traduit l’existence d’une
obstruction partielle des artères pulmonaires par des thrombus.
La radiographie thoracique peut retrouver des anomalies évocatrices d’une
étiologie embolique. Outre une dilatation parfois asymétrique des artères
pulmonaires, elle peut révéler une image d’obstruction vasculaire générale-
ment visible au niveau de l’artère lobaire inférieure droite sous forme d’une
dilatation se terminant par une zone effilée en « queue de radis ». Plus rare-
ment on peut observer une asymétrie de perfusion pulmonaire avec des zones
d’hyperclarté ou des anomalies pleurales séquellaires d’un infarctus
pulmonaire.
La scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion est un examen essentiel
dans le diagnostic de la maladie thromboembolique chronique. Elle montre
des défects de perfusion plus ou moins systématisés, segmentaires, lobaires,
voire une exclusion totale d’un poumon, associés à une ventilation conservée
dans les mêmes territoires, réalisant l’aspect classique de mismatch. Une scin-
tigraphie pulmonaire de perfusion normale exclue avec une quasi-certitude le
diagnostic d’HTAP postembolique et évoque une HTAP primitive.
L’angiographie pulmonaire retrouve souvent des aspects évocateurs de maladie
thromboembolique chronique et précise la topographie exacte de l’obstruction
vasculaire, une éventuelle thromboendartériectomie ne pouvant être indiquée
qu’en cas d’obstruction proximale. Les images décrites peuvent être :
– une image d’arrêt cupuliforme concave ou pouching traduisant la présence
d’un thrombus complètement ou partiellement obstructif;
– des irrégularités pariétales traduisant la présence d’un thrombus marginé;
– une dilatation irrégulière des artères pulmonaires;
– une réduction de calibre d’une artère pulmonaire lobaire ou segmentaire en
« queue de radis » traduisant la présence d’un thrombus recanalisé;
– des bandes intravasculaires moins radio-opaques que le reste de l’artère ou
webs traduisant la présence d’un thrombus organisé sous forme annulaire et
des zones d’hypovascularisation ou d’avascularisation, avec prolongement du
temps artériel et retard du retour veineux.
Maladie thromboembolique veineuse 237

Cependant, la lecture de l’angiographie n’est pas toujours aisée, voire diffi-


ciles dans certains cas. Le diagnostic peut nécessiter une angioscopie
pulmonaire ou une échographie endovasculaire qui restent des techniques
d’exception mais utiles pour éliminer un sarcome, une compression ou une
agénésie de l’artère pulmonaire et préciser le caractère proximal des obstruc-
tions vasculaires pulmonaires.
Une phlébographie des membres inférieurs est réalisée de façon systématique
à la recherche de séquelles de thrombose.
L’IRM (Imagerie par résonance magnétique) apparaît comme une méthode
d’avenir, montrant directement l’épaississement des parois vasculaires par les
caillots marginés. Il semble qu’une relation linéaire existe entre l’intensité des
signaux à l’intérieur des vaisseaux pulmonaires proximaux et les niveaux de
pression et de RAP. Le scanner thoracique permet de visualiser le thrombus
sous forme d’une hypodensité accolée à la paroi et d’en préciser le siège.
Le pronostic de l’HTAP postembolique est grave avec, au stade d’HTAP
maligne, définie par une pression de l’oreillette droite > 8 mmHg, un index
cardiaque < 2,2 l/mn/m2 et des résistances vasculaires pulmonaires totales
> 20 UI/m2, une survie actuarielle de 30 % à 5 ans.

Facteurs de risque
Bien que les données actuelles suggèrent que le CPCPE n’est pas associé aux
thrombophilies biologiques, certaines études ont montré des taux élevés de
FVIII ou d’anticorps antiphospholipides en cas de CPCPE. Une prédominance
de patients de groupe sanguin non-O a été retrouvée par comparaison avec des
patients avec HTAP non postembolique. Il existe également une augmentation
de l’expression de PAI-1 à la surface des artères pulmonaires chez les patients
avec CPCPE par comparaison avec les patients sans CPCPE. L’élévation des
taux de FVIII et de PAI-1 pourrait favoriser la persistance du thrombus et la
progression de la maladie.
La splénectomie, les shunts auriculoventriculaires et les états inflammatoires
chroniques ont été identifiés comme des facteurs de risque indépendants de
CPCPE.

Traitement
Il s’adresse à l’affection causale, et au retentissement de l’HTAP sur le cœur
droit, la circulation de retour et le cœur gauche.

Oxygénothérapie longue durée (OLD)


L’oxygénothérapie est indiquée en présence d’une pression artérielle en
oxygène (PaO2) < 55 mmHg à l’état stable. L’HTAP avec PaO2 comprise entre
55 et 65 mmHg est une indication à l’OLD, a fortiori si d’autres causes à cette
HTAP ne sont pas retrouvées (association à un SAS) ou s’il existe des désatu-
rations nocturnes ou une polyglobulie. Le débit d’oxygène est réglé de façon à
obtenir une PaO2 > 65 mmHg déterminée lors d’une hospitalisation courte.
238 Maladies thrombosantes

Vasodilatateurs
Les effets bénéfiques attendus d’un traitement vasodilatateur sont une diminu-
tion de la PAP et des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) avec
augmentation concomitante du DC. En abaissant les résistances vasculaires
pulmonaires et systémiques, les vasodilatateurs artériels entraînent une dimi-
nution de la postcharge ventriculaire droite et gauche. La PGI2 est le
vasodilatateur pulmonaire le plus puissant et le plus sélectif. La réponse vaso-
dilatatrice à la PGI2, rendant compte d’une composante réversible, semble
avoir une valeur prédictive sur la réponse aux autres vasodilatateurs, intéres-
sante dans l’éventualité d’un traitement au long cours. L’effet vasodilatateur
est défini selon les auteurs par une baisse des RVP de 20 à 30 %.
D’autres vasodilatateurs appartenant à des classes pharmacologiques diffé-
rentes ont été également proposés. Il s’agit surtout des inhibiteurs calciques à
fortes doses par voie orale qui peuvent entraîner une amélioration hémodyna-
mique, une meilleure tolérance à l’effort. Un échappement thérapeutique peut
survenir au bout de quelques mois de traitement.
Dans l’HTAP postembolique, l’effet des vasodilatateurs a été très peu étudié.

Anticoagulants
Un traitement anticoagulant au long cours est indiqué dans l’HTAP postembo-
lique. Sous traitement AVK. L’INR doit être entre 2 et 3.
L’IVCI peut être discutée dans les HTAP postemboliques. Dans cette indica-
tion, elle est réalisée de façon quasi-systématique par certaines équipes et
proposée uniquement en cas de TV des membres inférieurs par d’autres.

Autres thérapeutiques médicales


Les effets bénéfiques potentiels des diurétiques dans le CPC sont d’une part la
diminution de la PAP liée à la baisse de la pression capillaire pulmonaire,
d’autre part la diminution du syndrome œdémateux périphérique. Leur utilisa-
tion doit cependant être très prudente car une déplétion volémique trop
importante peut provoquer une baisse du DC liée à la diminution de la
précharge ventriculaire droite. D’autre part, l’hémoconcentration qu’ils indui-
sent peut aggraver une éventuelle polyglobulie et ainsi, par le biais de
l’hyperviscosité sanguine, majorer la PAP. Enfin, chez les patients hypercapni-
ques chroniques, les thiazidiques et les diurétiques de l’anse peuvent majorer
l’hyperbasémie et par ce biais aggraver l’hypoventilation alvéolaire. Les
diurétiques ne doivent donc être prescrits chez ces patients qu’avec prudence
sous surveillance clinique et biologique.

Thromboendarteriectomie pulmonaire
Les critères de sélection pour une thromboendartériectomie sont bien définis :
l’obstruction proximale au niveau du tronc de l’AP, d’une AP principale ou
lobaire, avec des RVP > 300 dynes.s.cm-5 et l’absence de tare viscérale. Les
résultats hémodynamiques sont souvent excellents, avec une diminution très
Maladie thromboembolique veineuse 239

importante des RVP et des pressions dans l’AP. Les risques opératoires sont
identiques à ceux de la chirurgie cardiaque, auxquels s’ajoute l’œdème de
reperfusion dans les territoires désobstrués. La mortalité dans la série de
Moser est de 12 % et est surtout liée à l’IVD réfractaire, avec nécrose du VD
en postopératoire. Elle est l’apanage presque exclusif des formes chroniques
évoluées. L’obésité est un autre facteur pronostique majeur. La thromboendar-
tériectomie doit être si possible préférée à la greffe pulmonaire puisqu’elle
permet des améliorations fonctionnelles notables sans recours à une immuno-
suppression avec des survies de > 10 ans.
L’endartériectomie pulmonaire est plus qu’une alternative à la transplantation
dans l’hypertension pulmonaire postembolique; elle est le traitement de choix
chaque fois qu’elle est possible. Elle présente l’avantage, pour un risque
opératoire inférieur, d’offrir aux patients atteints de cette maladie une guérison
définitive au prix d’un seul traitement anticoagulant et sans les complications
d’un traitement immunosuppresseur et les risques de bronchiolite et d’insuffi-
sance respiratoire inhérents à la transplantation. L’endartériectomie pulmo-
naire est une intervention chirurgicale complexe nécessitant un long
apprentissage. Ses résultats dépendent de l’expérience de l’équipe médicochi-
rurgicale, de la sévérité hémodynamique et du siège de l’obstruction.
Lorsqu’elle est faite à un stade précoce de la maladie avant qu’une artériolite
pulmonaire grave ne s’installe, le risque opératoire est relativement faible.
L’amélioration de la qualité de l’imagerie permettra probablement à court
terme de mieux sélectionner les candidats à cette intervention.

Transplantation pulmonaire et cardio-pulmonaire


La transplantation pulmonaire ou cardio-pulmonaire est indiquée dans les
HTAP postembolique sévères si la thromboendartériectomie n’est pas réali-
sable. La transplantation bipulmonaire est la méthode de choix dans ces
HTAP, car en termes de réduction des pressions pulmonaires, d’amélioration
de la fonction ventriculaire droite et de diminution de la dyspnée d’effort ses
résultats sont comparables à ceux de la transplantation cardio-pulmonaire,
avec un taux de mortalité plus faible. Les indications de la transplantation
cardio-pulmonaire pour HTAP sont réservées aux formes associées à une
pathologie cardiaque gauche (fraction d’éjection ventriculaire gauche ≤ 35 %
et/ou maladie coronaire) ou compliquées d’une dysfonction ventriculaire
droite majeure.
Le taux de survie actuarielle est en moyenne de 60 à 70 % à un an et de l’ordre
de 40 % à 4 ans. Néanmoins, dans les HTAP malignes résistant au traitement
médical, le taux de survie des patients greffés est largement supérieur à celui
des patients non greffés. Le taux de survie actuarielle à 5 ans est de 52 %.

BIBLIOGRAPHIE

DARTEVELLE P, FADEL E, MUSSOT S, CERRINA J, LEROY LADURIE F,


LEHOUEROU D, PARQUIN F, PAUL JF, MUSSET D, HUMBERT M, SITBON O,
240 Maladies thrombosantes

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2264.

THROMBOSES VEINEUSES PROFONDES


DES MEMBRES SUPÉRIEURS
Patrice CACOUB, Damien SENE, Nicolas LIMAL

Les thromboses veineuses profondes (TVP) des membres supérieurs concer-


nent le réseau cave supérieur : veine axillo-sous-clavière, veine jugulaire,
tronc veineux innominé et veine cave supérieure. Elles représentent 1 à 4 %
des TVP. La majorité des TVP des membres supérieurs (80 %) sont d’origine
secondaire (cathéters veineux centraux et cancers essentiellement) et 20 %
sont liés à une cause locale. Le traitement est basé sur l’anticoagulation effi-
cace, parfois associée selon les circonstances à une thrombolyse in situ ou un
traitement endovasculaire par angioplastie. Un traitement chirurgical supplé-
mentaire par désobstruction peut être proposé en cas de compression locale.
L’évolution est habituellement favorable sous traitement adapté. Les deux
principaux risques sont la survenue d’une EP (2-35 %) et d’un syndrome post-
phlébitique (7-46 %).

Clinique
On retrouve généralement une douleur à type de lourdeur ou de névralgie
associée à un œdème de l’avant-bras et/ou du bras, une thrombose superfi-
cielle notamment après abord veineux, une circulation collatérale de
développement parfois rapide, visible à l’examen comparatif des épaules.
L’hyperthermie est modérée mais peut parfois prendre la forme d’un véritable
syndrome septicémique en cas de thrombophlébite suppurée. Un syndrome
cave supérieur avec œdème de la face et des paupières peut apparaître en cas
d’atteinte bilatérale des troncs veineux brachiocéphaliques ou d’extension
thrombotique à la veine cave supérieure. Lorsque l’obstruction est totale,
l’œdème est important en pèlerine avec gonflement de la face, du cou, des
membres supérieurs et des troubles de vision.
Ces signes sont majorés lorsque le patient se penche en avant et par la
manœuvre de Valsalva. Une EP peut révéler une thrombose asymptomatique
des membres supérieurs.
Maladie thromboembolique veineuse 241

Diagnostic positif
L’examen de première intention est l’écho Doppler réalisé sans difficulté au
niveau des veines huméro-axillaires et des veines jugulaires internes. Au
niveau sous-clavier, la présence de la clavicule peut limiter les manœuvres de
compression indispensables au diagnostic. L’extension aux veines innominées
et cave supérieure est très rarement accessible à l’échographie transcutanée.
L’échographie peut être complétée par une étude hémodynamique au Doppler
continu, voire en pléthysmographie. Cet examen, simple et peu coûteux,
présente pour le diagnostic de TVP des membres supérieurs une sensibilité de
78 à 100 % et une spécificité de 82 à 100 %. La phlébographie permet une
bonne visualisation de l’ensemble de l’axe axillo-sous-clavier jusqu’à la veine
cave supérieure. Elle ne visualise que très rarement les veines jugulaires
internes. Le diagnostic d’extension cave supérieure peut être porté lors d’une
échographie cardiaque transœsophagienne, une tomodensitométrie ou une
IRM. L’angioscanner pulmonaire est utile pour confirmer ou éliminer une EP
dont la fréquence est estimée à 2-35 %.

Diagnostic étiologique
Actuellement 70 % des TV du réseau cave supérieur sont liées à un cathété-
risme veineux : voie veineuse profonde, chambre implantable, pacemaker, y
compris abords veineux transitoires pour exploration endovasculaire. Le délai
entre un cathétérisme et le diagnostic de thrombose peut parfois être long
(1 mois et plus). Pour les cathéters, il faut bien distinguer la non-perméabilité
qui a souvent une origine mixte (obstruction fibrinocruorique, soluté incompa-
tible, précipitation médicamenteuse, hyperviscosité) de la TV développée
autour du cathéter (péricathéter) (tableau 6.XIX).
Le syndrome du défilé thoraco-brachial est dû à la compression du paquet
neurovasculaire dans son passage entre la clavicule, la première côte et les
masses musculaires de l’épaule. Il s’agit souvent de patients jeunes décrivant
un effort inhabituel dans les jours précédents et réalisant la classique phlébite
d’effort du membre supérieur. Il faut alors rechercher une cause locale (côte
surnuméraire, trouble de la statique de l’épaule).
Les tumeurs malignes compressives du médiastin peuvent provoquer des
thromboses jugulo-sous-clavières bilatérales, mais aussi des tumeurs de voisi-
nage pour les thromboses jugulaires (ORL, thyroïde) ou axillo-sous-clavières
(lymphomes, cancer de l’apex pulmonaire ou du sein) ou plus distantes
(estomac pour la classique phlébite de Trousseau).
Les autres étiologies locales concernent les traumatismes lors des fractures de
l’humérus ou de la clavicule. Des thromboses initialement jugulaires peuvent
évoquer des causes particulières comme un foyer infectieux ORL. Une throm-
bose superficielle après injection chez un toxicomane doit systématiquement
faire rechercher une infection associée.
Les causes générales (anomalies de l’hémostase, anticoagulant circulant
[ACC] associé à un lupus ou un syndrome primaire des antiphospholipides,
hyperstimulations ovariennes thérapeutiques avec thrombose jugulaire)
242 Maladies thrombosantes

Tableau 6.XIX. Étiologies des TVP du membre supérieur

Anomalies
Malignes Bénignes
de l’hémostase
– Tumeurs de voisinage – Anévrisme-dissection – Polyglobulie
– Cancer broncho- aortique – Hémoglobinurie
pulmonaire – Goitre compressif paroxystique nocturne
– Cancer épidermoïde – Kyste dermoïde, – Hypercoagulabilité
– Cancer anaplasique bronchogénique paranéoplasique
– Adénocarcinome – Lymphangiome kystique – Déficit en PS ou PC
– Lymphome (hodgkinien – Médiastinite infectieuse – Déficit en AT
ou non) aiguë – Mutations FII, FV
– Leucémie aiguë – Médiastinite subaiguë : – Homocystinurie
lymphoblastique tuberculose, – Hyperhomocystéinémie
– Cancer thyroïdien histoplasmose,
anaplasique actinomycose,
– Cancer du sein blastomycose, syphilis
– Métastase (testicule, – Médiastinite
prostate par exemple) postradique,
– Thymomes-tumeurs idiopathique
germinales – Fibrose médiastinale
– Médiastinite postradique – Thrombose sur cathéter :
– Médiastinite néoplasique - dérivation
– Léiomyosarcome de la péritonéojugulaire
veine cave supérieure - shunt ventriculo-atrial
- pompe de
chimiothérapie
- sonde d’entraînement
(pacemaker)
- nutrition parentérale
– Cardiomyopathie
– Péricardite constrictive
– Myxome de l’oreillette
droite
– Vascularite
inflammatoire :
- lupus
- maladie de Behçet
- PAN
- Takayasu
– SAPL

doivent être évoquées en l’absence d’autre étiologie chez un sujet jeune


d’autant plus qu’il existe des antécédents personnels ou familiaux
thromboemboliques.

Traitement
Traitement curatif
Il est initié par une héparinothérapie efficace par HBPM. Il est logique d’envi-
sager un relais par les AVK. Une contention élastique par bandes de la racine
Maladie thromboembolique veineuse 243

des doigts jusqu’à l’épaule en cas de thrombose axillo-sous-clavière est


souhaitable. Rééducation vasculaire et surélévation du membre supérieur au
cours du décubitus sont bénéfiques, le lever étant autorisé d’emblée. Un traite-
ment thrombolytique est discuté devant une thrombose très obstructive du
sujet jeune datant au maximum de 48 h. La chirurgie n’a pas sa place en
première intention.

Traitements spécifiques en fonction des étiologies


En présence d’un cathéter, il faut systématiquement envisager son ablation.
Ceci devient indispensable en cas de suspicion de thrombophlébite suppurée
(signes inflammatoires locaux importants et/ou hémocultures positives malgré
une antibiothérapie adaptée). Une ligature chirurgicale des veines jugulaires,
voire des veines sous-clavières peut être discutée.
Le traitement du syndrome du défilé est basé sur la rééducation spécifique,
prolongée et adaptée en fonction de chaque type de piège. Une intervention
chirurgicale doit être discutée quand il existe des complications artérielles ou
neurologiques, ou encore en présence d’une côte surnuméraire.
En cas de compression tumorale, une angioplastie par ballonnet et avec stent
peut être discutée.

Traitement préventif
La position de l’extrémité distale du cathéter situé à la jonction de la veine
cave supérieure et de l’oreillette droite est recommandée dans la prévention
primaire des thromboses sur cathéter chez les patients atteints d’un cancer. En
présence d’un cathéter au long cours, la prévention de l’obstruction du
cathéter peut justifier d’instiller régulièrement de faibles doses d’héparine in
situ. Mais ce « verrou hépariné » ne prévient pas les thromboses péricathéter.

Évolution
L’évolution sous traitement est le plus souvent favorable grâce au développe-
ment rapide d’une circulation collatérale importante, visible sur le moignon de
l’épaule ou sur le tronc. Aux membres supérieurs, un syndrome obstructif
chronique (syndrome post-phlébitique) se décompensant à l’effort (œdème et
douleur d’effort) peut survenir chez 7 à 46 % des patients. Les troubles trophi-
ques sont exceptionnels et il n’y a pas d’ulcères veineux du membre supérieur,
ce qui justifie l’arrêt rapide du traitement anticoagulant après 1 à 3 mois. Un
traitement plus prolongé doit être envisagé en cas de thrombophilie clinique
(thrombose récidivante) ou biologique.

BIBLIOGRAPHIE
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vena caval obstruction as seen on CT. J Comput Assist Tomogr 2001; 25 : 1-8.
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244 Maladies thrombosantes

THROMBOSE DE LA VEINE PORTE


ET THROMBOSE DES VEINES HÉPATIQUES
Bertrand CONDAT, Dominique VALLA

La thrombose de la veine porte est responsable d’un bloc sur la circulation


portale sous-hépatique tandis que la thrombose des veines hépatiques d’un
bloc sur la circulation sus-hépatique. À quelques exceptions près, ces deux
atteintes thrombotiques veineuses sont dues à des affections identiques. En
revanche, leur physiopathologie, leurs manifestations, leur pronostic et leur
traitement diffèrent beaucoup.

Thrombose de la veine porte


Étiologie
La thrombose est, à côté de l’invasion endoluminale ou de la constriction par
une tumeur maligne, le mécanisme le plus fréquent de thrombose de la veine
porte. Une simple compression par une tumeur bénigne induit exceptionnelle-
ment une obstruction portale. La cause de la thrombose de la veine porte est
souvent multifactorielle : une cause locale et une affection prothrombotique
ou une combinaison d’affection prothrombotique. Un facteur étiologique est
actuellement mis en évidence dans près de 80 % des cas. Les causes
d’obstruction de la veine porte sont résumées dans le tableau 6.XX. En
l’absence de tumeur maligne de voisinage (carcinome hépatocellulaire et
adénocarcinome pancréatique), il faut rechercher des arguments en faveur
d’une cirrhose, d’une cause locale et d’une affection prothrombotique.
Lorsque la thrombose de la veine porte accompagne une cirrhose et qu’un
carcinome hépatocellulaire a été formellement éliminé, deux cas de figure
sont possibles :
– il n’y a pas ou peu d’insuffisance hépatique. Une enquête étiologique
complète doit alors être effectuée. En effet, une thrombose de la veine porte
n’est mise en évidence que dans moins de 1 % des cas de cirrhose sans insuffi-
sance hépatique et une ou plusieurs affections prothrombotiques héréditaires
(FVL, mutation du gène de la prothrombine ou mutation homozygote du gène
de la MTHFR) sont mises en évidence chez 70 % des patients atteints de
cirrhose et de thrombose de la veine porte;
– il existe une atrophie hépatique avec insuffisance hépatique sévère et stagna-
tion du flux portal, les thromboses partielles de la veine porte sont alors
fréquentes, peu spécifiques et une enquête étiologique n’est pas nécessaire.
Les facteurs locaux les plus fréquents sont les foyers septiques intra-abdomi-
naux. Ils conduisent à une pyléphlébite septique (présence de matériel
purulent dans la veine porte). Les principales causes sont l’appendicite, la
sigmoïdite, les infections biliaires et les tumeurs coliques. Les autres facteurs
locaux sont les traumatismes chirurgicaux de la veine porte (notamment lors
de la chirurgie biliaire), la splénectomie dans le contexte d’un syndrome
Maladie thromboembolique veineuse 245

Tableau 6.XX. Étiologie des obstructions de la veine porte

➙ Causes fréquentes
• Régionales
– carcinome hépatocellulaire
– cirrhose avec insuffisance hépatique
– adénocarcinome pancréatique
– pancréatites chroniques et aiguës
– pyléphlébites septiques
– chirurgie sus-mésocolique
• Générales
– syndromes myéloprolifératifs
– FVL (mais avec un taux de 5 %, proche de la population générale)
– mutation du gène du FII
– SAPL
➙ Causes rares
• Régionales
– cirrhose sans carcinome hépatocellulaire ni insuffisance hépatique
– métastases hépatiques
– cholangiocarcinome
– traumatismes abdominaux
– transplantation hépatique
– hépatite à CMV
– maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
– tuberculose ganglionnaire intra-abdominale
• Générales
– déficit congénital en AT et PC et PS
– hémoglobinurie paroxystique nocturne
– syndrome néphrotique
– maladie de Behçet
SAPL : syndrome des antiphospholipides

myéloprolifératif ou d’une anémie hémolytique et les affections


pancréatiques.
Même quand un facteur local a été mis en évidence, une ou plusieurs affec-
tions prothrombotiques sont identifiées dans près de 70 % des cas. Il peut
s’agir d’états prothrombotiques acquis ou héréditaires. Globalement, les
causes étiologiques d’obstruction de la veine porte sont de fréquences
diverses. Parmi les causes fréquentes, il faut distinguer :
– les causes régionales : le carcinome hépatocellulaire, la cirrhose avec insuf-
fisance hépatique, l’adénocarcinome pancréatique, les pancréatites chroniques
et aiguës, les pyléphlébites septiques, la chirurgie sus-mésocolique;
– les causes générales : les syndromes myéloprolifératifs, le FVL (mais avec
un taux de 5 %, proche de la population générale), la mutation du gène du FII,
et le syndrome des antiphospholipides (SAPL).
246 Maladies thrombosantes

Et parmi les causes rares :


– les causes régionales : la cirrhose sans carcinome hépatocellulaire ni insuffi-
sance hépatique, les métastases hépatiques, le cholangiocarcinome, les
traumatismes abdominaux, la transplantation hépatique, l’hépatite à CMV, la
maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (surtout après chirurgie
colique) et la tuberculose ganglionnaire intra-abdominale;
– les causes générales : le déficit congénital en AT, PC et PS, l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne, le syndrome néphrotique et la maladie de Behçet.
Les syndromes myéloprolifératifs représentent la première cause de throm-
bose de la veine porte d’origine extrahépatique. Souvent, la TVP est la
première manifestation d’un syndrome myéloprolifératif chez des patients
jeunes. Cependant, les critères du Polycythemia Vera Study Group pour le
diagnostic du syndrome myéloprolifératif sont le plus souvent absents chez
ces patients. Dans le passé, la biopsie ostéomédullaire et la recherche de
pousse spontanée des colonies érythroblastiques permettaient d’affirmer le
diagnostic de syndrome myéloprolifératif chez 30 % des patients atteints de
TVP. Les raisons évoquées pour rendre compte des mauvaises sensibilités ou
spécificités des critères habituels sont l’existence de formes atypiques de
syndrome myéloprolifératif et d’éléments pouvant masquer les critères habi-
tuels comme l’hypersplénisme, la carence martiale et l’hémodilution due à
une augmentation du volume plasmatique. À présent, la mutation V617F de la
tyrosine kinase JAK2 a remplacé ces anciens marqueurs comme critère spéci-
fique des syndromes myéloprolifératifs. Elle peut être aisément identifiée par
séquençage des acides nucléiques ou par PCR sur les éléments figurés du sang
périphérique. La prévalence de la mutation V617F JAK2 chez les patients
atteints de TVP varie de 33 à 37 % suivant les séries.

Physiopathologie
La thrombose de la veine porte est une affection rare atteignant les enfants et
les adultes. Elle est la cause la plus fréquente d’hypertension portale non
cirrhotique en Occident. Le diagnostic peut être porté à la phase aiguë à
l’occasion d’une douleur abdominale, mais l’occlusion de la veine porte par
un thrombus passe souvent inaperçue. Le thrombus s’organise et il se déve-
loppe une circulation veineuse collatérale porto-porte tortueuse autour de la
veine thrombosée, aboutissant à la formation du cavernome. Le diagnostic
sera alors porté à l’occasion d’une manifestation de l’hypertension portale.

Expression clinique
Les circonstances de découverte des thromboses de la veine porte sont :
– une hémorragie digestive ou des manifestations d’hypersplénisme liées à
l’hypertension portale;
– des douleurs abdominales non spécifiques ou liées à une ischémie intestinale
d’origine veineuse (aiguë ou chronique);
– des manifestations d’une pyléphlébite suppurée (fièvre élevée, frissons et
douleurs abdominales);
Maladie thromboembolique veineuse 247

– ou enfin des manifestations secondaires à la compression de la voie biliaire


par le cavernome.
Ces symptômes permettent rarement d’évoquer d’emblée la thrombose de la
veine porte mais sont l’occasion de pratiquer des examens d’imagerie abdomi-
nale qui conduisent à leur tour au diagnostic.
Il faut distinguer la thrombose récente, qui n’est pas encore accompagnée de
manifestations de l’hypertension portale et la thrombose ancienne. Cette
distinction est importante car le pronostic et le traitement en sont différents.
En cas de thrombose récente, le risque d’hémorragie digestive due à l’hyper-
tension portale est pratiquement nul dans l’année qui suit le diagnostic. En
revanche, le risque d’infarctus veineux mésentérique est maximal. En cas de
thrombose ancienne, la complication la plus fréquente est la rupture de varice
œsophagienne. Un infarctus veineux mésentérique reste possible, mais il est
plus rare qu’en cas de thrombose récente. Enfin, en raison de l’allongement de
la durée de vie des patients, il est noté avec une fréquence accrue :
– des symptômes biliaires (ictère, angiocholite) dus à la compression de la
voie biliaire par les veines du cavernome. Cette complication n’apparaît en
moyenne que 15 ans après le diagnostic de thrombose de la veine porte;
– une transformation du syndrome myéloprolifératif responsable de la throm-
bose de la veine porte en myélofibrose ou, plus rarement, en leucémie aiguë.
En règle générale ces complications hématologiques n’apparaissent pas avant
5 ans, voire 10 ans après le diagnostic de syndrome myéloprolifératif. Ceci est
également vrai pour les thromboses des veines hépatiques.
Les arguments en faveur du caractère récent de la thrombose de la veine porte
sont variés : notion d’un examen d’imagerie antérieur montrant une veine porte
libre, d’une pyléphlébite septique associée à un foyer septique intra-abdominal,
d’une chirurgie biliaire ou d’une splénectomie récentes; thrombus spontané-
ment hyperdense en tomodensitométrie; manifestation initiale par une douleur
abdominale ou a fortiori par un infarctus veineux mésentérique. Ce dernier
argument n’est pas formel car une thrombose ancienne peut être responsable de
douleurs abdominales à l’occasion d’une thrombose distale surajoutée ou d’une
thrombose d’une veine du cavernome. À l’inverse, le cavernome et, en dehors
des cas où un bloc intrahépatique est associé, les signes cliniques ou endosco-
piques d’hypertension portale affirment la thrombose ancienne. Cependant, les
1res veines collatérales du cavernome peuvent être décelées 3 à 4 semaines
après la constitution de la thrombose de la veine porte. Grâce aux progrès des
examens d’imagerie non invasifs, la thrombose de la veine porte est de plus en
plus souvent diagnostiquée à un stade aigu, devant des douleurs abdominales.

Diagnostic
Les techniques d’imagerie non invasives permettent maintenant de faire le
diagnostic de thrombose de la veine porte, de préciser l’extension de la
thrombose et de rechercher une cause locale. Le recours à l’artériographie
digestive est devenu inutile. L’échographie couplée à l’exploitation de l’effet
Doppler affirme le diagnostic quand sont mis en évidence l’image directe du
thrombus (matériel échogène intraluminal) ou le remplacement de la veine
248 Maladies thrombosantes

porte par de multiples images canalaires tortueuses correspondant au caver-


nome. L’angioscanner peut affirmer le diagnostic en mettant en évidence au
temps portal : l’absence de rehaussement des vaisseaux thrombosés, l’image
directe du thrombus (hypodensité cernée par du produit de contraste) ou le
cavernome. La vascularisation hépatique apparaît exagérée au temps artériel
et diminuée au temps portal dans le territoire portal obstrué. Ces troubles de
la vascularisation hépatique se voient plus souvent en cas de thrombose aiguë
de la veine porte. En cas de cavernome portal l’exagération de la vascularisa-
tion hépatique au temps artériel est moins fréquente qu’en cas de thrombose
aiguë. En revanche, apparaît souvent à cette phase tardive une dysmorphie
hépatique particulière, différente de ce que l’on voit en cas de cirrhose, avec
un segment I hypertrophié et un segment IV normal ou hypertrophié. En cas
d’ischémie veineuse mésentérique, la tomodensitométrie met en évidence un
épaississement et un aspect en cocarde des anses grêles atteintes. L’échoen-
doscopie et l’angiographie par résonance magnétique (ARM) sont également
très performantes dans l’exploration du système porte. La cholangio-IRM
couplée à l’ARM est le meilleur examen pour étudier la compression des
voies biliaires par les veines du cavernome.

Traitement
Il comprend :
– d’une part le traitement de la thrombose récemment constituée et la préven-
tion d’autres épisodes thrombotiques avec notamment la question du rapport
bénéfice/risque du traitement anticoagulant;
– et d’autre part le traitement de l’hypertension portale, le traitement d’une
éventuelle compression biliaire par les veines du cavernome et le traitement de
la cause (traitement d’un syndrome myéloprolifératif par exemple).
La question du rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant est
ancienne. La thrombose de la veine porte complique dans la majorité des cas
une affection prothrombotique. En conséquence, le traitement anticoagulant a
été proposé dans le but de prévenir l’extension de la thrombose vers les veines
splanchniques, responsable d’infarctus veineux mésentérique et les accidents
dus à la thrombose d’autres veines profondes. A contrario, les réticences à
l’utilisation du traitement anticoagulant sont liées au risque théorique
d’augmenter l’incidence et la gravité des épisodes hémorragiques.
En cas de thrombose récente de la veine porte le but principal du traitement est
d’obtenir une reperméabilisation des vaisseaux thrombosés pour éviter la
survenue d’une ischémie ou d’un infarctus veineux mésentérique à court
terme et des complications d’une hypertension portale par bloc préhépatique à
long terme. Une reperméabilisation complète ou partielle (mais suffisante
pour prévenir un bloc préhépatique significatif) est notée chez la majorité des
patients traités précocement par anticoagulants en cas de thrombose récente de
la veine porte. Le pronostic à court et long terme des patients traités précoce-
ment par anticoagulants est bon. La durée du traitement pourrait dépendre de
plusieurs facteurs. Nous proposons un traitement de 6 mois en l’absence
d’affection prothrombotique reconnue ou suspectée sur l’anamnèse et un trai-
Maladie thromboembolique veineuse 249

tement anticoagulant à vie en cas d’affection prothrombotique mise en


évidence ou fortement suspectée par l’histoire antérieure. Des manifestations
initiales évoquant une ischémie mésentérique ou la persistance d’une throm-
bose mésentérique à l’imagerie plaident pour le maintien du traitement
anticoagulant, même en l’absence d’affection prothrombotique, en raison d’un
risque théorique de récidive de l’ischémie mésentérique. Le bon pronostic des
patients traités par anticoagulants et la bonne tolérance de ce traitement rédui-
sent probablement la place de traitements plus invasifs comme la
thrombectomie chirurgicale, la fibrinolyse ou le shunt porto-cave intrahépa-
tique transjugulaire. Mais seule une étude randomisée pourrait définir les
indications respectives de ces procédures.
Au stade de cavernome portal, le but du traitement anticoagulant n’est plus
d’obtenir la reperméabilisation des vaisseaux thrombosés mais de prévenir
la récidive et l’extension de la thrombose vers les arcades veineuses intesti-
nales, extension qui induirait un infarctus veineux mésentérique et les
accidents dus à la thrombose d’autres veines profondes. Une étude rétros-
pective de 136 adultes, suivis dans notre centre, atteints de thrombose de la
veine porte et indemnes de cirrhose ou de cancer a été effectuée. Cette
étude a indiqué que chez les 74 patients atteints d’affection prothrombo-
tique, l’incidence des accidents de thrombose au cours du suivi
(8,4 pour 100 patients/années) équivalait au 2/3 de l’incidence des hémor-
ragies digestives dues à l’hypertension portale (12,5 pour 100
patients/années). Le traitement anticoagulant était associé à une réduction
statistiquement significative de 70 % du risque de thrombose d’autres
veines profondes et des infarctus veineux mésentériques. L’analyse multi-
variée des divers facteurs de risque d’hémorragie ne révélait pas
d’augmentation de l’incidence des hémorragies chez les patients traités par
anticoagulants. De même, les hémorragies n’étaient pas plus sévères quand
elles survenaient chez des patients traités par anticoagulants. Le traitement
préventif des hémorragies dues à l’hypertension portale (agents bêtablo-
quants et traitement endoscopique) était associé à une diminution du risque
d’hémorragie, alors que la révélation de la maladie par une hémorragie
digestive était associée à une augmentation ultérieure du risque d’hémor-
ragie. Hypothétiquement, l’absence d’augmentation de l’incidence des
hémorragies chez les patients traités par anticoagulants pourrait s’expliquer
par un effet préventif du traitement sur la thrombose des veines du caver-
nome ou sur l’extension de la thrombose de la veine porte. Le traitement
anticoagulant pourrait ainsi prévenir l’accentuation du bloc préhépatique.
Sur la base de ces résultats, il semble donc que certains patients peuvent
particulièrement bénéficier du traitement anticoagulant. Il s’agit des
patients atteints d’affection prothrombotique ne présentant pas de grosses
varices œsophagiennes ou gastriques ou bien présentant de grosses varices
œsophagiennes ou gastriques n’ayant jamais saigné et soumis à une
prophylaxie des hémorragies dues à l’hypertension portale selon les mêmes
modalités que dans la cirrhose. Dans les autres cas, le bénéfice du traite-
ment anticoagulant est possible mais moins clair. L’efficacité du traitement
pharmacologique ou endoscopique a rendu la place des anastomoses porto-
systémiques très limitée. Ces anastomoses sont de toute façon le plus
250 Maladies thrombosantes

souvent vouées à la thrombose précoce. L’intérêt du traitement anticoagu-


lant, pour prévenir les récidives de thrombose, ainsi que des agents
bêtabloquants et du traitement endoscopique en prévention primaire et
secondaire des hémorragies dues à l’hypertension portale, a été confirmé
par d’autres études rétrospectives plus récentes.
Le pronostic actuel de la thrombose de la veine porte est bon. Après un suivi
moyen de 5 ans, seulement 3 % des patients sont décédés de complications de
la maladie (infarctus veineux mésentérique et hémorragie digestive).

Thrombose des veines hépatiques et de la terminaison


de la veine cave inférieure ou syndrome de Budd-Chiari
Étiologie
La thrombose primitive des veines hépatiques représente les 3/4 des cas
d’obstruction des veines hépatiques dans les pays occidentaux. Les autres
causes sont la thrombose de la terminaison de la veine cave inférieure, les
compressions extrinsèques, les invasions tumorales endoluminales. Les causes
de thromboses des veines hépatiques ou de la terminaison de la veine cave
inférieure sont détaillées dans le tableau 6.XXI. Un facteur étiologique est
actuellement mis en évidence dans plus de 90 % des cas et une association de
plusieurs facteurs étiologiques dans 25 % des cas.

Tableau 6.XXI. Prévalence des causes de TV hépatique, Hôpital


Beaujon (d’après Deltenre et al.)

Syndrome myéloprolifératif (forme classique)* < 25 %


Syndrome myéloprolifératif (forme occulte)* < 25 %
SAPL < 15 %
Hémoglobinurie paroxystique nocturne <5 %
Déficit en AT <1 %
Déficit en PC < 20 %
Déficit en PS <5 %
FVL < 30 %
Mutation du gène du FII <5 %
Mutation du gène C677T MTHFR < 12 %
Contraceptifs oraux** < 55 %
Combinaison d’affections prothrombotiques < 25 %
* la fréquence de la mutation JAK2 est comprise entre 40 et 58 % des cas de TV hépatique
** parmi les femmes en âge de procréer, le taux attendu dans la population générale est
de 25 %.

Les syndromes myéloprolifératifs primitifs, classiques et occultes, sont


encore plus fréquents qu’en cas de thrombose de la veine porte. Ces
syndromes sont identifiés dans plus de la moitié des cas dans les études
systématiques. En dehors du caractère fréquemment occulte, une autre
caractéristique particulière du syndrome myéloprolifératif (en cas de
Maladie thromboembolique veineuse 251

syndrome de Budd-Chiari) est qu’il survient chez des femmes jeunes et non
chez les hommes de plus de 50 ans comme cela est habituel. La prévalence
de la mutation V617F JAK2 chez les patients atteints de syndrome de Budd-
Chiari varie de 40 à 58 % suivant les séries. L’hémoglobinurie paroxystique
nocturne est une affection exceptionnelle qui se complique très souvent,
pour des raisons inconnues, de thrombose des veines hépatiques. Le
diagnostic des déficits familiaux en inhibiteur de la coagulation (AT, PC et
PS) est difficile quand il existe une maladie du foie potentiellement respon-
sable d’une diminution de l’ensemble des facteurs de coagulation
nécessitant le recours à l’enquête familiale. Le FVL, à la différence de la
thrombose de la veine porte, est une cause fréquente de thrombose des
veines hépatiques, mis en évidence dans 31 % des cas. La maladie de Behçet
est la cause de l’obstacle au drainage veineux hépatique dans 6 % des cas.
En cas de syndrome de Budd-Chiari, dû à une maladie de Behçet, il existe
dans 90 % des cas une thrombose cave. De nombreux cas de thrombose des
veines hépatiques au cours de la grossesse ou du post-partum ont été
rapportés. Une affection prothrombotique est généralement mise en
évidence, le plus souvent le FVL.
L’obstruction membraneuse de la veine cave inférieure (membrane cave) est la
principale cause de bloc suprahépatique au Japon et en Inde. La veine cave
inférieure est obstruée par une membrane au niveau ou au-dessus des ostia des
veines hépatiques. La membrane cave provient vraisemblablement de la trans-
formation d’un thrombus localisé.

Physiopathologie
Une grande partie des voies de drainage veineux hépatique doit être obstruée
pour que se développent des manifestations cliniques dues au bloc suprahépa-
tique. L’obstruction d’une seule veine hépatique principale est habituellement
asymptomatique. L’obstacle au drainage du territoire d’au moins deux veines
hépatiques principales a pour conséquences une augmentation de la pression
sinusoïdale du territoire obstrué et une diminution du débit sanguin dans ce
territoire.
L’augmentation de la pression sinusoïdale a pour conséquences :
– l’hépatomégalie par congestion;
– l’ascite par filtration de liquide vers les espaces interstitiels (le liquide filtré a
un contenu élevé en protides en raison de la haute perméabilité aux protéines
de la paroi sinusoïdale); la production d’ascite peut s’accompagner d’une
insuffisance rénale fonctionnelle;
– l’hypertension portale par transmission de l’augmentation de la pression
sinusoïdale à la veine porte;
– le développement de veines collatérales entre les zones hépatiques obstruées
et les zones hépatiques non obstruées adjacentes.
La diminution du débit sanguin dans les territoires obstrués est responsable
d’une ischémie, mais celle-ci paraît inconstante et/ou transitoire. Plus
l’obstruction veineuse est brutale et étendue, plus l’ischémie est marquée,
responsable dans de rares cas d’insuffisance hépatique fulminante.
252 Maladies thrombosantes

Après obstruction des veines hépatiques, une fibrose centrolobulaire apparaît


en quelques semaines. En quelques mois, une régénération nodulaire se déve-
loppe, principalement dans les zones périportales. Une fibrose portale
modérée est souvent associée. Une cirrhose peut finalement se constituer.
Dans environ la moitié des cas d’obstruction des principales veines hépati-
ques, on observe une hypertrophie du lobe caudé. L’hypertrophie peut être très
importante, s’accompagnant d’une compression de la veine cave inférieure.
Ce phénomène est expliqué par les particularités anatomiques du drainage
veineux du lobe caudé, associant plusieurs veines se jetant par des orifices
distincts dans la veine cave inférieure, à distance de l’ostium des veines hépa-
tiques principales. Ces voies de drainage du lobe caudé sont souvent
préservées, permettant à ce lobe une hypertrophie compensatrice.

Manifestations cliniques
L’âge moyen de découverte de la maladie est de 35 ans. Le sexe féminin repré-
sente près de 2/3 des cas. Le diagnostic de bloc suprahépatique doit être
évoqué dans les circonstances suivantes :
– quand une ascite est associée simultanément à une hépatomégalie et des
douleurs abdominales hautes;
– chez les patients présentant des signes de maladie chronique du foie, quand
une ascite réfractaire contraste avec une fonction hépatique peu altérée;
– en cas d’atteinte hépatique, quelles qu’en soient les manifestations, chez les
sujets connus pour être atteints d’une affection thrombogène;
– quand une hépatite fulminante est associée à une hépatomégalie et une
ascite;
– en cas de maladie chronique du foie inexpliquée.
La prévalence des principales manifestations de l’obstruction des grosses
veines hépatiques dans une série de patients admis à l’hôpital Beaujon est
présentée dans le tableau 6.XXII. Les manifestations varient en fonction de la
date à laquelle sont vus les patients car les techniques modernes d’imagerie
non invasive permettent de reconnaître des cas qui seraient auparavant passés
inaperçus. Les patients peuvent être classés dans quatre principales formes de
présentation clinique :
– dans la forme asymptomatique, les patients n’ont pas d’ascite, d’hépatomé-
galie ou de douleurs abdominales. L’obstruction du drainage hépatique est de
découverte fortuite par les examens d’imagerie pratiqués pour l’investigation
d’autres symptômes ou d’anomalies des tests hépatiques. La persistance de la
perméabilité d’une des principales veines hépatiques ou le développement de
larges veines collatérales expliquent probablement l’absence de symptôme
chez ces patients. Approximativement 20 % des patients atteints de bloc sus-
hépatique vus depuis 1990 se rapportent à cette catégorie;
– la forme fulminante, très rare, est caractérisée par le développement d’une
encéphalopathie hépatique en quelques jours, avec insuffisance rénale et
augmentation très importante des transaminases;
– les formes aiguë et subaiguë sont caractérisées par le développement rapide
d’une ascite avec hépatomégalie, insuffisance rénale et ictère. Les transami-
Maladie thromboembolique veineuse 253

nases s’élèvent à plus de 5 fois la limite supérieure des valeurs normales. Le


taux de Quick est < 40 %. Le syndrome se développe en moins d’un mois.
Cette forme représente environ 20 % des cas de bloc sus-hépatique;
– la forme chronique est caractérisée par la constitution progressive d’une
ascite, sur une période de 2 mois ou plus. Les transaminases sont normales ou
discrètement augmentées. Il n’y a pas d’ictère. Le taux de Quick est > 40 %.
L’insuffisance rénale n’est présente que dans la moitié des cas. Environ 60 %
des cas relèvent de cette catégorie.
Quatre principales complications peuvent survenir :
– un syndrome d’insuffisance hépatocellulaire, mais dont la progression
rapide est rare;
– des hémorragies digestives dues à l’hypertension portale chez environ 15 %
des patients;
– un carcinome hépatocellulaire (CHC);
– une ascite qui est la principale complication.
Dans 1/3 des cas l’ascite est d’emblée résistante au traitement médical ou
associée à une insuffisance rénale. Dans 1/3 des cas également, l’ascite est
initialement facilement contrôlée mais devient réfractaire au traitement
médical en moins de 6 mois. Dans 1/3 des cas, l’ascite est et reste facilement
contrôlée par le traitement médical. Le pronostic dépend de l’âge jeune, de
l’absence d’insuffisance hépatique et de l’absence d’ascite ou de la présence
d’une ascite facilement contrôlée par les diurétiques sans insuffisance rénale.
En fonction de ces critères, la survie varie de 65 à 95 % à 10 ans. Une étude
très récente a montré que la survenue d’un CHC est fréquente en cas de
syndrome de Budd-Chiari (11 CHC sur 97 patients consécutifs suivis en
moyenne 5 ans). Les facteurs de risque de cette complication sont, par ordre
décroissant : l’obstruction de la veine cave, le sexe masculin et le FVL.
L’augmentation même modérée de l’α-fœtoprotéine a une grande valeur pour
distinguer un macronodule hépatique bénin (fréquents en cas de syndrome de
Budd-Chiari) et un CHC.

Tableau 6.XXII. Manifestations cliniques des patients atteints


de thrombose des veines hépatiques, hôpital Beaujon
(d’après Hadengue et al.)

Avant 1990 (%) Après 1990 (%)

Ascite 95 65
Hépatomégalie 95 75
Douleur abdominale 80 50
Ictère 40 20
Œdème des membres inférieurs 45 15
Fièvre 40 20
Encéphalopathie hépatique 20 3
Hémorragie digestive 15 5
Aucun des symptômes ci-dessus 0 20
254 Maladies thrombosantes

Diagnostic
Dans la majorité des cas, les techniques d’imagerie non invasive mettent en
évidence des signes d’obstruction des voies de drainage hépatique. Lorsque ce
n’est pas le cas, une biopsie hépatique est nécessaire. Rarement, il est néces-
saire de recourir à l’opacification des veines hépatiques.
Dans 75 % des cas d’obstruction des veines hépatiques, le diagnostic peut être
fondé sur les renseignements fournis par l’échographie. Les signes spécifiques
sont :
– la présence de matériel échogène dans la lumière des veines hépatiques ou
de la veine cave inférieure;
– la sténose de la veine cave inférieure ou d’une veine hépatique avec dilata-
tion en amont;
– la présence d’un cordon hyperéchogène remplaçant une des veines hépati-
ques principales;
– une circulation collatérale à point de départ veineux hépatique. L’examen
par Doppler pulsé et par Doppler couleur améliore la rentabilité diagnostique
de l’échographie.
La tomodensitométrie avec perfusion de produit de contraste peut donner des
images particulières :
– à la phase précoce, il se produit un rehaussement hétérogène du foie. Ce
dernier prédomine dans les régions périphériques et autour des pédicules
portaux;
– au temps tardif, le foie retrouve un rehaussement homogène. Toutefois cet
examen est peu performant pour visualiser les veines hépatiques et l’injection
de produit de contraste peut être responsable d’une néphrotoxicité.
Les grosses veines hépatiques normales sont bien visualisées par l’IRM. Cette
technique est aussi performante que l’échographie pour mettre en évidence
l’obstruction des veines hépatiques et la circulation veineuse collatérale intra-
hépatique. Elle est plus performante pour étudier la veine cave inférieure.
La ponction biopsie hépatique a peu d’intérêt diagnostique et n’est d’aucun
intérêt pronostique. La distribution hétérogène des lésions explique probable-
ment de grosses variations selon l’échantillon.

Traitement
Le traitement de l’affection sous-jacente et l’administration d’anticoagulants
doivent être instaurés dès que le diagnostic est fait. Les complications de
l’atteinte hépatique peuvent être prises en charge tout comme au cours de la
cirrhose d’autre origine. Les techniques suivantes ont été proposées pour
assurer la restauration du drainage veineux hépatique :
– thrombolyse au stade de thrombose récente;
– angioplastie avec ou sans stent;
– shunt porto-systémique latérolatéral chirurgical transformant la veine porte
d’une voie d’entrée en une voie de sortie;
– shunt porto-cave intrahépatique transjugulaire (TIPS).
Maladie thromboembolique veineuse 255

Des cas anecdotiques de succès de la thrombolyse in situ ou par voie générale


ont été décrits, mais le résultat de séries de cas consécutifs est nécessaire avant
de tirer des conclusions du rapport bénéfice/risque de cette technique.
L’angioplastie, avec ou sans stent, des obstructions courtes des veines hépati-
ques ou de la veine cave inférieure a permis d’obtenir des améliorations
initiales très marquées avec des taux de perméabilité de 80 à 90 % à 2-4 ans,
souvent au prix de réintervention percutanée pour thrombose ou sténose
secondaire. Les résultats à long terme sont mal évalués.
Les résultats du shunt porto-systémique rapportés dans la littérature sont
contradictoires. La survie à 5 ans rapportée après shunt chirurgical porto-
systémique est très variable, de 60 % à 90 %. De plus, plusieurs cas de rapide
détérioration hépatique après shunt chirurgical porto-systémique ont été
rapportés, rendant nécessaire une transplantation hépatique. Dans une étude
multivariée récente, il n’a pas été mis en évidence d’effet sur la survie du
shunt chirurgical porto-systémique alors qu’une autre étude multivariée égale-
ment récente a rapporté une amélioration discrète mais significative de la
survie à 5 ans. L’explication de ces résultats mitigés tient vraisemblablement à
un taux élevé d’obstruction du shunt porto-systémique chirurgical, obstruction
associée à une mortalité très élevée en l’absence de recanalisation rapide. Une
étude rétrospective récente portant sur 39 patients atteints de thrombose des
veines hépatiques traités par shunt porto-systémique chirurgical, avec un suivi
médian de 110 mois après la confection du shunt, a montré que le facteur
pronostic le plus important est le succès immédiat et le maintien au long cours
de la perméabilité du shunt. En effet, la mortalité, en dehors de la survenue
d’un carcinome hépatocellulaire, par atteinte terminale du foie était de 77 %
vs 0 %, respectivement en cas de restauration au long cours du drainage
veineux hépatique – shunt perméable et fonctionnel – et de dysfonctionne-
ment du shunt porto-systémique persistant malgré les tentatives de révision.
En cas de succès de la révision du shunt le pronostic redevenait par contre très
bon.
La restauration du drainage veineux hépatique à l’aide d’un shunt porto-cave
intrahépatique transjugulaire, dans des mains expérimentées, est associée à
une mortalité et une morbidité périopératoires très faibles, à une efficacité
quasi constante sur la disparition des manifestations même en présence d’une
obstruction associée de la veine cave inférieure et à une survie prolongée dans
la grande majorité des cas. Grâce à l’utilisation de TIPS couvert, le dysfonc-
tionnement du shunt est plus rare. Bien qu’aucune étude contrôlée n’ait
comparé les deux techniques, la restauration du drainage veineux hépatique à
l’aide d’un shunt porto-cave intrahépatique transjugulaire, plutôt que par
shunt chirurgical porto-systémique, est donc la procédure de première inten-
tion chez les malades nécessitant une intervention de dérivation porto-
systémique en cas de syndrome de Budd-Chiari. Dans des cas sévères, la
transplantation hépatique a été proposée avec des taux de survie à 10 ans de
l’ordre de 74 %, ce qui en fait une technique lourde mais intéressante.
Pour la restauration du drainage veineux, les principes suivants sont proposés.
Les patients doivent être pris en charge dans un centre spécialisé. Seuls les
sujets dont les manifestations cliniques ne sont pas bien contrôlées par le trai-
256 Maladies thrombosantes

tement médical doivent être discutés pour les interventions radiologiques ou


chirurgicales. Le choix d’une intervention doit être gradué : angioplastie (avec
ou sans stent), puis TIPS, puis transplantation. L’indication à utiliser une inter-
vention plus lourde doit reposer sur l’absence d’amélioration au terme de
quelques jours dans les formes aiguës et de plusieurs semaines dans les formes
chroniques. Cette stratégie a permis d’atteindre, dans plusieurs séries récentes,
des taux de survie de l’ordre de 90 % à 5 ans, en l’absence de symptômes, ce
qui correspond à une amélioration considérable de l’évolution spontanée.

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THROMBOSES VEINEUSES PELVIENNES


Jean-René ZORN

Chez la femme, les thromboses veineuses (TV) pelviennes peuvent compli-


quer des affections tumorales ou infectieuses en dehors de la gravido-
puerpéralité. Cependant, elles s’observent principalement au cours de la gros-
sesse et de l’accouchement. C’est dans ce cadre qu’elles sont ici décrites.
Il s’agit d’une pathologie rare mais grave, car elle comporte un risque majeur
d’EP, première cause de mortalité maternelle.

Fréquence
En raison des difficultés du diagnostic, la fréquence des TVP en général et des
thromboses pelviennes en particulier n’est pas très précisément évaluée au
cours de la grossesse et du post-partum. Une analyse de la littérature colli-
geant 400 000 grossesses l’estime à environ 0,5/1 000 pendant la grossesse,
2/1 000 dans le post-partum, 0,49/1 000 après un accouchement par voie basse
et enfin à 1,14/1 000 après césarienne. Sa complication principale, l’EP, est
mieux repérée : 9,1/1 000 000, plus de la moitié d’entre elles survenant dans la
première semaine post-partum (voir chapitre 17).
258 Maladies thrombosantes

Physiopathologie
La grossesse, l’accouchement et le post-partum constituent par eux-mêmes
tout un ensemble de circonstances favorisantes qui s’ajoutent aux facteurs
classiques de risque thromboembolique.
Au cours de la gestation, l’augmentation de volume de l’utérus entraîne une
compression des gros vaisseaux, notamment de la veine cave inférieure, qui
gêne le retour veineux, provoquant une stase au niveau du pelvis et des
membres inférieurs. L’élévation des taux circulants d’œstrogènes et de proges-
térone agit sur la paroi vasculaire, au niveau de l’endothélium et de la
musculature lisse, pour favoriser la stase, diminuer la filtrabilité des hématies
et entraîner une hyperviscosité sanguine. Les effets de l’hypotonie veineuse
sont renforcés par le repos et l’alitement, souvent prolongés en cas de gros-
sesse pathologique. À ces phénomènes s’ajoute une hypercoagulabilité qui
apparaît dès le début de la grossesse. Elle est due à une élévation du fibrino-
gène, des FVIII, FX, FII et FVII, tandis que diminuent les FXI, FXIII, l’AT et
la PS.
L’accouchement par voie basse entraîne de multiples lésions vasculaires au
niveau des pelvis et du périnée qui peuvent être le point de départ de TVP. Ce
risque est majoré en cas de manœuvres obstétricales ou de césarienne.
Le post-partum constitue également une période dangereuse, car l’hypotonie
veineuse et l’hypercoagulabilité gravidique demeurent plusieurs semaines
après l’accouchement. Le risque est renforcé dans la première semaine où se
conjuguent les effets de l’accouchement, de l’alitement et d’une hyperplaquet-
tose transitoire. En revanche, le blocage hormonal de la lactation n’est plus en
cause depuis que les stéroïdes, et notamment des œstrogènes, ont été aban-
donnés au profit de la bromocriptine.
À tous ces risques proprement gravidiques s’ajoutent encore les facteurs non
spécifiques habituels : antécédent de maladie thromboembolique, surcharge
pondérale, diabète, hypertension artérielle. Enfin, l’âge maternel mérite une
mention particulière, car il multiplie le risque par 10 au-delà de 40 ans.

Formes cliniques
TV pelvienne gravidique
La forme classiquement décrite est la thrombose fémoro-iliaque. Elle se mani-
feste par des douleurs parfois aiguës de la fosse iliaque, du creux inguinal ou
de la partie haute de la cuisse.
Les signes généraux sont discrets, se résumant habituellement à une simple
fébricule. L’examen permet parfois de noter un œdème à la racine de la cuisse.
La palpation de la fosse iliaque ne retrouve ni douleur provoquée, ni défense.
S’il n’est pas orienté par l’existence d’une phlébite surale associée, le
diagnostic est très difficile et ne peut pas être affirmé par la seule clinique. Il
faut recourir à l’imagerie dont la mise en œuvre durant la grossesse est
délicate.
Maladie thromboembolique veineuse 259

Thrombophlébites pelviennes du post-partum


❐ Thrombophlébite pelvienne suppurée
La thrombophlébite pelvienne peut survenir après un accouchement tout à fait
normal. Cependant, elle complique plus souvent un accouchement patholo-
gique, en particulier dans un contexte septique : infection materno-fœtale,
rupture prématurée des membranes.

• Signes généraux
Un signe, pratiquement constant, est l’existence d’une fièvre modérée,
s’élevant par paliers sans explication claire et résistant aux antibiotiques. Le
classique « pouls grimpant », s’accélérant plus rapidement que la température
et même précédant la fièvre, a une grande valeur diagnostique mais il est rare-
ment observé.

• Signes fonctionnels
Les lochies sont abondantes, fétides et purulentes, témoignant de l’endomé-
trite associée. Des douleurs et des paresthésies sont fréquentes au niveau des
cuisses, des jambes, voire jusqu’au mollet et au pied : douleurs, crampes, four-
millements, sensation de pesanteur. Leur caractère unilatéral doit attirer
l’attention.
Des signes pelviens peuvent inaugurer le tableau, en particulier les signes
vésicaux : pollakiurie, dysurie. Une rétention d’urines peut également
survenir, mais c’est plutôt un signe tardif, de même que les troubles intesti-
naux (ténesme).

• Signes physiques
L’examen clinique montre un abdomen souple, sans défense, mais parfois
météorisé. Les signes d’endométrite sont inconstants : utérus augmenté de
volume, mou, sensible, des lochies purulentes. Surtout, le toucher vaginal
retrouve un empâtement sensible de tout le paramètre, plus rarement un
cordon douloureux.
Sur le plan clinique, aucun des signes généraux, fonctionnels ou physiques
n’est spécifique de la phlébite profonde. Il en va de même des examens
complémentaires : accélération de la vitesse de sédimentation (VS), hyperleu-
cocytose avec polynucléose, élévation de la protéine C réactive (CRP) – qui
tous peuvent correspondre à une simple infection pelvienne. Aussi, classique-
ment le diagnostic reposait sur l’épreuve thérapeutique à l’héparine associée
aux antibiotiques qui seule permet d’obtenir la guérison des signes cliniques et
des signes généraux. Actuellement, Doppler et imagerie peuvent conforter le
diagnostic.

❐ Thrombose de la veine ovarienne


Il s’agit d’un accident rare dont le diagnostic exact est pratiquement impos-
sible cliniquement. Elle peut être uni- ou bilatérale. Sa fréquence est plus
grande à droite, où la veine peut se trouver comprimée entre l’uretère et le
260 Maladies thrombosantes

rachis, et de ce côté, elle peut intéresser une veine ovarienne aberrante, avec
dans ce cas une extension possible à la veine rénale droite. Cliniquement, il est
parfois possible de percevoir une masse ou un cordon induré à la palpation
profonde de la fosse iliaque, mais le plus souvent le tableau est celui d’un
syndrome douloureux et fébrile de la fosse iliaque droite. Ce tableau évoque
au premier chef une appendicite aiguë ou un abcès tubo-ovarien. L’exploration
chirurgicale permettra de rapporter la symptomatologie à sa véritable cause.
Lorsque l’appendicite peut être éliminée, et par là même l’urgence chirurgi-
cale, l’imagerie permettra de faire le diagnostic et d’instituer le traitement
médical efficace.

❐ Complications
Quelle qu’en soit la forme, la TV pelvienne expose au risque d’EP, risque
maximum si l’extension du thrombus atteint la veine cave.
La phlébite peut atteindre les veines rénales, essentiellement à droite.

Examens complémentaires vasculaires


Échographie Doppler
La vélocimétrie par effet Doppler est l’examen de première intention en raison
de son caractère non invasif. Mais contrairement à l’exploration des membres,
celle du pelvis est extrêmement difficile même avec l’aide de techniques plus
sophistiquées comme le Doppler codé couleur. La visualisation des gros vais-
seaux, l’évaluation de la liberté et la compressibilité de leur lumière, le
repérage d’un thrombus n’ont qu’une fiabilité limitée et sont dans une large
mesure opérateur dépendant.

Phlébographie radiologique
La phlébocavographie demeure l’examen de référence en matière de throm-
bose profonde, surtout pelvienne. Cependant, son emploi est limité durant la
grossesse car elle comporte un risque fœtal du fait de l’irradiation et du
passage transplacentaire de l’iode qui peut être cause d’hypothyroïdie chez
l’enfant. Ces obstacles disparaissent après l’accouchement.
La phlébographie permet d’affirmer le diagnostic en visualisant directement le
thrombus. Elle précise son extension vers la veine cave. Toutefois, l’atteinte
des veines de petit calibre n’est pas toujours facile à mettre en évidence.

Traitement
Traitement curatif
L’héparine est le traitement de première intention. Il débute en règle par
voie IV, relayée au bout de 8 à 10 jours par des injections sous-cutanées.
L’héparine standard et les HBPM ne franchissent pas la barrière placentaire
et ne passent pas dans le lait. Elles peuvent donc être utilisées au cours de
Maladie thromboembolique veineuse 261

la grossesse et dans le post-partum sans risque direct pour le fœtus et le


nourrisson. La surveillance comprend la numération des plaquettes avant et
sous traitement, indispensable pour dépister la rare thrombopénie induite
qui imposerait l’arrêt de l’héparinothérapie ainsi que les tests de coagula-
tion (TCA, mesure de l’activité anti-Xa) qui permettent d’adapter la
posologie.
Les AVK sont en principe contre-indiquées pendant la grossesse, hormis les
rares cas où l’héparine ne peut être pas employée. En effet, elles traversent le
placenta et peuvent entraîner un syndrome malformatif (os propres du nez,
épiphyses ponctuées) essentiellement au cours du 1er trimestre et quelques
rares anomalies du système nerveux central en fin de gestation. Leur utilisa-
tion en relais de l’héparinothérapie n’est donc possible qu’en post-partum.
L’acoumadine ne passant pas dans le lait, elle n’est pas déconseillée pendant
l’allaitement mais est parfois associée à l’administration de vitamine K au
nourrisson.
Adaptée si le germe a pu être isolé ou sinon à large spectre, l’antibiothérapie
est bien entendu indispensable en cas de septicité, soit en pratique dans la
majorité des phlébites pelviennes. Les anti-inflammatoires peuvent lui être
associés sans que leur efficacité soit clairement évaluée.
La chirurgie (ligature des veines génitales, voire de la veine cave inférieure)
peut être indiquée dans des cas rares de résistance au traitement médical.

Traitement préventif
Comme les décès par EP surviennent dans la plupart des cas très rapidement,
il y a peu de possibilité de diminuer la mortalité maternelle grâce au traite-
ment curatif. Une anticoagulation prophylactique mérite donc d’être
envisagée lorsqu’il existe des facteurs de risque : césarienne, antécédents
thromboemboliques personnels ou familiaux, anomalies de la crase sanguine.
Cependant, le traitement préventif n’est pas lui-même dépourvu de risques :
avec l’héparine et les AVK, l’incidence des complications fœtales directe-
ment imputables à l’anticoagulation est évaluée respectivement à 3,6 % et à
26 %, et les morts fœtales et néonatales à 2,5 % et 16 %. La fréquence de la
maladie étant loin d’atteindre ces chiffres, les inconvénients de la prévention
peuvent être plus importants que ses bénéfices. Dans la pratique, le choix
thérapeutique est d’autant plus difficile qu’il n’existe aucune étude rando-
misée capable de le guider avec un niveau d’évidence indiscutable. Il
reposera donc uniquement sur l’expertise clinique, comme le souligne la
dernière revue Cochrane.

BIBLIOGRAPHIE

GATES S, BROCKLEHURST P, DAVIS LJ. Prophylaxis for venous thromboem-


bolic disease in pregnancy and the early postnatal period. The Cochrane
Library 2003 :issue 1.
262 Maladies thrombosantes

THROMBOSES VEINEUSES CÉRÉBRALES


France WOIMANT, Isabelle CRASSARD

Introduction
Les manifestations cliniques des thromboses veineuses cérébrales (TVC) sont
très variées, ce qui rend parfois le diagnostic clinique de cette pathologie
neurovasculaire difficile. Pourtant, il s’agit d’une urgence neurovasculaire
dont le pronostic dépend de la célérité à débuter un traitement adapté. Les
TVC s’observent à tout âge avec un âge moyen de 40 ans.

Rappels anatomiques
Le sang veineux du cerveau est drainé par les veines cérébrales vers les sinus
veineux duraux, puis vers les veines jugulaires. Quelques particularités anato-
miques expliquent la diversité des symptômes cliniques :
– les veines et les sinus cérébraux n’ont pas de valvule, ce qui permet à la
circulation de s’inverser en fonction des gradients de pression;
– les variations anatomiques du système veineux sont fréquentes;
– il existe de nombreuses anastomoses entre les veines et les sinus qui favori-
sent le développement des circulations collatérales.
Les conséquences de l’occlusion d’un sinus sont une stase veineuse, une gêne
à la résorption du liquide céphalo-rachidien (LCR), avec pour conséquence
une augmentation de la pression intracrânienne. L’occlusion d’une veine
profonde ou corticale entraîne une souffrance tissulaire associant œdème,
infarctus, voire hémorragie. En fonction du siège de la thrombose, de son
étendue et des anastomoses, la symptomatologie peut être très discrète ou au
contraire très sévère.

Présentation clinique
Le mode d’installation des symptômes cliniques est très variable, pouvant être
aigu (moins de 48 h) dans 30 % des cas, subaigu (de 2 jours à 1 mois) dans
environ 50 % des cas, voire chronique (> 30 jours).
Les variations de l’anatomie veineuse ainsi que l’association fréquente de
thromboses de sinus et de veines corticales ou profondes rendent difficiles les
corrélations entre les tableaux cliniques et le siège de la thrombose.
Les différents symptômes devant lesquels on doit évoquer le diagnostic de
TVC sont présentés ci-après.

Céphalées
Les céphalées sont précoces et quasi constantes. Elles sont observées chez 75
à 90 % des patients. Le plus souvent, il s’agit de céphalées d’intensité progres-
sivement croissante, qui s’intègrent dans un tableau d’hypertension
Maladie thromboembolique veineuse 263

intracrânienne : nausées, vomissements, éclipses visuelles, œdème papillaire


bilatéral, diplopie par atteinte du FVI. Mais, il peut également s’agir de cépha-
lées intenses, en « coup de tonnerre », évocatrices d’hémorragie méningée, ou
d’un tableau mimant une crise de migraine dont le caractère inhabituel (inten-
sité ou durée) attirera l’attention. Certains patients ont une céphalée
permanente suite à une céphalée orthostatique lorsque la TVC complique une
hypotension du liquide céphalo-rachidien, spontanée ou secondaire après
ponction lombaire ou toute autre variété de brèche durale. Les céphalées
peuvent parfois résumer la présentation clinique et même être associées à un
scanner et un liquide céphalo-rachidien normaux.

