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Coordinatrice de l’édition :
Françoise MAURIAT
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ELSEVIER MASSON S.A.S. – 62, rue Camille Desmoulins, 92442 Issy Les Moulineaux Cedex
LISTE
DES COLLABORATEURS
α2-AP : α2-antiplasmine
β2GPI : β2-glycoprotéine I
βTG : β-thromboglobuline
AAN : anticorps antinucléaire
ABO : groupes sanguins ABO
ACC : anticoagulant circulant
ACC/AHA : American College of Cardiology/American Heart
Association
ACCP : American College Chest Physicians
ACT : activated clotting time
ADAMTS : A disintegrin and metalloproteinase with
thrombospondin 1-like domains
ADN : acide désoxyribonucléique
ADNc ADN complémentaire
Afssaps : Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé
AIC : accident ischémique cérébral
AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien
ALAT : alanine aminotransférase
ALR : anesthésie locorégionale
AMM : autorisation de mise sur le marché
AMP : adénosine-5-monophosphate
AMPc : AMP cyclique
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de
santé
ANCA : anticorps dirigés contre le cytoplasme des
polynucléaires neutrophiles
ANS : antinucléaires solubles
anti-IIa : antithrombine
aPE : anticorps anti-phosphatidyléthanolamine
AP-HP : Assistance publique-Hôpitaux de Paris
APL : anticorps antiphospholipides
apo-A1 : apolipoprotéine A1
apo-B : apolipoprotéine B
apo-B100 : apolipoprotéine B100
apo-E : apolipoprotéine E
Arg306Gly : arginine 306 glycine
Arg306Thr : arginine 306 thréonine
VIII Abréviations
DMSO : diméthylsulfoxyde
DNA : desoxyribonucleic acid
DS : déviation standard
EBV : virus d’Epstein-Barr
ECG : électrocardiogramme
E. coli Escherichia coli
ECT* : extrait de cellules thymiques
EDTA : acide éthylène diamine tétra-acétique
EDV : écho-Doppler veineux
EFS : Établissement français du sang
Elisa : enzyme-linked immunoadsorbent assay
ENA : antigènes nucléaires solubles dans les solutions salines
isotoniques (extractible nuclear antigen)
eNO (synthase) : monoxyde d’azote synthase endothéliale
EP : embolie pulmonaire
ERGIC : endoplasmic reticulum-Golgi intermediate
compartment
ESTHER : estrogen and thromboembolism risk
F1 + 2 : fragments 1 + 2 de la prothrombine
F4P : facteur 4 plaquettaire
FA : fibrillation auriculaire
Fc (fragment) : fragment cristallisable
FDA : Food and Drug Administration
FEVD : fraction d’éjection du ventricule droit
FII : prothrombine, facteur II
FIIa : thrombine ou facteur II activé
FIX : facteur antihémophilique B, facteur IX
fl : femtolitre
FPA : fibrinopeptide A
FPB : fibrinopeptide B
FT : facteur tissulaire
FVL : facteur V Leiden
FVII : proconvertine, facteur VII
FVIII : facteur VIII ou facteur antihémophilique A
FX : facteur X ou facteur Stuart
FXa : facteur X activé
FXII : facteur XII, facteur Hageman
GB : globule blanc
GEHT : groupe d’étude sur l’hémostase et la thrombose
GIHP : groupe d’intérêt en hémostase périopératoire
GP : glycoprotéine
X Abréviations
r-PA : rétéplase
RPCA : résistance à la protéine C activée
R scav : récepteur éboueur (scavenger)
rt-PA : t-PA recombinant
S1Q3 : onde S en D1 et onde Q en D3 de
l’électrocardiogramme
SA : semaine d’aménorrhée
SAPL : syndrome des antiphospholipides
SBS : syndrome de Bernard et Soulier
SC : sous-cutanée
Scl : antigène nucléaire
SFAR : Société française d’anesthésie et de réanimation
SFH : Société française d’hématologie
SHU : syndrome hémolytique et urémique
s-ICAM-1 : ICAM-1 soluble
SK : streptokinase
SPORTIF : stroke prevention using an oral thrombin inhibitor in
atrial fibrillation
SRH : système réticulo-histiocytaire
SRLF : Société de réanimation de langue française
SSA : syndrome sec antigène A (sicca syndrome A)
SSB : syndrome sec antigène B (sicca syndrome B)
SSC : Scientific and Standardization Committee
ST (segment) : segment ST de l’électrocardiogramme
T (onde) : onde T de l’électrocardiogramme
TAFI : thrombin activatable fibrinolysis inhibitor
TAR (syndrome) : thrombopénie et absence de radius
TASC : Transatlantic Intersociety Consensus
TAT : thrombine-antithrombine
TC : thrombopénies constitutionnelles
TCA : temps de céphaline avec activateur
TCD : test de Coombs direct
TCK : temps de céphaline kaolin
TE : thrombocytémie essentielle
TFPI : tissue factor pathway inhibitor, inhibiteur de la voie du
facteur tissulaire
TGF-β1 : tumor growth factor
Th-1 : thymocyte 1
Thr : thymocyte régulateur
THRIFT : thromboembolic risk factors
TIH : thrombopénie induite par l’héparine
XIV Abréviations
INTRODUCTION
Le diagnostic des maladies hémorragiques ou thrombosantes implique la
connaissance, au moins sommaire, de la physiologie de l’hémostase et des
mécanismes de ses dérèglements. Il est à la fois fondé sur l’analyse clinique et
sur les explorations biologiques dont les performances ont considérablement
augmenté ces dernières années.
PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE
Ismail ELALAMY, François DEPASSE, Gregoris GEROTZIAFAS,
Meyer-Michel SAMAMA
Temps vasculaire
L’endothélium intact est non thrombogène. En cas de brèche vasculaire, une
vasoconstriction réflexe immédiate mais transitoire des petits vaisseaux lésés
favorise l’interaction plaquettes-endothélium vasculaire. Les plaquettes
4 Maladies hémorragiques
Effraction vasculaire
Vaisseau Facteurs
Plaquettes coagulation et
vWF inhibiteurs
physiologiques
Thrombine
Caillot fibrinoplaquettaire
Activateurs et
Fibrinolyse inhibiteurs
Oblitération de la Plasmine"
brèche vasculaire
Dissolution du caillot et
réparation du vaisseau
Temps plaquettaire
Le bon déroulement de cette étape requiert l’intégralité des différentes fonc-
tions plaquettaires (fig. 1.2).
Après la blessure vasculaire, les plaquettes viennent adhérer aux surfaces
sous-endothéliales avant de sécréter leur contenu granulaire et d’agréger.
L’adhésion est facilitée par la fixation du VWF plasmatique à la glycoprotéine
Ib présente sur la membrane plaquettaire.
L’agrégation des plaquettes fait intervenir l’interaction entre le fibrinogène et
le complexe glycoprotéique IIb/IIIa à la surface plaquettaire (α2β3 intégrine).
Simultanément, les plaquettes amplifient la génération de thrombine, en expo-
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 5
Plaquettes
Sous-endothélium VWF
Adhésion
Changement
de forme
Sécrétion Activité
Synthèse des PG
plaquettaire procoagulante
TXA2
ADP Thrombine
Agrégation
Clou plaquettaire
Taux
Concen-
Lieu de Demi-vie minimum Vitamine K
Facteur Synonyme tration
synthèse (heure) nécessaire à dépendant
(mg/l)
l’hémostase
I Fibrinogène Foie 2-4 ×103 120 0,5 à 1 g/l non
II Prothrombine Foie 100-150 80 40 % oui
V Proaccélérine Foie 5-10 24 10 à 15 % non
VII Proconvertine Foie 0,35-0,6 6 5 à 10 % oui
VIII F antihémophilique A Foie + SRH 0,1-0,2 12 30 à 50 % non
IX F antihémophilique B Foie 3-5 24 30 à 50 % oui
X Facteur Stuart Foie 7-17 48 10 à 20 % oui
XI Facteur Rosenthal Foie 3-6 60 environ 30 %* non
XII Facteur Hageman Foie 30-40 60 – non
XIII Facteur de stabilisation Foie 20-30 240 2à3% non
de la fibrine
* Valeur insuffisamment documentée.
SRH = système réticulo-histiocytaire.
6 Maladies hémorragiques
1 Blessure 2 Vasa-constriction
3 Accollement
des parois
4 Formation du clou
plaquettaire
5 Caillot
Physiologie de la coagulation
La coagulation doit être appréhendée de manière dynamique. Après son initia-
tion, elle s’amplifie. Mais elle doit rester localisée à la brèche vasculaire et ne
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 7
Représentation classique
Pendant longtemps, ont été distinguées dans la cascade de la coagulation :
– la voie extrinsèque explorée par le temps de Quick (TQ) ou temps de
prothrombine (TP);
– la voie intrinsèque, explorée par le temps de céphaline avec activateur
(TCA).
Le schéma classique de la coagulation repose sur le TQ et le TCA (voie extrin-
sèque ou du facteur tissulaire ou FT et voie intrinsèque ou du système
contact). Il conserve une place essentielle en biologie dans le diagnostic des
principales altérations de la coagulation (fig. 1.4).
L’activateur extrinsèque du facteur X (extrinsic Xase ou ténase) et l’activateur
intrinsèque du facteur X (FX, intrinsic Xase) activent le FX en FXa. Ils
conduisent à la formation de prothrombinase. Cette dernière est à l’origine de
la transformation de la prothrombine (FII) en thrombine (FIIa).
Tous ces phénomènes se produisent au contact des phospholipides à la surface
membranaire des plaquettes, ou contenus dans les réactifs thromboplastine et
céphaline utilisés pour la réalisation des temps de coagulation globaux, le TQ
et le TCA.
– FT – FXII
– FVII – FXI
– FIX
Prothrombinase – FVIII
Xa-Va-Phospholipides
Temps de Quick
Prothrombine
FII
Thrombine
FIIa
Fibrinogène
FI
Fibrine
FIa
Représentation moderne
Plus dynamique que la précédente, elle est aussi plus représentative des
phénomènes in vivo initiés par la mise à nu du FT (composant de la thrombo-
plastine). Il est présent dans le sous-endothélium mais il n’apparaît au niveau
de l’endothélium que lorsque celui-ci est anormal, lésé ou activé. Il peut
également être exprimé à la surface des macrophages ou des monocytes
activés, au niveau d’une plaque athéroscléreuse par exemple. Il a récemment
été démontré que des traces de FT soluble existent dans le sang circulant. Le
FT est également exprimé sur la membrane de cellules cancéreuses, à des
quantités variables selon le type histologique. Les microparticules d’origine
plaquettaire qui se produisent au cours de la formation des complexes leuco-
plaquettaires, constituent une autre source de FT.
Le FVII est le seul facteur de la coagulation présent à l’état de traces dans le
plasma, sous sa forme activée; sa demi-vie à l’état activé est plus longue que
celles des autres facteurs Va, VIIIa et FT. Cependant, le FVIIa isolément n’a
pas d’activité enzymatique. Celle-ci ne se manifeste qu’après la liaison du
FVIIa avec le FT et la formation du complexe FT-VIIa, qui est le détonateur
de la coagulation. Il active un petit nombre de molécules de FX en FXa. Ce
dernier initie rapidement l’activation d’un petit nombre de molécules de
prothrombine avec génération des premières traces de thrombine indispensa-
bles à la continuation et à l’amplification du processus de la coagulation.
L’activation des plaquettes, du facteur V (FV) en FVa et du FVIII (appelé aussi
facteur antihémophilique A) en FVIIIa est réalisée par ces premières traces de
thrombine.
Le complexe FT-VIIa active :
– le FX en FXa;
– le FIX en FIXa (fig 1.5).
La première réaction est prioritaire, mais la seconde n’est pas à négliger. En
effet, lorsque le FXa apparaît, il favorise lui-même la transformation du FIX
en FIXa.
Le phénomène de la coagulation évolue par des étapes caractérisées par la
formation des complexes enzymatiques.
La ténase intrinsèque (ou activateur de la voie intrinsèque) est formée en
présence des phospholipides plaquettaires, du FVIIIa, du FIXa et de calcium.
Le FIXa incorporé dans la ténase intrinsèque constitue l’activateur intrinsèque
du FX. Ce dernier amplifie l’activation du FX en FXA. Cette réaction permet la
poursuite de l’activation du FX. Elle explique le mécanisme des hémorragies :
– dans l’hémophilie A par déficit en FVIII;
– dans l’hémophilie B par déficit en FIX.
Puis, le FXa permet la formation d’une première quantité de prothrombinase
constituée par le FXa, les phospholipides, le calcium et le FVa.
Schématiquement on décrit la coagulation selon les étapes suivantes :
– le complexe FT-FVIIa est responsable de l’initiation de la génération de
thrombine;
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 9
Sous endothélium
FT VII
VIIa
INITIATION
X Xa
IX IXa
+ prothrombine PROPAGATION
Prothrombine Thrombine
Premières traces
de thrombine X
Concentrations
PM Concentrations Vitamine K-
Facteur plasmatiques
(Da) (µg/ml) dépendant
(µM)
AT 58 000 140 2,4 non
PC 62 000 4 0,064 oui
PS 69 000 10 (libre) 1,144 oui
PZ 72 000 2,6 0,04 oui
α2-antiplasmine 63 000 66 0,95 non
α2-macroglobuline 725 000 2,100 2,89 non
TFPI* 34 000 0,073 0,002 non
* Localisée dans les cellules endothéliales
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 11
Physiologie de la fibrinolyse
La fibrinolyse intervient de façon physiologique pour éviter le dépôt excessif
de fibrine et sans doute pour assurer la reperméabilisation d’un vaisseau, après
formation d’un thrombus. Dans le plasma normal circule une glycoprotéine, le
plasminogène qui va être activé en plasmine grâce à l’action d’activateurs
plasmatiques ou tissulaires. La plasmine, enzyme protéolytique, agit ainsi sur
la fibrine, mais aussi sur le fibrinogène et les facteurs V et VIII de la coagula-
tion, pour lyser le caillot et former des produits de dégradation de la fibrine
(D-dimères [D-Di]) et du fibrinogène. La libération d’inhibiteurs de la fibrino-
lyse empêche la dissémination du phénomène, au-delà du thrombus ou du
dépôt de fibrine.
Les auteurs modernes appellent le système fibrinolytique le système du plas-
minogène en raison de son intervention dans d’autres réactions telles que
l’activation des métalloprotéases au niveau de la matrice tissulaire.
Le plasminogène est une glycoprotéine constituée par une chaîne unique de
790 acides aminés, synthétisée dans le foie. L’hydrolyse de la liaison
arginine 560-valine 561 le transforme en plasmine. Celle-ci est une sérine
protéase douée de propriétés protéolytiques vis-à-vis de nombreux substrats :
fibrinogène, fibrine… Son PM, de 88 000 Da, est le même que celui du plas-
minogène. La plasmine comprend deux chaînes d’acides aminés.
Il existe trois voies distinctes entraînant l’activation du plasminogène en
plasmine :
– une voie vasculaire faisant intervenir l’activateur tissulaire du plasminogène
(t-PA);
– une voie plasmatique à deux branches :
- l’une dépendant de la phase contact dont la réalité et la pertinence
clinique sont discutées,
- l’autre, beaucoup plus importante, de l’activation de la pro-urokinase
(ProUK) en urokinase (UK) (fig. 1.6).
Plusieurs activateurs du plasminogène peuvent intervenir :
– le t-PA est une sérine protéase composée d’une seule chaîne de 527 acides
aminés. Il est actif sous cette forme. Une seconde forme active apparaît après
l’hydrolyse d’une liaison disulfure S-S entraînant la formation d’une molécule
12 Maladies hémorragiques
tct-PA UK-HPM
PAI-1 PAI-1
Plasminogène Plasmine
α2AP
HRGP α2M
Fibrine
Activation Inhibition
BIBLIOGRAPHIE
AIRD WC. Endothelium in health and disease. Pharmacol Rep 2008; 60 (1) :
139-143.
BOUMA BN, MOSNIER LO. Thrombin activatable fibrinolysis inhibitor
(TAFI)-how does thrombin regulate fibrinolysis? Ann Med 2006; 38 (6) : 378-
388.
ELALAMY I, SAMAMA MM. Physiologie de l’hémostase. Encycl Med Chir
Angéiologie, Elsevier, Paris, 2001.
FURIE B, FURIE C. Thrombus formation in a living mouse. J Pathophysiol
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FURIE B, FURIE C. Mechanisms of thrombus formation. N Engl J Med 2008;
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HOFFMAN M, MONROE DM. Coagulation 2006 : a modern view of hemos-
tasis. Hematol Oncol Clin N 2007; 21 :1-11.
MAEDA Y, FUJINO Y, UCHIYAMA A, MATSUURA N, MASHIMO T, NISHIMURA
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MEDCALF FL. Fibrinolysis inflammation and regulation of the plasminogen
activity system. J Thromb Haemost 2007; 5S1 : 132-142.
MONROE DM, KEY NS. The tissue factor-factor VIIa complex : procoagulant
activity, regulation, and multitasking. J Thromb Haemost 2007; 5 : 1097-
1105.
14 Maladies hémorragiques
Circonstances du diagnostic
Il s’agit le plus souvent d’un motif de consultation à la suite d’un ou plusieurs
épisodes hémorragiques ou pour vérifier le fonctionnement normal de
l’hémostase. En milieu chirurgical ou obstétrical, la responsabilité de l’acte
vulnérant doit être éliminée, mais une diathèse hémorragique congénitale ou
acquise peut être révélée chez un opéré récent. Il faut distinguer une hémor-
ragie focale, en rapport avec une cause locale, du saignement au niveau de
territoires différents évoquant davantage un trouble de l’hémostase.
Diverses étapes sont essentielles dans cette approche clinicobiologique :
– évaluation de l’importance du saignement et du caractère d’urgence;
– interrogatoire du patient sur ses antécédents personnels et familiaux;
– recherche de la relation de cause à effet entre l’accident hémorragique et le
contexte thérapeutique;
– association éventuelle de l’affection actuelle à des problèmes d’hémostase
et/ou à un risque hémorragique accru;
– confrontation de l’examen clinique et des résultats des examens biologiques
antérieurs;
– en cas d’alimentation parentérale, une carence en vitamine K est possible;
– recherche de stigmates biologiques et/ou cliniques de la coagulation intra-
vasculaire disséminée (CIVD), ou d’une complication iatrogène : héparine,
antivitamine K (AVK), thrombolytiques, transfusions massives, perfusions de
solutés de remplissage (amidon).
De même, cinq caractères essentiels associés ou non doivent être recherchés :
– le mode d’apparition : saignements spontanés ou déclenchés par un trauma-
tisme minime (choc léger, injection intramusculaire);
– la localisation : la répétition des saignements dans le même territoire évoque
plutôt une lésion locale, tandis que leur apparition dans des territoires diffé-
rents oriente vers une diathèse hémorragique constitutionnelle ou acquise;
– l’aspect clinique :
- les saignements cutanéomuqueux à type de purpuras, pétéchies, ecchy-
moses ou épistaxis traduisent souvent une anomalie de l’hémostase
primaire,
- les télangiectasies évoquent la maladie de Rendu-Osler;
– le caractère récidivant;
– l’existence d’antécédents familiaux.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 15
❐ Fibrinogène
Le dosage de fibrinogène par méthode chronométrique (méthode de Clauss)
permet de mettre en évidence une hypo- ou une dysfibrinogénémie. Le
diagnostic différentiel peut être posé après dosage du fibrinogène par méthode
immunologique, ce dernier étant abaissé en cas d’hypofibrinogénémie, mais
normal en cas de dysfibrinogénémie.
❐ Exploration de la fibrinolyse
L’exploration de la fibrinolyse est le parent pauvre de l’hémostase en raison de :
– l’absence d’un test simple et automatisé de routine évaluant l’activité
fibrinolytique;
– la rare nécessité en clinique de cette exploration.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 21
e nne
150
s e Moy
thrombine (nM)
e Vites
100
50
Lag- time
Start Tail
0
+ FT (6 pM )
Temps de coagulation
0 10 20
temps (min)
❐ La thromboélastographie (TEG)
La TEG, mise au point par Hartert d’Eidelberg en 1948, permet l’étude de la
cinétique de formation du caillot et de ses propriétés physiques. La fig. 1.8
illustre son fonctionnement. La TEG a été récemment ressuscitée grâce à une
24 Maladies hémorragiques
α
ma
r
k
CaCl2 0.2 M
TF 1/8000
BIBLIOGRAPHIE
PATHOLOGIE DE L’HÉMOSTASE
Ismail ELALAMY, François DEPASSE, Gregoris GEROTZIAFAS,
Meyer-Michel SAMAMA
Atteinte plaquettaire
Elle peut être quantitative avec une diminution (thrombopénies le plus souvent
acquises) ou une augmentation (thrombocytose secondaire ou thrombocy-
témie primitive). Des perturbations fonctionnelles peuvent être associées. Les
thrombopathies sont essentiellement acquises ou très exceptionnellement
constitutionnelles. La découverte récente de la mutation JAK2 est une avancée
diagnostique importante.
❐ Thrombopénies
La thrombopénie est la diminution de la numération plaquettaire en dessous
de 120 G/l. Pour certains auteurs, il suffit que ce chiffre soit < 150 G/l.
• Thrombopénies d’origine centrale
Elles sont acquises ou beaucoup plus rarement constitutionnelles.
• Thrombopénies périphériques
Les mécanismes responsables des thrombopénies périphériques sont de trois
types :
– par hyperdestruction;
28 Maladies hémorragiques
❐ Thrombocytoses et thrombocytémies
La thrombocytose est l’augmentation secondaire de la numération plaquettaire
au-dessus de 450 G/l notée à plusieurs examens biologiques successifs. La
thrombocytémie est l’augmentation primitive de la production plaquettaire
dans le cadre d’un syndrome myéloprolifératif.
• Thrombocytoses réactionnelles
Physiologiquement, la rate sécrète un régulateur hormonal de la production
médullaire de plaquettes. Elle séquestre également 20 à 30 % des plaquettes
circulantes. La numération s’élève 2 jours après une splénectomie jusqu’à
1 000 G/l en 7 à 15 jours. Puis elle régresse en 1 à 2 mois (voire 6 mois) pour
se stabiliser généralement entre 500 et 700 G/l. En dessous de 600 G/l, aucune
thérapeutique antiagrégante plaquettaire n’est habituellement envisagée.
En dehors de la splénectomie, les causes des thrombocytoses secondaires sont
de diverses origines : l’anémie ferriprive (hyposidérémie), les anémies hémo-
lytiques, les réactions inflammatoires, la sécrétion d’une substance
thrombopoïétine-like par certaines tumeurs, voire les traitements par HBPM.
Une thrombocytose persistante confirmée par des numérations successives
peut être révélatrice ou concomitante de :
– cancers (30 à 40 % des cas);
– maladies infectieuses aiguës ou chroniques et autres pathologies inflamma-
toires (17 à 30 % des cas);
– carence martiale.
• Thrombocytémies primitives
Elles accompagnent les syndromes myéloprolifératifs : polyglobulie de
Vaquez, leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde ou thrombo-
cytémie essentielle elle-même.
Maladie de Willebrand
C’est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase,
définie par une altération quantitative ou qualitative du VWF. Elle est étudiée
en détails plus loin. Les déficits en VWF peuvent être quantitatifs (types 1 et
3) ou qualitatifs (types 2). La transmission est autosomale, le plus souvent
dominante. La prévalence des hétérozygotes se situe entre 0,6 et 1 %.
Pathologies de la coagulation
Sont ici étudiées les altérations biologiques pouvant être responsables d’un
syndrome hémorragique clinique (tableau 1.V). Les anomalies responsables
d’un risque accru de thrombose font l’objet d’un autre chapitre.
Tableau 1.V. Variations physiopathologiques des facteurs de la coagulation
Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
Plaquettes
Taux (G/l) 250 107-297 293 332 260 18-40 % 225
Taille (fl) 9,0 8,9 8,5 9,1 9,6
Agrégation ADP N + 15 %
Collagène N N 60 % N
Ristocétine N 10 %
TS (min) 2-9 3,6 ± 2 3,4 ± 1,8 9,0 ± 1,4 5-6
Coagulation
TCA 1 4,0 3 1,3 1,1 1,1 15 %
TP 1,00 2,3 1,3 1,1 1 0,95 N
TT 1 2,4 1,3 1,1 1 0,92 N
Fibrinogène (mg/dl) 278 96 250 240 251 450 25 % 15 %
FII (U/ml) 1 0,16 0,32 0,52 0,88 1,15 N
FV (U/ml) 1,0 0,32 0,80 1,00 0,91 0,85 N
FVII (U/ml) 1,0 0,27 0,37 0,57 0,87 1,17 200 % 25 %
FVIIIc (U/ml) 1,0 0,50 0,75 1,50 0,90 2,12 250 % 1,50
VWF (U/ml) 1,0 0,65 1,50 1,60 1,07 1,7 75-200 %
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique
30
Tableau 1.V. Variations physiopathologiques des facteurs de la coagulation (suite)
Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
FX (U/ml) 1,0 0,19 0,38 0,45 0,78 1,30 N
FXI (U/ml) 1,0 0,13 0,2 0,42 0,86 0,7 N
FXII (U/ml) 1,0 0,15 0,22 0,44 0,77 1,3 16 %
FXIII (U/ml) 1,04 0,30 0,4 0,61 1,04 0,96
Maladies hémorragiques
Prématuré Personne
Fœtus Nourrisson Nouveau-né
Facteur Adulte sain (25-32 Nouveau-né Exercice âgée
(20 semaines) (6 mois) à terme
semaines) (70-80 ans)
Fibrinolyse
Plasminogène (U/ml) 1,0 0,20 0,35 0,37 0,90 1,39 10 % N
t-PA (ng/ml) 4,9 8,48 9,6 2,8 4,9 300 % N
α2-AP (U/ml) 1,0 1,0 0,74 0,83 1,11 0,95 N N
PAI1 (U/ml) 1,0 1,5 1,0 1,07 4,0 5% N
Activité fibrinolytique N
globale
D’après Hemostasis and Thrombosis Basic Principles and Clinical Practice JB Lippincott Compagny, 1994.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique
31
32 Maladies hémorragiques
Inhibiteurs acquis
L’apparition dans le sang de différents inhibiteurs spécifiques d’un facteur de
la coagulation est à l’origine de rares syndromes hémorragiques. Les anticoa-
gulants spécifiques sont retrouvés dans des contextes dysimmunitaires tels que
le lupus érythémateux disséminé (LED), la polyarthrite rhumatoïde, les hémo-
pathies malignes, le diabète, les traitements antibiotiques ou le post-partum.