Déficit neurologique focal


Le déficit neurologique focal (hémiplégie, paraplégie, troubles sensitifs ou
aphasie), d’installation rapidement progressive est révélateur dans 15 % des
cas. Dans les thromboses du sinus longitudinal supérieur, les déficits moteurs
et sensitifs peuvent toucher un hémicorps puis l’autre.

Crises d’épilepsie
Les crises d’épilepsie (40 % des cas) peuvent être révélatrices ou survenir en
cours de l’évolution. Il s’agit de crises partielles ou généralisées, voire d’un
état de mal épileptique.

Troubles de conscience
Les troubles de conscience peuvent être la conséquence de l’hypertension
intracrânienne, de lésions parenchymateuses (œdème, ischémie, hémorragie),
plus rarement d’une hydrocéphalie obstructive, d’un état de mal épileptique.
Ils s’observent dans presque 1/3 des cas.

Ophtalmoplégie douloureuse
Une ophtalmoplégie douloureuse associant exophtalmie, œdème palpébral,
chémosis et céphalées s’observe dans les thromboses du sinus caverneux. La
bilatéralisation des signes par l’intermédiaire du sinus coronaire est associée à
un pronostic gravissime.
En fonction de l’association de ces différents symptômes, quatre principaux
tableaux cliniques sont distingués :
– hypertension intracrânienne associée à un déficit neurologique focal et/ou
des crises épileptiques;
– hypertension intracrânienne isolée. La recherche d’une TVC doit faire partie
du bilan étiologique de toute hypertension intracrânienne dite bénigne, dont
elle constitue un des diagnostics différentiels;
– encéphalopathie subaiguë associant des troubles de la vigilance et souvent
des crises épileptiques;
– ophtalmoplégie douloureuse des thromboses du sinus caverneux.
264 Maladies thrombosantes

Ces tableaux cliniques regroupent le plus grand nombre des TVC, mais
certaines se manifestent par des formes trompeuses ou paucisymptomatiques :
symptômes transitoires à type de crise comitiale isolée, d’accident ischémique
transitoire ou d’aura d’allure migraineuse, troubles psychiatriques ou céphalée
isolée.

Diagnostic
Le diagnostic de certitude repose actuellement sur l’IRM combinée à L’angio-
graphie par résonance magnétique (ARM).
Le scanner cérébral peut montrer :
– des signes directs de thrombose. Il s’agit pour le sinus longitudinal supérieur
du signe du triangle dense avant injection (visibilité spontanée du sinus dans
sa portion postérieure) et signe du delta vide après injection (prise de contraste
des parois du sinus). Les sinus droits, latéraux et le système veineux profond
thrombosés peuvent apparaître spontanément hyperdenses (fig. 6.4 et 6.5a).
Mais, ces signes sont inconstants et parfois faussement positifs;
– les signes indirects correspondant au retentissement sur le parenchyme céré-
bral sont un œdème cérébral diffus ou localisé, une ischémie veineuse ayant
une fois sur deux une composante hémorragique ou une hémorragie cérébrale.
Dans 10 à 20 % des cas, le scanner est normal.
Ces signes directs ou indirects ne permettent pas, le plus souvent, à eux seuls,
d’affirmer la TVC, ils doivent être confirmés par un angioscanner ou par une
IRM/ARM.
L’IRM reste l’examen de référence. Il permet de visualiser la thrombose dont le
signal varie avec l’âge du thrombus, son extension et d’objectiver son retentisse-
ment sur le parenchyme cérébral (œdème, ischémie, hémorragie) (fig. 6.6).
Précocement, le sinus thrombosé est iso-intense au parenchyme voisin en
séquence pondérée en T1. Quelques jours plus tard, il apparaît en hypersignal
T1 et T2. Au-delà de la 3e semaine, l’hypersignal peut disparaître en T1, tout en
persistant en T2. Ainsi, aux phases très précoces ou tardives de la TVC, l’IRM
peut être mise en défaut, le sinus thrombosé, iso- ou hypodense au parenchyme
voisin semblant perméable. La séquence T2* a un intérêt tout particulier au
cours des TVC. En effet la modification de signal du thrombus (sous forme d’un
hyposignal marqué) apparaît plus tôt que sur les séquences T1 et T2 permettant
donc un diagnostic plus précoce. De plus cet hyposignal peut être visible au
niveau d’une veine corticale thrombosée et permet donc le diagnostic en cas
d’atteinte isolée d’une veine, diagnostic difficile qui requerrait jusqu’à présent la
réalisation d’une artériographie conventionnelle (fig. 6.6).
L’ARM montre l’absence d’opacification totale ou partielle d’un sinus, mais
ne permet pas de différencier hypoplasie d’un sinus et thrombose (fig. 6.6 b).
Le diagnostic de TVC ne peut donc être porté sur une ARM seule mais sur
l’ensemble des clichés : IRM pondérée en T1, T2* et ARM.
L’angioscanner permet le diagnostic de thrombose d’un sinus veineux
lorsqu’il montre une opacification partielle du sinus et l’existence de thrombi
intraluminaux (fig. 6.7).
Maladie thromboembolique veineuse 265

Fig. 6.4. Scanner sans injection : a. hyperdensité spontanée du sinus latéral


gauche; b. du sinus droit et du sinus sagittal supérieur en rapport avec une
thrombose récente du sinus.
266 Maladies thrombosantes

Fig. 6.5. Thrombose du sinus sagittal supérieur et du sinus latéral droit.


a. IRM pondérée en T1, coupe sagittale : hypersignal du sinus sagittal
supérieur.
b. IRM pondérée en T2, coupe coronale : hypersignal du sinus sagittal supé-
rieur et du sinus latéral droit.
Maladie thromboembolique veineuse 267

Fig 6.6 IRM séquence Echo de gradient T2* : hyposignal des veines corticales en
rapport avec une thrombose, associée à une petite hémorragie intraparen-
chymateuse.

Les indications de l’artériographie, qui a longtemps été le test diagnostique,


sont actuellement exceptionnelles. La thrombose se traduit par l’absence
d’opacification d’un sinus ou d’une veine, par un ralentissement circulatoire
veineux et par une dilatation des veines de suppléance qui apparaissent
tortueuses et stagnantes.
La ponction lombaire est indispensable dans les tableaux d’hypertension intra-
crânienne isolée à imagerie cérébrale normale. Il existe une hyperpression du
LCR et des anomalies non spécifiques de sa composition : hyperprotéinorachie
plus ou moins importante, réaction cellulaire de formule et d’intensité variable.
Dans ces cas, la soustraction de LCR possède par ailleurs un intérêt thérapeu-
tique en diminuant l’hypertension intracrânienne.
La place du dosage des D-Di pour le diagnostic de TVC n’est pas déterminée.
S’ils sont le plus souvent élevés en cas de signes neurologiques déficitaires ou
comitiaux en rapport avec une TVC récente, en cas de céphalée isolée, ils
peuvent être normaux. Un taux normal de D-Di ne permet donc pas d’exclure
le diagnostic de TVC en cas de céphalée récente isolée.

Étiologies
Les TVC surviennent dans des circonstances cliniques comparables à celles
des TV des membres inférieurs et des EP :
– grossesse, post-partum : les TVC surviennent plus volontiers dans le post-
partum que durant la grossesse;
– contexte chirurgical ou traumatique;
– maladie inflammatoire : il faut souligner la fréquence des TVC au cours de
la maladie de Behçet;
268 Maladies thrombosantes

a c

Fig. 6.7. ARM : absence d’opacifica-


tion du sinus latéral gauche.
a. IRM pondérée en T1 : infarctus
hémorragique temporal en
rapport avec une thrombose
récente du sinus latéral gauche
(hypersignal).
b. IRM séquence FLAIR : volumi-
neuse lésion temporale gauche
avec effet de masse.
c. ARM : non-opacification du
sinus latéral gauche.
b

– hémopathie : leucémie, thrombocytémie, polyglobulie, hémoglobinopathie,


hémoglobinurie paroxystique nocturne, lymphome;
– néoplasie, hormonothérapie, chimiothérapie;
– anomalies de l’hémostase : elles doivent être recherchées systématiquement
devant toute TVC car elles potentialisent le risque de thrombose au cours de la
grossesse, la prise de contraceptifs oraux, le traumatisme crânien par
exemple :
- déficit en protéines de la coagulation, AT, PS, PC, plasminogène,
- mutation du FV, FII20210A,
- hyperhomocystéinémie,
- ACL.
Maladie thromboembolique veineuse 269

Fig. 6.8. Angioscanner : thrombose partielle du sinus latéral (thrombi


intraluminaux).

S’ajoutent les causes locales :


– traumatisme crânien;
– tumeur cérébrale;
– cathétérisme jugulaire interne;
– et les classiques infections de voisinage : les TV septiques compliquant
otite, sinusite, staphylococcie cutanée sont devenues exceptionnelles dans les
pays développés.
Dans 20 à 35 % des cas, aucune étiologie n’est retrouvée.

Traitement
Le traitement des TVC associe le traitement antithrombotique, le traitement
symptomatique (des crises par exemple) et le traitement étiologique.

Antithrombotique
Le traitement des TVC est urgent. L’anticoagulation par héparine à dose hypo-
coagulante permet de prévenir l’extension de la thrombose, la survenue de
nouveaux infarctus et de limiter l’hypertension intracrânienne. Longtemps
débattu, le bénéfice de l’héparine est actuellement admis même en cas de
lésions hémorragiques.
Une étude prospective portant sur un petit nombre de patients a montré une
réduction importante de l’incidence des déficits neurologiques permanents et
270 Maladies thrombosantes

des décès dans le groupe traité. Une étude plus récente n’a pas objectivé
d’effet bénéfique des HBPM, mais elle n’a pas non plus montré d’effet délé-
tère de ce traitement. La méta-analyse de ces deux essais montre une
réduction du risque absolu de décès de 14 % et de décès ou de dépendance de
15 %, la réduction relative du risque étant respectivement de 70 % et de 56 %
sous héparine.
Les fibrinolytiques injectés directement dans le sinus thrombosé ou plus rare-
ment par voie IV ont été utilisés en dehors d’essais thérapeutiques contrôlés.
Le risque hémorragique cérébral semble faible et la récupération clinique
bonne. Aucun essai randomisé n’est cependant disponible et la place de ces
techniques reste à préciser au cours des TVC.
En France, le consensus actuel est de traiter précocement les TVC par hépa-
rine, même en présence d’infarctus hémorragique. Le traitement fibrinolytique
ne se discute que chez les rares patients qui s’aggravent sous traitements anti-
coagulants et symptomatiques bien conduits et qui ont une extension de leur
TV.
Dans un délai de 8 à 15 jours, le traitement anticoagulant est relayé par les
anticoagulants oraux prescrits pendant 6 à 12 mois en l’absence de cause
retrouvée.

Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique vise essentiellement à lutter contre l’hyperten-
sion intracrânienne : diurétiques, solutés hyperosmolaires (mannitol),
restriction hydrique et ponctions lombaires soustractives en cas d’HIC isolée.
Les anticomitiaux sont prescrits lors de crises cliniques.

Traitement étiologique
Le traitement de la cause de la TVC est rapidement associé, en particulier dans
le cas des TV septiques.

Évolution et pronostic
Le pronostic des TVC est en général meilleur que celui des infarctus céré-
braux artériels.
Dans l’International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis
(ISCVT), étude multicentrique internationale regroupant 624 patients, le taux
de décès était de 4,3 % à la phase aiguë. Les facteurs de mauvais pronostic
sont : l’âge (enfant ou sujet âgé), le coma, l’atteinte des veines profondes ou
des veines cérébelleuses, l’existence d’un infarctus hémorragique au scanner
ou d’une complication telle une EP ou un état de mal épileptique. Toutefois, le
pronostic est très difficile à évaluer à titre individuel. Des patients présentant
des tableaux neurologiques initiaux extrêmement graves peuvent récupérer
sans séquelle.
Maladie thromboembolique veineuse 271

En effet, la récupération fonctionnelle peut être excellente, les lésions étant


plus œdémateuses que nécrotiques. De 10 à 20 % des patients gardent des
séquelles à type de comitialité, de déficit focal ou d’atrophie optique.

Conclusion
Devant des céphalées inhabituelles, ce d’autant plus que s’associent des signes
focaux déficitaires ou critiques, le diagnostic de TVC doit être évoqué et
conduire en urgence à la réalisation d’une IRM. Le pronostic fonctionnel, qui
est le plus souvent excellent, dépend de la rapidité à débuter le traitement.

BIBLIOGRAPHIE

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London. 1997.
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THROMBOSES DES VEINES SUPERFICIELLES


DES MEMBRES INFÉRIEURS
François BECKER

Si les thromboses veineuses profondes (TVP) ont eu une réputation de gravité


potentielle bien établie, les thromboses des veines superficielles (TVS) ont
une réputation de bénignité. Cette opposition TVP/TVS est trop manichéenne
et doit être corrigée sur la base d’une évaluation plus précise.
Nous excluons de notre propos les thrombophlébites superficielles induites
par un acte de sclérothérapie, les veinites et thrombophlébites des membres
supérieurs et du cou en règle secondaires à des injections ou à un cathéter IV,
la rare phlébite « fil de fer » de Mondor, ainsi que les thrombophlébites de
272 Maladies thrombosantes

diagnostic histologique. Nous nous limiterons aux TVS des membres


inférieurs.
Nous récusons les termes « paraphlébites » et « périphlébites » qui, masquant
le plus souvent un diagnostic non établi et, facteur de confusion, doivent être
bannis du langage médical.

Données classiques
Données épidémiologiques
Incidence et prévalence sont mal connues. Néanmoins, l’affection est consi-
dérée comme fréquente (environ 250 000 cas par an en France) et la
prévalence des TVS est supérieure à celle des TVP. L’incidence des TVS est
croissante avec l’âge, et présente une nette prédominance féminine.
Sur le plan topographique, d’après les études réalisées ces dernières années :
– 60 à 80 % des TVS affectent la grande veine saphène (GVS), les 2/3 en GVS
proximale;
– 10 à 20 % affectent la petite veine saphène (PVS);
– 10 à 20 % affectent d’autres veines superficielles du membre inférieur;
– les TVS sont bilatérales dans 5 à 10 % des cas.
Le membre inférieur gauche serait plus touché que le droit.
Les facteurs de risque (FR) sont les varices et l’insuffisance veineuse chro-
nique, les traumatismes directs mais aussi tous ceux classiques de TVP ainsi
que les maladies de système et certaines artérites inflammatoires.
Clinique
Les TVS se manifestent classiquement bruyamment par un cordon inflamma-
toire douloureux, de longueur apparente variable, sur un trajet veineux
superficiel, parfois entouré d’un placard d’hypodermite oblong dans l’axe du
cordon. La phase aiguë passée, la peau en regard de la TVS prend souvent une
teinte brunâtre longue à disparaître et le cordon diminue de calibre avec
l’involution du thrombus et la fibrose de la veine. Le diagnostic positif de TVS
pose peu de problème sauf en cas de thrombophlébite courte qui peut prêter à
confusion avec une hypodermite nodulaire.
Les TVS sont volontiers distinguées en TVS sur veines variqueuses et TVS
sur veines non variqueuses, paradoxalement dites sur veines « saines ».

❐ TVS sur veines variqueuses


Il faut clairement les distinguer en TVS courtes (thrombose d’une ampoule
variqueuse ou d’un segment variqueux < 5 cm n’affectant pas un tronc
saphène) et TVS de plus de 5 cm, extensives d’un tronc saphène (le plus
souvent TVS de la GVS étendue en cuisse) :
– la TVS segmentaire courte témoigne de la stase importante dans un réseau
variqueux à traiter radicalement. Elle peut être provoquée par un traumatisme.
En elle-même, elle ne nécessite qu’un traitement symptomatique local de la
douleur (anti-inflammatoire et bandage, ou évacuation et bandage). L’évei-
Maladie thromboembolique veineuse 273

nage saphène est réalisé soit d’emblée soit après régression des signes
inflammatoires;
– la TVS saphène extensive peut être une complication évolutive de varices ou
la première manifestation d’une thrombophilie congénitale ou acquise. Il faut
savoir se demander pourquoi tel patient porteur de varices saphènes anciennes
voit soudain apparaître une thrombose massive de sa varice saphène; cette
TVS variqueuse inopinée peut révéler une néoplasie (poumon, colon,
pancréas, prostate, leucoses, etc.)

❐ TVS sur veines non variqueuses


Elles sont courtes ou longues, proximales ou distales, voire très distales,
uniques ou multiples, unilatérales ou bilatérales, voire associées à une TVS
dans un territoire autre que le membre inférieur, à cordon inflammatoire ou
non inflammatoire. En l’absence de facteur iatrogène ou de toxicomanie
évidents, surtout si elles sont récidivantes et migrantes, elles sont volontiers
symptomatiques d’une affection qu’il n’est pas toujours facile de déterminer
d’emblée : déficit en facteur de coagulation (environ 8 % des déficits en AT, en
PC ou PS), thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger (20 à 50 % des
Buerger, parfois de siège inhabituel comme au pied, souvent inaugurales, chez
un sujet jeune grand tabagique), maladie de Behçet (souvent déclenchées par
voie IV), SAPL, bactériémie à partir d’un foyer connu ou non (granulomes
apicaux dentaires), TVS corticosensibles de la femme jeune. Leur biopsie peut
être utile. Le problème de ces TVS est d’ordre étiologique. Sur le plan théra-
peutique, hors cas particulier, elles ne nécessitent que des anti-inflammatoires
locaux.
Cette distinction est facile sur un terrain variqueux manifeste ou lorsque la
TVS survient sur une varice tortueuse de gros calibre, ou à l’opposé lorsque la
TVS affecte une veine de petit calibre (< 3 mm). Elle est plus aléatoire lorsque
la TVS survient sur une veine peu dilatée (3 à 5 mm) et plutôt rectiligne.
Il semble logique de garder à l’esprit que les TVS extensives multiples ou
bilatérales (variqueuses ou non), les TVS associées à une TVP (hors lien
anatomique manifeste), les TVS sur veine non variqueuse (hors facteur trau-
matique manifeste) sont potentiellement des TVS secondaires jusqu’à preuve
du contraire.
Le large accès à l’écho-Doppler (ED) face à une suspicion de MTEV et à toute
symptomatologie douloureuse de membre inférieur, a fait évoluer la vision
classique de TVS, en particulier des TVS sur veines variqueuses.

Sur le plan séméiologique


L’ED a confirmé la notion empirique selon laquelle, face à une TVS passant le
genou, la clinique n’est pas fiable pour situer la tête du thrombus. La classique
séméiologie bruyante de la TVS saphène est également sujette à caution. Il
n’est pas rare de trouver une thrombose saphène extensive cliniquement muette
en présence d’une suspicion d’EP ou en dépistage chez des sujets à risque.
274 Maladies thrombosantes

Sur le plan de la MTEV


Les TVS saphènes ne peuvent plus être considérées comme bénignes quant au
risque emboligène. Malheureusement, les biais de recrutement et de
diagnostic des différentes études amènent à une certaine hétérogénéité dans
les chiffres et les points de vue.
Chez les patients avec TVS confirmée, 6 à 44 % ont ou auront à très court
terme une TVP associée (2 à 13 % avec EP symptomatique, 20 à 33 % avec
EP asymptomatique).
La plupart de ces événements thromboemboliques veineux (ETEV : TVP, EP)
concernent des TVS tronculaires de la grande veine saphène (Cochrane).
Dans les essais randomisés contrôlés, l’incidence de ces ETEV sans traite-
ment anticoagulant varie de 0 à 14 % (incidence pondérée estimée à
6,2 ± 1,4 %).
La relation entre TVS et TVP ne se limite pas à la possibilité d’extension
d’une TVS saphène à la voie profonde via la crosse de saphène. Tous les cas
de figures sont possibles; la TVP peut :
– être concomitante à la TVS :
- extension de la TVS à la voie profonde via la crosse de saphène (essen-
tiellement la jonction saphénofémorale de la grande veine saphène) ou une
perforante (essentiellement les perforantes centrées sur le tronc saphène,
lesquelles sont plus volontiers proximales),
- TVP homolatérale sans lien direct avec la TVS,
- TVP controlatérale;
– ou survenir au décours immédiat de la TVS.
Pour les thromboses saphènes extensives (surtout les thromboses de la GVS
extensives en cuisse), il importe sans doute de distinguer le patient vu pour la
première fois avec une thrombose d’un tronc saphène étendue vers la crosse
(on ne sait pas de quand date l’extension proximale) et le patient suivi pour
une TVS saphène tronculaire chez qui on constate une extension vers la crosse
(on peut dater l’extension et évaluer sa sensibilité à l’héparine).
Au total, l’examen clinique permet de suspecter une TVS devant un cordon
plus ou moins inflammatoire sur un trajet veineux superficiel, mais il est tota-
lement insuffisant pour préciser l’extension proximale de la TVS, préciser le
type de TVS, éliminer ou suspecter une TVP associée. Il est insuffisant pour
affirmer la TVS (diagnostic différentiel). Le diagnostic doit être confirmé et
précisé par la réalisation d’un ED veineux superficiel et profond des deux
membres inférieurs.

Sur le plan thérapeutique


La conduite à tenir n’est pourtant pas parfaitement codifiée, dans l’attente des
résultats d’essais randomisés contrôlés de grande ampleur comme l’étude
Calisto en cours.
Schématiquement :
Maladie thromboembolique veineuse 275

– la découverte d’une TVP lors de l’examen systématique des troncs profonds


ramène le problème à celui de la TVP;
– en l’absence de TVP associée :
- une TVS limitée (< 3-5 cm de long), type thrombose d’ampoule vari-
queuse, relève d’un traitement local (très faible risque ETEV, en tout cas
risque ETEV << risque iatrogène des anticoagulants).
- une TVS saphène extensive de la GVS atteignant la crosse de saphène est,
dans le doute, traitée initialement comme une TVP (HBPM à dose théra-
peutique ± crossectomie-thrombectomie, puis AVK 6 semaines à 3 mois)
– dans tous les autres cas de figure, il est probable (non certain) que les hépa-
rines à dose prophylactique diminuent le risque de MTEV mais pour quel
bénéfice-risque? Si le patient peut être inclus dans un essai randomisé, c’est sans
doute le meilleur choix. Si non, le plus pertinent semble être de raisonner sur des
bases anatomocliniques en pesant le bénéfice-risque du traitement anticoagulant
à dose prophylactique en sus des AINS locaux et de la compression élastique.

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276 Maladies thrombosantes

MALADIE POST-THROMBOTIQUE VEINEUSE


François BECKER

Les séquelles de TVP des membres inférieurs sont la cause majeure de l’insuf-
fisance veineuse chronique (IVC) sévère. Le travail princeps de G. Bauer en
1942 portant sur 300 cas de phlegmatia alba dolens traités avant l’introduction
de l’héparine et ayant conservé une grosse jambe, rapportait 45 % d’hypoder-
mite et 20 % d’ulcères à 5 ans. Comparant ensuite, avec un recul de 18 mois,
l’évolution de 38 TVP traitées par héparine et de 19 TVP n’ayant pas reçu
d’héparine, Bauer concluait : « il n’est pas invraisemblable que grâce à
l’emploi de l’héparine, la maladie post-thrombotique (MPT) disparaisse
presque complètement d’ici quelques dizaines d’années. »
En 2008, les TVP ne sont plus diagnostiquées au stade (tardif) de phlegmatia
alba dolens, le traitement anticoagulant est de règle, nous ne sommes plus au
taux de complications post-thrombotiques de Bauer, mais la MPT veineuse
reste un lourd tribut payé à la MTEV. En 2001, Heit et al. constataient que
l’incidence de l’IVC post-thrombotique était stable depuis 1966 (76/100 000
par an), et que celle des ulcères post-thrombotiques l’était depuis 1981
(18/100 000 par an). Heit et al. en concluaient la nécessité de mieux identifier
les patients à risque de survenue d’ulcère veineux, de mieux prévenir l’appari-
tion de l’IVC post-thrombotique, de développer des traitements plus efficaces
et en tout premier lieu de mieux utiliser les moyens qui ont fait leurs preuves
comme la contention élastique. Dans une revue récente, Pesaventano estime
qu’un tiers des patients développent des séquelles de TVP dans les deux ans
qui suivent une TVP proximale, que ces séquelles sont sévères dans 20 % des
cas avec un impact socio-économique considérable.
Plusieurs problèmes concourent à l’échec relatif de la prévision de Bauer :
– tout d’abord, nombre de TVP restent encore non diagnostiquées, et ont tout
loisir d’évoluer vers une IVC post-thrombotique sévère;
– la prise en charge des TVP est axée sur la prévention du risque d’EP et sur la
prévention du risque de récidive de MTEV; la prévention du risque d’IVC
post-thrombotique passe encore souvent au second plan alors que la conten-
tion-compression bénéficie d’une recommandation de grade A, avec deux
études de niveau 1 parfaitement concordantes, dans l’indication de prévention
du syndrome post-thrombotique dans les suites de TVP proximale;
– le suivi et la prise en charge de ces patients sur le moyen et long terme est
difficile dans le cadre d’études épidémiologiques, ils le sont plus encore dans
la pratique quotidienne;
– l’espérance de vie augmente, or, la prévalence et l’incidence de la MTEV et
de l’IVC augmentent avec l’âge, de même que la complexité (pathologies
intriquées) de l’IVC;
– enfin la connaissance de la MPT souffre d’une épidémiologie difficile et
d’une longue période de latence et de confusion entre la première TVP et
l’ulcère post-thrombotique récidivant.
Maladie thromboembolique veineuse 277

Définitions
Nous proposons les définitions suivantes :
– séquelles de TVP : ensemble des séquelles anatomiques ou hémodynami-
ques ou cliniques de TVP à un temps d’évolution donné.
– syndrome post-thrombotique : ensemble de symptômes et de signes clini-
ques secondaires à des séquelles anatomo-hémodynamiques de TVP affectant
un membre inférieur à un moment donné.
– MPT : terminologie prenant en compte les séquelles anatomiques latentes
ou asymptomatiques de TVP, les aspects cliniques du syndrome post-throm-
botique et le caractère évolutif de l’affection.
Le qualificatif « post-phlébitique » ne doit plus être utilisé car il implique
l’existence d’une composante inflammatoire qui est rarement présente. La
TVP préalable doit être sans équivoque, soit que la TVP ait été documentée,
soit qu’il existe des signes francs de séquelles de TVP.
La période située entre la guérison clinique d’une TVP récente et le moment à
partir duquel on parlera de syndrome post-thrombotique n’est pas clairement
définie, il est généralement admis qu’un recul de 5 ans est nécessaire pour
juger du risque d’IVC post-thrombotique.
Les symptômes et signes cliniques doivent être décrits en utilisant l’une des
classifications et échelles d’IVC de Widmer, de Brandjes ou de Prandoni, ou la
codification CEAP; aucune n’a un clair avantage sur l’autre.

Épidémiologie
Classiquement :
– on note 50 % de syndromes post-thrombotiques dans les 5 à 10 ans qui
suivent une TVP (mais la fourchette va de 10 à 100 %!);
– 5 ans après une TVP documentée traitée au moins 3 mois par héparine-AVK et
prescription de contention (portée le plus souvent une fois sur deux), on note que :
- 1/4 à 1/3 des survivants sont asymptomatiques,
- 2/3 ont une incontinence valvulaire profonde,
- 1/10 ont des troubles trophiques veineux sévères (taux d’ulcères à 3 ans :
4 à 7 % dans les séries 1983-1986).
Le taux d’ulcères post-thrombotiques apparaît moindre lorsque la TVP est
précocement et correctement traitée. Néanmoins, les séries récentes font
encore état d’un taux de syndromes post-thrombotiques, 2 à 10 ans après une
première TVP, compris suivant les critères retenus entre 30 et 80 % chez les
survivants. Toutes les séries montrent par ailleurs clairement que le processus
de la MPT est évolutif avec une augmentation régulière de l’incidence des
syndromes post-thrombotiques avec le temps dans une population donnée.
Bergqvist et Prandoni, dont on connaît l’implication dans la prévention des
TVP, insistent sur le coût économique considérable des complications à long
terme des TVP.
278 Maladies thrombosantes

Physiopathologie
L’importance accordée au siège des lésions est à l’origine de la classification
de Cockett (1956) en séquelles de type I sous-inguinales, type II sus-ingui-
nales, type III sous et sus-inguinales. Cockett mettait l’accent sur le fait que
les TVP sous-inguinales lésant l’appareil valvulaire sont source d’ulcères
alors que les TVP sus-inguinales engendraient surtout des signes d’obstruc-
tion veineuse. Cette classification situe toutefois mal l’obstruction chronique
de la confluence fémorale; Cockett la situe en type II mais l’obstruction chro-
nique de la confluence fémorale engendre très souvent une MPT alors que les
séquelles de TVP strictement limitées à l’axe iliaque restent le plus souvent
asymptomatiques (encadrés 6.1 et 6.2).

ÉVOLUTION LOCALE D’UNE TVP (d’après Killewich L.A. J. Vasc. Surg. 1989,
Murphy T.P. Radiology 1990, Van Ramshort B. Circulation 1992)

Extension proximale malgré traitement correct : 18 % (13-23 %), sans


parallélisme anatomoclinique.
Régression : essentiellement dans les 6 semaines.
Recanalisation de tous les segments thrombosés : 50 % dans les 90 jours.
Normalisation de l’examen ultrasonique : 50 % à 6 mois.

VALVULES ET MPT

La TVP impliquera d’autant plus de valvules qu’elle intéressera plus les


veines jambières (maximum de valvules) et s’étendra plus à l’axe fémoro-
iliaque (valvules puissantes).
Trois processus délétères affectent les valvules : la thrombose (adhérence,
rétraction), l’obstruction (hyperpression → incontinence), le reflux
primaire et secondaire par les perforantes jambières.
Zimmerman (1935) : les veines profondes se recanalisent en devenant
incontinentes.
Schull (1979) : importance de la valvule poplitée.
Moore (1986) : la perte des valvules proximales n’est pas liée à la sévérité
du syndrome post-thrombotique, alors que la perte des valvules surales
l’est fortement.
Strandness (1985-1992) : l’incontinence des valvules surales, beaucoup plus
que l’obstruction chronique, est le moteur de la MPT; 50 % des valvules
affectées par la thrombose sont détruites; la prévalence du reflux
augmente avec le temps.

Les TVP distales (sous-poplitées) ont une réputation de bénignité quant au


risque de MPT qui ne fait pas l’unanimité. Schulman, dans une série prospective
de TVP distales, note à 5 ans des signes francs d’insuffisance veineuse profonde
dans 26 % des cas, que la TVP ait été traitée par héparine ou par streptokinase.
Stacey, dans une série continue d’ulcères post-thrombotiques documentés par
Maladie thromboembolique veineuse 279

phlébographies ascendante et descendante trouve autant de séquelles de TVP


distales (24 %) que de séquelles de TVP proximales (28 %). Saarinen ne met
pas en évidence de différence marquée entre TVP distales et TVP proximales
quant au risque de MPT.
Browse et Lea Thomas ont montré une relation significative entre l’âge du
thrombus jugé sur la phlébographie initiale et l’incidence de MPT : plus la
TVP apparaît ancienne au moment du diagnostic, plus l’incidence de MPT est
élevée. Or l’expérience montre qu’au moment où le diagnostic de TVP proxi-
male est fait, il y a souvent une TVP distale déjà ancienne, expliquant que le
risque de syndrome post-thrombotique puisse être plus élevé que pour une
simple TVP distale isolée.
La TVP du membre inférieur naît en règle dans les nids valvulaires. En s’éten-
dant la TVP englobe d’autant plus de valvules qu’elle a débuté au niveau sural
(où se trouve le plus grand nombre de valvules) et qu’elle s’étend à l’axe
poplitéo-fémoral (où se trouvent les valvules les plus puissantes). Ces valvules
sont exposées à deux processus délétères princeps :
– par adhérence ou par rétraction, le thrombus détruit précocement un certain
lot de valvules,
– si la TVP est obstructive, elle engendre une hyperpression d’amont qui
altère d’autant plus facilement le jeu valvulaire que le traitement a été plus
tardif et que la collatéralité a eu moins de chances de se développer, si les
confluents clés sont restés lésés.
Notée dès 1935 par Zimmerman, le rôle de la destruction valvulaire et donc du
reflux veineux, qu’il soit précoce ou secondaire, a été confirmé par les travaux
de ces vingt dernières années comme le moteur principal, et souvent sournois,
de la MPT.
La perte du jeu valvulaire n’explique pourtant pas tout, et à l’instar de Browse,
qui intègre la MPT dans un syndrome de déficience de la pompe musculaire
du mollet (calf pump failure syndrome), il faut certainement prendre en
compte plus globalement la fonction veineuse des membres inférieurs (IVC
superficielle préexistante, valeur fonctionnelle de la pompe surale et de la
paroi veineuse). Il faut aussi s’interroger sur le rôle de la microcirculation,
voie finale commune de tous les troubles trophiques, dans la plus ou moins
grande propension à développer des ulcères sous l’effet de l’hypertension
veineuse distale post-thrombotique.
Cette hypertension veineuse distale, son niveau moyen durant la journée, sera
comme pour toute IVC le déterminant de la genèse des troubles trophiques.
Dans le cas des séquelles de TVP, les sources d’hypertension veineuse sont
plus complexes et évolutives avec un effet boule de neige.

Clinique, exploration
Les symptômes et signes du syndrome post-thrombotique sont pour l’essentiel
non spécifiques, ils appartiennent au cadre général de l’IVC (encadré 6.3).
Plus rarement il s’agira d’un syndrome obstructif dominant ou syndrome de
confluence, avec une grosse jambe ferme ou une claudication veineuse. Cette
280 Maladies thrombosantes

CLASSIFICATION DE L’IVC
REPRISE ET COMPLÉTÉE DE WIDMER (BASLE STUDY 1959-1978)
ET PORTER (1988) - BECKER, MOLLARD (1992)

La cheville et le pied y sont la vitrine de l’IVC. Le membre inférieur est


classé au niveau de l’anomalie de grade le plus élevé
Classe 0 Asymptomatique
Classe 1 IVC mineure (symptômes fonctionnels ± signe objectif de stase)
1a Signes fonctionnels : Jambes lourdes et/ou douloureuses
1b Signes de stase veineuse :
Corona phlebectatica (varicosités de cheville et du pied)
Taches de pigmentation ocre (piqueté)
Œdème vespéral de cheville
Classe 2 IVC modérée (Troubles trophiques francs sans ulcère ni antécé-
dent d’ulcère)
2a Signes cutanés
Dermite ocre en plaque, dermite purpurique franche
Ulcérations superficielles
Atrophie blanche (pourrait être placée en IVC sévère)
2b Signes cutanés et sous-cutanés sans ulcère ni antécédent
d’ulcère
Dermohypodermite chronique,
Fibrose sous-cutanée, limitée ou étendue
Dermosclérose rétractile
Classe 3 IVC sévère (ulcères, troubles trophiques majeurs)
3a Ulcère provoqué, ouvert ou cicatrisé
Eczéma de stase évolué (item discuté, conservé à ce niveau pour
rester en accord avec Porter 1988)
3b Ulcère spontané, ouvert ou cicatrisé
Ulcères récidivants
3c Troubles trophiques majeurs, cutanés et sous-cutanés, avec
ankylose de cheville

dernière, dans sa forme typique, suppose un lit veineux d’amont distensible et


l’obstruction chronique d’un confluent veineux dominant (confluence poplitée
ou fémorale commune ou confluence iliocave).
Les moyens d’exploration sont communs à l’exploration de toute IVC. Avant
d’étiqueter « syndrome post-thrombotique » des symptômes d’IVC, on doit
s’assurer que l’on est bien en présence d’une séquelle de TVP et les moyens
d’exploration doivent être adaptés au but recherché. Soulignons :
– l’importance des ultrasons pour le diagnostic précoce de reflux jambier. Il
convient de distinguer le dépistage ou le diagnostic positif et l’identification
précise d’un reflux et de sa quantification. En ce sens, la sonde Doppler est
irremplaçable en outil de première intention;
Maladie thromboembolique veineuse 281

– l’intérêt de la pléthysmographie pour le diagnostic et l’analyse d’un


syndrome obstructif (en particulier la pléthysmographie surale d’effort sur
tapis roulant);
– l’apport de la mesure de pression veineuse ambulatoire et de la phlébogra-
phie orientée par les ultrasons pour l’analyse de cas difficiles ou avant une
éventuelle chirurgie veineuse reconstructrice.

Traitement
Le traitement est préventif et palliatif, le traitement curatif reste un souhait.
Le traitement préventif concerne d’abord la prise en charge rationnelle des
TVP. De Bauer à Browse, la preuve est faite que la précocité du diagnostic de
TVP et l’héparinothérapie bien conduite diminuent le risque de MPT. Les trai-
tements, thrombolytique et chirurgical, des TVP au stade aigu n’ont pas fait la
preuve de leur efficacité à diminuer le risque de syndrome post-thrombotique.
Le port de chaussettes ou bas de contention-compression élastique adaptée
reste l’arme clef de la prévention du syndrome post-thrombotique, comme des
séries prospectives récentes l’ont formellement démontré. On peut en discuter
la durée, elle est à instaurer précocement et doit être poursuivie à long terme
dès lors que l’hémodynamique reste perturbée et surtout en cas de reflux, d’où
l’intérêt du suivi angiologique. Toutes les études validant la contention-
compression élastique dans la prévention du syndrome post-thrombotique ont
utilisé des bas de classe III internationale (30 à 40 mmHg à la cheville) soit
l’équivalent de classe IV française. Il importe maintenant de démontrer si en
utilisant des pressions moindres (classe II internationale ou III française), on
arrive globalement à la même efficacité par l’amélioration de la compliance au
traitement.
Les traitements palliatifs sont bien plus aléatoires. Le bénéfice des traitements
médicamenteux ou thermaux n’est pas formel. La chirurgie reconstructrice
palliant les obstructions chroniques majeures ou les syndromes de reflux ne
s’adresse qu’à des cas très particuliers parfaitement sélectionnés (il est toute-
fois possible que l’angioplastie-stenting change la prise en charge des
syndromes obstructifs sévères). La chirurgie limitée des perforantes jambières
n’apporte pas non plus de résultats probants. Ni l’un ni l’autre ne dispensent
du port d’une contention élastique, et Mayberry a bien démontré que la disci-
pline pour la contention élastique est le pivot de l’évolutivité et de la
récurrence des troubles trophiques; il n’est malheureusement pas toujours aisé
d’en convaincre les patients ni même parfois les médecins.
Trois notions importantes méritent d’être gardées à l’esprit en matière de
MPT :
– il faut mettre en garde le patient contre le risque d’éclosion d’un ulcère après
un traumatisme de la cheville, même minime;
– il faut veiller à la bonne conservation de la cheville et savoir entreprendre
une kinésithérapie ad hoc sans tarder;
282 Maladies thrombosantes

– tel trouble trophique associé à une séquelle de TVP peut n’être dû qu’à une
incontinence saphène avec reflux par les perforantes distales, dont le traite-
ment chirurgical peut être simple et efficace si on les reconnaît à temps.
Malgré la prévision de Bauer, la MPT reste d’actualité et en l’état actuel de
nos connaissances et de nos possibilités thérapeutiques, nous devons être
persuadés que son meilleur traitement reste sa prévention par le port d’une
contention-compression élastique adaptée, au moins pendant les deux
premières années post-TVP et tant qu’il persiste des anomalies hémodynami-
ques, en particulier un reflux profond distal.

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7 MALADIES
THROMBOTIQUES
ARTÉRIELLES
PÉRIPHÉRIQUES

ASPECTS BIOLOGIQUES
Michel R. BOISSEAU, Ulrique MICHON-PASTUREL, Pascal PRIOLLET

Dans plus de 90 % des cas, la thrombose des artères périphériques relève de


l’évolution de lésions athéroscléreuses, associées ou non à un anévrisme et
aggravées ou pas par un diabète associé. Plus rarement, il peut s’agir d’artérites
inflammatoires type thromboangéite oblitérante (maladie de Buerger, maladie
de Takayasu et de Behçet) ou d’une collagénose (lupus, syndrome des antiphos-
pholipides [SAPL]). Le mécanisme de l’occlusion artérielle est habituellement
un phénomène thrombotique, complétant une pathologie évolutive de la plaque
athéromateuse. L’embolie artérielle est moins fréquente au niveau des membres
inférieurs, en dehors de situations particulières : embolie de cholestérol et
migration de matériel cruorique à partir d’anévrismes situés au niveau aortique.
La thrombose artérielle se déroule à la surface d’une plaque athéromateuse, qui
peut être sténosante, c’est-à-dire réduisant la lumière du vaisseau au-delà de
50 %, soit non sténosante. Le thrombus formé peut ne pas occlure l’artère et être
absorbé par la plaque en lui procurant alors un fort accroissement. Il peut y avoir
migration d’agrégats plaquettaires sécrétant des substances spastiques à
l’origine de lésions distales de la microcirculation. Enfin le thrombus peut être
occlusif, provoquant ainsi un état d’ischémie tissulaire, parenchymateuse et
microvasculaire. À partir de ce schéma évolutif, seront étudiés successivement :
la genèse puis les complications des plaques athéromateuses, la formation du
thrombus et les différents aspects de l’ischémie.

Biologie de la formation de la plaque d’athérome


L’athérosclérose est une maladie générale de l’arbre artériel, et la formation
d’une plaque obéit à un mécanisme incluant des processus hémodynamiques
et héréditaires aggravés par l’existence de facteurs de risque.

Développement de la plaque
Mécanismes initiaux du développement
Les lésions initiales d’athérosclérose apparaissent dans des aires prédisposées
au niveau des bifurcations, puis s’étendent sur les parois sous-jacentes. Elles
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 285

sont fréquemment plurifocales, siégeant au niveau de l’aorte abdominale, des


carrefours iliaques et fémoraux plus ou moins étendues aux troncs adjacents.
Le facteur déclenchant la genèse de la plaque est l’anomalie du flux sanguin
au niveau des zones d’élection. La colonne sanguine se déplace sous la forme
de lames liquidiennes emboîtées (flux laminaire). La lame externe développe
un frottement sur la paroi vasculaire, appelé cisaillement ou shear stress. C’est
une pression tangentielle qui régule les fonctions endothéliales. Dans les
artères, elle s’élève entre 10 et 40 dynes/cm2 et est très active. Ainsi agit-elle
par mécanotransduction sur des sensors situés sur l’endothélium vasculaire :
canaux ioniques, tyrosine kinases, protéines G, certains enfouis dans des
replis membranaires, les caveoli, comme des isoformes de la synthétase de
NO, l’oxyde nitrique (eNO synthase [eNOS]); des intégrines de la face parié-
tale de l’endothélium jouent également ce rôle. Ces nombreuses sollicitations
entraînent la production de facteurs protecteurs dont le NO, la PGI2, des
antioxydants. De plus, le flux laminaire inhibe l’expression des molécules
d’adhésion des leucocytes, du PAI1 et de l’endothéline 1 vasoconstrictive.
Dans les zones où se développent les lésions, le flux laminaire est perturbé et
le shear stress effondré au-dessous de 5 dynes/cm2. De plus, ces zones sont
des vortex ou zones de recirculation où les courants sanguins sont très ralentis.
Les conséquences sont les suivantes : diminution des fonctions protectrices du
flux laminaire (moins de NO, plus de radicaux libres oxygénés), expression
des molécules d’adhésion de type VCAM-1, ICAM-1, margination de leuco-
cytes et en particulier de ceux de l’inflammation tels que les monocytes, les
mastocytes et les lymphocytes. Ces zones sont aussi le siège de turbulences,
en phase avec les oscillations du courant sanguin. Ces à-coups du courant
sanguin provoquent en sens opposé et de manière transitoire des pressions
élevées qui favorisent l’expression de la cytokine MCP-1 (monocyte chemo-
factor protein) attirant les monocytes et l’expression des récepteurs des LDL.
C’est donc dans de telles localisations que l’endothélium activé favorise
l’entrée de lipoprotéines et de cellules blanches vers l’intérieur de la paroi où
la lésion va se développer (voir chapitre 5).

Croissance de la plaque : données de base


Dès l’enfance, la plaque va progressivement grossir, du fait de la pénétration
dans la paroi artérielle, sous l’endothélium, de lipoprotéines LDL-cholestérol
et de globules blancs (GB) (monocytes et macrophages) (fig. 7.1) :
– l’accumulation des LDL liées au cholestérol, contenant l’apolipoprotéine B
(apo-B), est facilitée par le fait qu’elles se présentent dans le courant sanguin
sous différentes formes, dont celle de particules denses. Ces LDL denses ont
une haute affinité pour leur récepteur spécifique endothélial et transitent aisé-
ment dans les zones de recirculation définies plus haut, où leur récepteur est
exprimé;
– le transit des GB est facilité par les conditions hémodynamiques décrites
plus haut, le ralentissement du flux favorisant leur margination;
– l’oxydation des LDL est liée à la production de radicaux libres oxygénés par
l’endothélium activé, mais surtout par les monocytes. Des aldéhydes formés
286 Maladies thrombosantes

se lient et modifient l’apo-B des LDL, les dotant de propriétés nouvelles. La


présence des LDL oxydées va entraîner une forte accélération des phéno-
mènes liés à la plaque. En effet ces produits exercent un chimiotactisme direct
pour les monocytes en provoquant l’activation des cellules endothéliales et la
sécrétion de la cytokine MCP-1. En fait, ils accélèrent une inflammation
locale dans la région sous-intimale, favorisant l’afflux des cellules de la lignée
blanche, y compris de nombreux lymphocytes;
– forte activité des monocytes-macrophages : le récepteur éboueur R-scav
(scavenger) (voir fig. 7.1) des monocytes ne peut être saturé pour les LDL
oxydées, d’où l’accumulation de ces produits dans les cellules qui prennent
l’aspect de cellules spumeuses, gorgées de graisses au sein de la plaque,
s’accumulant en stries lipidiques;
– extension de l’inflammation et participation de la media : sous l’influence
des produits chimiotactiques et des cytokines d’origine endothéliale et macro-
phagique, en particulier le tumor growth factor (TGF-β1), les cellules
musculaires lisses (CML) de la media se dédifférencient et migrent vers le
sous-endothélium, où elles se comportent comme des macrophages et partici-
pent activement à l’épaississement de l’intima de l’artère;
– importance des métalloprotéinases : les CML, mais surtout les monocytes-
macrophages produisent des enzymes, les métalloprotéinases matricielles
(MMP), qui sont capables de dégrader les composantes de la matrice extracel-
lulaire (fig. 7.2). Leur activité est provoquée par les cytokines endothéliales
(interleukine 1 [IL1] et TNFα), l’interféron gamma (IFNγ) des lymphocytes
thymocytes 1 et est inhibée par les inhibiteurs spécifiques TIMP (tissue inhi-
bitor of metalloproteinases). Elles sont sous-régulées par l’IL10. Ce dernier
produit semble jouer un rôle important de diminution de la progression de la

(Zones à bas
Particules denses cisaillement) Monocytes
de LDL-cholestérol
VLA1 MCP1
R VCAM
R

Pro-urokinase
Cytokines
PDGF Activation
LDL endothélium TGFbêta-1 MMPs

R scav
LDL-oxydées

CML Radicaux
libres oxygénés Cellules
spumeuses

Fig. 7.1. Rôles des LDL et des monocytes-macrophages dans la croissance de la


plaque athéromateuse.
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 287

Plaquettes

Zone stagnante
Endothélium Monocytes

Core lipidique IL-1, TNF pro-urokinase


(facteur tissulaire)
Th-1
Chape fibreuse IFN γ
MMPs
Th-1 MMPs TGF-β1
Intima Th-r TIMPs
IL-10
Fibroblastes
Cellules musculaires lisses Collagène

Media

Fig. 7.2. La plaque athéromateuse (d’après JH. Chesebro, JS. Bardimon,


V. Furster).

plaque. En effet, régulé génétiquement, 20 % des sujets humains le sécrètent


en quantité insuffisante.

Croissance de la plaque :
l’emballement pathologique dû aux facteurs de risque
Les mécanismes précédents sont paraphysiologiques, aboutissant à la
présence de plaques chez tout individu âgé, l’athérosclérose étant la première
cause de mortalité. De nombreux facteurs, états constitutionnels ou maladies
associées accélèrent considérablement les divers processus et une plaque peut
apparaître et grossir en quelques années :
– âge et sexe : 3 % des sujets de moins de 60 ans développent une artériopa-
thie, 6 % après 65 ans. Le sex-ratio de 1,5 (hommes/femmes) tend à diminuer
avec le vieillissement;
– lipoprotéines plasmatiques : le taux mais aussi la nature des lipides porteurs
du cholestérol sont à considérer. Les plus actifs sont les particules petites et
denses de LDL, riches en apo-B, pauvres en HDL et en apo-A1 et associées
aux triglycérides et la résistance à l’insuline. Elles sont présentes chez 50 %
des patients. Le taux des LDL est génétiquement régulé tant pour la structure
des apo-B100 que pour leur récepteur. Ainsi l’hypercholestérolémie, avec
élévation des LDL et abaissement des HDL, constitue un des risques majeurs
dans ce domaine, comme le démontrent a contrario l’effet protecteur des
régimes adaptés et des statines. L’apport excessif de graisses saturées est à la
base du désordre lipidique. Néanmoins des données génétiques y participent
également. Ainsi les taux élevés de LDL et bas de HDL sont plus fréquents
dans les populations du nord de l’Europe que dans celles du sud. Autre
288 Maladies thrombosantes

exemple : deux enzymes président au métabolisme des lipoprotéines, la MTP


(microsomial transfer protein) et la CETP (cholesterol ester transfer protein).
Il apparaît que le polymorphisme fonctionnel G/T dans le promoteur du gène
de la MTP augmente le taux des LDL. Le génotype B1-M1-R2 est également
associé à une activité plus élevée de la CETP entraînant des taux bas de HDL.
L’allèle E4 de l’apo-E est associé à des taux élevés de LDL. De telles anoma-
lies trouvent un grand intérêt dans les artériopathies périphériques juvéniles;
– le tabagisme : l’usage du tabac, facteur indépendant et puissant, est pratique-
ment constant chez l’artériopathe (78 % dans l’étude Framingham), la
dépendance étant liée à la nicotine. Les effets délétères biologiques de la nico-
tine sur les vaisseaux sont nombreux : libération de produits spastiques, de
radicaux libres. De manière générale, la nicotine accentue le processus de base
de l’athérogenèse, soit l’oxydation et le transit des LDL. Une enzyme, la
CYP2A6 métabolise la nicotine en cotinine. Il est déficitaire chez certains
sujets, ce qui peut être un facteur d’artériopathie précoce. Il favorise le déve-
loppement proximal de l’artériopathie;
– l’hyperhomocystéinémie : l’élévation de l’homocystéine est un facteur de
risque indépendant d’artériopathie, dont la fréquence (10 %) est bien reconnue
aujourd’hui. Le métabolisme de l’homocystéine étant dépendant des vita-
mines B12, B6 et de l’acide folique, les carences en ces produits peuvent jouer
un rôle. Sont aussi indispensables des enzymes tels que la MTHFR et la CBS.
L’homozygotie pour le polymorphisme C677T de la MTHFR est accompa-
gnée d’une élévation des concentrations d’homocystéine, associée à une
baisse des folates, représentant un risque constitutionnel. Il en est de même
pour certains polymorphismes de la CBS, qui peuvent s’associer à la
précédente;
– les sélectines et la leucocytose : l’entrée des leucocytes dans la paroi est liée
à leur recrutement par les sélectines P et E exprimées par l’endothélium
activé. Certains polymorphismes de la sélectine E (Ser128Arg, Leu54Phe et la
mutation de la guanine en thymine en position 98) sont associés au développe-
ment précoce, avant 50 ans, de l’artériopathie. Par ailleurs le taux des
leucocytes circulants est un facteur de mauvais pronostic au-delà de
10 000/mm3, prédictif d’accidents coronariens. Habituellement, l’hyperleuco-
cytose chronique est associée à un fort tabagisme;
– le diabète : il favorise la progression des plaques par de nombreux méca-
nismes, en particulier en accentuant l’oxydation des LDL, et en étant de plus
fréquemment associé à l’hyperlipidémie et l’hypertriglycéridémie. Les radi-
caux libres sont favorisés par l’hyperglycémie. Le diabète constitue une
maladie inflammatoire majeure, libérant de nombreux produits, des cytokines
au fibrinogène;
– inflammation et infection : l’athérosclérose s’apparente étroitement à un
syndrome inflammatoire dont l’intensité est corrélée à la survenue de compli-
cations. Ainsi le taux élevé de la protéine C réactive (CRP) est un indicateur
de gravité. Dans ces états, la présence de cytokines, chémokines et facteurs de
croissance est augmentée, ce qui favorise l’évolution de la plaque. L’IL6 est
ainsi élevée, souvent en corrélation avec un de ses polymorphismes. Certains
déficits de systèmes de défense tels que les thymocytes régulateurs (Thr) ou
surtout l’IL10 sont des facteurs aggravants. Enfin, le core de la plaque peut
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 289

héberger des bactéries de type Chlamydia, réalisant une infection chronique


de la plaque et activant son évolution et sa fragilité. Il est même admis que des
antécédents d’infections virales ou microbiennes agissent sur l’évolution des
lésions artérielles.

La plaque constituée
L’aspect typique de la plaque est une voussure liée à l’épaississement sous-
endothélial formée essentiellement de CML sécrétoires, de macrophages et de
lymphocytes (voir fig. 7.2). Un core central s’est formé, fait essentiellement
de monocytes lésés et donc riches en lipides et en un facteur de l’hémostase
très thrombogène, le FT, que ces cellules produisent en abondance. Ce core est
surmonté par une chape fibreuse tapissée de cellules endothéliales. Ces
aspects, récemment précisés, mettent en place le décor du drame possible de la
rupture. En amont et en aval de la plaque, la chape se lie au vaisseau par deux
épaules. Ces points d’insertion sont des zones d’adhésion leucocytaire, infil-
trées de monocytes sécrétant des MMP et de polynucléaires sécrétant aussi de
l’élastase, ce qui les fragilise : ce seront là les points de rupture. Deux possibi-
lités coexistent : ou bien l’activité des facteurs de croissance, surtout le TGF-
β1, favorise l’action de fibroblastes et une fibrose de la plaque va tendre à
limiter sa taille, tout au moins à stopper sa croissance. Ou bien l’ingestion de
lipides par les CML et les monocytes-macrophages continue à se développer
et des plaques molles à large core sont édifiées, pourvues d’une riche néovas-
cularisation favorisant des hémorragies au sein même du core. Ce type de
plaque va s’avérer thrombogène car riche en FT. En ce qui concerne les
membres inférieurs, les artères, dans la continuité des artères iliaques, sont
élastiques donc plus sujettes à la formation de plaques à gros cores lipidiques.
Les artères plus distales sont musculoélastiques, contenant de nombreuses
CML dans la media et auront davantage tendance à avoir une évolution
fibrosante.

Environnement vasculaire de la plaque


Deux phénomènes accompagnent la plaque (fig. 7.3) :
– la présence d’une plaque en développement induit le remodelage (remode-
ling), soit le développement harmonieux, local, de l’artère aboutissant à un
élargissement de la lumière compensant ainsi la réduction due à la plaque. Ce
phénomène est indépendant des facteurs de risque, du taux de cholestérol en
particulier, mais est corrélé à la taille de la plaque. Il est limité, voire absent,
au niveau d’artères les plus musculaires, donc plus rapidement sténosantes;
– développement de la circulation collatérale : ce phénomène est primordial
dans les artériopathies des membres inférieurs et conditionne le pronostic. Le
mécanisme est lié avant tout à la pression du flux sanguin dévié vers des
artères collatérales de petit calibre (1 à 2 mm) et la stimulation endothéliale
par mécanotransduction sous la forme de turbulences et d’à-coups de pression
qui favorisent la production endothéliale de facteurs de croissance PDGF et
surtout VEGF. L’apparition de nouveaux vaisseaux se fait à l’initiative de
cellules endothéliales qui, ainsi stimulées, reprennent une activité « souche ».
290 Maladies thrombosantes

Artère

LDL
Monocytes Plaque
lymphocytes Plaque fibreuse Remodelage
graisseuse (sténose)

Circulation
collatérale

Fissure Hémorragie
et croissance
Spasme
(ischémie
reperfusion)
Rupture :
thrombose
artérielle Sténose et
et ischémie ischémie

Ischémie critique distale


(microvaisseaux distaux, peau, orteils)

Fig. 7.3. Algorithme des événements artériels au cours de l’artériopathie des


membres inférieurs.

Elles sont aidées par des précurseurs souches endothéliaux circulants, venant
de la moelle hématopoïétique. L’injection in situ de cellules souches médul-
laires et/ou de VEGF accentue le bénéfice de ces phénomènes (thérapie
cellulaire et génique).
Le concept de plaque vulnérable apparaît aujourd’hui important : plaque
molle, à chape amincie, aux épaules fragiles. Le mouvement des artères au
moment de l’effort, le stress (adrénaline), les sécrétions plaquettaires de
produits vasoconstricteurs (thromboxane A2 [TxA2], sérotonine), tout cela
peut provoquer de manière inopinée au minimum une hémorragie dans le core
et parfois la rupture et un thrombus occlusif. La figure 7.3 schématise l’algo-
rithme des événements évolutifs ou aigus pouvant survenir au niveau des
zones où se développent les plaques athéromateuses.

Complications liées à la plaque


Il faut considérer les complications liées à l’ouverture de la chape fibreuse et
celles liées à la sténose du conduit vasculaire (voir fig. 7.3).

Fissure puis rupture de la plaque


L’étude anatomique a montré que la plupart des plaques fissurées ou fracturées
étaient peu fibreuses, chargées de lipides au niveau de leur core et souvent peu
sténosantes. Il y a donc dissociation entre la taille, le degré de rétrécissement
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 291

du vaisseau artériel et le danger de rupture. La fissure active les plaquettes et


permet à du sang de pénétrer dans la plaque (hémorragie d’origine externe).
Ces deux événements accroissent la plaque. Enfin, la fracture induit la forma-
tion de thrombus dont l’extension peut conduire à l’ischémie. Au total la
formation de thrombus de petite taille sur fissure est fréquente au niveau des
plaques, augmentant leur croissance et participant par à-coups à l’ischémie.
En revanche l’ouverture du core d’une plaque lipidique, même de petite taille,
crée l’occlusion aiguë sur fracture.
La rupture de la plaque intéresse plus souvent celles de petite taille que celles
de grande taille, plus rares.

Sténose et ischémie artérielles


Le rétrécissement progressif de la lumière vasculaire peut survenir, malgré le
remodelage et ce plus fréquemment sur les segments artériels moins riches en
CML. C’est une condition fréquente au niveau des artères des membres infé-
rieurs. La sténose va entraîner, par étapes, une série de désordres cliniques et
biologiques qui caractérisent les syndromes d’ischémie artérielle. L’ischémie
est la réduction du flux sanguin dans les parenchymes, représentés ici par les
masses musculaires et le tissu cutané en particulier au niveau des orteils et du
pied. Elle provoque une réduction de l’apport en oxygène, hypoxie puis
anoxie, une symptomatologie d’appel représentée par la claudication intermit-
tente et des douleurs et rougeurs des orteils, un bouleversement
physiopathologique des tissus vasculaires, surtout des cellules endothéliales
représentant un tissu endo-exocrine très réactif, le développement d’une circu-
lation collatérale de suppléance, malheureusement très variable d’une région
et d’un sujet à l’autre.
L’ischémie doit être analysée suivant des stades d’aggravation : ischémie
intermittente, hypoxie prolongée et ischémie-reperfusion correspondant à
l’ischémie critique sur le plan clinique (voir fig. 7.3). Néanmoins, cette classi-
fication est en partie théorique, les stades pouvant s’intriquer selon les
territoires atteints.
– ischémie intermittente : lorsque la sténose dépasse 50 %, l’ischémie peut
apparaître sous deux conditions : soit le besoin en oxygène est augmenté au
moment d’un effort (marche), au moment d’ouvertures de territoires micro-
vasculaires, ou bien une occlusion spastique en est la cause. En effet, juste en
aval de la plaque une stagnation de cellules sanguines permet la production de
substances vasoconstrictives : TxA2 et sérotonine par les plaquettes activées
sur une fissure de la plaque, leucotriènes (B2 et C) et radicaux libres oxygénés
par les leucocytes. La contraction de la media musculaire provoque un phéno-
mène de clapet obturant provisoirement le vaisseau. La chute du cisaillement
du flux sanguin et l’hypoxie générées dans ces conditions sont en général de
courte durée et non pathologiques. L’hypoxie induit par ailleurs une produc-
tion endothéliale d’adénosine (AMP) et de facteurs de croissance, en
particulier de VEGF et de PDGF qui aident au développement de vaisseaux
collatéraux. C’est ainsi que des hypoxies transitoires et modérées apparaissant
292 Maladies thrombosantes

à la marche, provoquent certes la claudication du sujet, mais ce faisant limitent


les lésions, ce qui constitue le conditioning;
– l’ischémie prolongée : lorsque le flux sanguin est diminué de façon cons-
tante dans le temps, les phénomènes biologiques institués sont délétères, sans
être irréversibles. La baisse de perfusion des territoires distaux, entraînant une
chute du cisaillement à la paroi, provoque en particulier une hypoproduction
de NO et de PGI2. Ainsi s’installe une dysrégulation vasomotrice au niveau
microcirculatoire, surtout au niveau de la peau. Tous les phénomènes sont
néanmoins corrigés par la restauration du flux, qui ne provoque pas de réac-
tion, du fait que l’accumulation de leucocytes et de métabolites nocifs est
modérée à ce stade;
– l’ischémie-reperfusion. Il s’agit ici d’une décompensation de l’ischémie
prolongée : la réintroduction de sang oxygéné et riche en fer provoque le burst
leucocytaire, c’est-à-dire une production massive de radicaux libres et une
forte activation des cellules endothéliales de territoires microcirculatoires
d’aval, avec accumulation de leucocytes. Certaines zones cutanées des orteils
et du pied vont se nécroser : zones avasculaires, troubles vasomoteurs. Les
cellules musculaires des muscles striés vont, de leur côté, présenter un œdème
cellulaire, des dépôts de calcium dans les mitochondries. Les amas liquidiens
compriment le réseau capillaire et aggravent l’anoxie. Des bandes de contrac-
tion apparaissent. Le degré des lésions est d’autant plus élevé que l’I/R se
prolonge. Le malade est en état d’ischémie critique, situation d’urgence
médico-chirurgicale nécessitant la mise en jeu d’une revascularisation.

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ASPECTS CLINIQUES, DIAGNOSTIQUES


ET THÉRAPEUTIQUES DES MALADIES
THROMBOTIQUES ARTÉRIELLES PÉRIPHÉRIQUES
Pascal PRIOLLET, Michel R. BOISSEAU, Ulrique MICHON-PASTUREL

Fréquente, souvent asymptomatique, l’artériopathie des membres inférieurs


est généralement d’origine athéroscléreuse. Les autres causes d’artériopathie
sont rares mais peuvent être évoquées dans certains cas en fonction de l’âge et
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 293

du contexte clinique (tableau 7.I). L’artériopathie est plus fréquente chez


l’homme et se manifeste cliniquement surtout à partir de la 6e décennie.

Tableau 7.I. Principales causes d’artérites non athéroscléreuses


des membres inférieurs

Cause Âge évocateur (ans)


Artérites inflammatoires
Maladie de Buerger < 40
Maladie de Takayasu < 40
Maladie de Behçet 20-50
Maladies héréditaires du tissu conjonctif
Maladie d’Ehlers-Danlos 20
Pseudo-xanthome élastique 20-40
Maladies congénitales anatomiques
Coarctation aortique 10-30
Artère sciatique persistante variable
Pièges poplités variable
Artérite radique variable
Ergotisme 25-50

Reconnaître l’artériopathie
Douleurs
L’origine artérielle d’une symptomatologie douloureuse est généralement
facilement évoquée.

❐ Claudication intermittente (stade II de Leriche et Fontaine)


Il s’agit typiquement d’une crampe douloureuse du mollet intervenant à
l’effort, bloquant la marche après une distance variable, cédant au repos pour
reprendre à l’effort. L’examen confirme le diagnostic par la palpation des
pouls et l’auscultation des trajets artériels. Certains patients décrivent une fati-
gabilité, des lourdeurs de jambe, des paresthésies rythmées par l’effort. La
distance de marche est moins importante dans la décision thérapeutique que le
handicap réel qui tient compte des besoins (ou des souhaits) d’activité du
patient. L’abolition d’un pouls fémoral traduit une occlusion de l’artère
iliaque. La diminution d’un pouls fémoral et l’audition d’un souffle sur le
trajet artériel au niveau de l’ombilic, de la fosse iliaque ou à la partie haute du
triangle de Scarpa, caractérisent une sténose iliaque hémodynamiquement
significative. Une claudication bilatérale, haut située, associée à une impuis-
sance et à une atrophie musculaire des membres inférieurs, témoigne de
l’obstruction de l’aorte sous-rénale et des artères iliaques désignée sous le
nom de syndrome de Leriche. L’abolition du pouls poplité et des pouls distaux
alors que le pouls fémoral est correctement perçu évoque une occlusion ou
une sténose serrée fémorale superficielle ou fémoropoplitée.
294 Maladies thrombosantes

Une claudication de la voûte plantaire est rare mais source fréquente d’erreur
de diagnostic avec un trouble statique ou une affection rhumatologique du
pied. En cas d’occlusion de l’artère iliaque ou hypogastrique, la douleur peut
se localiser à la fesse ou à la face postérieure de la cuisse, mimant une scia-
tique. Toutefois, le lien avec l’effort et l’abolition ou la franche diminution du
pouls fémoral affirment l’artériopathie.
Une claudication intermittente des membres inférieurs peut aussi être le
témoin d’un canal lombaire rétréci le plus souvent par des lésions dégénéra-
tives discovertébrales responsables de lombalgies ou de radiculalgies d’effort
survenant pour une distance de marche très précise. Les radiographies stan-
dards montrent une atteinte dégénérative des derniers étages lombaires. Le
scanner permet de préciser les éléments réduisant le canal lombaire et d’en
mesurer le diamètre antéro-postérieur. L’IRM recherche une atteinte
épidurale.

❐ Douleurs de décubitus (stade III de Leriche et Fontaine)


Les douleurs de décubitus se caractérisent par une sensation d’engourdisse-
ment ou de refroidissement qui débute au niveau du gros orteil ou de l’avant-
pied après quelques minutes ou plus souvent quelques heures de décubitus.
Ces douleurs sont calmées par la position jambes pendantes. Elles sont
toujours la conséquence d’une ischémie sévère authentifiée cliniquement par
les modifications de la trophicité du pied : modifications de la coloration,
refroidissement, peau sèche et squameuse, ongles épaissis et fissurés. Les
pulpes sont molles et plus ou moins déshabitées. Le temps de recoloration est
allongé après pression de la pulpe des orteils. Actuellement, la notion
d’ischémie critique vient compléter la classification de Leriche et Fontaine.
Elle est définie, que le malade soit diabétique ou non, par l’un des deux
critères suivants :
– douleurs ischémiques de décubitus, persistantes et récidivantes, ayant néces-
sité régulièrement un traitement antalgique adéquat de plus de 2 semaines
avec une pression systolique ≤ 50 mmHg à la cheville et/ou ≤ 30 mmHg à
l’orteil;
– ulcération ou gangrène du dos du pied ou des orteils avec une pression
systolique < 50 mmHg à la cheville ou ≤ 30 mmHg à l’orteil.

❐ Apparition brutale d’une douleur d’un membre inférieur


L’apparition brutale d’une douleur d’un membre inférieur chez un artériopathe
traduit une oblitération artérielle aiguë dont le retentissement clinique est
variable selon le mécanisme de l’occlusion (thrombose ou embolie d’origine
cardiaque ou d’artère à artère) et la collatéralité préexistante. Il peut ainsi
s’agir d’une claudication intermittente survenue d’un jour à l’autre avec
réduction très importante de la distance de marche, sans ischémie de repos.
L’oblitération artérielle aiguë n’est alors pas synonyme d’ischémie aiguë.
Inversement, une ischémie aiguë est toujours la conséquence d’une oblitéra-
tion artérielle aiguë. Le diagnostic d’ischémie aiguë est porté cliniquement sur
la survenue brutale d’une douleur d’un membre ou d’un segment de membre
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 295

qui devient pâle et glacé. L’impotence fonctionnelle est totale, associée à des
signes d’ischémie nerveuse constants : hypoesthésie ou anesthésie des orteils
et/ou du pied, parésie ou paralysie des orteils. Dans tous les cas, la revasculari-
sation est urgente.

❐ Troubles trophiques (stade IV de Leriche et Fontaine)


Bien que caractérisant le stade IV de la classification de Leriche et Fontaine,
ils ne sont pas toujours synonymes d’ischémie critique.
Une gangrène d’orteil traduit toujours une ischémie locale sévère. Elle est
sèche ou humide, plus ou moins bien limitée. Elle peut être totalement indo-
lore, notamment chez les diabétiques souffrant d’une neuropathie sévère, chez
lesquels l’apparition de la nécrose est souvent favorisée par un épisode infec-
tieux qui décompense l’artériopathie sous-jacente.
Les ulcères artériels sont généralement profonds, à bords assez réguliers,
souvent petits, comme taillés à l’emporte-pièce, atones, infectés, très doulou-
reux, distaux, avec une nette prédilection pour les zones d’appui et de
frottement : dos et bord externe du pied, saillie de la première articulation
métatarsophalangienne. D’autres sièges sont toutefois possibles dans le cas
d’ulcères post-traumatiques. D’autres troubles trophiques distaux sont à
rechercher systématiquement au niveau des points d’appui des orteils et des
espaces interdigitaux. Ils surviennent spontanément ou succèdent à un trauma-
tisme même minime (soins de pédicure, chaussures trop serrées) ou à une
infection locale (intertrigo, pieds d’athlète) et peuvent engendrer des douleurs
de décubitus.

Cas particulier du pied diabétique


La distinction entre pied artériel, pied neuropathique et pied infectieux est
utile.

❐ Pied artériel
Comme chez le non diabétique, l’artériopathie diabétique relève de la combi-
naison de lésions athéro-, artério- et artérioloscléreuses sans qu’il existe
d’argument, en particulier à l’échelon histologique, permettant d’isoler une
artériopathie spécifique du diabète. Toutefois, chez le diabétique de longue
durée d’évolution, les lésions peuvent prédominer sur les artères de moyens et
de petits calibres avec une atteinte des axes de jambe plus diffuse que chez les
non-diabétiques. En revanche, les artères du pied semblent moins touchées en
cas d’artériopathie chez les diabétiques que chez les non diabétiques, laissant
la possibilité de revascularisations très distales.

❐ Pied neuropathique
La neuropathie diabétique est responsable de la disproportion entre des trou-
bles trophiques parfois impressionnants et l’absence de douleurs. Elle favorise
l’apparition de déformations de la structure du pied (orteils en marteau, en
griffe, affaissement de la voûte plantaire) et modifie les points de pression
296 Maladies thrombosantes

avec un report électif du poids sur la tête des métatarsiens à l’origine d’une
hyperkératose, puis d’ulcérations et de maux perforants plantaires. Elle
s’accompagne d’une amyotrophie, d’une hyposudation, d’une hypoesthésie
tactile, algique, vibratoire, d’une aréflexie ostéotendineuse. Son terme évolutif
au niveau du pied est l’ostéoarthropathie, responsable de multiples déforma-
tions réalisant le pied cubique de Charcot.

❐ Pied infectieux
L’infection est une menace permanente pour le pied des diabétiques. Elle est
pratiquement constante en cas de troubles trophiques dont elle est un facteur
majeur d’aggravation pouvant conduire à une amputation, sans qu’il y ait
d’artériopathie sévère sous-jacente. L’infection est souvent plurimicrobienne
par des bactéries anaérobies et aérobies. En cas de troubles trophiques des
orteils, l’examen clinique avec mobilisation de l’articulation interphalan-
gienne ou métatarsophalangienne est la méthode la plus sûre pour faire le
diagnostic d’ostéoarthrite fistulisée. En effet, les signes radiologiques sont
retardés et risquent d’être confondus avec des images d’ostéoarthropathie. La
distinction entre ostéite isolée et ostéoarthrite est importante, car cette dernière
ne laisse aucune chance d’obtenir la cicatrisation sans exérèse.
Cette distinction entre pied artériel, pied neuropathique et pied infectieux
expose à un risque évident : celui de sous-estimer la composante pathogénique
qui n’est pas au premier plan. Ainsi, la présence d’un mal perforant plantaire
n’exclut pas une artériopathie associée asymptomatique. De même, la
gangrène d’un orteil ou l’ulcération d’un talon chez un diabétique ne se déve-
loppe le plus souvent qu’à la faveur d’une neuropathie qui, en supprimant
l’alarme douloureuse, retarde le diagnostic et augmente considérablement le
risque ultérieur de récidive.

Recherche des pouls périphériques


La recherche des pouls périphériques est un temps essentiel de l’examen
clinique. La présence d’un pouls tibial postérieur normal exclut une artériopa-
thie avec une fiabilité de 90 à 95 %. La non-perception (ou la mauvaise
perception) des pouls à la cheville peut être le fait d’une artériopathie, de
variations anatomiques ou de pieds froids. Elle rend nécessaire la mesure de
l’index de pression systolique.

Recherche d’un souffle vasculaire


Un souffle iliaque ou fémoropoplité a une grande valeur diagnostique mais ne
présume pas du degré de sténose, sauf en cas de souffle piaulant qui traduit
une sténose serrée.

Recherche d’une masse pulsatile et expansive


L’examen clinique détecte un anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale
une fois sur deux quand il atteint une taille de 5 cm. La quasi-totalité des
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 297

anévrismes fémoraux peut être dépistée par la clinique. Toute artère poplitée
trop facilement perçue est un anévrisme jusqu’à preuve du contraire.

Évaluer la sévérité de l’ischémie


❐ Classification de Leriche et Fontaine
Cette classification définit l’absence de manifestations cliniques (stade I), l’exis-
tence d’une claudication intermittente (stade II), la présence de douleurs de
décubitus (stade III) et la présence de troubles trophiques (stade IV). Cette classi-
fication traduit bien l’aggravation du retentissement fonctionnel de l’insuffisance
artérielle, mais a comme inconvénient majeur de suggérer à tort que la maladie
puisse passer d’un stade à un autre au fil d’une aggravation progressive, alors que
l’artériopathie peut se manifester d’emblée par un stade IV.

❐ Mesure de l’index de pression systolique de cheville (IPSC)


La mesure de l’IPSC par examen Doppler est la méthode diagnostique recom-
mandée pour le dépistage précoce de l’artériopathie et l’évaluation de sa
sévérité.
La sonde de Doppler est placée sur le trajet de l’artère pédieuse et de l’artère
tibiale postérieure. La pression systolique mesurée est exprimée en mm de
mercure (mmHg) et rapportée à la pression humérale. Sa valeur normale est de
1,10 ± 0,10 mmHg. La valeur seuil pathologique pour le diagnostic de l’arté-
riopathie des membres inférieurs est de 0,90 (rapport entre la pression
systolique mesurée à la cheville et la pression humérale). Une pression systo-
lique de cheville < 50 mmHg traduit une ischémie sévère. Mais chez les
diabétiques comme chez les personnes âgées, la médiacalcose peut rendre les
artères incompressibles. Chez ces patients, la mesure de la pression systolique
au gros orteil est utile. Une pression au gros orteil < 30 mmHg définit une
ischémie critique.
Un index < 0,90 est un facteur de risque indépendant de morbidité et de morta-
lité par athérosclérose, que l’artériopathie soit symptomatique ou non.

❐ Définir le profil lésionnel


L’échographie en temps réel couplée au Doppler assure un bilan lésionnel
précis. L’échographie détecte les sténoses et les occlusions et, couplée au
Doppler, permet d’en apprécier le caractère hémodynamiquement significatif,
au repos ou lors de l’exercice physique. L’échographie Doppler avec codage
couleur du signal permet une meilleure visualisation des lésions peu écho-
gènes (athérosclérose non calcifiée, fibrose, thrombus pariétal), localise
rapidement les zones de turbulences et les sténoses significatives. Elle dépiste
plus facilement les lésions à haut risque évolutif dans les zones critiques
(trépieds iliaque, fémoral et jambier). Toutefois, chez le diabétique, la média-
calcose limite les performances de l’échographie Doppler au niveau des
artères de jambe en sorte que, si le profil lésionnel à ce niveau est décisif pour
porter les indications thérapeutiques, une artériographie est indispensable.
298 Maladies thrombosantes

L’artériographie reste irremplaçable chaque fois qu’une solution de revascula-


risation est envisagée. La numérisation des images au cours d’une
artériographie fémorale permet une visualisation satisfaisante des territoires
les plus distaux (arcade plantaire), la perméabilité des artères du pied étant un
facteur essentiel du bon pronostic de revascularisation des axes de jambe dans
leur portion terminale. La nécessité d’une bonne définition des images exclue
dans cette indication le recours à la voie veineuse. En cas d’insuffisance
rénale, l’indication dépendra de la clairance de la créatinine et du contexte.
Une bonne hydratation est indispensable. L’angioscanner et l’angiographie
par résonance magnétique (ARM) sont une alternative à l’artériographie,
surtout lorsqu’une solution de revascularisation n’est pas immédiatement
envisagée.

Évaluer l’extension de la maladie athéromateuse


aux autres territoires
L’artériopathe est un polyvasculaire. Un patient sur quatre souffrant d’une
artériopathie des membres inférieurs mourra dans les 5 ans d’une complica-
tion coronarienne ou cérébrale. Selon le registre épidémiologique KEACH, la
mortalité à un an d’un artériopathe est 2 à 3 fois supérieure lorsqu’il existe une
atteinte athéroscléreuse symptomatique dans un autre territoire. Le diagnostic
de l’artériopathie impose donc le dépistage d’une atteinte athéroscléreuse dans
le territoire des coronaires, des troncs supra-aortiques et des artères rénales
lorsque l’artéritique est également hypertendu.
L’interrogatoire recherche des antécédents et des signes fonctionnels d’angor
ou d’infarctus du myocarde (IDM), d’accident ischémique transitoire (AIT),
d’AVC. L’examen clinique recherche des signes d’insuffisance cardiaque, des
souffles cardiaques et vasculaires dans tous les territoires accessibles.
L’ECG, la radiographie pulmonaire et l’échographie couplée au Doppler des
troncs supra-aortiques sont réalisés de façon systématique. Les autres explora-
tions sont indiquées en fonction des données de la clinique et des résultats des
examens précédents.

Traiter l’artériopathie
Le traitement de l’artériopathie doit être proportionné au handicap fonc-
tionnel, mais il doit aussi prendre en considération la topographie des lésions
artérielles, le profil évolutif de l’artériopathie, les autres localisations de la
maladie athéroscléreuse, l’âge et les antécédents non vasculaires. Le contrôle
des facteurs de risque dominé par l’arrêt du tabac est dans tous les cas indis-
pensable. Les traitements vasoactifs sont indiqués au stade de claudication
intermittente lorsque le principe d’une revascularisation par angioplastie
percutanée ou par chirurgie n’a pas été retenu. Pour tous les territoires arté-
riels, la prévention des aggravations fait appel aux antiagrégants plaquettaires.
Hormis le cas particulier d’une artériopathie emboligène, les anticoagulants ne
sont utilisés qu’en cas d’oblitération artérielle aiguë récente. Éventuellement
associés à des gestes de radiologie interventionnelle, les thrombolytiques sont
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 299

réservés en sauvetage de membre, aux ischémies critiques non chirurgicales.


Les prostanoïdes et les autres vasoactifs injectables sont utilisés dans ce même
contexte pour leurs effets antalgiques voire, dans le cas particulier des prosta-
noïdes, comme une aide à la cicatrisation des troubles trophiques. Ces derniers
justifient dans tous les cas des soins locaux de bonne qualité mais, si une
gangrène distale témoigne d’une ischémie sévère nécessitant souvent une
tentative de revascularisation, un ulcère de jambe peut être, en revanche,
compatible avec un traitement exclusivement médical.

Traitement des facteurs de risque cardiovasculaire


❐ Tabagisme
L’arrêt du tabac est impératif. Il permet non seulement d’augmenter la distance
de marche des malades, mais surtout de ralentir l’évolution de la maladie. Des
traitements substitutifs nicotiniques (gommes à mâcher, patchs à la nicotine)
sont commercialisés. L’aide au sevrage tabagique suppose une évaluation
précise du niveau de dépendance du malade vis-à-vis de la nicotine, la recherche
d’un état dépressif ou anxieux sous-jacent, la mise en valeur des motivations et
la prise en charge des craintes ressenties face à l’arrêt du tabac (peur de grossir,
par exemple). Le médecin traitant a le rôle le plus important en première inten-
tion. L’arrêt total et définitif de toute consommation de tabac est tout aussi
essentiel après une chirurgie de revascularisation : le tabagisme multiplie par 3
le risque d’occlusion postopératoire des pontages aortofémoraux et divise par 2
le taux de perméabilité à 5 ans des pontages sous-inguinaux.

❐ Dyslipidémie
Le profil dyslipidémique chez l’artériopathe associe souvent LDL-cholestérol
haut, HDL-cholestérol bas et hypertriglycéridémie. La cible thérapeutique
concernant le LDL-cholestérol est identique chez l’artériopathe et chez le
coronarien en prévention secondaire : LDL-cholestérol < 1 g/l. Des mesures
diététiques sont toujours prescrites en association au traitement
médicamenteux.

❐ Hypertension artérielle
L’hypertension artérielle multiplie par 2 le risque de développer une artériopa-
thie et touche près de 50 % des artériopathes. La cible thérapeutique est la
même chez l’artériopathe que chez le non-artériopathe : pression systolique
< 140 mmHg et pression diastolique < 85 mmHg. Une sténose des artères
rénales mérite d’être évoquée dans un contexte de maladie athéroscléreuse
déjà symptomatique et sera recherchée par le Doppler couplé à l’échographie.
Tous les bêta-bloquants peuvent réduire la distance de marche en cas de clau-
dication intermittente. Ils ne sont pas pour autant contre-indiqués, notamment
si une coronaropathie justifie leur utilisation. Tous les antihypertenseurs
peuvent être utilisés chez les artériopathes. Les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion (IEC) doivent être utilisés prudemment du fait du risque d’insuffi-
sance rénale, voire de thrombose de l’artère rénale sténosée, en cas de sténose
bilatérale des artères rénales ou de sténose sur rein fonctionnellement unique.
300 Maladies thrombosantes

L’utilisation des inhibiteurs calciques et des vasodilatateurs est volontiers


privilégiée chez l’artériopathe.

❐ Diabète
Le diabète imprime sa propre marque à la genèse de l’athérosclérose. Il aggrave le
pronostic fonctionnel et vital des patients souffrant d’une artériopathie. Le
contrôle glycémique agit essentiellement sur la microangiopathie, sans effet direct
sur la macroangiopathie. La cible thérapeutique est une hémoglobine glyquée
< 7 %. Des mesures diététiques sont associées au traitement antidiabétique.

Prévention des complications de l’athérothrombose


Elle vise à éviter la déstabilisation des plaques athéroscléreuses à l’origine des
accidents thrombotiques et emboliques rencontrés au cours des artériopathies.
Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de mois
d’avril 2006 suggèrent, quel que soit le stade de l’artériopathie, l’association
d’un antiagrégant plaquettaire, d’une statine et d’un inhibiteur de l’enzyme de
conversion (que le patient soit hypertendu ou non).

❐ Antiagrégants
L’aspirine est prescrite à la dose de 75 à 300 mg/j en une prise. Entre 160 et
325 mg/j en une prise, elle diminue les réocclusions des pontages sous-
cruraux, mais n’a pas l’AMM dans cette indication.

❐ Clopidogrel
Le clopidogrel (Plavix) prescrit à 75 mg/j dans l’essai CAPRIE est significati-
vement plus efficace que l’aspirine (325 mg/j) pour réduire les complications
athérothrombotiques chez les patients souffrant d’une artériopathie des
membres inférieurs avec, en particulier, une réduction du nombre d’IDM
mortel ou non. La tolérance clinique et biologique du clopidogrel est
meilleure que celle de l’aspirine en particulier au plan gastro-duodénal.

❐ Autres antiagrégants
Les AINS et le dipyridamole n’ont pas démontré leur efficacité dans la préven-
tion des complications de l’athérothrombose.

❐ Antivitamines K (AVK)
Leur indication est réservée aux artériopathies emboligènes ou aux patients
ayant bénéficié d’une revascularisation très distale en présence d’un lit d’aval
médiocre, attitude non validée.

❐ Héparines
L’héparine standard par IV est recommandée en cas d’oblitération artérielle
aiguë. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) n’ont pas d’AMM
dans cette indication.
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 301

❐ Thrombolytiques
Leur utilisation est réservée aux oblitérations artérielles aiguës graves, sans
signe sensitivomoteur où la vitalité du membre n’est pas menacée immédiate-
ment en présence d’un lit d’aval jambier médiocre compromettant les chances
de succès d’une restauration artérielle chirurgicale. La thrombolyse est géné-
ralement réalisée au contact même du thrombus. Le succès initial est fonction
de l’âge du thrombus, de la sévérité de l’ischémie et de l’état du lit d’aval. La
perméabilité à long terme reste médiocre compte tenu de la gravité des
lésions. Le traitement thrombolytique est souvent associé à un geste de
reconstruction artérielle.

Traitement médical de l’insuffisance artérielle


L’entraînement programmé à la marche mériterait d’être plus largement
proposé en cas de claudication intermittente. Le muscle squelettique s’adapte
et devient capable d’accroître ses capacités d’extraction d’oxygène. Les
dépenses énergétiques sont mieux gérées.
Les médicaments vasoactifs sont largement prescrits, bien que leur efficacité
clinique ait été contestée. Quatre médicaments ont démontré au travers
d’études randomisées en double aveugle une action positive dans la claudica-
tion intermittente > celle du groupe placebo : buflomédil, naftidrofuryl, ginko-
biloba et pentoxifylline. Ces molécules doivent être réservées aux patients
symptomatiques sans qu’il y ait lieu d’associer plusieurs vasoactifs. Au stade
d’ischémie permanente, les vasoactifs utilisés par voie parentérale exercent un
effet antalgique en attendant un geste de revascularisation, mais n’ont pas
d’efficacité démontrée sur la cicatrisation des troubles trophiques et le
pronostic de l’artériopathie.
Les prostanoïdes par voie IV sont réservés à l’usage hospitalier. Seule la PGI2
de synthèse (iloprost, Ilomédine) est actuellement disponible en France. Son
indication se limite au traitement des patients en ischémie chronique sévère
compliquée de troubles trophiques avec menace d’amputation, sans possibilité
de revascularisation chirurgicale ou endovasculaire après confrontation
médico-radio-chirurgicale, ou après échec de celle-ci lorsque l’indication d’un
geste d’amputation d’urgence n’est pas retenue.
Les antalgiques sont utilisés dans le traitement des douleurs permanentes pour
éviter l’apparition d’œdème de déclivité qui gêne la perfusion du membre et
aggrave l’artériopathie.
Les soins locaux sont indispensables en cas de troubles trophiques. Ils justi-
fient une consultation spécialisée. Ils sont associés à la vaccination
antitétanique si elle n’est pas à jour.

Traitements chirurgicaux et endovasculaires


❐ Moyens
L’angioplastie endoluminale par ballonnets gonflables vise à supprimer ou à
réduire des sténoses courtes ou étagées ou à obtenir la recanalisation d’occlusions
302 Maladies thrombosantes

courtes. Elle peut être complétée par la mise en place d’un stent visant à traiter les
complications de l’angioplastie, à maintenir la perméabilité artérielle et à éviter la
resténose.
La chirurgie fait essentiellement appel aux techniques de pontage à l’aide de
greffons veineux (saphène interne) ou prothétiques (Goretex, dacron),
d’endartériectomie, voire de thromboembolectomie. La sympathectomie
lombaire n’a pratiquement plus d’indication.

❐ Indications
Au stade de claudication intermittente, le traitement est avant tout médical. En
cas de claudication réellement invalidante malgré plusieurs mois de traitement
médical, une angioplastie par ballonnets ou une chirurgie de reconstruction
peut être indiquée en cas essentiellement de lésions proximales (aorto-iliaques
et fémorales communes).
En cas d’ischémie critique menaçant la vitalité du membre, une tentative de
revascularisation est toujours légitime, qu’elle fasse appel à l’angioplastie ou à
la chirurgie reconstructrice. C’est à ce stade que sont classiquement réservées
les indications des pontages distaux sur les artères de jambe ou du pied. Les
progrès des techniques endovasculaires permettent, également dans des cas
sélectionnés, la réalisation d’angioplasties sur les artères de jambe.
Chacune des techniques précédentes peut être utilisée en complément d’une
thrombolyse pour oblitération artérielle aiguë (traitement de la lésion causale)
ou comme moyen de correction d’une dégradation d’une angioplastie ou d’un
pontage.

BIBLIOGRAPHIE

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Veines. Artères. Lymphatiques. Microcirculation. Sous l’égide du Collège des
enseignants de médecine nucléaire 2M2 Montmorency, 2002.
8 MOYENS
THÉRAPEUTIQUES
ACTUELS ET MODERNES

INHIBITEURS DU FONCTIONNEMENT PLAQUETTAIRE :


DESCRIPTION ET EFFETS BIOLOGIQUES DÉSIRABLES
ET INDÉSIRABLES
Thomas LECOMPTE

Les IFP sont essentiellement utilisés pour prévenir ou limiter la thrombose


artérielle qui complique l’athérosclérose. En effet, ce type de thrombose
implique la génération de thrombine à la surface d’un nombre suffisant de
plaquettes activées résidant durablement à l’interface entre une plaque rompue
ou érodée et le sang circulant. Cette interface est caractérisée par un cisaille-
ment élevé ainsi qu’un flux rapide et pulsatile non propice aux interactions
moléculaires des réactions de coagulation. Or les plaquettes sont équipées
pour adhérer à la matrice extracellulaire dans ces conditions avec la participa-
tion du facteur Willebrand (VWF). Elles sont même activées par ce
cisaillement. Elles fournissent alors la surface qui facilite les interactions
moléculaires conduisant à la génération de thrombine.
Ces médicaments peuvent être séparés en deux grandes catégories : les anti-
activateurs et les inhibiteurs de l’agrégation proprement dits. Les indications
reposent en général sur les résultats de plusieurs essais thérapeutiques, récapi-
tulés de manière exhaustive et englobante (toutes indications et critères
d’inclusion jusqu’en mars 1990) dans le gigantesque travail collaboratif de
méta-analyse. De nombreuses méta-analyses thématiques ont été publiées
depuis (voir notamment Cochrane et al., et la validation des doses faibles – 50
à 100 mg/j – par rapport à 300 mg d’aspirine en prévention secondaire sur une
durée de 2 ans), ainsi que des recommandations en cardiologie (européennes
et nord-américaines), en prévention primaire. Les sites de l’HAS (artériopa-
thie athéroscléreuse des membres inférieurs, diabète, neurovasculaire) et le
consensus d’experts nord-américains Chest Physicians régulièrement actualisé
(focalisé sur des traitements antithrombotiques) sont à consulter.
Les deux principaux IFP administrés per os comme traitement au long cours
sont aspirine et clopidogrel. Dans certains cas une association susceptible de
renforcer la protection antithrombotique est utilisée : aspirine + dipyridamole
et aspirine + clopidogrel. Dans des cas particuliers et selectionnés, un traite-
ment antiplaquettaire est associé à un traitement anticoagulant oral. Aux
phases critiques de la pathologie coronaire, le traitement antithrombotique,
qui comporte au moins anticoagulant + aspirine, voire en plus clopidogrel,
304 Maladies thrombosantes

peut être renforcé par l’administration intraveineuse d’un inhibiteur du


complexe glycoprotéique (GP) IIb/IIIa, souvent appelé anti-IIb/IIIa.
La surveillance clinique vise à détecter aussi tôt que possible les effets indési-
rables, notamment hémorragiques et les échecs (survenue d’une thrombose).
La surveillance biologique systématiquement requise se limite à la vérification
de la numération plaquettaire lors des traitements par inhibiteurs du complexe
GPIIb/IIIa.

Médicaments disponibles et leur mode d’action


(tableaux 8.I et 8.II)

Inhibiteurs de l’activation plaquettaire


L’aspirine (acide acétylsalicylique) et flurbiprofène inhibent à plus de 90 %
entre deux prises la capacité plaquettaire de synthèse de thromboxane (Tx), le
premier de manière irréversible, le second de manière réversible. À noter que
beaucoup d’AINS réversibles administrés à doses thérapeutiques à visée
antalgique et/ou anti-inflammatoire ne sont inhibiteurs qu’à 70-90 %; les
exceptions documentées étant l’indométacine, l’ibuprofène et le naproxène,
qui logiquement interfèrent avec l’effet durable de l’aspirine sur les
plaquettes; les coxibs (inhibiteurs préférentiels de l’isoforme 2 de la PGH
synthase) n’ont pas d’effet inhibiteur plaquettaire. L’inhibition massive de la
synthèse plaquettaire de Tx s’accompagne d’une diminution des réponses
fonctionnelles plaquettaires (dont l’agrégation) à différents agonistes, mais
elle n’est que partielle.
Un antagoniste du Tx (teruban, S18886) est en développement avancé.
Le clopidogrel agit au niveau de l’un des trois récepteurs plaquettaires à
l’ADP, P2Y12, couplé à l’adénylcyclase. Un métabolite actif responsable de
l’inactivation irréversible du récepteur est formé au niveau du foie, sous
l’action d’un ou plusieurs composants du système cytochrome P450. Il a une
durée de vie brève et n’est pas facilement détectable dans la circulation systé-
mique. Le profil fonctionnel plaquettaire observé après administration de
clopidogrel est identique à celui observé sous ticlopidine, à savoir altération
prédominante de l’agrégation induite par l’ADP. Il existe une variabilité de
réponse de paramètres biologiques ex vivo au traitement par thiénopyridines.
Cette variabilité pourrait être essentiellement en rapport avec l’activité du
cytochrome P450, qui a un déterminisme génétique et qui est influencée par
des médicaments : certaines statines et certains inhibiteurs de la pompe à
protons, des macrolides inhibiteurs sont susceptibles de réduire l’effet antipla-
quettaire du clopidogrel. Le prasugrel est une nouvelle thiénopyridine dont le
métabolisme hépatique est plus simple, ce qui expliquerait l’effet inhibiteur
plaquettaire plus important et plus constant que celui du clopidogrel.
L’association aspirine + anti-ADP est logique : deux systèmes d’amplification
de l’activation plaquettaire sont atteints.
Le dipyridamole ralentit la recapture de l’adénosine par les globules rouges,
les plaquettes et les cellules endothéliales. Il est décrit comme pouvant inhiber
Tableau 8.I. Spécialités disponibles en France contenant de l’acide acétylsalicylique (AAS) (ou un précurseur)
et ayant une AMM cardiovasculaire

Nom de spécialité
Molécule(s) Galénique AMM Posologie
(et quantité d’AAS)
Acétylsalicylate Poudre (sel de lysine) Kardégic – Prévention secondaire après un AIM ou un 75, 160, 300 mg
de lysine pour solution buvable 75, 160, 300 mg AIC lié à l’athérosclérose en 1 prise/j
– Réduction de l’occlusion des greffons veineux
de pontage aortocoronaire
– Pour 75 m : en dehors du contexte de
l’urgence
AAS Gélules, AAS Aspirine UPSA – Prévention secondaire après un AIM ou un 1 prise/j
microencapsulé à 325 mg AIC lié à l’athérosclérose
l’éthylcellulose – Réduction de l’occlusion des greffons veineux
de pontage aortocoronaire
AAS + AAS en comprimé Asasantine dans chaque – Prévention de l’AIC après un AIC transitoire 1 gélule matin
dipyridamole et microgranules gélule 25 mg AAS + ou constitué, lié à l’athérosclérose, et datant et soir
de dipyridamole, 200 mg dipyridamole de moins de 3 mois
dans 1 gélule
AAS + Comprimé Pravadual Prévention secondaire : réduction de la
pravastatine 81 mg mortalité et de la morbidité cardio-vasculaires
(40 mg) chez les patients ayant un antécédent d’IDM ou
d’angor instable et une concentration de
cholestérol normale ou élevée lorsque
l’association de pravastatine et d’une faible
dose d’AAS est considérée comme appropriée
* sel composé de deux molécules d’AAS réunies par un atome de calcium et stabilisées par une molécule d’urée. Mis en solution aqueuse, il se dissout très rapi-
dement et libère des ions acétylsalicylate, du calcium et de l’urée
AIC : accident ischémique cérébral, IDM : infarctus du myocarde
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 305
Tableau 8.II. Spécialités inhibitrices plaquettaires autres que celles contenant de l’AAS et administrées per os

Molécule Galénique Nom de spécialité AMM Posologie


Dipyridamole Comprimé Persantine 75 – Prothèses valvulaires mécaniques, en association 3 comprimés/j
306 Maladies thrombosantes

plusieurs génériques avec les anticoagulants oraux


Flurbiprofène Comprimé Cébutid 50 – Prévention secondaire dans les suites d’un IDM 1 comprimé
et après désobstruction, quand un traitement de 50 mg matin
par aspirine est temporairement contre-indiqué et soir
Clopidogrel Comprimé Plavix – Prévention des événements liés à l’athérosclérose 1 comprimé
chez les patients souffrant d’un IDM (datant de 75 mg/j
de quelques jours à moins de 35 j), d’un AVC
ischémique (datant de plus de 7 j et de moins
de 6 mois), ou d’une artériopathie oblitérante
de membres inférieurs établie; chez les patients
souffrant d’un SCA, en association à AAS
AVC : accident vasculaire cérébral, IDM : infarctus du myocarde
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 307

aussi la phosphodiestérase de l’AMPc (AMP cyclique). Ces actions contri-


buent à une modeste élévation de la concentration intracellulaire d’AMPc,
second messager anti-activateur. Dipyridamole est maintenant disponible sous
une forme galénique particulière et un plus fort dosage unitaire (200 mg) et
quotidien (2 prises) qui permet une absorption digestive prolongée avec des
concentrations plasmatiques élevées et durables. Cette molécule est associée à
un comprimé de 25 mg d’aspirine dans une gélule. La forme à libération
modifiée et prolongée a été étudiée en prévention de la récidive des accidents
ischémiques cérébraux présumés d’origine artérielle.
Les prostaglandines anti-activatrices plaquettaires sont la prostacycline (pros-
taglandine I2, époprosténol) et ses analogues (comme iloprost) qui stimulent
la production plaquettaire d’AMPc. Ces produits doivent s’administrer par
voie parentérale et leur perfusion s’accompagne d’un effet vasodilatateur
pouvant être bénéfique dans certaines situations, mais susceptible aussi de
compliquer leur utilisation.

Inhibiteurs du complexe GPIIb/IIIa


Abciximab, fragment Fab chimérique murin-humain d’un anticorps mono-
clonal murin, inhibe l’interaction fibrinogène-complexe GPIIb-IIIa, mécanisme
moléculaire de l’agrégation. Abciximab se fixe également à d’autres intégrines
présentes à la surface de leucocytes et de cellules de la paroi vasculaire, mais la
signification clinique de ces propriétés reste hypothétique.
Des anticorps anti-immunoglobuline de souris peuvent apparaître mais aucune
signification clinique n’a pu leur être trouvée. Un registre indique qu’une
réadministration d’abciximab est possible, le produit paraissant aussi efficace
et sûr qu’en cas de première utilisation (avec peut-être plus de thrombopénies
toutefois).
L’eptifibatide (heptapeptide cyclique) et le tirofiban (peptidomimétique) sont
des inhibiteurs compétitifs de la liaison du fibrinogène aux plaquettes. Ils sont
en général décrits comme étant sélectifs du complexe GPIIb-IIIa.
L’administration de ces trois médicaments entraîne l’apparition d’un phéno-
type qui ressemble à celui d’une thrombopathie constitutionnelle liée à un
défaut de GPIIb/IIIa (thrombasthénie de Glanzmann), c’est-à-dire que l’agré-
gation est inhibée quel que soit l’inducteur.
Il existe une relation entre degré d’occupation du récepteur et inhibition du
fonctionnement plaquettaire, avec un seuil, car si l’occupation des récepteurs
n’est que de 50 %, l’agrégation n’est aucunement affectée. Une occupation
supérieure à 80 %, voire 95 %, est visée. Un test simple et dédié à l’étude de la
capacité de liaison du fibrinogène aux plaquettes activées permet de détecter
facilement le niveau d’inhibition. Il a été rapporté une association significative
entre ce retentissement biologique et l’évolution clinique.

Cinétique de l’effet
La connaissance de la cinétique de l’effet des antiplaquettaires est cruciale
pour la compréhension des modalités de l’obtention rapide du plein effet et la
308 Maladies thrombosantes

gestion de leur interruption lors d’un acte chirurgical avec effraction vascu-
laire et risque hémorragique considéré comme élevé.

Aspirine et flurbiprofène
L’administration d’aspirine entraîne une inhibition irréversible de l’isoforme 1
de la prostaglandine H (PGH) synthase. En conséquence, la perturbation de la
synthèse de Tx n’est complètement corrigée que lorsque toutes les plaquettes
circulantes ont été renouvelées, c’est-à-dire normalement en 7 jours au moins,
puisque les plaquettes, dépourvues de noyau, peuvent être considérées comme
incapables de synthèse protéique.
Quand un plein effet doit être obtenu rapidement (en moins d’une heure), il
faut administrer plus de 100 mg d’une formulation à absorption digestive non
contrôlée. L’administration d’une posologie quotidienne aussi faible que
0,5 mg/kg est suffisante pour maintenir une inhibition proche de 100 % de la
capacité plaquettaire de synthèse de Tx chez la plupart des patients.
L’effet de flurbiprofène sur les plaquettes est rapide et réversible. il s’estompe
au fur et à mesure que la concentration plasmatique diminue. La demi-vie
d’élimination est d’environ 5 h et son effet a été rapporté avoir disparu 24 h
après la dernière prise.

Thiénopyridines
Le plein effet de ticlopidine n’est obtenu qu’après quelques jours de traite-
ment. Il en va de même avec clopidogrel même si son effet commence plus
rapidement. Dans le contexte des prothèses endocoronaires non programmées,
une dose de charge (clopidogrel : 300 mg) est souvent utilisée, qui permet de
raccourcir ce délai. Si l’implantation est programmée, un prétraitement de 5 à
7 jours est envisageable, voire souhaitable.
L’effet inhibiteur plaquettaire des thiénopyridines est irréversible. Il est donc
attendu que l’effet ait totalement disparu lorsque les plaquettes ont été
complètement renouvelées dans la circulation, voire un peu avant (5 jours),
car comme avec aspirine il n’est très probablement pas nécessaire que toutes
les plaquettes soient renouvelées pour obtenir cette récupération fonctionnelle.

Dipyridamole
La pharmacocinétique de ce médicament (forme standard avec libération
immédiate, et forme galénique à libération contrôlée et prolongée) est bien
décrite. Il est hautement vraisemblable que l’effet du produit soit en stricte
relation avec sa concentration plasmatique.

Inhibiteurs des GPIIb/IIIa


Le schéma d’administration de ces trois médicaments comporte un bolus suivi
d’une perfusion d’au moins 12 h. Le bolus permet immédiatement l’obtention
d’un important effet inhibiteur plaquettaire. L’abciximab se distingue des deux
autres molécules, car il a un effet persistant sur les plaquettes du fait de sa
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 309

forte affinité pour le complexe GPIIb/IIIa et d’une redistribution de plaquette à


plaquette, voire d’une internalisation, y compris dans les mégacaryocytes. La
récupération de 50 % de l’agrégation induite par une forte concentration
d’ADP nécessite 24 h environ après l’arrêt de la perfusion avec une certaine
variabilité interindividuelle. L’effet sur les plaquettes des petites molécules
eptifibatide et tirofiban est strictement relié à leur concentration plasmatique,
et leur demi-vie d’élimination est de l’ordre de 1 h 30. Leur élimination est
exclusivement rénale. L’effet sur les plaquettes disparaît donc en quelques
heures, avec une certaine variabilité interindividuelle.

Retentissement sur l’hémostase, évalué biologiquement


Aucune étude clinique n’a encore formellement démontré que le fait de
disposer d’un quelconque paramètre biologique, et de s’en servir pour déter-
miner une attitude clinique particulière (choix du médicament, modification
de la posologie par exemple), changeait le résultat clinique. Dans le contexte
d’un traitement préventif par aspirine chez des femmes enceintes à risque de
pré-éclampsie, il convient toutefois de signaler deux études d’observation
(rétrospective et prospective respectivement). Elles suggèrent que la titration
de la dose, en partant d’une faible dose de 75-100 mg quotidiens, pourrait être
cliniquement bénéfique sur l’évolution soit du temps de saignement (TS), soit
du volume plaquettaire moyen (VPM). Il n’y a pas d’intérêt démontré à
étudier les fonctions plaquettaires dans le contexte d’un acte avec effraction
vasculaire chez un malade recevant un traitement IFP.
Nous allons brièvement mentionner les effets qui peuvent être observés avec
des tests de biologie clinique. La mesure du TS in vivo tend à être de moins en
moins pratiquée. Des données existent aussi concernant le retentissement sur
un dispositif de maniement simple (l’automate PFA-100) d’exploration in
vitro de certains aspects de l’hémostase primaire. Dans ce système, l’effet des
anti-ADP est faible. Des dispositifs dédiés de maniement simple ont égale-
ment été mis au point. Des synthèses récentes suggèrent une association du
retentissement biologique aux événements cliniques (aspirine, clopidogrel en
bithérapie pour revascularisations endocoronaires), mais l’intérêt de l’utilisa-
tion de l’un ou l’autre de ces nouveaux tests en pratique clinique n’est pas
encore démontré. Il n’y a pas d’intérêt démontré à étudier les fonctions
plaquettaires dans le contexte d’un acte avec effraction vasculaire chez un
patient recevant un traitement IFP.

Temps de saignement (TS)


Avec la technique à l’avant-bras dite d’Ivy et une incision horizontale, le
facteur moyen d’allongement après administration d’aspirine est de 1,5 à 2. Il
existe une importante variabilité interindividuelle de sensibilité, attribuée au
moins en partie à des déficiences constitutionnelles mineures de l’hémostase.
L’allongement du TS est plus important avec les thiénopyridines qu’avec
l’aspirine et plus important avec l’association qu’avec chacun des traitements
utilisés isolément. Le clopidogrel à la dose quotidienne de 75 mg allonge
autant le TS (Ivy-points) que la ticlopidine 250 mg × 2. Dans les conditions de
310 Maladies thrombosantes

la pratique clinique, un TS (Ivy-incision horizontale) long (au-dessus d’un


seuil supérieur possible à 8 min) est plus fréquemment observé avec la ticlopi-
dine qu’avec l’aspirine.
La variation du TS après administration de flurbiprofène paraît comparable à
celle obtenue après administration d’aspirine.
L’administration des inhibiteurs de GPIIb/IIIa, en combinaison avec l’aspi-
rine, s’accompagne d’un allongement marqué du TS.

Agrégation plaquettaire photométrique


Dans les laboratoires spécialisés, le fonctionnement plaquettaire est habituel-
lement exploré par la méthode photométrique (variation de transmission
lumineuse) avec un plasma anticoagulé avec du citrate et riche en plaquettes
(centrifugation différentielle permettant de séparer les globules, rouges et
blancs, des plaquettes). Les principaux IFP induisent une thrombopathie
caractéristique. Les coxibs n’ont pas d’effet sur les plaquettes.
Il existe donc un profil typique pour la plupart des médicaments utilisés, mais
son absence peut suggérer, dans les 24 h après la dernière prise prescrite pour
les traitements par voie orale, une mauvaise observance – ou, sinon, une
résistance.
Aucun retentissement n’est décrit pour dipyridamole, utilisé seul, dans ces
conditions expérimentales précises, c’est-à-dire en l’absence d’autres cellules
que les plaquettes.

Tests de coagulation
Aucun des tests de coagulation effectués avec un plasma pauvre en plaquettes
au laboratoire (avec ajout de phospholipides : les temps de prothrombine (TP)
et temps de céphaline avec activateur [TCA]) n’est évidemment modifié par
un traitement IFP.
Les inhibiteurs de GPIIb/IIIa retentissent sur les activités procoagulantes
plaquettaires et peuvent donc sensibiliser des tests globaux en sang total
(utilisés en chirurgie cardiaque et en salle de cathétérisme artériel interven-
tionnel) à l’effet anticoagulant de l’héparine non fractionnée (HNF).
La thromboélastographie est un test de coagulation qui explore les qualités
mécaniques du caillot; elle peut être réalisée avec du sang total, donc en
présence des plaquettes. Il a été proposé des variantes permettant de discerner
l’effet antiplaquettaire via l’étude du paramètre « amplitude maximale ».

Posologie d’aspirine : la plus petite possible? Résistance?


L’intérêt d’utiliser la dose minimale d’aspirine n’est pas uniquement académique.
Il s’agit d’avoir l’efficacité antithrombotique (sous l’hypothèse qu’une certaine
préservation de la synthèse de PGI2 vasculaire peut avoir un rôle clinique) et la
tolérance digestive maximales. La méta-analyse actualisée est favorable aux
doses faibles mais avec une réserve toutefois pour 50 mg quotidiens. Les plus
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 311

petites doses (50, 75, 160 mg) s’étant révélées cliniquement efficaces selon les
contextes cliniques dans un ou des essais contre placebo sont indiquées dans le
tableau 8.III. Même à ces doses, il persiste un surcroît de risque hémorragique et
de lésions digestives.
Des états de moindre sensibilité plaquettaire ont été décrits chez certains
patients (sur la base de tests fonctionnels ex vivo dits d’agrégation plaquet-
taire). Le fait de ne pas trouver l’effet biologique attendu (agrégation
plaquettaire et autres moyens d’étude du fonctionnement plaquettaire comme
le dispositif PFA-100 [automate platelet function analyser], synthèse de Tx in
vivo ou in vitro au cours de la coagulation de sang total) peut recevoir
plusieurs explications : mauvaise compliance, interférence avec un AINS qui a
un effet réversible et qui prévient l’acétylation irréversible en cas de prise
simultanée ou préalable, renouvellement plaquettaire accéléré (diminution de
la durée de vie plaquettaire par consommation), présence dans certains cas de
l’isoforme 2 de la PGH-synthase dans les plaquettes (point controversé), rôle
particulièrement mineur du Tx dans le fonctionnement plaquettaire chez
certains malades, autres sources cellulaires de Tx moins ou non sensibles à un
traitement par aspirine, à petites doses du moins. L’éventuelle pharmacogéno-
mique de la variabilité de la réponse n’a pas été établie.
Le point le plus important en pratique est le risque d’interaction négative entre
aspirine et autres AINS, ou du moins certains d’entre eux comme indométa-
cine et ibuprofène. Une étude épidémiologique suggère que la mortalité
globale est accrue chez les malades cardiovasculaires traités par aspirine et
ibuprofène par rapport aux malades traités par aspirine seulement. L’associa-
tion d’un coxib à un traitement par aspirine ne peut pas interférer avec l’effet
antiplaquettaire du second, mais alors le gain possible en terme de tolérance
digestive du traitement coxib par rapport à un AINS traditionnel risque d’être
perdu.

Tableau 8.III. Dose d’aspirine la plus faible démontrée efficace


pour différentes pathologies vasculaires

Dose quotidienne minimale


Situation clinique Essai
cliniquement efficace (mg)*
Hypertension artérielle HOT 75
systémique
Angor stable SAPAT 75
Angor instable RISC 75
Phase aiguë de l’IDM ISIS-2 160
AIT et AIC ESPS-2 50
Phase aiguë de l’ischémie CAST 160
cérébrale
* Attention! Cette dose n’est pas nécessairement optimale; il est recommandé d’adminis-
trer une dose de charge en cas de syndrome coronaire aigu
IDM : infarctus du myocarde
312 Maladies thrombosantes

Modifications de l’hémogramme (effets indésirables)


Aspirine
Des thrombopénies ont été imputées à un traitement par aspirine. Toutefois,
sur un total de 247 cas rapportés de thrombopénie (< 100 G/l) médicamen-
teuse isolée, identifiés par une revue systématique de la littérature
internationale et avec une relation causale considérée comme certaine ou
probable, aucun n’est en rapport avec un traitement par aspirine. Une associa-
tion entre traitement par aspirine et agranulocytose a aussi été envisagée.
Thiénopyridines
Les neutropénies et agranulocytoses constatées avec ticlopidine ne sont plus
un problème avec clopidogrel. La pharmacovigilance a suggéré pour ticlopi-
dine d’autres effets indésirables comme aplasie et purpura thrombotique
thrombopénique. Quelques cas ont été aussi rapportés chez des malades traités
par clopidogrel. Des cas de thrombopénie ont été rapportés comme pouvant
être isolés lors de traitements avec ticlopidine.

Thrombopénies des traitements par inhibiteurs


du complexe GPIIb/IIIa
Des thrombopénies, notamment majeures (< 50 G/l) et suraiguës, peuvent
survenir lors des traitements par inhibiteurs des GPIIb/IIIa. Elles peuvent être
détectées dans les toutes premières heures du traitement. Il y a deux diagnos-
tics différentiels d’importance capitale :
– le premier concerne la survenue de fausses thrombopénies par agglutination
en acide édétique (EDTA) qui a été signalée à plusieurs reprises en présence
du médicament (2,1 % des traités par abciximab);
– le second diagnostic différentiel est constitué par les thrombopénies induites
par l’héparine (TIH).
La conduite pratique généralement recommandée est :
– d’interrompre immédiatement la perfusion de l’anti-IIb/IIIa, après confirma-
tion en urgence de l’authenticité de la thrombopénie;
– d’estimer le risque hémorragique sur la base et de la numération plaquettaire
(avec les seuils traditionnels) et des signes cliniques de saignement, de
manière analogue à ce qui est recommandé pour les thrombopénies de méca-
nisme périphérique;
– de modifier les traitements antithrombotiques associés (de la simple suspen-
sion du traitement par héparine, à l’interruption de tous les traitements avec
neutralisation par protamine de l’héparine);
– de réserver la transfusion de plaquettes (posologie recommandée par les
experts : 0,5.1011 par 7 kg de poids) aux rares cas avec très haut risque hémor-
ragique, et en essayant alors, pour les deux petites molécules, de la différer de
quelques heures (1 à 4 h) après l’arrêt de la perfusion, les plaquettes transfusées
étant sinon inhibées par leurs grandes concentrations plasmatiques. Le même
raisonnement vaut pour la transfusion plaquettaire en cas de saignement grave,
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 313

avec la particularité pour l’abciximab qu’une redistribution de plaquette à


plaquette, alors que la concentration plasmatique devient vite très faible,
permet la récupération d’une fonctionnalité dès lors que l’occupation des
GPIIb/IIIa est de l’ordre de 50 % ou moins.

BIBLIOGRAPHIE

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US Preventive Services Task Force. Aspirin for the primary prevention of
cardiovascular events : recommandation and rationale. Ann Intern Med 2002;
136 : 157-160.

TRAITEMENT ANTICOAGULANT ORAL :


ANTIVITAMINES K (AVK)
Gérard POTRON, Pierre SIÉ

Les AVK, utilisés depuis 60 ans, restent actuellement le seul traitement anticoa-
gulant utilisé sur le long cours (1,5 % de la population française). C’est aussi
l’un des traitements les plus dangereux et les plus difficiles à suivre : un surdo-
sage entraîne un risque hémorragique parfois mortel, un sous-dosage fait
apparaître un risque thrombotique. En France, le coût des accidents iatrogènes
qu’ils induisent est probablement > 760 millions d’euros par an. La prescription
(souvent effectuée par des spécialistes et surtout les cardiologues) et la
314 Maladies thrombosantes

surveillance de ces traitements (réalisée, pour 92 % d’entre eux, par les méde-
cins généralistes) nécessitent donc une parfaite connaissance de leur maniement.

Mécanisme d’action
Les AVK empêchent indirectement l’action de la vitamine K qui est nécessaire
à l’activité d’une carboxylase indispensable à la synthèse hépatique de
certains facteurs (FVII, FX, FII, FIX), mais également de deux inhibiteurs de
la coagulation (protéines C [PC] et S [PS]) ainsi que la protéine Z (PZ) et
l’ostéocalcine. Les AVK inhibent la vitamine K oxydoréductase (VKOR CI)
responsable de la transformation de la forme oxydée en forme réduite de la
vitamine K.
La vitamine K réduite est nécessaire à la transformation de la forme à un seul
groupement COOH des précurseurs des facteurs de la coagulation à synthèse
vitamine K-dépendante en une forme gamma carboxyglutamique qui
comporte deux groupements COOH nécessaires à la fixation des ions calcium
bivalents. Ces précurseurs des facteurs de la coagulation sont nommés
PIVKA, pour protein induced vitamine K antagonist or absence (fig. 8.1).
La recherche des polymorphismes de la CYP2C9 du système cytochrome
P450 et de ceux de l’enzyme VKOR CI est parfois utile pour comprendre une
sensibilité exagérée ou plus rarement une résistance au traitement. Elle ne doit
cependant pas être utilisée de façon routinière ou systématique.

Protéines Ca ++
Précurseurs inactifs fonctionnelles PL
(PIVKA) (domaines Gla)

Carboxylase

Vit KH2 Vit KO


(Naphtohydroquinone) (vitamine K 2, 3-epoxide)

Epoxide reductase
VKOR

AVK
Æ Suspicion d’une anomalie du complexe epoxide reductase

Fig. 8.1. Cycle de la vitamine K (Kereveur A, Samama MM et al., Haemostasis


1997).
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 315

Molécules : leur choix en thérapeutique


L’activité des AVK est très dépendante de leur pharmacocinétique qui cons-
titue le critère à prendre en compte lors du choix d’une molécule :

DcP Spécialités 1/2 vie (en heures)


Acénacoumarol Sintrom 8-9
Sintrom 4 mg et mini-sintrom 1 mg
Fluindione Préviscan 31
Warfarine Coumadine 5 et 2 mg 35-45

Les molécules à longue durée de vie sont les seules à permettre une bonne
couverture du nycthémère et donc une stabilité de l’effet biologique. La
crainte d’un effet trop prolongé en cas de surdosage est théorique si l’attitude
de correction est bien adaptée. La warfarine est, à juste titre, l’AVK de réfé-
rence utilisé dans tous les essais cliniques. Elle a en outre l’avantage d’être
présentée en comprimés de 2 et 5 mg facilitant l’adaptation de la posologie
(posologie moyenne 6-8 mg/j, plus faible chez le sujet âgé). L’acénocoumarol
existe également sous deux formes : comprimés à 4 et 1 mg (Mini-Sintrom).

Mécanismes interférant sur l’action des AVK


Sensibilités individuelles
Des facteurs génétiques partiellement connus expliquent en partie les réponses
individuelles variables. Le métabolisme hépatique des AVK fait intervenir le
système des cytochromes P450 dont certains polymorphismes peuvent expli-
quer une sensibilité exagérée au traitement. La sensibilité de l’enzyme
VKORCI à l’anticoagulant oral joue un rôle dans la variabilité interindivi-
duelle de la réponse des patients.

Interférences médicamenteuses
Le nombre de molécules capables d’interférer sur les AVK est élevé. Toute
association médicamenteuse doit donc faire l’objet d’une documentation et,
même si aucune information n’est retrouvée, entraîner un suivi biologique
plus rapproché au départ.

❐ Médicaments potentialiseurs
Leurs mécanismes sont variables :
– déplacement de la fixation protéique des AVK qui augmente la concentration
de la fraction libre seule active;
– destruction de la flore intestinale synthétisant la vitamine K2;
– inhibition de l’absorption de la vitamine K alimentaire.
Acide nalidixique, amiodarone, aspirine, cimétidine, ciprofloxacine, clofibrate,
cotrimazol, textropropoxyfène, disopyramide, disulfirame, érythromycine,
316 Maladies thrombosantes

fluconazole, huile de paraffine, isofosfamide, ketoprofène, métozolone, métro-


nidazole, miconazole, norfloxacine, ofloxacine, oméprazole, phénylbutazone,
piroxicam, propafénone, propranolol, quinidine, stéroïdes anabolisants,
sulindac, thyroxine, tolmétine, tétracycline par exemple.
Il faut noter que des molécules anticoagulantes (héparine, nouveaux anticoagu-
lants fibrinolytiques), les antiagrégants plaquettaires (aspirine, ticlopidine,
clopidogrel, AINS) majorent le risque hémorragique en raison des perturba-
tions de la coagulation et/ou de l’hémostase primaire qu’elles causent.
❐ Médicaments inhibiteurs
Parmi eux : aziothioprine, barbituriques, carbamazépine, chlordiazépoxide,
cholestyramine, ciclosporine, dicloxacilline, etretivate, griséofulvine, rifampi-
cine, sucralfate.
La prise régulière d’un médicament interférant ne pose que le problème de
l’adaptation de posologie de l’AVK. Un exemple est celui de l’aspirine qui
augmente l’efficacité des AVK dans un très petit nombre d’indications. Toute-
fois, surtout chez un patient mal équilibré, cette association augmente le
risque hémorragique. Mais l’aspirine est surtout dangereuse dans le cadre
d’automédication sporadique chez un patient non informé.
L’alcool, en qualité d’inducteur enzymatique hépatique, est plutôt un inhibi-
teur des AVK sauf en cas de toxicité hépatocellulaire. En pratique, à dose
modérée, il a peu d’influence.

Interférences alimentaires
L’apport alimentaire en vitamine K peut varier considérablement et influencer
l’action des AVK. Ce sont surtout les végétaux verts qui apportent beaucoup
de vitamine K. Il est impératif que le patient en soit informé. Ceci ne doit pas
aboutir à un régime déséquilibré mais à une constance des apports quotidiens
en particulier en végétaux verts (tableau 8.IV).

Contre-indications des AVK


Elles sont absolues dans les cas suivants :
– accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique;
– AVC thromboembolique récent;
– neurochirurgie, traumatisme crânien récent (moins d’une semaine) (sauf
scanner normal ou simple image hypodense);
– hypertension non contrôlée (PA systolique > 120 mmHg);
– varices œsophagiennes;
– diabète avec rétinopathie;
– 1er et 3e trimestre de la grossesse;
– trouble grave de la synthèse hépatique;
– insuffisance rénale grave (clairance à la créatinine < 20 ml/mn);
– syndromes hémorragiques;
– troubles psychiques graves.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 317

Tableau 8.IV. Aliments riches en vitamine K1

Médiane Médiane
µg/100 g µg/100 g
Légumes Légumes secs
Bette ou blette 830 Fève 19
Brocoli 180 Lentille 22
Chicorée frisée 230 Soja 40
Choux (Bruxelles) 280 Huiles
Chou 170 Pépins de raisin 280
Choucroute 25 Soja 150
Chou frisé 770 Colza 140
Cresson 280 Noix
Épinards 380 Pistache 70
Fenouil (feuilles) 240 Herbes aromatiques
Laitue 150 Ciboulette
Asperge 60 Menthe 270
Chou-fleur 20 Persil 230-860
Haricot vert 36 Fruits 550
Poireau 14 Kiwi
Pois 30 Cassis 27
Tomate 6 30

Elles sont relatives dans les cas suivants :


– chirurgie récente;
– sujets âgés ou misère physiologique;
– pathologie biliaire;
– infection intestinale avec destruction de la flore intestinale;
– insuffisance rénale et hépatique modérée.
Warfarine et acénocoumarol ne sont pas contre-indiqués chez la mère
allaitante.

Suivi biologique des AVK


Il est fondé sur un seul test : le temps de Quick (TQ), dont l’expression doit
être faite en INR afin d’éviter l’influence des réactifs choisis par le laboratoire
(très sensible aux réactifs, le % doit être définitivement écarté).
INR = (temps patient/temps témoin) ISI = coefficient de correction du réactif
Malheureusement, l’INR laisse persister de nombreux problèmes pratiques.
Le choix d’un réactif à ISI proche de 1 améliore les résultats. Il est recom-
mandé que le patient soit, si possible, suivi par le même laboratoire.
Les zones thérapeutiques recommandées sont :
L’efficacité antithrombotique se réduit nettement pour un INR < 2,0. Des
essais, en cours, démontreront peut-être qu’il est possible, dans des indica-
tions très précises, d’effectuer des traitements à INR de 1,5 à 2,0. Mais en
318 Maladies thrombosantes

2008, le choix d’un traitement avec un INR < 2,0 n’est pas validé (une étude
pour, une étude contre). Un essai lors de traitement de thrombose veineuse
profonde (TVP) montre une efficacité moindre quand l’INR (INR = temps
patient/temps témoin à la puissance ISI) est < 2.


– prophylaxie primaire des thromboses veineuses (TV) et embolie
pulmonaire (EP)
– prévention secondaire des TV et EP
– traitement EP
– prévention embolies systémiques
2,0-3,0
– valves cardiaques tissulaires (pendant les 3 mois suivant leur
mise en place)
– infarctus myocarde (réduction embolie systémique)
– maladie valvulaire cardiaque
– FA
– valves mécaniques prosthétiques 2,5-3,5
– bivalves mécaniques en position aortique 2,0-3,0
– prévention récidive infarctus myocarde (recommandation FDA : 2,5-3,5)

Complications des traitements par AVK


Hémorragies
Les risques sont appréciés de façon variable selon les études et semblent dépendre
du type de pathologie traitée. Ainsi les hémorragies fatales exprimées en % par an
sont de 1,2 à 5,6 pour les valves mécaniques, 0,3 à 1,3 pour les fibrillations auricu-
laires. La fréquence des hémorragies intracrâniennes (exprimé pour
100 patients/année) pour les traitements au long cours est de 0,1 à 1,8.
Le risque hémorragique est en partie lié à l’INR et apparaît à INR > 3,0 avec
un accroissement important à INR > 4,0. L’influence péjorative de l’âge est
inconstamment retrouvée. Elle est peut-être due aux comorbidités, excepté le
risque d’hémorragies intracrâniennes après 75 ans.
Le risque hémorragique augmente chez les patients traités pour hypertension,
affection cérébrovasculaire, affection cardiaque sérieuse, insuffisance rénale et
cancer.
Enfin, en toute logique, une hémorragie pourra survenir sur une lésion
(connue ou non) telle qu’une affection digestive ou génito-urinaire même chez
un patient ayant un INR < 3,0.
Quelques études ont démontré que le risque semblait plus élevé en début de
traitement mais le risque cumulé est directement lié à la durée du traitement.
Traitement des surdosages aux AVK
❐ Sans hémorragie clinique
En cas d’INR légèrement > 4,0 ou 5,0 selon les écoles et d’absence de risque
hémorragique, l’arrêt du traitement est recommandé jusqu’au retour dans la
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 319

zone thérapeutique. La longue durée d’efficacité de la warfarine fait actuelle-


ment préférer l’apport oral de 1 à 2,5 mg (dose unique) de vitamine K. Une
étude récente montre que l’apport de 1 mg de vitamine K chez les patients
traités par acénocoumarol n’est pas satisfaisant (accroissement de la normali-
sation de l’INR et risque thrombotique).
En cas d’INR fortement augmenté sans hémorragie, l’apport de vitamine K
s’impose avec un bon suivi clinique. L’apport de vitamine K doit toujours être
faible (< 2,5 mg par voie orale ou 0,5 à 1 mg par voie veineuse) pour éviter
l’apparition d’une résistance au traitement AVK pendant plusieurs semaines.

❐ Avec hémorragies
L’hospitalisation s’impose et une substitution par le PPSB (Kaskadil) admi-
nistré à raison de 20 à 30 UI/kg de poids corporel, exprimées en unités de FIX,
pour obtenir un TP proche de 30 %. L’octaplex a été récemment proposé.
Comme précédemment, l’apport de vitamine K permet une stabilisation plus
longue. Des posologies abusives de substitution peuvent faire réapparaître un
risque thrombotique.
Pour pallier la durée prolongée de l’effet de certaines molécules AVK, un
contrôle de TP est nécessaire toutes les 12 h jusqu’au retour dans la zone
d’efficacité thérapeutique avec un renouvellement éventuel de l’injection de
vitamine K1.
Tout incident hémorragique doit faire rechercher une étiologie au surdosage
(posologie, interférence) et faire, éventuellement, rediscuter la prescription de
l’AVK.

❐ Nécroses cutanées
Cette complication rare apparaît pendant la première semaine de traitement.
Elle est due à des thromboses des veinules et capillaires dans la graisse sous-
cutanée. Elle apparaît plus volontiers chez des sujets déficitaires en PC et plus
rarement PS. La PC de courte durée de vie s’abaisse plus rapidement que des
facteurs de la coagulation comme le FII créant probablement un déséquilibre
prothrombotique.
Pour prévenir cette complication dramatique, il est recommandé de ne pas
pratiquer de dose de charge en début de traitement et de toujours effectuer un
relais héparine-AVK progressif.
Plus complexe est la prise en charge de patient ayant présenté cet accident. Il
est proposé de prescrire d’abord une héparinothérapie puis de débuter le traite-
ment AVK à petites doses (2 mg de warfarine) en l’augmentant graduellement.

❐ AVK et grossesse
Les accidents tératogènes surviennent surtout entre la 6e et la 9e semaine de
gestation (hypoplasie nasale, calcification des épiphyses ou des tissus mous,
parfois cécité par atrophie optique et microphtalmie, anomalies du système
nerveux central). Le risque semble faible pour des doses < 5 mg/j de Warfa-
rine. Pendant le 3e trimestre peuvent apparaître des hémorragies. Pendant le
320 Maladies thrombosantes

2e trimestre, quelques avortements et prématurités semblent apparaître, mais


le nombre d’observations est faible.
Ces risques sont mis en avant par certains auteurs qui, par précaution, font de
la grossesse une contre-indication aux AVK (voir chapitre 17).

❐ Complications diverses
Il a été décrit quelques urticaires, des troubles gastro-intestinaux, quelques
alopécies toujours réversibles à l’arrêt.
Avec les molécules de type indanédione, quelques rares accidents spécifiques
ont été rapportés : anurie par néphropathies interstitielles aiguës, agranulocy-
toses réversibles, hépatites cholestatiques.

Traitement AVK en pratique


Au moment de la prescription
– écarter les contre-indications;
– évaluer le bénéfice/risque et, compte tenu notamment du contexte de vie du
patient, la faisabilité d’un suivi rigoureusement du traitement;
– informer le patient : modalités, risques, interférences médicamenteuses et
alimentaires. Le patient doit toujours porter sur lui un document indiquant la
nature de son traitement et disposer d’un carnet de suivi rappelant les éléments
du suivi et quelques attitudes pratiques en cas de problème.

Exploration biologique préthérapeutique


Bien que non indispensable, il semble souhaitable de s’assurer que le patient
ne présente pas d’anomalie de l’hémostase (TP et TCA) et a un groupe
sanguin connu.

Relais héparine-AVK
Il faut débuter les AVK dans les 24 h qui suivent la première injection d’hépa-
rine par voie IV ou sous-cutanée dans la majorité des cas. Le chevauchement
des deux traitements est de 4 à 5 jours. L’héparine est interrompue dès que
l’INR souhaité est atteint et persiste à une valeur voisine 24 h plus tard (même
INR 2 jours consécutifs). Un contrôle 24 h après une modification de poso-
logie est rarement utile.

Organisation générale du traitement


Si la molécule retenue est de longue durée d’action permettant une prise
unique, l’horaire d’administration recommandé est le soir. Ceci permet
d’effectuer les prélèvements sanguins le lendemain matin et, ayant obtenu les
résultats pendant la journée, une adaptation le soir en fonction des résultats.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 321

Schéma général du suivi biologique


❐ Chronologie
J2 - J3 = premier contrôle (dépendant de la demi-vie de la molécule choisie)
J4 - J5 - J6 = jusqu’à obtention de deux INR successifs dans la zone d’effica-
cité thérapeutique choisie. La 2e semaine, il est recommandé de pratiquer deux
contrôles. Les semaines 3 et 4, pratiquer un contrôle (si bien stabilisé). Ulté-
rieurement, un contrôle par mois (minimum).
❐ Adaptation de posologie
• Pour la Coumadine
– INR = 1,1 à 1,4 : il convient d’augmenter de 20 %;
– INR = 1,5 à 1,9 : il convient d’augmenter de 10 %;
– INR = 3,1 à 3,5 : il convient de réduire de 10 %;
– INR > 3,5 : il convient d’arrêter jusqu’au moment où INR < 3,5, puis de
reprendre en réduisant de 20 %.
• Pour les autres AVK
Adaptation par 1/4 de comprimé. La section des comprimés au-delà de 1/4, en
dehors de difficultés techniques, entraîne des administrations irrégulières.
❐ Intérêt des abaques
Pour deux molécules, a été proposé le recours à des abaques qui facilitent
l’obtention de la posologie propre au patient : Coumadine et Préviscan.
❐ Les difficultés particulières d’adaptation de posologie
On observe une instabilité de la réponse biologique (sous réserve d’une bonne
qualité du suivi biologique) en cas de :
– mauvaise observance du traitement avec parfois des difficultés à couper les
comprimés (d’où l’intérêt de la présentation en 2 et 5 mg de la Coumadine et
en 1 et 4 mg pour le Sintrom);
– de régime alimentaire inapproprié (apports irréguliers en vitamine K par les
végétaux);
– d’interférences médicamenteuses;
– de troubles du transit;
– de fièvre;
– d’interférences pathologiques (atteinte hépatique, rénale par exemple).
Il faut se souvenir qu’une modification de posologie peut retentir 3 à 6 jours
plus tard. Cette durée varie avec le type de molécule choisie et l’importance de
la modification posologique.
En ce qui concerne la résistance aux AVK (absence de réponse biologique), il
faut d’abord vérifier : l’observance du traitement (en cas de doute, il est possible
d’obtenir dans des laboratoires très spécialisés un dosage plasmatique de la
molécule utilisée), la posologie; les interférences médicamenteuses inhibant le
traitement AVK (barbituriques par exemple) et la qualité du suivi biologique.
322 Maladies thrombosantes

Ensuite, il est possible d’augmenter la posologie avec un maximum de six


comprimés par jour (30 mg de Coumadine).

Arrêt du traitement AVK


Quelques études ont tenté de démontrer que l’arrêt du traitement entraîne une
sorte de rebond avec risque thrombotique. En l’absence de confirmation de ces
résultats, certains auteurs proposent de faire des arrêts progressifs sur 10 à
15 jours sans aucun suivi biologique. Cette attitude simple et peu coûteuse est
dictée par la prudence mais manque de démonstration scientifique.

Recommandations de l’ACCP 2008


pour les accidents hémorragiques sous warfarine avec INR > 9
Elles préconisent l’arrêt de l’AVK, 10 mg de vitamine K en perfusion lente IV
et plasma frais congelé-décongelé, sécurisé, du concentré Kaskadil voire du
NovoSeven en fonction de la gravité de l’accident.
En cas de persistance de l’élévation de l’INR, l’administration de vitamine K
est renouvelée toutes les 12 h (niveau d’évidence 1C).

Auto-mesure
De nombreux travaux ont montré que l’automesure de l’INR par le patient
préalablement formé améliorait la qualité de la surveillance biologique. Une
meilleure stabilité de l’INR est obtenue avec les appareils Coagucheck,
Protime, etc.
La calibration de la mesure automatique est une étape importante. Le
remboursement de ces tests reste limité à la pédiatrie cardiologique en France.
Le patient doit faire contrôler épisodiquement l’exactitude des mesures en se
rendant au laboratoire avec son instrument. Il existe enfin un petit nombre de
logiciels pour la warfarine et pour le previscan qui, tenant compte des résultats
de l’INR et de divers renseignements concernant le patient, indiquent la poso-
logie la plus appropriée. Des dispositifs d’automesure de l’INR viennent
d’être inscrits sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR)
(JO du 24 juin 2008).
Une grande étude très récente a comparé cette méthode à la méthode habi-
tuelle dans laquelle un médecin décide la posologie. Les résultats des deux
méthodes ont été comparables avec même un avantage pour les malades
traités pour une prévention secondaire d’un accident thromboembolique
veineux. L’importance de l’éducation du patient est de plus en plus reconnue.

Cas particuliers
❐ Grossesse
Voir chapitre 17.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 323

❐ Enfants
Les risques iatrogènes doivent limiter la prescription des AVK à des indica-
tions très précises (chirurgie cardiaque, néphropathie, anomalies rares de
l’hémostase, pathologies veineuses ou artérielles très thrombogènes).
Les formulations galéniques sont peu adaptées d’où l’intérêt des comprimés à
2 mg de la Coumadine ou la préparation hospitalière de gélules minidosées.
Les AVK sont déconseillées chez les enfants de moins de 1 mois, qui requiè-
rent des doses significativement plus élevées que ceux de plus de 3 ans. Les
variabilités très importantes de réponse biologique justifient des contrôles
biologiques (INR) tous les 15 jours. Des recommandations d’adaptation de
posologie ont été publiées par P. Piquet.

❐ Malade présentant un antiphospholipide


Les inhibiteurs acquis retentissent rarement ou plus faiblement sur le TQ. Des
études ont montré que le suivi thérapeutique par l’INR était peu sensible à ces
inhibiteurs sauf pour certains réactifs que le laboratoire doit écarter. L’INR
recherché est compris entre 2 et 3 (ACCP 2008). En cas de récidive sous trai-
tement bien conduit, l’élévation de l’INR est ciblée à 3 (extrêmes 2,5-3,5, avec
un niveau d’évidence 2C).

❐ Sujet âgé
Voir chapitre 13.

Chirurgie chez un patient sous traitement AVK


Si le risque thromboembolique est élevé, un relais par héparine doit être entre-
pris mais le recours, par exemple, à de l’aspirine est inadapté. Plusieurs schémas
ayant fait l’objet d’essais cliniques, on peut retenir les propositions suivantes :
avec la Coumadine ou un AVK à longue durée d’action : arrêt 5 à 6 jours avant
la chirurgie et début d’un traitement par héparine – héparine de bas poids molé-
culaire (HBPM) à dose curative en 2 injections/j en sous-cutané. Le relais par
héparine se fera plus rapidement par apport de vitamine K (1 mg). L’HBPM est
arrêtée 12 à 18 h avant la chirurgie (éventuellement sous surveillance préopéra-
toire d’une activité anti-Xa) et reprise 8 à 15 h après chirurgie.
Les interventions dentaires dans la majorité des cas ne justifient pas d’arrêt du
traitement anticoagulant mais des gestes rigoureux, une hémostase locale
(compression, hémostatiques par exemple), la prescription pendant 5 à 6 jours
d’acide tranexamique (Exacyl, Spotof).
La chirurgie de la cataracte semble possible sans risque hémorragique chez
des patients avec INR entre 2 et 3.