Les plus fréquents sont les anti-VIII qui restent dans la moitié des cas
d’origine idiopathique. Ils représentent une véritable urgence hématologique
car, chez près de 90 % des patients, la symptomatologie fonctionnelle est
hémorragique et potentiellement grave : hématomes profonds, rétropérito-
néaux, intracérébraux, avec un pronostic réservé (20 % de décès). Le
diagnostic est suspecté sur un allongement significatif du TCA isolé non
corrigé par l’apport de plasma témoin en parties égales. Les taux de FVIII
coagulant sont effondrés.
Les maladies de Willebrand acquises sont décrites dans les dysglobulinémies,
les syndromes lymphoprolifératifs ou myéloprolifératifs, les cancers ou les
dysthyroïdies.
Des antithrombines (anti-IIa) ont été rapportées dans les suites d’intervention
chirurgicale ayant requis l’utilisation de colles hémostatiques contenant de la
thrombine bovine.
Des anti-XI comme des anti-XII et des anti-prékallicréine sont retrouvés dans
certaines collagénoses. En revanche, ils ne sont pas inducteurs de complica-
tions hémorragiques.
Des inhibiteurs du fibrinogène et de la fibrinoformation ont même été
rapportés dans certains syndromes lymphoprolifératifs (pour leur étude
détaillée, voir chapitre 2).
Pathologie de la fibrinolyse
Hyperfibrinolyse
Une fibrinolyse excessive non compensée est l’une des causes de défibrina-
tion. L’hyperfibrinolyse favorise le saignement et l’hypofibrinolyse la
thrombose. Elles sont le plus souvent acquises et exceptionnellement
constitutionnelles.
34 Maladies hémorragiques
Hyperfibrinolyse acquise
Il existe aussi très vraisemblablement des états d’hyperfibrinolyse localisée
sans expression systémique significative, par exemple au niveau de la sphère
orale, gastro-intestinale, génitale ou même cérébrale, plus ou moins identifiés.
Les cas les mieux étudiés ont été rapportés dans des cancers de la prostate, du
pancréas ou du foie. Les tumeurs vasculaires et les anévrismes peuvent être
aussi responsables d’une hyperfibrinolyse. Le diagnostic différentiel entre
fibrinolyse réactionnelle à une CIVD et fibrinolyse primaire a été codifié à
l’aide d’examens de laboratoire, mais il n’est pas toujours facile d’aboutir
avec sécurité à une conclusion définitive. Ceci est souvent le cas dans
certaines leucémies, l’amylose, la cirrhose du foie, ou lors des accidents de
défibrination obstétricale avec embolie amniotique, voire hématome
rétroplacentaire.
Rappels de la physiopathologie et de la sémiologie clinicobiologique 35
Les cas les mieux documentés ont été des malades atteints de leucémie
promyélocytaire avant l’introduction de l’acide transrétinoïque. Chez ces
patients, l’existence d’une augmentation de l’activité fibrinolytique participant
au tableau hémorragique avait été bien mise en évidence.
L’hyperfibrinolyse a même été identifiée après des lésions importantes du tissu
cérébral et après électrochoc.
Au total pour les spécialistes, une dizaine de conditions, citées ci-dessus, ont
été ainsi reconnues comme pouvant être associées à une hyperfibrinolyse
secondaire.
Syndromes de défibrination
Les coagulopathies de consommation ou CIVD sont rencontrées dans de
nombreux contextes pathologiques.
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2 MALADIES
HÉMORRAGIQUES
CONSTITUTIONNELLES
THROMBOPATHIES CONSTITUTIONNELLES
Ismail ELALAMY
Thrombasthénie de Glanzmann
Elle est aussi de transmission autosomale récessive. Le syndrome hémorra-
gique cutanéomuqueux peut s’estomper à l’âge adulte. Une anémie ferriprive
fréquente peut témoigner de la persistance de saignements occultes.
La maladie est caractérisée par une absence d’agrégation des plaquettes quel
que soit l’agoniste utilisé. Elle est liée à un déficit en site d’amarrage du
fibrinogène : les complexes GPIIb-IIIa ou intégrines α2bβ3 dont il existe
40 000 à 80 000 copies par plaquette normale. Ce chiffre est réduit à 20 %
dans le type II, forme atténuée et 5 % dans le type I, forme sévère, la plus
Maladies hémorragiques constitutionnelles 37
Pathologies sécrétoires
L’atteinte de la réponse sécrétoire par trouble de la signalisation ou de la capa-
cité des granules à libérer leurs granules est responsable d’une désagrégation
notable des plaquettes. Les progrès de la microscopie électronique et des
38 Maladies hémorragiques
Autres pathologies
D’autres pathologies associent des anomalies des plaquettes et des facteurs
plasmatiques.
La maladie de Willebrand comporte le variant type 2B, caractérisé par une
affinité accrue du VWF pour la GPIb plaquettaire et la pseudo-maladie de
Willebrand, caractérisée par une affinité accrue de la GPIb plaquettaire pour la
ristocétine (voir chapitre 2).
Syndrome de Scott
Dans ce syndrome, les plaquettes présentent une anomalie d’exposition des
phospholipides membranaires conduisant à un défaut d’activation de la coagu-
lation plasmatique (ralentissement de la cinétique d’activation de la
thrombine). Le test de consommation de la prothrombine permet aisément
d’évaluer l’activité coagulante des plaquettes en mesurant la prothrombine
résiduelle dans le sérum qui doit être normalement < 10 %. Le mode de trans-
mission est autosomal récessif.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 39
MALADIE DE WILLEBRAND
Marc TROSSAËRT
Décrite pour la première fois en 1926 par Erik von Willebrand chez une
famille de l’archipel d’Aaland en Finlande, la maladie de Willebrand est la
plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase avec une
prévalence estimée dans la population générale à 1 %. Elle se transmet sur un
mode autosomal, généralement dominant. Elle est liée à une anomalie soit
quantitative, soit qualitative, du facteur Willebrand (VWF). La plupart des
patients (70 à 80 %) ont une symptomatologie modérée, faite d’hémorragies
cutanéomuqueuses. La prévalence des sujets symptomatiques serait de
1 pour 10 000, donc assez voisine de celle de l’hémophilie A ou
B. Cependant, il existe une très grande hétérogénéité dans l’expression
clinique et biologique de la maladie de Willebrand.
Le traitement de la maladie de Willebrand est celui des accidents hémorragi-
ques ou de leur prévention. Le choix thérapeutique est guidé par la
caractérisation du type et du sous-type :
– type 1 (déficit quantitatif partiel en VWF);
– type 2 (anomalie qualitative et nombreux sous-types);
– type 3 (déficit total).
Deux possibilités thérapeutiques existent :
– la desmopressine ou 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP). Son
efficacité est variable et doit être systématiquement évaluée avant son utilisa-
tion thérapeutique.
– les concentrés de VWF d’origine plasmatique, efficaces chez tous les
patients mais utilisés en cas d’inefficacité ou de contre-indication à la dDAVP.
Physiopathologie
Le VWF est synthétisé par deux types cellulaires : les cellules endothéliales et
mégacaryocytes. Le gène du VWF de grande taille (180 kb) est localisé à
l’extrémité du bras court du chromosome 12. Le produit primaire du gène est
un précurseur, le pré-pro-VWF (2 813 acides aminés) qui, après clivage du
peptide signal, donne le pro-VWF. Ce dernier subit différentes étapes de matu-
ration permettant la dimérisation et la multimérisation du VWF. Le VWF
mature apparaît comme une série de multimères (de 500 à 20 000 kDa) formés
par l’association de sous-unités identiques (270 kDa). Le VWF est ensuite
stocké au niveau de granules spécifiques : corps de Weibel-Palade dans les
40 Maladies hémorragiques
Rôle du VWF
Le rôle du VWF dans l’hémostase est double : grâce à des sites de liaison
spécifiques, il permet l’adhésion et l’agrégation plaquettaire en formant d’une
part un pont moléculaire entre les plaquettes et la paroi vasculaire lésée,
d’autre part entre les plaquettes elles-mêmes. Dans cette fonction, les multi-
mères de plus haut poids moléculaire sont les plus actifs. Le VWF assure le
transport du FVIII au site de la lésion vasculaire. En se liant au FVIII, cofac-
teur essentiel de la génération de FXa, le VWF le protège d’une dégradation
enzymatique et lui permet d’avoir une durée de vie plus longue dans la circu-
lation. Tout changement du taux de VWF s’accompagne généralement d’une
variation parallèle du taux de FVIII dans la circulation.
Mécanismes de régulation
La régulation de la synthèse du VWF fait intervenir des mécanismes
complexes influencés par des facteurs environnementaux et des facteurs géné-
tiques. Tout ceci explique la pénétrance incomplète de la maladie de
Willebrand et la grande variabilité du phénotype clinique et biologique, parti-
culièrement dans le type 1. Les facteurs environnementaux sont
essentiellement l’âge, le stress, un syndrome inflammatoire, qui entraînent des
augmentations des taux de VWF. Parmi les facteurs génétiques, le groupe
sanguin ABO ainsi que d’autres facteurs inconnus à ce jour influencent les
taux de VWF. Les sujets de groupe O ont par exemple des taux plasmatiques
de VWF 25 à 35 % plus faibles que ceux des sujets non O.
Il existe également des facteurs hormonaux : le taux de VWF s’élève physio-
logiquement à partir du 2e trimestre de la grossesse. En pathologie, au cours de
certaines affections chroniques (hyperthyroïdie, insuffisance rénale, diabète,
insuffisance hépatique, néoplasie), il existe une élévation qui peut être impor-
tante des taux de VWF.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 41
Diagnostic
Comme pour toutes les anomalies de l’hémostase primaire, la symptomatologie
hémorragique est essentiellement cutanéomuqueuse : hémorragies muqueuses
(épistaxis, gingivorragies, hémorragies amygdaliennes, ménorragies, hémorra-
gies gastro-intestinales) et cutanées (ecchymoses). Cette symptomatologie est
relativement fréquente dans la population normale. Cela explique en partie la
difficulté du diagnostic. La pénétrance et l’expression sont extrêmement varia-
bles (en particulier pour le type 1) et la prévalence des formes symptomatiques
serait environ de 100 cas par million dont 70 à 80 % de type 1.
La grande hétérogénéité de la maladie de Willebrand explique que l’âge de décou-
verte de l’affection demeure extrêmement variable. Une étude récente a montré
que le diagnostic de maladie de Willebrand peut être porté chez 13 % de femmes
consultant pour ménorragies et bénéficiant d’une exploration de l’hémostase.
Les manifestations cliniques peuvent être soit spontanées, soit provoquées par
un traumatisme (avulsion dentaire, acte chirurgical) même minime. La symp-
tomatologie est généralement modérée, sauf dans le type 3 ou dans certains
types 2 où les hémorragies peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Les formes
frustes seront plus volontiers révélées à l’apparition des règles, lors d’actes
opératoires ou à l’occasion d’un bilan d’hémostase systématique.
À l’inverse de l’hémophilie, les hématomes (sous-cutanés profonds ou intra-
musculaires) et les hémarthroses sont rares. Ils ne s’observent que pour les
formes où il existe un déficit important en FVIII (type 3 essentiellement).
Compte tenu du caractère constitutionnel de la maladie de Willebrand, l’inter-
rogatoire doit s’attacher à documenter la symptomatologie clinique chez le
propositus mais aussi dans la famille.
Le diagnostic biologique repose sur l’exploration biologique (tableau 2.II) qui
seule permet d’affirmer le diagnostic, de préciser le type d’anomalie (quantita-
Type/sous-types Description
1 Déficit quantitatif partiel en VWF
Transmission dominante
Plusieurs sous-types, fonction du contenu intraplaquettaire
en VWF
2 Déficit qualitatif en VWF (variants moléculaires)
Transmission habituellement autosomale dominante
2A Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes,
associée à l’absence des multimères de haut poids
moléculaire
2B Augmentation de l’affinité du VWF pour les plaquettes,
associée à l’absence des multimères de haut poids
moléculaire
Thrombopénie fluctuante
2M Diminution de l’affinité du VWF pour les plaquettes non
liée à une anomalie des multimères du VWF
2N Diminution de l’affinité du VWF pour le FVIII
3 Déficit quantitatif total en VWF
Transmission récessive
Par définition, il s’agit d’un déficit quantitatif partiel en VWF (taux de VWF
de 10 à 50 %) :
– avec une réduction parallèle dans le plasma des taux de VWF : Ag et de
VWF : RCo (VWF : RCo/VWF : Ag > 0,7);
– avec présence de tous les multimères de VWF dans le plasma et les
plaquettes.
Sa transmission est dominante avec expression et pénétrance variables.
Diagnostiquer une maladie de Willebrand de type 1 peut être difficile, surtout
chez les sujets de groupe sanguin O. Pour éviter le risque de diagnostic abusif,
des critères diagnostiques très stricts doivent être respectés :
– des symptômes hémorragiques bien définis mais pas obligatoirement
sévères;
– des antécédents familiaux;
– un déficit quantitatif en VWF.
Théoriquement, le déficit en VWF est défini comme un taux inférieur à la
moyenne – 2 déviations standard (DS) d’une population normale de même
groupe sanguin (O ou non O). Compte tenu de la grande variabilité des taux de
VWF dans la population normale, de la zone de chevauchement entre patients
de type 1 et sujets normaux, il est nécessaire de répéter deux à trois fois les
dosages à différentes époques chez le propositus et des membres de sa famille.
Dans la maladie de Willebrand de type 1, la réponse thérapeutique à la dDAVP
est généralement bonne. Au niveau génétique, l’étude de l’ADN (acide
désoxyribonucléique) n’est généralement pas effectuée et les anomalies molé-
culaires responsables du type 1 restent encore le plus souvent inconnues.
Diagnostic différentiel
Sujet normal
Il est parfois difficile de différencier un sujet normal de groupe sanguin O d’un
sujet atteint d’une maladie de Willebrand de type 1. Dans cette situation, il
convient de respecter strictement les critères diagnostiques et de ne pas porter
de façon excessive un diagnostic d’anomalie de l’hémostase chez un sujet
normal.
Hémophilie A
Au niveau biologique, la distinction est facile : sauf pour les variants 2 N, le
dosage de VWF : RCo est habituellement abaissé dans la maladie de Willebrand
alors qu’il est normal dans l’hémophilie. Devant un déficit en FVIII et un VWF
normal, l’étude de la liaison du FVIII au VWF (VWF : FVIIIB) permettra la
distinction entre maladie de Willebrand type 2 N ou hémophilie A (chez un
homme) ou statut de conductrice d’hémophilie A (chez une femme). L’enquête
familiale et l’étude de la transmission génétique (liée au sexe dans l’hémophilie
A, autosomique dans le type 2 N) orienteront également le diagnostic.
Pseudomaladie de Willebrand
Il s’agit d’une thrombopathie avec augmentation de l’affinité de la GPIb
plaquettaire pour le VWF et thrombopénie variable. La distinction entre une
46 Maladies hémorragiques
Traitement
Dans la majorité des cas, la symptomatologie est modérée et le traitement ne
sera nécessaire que lors d’un traumatisme important ou d’un acte chirurgical.
Le traitement est avant tout préventif. Il passe par une bonne information et
une éducation du patient sur ses risques hémorragiques, sur le fait que tout
traitement susceptible d’accroître le risque hémorragique (antiagrégant
plaquettaire, dérivés salicylés, AINS) doit être évité ou soigneusement discuté
et que tout geste invasif doit être discuté.
En cas de saignement, des solutions simples à mettre en œuvre qui dépendent
du site du saignement sont parfois suffisantes : compression locale, méchage
(épistaxis), colle biologique après avulsion dentaire, traitement hormonal pour
ménorragies par exemple.
Dans tous les cas et surtout en cas de maladie de Willebrand de type 2 ou 3, un
suivi dans un centre spécialisé dans les troubles de l’hémostase doit être
proposé pour une prise en charge thérapeutique, une information du patient et
Maladies hémorragiques constitutionnelles 47
Desmopressine
La dDAVP, analogue synthétique de la vasopressine, est une hormone natu-
relle susceptible d’induire la libération du VWF et du FVIII à partir des
compartiments cellulaires. Elle est actuellement disponible sous deux formes
d’administration : IV (Minirin IV) et intranasale (Octim). La voie intranasale
est surtout utilisée pour le traitement à domicile des saignements menstruels
ou des saignements mineurs.
Son efficacité dépend du type de maladie de Willebrand. Elle est efficace dans
le traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de
certains actes chirurgicaux chez presque tous les sujets avec une maladie de
Willebrand de type 1. Elle est complètement inefficace dans le type 3 (forme
sévère) et d’efficacité variable dans le type 2. Elle est classiquement contre-
indiquée dans le type 2B où elle risque d’aggraver la thrombopénie
(tableau 2.IV).
Type Desmopressine
1 Habituellement efficace
2A Efficacité variable
2B Généralement contre-indiquée
2M Efficacité variable
2N Efficace mais réponse très brève
3 Inefficace
Avant son utilisation thérapeutique, une étude de la réponse doit être réalisée
chez chaque patient, lors du diagnostic ou au moins 1 semaine avant une
chirurgie, afin de déterminer si la correction de l’hémostase est suffisante.
Après administration de dDAVP, la demi-vie du VWF libéré est d’environ 6 à
8 h. La correction du TS est brève. En cas de bonne efficacité, les taux de base
de VWF et de FVIII sont multipliés par 3 à 5. L’injection peut être répétée
toutes les 12 à 24 h en fonction de la situation clinique (la réponse est cepen-
dant de moins en moins efficace en raison de la survenue d’une tachyphylaxie).
48 Maladies hémorragiques
Une restriction des apports hydriques est indispensable (750 ml/j chez l’adulte
et 20 ml/kg chez l’enfant). Les effets indésirables de la dDAVP sont la rétention
hydrique, une vasodilatation modérée (flush facial, tachycardie et céphalées).
L’utilisation de la dDAVP doit rester prudente chez les patients âgés et les
jeunes enfants, mais aussi en cas de pathologie cardiovasculaire, d’hyperten-
sion artérielle ou d’insuffisance corticotrope. D’une manière générale,
l’utilisation de la dDAVP nécessite une information précise du patient par le
médecin prescripteur. En cas de non-respect de la diminution de la quantité de
liquides journaliers, une hyponatrémie peut survenir avec parfois survenue de
convulsions et d’un coma.
Les contre-indications connues de la dDAVP sont l’hypersensibilité à l’un des
constituants de la préparation, la femme enceinte ou en cours d’allaitement,
l’enfant de moins de 2 ans, la maladie de Willebrand de type 2B (car la
dDAVP peut entraîner une agrégation plaquettaire responsable de thrombocy-
topénie du fait de la structure anormale du VWF).
Traitements substitutifs
Les médicaments contenant du VWF sont efficaces dans tous les types de
maladie de Willebrand. Leur utilisation est réservée aux patients pour lesquels
la dDAVP est soit inopérante soit contre-indiquée.
Actuellement en France, deux médicaments du Laboratoire français du frac-
tionnement et des biotechnologies (LFB) contenant du VWF humain ont une
autorisation de mise sur le marché (AMM) : le Wilfactin contenant unique-
ment du VWF et le Wilstart contenant du VWF et du FVIII.
Lors de l’utilisation des concentrés de VWF, il convient de savoir que l’admi-
nistration de VWF permet la stabilisation et la protection du FVIII endogène
synthétisé par le patient. Mais le taux maximum de FVIII n’est obtenu
qu’après 12 à 24 h. Si le patient présente un déficit en FVIII et doit être traité
en urgence, le Wilstart peut être utilisé car la correction simultanée des défi-
cits en FVIII et en VWF est obtenue immédiatement. Dans ce cas, et en
absence de Wilstart, le Wilfactin peut être utilisé en association avec le
concentré de FVIII, d’origine plasmatique ou recombinante. Après la
première injection, le traitement peut être relayé par Wilfactin ce qui peut
éviter des taux de FVIII trop élevés dans les jours qui suivent, pouvant repré-
senter un facteur de risque de thrombose. En cas de chirurgie programmée, le
traitement peut être débuté au moins 12 h avant par Wilfactin. Si le patient ne
présente pas de déficit en FVIII, le traitement peut être initié par le Wilfactin,
même en urgence.
Dans tous les cas, les dosages de VWF : RCo et de FVIII : C doivent être
effectués afin d’adapter la posologie. Pour les deux médicaments, 1 UI/kg
augmente le taux plasmatique de VWF de 2 % environ. En pratique, la poso-
logie est de 40 à 60 UI/kg en première injection et 40 à 80 UI/kg pour les
injections suivantes de VWF : RCo dans les formes sévères; à répéter toutes
les 12 à 24 h pendant un à plusieurs jours.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 49
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GPIIb/IIIa 1744-1746
HÉMOPHILIES A ET B
Claude NÉGRIER
protéine de transport, le VWF, pour le FVIII. Leur rôle est fondamental pour
que le phénomène de coagulation puisse se dérouler de façon efficace. Ainsi,
en cas de diminution de l’un de ces deux facteurs, l’hémostase au niveau
d’une brèche vasculaire traumatique ne peut avoir lieu de façon correcte, et le
saignement chez l’hémophile est donc la conséquence d’un tel phénomène. Si
ce saignement est extériorisé, il est donc simplement prolongé par rapport à un
sujet normal. L’importance de cette tendance hémorragique est globalement
assez bien corrélée au taux du facteur de coagulation déficitaire dans le
plasma. À taux identiques, les déficits en FVIII s’expriment de façon similaire
à ceux en FIX. De plus, dans une même famille, la sévérité du déficit est géné-
ralement identique d’un membre à l’autre de la famille. Elle ne se modifie pas
au cours du temps.
Dans la forme sévère (qui représente environ 40 % des cas), le taux plasma-
tique du FVIII ou du FIX est < 1 % (soit 1 U/dl). Lors d’hémophilie modérée,
ce taux est compris entre 1 et 5 %. Dans les formes mineures, il se situe entre
5 et 30 %.
Bases génétiques
Le gène du FVIII comme celui du FIX est situé sur le bras long du chromo-
some X. Un seul allèle est donc présent chez l’homme et deux chez la femme.
Les femmes conductrices sont en général non symptomatiques, bien que
certaines puissent présenter un taux de FVIII plasmatique abaissé en dessous
de la valeur médiane théorique de 50 %. Elles peuvent transmettre l’anomalie
génétique à leur descendance. Celle-ci va alors toucher 1 garçon sur 2 et 1 fille
sur 2. Les enfants d’un garçon hémophile seront tous indemnes de la maladie
s’ils sont de sexe masculin et leurs filles seront toutes conductrices. On sait
aujourd’hui déterminer par des techniques de génétique moléculaire les muta-
tions responsables de chacun des deux gènes, et l’on se sert de cette
information pour rechercher les conductrices dans une famille ou réaliser un
diagnostic anténatal. Il faut toutefois savoir que dans près d’un tiers des cas,
une mutation spontanée provoque une hémophilie A ou B, aucun cas n’étant
connu préalablement dans la famille.
Manifestations cliniques
Chez l’hémophile atteint d’une forme sévère de la maladie (FVIII ou FIX < 1 %),
le traumatisme déclenchant est parfois si discret qu’il peut passer inaperçu,
faisant ainsi croire à une hémorragie spontanée. À l’inverse, l’expression hémor-
ragique est moins forte en cas d’hémophilie modérée ou mineure : les
hémarthroses sont plus rares, voire absentes; elles font suite à des traumatismes
reconnus. Le risque hémorragique est en revanche bien réel en cas d’acte
chirurgical.
Certains accidents hémorragiques peuvent menacer le pronostic vital (hémor-
ragie digestive ou du système nerveux central) ou fonctionnel (orbite, loge
antérieure de l’avant-bras ou creux axillaire par exemple). Ils requièrent une
administration d’urgence du produit antihémophilique adapté.
54 Maladies hémorragiques
Complications
Elles peuvent être de plusieurs types : infectieuses, immunologiques et
ostéoarticulaires.
Complications infectieuses
Avant 1987, année de l’introduction large de la méthode d’inactivation virale
des concentrés de FVIII dérivés du plasma par solvant détergent qui permet
d’inactiver de façon convenable les principaux virus pathogènes munis d’une
enveloppe lipidique, les infections virales ont été au premier plan. Trois types
viraux ont été majoritairement transmis par les dérivés du plasma : le virus de
l’hépatite B (VHB), celui de l’hépatite C (VHC) et celui de l’immunodéfi-
cience humaine (VIH). En ce qui concerne le VHB, la quasi-totalité des
hémophiles régulièrement transfusés ont été contaminés avant que la vaccina-
tion systématique soit mise en place. Le VHC a contaminé environ 80 % des
hémophiles et plus de la moitié d’entre eux ont développé une hépatite C chro-
nique. Enfin, la transmission du VIH avant 1985 (date à laquelle les produits
furent chauffés) a représenté une tragédie médicale d’importance considé-
rable. Depuis 1987, aucune transmission de l’un de ces virus n’a été
documentée en France par l’utilisation de ces médicaments, si bien que la
complication la plus dangereuse est aujourd’hui l’apparition d’anticorps inhi-
biteurs dirigés contre la protéine manquante.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 55
Complications immunologiques
Cette immunisation est plus fréquente chez l’hémophile A que chez l’hémo-
phile B puisque lors d’hémophilie sévère, l’incidence est de 30 % et 3 %
respectivement. Certains de ces anticorps (environ 1/3) sont transitoires et ils
peuvent disparaître spontanément au bout de quelques jours ou de quelques
semaines. D’autres vont persister et s’ils sont d’un titre suffisamment élevé
(exprimé en unités Bethesda), ils vont compromettre la réponse à l’injection
de FVIII ou de FIX. Dans ces cas, un autre type de médicament devra être
utilisé car il devient impossible d’obtenir une hémostase correcte avec simple-
ment du FVIII ou du FIX, celui-ci étant reconnu par l’anticorps et inactivé en
l’espace de quelques minutes.