Pour une stratégie de qualité et de sécurité :


les cliniques des anticoagulants
Compte tenu de la haute fréquence des accidents iatrogènes hémorragiques et
des difficultés du suivi des traitements AVK, beaucoup de pays, sous des
324 Maladies thrombosantes

modalités variables, ont mis en place des structures adaptées appelées


Clinique des anticoagulants.
Ces cliniques n’ont généralement pas pour but de se substituer aux praticiens
mais d’aider le patient : éducation des patients, remise d’un carnet de
surveillance de traitement, suivi des résultats, adaptation des posologies.
Pour faciliter le suivi biologique, en accroître la fréquence en limitant les
coûts et les contraintes, certains pays proposent le recours à des appareils
délocalisés utilisés directement par les patients sous la surveillance et surtout
l’aide constante de cliniques des anticoagulants. Plusieurs études ont montré
que ces cliniques réduisaient de 2/3 le coût des accidents iatrogènes avec une
grande satisfaction des patients en termes de sécurité et donc de qualité de vie.
Même si de nouvelles molécules, dont le développement est très avancé, font
évoquer la réduction, voire la disparition des prescriptions d’AVK, il est encore
nécessaire d’améliorer la qualité de la surveillance des traitements AVK et de
mettre en place, en France, des cliniques des anticoagulants. L’autosurveillance
à l’aide d’un logiciel approprié contribue à cette amélioration.

BIBLIOGRAPHIE
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risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités
par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. Recommandations HAS
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(8th edition). Chest 2008; 133 : 160-198.
ANSELL JE. Outpatient anticoagulant therapy. In : Consultative hemostasis
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PIQUET P, S DOUBINE. Utilisation des héparines de bas poids moléculaire et
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J Thromb Haemost 2008; 6 : 935-943.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 325

HÉPARINE NON FRACTIONNÉE (HNF) ET HÉPARINES


DE BAS POIDS MOLÉCULAIRE (HBPM)
François DEPASSE, Meyer-Michel SAMAMA

Héparine non fractionnée (HNF)


L’HNF est un mélange complexe de mucopolysaccharides sulfatés extraits
principalement de muqueuse intestinale de porc. La masse moléculaire des
molécules constituant l’HNF varie de 3 000 à 30 000 Da (moyenne 5 000)
(fig. 8.2). Les actions pharmacologiques de l’HNF sont nombreuses, au
premier rang desquelles l’action anticoagulante caractérisée par une potentia-
lisation importante (de l’ordre de 1 000 fois) de l’activité de l’antithrombine
(AT, autrefois appelée ATIII). L’AT est un inhibiteur physiologique lent de la
coagulation. Son action inhibitrice devient immédiate en présence d’héparine.
Distribution %

HBPM Héparine
non fractionnée

2 000 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000


Poids moléculaire (Daltons)

Fig. 8.2. Distribution des poids moléculaires des préparations d’HNF et d’HBPM.

La séquence particulière permettant la liaison des chaînes d’héparine à l’AT


est constituée d’un enchaînement particulier de cinq sucres constituant le
pentasaccharide naturel. Cette séquence est présente dans environ 1/3 des
chaînes d’héparine d’une préparation d’HNF. Cette notion est à la base du
développement de certains nouveaux anticoagulants comme le pentasaccha-
ride synthétique fondaparinux (fig. 8.3 et 8.4).
L’ensemble des molécules constitutives de l’HNF peut participer d’une
manière ou d’une autre à l’activité pharmacologique de l’HNF en interagis-
sant avec le cofacteur II de l’héparine ou avec le facteur 4 plaquettaire (F4P)
ou encore en provoquant la libération dans la circulation de TFPI, qui pourrait
jouer un rôle dans l’activité antithrombotique de ces préparations.
326 Maladies thrombosantes

1 700 daltons (5 unités monosaccharides) 5 400 daltons (16-18 unités monosaccharides)

Activité anti-Xa exclusive Activité anti-Xa et anti-IIa

ATIII Xa ATIII IIa

PS PS

Fig. 8.3. Mécanisme d’action des chaînes d’héparine en fonction de leur poids
moléculaire.
L’inhibition de la thrombine requiert la liaison de la chaîne d’héparine à la
fois à l’AT et à la thrombine tandis que l’inhibition du FXa ne requiert que
la liaison de la chaîne d’héparine à l’anti-IIa.
PS : pentasaccharide, enchaînement de cinq unités monosaccharidiques de
masse moléculaire totale 1 700 Da environ.

Le mécanisme d’action anticoagulante des chaînes d’héparine dépend de leur


masse moléculaire. Les chaînes de masse moléculaire < 5 400 Da (16 à
18 unités saccharidiques) ont une activité essentiellement anti-Xa tandis que
les chaînes de masse moléculaire supérieure ont également une activité anti-
IIa, anti-IXa et anti-XIa. L’HNF est caractérisée par un rapport (activité anti-
Xa/activité anti-IIa) voisin de 1.
Les héparines (HNF et HBPM) potentialisent l’activité du FVIIa.

HNF HBPM Séquence


pentasaccharidique

Structure saccharide nécessaire à la liaison de l’héparine à l’AT.

Fig. 8.4. Répartition des unités pentasaccharidiques au sein des préparations


d’HNF ou d’HBPM.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 327

L’HNF est commercialisée sous forme de sel de sodium (Héparine Choay)


administrable par voie intraveineuse ou sous-cutanée, et sous forme de sel de
calcium (Calciparine) administrable exclusivement par voie sous-cutanée.
L’utilisation de l’HNF est indiquée :
– en traitement curatif :
- des TVP constituées et de l’EP,
- à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (IDM) avec ou sans onde Q et
de l’angor instable, à la phase aiguë,
- des embolies artérielles extracérébrales,
- de certains cas de coagulopathie, CIVD (pour l’héparine sodique);
– en prévention :
- pour l’héparine sodique : des accidents thromboemboliques artériels en
cas de cardiopathie emboligène, de thérapeutique endovasculaire et de
chirurgie vasculaire artérielle pour éviter une coagulation dans les circuits
de circulation extracorporelle et d’épuration extrarénale,
- pour l’héparine calcique : des accidents thromboemboliques veineux en
milieu chirurgical; chez les patients alités, atteints d’une affection médicale
aiguë (notamment en postinfarctus, en cas d’insuffisance cardiaque, après
un AVC ischémique avec paralysie des membres inférieurs). L’utilisation
est, dans ce cas, réservée à l’insuffisance rénale sévère (clairance de la
créatinine de l’ordre de moins de 30 ml/min selon la formule de Cockcroft)
comme alternative possible à la prescription d’une HBPM.
La posologie varie selon l’indication et la voie d’administration (se référer au
dictionnaire Vidal). Toutes les préparations n’étant pas à la même concentra-
tion, les prescriptions doivent être rédigées en UI. Les posologies étaient
autrefois exprimées en mg, 1 mg d’HNF correspondant à l’époque à 100 UI,
ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui.
La surveillance biologique repose sur la surveillance du chiffre de plaquettes
(avant le début du traitement, puis deux fois par semaine) afin de dépister une
éventuelle TIH de type II et sur la mesure du TCA (dont la valeur dépend de la
sensibilité du réactif utilisé et de l’interférence possible d’anomalies de la
coagulation, par exemple la présence d’un anticoagulant circulant [ACC]
susceptible d’allonger lui-même le TCA). La mesure de l’activité anti-Xa,
mieux standardisée et moins sensible aux anomalies de la coagulation, est un
bon témoin de la concentration de l’héparine dans le sang, mais il ne tient pas
compte de l’activité anti-IIa. De plus, cet examen de laboratoire n’est pas aussi
aisément disponible que le TCA. Cependant, la mesure du TCA chez les
patients traités par l’héparine doit avoir été standardisée par le laboratoire en
fonction des conditions opératoires propres à chaque laboratoire.
En cas d’antécédents de TIH confirmée, l’utilisation d’héparine (HNF ou
HBPM) est contre-indiquée. Deux préparations peuvent alors être utilisées : le
danaparoïde sodique (Orgaran) ou la lépirudine (Refludan). En cas de suspi-
cion de TIH, l’administration d’héparine doit être suspendue et un traitement
anticoagulant de substitution par le danaparoïde sodique ou la lépirudine doit
être instauré. L’intérêt potentiel du fondaparinux dans ce diagnostic est en
cours d’évaluation (absence d’AMM). Si la suspicion de TIH est infirmée, le
328 Maladies thrombosantes

traitement par héparine pourra être repris. L’utilisation des AVK en tant que
traitement de substitution d’un traitement par l’héparine en cas de TIH est
contre-indiquée (voir chapitre 11).
L’utilisation de l’HNF est par ailleurs contre-indiquée en cas d’hypersensibi-
lité à l’héparine, de maladie hémorragique constitutionnelle, en présence
d’une lésion organique susceptible de saigner et en cas d’hémorragie intracé-
rébrale. Par ailleurs, une anesthésie péridurale ou une rachianesthésie ne
doivent pas être effectuées pendant un traitement par héparine.
D’une manière générale, et sauf contre-indication particulière, le relais du trai-
tement héparinique par des AVK doit être instauré précocement, dès le 1er ou
le 2e jour d’administration de l’héparine.

Héparines de bas poids moléculaire (HBPM)


Les HBPM sont constituées de fragments d’HNF obtenus par dépolymérisa-
tion chimique ou enzymatique dont les poids moléculaires moyens se situent
aux alentours de 5 000 Da. Selon la pharmacopée européenne, les HBPM sont
caractérisées par un poids moléculaire moyen < 8 000 Da. Comme pour
l’HNF, environ 1/3 à 1/4 des molécules constitutives des HBPM contiennent
la séquence pentasaccharique nécessaire à la liaison à l’AT et permettant de
potentialiser l’action inhibitrice de cette dernière vis-à-vis du FXa.
L’HNF a un rapport (activité anti-Xa/activité anti-IIa) de l’ordre de 1, tandis que
les HBPM sont caractérisées, selon la pharmacopée européenne par un rapport
(activité anti-Xa/activité anti-IIa) > 1,5. Compte tenu de l’hétérogénéité des
préparations d’HBPM, ce rapport varie en pratique entre 2 et 4. Dans le cas de la
bemiparine utilisée en Espagne, ce rapport est encore plus élevé. En règle géné-
rale, les HBPM n’allongent pas le TCA à dose prophylactique et ne l’allongent
que modérément, voire pas du tout à dose curative. Cet allongement est inverse-
ment proportionnel du rapport (activité anti-Xa/activité anti-IIa) de la préparation
et dépend de la sensibilité du réactif utilisé pour réaliser le TCA. Chaque labora-
toire doit indiquer les résultats attendus en fonction de l’HBPM utilisée.
Les propriétés pharmacocinétiques des HBPM leur ont permis de supplanter
l’HNF : leur meilleure biodisponibilité, leur demi-vie au moins deux fois plus
longue permettant la réduction du nombre d’injections et leur clairance indé-
pendante de la dose en font des préparations dont l’activité est plus prévisible
et plus sûre que celle de l’HNF. L’élimination des HBPM est essentiellement
rénale et leurs molécules constitutives se lient plus faiblement aux cellules
endothéliales et aux protéines plasmatiques que celles de plus grand poids
moléculaire constitutives de l’HNF. La demi-vie et la clairance sont indépen-
dantes de la dose administrée et l’effet pharmacodynamique est proportionnel
à la dose administrée.
La posologie des HBPM est adaptée en fonction des indications et du poids du
patient. Cette attitude est déterminée par le fait qu’il existe une corrélation
significative entre l’activité anti-Xa mesurée et le poids pour une dose donnée
d’HBPM. À noter que comme pour l’HNF, les prescriptions doivent être rédi-
gées en UI. Toutefois, en pratique courante, la posologie de certaines
préparations est exprimée en mg ou en millilitres de solution (tableau 8.V).
Tableau 8.V. Indications, posologie et valeurs d’activité anti-Xa attendues pour les HBPM disponibles en France

Activité anti-Xa
Indication Dose
attendue (UI anti-Xa/ml)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 000 UI/24 h (20 mg/24 h) 0,18 ± 0,04
en chirurgie (1 injection/24 h)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie ou 4 000 UI/24 h (40 mg/24 h) 0,43 ± 0,11
prévention en médecine (1 injection/24 h)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 100 UI/kg/12 h 1,20 ± 0,17
Angor instable IDM sans onde Q (1 mg/kg/12 h) après la 7e injection
(2 injections/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 500 UI/24 h 0,15 à 0,25
en chirurgie (1 injection/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 5 000 UI/24 h 0,30 à 0,45
(1 injection/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 100 UI/kg/12 h 0,59 à 0,69 ± 0,25 valeurs
(2 injections/24 h) moyennes de J2 à J10
de traitement
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Angor instable IDM sans onde Q 120 UI/kg/12 h 0,6 à 1,2
(dose maximale :
10 000 UI/injection)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 850 UI/24 h 0,25 à 0,35
en chirurgie (1 injection/24 h)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 38 UI/kg/24 h pendant 3 j 0,25 à 0,35
puis 57 UI/kg/24 h
(1 injection/24 h)
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 329



Tableau 8.V. Indications, posologie et valeurs d’activité anti-Xa attendues pour les HBPM disponibles en France (suite)

Activité anti-Xa
Indication Dose
attendue (UI anti-Xa/ml)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 85 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
(2 injections/24 h)
330 Maladies thrombosantes

FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Angor instable IDM sans onde Q 86 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
(2 injections/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque intermédiaire en 2 500 UI/24 h 0,10 à 0,15
chirurgie (1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque intermédiaire majoré en 3 500 UI/24 h 0,15 à 0,20
chirurgie (1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 4 500 UI/24 h 0,35 à 0,45
(1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Traitement curatif des thromboses 175 UI/kg/24 h 0,87 ± 0,15
veineuses constituées Traitement de l’EP (1 injection/24 h)
FRAXODI (Nadroparine DCI) Traitement curatif des thromboses 171 UI/kg/24 h 1,34 ± 0,15
veineuses constituées (1 injection/24 h) (pour 166 UI/kg/24 h)
IDM : infarctus du myocarde
IDM : infarctus du myocarde
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 331

Les HBPM ont apporté un confort d’utilisation en grande partie responsable


de leur succès et ont peu à peu remplacé l’HNF dans de nombreuses indica-
tions. Selon la préparation, leurs indications couvrent la prévention et le
traitement des TVP et de l’EP et certaines affections cardiologiques. Quatre
préparations d’HBPM sont actuellement disponibles sur le marché français :
nadroparine (Fraxiparine et Fraxodi), énoxaparine (Lovenox), daltéparine
(Fragmine) et tinzaparine (Innohep) (voir tableau 8.V).
Qu’il s’agisse d’un traitement prophylactique ou curatif, la surveillance de la
numération des plaquettes est impérative durant toute la durée du traitement :
avant le traitement, vers les 5e et 7e jours, puis tous les 2 à 3 jours. De plus, il a
récemment été montré que la thrombopénie pouvait survenir jusqu’à 3 semaines
après l’arrêt de l’héparinothérapie dans le cas des HBPM et être associée à des
manifestations thrombotiques. Si un traitement prolongé s’avère nécessaire, ce
schéma doit être respecté au moins pendant le 1er mois; au-delà, la surveillance
pourrait être plus espacée. Cette recommandation reste d’actualité, même si
certains évoquent le problème du rapport coût/efficacité de ce suivi.
Compte tenu des caractéristiques pharmacocinétiques des HBPM, un accord a
été conclu sur la nécessité ou la non nécessité de surveiller l’activité anticoagu-
lante chez les patients traités par HBPM. Un des avantages des HBPM était la
réduction, voire la suppression du suivi de l’anticoagulation des patients traités.
Il existe un consensus sur le fait qu’un tel suivi est inutile en prophylaxie en
milieu chirurgical où, en général, les traitements sont limités à une durée de 7 à
10 jours. En chirurgie orthopédique, les traitements sont souvent prolongés
pendant 4 à 6 semaines. En pratique, ils ne nécessitent aucun suivi biologique
en dehors de la numération des plaquettes, sauf dans certaines populations de
patients considérés comme fragiles (insuffisants rénaux, sujets âgés par
exemple). La prévention en milieu médical peut être prolongée pour des durées
plus importantes, notamment pendant la grossesse et peut nécessiter une
surveillance biologique. En revanche, le problème se pose pour les traitements
curatifs de la TVP et/ou de l’EP. Une recommandation récente (dont les règles
sont encore imprécises), édictée par l’Afssaps en septembre 2000 a limité en
France l’usage des HBPM aux patients dont la clairance de la créatinine,
évaluée par la formule de Cockcroft, est > 30 ml/min. Ainsi, l’utilisation des
HBPM est-elle aujourd’hui contre-indiquée en traitement curatif chez les
patients dont la clairance de la créatinine est inférieure à ce chiffre. L’utilisation
de l’HNF reste alors autorisée, mention étant faite que cette mesure ne
s’applique pas à la situation particulière de la dialyse qui est une indication
octroyée à certaines spécialités. La prescription d’HBPM sans surveillance
biologique est déconseillée à doses curatives dans l’insuffisance rénale légère à
modérée (clairance de la créatinine comprise entre 30 et 60 ml/min). Dans ce
cas, la mesure répétée de l’activité anti-Xa pour vérifier l’absence d’accumula-
tion paraît justifiée. Certains préconisent une mesure de l’activité anti-Xa 1 à
2 h avant une nouvelle injection, mais la majorité des auteurs préfèrent prélever
le sang au pic d’activité (4 à 6 h après l’injection). Par ailleurs, l’utilisation des
HBPM en traitement préventif reste déconseillée dans l’insuffisance rénale
sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min). Les autres contre-indications
des HBPM sont les mêmes que celles de l’HNF (hypersensibilité à la prépara-
tion d’HBPM considérée, antécédents de TIH de type II sous HNF ou sous
332 Maladies thrombosantes

HBPM, manifestations ou tendances hémorragiques liées à des troubles de


l’hémostase, présence d’une lésion organique susceptible de saigner ou d’une
hémorragie intracérébrale). Une rachianesthésie ou une anesthésie péridurale
ne doivent par ailleurs pas être réalisées chez un patient sous HBPM à dose
curative. Dans le cas d’un traitement à doses curatives et dans le cas d’un traite-
ment à doses prophylactiques un délai de 12 à 24 h est recommandé.
Les premiers travaux publiés n’avaient pas mis en évidence de diminution
significative du risque hémorragique lié à l’utilisation des HBPM par rapport à
l’HNF. Ces résultats suggéraient qu’un suivi aussi régulier que pour l’HNF
pourrait être facultatif.
Rapidement, d’autres travaux ont prouvé qu’en réalité l’utilisation des HBPM
expose à un risque hémorragique inférieur à celui de l’HNF. Un certain
consensus s’est alors établi selon lequel la surveillance du traitement par les
HBPM est réservée à certains groupes de patients particuliers : patients insuffi-
sants rénaux, sujets âgés, sujets de poids écarté des normes, traitement prolongé,
pédiatrie, hémorragies ou, au contraire, inefficacité thérapeutique. Dans le cas
particulier de la femme enceinte, seules l’énoxaparine et la daltéparine bénéfi-
cient à ce jour d’une mention particulière : si à l’heure actuelle il reste préférable
de ne pas les utiliser à dose préventive au cours du 1er trimestre de la grossesse et
à dose curative tout au long de la grossesse, il est aujourd’hui possible d’utiliser
l’énoxaparine à dose préventive au cours des 2e et 3e trimestres de la grossesse, à
l’exception des patientes porteuses de prothèses valvulaires cardiaques mécani-
ques pour l’énoxaparine. Néanmoins, leur utilisation au cours des 2e et 3e
trimestre de la grossesse ne doit être envisagée que si nécessaire. Des études
complémentaires sont utiles pour évaluer les conséquences de leur utilisation
dans de telles conditions. En cas d’anesthésie péridurale, il convient dans la
mesure du possible de suspendre le traitement héparinique au plus tard dans les
12 h qui précèdent l’anesthésie pour un traitement préventif.
Les HBPM sont de plus en plus souvent utilisées chez la femme enceinte en
prévention des accidents thromboemboliques veineux, parfois pour des traite-
ments de longue durée. Il faut faire une place particulière aux femmes enceintes
ayant une prothèse valvulaire cardiaque, chez lesquelles l’utilisation des HBPM
n’est pas bien validée. Comme l’HNF, les activités anti-Xa et IIa ne traversent
pas la barrière placentaire. Cependant, la recherche de glycosaminoglycanes
chez le fœtus n’a jamais été réalisée mais plusieurs études montrent néanmoins
que les HBPM peuvent être utilisées de manière sûre et efficace et exposeraient
à un risque d’ostéoporose moindre que l’HNF. Dans ce contexte, leur utilisation
doit néanmoins être réservée à des équipes spécialisées et il n’existe pas de
consensus à l’heure actuelle quant au schéma thérapeutique, notamment en ce
qui concerne l’adaptation de la dose en fonction du poids. Compte tenu des
variations de poids observées au cours de la grossesse, deux attitudes avaient été
proposées lors de la 6e conférence de consensus sur la thérapeutique anticoagu-
lante de l’ACCP (American Consensus Chest Physicians) :
– ajuster la posologie en fonction de l’évolution du poids;
– mesurer l’activité anti-Xa et adapter la posologie en fonction du résultat de
manière à se trouver dans la zone thérapeutique attendue.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 333

La 8e conférence de l’ACCP propose l’utilisation de doses prophylactiques :


40 mg d’enoxaparine ou 5 000 UI antiXa de daltéparine et de doses dites inter-
médiaires doubles (2 fois par jour) des précédentes.
Les recommandations de la British Society for Haematology suggèrent
l’administration, pour les femmes à risque élevé de thrombose, des doses ajus-
tées d’HBPM ou d’HNF supérieures à celles habituellement utilisées en
traitement préventif. Pour les HBPM, la dose suggérée est de 75 UI anti-
Xa/kg ajustée sur le poids de la patiente en début de grossesse toutes les 12 h
par voie sous-cutanée. La valeur de l’activité anti-Xa attendue, mesurée par
une technique chromogénique se situe entre 0,3 et 0,5 UI anti-Xa/ml pour un
prélèvement effectué 3 h après l’injection. Chez certaines patientes, il est
possible d’utiliser une dose fixe d’HBPM de 4 000 à 5 000 UI anti-Xa en une
injection par jour. Ces recommandations mentionnent par ailleurs qu’il a été
empiriquement établi qu’un schéma à deux injections par jour (1 injection
toutes les 12 h) serait préférable à un schéma à une injection par jour, compte
tenu de ce que la clairance des héparines est augmentée au cours de la gros-
sesse. L’activité anti-Xa doit être mesurée après le 1er mois d’utilisation, puis
toutes les 4 à 6 semaines pour s’assurer qu’elle se situe bien dans la zone
attendue. Il faut cependant reconnaître que les recommandations concernant
les activités anti-Xa reposent sur des bases empiriques. Chez les femmes à
risque thrombotique modéré, une injection par jour d’une dose de 4 000 à
5 000 UI anti-Xa d’HBPM est habituellement appropriée. En l’absence de
recommandations précises, l’attitude de certaines équipes consiste à distinguer
différents groupes de patientes. En ce qui concerne le post-partum, il existe un
consensus selon lequel la prophylaxie doit être maintenue pendant au moins
6 semaines en après l’accouchement.
D’un point de vue pratique, la bulle d’air présente dans les seringues préremplies
ne doit pas être purgée avant l’injection et, en cas de flacons multidoses, l’utilisa-
tion d’aiguilles de très fin calibre (maximum 0,5 mm de diamètre) est
recommandée. L’injection sous-cutanée doit être réalisée de préférence chez le
patient en décubitus, dans le tissu cellulaire sous-cutané de la ceinture abdominale
antéro-latérale et postéro-latérale, alternativement du côté droit et du côté gauche.
L’aiguille doit être introduite perpendiculairement et non tangentiellement, sur
toute sa longueur, dans l’épaisseur d’un pli cutané entre le pouce et l’index de
l’opérateur. Ce pli cutané doit être maintenu pendant toute la durée de l’injection.
La surveillance de l’activité anti-Xa doit être mesurée sur un prélèvement de
sang réalisé au pic d’activité, soit 3 à 4 h après l’injection pour la plupart des
HBPM (Lovenox, Fragmine, Fraxiparine), sauf pour Innohep et Fraxodi,
préparations à une injection par jour, pour lesquelles le prélèvement doit être
réalisé 4 à 6 h après l’injection.

Les HBPM sont-elles interchangeables?


Les HBPM diffèrent par leur mode de préparation, leur PM moyen, la répartition
des molécules, la biodisponibilité de l’activité anti-Xa, leur aptitude à libérer le
TFPI, à être neutralisées par la protamine et leur immunogénicité. Leurs actions
sur les plaquettes, sur l’endothélium vasculaire et sur l’inflammation peuvent
334 Maladies thrombosantes

également ne pas être superposables pour toutes les HBPM disponibles. En


revanche, leur origine – muqueuse intestinale de porc – est la même. L’existence
d’un contaminant, la chondroïtine hypersulfate, a récemment été découverte. Son
introduction, sans doute frauduleuse, dans des préparations d’origine chinoise
pourrait expliquer les décès par choc anaphylactique d’une centaine de patients
américains au moment d’une injection intraveineuse d’héparine.
Sur le plan clinique, il existe trop peu d’études, notamment d’études portant
sur des nombres importants de patients, pour mettre en évidence une diffé-
rence d’efficacité ou de sécurité entre les différentes préparations
pharmaceutiques.
En orthopédie, trois études ont été publiées, qui n’ont montré aucune diffé-
rence en ce qui concerne l’efficacité. En revanche, l’une des HBPM utilisées a
entraîné dans une étude un nombre plus important d’accidents hémorragiques.
En cardiologie, une étude clinique et biologique a donné un avantage à
l’énoxaparine comparée à la daltéparine.
En revanche, le risque d’accumulation d’HBPM chez les patients ayant une
insuffisance rénale a été trouvé moins élevé avec la tinzaparine qu’avec
l’énoxaparine.
Les HBPM appartiennent à une même famille médicamenteuse; elles ont des
caractéristiques physico-chimiques et pharmacodynamiques différentes, mais
elles sont utilisées dans les mêmes indications. Leur large succès explique
l’existence de génériques. Les autorités de santé émettent des recommanda-
tions qui doivent être respectées par les fabricants de médicaments
biosimilaires, ce qui est le cas des HBPM.

Conclusion
Grâce à leur commodité d’emploi et à leur très bonne tolérance, les HBPM ont
supplanté l’HNF dans bon nombre d’indications. La surveillance des traite-
ments est limitée au chiffre de plaquettes. Toutefois, pour certains groupes de
patients considérés comme à risque (sujets insuffisants rénaux, âgés, de poids
écarté des normes, femme enceinte, pédiatrie, survenue d’hémorragies ou
inefficacité thérapeutique), la mesure de l’activité anti-Xa est nécessaire et
dans certains cas l’utilisation de l’HNF reste le traitement de choix.

BIBLIOGRAPHIE

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TRAITEMENTS THROMBOLYTIQUES
ET SURVEILLANCE
Gérard HELFT, Meyer-Michel SAMAMA

Thrombolytiques
État des lieux
Les thrombolytiques ont prouvé leur efficacité dans le traitement à la phase
aiguë de l’infarctus du myocarde (IDM) par le résultat de deux grandes études
randomisées (GISSI-1, ISIS-2). Ces études ont montré qu’un thrombolytique
administré par voie IV permettait de réduire significativement la mortalité
hospitalière. Un autre grand essai (GUSTO-I) permettait de démontrer la
théorie de l’artère ouverte, c’est-à-dire le bénéfice clinique en termes de
morbi-mortalité par la reperméabilisation la plus rapide possible de l’artère
responsable de l’IDM. Ils sont également indiqués depuis peu dans les AVC
récents de moins de 3 h ou 4 h 30. Ils sont également utilisés dans les artério-
pathies périphériques et dans la désobstruction locale de cathéters centraux.
Il ne faut pas oublier qu’un traitement thrombolytique est également indiqué
en cas d’EP aiguë massive avec instabilité hémodynamique, une dose totale de
100 mg devant être administrée en 2 h (bolus IV de 10 mg en 1 à 2 min, suivi
d’une perfusion de 90 mg sur 2 h en ne dépassant pas 1,5 mg/kg chez les
patients pesant moins de 65 kg).
L’administration d’un thrombolytique activateur du plasminogène permet la
dissolution du thrombus, mais n’agit pas sur la cause de la formation de ce
thrombus, l’environnement persistant pour la formation d’un nouveau
thrombus :
– d’une part, la sténose coronaire au niveau de laquelle s’est produite la
rupture endothéliale reste présente;
– d’autre part, la libération de thrombine induite par la thrombolyse.
Les thrombolytiques exercent eux-mêmes une activité procoagulante alors
qu’ils n’ont pas (l’altéplase ou activateur tissulaire du plasminogène recombi-
nant [rt-PA]) ou peu (la SK) de propriétés anticoagulantes.
336 Maladies thrombosantes

Pharmacologie des principaux agents thrombolytiques


S’il est d’usage d’utiliser le terme d’agent thrombolytique, les cardiologues
préfèrent celui de traitement fibrinolytique, car ces agents transforment le
plasminogène en plasmine laquelle dégrade la fibrine, le constituant majeur du
thrombus. Les premiers agents fibrinolytiques utilisés ont été la streptokinase
(Streptase), l’anistreplase (Eminase) et l’urokinase. Les agents de seconde
génération comprennent le rt-PA et différents variants de ce t-PA : le rétéplase
(r-PA) (Rapylysin), le ténectéplase (TNK-t-PA) (Métalyse) et le lanotéplase
(n-PA). En effet, après les premiers grands essais de fibrinolyse intraveineuse,
il est apparu rapidement que cette fibrinolyse présentait des limites, ce qui
explique la recherche de fibrinolytiques plus performants. En effet, la perméa-
bilité artérielle précoce (TIMI 3 à la 90e minute) n’était obtenue que dans
environ la moitié des cas. De plus il existait un risque de réocclusion secon-
daire. Par ailleurs, les accidents hémorragiques comprenant notamment les
AVC constituaient la complication majeure de ce traitement. Les recherches se
sont donc orientées vers la conception du fibrinolytique idéal dont les caracté-
ristiques sont les suivantes :
– ouverture de 100 % des artères;
– absence de réocclusion;
– délai d’action rapide;
– absence d’accident hémorragique;
– facilité d’emploi.
Afin d’atteindre cet objectif, de nombreux mutants du rt-PA ont été déve-
loppés et testés in vivo :
– le rétéplase (r-PA), variante du rt-PA, présente beaucoup d’avantages, car il
diffuse bien au niveau du caillot. Sa demi-vie est augmentée (18 min vs 4 à
6 min pour le t-PA), ce qui permet de faire une administration par double
bolus de 10 millions d’Unités à 30 min d’intervalle. L’étude RAPID II a
permis de montrer qu’une reperfusion plus rapide était obtenue avec la r-PA
par rapport au t-PA (TIMI 3 à 90 min : 59,9 % vs 45,2 %, p < 0,01). Cepen-
dant, deux grands essais cliniques (INJECT et GUSTO III) n’ont pas permis
de démontrer d’avantages en termes de réduction de mortalité ni de réduction
des AVC;
– le TNK-t-PA : sa demi-vie prolongée (17 min) et sa fibrinospécificité sont
très intéressantes. Il est résistant à l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène
(PAI-I). L’étude ASSENT-II n’a pas montré de réduction de la mortalité à 30
jours, ni de réduction des AVC. Les hémorragies sévères non cérébrales ont
été légèrement, mais significativement moins fréquentes. Son administration
sous forme de bolus unique facilite son administration à domicile par les
équipes du SAMU;
– la pro-urokinase obtenue par génie génétique, ou r-proUK, est en cours
d’évaluation avec des résultats prometteurs.
Un autre thrombolytique comme la staphylokinase recombinante est une alter-
native qui ne semble cependant pas améliorer la lyse du caillot responsable de
l’infarctus de façon significative par rapport aux autres thrombolytiques.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 337

D’autres activateurs du plasminogène comme celui extrait de la salive d’un


vampire sont prometteurs et à l’essai dans des études cliniques.

Traitements adjuvants dans l’infarctus du myocarde (IDM)


❐ Aspirine
Depuis l’étude ISIS-II, il est admis que l’administration d’aspirine, même par
voie orale, à la dose de 160 mg/j, est associée à une réduction de la mortalité à
la phase aiguë de l’IDM. En dehors de ce traitement pharmacologique efficace
et économique, il existe des traitements antithrombotiques qui sont couram-
ment utilisés ou testés dans de grandes études.

❐ Antithrombiniques
L’intérêt de l’administration d’une substance antithrombinique est démontré à
la phase aiguë de l’infarctus, que ce soit pour les patients thrombolysés ou les
non thrombolysés, pour les patients dilatés ou ceux ne bénéficiant pas d’un
traitement de reperfusion.

❐ HNF
C’est l’agent antithrombotique le plus utilisé qui justifie et nécessite pleine-
ment la surveillance biologique. Pour les patients traités par streptokinase,
l’administration d’HNF par voie intraveineuse (5 000 unités en bolus puis
1 000 U/h si poids > 80 kg, 800 UI/h si poids < 80 kg). Pour les patients traités
par altéplase, TNK-t-PA ou rétéplase, l’administration de 60 U/kg (maximum
de 4 000 U) suivie de 12 U/kg/h (maximum de 1 000 U/h) est recommandée
pour obtenir un TCA entre 50 et 70 s pendant 48 h.

❐ HBPM
Chez les patients traités par thrombolytiques, qui ont par ailleurs une fonction
rénale préservée (créatinémie < 220 µmol/l pour l’homme et < 175 µmol/l
pour la femme), l’utilisation de l’énoxaparine est recommandée. La posologie
recommandée est de 30 mg en bolus intraveineux puis 1 mg/kg en sous-
cutané/12 h si l’âge est < 75 ans, elle est de 0,75 mg/kg en sous-cutané, sans
bolus intraveineux, si l’âge est > 75 ans.

Inhibiteurs de la glycoprotéine IIbIIIa


Ils ont été testés en association aux traitements thrombolytiques. Cependant, les
deux grands essais cliniques de combinaison d’un tel traitement et d’un agent
thrombolytique, GUSTO-IV et ASSENT-III n’ont pas montré d’efficacité supé-
rieure sur la mortalité en comparaison au traitement thrombolytique seul. En
revanche, il existe clairement un bénéfice sur les récidives d’infarctus en faveur
de l’association. Les hémorragies intracérébrales ne sont pas plus fréquentes,
mais il y a une augmentation significative des hémorragies non cérébrales avec
une augmentation du nombre de transfusions et de thrombopénies. À noter que
l’étude ASSENT-III a montré que l’administration intra-hospitalière de l’associa-
338 Maladies thrombosantes

tion TNK-t-PA-énoxaparine permettait de réduire la fréquence des complications


ischémiques post-IDM, comparée à l’administration de TNK-t-PA-HNF.
À l’heure actuelle, à la phase aiguë d’un IDM, si une thrombolyse est adminis-
trée, le traitement adjuvant le plus largement utilisé reste l’HNF. Les
recommandations actuelles de l’American College of Cardiology/American
Heart Association (ACC/AHA) concernant son utilisation sont :
– si l’agent thrombolytique est le rt-PA, la r-PA ou la TNK-t-PA, l’administra-
tion d’HNF par voie IV est recommandée pendant 48 h (grade IB), en bolus de
60 U/kg (4 000 unités au maximum), suivi d’une perfusion de 12 U/kg/h (sans
dépasser 1 000 U/heure) (grade IIC). Le TCA cible varie entre 50 et 70 s. Au-
delà de 48 h, le traitement n’est poursuivi que s’il existe un risque particulier
d’accident thromboembolique artériel ou veineux;
– si l’agent thrombolytique est la SK et si le TCA est > 70 s, l’administration
d’HNF par voie IV ne sera pas réalisée dans les 4 premières heures suivant le
traitement.
En présence de marqueurs de risque thromboembolique élevé (infarctus anté-
rieur ou infarctus étendu, antécédent d’embolie ou thrombus intraventriculaire
gauche par exemple), l’héparinothérapie sera commencée sur la base de
1 000 U/h par IV. Si le risque thromboembolique est faible, l’administration
d’HNF par voie sous-cutanée (12 500 UI) deux fois par jour pendant 48 h
(grade II A) est recommandée.

Surveillance clinique d’un traitement thrombolytique


Les anticoagulants et les agents antiplaquettaires présentent dans un ordre
décroissant un risque hémorragique inhérent à leur efficacité. Ce risque est
accru en associant ces thérapeutiques. L’AVC hémorragique reste l’accident le
plus dramatique et redouté lors d’une thrombolyse. Trois facteurs de risque
indépendants d’hémorragie cérébrale lors d’une thrombolyse ont été identi-
fiés. Ce sont l’âge > 65 ans, une tension artérielle élevée à l’admission et un
poids corporel < 70 kg. Le cumul des trois risques exposerait à un risque 5 fois
supérieur au risque habituel. Dans une méta-analyse de neuf essais ayant
randomisé près de 60 000 patients, l’incidence de l’hémorragie intracérébrale
est de 0,4 %. En ce qui concerne les saignements non cérébraux, il existe un
excès de saignement majeur de l’ordre de 0,7 % lors de l’utilisation d’un trai-
tement thrombolytique. L’une des causes les plus fréquentes de saignement est
l’association de la thrombolyse à des procédures de revascularisation coro-
naire. La femme présente par ailleurs un risque plus important de saignement
lors d’un traitement thrombolytique.
La surveillance clinique repose bien évidemment sur l’examen clinique qui
sera centré sur l’examen neurologique. Les saignements extériorisés les plus
fréquents sont les saignements d’origine digestive et les saignements secon-
daires aux points de ponction. Il faut noter que l’utilisation de la voie radiale
permet de réduire les complications locales au point de ponction vasculaire.
En cas de point d’appel neurologique, un scanner cérébral sera effectué afin de
différencier une hémorragie d’une ischémie.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 339

Surveillance biologique d’un traitement thrombolytique


Les examens d’hémostase sont destinés à évaluer l’efficacité du traitement,
son risque hémorragique, la probabilité de réocclusion vasculaire. Il est
recommandé au clinicien de préciser sur la demande d’examens qu’il s’agit de
la surveillance d’un traitement thrombolytique.

Évaluation de l’efficacité du traitement


L’effet biologique du traitement thrombolytique est jugé sur l’augmentation
de l’activité fibrinolytique circulante qui est, en pratique, quantifiée indirecte-
ment par la diminution du taux de fibrinogène et, accessoirement, par
l’augmentation du taux des produits de dégradation de la fibrine (PDF).
L’augmentation du taux des D-dimères (D-Di), produits de dégradation de la
fibrine, témoigne théoriquement de la lyse des thrombus de fibrine et reflète
l’efficacité du traitement. Il n’a pas été en fait observé de corrélation entre le
taux des D-Di et le résultat de la coronarographie. En effet, des produits de
dégradation de la fibrine peuvent parfaitement provenir d’autres sources que le
thrombus à lyser. Cet examen n’est donc pas nécessaire dans la surveillance
biologique du traitement thrombolytique.

Évaluation du risque hémorragique


L’hypofibrinogénémie majeure, la baisse relative du fibrinogène rapporté au
taux initial et l’élévation du taux des PDF ont pu être corrélées au risque
hémorragique. Mais la fréquence des hémorragies liées à l’utilisation de
thrombolytiques spécifiques de la fibrine n’est pas différente de celles liées
aux thrombolytiques classiques bien que l’hypofibrinogénémie soit moindre.
L’évaluation du risque hémorragique ne repose finalement que sur le TCA.

Évaluation du risque de réocclusion


Un taux élevé de complexe IIa-anti-IIa, témoin indirect de la formation de
thrombine, et l’augmentation précoce du taux plasmatique de FPA, témoin
indirect de l’action de la thrombine sur le fibrinogène, pourraient prédire la
réocclusion. Mais ces tests ne peuvent être réalisés avec sécurité que dans de
rares laboratoires spécialisés. Leur intérêt mérite d’être confirmé. Là encore,
le TCA est le plus communément utilisé dans la surveillance routinière d’un
traitement thrombolytique.
La numération formule sanguine et la numération plaquettaire seront répétées
en fonction de la clinique. Une surveillance biquotidienne est souvent prati-
quée. À noter que lors de l’administration d’un traitement par abciximab, la
surveillance des plaquettes est pratiquée de façon plus précoce, entre 2 et 4 h
après le début du traitement.
De façon importante, la surveillance du TCA est obligatoire lors d’un traite-
ment par HNF chez les patients recevant un traitement thrombolytique. Des
taux de TCA infrathérapeutiques sont associés à des taux de perméabilité de
l’artère coronaire plus bas et le risque de réocclusion est élevé dans les
340 Maladies thrombosantes

48 premières heures. Par ailleurs, des TCA suprathérapeutiques sont associés


à une augmentation des complications hémorragiques. Il est par conséquent
important d’obtenir rapidement et de façon persistante des niveaux de TCA
thérapeutiques lors d’un traitement par HNF. Il est cependant fréquent en
pratique courante qu’un grand nombre de TCA ne soit pas dans la zone théra-
peutique pendant une période plus ou moins prolongée.
Différents abaques ont été publiés pour montrer leur intérêt dans l’améliora-
tion de l’ajustement de la dose d’héparine pour atteindre et maintenir des TCA
dans la zone thérapeutique. Malgré ces abaques, environ 1/3 des TCA ne sont
pas dans la zone thérapeutique. Chez les patients en phase aiguë d’infarctus
recevant un traitement thrombolytique, il existe une relation mortalité/TCA.
La mortalité la plus basse correspond à un TCA entre 50 et 70 s. Une
surveillance attentive du TCA notamment précoce est essentielle pour éviter
les surdosages et la première mesure doit être réalisée dès la 3e heure. L’intérêt
d’une surveillance fréquente du TCA lors des 48 premières heures de
l’infarctus est souligné par certains auteurs. Il faut également remarquer que
les réactifs céphalines peuvent être différents d’un laboratoire à un autre. Les
zones cibles de TCA devraient être modulées selon des réactifs utilisés.
Il est utile de se remémorer les facteurs de risque que sont l’âge, la tension
artérielle, le poids corporel et le sexe féminin pour anticiper un surdosage
possible de l’héparine.
L’utilisation des HBPM semble attrayante. Elle pourrait par conséquent
remplacer l’HNF si des études en cours et futures confirmaient les résultats
de l’étude ASSENT-III. Cette étude montre l’intérêt d’une association TNK-
t-PA et énoxaparine qui semble être à ce jour la meilleure combinaison phar-
macologique. Dans cet essai, l’énoxaparine était utilisée de la façon
suivante : bolus intraveineux de 30 mg suivi d’une première dose en sous-
cutané de 1 mg/kg, répété toutes les 12 h. Les deux premières doses ne
devaient pas dépasser 100 mg. Dans cette indication, l’intérêt des HBPM
pourrait diminuer la nécessité de la surveillance du TCA. Les avantages
théoriques des HBPM sur l’HNF qui ont consacré leur usage dans certains
syndromes comme les syndromes coronaires aigus pourraient ainsi se
confirmer également à la phase aiguë de l’IDM en association au traitement
thrombolytique.

Évaluation de l’action des agents antiplaquettaires


De plus en plus, les agents antiplaquettaires sont utilisés à la phase aiguë de
l’IDM en association au traitement thrombolytique, que ce soit l’aspirine, ou
les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa et le clopidogrel. Or, ces agents ne
bénéficient pas d’une surveillance biologique en routine, alors que leur effet
est variable. Différents tests d’évaluation de l’inhibition de l’activité plaquet-
taire existent non seulement pour les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa,
mais aussi de façon récente pour le clopidogrel. Ainsi, l’étude de la phospho-
rylation du VASP pourrait être l’un de ces tests si les études cliniques en cours
démontrent son intérêt.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 341

Conclusion
À la phase aiguë de l’infarctus, lors d’une thrombolyse, la détermination de la
posologie de l’héparine est centrale et laissée à l’appréciation du clinicien qui
détermine son initiation et la dose en fonction du thrombolytique utilisé. Le
clinicien gardera en mémoire les facteurs de risque hémorragiques comme
l’âge, l’élévation de la tension artérielle et un petit poids corporel. Un TCA
entre 50 et 70 s sera la cible lors d’un traitement par HNF. La surveillance
biologique pourrait se réduire dans les années à venir, si les HBPM confir-
maient leurs premiers résultats encourageants.

BIBLIOGRAPHIE

ASSENT-3 INVESTIGATORS. Efficacy and safety of tenecteplase in combination


with enoxaparin, abciximab, or unfractionated heparin : the ASSENT-3 rando-
mised trial in acute myocardial infarction. Lancet 2001; 358 : 605-613.
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OURIEL K. Safety and efficacy of the various thrombolytic agents. Rev
Cardiovasc Med 2003; suppl2 : s17-s24.

MOYENS THÉRAPEUTIQUES MODERNES


ET D’AVENIR
François DEPASSE, André KHER, Meyer-Michel SAMAMA

Nouveaux médicaments anticoagulants


L’amélioration de la connaissance de la physiologie de la coagulation, l’obser-
vation des organismes hématophages et les inconvénients des anticoagulants
disponibles ont ouvert la voie à la conception et au développement de
nouveaux médicaments anticoagulants. L’industrie pharmaceutique a cherché
à développer des médicaments actifs par voie orale, ne nécessitant pas de
surveillance biologique et dénués d’effets secondaires, notamment de risque
hémorragique.
Les cibles de développement visées par ces nouveaux médicaments anticoagu-
lants sont distribuées tout au long de la cascade moderne de la coagulation :
– les inhibiteurs du FVII activé (nematode anticoagulant peptide c2), peptide
anticoagulant obtenu à partir d’un nématode et ASIS, inhibiteur du site actif
du FVIIa) et le TFPI qui s’opposent au déclenchement de la coagulation en
inhibant le complexe FVIIa-FT, et pour le TFPI, le FXa;
342 Maladies thrombosantes

– les inhibiteurs spécifiques du FIX activé (aptamère 9,3 t) et autres


molécules;
– les inhibiteurs du FVIII;
– les inhibiteurs spécifiques des FV et FVIII activés (PCa);
– enfin et surtout, les inhibiteurs spécifiques du FXa ou de la thrombine.
Les molécules nouvellement apparues sur le marché appartiennent à ces deux
dernières catégories : les inhibiteurs spécifiques du FXa et les inhibiteurs
directs de la thrombine.

Inhibiteurs spécifiques du FXa (anti-Xa)


D’un point de vue pharmacologique, les anti-Xa peuvent être séparés en deux
groupes : les anti-Xa indirects et les anti-Xa directs.

Anti-Xa indirects
❐ Fondaparinux
Les anti-Xa indirects inhibent le FXa, comme l’héparine, par le biais de l’AT.
Leur chef de file est le fondaparinux (Arixtra). C’est la molécule dont le déve-
loppement clinique est aujourd’hui le plus avancé parmi l’ensemble des anti-
Xa. Depuis 2002, le fondaparinux dispose d’une AMM délivrée respective-
ment par la FDA et l’Agence européenne du médicament dans la prévention
de la TVP en chirurgie orthopédique majeure. Elle a été étendue au traitement
de la TVP et de l’EP, la prévention en milieu médical et récemment au traite-
ment des syndromes coronariens aigus.
La molécule est obtenue par synthèse chimique, ce qui garantit l’absence de
risque de contamination aléatoire par des agents pathogènes d’origine animale
et conduit à une molécule chimiquement définie, sans variation de composition
de lot à lot. De ce fait, la concentration plasmatique du fondaparinux doit être
exprimée en unités gravimétriques (µg/ml ou µmol/l) et la mesure de l’activité
anti-Xa doit être faite en utilisant le fondaparinux comme étalon. La structure
du fondaparinux est constituée de l’enchaînement de cinq sucres constituant le
site pentasaccharidique (pentasaccharide) nécessaire à la liaison de l’héparine à
l’AT. Le fondaparinux a une structure voisine de celle du pentasaccharide
naturel. Son poids moléculaire est de 1 728 Da. Le fondaparinux inhibe le FXa
de manière plus puissante que l’HNF ou les HBPM. À la différence de l’HNF
ou des HBPM, l’administration de fondaparinux n’induit pas de libération du
TFPI et ne modifie pas l’activité du TAFI. Il inhibe la génération de thrombine,
mais non la thrombine formée. À la différence d’autres anti-Xa, comme le DX-
9065a, le fondaparinux inhibe le FXa libre, mais pas le FXa incorporé au
complexe prothrombinase (FXa, FVa, phospholipides et calcium). Aux doses
utilisées en thérapeutique, le fondaparinux n’allonge pas significativement le
TCA, ni le TP. En revanche, il allonge l’Heptest et le PICT. En pratique, le test
recommandé pour évaluer son effet anticoagulant est la mesure de l’activité
anti-Xa. Comme l’ont montré les études pharmacocinétiques et cliniques,
l’effet thérapeutique est prédictible et stable, ce qui permet de se dispenser
d’une surveillance de la coagulation lors du traitement. Dans l’état actuel des
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 343

connaissances et malgré l’absence de thrombopénies symptomatiques surve-


nues sous fondaparinux (sauf de très rares exceptions), une surveillance de la
numération des plaquettes est recommandée à l’instauration et à l’arrêt du trai-
tement. Au plan pharmacocinétique, le pic de concentration plasmatique (Cmax)
est atteint 2 h après une injection unique sous-cutanée et 3 h après l’injection
de doses répétées. La demi-vie d’élimination est indépendante de la dose admi-
nistrée et varie entre 13 et 20 h chez le volontaire sain jeune. Ceci conduit à
administrer le produit en une seule injection sous-cutanée quotidienne. L’élimi-
nation du fondaparinux est essentiellement rénale. Chez le patient insuffisant
rénal, le sujet âgé et les patients de poids < 50 kg, la demi-vie d’élimination
peut être plus longue. Le fondaparinux ne se lie pas aux protéines (en dehors de
l’AT), ni aux globules rouges, ni à l’endothélium vasculaire. Il n’a pas été mis
en évidence d’interférence médicamenteuse avec la warfarine, l’aspirine ou le
piroxicam. Cependant, en cas de nécessité, l’administration concomitante de
fondaparinux et d’autres médicaments exposant à un risque hémorragique doit
être faite avec prudence et avec un suivi rapproché.
L’efficacité anticoagulante du fondaparinux a été évaluée dans la prévention
des complications thromboemboliques veineuses dans la chirurgie de la
hanche (fracture ou prothèse totale) et lors de la prothèse totale du genou. Lors
de ces essais, le fondaparinux a entraîné une réduction relative du risque de
TVP de l’ordre de 50 % par rapport à l’énoxaparine (études PENTATHLON
2000, EPHESUS, PENTAMAKS et PENTHIFRA). De plus, une étude
PENTHIFRA + réalisée chez des patients ayant une fracture du col du fémur a
démontré qu’un traitement prolongé d’une durée de 4 semaines permettait de
réduire significativement le risque thromboembolique veineux.
Très récemment, deux études cliniques (études MATISSE) ont montré que
l’efficacité et la sécurité d’emploi du fondaparinux ne sont pas significative-
ment différentes de celles de l’énoxaparine dans le traitement de la TVP
constituée et de celles de l’HNF dans le traitement de l’EP. Des essais clini-
ques sont en cours dans la pathologie coronarienne.
La posologie recommandée en chirurgie orthopédique est de 2,5 mg une fois
par jour, administrée en postopératoire par voie sous-cutanée, 6 à 10 h, voire
même 24 h après la fin de l’intervention. La concentration maximale au pic est
de l’ordre de 0,35 à 0,50 µg/ml et la concentration résiduelle est de 0,15 à
0,20 µg/ml. Ceci explique que la concentration stable est obtenue après une
période de 3 à 5 jours de traitement.
La posologie utilisée dans le traitement des TVP et de l’EP est de 7,5 mg une
fois par jour, 5 mg si le poids corporel est < 50 kg et 10 mg s’il est > 100 kg.
Deux nouveaux essais thérapeutiques, l’un dans la prophylaxie des accidents
thromboemboliques en chirurgie générale, et l’autre en médecine (étude
ARTEMIS), analogue à l’étude MEDENOX, ont abouti à des résultats
favorables.
Une efficacité dans les syndromes coronariens aigus avec une dose quotidienne
de 2,5 mg est associée à une réduction des hémorragies, comparativement à
l’énoxaparine.
344 Maladies thrombosantes

❐ Idraparinux
Des recherches pour améliorer la pharmacocinétique et la pharmacodynamie
du fondaparinux ont conduit à la synthèse d’analogues structuraux. Parmi eux,
le SanOrg 34 006 (idraparinux) possède une affinité plus élevée que le fonda-
parinux pour l’AT, se traduisant par une inhibition plus importante du FXa et
par une demi-vie prolongée de l’ordre de 80 h chez l’homme, qui permet une
seule administration sous-cutanée par semaine. Une étude de phase 2 dans le
traitement des TVP a permis de déterminer la posologie optimum active et un
programme clinique de phase 3 dans cette indication et dans la maladie throm-
boembolique veineuse a été initié.

❐ Biotynil idraparinux
L’idraparinux n’a pas d’antidote spécifique. En revanche, une forme biotinylée
a été préparée. Elle possède les mêmes propriétés pharmacodynamiques que
l’idraparinux avec la possibilité nouvelle d’avoir un antidote spécifique,
l’avidine. Des essais cliniques de phase 3 sont en cours de traitement dans des
TVP et des EP ainsi que dans la fibrillation auriculaire.

Anti-Xa directs
À la différence de l’HNF, des HBPM et du fondaparinux, les anti-Xa directs
inhibent directement le FXa, sans passer par l’AT. Le chef de file de cette famille
est le DX-9065a. Il s’agit d’un dérivé synthétique de l’acide propanoïque de
masse moléculaire 571 Da. Il inhibe spécifiquement le FXa libre et incorporé
dans le complexe prothrombinase, mais est inactif vis-à-vis d’autres protéases,
en particulier vis-à-vis de la thrombine. Le DX-9065a allonge le TCA et le TP
aux concentrations plasmatiques utilisées en thérapeutique. En revanche, il
n’allonge pas l’Heptest. Il induit une prolongation du temps de latence de la
génération de thrombine. Le DX-9065a est éliminé par voie rénale.

❐ Le DX-9065a
Il a fait l’objet d’études de phases 1 et 2. Chez des patients atteints de patho-
logie coronaire stable, traités par perfusion intraveineuse de doses croissantes
de DX-9065a permettant d’atteindre des concentrations plasmatiques de 15 à
200 ng/ml, la concentration plasmatique est étroitement corrélée à l’activité
anti-Xa. L’activité anti-Xa doit être mesurée par rapport à une courbe
d’étalonnage réalisée avec le produit lui-même et les résultats doivent être
exprimés en unités gravimétriques (ng/ml ou µmol/l).
Plusieurs autres anti-Xa directs comme le YM-60828, le SF-303, le SK-549 et
surtout le BAY59-7939 ou rivaroxaban (Xarelto) et l’apixaban sont actuelle-
ment en cours de développement.

❐ Le rivaroxaban
Disponible en Europe, le rivaroxaban (Xarelto), est une petite molécule (PM
456 Da) à activité anti-Xa directe. Il est actif par voie orale. Sa demi-vie est
voisine de 12 h. Elle est de 17 h chez le sujet âgé de plus de 75 ans.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 345

Une grande partie du médicament est éliminée sans transformation chimique


par le rein, une autre partie étant métabolisée par le foie.
Le rivaroxaban allonge le TQ, le TCA mais ne modifie pas le temps de throm-
bine (TT); il inhibe la génération de thrombine. La posologie varie de 10 à
20 mg avec une administration unique quotidienne.
Le rivaroxaban a fait la preuve de son efficacité dans la prévention des acci-
dents thromboemboliques postopératoires en chirurgie orthopédique majeure
(hanche, genoux).
L’indication la plus attractive est la fibrillation auriculaire où il aurait l’avan-
tage d’une meilleure tolérance que les AVK, ne nécessiterait pas de contrôle
de la coagulation ou de la numération des plaquettes et où l’activité ne serait
pas modifiée par le régime alimentaire ni les comédications en général.
❐ L’apixaban
Il a des propriétés proches de celles du rivaroxaban mais son développement
paraît un peu moins avancé.
❐ DU176b et YM150
Deux médicaments japonais, le DU176b et le YM150, sont en cours d’investi-
gation, de même que de nombreuses autres molécules dont le LY517A.
❐ L’otamixaban
Autre molécule à activité anti-Xa directe, l’otamixaban est actif par voie
parentérale seulement. Sa demi-vie courte oriente les études thérapeutiques
vers les patients chez lesquels une angioplastie coronaire est programmée.

Inhibiteurs de la thrombine
❐ Antithrombines indirectes
Comme les anti-Xa indirects, les antithrombines indirectes exercent leur
action anticoagulante par le biais de l’AT. Ces molécules ont pu être dévelop-
pées grâce à la connaissance des mécanismes impliqués dans l’action
anticoagulante de l’héparine, qui a conduit à la synthèse d’héparinomiméti-
ques constitués de 15 à 19 unités oligosaccharidiques comportant le site
pentasaccharidique et capables d’inhiber à la fois le FXa et la thrombine.
Cependant, l’activité de ces molécules est inhibée par le F4P. Elles ont subi
des modifications structurales, avec introduction d’une séquence appelée
spacer séparant la partie de la molécule neutralisant le FXa de celle neutrali-
sant la thrombine qui permet d’éviter la liaison au F4P. Des essais cliniques
sont actuellement en cours pour valider le concept de ces nouvelles molécules.
❐ Inhibiteurs indirects de la thrombine, dépendants du cofacteur II
de l’héparine
Le dermatane sulfate appartient à la famille des glycosaminoglycanes. Il est
constitué d’une répétition d’unités disaccharidiques et catalyse l’inhibition de
la thrombine par le cofacteur II de l’héparine. Son efficacité thérapeutique
346 Maladies thrombosantes

dans la prévention de la TVP et sa tolérance ont été évaluées dans des essais
cliniques en chirurgie générale, en chirurgie orthopédique, en hémodialyse
rénale et en milieu médical.
Le danaparoïde (Orgaran) utilisé essentiellement dans les TIH est étudié page
370.

❐ Inhibiteurs directs de la thrombine


À l’instar des anti-Xa directs, les inhibiteurs directs de la thrombine inhibent
directement la thrombine, sans passer par le biais de l’AT ou du cofacteur II de
l’héparine. À la différence de l’HNF, ils sont capables d’inhiber la thrombine
liée au caillot. Les antithrombines directes ont par ailleurs une action anticoa-
gulante plus prédictible que l’HNF car elles ne se lient pas aux protéines
plasmatiques et ne sont pas neutralisés par le F4P.

Hirudine
L’hirudine est un polypeptide composé de 65 acides aminés initialement isolé
des glandes salivaires de la sangsue médicinale, Hirudo medicinalis. Elle est
aujourd’hui disponible sous forme recombinante sous les DCI désirudine et
lépirudine, commercialisée en France depuis 1997 sous les noms de Revasc et
Refudan respectivement. La désirudine est indiquée dans la prévention des
TVP après chirurgie orthopédique programmée (prothèse de hanche ou du
genou). La dose recommandée chez l’adulte est de 15 mg de désirudine deux
fois par jour par voie sous-cutanée. L’administration est contre-indiquée chez
les patients dont la clairance de la créatinine est < 30 ml/min et chez les
patients présentant une insuffisance hépatique sévère. La lépirudine est indi-
quée chez les patients adultes atteints de TIH de type II et de maladie
thromboembolique nécessitant un traitement anticoagulant par voie parenté-
rale. La posologie est de 0,4 mg/kg de poids corporel en bolus intraveineux,
suivi de 0,15 mg/kg de poids corporel par heure en perfusion intraveineuse
continue.
La surveillance biologique des traitements par la désirudine et la lépirudine
repose sur le TCA. Néanmoins, il faut noter que des différences peuvent être
observées pour le TCA en fonction du réactif utilisé et qu’un plateau est atteint
aux concentrations élevées de désirudine, ce qui peut conduire à sous-estimer
l’importance d’un surdosage éventuel. L’utilisation du temps d’écarine en
remplacement du TCA peut permettre d’éviter cet écueil. Bien que de réalisa-
tion simple, ce test n’est pour l’instant que peu diffusé. L’hirudine, comme les
autres inhibiteurs de la thrombine, allonge également le TT et le TP.

Bivalirudine
La bivalirudine, commercialisée sous le nom d’Angiox est un peptide synthé-
tique de 20 acides aminés inhibant spécifiquement et de manière réversible la
thrombine. Elle n’est active que par voie IV en perfusion. Elle est indiquée
chez les patients souffrant d’angor instable subissant une angioplastie coro-
naire transluminale percutanée, en association avec l’aspirine. Une
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 347

surveillance biologique par l’activated clotting time (ACT) est recommandée


chez les patients insuffisants rénaux. Elle est contre-indiquée dans l’insuffi-
sance rénale sévère.
Le tableau 8.VI rassemble les principales propriétés de ces deux antithrombines.

Tableau 8.VI. Propriétés de l’hirudine et de la bivalirudine

Hirudine Bivalirudine
Composition en acides aminés 65 AA 20 AA
PM 7 000 Da 2 180 Da
Constante inhibition 2.10-14 mol/l 2.10-9 mol/l
Inhibition IIa Non réversible Réversible
Demi-vie Prolongée 25 min
Hydrolyse par la thrombine Nulle 0,005 mol/s

Argatroban
L’argatroban (Novastan) est commercialisé aux États-Unis et dans certains
pays d’Europe. Il s’agit d’un inhibiteur synthétique direct de la thrombine,
dérivé de la L-arginine. Sa masse moléculaire est de 526 Da. L’argatroban est
capable d’inhiber à la fois la thrombine libre et liée au caillot. Aucun ajuste-
ment de posologie n’est nécessaire chez l’insuffisant rénal. En revanche, la
posologie doit être diminuée en cas d’insuffisance hépatique. L’utilisation de
l’argatroban est indiquée dans la prophylaxie ou le traitement de la TVP chez
les patients atteints de TIH de type II. Le suivi biologique repose sur le TCA
ou, mieux, le temps d’écarine (ECT). Bien que le TP (INR), l’ACT et le TT
soient modifiés par l’administration d’argatroban, les zones thérapeutiques
n’ont pas été bien déterminées pour ces tests.

Ximélagatran
Le mélagatran et sa prodrogue le ximélagatran ont été largement étudiés dans
de nombreux essais cliniques. Le ximélagatran est administré per os. Il est
ensuite métabolisé en mélagatran, la forme active, elle-même non absorbée
par voie orale, mais administrable par voie parentérale, inhibant spécifique-
ment de manière réversible et compétitive la thrombine. Le mélagatran
présente une activité anticoagulante prédictible et stable, ce qui permet de ne
pas avoir recours à une surveillance de la coagulation des patients traités. Le
mélagatran allonge le TP, le TCA et le TT. La demi-vie du ximélagatran est
d’environ 3 h et il est administré à raison d’un comprimé toutes les 12 h. Les
études METHRO I, II et III et EXPRESS ont permis de définir les schémas
thérapeutiques du (xi) mélagatran efficace dans la prévention de la TVP posto-
pératoire en chirurgie orthopédique (prothèse totale de hanche et du genou) et
ont démontré une plus grande efficacité du (xi) mélagatran par rapport à la
daltéparine et à l’énoxaparine dans cette indication.
L’étude ESTEEM a montré l’efficacité du mélagatran associé à l’aspirine,
dans l’IDM avec ou sans décalage du segment ST. Au cours de cette étude,
348 Maladies thrombosantes

une augmentation des transaminases à plus de 5 fois la normale a été observée


chez 7 % des patients avec un retour à la normale, sans altération résiduelle de
la fonction hépatique à l’arrêt du traitement.
L’AMM en Europe avait été accordée pour un schéma thérapeutique (METHRO
III) qui s’est révélé aussi efficace et bien toléré que l’énoxaparine. Les propriétés
pharmacologiques essentielles du ximélagatran sont une absorption rapide par
voie orale, sans interférence avec l’alimentation, une biodisponibilité acceptable
de l’ordre de 20 % et une activité anticoagulante prédictible.
Le ximélagatran a été retiré du marché pharmaceutique en raison de sa toxicité
hépatique.

Dabigatran
L’etexilate de dabigatran (Praxada), prodrogue du dabigatran (PM 627 Da)
est un inhibiteur direct et réversible de la thrombine, actif par voie orale. Il
appartient à la même famille que le ximélagatran.
Le pic sanguin est obtenu 1 à 2 h après l’administration. La demi-vie est de
13 h. La majeure partie du produit est éliminée inchangée par le rein (contre-
indication dans l’insuffisance rénale sévère). La biodisponibilité est faible
puisqu’elle est de 6,5 %.
En ce qui concerne son activité biologique, un allongement du TQ, du TCA,
du temps d’écarine et une diminution de la génération de thrombine sont
retrouvés avec une relation concentration-activité satisfaisante.
Les essais cliniques en chirurgie orthopédique majeure (50 mg ou 150 mg ou
225 mg × 2 ou 300 mg × 1) par voie orale de doses administrées une à quatre
fois après la fin de l’intervention chirurgicale, ont donné des résultats satisfai-
sants. Le dabigatran est enregistré en Europe à la posologie de 220 mg × 2.
Cette dose peut être réduite à la première administration postopératoire et
pendant la durée du traitement chez le sujet âgé pour tenir compte de l’insuffi-
sance rénale.

Conclusion
Les héparines et les AVK ont dominé la prévention et le traitement des
complications thromboemboliques veineuses ou artérielles depuis plus d’un
demi-siècle. Bien que n’ayant pas démérité, ces deux familles thérapeutiques
présentent certains inconvénients d’utilisation. Au cours de la dernière
décennie, des progrès scientifiques notables ont permis la mise au point de
nouveaux agents anticoagulants fort prometteurs (tableau 8.VII).
Une plus grande efficacité, une maniabilité plus aisée, l’administration par
voie orale pour certains et, en général, la suppression de la surveillance biolo-
gique mais un coût de traitement probablement plus élevé et un risque
hémorragique qui pourrait être inférieur à celui des médicaments actuellement
disponible caractérisent ces nouvelles molécules.
Tableau 8.VII. Thérapeutiques des complications thromboemboliques veineuses ou artérielles
HBPM Fondaparinux Hirudine Bivalirudine Dabigatran Argatroban Rivaxoraban
Poids moléculaire 5 000 1 749 6 980 2 180 627 509 456
(Da) (PM moyen)
Origine Animale Synthèse Recombinante Recombinante Synthèse Synthèse Synthèse
chimique + synthèse chimique chimique chimique
chimique
Absorption orale Non Non Non Non Oui Non Oui
Demi-vie (h) 4h 15-17 h 1h 1/2 h 13 h 1/2 h 12 h
Élimination + + + + + – +
rénale
Métabolisme – – ± – – + +
hépatique
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 349
350 Maladies thrombosantes

BIBLIOGRAPHIE

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9 THROMBOSES
EN CARDIOLOGIE

Gérard HELFT, Meyer-Michel SAMAMA

La thrombose est un phénomène central dans la physiopathologie de diffé-


rentes pathologies cardio-vasculaires. Au niveau artériel, la thrombose
coronaire a pour conséquence les syndromes coronaires aigus. La nosologie
actuelle différencie les syndromes coronaires aigus avec sus-décalage persis-
tant du segment ST à l’ECG des syndromes coronaires aigus sans sus-
décalage du segment ST à l’ECG. Les premiers syndromes correspondent à
des infarctus du myocarde (IDM), les seconds à des angors instables le plus
souvent. Mais la thrombose est également en cause dans des pathologies plus
rares comme les thromboses de prothèses valvulaires mécaniques qu’elles
soient obstructives ou non obstructives et dans la fibrillation auriculaire. Ces
trois pathologies très différentes, mais ayant en commun une thrombose arté-
rielle comme élément causal, seront abordées successivement dans ce
chapitre.