Complications ostéoarticulaires
Une autre complication fréquente touchant notamment les patients atteints
d’une forme sévère d’hémophilie A ou B, est l’apparition progressive de
séquelles musculoarticulaires. Elles sont généralement la conséquence de la
répétition des saignements dans les articulations. Des modifications chimiques
du liquide synovial articulaire associées à des troubles vasomoteurs liés aux
phénomènes de pression qui s’exercent sur les surfaces articulaires lorsque
l’hémarthrose est importante, provoquent une destruction progressive du
cartilage de surface qui va disparaître, laissant l’os sous-chondral à nu. Des
kystes sous-chondraux et intra-osseux apparaissent au niveau des épiphyses,
modifiant les repères anatomiques normaux. Ces phénomènes provoquent une
impotence fonctionnelle progressive, des attitudes vicieuses (flexum du genou
par exemple) et bien sûr des douleurs mécaniques et inflammatoires. Une
amyotrophie de proximité est très fréquemment associée. Les tissus mous de
l’articulation (synoviale articulaire) deviennent le siège d’un phénomène
inflammatoire chronique (synovite) qui entraîne un épaississement et une
fragilisation de cette membrane, ce qui la rend encore plus susceptible aux
saignements. On parle alors d’articulation cible car celle-ci devient le lieu
principal des saignements (jusqu’à deux saignements par semaine dans
certains cas). S’installe alors un véritable cercle vicieux qui peut apparaître
dès l’enfance et provoquer en plus des troubles de croissance au niveau des
épiphyses fertiles qui déforment rapidement les extrémités osseuses s’ajoutant
ainsi aux troubles de congruence articulaire.
Plus rarement, on peut voir apparaître une pseudo-tumeur hémophilique qui se
développe à partir d’hématomes musculaires insuffisamment traités. Cette
masse hématique résiduelle va progressivement éroder les structures de voisi-
nage, tissus mous et tissus osseux pour former une masse molle, adhérente aux
plans tissulaires, généralement peu douloureuse, pouvant donner l’impression
d’une tumeur développée aux dépens de l’os, d’où sa dénomination. Il ne
s’agit pas d’une tumeur maligne même si les clichés radiologiques peuvent
être impressionnants.
Les nouvelles techniques d’imagerie (IRM) ont permis de bien apprécier les
lésions, parfois très précoces chez l’enfant, des parties molles ou de tissu
56 Maladies hémorragiques
Autres complications
La localisation particulière de certains saignements (zones dites dangereuses
comme le creux poplité, le poignet ou la face antérieure de l’avant-bras, ou
encore les muscles fessiers ou laryngés) induit un risque de compression
vasculo-nerveuse important qui nécessite une prise en charge thérapeutique
d’urgence.
L’importance d’autres hémorragies internes ou extériorisées peut provoquer
une anémie aiguë par spoliation sanguine, plus facilement chez l’enfant.
Diagnostic biologique
Il repose sur quelques tests simples de coagulation :
– allongement isolé du TCA, le temps de prothrombine (TP), le temps de
thrombine (TT) et le fibrinogène étant normaux;
– dosage spécifique du FVIII et du FIX qui fournit le diagnostic du type
d’hémophilie A ou B et en définit la sévérité : forme sévère si le facteur de
coagulation est < 1 %, forme modérée entre 1 et 5 % et forme fruste ou
mineure entre 5 et 40 %;
– TS et dosage du VWF normaux.
Diagnostic différentiel
Il s’effectue avec les autres déficits de la coagulation allongeant le TCA de
façon isolée :
– déficit en FXI et en FXII (ce dernier n’induit aucune tendance au saigne-
ment même en cas de déficit complet);
– maladie de Willebrand où le VWF est généralement abaissé;
– déficits acquis par pathologie auto-immune : hémophilie acquise par autoan-
ticorps anti-FVIII ou autoanticorps anti-FIX (beaucoup plus rare), ou plus
fréquemment anticorps de type lupique.
Principes thérapeutiques
Plusieurs produits antihémophiliques sont disponibles sur le marché français.
Ils sont soit purifiés à partir du plasma humain, soit fabriqués par génie géné-
tique. Ils sont uniquement disponibles dans les pharmacies hospitalières pour
l’instant, et sont soumis à des règles de prescription particulières. On utilise
toujours un traitement visant à substituer la molécule manquante dans l’orga-
nisme, FVIII chez l’hémophile A et FIX chez l’hémophile B, en l’absence
d’anticorps inhibiteur de titre élevé. Les deux critères principaux de choix des
médicaments sont la sécurité et l’efficacité.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 57
BIBLIOGRAPHIE
MALADIES HÉMORRAGIQUES
PAR DÉFICIT CONSTITUTIONNEL EN FACTEURS
DE LA COAGULATION EN DEHORS DE L’HÉMOPHILIE
ET DE LA MALADIE DE WILLEBRAND
Jean-François SCHVED
Signes cliniques
La sévérité du déficit est variable et mal corrélée au taux plasmatique de FVII.
Les patients ont souvent des saignements identiques à ceux des hémophiles
avec des signes hémorragiques survenant précocement dans la vie, comportant
le risque d’hémorragie du cordon ombilical à la naissance ou de céphalhéma-
tome. Les signes les plus fréquents sont les saignements cutanéomuqueux :
épistaxis, ecchymoses spontanées, ménorragies, gingivorragies. La gravité de
la pathologie peut venir d’hémarthroses, susceptible de générer une arthropa-
thie chronique, d’hémorragies digestives et surtout de saignements du système
nerveux central.
Un fait fréquemment signalé est la tolérance assez bonne aux gestes invasifs
même s’ils sont effectués sur des déficits sévères et sans traitement substitutif.
De plus, un certain nombre de patients reste asymptomatique malgré des taux
très faibles, voire pratiquement indosables.
Diagnostic
Le diagnostic du déficit en FVII est suspecté devant un syndrome hémorra-
gique associant un allongement du temps de Quick (TQ) et un TCA normal.
Cette association conduit à demander un dosage de FVII en sachant que les
taux retrouvés peuvent être extrêmement différents suivant le réactif qu’utilise
le laboratoire. Le diagnostic différentiel est en fait le déficit acquis en FVII tel
qu’il peut se voir au début des traitements anticoagulants, des hypovitami-
noses K, des avitaminoses K ou lors des sepsis graves.
Traitement
On dispose pour les accidents hémorragiques de deux types de traitements :
– le concentré de FVII humain cryo-desséché : le FVII-LFB. Ce produit est un
dérivé plasmatique non nanofiltré. On considère que 1 UI/kg injectée
Maladies hémorragiques constitutionnelles 61
Signes cliniques
Bien que les manifestations cliniques puissent apparaître pratiquement à tous
les âges, la plupart des déficits sévères se révèlent très tôt dans la vie. Le
syndrome hémorragique est alors souvent très sévère avec des hématomes, des
hémarthroses, mais aussi parfois des saignements gastro-intestinaux. Les
hématuries seraient assez fréquentes.
Diagnostic
Le diagnostic des déficits en FX est suspecté devant un syndrome hémorra-
gique et l’association d’un allongement du TCA et du TQ. Dans le cadre des
maladies congénitales, l’association d’un allongement du TCA et du TQ fait
suspecter soit une anomalie du fibrinogène, soit un déficit de la voie finale
commune : déficit en FII, en FV ou en FX. Ceci montre l’intérêt, devant
l’association TCA-TQ allongés, de demander le dosage des facteurs du
complexe prothrombinique : FII, FV, FVII, FX.
En dehors des déficits isolés cités précédemment (II, V, X, fibrinogène), les
diagnostics différentiels devant un allongement du TCA et du TQ sont l’hypo-
vitaminose K qui associe une baisse des FII, FVII, FIX et FX, mais aussi
l’insuffisance hépatocellulaire dans laquelle tous les facteurs de la coagulation
sont abaissés. Il existe des déficits acquis en FX. Une cause possible de déficit
en FX est l’amylose soit primitive, soit secondaire, une gammapathie mono-
clonale. Le contexte et l’enquête familiale font le diagnostic.
Traitement
Il n’y a pas de concentrés de FX commercialisé. Il faut donc avoir recours au
PPSB (Kaskadil). Les doses nécessaires sont de 20 à 40 UI/kg selon l’importance
62 Maladies hémorragiques
Signes cliniques
Les déficits en FII peuvent être sévères avec des hémorragies cordonales
graves à la naissance, des tableaux de type hémophilie comportant des
hémarthroses, voire des arthropathies chroniques y compris chez des patients
ayant des taux mesurables de FII. Les autres accidents hémorragiques ne sont
pas spécifiques : hématomes musculaires, ecchymoses spontanées, épistaxis,
ménorragies, hémorragies du post-partum.
Diagnostic
Le diagnostic de déficit en FII doit être évoqué devant un allongement du TQ
associé à un allongement du TCA. La démarche diagnostique est la même que
celles vues précédemment pour les déficits en FX.
En dehors des déficits isolés en fibrinogène, en FX, en FV, les diagnostics
différentiels sont à nouveau l’hypovitaminose K et l’insuffisance hépato-
cellulaire.
Dans les anomalies acquises, il faut noter la possibilité de déficit acquis en FII
lors du syndrome des antiphospholipides (SAPL). L’existence d’un syndrome
hémorragique chez un patient ayant un anticoagulant lupique doit faire recher-
cher un déficit associé en FII.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 63
Traitement
Tout comme pour le FX, il n’existe pas de concentré spécifique en FII. Le
PPSB (Kaskadil) est donc à nouveau utilisé. Ce produit contient pour 10 ml de
solution reconstituée 370 UI de FII et 250 UI de FIX. Le taux de récupération
du FII est de 2 %. 1 UI/kg de FII augmente donc le taux circulant d’environ
2 %. Les doses de FII injectées en cas d’accident hémorragique sont de 20 à
40 UI/kg selon l’importance du déficit, le but étant d’obtenir un taux de 20 à
30 %. La demi-vie du FII est longue (72 h). Une injection par jour, voire tous
les 2 jours, est donc souvent suffisante.
Déficit en FV ou proaccélérine
Prévalence
Les déficits en FV sont rares : la prévalence des déficits sévères est estimée à 1
pour 1 million de naissances. Il semble que les variants moléculaires sont
fréquents et représentent environ 25 % des cas de déficit en FV. Une particula-
rité du FV est sa présence dans les plaquettes, le rôle du FV plaquettaire
n’étant pas encore parfaitement connu.
Signes cliniques
Les signes hémorragiques dans les déficits sévères apparaissent assez précoce-
ment dans la vie. Les épistaxis sont très fréquentes, y compris lorsque le taux
de FV est mesurable. Une particularité fréquemment citée, mais de peu
d’intérêt, est l’allongement du TS retrouvé chez ces patients. Les hématomes
et surtout les hémarthroses seraient assez fréquents puisque les hémarthroses
sont constatées chez 5 % des déficitaires sévères. Ceci avait valu au déficit de
FV le nom de para-hémophilie d’Owren. Il faut noter qu’il a été décrit chez
certains patients porteurs de déficit en FV, des manifestations thrombo-
emboliques.
Diagnostic
Le déficit en FV est suspecté devant un syndrome hémorragique associant un
allongement du TQ et un allongement du TCA. La démarche est celle déjà
envisagée pour les déficits en FX et en FII.
Le diagnostic différentiel se pose avec les déficits acquis en FV en particulier
par anticorps anti-FV. Ceux-ci ont été décrits dans certaines circonstances
pathologiques : pancréatite, cancer, fracture et les infections graves. Dans ce
dernier cas, le rôle des antibiotiques de type aminoside a été suspecté.
Les déficits en FV peuvent être observés dans l’insuffisance hépatocellulaire,
lors de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et lors des fibrinolyses
aiguës primitives, ainsi que chez des patients atteints d’une splénomégalie. Le
contexte pathologique permet de faire ce diagnostic différentiel.
64 Maladies hémorragiques
Traitement
Le déficit en FV est celui qui pose le plus de problèmes thérapeutiques. En
effet, il n’existe ni concentré spécifique ni complexe coagulant contenant du
FV. La seule possibilité est donc l’utilisation de plasma frais congelé (PFC). Il
semble que des doses de 15 à 20 ml/kg de PFC suffisent. Le taux visé doit être
de 10 à 20 %. La demi-vie du FV injecté est de 36 h. Une injection par jour
suffit donc habituellement.
L’absence de concentrés spécifiques peut créer des problèmes délicats en cas
d’intervention chirurgicale : en effet, les quantités de plasma nécessaires
peuvent être à l’origine de surcharges volémiques chez le jeune enfant ou chez
le patient ayant une pathologie cardiaque. Dans la mesure du possible, les
saignements des déficits en FV doivent être combattus par les thérapeutiques
locales associant la compression et les antifibrinolytiques. Dans certains cas
graves, le recours à des transfusions plaquettaires amenant du FV, a pu
permettre de placer un cap difficile.
patients porteurs de ce déficit mixte des mutations sur des gènes codant des
protéines impliquées dans les transports intracellulaires des FV et FVIII. Il
s’agit dans les deux tiers des cas du gène LMAN1, également nommé ERGIC,
situé sur le chromosome 18, et dans le tiers restant du gène MCFD2, situé sur
le chromosome 2, et qui code une protéine réticuloendoplasmique intervenant
dans les transports intracellulaires des FV et FVIII. Les patients ont habituel-
lement des taux modérément abaissés des deux facteurs (entre 5 et 20 %).
Signes cliniques
Le syndrome hémorragique des déficits combinés en FV et FVIII est habituel-
lement modéré avec des épistaxis, des ménorragies et des saignements après
extraction dentaire.
Diagnostic
Le diagnostic est suspecté devant l’association d’un allongement du TCA et du
TQ. Cette constatation conduit assez rapidement au diagnostic des déficits en FV
et peut amener à méconnaître le déficit associé en FVIII, d’où la règle de systéma-
tiquement doser au moins une fois le FVIII devant un déficit congénital en FV.
Il n’y a pas réellement de diagnostic différentiel en dehors de la CIVD et de la
fibrinolyse qui habituellement surviennent dans des contextes très différents.
Traitement
La problématique rejoint celle du déficit en FV : le traitement isolé du déficit
en FVIII risque de ne pas suffire pour arrêter un syndrome hémorragique. Il
est donc nécessaire d’utiliser là encore le plasma frais congelé à raison de 15 à
20 ml/kg, sachant que la demi-vie du FVIII contenu dans le plasma frais
congelé est plus courte que celle du FV d’où la nécessité de recourir souvent à
deux injections quotidiennes en cas de syndrome hémorragique.
Déficit en FXI
Prévalence
Le déficit en FXI est probablement le moins rare des déficits isolés en facteur
de la coagulation en dehors de l’hémophilie. La prévalence est habituellement
estimée à 1 pour 100 000, mais elle est en fait très variable suivant les popula-
tions étudiées : ainsi chez les juifs ashkénazes, la fréquence des hétérozygotes
reste de 5,5 à 11 % et celle des homozygotes de 0,1 à 0,3 %. L’étude des défi-
cits en FXI a permis d’établir des parallèles historiques particulièrement
intéressants sur des migrations des populations juives au début de notre ère.
Signes cliniques
Les hémorragies spontanées sont très rares, y compris chez les patients
ayant des déficits sévères qui peuvent rester asymptomatiques. Quelques
66 Maladies hémorragiques
Diagnostic
Le déficit en FXI doit être suspecté devant un syndrome hémorragique avec un
allongement du TCA et un TQ normal. Les premiers diagnostics envisagés
devant cette association sont l’hémophilie et les autres déficits en FVIII
(maladie de Willebrand, anticorps anti-FVIII). Chez les sujets asymptomati-
ques, l’allongement du TCA avec un du TQ normal peut évoquer un déficit en
FXII (qui n’est jamais hémorragipare) ou un anticoagulant lupique qui,
lorsqu’il est isolé, n’est pas responsable de syndrome hémorragique. C’est la
raison pour laquelle, devant une association allongement du TCA et TQ
normal, il faut systématiquement doser le FXI.
Il n’y a pas de diagnostic différentiel : on peut considérer que les déficits en
FXI sont pratiquement toujours congénitaux.
Traitement
Il existe un concentré de FXI : Hemoleven. Le but pour la chirurgie est
d’obtenir des taux de 30 à 45 % à l’aide de la formule :
dose = poids (kg) du patient × augmentation souhaitée (pourcentage) × 0,5
La demi-vie du FXI étant de 48 h, une injection toutes les 48 h suffit.
Il faut être extrêmement prudent dans les doses. En effet, lors des utilisations
initiales de concentrés de FXI, des tableaux graves de CIVD ont été constatés
en raison de surdosage.
En l’absence de disponibilité du concentré de FXIII, on pourra utiliser un
PFC. Là encore, des doses modérées suffisent : 5 ml/kg de poids.
Maladies hémorragiques constitutionnelles 67
Déficit en fibrinogène
Prévalence
La prévalence du déficit en fibrinogène est difficile à estimer : il faut bien
différencier
– les afibrinogénémies dans lesquelles il y a une absence totale de fibrinogène
quelle que soit la méthode de mesure (immunologique ou par technique de
coagulation);
– les dysfibrinogénémies dans lesquelles les méthodes habituelles de dosage
du fibrinogène par technique de coagulation donnent des taux parfois très bas
alors que les techniques immunologiques trouvent des taux normaux et
subnormaux;
– les hypofibrinogénémies, qui sont des formes modérées, recouvrent des défi-
cits vrais ou des dysfibrinogénémies non sévères. On estime la fréquence des
afibrinogénémies à 1 pour 1 million.
Signes cliniques
Les signes sont extrêmement variables suivant le type de déficit : en général,
les formes les plus sévères sont les afibrinogénémies qui peuvent induire des
saignements néonataux graves au niveau du cordon, ou de volumineux héma-
tomes sous-cutanés, des saignements de la cavité buccale, des épistaxis, voire
des hémorragies intracrâniennes. On retrouve aussi dans les afibrinogénémies
des avortements à répétition.
Les hypofibrinogénémies sont habituellement asymptomatiques, tout comme
les dysfibrinogénémies. Rappelons qu’il a été décrit de très rares cas de fibri-
nogènes anormaux (dysfibrinogènes) responsables de thromboses.
Diagnostic
Les déficits en fibrinogène sont suspectés devant l’association : TQ allongé +
TCA allongé (les allongements sont parfois extrêmement prononcés). Devant
ces tableaux biologiques, le premier dosage à faire est celui du fibrinogène. Le
TT peut être un élément d’orientation vers les anomalies du fibrinogène. Les
techniques utilisées pour doser le fibrinogène sont des techniques fonction-
nelles utilisant la propriété qu’a le fibrinogène à coaguler sous l’action de la
thrombine. Ces méthodes ne permettent pas de différencier les afibrinogéné-
mies et les dysfibrinogénémies. Devant la constatation d’un fibrinogène bas et
d’une anomalie congénitale, il est donc nécessaire de faire un dosage immuno-
logique qui permet de différencier ces pathologies.
Le diagnostic différentiel se pose avec les anomalies acquises du fibrinogène.
L’élément le plus caractéristique est le caractère isolé de la baisse du fibrino-
gène dans les déficits congénitaux. En effet, les autres causes de baisse du
fibrinogène (insuffisance hépatocellulaire, fibrinolyse, CIVD) surviennent dans
un contexte pathologique très particulier et associent d’autres baisses de
facteurs de coagulation. Une difficulté peut venir de la découverte fortuite d’un
déficit en fibrinogène jusqu’alors ignoré, dans des conditions pathologiques
68 Maladies hémorragiques
Traitement
Il existe un concentré de fibrinogène appelé Clottagen. Les flacons de 100 ml
contiennent 1,5 g de fibrinogène. On peut calculer la dose par la formule :
taux à obtenir (g/l) – taux basal (g/l)
dose = --------------------------------------------------------------------------------------
poids (kg) × 0 ,04
En pratique, 0,5 à 0,8 g/kg toutes les 48 h suffisent pour maintenir le fibrino-
gène au-dessus de 1 g/kg. En cas de non-disponibilité du concentré de
fibrinogène, on peut avoir recours au PFC à raison de 15 à 20 ml/kg de poids.
Signes cliniques
Le syndrome hémorragique des déficits en FXIII est habituellement grave.
Dans plus de 80 % des cas, le déficit se révèle par des saignements au niveau
du cordon. Les risques hémorragiques pour l’enfant sont immédiats avec un
risque important de décès périnatal par saignement intracrânien. Par la suite,
les saignements cutanéomuqueux et les hématomes musculaires sont très
fréquents et parfois préoccupants alors que le risque d’hémorragies intracrâ-
niennes persiste. Les épistaxis, les hématuries et les hémorragies digestives
sont assez fréquentes. Des avortements spontanés récidivants sont souvent
rapportés. Des formes moins sévères ont cependant été décrites, révélées par
des saignements postchirurgicaux.
Diagnostic
Le diagnostic de déficit en FXIII est difficile car aucun des tests usuels
d’hémostase (TQ, TCA, fibrinogène, TT) n’est modifié. Le seul test semi-
global de coagulation permettant de suspecter ce déficit était le thromboélasto-
gramme, maintenant abandonné. Le diagnostic devra donc être suspecté sur
l’existence d’un syndrome hémorragique précoce avec des tests d’hémostase
normaux. Il faut alors penser à demander un dosage de FXIII. Les taux trouvés
sont très bas (FXIII souvent indosables).
Maladies hémorragiques constitutionnelles 69
Des déficits acquis en FXIII ont été retrouvés lors des purpuras rhumatoïdes
ou de rectocolite ulcérohémorragique. Il s’agit de déficits modérés d’origine et
de signification incertaines.
Traitement
Il existe un concentré de FXIII : Fibrogammin. Ce produit n’est pas commer-
cialisé en France. Les doses sont de 10 à 20 U/kg soit le plus souvent 1 000 U
qui peuvent, pour un traitement prophylactique, être administrées toutes les
4 semaines compte tenu de la longue demi-vie du FXIII (5 à 10 jours) et du
faible taux nécessaire pour assurer l’hémostase (2 à 3 %). En cas d’impossibi-
lité à obtenir le produit, on peut avoir recours au plasma frais congelé.
Déficit en prékallicréine
Appelé aussi facteur Fletcher, la prékallicréine est un des éléments de la phase
contact.
Les circonstances de découverte sont les mêmes que pour les déficits en FXII :
allongement parfois important du TCA et absence de syndrome hémorragique.
Cet allongement est variable suivant l’activateur utilisé pour effectuer le TCA
et se réduit en cas d’incubation prolongée avec l’activateur. Le diagnostic
nécessite un dosage spécifique de la prékallicréine.
Conclusion
La sémiologie spécifique de chacun de ces déficits rares de la coagulation est
encore assez imprécise. La biologie permet d’affirmer le diagnostic, mais elle
70 Maladies hémorragiques
n’est pas toujours standardisée, les taux pouvant varier suivant les réactifs
utilisés (tableau 2.V). Les attitudes thérapeutiques commencent à être mieux
codifiées, mais là encore il serait important de mieux définir, comme cela est
fait dans l’hémophilie, les seuils critiques : taux moyen à atteindre pour
prévenir ou stopper un saignement ou pour effectuer une intervention chirurgi-
cale. Ces lacunes dans nos connaissances expliquent l’intérêt de constituer de
larges registres permettant le recueil d’un nombre suffisant de données.
Prévalence Traitement
Demi-vie Contenu
estimée substitutif
Fibrinogène 1 :1 000 000 96-144 h Clottagen Concentré
Fibrinogène
Facteur II 1 :2 000 000 72 h Kaskadil PPSB (1)
(prothrombine)
Facteur V 1 :1 000 000 36 h Plasma frais
(proaccélérine) congelé
Facteur VII 1 : 500 000 4-6 h Facteur VII-LFB Concentré
(proconvertine) NovoSeven Facteur VII
Facteur VIIa
recombinant
Facteur X 1 :1 000 000 40 h Kaskadil PPSB (1)
(fact. Stuart)
Facteur XI 1 : 100 000 52 h Hemoleven Concentré
(fact. Rosenthal) Facteur XI
Facteur XIII 1 :3 000 000 5-10 jours (Fibrogammin P) Concentré
(fact. stabilisant Facteur XIII
la fibrine : FSF)
(1) PPSB : prothrombine, proconvertine, facteur Stuart, facteur antihémophilique B
BIBLIOGRAPHIE
THROMBOPÉNIES ACQUISES
OU CONSTITUTIONNELLES
Ismail ELALAMY, Nicole CASADEVALL, Paul COPPO, Rémi FAVIER
Introduction
Pour une meilleure compréhension de ces pathologies, nous avons jugé préfé-
rable de ne pas séparer les thrombopénies acquises, fréquentes, des
thrombopénies constitutionnelles (TC), extrêmement rares. Les plaquettes
sanguines sont issues de la fragmentation de leurs précurseurs médullaires, les
mégacaryocytes. Les mégacaryocytes sont des cellules géantes de la moelle
osseuses subissant une maturation de type endomitose (2 N → 64 N) et libé-
rant les plaquettes de leur cytoplasme. En cas de régénération ou
d’accélération de la thrombopoïèse, les mégacaryocytes plus jeunes (16 N)
libèrent alors des plaquettes de plus grande taille. La durée de vie des
plaquettes est de l’ordre de 8 jours et leur numération est normalement
comprise entre 140 et 400 G/l. La numération plaquettaire est un examen
systématique couramment réalisé dans les laboratoires d’analyse médicale.
Une thrombopénie est définie par un chiffre de plaquette < 140 G/l et peut être
secondaire à un très grand nombre d’étiologies plus souvent acquises que
constitutionnelles, mais qui ne doivent pas être méconnues.
Dans ce cas, l’automate ne peut compter les particules dont la taille est
comprise entre 2 et 20 femtolitres (fl), car il existe une quantité importante de
débris formant un nuage au niveau des particules de taille voisine de 2 fl. Cette
situation est observée au cours des microangiopathies thrombotiques (MAT) ou
syndrome hémolytique et urémique (SHU), ou en cas de paludisme. Il est alors
nécessaire de vérifier la distribution et la courbe de répartition volumétrique
des plaquettes comptées (entre 2 et 20 fl), de contrôler sur un frottis sanguin lu
au microscope optique et de numérer les plaquettes à partir d’une Unopette.
D’une part, il est indispensable d’éliminer une pseudo-thrombopénie ou
fausse thrombopénie. Elle peut être due à une thromboagglutination dépen-
dante de l’anticoagulant ou à un phénomène de satellitisme en contexte
infectieux ou inflammatoire. Parfois, elle est liée à la présence d’agglutinines
froides actives à température ambiante ou à une activation plaquettaire artefac-
tuelle lors du prélèvement. L’observation du frottis, notamment dans les
franges, après coloration au May-Grünwald-Giemsa (MGG) est donc indis-
pensable pour s’assurer de l’absence d’amas plaquettaires ou d’une
distribution périleucocytaire des plaquettes. Il est également intéressant de
rechercher d’éventuelles anomalies morphologiques des plaquettes (dégranu-
lation, grande taille, dystrophies) et/ou des autres lignées.
D’autre part, les prélèvements veineux sur différents anticoagulants (citrate,
héparine), couplés parfois à des antiagrégants pour écarter une activation
plaquettaire potentielle, associés à un prélèvement capillaire à la pulpe du doigt
pour une numération en Unopette, sont les compléments incontournables de
l’enquête biologique. Enfin, la numération des plaquettes en maintenant
l’échantillon sanguin à 37 °C devrait permettre d’éviter l’action de thromboag-
glutinines froides éventuelles et d’assurer une correction significative de la
thrombopénie. En fait, devant toute thrombopénie il faut « obéir au doigt et à
l’œil », c’est-à-dire observer le frottis coloré au MGG en microscopie optique
et, si l’on voit des amas plaquettaires, refaire éventuellement une numération à
partir d’un prélèvement capillaire au bout du doigt à l’aide d’une Unopette.
En plus des données chiffrées de la numération et de l’appréciation des
volumes plaquettaires (courbe de distribution volumétrique plaquettaire), un
interrogatoire soigneux permettra de préciser l’origine ethnique, d’établir
l’arbre généalogique, de connaître les antécédents familiaux et personnels, la
notion d’une numération plaquettaire antérieure normale ou non, une prise
médicamenteuse récente, l’exposition à certains toxiques, ou un contexte
évocateur d’une infection virale.
Tous ces éléments sont déterminants dans l’enquête étiologique de toute
thrombopénie pour en documenter le caractère congénital ou acquis, la tolé-
rance clinique et poser l’indication d’explorations plus spécifiques. De plus,
l’établissement du diagnostic précis permettra d’éviter des traitements inutiles
et surtout potentiellement dangereux (corticothérapie, splénectomie).
Thrombopénies constitutionnelles
Le caractère constitutionnel de la thrombopénie ne pourra être évoqué
qu’après avoir formellement exclu les causes de thrombopénies acquises, en
particulier durant la période néonatale. Du fait des difficultés diagnostiques,
leur incidence reste mal connue. Beaucoup de patients sont considérés à tort
comme atteints de PTI. Ils ont pu recevoir le plus souvent sans succès une
corticothérapie ou des IgIV, voire une splénomégalie. Évoquer cette possibi-
lité diagnostique revient à rassembler des éléments d’orientation tels que les
notions de thrombopénie familiale, d’anomalies morphologiques cliniques et
plaquettaires, préciser la réponse à des traitements antérieurs ou l’existence de
signes hémorragiques associés.
La classification des TC est difficile, compte tenu de leur hétérogénéité clini-
cobiologique et du manque de données physiopathologiques. Actuellement, il
n’existe pas de classification de référence ou consensuelle, mais l’une des plus
intéressantes se fonde sur la taille des plaquettes. Ainsi, trois catégories de TC
sont considérées en fonction de l’examen du frottis sanguin en microscopie
optique et de la mesure du volume plaquettaire moyen (VPM) :
– les TC microcytaires;
– les TC normocytaires;
– les TC macrocytaires.
❐ TC microcytaires
Le syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS) (OMIM 30092), thrombopénie liée au
chromosome X, est caractérisé par l’association d’une thrombopénie à une
dysimmunité sévère (infections à répétition, allergies, eczéma) et des anomalies
auto-immunes. Il existe une forme variante, dite thrombopénie liée au
chromosome X (XLT), sans signes cliniques associés. Alors que l’incidence du
XLT n’est pas connue, la fréquence du WAS est de 1 cas/250 000 dans la popula-
tion européenne. La médiane de survie des WAS est de 15 ans. Les femmes
conductrices n’ont habituellement pas d’expression clinicobiologique de la
maladie, du fait de l’inactivation préférentielle de l’X muté dans les cellules
hématopoïétiques. Les études fonctionnelles et structurales plaquettaires révèlent
un déficit modéré en granules intraplaquettaire. Le diagnostic de certitude repose
78 Maladies hémorragiques
sur l’analyse moléculaire du gène WAS. En effet, ces deux syndromes sont liés à
des mutations impliquant un même gène appelé WAS, localisé en Xp11 et codant
une protéine de 502 acides aminés nommée WASp. Une centaine de mutations
différentes ont été identifiées et il s’agit principalement de substitutions nucléoti-
diques. La protéine WASp, présente au sein des cellules mononucléées, membre
de la famille Rho des GTPases, régule l’architecture du cytosquelette de la
cellule. En cas de mutation de WAS, les mécanismes actine-dépendants de réor-
ganisation architecturale du cytosquelette sont altérés avec par conséquence un
défaut d’activation, de mobilité et de phagocytose cellulaire contribuant au
dysfonctionnement immunitaire. La thrombopénie et la microcytose plaquettaire
seraient également liées à un défaut d’organisation du cytosquelette plaquettaire
par absence de WASp.
❐ TC normocytaires
La thrombopénie familiale avec prédisposition aux leucémies (OMIM
60194) : il s’agit d’une pathologie de transmission autosomique dominante
rare, décrite chez 13 familles. Les sujets atteints présentent une thrombopénie
le plus souvent modérée et peu symptomatique (épistaxis, hémorragie
minime), associée à une thrombopathie marquée en réponse à l’adrénaline ou
à l’acide arachidonique, évoquant un syndrome du pool vide ou aspirin-like.
Cette thrombopénie familiale peut se compliquer d’une pathologie hématolo-
gique comme une leucémie aiguë myéloblastique, une aplasie médullaire ou
un syndrome myélodysplasique. Des mutations et des délétions intragéniques
du gène AML1 ou RUNX 1, localisé en 21q22, ont été rapportées.
L’amégacaryocytose congénitale : c’est un syndrome de transmission auto-
somique récessive rare avec une quarantaine de patients rapportés. La
thrombopénie est sévère (< 40 G/l), isolée, normocytaire. Deux formes de
gravité de la maladie semblent corrélées au génotype. Le type I (60 % des cas)
est dû à des mutations non-sens ou des délétions de c-mpl et il évolue vers une
pancytopénie précoce. Le type II (40 % des cas) est dû à des mutations faux
sens homozygotes ou double hétérozygotes, marqué par une correction de la
thrombopénie pendant la 1re année et évoluant plus tardivement vers l’aplasie
médullaire en 1 à 5 ans. Le myélogramme met en évidence une moelle de
richesse normale avec amégacaryocytose ou présence de rares mégacaryo-
cytes dysmorphiques évoluant progressivement vers l’aplasie. Le gène c-mpl,
localisé en 1p34, code le récepteur de la thrombopoïétine (TPO) exprimé à la
surface des progéniteurs hématopoïétiques. La TPO est un facteur de crois-
sance spécifique de la lignée mégacaryocytaire avec un effet antiapoptotique,
mais il agit aussi au niveau des cellules souches. Les patients atteints ont une
élévation des taux sériques de TPO et les cultures de progéniteurs montrent
une absence de réponse à la TPO. Des mutations non-sens, faux sens et des
délétions ont été décrites au niveau du gène c-mpl suggérant le rôle de la TPO
et de son récepteur (c-mpl) dans cette pathologie;
Les TC avec anomalies osseuses : trois syndromes associent TC et atteinte
osseuse :
– le syndrome « thrombopénie et absence de radius » (syndrome TAR). Il
s’agit d’une pathologie de transmission autosomique récessive et dont la
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 79
❐ TC macrocytaires
Ce sont les macrothrombopénies constitutionnelles les plus fréquentes.
Le syndrome de Bernard et Soulier (SBS) (OMIM 606672). Décrit pour la
première fois en 1948, il associe une thrombopénie d’expressivité variable
(symptomatologie hémorragique importante à modérée) en rapport avec un
déficit quantitatif et/ou qualitatif du complexe glycoprotéique Ib-IX-V (GPIb-
IX-V) situé sur la membrane plaquettaire et des plaquettes géantes. Transmis
sur un mode autosomique récessif à pénétrance incomplète, la fréquence des
SBS homozygotes est estimée à 1/1 million alors que la fréquence des hétéro-
zygotes serait de 1/500. Les patients homozygotes ont, en général, une
symptomatologie hémorragique sévère, à type d’épistaxis fréquentes, de
80 Maladies hémorragiques
thrombopénie
isolée
contexte familial
corps de Döhle : anomalie de May-hegglin
clinique
frottis
inclusions intraleucocytaires
≠ corps de Döhle
syndrome de Fechtner
syndrome de Sebastian
Conclusion
La démarche diagnostique devant la découverte d’une thrombopénie reste
assez simple dans la mesure où il faut éliminer une cause avant tout périphé-
rique ou un processus central facile à identifier sur le myélogramme. Il
persiste cependant un groupe de patients non étiquetés à qui l’on attribue par
excès le diagnostic de PTI et qui peuvent être des cibles de thérapeutiques
inutilement agressives. Ce groupe de patients nécessite alors des investiga-
tions très spécialisées mais aussi paradoxalement parfois un examen attentif
du frottis sanguin pour identifier des entités constitutionnelles connues. Un
certain nombre de laboratoires d’aide dans ces investigations sont maintenant
regroupés en France dans un Centre national de référence des pathologies
plaquettaires (CRPP) auquel sont rattachés plusieurs centres de compétence.
Ils constituent une aide importante pour la prise en charge et le diagnostic de
ces thrombopénies.
PURPURA THROMBOCYTOPÉNIQUE
IDIOPATHIQUE
François LEFRÈRE, Bruno VARET
Définition et terminologie
Le terme de purpura thrombocytopénique idiopathique est utilisé pour dési-
gner une pathologie acquise où les plaquettes sont détruites sans que cette
destruction soit entièrement compensée par la moelle osseuse.
De nombreux arguments permettent de penser que cette destruction est due à
des autoanticorps et le terme auto-immun pourrait donc être légitimement
ajouté. Faute de disposer d’un test aussi fiable que le test de Coombs érythro-
cytaire, il convient de se limiter en pratique à un diagnostic d’élimination. Le
terme idiopathique reste pertinent car sont exclues de cette description les
thrombopénies périphériques auto-immunes associées à d’autres pathologies,
comme les maladies auto-immunes ou les hémopathies lymphoïdes malignes.
En effet, si un purpura est le principal symptôme clinique de la maladie, il
peut complètement manquer sans que cela modifie la stratégie diagnostique ni
les modalités évolutives. Le terme thrombocytopénique doit être préféré au
terme thrombopénie utilisé habituellement. En effet, l’élément déficitaire est
le nombre des plaquettes (thrombocytes) et non la formation de thrombus! Au
total, le terme le plus correct est certainement celui de thrombocytopénie péri-
phérique idiopathique.
Rappels physiopathologiques
La thrombocytopénie périphérique idiopathique constitue une variété de
thrombocytopénie acquise de mécanisme périphérique en général due à des
autoanticorps antiplaquettes. Ainsi opsonisées, les plaquettes sont éliminées
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 85
délicat chez les femmes jeunes compte tenu de ses effets secondaires virili-
sants. En induisant une oxydation de l’hémoglobine, la dapsone (Disulone)
suscite une hémolyse, permettant une diversion de l’activité des macrophages
spléniques des plaquettes vers les hématies.
La corticothérapie au long cours est à proscrire, et il est déconseillé de
reprendre une corticothérapie, même en cas de succès initial, car à terme de
toute façon vouée à l’échec.
La splénectomie par laparotomie ou cœlioscopie, permettant en règle
d’éliminer le principal sanctuaire de destruction plaquettaire, constitue le trai-
tement de choix de la thrombocytopénie périphérique idiopathique chronique
avec un taux de plaquettes régulièrement < 50 G/l. En France, un délai de 6
mois est généralement attendu, car au-delà, la probabilité de guérison spon-
tanée devient très faible (< 1 %). En deçà du délai de 6 mois d’évolution, la
possibilité de rémission spontanée au moins partielle doit conduire à proposer
des traitements d’attente avant de réaliser la splénectomie. Toutefois aux
États-Unis, la splénectomie est souvent proposée plus précocement. Si le taux
de plaquettes se maintient spontanément et régulièrement à > 50 G/l, l’absten-
tion thérapeutique est unanimement recommandée.
Lorsque le caractère périphérique de la thrombocytopénie n’est pas formelle-
ment établi, soit parce que la thrombopénie n’a pas justifié de traitement
immunomodulateur, soit parce qu’aucun de ces traitements n’a été efficace, il
est préférable de faire pratiquer une épreuve isotopique de durée de vie des
plaquettes. Celle-ci confirme le caractère périphérique de la thrombopénie par
une durée de vie raccourcie des plaquettes ou contre-indique la splénectomie
si la durée de vie des plaquettes est normale (thrombocytopénie de mécanisme
central). Si le chiffre de plaquettes est < 20 G/l, l’examen peut être impossible
à réaliser. L’intérêt prédictif de l’étude du siège de la destruction des
plaquettes est très controversé. Devant une thrombocytopénie sévère et/ou
symptomatique, la splénectomie est la thérapeutique qui a la plus de chance
d’être efficace. Elle s’impose donc sans connaître ou sans tenir compte du
siège de séquestration. Ce dernier peut en revanche être pris en considération
dans les formes modérées et asymptomatiques.
Environ 2/3 des patients splénectomisés retrouveront un taux de plaquettes
normal sans besoins de traitements ultérieurs. Pour les autres, la moitié des
rechutes est constatée dans les 6 mois. Dans le cas particulier des enfants, la
splénectomie est rarement indiquée. Celle-ci doit être impérativement discutée
entre spécialistes qui évalueront le rapport bénéfice/risque suivant la gravité de
la situation.
Thérapeutiques émergentes
❐ Le rituximab
Une étude française de phase 2 récemment publiée a testé l’impact du
rituximab (4 perfusions sur 1 mois) comme alternative à la splénectomie chez
des patients adultes atteints de PTI chroniques (< 30 G/l). Deux ans après le
traitement, 33 % des patients conservaient une réponse hématologique leur
permettant d’éviter une splénectomie. Ces résultats, quoique inférieurs au trai-
tement de référence par splénectomie, permettent d’envisager cette option
thérapeutique lorsqu’il existe une contre-indication opératoire ou un refus de
la chirurgie par le patient.
limiter les indications aux formes de PTI réfractaires aux traitements classi-
ques ou à la « gestion » des patients en attente de splénectomie.
– Certains auteurs ont signalé des formes de PTI chroniques associées à des
infections par Helicobacter pylori dont l’éradication thérapeutique (amoxicil-
line, clarithromycine, oméprazole) aurait coïncidé avec des rémissions au moins
partielles du PTI. Ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres publications.
Mesures concomitantes
Il faut proscrire toutes médications susceptibles de déprimer l’hémostase
(aspirine), interdire les injections IM, déconseiller les activités à risque trau-
matique, évaluer l’intérêt d’un traitement hormonal afin de prévenir les
ménométrorragies. Il faut réaliser avant ou au décours de la splénectomie des
vaccinations antipneumocoque, antiméningocoque et anti-Hæmophilus
influenzæ B, à renouveler tous les 5 ans pour la vaccination antipneumococ-
cique. Une prophylaxie à base d’Oracilline (1 comprimé matin et soir) durant
2 ans est recommandée. Il est capital de recommander une antibiothérapie
antipneumococcique en cas de fièvre élevée chez les patients splénectomisés
sans limites de temps. Le port d’un certificat ou d’une carte indiquant l’anté-
cédent de splénectomie est recommandé et un traitement en cas de fièvre est
nécessaire. Une hospitalisation d’urgence pour prélèvement bactériologique et
administration d’antibiotique adaptée à un éventuel pneumocoque résistant
(Claforan) devrait être systématiquement proposée.
Un suivi régulier du taux de plaquettes au décours de l’intervention doit être
réalisé en raison du risque de thrombocytose généralement transitoire et d’une
possible récidive de la thrombopénie.
Les transfusions de concentrés plaquettaires sont inutiles lors des thrombopé-
nies périphériques. Le rendement transfusionnel étant médiocre, il faut
réserver les transfusions en cas d’hémorragie viscérale sévère en sachant que
celles-ci auront au mieux une efficacité partielle et transitoire.
Cas particulier
– La thrombocytopénie périphérique de type idiopathique, mais associée à
d’autres pathologies.
– Les thrombocytopénies auto-immunes associées à un lupus. Les modalités de
la corticothérapie sont celles d’un lupus érythémateux disséminé, c’est-à-dire
prolongée bien au-delà de 3 semaines avec un sevrage très progressif. Si la
thrombocytopénie constitue l’unique symptôme récidivant du lupus imposant
alors des cures de cortisone à répétition, la splénectomie doit être discutée.
– Le syndrome des antiphospholipides peut s’associer à des thrombocytopé-
nies auto-immunes. Le diagnostic sera évoqué sur des antécédents de
thrombose, de fausses couches spontanées et l’allongement du TCA.
– Une thrombocytopénie périphérique idiopathique peut précéder ou émailler
l’évolution de certaines affections comme les dysthyroïdies.
– Les hémopathies lymphoïdes malignes : un tableau de thrombocytopénie péri-
phérique sévère peut survenir au cours d’une leucémie lymphoïde chronique
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 91
Évolution et pronostic
Les formes pédiatriques surviennent volontiers dans un contexte d’infection
virale récente. Elles évoluent le plus souvent selon un mode aigu, guérissant
spontanément en quelques jours à quelques semaines, avec ou sans traitement.
Chez l’adulte, les formes chroniques sont prédominantes et 2/3 des thrombo-
cytopénies périphériques idiopathiques au diagnostic vont persister ou
récidiver après un traitement initial. La probabilité de guérison spontanée
après 3 mois d’évolution ne dépasse pas 10 % des patients. Les rechutes post-
splénectomies sont de l’ordre de 30 %. La proportion de décès imputables à la
thrombocytopénie périphérique idiopathique est de l’ordre de 5 %, surtout
dans la 1re année du diagnostic. Ils concernent généralement les formes avec
syndrome hémorragique clinique d’emblée sévère, résistant aux traitements.
BIBLIOGRAPHIE
THROMBOCYTOSES ET THROMBOCYTÉMIES
Ismail ELALAMY, Nicole CASADEVALL
Thrombocytoses transitoires
Ces augmentations passagères du nombre des plaquettes sont imputables à
une cause évidente. Il est ainsi classique d’observer une augmentation de la
lignée plaquettaire dans les suites d’une intervention chirurgicale, après un
traumatisme ou un stress (exercice physique par exemple) ou même dans le
post-partum. La réaction inflammatoire contribue à cet entraînement de la
mégacaryopoïèse. Par ailleurs, la réparation d’une thrombopénie par défaut de
production médullaire ou par excès de destruction peut aussi induire de façon
passagère une élévation du nombre de plaquettes circulantes. Ainsi, on peut
citer les suites d’une hémorragie ou d’une hémolyse, la correction d’une
carence vitaminique (folates ou B12), la réparation d’une intoxication alcoo-
lique aiguë ou d’une chimiothérapie. Certains médicaments peuvent induire
une augmentation des plaquettes (corticoïdes, facteurs de croissance, andro-
gènes par exemple). La responsabilité des héparines de bas poids moléculaire
(HBPM) est même envisagée en raison de leurs propriétés thrombopoïétiques
qui restent à démontrer.
Thrombocytoses durables
L’augmentation de la numération plaquettaire persiste ou s’accroît dans diffé-
rents contextes :
– post-splénectomie : la thrombocytose est prévisible mais inconstante. Elle
apparaît dans la semaine qui suit l’ablation de la rate pour atteindre un pic au
bout de quelques semaines. Avec la mobilisation du pool splénique, elle peut
dépasser parfois 1 000 G/l et le retour à la normale est atteint en quelques
mois. En cas de persistance d’une numération plaquettaire élevée, il est néces-
saire alors de rechercher une cause associée telle qu’une carence martiale ou
une hémolyse responsable d’une stimulation médullaire chronique;
– carence martiale : la recherche minutieuse d’une telle carence est classique.
Même en l’absence d’anémie franche, il faut identifier ce déficit par des signes
comme l’hypochromie ou la microcytose érythrocytaires et le confirmer par
un bilan martial révélant l’effondrement des réserves (ferritinémie, fer sérique,
capacité totale de saturation de la sidérophiline). Le mécanisme physiopatho-
génique de cette thrombocytose par entraînement médullaire reste en fait mal
connu en l’absence d’élévation satellite de la thrombopoïétine;
– inflammation : la production de cytokines (interleukine 6 [IL6]) dans un tel
contexte contribue à la stimulation secondaire de la thrombopoïèse. Ces hyper-
plaquettoses sont facilement identifiées dans ces circonstances cliniques
(polyarthrite, sepsis chronique, colites par exemple) et biologiques (augmentation
94 Maladies hémorragiques
Syndromes myéloprolifératifs
Comme la thrombocytémie essentielle (TE), tous les syndromes myéloprolifé-
ratifs peuvent s’accompagner d’une augmentation du nombre de plaquettes :
la leucémie myéloïde chronique, la polyglobulie de Vaquez et la splénomé-
galie myéloïde. L’enquête hématologique sera soigneuse et visera à
déterminer le type de syndrome myéloprolifératif. L’examen du sang, voire du
myélogramme avec biopsie ostéomédullaire (mégacaryocytes dystrophiques,
en îlots, et fibrose réticulinique) et la culture des progéniteurs médullaires
(pousse spontanée) en laboratoire spécialisé sont nécessaires pour affirmer le
diagnostic dans les formes où l’hémogramme n’est pas caractéristique d’un
syndrome myéloprolifératif.
Polyglobulie de Vaquez
L’hyperplaquettose est classiquement combinée à une élévation de l’hémato-
crite. L’augmentation de la masse sanguine a une valeur diagnostique
fondamentale en cas de splénomégalie et d’hyperleucocytose associées.
Splénomégalie myéloïde
L’hyperplaquettose est plus rarement identifiée avec l’érythromyélémie et les
déformations érythrocytaires (hématies en larme) caractéristiques de ce
syndrome.
96 Maladies hémorragiques
Myélodysplasies
Les syndromes myélodysplasiques constituent un groupe hétérogène d’hémo-
pathies clonales caractérisées par une hématopoïèse inefficace avec
avortement intramédullaire et un risque élevé de transformation en leucémie
aiguë myéloïde.
Une hyperplaquettose modérée peut être observée au cours d’une anémie
réfractaire sidéroblastique idiopathique chez le sujet âgé. L’anémie est classi-
quement macrocytaire avec des signes manifestes de dysérythropoïèse. Le
myélogramme révèle une hyperplasie érythrocytaire avec des sidéroblastes en
couronne et contribue ainsi au diagnostic biologique.
Le syndrome myélodysplasique avec délétion du bras long du chromosome 5
(del. 5q) ou syndrome 5q- est généralement décrit chez une femme âgée
présentant une anémie macrocytaire, une leuconeutropénie et une hyperpla-
quettose avec splénomégalie. Le myélogramme objective les dystrophies
mégacaryocytaires avec des cellules de taille réduite et un défaut de lobulation
nucléaire ainsi que des dystrophies de la lignée granuleuse.
Conclusion
La stratégie diagnostique des hyperplaquettoses consiste à éliminer les formes
réactionnelles asymptomatiques, de bon pronostic et à identifier les proliféra-
tions primitives potentiellement à haut risque thrombotique. La TE constitue
le syndrome myéloprolifératif le plus fréquent. Sa prise en charge thérapeu-
tique, orientée par l’appréciation du rapport bénéfice/risque, doit associer des
traitements cytoréducteur et antiplaquettaire dont la surveillance biologique
attentive reste incontournable.
BIBLIOGRAPHIE
THROMBOPATHIES ACQUISES
Ismail ELALAMY
Thrombopathies médicamenteuses
Les médicaments sont les plus fréquemment à l’origine de ces altérations
fonctionnelles plaquettaires avec en premier lieu les anti-inflammatoires non
stéroïdiens dont l’aspirine, puis les autres agents antiagrégants comme la ticlo-
pidine ou le clopidogrel.
C’est en 1971 que Sir John Vane révèle le mécanisme d’action de l’aspirine :
acétylation irréversible de l’enzyme plaquettaire responsable de la synthèse de
prostaglandines et impliquée dans la voie de génération du thromboxane A2
(TxA2), la cyclooxygénase (Cox). Dans les années quatre-vingt-dix, il est
décrit que les sites sérine de la Cox sont modifiés définitivement par l’aspirine
rendant non fonctionnelle cette enzyme durant toute la durée de vie plaquet-
taire soit 8 jours. Par opposition, les autres AINS ont une action réversible,
corrélée à leur durée de vie, en bloquant transitoirement l’entrée du site cata-
lytique de l’enzyme. L’action antiplaquettaire de ces anti-inflammatoires est
donc limitée à l’une des voies de la réponse cellulaire. Elle abolit la réponse à
l’acide arachidonique, inhibe la synthèse du TxA2 et la sécrétion d’ADP
granulaire. L’allongement du TS est inconstant sous aspirine compte tenu
d’une grande variabilité interindividuelle. Il a ainsi été rapporté des sujets
résistants à l’Aspirine avec une discordance entre l’inhibition plus ou moins
complète de la réponse plaquettaire à l’acide arachidonique et l’absence de
retentissement sur le TS (Ivy incision) ou le temps d’occlusion (par l'automate
PFA-100). Le problème est donc d’éliminer la prise inopinée d’aspirine par le
patient pouvant induire le profil de thrombopathie ou d’atteinte de l’hémostase
primaire. De multiples spécialités renferment de l’aspirine (Alka Seltzer,
Cephyl, Ponstyl par exemple) alors qu’elles ne sont pas considérées comme
telles par les patients.