INFARCTUS DU MYOCARDE
Physiopathologie
Il s’agit d’une nécrose ischémique d’une zone myocardique dont la perfusion
est soudainement interrompue par l’occlusion d’une artère coronaire. Dans la
très grande majorité des cas, l’occlusion est la conséquence du développement
d’un thrombus sur une plaque d’athérome fissurée ou érodée. Les autres
causes d’infarctus sont nettement moins fréquentes : il s’agit de spasme,
d’embolie coronaire, de dissection aortique, de lésion traumatique, de mala-
dies inflammatoires ou d’anomalies congénitales des artères coronaires.
Si la fréquence de l’infarctus diminue actuellement grâce aux mesures de
préventions primaire et secondaire, l’infarctus demeure une pathologie extrê-
mement fréquente. Si la mortalité hospitalière à 1 mois a nettement diminué
ces dernières années grâce aux traitements permettant la recanalisation de
l’artère coronaire, la gravité de l’infarctus repose notamment sur la forte
mortalité préhospitalière (60 % des décès surviennent précocement en dehors
de la structure hospitalière).
Dans la genèse de l’infarctus, la preuve de la responsabilité de l’occlusion
coronaire a été apportée par des études angiographiques montrant l’occlusion
coronaire, au début des années quatre-vingt. Dans le primo infarctus, la
maladie coronaire est limitée à un vaisseau dans environ 2/3 des cas. De façon
354 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

intéressante, chez environ 2/3 des patients, l’artère responsable de l’IDM est le
siège d’une sténose < 50 % au niveau du site de l’occlusion. Ce ne sont pas
forcément les lésions les plus serrées sur le plan angiographique qui sont le
siège d’une occlusion. C’est la raison pour laquelle la caractérisation tissulaire
précise des plaques d’athérosclérose est un domaine en plein essor, le but étant
de déterminer les plaques d’athérosclérose dites vulnérables, susceptibles de
se rompre et d’entraîner une thrombose coronaire responsable de l’infarctus.
À ce jour, en dépit du progrès de techniques comme l’échographie endocoro-
naire, l’IRM non invasive, il n’est pas encore possible de prédéfinir ces lésions
dites à risques. Les conséquences physiopathologiques d’un IDM sont d’ordre
hémodynamique. La conséquence immédiate est une dysfonction systolo-
diastolique dont témoigne notamment la diminution de la fraction d’éjection
ventriculaire gauche. Secondairement, la nécrose myocardique s’accompagne
de modifications structurelles et morphologiques à la fois dans la zone
nécrosée et dans le myocarde sain. Les modifications dans la zone nécrosée
provoquent une expansion qui peut conduire à une rupture pariétale ou à la
constitution d’un anévrisme dans la zone nécrosée. Les modifications concer-
nant le myocarde sain sont en rapport avec un remodelage ventriculaire qui est
le développement d’une hypertrophie-dilatation du myocarde résiduel en
réponse à la surcharge volumique, elle-même conséquence de l’infarctus sur
la fonction cardiaque globale.

Clinique
La douleur classique de l’IDM est analogue à celle de l’angine de poitrine,
mais elle est généralement plus intense et plus prolongée (1 à plusieurs h).
Elle est trinitrorésistante et irradie volontiers de façon diffuse aux épaules, aux
bras, au cou et à la mâchoire inférieure. Les douleurs peuvent être modérées,
voire absentes (IDM dit silencieux). Elles peuvent aussi être atypiques et
orienter à tort vers une pathologie digestive en cas de troubles digestifs plus
fréquents dans la localisation postéro-inférieure. Cette douleur doit être
différenciée :
– de la douleur de la péricardite aiguë, qui revêt plutôt un caractère de brûlure
ou de torsion accentuée par les mouvements respiratoires;
– de la douleur de la dissection aortique habituellement très violente,
migrante, et souvent décrite comme une sensation de déchirure.
La douleur rétrosternale irradie souvent vers la région interscapulaire, voire
vers l’épigastre. L’examen clinique d’un patient souffrant d’un IDM doit
éliminer les autres causes de douleur thoracique et rechercher une éventuelle
contre-indication à la thrombolyse.

Diagnostic
Les signes cliniques en faveur de l’infarctus sont relativement pauvres.
L’interrogatoire s’attache à préciser les facteurs de risque cardio-vasculaires
habituels : hypertension artérielle (HTA), diabète, tabagisme, dyslipidémie,
âge. L’ECG est caractéristique et évolue dans le temps. Initialement, l’onde T
Thromboses en cardiologie 355

est ample, positive et symétrique, puis le segment ST s’élève au-dessus de la


ligne de base pour réaliser l’onde de Pardee. L’ECG permettra de localiser le
territoire de l’infarctus. La surveillance monitorée pratiquée dès le diagnostic
permet de détecter d’éventuels troubles du rythme ventriculaire gravissimes
comme la fibrillation ventriculaire. Le diagnostic clinique et électrocardiogra-
phique est parfois difficile notamment à son extrême début ou au contraire
tardivement. Dans ce contexte, les marqueurs biologiques sont particulière-
ment utiles. La myoglobine n’est pas très spécifique, mais apparaît dans le
sérum environ 3 h après le début de l’infarctus. Le taux de l’isoenzyme MB de
la créatine kinase (CKMB), plus traditionnelle, s’élève 4 h après le début de
l’infarctus. De façon plus récente, la troponine I ou la troponine T (protéine
spécifique régulant l’interaction actine-myosine) est dosée et s’élève 4 h après
le début de l’infarctus. Les troponines sont très spécifiques et sont les
meilleurs indicateurs d’une nécrose myocardique.
Les complications de l’infarctus sont diverses et peuvent bien entendu être
graves :
– les complications mécaniques sont représentées par les ruptures. Ces
ruptures peuvent concerner :
- soit une paroi libre ventriculaire et entraîner une tamponnade avec disso-
ciation électromécanique,
- soit le septum et entraîner une communication intraventriculaire avec
choc cardiogénique,
- soit un pilier mitral et entraîner une insuffisance mitrale aiguë;
– elles sont grevées d’une mortalité importante même si une contre-pulsion
aortique suivie dans les plus brefs délais d’une réparation chirurgicale peuvent
dans certains cas sauver le patient;
– une insuffisance cardiaque en rapport :
- soit avec une cause mécanique évoquée ci-dessus,
- soit avec l’étendue de l’akinésie myocardique, conséquence directe de
l’infarctus. Elle est favorisée par une éventuelle tachyarythmie par fibrilla-
tion auriculaire (FA);
– des complications thromboemboliques :
- soit veineuses,
- soit artérielles et provoquées par la migration d’un thrombus développé
dans le VG, le plus souvent mural au niveau d’un anévrisme;
– une réaction péricardique précoce pouvant se traduire par un syndrome
douloureux thoracique et fébrile;
– une menace de récidive d’infarctus en rapport souvent avec une réocclusion
de l’artère responsable de l’infarctus;
– des complications rythmiques auriculaires (FA habituellement) et surtout
ventriculaires (tachycardie ou fibrillation ventriculaire) justifiant la
surveillance scopée immédiate de tout infarctus;
– des troubles de la conduction, habituellement d’origine nodale dans les
infarctus inférieurs, et infranodale dans les infarctus antérieurs;
– un anévrisme chronique, siège d’un thrombus dans environ la moitié des
cas.
356 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Traitement
Le traitement d’un IDM a un double but :
– celui de rétablir la perméabilité du vaisseau pour limiter la nécrose;
– celui de prévenir les complications.
Pour restaurer la perméabilité du vaisseau, les deux alternatives principales
sont la thrombolyse intraveineuse et l’angioplastie du vaisseau responsable de
l’infarctus. Si les études les plus récentes ont montré une supériorité du traite-
ment par angioplastie percutanée dans la diminution de la mortalité à la phase
aiguë de l’infarctus, il faut surtout insister sur la précocité du traitement qui est
le critère majeur de bon pronostic. Le choix entre angioplastie et thrombolyse
sera le plus souvent dicté par la logistique locorégionale.

THROMBOSE DE PROTHÈSES VALVULAIRES


MÉCANIQUES
Physiopathologie
Les thromboses de prothèses valvulaires mécaniques cardiaques sont consti-
tuées d’éléments fibrineux principalement développés au contact direct de la
prothèse. Les thromboses de prothèses valvulaires mécaniques cardiaques
sont des complications rares mais graves, en particulier lorsqu’elles sont
obstructives, c’est-à-dire quand un thrombus volumineux obstrue l’orifice
valvulaire. Les progrès dans les prothèses valvulaires de nouvelle génération
et la meilleure prise en charge de l’anticoagulation des patients porteurs d’une
valve expliquent un taux diminué avec les prothèses de nouvelle génération. Il
faut savoir que cette thrombose est plus fréquente dans les 1res années postopé-
ratoires. Elle est la plus fréquente en position tricuspide, un peu moins
fréquente en position mitrale et plus rare en position aortique. Les thromboses
surviennent fréquemment à la faveur d’une mauvaise anticoagulation qui
existe notamment lors des relais d’anticoagulants.

Expression clinique
La symptomatologie la plus grave est celle d’une défaillance cardiaque aiguë
ou d’un accident embolique artériel. Mais la symptomatologie peut être plus
fruste en cas de thrombose partielle affectant incomplètement le jeu valvu-
laire. Dans ce cas, le tableau peut être celui d’une insuffisance ventriculaire
banale. Le diagnostic est alors plus difficile.

Diagnostic
Le diagnostic de thrombose de valve repose sur le radiocinéma de valve et
surtout sur l’échocardiographie Doppler. L’échographie cardiaque transtho-
racique permet notamment de comparer le gradient transvalvulaire moyen
au gradient de référence postopératoire et de mettre en évidence une
Thromboses en cardiologie 357

augmentation significative de ce gradient. Habituellement, une échographie


Doppler transthoracique est suffisante pour diagnostiquer une thrombose
obstructive. L’échographie transœsophagienne a surtout un intérêt dans le
dépistage des thromboses non obstructives et dans l’évaluation de l’impor-
tance du thrombus valvulaire.

Traitement
La chirurgie est traditionnellement le traitement de choix de ces thromboses
même si elle est grevée d’une morbi-mortalité non négligeable.
Le traitement d’une thrombose de prothèse valvulaire est avant tout chirur-
gical comme le préconisent les recommandations de l’American College of
Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA). Le risque opératoire
est relativement important et dépend de la classe fonctionnelle NYHA des
patients. Le risque moyen est évalué à environ 10 %. La fibrinolyse est une
alternative à la chirurgie : elle est proposée d’emblée pour les valves du cœur
droit. Sa place dans les thromboses de valve du cœur gauche est davantage
controversée. Néanmoins un consensus se dégage. Ainsi un volumineux
thrombus périprothétique doit être éliminé par échographie transœsopha-
gienne avant d’envisager une fibrinolyse. La fibrinolyse se substituera à la
chirurgie :
– lorsqu’il n’existe qu’un petit thrombus à l’échographie transœsophagienne;
– surtout s’il existe une contre-indication à la chirurgie cardiaque en rapport
avec :
- l’altération de la fonction ventriculaire gauche,
- une tare viscérale associée,
- le grand âge.
La fibrinolyse s’envisage également chez des patients hémodynamiquement
instables à distance d’un service de chirurgie cardiaque.

TRAITEMENT ANTITHROMBOTIQUE
DE LA FIBRILLATION AURICULAIRE (FA)
La prévalence de la FA dans la population adulte est de l’ordre de 0,3 à 0,4 %.
Cette prévalence augmente régulièrement avec l’âge. Compte tenu de
l’augmentation croissante de l’espérance de vie, la FA est un problème dont la
fréquence devrait croître dans les années à venir.
Le risque majeur de la FA est constitué par le risque thromboembolique. Il
s’agit principalement d’accidents thromboemboliques neurologiques repré-
sentés par les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ces AVC entraînent une
morbi-mortalité importante. Le risque annuel d’accidents thromboemboliques
chez les patients en FA est d’environ 5 % au cours de la 8e décennie avec un
AVC dans 70 % des cas.
358 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

On distingue les FA paroxystiques des FA chroniques. Pour autant le risque


thromboembolique de la FA paroxystique n’est pas inférieur à celui de la FA
chronique. On distingue classiquement :
– des patients à haut risque thromboembolique : âge > 75 ans, HTA, dysfonc-
tion ventriculaire gauche;
– des patients à risque intermédiaire : âge entre 65 et 75 ans, diabète, cardio-
pathie ischémique, thyréotoxicose;
– et des patients à bas risque thromboembolique : âge < 65 ans et absence des
risques précédents.
L’intérêt des antivitamines K (AVK) a été démontré par une série de publica-
tions de la fin des années quatre-vingt. Des études randomisées ultérieures ont
comparé des AVK et l’aspirine (études AFASAK I et II, EAFT, BAATAF et
SPAF II). La réduction du RR thromboembolique s’est avérée supérieure par
l’utilisation des AVK dans chacune de ces études par rapport à l’aspirine.
Les recommandations des sociétés savantes préconisent l’utilisation des AVK
avec un INR cible entre 2 et 3 pour les patients en fibrillation auriculaire qui
ont au moins un facteur thromboembolique dit à haut risque et plus d’un
facteur dit à risque intermédiaire (voir chapitre 8). Pour les patients avec un
seul facteur dit intermédiaire, il est possible de prescrire soit de l’aspirine à
dose antiagrégante plaquettaire soit un AVK (INR cible entre 2 et 3). Pour les
patients sans facteur de risque thromboembolique, la thérapeutique antiagré-
gante plaquettaire est suffisante.
Même s’il existe un facteur de risque thromboembolique dit élevé, on pres-
crira de l’aspirine s’il existe une contre-indication aux AVK. L’association
AVK et aspirine n’est pas préconisée.
Le choix ultime de la thérapeutique va inclure l’évaluation du risque hémorra-
gique entraîné par l’éventuelle prescription d’AVK. Il sera tenu compte de la
compliance du patient, de la surveillance biologique efficace possible.
En effet, le risque lié aux anticoagulants est important dans la décision théra-
peutique. Le risque hémorragique d’un traitement anticoagulant est le plus
redouté, en particulier le risque d’hémorragie majeure ou fatale. Les compli-
cations hémorragiques majeures surviennent chez 2 à 5 % patients par année
de traitement et sont fatales chez 0,1 à 0,7 % patient par année de traitement.
Le risque hémorragique lié au traitement par AVK dépend essentiellement de
l’intensité du traitement, de sa durée, mais aussi des caractéristiques du patient
et des associations médicamenteuses éventuelles :
– l’intensité du traitement anticoagulant joue un rôle important. Le risque
d’hémorragie augmente dès que l’INR dépasse 3, en particulier chez les sujets
de plus de 75 ans;
– les accidents liés aux anticoagulants surviennent de façon plus importante en
début de traitement lorsque la posologie n’est pas encore parfaitement définie;
– les caractéristiques du patient, en particulier un âge > 75 ans, une HTA, une
insuffisance rénale sont susceptibles de majorer le risque hémorragique des
AVK. Cependant, certaines de ces caractéristiques augmentent le risque
thromboembolique de la FA;
Thromboses en cardiologie 359

– l’association d’AVK à des AINS et surtout à l’aspirine majore le risque


hémorragique des anticoagulants.
Pour améliorer le rapport bénéfice/risque des anticoagulants dans l’ensemble
des indications thérapeutiques et en particulier dans la FA, de nouvelles straté-
gies thérapeutiques sont actuellement développées. L’importance de
l’éducation est soulignée. Les accidents des AVK sont la première cause de
iatrogénie en France, souvent par mauvaise observance et compréhension du
traitement. L’automesure de l’INR, non encore mise en place dans notre pays,
est l’un des moyens qui a démontré son intérêt pour un meilleur contrôle de
l’INR et une diminution des accidents hémorragiques.

La FA est une pathologie fréquente en particulier chez le sujet âgé. Son


risque majeur est thromboembolique et concerne essentiellement la
sphère neurologique. Les antithrombotiques représentés par les AVK ont
démontré une réduction du risque de 2/3 de la survenue des accidents
thromboemboliques artériels. Les AVK sont indiqués chez les sujets de plus
de 75 ans ou chez ceux qui ont un autre facteur de risque thromboembo-
lique comme une HTA ou une dysfonction ventriculaire gauche. Cette
indication existe en dépit du risque hémorragique lié aux AVK. Ceci
justifie une surveillance biologique stricte (INR cible entre 2 et 3).
L’absence de facteur de risque thromboembolique (âge < 65 ans et
absence de facteur de risque thromboembolique) permet l’utilisation d’un
traitement antiagrégant plaquettaire.
De grandes études portant chacune sur plus de 15 000 patients sont en
cours dans la FA avec Dabigatran, Rivaroxaban, Apixaban versus AVK.
L’objectif est de substituer ces nouveaux anticoagulants aux AVK avec une
amélioration de la tolérance et une plus grande fréquence de prescription
justifiée dans la PA (voir page 341).

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10 INFECTIOLOGIE,
SOINS INTENSIFS,
RÉANIMATION

Antoine ACHKAR

INTRODUCTION
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) reste une maladie fréquente,
responsable d’une mortalité et d’une morbidité non négligeables. En effet, les
formes mortelles d’embolie pulmonaire (EP) sont loin d’avoir disparu et le
syndrome post-thrombotique correspondant aux séquelles d’une thrombose
veineuse profonde (TVP) des membres inférieurs représente un réel problème
de santé publique. Bien plus, l’EP mortelle chez le malade hospitalisé reste la
cause de morbidité la plus efficacement prévenue par une prophylaxie
correcte. Cependant, l’incidence de la MTEV n’est pas connue avec précision.
Plus récemment, les données autopsiques suggèrent que l’incidence de l’EP a
diminué ces dernières années, probablement en raison du développement et de
la diffusion de la prophylaxie : pour témoins, les différentes méta-analyses et
les recommandations des conférences de consensus. La prophylaxie est beau-
coup mieux documentée en milieu chirurgical qu’en milieu médical :
– en milieu chirurgical, la prophylaxie doit prendre en compte le risque lié à
l’acte chirurgical et celui propre au terrain du malade;
– en médecine, de nombreuses difficultés sont rencontrées, relatives à l’hété-
rogénéité des pathologies, à la durée du risque thrombogène, au caractère aigu
ou chronique des pathologies.
Il était admis que les recommandations des réunions de consensus en chirurgie
pouvaient être extrapolées à la prophylaxie en médecine. Cette attitude a
récemment été révisée depuis la publication de l’étude Medenox. Cette
dernière a permis de définir une nouvelle stratégie de prévention en milieu
médical, tout au moins pendant la période aiguë d’une affection médicale bien
définie. Cependant, elle doit être confortée par des études complémentaires,
concernant notamment :
– le bénéfice à long terme;
– l’effet d’une telle prévention, en particulier sur la réduction de la mortalité et
des accidents thromboemboliques veineux (ATEV) symptomatiques clinique-
ment pertinents.
Grâce à une prophylaxie adaptée, la reconnaissance des situations cliniques à
risque permet ainsi de réduire de façon significative les ATEV. Ceci est particu-
lièrement vrai en chirurgie et plus difficile à réaliser en médecine par manque
Infectiologie, soins intensifs, réanimation 361

d’études prospectives (tableau 10.I). Bien plus, les ATEV sont multifactoriels et
l’évaluation du risque global constitué de l’association de plusieurs risques est
difficile à quantifier. Aussi, les facteurs de risque cliniques et biologiques throm-
bogènes peuvent être répartis schématiquement en deux groupes :
– les très nombreuses situations cliniques et affections acquises. Elles prédis-
posent aux accidents thromboemboliques et évoquent l’existence d’un état
d’hypercoagulabilité;
– les thrombophilies acquises ou constitutionnelles.
Ces principales situations cliniques à risque sont résumées dans un chapitre
spécifique de l’ouvrage.

Tableau 10.I. Risque relatif de thrombose (d’après Coon et Janssen)

Âge 1,1-2,2
Obésité 1,5-1,7
Postopératoire 1,1-5,5
Varices 2
Cancer 2,0-3,0
Antécédents de TV 2,5
Cardiopathies 3,0-5,0
Œstroprogestatifs 4,4
Colopathies inflammatoires chroniques 4,5
Grossesse et post-partum 5,5
TV : thromboses veineuses

PRÉVENTION DE LA MTEV EN MILIEU MÉDICAL


En médecine interne
Généralement, les patients hospitalisés pour affection médicale aiguë (en dehors
de l’IDM ou de l’accident ischémique cérébral avec parésie ou paralysie des
membres inférieurs) sont considérés comme étant à risque modéré de développer
une MTEV. La plupart des patients inclus dans les études cliniques présentent
une insuffisance cardiaque congestive, une infection aiguë ou une exacerbation
d’une bronchopathie chronique obstructive. La fréquence des TVP rapportées
symptomatiques et asymptomatiques, en l’absence de prévention, avoisine les
16 % alors que l’EP fatale confirmée à l’autopsie est de l’ordre de 2,5 %. Diffé-
rentes études cliniques de prévention en milieu médical ont comparé l’héparine
non fractionnée (HNF), les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) et le
fondaparinux au placebo ou bien l’HNF aux HBPM. Ces études ont inclus des
sujets en général âgés de plus de 60 ans pour une durée de 10 à 14 jours. L’étude
Medenox compare notamment l’énoxaparine à dose préventive en milieu
médical (20 et 40 mg/j) au placebo chez 1 102 patients hospitalisés pour une
affection médicale aiguë. L’incidence de la MTEV a été de :
– 14,9 % dans le groupe placebo;
362 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

– 15 % chez les patients recevant l’énoxaparine à la dose de 20 mg/j;


– 5,5 % dans le groupe de patients recevant l’énoxaparine à la dose de 40 mg/j
(p < 0,001).
Les hémorragies graves s’avèrent un peu plus fréquentes dans le groupe rece-
vant 40 mg d’énoxaparine. En revanche, il n’y a pas de différence significative
pour les décès dans les trois groupes. Dans une méta-analyse récente, qui
regroupe les études cliniques en médecine interne ayant utilisé l’héparine
standard et les HBPM à doses préventives (excluant les études en cardiologie
et en neurologie), les auteurs soulignent l’efficacité de ces régimes thérapeuti-
ques dans la réduction de l’incidence de la MTEV sans différence significative
dans les deux groupes. Cependant, la réduction du risque d’hémorragie grave
semble être en faveur des HBPM.

Avant la publication des résultats de Medenox, les études publiées indivi-


duellement ou regroupées sous forme de méta-analyse mettent en
lumière l’efficacité et la sécurité d’emploi de l’HNF à doses prophylacti-
ques en deux ou trois fois par jour (5 000 U 52 ou 3 fois par jour). Cette
efficacité et cette sécurité d’emploi sont comparables à celles des HBPM
par rapport au placebo. Cependant, l’étude Medenox démontre l’échec
des faibles doses de 20 mg et la supériorité des doses élevées. Elle problé-
matise donc la relation entre la dose administrée et son efficacité clinique.
Reste ainsi le problème épineux, non résolu actuellement, de l’extrapola-
tion des résultats obtenus avec une HBPM par rapport à une autre
molécule.

En cancérologie
Le risque d’ATEV chez le malade cancéreux existe et varie en fonction de la
nature du cancer (voir chapitre 6).

RÉANIMATION ET SOINS INTENSIFS


La plupart des patients admis en soins intensifs ou en réanimation médicale
présentent au moins un facteur de risque de thrombose veineuse (TV). Les
données spécifiques concernant ces patients sont rares. Toutefois, certaines
informations obtenues à partir des études peuvent être rapprochées de celles
concernant les patients admis en soins intensifs pour traumatisme, insuffisance
respiratoire ou cardiaque aiguë.
Le diagnostic de la MTEV est malaisé en réanimation où les patients sont
déplacés avec beaucoup de précaution, notamment lorsqu’ils sont sous assis-
tance respiratoire ou hémodynamique. Très peu d’études sont donc consacrées
aux stratégies diagnostiques chez ces patients. L’angioscanner thoracique
occupe bien entendu une place prépondérante par rapport à l’angiographie
pulmonaire, tandis que l’écho-Doppler veineux demeure l’examen de choix et
de première intention. Ce dernier a en effet les avantages de pouvoir être
Infectiologie, soins intensifs, réanimation 363

effectué au lit du patient et d’être répétitif. Le dosage des D-dimères (D-Di) a


très peu d’intérêt du fait de sa faible spécificité. Ils sont dans la plupart des cas
élevés en réanimation. La prévention des ATEV est une préoccupation cons-
tante du réanimateur.
La fréquence des TVP confirmées varie entre 13 et 31 % dans quatre études
prospectives. Au moins 75 % des embolies mortelles s’observent dans ce
groupe de patients. Dans une étude récente en double aveugle comparant une
HBPM au placebo chez les patients admis en soins intensifs, l’EDV répété
toutes les 72 h retrouve une TV chez 31 % des patients. Dans une autre étude
prospective, la phlébographie veineuse ascendante retrouve une TV chez 25 %
des patients admis en réanimation pour une insuffisance respiratoire aiguë
nécessitant le recours à la ventilation mécanique. Sept études prospectives et
randomisées en soins intensifs et en réanimation ont démontré l’efficacité
d’une thromboprophylaxie par l’HNF et de l’HBPM par rapport au placebo.
Une seule a comparé ces deux méthodes entre elles. De plus, les posologies ne
sont pas homogènes puisque dans l’une d’entre elles la nadroparine a été
ajustée au poids corporel (65 UI/kg/j). Dans une étude récente comparant
l’énoxaparine (dose : 40 mg/j) à l’HNF (dose : 5 000 UI 3 fois/j), les auteurs
concluent à :
– une efficacité comparable entre les deux méthodes, avec peut-être une
tendance favorable pour l’énoxaparine;
– une incidence des ATEV moindre (8,4 % contre 10,4 %);
– une réduction plus importante des événements indésirables graves sous
énoxaparine (45,8 % contre 53,8 %).
La prévention est efficace, selon la recommandation solide et officielle pour
cette prophylaxie largement utilisée, notamment systématiquement dans les
services de réanimation.
Tous les patients admis en réanimation ou en soins intensifs doivent être
évalués en fonction de leurs propres facteurs de risque. Le rapport béné-
fice/risque, en particulier hémorragique, doit être évalué au cas par cas.
Néanmoins, à l’instar des autres patients « médicaux », une prévention de la
MTEV doit être envisagée en utilisant soit l’HNF ou une HBPM chez les
patients de plus de 40 ans hospitalisés en soins intensifs ou en réanimation en
l’absence de contre-indication, dans l’attente d’autres études prospectives à
grande échelle permettant d’avoir des recommandations plus précises et des
modalités plus claires. Les patients à risque hémorragique doivent bénéficier
des méthodes de prévention mécaniques qui méritent d’être évaluées par des
études prospectives, d’autant plus que ces méthodes sont très peu disponibles
en réalité et sont consommatrices de temps et de personnels.
Enfin, en France, parmi les HBPM, seules l’énoxaparine et la daltéparine ont
l’AMM pour la prévention de la MTEV en milieu médical. Parmi les
nouveaux antithrombotiques, le fondaparinux a également l’AMM pour la
prévention de la MTEV en milieu médical. La posologie recommandée est de
4 000 UI anti-Xa pour l’énoxaparine et 5 000 UI anti-Xa pour la daltéparine.
Elle est de 2,5 mg pour le fondaparinux. Dans ce dernier cas, une diminution
de la posologie à 1,5 mg/j est souvent utilisée en cas de clairance de la créati-
nine réduite entre 20 et 30 ml/mn.
364 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Ces indications sont valables chez les patients alités (tableau 10.II) pour une
affection médicale aiguë (mention légale du Vidal) :
– insuffisance cardiaque de stade III ou IV de la classification NYHA;
– insuffisance respiratoire aiguë;
– épisode d’infection aiguë ou d’affection rhumatologique aiguë associé à au
moins un autre facteur de risque thromboembolique veineux.

Tableau 10.II. Différents niveaux d’alitement avec le score


correspondant

Niveau Alitement
1 Sédentaire ou alitement total
2 Niveau 1 + accès aux sanitaires
3 Niveau 2 + activité tolérable pour le patient

BIBLIOGRAPHIE

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11 THROMBOPÉNIE INDUITE
PAR L’HÉPARINE

Ismail ELALAMY

Les héparines sont très largement utilisées en pratique clinique dans la


prophylaxie et le traitement antithrombotique. Les complications potentielles
de ce traitement sont nombreuses. L’héparine a une affinité accrue pour diffé-
rentes structures biologiques et se lie à de nombreuses protéines plasmatiques,
des cellules du sang circulant, des cytokines et des chémokines. Deux types de
thrombopénies survenant dans le cadre d’une héparinothérapie sont décrits :
les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) de type I et de type II. Les
TIH de type II, de nature immune, constituent la complication la plus redou-
table des traitements hépariniques – héparine non fractionnée (HNF),
héparines de bas poids moléculaire (HBPM).

ÉPIDÉMIOLOGIE ET PATHOGÉNIE
TIH de type I
Elle est non immune. Elle apparaît à l’induction du traitement anticoagulant
avec une diminution modérée < 20 % de la numération plaquettaire. Asympto-
matique, elle se corrige spontanément malgré la poursuite du traitement. Elle
serait liée à l’interaction directe des plaquettes avec l’HNF provoquant une
liaison accrue du fibrinogène et leur élimination par la rate. Leur fréquence
(20 à 30 %) et leur mécanisme physiopathogénique restent encore mal connus.
Elle serait particulièrement fréquente chez les patients ayant déjà une hyper-
réactivité plaquettaire : artériopathie des membres inférieurs, insuffisance
coronaire. L’existence même de la TIH de type I est discutée.

TIH de type II
Elle est d’origine immune et de survenue retardée. Elle apparaît dans plus de
80 % des cas entre le 5e et le 15e jour de traitement héparinique. En cas de
présensibilisation lors d’un traitement héparinique antérieur, le délai de
survenue peut être notablement raccourci. Il s’agit généralement d’une dimi-
nution brutale de la numération plaquettaire avec une réduction de plus de
40 % de la valeur initiale. La thrombopénie peut être profonde, s’aggravant
avec la poursuite de l’héparine, et paradoxalement associée à des thromboses.
Il s’agit d’un effet secondaire compliquant jusqu’à 1 à 5 % des traitements par
HNF et 0,1 à 0,2 % des traitements par HBPM. Mêmes des doses infimes,
destinées à maintenir la perméabilité des cathéters suffisent à générer une TIH.
366 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Il est maintenant bien établi que les TIH sont dues à l’apparition d’anticorps
dirigés contre un complexe macromoléculaire héparine-facteur 4 plaquettaire
(F4P). Dans un premier temps, les phénomènes inflammatoires et/ou les
phénomènes d’activation plaquettaire relatifs aux différents contextes médi-
caux ou chirurgicaux accroissent la libération de F4P et favorisent la
formation de complexes F4P/héparine. Ces complexes de grande taille sont
antigéniques, ils induisent la synthèse d’anticorps qui participent à la forma-
tion de complexes immuns et entraînent une activation plaquettaire directe par
l’interaction du fragment Fc des IgG avec les R FcγRIIa1 membranaires
(CD32). Les autres immunoglobulines Ig (A ou M) peuvent activer directe-
ment d’autres cellules (lymphocytes, monocytes, neutrophiles) mais aussi
indirectement les plaquettes après fixation du complément.
La TIH est ainsi associée à une activation cellulaire disséminée pouvant aboutir à
une véritable coagulation généralisée. Certains patients développent des anticorps
dirigés contre des chémokines comme le neutrophil-activating peptide (NAP-2) et
l’interleukine 8 (IL8). La grande hétérogénéité des anticorps générés et ces profils
immunologiques atypiques expliqueraient en partie les discordances entre les
tableaux cliniques indiscutables de TIH et les examens biologiques.

Symptomatologie clinique
La TIH de type II peut être asymptomatique. Elle peut être découverte fortuite-
ment, lors d’une numération plaquettaire systématique. Malgré une
thrombopénie sévère, les complications hémorragiques sont décrites dans moins
de 10 % des cas. Il s’agit de saignements aux points de ponction ou d’ecchy-
moses plus ou moins étendues et plus rarement d’hématomes profonds.
Les manifestations les plus fréquentes sont des complications thromboemboli-
ques veineuses (20 à 80 % des cas). La localisation multifocale ou même à
distance du foyer initial et l’extension de la thrombose sous héparinothérapie
efficace doivent être évocatrices.
Des accidents artériels ont été observés et particulièrement en cas d’atteinte
athéroscléreuse. Des lésions cutanées aux points de ponction, des plaques
érythémateuses ou nécrotiques peuvent aussi être révélatrices. D’autres signes
insolites sont décrits tels que la nécrose hémorragique des surrénales. Des phlé-
bites bleues (phlegmatia cærulea), des gangrènes d’origine veineuse semblent
favorisées par un état préthrombotique et précipitées par un relais anticoagulant
oral trop précoce ou d’intensité excessive (INR > 3). Le déséquilibre accru de
la balance hémostatique lié à une surconsommation des inhibiteurs physiologi-
ques (protéines C [PC] et S [PS]) dans ce contexte d’activation généralisée de
la coagulation est incriminé. D’autres signes fonctionnels constituent de vérita-
bles signes d’alarme : fièvre, détresse respiratoire, douleurs abdominales,
amnésie transitoire, flush.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
Il convient avant tout de s’assurer de la réalité de la thrombopénie : exclusion
d’une pseudo-thrombopénie par thromboagglutination sur EDTA, vérification
Thrombopénie induite par l’héparine 367

sur un nouveau prélèvement, observation du frottis sur lame au microscope


optique à la recherche d’amas plaquettaires, réalisation éventuelle d’une
numération plaquettaire sur tube citraté ou prélèvement capillaire en
Unopette. Deux variétés de tests sont disponibles.

Tests fonctionnels
Ils détectent l’existence d’un facteur plasmatique ADP, dépendant de l’hépa-
rine. Deux techniques sont couramment utilisées : la technique
agrégométrique de bonne spécificité et le test de libération de la sérotonine
radiomarquée, considéré comme le test de référence.

Test immunologique
Il s’agit d’un test Elisa pour mettre en évidence et quantifier les anticorps anti-
F4P/héparine. Il permet d’identifier les trois isotypes G, A, M des immunoglo-
bulines. Dix à 30 % des patients (notamment en chirurgie cardiaque ou dans
diverses situations cliniques, grossesse, syndrome des antiphospholipides
[SAPL]) présentent de tels anticorps sans authentique TIH. La spécificité d’un
test positif n’est donc élevée que dans un contexte clinique évocateur de TIH
et la recherche de ces anticorps n’est pas recommandée en routine en dehors
d’une telle situation.
Une méthode de dépistage rapide par immunodiffusion en gel permet une
recherche rapide des anticorps anti-F4P/héparine.
En pratique, plusieurs critères s’associent pour concourir à l’établissement du
diagnostic de TIH, ce qui impose une analyse critique de l’ensemble du
dossier. À partir de ces critères, un score clinicobiologique d’imputabilité
diagnostique a été récemment proposé par Warkentin, appelé score des
« 4T » : Thrombopénie (degré), Timing (c’est-à-dire la chronologie), Throm-
boses et Thrombopénie liée à une autre cause (tableau 11.I). Certaines équipes
considèrent que dans les cas où le score de 4T indique une faible probabilité et
où le test de dépistage rapide en gel est négatif, l’interruption de l’héparine
n’est pas justifiée.

TRAITEMENT
Traitement préventif
La prévention primaire des TIH de type II consisterait à limiter les indications
de l’héparinothérapie non fractionnée avec une utilisation élargie des HBPM.
Le traitement par l’héparine doit être le plus court possible avec un relais
précoce par les antivitamines K (AVK). Néanmoins, toutes les situations clini-
ques n’autorisent pas un raccourcissement du traitement héparinique à moins
de 5 jours (femmes enceintes porteuses de prothèses valvulaires, difficultés à
obtenir un INR dans la zone thérapeutique par exemple). La seule option reste
368 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Tableau 11.I. Paramètres du score d’imputabilité diagnostique de TIH :


score de 4T de Warkentin

Score 2 Score 1 Score 0


Thrombopénie Chute du nombre Diminution de 30- Chute plaquettes
aiguë de plaquettes > 50 % (ou > 50 % < 30 % ou chiffre
50 % mais directement le plus bas
avec le chiffre le liée à la chirurgie) < 10 000
plus bas ≥ 20 000 ou chiffre le plus
bas 10 000 à
19 000
Chronologie de la Survenue entre J5 Chronologie Chute ≤ 4 jours
thrombopénie, et J10 ou J1 si significative chute sans exposition
accident exposition entre 5e et 10e récente à
thromboemboliq récente à jour mais pas l’héparine
ue ou autres l’héparine (5 à nette (c’est-à-dire
séquelles de TIH 30 jours numération
(1er jour du précédents) plaquettaire
traitement par manquante) ou
héparine = J0) survenue à J1
(avec exposition à
l’héparine 31 à
100 jours
précédents) ou
chute
plaquettaire
après J10
Thrombose ou Nouvelle Thrombose Aucune séquelle
autre séquelle thrombose progressive ou
(c’est-à-dire objectivée ou récidivante;
nécrose cutanée, nécrose cutanée lésion cutanée
réaction ou réaction érythémateuse ou
systémique aiguë) systémique aiguë thrombose
après bolus IV soupçonnée (non
d’héparine trouvée)
Autre cause de Aucune Autre cause Autre cause
thrombopénie explication connue de connue de
évidente de la thrombopénie thrombopénie
chute possible présente
plaquettaire

Probabilité Faible Intermédiaire Élevée


d’imputabilité de
TIH
Score 0à3 4à5 6à8

Le score est calculé en totalisant les points 0, 1 ou 2 pour chacune des quatre catégories
indiquées dans le tableau. Le maximum possible est donc 8.
Thrombopénie induite par l’héparine 369

alors la surveillance régulière de la numération plaquettaire selon les recom-


mandations des autorités sanitaires.

Traitement curatif
Le traitement d’une TIH nécessite souvent une approche multidisciplinaire au
sein d’une équipe spécialisée (tableau 11.II).

Arrêt immédiat de toute héparinothérapie


Cet arrêt s’impose sur des arguments cliniques de présomption sans attendre
une confirmation biologique de la TIH de type II. Il convient notamment de
penser à proscrire toute trace d’héparine apportée par la rinçure des cathéters
par exemple.

Traitement antithrombotique de substitution


La TIH est responsable d’un véritable état prothrombotique et l’arrêt simple
de l’héparinothérapie ne supprime pas le risque secondaire d’accident throm-
botique. Deux thérapeutiques ont une AMM en France dans la prise en charge
des TIH : le danaparoïde sodique (Orgaran) et l’hirudine recombinante, la
lépirudine (Refludan). L’argatroban (Novastan) a obtenu récemment une auto-
risation temporaire d’utilisation (ATU).

Tableau 11.II. Principaux schémas thérapeutiques des TIH de type II

Interruption de tout traitement héparinique sans attendre les résultats des


tests biologiques
Prophylaxie antithrombotique nécessaire car
– risque vasculaire accru (artéritique, lésions athéroscléreuses, stent par
exemple) : relais éventuel jusqu’à normalisation de la numération
plaquettaire, mais durée à discuter au cas par cas
Nécessité d’un traitement anticoagulant :
– curatif : Refludan, Orgaran, Novastan
– réaction croisée avec Orgaran, Refludan, Novastan
– puis relais (prolongé) par AVK
Traitement associé dans des circonstances particulières :
– antiagrégants : aspirine, ticlopidine, clopidogrel, iloprost, abciximab
– thrombolytiques
– veinoglobulines IV
– plasmaphérèse
Pas de transfusion de plaquettes (inutile et dangereux)
Thérapeutique de substitution en cas d’antécédent de TIH :
– Pentasaccharide (Arixtra)
370 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Danaparoïde sodique (Orgaran)


C’est un héparinoïde d’origine biologique qui possède un rapport
(activité anti-Xa/activité anti-IIa) élevé. L’inconvénient du danaparoïde
provient de la possibilité de réponse croisée avec les anticorps de TIH. Ce taux
de réaction croisée avec l’héparine, jugé par les tests fonctionnels, est faible, <
10 %. Des abaques de posologies en fonction des indications existent en cas
d’indication curative. La surveillance biologique se fait alors par l’évaluation
de l’activité anti-Xa calibrée pour ce produit. Il est recommandé d’assurer une
activité de 0,5 à 1 U anti-Xa/ml. Sa longue demi-vie (de l’ordre de 24 h) doit
être prise en compte en cas d’intervention chirurgicale programmée. Il n’y a
pas de produit de neutralisation en cas de surdosage et la plasmaphérèse est le
seul moyen de limiter le risque hémorragique éventuel. Dans les cas particu-
liers tels que l’hémodialyse, l’hémofiltration ou les circulations
extracorporelles, le danaparoïde est utilisé moyennant un protocole posolo-
gique adapté, une surveillance rigoureuse des différents paramètres
biologiques et une coopération étroite clinicobiologique. Des difficultés de
préparation, d’apparition récente risquent de limiter la disposition de
l’Orgaran.

Hirudine recombinante : lépirudine (Refludan)


Obtenue par génie génétique, l’hirudine est une anti-IIa directe puissante
n’ayant aucune analogie avec l’héparine et donc dénuée de risque de réaction
croisée. Une AMM européenne a été délivrée à ce produit en 1997 dans les
TIH associées à un accident thromboembolique évolutif ou aggravé. Il semble
que des posologies de l’ordre de 0,1 mg/kg sont suffisantes et le bolus
(0,4 mg/kg) ne doit être réservé qu’à de rares cas menaçant le pronostic vital.
La surveillance classique du temps de céphaline avec activateur (TCA), évalué
4 h après le début du traitement, doit être comprise entre 1,5 et 2 fois le TCA
témoin. Compte tenu de la grande variabilité interindividuelle et des réactifs
dans les allongements du TCA, la mesure de l’activité circulante de la lépiru-
dine par le temps d’écarine est proposée pour une meilleure évaluation de
l’effet biologique du traitement. Il n’y a pas de possibilité de neutralisation en
cas d’accident hémorragique mais la demi-vie est courte (de l’ordre de 1,5 h).
Le profil du TGT de l’hirudine est caractéristique avec un retard à l’initiation
de la génération de thrombine sans modification aux doses thérapeutiques de
la vélocité, la quantité de thrombine formée (pic) et l’aire sous la couche
(ETP) aussi bien en coagulation extrinsèque qu’intrinsèque.
En cas de surdosage et d’hémorragie menaçant le pronostic vital, il est donc
recommandé d’arrêter l’administration de Refludan et de faire une hémofiltra-
tion avec une membrane de dialyse à haut flux ayant une limite de filtration de
50 000 Da.
L’utilisation reste contre-indiquée chez la femme enceinte ou en cas d’allaite-
ment à la différence de l’Orgaran.
L’apparition d’anticorps anti-hirudine a été rapportée chez 40 % des patients
sans aucune incidence clinique particulière ni de résistance au traitement itératif.
Thrombopénie induite par l’héparine 371

Dans cette prise en charge, d’autres molécules sont potentiellement utiles.


Parmi les molécules de synthèse ayant une action antithrombine indirecte (via
l’AT), le pentasaccharide (fondaparinux) semble être un candidat intéressant
car il est dépourvu de réactivité croisée in vitro avec l’héparine. L’argatroban
(Novastan) est une antithrombine directe déjà utilisée au Japon et en
Amérique du Nord. La bivalirudine (Angiox) est aussi proposée. La place des
nouveaux anticoagulants est en cours d’investigation.

Situations particulières
Les circonstances chirurgicales particulières (circulation extracorporelle,
pontages) sont de plus en plus confrontées au problème du choix de l’anti-
thrombotique de substitution pour des patients suspects ou aux antécédents
confirmés de TIH. Il est important de se référer aux recommandations récem-
ment publiées (consensus SFAR/GEHT).
Les problèmes inhérents à la surveillance biologique du risque hémorragique
potentiel et à la nécessité d’une standardisation des protocoles constituent une
préoccupation des services spécialisés et des groupes experts. La proposition
de conduites pratiques validées par ces groupes de travail devrait faciliter et
homogénéiser la prise en charge de ces patients particuliers à haut risque
thrombotique et/ou hémorragique.
L’appoint des antiagrégants plaquettaires a été proposé (iloprost avec l’Ilomé-
dine, analogue synthétique de la PGI2, anti-GPIIb/IIIa tel que le tirofiban).

Les TIH sont des complications rares mais potentiellement sévères de tout
traitement héparinique. L’intérêt du diagnostic biologique est évident
pour l’épidémiologie et la pharmacovigilance de ces accidents, et pour
définir la stratégie thérapeutique la plus appropriée. Cet intérêt est accru
en raison de l’absence de critère clinique diagnostique de certitude. Il
faudra toujours congeler un aliquot de plasma ou de sérum pour
permettre le diagnostic même rétrospectif afin d’établir une déclaration à
la pharmacovigilance et un certificat attestant de cette allergie condition-
nant l’avenir de la stratégie anticoagulante éventuelle chez le patient. Les
progrès dans la thérapeutique des TIH symptomatiques sont indiscutables
avec une simplification des indications thérapeutiques mais ils demandent
encore à être mieux évalués.
Il est important de prendre en compte les recommandations de l’ACCP
(American College of Chest Physicians) parues en juin 2008.

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12 CONDUITES PRATIQUES :
HÉMORRAGIES
ET THROMBOSES
EN ANESTHÉSIOLOGIE

Marc SAMAMA

Les modalités de prise en charge périopératoire des malades devant bénéficier


d’une intervention chirurgicale restent encore mal connues des médecins
généralistes. Du fameux bilan préopératoire à la prise en charge des hémorra-
gies postopératoires ou à la prévention de la maladie thromboembolique
veineuse (MTEV), en passant par la gestion périopératoire des traitements
antithrombotiques, un grand nombre de questions se posent. Les réponses sont
pourtant de plus en plus codifiées, surtout elles sont bien connues des anesthé-
sistes-réanimateurs.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
Le bilan biologique ne doit plus être systématique. Le temps est révolu où le
patient venait à la consultation d’anesthésie avec des résultats d’examens
systématiques, demandés par le chirurgien. L’accent doit donc être mis priori-
tairement sur l’interrogatoire. Celui-ci doit s’efforcer d’être le plus détaillé
possible :
– antécédents hémorragiques personnels et familiaux du patient;
– notion de saignements spontanés ou provoqués;
– hospitalisation ou transfusion antérieure;
– traitement par anticoagulants oraux (antivitamines K [AVK]), héparine,
aspirine, ticlopidine, clopidogrel, AINS.
Les questions doivent être répétées sous différentes formes, en tentant
d’éliminer des interrogations passe-partout qui ne sont pas informatives. Les
questions inutiles si elles sont isolées (réponses généralement affirmatives, et
inutilisables) sont les suivantes :
– « Avez-vous déjà saigné après une avulsion dentaire? »;
– « Saignez-vous en vous brossant les dents? »;
– « Développez-vous facilement des bleus après un choc? »;
– « Votre accouchement s’est-il compliqué d’un saignement? »;
– « Prenez-vous de l’aspirine, des anti-inflammatoires? ».
374 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Les questions complémentaires suivantes sont, elles, indispensables :


– « Le saignement a-t-il duré longtemps? Plus de 24 h? »;
– « Était-il très important? Quel volume? »;
– « Était-il immédiat ou retardé? »;
– « Êtes-vous retourné chez le dentiste? »;
– « Avez-vous été transfusé? et lors de votre accouchement? »;
– « Pouvez-vous décrire ces bleus, ces ecchymoses, leur localisation, leur
volume? »;
– « Quels médicaments prenez-vous en cas de maux de tête ou de rhume? »;
– « Êtes-vous traité pour un mal de dos? ».
Seuls l’interrogatoire et l’examen clinique possèdent une valeur médico-
légale. Il est préférable d’éviter, quand c’est possible, l’addition d’un facteur
de risque hémorragique supplémentaire à une hémostase perturbée par l’acte
chirurgical. Les données de la littérature sont unanimes. L’interrogatoire et
l’examen clinique orientent le choix des examens préopératoires dont le
nombre doit être le plus restreint possible.
En dehors de quelques cas très particuliers, le bilan systématique n’a donc plus
de raison d’être. La prescription d’examens complémentaires prenant malheu-
reusement moins de temps qu’un interrogatoire détaillé, un protocole de
prescription sélective pour chaque pathologie peut être proposé afin de faciliter
la démarche des équipes soignantes. Dans le cas d’une pathologie constitution-
nelle ou acquise de l’hémostase, la prise en charge du patient doit être conjointe
avec les spécialistes du laboratoire d’hémostase ou du centre local de traitement
de l’hémophilie. Si l’accord parfait s’est fait chez l’adulte, la prudence devait
exclure jusqu’à présent de cette démarche le nourrisson avant l’âge de la
marche. En effet, plusieurs facteurs pouvaient être considérés comme limitant :
– l’absence dans la majorité des cas d’antécédents chirurgicaux permettant
d’évaluer le risque hémorragique;
– l’impossibilité d’interroger directement les enfants, privant parfois le clinicien
de renseignements précieux. On remarquera toutefois que les circoncisions
rituelles pratiquées à domicile sur des nouveau-nés ou de jeunes enfants ne sont
jamais précédées d’un bilan d’hémostase. Ce bilan va devenir indispensable en
cas de réalisation du même geste par des chirurgiens à l’hôpital…
Enfin, il est admis que le type d’anesthésie prévu (locorégionale ou générale)
n’influence pas le choix des examens. En revanche le type d’intervention et la
possible survenue de troubles de l’hémostase per ou postopératoires peuvent
conduire à alourdir un tant soit peu la demande de tests préopératoires.

TRAITEMENTS ANTIAGRÉGANTS
ET ANTICOAGULANTS
Patients traités par antiagrégants plaquettaires
Le médecin généraliste ne doit plus interrompre systématiquement un traite-
ment antiplaquettaire avant une intervention comme cela s’est fait pendant des
Conduites pratiques : hémorragies et thromboses en anesthésiologie 375

dizaines d’années. De nombreuses situations cliniques nécessitent sa pour-


suite, avant et après la chirurgie, aussi bien en chirurgie réglée ou en urgence.
Le risque de l’interruption d’un traitement antiagrégant vis-à-vis d’une éven-
tuelle majoration du risque hémorragique peropératoire est important.
L’interruption d’un traitement efficace reposant sur une indication reconnue
ne peut se concevoir sans risque. Lorsque l’indication du traitement antipla-
quettaire est impérative (accidents ischémiques transitoires récidivants, angor
sévère), il faut maintenir un blocage de l’agrégation et donc poursuivre le trai-
tement. En particulier, chez un patient traité par aspirine pour un angor
instable ou par l’association aspirine clopidogrel pour un stent coronaire (dans
le mois suivant la pose), le maintien du traitement est licite étant donné le
risque vital de l’arrêt des antiagrégants face au risque nettement moins grave
d’une augmentation du saignement périopératoire sans conséquence autre
qu’un risque transfusionnel accru.
Chez un patient non porteur d’un stent, il est possible d’interrompre le traite-
ment antiplaquettaire réglé et de le remplacer par un AINS qui bloque la
cyclooxygénase de manière réversible. La disparition de la molécule du
plasma permet, contrairement à l’aspirine (blocage irréversible de la cylo-
oxygénase), une récupération ad integrum des plaquettes. Le flurbiprofène
(Cébutid) est alors administré en deux prises de 50 mg et arrêté 24 h avant
l’intervention. Enfin, compte tenu de la durée de vie de 10 jours des
plaquettes, on peut considérer qu’1/10 du pool plaquettaire est renouvelé
chaque jour. Après 5 jours, près de 50 % des plaquettes neuves n’ont pas été
au contact d’aspirine ou d’une thiénopyridine (clopidogrel, ticlopidine). Cette
proportion est généralement suffisante pour assurer une hémostase chirurgi-
cale. Elle répond à la notion de compétence hémostatique.
Dans le cas d’une intervention en urgence, la question de l’interruption du
traitement ne se pose pas.
Le risque doit être considéré différemment selon le contexte chirurgical : une
augmentation modérée du saignement en chirurgie cardiaque n’entame ni le
pronostic fonctionnel ni le pronostic vital. Le seul risque, très faible, est lié à
celui de la transfusion sanguine. À l’opposé, en neurochirurgie, en chirurgie
urologique, ophtalmologique (chambre postérieure) ou ORL, quand l’hémos-
tase peropératoire est difficile à contrôler, l’hémorragie peut mettre en jeu le
pronostic fonctionnel de l’intervention.
Le contrôle de l’hémorragie peropératoire si elle peut être assurée par la
desmopressine (dDAVP) (Minirin : 0,3 µg/kg en 20 min) si le patient n’est pas
vasculaire (ce qui est rare chez un patient traité par antiagrégants). Cette théra-
peutique ne doit pas être prophylactique. Au maximum, en présence d’un
saignement mettant en jeu le pronostic vital ou fonctionnel de l’intervention,
la transfusion de plaquettes est efficace (1 unité pour 7 kg de poids).
Les anti-GPIIb/IIIa utilisés en cardiologie (abciximab [Réopro], eptifibatide
[Integrelin], tirofiban [Agrastat]) doivent faire l’objet d’une attention particu-
lière. Le risque hémorragique de ces thérapeutiques est mal quantifié, d’autant
qu’elles comportent un risque propre de thrombopénie majeure. Là aussi, la
transfusion de plaquettes semble efficace.
376 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

L’anesthésie locorégionale (ALR) rachidienne est probablement possible chez


un patient traité par AINS ou aspirine mais plusieurs limites doivent être fixées :
– son indication doit être indiscutable, car elle peut être largement discutée : la
méta-analyse de Sorenson regroupant les études comparant anesthésie géné-
rale et ALR dans le cadre de la chirurgie de fracture du col du fémur ne montre
pas de bénéfice de l’ALR;
– à l’interrogatoire, s’il est réalisable, il n’est pas retrouvé d’anomalie constitu-
tionnelle ou acquise de l’hémostase susceptible de potentialiser le saignement;
– la rachianesthésie est préférée, l’anesthésie péridurale déconseillée par
analogie avec la série d’hématomes rachidiens nord-américains, beaucoup
plus fréquents avec la péridurale qu’avec la rachianesthésie;
– l’anticoagulation préventive ou curative par héparine standard ou héparine
de bas poids moléculaire (HBPM) doit être débutée à distance (plus de 12 h)
de l’intervention et uniquement si elle est nécessaire;
– une surveillance neurologique postopératoire est indispensable.
L’ALR demeure contre-indiquée chez le patient traité par ticlopidine, clopido-
grel ou abciximab, à plus forte raison en présence d’une association d’un de
ces produits avec l’aspirine.
En définitive, un patient peut être opéré sous l’influence de thérapeutiques
antiplaquettaires, moyennant un certain nombre de restrictions et de précau-
tions. Ces traitements, s’ils sont arrêtés, seront immédiatement reconduits en
postopératoire immédiat.

Conduite à tenir en cas de traitement anticoagulant oral


L’élargissement actuel des indications des AVK conduit de plus en plus fréquem-
ment à intervenir chez un patient traité au long cours. L’INR est, le plus souvent,
situé entre 2 et 3 (arythmie complète, traitement de la MTEV), mais il peut être
parfois plus élevé, compris entre 3 et 4,5 (valve mécanique), sans oublier les situa-
tions où les patients surdosés arrivent avec un INR ≥ 10 (surdosage, intoxication
volontaire, insuffisance hépatique aiguë). L’attitude pratique doit tenir compte de
la demi-vie des AVK, mais aussi de l’indication du traitement. S’il ne faut pas
interrompre l’anticoagulation d’un patient porteur d’une valve mitrale mécanique,
et dans ce cas le relais par héparine doit être systématique, il n’en est pas forcé-
ment de même pour un traitement prophylactique d’une arythmie complète par FA
ou le traitement au long cours d’une thrombose veineuse profonde (TVP).
Comme pour les thérapeutiques antiplaquettaires, si la justification du traite-
ment n’est pas remise en question, plusieurs attitudes peuvent être proposées.
Si l’INR est < 2 et que le geste chirurgical est compatible avec un certain
degré d’anticoagulation, le patient sera opéré. Si l’INR est > 2, l’attitude
variera selon le contexte chirurgical :
– chirurgie réglée : interruption des AVK 3 à 4 jours avant l’intervention;
administration :
- soit d’héparine calcique sous-cutanée à dose efficace (temps de céphaline
avec activateur [TCA] porté à 2 fois la valeur du témoin) : deux injections
journalières, la dernière étant réalisée 6 h avant la chirurgie,
Conduites pratiques : hémorragies et thromboses en anesthésiologie 377

- soit d’HBPM à dose curative en deux injections par jour (uniquement si


pathologie veineuse), la dernière ayant lieu au moins 12 h avant l’interven-
tion et 24 h avant elle en cas de risque hémorragique élevé;
– urgence vitale : plasma 10 à 20 ml/kg, sauf si surcharge hydrosodée, ou
PPSB (Kaskadil) 20 UI/kg de FIX pour obtenir un INR compatible avec la
chirurgie. La prudence est toutefois de mise chez les patients à très haut risque
thromboembolique (valve mécanique) chez qui le retour à un INR égal à 1
n’est pas souhaitable. Ne pas oublier la vitamine K par voie IV (1 mg);
– urgence différable à 12 h : de faibles doses de vitamine K intraveineuse sont
suffisantes pour normaliser, tout au moins établir l’INR dans une zone accep-
table. La vitesse de perfusion ne doit pas dépasser 1 mg/mn. Une dose de
vitamine K trop importante rendrait temporairement le patient résistant aux
AVK lors de leur réintroduction secondaire. La vitamine K peut être adminis-
trée par voie orale (une goutte = 0,5 mg). La correction de l’INR s’observe en
8 à 12 h. Les posologies habituelles de vitamine K sont de 0,5 à 1 mg par voie
orale ou IV en l’absence d’hémorragie, et de 2 à 5 mg IV en cas d’hémorragie.
Dans tous les cas, il faut s’assurer de la correction persistante de l’INR.
Quelles que soient les circonstances, un traitement par héparine calcique sous-
cutanée ou par héparine de bas poids à doses curatives sera entrepris en posto-
pératoire immédiat.

Traitement par héparine standard ou HBPM


Deux situations peuvent être individualisées en pratique :
– celle d’un traitement préventif;
– celle d’un traitement curatif.
En pratique, les HBPM et l’héparine non fractionnée (HNF) induisent le même
type de risque hémorragique et peuvent donc être gérées de la même façon.

Traitement à doses préventives


Lorsque le patient reçoit, pour une raison appropriée telle que la prophylaxie
postopératoire systématique ou un plâtre, une injection quotidienne d’HBPM
ou deux à trois injections sous-cutanées d’héparine calcique, le risque est par
définition minime et ne doit faire changer en rien le suivi du patient. En cas de
nécessité absolue d’interrompre le traitement (traumatisme crânien par
exemple), l’utilisation d’un système de compression mécanique plantaire (foot
pump, par exemple) peut être proposée pendant la période de risque
hémorragique.

Traitement à doses curatives


Lorsqu’un traitement curatif est en cours, plusieurs cas de figure peuvent être
rencontrés :
– la prise en charge ne peut accepter le moindre risque hémorragique chez ce
patient anticoagulé efficacement (traumatisme crânien par exemple). En cas de
378 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

traitement d’une pathologie thromboembolique veineuse, l’interruption du


traitement anticoagulant ne peut se concevoir qu’en mettant en place un filtre
cave, définitif ou, préférablement, temporaire. Si le patient est traité pour une
pathologie cardiaque (post-infarctus, valve mécanique avant le relais) ou
vasculaire (chirurgie vasculaire), l’arrêt du traitement, même pour quelques
heures (surtout pour les valves mécaniques), peut être catastrophique : il faut
discuter de ce risque en équipe avec le cardiologue et/ou le chirurgien du
patient;
– l’anticoagulation peut être poursuivie mais le risque de reprise chirurgicale
et d’atteinte rénale conduit à préférer une héparinothérapie à la seringue auto-
pousseuse, plus maniable et sans risque d’accumulation. En cas d’hémorragie,
le sulfate ou chlorhydrate de protamine peut être utilisé pour neutraliser totale-
ment l’HNF et partiellement les HBPM;
– dans un nombre limité de cas, le traitement par voie sous-cutanée peut être
poursuivi, mais il ne doit pas être administré en injection unique (actuelle-
ment, deux molécules seulement sont disponibles : tinzaparine, nadroparine).
Le pic d’anticoagulation occasionné par cette forte dose d’HBPM et l’absence
de recul chez ce type de patients doit faire préférer le régime de deux injec-
tions sous-cutanées quotidiennes;
– en règle générale; quel que soit le motif du traitement, l’HNF est plus
maniable en périopératoire que les HBPM.

HÉMORRAGIES PER- ET POSTOPÉRATOIRES


La gestion peropératoire des hémorragies est le plus souvent assurée par
l’équipe d’anesthésie qui prévoit et si nécessaire traite la survenue d’un
saignement au bloc, puis assure sa prise en charge postopératoire immédiate.
Un certain nombre de situations chirurgicales (chirurgie cardiaque, aortique,
orthopédique lourde ou oncologique lourde, transplantation hépatique)
peuvent se compliquer d’épisodes hémorragiques plus ou moins sévères en
per- et postopératoire. Dans ce cadre, différents hémostatiques peuvent être
proposés à titre prophylactique (acide tranexamique, NovoSeven en cas de
risque vital). En cas de survenue d’une hémorragie au bloc (cause chirurgicale
directe exceptée), le remplissage vasculaire et l’utilisation des produits
sanguins (globules rouges, plasma, plaquettes) et des médicaments dérivés du
sang (fibrinogène) sont régis par un certain nombre de recommandations
professionnelles largement diffusées (conférences de consensus, recomman-
dations pour la pratique clinique). Des techniques de réchauffement et
d’accélération des produits transfusés sont utilisées. Le monitorage de
l’hémostase est à ce jour encore assuré par le laboratoire d’hémostase même si
le développement des moniteurs délocalisés (Coaguchek, thromboélasto-
gramme) devrait un jour permettre de gérer, sous le contrôle du biologiste, une
situation hémorragique au bloc opératoire avec des délais d’obtention de
résultats courts.
Durant la période postopératoire proche (environ 1 semaine), le patient est
toujours sous la responsabilité des anesthésistes-réanimateurs et des chirur-
Conduites pratiques : hémorragies et thromboses en anesthésiologie 379

giens. Les complications hémorragiques sont gérées en collaboration avec les


équipes chirurgicales, aboutissant parfois à une réintervention. Il est excep-
tionnel qu’un patient soit réadressé à son médecin traitant alors qu’un
problème hémorragique persiste.

PRÉVENTION DE LA MTEV
La prévention de la MTEV occupe une place majeure durant la période pério-
pératoire au même titre que l’antibiothérapie ou l’analgésie. Si la morbidité
périopératoire en rapport avec la survenue d’une embolie pulmoanire ou d’une
TVP a bien diminué, c’est parce que la prophylaxie a réalisé de réels progrès
avec la généralisation de l’utilisation des HBPM et le développement des bas
de contention et que, globalement, les techniques chirurgicales et anesthési-
ques ont également beaucoup évolué. Les durées d’intervention ont diminué,
les complications postopératoires sont plus rares et mieux gérées, les patients
saignent beaucoup moins. Néanmoins, le problème persiste et la prophylaxie,
mécanique et/ou pharmacologique est la règle.
La détection des TVP postopératoires obéit à un certain nombre de règles très
standardisées. La clinique, longtemps délaissée retrouve peu à peu ses lettres
de noblesse. La phlébographie demeure le gold standard mais n’est plus prati-
quée qu’exceptionnellement par quelques rares équipes. L’écho Doppler est à
présent accepté comme mode de dépistage non invasif par les instances inter-
nationales bien que sa sensibilité soit mauvaise en chirurgie (62 %) chez les
patients asymptomatiques.
Deux types de risque doivent être pris en compte : le risque propre du patient
et le risque chirurgical (ou risque thromboembolique induit par l’interven-
tion). Ce dernier vient théoriquement en première position. Une abondante
littérature permet d’évaluer précisément la fréquence des TVP postopératoires
dans un grand nombre de situations chirurgicales. Le risque est de trois types :
faible, intermédiaire ou élevé. En termes de thromboses phlébographiques, en
l’absence de prophylaxie, il correspond grossièrement à un taux < 10 % pour
le risque faible, compris entre 10 et 40 % pour le risque intermédiaire et
> 40 % pour le risque élevé. Il est complété par le risque propre du patient
également réparti sur trois niveaux. La conférence de consensus de l’AP-HP
avait individualisé trois facteurs indépendants induisant un surcroît de risque :
l’âge, l’obésité et le cancer. D’autres facteurs existent (tableau 12.I), de la
prise de contraceptifs oraux à l’alitement, en passant par l’existence d’un
sepsis ou d’antécédents thromboemboliques. La combinaison du risque
chirurgical et du risque patient aboutit au risque global faible, intermédiaire ou
élevé (tableau 12.II).
En s’appuyant à la fois sur les consensus et sur la littérature, l’AP-HP a émis
et édité des Recommandations pour la pratique clinique sous forme de fiches
qui tentent d’aboutir à des propositions thérapeutiques à partir de chaque
niveau de risque. En résumé, l’attitude thérapeutique proposée varie avec le
niveau de risque global, allant de l’absence de traitement médicamenteux
jusqu’aux traitements combinant une HBPM (dose risque élevé) avec les bas
380 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Tableau 12.I. Niveaux de risque

Risque lié à la chirurgie


Risque lié au patient
(exemples)
Risque faible I A
– membre supérieur – absence de facteur de risque
– endo-urologie thromboembolique
– curetage
– cholécystectomie
Risque II B
intermédiaire – plâtre du membre inférieur – plus de 40 ans
– rachis sans trouble – varices
neurologique – contraception par
– adénomectomie transvésicale œstroprogestatifs
– rein, vessie (en dehors du – cardiopathie décompensée
cancer) – alitement périopératoire > 4 j
– hystérectomie – infection préopératoire
– plastie tubaire généralisée ou localisée
– appendicectomie aiguë
compliquée – post-partum
– maladie de Crohn – obésité*
Risque élevé III C
– bassin et membre inférieur – cancer* actuel ou évolutif
(hanche, fémur, genou) – antécédents
– rachis avec troubles thromboemboliques
neurologiques – paralysie des membres
– cystectomie totale inférieurs
– prostatectomie radicale – syndrome myéloprolifératif
– plastie utérine – hypercoagulabilité :
– ovariectomie-annexectomie résistance à la PCa, déficits
pour cancer en PC et PS, en AT; ACC
– colectomie pour cancer antiphospholipides,
– pancréas (cancer) anticardiolipine

ACC : anticoagulant circulant, PC : protéine C, PCa : PC activée, PS : protéine S


* facteurs induisant un surcroît de risque persistant malgré la prophylaxie

de contention élastique graduée (tableau 12.III). Consensus d’experts, ces


recommandations ne représentent qu’une étape dans l’optimisation de la prise
en charge du risque thromboembolique en chirurgie. Leur originalité tient
néanmoins dans la combinaison des risques. La chirurgie générale et diges-
tive, l’urologie, l’orthopédie et la traumatologie, la chirurgie gynécologique
ont été choisies. Pour les autres situations chirurgicales, et en l’absence de
données publiées, le raisonnement par extrapolation prévaut.
L’arrivée sur le marché de nouveaux produits, peut-être plus puissants pour
certains ou actifs par voie orale pour d’autres, changera l’approche de cette
maladie dans les années qui viennent.
Conduites pratiques : hémorragies et thromboses en anesthésiologie 381

Tableau 12.II. Stratégie de définition du risque global

Risque lié à la chirurgie Risque lié au patient Risque global


I A Faible
B Intermédiaire
C
II A
B
C Élevé
III A
B
C
Faible = I + A; intermédiaire = I + B; I + C; II + A; II + B; élevé = II + C; III + A; III + B; III + C.

Tableau 12.III. Stratégie thérapeutique en fonction du risque global

Risque faible Aucun traitement médicamenteux


Bas antithrombose recommandés
Risque HBPM schéma « risque modéré » : 1 injection sous-cutanée/j
intermédiaire ou bas de contention élastique graduée
Risque élevé HBPM schéma « risque élevé » : 1 injection sous-cutanée/j
± bas

CONCLUSION
Si c’est bien l’équipe d’anesthésie qui gère médicalement les patients qui
doivent se faire opérer depuis la première consultation jusqu’à leur sortie de
l’hôpital, il est clair que le médecin traitant doit se tenir informé des pratiques
et techniques périopératoires ainsi que des problèmes les plus souvent rencon-
trés dans le domaine de la thrombose et de l’hémostase, afin d’optimiser la
prise en charge de son patient.

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13 MALADIE
THROMBOEMBOLIQUE
VEINEUSE :
PARTICULARITÉS
CHEZ LE SUJET ÂGÉ

Virginie SIGURET, Isabelle GOUIN

INTRODUCTION
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est une pathologie très
fréquente chez le sujet âgé de plus de 75 ans et concerne donc un nombre
croissant de patients. Chez un patient âgé, le premier écueil est d’ordre
diagnostique. Ensuite, la prise en charge thérapeutique présente différentes
particularités, qui tiennent à l’état de fragilité du patient âgé. Avant d’initier
tout traitement antithrombotique, qu’il soit à visée prophylactique ou curative,
la balance bénéfices/risques doit être évaluée au cas par cas puis réévaluée très
régulièrement. Dans cette tranche âgée de la population, les comorbidités
fréquentes, les pathologies intercurrentes aiguës et les médicaments associés
compliquent le maniement des antithrombotiques. Pour autant, un patient âgé
ne saurait être privé du bénéfice démontré d’une thérapeutique antithrombo-
tique au seul motif qu’il est âgé.
Dans la population générale, l’incidence de la MTEV augmente avec l’âge,
l’incidence annuelle de la thrombose veineuse profonde (TVP) passe de
1,8 ‰ dans la tranche 65-69 ans à 3,1 ‰ dans la tranche 85-89 ans, celle de
l’embolie pulmonaire (EP) de 1,3 à 2,8 ‰ pour les mêmes tranches d’âge.
La prévalence de la TVP devient très élevée dès lors qu’il s’agit de patients
hospitalisés : un écho Doppler des membres inférieurs réalisé de manière
systématique à l’entrée d’un service de médecine interne chez des patients
sans symptôme de MTEV a permis d’évaluer la prévalence de la TVP à 4 %
chez les 70-80 ans et à environ 18 % au-delà de 80 ans. Au décours d’une
hospitalisation pour une affection médicale aiguë, en l’absence de prophylaxie
antithrombotique, une phlébographie réalisée au 14e jour montre que l’inci-
dence de la MTEV augmente considérablement avec l’âge : de 6,4 % pour les
60-69 ans à plus de 18 % au-delà de 70 ans.
384 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

FACTEURS DE RISQUE DE MTEV


CHEZ LES PATIENTS GÉRIATRIQUES
L’origine de la MTEV est souvent multifactorielle, associant des facteurs
acquis cliniques et/ou biologiques et des facteurs génétiques. Parmi les
facteurs acquis, l’âge > 75 ans est en soi un facteur de risque de MTEV, lié à
un état physiologique d’hypercoagulabilité, à la stase veineuse et au vieillisse-
ment intrinsèque du système veineux, autrement dit, lié aux trois composantes
de la triade de Virchow. L’immobilisation prolongée, l’insuffisance cardiaque
décompensée, l’insuffisance respiratoire sévère, un cancer évolutif, un sepsis,
un antécédent de MTEV, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un
infarctus du myocarde (IDM) récent constituent des facteurs de risque clini-
ques d’autant plus fréquemment rencontrés que le patient avance en âge. Les
facteurs génétiques de MTEV ne semblent pas déterminants après 70 ans,
notamment le facteur V Leiden (FVL) lors d’un premier épisode de throm-
bose. En revanche, dans une population de patients âgés sélectionnés
présentant des épisodes idiopathiques récurrents de MTEV, il convient de
discuter la prescription d’un bilan biologique de thrombose associant la
recherche d’anticorps antiphospholipides (anticoagulant lupique, anticardioli-
pine, anti-β2-glycoprotéine I [β2GPI]) et la recherche de facteurs génétiques
prédisposant à la MTEV (déficit en antithrombine, protéine C, protéine S,
résistance à la protéine C activée et/ou mutation G1691A du gène du facteur
V, mutation G20210A du gène de la prothrombine. En résumé, le caractère
multifactoriel de la MTEV doit être pris en compte chez le patient âgé comme
chez le patient plus jeune et la question d’une prophylaxie éventuelle posée au
cas par cas.