La liste des thrombopathies iatrogènes est, bien entendu, non exhaustive et
l’on peut citer : les antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), macromolé-
cules qui à forte dose peuvent perturber le fonctionnement des récepteurs
membranaires plaquettaires, les diurétiques, les inhibiteurs calciques pouvant
gêner la mobilisation calcique indispensable à la réponse plaquettaire.
Certaines chimiothérapies, les anesthésiques, les antidépresseurs tricycliques,
le dextran, les hypolipémiants et même l’alcool sont incriminés dans l’appari-
tion d’un dysfonctionnement plaquettaire (tableau 3.IV).
Hémopathies
Les troubles de la myélopoïèse associés à cette atteinte centrale sont responsa-
bles d’une dysmégacaryopoïèse génératrice de plaquettes de qualité et de
morphologies imparfaites. L’analyse optique sur lame permet de révéler une
anisocytose plaquettaire avec des atypies morphologiques. L’existence de trou-
bles fonctionnels plaquettaires peut précéder de plusieurs mois l’apparition
100 Maladies hémorragiques
Agents Mécanismes
Acide acétylsalicylique (aspirine) Inhibiteur irréversible de Cox
AINS (ibuprofène, diclofénac, Inhibiteur réversible de Cox
indométacine par exemple)
Ticlopidine, clopidogrel Inhibiteur irréversible des récepteurs
de l’ADP
Antagonistes des GPIIb/IIIa Inhibiteur des sites de liaison du
(abciximab, eptifibatide, tirofiban) fibrinogène
Antibiotiques (bêtalactamines) Interférence avec les récepteurs
membranaires plaquettaires
Inhibiteurs calciques (nifédipine, Perturbation des mouvements
vérapamil) calciques
Dextran (macromolécules de Interférence avec les récepteurs
remplissage) membranaires plaquettaires
Bêtabloquants Indéterminée
Antidépresseurs tricycliques Altération de la réponse plaquettaire
(imipramine paroxétine) à l’ADP
Iatrogènes
Antiplaquettaires : aspirine, clopidogrel, AINS, anti-GPIIb/IIIa
Antibiotiques : bêtalactamines
Inhibiteurs calciques
Antidépresseurs
Insuffisance rénale chronique
Insuffisance hépatique chronique
Activation plaquettaire systémique
CEC
Valvulopathie
Prothèse vasculaire
Thalassémies, drépanocytose
Dysimmunité
Maladie auto-immune
Dysglobulinémie
Hémopathies
Myélodysplasies
Épuisement plaquettaire
Dans divers contextes, les plaquettes peuvent être activées a minima et
secréter ainsi leur contenu granulaire pour circuler dans un état devenu réfrac-
taire. Cette thrombopathie par pool vide acquis est ainsi décrite dans les
contextes postopératoires comme la circulation extracorporelle avec une acti-
vation mécanique des plaquettes dans les circuits, en cas de valvulopathies
cardiaques, avec un dysfonctionnement des valves responsables de turbu-
lences anormales et de traumatismes cellulaires proactivateurs. Dans ces
circonstances, différents marqueurs peuvent authentifier l’activation systé-
mique des plaquettes. L’étude agrégométrique révèle une désagrégation
anormale des plaquettes (pool vide) et une réponse nettement diminuée avec la
plupart des agonistes (désensibilisation des récepteurs). La mesure des taux de
différentes protéines granulaires s’avère anormalement élevée dans le plasma :
la β-thromboglobuline, le F4P ou la thrombospondine par exemple. La mise
en évidence de complexes leucoplaquettaires ou de microparticules authenti-
fiant l’activation cellulaire est proposée en cytométrie en flux. Un tel profil de
désensibilisation a été aussi décrit dans les hémoglobinopathies type drépano-
cytose ou thalassémie homozygote. Il s’agirait dans ce contexte d’un moyen
de protection naturelle contrebalançant l’hypercoagulabilité et le risque
thrombotique accru associé.
Thrombopathies immunes
La liaison d’autoanticorps sur la membrane plaquettaire peut gêner le fonc-
tionnement des récepteurs en réponse à divers agonistes. Cet encombrement
peut ainsi paraître non spécifique. Les tests fonctionnels plaquettaires sont
perturbés lorsqu’ils sont réalisés en plasma riche en plaquettes. En revanche,
après lavage des plaquettes, celles-ci répondent parfaitement aux agonistes
testés confirmant ainsi la nature plasmatique de l’inhibiteur. Le risque hémor-
ragique clinique ne semble pas majeur. Parfois ces anticorps peuvent se fixer
spécifiquement sur des cibles protéiques précises et induire une thrombopathie
spécifique telle d’une thrombasthénie acquise par autoanticorps anti-
GPIIb/IIIa avec dans ces conditions un risque hémorragique sévère. Ces éven-
tualités sont décrites en cas de maladies auto-immunes type lupus
érythémateux, ou en cas de dysglobulinémies type myélome ou Waldenström.
102 Maladies hémorragiques
Hépatopathies chroniques
Les troubles hémorragiques sont fréquemment rapportés dans le contexte
d’hépatopathie chronique. Les altérations de l’hémostase sont nombreuses,
mais l’atteinte de la lignée plaquettaire peut être quantitative et/ou qualitative.
Différents mécanismes sont possibles : un hypersplénisme avec séquestration
des plaquettes, une atteinte immune avec une réduction de la durée de vie
plaquettaire ou un déficit en thrombopoïétine avec une dysmégacaryopoïèse.
La consommation d’alcool aggrave ce profil compte tenu de la toxicité méga-
caryocytaire directe et des carences vitaminiques associées (acide folique).
Une thrombopathie est rapportée chez plus de 50 % des cirrhotiques. Il a été
décrit une diminution des sites GPIb à la surface plaquettaire. Cette glycopro-
téine est le site d’amarrage du VWF à l’initiation du processus de l’hémostase
primaire. D’autres déficits de la réponse plaquettaire sont rapportés. Leur
diagnostic est difficile et il doit être effectué par des laboratoires spécialisés.
MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE AVITAMINOSE K
Meyer-Michel SAMAMA
Physiopathologie
La vitamine K intervient dans l’un des derniers stades de la synthèse de
plusieurs facteurs de la coagulation : FII, FVII ou proconvertine, FIX ou facteur
antihémophilique B, FX. L’absence de vitamine K entraîne un arrêt prématuré
de la synthèse au stade d’acarboxyprotéine : les protéines formées sont inactives
car elles n’ont qu’un seul groupement carboxylique et ne peuvent pas fixer le
calcium. En revanche, en présence de vitamine K, la synthèse est complétée par
la formation d’un second groupement COOH qui leur permet de se lier au
calcium bivalent. La synthèse de trois autres protéines – les protéines C, S et Z
[PC, PS et PZ] – nécessite également la présence de vitamine K. Les protéines C
et S sont anticoagulantes physiologiquement et la PZ intervient dans le métabo-
lisme osseux. Cet arrêt prématuré de la synthèse dans l’avitaminose K explique
la présence dans le sang des précurseurs inactifs ou hypocarboxylés appelés
PIVKA (protein induced vitamin K antagonist or absence). La rapidité d’action
de la vitamine K est expliquée par son intervention sur ces précurseurs.
Les sources de vitamine K sont d’une part l’alimentation (en particulier
légumes verts), d’autre part la synthèse par des bactéries intestinales de vita-
mine K2. La vitamine K est une vitamine liposoluble qui nécessite donc pour
son absorption intestinale l’intervention de la bile et d’une lipase pancréa-
tique. Les fistules biliaires et l’ictère par rétention sont des causes classiques,
les plus anciennement connues d’avitaminose K.
Il est facile également de comprendre qu’une alimentation parentérale
dépourvue de vitamine K, un régime pauvre, également en cette même vita-
mine, les traitements antibiotiques prolongés, les maladies pancréatiques, le
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 103
Aspects cliniques
Les manifestations hémorragiques n’apparaissent que lorsque le taux des
facteurs de la coagulation s’abaisse au-dessous de 30 ou même 20 %. Elles
consistent en hématurie, ecchymoses, hématomes, avec la possibilité
d’hémorragie cérébrale.
Diagnostic biologique
Le temps de Quick (TQ) est allongé et le dosage des facteurs de la coagulation
montre une diminution des FII, FVII, FX et FIX avec conservation d’un taux
de FV normal. Le test de Köller consiste à vérifier que le TQ est corrigé après
administration parentérale ou par voie orale si une carence d’apport en vita-
mine K1 est vraisemblable. La dose à utiliser chez le nouveau-né est de l’ordre
de 5 à 20 mg et peut être éventuellement renouvelée.
Il existe deux possibilités d’absence de correction transitoire ou définitive des
résultats biologiques :
– un déficit constitutionnel (extrêmement rare) par mutation génétique d’une
enzyme du site de la vitamine K responsable d’un trouble de la synthèse des
facteurs de la coagulation avec les manifestations hémorragiques qu’il
comporte. Ceci a été observé à l’occasion de mariages consanguins en raison
du caractère récessif de la transmission de cette tare;
– les intoxications volontaires, accidentelles ou provoquées par l’utilisation de
raticides. La correction de l’anomalie biologique nécessite l’augmentation des
doses et le renouvellement des injections de vitamine K sous contrôle du
laboratoire.
104 Maladies hémorragiques
Traitement
Le traitement de l’avitaminose K est essentiellement fonction des causes de ce
dernier. Dans le cas simple du traitement par les antivitamines K (AVK),
l’administration de vitamine K1 corrige le trouble.
Dans le cas des maladies cœliaques ou de la sprue, le trouble sera corrigé par
un régime approprié qui permet la correction des troubles de l’absorption, de
l’avitaminose K ainsi que la synthèse des différents facteurs de la coagulation.
Dans le chapitre traitant les traitements hémostatiques, les conditions d’utili-
sation de la vitamine K sont explicitées. La transfusion de plasma frais viro-
inactivé peut être nécessaire pour corriger rapidement les déficits en facteurs
de la coagulation.
MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE ATTEINTE HÉPATIQUE
Meyer-Michel SAMAMA
Biopsie hépatique
Elle est associée à un risque de saignement, et des hémorragies mortelles ont
été rapportées quoique extrêmement rares. Le recours à la voie transjugulaire,
et aux autres méthodes non invasives, – Fibrotest, FibroMètre, FibroScan –
doit être envisagé.
Transplantation hépatique
Elle comporte une altération importante de l’hémostase de caractère variable
en fonction du stade de l’intervention préanhéatique, dominée par une hyperfi-
brinolyse, anhépatique ou après reperfusion, période où le risque
hémorragique est maximum. Une CIVD, la libération d’anticoagulants à acti-
vité neutralisable par la protamine, une hyperfibrinolyse ont été incriminées
dans ces accidents devenus beaucoup plus rares.
Le recours à l’aprotinine est abandonné en raison de la possibilité de choc
anaphylactique.
Le recours systématique à l’acide ε-aminocaproïque ou à l’acide tranexa-
mique est prôné par un certain nombre d’équipes chirurgicales.
Plusieurs équipes accordent un certain intérêt à la surveillance en salle
d’opération des variations de la coagulation et de la fibrinolyse à l’aide de la
thromboélastographie.
En période postopératoire, une thrombopénie transitoire d’une durée
d’environ 10-14 jours peut être observée.
Le risque thromboembolique postopératoire n’est pas bien documenté. Il
n’existe pas de recommandation sur la prise en charge de ce risque éventuel.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 107
BIBLIOGRAPHIE
MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À UNE ATTEINTE RÉNALE
Meyer-Michel SAMAMA
d’être constante. Elle peut être associée à des thromboses dans d’autres terri-
toires. L’imagerie et l’ultrasonographie permettent un diagnostic objectif.
Le traitement anticoagulant oral est classiquement indiqué, mais sa durée reste
mal définie. L’évolution de la fonction rénale peut renseigner sur l’efficacité
de ce traitement
L’insuffisance rénale s’accompagne classiquement d’une tendance hémorra-
gique le plus souvent liée à une thrombopénie et/ou une thrombopathie de règle
modérée. Les hémorragies sont cutanéomuqueuses, mais des hémorragies
sévères gastro-intestinales ou des hématomes dangereux par leur localisation,
ont été observés. L’insuffisance rénale du SHU doit être distinguée du
syndrome de Moschcowitz ou purpura thrombotique thrombocytopénique.
Dans ce dernier cas, la schisocytose est beaucoup plus marquée tandis que
l’insuffisance rénale l’est moins que dans le SHU. La concentration plasma-
tique en ADAMTS13 est très diminuée dans le syndrome de Moschcowitz
alors qu’elle est sensiblement normale dans le SHU.
Parmi les patients ayant un myélome, 10 à 30 % ont une insuffisance rénale
qui relève du traitement par échange plasmatique avec des résultats variables.
L’association thalidomide-chimiothérapie ou thalidomide-dexaméthasone
entraîne un risque thromboembolique qui peut nécessiter un traitement
préventif antithrombotique.
L’atteinte plaquettaire est attribuée à des métabolites anormaux présents dans
le plasma des insuffisants rénaux et qui altèrent l’adhésion et/ou l’agrégation
plaquettaire. L’anémie profonde majore le risque de saignement. Les altéra-
tions de la coagulation et de la fibrinolyse sont plus rares. Il existe une
augmentation du fibrinogène, du FVIII et une baisse des protéines C et S. La
fibrinolyse est déprimée à la suite d’une élévation possible des inhibiteurs
PAI1 et α2-antiplasmine (α2-AP), contrastant avec une diminution du t-PA.
La diminution du FV a une valeur généralement péjorative. Toutefois, il faut
noter qu’une amorce de coagulation au cours du prélèvement sanguin peut
fausser le dosage du FV du fait de son augmentation artefactuelle par activa-
tion du FV en FVA.
Un grand nombre d’altérations sont corrigées par l’hémodialyse, en particulier
l’atteinte plaquettaire.
Le syndrome hémorragique est constitué par un purpura ecchymotique et un
saignement de muqueuses gastro-intestinales. Des hémorragies peuvent
survenir à l’occasion d’un acte invasif ou d’une intervention chirurgicale.
Des syndromes hémolytiques (syndrome hémolytique et anémique) peuvent
être exceptionnellement rencontrés.
Le purpura thrombotique thrombocytopénique (ou syndrome de Mosch-
cowitz) peut survenir chez un insuffisant rénal.
Le traitement des accidents hémorragiques repose le plus souvent sur l’hémo-
dialyse. Utilisée pendant l’hémodialyse, l’accumulation de l’héparine non
fractionnée (HNF) ou d’une HBPM peut être responsable de saignements,
d’autant que l’élimination de l’HBPM est exclusivement rénale.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 109
BIBLIOGRAPHIE
COPPO P, BENGOUFA D, VEYRADIER A et al. Severe ADAMTS 13 deficiency
in adult idiopathic thrombotic microangiopathies defines a subset of patients
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hemostasis in renal disease. Kidney Int 1994; 46 : 287-296.
ZANGARI M, ELICE F, FINK L, TRICOT G. Thrombosis in multiple myeloma.
Expert Rev Anticancer Ther 2007; 7 : 307-315.
MALADIES DE L’HÉMOSTASE
LIÉES À DES AUTOANTICORPS DIRIGÉS
CONTRE UN FACTEUR DE LA COAGULATION
Sami GUERMAZI
Autoanticorps anti-VIII
Ce sont les plus fréquents parmi les autoanticorps dirigés contre les facteurs
de la coagulation. Ils ont été décrits dans différentes circonstances : lupus
érythémateux disséminé (LED), certaines dermatoses, syndromes lymphopro-
lifératifs, gammapathies monoclonales, post-partum, suite à la prise de
certains médicaments. Parfois ils apparaissent de manière apparemment
isolée. En raison de leur importance, ils font l’objet d’un chapitre spécifique
(voir ci-dessous).
110 Maladies hémorragiques
Inhibiteurs du VWF
Des maladies de Willebrand acquises ont été décrites au cours de syndromes
lymphoprolifératifs, de gammapathies monoclonales même bénignes du sujet
âgé et au cours des lymphomes. Le TS est habituellement moins allongé que ne
le voudrait la baisse du complexe FVIII : VWF. Une anomalie de répartition des
multimères du VWF peut être mise en évidence. L’effet inhibiteur est souvent
difficile à mettre en évidence in vitro, mais il existe une mauvaise réponse in
vivo après administration de concentrés de VWF. Les mécanismes de ces défi-
cits acquis sont multiples : autoanticorps ou adsorption du VWF par des
populations lymphocytaires ou des tissus anormaux (voir chapitre 3).
HÉMOPHILIE ACQUISE
Hervé LEVESQUE
Données cliniques
En règle, son diagnostic est évoqué devant un syndrome hémorragique d’appa-
rition souvent brutale et bruyante, sans notion d’antécédents hémorragiques
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 111
Affections associées
Si une fois sur deux l’autoanticorps est apparemment isolé, chez les autres
patients une affection maligne solide ou parfois bénigne solide ou lymphopro-
liférative, une maladie auto-immune ou des facteurs favorisants (post-partum)
sont objectivés (tableau 3.VI). Au cours des affections auto-immunes la
présence d’un anticorps anti-VIII n’est pas véritablement une surprise, car ces
affections s’accompagnent volontiers d’anomalies ou de maladies immunolo-
giques. La fréquence de l’association est cependant impossible à préciser du
fait de la rareté de cette coagulopathie. Les affections auto-immunes les plus
souvent signalées sont le LED, la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de
Gougerot-Sjögren et la pemphigoïde bulleuse. L’hémophilie acquise semble,
certes rarement pouvoir être rattachée à des traitements médicamenteux, en
particulier la pénicilline, le méthyldopa et la phénytoïne. Les autres associa-
tions morbides pourraient être des associations fortuites, notamment chez le
112 Maladies hémorragiques
sujet âgé. Les cancers ou les syndromes lymphoprolifératifs sont une associa-
tion à rechercher de principe chez ces patients, les plus classiques étant les
leucémies lymphoïdes, les lymphomes, les cancers du poumon, du colon, du
rein, de la prostate ou de l’ovaire. L’association hémophilie acquise et gros-
sesse est connue depuis de très nombreuses années. Comme pour les autres
affections auto-immunes survenant en post-partum, l’hémophilie acquise
survient le plus souvent précocement entre 2 à 5 mois après l’accouchement et
plus fréquemment après la première grossesse. La réapparition lors d’une
grossesse ultérieure est exceptionnelle. L’évolution spontanée semble
meilleure dans cette situation. Pour beaucoup d’auteurs, il n’est pas utile de
proposer de manière systématique un traitement immunosuppresseur.
Critères diagnostiques
L’hémophilie acquise est due à l’apparition d’anticorps dirigés contre le
FVIII. Ces anticorps sont habituellement de type IgG. Le diagnostic est établi
par la mise en évidence d’une part d’un inhibiteur ou ACC sur le TCA et
d’autre part de sa spécificité vis-à-vis de l’activité coagulante du FVIII (labo-
ratoire spécialisé).
Il existe un allongement isolé du TCA lié à la présence d’un ACC démontrée
par l’absence de correction du TCA par le mélange du plasma du malade à
parties égales avec un plasma de référence normal. L’activité coagulante du
FVIII est franchement diminuée, le plus souvent < 10 %, toujours < 30 % chez
un malade sans histoire personnelle ou familiale d’hémorragies. Le taux et
l’activité des autres facteurs de la voie intrinsèque et du VWF sont normaux.
Le test Bethesda permet de quantifier le titre de l’ACC anti-FVIII. Il est
exprimé en unités Bethesda.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 113
Stratégie thérapeutique
Véritable urgence diagnostique et thérapeutique, la découverte d’une hémo-
philie acquise impose une prise en charge en milieu spécialisé. Le traitement
comporte deux volets : d’une part traiter les complications hémorragiques,
d’autre part éliminer l’autoanticorps. En réalité, aucun consensus n’existe
pour chacune des deux parties du traitement du fait de la rareté de l’anomalie
et de l’absence d’un nombre suffisant d’études prospectives.
Traitement antihémorragique
Deux stratégies peuvent être utilisées pour restaurer l’hémostase :
– élever le taux de FVIII à des valeurs au moins > 30 % en utilisant des
concentrés de FVIII porcin, voire humain;
– court-circuiter le FVIII en apportant soit des complexes prothrombiniques,
soit du FVII activé recombinant, soit rFVIIa (NovoSeven) qui activeraient
directement le FX.
FVIII humain
Contrairement à l’hémophilie constitutionnelle, les données pharmacocinéti-
ques du FVIII sont imprévisibles au cours de l’hémophilie acquise du fait
d’une inhibition souvent rapide et importante du FVIII humain par l’inhibi-
teur. Par conséquent, les concentrés de FVIII humain sont en général
cliniquement inefficaces chez la plupart des patients atteints d’hémophilie
acquise, sauf s’ils sont donnés à des patients avec un titre bas d’inhibiteur ou
s’ils sont associés à une stratégie de réduction de la concentration d’anticorps,
telle qu’une plasmaphérèse ou une immunoadsorption. En pratique, les
concentrés de FVIII humain offrent habituellement peu d’intérêt dans cette
indication. Néanmoins, ils peuvent être utilisés en l’absence ou dans l’attente
de thérapeutiques plus efficaces si le pronostic vital est engagé.
FVIII porcin
Son intérêt tient au fait que pour des doses égales au FVIII humain, il est
beaucoup plus efficace chez la plupart des patients atteints d’hémophilie
acquise, car l’inhibiteur n’a souvent que peu ou pas de réactivité croisée avec
le FVIII porcin. Malheureusement, comme pour le FVIII humain, la pharma-
cocinétique du FVIII porcin peut être imprévisible. En cas d’absence ou
d’échec d’autres alternatives thérapeutiques, la prescription de FVIII porcin,
qui nécessite une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative, peut
être réservée aux patients dont le taux d’inhibiteur vis-à-vis du FVIII humain
est relativement faible.
114 Maladies hémorragiques
rFVIIa
Une autre possibilité est le recours au FVII activé recombinant (rFVIIa, Novo-
Seven, voir chapitre 4). Produit par biotechnologie, il ne contient aucun produit
d’origine humaine. Administré à fortes doses supraphysiologiques, le rFVIIa est
bien toléré et a une efficacité clinique intéressante, réponse bonne ou partielle
après 8 et 24 h dans plus de 90 % des cas. La facilité d’administration et
l’absence d’effet secondaire ont permis une prise en charge à domicile des
patients hémophiles avec inhibiteurs ainsi que d’une femme ayant une hémo-
philie acquise en post-partum. La dose actuellement recommandée (AMM dans
cette indication) est de 90 µg/kg en bolus, répétée 2 h plus tard (en raison de la
demi-vie courte du produit), puis en fonction de l’évolution clinique toutes les 4
à 6 h jusqu’à disparition du risque ou du syndrome hémorragique.
Desmopressine
Elle peut être intéressante au cours des hémophilies acquises. Son effet peut
être très transitoire. Ce traitement n’a pas d’intérêt chez les patients ayant un
titre élevé d’inhibiteur et un taux bas de FVIII : son utilisation peut provoquer
un retard à la mise en place d’une thérapeutique plus efficace.
Ainsi, la prise en charge thérapeutique des complications hémorragiques est
fonction de leur sévérité, du contexte de survenue, des titres d’inhibiteur
contre le VIII humain et de la disponibilité en urgence des produits. Aucun de
ces produits n’est efficace de façon constante ce qui rend la prise en charge
difficile (tableau 3.VII). Un avis spécialisé auprès d’une équipe entraînée à ce
type de pathologie ou à la prise en charge des hémophilies constitutionnelles
est indispensable, mais il ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique.
Traitement immunosuppresseur
Débuté le plus tôt possible, il a pour objectif :
– de neutraliser l’anticorps par des immunoglobulines ou des plasmaphérèses;
– de supprimer la synthèse de l’anticorps par des stéroïdes seuls ou en associa-
tion aux immunosuppresseurs.
Traitements immunosuppresseurs
L’indication et le type de traitement immunosuppresseur à proposer sont diffi-
ciles à codifier : d’une part du fait de la rareté de l’anomalie et du contexte
souvent variable de survenue, d’autre part du fait de l’évolution spontanée
imprévisible. Ainsi dans la cohorte américaine de 215 cas, des rémissions
spontanées ou avec une corticothérapie seule étaient possibles notamment
chez l’enfant ou dans le post-partum. Prescrite seule à des posologies de
1 mg/kg/j, la prednisone ne fait disparaître l’inhibiteur que dans environ 30 %
des cas. De fait, le recours d’emblée à une association corticoïdes-cyclophos-
phamide (2 mg/kg/j per os ou 0,7 g/m2 mensuel en bolus intraveineux) est
recommandé par la plupart des auteurs. D’autres associations telles que pred-
nisolone-azathioprine ou prednisone-cyclophosphamide-vincristine se sont
aussi montrées efficaces. Récemment des résultats encourageants ont été
publiés avec un nouvel anti-TNF utilisé pour des pathologies hématologiques
malignes (rituximab).
Un cas particulier est le post-partum pour lequel le recours à un traitement par
immunosuppresseur est discuté et surtout contraignant chez ces femmes en
âge de reproduction où les agents alkylants peuvent provoquer une infertilité.
Chez ces patientes, l’azathioprine et/ou les immunoglobulines à fortes doses
en association avec la prednisolone peuvent être préférées à la prednisolone
associée au cyclophosphamide.