DIFFICULTÉS DIAGNOSTIQUES DE LA MTEV


CHEZ LE PATIENT ÂGÉ
Un épisode aigu de TVP est fréquemment pauci-, voire asymptomatique chez
le patient très âgé. La phase initiale de la MTEV peut passer inaperçue du fait
de la préexistence d’œdèmes des membres inférieurs, de troubles trophiques
d’insuffisance veineuse chronique par exemple.
Dans la très grande majorité des cas, l’écho-Doppler des membres inférieurs,
examen non invasif, permet d’affirmer ou non le diagnostic de TVP. La perte
d’autonomie du patient ne doit pas retarder cet examen décisif. Il doit être
réalisé par un professionnel expérimenté de préférence habitué aux patients
gériatriques : l’examen est compliqué par les difficultés de mobilisation du
patient et est donc de réalisation plus longue. Il est important de différencier
thrombus récent et séquelles de TVP, fréquentes avec le grand âge.
Une concentration des D-dimères (D-Di) plasmatiques < au seuil décisionnel
(en général 500 ng/ml) permet d’exclure un processus thromboembolique
récent en l’absence de traitement anticoagulant, avec une sensibilité proche de
100 % y compris chez les plus de 80 ans. Toutefois, la spécificité de ce test
Maladie thromboembolique veineuse : particularités chez le sujet âgé 385

décroît avec l’âge : la concentration des D-Di est supérieure au seuil dès lors
qu’il existe un syndrome inflammatoire, une néoplasie, une infection, situa-
tions fréquentes chez le patient âgé. Aussi, en cas de suspicion de MTEV chez
un patient âgé, le diagnostic sera exclu chez moins de 10 % d’entre eux,
seulement : cet examen ne sera prescrit qu’aux patients âgés dépourvus de
toute comorbidité.
Fréquemment, le patient âgé se présente d’emblée avec la complication de la
TVP qu’est l’EP. Devant toute suspicion clinique d’EP, et étant donné les
nombreux diagnostics différentiels possibles (insuffisance cardiaque, infection
pulmonaire par exemple), deux examens peuvent être réalisés en première
intention :
– la scintigraphie de ventilation/perfusion à laquelle peut être préférée
l’angioscannographie spiralée. En effet, la spécificité de la scintigraphie est
limitée en gériatrie, du fait de l’existence fréquente d’antécédents pulmonaires
chez le patient (pneumopathies, EP anciennes par exemple) : en pratique, la scin-
tigraphie est peu contributive quand la radiographie de thorax n’est pas normale;
– l’angiographie pulmonaire reste l’examen de référence pour un diagnostic de
certitude, mais elle demeure un examen très invasif, peu accessible en pratique
aux patients très âgés. L’injection de produits de contraste peut être probléma-
tique du fait de la fréquence d’une insuffisance rénale dans cette population.

BILAN BIOLOGIQUE AVANT L’INSTAURATION


D’UN TRAITEMENT ANTICOAGULANT
CHEZ UN SUJET ÂGÉ
La prescription d’antithrombotiques implique un bilan biologique prélevé idéa-
lement avant l’instauration du traitement ou dans les 24 premières heures. Ce
bilan comprend avant tout un hémogramme afin de connaître le taux initial
d’hémoglobine en l’absence de déshydratation et le chiffre initial de plaquettes
en cas d’héparinothérapie. Une microcytose doit attirer l’attention car elle peut
être le signe d’un saignement chronique méconnu. Un bilan d’hémostase
(temps de prothrombine [TP], temps de céphaline avec activateur [TCA], fibri-
nogène) permet de déceler une anomalie constitutionnelle ou, le plus souvent,
acquise de l’hémostase ce qui est fréquent chez le sujet âgé (présence d’un anti-
coagulant lupique, déficit en un ou plusieurs facteurs révélateurs par exemple
d’hypovitaminose K, d’insuffisance cardiaque droite par exemple).
En cas de traitement héparinique, la fonction rénale doit être systématique-
ment évaluée à l’aide de la formule de Cockcroft :
140 – (âge (années))
Chez l’homme : ClCr (ml/mn) = ---------------------------------------------------------------------------------------------------
-
Créatinémie (µmol/l) × Poids (Kg) × 1 ,25
140 – (âge (années))
Chez la femme : ClCr (ml/mn) = ---------------------------------------------------------------------------------------------------
-
Créatinémie (µmol/l) × Poids (Kg) × 1 ,08
386 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Cela implique de disposer d’un poids récent du patient en l’absence d’œdèmes


majeurs et de mesurer la créatinine sérique en dehors de tout épisode de
déshydratation. D’autres formules, notamment la formule simplifiée MDRD
(pour modification of diet in renal disease), n’ont pas été validées chez les
sujets âgés de plus de 80 ans. Même s’il est admis que la formule de Cockcroft
sous-évalue la fonction rénale des sujets très âgés, en l’absence de données
nouvelles, c’est celle-ci que les autorités de santé recommandent d’utiliser
avant la prescription de dérivés hépariniques chez tout sujet âgé de plus de
75 ans. Enfin, il est recommandé d’évaluer la fonction hépatique.

PROPHYLAXIE DE LA MTEV
CHEZ LES PATIENTS GÉRIATRIQUES
En milieu chirurgical, la prise en charge du patient âgé ne diffère pas notable-
ment de celle du patient plus jeune, un âge > 40 ans étant déjà considéré
comme un facteur de risque à prendre en compte.
En milieu médical, les situations à risque de MTEV et les stratégies prophylacti-
ques qui en découlent sont moins clairement définies. Parmi les héparines de bas
poids moléculaire (HBPM), l’énoxaparine (40 mg/24 h) et la daltéparine
(5 000 UI/24 h) disposent d’une AMM pour prévenir la MTEV chez des patients
présentant une affection médicale aiguë pour une durée maximale de 14 jours.
Plus le patient avance en âge (surtout après 70 ans), plus ce schéma thérapeutique
est efficace en termes de réduction de l’incidence de la MTEV. Rappelons que les
HBPM sont déconseillées à dose prophylactique, mais non contre-indiquées en
cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min; l’héparine calcique peut alors être
utilisée. Le fondaparinux, administré en sous-cutané à la dose de 2,5 mg/24 h a
également obtenu une AMM dans cette indication; il est, lui, contre-indiqué en
cas de clairance de la créatinine < 20 ml/min.
Pour ces traitements à visée prophylactique, aucune surveillance de l’activité
anti-Xa n’est requise dans les schémas actuellement proposés sauf éventuelle-
ment en cas d’accident hémorragique.
Les différents facteurs de risque de MTEV doivent être évalués régulièrement
afin d’optimiser la durée de la prophylaxie en milieu médical. En effet,
plusieurs enquêtes menées en France font apparaître une surprescription des
dérivés hépariniques à dose prophylactique, avec des durées de traitement très
prolongées. La grabatisation d’un patient âgé en l’absence d’affection médi-
cale aiguë ne justifie pas à elle seule la prescription d’héparine. À l’inverse,
des patients qui nécessiteraient une prophylaxie lors d’épisodes aigus n’en
bénéficient pas. Enfin, n’oublions pas la place essentielle de la contention dans
la prophylaxie de la MTEV, volontiers assurée à l’aide de bandes en gériatrie.

TRAITEMENT D’UN ÉPISODE DE MTEV


CHEZ UN PATIENT ÂGÉ
Le diagnostic d’un épisode aigu de MTEV chez un patient âgé doit soulever la
question d’une hospitalisation même brève pour réaliser un bilan complet et
Maladie thromboembolique veineuse : particularités chez le sujet âgé 387

initier le traitement anticoagulant. Les anticoagulants étant des médicaments à


marge thérapeutique étroite, l’environnement familial et social du patient âgé
est une donnée essentielle pour s’assurer d’une parfaite observance, pour
permettre une surveillance et une coordination optimale entre le prescripteur,
le biologiste, le patient lui-même et tous les autres acteurs de santé.
Nous n’envisagerons pas dans ce chapitre le cas des patients présentant une
EP grave nécessitant une prise en charge par un service de soins intensifs.

Héparines de bas poids moléculaire (HBPM), fondaparinux


Lors d’enquêtes de pharmacovigilance, des accidents hémorragiques ont été
rapportés principalement chez des patients âgés traités avec les différentes
HBPM, parfois de manière prolongée. C’est ce qui a conduit l’Afssaps à
restreindre l’utilisation des HBPM et du fondaparinux chez les patients dont la
fonction rénale est altérée. L’évaluation de la fonction rénale par la formule de
Cockcroft doit être systématique après 75 ans. Les HBPM sont contre-indi-
quées en cas d’insuffisance rénale sévère définie par une clairance de la
créatinine inférieure à un chiffre de l’ordre de 30 ml/min; elles sont décon-
seillées à dose curative si la clairance est comprise entre 30 et 60 ml/min. Le
fondaparinux, qui a une élimination rénale exclusive, est contre-indiqué à dose
curative pour des patients ayant une clairance de la créatinine calculée infé-
rieure à 30 ml/min. L’application stricte de ces mesures pose différents
problèmes chez les patients gériatriques hospitalisés dont environ 20 % sont
insuffisants rénaux sévères. Par ailleurs, l’Afssaps met l’accent sur la lutte
contre le mésusage : respecter les schémas posologiques de chaque HBPM
(calcul des posologies en fonction du poids vérifié et récent du patient),
respecter les modalités d’administration, limiter la durée de traitement à dose
curative à 10 jours au maximum, éviter les associations médicamenteuses
dangereuses notamment après 65 ans (AINS, antiagrégants plaquettaires par
exemple).
L’Afssaps recommande une surveillance de l’activité anti-Xa chez les sujets
âgés traités par HBPM a fortiori insuffisants rénaux et/ou de poids extrême
(< 40 kg), ou en cas d’accident hémorragique. La mesure de l’activité anti-Xa
plasmatique au pic permet de dépister un surdosage et/ou une accumulation.
Une corrélation existe entre activité anti-Xa très élevée et risque hémorragique
accru. La plus grande rigueur est requise dans les horaires de prélèvement et
d’injection, particulièrement en ambulatoire. Le premier contrôle doit être
effectué de préférence le 2e ou 3e jour d’administration de l’HBPM et la
fréquence des contrôles ultérieurs sera discutée au cas par cas. Les valeurs
d’anti-Xa au pic attendues sont propres à chaque molécule d’HBPM. En cas de
surdosage biologique, il conviendra de diminuer la posologie de manière empi-
rique et refaire un contrôle après cette modification. En cas de contre-indication
aux antivitamines K (AVK) et de prolongation de traitement au-delà de 10 jours
(hors AMM), la surveillance régulière de l’activité anti-Xa s’impose pour les
traitements à visée curative. En ce qui concerne le fondaparinux, il n’existe pas
de données biologiques publiées (activité anti-Xa) permettant de dépister un
surdosage chez un patient âgé.
388 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Héparine non fractionnée (HNF)


Si les HBPM sont contre-indiquées (insuffisance rénale sévère), l’HNF peut
être utilisée. Les patients âgés traités par HNF ont un risque hémorragique
accru comparativement aux sujets plus jeunes. Étant plus sensibles à l’hépa-
rine que les sujets plus jeunes, ils requièrent donc une dose moindre en HNF
pour atteindre l’équilibre. Il convient de débuter le traitement par un bolus
d’héparine sodique de 50 U/kg suivi d’une dose 300 à 400 U/kg/24 h d’hépa-
rine sodique par voie veineuse, ou de 500 U/kg/24 h d’héparine calcique par
voie sous-cutanée. En pratique, les traitements par HNF chez le sujet très âgé
se heurtent à de très nombreuses difficultés. Un traitement par HNF à dose
efficace nécessite une surveillance biologique quotidienne, voire pluriquoti-
dienne en début de traitement. Or, très souvent, le capital veineux réduit des
patients ne le permet pas. Étant donné les fluctuations importantes des
protéines de la réaction inflammatoire chez les patients âgés, la stabilisation
du TCA est difficile à obtenir. C’est pourquoi il paraît préférable de surveiller
l’activité anti-Xa.
Concernant la surveillance des plaquettes lors d’un traitement héparinique, les
règles sont les mêmes que chez le sujet plus jeune.

Relais par les AVK


Le choix de la molécule doit se porter vers des dérivés à demi-vie longue
améliorant la stabilité de l’anticoagulation, fluindione (Préviscan) ou warfa-
rine (Coumadine). Étant donné les faibles doses requises par les sujets âgés
(en moyenne, 3 à 4 mg de warfarine par jour chez des patients d’âge moyen
85 ans), la Coumadine 2 mg, bisécable, est particulièrement adaptée en
gériatrie. Lors de l’instauration du traitement, l’Afssaps recommande de
débuter par une dose plus faible chez le sujet âgé comparativement à celle
recommandée chez un patient d’âge moyen. Dans notre expérience, chez des
sujets âgés dont le TP initial est normal et dont l’INR cible est 2,5, nous
recommandons de débuter le traitement par une dose quotidienne de 4 mg de
warfarine 3 jours de suite, puis la 4e prise est ajustée en fonction de l’INR
mesuré le lendemain de la 3e prise. Quel que soit l’AVK utilisé, il faut se
souvenir que l’équilibre n’est jamais atteint avant une semaine. La
surveillance de l’INR doit être effectuée au minimum tous les 2 jours
jusqu’à l’équilibre. Ensuite, la surveillance minimale est d’environ une fois
par semaine pendant le 1er mois, période où les accidents hémorragiques,
plus graves voire fatals après 80 ans, sont les plus nombreux. En cas de
pathologie intercurrente aiguë ou devant toute modification du traitement
médicamenteux, la surveillance des INR doit être accrue. Chez des patients
gériatriques hospitalisés, les médicaments potentialisateurs des AVK les
plus souvent en cause dans les surdosages sont les antifongiques y compris
par voie locale, les antibiotiques et l’amiodarone.
En cas de surdosage, les schémas d’administration de vitamine K par voie
orale ou veineuse sont bien codifiés en fonction de l’INR.
Maladie thromboembolique veineuse : particularités chez le sujet âgé 389

BIBLIOGRAPHIE

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14 THROMBOSES
ARTÉRIELLES
ET VEINEUSES ASSOCIÉES
À L’AUTO-IMMUNITÉ

David BOUTBOUL, Nicolas LIMAL, Patrice CACOUB

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES (SAPL)


Définitions, critères et classification
Le terme de syndrome des antiphospholipides a été initialement utilisé en
1986 par G. Hughes pour décrire l’association clinique d’anticorps antiphos-
pholipides (APL) (anticorps dirigés contre des cibles antigéniques multiples :
phospholipides et/ou protéines associées aux phospholipides) à un syndrome
d’hypercoagulabilité se manifestant par des thromboses veineuses (TV) et/ou
artérielles à répétition. Dans un processus de classification en constante évolu-
tion ont été récemment proposés des critères internationaux de définition du
SAPL (tableau 14.I).
Le SAPL peut être séparé en deux catégories :
– SAPL dit primaire survenant chez des patients sans marqueur clinique ou
biologique d’autres pathologies auto-immunes (tableau 14.II);
– SAPL secondaire associé au lupus érythémateux systémique dans la plupart
des cas, voire à d’autres pathologies dysimmunitaires beaucoup plus rarement.
Les APL les plus communément détectés en pratique clinique sont :
– l’anticoagulant circulant (ACC) anti-prothrombinase dit de type lupique;
– les anticorps anticardiolipine (ACL) et les anticorps anti-β2-glycoprotéine I
(β2GPI).
L’ACC de type lupique semble plus spécifique du SAPL tandis que les ACL
semblent les plus sensibles. Pour le diagnostic de SAPL, la spécificité des
ACL augmente avec leur titre. Elle est plus importante lorsqu’il s’agit
d’immunoglobuline de type IgG.

Physiopathologie
Plusieurs hypothèses sont actuellement proposées pour rendre compte des
mécanismes moléculaires et cellulaires par lesquels les APL favorisent la
thrombose in vivo :
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 391

Tableau 14.I. Critères de Sapporo actualisés, consensus d’experts


pour le diagnostic du syndrome des APL
(Wilson et al, 1999; Miyakis et al, 2006)
Critères Thrombose vasculaire
cliniques – 1 (ou plusieurs) épisode de thrombose artérielle, veineuse, de
petits vaisseaux, de n’importe quel organe. Confirmation par
imagerie, doppler ou anatomopathologie
Morbidité obstétricale
– 1 (ou plusieurs) mort fœtale (>10 semaines de grossesse) sans
aucune anomalie morphologique documentée par échographie
ou étude foetopathologique
– 1 (ou plusieurs) accouchement (< 34 semaines de grossesse) d’un
enfant morphologiquement normal, associé à une éclampsie ou
à une pré-éclampsie ou à une insuffisance placentaire sévère
– 3 (ou plus) fausses couches (< 10 semaines de grossesse)
spontanées inexpliquées sans cause anatomique, génétique ou
hormonale retrouvée
Critères Anticoagulant circulant de type lupique
biologiques – détectés selon les recommandations des sociétés savantes
Anticorps anticardiolipine
– IgG et/ou IgM, présents à titre moyen ou élevé (titre > 40 GPL ou
MPL, ou > 99th percentile)
– mesurés par un test ELISA standardisé
Anticorps anti-b2glycoprotéine I
– IgG et/ou IgM, présents à titre moyen ou élevé (titre > 99th
percentile)
– mesurés par un test ELISA standardisé
Présents à au moins 2 reprises séparées d’au moins 12 semaines

Tableau 14.II. Critères d’exclusion du SAPL primaire


La présence de l’un de ces critères n’est pas compatible avec le diagnostic de syndrome primaire
des APL :
– éruption malaire;
– lupus discoïde;
– ulcération orale ou pharyngée (sauf ulcération ou perforation de la cloison nasale);
– arthrite franche;
– pleurésie, en l’absence d’EP ou d’insuffisance cardiaque gauche;
– péricardite, en l’absence d’infarctus myocardique ou d’insuffisance rénale marquée;
– protéinurie > 0,5 g/j, due à une glomérulonéphrite par complexes immuns prouvée
histologiquement;
– lymphopénie < 1 000/ml;
– anticorps anti-ADN natif, par radio-immunologie ou immunofluorescence sur Crithidia;
– anticorps anti-antigènes nucléaires solubles;
– AAN à un titre > 1/320;
– traitement connu comme inducteur d’APL.
En outre, un suivi > 5 ans après la première manifestation clinique est nécessaire pour écarter
l’apparition ultérieure d’un lupus systémique.
392 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

– activation des cellules endothéliales (présentant notamment une protéine


associée aux phospholipides, la β2-glycoprotéine I [β-2GPI]) par liaison des
APL, comme en témoignent l’augmentation de l’expression de molécules
d’adhésion sur les cellules endothéliales, l’inflation de la sécrétion cytoki-
nique et du métabolisme des PGI2 en présence d’APL;
– formation d’un complexe APL-LDL oxydées (réactivité croisée des anti-
phospholipides sur les particules LDL oxydées) induisant une activation
macrophagique après phagocytose du complexe, avec libération de radicaux
oxygénés lésant la paroi vasculaire;
– altération de la fonction régulatrice anticoagulante des protéines liées aux
phospholipides par liaison des anticorps (la β-2GPI serait un anticoagulant
naturel);
– l’absence de phospholipides anioniques (sous-classe de phospholipides
reconnue par les autoanticorps) à la surface de cellules endothéliales intactes
suggère qu’une perturbation membranaire est nécessaire pour permettre la
liaison des anticorps à l’endothélium. Les APL réagissent avec des plaquettes
activées et des cellules en apoptose qui, ayant perdu leur conformation
membranaire native, exposent des phospholipides anioniques à leur surface.

Épidémiologie
Les APL (ACL et ACC de type lupique) sont retrouvés chez 1 à 5 % des sujets
jeunes sains. La présence d’APL sans syndrome clinique d’hypercoagulabilité
est retrouvée dans de nombreuses situations cliniques : infection, néoplasie,
traitements médicamenteux, hémodialyse, grossesse. Ces anticorps sont habi-
tuellement des IgM, présents à des taux faibles et sans manifestation
thrombotique associée. Certains patients sont par ailleurs porteurs d’APL à
taux élevés sans conséquence clinique. Une question de première importance
est celle de l’identification des patients porteurs d’antiphospholipides à risque
de développer un événement thrombotique. Plusieurs facteurs de risque ont
été isolés : présence d’anticoagulant de type lupique plutôt que d’autres auto-
anticorps, taux élevé d’ACL. Néanmoins, aucun de ces facteurs de risque n’est
suffisamment prédictif d’un événement thrombotique pour justifier un traite-
ment en prophylaxie primaire.

Quand rechercher un SAPL?


C’est le cas en présence des anomalies cliniques suivantes :
– manifestations thrombotiques macroangiopathiques veineuses (tous les
territoires peuvent être touchés) et/ou artérielles (moins fréquentes, les artères
cérébrales sont le plus souvent touchées, les coronaires se plaçant en second);
– manifestations thrombotiques microangiopathiques témoignant d’une
atteinte capillaire, veinulaire ou artériolaire, se présentant cliniquement et
biologiquement comme un tableau de micro-angiopathie thrombotique;
– manifestations obstétricales : fausses couches survenant en général après la
10e semaine de grossesse, prématurité favorisée par un contexte d’hyperten-
sion artérielle gravidique parfois compliquée d’hématome rétroplacentaire;
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 393

– manifestations suraiguës appelées syndrome catastrophique des


antiphospholipides : survenue de multiples occlusions vasculaires atteignant
simultanément trois organes au moins (le plus souvent rein, poumons et
système nerveux central), sur une période de quelques jours ou quelques mois,
avec évidence histologique de lésions occlusives multiples de gros ou petits
vaisseaux. L’association d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
est fréquente (25 % des cas). Il faut savoir rechercher et traiter de manière
concomitante un facteur précipitant tel qu’une infection, une intervention
chirurgicale, un arrêt intempestif d’un traitement anticoagulant ou la prise de
contraceptifs oraux œstroprogestatifs;
– autres : livedo actif des quatre membres, chorée ou atteinte cardiaque
gauche (endocardite de Liebmann-Sachs) avec tableau d’insuffisance mitrale
modérée souvent emboligène.
C’est aussi le cas en présence d’anomalies biologiques (voir tableau 14.I) :
– l’anomalie la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique est l’allon-
gement isolé du temps de céphaline avec activateur (TCA) ou du temps de
céphaline kaolin (TCK), non corrigé par l’adjonction de plasma témoin. Un
TCA normal n’exclut en aucun cas la possibilité diagnostique de SAPL;
– la thrombopénie périphérique (voir chapitre 15).

Principes thérapeutiques : prophylaxie


Aucun intérêt d’un traitement en prophylaxie primaire des thromboses n’a été
montré en présence d’APL retrouvés de manière isolée.
On observe une prévention efficace des manifestations thrombotiques par
l’hydroxychloroquine (Plaquenil) chez les patients lupiques porteurs d’APL.
Dans tous les cas, le contrôle des autres facteurs de risque vasculaire est
impératif.
Le traitement après survenue d’un événement thrombotique est le suivant :
– hors grossesse : anticoagulation efficace au long cours (durée de traitement
encore indéfinie) par héparine (avec surveillance de l’héparinémie et non du
TCA, souvent faussé dans ce contexte) relayé par les antivitamines K (AVK),
avec un INR recommandé entre 3 et 3,5 ou 2 à 3 pour d’autres auteurs;
– pendant la grossesse : association d’héparine et d’aspirine, à interrompre
quelques jours avant l’accouchement;
– syndrome catastrophique : urgence de réanimation, traitement anticoagulant
(héparine non fractionnée [HNF] à la seringue électrique), corticoïdes et plas-
maphérèse ou IgIV.

BIBLIOGRAPHIE

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MALADIE DE BEHÇET
Maladie systémique d’étiologie inconnue, la maladie de Behçet est caracté-
risée cliniquement par l’association d’une aphtose bipolaire (orale et génitale),
d’uvéite et de lésions cutanées inflammatoires évoluant par poussées. Les
manifestations digestives, neurologiques et macrovasculaires restent moins
fréquentes mais engagent parfois le pronostic vital.

Épidémiologie
La distribution géographique de la maladie de Behçet s’opère autour de
l’ancienne route de la soie qui s’étendait de l’Asie extrême orientale au bassin
méditerranéen. Les prévalences de 80 à 370 cas pour 100 000 habitants sont
maximales en Turquie, avec une prédominance féminine au Japon et en Corée,
à la différence des pays du Moyen-Orient où les hommes sont plus souvent
atteints. Le pic d’incidence de la maladie se situe autour de la 3e décennie.

Physiopathologie
L’association de facteurs génétiques prédisposants (HLA B51) à des facteurs
environnementaux (infectieux) semble impliquée dans le développement de la
maladie de Behçet. Dans les zones de forte prévalence, la présence de l’allèle
HLA B51 est fortement associée au développement de la maladie (risque
relatif estimé à 6,7 au Japon par rapport au sujet non B51) et à la sévérité de la
maladie (atteinte neurorétinienne). De nombreux agents pathogènes ont été
incriminés dans le développement de la maladie de Behçet, via des antigènes
ubiquitaires (protéines de choc thermique en particulier) engendrant une réac-
tivité croisée vis-à-vis du soi.
Trois constantes caractérisent la maladie de Behçet au plan physio-
pathologique :
– expansion clonale de lymphocytes T autoréactifs vis-à-vis de peptides
dérivés de protéines de choc thermique (heat shock protein ou HSP 60) avec
production de cytokines chémotactiques et d’effecteurs cytotoxiques;
– présence de polynucléaires neutrophiles hyperactivés (en partie recrutés par
les chémokines sécrétées par les lymphocytes autoréactifs) au sein des lésions
actives (dont celles induites par le test pathergique [pathergy test]), responsa-
bles de lésions tissulaires par production accrue de radicaux oxygénés et
d’enzymes lysosomiales;
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 395

– vascularite des petits vaisseaux (veinules plus qu’artérioles) au niveau des


lésions cutanéomuqueuses, oculaires, neurologiques, digestives, et des vais-
seaux de gros ou moyen calibre, secondaire à l’hyperactivation des
polynucléaires ainsi qu’à la cytotoxicité directe des lymphocytes T
autoréactifs.

Diagnostic
Le diagnostic de maladie de Behçet repose sur un faisceau d’arguments clini-
ques, regroupés dans les critères internationaux proposés en 1990
(tableau 14.III).

Tableau 14.III. Critères diagnostiques du groupe international d’étude


sur la maladie de Behçet

– critère obligatoire : ulcération buccale récurrente (aphtose mineure,


aphtose majeure ou ulcération herpétiforme) observée par un clinicien ou le
malade, survenant au moins trois fois en 12 mois.
– plus de deux des quatre critères suivants :
- lésions cutanées : érythème noueux observé par un clinicien ou le malade,
pseudo-folliculites ou lésions papulopustuleuses ou nodules acnéiformes
observés par un clinicien en dehors de la période d’adolescence et de
traitement corticoïde;
- ulcération génitale récurrente : aphtose ou cicatrice observée par un
clinicien ou le malade;
- lésions oculaires : uvéite antérieure, uvéite postérieure ou hyalite à
l’examen à la lampe à fente ou vascularite rétinienne observée par un
ophtalmologiste;
- test pathergique : lu par un clinicien entre la 24e et la 48e heure, avec
présence d’une pustule ou d’une papule au point de ponction d’une
aiguille sous-cutanée à la face antérieure de l’avant-bras;
– critères applicables en l’absence d’autres diagnostics.

Le diagnostic différentiel comprend de nombreuses pathologies :


– au niveau cutané, les infections à herpès virus, le syndrome de Sweet;
– au plan articulaire, les spondylarthropathies;
– dans les formes digestives, la maladie de Crohn et la rectocolite hémorra-
gique ;
– dans les formes neurologiques, la sclérose en plaques.
Le test pathergique consiste à injecter superficiellement, à l’aide d’une
seringue stérile, quelques millilitres de sérum physiologique au niveau de
l’avant-bras afin de démasquer une réaction d’hypersensibilité pathologique
(test considéré comme positif lorsque apparaît à la 24e ou la 48e heure, un
nodule érythémateux de diamètre > 2 mm). Néanmoins, son manque de spéci-
ficité (par exemple, le test peut être positif dans le syndrome de Sweet et le
pyoderma gangrenosum) et de sensibilité (notamment dans les populations
caucasiennes où la prévalence est faible) en limite l’intérêt.
396 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Quand évoquer une maladie de Behçet?


La majorité des lésions observées est secondaire à une micro-angiopathie
inflammatoire veineuse responsable :
– d’aphtose orale récidivante : les aphtes buccaux sont souvent la manifesta-
tion initiale de la maladie de Behçet et peuvent précéder de plusieurs années
l’apparition d’autres manifestations. Ils sont répartis sur l’ensemble de la
cavité buccale touchant les gencives, la langue et les muqueuses labiales et
jugales. Ils guérissent spontanément en une dizaine de jours sans cicatrice;
– d’aphtose génitale récidivante : habituellement sur le pénis et le scrotum
chez l’homme, sur la vulve chez la femme, ils sont identiques aux aphtes
buccaux. Ces lésions évoluent vers des cicatrices qu’il faut savoir rechercher;
– de lésions ophtalmologiques touchant l’uvée et la rétine : uvéite antérieure non
granulomateuse avec hypopion fréquent, avec une symptomatologie oculaire
floride (œil rouge douloureux avec baisse de l’acuité visuelle), uvéite postérieure
encore appelée choroïdite postérieure et occlusion vasculaire rétinienne grave du
fait de sa révélation tardive par une baisse de l’acuité visuelle indolore. La gravité
des atteintes ophtalmologiques se traduit par le fait que 25 % des patients évolue-
ront vers la cécité même en présence d’un traitement bien conduit;
– de lésions cutanées de type érythème noueux, plus fréquents chez la femme,
de pseudo-folliculites, ou de nodules acnéiformes (présents en l’absence de
toute corticothérapie) de la face, du cou et du tronc;
– de lésions articulaires (présentes dans 50 % des cas) touchant avec prédilection
les genoux et les poignets, puis les chevilles et les coudes, rarement destructrices;
– de lésions digestives, en particulier iléo-cæcales, traduites par des douleurs
abdominales à répétition, une diarrhée chronique, un melæna et parfois une
perforation digestive;
– de lésions neurologiques, les plus fréquentes étant réalisées par l’atteinte des
gros troncs veineux avec thrombophlébite cérébrale, de pronostic redoutable
et de diagnostic souvent trop tardif. Sont rencontrées aussi des méningites ou
méningo-encéphalites aseptiques (hyperprotéinorachie sans bande oligoclo-
nale, formule panachée ayant souvent fait débuter, dans l’attente des résultats
de cultures microbiologiques, un traitement antibiotique probabiliste) et/ou
des atteintes de la substance blanche pouvant mimer une leucoencéphalopa-
thie du type sclérose en plaques (IRM avec hypersignaux en T2, notamment
des ganglions de la base). Des manifestations psychiatriques sont possibles;
– de lésions des gros troncs artériels (7 à 38 % des cas) ou veineux (liées à une
vascularite des vasa vasorum) de type occlusion veineuse (thrombophlébite
superficielle et/ou profonde) ou artérielle (infarctus), ou d’anévrismes avec
risque de rupture touchant en particulier les artères pulmonaires.

Principes thérapeutiques
Les principes thérapeutiques sont les suivants :
– atteinte systémique digestive et neurologique : urgence thérapeutique, corti-
cothérapie par voie systémique, associée dans un second temps à des
immunosuppresseurs de type cyclophosphamide ou azathioprine;
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 397

– atteinte cutanéomuqueuse : outre les corticoïdes topiques et la colchicine, la


thalidomide reste un traitement de choix de l’aphtose bucco-génitale;
– atteinte ophtalmologique :
- traitement curatif : en cas d’uvéite antérieure, traitement local associant la
mise au repos de l’œil par collyre mydriatique et traitement corticoïde
local. Nécessité fréquente d’une corticothérapie par voie systémique en cas
d’uvéite postérieure aiguë. Les données les plus récentes rapportent un
effet particulièrement favorable de l’interféron alpha,
- traitement préventif : la colchicine sera toujours prescrite. En cas d’échec,
on pourra proposer un traitement par immunosuppresseur (azathioprine ou
cyclophosphamide). Enfin, la ciclosporine a été proposée par quelques
équipes mais est contre-indiquée en cas d’atteinte du système nerveux
central du fait d’un risque d’aggravation;
– atteinte articulaire : efficacité de la colchicine et de la sulfalazine. Les traite-
ments corticoïdes voire immunosuppresseurs sont réservés aux formes
résistantes;
– atteinte macrovasculaire : traitement mixte de type vascularite associant une
corticothérapie et du cyclophosphamide à un traitement anticoagulant qui
devra être instauré prudemment en cas d’atteinte de la vascularisation pulmo-
naire du fait du risque possible d’hémoptysie fatale.
Quelle que soit la présentation initiale, colchicine et aspirine à petites doses
(100 mg/j) sont prescrites pour éviter les poussées de la maladie.

BIBLIOGRAPHIE

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VASCULARITES SYSTÉMIQUES
Définition et classification
On peut définir les vascularites d’un point de vue anatomopathologique
comme un ensemble de maladies qui comportent toutes une atteinte inflamma-
toire de la paroi vasculaire, indépendamment du calibre des vaisseaux touchés
et des mécanismes pathogéniques responsables. Certaines vascularites sont
dites nécrosantes, c’est-à-dire que la media de l’artère est le siège d’une
nécrose fibrinoïde, qui s’accompagne généralement d’une inflammation de
l’endothélium et d’une réaction inflammatoire adventitielle avec infiltrat cellu-
laire. D’autres vascularites ne sont pas nécrosantes et sont caractérisées par
des infiltrats de cellules géantes et par une destruction plus ou moins étendue
de la limitante élastique. Enfin, d’autres vascularites se caractérisent par une
leucocytoclasie, sans nécrose fibrinoïde ni infiltrat gigantocellulaire.
398 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

D’un point de vue étiologique, deux types de vascularites, primitives et secon-


daires, sont aussi distingués. Parmi ces dernières, citons les angéites
infectieuses (mycobactérie, streptocoque, méningocoque, rickettsie, VIH,
virus des hépatites B et C (VHB, VHC), Parvovirus, maladie de Whipple), les
vascularites associées aux connectivites (lupus systémique, polyarthrite
rhumatoïde par exemple), les angéites médicamenteuses et toxiques (comme
les pénicillines, sulfamides, tétracyclines et la toxicomanie), les vascularites
des affections malignes (leucémie à tricholeucocytes notamment), les déficits
congénitaux en facteur du complément, les vascularites des transplantés. Les
vascularites primitives sont classées depuis la conférence de consensus de
1993 de Chapel Hill selon le calibre du vaisseau atteint, aboutissant ainsi à
trois types de vascularite : vascularite des vaisseaux de gros calibre (artérite
gigantocellulaire de Horton et artérite de Takayasu), les vascularites des vais-
seaux de moyen calibre (périartérite noueuse [PAN] et maladie de Kawasaki)
et les vascularites des vaisseaux de petit calibre (granulomatose de Wegener,
syndrome de Churg et Strauss, polyangéite microscopique, purpura rhuma-
toïde, cryoglobulinémie mixte et vascularites cutanées leucocytoclasiques).
Chaque vascularite répond à son tour à des critères précis permettant
d’augmenter la sensibilité et la spécificité diagnostiques.
Certaines affections simulent une vascularite et doivent être distinguées des
véritables vascularites : les malformations aortiques, le SAPL, la maladie des
emboles de cholestérol, les endocardites infectieuses, les maladies du colla-
gène de type Ehlers-Danlos, l’ergotisme par exemple (liste non exhaustive).

Physiopathologie
Vascularites secondaires
L’existence dans la plupart des formes secondaires de vascularite, de dépôts
vasculaires d’immunoglobulines et de complément rend vraisemblable le rôle
pathogène d’un dépôt de complexes immuns avec activation immunitaire
secondaire, notamment via la voie du complément.

Vascularites primitives
Les dépôts de complexes immuns sont rarement retrouvés dans les parois
vasculaires. L’approche physiopathologique de ce type d’angéite repose sur le
modèle des anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutro-
philes (ANCA) au cours des vascularites des vaisseaux de petit calibre. Les
données cliniques et expérimentales sous-tendent l’hypothèse que les ANCA
joueraient un rôle amplificateur de l’activation des polynucléaires neutrophiles
préactivés. L’élément initial, activant les polynucléaires neutrophiles, n’est pas
défini. Il pourrait s’agir d’une infection, d’une réaction inflammatoire, d’une
activation endothéliale ou de toute autre situation pouvant entraîner le recrute-
ment et l’activation des neutrophiles. Cet événement initial pourrait favoriser
la présentation des autoantigènes ANCA au système immunitaire. Une
réponse auto-immune contre les antigènes cibles des ANCA pourrait alors se
développer sur certains sujets, selon le répertoire et l’état d’activation de leur
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 399

système immunitaire. Lorsqu’ils apparaissent, les anticorps amplifient l’acti-


vation des neutrophiles et pourraient être responsables de lésions
inflammatoires et de nécrose des artères de petit calibre et des capillaires.
Chez d’autres sujets, en l’absence d’anticorps, l’événement initial resterait
sans conséquence.

Quand évoquer une vascularite systémique?


Le diagnostic de vascularite systémique doit être évoqué devant l’association
d’un syndrome vasculaire artériel (manifestations ischémiques et/ou thrombo-
tique de différents territoires artériels) survenant dans un contexte
inflammatoire avec présence de signes généraux tels que fièvre, asthénie
intense, anorexie, amaigrissement et syndrome inflammatoire biologique
(augmentation de la vitesse de sédimentation [VS] et de la protéine C réactive
[CRP], hyper-α2-globulinémie, thrombocytose, hyperferritinémie, diminution
de la synthèse d’albumine et de transferrine, augmentation du complément, de
l’haptoglobine et des immunoglobulines de manière polyclonale sur le profil
protéique).
En présence d’une vascularite, il convient d’éliminer une étiologie secondaire
en recherchant tout particulièrement un foyer infectieux profond ou une infec-
tion virale, en établissant les scores d’imputabilité extrinsèque et intrinsèque
des différents médicaments pouvant être incriminés, en recherchant des argu-
ments clinicobiologiques pour une connectivite associée. En l’absence
d’argument pour une pathologie associée, le diagnostic de vascularite primi-
tive ou angéite nécrosante devra être évoqué.
La grande variabilité des tableaux cliniques associés aux angéites nécrosantes
est en partie expliquée par le calibre et la topographie des artères touchées :
– vascularites des vaisseaux de gros calibre :
- artérite gigantocellulaire de Horton : atteinte des branches de la carotide
externe avec syndrome céphalalgique, survenant habituellement chez les
sujets de plus de 50 ans,
- artérite de Takayasu : atteinte prédominante de l’aorte et de ses branches
proximales survenant chez les femmes âgées de moins de 50 ans;
– vascularites des vaisseaux de moyen calibre :
- PAN : lésion d’infarctus macroscopique (atteinte myocardique, intesti-
nale, hépatique, rénale, neurologique centrale et périphérique par exemple),
ANCA positif dans moins de 10 % des cas et possibilité d’association au
VHC et au VHB,
- maladie de Kawasaki : vascularite de l’enfant associée à un syndrome
lymphocutanéomuqueux (exanthème, énanthème, polyadénopathie);
atteinte coronarienne grevant le pronostic;
– vascularites des vaisseaux de petits calibres :
- granulomatose de Wegener : prédominance de l’atteinte respiratoire haute
(sinusite destructrice) et basse (pneumopathie excavée) et de l’atteinte
rénale (glomérulonéphrite rapidement progressive à croissants). Fréquente
positivité des ANCA reconnaissant la protéinase 3 PR3 (P-ANCA),
400 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

- syndrome de Churg et Strauss : atteinte pulmonaire avec asthme et hype-


réosinophilie sanguine. Fréquente positivité des ANCA reconnaissant la
myéloperoxydase (C-ANCA),
- polyangéite microscopique : prédominance de l’atteinte pulmonaire avec
hémorragie intra-alvéolaire et de l’atteinte rénale (glomérulonéphrite rapi-
dement progressive à croissants). Fréquente positivité des ANCA
reconnaissant la myéloperoxydase (C-ANCA),
- purpura rhumatoïde : vascularite à dépôt d’IgA touchant l’enfant et se
manifestant par une triade associant arthralgies, douleurs abdominales et
purpura non thrombopénique, déclive et infiltré. Orchite possible. Atteinte
rénale et neurologique grevant le pronostic,
- cryoglobulinémie mixte : prédominance de l’atteinte articulaire, cutanée
(purpura non thrombopénique, déclive, infiltré), rénale (glomérulonéphrite
membranoproliférative) et neurologique périphérique (polyneuropathie
sensitivomotrice). Présence d’une cryoglobulinémie dans le sérum sous
conditions strictes de prélèvement. Fréquence de l’infection par le VHC,
- vascularites cutanées leucocytoclasiques : atteinte électivement cutanée
avec lésions de purpura non thrombopénique, lésions urticariennes fixes et
présence d’anomalies unguéales à type d’hémorragies en flammèches.

Principes thérapeutiques
Vascularite secondaire
Traitement de la cause (éradication d’un foyer infectieux, thérapie antivirale
notamment anti-VHC, arrêt d’un médicament notamment), associé à un traite-
ment symptomatique anti-inflammatoire de courte durée (corticothérapie orale
voire thérapeutique immunosuppressive).

Vascularite primitive (non associée aux virus B et C


qui représentent des cas particuliers)
Corticothérapie systémique (la voie d’administration ainsi que la posologie
dépendent de la sévérité de l’atteinte et de sa topographie), avec diminution
progressive de la posologie et relais par agents épargneurs de stéroïdes (cyclo-
phosphamide, azathioprine, mycophénolate mofétil, ciclosporine,
méthotrexate). Nécessité d’une surveillance rapprochée et d’une éducation
appropriée afin de prévenir et dépister précocement les complications notam-
ment infectieuses de l’immunosuppression.

BIBLIOGRAPHIE
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Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 401

MICROANGIOPATHIE THROMBOTIQUE
Définition
La microangiopathie thrombotique (MAT) désigne une lésion de l’endothé-
lium, des artérioles et des capillaires entraînant la formation d’agrégats
plaquettaires et de thrombose. Cette lésion est commune à deux syndromes
cliniques qui associent thrombopénie et anémie hémolytique, mais que
certaines nuances, conséquences de la distribution particulière des lésions de
la microcirculation, permettent de distinguer :
– le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) (isolé en 1925 par
Moschcowitz) survient le plus souvent chez l’adulte, comporte fièvre,
purpura, atteinte neurologique prédominante, anomalies rénales plus rares
(environ dans la moitié des cas);
– le syndrome hémolytique et urémique (SHU) survient plus souvent chez le
jeune enfant et comporte toujours une atteinte rénale, l’atteinte neurologique
ne survenant que chez 1/3 des malades.

Physiopathologie
Plusieurs mécanismes sont actuellement proposés :
– déficit en protéase clivant le facteur Willebrand (VWF). Synthétisé par les
cellules endothéliales, ce dernier est une glycoprotéine qui circule dans le
plasma sous forme de multimères de taille très variable. Certains de ces multi-
mères sont anormalement volumineux et peuvent se fixer aux plaquettes
activées, provoquant une agrégation plaquettaire. Chez le sujet sain, ces multi-
mères de grande taille sont rapidement dégradés dans la circulation par une
protéase spécifique. Chez les malades atteints de PTT, il existe une accumula-
tion dans le sérum de multimères de grande taille et de thrombi plaquettaires
liée à une absence (formes familiales) ou une diminution (formes acquises) de
l’activité de la protéase spécifique. Dans la plupart des formes acquises, un
inhibiteur de type IgG de la protéase est isolé. Ce déficit semble surtout docu-
menté chez les sujets atteints de PTT;
– lésions endothéliales de mécanismes divers : l’activation plaquettaire peut
être une réponse à la lésion des cellules endothéliales, elle-même induite par
un médicament (mitomycine C, ciclosporine) ou un agent infectieux (véro-
toxine des souches E. coli O157 : H7);
– l’atteinte de la cellule endothéliale entraîne un rétrécissement de la lumière
vasculaire qui augmente les résistances et donc les forces de cisaillement qui
altèrent la fonction et le métabolisme du VWF. Les fragments anormaux se
lient alors aux plaquettes activées et contribuent à l’agrégation plaquettaire et
à la formation de thrombi. Ces forces de cisaillement modifient également la
synthèse et la libération endothéliale de NO, qui à son tour induit le relargage
de cytokines pro-inflammatoires (TNFα et interleukine 1);
– présence d’un inhibiteur de l’activateur du plasminogène : documenté chez
les enfants atteints de SHU post-diarrhéique, avec amélioration de la fonction
rénale après normalisation du taux de l’inhibiteur;
402 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

– déficit d’un inhibiteur plaquettaire : la diminution du taux d’un inhibiteur


normal de l’agrégation plaquettaire expliquerait la formation des thrombi
plaquettaires et l’effet positif de la perfusion de plasma;
– facteurs génétiques : une mutation dans le facteur H, protéase intervenant
dans la fraction C3 du complément sérique, serait en cause dans les formes
familiales.

Quand évoquer une microangiopathie thrombotique?


Devant l’association des deux anomalies biologiques de la MAT :
– l’anémie hémolytique mécanique : l’hémolyse est intravasculaire avec augmen-
tation de la bilirubine non conjuguée et baisse de l’haptoglobine. Le test de
Coombs est négatif. La présence de taux très élevés de lacticodéshydrogénase est
liée à l’hémolyse et à l’ischémie tissulaire en aval des thrombi. Le caractère méca-
nique de cette anémie est objectivé par la présence de nombreuses déformations
des hématies, qui apparaissent crénelées, en lame de fer (schizocytes), secondaire
à la destruction des hématies sur les parois des petits vaisseaux lésés;
– la thrombopénie est périphérique, la moelle riche en mégacaryocytes et la
demi-vie des plaquettes diminuée avec séquestration splénique. Les facteurs de
coagulation sont normaux, les temps de prothrombine (TP) et temps de throm-
boplastine sont non modifiés. Cette thrombopénie peut être responsable d’un
syndrome hémorragique avec purpura, ecchymoses, hémorragies viscérales;
– à ces deux anomalies principales s’associe une atteinte rénale toujours
présente en cas de SHU, d’importance variable allant de la simple
« protéinurie + hématurie » à l’insuffisance rénale aiguë oligoanurique, avec
souvent hypertension artérielle sévère témoignant d’une néphropathie micro-
vasculaire. D’autres manifestations de souffrance ischémique d’aval sont
notées : élévation des créatine phosphokinases (CPK) en cas d’atteinte muscu-
laire ou myocardique, cytolyse avec possibilité d’insuffisance hépatocellulaire
sévère en cas d’atteinte hépatique par exemple.
Devant un syndrome clinique associant :
– un syndrome hémorragique secondaire à la thrombopénie devant faire impé-
rativement réaliser un fond d’œil à la recherche d’hémorragie intravitréenne,
fréquemment associée aux hémorragies cérébroméningées;
– à des manifestations ischémiques digitales, cutanéomuqueuses, viscérales
ou neurologiques (angiopathie, confusion, céphalées, plus rarement coma,
hémiplégie, convulsions).
Le diagnostic différentiel doit se faire avec d’autres états qui peuvent
combiner thrombopénie, anémie hémolytique et thrombose :
– CIVD : les conditions étiologiques sont souvent différentes (septicémie,
chocs, complications obstétricales au décours d’une pré-éclampsie) et la
biologie montre l’activation de la cascade de la coagulation dont témoigne la
thrombocytopénie, la baisse des taux de fibrinogène, FV et FVIII et l’allonge-
ment du temps de Quick et du temps de céphaline activée;
– connectivite notamment lupus érythémateux systémique associé au
syndrome des APL. Il existe d’authentiques MAT mais l’association d’une
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 403

anémie hémolytique auto-immune à une thrombopénie et de thromboses est


possible en dehors de tout contexte de microangiopathie.

Considérations étiologiques
De nombreuses causes de MAT ont été décrites : diarrhée à E. coli respon-
sable de la grande majorité de SHU de l’enfant, infection par le VIH;
métastases d’adénocarcinomes mucosécrétants gastriques, plus rarement
mammaires, pulmonaires ou prostatiques; chimiothérapie par mitomycine C,
bléomycine-cisplatine où l’agression directe toxique des cellules endothéliales
est considérée comme l’événement initial; toxicité microvasculaire de la
ciclosporine et du tacrolimus fréquemment utilisés en transplantation; gros-
sesse et post-partum par exemple. Certaines causes de microangiopathie
semblent être liées de manière un peu plus forte à des manifestations d’auto-
immunité : SAPL (voir p. 390), crise rénale aiguë sclérodermique, formes
familiales dues à un déficit quantitatif ou fonctionnel en facteur H.

Principes thérapeutiques
Outre le traitement symptomatique (mise au repos du tube digestif, contrôle
hydroélectrolytique des sujets anuriques, dialyse par exemple), les antiagré-
gants plaquettaires, associés aux perfusions de plasma frais et surtout aux
échanges plasmatiques, constituent actuellement le traitement des MAT de
l’adulte. Le procédé stoppe la consommation de plaquettes (soustraction de
multimères accumulés ainsi que d’autoanticorps pathogènes et apport de
facteurs déficitaires). Les échanges plasmatiques sont réalisés à un rythme
quotidien jusqu’à guérison biologique (normalisation plaquettaire, contrôle de
l’hémolyse). Les échanges plasmatiques peuvent être ensuite progressivement
espacés puis arrêtés. Les rechutes survenant plusieurs mois, voire plusieurs
années après le premier épisode répondent correctement à la reprise
d’échanges plasmatiques. En cas de résistance secondaire à des échanges bien
menés, un traitement par IgIV ou splénectomie peut être proposé.

BIBLIOGRAPHIE

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15 DIAGNOSTIC
BIOLOGIQUE
DU SYNDROME DES
ANTIPHOSPHOLIPIDES

Sami GUERMAZI

INTRODUCTION
Certaines pathologies, en particulier auto-immunes, peuvent se compliquer de
manifestations thrombotiques ou hémorragiques en rapport avec la présence
d’autoanticorps agissant sur l’hémostase (tableau 15.I) :
– les autoanticorps dirigés contre une phase de la coagulation, essentiellement
les anticorps antiphospholipides (APL); ils sont associés à la survenue de
thromboses et d’avortements à répétition;
– les autoanticorps dirigés contre un facteur de la coagulation (exemple : anti-
VIII) qui peuvent donner lieu à des manifestations hémorragiques. Les throm-
bopénies d’origine auto-immune ne seront pas traitées dans ce chapitre.

GÉNÉRALITÉS
Les APL constituent une famille très hétérogène d’autoanticorps parmi
lesquels les lupus anticoagulants (LA) et les anticorps anticardiolipine (ACL).
Isolés ou en association, ces derniers constituent actuellement des critères
biologiques essentiels de définition du syndrome des antiphospholipides
(SAPL) qu’il soit primitif ou secondaire à un lupus érythémateux disséminé
(LED). Les APL, qui possèdent une activité inhibitrice sur la coagulation in
vitro, sont appelés LA ou anticoagulant circulant (ACC) de type lupique car ils
ont été rapportés initialement au cours du LED. Les APL sont le plus souvent
des IgG, parfois des IgM, rarement des IgA, dirigés contre des complexes
phospholipides-cofacteurs protéiques. Les cofacteurs protéiques sont princi-
palement la β2-glycoprotéine I (β2GPI) et la prothrombine. Les protéines C
(PC) ou S (PS), l’annexine V, la thrombomoduline, le kininogène de haut poids
moléculaire (KHPM) seraient aussi des cofacteurs protéiques.
Tableau 15.I. Caractéristiques cliniques et biologiques des autoanticorps interférant sur l’hémostase

Spécificité Dépistage Confirmation biologique Signes cliniques


LA Tests sensibles (TCA, TTD, TVVR, Dépendance de l’inhibiteur vis- Thromboses, pertes fœtales
TK par exemple) allongés à-vis des phospholipides
Anti-PL (tests immunologiques) Elisa : ACL ou APL type IgG, IgM Elisa anti-β2GPI (+ anticorps Thromboses, pertes fœtales
anti-PE, et anti-prothrombine)
Anti-VIII, anti-IX TCA allongé, TQ normal Baisse isolée du VIII ou IX Titrage Hémophilie acquise (adulte)
de l’inhibiteur
Anti-XII TCA allongé, TQ normal Baisse isolée du XII Titrage de Asymptomatique
l’inhibiteur
Anti-XI TCA allongé, TQ normal Baisse isolée du XI Titrage de Hémorragies ou thromboses
l’inhibiteur
Anti-VII TQ allongé, TCA normal Baisse isolée du VII Titrage de Hémorragies
l’inhibiteur
Anti-X, V, II TCA, TQ allongés Baisse isolée du X, V, ou II Syndrome hémorragique
Titrage de l’inhibiteur
Anti-fibrinogène TCA, TQ, TT allongés Dosage du fibrinogène Titrage Hémorragies, thromboses
de l’inhibiteur
Anti-XIII TCA, TQ, TT normaux Test de Effet inhibiteur sur un plasma Hémorragies
redissolution du caillot positif normal Titrage
Anti-VWF TS allongé, TCA allongé Baisse du complexe FVIII : VWF Hémorragies
Titrage de l’inhibiteur cutanéomuqueuses
Anti-PS Déficit transitoire et/ou à Techniques de recherche (Elisa, Thromboses
caractère non familial en PS western blot par exemple)
β2GPI : β2-glycoprotéine I LA : lupus anticoagulant, PS : protéine S, TCA : temps de céphaline avec activateur, TS : temps de saignement, TT : temps de throm-
bine, TTD : temps de thrombine dilué, TQ : temps de Quick
Diagnostic biologique du syndrome des antiphospholipides 405
406 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
Le dépistage des APL doit associer deux approches méthodologiques
différentes : les méthodes de coagulation pour le dépistage des LA et les
méthodes immunologiques qui permettent la détection d’APL, d’ACL ou
d’anticorps anti-β2GPI. Les anticorps détectés par les deux types de méthodes
représentent des entités distinctes et séparables et ne sont présents simultané-
ment que dans environ 60 % des cas. Il faut noter que deux déterminations
positives séparées par un délai minimum de 12 semaines sont nécessaires pour
le diagnostic d’un SAPL. Des ACC transitoires peuvent être observés notam-
ment après un épisode infectieux. De même, les ACL ou APL « vrais » c’est-à-
dire non dépendants de facteurs protéiques, peuvent être observés au cours de
diverses circonstances pathologiques (infections, cancers, sujet âgé, prise de
certains médicaments tels la chlorpromazine ou des antibiotiques par exemple).
Ils sont souvent de titre faible, transitoires et non associés à des thromboses.

Méthodes de coagulation
La stratégie diagnostique d’un LA comporte trois étapes :
– détection d’un allongement significatif du temps de coagulation du plasma testé
(M) par rapport au temps du plasma témoin normal (T) par des tests de dépistage
sensibles. Le temps de céphaline avec activateur (TCA), le plus couramment
utilisé, a une sensibilité très variable en fonction de la concentration et de la spéci-
ficité des phospholipides du réactif utilisé. L’indice de Rosner est calculé par la
formule : 100 × ([M + T] - T)/M, où [M + T] est le temps de coagulation d’un
mélange du plasma testé et du plasma témoin. Il est positif au-dessus de 13.
D’autres tests sont utilisés : le temps de kaolin, test à la thromboplastine
diluée, test au venin de vipère Russell, test à la textarine par exemple;
– les tests trouvés allongés sont effectués sur le mélange [M + T]. Cette
épreuve de correction (épreuve [M + T]) permet, en cas d’allongement,
d’affirmer qu’il y a bien un inhibiteur de la coagulation sans préjuger de sa
spécificité;
– la preuve que cet inhibiteur est dirigé contre des phospholipides est apportée
par des épreuves spécifiques : test de Triplett, test utilisant des phospholipides
en phase hexagonale, test à la thromboplastine diluée, test au venin de vipère
Russell par exemple.
Interférence des traitements anticoagulants :
– les AVK : le diagnostic de LA sera évoqué devant un temps [M + T] allongé
et confirmé par les tests spécifiques;
– l’héparine, en revanche, pose un sérieux problème d’interférence; il faut soit
la neutraliser in vitro soit attendre la fin de l’héparinothérapie.

Méthodes immunologiques
Le dosage immunoenzymatique des anticardiolipine de classe IgG est souvent
pratiqué en première intention. Certaines trousses commerciales utilisent un
Diagnostic biologique du syndrome des antiphospholipides 407

mélange de phospholipides anioniques, dont la cardiolipine, permettant, théo-


riquement du moins, la détection d’APL de spécificités plus larges. En réalité,
la cardiolipine ou le mélange de phospholipides fixent la β2GPI, cofacteur
protéique indispensable pour la fixation des anticorps dits β2GPI-dépendants
sur leurs cibles antigéniques. Ces APL ou ACL dits thrombogènes sont dirigés
contre des complexes phospholipides-β2GPI, voire la β2GPI seule. Les tenta-
tives de standardisation des résultats ont été vouées à l’échec en raison de
l’hétérogénéité aussi bien des anticorps recherchés que des tests Elisa disponi-
bles. Des résultats discordants peuvent être observés pour des plasmas testés
avec différentes trousses de dosage.
La recherche directe d’anticorps anti-β2GPI humaine, sans apport de phos-
pholipides, est aussi indiquée en raison d’une meilleure association des anti-
β2GPI que les APL ou ACL avec le risque de thromboses. Chez certains
patients, la recherche d’anti-β2GPI peut être positive alors que les ACL ou
APL sont à un taux normal.
D’autres anticorps peuvent être recherchés dans des laboratoires spécialisés au
cours du SAPL :
– les anticorps anti-prothrombine qui sont associés avec la survenue de throm-
bose veineuse (TV), particulièrement au cours du LED. Un LA est alors très
souvent retrouvé;
– les anticorps anti-phosphatidyléthanolamine (aPE) ont pour cofacteur le
KHPM et sont aussi associés à un risque de thromboses et/ou de pertes
fœtales;
– les APL ayant pour cofacteur l’annexine V, la PC ou la PS, sont encore du
domaine de la recherche car leur rôle thrombogène n’est pas définitivement
établi.

ATTITUDE PRATIQUE
On associera toujours en première intention la recherche de LA et d’ACL ou
APL de classe IgG et si possible IgM. Le dosage des IgG ± IgM anti-β2GPI
peut être réalisé d’emblée ou en seconde intention si les premiers tests sont
négatifs ou faiblement positifs. Pour un diagnostic de certitude tout test positif
doit être contrôlé 12 semaines plus tard, car certains anticorps sont transitoires
et non thrombogènes. Les aPE et les anti-prothrombine peuvent être recher-
chés si les tests précédents sont négatifs. L’isotype IgA de tous ces anticorps
ne fait pas, à ce jour, partie des critères biologiques validés de SAPL.

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16 RAPPELS
SUR LES PRINCIPAUX
AUTOANTICORPS
POUVANT ÊTRE
IMPLIQUÉS
DANS LES PATHOLOGIES
THROMBOTIQUES
ASSOCIÉES
À L’AUTO-IMMUNITÉ

Anne EBEL

Les explorations biologiques dans le syndrome des antiphospholipides et chez


les patients ayant des anticorps dirigés contre un facteur de la coagulation ont
été étudiées en détail précédemment (voir chapitre 2). Il existe néanmoins
d’autres affections auto-immunes qui peuvent être associées à des thromboses
veineuses (TV) et/ou artérielles. Ce chapitre succinct a pour objet leur étude et
essentiellement les bases du diagnostic biologique ainsi que l’interprétation
des résultats.
Comme il a été rappelé, le syndrome des antiphospholipides (SAPL), respon-
sable de thromboses veineuses (TV) et/ou artérielles, est souvent secondaire à
des pathologies auto-immunes dont la principale est le lupus érythémateux
disséminé (LED). La base du dépistage des maladies systémiques en général et
du LED en particulier s’effectue par la recherche d’anticorps antinucléaires
(AAN) du résultat desquels découlera une série d’examens complémentaires
orientant de façon plus précise le diagnostic. C’est cette démarche diagnostique
ainsi que les pièges d’interprétation que nous nous proposons de présenter.

DÉFINITION ET INDICATION CLINIQUE


DU DIAGNOSTIC DES CONNECTIVITES
Les connectivites sont définies par l’association de signes généraux,
d’atteinte de plusieurs organes et d’un syndrome inflammatoire ainsi qu’un
410 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

déterminisme immunologique très marqué. Ces maladies sont souvent


corticosensibles.
La recherche d’AAN peut être demandée devant toute suspicion de connecti-
vite ou de maladies auto-immunes non spécifiques d’organe. Le dépistage des
AAN s’effectue par immunofluorescence indirecte (IFI) sur lignées tumorales
humaines.
Tout dépistage positif de 1/80 ou de 1/100 entraîne un titrage de l’AAN et la
description de l’aspect de fluorescence (homogène, moucheté, centromère,
nucléolaire, dot nucléaire par exemple) ainsi que la réalisation de tests
complémentaires visant à déterminer la cible antigénique spécifique en cause.
Même si l’aspect de fluorescence peut orienter vers certaines spécificités,
l’identification précise doit être réalisée à l’aide de tests appropriés. De façon
très schématique, le tableau 16.I résume les spécificités évoquées par les prin-
cipaux aspects de fluorescence observés.

Tableau 16.I. Principaux aspects de fluorescence des AAN

Aspect de fluorescence Spécificité évoquée


Homogène Anti-ADN natifs, anti-histone, anti-
nucléosome
Moucheté Anti-ENA : RNP, Sm, SSA, SSB, Scl70
Nucléolaire Anti-Pm/Scl
SSA/SSB : syndrome sec antigène A/B

Cependant, les aspects de fluorescence sont subjectifs et plusieurs aspects


peuvent coexister rendant la lecture encore plus difficile. C’est pourquoi, quel
que soit l’aspect de fluorescence en dépistage, il est souhaitable de
rechercher :
– les anticorps anti-ADN natifs;
– les anticorps anti-antigènes nucléaires solubles (ANS ou ECT*).
La présence éventuelle de ces marqueurs oriente de façon plus ou moins
spécifique vers le diagnostic de certaines connectivites.
Le tableau 16.II résume la fréquence de positivité de ces anticorps en fonction
des pathologies.

Tableau 16.II. Fréquence de positivité des anticorps


selon les pathologies

Anti-ADN natifs LED (80 %)


Anti-RNP Sharp (100 %), LED (25 %)
Anti-Sm LED (10 %)
Anti-SSA Gougerot-Sjögren (50 %), LED (30 %)
Anti-SSB Gougerot-Sjögren (80 %), LED (5 %)
Anti-PCNA LED (3 %) spécificité +++

Rappels sur les principaux autoanticorps... 411

 Tableau 16.II. Fréquence de positivité des anticorps


selon les pathologies (suite)

Anti-Scl70 Polydermatomyosite
Anti-centromètre CREST (80 %)
Anti-JO1 Polydermatomyosite
Anti-Pm/Scl Sclérodermie, polymyosite
Sharp : syndrome de Sharp ou connectivite mixte, SSA/SSB : syndrome sec antigène A/B

INTERPRÉTATION
Si les AAN sont présents dans la plupart des connectivites, on peut les
retrouver dans beaucoup d’autres situations pathologiques et physiologiques :
– âge : 20 % des sujets de plus de 65 ans ont des AAN positifs;
– syndrome inflammatoire et infectieux (HIV, HCV, EBV, parvovirus B19);
– syndrome inflammatoire néoplasique;
– maladies auto-immunes spécifiques d’organe (hépatopathies auto-immunes,
thyroïdites par exemple);
– affections diverses : vascularites, colites inflammatoires, insuffisance rénale
par exemple;
– lupus médicamenteux : certains médicaments sont susceptibles d’induire un
lupus. Ce sont particulièrement : procaïnamide, hydralazine, D-pénicillamine,
antiépileptiques, isoniazide, bêtabloquants, chlorpromazine.
Les anticorps anti-histone, recherchés par Elisa, peuvent représenter un
marqueur intéressant de lupus médicamenteux.

Les AAN représentent une porte d’entrée pour le diagnostic des maladies
auto-immunes non spécifiques d’organe. Ce sont des marqueurs sensibles
mais peu spécifiques de ces maladies. Ces anticorps peuvent se rencontrer
dans de très nombreuses situations pathologiques, infectieuses, auto-
immunes ou néoplasiques, ou des situations physiologiques (sujets âgés).
L’interprétation des résultats nécessite donc une confrontation clinicobio-
logique très étroite.

VASCULARITES
Les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont
des autoanticorps qui peuvent être retrouvés dans les vascularites.
Les vascularites regroupent plusieurs maladies inflammatoires systémiques
dont la lésion élémentaire est une atteinte inflammatoire de la paroi vasculaire.
Elles sont classées en fonction du calibre des vaisseaux atteints. Elles peuvent
se compliquer secondairement de thromboses.
412 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Méthode de détection
Le dépistage de ces anticorps s’effectue par IFI, sur frottis de polynucléaires
humains. Après action de différents solvants (éthanol, formol et méthanol),
trois principaux aspects de fluorescence sont décrits :
– c-ANCA ou aspect cytoplasmique;
– p-ANCA ou aspect périnucléaire;
– p-ANCA atypiques ou X-ANCA ou NANA.
La spécificité des ANCA détectés en IFI doit être confirmée par technique
Elisa ou de dot blot. Différentes cibles antigéniques ont été décrites :
– protéinase 3 ou PR3;
– myéloperoxydase (MPO);
– bactericidal/permeability increasing protein (BPI);
– azurocidine;
– élastase;
– cathepsine G;
– lactoferrine.
Seuls les anticorps anti-PR3 et anti-MPO sont recherchés en pratique courante
pour le diagnostic des vascularites.

INTÉRÊT CLINIQUE
Les c-ANCA de spécificité PR3 sont retrouvés chez 75 à 80 % des patients
atteints de maladie de Wegener.
Les p-ANCA de spécificité MPO sont retrouvés chez 60 à 70 % des patients
atteints micropolyangéites et de maladie de Churg et Strauss.
Les ANCA atypiques sont retrouvés chez 70 % des patients atteints de recto-
colite hémorragique et 70 % des patients atteints de cholangite sclérosante
primitive.
Quelques pièges sont observés :
– 10 à 20 % des sérums p-ANCA ou c-ANCA positifs en IFI sont négatifs en
Elisa bien que la vascularite soit cliniquement établie;
– inversement, 5 % des sérums négatifs en IFI sont positifs en Elisa anti-MPO
et anti-PR3 ce qui justifie parfois de rechercher les anti-MPO ou anti-PR3
directement en Elisa si la clinique le justifie.
Les ANCA sont des marqueurs importants des vascularites mais leur interpré-
tation, tout comme celle des AAN nécessite une confrontation
clinicobiologique très étroite.
La figure 16.1 résume la démarche diagnostique de dépistage et la figure 16.2
la stratégie de détection des ANCA.
Rappels sur les principaux autoanticorps... 413

AAN

Typage ≥ 100e
Typage de la fluorescence

Centromère Moucheté Homogène


Nucléolaire

CREST Anti-ENA
Anti-DNA natifs Histone
(Lupus induit médicamenteux)

LED

JO1 SSA SM RNP SCL 70


SSB

Poly Gougerot LED Sharp Sclérodermie


dermato Sjögren
myosite LED

Fig. 16.1. Démarche diagnostique de dépistage des AAN.

STRATÉGIES DE DÉTECTION DES ANCA

Dépistage par immunofluorescence indirecte


(Éthanol, Formol, Méthanol)

3 aspects principaux

ANCA atypique c-ANCA p-ANCA


– rectocolite hémorragique (cytoplasmique) (périnucléaire)
(70 %)
– cholangite sclérosante
primitive (70 %) Confirmation
des spécificités MPO et PR3
par ELISA ou Dot Blot

PR3 MPO

Maladie (75 %) Angéite


de Wegener microscopique (60 %)
Churg et Strauss (60 %)

Fig. 16.2. Stratégie de détection des ANCA.