Le dernier problème concerne la durée du traitement immunosuppresseur. La
plupart des patients répondent aux traitements immunosuppresseurs dans un
délai de 3 à 6 semaines mais, dans certains cas, la réponse est très lente,
s’échelonnant sur des semaines ou des mois. De fait aucun consensus ne peut
être proposé quant à la durée minimale de traitement qui repose en fait sur
l’évolution du taux de l’inhibiteur.
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 117
BIBLIOGRAPHIE
Physiopathologie
La CIVD est un syndrome dont la survenue relève de plusieurs facteurs :
– des facteurs déclenchants;
– des facteurs favorisants;
– des facteurs aggravants.
Facteurs favorisants
Ils contribuent à une accumulation de facteurs activés et à un défaut de neutra-
lisation de la thrombine :
– l’inhibition du système réticulo-histiocytaire (SRH) lors des états de chocs,
des insuffisances hépatiques sévères;
– la diminution des inhibiteurs physiologiques de la coagulation (AT, PC, PS,
TFPI);
– un dysfonctionnement systémique du système de la PC (diminution des
inhibiteurs, modification de l’expression de la thrombomoduline (TM) à la
surface des cellules endothéliales);
– l’inflammation systémique et les réponses cytokiniques (interleukine 6 [IL6]
principalement) qui entretiennent l’activation endothéliale et monocytaire, et
majorent l’activation de la coagulation;
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 119
Facteurs aggravants
– l’insuffisance circulatoire et le ralentissement de la microcirculation favori-
sent l’accumulation des facteurs activés de la coagulation;
– la diminution de la synthèse des facteurs de l’hémostase du fait de l’état de
choc ou d’une insuffisance hépatique est responsable d’un défaut de compen-
sation des facteurs consommés;
Ceci contribue à l’apparition d’insuffisances viscérales graves par défaut de
perfusion des organes nobles (rein, foie, cerveau, poumons). Une élévation
des LDH, de la créatinine, une baisse du pH ou de la pression artérielle en
oxygène (PaO2) doivent faire évoquer ces atteintes organiques.
Conséquences
Les différents facteurs impliqués dans la survenue de CIVD ont plusieurs
conséquences.
Activation de la coagulation
La génération non contrôlée de thrombine in vivo entraîne la consommation
des substrats naturels de la thrombine : fibrinogène, FV, FVIII, FXIII,
plaquettes. L’action de la thrombine sur le fibrinogène donne lieu à des mono-
mères de fibrine solubles qui constituent un argument diagnostique très
important en faveur de la CIVD.
Activation de la fibrinolyse
L’activation de la fibrinolyse est habituellement modérée au cours des CIVD.
Il s’agit d’un processus réactionnel de défense bénéfique qui vise à débar-
rasser les vaisseaux des dépôts de fibrine et donc à prévenir les défaillances
viscérales. La plasmine générée par l’activation de la fibrinolyse dégrade la
fibrine en produits de dégradation de la fibrine, dont les D-dimères (D-Di).
L’α2-AP permet normalement de contrôler l’action de la plasmine. En cas de
dépassement de cet inhibiteur, une fibrinolyse aiguë avec dégradation du fibri-
nogène (fibrinogénolyse) peut être observée.
Aspects cliniques
Les CIVD se voient au cours de très nombreuses circonstances pathologiques
rapportées dans le tableau 3.VIII. Les circonstances obstétricales sont les
moins rares. Les CIVD associées aux cancers métastatiques (prostate), à la
leucémie aiguë promyélocytaire ont été très étudiées. De nombreuses autres
causes, en particulier de rares tumeurs vasculaires, sont à l’origine de CIVD.
Plusieurs formes de CIVD sont distinguées (fig. 3.2).
120 Maladies hémorragiques
Pathologie causale
Cancers, Sepsis
Complications obstétricales
Traumatismes, chirurgie majeure, autres
CIVD biologique
TP bas
Baisse du fibrinogène
Thrombopénie
Fibrine soluble
D-Dimères positifs
CIVD clinique
Syndrome hémorragique
Ischémie
Thromboses
CIVD compliquée
Défaillances multiviscérales
Pronostic fonctionnel/vital péjoratif
❐ CIVD biologiques
Elles n’ont pas de traduction clinique. Le diagnostic de ce type de CIVD est
posé devant des anomalies de l’hémostase recherchées systématiquement au
cours de circonstances pathologiques réputées pourvoyeuses de CIVD (leucé-
mies, anévrismes étendus, cancers). Les CIVD dites chroniques ont souvent
une expression purement biologique mais une décompensation aiguë peut être
déclenchée par un acte chirurgical ou une aggravation de la symptomatologie.
❐ CIVD cliniques
Elles sont caractérisées par :
– un syndrome hémorragique :
- des hémorragies cutanéomuqueuses : purpura pétéchial et ecchymotique,
avec parfois des ecchymoses extensives dites en carte de géographie, gingi-
vorragies, épistaxis, reprise de saignements aux points de ponctions;
122 Maladies hémorragiques
Diagnostic différentiel
Fibrinogénolyse primitive
Très rares, elles justifient l’utilisation des antifibrinolytiques. Elles se différen-
cient des CIVD par :
– un temps de lyse des euglobulines très raccourci (< 30 min) ;
– une thrombopénie absente ou modérée;
– l’absence de complexes solubles;
– un taux normal d’AT;
– l’absence de D-Di et un taux en revanche élevé des PDF totaux.
Dans les cancers (tumeurs solides), il existe une dépression fréquente du
système fibrinolytique due à une élévation du PAI1. En revanche, une hyperfi-
brinolyse est souvent observée dans la leucémie promyélocytaire.
Traitement
La stratégie de traitement dépend du stade de la CIVD (biologique, clinique,
compliquée), de la prédominance du syndrome hémorragique ou thrombo-
tique, de l’étiologie. Le traitement de la CIVD est d’abord et avant tout celui
de l’étiologie car il peut à lui seul corriger l’ensemble des anomalies de
l’hémostase : évacuation utérine en cas de CIVD obstétricale, lutte contre
l’état de choc, antibiothérapie au cours des sepsis graves, traitement anticancé-
reux (prostate). La lutte contre les défaillances viscérales est également très
Maladies hémorragiques acquises et thrombopénies 125
Traitements substitutifs
La transfusion plaquettaire est indiquée en cas d’association d’une thrombo-
pénie < 50 G/l et de facteurs de risque hémorragique sévère (acte invasif par
exemple) ou d’hémorragie grave. Il est possible d’utiliser les concentrés
plaquettaires standard ou les concentrés plaquettaires d’aphérèse. La dose
recommandée s’élève à 0,55.1011 plaquettes/7 kg de poids corporel. L’effica-
cité de ces transfusions de plaquettes est limitée dans le temps (< 24 h).
Le plasma frais congelé sécurisé ou viro-atténué est indiqué dans les CIVD
avec effondrement des facteurs de la coagulation (TP < 35-40 %), associées à
une hémorragie ou à un risque d’hémorragie (acte invasif). Il apporte tous les
facteurs de la coagulation (activateurs et inhibiteurs) sans risque thrombogène.
La dose préconisée est de 10 à 15 ml/kg à répéter toutes les 12 à 24 h si la
CIVD persiste.
L’utilisation du fibrinogène n’est pas recommandée au cours des CIVD. Le
PPSB, potentiellement thrombogène, est même formellement contre-indiqué
et de plus n’apporte pas de FV (souvent fortement abaissé).
Le FVIIa recombinant a été administré chez des patients ayant une hémorragie
majeure et une CIVD. En dehors de cas rapportés, l’administration de ce
produit n’est pas validée par des études.
Traitements spécifiques
L’intérêt de la plupart de ces nouvelles approches thérapeutiques au cours des
CIVD reste à définir :
– un inhibiteur de la voie du FVII n’a pas fait la preuve de son efficacité au
cours du sepsis sévère chez l’homme;
– les concentrés de PC sont indiqués au cours du purpura fulminans néonatal
par déficit homozygote en PC. Ils pourraient être utilisés dans les CIVD des
cancers (études en cours). Un recombinant de la PCa peut être prescrit au
cours du sepsis associant deux défaillances d’organes. L’intérêt de ce produit
au cours des CIVD est discuté. Il semble être plus efficace en cas de CIVD
grave;
– l’AT augmente le taux de résolution des CIVD au cours du sepsis mais
l’effet bénéfique sur les défaillances d’organes et la mortalité est en cours
d’investigation. Aucune étude ne prouve l’intérêt de l’AT au cours des CIVD
obstétricales;
– l’héparinothérapie a été souvent utilisée au cours du purpura fulminans
postinfectieux, des embolies amniotiques, mais son efficacité n’est pas
démontrée et son utilisation n’est donc pas recommandée;
– l’efficacité des inhibiteurs ou activateurs de la fibrinolyse dans le traitement
de la CIVD n’est pas démontrée.
126 Maladies hémorragiques
BIBLIOGRAPHIE
MÉDICAMENTS HÉMOSTATIQUES
Marie-Hélène HORELLOU, Ismail ELALAMY
Les saignements dus aux déficits d’un facteur de coagulation sont traités par
correction de ce déficit par apport du facteur manquant (perfusion de concen-
trés de FVIII chez les patients porteurs d’une hémophilie A qui présentent un
déficit en FVIII). Un traitement spécifique n’est cependant pas toujours
possible lorsque les déficits sont multiples ou lorsque aucune anomalie de
l’hémostase n’a été identifiée. Un petit nombre de médicaments peuvent
améliorer l’hémostase. L’efficacité de ces médicaments hémostatiques
(desmopressine, antifibrinolytiques) n’a jamais été parfaitement établie dans
des essais contrôlés, mais ils font partie de l’arsenal thérapeutique du médecin
pour le traitement des hémorragies. Nous inclurons également dans ce
chapitre les modalités d’utilisation de la vitamine K, pour la correction des
carences en vitamine K, source d’hémorragies par déficits en facteurs de
coagulation vitamine K-dépendants.
Desmopressine
Structure et mécanismes d’action
La desmopressine (1-désamino-8-D-arginine vasopressine [dDAVP]) diffère
de l’hormone naturelle par deux changements structuraux. Ces modifications
lui confèrent une plus grande efficacité, une plus longue durée d’action et une
diminution de l’effet vasopresseur. Ainsi la dDAVP est pratiquement dénuée
d’effet vasoconstricteur. La première et principale utilisation de la dDAVP
était à visée antidiurétique jusqu’à ce que l’on mette en évidence ses
propriétés hémostatiques. La dDAVP entraîne une augmentation rapide et
importante (taux de base multiplié par 3 à 5 fois) des taux de FVIII, du VWF
et de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) libérés à partir des cellules
endothéliales. Parallèlement sont observées une réduction du temps de saigne-
ment (TS) ainsi qu’une augmentation de l’adhésion et de l’agrégation
plaquettaire. L’augmentation des taux plasmatiques de FVIII et VWF, de t-PA
est quasiment immédiate.
Les indications de la desmopressine sont :
– l’hémophilie A modérée et atténuée (taux de FVIII > 5 %);
– la maladie de Willebrand en dehors des formes sévères ou de type IIB;
– l’allongement inexpliqué du TS en particulier au cours de l’insuffisance
rénale chronique;
128 Maladies hémorragiques
Niveau de
Situation clinique Études
recommandation
Hémophilie A modérée, MANNUCCI et al. B
Maladie de Willebrand de type 1 KOBRINSKI et al.
DE LA FUENTE et al.
Thrombopathies constitutionnelles RAO et al. C
Di Michèle
Thrombopathies médicamenteuses KOBRINSKI et al. C
(aspirine, ticlopidine) MANNUCCI et al.
Insuffisance rénale MANNUCCI et al. C
Cirrhose MANNUCCI et al. C
BURROUGHS et al.
Définition des niveaux de recommandation : efficacité et sécurité de la dDAVP montrées
par des essais thérapeutiques contrôlés (A), des études cliniques sans essais cliniques
contrôlés (B), des observations isolées (C).
Utilisation clinique
❐ Hémophilie A mineure
Le taux de FVIII minimum nécessaire à l’hémostase est voisin de 30 %. La
dDAVP est le traitement de choix des accidents hémorragiques et des situa-
tions chirurgicales chez les patients porteurs d’une hémophilie A atténuée et
modérée (taux de FVIII > 5 %), chez les conductrices d’hémophilie A. Son
administration intranasale permet son utilisation dans le traitement à domicile.
Chez les patients atteints d’hémophilie A modérée (taux > 5 %), les taux de
base augmentent de 2 à 6 fois après administration de dDAVP, mais pas chez
les patients atteints d’hémophilie A sévère. En général, des taux de base de 10
à 15 % sont nécessaires pour que les taux obtenus après dDAVP soient suffi-
sants pour corriger ou prévenir le saignement. Il existe une grande variabilité
interindividuelle de réponse, en revanche une grande constance pour un indi-
vidu donné. Chez les patients dont le taux est compris entre 6 et 10 %, une
réponse peut être obtenue mais cette efficacité peut être insuffisante et doit être
surveillée. Une étude de la réponse doit être réalisée chez chaque patient lors
Moyens thérapeutiques 129
❐ Maladie de Willebrand
La dDAVP est indiquée dans la maladie de Willebrand en dehors des formes
sévères et de la maladie de Willebrand de type IIB. Elle est efficace dans le
traitement des épisodes hémorragiques ou pour leur prévention lors de
certains actes chirurgicaux chez environ 70 à 80 % des patients porteurs d’une
maladie de type 1. Elle est complètement inefficace dans les types 3 (formes
sévères) et d’efficacité variable dans les types 2. Elle est classiquement contre-
indiquée dans les types 2B car elle risque d’aggraver la thrombopénie. La
réponse doit être étudiée et figurer sur le certificat attestant la maladie de
Willebrand remis au patient. La dDAVP peut être également utilisée dans
certaines formes de déficits acquis en VWF, mais la correction a une durée de
vie plus courte.
❐ Thrombopathies
Les manifestations hémorragiques peuvent être également améliorées par la
dDAVP dans de nombreuses thrombopathies héréditaires, à l’exception de la
thrombasthénie de Glanzmann. La dDAVP a montré une certaine efficacité
dans la correction des thrombopathies acquises des syndromes myéloprolifé-
ratifs et des thrombopathies médicamenteuses (aspirine, anti-inflammatoires,
antiagrégant plaquettaire, ticlopidine, clopidogrel par exemple). Un effet favo-
rable a également été trouvé dans les allongements du TS d’origine inconnue.
La posologie est de 0,3 µg/kg de poids corporel pour la voie IV, la dose doit
être réduite à 0,2 µg/kg chez le sujet âgé ou présentant des troubles cardiovas-
culaires. La dose totale est diluée dans 50 à 100 ml de sérum physiologique et
administrée en perfusion intraveineuse lente (15 à 30 min). Le pic d’efficacité
est obtenu 30 à 60 min après la fin de la perfusion. La durée d’augmentation
des facteurs de coagulation est la même que celle observée après perfusion de
concentrés de facteurs. En cas de traitement préventif, l’administration doit
avoir lieu immédiatement avant l’acte chirurgical. Si une augmentation suffi-
sante du FVIII est observée après la première perfusion, les administrations
peuvent être répétées toutes les 12 h tant que la prophylaxie est jugée néces-
saire, sous réserve de contrôles répétés du taux du FVIII. Une tachyphylaxie
peut apparaître après trois à quatre doses, la correction étant alors faite par
concentrés de FVIII ou de VWF en cas de nécessité de poursuite de la correc-
tion lors des actes de chirurgie majeure.
La posologie intranasale est de 150 µg en dessous de 50 kg de poids corporel
et 300 µg au dessus (1 pulvérisation dans chaque narine). Une efficacité simi-
laire a été obtenue aussi bien par voie nasale que par IV chez des patients
atteints d’hémophilie A ou de maladie de Willebrand. La prescription d’Octim
est hospitalière, annuelle, sous la responsabilité d’un médecin ayant l’expé-
rience du traitement de l’hémophilie et de la maladie de Willebrand.
La prescription d’antifibrinolytiques est associée à la perfusion de dDAVP
dans les saignements buccaux ou lors des extractions dentaires chez les
patients présentant une tendance hémorragique pour prévenir la fibrinolyse
excessive liée à la perfusion de dDAVP d’une part (libération du t-PA) et liée à
la fibrinolyse locale (salive).
Médicaments antifibrinolytiques
Mécanismes d’action
Les antifibrinolytiques peuvent agir à deux niveaux de la fibrinolyse :
– en se fixant sur le plasminogène dont ils inhibent en partie l’activation, inhi-
bant ainsi la formation de plasmine (acide tranexamique : Exacyl, Spotof);
Moyens thérapeutiques 131
❐ Aprotinine
Elle n’est efficace que par voie IV. Après son administration, il est observé une
distribution rapide de l’aprotinine dans l’espace extracellulaire. L’élimination
plasmatique est biexponentielle. Elle a été récemment retirée du marché.
Utilisation clinique
Les antifibrinolytiques sont utilisés dans la prévention et le traitement des
accidents hémorragiques entretenus par une fibrinolyse locale (utilisation
préférentielle de l’acide tranexamique par voie orale) ou le traitement d’une
fibrinolyse systémique (administration intraveineuse d’acide tranexamique
dans les fibrinolyses sévères).
❐ Hémorragies digestives
Les nouvelles possibilités thérapeutiques générales et endoscopiques sont
actuellement préférées à l’utilisation de l’acide tranexamique malgré les résul-
tats d’études anciennes montrant son efficacité dans le traitement des
hémorragies digestives liées aux ulcères gastriques et rupture de varices
œsophagiennes, réduisant les récidives, la nécessité d’une chirurgie et la
mortalité.
❐ Effets secondaires
Des nausées, vomissements, diarrhées, vertiges, lipothymies, convulsions
éruptions cutanées allergiques ont rarement été observées lors de l’administra-
tion d’acide tranexamique. Une réduction des doses est recommandée chez les
insuffisants rénaux.
L’inhibition de la fibrinolyse, mécanisme de défense contre la formation des
thrombi, peut favoriser les complications thromboemboliques, plus particulière-
ment dans les situations chirurgicales. Des observations isolées ont été rapportées,
mais il n’a pas été montré d’augmentation significative des complications throm-
boemboliques dans les essais en chirurgie cardiaque et orthopédique.
134 Maladies hémorragiques
Vitamine K1
Mode d’action
La vitamine K1 est utilisée dans le traitement et la prophylaxie des hémorra-
gies liées aux déficits en facteurs vitamine K-dépendants (FII, FVII, FIX, FX),
déficits induits par la carence en vitamine K. L’effet de la vitamine K1 n’est
pas immédiat, même lorsque celle-ci est administrée par voie IV. Le délai
d’action conduit à lui associer d’emblée des facteurs de coagulation (Kaskadil,
plasma frais) dans les hémorragies sévères. La carence en vitamine K peut
avoir différentes origines (voir chapitre 3).
NovoSeven
Une place particulière doit être réservée au NovoSeven obtenu par génie géné-
tique, surtout utilisé dans l’hémophilie avec anticoagulants circulants (ACC).
Il a été également employé à titre compassionnel dans des accidents hémorra-
giques engageant le pronostic vital et résistant aux thérapeutiques habituelles,
en particulier les thrombopénies sévères résistantes au traitement, la throm-
basthénie de Glanzman…
Le NovoSeven (eptacog alfa [activé] ou rFVIIa) est du FVII activé (convertine)
recombinant. Le FVIIa est l’initiateur naturel de la coagulation. Sa liaison au
FT relargué en cas de lésion vasculaire permet la conversion du FX en FXa qui
au sein du complexe enzymatique de la prothrombinase autorise la génération
136 Maladies hémorragiques
Hémostatiques divers
Étamsylate (Dicynone)
L’étamsylate est une substance synthétique. Elle augmente l’adhésivité des
plaquettes au verre, diminue la fragilité des capillaires et raccourcit le TS du
sujet sain. L’étamsylate est proposé à la dose de 1 500 mg/j (6 comprimés à
250 mg ou 300 à 500 mg ou ampoule de 250 mg administrables par voie IV ou
voie IM) dans les saignements par fragilité capillaire, les ménorragies. Cette
médication est également proposée aux patients sans tendance hémorragique
accrue qui doivent subir une extraction dentaire, une amygdalectomie. Ces
indications n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées. Des fièvres, céphalées,
troubles digestifs (nausées, diarrhées, vomissements), des réactions allergi-
ques peuvent être observés.
Reptilase
Extrait de venin de serpent, la reptilase est proposée dans le traitement symp-
tomatique des hémorragies chirurgicales en per- et/ou postopératoire, des
hémorragies médicales diverses (épistaxis, hémoptysie, hématurie, ménomé-
trorragies) non liées à un déficit en facteur de coagulation. La reptilase est
administrée par voie IV, sous-cutanée ou locale à la dose d’une à trois
ampoules par 24 h. La voie IM est bien sûr contre-indiquée en cas de perturba-
tion de l’hémostase.
BIBLIOGRAPHIE
Les premiers sont préparés par l’Établissement français du sang (EFS) qui les
distribue aux prescripteurs. Ces PSL sont définis réglementairement et doivent
être conformes à des normes de qualité et préparés selon des règles strictes
appelées « bonnes pratiques transfusionnelles ». Ces dernières incluent les
bonnes pratiques de transport (maîtrise de la chaîne du froid, dans le temps et
dans la distance), d’autant que ces dernières ont acquis une importance particu-
lière en raison du récent regroupement des établissements en « régions ». Les
dons collectés, les échantillons à tester et les produits sanguins délivrés sont
désormais soumis à une traçabilité stricte imposant une logistique rigoureuse.
Les seconds sont préparés industriellement à partir du plasma humain. Ils consti-
tuent des « médicaments dérivés du sang » : c’est pourquoi, depuis janvier 1995,
ils font l’objet d’une AMM ou d’une ATU, délivrées l’une et l’autre par l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Ces dernières années ont vu une amélioration de la sécurité de ces produits,
notamment sur le plan virologique, avec un renforcement des critères de sélection
des donneurs de sang, la déleucocytation systématique des produits sanguins et la
systématisation du dépistage génomique viral sur tous les dons de sang.
Les CGR déleucocytés sont indiqués dans le traitement de l’anémie, qu’elle soit
d’origine médicale, chirurgicale ou obstétricale, lorsqu’elle entraîne un défaut
d’oxygénation tissulaire risquant d’entraîner des dommages irréversibles.
En pratique, l’intensité de l’anémie et la tolérance clinique sont les éléments
majeurs qui guident les indications de la transfusion de CGR déleucocytés.
Mais le traitement d’une anémie exige avant tout de connaître son étiologie :
si la transfusion peut constituer le traitement d’urgence, elle ne doit en aucun
cas se substituer à un traitement spécifique. En outre, elle ne doit s’appliquer
qu’après le prélèvement des examens nécessaires au diagnostic et qui pour-
raient être modifiés par la transfusion.
❐ CGR déplasmatisé
La déplasmatisation consiste en la soustraction du plasma résiduel et des
composants plasmatiques par lavage. Elle prévient les réactions allergiques de
certaines pathologies assez peu fréquentes, comme le déficit naturel en IgA
avec formation d’anticorps anti-IgA. Une fois préparé, le concentré déplasma-
tisé doit être impérativement transfusé dans les 24 h.
Concentrés de plaquettes
❐ Concentré de plaquettes déleucocyté
Les concentrés de plaquettes déleucocytés sont utilisés dans le traitement :
– des thrombopénies majeures (moins de 10 000 ou de 20 000 plaquettes/mm3
selon les équipes) par défaut de production (leucémies, aplasies médullaires),
142 Maladies hémorragiques
❐ CPA congelé
Les concentrés de plaquettes conservés par congélation à l’aide de glycérol ou
de diméthylsulfoxyde (DMSO) peuvent être utilisés. Le glycérol et le DMSO
sont des produits utilisés lors de la congélation des cellules (cryoconservation)
pour protéger ces dernières et conserver le mieux possible leurs propriétés.
Les plaquettes ainsi conservées se montrent certes efficaces, mais avec une
perte de rendement approchant 50 %. Leur avantage est de pouvoir être sélec-
tionnées et utilisées selon leur phénotype HLA et HPA (pour human platelet
antigen, qui est un ensemble de systèmes antigéniques spécifiques aux
plaquettes sanguines humaines).
Plasma thérapeutique
Dans un souci de réduire encore davantage tout risque de transmission de
maladies infectieuses par transfusion, différentes techniques d’atténuation ou
144 Maladies hémorragiques
❐ Plasma solidarisé
Pour des malades devant recevoir simultanément des concentrés érythrocy-
taires et du plasma frais congelé (PFC), il est possible d’utiliser les produits
issus d’un même don, donc d’un même donneur, ce qui réduit l’exposition du
receveur à un risque viral éventuel. Cette procédure est cependant de réalisa-
tion assez lourde et pose le problème de la gestion des stocks de produits aux
conditions de conservation différentes. Elle n’est recommandée que pour la
reconstitution du sang total pour exsanguino-transfusion.
Facteurs de la coagulation
❐ FVIII antihémophilique A
Les produits antihémophiliques A sont utilisés pour le traitement préventif ou
curatif des manifestations hémorragiques de l’hémophilie A, maladie caracté-
risée par un déficit congénital en FVIII. Les produits antihémophiliques
peuvent être classés selon leur origine ou selon leur technologie de
production :
Ils peuvent être d’origine plasmatique : il s’agit des facteurs antihémophili-
ques de très haute pureté et des facteurs antihémophiliques immunopurifiés.
Ils peuvent être issus du génie génétique. Le FVIII recombinant, produit de
synthèse, présente l’avantage, du point de vue du risque virologique, de ne pas
être d’origine humaine. Mais ces produits pourraient être plus immunogènes
que les précédents.
❐ Facteur IX
• FIX plasmatique (Betafact, Mononine)
Le concentré lyophilisé de FIX est obtenu par une triple chromatographie du
plasma humain, après séparation du cryoprécipité. Ce produit est inactivé par
la méthode des solvants-détergents et d’autres procédures, comme la chroma-
tographie et la nanofiltration. Il est utilisé chez les hémophiles B, à titre
préventif lors d’interventions chirurgicales ou à titre curatif lors d’accidents
hémorragiques.