17 THROMBOSES
VEINEUSES
DE LA GROSSESSE

Pascal PRIOLLET, Jacqueline CONARD

Les thromboses veineuses profondes (TVP) restent une cause importante de


mortalité maternelle.

PATHOLOGIE RARE AUX FACTEURS


DE RISQUE MIEUX CONNUS AUJOURD’HUI
L’incidence exacte des embolies pulmonaires (EP) au cours de la grossesse et
plus encore des TVP était considérée comme difficile à formuler car le
diagnostic de ces accidents était loin d’être toujours porté avec certitude. Dans
des études récentes, l’incidence des TVP et des EP pendant la grossesse et le
post-partum se situe entre 0,06 % et 0,85 %. Les accidents veineux survien-
nent plus fréquemment dans le post-partum (surtout les 6 premières semaines
après l’accouchement) que pendant la grossesse, et il a été souligné que 40 %
des thromboses sont observées après la sortie de l’hôpital.
Indépendamment des facteurs de risque qui ne sont pas propres à la grossesse,
mais favorisent néanmoins la survenue de TVP (alitement prolongé, obésité,
anomalies constitutionnelles ou acquises de l’hémostase), la grossesse est en
soi considérée comme un facteur de risque de TVP. Le ralentissement de la
circulation et la diminution du tonus veineux, la gêne au retour veineux due à
l’utérus gravide et les modifications de l’hémostase sont les causes présumées
de ce risque accru. Ces dernières vont dans le sens d’une hypercoagulabilité.
Les TVP, survenant pendant la grossesse, sont localisées plus de 9 fois sur 10
au niveau du membre inférieur gauche. Cette topographie souligne l’impor-
tance des facteurs mécaniques par le biais de la décompensation d’un
syndrome de Cockett préexistant (compression de la veine iliaque primitive
gauche par la bifurcation artérielle).
Le risque d’accident thromboembolique paraît environ 5 fois plus élevé au
cours de la grossesse que chez la femme du même âge n’utilisant pas de pilule
œstroprogestative. Le risque d’EP mortelle augmente avec l’âge de la patiente
et la multiparité. Le recours à une césarienne, surtout si elle est réalisée en
urgence, multiplie environ par 20 l’incidence des accidents veineux throm-
boemboliques et élève le risque d’EP mortelle. Le risque de TVP ou d’EP au
cours de la grossesse est chiffré entre 5 % et 13 % chez une patiente ayant déjà
Thromboses veineuses de la grossesse 415

souffert d’un épisode analogue et ce indépendamment des circonstances de


survenue de ce dernier. Enfin, les méthodes de fécondation in vitro augmen-
tent également l’incidence des thromboses vasculaires, TVP mais également
thromboses artérielles, avec une localisation particulière au niveau des vais-
seaux de la tête et du cou (thrombose de la veine jugulaire par exemple). Il a
été suggéré que la localisation particulière de ces thromboses était liée au taux
élevé des œstrogènes dans le liquide péritonéal et à leur passage dans le
système lymphatique (voir chapitre 18).

DIAGNOSTIC DOCUMENTÉ DE TVP OU EP


Le diagnostic de TVP est déjà cliniquement difficile en dehors de la grossesse.
Il rencontre théoriquement chez la femme enceinte un maximum d’obstacles
car œdème, crampes, dilatation des veines superficielles et douleurs des mollets
peuvent n’être que l’expression d’une stase veineuse isolée sans thrombose. Par
ailleurs, les fréquents syndromes de compression de la veine iliaque gauche par
la bifurcation artérielle (syndrome de Cockett) et les rares malformations
congénitales de la veine cave inférieure (diaphragme, synéchies), peuvent se
décompenser au cours de la grossesse, notamment sous l’effet de la compres-
sion exercée par le fœtus et faire évoquer à tort une TVP iliaque. En réalité, le
diagnostic de TVP iliofémorale gauche (l’une des topographies les plus
fréquentes de TVP au cours de la grossesse) est aisément évoqué devant l’appa-
rition brutale d’une symptomatologie strictement unilatérale : sensation de
lourdeur, douleur évoquant une cruralgie ou une lombosciatalgie, œdème de la
jambe et de la cuisse, érythrocyanose de déclivité remarquée dès le lever. Le
recours aux examens complémentaires est dans tous les cas indispensable. Le
Doppler couplé à l’échographie, dans le diagnostic des TVP de la grossesse, a
une fiabilité qui atteint 100 % dans les localisations jambières, poplitées et
fémorales entre les mains d’un observateur expérimenté et il est exceptionnel
de devoir recourir à des explorations invasives. Le dosage des D-dimères
(D-Di) n’est généralement pas utile pour exclure un diagnostic de TVP, car le
taux augmente pendant la grossesse, mais un taux normal garde son intérêt.
En cas de suspicion clinique d’EP en raison d’une dyspnée, dans un premier
temps, l’échographie-Doppler est conseillée avant de recourir à la scintigra-
phie pulmonaire ou au scanner. Bien que le risque que présente l’injection
d’iode pour la thyroïde fœtale soit plus théorique que réel, il est préférable, en
cas d’injection, de prévenir le pédiatre.

TRAITEMENT CURATIF FONDÉ SUR L’ASSOCIATION


HÉPARINE-COMPRESSION ÉLASTIQUE
Les TVP et EP, survenant au cours de la grossesse sont l’indication d’un traite-
ment anticoagulant, hormis les rares cas où une EP grave n’évoluant pas
favorablement sous traitement médical fait discuter une embolectomie
chirurgicale.
416 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

En raison de leurs risques abortifs et tératogènes, maximum entre la 6e et la


10e semaine et des complications hémorragiques possibles tout au long de la
grossesse, il est recommandé de ne pas administrer d’antivitamines K (AVK)
aux femmes enceintes (grade 1A). Cette recommandation ne s’applique pas
aux femmes porteuses d’une prothèse cardiaque en position mitrale, qui sont à
très haut risque de thrombose de valve, et chez lesquelles les AVK sont
souvent administrés pendant le 2e trimestre de la grossesse ou même dès le
début si la dose de warfarine est < 5 mg/j.
L’héparine non fractionnée (HNF) a été considérée comme le traitement de
choix des thromboses de la grossesse. Elle ne franchit pas la barrière placen-
taire. Elle est administrée initialement par voie IV à la seringue électrique ou
par voie sous-cutanée à raison de deux injections par jour (tableau 17.I). Elle
nécessite une surveillance biologique par le temps de céphaline avec activa-
teur (TCA) (allongement recherché varie avec le réactif utilisé) ou le dosage
de l’activité anti-Xa qui doit se situer entre 0,2 et 0,5 UI/ml. La femme
enceinte peut opposer une résistance relative à l’action de l’HNF et requérir
une dose plus élevée qu’en dehors de la grossesse. Lorsque le risque throm-
boembolique paraît très élevé, il a été proposé de remplacer en fin de grossesse
l’héparine sous-cutanée par l’héparine IV et d’interrompre cette dernière 6 h
avant l’accouchement. L’analgésie péridurale est contre-indiquée si le traite-
ment n’a pas été arrêté depuis 24 h. Après l’accouchement, le traitement
anticoagulant est poursuivi par l’héparine pour une durée qui ne doit pas être <
6 semaines (tableau 17.I), ou jusqu’au relais par les AVK, une fois réduits les
risques d’hémorragie du post-partum, c’est-à-dire 1 semaine après l’accouche-
ment. Outre les inconvénients locaux (douleurs, hématomes) des injections
répétées et les risques hémorragiques inhérents à tout traitement anticoagu-
lant, l’HNF administrée au cours de la grossesse peut avoir d’autres
inconvénients. Elle peut être cause d’ostéoporose qui n’a été rapportée comme
cliniquement symptomatique que chez les patientes traitées par une dose d’au
moins 20 000 U/j pendant plus de 6 mois. Elle pourrait également être à
l’origine de thrombopénies immunoallergiques détectables par la surveillance
hebdomadaire de la numération des plaquettes.
En dehors de la grossesse, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
sont au moins aussi efficaces que l’héparine standard sans risques hémorragi-
ques supplémentaires. Les HBPM ont aussi des avantages potentiels sur
l’héparine standard dans le traitement des thrombose veineuse (TV) de la
femme enceinte. Depuis la première observation rapportée de TV de la gros-
sesse traitée par une HBPM datant de 1986, plusieurs études rétrospectives ont
été menées et leur tolérance a été jugée satisfaisante. Ces héparines ne fran-
chissent pas la barrière placentaire. Leur biodisponibilité est plus élevée que
celle de l’HNF et les risques d’ostéoporose et de thrombopénie sont plus
faibles. Les HBPM qui ont été les plus utilisées pendant la grossesse sont
l’énoxaparine (Lovenox), et la daltéparine (Fragmine). Leur utilisation est
conseillée dans les différentes recommandations américaines, britanniques et
françaises (tableau 17.I). Les doses préconisées pour le traitement sont
mentionnées dans le tableau 17.I. Un protocole simplifié a été proposé pour
l’énoxaparine à 4 000 U anti-Xa deux fois par jour si le poids est < 50 kg,
Thromboses veineuses de la grossesse 417

6 000 U pour un poids compris entre 50 et 69 kg, et enfin 8 000 U entre 70 et


90 kg. Toutefois, cette stratégie thérapeutique n’a pas été validée.

Tableau 17.I Traitement curatif d’une TV : attitude pratique d’après


les recommandations de l’ACCP et les recommandations françaises

Pendant la grossesse :
– suspicion clinique de TVP ou EP : administration d’HBPM dans l’attente de la
confirmation du diagnostic.
– diagnostic : documenté par un moyen objectif : échographie-Doppler,
scintigraphie par exemple.
– dosage des D-Di généralement non informatif (taux augmente pendant la
grossesse)
– recherche de SAPL et de thrombophilie constitutionnelle : taux de PS
souvent abaissé pendant la grossesse, à contrôler à distance de
l’accouchement
– port d’une compression élastique;
– EP ou TV proximale :
- HNF par voie intraveineuse pendant 5 jours avec TCA deux à trois fois le
temps du témoin;
- puis HBPM par voie sous-cutanée : énoxaparine ou daltéparine à dose
curative 100 UI/kg deux fois par jour avec contrôle de l’activité anti-Xa : 0,5
à 1,0 UI/ml, 3 à 4 h après l’injection, ou tinzaparine une injection par jour
de 175 UI/kg;
- en cas de déficit en AT, l’administration de concentrés en AT peut être utile
à la phase aiguë en association avec l’héparine.
- poursuite du traitement par HBPM jusqu’à l’accouchement.
– TV surale :
- HBPM d’emblée, à dose curative pendant au moins 3 mois. Considérer
ensuite une éventuelle réduction des doses jusqu’à l’accouchement selon
l’évolution clinique et échographique.
- Contrôle de l’activité anti-Xa une fois par mois comme ci-dessus.
– Numération plaquettaire les quatre 1res semaines puis une fois par mois.
Accouchement :
– Analgésie péridurale possible si délai de plus de 24 h depuis la dernière
injection d’HBPM à dose curative.
– En cas de déficit en AT : injections de concentrés d’AT le jour et le lendemain
de l’accouchement (40 à 60 U/kg) à considérer.
– Reprise de la compression élastique et des injections d’HBPM environ 8 h
après l’accouchement, ou davantage s’il existe un risque de saignement.
Post-partum :
– Poursuite de l’HBPM ou passage aux AVK. Durée : au minimum 6 semaines
(durée totale du traitement d’au moins 6 mois).
– Allaitement possible sous HBPM ou warfarine (Coumadine).
AT : antithrombine, HBPM : héparines de bas poids moléculaire, PS : protéine S, SAPL :
syndrome des antiphospholipides
418 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

La surveillance des plaquettes est recommandée par l’Afssaps, deux fois par
semaine pendant les trois premières semaines, puis une fois par semaine
jusqu’à la fin du traitement sans qu’il n’y ait de mentions spéciales concernant
la grossesse. En pratique, après les trois premières semaines, la surveillance
est généralement réalisée une fois par mois. La mesure de l’activité anti-Xa
n’est pas nécessaire pour surveiller les traitements par HBPM en dehors de la
grossesse et elle est conseillée au cours des traitements à doses curatives chez
la femme enceinte. L’activité anti-Xa observée est comprise entre 0,5 et
1 UI anti-Xa/ml, 4 h environ après une injection lorsque la patiente reçoit
deux injections par jour. Elle peut varier avec l’HBPM utilisée (voir
chapitre 8). Après une période de 3 mois au moins en cas de thrombose surale,
la dose d’HBPM est parfois réduite empiriquement à une seule injection par
jour avec une activité anti-Xa comprise entre 0,2 et 0,6 UI/ml, lorsque l’évolu-
tion clinique et échographique est satisfaisante. Quelle que soit la nature de
l’héparine utilisée, une compression élastique adaptée est indispensable en cas
de TVP avant comme après l’accouchement.
Deux situations méritent d’être individualisées en raison d’une prise en charge
différente :
– en cas de thrombopénie ou d’allergie à l’HNF ou à une HBPM, un traite-
ment par le danaparoïde sodique (Orgaran) est possible pendant la grossesse;
– chez les femmes porteuses de déficit congénital en antithrombine (AT),
l’administration de concentrés (40 à 60 U/kg environ) est souvent conseillée à
la phase aiguë de la thrombose pendant les premiers jours de traitement par
l’héparine. Ce traitement par les concentrés d’AT est également conseillé
pendant les 2 à 3 jours suivant l’accouchement.

ENQUÊTE BIOLOGIQUE TOUJOURS NÉCESSAIRE


La grossesse et la période de l’accouchement et du post-partum peuvent
donner l’occasion à une anomalie constitutionnelle ou acquise de l’hémostase
de s’exprimer, éventuellement pour la première fois. Il est donc logique de
proposer une enquête biologique systématique aux patientes souffrant ou
ayant souffert de TVP ou EP au cours de la grossesse ou du post-partum, non
seulement lorsqu’il existe des antécédents familiaux de maladie thromboem-
bolique, lorsque les épisodes thrombotiques se répètent ou que les territoires
veineux atteints sont inhabituels (mésentérique par exemple), mais également
lorsque l’accident veineux paraît isolé.
Une anomalie acquise de l’hémostase sous la forme d’un anticoagulant circu-
lant (ACC) peut être facilement mise en évidence par l’allongement du TCA.
Cet ACC se rencontre dans certaines formes de lupus dont la symptomatologie
clinique est souvent réduite, mais au cours desquelles, en revanche, d’autres
anomalies hématologiques sont souvent présentes : thrombopénie, anémie
hémolytique avec test de Coombs positif, réaction syphilitique faussement
positive (réaction du VDRL) et présence d’anticorps anticardiolipine.
La recherche d’une anomalie constitutionnelle de l’hémostase (thrombophilie)
est également nécessaire. La grossesse, avec la prise d’une contraception
Thromboses veineuses de la grossesse 419

œstroprogestative, est la circonstance qui est souvent associée au premier


épisode de thrombose, mais le risque varie selon le type de thrombophilie
(tableau 17.II). La thrombose peut survenir en tout début de grossesse en cas
de déficit en AT.
Les déficits en protéine C (PC) et en protéine S (PS) peuvent également
donner lieu à des accidents veineux pendant la grossesse et surtout dans le
post-partum. Le déficit en PC découvert chez la femme enceinte rend néces-
saire le dosage de la PC chez le conjoint. Si le conjoint est porteur du même
déficit (ce qui est possible mais non fréquent en raison de la fréquence du
déficit), l’enfant est exposé au risque de déficit homozygote en PC responsable
d’un tableau gravissime de purpura fulminans néonatal. Un dépistage anté-
natal peut être proposé dans ce cas précis. Le diagnostic de déficit congénital
en PS est difficile pendant la grossesse, car le taux de cette protéine diminue
de façon physiologique. Le dosage doit donc être contrôlé 1 mois après
l’accouchement. Plus fréquentes sont la mutation du facteur V Leiden (FVL)
et la mutation 20210A du FII. Comme tout examen génétique, la recherche de
ces mutations nécessite une information de la patiente et le recueil d’un
consentement écrit lors de la prescription ainsi qu’une information orale du
résultat.

Tableau 17.II. TV associées à la grossesse en l’absence d’administration


de traitement anticoagulant préventif

Mc Coll, 1997 Gerhardt, 2000


Population générale < 1 pour 1 000 0,66 pour 1 000 grossesses
Déficit en AT 1 TV pour 2,8
Déficit en PC 1 TV pour 113
FVL hétérozygote 1 TV pour 437 1 TV pour 500
FII 20210A hétérozygote 1 TV pour 200
FVL + FII 20210A 4,6 TV pour 100

TRAITEMENT PRÉVENTIF ENCORE MAL CODIFIÉ


Le traitement préventif des femmes enceintes ayant ou non des antécédents de
TVP ou EP, et/ou une thrombophilie héréditaire, n’est pas encore parfaitement
standardisé, en particulier pendant l’ante-partum (tableaux 17.III et 17.IV).

Pendant la grossesse
La compression élastique est généralement conseillée et obligatoire en cas
d’antécédents de TVP.
Concernant le traitement anticoagulant préventif, la majorité des recomman-
dations de l’ACCP sont de faible niveau d’évidence (grade 2C), que ce soit
pendant la grossesse ou le post-partum. La décision d’une prévention pendant
420 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Tableau 17.III. Prévention des TV : attitude pratique

Avant la grossesse
– Évaluer le risque veineux lié à la grossesse en fonction des antécédents
personnels et/ou de l’existence d’une thrombophilie familiale ou acquise.
– En cas d’antécédent personnel, rechercher une thrombophilie et réaliser
éventuellement une échographie-Doppler pour faire le point de l’état
veineux.
– En cas d’antécédent familial de thrombose avant 45 ans, rechercher une
thrombophilie familiale.
Pendant la grossesse
– Port d’une compression élastique.
– Surveillance clinique et/ou traitement anticoagulant préventif (dose, date
de début) à décider en fonction de l’existence d’antécédent personnel de
thrombose et/ou d’une thrombophilie. La survenue d’un facteur de risque
surajouté (un alitement par exemple) peut conduire à l’administration plus
précoce du traitement préventif ou à son intensification.
– Surveillance de la numération des plaquettes les 4 premières semaines puis
une fois par mois.
– Contrôle de l’activité anti-Xa 3 à 4 h après une injection (une seule fois).
Accouchement
– Analgésie péridurale possible si délai d’au moins 12 h après l’injection
d’HBPM à dose préventive.
– En cas de déficit en AT avec antécédent de thrombose avant la grossesse,
l’administration de concentrés en AT est conseillée (40 à 50 U/kg) le jour et
le lendemain de l’accouchement.
Post-partum
– Poursuite de l’HBPM ou passage aux AVK. Durée : 4 à 6 semaines.
– Allaitement possible sous HBPM ou warfarine (Coumadine).

l’ante-partum est souvent prise au cas par cas en fonction de l’existence ou


non d’antécédents de TVP ou EP et du type de thrombophilie et des autres
facteurs de risque (âge, obésité par exemple). L’avis de la patiente est égale-
ment à prendre en compte.
Les différentes propositions de prévention sont mentionnées dans le
Tableau 17.III.
D’une manière générale, les déficits en AT (en dehors du rare déficit de type II
HBS) sont considérés comme à risque le plus élevé, puis viennent les muta-
tions homozygotes en FV Leiden ou FII 20210A et ces deux mutations
présentes simultanément à l’état hétérozygote. Le risque de thrombose ante-
partum paraît très faible chez les porteuses de mutation FVL ou FII 20210A à
l’état hétérozygote.
Le risque de thrombose associé à la grossesse dans les différentes thrombophi-
lies est encore mal connu, d’une part en raison de la taille souvent modeste des
études concernant les thrombophilies rares, d’autre part en raison du manque
de prise en compte des différents facteurs de risque, et en particulier des anté-
cédents de thrombose, de l’âge et du poids de la patiente, de facteurs de risque
Tableau 17.IV. Prophylaxie pendant la grossesse selon les recommandations de Chest (2008) et les propositions de l’Hôtel-
Dieu (ne s’applique pas aux femmes porteuses de valves cardiaques)
ACCP 2008 pendant la grossesse Proposition Hôtel-Dieu pendant la grossesse
THROMBOPHILIE
– Pas d’ATCD de MTEV
- AT HBPM 40 mg, 4 500 ou 5 000 UI/j HBPM 40 à 60 mg ou 5 000 UI/j pendant toute la grossesse
- autres Surveillance clinique PC, FVL ou FII 20210A homozygotes ou les 2 à l’état hétérozygote :
OU HBPM 40 mg ou 5 000 UI/j toute ou partie de la grossesse
HBPM 40 mg, 4 500 ou 5 000 UI/j Mutations hétérozygotes : surveillance clinique
La prophylaxie est commencée plus tôt ou intensifiée en cas de FR supplémentaire (ex. alitement)
– ATCD de MTEV
- un seul épisode
- AT, FVL ou FII 20210A HBPM 40 mg, 4 500 ou 5 000 UI 2 fois/j AT : HBPM 40 à 60 mg ou 5 000 2 fois/j, pendant toute la grossesse, anti-Xa 0,3-0,6 U/ml
homozygotes ou les 2 FVL ou FII 20210A homozygote ou les 2 : même dose 1 ou 2 fois/j selon les FR
- autres Surveillance clinique HBPM 40 mg ou 5 000 IU/j pendant 2e et/ou 3e trimestre(s) selon les FR
OU La prophylaxie est commencée plus tôt ou intensifiée en cas de FR supplémentaire (ex. alitement)
HBPM 40 mg, 4 500 ou 5 000 UI 1 ou 2 fois/j
– plus de 2 ATCD HBPM 40 mg, 4 500 ou 5 000 UI 1 ou 2 fois/j OU à HBPM à dose thérapeutique (200 U/kg ou 2 mg/kg/j) en 2 injections pendant toute la grossesse OU
dose thérapeutique (200 U/kg ou 2 mg/kg/j) HBPM 40 à 60 mg ou 5 000 IU 52, pendant toute la grossesse, anti-Xa 0,3-0,6 U/ml
PAS DE THROMBOPHILIE
– 1 seul ATCD
- avec FR transitoire Surveillance clinique HBPM 40 mg ou 5 000 IU × 1 pendant le 3e trimestre
- idiopathique ou liée à En fonction des FR et de la préférence de la HBPM 40 mg ou 5 000 IU × 1 pendant au moins le 3e trimestre
grossesse ou CO patiente :
Surveillance clinique
OU
HNF 5 000 IU × 2 ou dose adaptée pour avoir anti-
Xa cible de 0,1 à 0,3 U/ml
OU
HBPM 5 000 IU ou 40 mg × 1 ou × 2
– plusieurs ATCD et/ou AVK HNF ou HBPM à dose thérapeutique HBPM à dose thérapeutique (200 U/kg ou 2 mg/kg/j) en 2 injections pendant toute la grossesse
au moment où grossesse OU
débute HBPM 75 % de la dose thérapeutique OU HBPM 40 à 60 mg ou 5 000 IU × 2, pendant toute la grossesse, anti-Xa 0,3-0,6 U/ml
OU
HBPM 5 000 UI ou 40 mg 52
Thromboses veineuses de la grossesse 421

HBPM 5 000 UI : daltéparine, 40 mg : énoxaparine, 4 500 UI : tinzaparine; MTEV : maladie thromboembolique veineuse; AVK : antivitamines K; ATCD : antécédent; FR : facteur de risque., AT : déficit en AT en
dehors du type HBS
422 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

transitoires comme l’alitement ou les longs voyages. Les intervalles de


confiance des différents odds ratios témoignent de cette hétérogénéité. Des
scores ont été proposés pour évaluer le risque individuel de thrombose chez
une femme enceinte : leur validation pourrait permettre une prévention plus
adaptée des thromboses.

Pendant le post-partum
Le risque veineux étant plus élevé pendant la période du post-partum, il existe
un consensus concernant l’administration d’un traitement anticoagulant
préventif pendant au moins 4 à 6 semaines après l’accouchement chez les
femmes ayant des antécédents personnels de maladie thromboembolique
veineuse et/ou une thrombophilie héréditaire (grade 2C), et aussi après une
césarienne en urgence. L’allaitement est possible sous HBPM, HNF ou
Coumadine. En l’absence d’information ou l’existence d’information insuffi-
sante, le Préviscan, l’Arixtra, et à un moindre degré le Sintrom, sont
déconseillés.

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18 FACTEURS DE RISQUE
DE THROMBOSE
CHEZ LA FEMME

Jacqueline CONARD

La thrombose veineuse (TV) est classiquement multifactorielle et de


nombreux facteurs de risque sont spécifiques à la femme : grossesse, hypersti-
mulation ovarienne, contraception, traitement hormonal de la ménopause ou
traitement du cancer du sein. Le risque de chacun de ces facteurs pris indivi-
duellement est relativement faible mais l’association de différents facteurs
environnementaux et génétiques est fréquente. Ces situations concernent
différents moments de la vie et l’âge influence l’importance des risques. En
effet, un risque relatif de 4 par exemple n’a pas le même impact à 30 ans ou à
60 ans. L’évaluation des différents risques permet de définir une stratégie
appropriée pour la prévention des thromboses.

GROSSESSE
La grossesse est associée à une augmentation du risque de TV et l’EP reste
encore une cause importante de mortalité maternelle. Dans la population
générale, le risque est estimé à moins d’une thrombose pour 1 000 grossesses.
Le risque augmente si la mère a plus de 35 ans ou en cas de césarienne
(surtout réalisée en urgence), d’alitement, de prise de poids excessive, de
multiparité, d’hyperstimulation ovarienne sévère ou de thrombophilie
(tableau 18.I). L’existence d’une thrombose avant la grossesse est également
un facteur de risque de récidive lors d’une grossesse (voir chapitre 17).

Tableau 18.I. Facteurs de risque de TV et grossesse

Syndrome des antiphospholipides (SAPL)


Thrombophilie héréditaire (risque variable selon la thrombophilie)
Âge > 35 ans
Césarienne, surtout si elle est réalisée en urgence
Alitement pendant la grossesse
Prise de poids importante
Multiparité
Grossesse gémellaire
Antécédent personnel de TV
Hyperstimulation ovarienne sévère
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 425

Dans la grande majorité des cas, les TV surviennent au niveau du membre


inférieur gauche (en particulier en raison d’une décompensation d’un
syndrome de Cockett par l’utérus gravide : compression de la veine iliaque
gauche par l’artère iliaque droite). Une localisation iliofémorale est relative-
ment fréquente. Les thromboses peuvent survenir pendant la grossesse et
généralement plus souvent pendant le 3e trimestre que pendant les deux
trimestres précédents. Toutefois, dans certaines thrombophilies, le risque
semble important dès le début de la grossesse. Les thromboses, et en particu-
lier les EP, sont plus fréquentes pendant le post-partum et environ 40 % des
thromboses du post-partum surviennent après la sortie de l’hôpital.
De nombreuses modifications de l’hémostase sont observées pendant la gros-
sesse et en particulier raccourcissement du temps de céphaline avec activateur
(TCA), augmentation du taux de fibrinogène et de la plupart des facteurs de
coagulation (à l’exception du FXI qui a tendance à diminuer), diminution de
l’antithrombine (AT) et de la protéine S (PS), inhibiteurs physiologiques de la
coagulation. Il en résulte une hypercoagulabilité et le taux des marqueurs
d’activation de la coagulation (fragment 1 + 2 de la prothrombine [F1 + 2],
D-dimères [D-Di]) augmente. Parallèlement, il existe une hypofibrinolyse
avec allongement des temps de lyse du caillot des euglobulines et augmenta-
tion des inhibiteurs physiologiques de la fibrinolyse, PAI1 plasmatique et
PAI2 d’origine placentaire. L’hypercoagulabilité et l’hypofibrinolyse, facteurs
potentiels de risque de thrombose, se normalisent plus ou moins rapidement
après l’accouchement. La fibrinolyse se corrige aussitôt après la délivrance
tandis que les modifications de la coagulation se normalisent en 4 à
6 semaines après l’accouchement.
L’existence de thrombophilie héréditaire augmente le risque de thrombose.
Les femmes ayant un déficit en AT ont le risque le plus élevé, celles qui ont un
déficit en PS ou porteuses de la mutation FV Leiden ou FII 20210A à l’état
hétérozygote ont le risque le plus modéré. Les femmes ayant un déficit en
protéine C (PC), les mutations facteur V Leiden (FVL) ou FII 20210A à l’état
homozygote ou des anomalies combinées (le plus souvent mutation FVL asso-
ciée au FII 20210A ou à une autre thrombophilie) ont un risque intermédiaire
(voir chapitres 2 et 17).
Ainsi, un traitement anticoagulant préventif peut être nécessaire pendant la
grossesse et surtout pendant le post-partum. Il varie en fonction des facteurs
de risque de la patiente (antécédent de thrombose avant la grossesse, alite-
ment, âge) et du type de thrombophilie (voir chapitre 6).
La recherche d’une thrombophilie héréditaire n’est pas justifiée à titre systéma-
tique avant toute grossesse. En revanche, elle est conseillée chez les femmes
qui ont des antécédents personnels de TV et chez celles qui ont des antécédents
familiaux de TV avant l’âge de 50 ans. Elle comprend les dosages d’AT, PC et
PS, le test de résistance à la PC activée (PCa) (et s’il est anormal, la recherche
de la mutation FVL), ainsi que la recherche de la mutation 20210A du gène de
la prothrombine. Le syndrome des antiphospholipides est associé à la survenue
de thromboses, de fausses couches et de complications de la grossesse. Il est
détecté par le TCA, la recherche d’ACC et le dosage d’ACL.
426 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

SYNDROME D’HYPERSTIMULATION OVARIENNE


SÉVÈRE

Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne est une complication des induc-


tions d’ovulation ou des stimulations ovariennes des fécondations in vitro.
La prévalence des thromboses est estimée à 1 cas/128 hyperstimulations
sévères (grade 3). Comme une hyperstimulation survient dans 0,5 à 5 % des
cycles, le risque de thrombose en cas de fécondation in vitro est voisin de 1
pour 2 650 à 6 400 cycles.
Les thromboses sont veineuses ou artérielles. Les TV sont les plus
fréquentes. Elles ont souvent des localisations inhabituelles : membres
supérieurs, veines jugulaires, veines cérébrales. L’EP est peu fréquente.
Les thromboses artérielles touchent presque exclusivement les artères
cérébrales. Ainsi, les vaisseaux les plus touchés sont ceux de la tête et du
cou, pour une raison encore inconnue, mais le taux élevé des œstrogènes
dans le liquide péritonéal et leur passage dans le système lymphatique
pourraient avoir un rôle dans la localisation de ces thromboses. La throm-
bose survient souvent non pas au pic du taux d’œstradiol, au moment de
l’hyperstimulation sévère, mais 6 à 70 jours après l’injection d’HCG. Le
délai moyen est plus long dans le cas des TV (38 jours) que des throm-
boses artérielles (14 jours). La patiente est enceinte dans la majorité des
cas (80 % environ).
Une augmentation de la viscosité sanguine et de facteurs de la coagulation
ainsi qu’une diminution des inhibiteurs physiologiques de la coagulation sont
probablement des éléments à rapprocher de l’hyperœstrogénémie et de
l’augmentation du risque de thrombose. L’hypercoagulabilité liée à la gros-
sesse pourrait se surajouter au risque lié à l’hyperstimulation et expliquer le
délai entre l’hyperstimulation et la survenue des thromboses. Une thrombo-
philie héréditaire et/ou un syndrome des antiphospholipides (SAPL) ont été
trouvés chez certaines femmes.
La prévention des thromboses dépend des antécédents personnels de la
patiente et de l’existence éventuelle d’une thrombophilie. Elle n’est pas bien
définie.
La recherche d’une thrombophilie héréditaire n’est justifiée que si la patiente a
des antécédents personnels de thrombose ou bien des antécédents familiaux
avant l’âge de 50 ans.

CONTRACEPTION

La contraception comporte le plus souvent l’administration orale d’œstropro-


gestatifs ou parfois, de progestatifs seulement (Serfaty, 2007). La voie non
orale est également possible : patch, anneau vaginal, implant ou stérilet diffu-
sant des hormones.
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 427

Contraception œstroprogestative
Risque de TV
Le premier cas d’EP sous contraception orale (CO) a été rapporté en 1961.
Différentes études ont ensuite montré que le risque de TV était augmenté sous
CO (tableau 18.II). Il s’agit le plus souvent de TV des membres inférieurs ou
d’EP, parfois d’autres localisations : TV cérébrale par exemple.

Tableau 18.II. Risque de thrombose sous CO et THS

Trait & Auteur Année Étude RR (IC95 %)


CO
WHO Europe 1995 Cas-témoin 4,1 (2,5-6,9)
Spitzer 1996 Cas-témoin 4,0 (3,1-5,3)
Bloemenkamp 1999 Cas-témoin 3,9 (2,6-5,7)
THS
Oger 1999 Méta-analyse 2,1 (1,2-3,8)
HERS 1998 Randomisée 2,66 (1,41-5,04)
WHI 2002 Randomisée 2,13 (1,39-3,25)
Beral 2002 Quatre études randomisées 2,16 (1,47-3,18)
Scarabin 2003 Cas-témoin
E2 voie orale 3,5 (1,8-6,8)
E2 voie transdermique 0,9 (0,5-1,6)

La contraception œstroprogestative comporte un œstrogène synthétique,


l’éthinylœstradiol (OE) et un progestatif. La dose d’OE a diminué : elle est
actuellement comprise entre 50 et 15 µg. Les progestatifs sont de 2 e (lévonor-
gestrel) ou de 3e génération (gestodène, désogestrel), ou autre (acétate de
cyprotérone, drospirénone).
Le risque a d’abord été associé à la dose d’OE : incidence de 10/10 000 femmes
par an avec les CO contenant plus de 50 µg, 7/10 000 avec ceux contenant 50 ou
4,2/10 000 avec ceux contenant moins de 50 µg d’OE. Les doses de moins de
50 µg correspondaient à des CO contenant 30 ou 40 µg d’OE.
Il a ensuite été montré que les progestatifs avaient aussi un rôle dans le risque
de thrombose. Les progestatifs de 3e génération étaient associés à un risque de
thrombose 2 fois plus élevé que les CO contenant un progestatif de 2e généra-
tion associé à la même dose d’OE. Des biais ont été évoqués pour expliquer
ces résultats, mais la méta-analyse de Kemmeren a finalement montré un odds
ratio (OR) de 1,7 (IC 95 % 1,4 à 2,0) après ajustement sur certains facteurs de
confusion. L’acétate de cyprotérone, associé à l’OE, aurait un risque plus
élevé que d’autres CO.
Une étude danoise récente, publiée par Lidegaard, a confirmé l’augmentation
significative du risque veineux sous CO, le risque plus élevé la première année
du traitement (OR = 7,0, IC 95 % 5,1 à 9,6) et le risque un peu plus élevé avec
les progestatifs de 3e génération par rapport à ceux de 2e génération, à dose
égale d’OE (OR = 1,4, IC 95 % 1,0 à 1,9). De plus, cette étude a montré que le
risque dépendait aussi de la dose d’OE après ajustement sur le progestatif et la
428 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

durée d’administration. Les CO contenant 20 µg ont dans cette étude un


risque plus faible.
Le risque veineux associé au patch (Evra) et à l’anneau vaginal qui contien-
nent de l’éthinylœstradiol semble voisin de celui de la voie orale. Ces modes
de contraception induisent les mêmes modifications de l’hémostase et de la
SHBG (sex hormone binding globuline), marqueur d’œstrogénicité. Il est
justifié de respecter les mêmes contre-indications pour toute contraception
contenant de l’EE, quelle que soit la voie d’administration.
Les CO induisent des modifications de la coagulation et de la fibrinolyse allant
dans le sens d’une hypercoagulabilité : augmentation de différents facteurs de
coagulation (fibrinogène, FII, FVII, FX, FVIII par exemple), diminution
d’inhibiteurs physiologiques (AT, PS), résistance acquise à la PCa. Les
marqueurs d’activation de la coagulation sont également augmentés : F1 + 2,
FPA et D-Di. Par ailleurs, il existe une hyperfibrinolyse (et non une hypofibri-
nolyse comme cela est observé au cours de la grossesse) avec diminution de
l’inhibiteur physiologique, le PAI1 en particulier. Chez la majorité des
femmes, il pourrait donc exister un équilibre entre l’hypercoagulabilité
(potentiellement délétère) et l’hyperfibrinolyse (potentiellement favorable).
En revanche, les femmes ayant une prédisposition aux TV en raison d’une
anomalie acquise (SAPL avec ACC et/ou augmentation des ACL) ou généti-
ques (thrombophilies héréditaires) pourraient avoir un risque plus élevé. Il a
effectivement été démontré que les femmes porteuses d’un déficit congénital
en AT ou en PC, ou une mutation FVL ou FII 20210A ont un risque plus élevé.
La recherche d’une thrombophilie n’est pas justifiée à titre systématique avant
contraception. En revanche, elle est conseillée chez les femmes qui ont des
antécédents personnels ou des antécédents familiaux de TV avant l’âge de
50 ans.

Risque de thrombose artérielle


Avant l’âge de 40 ans, l’infarctus du myocarde (IDM) est rare chez la femme.
Le risque augmente avec l’âge, le tabac, l’hypertension et la prise de contra-
ception œstroprogestative (risque × 3 à 5). Dans les études les plus récentes, le
risque n’est pas significatif chez les femmes qui ne fument pas et chez
lesquelles la pression artérielle a été mesurée avant la prescription de contra-
ception orale. Il n’a pas été observé de différence significative selon le type du
progestatif.
Le risque d’accident ischémique cérébral est augmenté sous contraception
orale (risque × 3 environ) et il est majoré par le tabac (risque 4), l’hyperten-
sion (risque 8), l’hypercholestérolémie (risque 11).

Contraception progestative
Elle a été beaucoup moins étudiée que la contraception œstroprogestative. Le
risque de TV ne semble pas augmenté. Ainsi, l’acétate de chlormadinone
(Lutéran) n’augmente pas le risque de TV même chez des femmes à risque : il
en est ainsi dans une étude réalisée à l’Hôtel-Dieu chez 204 femmes à risque
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 429

de TV en raison d’antécédents personnels et/ou de thrombophilie, 102 avaient


reçu de l’acétate de chlormadinone et 102 n’avaient pas de contraception
orale. Il n’a pas été observé de modification des paramètres de la coagulation
au cours des traitements par ce progestatif ou par le lévonorgestrel (Microval),
le désogestrel (Cérazette), la norgestriénone (Ogyline).
Ce type de contraception, souvent moins bien tolérée que la contraception
œstroprogestative, constitue néanmoins une alternative importante pour les
femmes à risque veineux (antécédent personnel de thrombose et/ou thrombo-
philie). Il s’agit d’une attitude de prudence car les caractères de l’antécédent
personnel devraient peut-être moduler le choix de la contraception : antécé-
dent de thrombose veineuse profonde proximale ou distale, EP ou autre
localisation, facteur déclenchant comme chirurgie ou plâtre, ou épisode
idiopathique.
Les progestatifs utilisés sous forme d’implant ou comme contraception
d’urgence ou les stérilets à base de progestatif (Mirena) ne semblent pas
augmenter le risque de TV.
Une attitude pratique avec les indications de l’étude de l’hémostase et le choix
de la CO est proposée dans le tableau 18.III. L’étude de l’hémostase
comporte : temps de Quick (TQ), TCA, dosages de l’AT, PC et PS, test de
résistance à la PCa et recherche de la mutation FII 20210A. Ce dernier
examen nécessitant l’extraction d’ADN, le prescripteur doit faire une informa-
tion orale et recueillir le consentement écrit du patient puis faire une
communication orale du résultat.

Tableau 18.III. Contraception orale – Attitude pratique en cas d’antécédent


personnel ou familial de TV

Interrogatoire

ATCD personnel de TV ATCD familial de TV < 50 ans

Étude de l’hémostase Étude de l’hémostase

Anomalie ou non* Anomalie Pas d’anomalie

CO par progestatif seul CO au choix du médecin


Tester si possible le parent
porteur de thrombose

* L’attitude vis-à-vis de la CO est la même mais l’existence d’une anomalie peut entraîner l’étude
familiale et permet la prévention des thromboses chez les sujets atteints.
430 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

TRAITEMENT DE LA MÉNOPAUSE
Le THS est prescrit essentiellement pour corriger les troubles fonctionnels liés
à la carence œstrogénique. L’effet cardioprotecteur suggéré par un certain
nombre d’études n’a pas été retrouvé dans les essais contrôlés randomisés
chez des femmes qui avaient en moyenne plus de 60 ans. Il existe même une
augmentation du risque coronarien la première année ainsi que du risque
d’accident cérébral. Par ailleurs, le THS est associé à une augmentation du
risque de cancer du sein et de maladie thromboembolique veineuse.
Le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause comprend généra-
lement un œstrogène qui n’est pas de l’EE mais des œstrogènes conjugués
équins ou de l’estradiol. L’œstrogène peut être administré par voie orale ou
par voie transdermique (patch ou gel). Il est associé à un progestatif pour
éviter le cancer de l’endomètre chez les femmes non hystérectomisées. Le
progestatif peut être de l’acétate de médroxyprogestérone ou plus souvent en
France, de l’acétate de chlormadinone (Lutéran), de la promégestone (Surges-
tone), de l’acétate de nomégestrol (Lutényl) par exemple, ou la progestérone
micronisée (Utrogestan).
Jusqu’en 1996, le risque veineux des THS avait été peu étudié et il ne semblait
pas important. Toutefois, des études biologiques avaient montré que les œstro-
gènes conjugués équins et l’estradiol par voie orale étaient associés à des
modifications de la coagulation voisines de celles observées avec les CO :
diminution de l’AT et de la PS en particulier, augmentation des F1 + 2.
À partir de 1996, des études cas-témoin et des études randomisées ont montré
une augmentation du risque veineux sous THS à base d’œstrogènes conjugués
équins associés à l’acétate de médroxyprogestérone et aussi d’estradiol par
voie orale (voir tableau 18.III). Le risque est plus élevé la première année du
traitement. L’étude cas-témoin française ESTHER montre que les œstrogènes
par voie non orale (patch, gel) n’entraînent pas d’augmentation significative
du risque de TV. Un risque de thrombose plus élevé serait associé aux proges-
tatifs norprégnanes, tandis que la progestérone micronisée n’augmente pas ce
risque.
Les modifications de la coagulation et de la fibrinolyse observées sous THS
avec un œstrogène par voie orale sont sensiblement les mêmes que celles
observées sous contraception œstroprogestative : effet procoagulant et profi-
brinolytique. Aucune modification significative n’est observée avec la voie
non orale (patch, gel).
Chez les patientes ayant des antécédents de TV ou la mutation FVL (et sans
doute aussi des autres thrombophilies), le risque de TV des THS contenant un
œstrogène par voie orale est augmenté.
Le risque lié aux œstrogènes par voie orale n’est pas augmenté chez les
femmes porteuses des mutations FV Leiden ou FII 20210A à l’état hétéro-
zygote mais n’a pas été évalué chez les femmes ayant des antécédents de
thrombose.
Le raloxifène (Evista), qui est un SERM (selective estrogen receptor modu-
lator), est aussi associé à une augmentation du risque de TV. Le risque de
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 431

thrombose de la tibolone (Livial), à action œstrogénique, androgénique ou


progestative selon l’organe cible, n’a pas été étudié mais ce composé n’induit
pas de diminution de l’AT ni de la PS.
Une attitude pratique est proposée dans le tableau 18.IV concernant les traite-
ments hormonaux de la ménopause.

Tableau 18.IV. Attitude dans le cas de traitements hormonaux de la ménopause

Interrogatoire

ATCD personnel documenté ATCD familial avant 50 ans

Étude de l’hémostase Étude de l’hémostase

Anomalie ou non* Anomalie Pas d’anomalie

– Pas de THS à base d’estrogène Voie d’administration du THS


par voie orale, ni raloxifène au choix de la patiente
– Estradiol par voie extra-digestive :
à discuter en fonction de l’indication
avec approche multidisciplinaire

* L’attitude vis-à-vis du THS est la même mais l’existence d’une anomalie entraîne l’étude familiale
et permet la prévention des thromboses chez les sujets atteints.

TRAITEMENT DU CANCER DU SEIN


L’existence d’un cancer augmente le risque de TV et certains traitements
augmentent encore ce risque.

Tamoxifène
Le tamoxifène bloque la liaison de l’œstrogène sur son récepteur. Cet antiœs-
trogène est utilisé dans le traitement des tumeurs du sein hormonosensibles.
Dès son introduction dans les années soixante-dix, il avait été suggéré qu’il
augmentait le risque de TV. Des études relativement récentes ont démontré
que ce médicament était effectivement associé à une augmentation du risque,
indépendamment de la présence de cancer et des chimiothérapies (risque de 1
à 2 % avec le tamoxifène seul, pouvant atteindre 10 % en association avec une
chimiothérapie). Il est possible mais non démontré que les femmes ayant une
thrombophilie aient un risque plus élevé. Cela pose la question d’un éventuel
traitement anticoagulant préventif par les antivitamines K (AVK) chez des
femmes ayant des antécédents personnels de TV.
432 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Inhibiteurs de l’aromatase
L’aromatase est une enzyme qui dépend du cytochrome P450. Elle convertit
les substrats androgéniques en œstrogènes. Chez la femme ménopausée, la
conversion des androgènes par l’aromatase est la seule source d’œstrogènes
endogènes. Des inhibiteurs de l’aromatase ont donc été proposés comme trai-
tement des cancers du sein. L’anastrozole (Arimidex) a une efficacité sur le
cancer équivalente à celle du tamoxifène mais le risque de TV est plus faible.

CONCLUSION
Un certain nombre de facteurs de risque de TV sont spécifiques à la femme et
leur connaissance permet d’instituer une prévention efficace. Les œstrogènes
sont souvent en cause. Il peut s’agir de l’administration d’œstrogène synthé-
tique, l’EE, en contraception ou d’œstrogènes conjugués équins chez la
femme ménopausée, mais aussi d’un œstrogène naturel, l’estradiol par voie
orale, dans le traitement de la ménopause, donc à un âge où normalement, le
taux d’estradiol est quasiment nul. L’augmentation brutale du taux d’estradiol
endogène au cours des hyperstimulations ovariennes, ou celle, plus progres-
sive, au cours de la grossesse, sont également associées à une augmentation du
risque veineux. En revanche, il n’a pas été démontré d’augmentation du risque
avec l’estradiol administré par voie extradigestive. L’augmentation de climat
œstrogénique observée avec les progestatifs de 3e génération et certains autres
administrés avec de l’EE pourrait expliquer l’augmentation de risque observée
avec ces progestatifs par rapport aux progestatifs de 2e génération. Il n’a pas
été démontré d’augmentation de risque avec les progestatifs seuls.
Les patientes ayant des anomalies congénitales prédisposant aux TV, des
thrombophilies, sont à risque plus élevé et présentent assez souvent des throm-
boses peu de temps après l’introduction des traitements. Leur détection est
donc importante et elle est en particulier justifiée chez les femmes ayant des
antécédents personnels ou familiaux de TV avant 50 ans.

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19 PARTICULARITÉS
DU DIAGNOSTIC
D’UN SYNDROME
HÉMORRAGIQUE
OU THROMBOTIQUE
EN PÉDIATRIE

Rémi FAVIER

Les particularités du diagnostic d’un trouble hémorragique et thrombotique


chez l’enfant tiennent aux périodes de vie de l’enfant où le laboratoire va être
sollicité et parallèlement donc à l’évolution particulière des systèmes impli-
qués dans la coagulation ainsi qu’à l’existence de pathologies spécifiques à
cette tranche de vie. En effet, le système hémostatique est profondément
influencé par l’âge. S’il s’accompagne de peu de problèmes chez l’enfant
nouveau-né sain, bien que physiologiquement dans un état particulier par
rapport à l’adulte, des facteurs additionnels peuvent le déséquilibrer et
concourir à la morbidité d’un enfant prématuré ou malade. Il convient donc de
connaître l’évolution des principaux paramètres depuis la naissance jusqu’aux
12 premiers mois de vie pour l’interprétation des principaux tests, ce d’autant
que les services de réanimation néonatale prennent en charge des enfants nés à
24 SA, voire exceptionnellement à 23 semaines (7,2 % des naissances en
France).

PARTICULARITÉS QUANTITATIVES
DE L’HÉMOSTASE
Les variations quantitatives reflètent l’immaturité hépatique. Il est nécessaire
de connaître les valeurs de référence des facteurs de coagulation, établies en
fonction du terme et leur évolution avec l’âge.

Période fœtale
Plaquettes fœtales
Les plaquettes circulantes sont détectables dès la 15e semaine de vie. La
numération plaquettaire ne varie pas au cours des 2e et 3e trimestres de la gros-
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 435

sesse et les valeurs sont proches de celles de l’adulte. Les glycoprotéines de


membrane plaquettaire, en particulier le complexe glycoprotéique IIb/IIIa
(GPIIb/IIIa) et la GPIb, sont présentes dès la 18e semaine d’aménorrhée (SA)
et leur expression étudiée par la technique de cytométrie de flux est compa-
rable à l’adulte. Les principaux antigènes plaquettaires impliqués dans les
allo-immunisations plaquettaires sont exprimés sur les plaquettes fœtales dès
la 16e SA.

Facteurs de la coagulation
Les protéines de la coagulation sont détectables dès la 10e semaine de vie
intra-utérine dans le sang fœtal. Le FT qui déclenche l’activation du FVII joue
un rôle majeur dans l’embryogenèse comme l’atteste le décès in utero par
hémorragies des embryons de souris homozygotes délétées pour le gène de ce
facteur.
Entre la 19e et la 29e semaine de vie fœtale, les facteurs vitamine K dépendants
(II, VII, IX, X) sont compris entre 10 et 30 %. Les facteurs contacts (XII, XI,
prékallicréine, kininogène de haut poids moléculaire [KHPM]), les FVIII, FV
et le fibrinogène sont bas : il en est de même des inhibiteurs de la coagulation.
La concentration de facteur Willebrand (VWF) dès la 20e semaine de gestation
est proche des valeurs adultes.
Entre la 30e et la 38e semaine, la plupart des facteurs de la coagulation
augmentent modérément (jusqu’à 30 %) alors que les taux des FV, FVII et
FVIII atteignent la moitié des valeurs de l’adulte. Le taux des inhibiteurs de la
coagulation reste proche de 20 % à l’exception de l’antithrombine (AT) dont
les taux sont de 35 à 40 %.

Facteurs de la fibrinolyse
Le système fibrinolytique est actif et il semble que le plasminogène fœtal est
facilement activable par l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) et
l’urokinase qui sont à des taux proches des valeurs adultes alors que leurs
inhibiteurs sont à des taux très bas (PAI1 et PAI2). Deux protéines qui inhibent
l’activation du plasminogène : l’HRGP et la lipoprotéine (a) sont à des taux
indétectables.

Période néonatale et au-delà


Se reporter au tableau 19.I.

Facteurs de la coagulation
À la naissance, les facteurs VK dépendants (II, VII, IX, X) ont une valeur
comprise entre 30 et 50 %. Ils atteignent les valeurs adultes à l’âge de 6 mois.
Pour le FIX, cette correction est plus lente et n’est complète qu’entre 6 et
12 mois. En revanche, les taux des FI, FV, FVIII et du VWF sont voisins de
ceux de l’adulte, voire supérieurs.
Tableau 19.I. Valeurs de référence des tests et facteurs de la coagulation chez l’enfant (au-delà de 6 mois)

Tests de la coagulation et valeurs 9 mois 1-5 ans 6-10 ans 11-16 ans
de certains facteurs et inhibiteurs Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes)
TQ (s) 12,3 (10,0-14,6) 11 (10,6-11,4) 11,2 (10,2-12,0) 12 (11,0-14,0)
TCA (s) 39,5 (28,3-50,7) 30 (24-36) 32 (26-37) 33 (27-40)
FI (g/l) 2,46 (1,50-3,52) 2,76 (1,70-4,05) 3,0 (1,54-4,48) 2,78 (1,56-4,0)
FII (U/ml) 0,68 (0,30-1,06) 0,94 (0,71-1,16) 0,83 (0,61-1,04) 1,08 (0,70-1,46)
FV (U/ml) 0,99 (0,59-1,39) 1,03 (0,79-1,27) 0,77 (0,55-0,99) 1,06 (0,62-1,50)
FVII (U/ml) 0,87 (0,31-1,43) 0,82 (0,55-1,16) 0,83 (0,58-1,15) 1,05 (0,67-1,43)
FVIII (U/ml) 1,06 (0,58-1,88) 0,90 (0,59-1,42) 0,92 (0,53-1,31) 0,99 (0,50-1,49)
FIX (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,73 (0,47-1,04) 0,82 (0,59-1,22) 1,09 (0,55-1,63)
FX (U/ml) 0,67 (0,35-0,99) 0,88 (0,58-1,16) 0,79 (0,50-1,17) 1,05 (0,06-1,52)
FXI (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,97 (0,56-1,50) 0,74 (0,50-0,97) 0,97 (0,67-1,27)
FXII (U/ml) 0,61 (0,15-1,07) 0,93 (0,64-1,29) 0,81 (0,34-1,37) 1,08 (0,52-1,64)
PC (U/ml) 0,54 (0,28-0,80) 0,66 (0,40-0,92) 0,83 (0,55-1,11) 0,96 (0,64-1,28)
PS totale (U/ml) 0,86 (0,54-1,18) 0,86 (0,54-1,16) 0,72 (0,52-0,92) 0,81 (0,60-1,13)
AT (U/ml) 0,93 (0,73-1,21) 1,11 (0,82-1,39) 1,05 (0,77-1,32) 1,0 (0,74-1,26)
436 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 437

L’AT atteint les taux adultes à l’âge de 3 mois, l’α2-macroglobuline augmen-


tant significativement jusqu’à l’âge de 6 mois.

Facteurs de la fibrinolyse
Le système fibrinolytique néonatal est caractérisé par une faible concentration
en plasminogène. Le t-PA significativement augmenté à la naissance diminue
et reste ainsi jusqu’à 14 ans. Le PAI1 demeure élevé pendant toute l’enfance et
l’α2-AP est à un taux proche des valeurs adultes dès la naissance.

PARTICULARITÉS QUALITATIVES
DE L’HÉMOSTASE
L’aspect physiologique des systèmes concourant à une hémostase normale
reste mal connu. Tout au plus quelques particularités ont-elles été décrites,
dont certaines ne sont pas sans conséquence pour l’utilisation thérapeutique de
certains médicaments.

Hémostase primaire
Composante plaquettaire : on note une diminution de l’agrégation plaquettaire
chez le fœtus, prématuré, nouveau-né, variable suivant l’agoniste utilisé.
L’hypoagrégation est surtout nette en présence d’ADP et d’Adrénaline. Elle
est plus modérée en présence de collagène et normale en présence de throm-
bine et d’acide arachidonique.
Composante vasculaire : mal connue chez le nouveau-né, elle semble particu-
lière chez le prématuré dans la mesure où la production de PGI2 par les
cellules endothéliales serait augmentée, ce qui entraînerait une vasodilatation.

Système de coagulation
Il existerait une hypercoagulabilité globale à la naissance prouvée par des tests
in vitro (temps de prothrombine [TP], étude des marqueurs biochimiques
d’activation).
Le fibrinogène des 5 premiers jours de vie serait de type fœtal expliquant
l’allongement du temps de thrombine (TT), les anomalies de polymérisation
de la fibrine.
Dans le plasma de nouveau-né, la génération de thrombine est retardée et
diminuée de 50 % par rapport à celle d’un plasma d’adulte. Il est lié à la dimi-
nution de la quantité de FII.
Plus faible chez le nouveau-né (dû à la baisse d’AT), l’inhibition de la throm-
bine serait en partie contrebalancée par l’α2-macroglobuline qui forme les
complexes avec la thrombine, mais aussi l’héparine cofacteur II qui, lié à un
sulfate présent dans les premiers jours de vie, a une action AT aussi.
438 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Système de la fibrinolyse
À la naissance, les tests globaux d’exploration de la fibrinolyse sont
raccourcis, ils reflètent une disparition rapide de l’activité fibrinolytique circu-
lante. Par la suite, la génération de plasmine est plus lente, plus faible chez le
nouveau-né. Ce phénomène serait lié à la faible concentration en plasmino-
gène et à la concentration relativement plus importante en α2-AP.
En résumé, l’équilibre entre génération de thrombine (coagulation) et généra-
tion de plasmine est instable en période néonatale, ce qui explique la
fréquence des complications hémorragiques et thrombotiques à cette période.

Examens biologiques de l’hémostase


Ces dernières années, les méthodes d’exploration de l’hémostase ont bénéficié
de la miniaturisation des techniques et de leur adaptation possible sur les auto-
mates de coagulation. Il est nécessaire d’éliminer les fréquents artefacts liés
aux difficultés de prélèvements et d’interpréter les résultats en fonction des
variations quantitatives liées à l’âge gestationnel et postnatal.
Le problème du prélèvement est capital parce qu’il induit des anomalies
pouvant masquer un déficit réel. Les prélèvements veineux sont pour nous la
source la plus fréquente. Ils se sont généralisés dans la mesure où il existe une
prévention locale efficace de la douleur. Ce type de prélèvement peut être plus
difficile chez les grands prématurés. Or certaines équipes continuent à prélever
sur sang capillaire. L’arrivée prévisible sur le marché d’instruments de labora-
toire délocalisés devrait permettre de mieux redéfinir une stratégie adéquate
de prélèvements en néonatalogie notamment.
Les principaux tests de coagulation sont réalisables à partir de 1,2 ml de sang
qui, compte tenu de l’hématocrite du nouveau-né, permet d’obtenir une quan-
tité suffisante de plasma. Nous recommandons de ne pas prescrire le TP
(temps de Quick [TQ]) le 1er mois de vie, mais de faire doser plutôt les cofac-
teurs du TP : FII, FV, FVII, FX. En effet, il n’existe pas de corrélation entre le
TP et les cofacteurs sans qu’une explication claire ait été donnée. Le bilan
minimum disponible comportera donc les tests suivants : temps de céphaline
avec activateur (TCA), FII, FV, FVII, FX, fibrinogène. Au-delà du 1er mois, le
TP peut être demandé d’emblée.
En fonction des anomalies détectées et des renseignements cliniques donnés
au biologiste, ce dernier ajoutera des analyses complémentaires.
L’exploration des fonctions plaquettaires reste un examen délicat et dont
l’indication ne doit être posée qu’en seconde intention après l’analyse des
résultats des autres tests d’exploration. Il requiert un prélèvement spéci-
fique et la définition de valeurs normales adaptées à chaque test. En effet,
le temps de saignement (TS) selon la méthode Ivy est plus court chez le
nouveau-né. L’exploration peut être réalisée aussi sur sang total (automate
d’analyse PFA-100) par la mesure du temps d’occlusion du sang circulant
sous haute pression à travers un capillaire recouvert par un agent déclen-
chant l’agrégation plaquettaire (Collagène, Adrénaline, ADP) : les valeurs
normales sont là aussi plus courtes. Dans les cas de recherche d’une
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 439

thrombopathie congénitale plaquettaire, une autre alternative est d’utiliser


une technique par cytométrie de flux sur sang total qui mettra en évidence
un déficit quantitatif et/ou qualitatif d’expression des glycoprotéines Ib-IX
ou IIb-IIIa. Une nouvelle stratégie d’évaluation du risque hémorragique
basée sur l’étude de la génération de thrombine in vitro pourrait être inté-
ressante à évaluer chez l’enfant.

PATHOLOGIE HÉMORRAGIQUE :
RÔLE DU LABORATOIRE
Thrombopénies isolées
Définies par un taux < 150 G/l, 0,8 à 4 % de nouveau-nés sains à terme, 22 %
d’enfants prématurés ou malades en seraient atteints. Elles sont détectées lors
d’une numération plaquettaire systématique ou dans un contexte hémorra-
gique. La prise en charge vise à réunir deux informations : trouver l’étiologie
de cette thrombopénie et évaluer son importance pour proposer si nécessaire
un traitement urgent. Les notions sur les antécédents maternels (thrombo-
pénie, splénectomie, prise médicamenteuse, troubles de la pression artérielle)
doivent être connues notamment en période néonatale. L’attitude est différente
s’il s’agit d’un nouveau-né à terme ou d’un enfant prématuré, dysmorphique
ou infecté. Les causes acquises sont les plus fréquentes : infections bacté-
riennes ou virales au premier plan, puis troubles de l’hématopoïèse et de la
mégacaryopoïèse (thrombopénies génétiques associées ou non à une anomalie
chromosomique) qu’il faut éliminer avant d’envisager une cause immunolo-
gique.

Thrombopénies immunes en période néonatale


– Allo-immunes : la thrombopénie peut survenir dès la première grossesse,
précocement (dès la 14e ou 16e semaine) et être sévère entraînant le décès ou
des séquelles neurologiques par hémorragie intracérébrale. La destruction
plaquettaire est provoquée par des anticorps maternels dirigés contre un des
cinq systèmes antigéniques plaquettaires. Le système le plus souvent en cause
est le système HPA1.
Les examens de laboratoire ne seront effectués que dans des laboratoires très
spécialisés habitués à l’interprétation de ces techniques très spécifiques :
phénotypage plaquettaire HPA1 de la mère, du père et du bébé, recherche
d’anticorps anti-HPA1a d’abord et génotypage paternel.
– Auto-immunes : en l’absence d’antécédents, le diagnostic est souvent diffi-
cile à affirmer en période néonatale. La première difficulté tient à l’existence
d’une compensation possible pendant la grossesse d’une thrombopénie auto-
immune qui ne se dévoilera qu’après l’accouchement. La seconde difficulté
tient à l’existence dans 2 à 4 % des grossesses, de thrombopénies modérées
non auto-immunes rétrocédant après l’accouchement. Moins grave que par
440 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

allo-immunisation, la thrombopénie peut être décelée à la naissance ou


retardée et peut persister plusieurs semaines.

Thrombopénie immune en dehors de la période néonatale


Son origine auto immune est suspectée chez un enfant sans antécédent parti-
culier et un examen clinique négatif. La place du myélogramme reste discutée
et la mise en route du traitement prendra en compte le contexte hémorragique
et le taux de plaquettes.

Thrombopathies constitutionnelles associées ou non


à une thrombopénie
Rares. Elles peuvent être découvertes en période néonatale mais le plus
souvent après. On s’aidera de la présence d’anomalies morphologiques
plaquettaires (plaquettes géantes, grises, petite taille) ou extraplaquettaires
(granulations dans les polynucléaires, les lymphocytes et les monocytes). Pour
un classement précis de ces anomalies, l’étude des fonctions plaquettaires in
vitro voire de leur sécrétion, l’étude des glycoprotéines de membrane plaquet-
taire par méthodes biochimique et/ou cytométrique, les études par biologie
moléculaire seront utilisées. On a pu proposer exceptionnellement un
diagnostic de thrombopathie (Glanzmann) in utero.

Déficits congénitaux en facteurs de la coagulation


Si le diagnostic des déficits homozygotes et sévères est réalisable en période
néonatale, celui de déficits modérés le plus souvent secondaires à des déficits
hétérozygotes pose plus de problème d’interprétation du fait d’un chevauche-
ment des limites inférieures des valeurs normales avec les taux de ces déficits
modérés (FVII, FI, FIX, FX, FXI). Il faudra donc renouveler les dosages au-
delà de 6 mois et/ou s’aider d’une enquête familiale. Cependant, en dehors des
exceptionnels cas d’afibrinogénémie constitutionnelle ou de déficit sévère en
FXIII qui se manifestent par un saignement à la chute du cordon ombilical, les
anomalies même sévères entraînent rarement des hémorragies spontanées en
période néonatale, même si cette notion reste discutée pour les nouveau-nés
porteurs d’hémophilies A ou B sévère. Le diagnostic de la maladie de Wille-
brand pose les mêmes problèmes que chez l’adulte et, compte tenu de la
richesse en multimères de haut poids moléculaire, le diagnostic des déficits
quantitatifs modérés et qualitatifs ne se posera qu’à partir de l’âge de 3 mois.

Anomalies associées à une pathologie


Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
Grave en période néonatale, elle est la conséquence d’une situation biologique
incontrôlée associant générations excessives de thrombine et de plasmine
(hyperfibrinolyse réactionnelle).
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 441

Les causes sont multiples, mais toute souffrance fœtale aiguë responsable
d’un état de choc et d’un déséquilibre acido-basique entraîne une stase
sanguine et une hypoxie avec libération de thromboplastine à partir de l’endo-
thélium vasculaire et du tissu lésé. Il en est de même lors de l’entérocolite
ulcéronécrosante du nourrisson qui s’accompagne de la libération de subs-
tances tissulaires procoagulantes.
Les complications obstétricales : placenta prævia, hématome rétroplacentaire,
toxémie gravidique, retard de croissance intra-utérin peuvent induire ce type
de complication biologique chez le nouveau-né. Chez l’enfant, les principales
causes de CIVD sont les infections, les leucémies, les tumeurs, les lésions
tissulaires étendues, les hémolyses.
Les principaux signes biologiques associent thrombopénie, taux abaissés de
fibrinogène, D-dimères (D-Di) augmentés, taux abaissés des facteurs régula-
teurs de la coagulation. Il faut savoir renouveler les examens car le profil
évolutif biologique ainsi que les dosages des FVIII et FV aideront à diagnosti-
quer les cas plus difficiles.

Hypovitaminose K
La maladie hémorragique du nouveau-né réalise l’état pathologique secon-
daire à une concentration faible en facteurs vitamine K dépendants due à une
carence en vitamine K, qu’elle soit secondaire à une carence d’apport ou à un
trouble de réabsorption (mucoviscidose). La vitamine K est peu abondante
dans le lait et une synthèse intestinale n’intervient qu’à la fin de la première
semaine de vie (voir chapitre 3). On distingue trois formes cliniques :
– au 1er jour de vie : carences précoces dues à la prise de traitements maternels
(antiépileptiques, barbituriques, antibiotiques). Hémorragies graves poten-
tielles ;
– à partir du 3e jour de vie : hémorragies digestives, hémorragies intracéré-
brales chez le prématuré, saignements à la chute du cordon;
– entre la 2e et la 12e semaine : formes des enfants nourris exclusivement au
sein et non supplémentés à la naissance.
Le diagnostic biologique est facile puisqu’il y aura une diminution isolée des
FII, FVII, FX alors que le fibrinogène et le FV sont normaux. Il peut être
confirmé par le dosage des précurseurs inactifs de ces facteurs (PIVKA).
L’emploi du PPSB est contre-indiqué chez le nourrisson du fait du risque de
thrombose induite.

Déficits dans le cadre d’autres pathologies


Ces déficits peuvent être rencontrés lors d’insuffisances hépatiques aiguës
dues aux infections, de maladies métaboliques, de rares autoanticorps spécifi-
ques de facteurs. Un cas particulier : l’hémangiome (malformation vasculaire)
à révélation néonatale possible quelle que soit sa localisation. L’association
d’une thrombopénie à la présence de schizocytes, d’une hypofibrinogénémie,
de D-Di élevés doit orienter vers cette pathologie.
442 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Les anomalies du tissu conjonctif (maladie d’Ehlers-Danlos) peuvent


s’accompagner d’un allongement du TS et de retard à la cicatrisation.

Situation particulière des hémorragies intraventriculaires


et intracérébrales
Elles surviennent chez les grands prématurés (15-20 % des prématurés de
moins de 32 semaines). Leur étiologie est probablement multifactorielle asso-
ciant un trouble dans la circulation du flux cérébral, une augmentation de la
fragilité des vaisseaux de la matrice germinale, une ischémie des cellules
endothéliales. Le risque de séquelles neurologiques est important surtout
lorsqu’il existe des lésions de la substance blanche associée. Un déficit congé-
nital des FVII, FVIII, FXIII en particulier doit être éliminé.
Récemment, l’attention a été attirée sur la fréquence élevée d’hémorragies
cérébrales asymptomatiques chez le nouveau-né à terme lors d’étude systéma-
tique par RMN, et aussi de la prévalence élevée de la mutation V Leiden dans
ce type de pathologie.
Les anomalies de l’hémostase présentes (thrombopénie, diminution significa-
tive des facteurs de la coagulation) sont difficiles à interpréter. Le traitement
n’est pas codifié.