• FIX recombinant (Benefix)
Préparé par une méthode et avec des procédés de purification équivalents à
ceux utilisés pour le FVIII, il ne contient aucune protéine d’origine humaine.
❐ Fibrinogène (Clottagen)
En présence de thrombine, de FXIII activé et d’ions calcium, le fibrino-
gène se transforme en un réseau de fibrine stable qui constitue le caillot.
Ce produit est inactivé par la méthode des solvants-détergents et d’autres
procédures comme la chromatographie et l’adsorption sur gel d’alumine.
148 Maladies hémorragiques
❐ FacteurVII
Il s’agit d’un produit lyophilisé dont l’activité spécifique est de 25 U/ml après
reconstitution. Il est indiqué dans le traitement et la prévention des accidents
hémorragiques liés à un déficit isolé en FVII. Ce produit est inactivé par la
méthode des solvants-détergents et la chromatographie.
FXIII (Fibrogammin)
L’indication de ce produit lyophilisé est le traitement prophylactique et curatif
des exceptionnels déficits homozygotes en FXIII (une vingtaine de cas en
France).
FXI (Hemoleven)
Produit lyophilisé de 1 000 unités de facteur, à reconstituer dans 10 ml de
solvant. L’indication est le déficit isolé en FXI. La posologie ne doit pas
dépasser 30 U/kg en raison d’un risque potentiel d’activation de la
coagulation.
Protéine C (Rotexel)
La protéine C (PC) est un facteur antithrombotique vitamine K dépendant.
Activée par la thrombine, la PC a une action inhibitrice sur les FV et FVIII
activés. Ses indications sont le purpura fulminans néonatal chez les sujets
atteints d’un déficit sévère (homozygote), ainsi que la prévention et le traite-
ment des thromboses chez le déficitaire en PC, en particulier dans le contexte
chirurgical et obstétrical.
Colle biologique (Tissucol)
La colle biologique est constituée d’un concentré de facteurs de l’hémostase,
préparés à partir du plasma humain et coagulables par la thrombine. Sa
composition équilibrée en fibrinogène, FXIII et fibronectine permet de repro-
duire, par adjonction de thrombine et de calcium, la phase finale du processus
de coagulation : le fibrinogène contenu dans la colle biologique est transformé
en fibrine soluble sous l’influence de la thrombine, puis stabilisé en un réseau
de fibrine insoluble sous l’influence du FXIII. L’aprotinine inhibe la fibrino-
lyse induite par les protéases plasmatiques et tissulaires pendant 14 à 21 jours.
Ce produit subit comme les autres un processus d’inactivation virale. Ses indi-
cations concernent des domaines variés de la chirurgie, qui semblent
actuellement en voie de limitations.
BIBLIOGRAPHIE
COURBIL R, QUARANTA J-F. Prescrire en toute sécurité les produits sanguins
labiles, Heures de France, Paris 1999.
LEFRÈRE JJ, ROUGER P. Transfusion sanguine. Une approche sécuritaire. John
Libbey, Paris 2000.
LEFRÈRE JJ, ROUGER P. Pratique nouvelle de la transfusion sanguine.
Masson, Paris 2003.
ROUGER P. La transfusion sanguine. Presses Universitaires de France, « Que
sais-je? », Paris 2001.
5 BASES
PHYSIOPATHOLOGIQUES,
MÉCANISMES
ET FACTEURS DE RISQUE
L’incidence des thromboses veineuses (TV) est de l’ordre de 1/1 000 par an.
En France, la fréquence des thromboses veineuses profondes (TVP) des
membres inférieurs est estimée à 70 000 cas/an. La complication principale de
ces dernières est représentée par l’embolie pulmonaire (EP), de pronostic
redoutable (plus de 20 000 décès par an en France) : un nombre non négli-
geable concerne en fait des cancéreux en phase terminale. Les accidents
thrombotiques veineux et les séquelles post-thrombotiques représentent une
part importante des dépenses de santé avec un coût > 1 milliard de dollars par
an, aux États-Unis. Les conditions responsables de la thrombogenèse veineuse
sont connues depuis la célèbre triade de Virchow associant la stase sanguine,
la lésion de la paroi endothéliale et l’altération de l’équilibre hémostatique.
Plus des 2/3 des TV sont asymptomatiques et l’EP est le plus souvent silen-
cieuse, soulignant ainsi l’importance d’une prophylaxie appropriée dans les
contextes favorisants. En fait, l’accident résulte de l’intrication complexe de
facteurs génétiques, retrouvés chez près de la moitié des patients, avec des
facteurs de risque environnementaux (cancer, grossesse, intervention chirurgi-
cale, contraception orale) et/ou des facteurs de risque acquis (syndrome des
antiphospholipides [SAPL], hyperhomocystéinémie), transitoires ou persis-
tants. Les facteurs conduisant à un risque thrombotique accru sont donc de
nature diverse et leur association apparaît plus souvent potentialisatrice
qu’additive (tableaux 5.I et 5.II). Permettant une véritable stratification du
risque thrombotique, la connaissance croissante de ces mécanismes autorise
une optimisation de la prise en charge des patients et de la prévention des TV.
Nous étudierons les localisations habituelles, les facteurs de risque découlant
souvent de la triade de Virchow, avant d’analyser les mécanismes de la throm-
bogenèse veineuse.
154 Maladies thrombosantes
Prothrombinase
Thrombine Ca2+ + V + Xa X 5
3 Fg GPIIb-IIIa Membrane
4 plaquettaire
Prothrombine
Ca2+ + VIII + IXa IX
Membrane Voie
2 AD ADP plaquettaire intrinsèque
PL3
XIa XI XIIa XII
Microparticules
Surface contact
Stase sanguine
La stase est un élément prépondérant de la thrombogenèse veineuse. Elle favo-
rise d’une part l’accumulation des différents facteurs procoagulants et limite
d’autre part l’élimination des facteurs activés. Différents phénomènes peuvent
être responsables du ralentissement du flux sanguin.
L’immobilisation ralentit le retour veineux par défaut de contraction muscu-
laire. La réduction de la marche liée à un état grabataire ou à une impotence
fonctionnelle est un facteur de risque démontré d’accident thrombotique
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 157
veineux postopératoire. Ainsi, les TVP sont 4 à 9 fois plus fréquentes dans le
membre paralysé chez les sujets hémiplégiques alors que la fréquence est
identique dans les deux jambes des patients paraplégiques. La survenue d’un
accident thrombotique est aussi liée au type de geste opératoire, à la durée de
l’intervention chirurgicale, à la pathologie sous-jacente ou au terrain du
patient pouvant aggraver cette stase. L’obésité responsable d’une mobilité
réduite et associée à une réduction de l’activité fibrinolytique pourrait ainsi
majorer le risque de TVP postopératoire.
La compression extrinsèque (hématome, kyste, tumeur) ou la persistance de
séquelles post-thrombotiques gênant le retour veineux majorent le risque
thrombotique. Le syndrome de Cockett (ou syndrome de compression
veineuse iliocave) correspond à la compression de la veine iliaque primitive
gauche entre le disque lombosacré et la 5e vertèbre lombaire en arrière et
l’artère iliaque primitive droite en avant. Le plus souvent asymptomatique, ce
syndrome peut être responsable d’œdème chronique du membre inférieur
gauche avec des signes d’hypertension veineuse ou des varices, de thrombose
iliaque gauche en contexte gravide ou après un voyage prolongé, et même
d’une compression de l’artère iliaque primitive gauche.
En cas d’hypercytose (polyglobulie, hyperleucocytose, leucémie par
exemple), de dysglobulinémie (myélome, Waldenström) ou de syndrome
myéloprolifératif, l’hyperviscosité sanguine est un élément à ne pas négliger.
La déshydratation peut renforcer l’hypercoagulabilité plasmatique éventuelle
par l’hémoconcentration des facteurs procoagulants. Les diurétiques utilisés
au cours d’une défaillance cardiaque congestive peuvent ainsi contribuer à
accroître le risque thrombotique par la majoration de l’hémoconcentration
associée à la stase sanguine.
Les dilatations veineuses ou varices sont fréquentes. En cas de grossesse ou de
prise de contraception orale œstroprogestative, elles peuvent majorer le risque
thrombotique en contexte chirurgical postopératoire. La TV superficielle est
une complication fréquente de la maladie variqueuse. Elle peut favoriser la
survenue de TVP. Les varices représentent la huitième cause d’hospitalisation
en France (200 000 interventions/an).
Toutefois, si la stase est un phénomène physique important, elle semble inca-
pable à elle seule de générer un thrombus. En effet, des études
ultrastructurales ont révélé l’existence de lésions endothéliales associées,
responsables d’une perméabilité vasculaire accrue, d’une adhésion leucocy-
taire et d’une migration cellulaire importante.
Lésions endothéliales
Elles jouent classiquement un rôle plus important dans le déterminisme des
thromboses artérielles que veineuses.
Les causes de l’atteinte endothéliale dans la pathologie des veines sont toute-
fois assez nombreuses :
– traumatismes opératoires : les interventions pour prothèse de hanche ou du
genou sont particulièrement associées à une incidence accrue de TV. Les tractions
158 Maladies thrombosantes
Conception récente
Dans les TVP des membres inférieurs, la théorie classique indique l’absence
d’altération de l’endothélium vasculaire. Cette observation est aujourd’hui
remise en question. Ainsi l’hypoxie au niveau des valvules pourrait à elle seule
entraîner une altération des cellules endothéliales (fig. 5.3) de même que celle
des plaquettes entraîne l’expression à la surface cellulaire de P-sélectine. Cette
dernière peut activer les monocytes ce qui se traduit par l’expression de
facteur tissulaire à leur surface. Les microparticules d’origine monocytaire
possèdent du facteur tissulaire et un ligand de la P-sélectine ou P-selectin
glycoprotein ligand 1 (PSGL-1).
Hypercoagulabilité héréditaire
Décrite dès les années soixante-cinq, la thrombophilie familiale est liée à une
génération accrue de thrombine en cas de déficit en inhibiteur physiologique
(antithrombine [AT], protéine C [PC], protéine S [PS]), ou beaucoup plus
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 159
stase
Désaturation de l’hémoglobine
Expression de la
P-Selectine
Activation des cellules Interaction avec
les microparticles
endothéliales portant le FT
Expression des
phospholipides
procoagulants
Fig. 5.3. Stase veineuse et thrombogenèse. (Del Conde I, Lopez JA. J Thomb
Haemost 2005; 3 :1-3).
Thrombophilie acquise
La recherche de pathologies connues pour être associées à un risque thrombo-
tique accru sera élargie à partir de l’anamnèse clinicobiologique. La
160 Maladies thrombosantes
Âge
Le risque thrombotique augmente singulièrement avec l’âge puisqu’il passe de
1/10 000 avant 40 ans à 1/1 000 après 40 ans et à 1/100 au-delà de 75 ans. Il
existe une augmentation exponentielle du risque d’accident thrombotique
veineux avec la progression de l’âge (risque relatif × 1,9 par décade).
Plusieurs mécanismes sont proposés : limitation de la mobilité physique, stase
sanguine accrue, comorbidité (cancer, inflammation chronique), augmentation
des taux de FVIII, de fibrinogène ou de PAI1 ou vieillissement de
l’endothélium.
Antécédents de thrombose
Ils constituent un facteur de risque très important, retrouvé dans toutes les
séries. Le caractère spontané ou provoqué, le nombre d’accidents jouent un
rôle essentiel dans l’évaluation du risque. Ainsi, il a été démontré que la
fréquence des récidives est bien plus grande pour les thromboses spontanées,
sans cause retrouvée, dites idiopathiques que pour les accidents liés à une
cause déclenchante. Dans ce dernier cas, sa persistance ou sa disparition doit
être prise en compte.
Cancers
Un cancer est objectivé chez 10 à 20 % des patients ayant une TVP. La
survenue d’un épisode thrombotique apparemment idiopathique peut précéder
de plusieurs années le diagnostic effectif de néoplasie évolutive. Armand
Trousseau, professeur de clinique médicale à l’Hôtel-Dieu, a été le premier à
souligner l’association d’accidents thrombotiques veineux à des cancers
gastriques découverts à l’autopsie. Ces phlébites, superficielles ou profondes,
sont volontiers multiples, récidivantes et résistantes au traitement anticoagu-
lant oral bien conduit (voir chapitre 6, p. 201).
Immobilisation prolongée
L’alitement strict est un facteur de risque reconnu de TV. Diverses situations
associées à une mobilisation réduite sont aussi des circonstances déclen-
chantes potentielles. Ainsi, une impotence fonctionnelle ou une paralysie, le
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 161
port d’un plâtre, un voyage prolongé en avion (> 6 h) et même les importants
embouteillages citadins peuvent favoriser la constitution de thrombi.
Les travaux récents en milieu médical tendent à distinguer différents stades
dans l’immobilisation prolongée selon l’autorisation ou non de déplacement à
la salle de bains, de marche de moins ou plus de 10 mètres.
Hémopathies
Différentes hémopathies sont particulièrement associées à un risque thrombo-
tique veineux. Il s’agit principalement des proliférations cellulaires clonales
avec les syndromes myéloprolifératifs chroniques (< 10 % des patients) et les
hémopathies lymphoïdes comme la maladie de Hodgkin ou les lymphomes
non hodgkiniens. En plus du bilan classique d’hémostase, la recherche d’une
pousse spontanée des progéniteurs hématopoïétiques fait partie du bilan étio-
logique des TV portales ou splanchniques.
Chirurgie et traumatismes
Les actes chirurgicaux et les traumatismes sévères favorisent la survenue de
TV et l’alitement associé aggrave la stase sanguine. La chirurgie orthopédique
et la neurochirurgie sont des situations particulièrement à risque. Ainsi, en
dehors de toute prophylaxie, en cas de prothèse totale de hanche ou du genou,
les thromboses sont retrouvées par phlébographie dans 40 à 70 % des cas et,
en cas de chirurgie générale, chez 15 à 30 % des patients. Les chirurgies gyné-
cologique et urologique sont aussi thrombogènes avec 30 % de cas de TVP
proximales. La fréquence des accidents thrombotiques est singulièrement
accrue après un traumatisme pelvien ou une fracture du fémur. Cela serait lié
au passage systémique de matériel médullaire procoagulant, particulièrement
riche en phospholipides, et aux lésions endothéliales combinées avec la stase
sanguine.
En l’absence de prophylaxie et en cas de polytraumatisme, une complication
thromboembolique veineuse peut survenir dans 20 à 90 % des cas. Il faut
insister sur le caractère asymptomatique de ces thromboses puisqu’il s’agit de
la présence de thrombus décelés par phlébographie systématique. Les
conjonctions de l’atteinte endothéliale, de la complexité des lésions osseuses,
de l’immobilisation, de l’acte chirurgical éventuel et du syndrome inflamma-
toire contribuent à générer une hypercoagulabilité importante et à engendrer
un contexte à très haut risque thrombotique.
Grossesse et post-partum
La prévalence de TVP est d’environ 1/1 000 grossesses. Chez la femme de
moins de 40 ans, la moitié des accidents thromboemboliques veineux serait
liée à la grossesse ou au post-partum. L’EP fatale reste la cause la plus
fréquente de mortalité maternelle. Plusieurs mécanismes concourent à cette
augmentation du risque thrombotique : le ralentissement du flux sanguin, la
diminution précoce du tonus veineux, la gêne du retour veineux par l’utérus
gravide et les modifications de l’hémostase générant un profil hypercoagu-
lable. Ces perturbations se normalisent dans les 6 à 8 semaines après
l’accouchement. Pour cela, la prise en charge optimale de la TV durant la
grossesse est essentielle (voir chapitres 17 et 18).
Si l’accident thrombotique durant la grossesse a des caractéristiques impor-
tantes (siège au membre inférieur gauche dans 90 % des cas, surtout au niveau
iliofémoral et à risque élevé d’embolisation), il n’a pas été retrouvé d’inci-
dence particulièrement accrue à l’un des différents trimestres. Globalement,
les 2/3 des épisodes thrombotiques surviennent au cours de la période du post-
partum pour certains auteurs. En fait, une association avec une thrombophilie
constitutionnelle doit être recherchée.
Ainsi, une étude a montré que 60 % des femmes enceintes ayant une TVP sont
porteuses du FVL. En revanche, une résistance à l’activité anticoagulante de la
PCa peut aussi être acquise dans ce contexte gravide. En dehors de l’existence
d’une thrombophilie héréditaire, le risque thrombotique augmente avec la
notion d’antécédents de phlébite, l’âge, la multiparité ou le recours à une césa-
rienne. Les fécondations in vitro constituent un cadre particulier où les
épisodes thrombotiques peuvent survenir dans les 2 à 8 semaines suivant
l’induction de la grossesse. Elles touchent préférentiellement le territoire cave
supérieur.
retrouvé chez environ 5 à 15 % des patients ayant une TVP. Cet ACC serait
aussi associé à un risque thrombotique 5 à 9 fois plus élevé. Certaines mala-
dies dites de système sont à envisager dans le contexte de la maladie
thromboembolique veineuse : le lupus érythémateux disséminé (LED) (5 à
20 % des cas) et la maladie de Behçet (10 à 45 % des cas). L’atteinte des gros
troncs veineux est fréquente. Au cours des colites ulcéreuses comme la
maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, le risque thrombotique est 2
à 3 fois supérieur à celui de la population générale. L’hypercoagulabilité serait
en rapport d’une part avec l’élévation des taux de FVIII, l’hyperfibrinogé-
nèmie, et d’autre part avec l’atteinte endothéliale responsable d’une libération
de FT, d’une adhésivité cellulaire accrue et de l’élévation des taux de facteur
Willebrand (VWF). Ces anomalies ne sont pas spécifiques.
TV iatrogènes ou médicamenteuses
Ces thromboses sont rencontrées au cours des chimiothérapies, toxiques pour
l’endothélium, ou de la contraception œstroprogestative, responsable d’une
authentique hypercoagulabilité systémique. Les antiœstrogènes comme le
tamoxifène peuvent majorer le risque de TV. Plus récemment, un rôle
prothrombotique a été attribué à la Thalidomide lorsqu’elle est associée à la
dexaméthasone. D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse pourraient avoir le
même inconvénient. Le rôle des corticoïdes est discuté. Il ne faut pas omettre
les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) caractérisées par l’apparition
d’une diminution rapide de la numération plaquettaire et la survenue d’un
accident thrombotique veineux extensif. Ce syndrome complexe est une
complication rare (3 à 5 % des traitements par héparine non fractionnée
(HNF) et 0,1 % des traitements par héparine de bas poids moléculaire
[HBPM]), mais qui est redoutable avec une morbi-mortalité sévère liée au
diagnostic tardif et difficile (voir chapitre 8).
BIBLIOGRAPHIE
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THROMBOGENÈSE ARTÉRIELLE
ET MARQUEURS BIOLOGIQUES
Ismail ELALAMY
Introduction
Les accidents cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité
dans les pays industrialisés. Ils sont responsables de plus de 500 000 décès
aux États-Unis et de plus de 100 000 en France. La morbi-mortalité associée à
ce véritable fléau a un coût estimé à plus de 120 milliards de dollars. Le vieil
adage « l’homme vit avec son artériosclérose mais meurt de thrombose » est
connu depuis près d’un demi-siècle. Dès 1956, le cardiologue norvégien Jens
Dedichen proposa la dénomination d’artériosclérose thrombosante pour carac-
tériser la complication aiguë et imprévisible d’une pathologie inflammatoire
chronique.
Divers paramètres biologiques sont modifiés lors de la survenue d’un épisode
thrombotique coronarien mais la pertinence du choix de ces marqueurs dans
notre pratique quotidienne reste encore à définir.
Athérosclérose
Certes, l’athérosclérose a une définition anatomique avec la disposition en
plaques d’un noyau lipidique coiffé par une chape fibreuse de sclérose au sein
de l’intima des artères. Une classification des différents types lésionnels a été
proposée pour caractériser l’évolution de la plaque qui existe chez tous les
individus à un âge plus ou moins avancé. Il est donc aisé d’imaginer que la
vulnérabilité de la plaque est un élément prépondérant dans l’évolutivité
clinique de cette pathologie inflammatoire de la paroi artérielle avec des
lésions dynamiques capables de passer d’un état de stabilité à un potentiel de
haute gravité clinique. Les plaques molles, riches en lipides et en macro-
phages spumeux sont les plus fragiles.
En fait, l’effraction de la plaque n’explique pas à elle seule l’accident coro-
narien car il faut souligner la fréquence des ruptures asymptomatiques et
une proportion relativement importante de décès non cardiaques avec une
166 Maladies thrombosantes
Acteurs de l’athérothrombose
Les divers facteurs de risque artériel sont répertoriés de façon consensuelle :
la dyslipidémie, l’hypertension, le tabac, le diabète, l’âge par exemple. Il est
clairement admis que l’athérothrombose résulte d’un processus plurifactoriel
au sein du compartiment vasculaire avec des acteurs cellulaires et plasmati-
ques multiples. Mais les mécanismes impliquant l’ensemble des
protagonistes sont complexes et encore mal connus. La rupture de la plaque
expose le sous-endothélium thrombogène via le collagène, le VWF et le FT.
La richesse particulière de la plaque elle-même en FT a bien été démontrée.
L’activation plaquettaire consécutive à leur adhésion via les glycoprotéines
(GP) membranaires (GPIb-IX, GPIIb/IIIa) provoque la libération de subs-
tances prothrombotiques telles que le thromboxane A2 (TxA2) et la génération
de thrombine contribuant ainsi à la formation et à la consolidation du
thrombus (voir fig. 5.2). Sa croissance importante et rapide sera responsable
de la symptomatologie ischémique clinique. C’est donc suite à une véritable
coopération métabolique et cellulaire complexe que survient l’accident
athérothrombotique.
Nous envisagerons donc successivement les différents acteurs impliqués dans
l’accident mécanique de la plaque et leurs marqueurs avant de discuter de leur
intérêt potentiel.
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 167
Endothélium
L’atteinte endothéliale est à l’origine de la mise à nu de la matrice conjonctive
riche en collagène et de la croissance du thrombus colmatant la brèche vascu-
laire. Différents paramètres biologiques sont proposés pour évaluer l’atteinte
endothéliale ou l’état d’activation cellulaire de cette structure réputée non
thrombogène :
– la sécrétion de FT avec la détection de complexes FVII-FT;
– la sécrétion de molécules adhésives sous forme soluble telles que sICAM-1
ou sVCAM-1;
– l’expression de E-sélectine favorisant les contacts intercellulaires pro-
inflammatoires;
– les taux accrus de VWF et surtout des formes de haut poids moléculaire;
– la génération de microparticules endothéliales prothrombotiques;
– le détachement de cellules endothéliales circulantes corrélé à l’agression
endothéliale par exemple;
– la thrombomoduline, principalement sous sa forme soluble, serait un indica-
teur fidèle de l’atteinte endothéliale.
La rupture de la plaque athéroscléreuse aboutit donc à la formation d’un
thrombus plaquettaire et à l’activation focale de la génération de thrombine
qui constituent la clé de voûte de la thrombogenèse. La thrombine liée au
thrombus toujours active contribue à la croissance du caillot en agissant sur de
multiples cibles cellulaires ou plasmatiques. La thrombogénicité du thrombus
résiduel dépend à la fois de la sténose générée, des turbulences (forces de
cisaillement) associées et de la thrombine formée restant liée au caillot. La
libération de médiateurs vaso-occlusifs tels que l’endothéline, le thromboxane
d’origine monocytaire et plaquettaire, l’ADP, la sérotonine ou le PAF (platelet
activating peptide) issus des granules plaquettaires contre balancent la vasodi-
latation protectrice endothéliale assurée par la synthèse de prostacycline ou
PGI2 et de monoxyde d’azote ou NO.
Le VWF plasmatique contribue à la formation de l’agrégat plaquettaire dans
des conditions de turbulences élevées. Il apparaît à la fois comme un marqueur
de la phase aiguë d’une thrombose coronaire et comme un facteur prédictif de
récidive et de mortalité postangioplastie.
La VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule 1), l’ICAM-1 (intercellular
adhesion molecule 1) et la E-sélectine permettent l’adhésion et la migration
leucocytaire au sein de la paroi vasculaire concourant ainsi à la croissance et à
l’instabilité de la plaque d’athérome. Dans une étude prospective sur près de
1 250 patients coronariens, des chercheurs ont montré que l’élévation des taux
de sVCAM-1 était associée à une augmentation de 300 % du risque de décès
cardiovasculaire. D’autres chercheurs ont rapporté l’élévation précoce
d’ICAM-1 soluble (sICAM-1) chez les patients présentant un infarctus du
myocarde (IDM) et proposent ce marqueur sensible de l’état inflammatoire
comme un indicateur du risque thrombotique en cas d’atteinte coronaire. Une
méta-analyse de Malik et al., concernant l’association de l’augmentation des
molécules adhésives et de la survenue d’accidents coronariens, souligne
l’utilisation potentielle du dosage des ICAM-1 pour identifier les patients à
168 Maladies thrombosantes
Plaquettes
Nous disposons de nombreuses méthodes pour évaluer la réactivité plaquet-
taire et l’état des plaquettes circulantes (fig. 5.4).
L’agrégométrie permet d’établir l’existence d’une réponse plaquettaire
exacerbée (hyperagrégabilité) ou une réactivité moindre aux agonistes classi-
ques (désensibilisation liée à une exposition préalable in vivo à certains
agonistes). Bien plus, une agrégation spontanée in vitro serait prédictive de
récidive thrombotique et même de mortalité cardiovasculaire dans le
postinfarctus.
Les dosages immunoenzymatiques permettent d’identifier une synthèse
accrue de Txa2 sérique ou urinaire et une libération granulaire consécutive à
l’activation plaquettaire avec l’élévation des taux de certaines protéines
comme le facteur 4 plaquettaire (F4P) ou la β-thromboglobuline (βTG).