PATHOLOGIE THROMBOTIQUE :
AIDE DU LABORATOIRE
L’incidence de thrombose chez l’enfant est bien moindre que chez l’adulte.
Dans son registre, le Groupe canadien donne une incidence de 5,3 pour 10 000
enfants hospitalisés contre 2,5 à 5 % d’adultes.
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette différence :
– le peu d’altération de l’endothélium de l’enfant même si les particularités
physiologiques de cet endothélium restent mal connues chez le nouveau-né;
– la diminution de génération de la thrombine qui n’est pas due à une inhibi-
tion renforcée de la thrombine puisque les taux des principaux inhibiteurs sont
bas à la naissance.
Il existe aussi une variation des principaux inhibiteurs au cours du développe-
ment de l’enfant.
C’est ainsi que la protéine C (PC) peut rester significativement abaissée
jusqu’à l’adolescence, ce qui peut poser des problèmes d’interprétation
notamment pour l’identification des déficits hétérozygotes.
La protéine S (PS) est sous forme libre en période néonatale et est abaissée par
la suite. Elle remonte jusqu’à l’âge de 4 mois. La PS totale antigénique
augmente les 10 premiers mois de vie. Un autre inhibiteur qui potentialise
l’action de l’AT est l’α2-macroglobuline, un inhibiteur dont le taux maximum
est à 6 mois de vie.
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 443

Étiologies des syndromes thrombotiques


Lors de thrombose chez l’enfant, les enquêtes étiologiques identifient un ou
plusieurs facteurs dans la majorité des cas puisque seulement 10 % des cas des
séries pédiatriques seraient idiopathiques par opposition aux séries adultes
(40 %). Une exception est l’accident vasculaire artériel pré- ou périnatal, qui
est idiopathique dans près de 30 % des cas.
La plupart des enfants auront donc plusieurs facteurs associés, ce qui est une
particularité. On décèlera une maladie sous-jacente (syndrome néphrotique,
maladie congénitale cardiaque, tumeur) et habituellement un ou plusieurs
autres facteurs de risque acquis (anoxie, septicémies, déshydratation) ou
congénitaux (cathéter central ou facteurs héréditaires prédisposants).
Il faut souligner la haute fréquence des thromboses dans le système veineux
de la partie supérieure du thorax (80 % des thromboses des nouveau-nés, 60 %
des enfants contre 2 % des adultes).
L’impact des déficits des facteurs prothrombotiques héréditaires sur les throm-
boses spontanées ou induites par un autre facteur fait l’objet de débats
contradictoires récents.

La période néonatale
C’est une période à haut risque de thrombose puisque les enquêtes épidémio-
logiques avancent une incidence de 2,5/1 000 admissions en unités de soins
néonatalogiques.
Les nouveau-nés prématurés ou non, malades conjuguent le maximum de
risques puisque l’infection, la déshydratation, l’hypoxie périnatale, les antécé-
dents maternels de diabète, voire de lupus, s’ajoutent aux risques liés à
l’implantation d’une voie veineuse centrale (cathéters veineux ou artériel).
Les déficits homozygotes en PC et PS apparaissent les premiers jours de vie,
voire dans les premières heures après la naissance. La microcirculation est
touchée en premier et son atteinte est révélée par la présence d’un purpura
fulminans souvent associé à des signes biologiques de CIVD qui abaissent le
taux des inhibiteurs, ce qui retentit sur le rythme initial des transfusions de
plasmas ou des concentrés. De rares cas sans purpura sont possibles. Les
sièges de thrombose sont les membres inférieurs, les veines rénales, voire
cérébrales et les veines ophtalmiques responsables de cécité dont on peut
penser qu’elles peuvent survenir en anténatal.
Le dosage biologique des PC et PS détecte une activité très réduite avec des
taux < 1 %, mais l’interprétation peut être compliquée. Une enquête familiale
peut aider au diagnostic par la mise en incidence d’un déficit hétérozygote
chez les parents. Si l’anomalie moléculaire est identifiée, on pourra proposer
un diagnostic prénatal lors de grossesses ultérieures et donc lors d’antécédents
de purpura néonatal.
Les déficits homozygotes en AT sont probablement incompatibles avec la vie
pour les types I. La grande majorité des cas publiés sont des déficits de type II
HBS. La révélation néonatale de sujets homozygotes pour le facteur V Leiden
(FVL) ou la mutation G20210A du FII n’a été qu’exceptionnellement rapportée.
444 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Deux localisations particulières sont à mettre en exergue à cet âge :


– la thrombose des veines rénales évoquée sur l’association d’hématurie, protéi-
nurie, thrombopénie et un gros rein palpable dans les premiers jours de vie;
– les thromboses artérielles et veineuses cérébrales difficiles à diagnostiquer
car la clinique ne peut être évocatrice que dans 25 % des cas.

Enfants de 1 mois à 10 ans


Les facteurs acquis sont prépondérants dans ce groupe. Ce sont les circons-
tances pathologiques suivantes : cancers, syndromes néphrotiques, chirurgie,
infections (varicelle), cardiopathies congénitales qui nécessitent une cathétéri-
sation (4 à 32 % de thrombose suivant les procédures), leucémies aiguës
lymphoblastiques qui conjuguent le risque iatrogène de la chimiothérapie
(asparaginase) avec l’utilisation d’une voie veineuse centrale. Par contraste,
les accidents vasculaires relèveraient dans 2/3 des cas de facteurs de risque,
que sont : un taux élevé de lipoprotéine (a), la présence d’ACL, une résistance
à la PC. Le risque de récidive d’un second accident vasculaire de type artériel
est lié à une élévation de la lipoprotéine (a) (taux ≥ 300 mg/l), au type de
déficit en PC (type I) et au type anatomique d’accident initial vasculaire.

Adolescents : de 11 à 18 ans
Avec les nouveau-nés, cette tranche d’âge représente le groupe le plus touché
par la thrombose. Des facteurs acquis : tabac, contraceptifs, anticorps anti-
phospholipides (APL) conjugués à une augmentation potentielle de la
génération de thrombine, une baisse du taux d’α2-macroglobulinémie pour-
raient expliquer ces résultats.

Aide du laboratoire dans le diagnostic étiologique


L’évaluation à la recherche de facteurs biologiques prédisposant doit s’aider
toujours du contexte clinique et comprendre plusieurs étapes.
Au départ, et si possible avant la mise en route du traitement anticoagulant, les
recherches suivantes doivent être pratiquées : dosages plasmatiques de la
lipoprotéine (a), de l’homocystéine, recherche d’une mutation G1691A du FV
d’emblée (car l’étude de la résistance à la PC du fait de l’allongement physio-
logique du TCA est délicate à interpréter), la mutation G20210A du FII, une
homozygotie pour la mutation C677T de la MTHFR, dosages des PC, PS et
des facteurs vitamine K-dépendants, de l’AT. Le bilan doit être repratiqué 3 à
6 mois après l’épisode embolique initial. Si le traitement a été mis en route, il
est nécessaire de prévoir ces mêmes investigations à distance après arrêt de
tout traitement anticoagulant.
D’autres anomalies biologiques ne seront recherchées que dans un second
temps et après négativité confirmée d’un premier bilan. Ce seront :
– une dysfibrinogénémie (TT allongé);
– une dysplasminogénémie;
– un déficit en FXII;
– héparine-2 cofacteur.
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 445

La recherche d’ACL et d’APL sera nécessaire en cas d’accident vasculaire


et/ou d’antécédents maternels auto-immuns. L’intérêt de la recherche d’autres
facteurs prédisposants (élévation des taux de FVIII, FIX, FXI, baisse du TFPI,
t-PA) est probable, mais reste à démontrer chez l’enfant. Le bilan d’hémostase
doit être toujours accompagné d’un hémogramme à la recherche de rares
pathologies érythrocytaires en cause : l’hémoglobinurie paroxystique
nocturne (rares chez l’enfant), drépanocytose. Les éléments cliniques ou
biologiques évocateurs d’une autre pathologie type maladie métabolique,
doivent être portés à la connaissance du biologiste.

Aide du laboratoire dans la surveillance biologique


d’un traitement anticoagulant
L’indication et l’utilisation des différents traitements anticoagulants ont fait
l’objet de recommandations dans la littérature. Il existe des nomogrammes
officiels d’aide à l’ajustement des doses de prescription d’héparine, d’antivita-
mines K (AVK), de thrombolytiques. L’emploi de telle ou telle thérapeutique
ressort du spécialiste et certaines localisations ne font pas l’objet de consensus
(accident veineux thrombotique) actuellement. La mise en route d’un traite-
ment par héparine doit tenir compte de sa clairance différente en période
néonatale par rapport à l’adulte. La surveillance des traitements par HBP, de
plus en plus utilisée en pédiatrie malgré l’absence d’AMM, obéit aux mêmes
règles que chez l’adulte en visant des intervalles d’activité anti-Xa identiques
pour les traitements curatif et préventif. Les études in vitro chez les nouveau-
nés ont décrit une résistance à l’héparine explicable par un rapport AT/FII
diffèrent de celui de l’adulte. Cependant, plusieurs auteurs ont récemment
attiré l’attention sur la non-adéquation de nos dosages pour la surveillance
biologique d’un traitement par héparine classique.
La surveillance des traitements AVK devrait bénéficier des dispositifs de
monitoring utilisables à domicile (remboursées en cardiologie pédiatrique) –
mais, par rapport aux automates classiques utilisés au sein des laboratoires, les
résultats seraient différents. La place, l’utilisation et la surveillance biologique
de nouvelles classes d’anticoagulant (ex : anti-Xa spécifique) restent à déter-
miner chez l’enfant.

EN CONCLUSION
L’hémostase pédiatrique tient une place à part du fait de ses particularités liées
à sa physiologie, aux types de prélèvements et à l’existence de pathologies
spécifiques aux différentes catégories d’âge des enfants. Ces dernières années
ont vu un accroissement considérable des données disponibles pour l’explora-
tion radiologique des thromboses, la mise en route, l’utilisation, la
surveillance des traitements anticoagulants même si on se heurte toujours à la
difficulté d’obtenir des données issues de la comparaison de cohortes de
patients ou de mise en route d’essais prospectifs.
446 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

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20 PRÉVENTION
ET TRAITEMENT
DE L’ACCIDENT
VASCULAIRE CÉRÉBRAL
ISCHÉMIQUE PAR LES
ANTITHROMBOTIQUES
ET LES
THROMBOLYTIQUES

Pascal d’AZEMAR

L’accident vasculaire neurologique regroupe quatre situations : dans 20 % des


cas, une hémorragie méningée ou cérébrale et dans 80 % des cas une artère
qui se bouche et précipite un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un acci-
dent ischémique transitoire. L’AVC est une urgence car le traitement
thrombolytique est d’autant plus efficace qu’il est donné tôt, dès que l’origine
ischémique est confirmée. Il en est de même en cas d’hémorragie, surtout par
rupture d’anévrisme chez des sujets jeunes; un tiers des patients ayant eu une
hémorragie méningée décèdent avant leur arrivée à l’hôpital. Si la prise en
charge des AVC était adéquate, on pourrait éviter 7 500 décès ou dépendances
par an.
L’AVC est la première cause de handicap, la deuxième cause de déclin
cognitif et la troisième cause de décès (après les accidents coronariens et le
cancer). Environ 100 000 à 150 000 nouveaux cas d’AVC par an en France,
soit un à deux pour 1 000 habitants; la mortalité à 30 jours varie de 10 à 17 %
et un tiers des patients atteints décèdent dans les six mois. C’est un motif
majeur de dépression, tant chez les patients que dans leur entourage. L’inci-
dence de l’AVC augmente de façon exponentielle avec l’âge.
Le coût de l’AVC est très important et représente une part croissante du budget
de l’assurance-maladie. Les nouvelles techniques d’imagerie médicale,
comme l’IRM, ainsi que les nouvelles stratégies thérapeutiques antithromboti-
ques ou thrombolytiques, efficaces et bien tolérées, ont considérablement
modifié le pronostic très péjoratif de cette maladie.
L’AVC est un syndrome clinique de début souvent brutal entraînant un déficit
neurologique localisé, dû à une lésion vasculaire cérébrale. On peut observer
448 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

une dysphagie, une dysarthrie, une hémianopsie, une faiblesse musculaire,


une ataxie et une perte de la sensibilité. Les signes et les symptômes sont
unilatéraux et l’état de conscience est souvent préservé. Le diagnostic diffé-
rentiel inclut la migraine, une paralysie postcritique, l’hypoglycémie, une
hystérie de conversion, un hématome sous-dural ou une tumeur cérébrale.
Environ 85 % des AVC sont de nature ischémique, dus à l’occlusion d’un vais-
seau par la maladie athéromateuse ou à un embole d’origine cardiaque, par
fibrillation auriculaire par exemple, et 15 % sont d’origine hémorragique.
Les traitements antithrombotiques sont destinés aux accidents ischémiques,
mais la survenue d’une hémorragie cérébrale représente le principal risque
limitant leur usage; la préoccupation essentielle du clinicien reste toujours le
rapport bénéfice/risque de ces traitements.

STRATÉGIE ANTITHROMBOTIQUE
ET PRÉVENTION DU RISQUE
La meilleure façon de réduire l’incidence de l’AVC est évidemment la préven-
tion et d’abord la prévention primaire. Comme toujours dans le domaine
cardio-vasculaire, il existe des facteurs de risque modifiables et d’autres qui ne
le sont pas.
Les facteurs non modifiables sont :
– l’âge (l’incidence de l’AVC double tous les 10 ans au-delà de 55 ans);
– le sexe (l’AVC est plus fréquent chez l’homme que chez la femme);
– la race (les noirs sont plus fréquemment atteints);
– les antécédents familiaux d’AVC ou d’accident ischémique transitoire.
Les facteurs de risques modifiables – avec plus ou moins de difficultés –
comprennent l’hypertension artérielle (HTA) (facteur de risque tant pour les
AVC ischémiques que pour les accidents hémorragiques et les lacunes céré-
brales), qui multiplie le risque d’AVC par 7, le diabète, les dyslipidémies, le
tabagisme (alcool plus tabac), la fibrillation auriculaire. D’autres facteurs de
risque sont moins bien documentés comme l’obésité et le syndrome métabo-
lique, la sédentarité, l’alcoolisme, la thrombophilie constitutionnelle et la
contraception orale œstroprogestative, et la migraine.
Le diagnostic d’AVC repose essentiellement sur l’histoire clinique : survenue
brutale ou rapidement progressive d’un déficit neurologique localisé (infarctus
carotidiens ou infarctus vertébro-basilaires selon la topographie vasculaire).
L’examen neurologique et l’imagerie médicale précoce (scanner cérébral et
surtout IRM), confirment en général le diagnostic. Il sera essentiel d’exclure
d’autres diagnostics dont l’aspect clinique peut simuler un AVC comme
l’hypoglycémie, la migraine ou la période postcritique d’une crise comitiale.
L’imagerie pourra aider à préciser le statut des artères en cause (sténose,
occlusion, recanalisation par exemple), et d’autres examens complémentaires
(ECG avec Holter éventuel, échocardiographie, tension artérielle, biologie
avec un bilan complet de coagulation, etc.) pourront aider à préciser l’étio-
logie, permettant de poser les bases du traitement le mieux adapté.
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 449

CLASSIFICATION DE L’AVC
La classification suivante des AVC ischémiques est souvent utilisée :
– AVC des gros vaisseaux ou des artères pénétrantes, d’origine athéromateuse,
c’est l’occlusion ou le rétrécissement (plus de 50 %) d’une artère cérébrale
importante. Ces AVC sont souvent précédés d’un AIT dans le même territoire;
– AVC d’origine cardioembolique, souvent de territoire cortical ou sous-
cortical, dont le responsable est un embole migrant depuis le cœur ou parfois
de l’aorte;
– AVC des petites artères ou lacunaires, souvent à l’origine d’une hémiplégie
purement motrice et le plus souvent en relation avec une hypertension ou un
diabète;
– AVC de causes inhabituelles et reconnues par un diagnostic spécifique,
telles que les malformations vasculaires d’origine non athéromateuses, les
troubles de la coagulation ou les hémopathies. Il n’y a pas dans ce cas de
systématisation à l’imagerie;
– AVC de cause indéterminée ou cryptogéniques : ils représentent plus de
30 % des AVC et comprennent notamment les accidents dans lesquels au
moins deux causes sont impliquées (fig. 20.1).
Enfin, il faut mentionner deux autres symptômes qui amènent souvent à
consulter :
– l’accident ischémique transitoire (AIT) : déficit neurologique focal, d’instal-
lation brutale, entièrement régressif en moins de 24 h (le plus souvent en
moins de 30 min). À différencier de l’accident ischémique constitué qui est un
déficit neurologique de topographie vasculaire durable pendant plus de 24 h,
consécutif le plus souvent à l’occlusion d’une artère cérébrale;
– l’ischémie rétinienne.
Le but essentiel du traitement de l’AVC est de stabiliser l’état clinique du
patient, en particulier neurologique, et de minimiser voire de réduire les effets
délétères d’une éventuelle occlusion artérielle sous-jacente diminuant ainsi la

Accidents vasculaires cérébraux

Hémorragiques (15 %)

Ischémiques
(85 %)

athérosclérose embolies maladies des causes cryptogéniques


(20 %) cardiaques petites artères inhabituelles (30 %)
(20 %) (25 %) (5 %)

Fig. 20.1. Différents types d’AVC.


450 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

quantité de tissu cérébral ischémique dans l’espoir d’améliorer le pronostic à


long terme pour le patient.
Sur le plan de la stratégie antithrombotique, les AVC d’origine embolique et
ceux d’origine athérothrombotique ont fait l’objet d’études cliniques spécifi-
ques randomisées. Deux types principaux d’études sont distingués selon
l’inclusion ou non d’AVC d’origine embolique.

PRÉVENTION DE L’AVC EN L’ABSENCE


DE CARDIOPATHIE EMBOLIGÈNE
Prévention primaire
Seule l’aspirine a été étudiée en prévention primaire : elle ne semble pas
réduire de façon significative le risque d’infarctus cérébral mais augmente
légèrement le risque hémorragique en particulier au niveau cérébral.
Son usage semble cependant raisonnable chez les patients ayant une maladie
athéromateuse évoluée avec une sténose carotidienne asymptomatique par
exemple et qui ont un risque élevé d’infarctus du myocarde (IDM). Toutefois,
cette indication est hors AMM.
Pour l’ensemble des patients, la prévention primaire reste basée sur des
mesures hygiéno-diététiques et logiques simples, valables également en
prévention secondaire :
– le traitement de l’HTA et une réduction drastique en cas de prévention
secondaire (IEC, ARA II recommandés désormais en première intention);
– chez le diabétique : un contrôle plus rigoureux de la glycémie afin de lutter
contre les complications micro- et macrovasculaires, en tentant d’abaisser le
seuil de l’HbA1c en dessous de 7 %;
– chez les patients ayant une dyslipidémie, même modérée, et identifiés
comme à haut risque (plus de trois facteurs de risque) : en dehors des mesures
hygiéno-diététiques classiques, la prescription d’une statine sera nécessaire
pour abaisser le LDL-cholestérol en dessous du seuil de 1 g/l;
– l’arrêt du tabagisme, une modération de la consommation d’alcool;
– une réduction pondérale afin d’obtenir un IMC < 25 et un périmètre abdo-
minal < 102 cm pour les hommes et < 88 cm pour les femmes;
– une activité physique régulière d’au moins 30 min/j.

Prévention secondaire
Les patients ayant eu un premier AVC ischémique (transitoire ou non) ont un
risque élevé de récidive (24 à 42 % à 5 ans), d’accident cérébral ou
coronarien; il est essentiel d’envisager pour eux une prévention secondaire.
Celle-ci repose d’abord sur les règles élémentaires énoncées pour la préven-
tion primaire en s’efforçant d’obtenir la meilleure observance possible,
notamment en ce qui concerne les chiffres de pression artérielle, le taux de
LDL-cholestérol et la glycémie pour les diabétiques.
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 451

Il faudra s’attacher à rechercher et à prévenir les autres manifestations de


l’athérosclérose : l’insuffisance coronarienne, l’artériopathie des membres
inférieurs et faire un bilan cardiovasculaire global (fond d’œil, fonction
rénale, etc.).
De nombreuses études ont montré l’efficacité des antiagrégants plaquettaires
dans la prévention secondaire de l’AVC : l’Antiplatelet Trialists Collaboration
a montré une réduction de 27 % du critère de jugement combiné « AVC +
IDM + décès d’origine vasculaire », une réduction de 31 % de l’AVC non
fatal, de 35 % de l’IDM et de 18 % des décès d’origine vasculaire. La réduc-
tion du risque était cependant plus faible (22 %) chez les patients ayant déjà eu
un AVC que chez les autres patients à haut risque. Une méta-analyse de dix
études avec l’aspirine seule chez les patients ayant eu un AVC ou un AIT a
montré une réduction du risque par rapport au placebo de 13 %.
Plus récemment, sur un échantillon de > 40 000 patients, l’IST (International
Stroke Trial) et le Chinese Acute Stroke Trial ont montré une diminution de
dix décès ou récidives d’AVC pour 1 000 cas chez des patients ayant eu un
AVC et traités par l’aspirine moins de 48 h après le début de l’AVC.
D’autres antiagrégants que l’aspirine se sont avérés efficaces dans ce domaine,
notamment la ticlopidine, le clopidogrel et le dipyridamole. L’étude CAPRIE
a ainsi inclus plus de 19 000 patients répartis en trois groupes de patients
athéromateux : AVC récent, IDM récent ou artérite des membres inférieurs.
Les patients recevaient soit 75 mg de clopidogrel, soit 325 mg d’aspirine.
L’effet sur la réduction des AVC était significatif et la tolérance meilleure que
celle de la ticlopidine dans les études antérieures (TASS).
Avec le dipyridamole, l’étude ESPS 2 a montré que l’association de 50 mg
d’aspirine avec 400 mg de dipyridamole à libération prolongée était > 50 mg
d’aspirine seule.
Les antagonistes GPIIb/IIIa par voie orale avaient suscité beaucoup d’espoir
mais malheureusement toutes les études en prévention secondaire
(SYMPHONY, EXCITE, BRAVO par exemple) ont dû être arrêtées à cause
d’une augmentation des hémorragies et de la mortalité.
À ce jour, la majorité des conférences de consensus, notamment celle de
l’ACCP, recommandent (recommandation de grade A1, c’est-à-dire très forte
car fondée sur le résultat d’études contrôlées randomisées) la prescription
d’un traitement antiagrégant plaquettaire après un AVC ou même un AIT.
Le choix du produit doit prendre en compte le risque de récidive de l’AVC
ainsi que le bénéfice de sa prévention, le risque hémorragique et le coût du
traitement.
Les produits actuellement disponibles sont l’aspirine (50 à 325 mg/j, sachant
que la dose optima n’a pas été déterminée et qu’en France on utilise volontiers
la dose de 100 mg qui semble efficace et bien tolérée), le clopidogrel
(75 mg/j), parfois l’aspirine et le clopidogrel, le dipyridamole à libération
prolongée (2 × 200 mg/j) plus l’aspirine (2 × 25 mg/j).
L’existence de résistance clinique et/ou biologique à ces médicaments est
discutée. Des examens biologiques simples (agrégation plaquettaire) permettent
452 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

de rechercher l’effet biologique attendu mais ils sont très rarement prescrits. Les
AINS sont contre-indiqués dans le traitement par l’aspirine (voir chapitre ???).
Pour les patients allergiques à l’aspirine, le clopidogrel est une alternative
raisonnable. L’ajout de l’aspirine au clopidogrel augmente le risque hémorra-
gique et n’est pas recommandé en routine. Pour les patients qui ont eu un AVC
ischémique alors qu’ils étaient sous aspirine, il n’existe pas de preuve qu’une
augmentation de la dose d’aspirine soit bénéfique et aucune étude portant sur
un autre produit ou une association n’a été réalisée.
Le problème de l’utilisation des anticoagulants oraux (antivitamines K
[AVK]), warfarine essentiellement, ne semble pas totalement résolu. La
première étude dans ce domaine (SPIRIT) avait certainement choisi un INR
trop élevé (3 à 4,5) et a dû être arrêtée à cause d’une incidence élevée
d’hémorragies majeures, notamment cérébrales, en relation directe avec
l’augmentation de l’INR. Plus récemment, l’étude WARSS (Warfarin Aspirine
Recurrent Stroke Study), qui avait dans le groupe warfarine un INR moyen à
2,1, a montré une absence de différence de résultats avec 325 mg d’aspirine et
ce avec une incidence très basse (< 2 %) d’hémorragies dans les deux
groupes.
Le débat antiagrégants-AVK reste donc ouvert en attendant les données de
nouvelles études.

Prévention chez les patients


ayant une cardiopathie emboligène
La prévention de l’AVC d’origine embolique est fondée avant tout sur le trai-
tement de la maladie cardiaque en cause si cela est possible. La FA est
l’étiologie la plus fréquente.
Plusieurs études ont comparé l’aspirine et les AVK dans cette indication,
faisant observer une réduction relative du risque d’AVC de 49 % (26 à 65 %
selon les études) qui correspond à une réduction absolue du risque de 0,6 %
pour la prévention primaire et de 7 % pour la prévention secondaire. Les AVK
sont donc plus efficaces mais comportent un risque hémorragique plus élevé
que l’aspirine. Ils sont par ailleurs d’un maniement difficile. La décision théra-
peutique doit prendre en compte à la fois le risque de survenue d’AVC
embolique et le risque d’hémorragie majeure. Chez ces patients ayant une FA
et un risque élevé de stroke, les recommandations consensuelles choisissent
les AVK avec un INR à 2,5 (entre 2 et 3).
En l’absence de facteurs de risque cependant (âge > 75 ans, HTA, diabète,
coronaropathie par exemple), l’aspirine peut être préférée notamment avant
l’âge de 65 ans où le risque est moindre.
Chez les patients à très haut risque (valvulopathie rhumatismale, prothèse
valvulaire mécanique, associées ou non à la FA), un INR plus élevé est recom-
mandé (3 à 4), voire l’association avec l’aspirine.
Pour les patients ayant une FA et un AVC ou un AIT malgré une anticoagula-
tion adéquate, il n’existe pas de données permettant d’affirmer que
l’augmentation de l’intensité de l’anticoagulation ou l’ajout d’un antiagrégant
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 453

plaquettaire apporte une protection supplémentaire contre une éventuelle réci-


dive. De plus, ces deux attitudes entraînent un accroissement du risque
hémorragique. Chez environ un tiers des patients ayant une FA et un AVC
ischémique, on retrouvera d’autres causes potentielles d’accident vasculaire
comme une sténose carotidienne. Pour ces patients, il faudra orienter les déci-
sions thérapeutiques vers l’étiologie la plus probable et des mesures
spécifiques comme une endartériectomie carotidienne. La marge thérapeu-
tique étroite des AVK, leurs nombreuses interactions médicamenteuses ou
avec les aliments rendent leur usage délicat et nécessitent d’effectuer des
contrôles fréquents (INR).
Plus récemment, le ximélagatran (Exanta), nouvel anticoagulant oral de la
famille des inhibiteurs directe de la thrombine, a donné des résultats promet-
teurs dans la prévention de l’AVC et des complications thromboemboliques de
la FA : le programme SPORTIF et notamment l’étude SPORTIF III ont
montré une incidence d’événements (AVC + événements thromboemboliques
systémiques) de 1,6 % par an pour le ximélagatran contre 2,3 % par an pour la
warfarine. De plus, il y a eu moins de saignements (mineurs et majeurs) et
d’hémorragies intracrâniennes sous ximélagatran. Ce produit se présente
comme une alternative intéressante aux AVK dans la mesure où il est prescrit à
dose fixe et ne nécessite pas de contrôle biologique. Le ximélagatran a été
retiré du marché en raison de sa toxicité hépatique. Normalement, ces traite-
ments doivent être mis en œuvre dès que possible, mais la décision doit être
soigneusement évaluée au cas par cas, en pondérant le risque de récidive
embolique et celui d’une hémorragie intracérébrale.
Malheureusement, l’expérience prouve que ces traitements sont largement
sous-utilisés.
Les nouveaux antithrombotiques apixaban, rivaroxaban sont en cours d’étude
avancée dans cette indications et pourraient améliorer la prise en charge de ces
patients.

TRAITEMENT DE L’AVC
Dans l’AVC comme dans l’IDM, voire plus, le traitement dépend de la rapi-
dité du diagnostic, du transport et de la prise en charge dans une unité
spécialisée (unité neurovasculaire ou stroke unit en nombre inférieur aux
besoins en France). C’est la règle anglo-saxonne des 6D : Detection
(diagnostic), Delivery (transport rapide), Door (unité spécialisée : soins inten-
sifs, voire stroke unit), Data (documentation des symptômes et confirmation
du diagnostic, souvent le maillon faible de la chaîne, la prise en charge dépen-
dant de l’accès à l’imagerie cérébrale), Decision (traitement médical,
neuroradiologique ou neurochirurgical), Drug (initiation du traitement
médical approprié).
Autant il existe dans le domaine de la prévention un large consensus, autant
les stratégies de traitement s’avèrent diversifiées.
454 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Les antiagrégants plaquettaires


Les études CAST (Chinese Aspirin Stroke Trial) et IST ont recruté chacune
plus de 20 000 patients. Dans CAST, l’aspirine (160 mg/j) était comparée au
placebo en aveugle pendant 4 semaines avec pour critères de jugement le
décès à 4 semaines ou le décès et la dépendance physique à la sortie de
l’hôpital. Il y a eu une différence significative en faveur de l’aspirine à la fois
en termes de mortalité précoce (3,3 % vs 3,9 %, p = 0,04) et de récidive
d’AVC ischémique (1,6 % vs 2,1 %, p = 0,001). À la sortie de l’hôpital, il y
avait une tendance en faveur de l’aspirine pour la mortalité ou le handicap
(30,5 % vs 31,6 %, p = 0,08).
Dans IST, étude ouverte randomisée avec un plan factoriel, l’aspirine
(300 mg/j) était donnée avec ou sans héparine (10 000 ou 25 000 UI/j) et
comparée à l’absence d’aspirine avec ou sans héparine (mêmes doses). Au
bout de 2 semaines de traitement, étaient comparées les incidences de décès et
à 6 mois, de décès et de dépendance. On a observé une tendance non significa-
tive en faveur de l’aspirine pour tous ces événements et une réduction
significative des récidives d’AVC (2,8 % vs 3,9 %) ainsi que des décès et des
récidives non fatales d’AVC à 2 semaines (11,3 % vs 12,4 %). L’aspirine a
cependant provoqué une augmentation de cinq transfusions sanguines ou
hémorragies non cérébrales pour 1 000 patients, mais pas d’augmentation des
AVC hémorragiques à 2 semaines (0,9 % vs 0,8 %).
La méta-analyse de ces études a montré enfin que l’aspirine entraîne une dimi-
nution significative d’environ 9 décès ou récidive d’AVC pour 1 000 patients
traités pendant les 1res semaines ainsi qu’une diminution de 13 pour 1 000 des
décès ou de la dépendance à 6 mois.
S’il est démontré que l’aspirine est efficace si elle est donnée moins de 48 h
après le début de l’AVC, c’est essentiellement parce qu’elle diminue les réci-
dives d’AVC. Elle peut alors davantage être alors considérée comme une
prévention secondaire précoce que comme un traitement aigu de l’AVC.
Bien que non testé seul et spécifiquement dans cette indication, le clopidogrel
peut sembler une alternative chez les patients ayant une contre-indication
médicale, gastro-intestinale notamment, à la prise d’aspirine. Les résultats de
l’étude MATCH qui compare clopidogrel plus aspirine contre aspirine seule
dans la prévention de la récidive d’AVC ischémique sont attendus.

Les anticoagulants
De nombreuses études se sont intéressées à diverses héparines. La plus impor-
tante, l’IST, a montré que s’il y avait avec l’héparine moins d’AVC
ischémiques, ces effets bénéfiques étaient occultés par une augmentation
significative des AVC hémorragiques, des transfusions et des hémorragies
majeures non cérébrales. Mais il faut noter que, dans cette même étude, les
patients ayant reçu de l’héparine ont eu moins d’embolie pulmonaire dans les
deux premières semaines (0,5 % vs 0,8 %, 2p = 0,02). De plus, le risque
hémorragique était proportionnel à la dose, celle de 25 000 UI étant associée à
l’incidence la plus forte d’hémorragies et d’AVC hémorragiques tandis
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 455

qu’avec la dose de 10 000 UI on a observé une diminution significative des


décès et des récidives d’AVC avec une augmentation non significative des
hémorragies.
Enfin, les patients qui recevaient à la fois cette faible dose d’héparine et l’aspi-
rine en association ont eu les incidences les plus basses de récidive d’AVC et
de décès précoce (respectivement 0,9 % et 1,3 %) avec un faible risque hémor-
ragique supplémentaire.
Cette association, qui est fréquemment utilisée par les praticiens, mériterait
des études complémentaires.
Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), qui ont un meilleur rapport
bénéfice/risque que l’héparine standard, après avoir soulevé de grands espoirs
dans cette indication, ont montré, dans une méta-analyse, des résultats peu
différents de ceux obtenus dans IST avec l’héparine standard, notamment en
ce qui concerne leur tolérance hémorragique. Il en est de même des hépari-
noïdes (étude TOAST).
Il n’en reste pas moins que l’administration de faibles doses d’héparine non
fractionnée (HNF) (5 000 à 7 500 UI 2 fois/j) ou d’HBPM à dose prophylac-
tique est fortement recommandée chez les patients immobilisés, ayant un AVC
(hémiplégie par exemple), pour la prévention de la maladie thromboembo-
lique veineuse, en respectant strictement les précautions d’emploi et les
contre-indications de ces produits.

La thrombolyse
Citons pour mémoire la streptokinase (SK) qui n’a jamais pu faire la preuve
d’un rapport efficacité/tolérance satisfaisant.
En ce qui concerne le t-PA obtenu par génie génétique (t-PA recombinant :
rt-PA), seule l’étude NINDS (National Institute of Neurological Disorders and
Stroke) parue en 1995 et dans laquelle le rt-PA (Actilyse) était utilisé par voie
IV (0,9 mg/kg, maximum 90 mg avec 10 % de la dose totale administrée en
bolus, suivie d’une perfusion de 60 min), a montré des résultats positifs
conduisant à l’enregistrement du produit dans cette indication pour les
patients pour lesquels le traitement pouvait être mis en œuvre moins de 3 h
après le début des symptômes. Bien que l’étude NINDS ait montré des résul-
tats cliniques clairement positifs en faveur du rt-PA, notamment une
différence statistiquement significative sur les différents scores neurologiques
à 3 mois (odds ratio [OR] : 1,7, IC 95 % 1,2 à 2,6, p = 0,008), une augmenta-
tion elle aussi significative des hémorragies intracérébrales a également été
observée (de 0,6 % à 6 %, p < 0,001) mais pas de réduction de la mortalité.
Toutefois, si on associe les critères décès et dépendance, on observe un gain
significatif pour le rt-PA s’il est administré avant 3 h (OR : 0,55, IC 95 % 0,42
à 0,73) et même avant 6 h (OR : 0,79, IC 95 % 0,68 à 0,92). D’autres analyses
post-hoc ont également montré que dans la fenêtre des 3 h les images
d’ischémie observées à l’imagerie ne représentaient pas un facteur prédictif
indépendant d’un risque accru d’hémorragie intracrânienne symptomatique ou
d’autre effet indésirable du traitement. Ce délai des 3 h peut être prolongé à 4,
5 h.
456 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières

Pour autant la thrombolyse par voie IV n’est pas la solution ubiquitaire au trai-
tement de l’AVC ischémique. En effet, seuls 5 % environ des patients ayant
cette pathologie peuvent bénéficier, à ce jour, de ce traitement dans les délais
requis. L’évaluation réelle du risque hémorragique reste très délicate, mais
l’utilisation de ce produit dans des conditions de mieux en mieux définies
représente un premier pas extrêmement prometteur. Les progrès extraordinaires
de l’imagerie médicale dans ce domaine peuvent apporter des éléments de
prédiction du risque hémorragique.

Les antiplaquettaires
Les recommandations les plus récentes préconisent donc l’utilisation des anti-
agrégants plaquettaires plutôt que celle des AVK afin de réduire le risque de
récidive de stroke ou d’autre accident ischémique cardiovasculaire : l’aspirine
à la dose de 50 à 325 mg/j, l’association aspirine et dipyridamole à libération
prolongée ainsi que le clopidogrel en traitement de première intention. Le
choix d’un traitement antiagrégant plaquettaire devra être fait de façon indivi-
dualisée en tenant compte des caractéristiques cliniques du patient, de son
profil de risque et de la tolérance du produit.
L’ajout de l’aspirine au clopidogrel augmente le risque hémorragique et n’est
pas recommandé en routine dans cette indication.
Le clopidogrel est une bonne alternative pour les patients allergiques à l’aspi-
rine. Pour les patients qui ont eu un AVC ischémique alors qu’ils étaient déjà
sous aspirine, il n’est pas prouvé que l’augmentation de la dose d’aspirine soit
bénéfique, et aucune association d’antiagrégants n’a été étudiée dans cette
indication.

Les traitements étiologiques


Ils incluent évidemment le traitement d’une cardiopathie emboligène par
réduction d’une arythmie après anticoagulation efficace, ou la correction
d’une valvulopathie avec également l’anticoagulation adaptée. Cela inclut
également le traitement d’une sténose artérielle, par endartériectomie de la
carotide interne par exemple, si le degré de sténose est supérieur à 70 %, inter-
vention réalisée à distance suffisante de l’AVC. Il faudra enfin considérer
d’éventuels troubles de la coagulation, un traitement anticoagulant mal
conduit ou des anomalies de l’hémostase (thrombophilie par exemple).
Il sera nécessaire de rechercher et de traiter les facteurs d’aggravation de
l’accident : une hyperglycémie, une hyperthermie, l’hypoxie ou l’hyper-
capnie, l’HTA voire l’hypotension. Le traitement symptomatique des troubles
de la conscience, le nursing, la kinésithérapie précoce et la prévention des
risques thromboemboliques seront mis en œuvre dès que possible.

Les autres traitements


Plusieurs autres traitements de l’AVC ischémique sont actuellement
disponibles.
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 457

L’Ancrod, produit qui diminue le taux de fibrinogène sous l’action d’une


protéase, a donné des résultats intéressants encore une fois à condition que son
utilisation soit précoce, mais il nécessite une surveillance du fibrinogène.
La neurologie interventionnelle et la neuroradiologie permettent le plus souvent,
à l’aide de techniques élaborées en cardiologie, des approches beaucoup plus
ciblées de la maladie. Nous citerons la thrombolyse intra-artérielle à l’aide de
l’angiographie cérébrale, et préférentiellement sur certains vaisseaux, a montré
une action intéressante de la pro-urokinase (études PROACT). De même,
l’étude CAVATAS a montré l’intérêt prometteur de l’angioplastie transluminale
percutanée et du stent intravasculaire, également dans des conditions très bien
définies. Il faut encore citer, de façon non exhaustive, toute la neurochirurgie
avec la chirurgie de compression, les techniques de revascularisation par
exemple.

La stratégie antithrombotique du traitement aigu de l’AVC ischémique


peut s’avérer très différente selon que l’on dispose ou non du rt-PA. Dans
les pays où celui-ci est disponible et à condition que d’une part le patient
puisse être traité moins de 3 h ou de 4, 5 h après le début des symptômes
et que d’autre part les diverses précautions d’emploi soient strictement
respectées, son usage peut être recommandé. En ce qui concerne les anti-
agrégants plaquettaires, comme l’aspirine (100 à 325 mg/j) ou le
clopidogrel, ils doivent être utilisés en association avec les HBPM à dose
prophylactique de la maladie thromboembolique veineuse, s’il existe une
hémiplégie ou si la mobilité est réduite.

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1 INDEX

A Analgésie péridurale, 416


Abciximab, 307 Anastrozole, 432
Accident ANCA, 399
— cardiovasculaire, 165 Ancrod, 457
— hémorragique, 33, 39 Anémie
— insolite, 193 — hémolytique mécanique, 402
— ischémique transitoire, 298, 448 — mégaloblastique, 75
— obstétrical, 194 Anesthésie, 374
— vasculaire cérébral, 357, 447 — loco-régionale, 183
Accouchement, 49, 258, 417 Angiographie
ACCP, 451 — isotopique, 235
Acénacoumarol, 315 — pulmonaire, 221, 236
Acide tranexamique, 378 Angioplastie endoluminale, 301
ACL, 390 Angioscanner, 220, 222
Activateur tissulaire du plasminogène, 11 Angio-scannographie spiralée, 385
Activité Angiox, 346
— anti-Xa, 333, 342 Angor, 298
— du cofacteur de la ristocétine du VWF, Anomalie
42 — combinée, 194
ADAMTS, 77 — du FV plaquettaire (thrombopathie
Adhésion plaquettaire, 36, 40, 51, 108, Québec), 38
127, 128, 137 Antagoniste GPIIb/IIIa, 451
ADP, 37 Antécédent
Affection — d’accident thrombo-embolique
— auto-immune, 111 veineux, 184
— neurologique, 185 — de thrombose, 160
Afibrinogénémie, 67 — de TV, 158
Âge, 160 Antiagrégant, 300, 374, 451
— élevé, 185 Anti-b2GPI, 406, 407
Agranulocytose, 312 Anticoagulant, 374
Agrégation — circulant (ACC) anti-prothrombinase,
— du plasma riche en plaquettes, 42 390
— plaquettaire, 40, 310 — oral, 452
AINS, 17, 375 Anticorps
Alcoolisme aigu, 75 — anticardiolipine, 74, 390, 404
Alitement, 364 — anti-F4P/héparine, 367
Altération de la paroi vasculaire, 27 — anti-hirudine, 370
Amégacaryocytose, 79 — antiphosphatyléthanolamine, 407
— congénitale, 78 — antiprothrombine, 407
Amylose, 34 — b2GPI, 390
462 Index

— inhibiteur anti-FVIII, 58 Auto AC antifacteur, 85


Anti-fibrinolytique, 130, 131 Auto-anticorps, 109, 404
Anti-FVIII, 112 — anti-plaquettes, 84
Anti-GPIIb/IIIa, 375 Auto-immun, 101
Anti-IIa, 33, 326 AVC, 448, 450, 452, 454
Anti-IXa, 326 Avitaminose, 104
Antiphospholipide, 323 — K, 60, 102
Antiplaquettaire, 374 AVK, 104, 183, 191, 238, 261, 300, 328,
Anti-prékallicréine, 33 358, 376, 416, 452
Anti-PS, 110 Avortement spontané récidivant, 68
Antithrombine, 11, 33
Antithrombotique, 385 B
Anti-VIII, 33 Ballonnet gonflable, 301
Anti-Xa, 342 Bemiparine, 328
— direct, 342, 344 Bernard-Soulier, 37
— indirect, 342 Bilan
Anti-XI, 33 — biologique, 373
Aphtose, 394, 395 — systématique, 374
Aprotinine, 131, 378 Bivalirudine, 346, 349
Argatroban, 19, 347, 349, 371 Brûlure, 185
Arimidex, 432
Arixtra, 342 C
Aromatase, 432 Caillot, 21, 37, 220
Arrêt du traitement AVK, 322 Calciparine, 327
Artère périphérique, 284 Cancer, 94, 112, 160, 201
Artériopathie, 292, 298 — évolutif, 184
Artérite inflammatoire, 284 — occulte, 202, 203
Artéritique, 298 — pulmonaire à petites cellules, 208
Arthropathie, 62 Cardiolipine, 407
Aspect psycho-social, 197 Cardiopathie, 185
Aspirine, 17, 75, 90, 96, 97, 98, 99, 100, Carence
115, 128, 129, 210, 211, 229, 230, 300, — martiale, 93
303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, — vitaminique, 93
311, 315, 316, 323, 337, 340, 343, 346, Cathéter
347, 358, 359, 369, 373, 375, 376, 393, — central, 208, 209
397, 450, 451, 452, 454, 455, 457 — veineux, 158
Aspirin-like-syndrome, 37 — — central, 184
Association Cathétérisme
— corticoïde-cyclophosphamide, 116 — cardiaque, 235
— de plusieurs déficits, 194 — — droit, 234
AT, 11, 20, 191, 325 — veineux, 241
Athérosclérose, 165, 199, 284, 287, 288, CD14, 171
297, 300, 303, 305, 354 CD154, 171
Athérothrombose, 166 CD154 (CD40L), 171
Atteinte plaquettaire, 27, 108 CD40, 171
Augmentation des taux de FVIII, 193 CD62, 169
Index 463

CGR — hémorragique, 33
— déleucocyté, 139 Compression
— — congelé, 141 — extrinsèque, 157
— — phénotypé, 140 — graduée, 180
— déplasmatisé, 141 — mécanique intermittente, 180
Chimiothérapie, 158 Concentré
Chirurgie — d’AT, 149, 418
— et traumatisme, 161 — de globules rouges (CGR), 139
— oncologique, 205 — de PC, 125
Chorée, 393 — de plaquettes, 141
Churg et Strauss, 400 — — d’aphérèse (CPA) déleucocyté, 142
Circonstance — — déleucocyté, 141
— favorisante, 194 — — standard (CPS) déleucocyté, 142
— du diagnostic, 14 — de VWF, 39
Circulation Conduite pratique, 226
— collatérale, 289 Contraception orale
— extracorporelle, 101 — estroprogestative, 184
Cirrhose, 34 — — et traitements hormonaux, 161
CIVD, 19, 34, 74, 77, 105, 117, 201, 402 Contre-indication, 228
Claforan, 90
— des AVK, 316
Classification
Corticothérapie, 88
— de Cockett, 278
Coumadine, 321
— de Leriche et Fontaine, 297
Cox, 99, 100, 156
— des facteurs de risque, 179
Coxib, 311
Claudication intermittente, 302
CPA, 221
Clivarine, 186
— congelé, 143
Clopidogrel, 17, 37, 300, 303, 304, 451
CPCPE, 235
Clottagen, 68
Cyclo-oxygénase, 37
Coaguchek, 378
Coagulation, 18 Cystathionine-β-synthase, 198, 199, 200
Cockcroft, 331 Cytokine, 118
Cœur D
— pulmonaire aigu, 220
— — chronique post-embolique, 232 Dabigatran, 349
Cofacteur II, 345 Dalteparine, 186
— de l’héparine, 325 Danaparoïde, 227, 327, 369
Collagène, 37 — sodique (Orgaran), 370, 418
Colle biologique, 150 Danatrol, 87
Complexe dDAVP, 47, 49, 58, 109, 127, 375
— FT-VIIa, 8 D-Di, 11, 20, 21, 124, 173, 218
— leuco-plaquettaire, 170 D-Dimères, 11
— prothrombique activé, 114, 148 Decision Matrix, 164
— soluble, 20, 123 Défibrination, 33
— thrombine-antithrombine (TAT), 173 Déficit
Complication — acquis, 32
— de l’infarctus, 355 — — en AT, PC et PS, 191
464 Index

— combiné constitutionnel en facteurs Dysfibrinogénémie, 32, 67, 105


vitamine K dépendant, 64 Dyslipidémie, 299
— — en FV et FVIII, 64 Dysmégacaryopoïèse, 99
— constitutionnel, 32 Dyspnée, 214
— — en inhibiteurs physiologiques de la Dystrophie thrombocytaire
fibrinolyse, 34 hémorragipare de Bernard-Soulier, 36
— en α2-AP, 34
— en antithrombine, 190 E
— en AT, 189 Ecchymose, 15, 27, 62
— en fibrinogène, 67 ECG, 298
— en FII, 62 Échocardiographie, 220
— en FV, 63 Écho-Doppler, 218, 384
— en FVII, 60 Échographie
— en FX, 61 — cardiaque, 221
— en FXI, 65 — Doppler, 260
— en FXII (trait Hageman), 69 Effraction de la plaque, 165
— en FXIII, 68 Électrocardiogramme, 217
— en kininogène de haut poids ELISA, 218, 367
moléculaire, 69
Embolie
— en PAI1, 34
— amniotique, 34
— en PC, 189
— pulmonaire, 153
— en prékallicréine, 69
— — massive, 221
— en protéase, 76
— — non massive, 222
— en protéine C (PC), 190
Endothéline, 167, 285
— en protéine S (PS), 191
Endothélium, 167
— en PS, 189
— vasculaire, 285
— hétérozygote, 194
— homozygote, 191, 192 Endoxan, 89
— moteur de(s) membre(s) inférieur(s), Enfant, 374
184 Énoxaparine, 186, 343
— partiel ou complet, 43 Envenimation, 118
Déshydratation, 157 EP, 153, 385, 414
— grave, 184 Ephesus, 343
Desirudine, 346 Épistaxis, 34, 62, 68
Desmopressine, 39, 47, 114, 127 Eptifibatide, 307
Dexaméthasone, 163 Épuisement plaquettaire, 101
Diabète, 288, 300 ERGIC, 65
Diagnostic, 213, 415 Érysipèle, 163
— biologique, 195 Érythème noueux, 395
— d’une TVP, 213 Érythromélalgie, 96, 210
— différentiel, 195 Érythropoïétine, ???
Dipyridamole, 304, 451 E-sélectine, 167
Douleur Estimation du risque, 179
— de décubitus, 294 Étapes du diagnostic biologique, 16
— ischémique, 294 État prothrombotique, 369
DX-9065a, 342, 344 Étiologie, 189
Index 465

Étude Flip-flop membranaire, 39


— PRINCE, 185 Flurbiprofène, 308, 375
— SIRIUS, 160 Flush, 366
Examen clinique, 15, 374 Folate, 200
Exploration Fondaparinux, 187, 227, 325, 342, 349,
— biologique, 41 371
— d’un syndrome de défibrination, 20 Footpump, 180
Exposant au risque, 177
Formule de Cockcroft, 385
Express, 347
Fragment 1 + 2 de la prothrombine, 173
F Fragmine, 186, 331, 333
F4P, 168, 325 Fraxiparine, 186, 331, 333
Facteur Fraxodi, 331
— aggravant, 184 FT, 118, 435
— de la coagulation, 102, 146 FV, 21, 32
— de risque, 153, 177, 188, 361, 384, FVII, 32, 60, 61, 148
414, 424 FVII activé, 148
— extrinsèque, 177 FVIII, 18, 21, 32, 42, 48, 49, 110, 112,
— II, 18 193
— intrinsèque, 177 — anti-hémophilique A, 146
— V, 18 — humain, 113
— V Leiden, 192 — immunopurifié, 146
— VII, 18 — porcin, 113
— von Willebrand, 3
— très haute pureté, 146
— X, 18
FVII-LFB, 60
Fausse
— couche, 194, 392 FVL, 189, 192, 193, 194
— thrombopénie, 72 FX, 19, 32
Fibrillation auriculaire, 357, 358 FXI, 18, 21, 149
Fibrine, 21 FXII, 18, 21
— soluble, 122 FXIII, 149
Fibrinogène, 11, 18, 19, 68, 147, 173
— II, 20 G
— V, 20 Gangrène, 294, 295
— VIII, 20 Gaz du sang, 218
Fibrinogénolyse, 124 GB, 285
Fibrinolyse, 11, 20 Général, 374
Fibrinopeptide A (FPA), 173
Gestation, 258
Fibrogammin, 69
Glanzmann, 37
FII, 32
FII G20210A, 192, 193 GPIb, 38
FII20210A, 189 GPIb-IX-V, 36
FIX, 18, 21 GPIIb/IIIa, 307
FIX GPIIb-IIIa, 36
— plasmatique, 147 Grade de recommandation, 182
— recombinant, 147 Grossesse, 49, 162, 184, 194, 258
466 Index

H HLA B51, 394


HBPM, 19, 28, 108, 183, 224, 260, 327, HNF, 18, 19, 108, 225, 327, 416
328, 333, 349, 377, 416, 455 Homocystinurie, 198, 200
HELLP syndrome, 76, 105 Homozygote, 194
Hémangiome, 120, 441 Horton, 399
Hémarthrose, 15, 34, 41, 61, 63 HPA1, 439
Hématome, 15, 33, 61, 63 HTAP, 221, 232, 233, 234
— intramusculaire, 54 Hypercoagulabilité, 171, 206
— musculaire, 62, 68 — héréditaire, 158
— profond, 41 — par anomalie de l’hémostase, 184
— rétroplacentaire, 34 Hypercoagulation, 21, 201, 204
— sous-cutané, 54 Hypercytose, 157
Hématurie, 15, 61, 68 Hyperfibrinolyse, 16, 20, 33
Hémoglobinurie paroxystique nocturne, — acquise, 34
210, 211 Hyperhomocystéinémie, 193, 198, 199,
Hémogramme, 16 288
Hemoleven, 66 Hyperplaquettose
Hémopathie, 99, 161 — primitive, 94
— lymphoïde, 75 — réactionnelle, 93
— — maligne, 90 Hypersplénisme, 74
Hémophilie, 16, 21, 32, 59 Hyperstimulation ovarienne, 184
— A, 32, 45, 52, 128 Hypertension artérielle, 299
— acquise, 110, 111 Hypofibrinogénémie, 19, 32, 67
— B, 32, 52 Hypovitaminose K, 60
Hémoptysie, 214
Hémorragie, 16, 32, 34, 62, 65, 318, 370 I
— digestive, 68
ICAM-1, 167
— du post-partum, 62, 66
IDM, 298, 354
— du système nerveux central, 66
Idraparinux, 344
Hémostase, 17
IgG, 112
— primaire, 15, 41
IL-8, 366
Hémostatique, 137
Hémothorax, 66 Ilomédine, 301, 371
Héparine, 300, 365 Iloprost, 301, 371
— Choay, 327 Immobilisation, 156, 184
— de bas poids moléculaire, 224, 325, — prolongée, 160
387 Imurel, 89
— non fractionnée, 224, 325, 337, 388 Incidence, 188, 213, 414
— standard, 377 Index
Héparinémie, 224 — de Miller, 221
Héparinothérapie, 369 — de pression systolique de cheville,
Hépatopathie chronique, 102 297
Heptest, 342, 344 Indice de Rosner, 406
Hirudine, 346, 349, 370 Infarctus, 355
— recombinante (Lépirudine ou Infection, 288
Refludan), 370 Inflammation, 93, 288
Index 467

Inhibiteur, 11, 19, 110 LDL, 285


— acquis, 33 LED, 75, 111, 163
— de la glycoprotéine IIbIIIa, 337 Lépirudine, 327, 346, 369
— physiologique de la coagulation, 10 Lésion
— spécifique de l’anti-thrombine, 345 — endothéliale, 157
— spécifique du FIX activé, 342 — initiale, 284
Injection de FVIII, 58 Leucémie, 34
Innohep, 186, 331, 333 — myéloïde chronique, 28, 96
INR, 225, 317, 376 Leucocytose, 288
Insuffisance Lipoprotéine, 10, 285, 288, 444
— cardiaque décompensée, 184 — plasmatique, 287
— médullaire, 75 Livédo, 393
— rénale, 108 LLC, 91
— — chronique, 101 Loco-régionale, 374
— respiratoire grave, 184 Lovenox, 186, 331, 333
— veineuse, 184 Lupus, 74, 76
— — chronique, 276 — anticoagulant, 404
— ventriculaire, 356 — érythémateux, 101
Intérêt des marqueurs, 174 — érythémateux disséminé, 33
Interférence Lymphome, 91, 94, 110, 112, 161, 202,
— alimentaire, 316 203, 241, 242, 268
— médicamenteuse, 315
Interrogatoire, 15, 373 M
Interruption de la veine cave inférieure, MAC-1, 170
230 Macrothrombopénie chronique
Irréversible, 308 héréditaire isolée, 80
Ischémie, 297 Maladie
— artérielle, 291 — de Behçet, 163, 212, 394
— intermittente, 291 — de l’hémostase liée à une atteinte
— prolongée, 292 hépatique, 104
— -reperfusion, 292 — — — rénale, 107
IVC, 279 — de Rendu-Osler, 14
IVCI, 238 — de Willebrand, 28, 59, 129
— — acquise, 110
K
— — de type 1, 43
Kasabach-Merritt, 120 — — de type 2, 44
Kaskadil, 61, 63 — — de type 3, 45
Kawasaki, 399 — — type 2B/pseudo maladie de
KHPM, 21, 32, 69 Willebrand, 80
Kininogène de haut poids moléculaire, — du pool vide, 38
18 — hémorragique, 14, 15
— — du nouveau-né, 103
L — post-thrombotique, 276
LA, 406 — thrombo-embolique veineuse, 177,
L-Asparaginase, 191 384
LATEX, 218 Marchifava-Micheli, 211
468 Index

Masse pulsatile et expansive, 296 New York Heart Association, 185


May Hegglin, 74 Normocytaire, 78
May-Grünwald-Giemsa, 73 Nouveau-né, 29, 32, 91, 103, 134, 191,
Mécanismes et facteurs de risque des 434, 437, 438, 439, 441, 442, 444, 446
thromboses veineuses, 153 Novastan, 371
Medenox, 360, 361, 362 Novoseven, 61, 113, 135, 136
Médiastin, 241
Médicament O
— dérivé du plasma humain, 57 Obésité, 157, 184
— inhibiteur, 316 Octaplex, 149
— potentialiseur, 315 Œstrogénothérapie de la ménopause, 184
Mélagatran, 19, 347 Oracilline, 90
Membre Orgaran, 327, 369
— inférieur, 155 Oxydation des LDL, 285
— supérieur, 155
Ménorragie, 15, 62 P
Métalloprotéinase, 286
PAF (Platelet Activating Peptide), 167
Méthionine, 198
PAI1, 21, 159
Méthode
PAN, 399
— d’Ivy, 17
Pathologie
— de Duke, 17
— constitutionnelle ou acquise, 374
— Delphi, 180
— de l’hémostase primaire, 26
— prophylactique en médecine, 183
— de la coagulation, 28
Methro, 347
— III, 348 — de la fibrinolyse, 33
Microangiopathie thrombotique MAT, — infectieuse grave, 184
73, 392 — inflammatoire, 184
Modification Patient âgé, 384
— de l’hémostase, 425 PC, 102, 158, 191, 366
— de la coagulation, 430 PDF, 124
Monocyte-macrophage, 286 Pemphigoïde bulleuse, 111
MPT, 279 Pentamaks, 343
MTEV, 384 Pentasaccharide, 325, 371
MTHFR, 200 Pentathlon, 343
Mutation Penthifra, 343
— du FV, 199 Perfusion d’AT, 196
— du gène de la prothrombine, 192 Perte fœtale, 210
— G20210A, 159 Pétéchie, 15, 27
Myélodysplasie, 97 PFA-100, 17, 36, 37, 42, 311
Myélogramme, 16 PFC, 64
PGI2, 238
N Phénotype, 40
Nadroparine, 186, 331 Phlaegmatia caerulea, 366
NAP-2, 366 Phlébographie radiologique, 260
Nécrose cutanée, 191 Phlegmatia caerulea dolens, 213
Nematode anticoagulant peptide c2, 341 Phospholipide, 407
Index 469

Physiologie Pression artérielle pulmonaire moyenne,


— de l’hémostase, 3 232
— de la coagulation, 6 Prévalence, 215
— de la fibrinolyse, 11 Probabilité clinique, 213
Physiopathologie, 3 Produit
Pied — de dégradation de la fibrine, 11
— artériel, 295 — recombinant, 57
— infectieux, 296 — sanguin labile, 138
— neuropathique, 295 — — labile CMV négatif, 143
Piroxicam, 343 — — stable, 138
PIVKA, 102 Progestative, 428
PIVKAA, 32 Prophylaxie, 177, 194, 205, 206, 360
Plaque Protéine C, 150
— athéromateuse, 284 Protéine S, 102
— vulnérable, 290 Prothèse valvulaire, 356
Plaquette, 16, 17, 26, 28, 36, 37, 72, 86, Pro-urokinase, 11
101, 168 PS, 158, 191, 192, 366
— réticulée, 169 Pseudo-corps de Döhle, 74
Plasma Pseudo-folliculite, 395
— frais congelé, 61, 65, 125 Pseudo-maladie de Willebrand ou
— sécurisé par quarantaine, 144 Willebrand plaquettaire, 45, 80
— solidarisé, 145 Pseudo-thrombopénie, 73, 366
— thérapeutique, 143 PSGL-1 (P-Selectin Glycoprotein
— viro-atténué par traitement solvant- Ligand-1), 170
détergent, 144 Purpura, 15, 27
Plasminogène, 11, 20, 21, 34 — fulminans, 27
Pléthysmographie d’impédance, 219 — rhumatoïde, 400
Plurigénicité, 196 — thrombocytopénique idiopathique, 84
Polyangéite microscopique, 400 — thrombopénique auto-immun, 75
Polyarthrite rhumatoïde, 111 — thrombotique thrombopénique, 312
Polyglobulie, 21, 184 — — thrombocytopénique, 108, 401
— de Vaquez, 28, 95, 210
Q
Polytraumatisme, 161
Pontage, 302 Quantification du risque, 177
Post-IDM récent, 184
Post-partum, 162, 184, 194, 258, 414, R
417 Radiographie du thorax, 217
Post-splénectomie, 93 Raloxifène, 430
Pouls périphérique, 296 Réaction croisée, 370
PPSB, 149, 377 Réanimation, 363
Prasugrel, 304 — médicale, 362
Prédisposant au risque, 177 Récidive, 196, 207
Pré-éclampsie, 105, 191, 194, 309, 402 Recommandation, 196
Prékallicréine, 18, 21, 32 Refludan, 327, 369
Prématurité, 392 Refudan, 346
470 Index

Relais Sélectine, 169, 288


— héparine-AVK, 320 Sensibilité individuelle, 315
— par les AVK, 388 Sepsis, 60
Remodelage, 289 SF-303, 344
Réocclusion, 339 SHU, 76
Représentation Signe hémorragique, 60, 63
— classique, 7 Sinus veineux, 155
— moderne, 8 Site privilégié, 155
Réseau superficiel, 155 Situation à risque, 184
Résistance à la protéine C activée, 192 SK, 455
Réviparine, 186 SK-549, 344
rFVIIa, 114 Soins intensifs, 362, 363
Risque Sonde, 158
— élevé, 178 — de Doppler, 297
— faible, 178 Souffle vasculaire, 296
— hémorragique, 17, 46, 68, 101 Splénectomie, 88
— iatrogène, 323 Splénomégalie myéloïde, 28, 95
— lié à la chirurgie, 380 Stase sanguine, 156
— lié au patient, 380 Sténose, 354
— modéré, 178 — artérielle, 291
— thrombo-embolique, 323 Stent, 375
— thrombotique, 173 Stratégie
— très élevé, 178 — diagnostique, 221
— veineux, 430 — thérapeutique et prophylactique, 196
Rituximab, 89 Stratification
rt-PA, 336, 455 — du risque, 175
Rupture de la plaque, 290 — du risque thrombotique, 163
Suivi biologique, 321
S Sujet
Sac valvulaire, 155 — âgé, 383
Saignement, 34, 60 — hémiplégique, 157
— cutanéo-muqueux, 68 Sulfate de protamine, 378
— gastro-intestinal, 61 Surdosage en AVK, 135
SanOrg 34 006, 344 Surveillance, 418
SAPL, 74, 76 sVCAM-1, 167
sCD40L, 171 Symptomatologie clinique, 366
Scintigraphie Syndrome
— de ventilation, 385 — 5q-, 97
— pulmonaire, 219, 222, 235, 236 — catastrophique des
Sclérothérapie, 158 antiphospholipides, 393
Score, 164, 364 — d’Evans, 75
— clinique, 216 — d’Hermansky-Pudlack, 38
— de CIVD, 123 — d’Upshaw-Schulman, 77
— de probabilité, 213 — d’hyperviscosité sanguine, 184
— de TVP, 216, 217 — de Bernard-Soulier, 79
Scramblase, 39 — de Chediack-Higashi, 38
Index 471

— de Cockett, 157 — plaquettaire, 4


— de défibrination, 16, 35 — vasculaire, 3
— de Gougerot-Sjögren, 111 Ténectéplase, 336
— de Lemierre, 163 Test
— de May-Hegglin, 81 — Bethesda, 112
— de Moschowitz, 76 — fonctionnel, 367
— de Scott, 38 — immunologique, 367
— de Willebrand acquis, 46 — pathergique, 395
— de Wiscott-Aldrich, 38 TFPI, 10, 190, 325, 341, 342
— de Wiskott-Aldrich, 77 Thalidomide, 163, 179
— des antiphospholipides, 32, 90, 162, THRIFT, 180
390 Thrombasthénie de Glanzmann, 36
— des plaquettes grises, 38, 81 Thrombin Activatable Fibrinolysis
— des plaquettes Montréal, 81 Inhibitor, 13
— des plaquettes Québec, 79 Thrombine, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 13, 16, 19,
— du défilé thoraco-brachial, 241 20, 21, 33, 36, 37, 38, 67, 80, 81, 82, 118,
— hémolytique et urémique, 401 119, 136, 137, 147, 149, 150, 156, 158,
— hémolytique, 108 166, 167, 171, 172, 173, 174, 190, 192,
— — et urémique, 73 224, 227, 303, 326, 335, 339, 342, 344,
— hémorragique, 65, 68 345, 346, 347, 437, 438, 439, 440, 442,
— lympho-prolifératif, 33, 112 444, 453
— myéloprolifératif, 28, 94, 210 Thrombo-agglutination, 366
— MYH9, 81 Thrombocytémie, 28, 92, 94
— néphrotique, 163, 184 — essentielle, 94
— oto-oculo-radial, 79 — primitive, 28
Système fibrinolytique, 11, 21 Thrombocytopénie
— auto-immune, 90
T — périphérique idiopathique, 84, 86
Tabagisme, 288, 299 Thrombocytose, 28, 92, 93
TAFI, 13, 21, 190, 342 — durable, 93
Takayasu, 399 — et thrombocytémie, 28
TAR syndrome, 78 — réactionnelle, 28
TCA, 18, 20, 21, 42, 60, 61, 63, 65, 66, — transitoire, 93
68, 112, 224, 339, 342, 344, 370 Thrombo-élastogramme, 378
Technique agrégométrique, 367 Thrombo-élastographie, 22
Télangiectasie, 15 Thromboendarteriectomie pulmonaire,
Temps 238
— de céphaline avec activateur, 16 Thrombolyse, 335
— d’occlusion, 17, 438 Thrombolytique, 301, 339
— de céphaline avec activateur, 18 Thrombomoduline, 10
— de lyse des euglobulines, 124 Thrombopathie, 17, 20, 38, 129
— de lyse du caillot de sang total ou — acquise, 98
d’euglobulines, 20 — associée à une pathologie organique,
— de Quick, 16, 17 99
— de saignement, 16, 309 — immune, 101
— de thrombine, 19 — médicamenteuse, 99
472 Index

Thrombopénie, 17, 20, 27, 72, 73, 74, 93, — de type II, 327, 366
312, 331, 365, 366, 393, 402 Tinzaparine, 186, 331
— acquise, 72 Tirofiban, 307, 371
— centrale par insuffisance de Tissue Factor Pathway Inhibitor, 10
production, 75 TM, 10
— d’origine centrale, 27 TNFa, 170
— immune, 75 TO, 36, 37, 49
— immunoallergique, 225 Tomodensitométrie hélicoïdale, 220, 221
— induite par l’héparine, 365 Toxicomane, 158
— — de type I, 365 Toxique, 75
— — de type II, 365 TP, 342, 344
— infectieuse, 75 t-PA, 11, 13, 21, 435, 455
— liée au chromosome X, 77 TQ, 20, 60, 61, 63, 65, 66, 68, 317
— médicamenteuse, 75 Traitement
— par trouble de répartition, 77 — ambulatoire, 223
— périphérique, 27 — anticoagulant, 60
Thrombophilie, 190, 198, 203, 418 — — oral, 376
— acquise, 159 — anti-hémorragique, 115
— constitutionnelle, 188, 189 — antiplaquettaire, 375
— familiale, 193, 195 — antithrombotique, 223
— héréditaire, 197, 425 — AVK, 320
Thrombophlébite — curatif, 369, 415, 417
— pelvienne du post-partum, 259 — immunosuppresseur, 114, 115, 116
— pelvienne suppurée, 259 — préventif, 57, 261, 367, 419
Thrombopnie post-transfusionnelle, 76 — substitutif, 48
Thrombose, 96, 200, 284, 353, 356 — utilisé pour la prévention des
— artérielle, 193 thromboses, 97
— cérébrale, 193, 262, 427 Transfusion de plaquettes, 312
— de la veine ovarienne, 259 Traumatisme, 41
— des membres supérieurs, 155 — opératoire, 157
— des veines superficielles, 271 Trouble
— secondaire, 204 — du métabolisme de la vitamine K, 32
— veineuse, 96, 149, 153, 155, 187, 188, — trophique, 295
202, 203, 208, 209, 213, 223, 240, 271, Trousseau, 201
414, 424, 426, 429 TS, 42, 49
— — iatrogène ou médicamenteuse, 163 TT, 19, 20, 68
— — pelvienne, 257 Tumeur maligne, 241
— — — gravidique, 258 TV, 155, 193
Thrombotique artérielle périphérique, — à répétition, 390
292 — artérielle, 390
Thromboxane, 304 — idiopathique, 203
Thromboxane A2, 4 — récidivante, 204
Tibolone, 431 — rétinienne, 193
Ticlid, 17 — superficielle, 193
Ticlopidine, 17, 37, 451 TVP, 276, 279, 379, 414
TIH, 163, 227, 331, 346, 366, 369, 370 — distale, 278
Index 473

— proximale, 279 VHC, 399


— symptomatique, 178 Vibice, 27
TVS Virale, 75
— saphène, 273, 274 Vitamine K, 102, 435
— segmentaire, 272 Voie
TX, 311 — extrinsèque, 7
TXA2, 168 — intrinsèque, 7
— non-orale, 430
U — orale, 430
UK, 11 Volume plaquettaire moyen (VPM), 168
Ulcération, 294 VWF, 3, 40, 42, 435
Ulcère artériel, 295 — RCo, 42, 48, 49
Urokinase, 11, 107, 435 VWF plasmatique, 167
Uvéite, 394, 395
W
V Warfarine, 343, 452
Valve cardiaque, 318, 357 Wegener, 399
Valvulopathie, 101 Wilfactin, 48
Varice, 157, 184 Willebrand, 17, 20, 21, 26, 33, 37, 38, 39
Vascularite, 397
Vasodilatateur, 238 X
VCAM-1, 167 Ximelagatran, 347, 453
Veine variqueuse, 272
Ventricule droit, 220 Y
VHB, 399 YM-60828, 344

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