Compte tenu des variations artefactuelles potentielles en rapport avec les
conditions préanalytiques drastiques, la possibilité d’étude des métabolites
urinaires métaboliquement stables a simplifié radicalement le recueil des
échantillons et amélioré significativement les possibilités de dosages en
pratique clinique.
Le volume plaquettaire moyen (VPM) est systématiquement disponible grâce
à la réalisation simple de l’hémogramme. L’augmentation du VPM à la phase
aiguë d’un accident coronarien serait un facteur de risque prédictif de l’évolu-
tion péjorative. Cette augmentation de taille serait responsable d’une réactivité
plaquettaire accrue et d’une expression de sites glycoprotéiques membranaires
Bases physiopathologiques, mécanismes et facteurs de risque 169
(B) Activées
modification conformationnelle
des GP membranaires
expression de GP granulaires
(A) Au repos (C) Désensibilisées
expression basale modification conformationnelle
de GP membranaires des GP membranaires
état réfractaire
Complexes leucoplaquettaires :
coopération cellulaire pro-inflammatoire
Il est de plus en plus évident que l’inflammation occupe un rôle fondamental
en pathologie coronarienne. L’infiltration du compartiment vasculaire par les
cellules inflammatoires est orchestrée par un ensemble complexe de cytokines
(IL6, IL18, TNFα, IL1 par exemple) et de molécules d’adhésion cellulaire
(VCAM-1, ICAM-1 par exemple). Ces éléments pourraient constituer de véri-
tables marqueurs modernes du risque cardiovasculaire. L’expression de
P-sélectine par les plaquettes activées permet la liaison aux récepteurs leuco-
cytaires spécifiques PSGL-1 (P-selectin glycoprotein ligand 1) (fig. 5.5). Le
Polynucléaire neutrophile
Plaquette activée
Monocyte
PSGL-1 T lymphocyte
CD62
Endothélium
Subendothélium
Marqueurs de l’hypercoagulabilité :
déséquilibre de la balance hémostatique
Responsable de l’amplification du processus thrombotique et de la consolida-
tion du thrombus, la génération de thrombine est le résultat d’une série de
réactions faisant intervenir de multiples facteurs dont le dosage permettrait de
mieux identifier les patients à haut risque vasculaire (fig. 5.6 et 5.7 et
tableau 5.IV).
Fig. 5.6
FPB
Thrombine Monomère de fibrine-2
3 4
Monomère de fibrine-1
FPA Fibrine
TAT soluble
F1+2
2
Prothrombine Thrombine
1
Fibrinogène
Fig. 5.7
Monomère de fibrine-2
Facteur XIIIa
Ca++
Polymère de fibrine
PLASMINE
Génération de D-Di
Produits de dégradation de la fibrine
restent donc à identifier. Même si certains d’entre eux peuvent être comparés à
la troponine, leur utilisation souffre de problèmes préanalytiques et de la
complexité de la méthodologie peu applicable en routine.
Les objectifs de ces marqueurs sont néanmoins importants et leurs enjeux
cliniques restent multiples :
– meilleure connaissance de la physiopathogénie;
– stratification du risque avec la définition de sous-groupes de patients aux
besoins thérapeutiques différents;
– suivi thérapeutique ciblé;
– optimisation de la prise en charge des patients.
Donc, l’utilisation de ces marqueurs doit être mieux analysée compte tenu des
retombées potentielles en thérapeutique car la réponse clinique aux différents
schémas préconisés est en fait loin d’être univoque. En effet, restent à établir
l’utilité potentielle de ces indicateurs dans l’évaluation de la pathogénie de
l’accident vasculaire, leur intérêt dans la stratification des patients, leur valeur
pronostique éventuelle, leur caractère prédictif dans la stratégie thérapeutique
et le suivi des patients.
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6 MALADIE
THROMBOEMBOLIQUE
VEINEUSE
IB Évidente Essais randomisés avec limitations Recommandation forte : peut être appliquée
importantes (résultats incohérents, probablement à la plupart des malades
défauts de la méthodologie)
IC Évidente Études observationnelles Recommandations de puissance intermédiaire :
peut varier lorsque des preuves plus fortes sont
disponibles
2A Non évidente Essais randomisés sans limitations Recommandations de puissance intermédiaire :
importantes peut varier selon les circonstances ou les
facteurs liés au patient ou à la société
2B Non évidente Essais randomisés avec limitations Recommandation faible : stratégies alternatives
importantes (résultats incohérents, probablement meilleures pour certains malades
défauts de la méthodologie) dans certaines situations
2C Non évidente Études observationnelles Recommandations très faibles : d’autres
solutions alternatives peuvent également être
raisonnables
Maladie thromboembolique veineuse 183
Gériatrie
La prévention antithrombotique par l’héparine standard ou ses dérivés de bas
poids moléculaire est une prophylaxie efficace chez le sujet âgé immobilisé
avec une diminution importante des accidents d’EP et de TVP. Néanmoins, le
Tableau 6.V. Recommandations d’utilisation des HBPM en prophylaxie en milieu chirurgical (d’après Vidal, 2002)
Chirurgie générale risque modéré Chirurgie générale risque élevé Chirurgie orthopédique
Énoxaparine 2 000 UI aXa/j (20 mg) 4 000 UI aXa/j (40 mg) 4 000 UI aXa/j, (40 mg)
Lovenox pendant 10 jours, pendant 10 jours, pendant 4-5 semaines début 12 h
186 Maladies thrombosantes
risque hémorragique paraît plus élevé chez les sujets âgés. Il a en partie été
attribué à une insuffisance rénale et une malnutrition, fréquentes chez ces
malades. Les accidents analysés par la pharmacovigilance ont entraîné la
contre-indication des HBPM chez les malades dont la clairance de la créati-
nine mesurée par l’indice de Cockroft est < 30 ml/minute et des précautions
d’emploi chez ceux dont la clairance est comprise entre 30 et 60 ml/minute.
Chez ces patients, la surveillance de l’activité anti-Xa pourrait permettre de
vérifier l’absence d’accumulation. La mise en évidence d’une insuffisance
rénale sévère (clairance de l’ordre de 30 ml/min) ne contre-indique pas la
prescription d’HBPM dans les indications préventives (voir chapitre 13).
Conclusion
Une longue expérience quotidienne a établi la liste des facteurs de risque
d’accidents thromboemboliques. Il n’existe toutefois pas un score simple
permettant d’évaluer quantitativement le risque global pour chaque malade.
Les travaux ont permis de démontrer la grande efficacité, la très bonne tolé-
rance et surtout la commodité d’emploi des HBPM. Toutefois, leur grand
succès ne doit pas conduire à négliger les autres méthodes prophylactiques
médicamenteuses et physiques. En particulier, la contention élastique graduée
pourrait selon les cas remplacer les héparines en sous-cutané lorsque le risque
thromboembolique est faible à modéré ou leur être associé lorsque le risque
est élevé et surtout très élevé.
De nouvelles molécules pourraient améliorer encore cette prophylaxie. Ainsi,
dans la chirurgie orthopédique de la hanche, les travaux conduits avec le
pentasaccharide de synthèse (fondaparinux) ont montré la supériorité de cet
agent sur le traitement classique constitué par l’énoxaparine (HBPM) au prix
d’un risque hémorragique augmenté. Le même type de supériorité est observé
avec le rivaroxaban, anti-Xa direct, actif par voie orale, non encore disponible.
Un autre antithrombine (AT) oral, le dabigatran fait aussi bien (mais pas
mieux) que l’énoxaparine en chirurgie orthopédique. Enfin, la généralisation
en milieu médical des attitudes établies en milieu chirurgical reste souvent
difficile, dans l’attente d’un plus grand nombre d’études consacrées à la
prophylaxie de la maladie thromboembolique dans ces conditions.
BIBLIOGRAPHIE
THROMBOPHILIES CONSTITUTIONNELLES
Jacqueline CONARD, Ismail ELALAMY, Marie-Hélène HORELLOU,
Meyer-Michel SAMAMA
L’incidence annuelle de la TV est d’environ 1/1 000 sujets adultes et elle est
très rare chez l’enfant au-dessous de 15 ans. Ces facteurs de risque de throm-
bose sont congénitaux ou acquis. Ils peuvent être associés entre eux et/ou à
la présence de facteurs de risque favorisants, soulignant l’origine multifacto-
rielle. Comme l’avait décrite Virchow voici plus d’un siècle, la
prédisposition est liée à des perturbations du flux sanguin, de la paroi vascu-
laire et de la composition du sang. Il n’existe pas de définition consensuelle
de la thrombophilie. Il est classique de réserver cette dénomination à des
contextes constitutionnels ou acquis pouvant modifier la balance hémosta-
tique et être responsables d’un état d’hypercoagulabilité. Egeberg, en
Norvège, a été le premier à proposer ce terme dans sa publication du premier
cas de déficit constitutionnel en AT en 1965. D’autres mécanismes d’hyper-
Maladie thromboembolique veineuse 189
Thrombophilies mixtes
Thrombophilies constitutionnelles
ou non établies
Risque Risque
Facteur de risque Facteur de risque
relatif relatif
Déficit en AT 10-40 Hyperhomocystéinémie 26
Déficit en PC (hétérozygote) 5-15 du FVIII 2,5
Déficit en PS (hétérozygote) 5-10 du FIX 2
FVL 5 du FXI
FII20210A 4 du TAFI
Certaines
dysfibrinogénémies
FVL : facteur V Leiden, PC : protéine C, PS : protéine S
Déficit en AT
L’AT est l’inhibiteur physiologique majeur de la coagulation par action sur des
sérine protéases. Il est le cofacteur indispensable à l’action des héparines. Le
déficit quantitatif (type I) est beaucoup plus fréquent que le déficit qualitatif
(type II) avec des anomalies au niveau du site de liaison à la thrombine
(type II RS) ou du site de liaison à l’héparine (type II HBS). Il existe aussi des
altérations associant à la fois les deux types d’atteintes avec un effet pléiotro-
pique (type II PE). La base de données publiée en 1996 rapporte plus de
250 mutations différentes transmises sur un mode autosomal dominant. La
prévalence des déficits quantitatifs dans la population générale est évaluée à
0,02 % et entre 0,5 et 2 % chez les sujets aux antécédents thrombotiques. Le
déficit hétérozygote en AT serait associé à un risque thromboembolique
veineux 50 fois plus élevé. Toutefois, les mutations responsables d’une
atteinte du site de liaison à l’héparine (HBS) semblent moins thrombogènes.
Les déficits homozygotes quantitatifs seraient létaux, mais de très rares cas de
déficits homozygotes qualitatifs par anomalie du site de liaison à l’héparine
ont été rapportés.
Déficit en PC
La PC est appelée ainsi car elle correspondait au 3e pic après une séparation
électrophorétique de protéines. Elle est un autre inhibiteur physiologique de la
coagulation. Sa synthèse hépatique est dépendante de la vitamine K. La PC,
préalablement activée (PCa) dégrade les FVa et FVIIIa, deux cofacteurs de la
coagulation plasmatique. Décrit dès le début des années quatre-vingt, le déficit
quantitatif (type I) est plus fréquent que le déficit qualitatif (type II). Sa préva-
lence est d’environ 0,3 % dans la population générale et d’environ 3 % chez
les groupes de patients symptomatiques. La base de données a colligé plus de
330 anomalies chromosomiques transmises sur le mode autosomal dominant.
En cas de déficit hétérozygote, le risque thrombotique apparaît 10 fois plus
élevé que dans la population générale.
Maladie thromboembolique veineuse 191
Déficit en PS
Découverte à Seattle (ce qui explique son nom), la PS est aussi vitamine K
dépendante et d’origine hépatique. Elle est un cofacteur de la PC. Son déficit a
été décrit en 1984. Quantitatif, le type I est défini par une diminution des taux
d’activité et d’antigène de PS libre et totale. Qualitatif, le type II est caracté-
risé par une diminution isolée des taux de protéine S activité. Le type III est
associé à une diminution des taux de PS antigène libre et de PS activité, mais
des taux normaux en PS antigène total. Cette classification reste discutée et
difficile, mais il semble que le dosage de PS libre soit suffisant pour dépister la
plupart des déficits hétérozygotes en PS.
Plus de 120 mutations différentes sont rapportées avec une transmission sur le
mode autosomal dominant. La prévalence d’un déficit en PS serait de l’ordre de
1 % dans la population générale. Ce déficit est retrouvé dans près de 5 % des cas
dans un contexte de thrombophilie familiale. En cas de déficit hétérozygote, le
192 Maladies thrombosantes
risque thrombotique apparaît toutefois accru 5 à 10 fois, mais cela reste discuté
compte tenu de l’existence dans environ 40 % des cas d’une co-ségrégation avec
le FVL dans ces familles.
De rares déficits homozygotes en PS ont été rapportés dans des situations
analogues aux déficits homozygotes en PC.
Hyperhomocystéinémie
L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque faible et discuté de TV avec
des valeurs > 15 µmol/l (voir chapitre 6, p. 198).
Manifestations cliniques
Il est clairement admis que toutes les thrombophilies familiales ne sont pas
comparables. Il existe une variabilité phénotypique en fonction du déficit
considéré et même au sein d’une même famille pour une anomalie génétique
donnée. L’hétérogénéité de leur expression clinique souligne le potentiel plus
ou moins thrombogène de ces anomalies, l’implication éventuelle de facteurs
de compensation plus ou moins protecteurs et surtout l’interaction plurigé-
nique de certaines anomalies dans la genèse des accidents thrombotiques.
Les TV restent l’accident le plus fréquemment rencontré qu’il soit spontané
ou provoqué. Il s’agit souvent de TVP associée ou non à une EP, parfois de TV
cérébrales, rénales ou portales, ou d’infarctus veineux mésentériques. La
survenue de TV superficielle serait plus fréquente en cas de FVL ou de FII
G20210A, voire de déficit en PC ou en PS.
Le risque thrombotique est plus faible en cas de FVL ou FII G20210A qu’en
cas de déficit en inhibiteur physiologique et surtout de déficit en AT. Ainsi, les
patients sont symptomatiques au moment du diagnostic dans environ 25 % des
cas pour le FVL et dans plus de 50 % des cas si les sujets sont porteurs d’un
déficit en inhibiteur de la coagulation par exemple. Le taux de récidive
annuelle est de l’ordre de 5 % en cas de FVL hétérozygote.
Des accidents insolites comme les TV rétiniennes ou les fausses couches réci-
divantes ont été plus particulièrement rapportés chez les porteurs de FVL et
les sujets ayant une hyperhomocystéinémie et homozygotes pour le polymor-
phisme C677T de la MTHFR. Ceci reste toutefois discuté dans la littérature.
Les thromboses artérielles, rares en cas d’authentique thrombophilie familiale,
semblent plus fréquentes en cas de déficit en PS et surtout dans des circonstances
194 Maladies thrombosantes
majorant le risque artériel (tabac, âge > 50 ans). Des discordances persistent sur
l’influence FII G20210A et du FVL sur la survenue d’accidents artériels ou
d’AVC ischémiques.
Un facteur déclenchant est retrouvé chez près de la moitié des patients
symptomatiques.
Les accidents obstétricaux : fausses couches répétées, pré-éclampsies, hypo-
trophie fœtale, seraient plus fréquents au cours de la thrombophilie.
Une large majorité (50 à 80 %) des patients ayant un déficit en inhibiteur de la
coagulation mais seulement 25 % des sujets porteurs d’un FVL ou d’un FII
G20210A a son premier épisode thrombotique avant l’âge de 40 ans. Cette
fréquence est accrue en cas d’anomalies combinées. Ainsi, isolé, un FVL ou
un FII G20210A à l’état hétérozygote est respectivement associé à un risque
thrombotique veineux de 5 et de 3. En cas d’association, il existe une addition
des risques voire une véritable synergie et le risque est évalué de 10 à 20. La
reconnaissance de facteurs déclenchants est fondamentale car elle permet
d’envisager une prophylaxie antithrombotique adéquate chez les sujets
porteurs qu’ils soient symptomatiques ou non.
Circonstances favorisantes
Différentes circonstances favorisantes sont clairement identifiées comme la
chirurgie, la grossesse et surtout la période du post-partum. La prise de contra-
ception œstroprogestative contenant de l’éthinylœstradiol (OE) en comprimés,
patchs ou anneau vaginal, ou de certains traitements hormonaux de la méno-
pause contenant des œstrogènes naturels ou conjugués équins par voie orale,
accroît le risque thrombotique. Une récente étude a montré que le risque de
TVP était estimé à 0,8/10 000 chez la femme normale ne prenant pas de
pilule, à 3/10 000 en cas de prise d’OP et à 6/10 000 en cas de FVL sans prise
d’OP. Ce risque était voisin de 30/10 000 en cas de FVL associé à la prise
d’OP. Chez les patientes porteuses de FII G20210A, le risque de thrombose
s’accroît de 16,3 par rapport aux femmes ayant un génotype normal et sans
OP (voir chapitre 18).
Les études familiales plus ou moins larges comme la LETS ont permis
d’objectiver l’association potentielle de plusieurs déficits pouvant expliquer
ainsi en partie l’hétérogénéité d’expression clinique des thrombophilies fami-
liales. Ainsi, 15 % des déficits hétérozygotes en PC, 22 % des sujets ayant un
déficit hétérozygote en PS et 14 % des déficitaires en AT seraient aussi
porteurs d’un FVL à l’état hétérozygote. Dans une série de 143 patients
étudiés à l’Hôtel-Dieu ayant un FII G20210A, 19 % avaient aussi un FVL. La
fréquence des accidents thrombotiques est significativement accrue chez les
patients associant ainsi plusieurs anomalies et chez les homozygotes pour une
mutation donnée, avec un accident de survenue plus précoce et une fréquence
des récidives plus grande.
Conclusion
La thrombophilie héréditaire, pathologie de connaissance relativement
récente, constitue une pathologie multifactorielle, parfois plurigénique et
associée à une expression clinique hétérogène. Un nombre croissant de causes
biologiques sont individualisées et les mutations FVL et FII G20210A repré-
sentent les étiologies les plus fréquentes. Ces dernières apparaissent associées
à un risque thrombotique bien plus faible que les déficits en inhibiteurs
physiologiques de la coagulation, précédemment décrits.
Les études de cohortes plus ou moins larges de patients ont permis de mieux
caractériser ces thrombophilies, qui apparaissent singulièrement différentes, et
dont la prise en charge doit être plus spécifique. Les conférences de consensus
et les réunions d’experts affinent les protocoles thérapeutiques et les modalités
de prise en charge pour en optimiser le rapport bénéfice/risque. Les outils de la
biologie moléculaire et le dépistage élargi des facteurs environnementaux
devraient apporter des éléments facilitant la compréhension de l’hétérogénéité
clinique de la thrombophilie familiale et l’optimisation appropriée de cette
prise en charge. Il paraît légitime d’espérer la découverte de nouvelles altéra-
tions pour réduire la proportion d’événements thrombotiques inexpliqués.
198 Maladies thrombosantes
BIBLIOGRAPHIE
HYPERHOMOCYSTÉINÉMIE ET THROMBOSES
Pierre KAMOUN, Meyer-Michel SAMAMA
Diagnostic
La recherche de l’hyperhomocystéinémie est préférable à celle de la mutation
génétique de la MTHFR. Le prélèvement sanguin et la séparation rapide du
plasma sont essentiels pour éliminer des faux positifs dus à une libération dans
le plasma d’homocystéine d’origine érythrocytaire. Il est classique de distin-
guer les formes à élévation modérée de l’homocystéine (15 à 45 µmol/l) et
celles à très grande élévation (> 45 µmol/l).
Ces dernières sont associées à une atteinte de la cystathionine-β-synthase ou à
une très importante diminution d’activité de la MTHFR, tandis que les formes
secondaires sont liées à une mutation de la MTHFR modifiant sa fonctionna-
lité (voir tableau 6.VIII).
Traitement
Il comporte un régime riche en folates : jus d’orange, aliments verts, céréales.
Des doses de 5 mg/j d’acide folique pendant quelques semaines sont efficaces.
Avant un tel traitement, il est recommandé d’éliminer une anémie de Biermer
pour éviter une aggravation des signes neurologiques associés à cette maladie.
Des faibles doses de vitamine B6 et B12 sont souvent associées à la prescrip-
tion de folates. De rares réactivités à la prise de vitamine B6 existent et ne
doivent pas être méconnues en cas de survenue.
Homocystinurie classique
Extrêmement rare en Europe (1/200 000 habitants), elle est 4 fois plus
fréquente en Irlande (1/50 000).
La mutation du gène de la cystathionine-β-synthase entraîne une hyperhomo-
cystéinémie très importante et une augmentation de la concentration de
méthionine plasmatique.
L’expression clinique est variable avec, dans les formes majeures, une luxa-
tion du cristallin, un aspect marfanoïde. Une myopie, un glaucome ou une
cataracte sont souvent observés, de même qu’une ostéoporose.
Avec un genu valgum, les anomalies du squelette sont fréquentes tandis que
l’arachnodactylie est rare. Le retard mental est fréquent avec quotient intellec-
tuel plus perturbé chez les sujets qui ne répondent pas à la pyridoxine.
Les thromboses sont fréquentes. Elles sont artérielles ou veineuses et peuvent
entraîner le décès. Les AVC sont fréquents et les TV sont retrouvées dans plus
de 50 % des cas.
La mutation entraîne un déficit important en cystathionine-β-synthase. De
nombreuses mutations ont été identifiées. L’expression clinique peut varier à
l’intérieur d’une même famille. L’augmentation de l’homocystéine plasma-
tique est responsable d’une homocystinurie. Le traitement repose sur l’étude
de la réponse à la pyridoxine qui, avec une posologie bien adaptée, réduit le
risque d’accidents thromboemboliques chez 50 % des sujets. Les non répon-
deurs sont traités par la bétaïne, car il existe une voie accessoire de
Maladie thromboembolique veineuse 201
BIBLIOGRAPHIE
Cancer et thrombose
Introduction
Depuis l’observation historique de Trousseau en 1865 sur les relations entre
cancer et thromboses, de très nombreux travaux ont confirmé son hypothèse.
L’observation de Trousseau faisait observer une thrombophlébite migrante qui
était associée à un cancer de l’estomac. Les auteurs anglo-saxons incluent
dans le syndrome de Trousseau la thrombophlébite migrante et la TVP. Dans
son texte, Trousseau insistait sur une « condition particulière du sang » qui
prédispose à la coagulation spontanée. Il s’agissait d’une hypercoagulation
pathologique. Il est aujourd’hui admis que :
– cette hypercoagulation, qui existe chez le malade cancéreux, peut prédis-
poser aussi bien à la TVP qu’à des états beaucoup plus graves de CIVD;
– qu’il existe un continuum entre ses différents niveaux d’hypercoagulation.
Dans les cancers métastatiques, en particulier de la prostate, la CIVD peut être
à l’origine d’hémorragies fatales. Ceci explique l’acronyme utilisé par Bick,
« death is coming » (DIC), pour attirer l’attention de ses étudiants sur ce
syndrome de disseminated intravascular coagulation dont la gravité peut être
extrême. Chez le malade cancéreux, les complications thrombotiques
comprennent les TV artérielles, la thrombophlébite migrante, l’EP, dans de
très rares cas l’endocardite thrombotique non bactérienne, enfin ces
syndromes de CIVD avec micro-angiopathie thrombotique qui est responsable
de lésions viscérales. Dans la relation thrombose-cancer, il faut faire une place
à différents sujets : l’épidémiologie et l’évaluation du risque thromboembo-
lique chez les malades porteurs d’un cancer; la découverte d’un cancer occulte
à l’occasion de la survenue d’une TVP ou d’une EP et à plus forte raison
202 Maladies thrombosantes
doit être faite soit en préopératoire soit en postopératoire et ne doit en aucun cas
dépasser la 24e heure postopératoire. Dans une ancienne étude de notre groupe
de l’Hôtel-Dieu, il avait bien été démontré que la précocité de l’administration
de l’héparine en sous-cutané était très efficace pour éviter les EP précoces en
période postopératoire immédiate, c’est-à-dire dans les tout premiers jours après
l’intervention. L’étude récente Enoxacan est consacrée aux malades cancéreux.
Enoxacan 1 est consacré à un échantillon de 631 patients. Elle révèle l’intérêt
d’une dose de 4 000 UI anti-Xa d’énoxaparine par rapport à l’héparine non frac-
tionnée (HNF) administrée trois fois par jour. Le consensus nord-américain de
2001 insistait déjà sur l’intérêt de retenir une dose relativement élevée chez le
malade cancéreux par rapport au malade non cancéreux. Enoxacan 2 a étudié
l’intérêt d’une prophylaxie prolongée au-delà de 8 ± 2 jours. Elle démontre que
la poursuite du traitement pendant 1 mois au total entraîne une réduction des TV
phlébographiques. Ainsi, au total, la thromboprophylaxie optimale chez un
malade en chirurgie oncologique doit conjuguer l’utilisation d’une dose appro-
priée, l’injection de la première injection au voisinage de l’intervention,
l’optimisation de la durée du traitement et, bien entendu, la prise en considéra-
tion du risque lié au malade.
Le fondaparinux a été évalué par rapport à la daltéparine dans une grande
étude randomisée en double aveugle chez environ 3 000 malades ayant subi
une chirurgie abdominale majeure. La prévention par le fondaparinux à la
dose de 2,5 mg administré par voie sous-cutanée en postopératoire a été
comparée à la daltéparine à la dose de 5 000 UI administrée par voie sous-
cutanée en préopératoire. Aucune différence significative n’a été observée
entre les deux groupes concernant la fréquence des ATEV (4,6 vs 6,1 %), les
hémorragies majeures (3,4 vs 2,4 %) et les décès (1,0 vs 1,4 %). Dans une
autre étude randomisée en chirurgie abdominale majeure, le fondaparinux a
été évalué par rapport au placebo chez 1 300 patients ayant tous reçu une
compression pneumatique intermittente. La fréquence des ATEV et des TVP
proximales était significativement plus basse dans le groupe fondaparinux
associé à la compression pneumatique intermittente que dans celui bénéficiant
de la compression pneumatique intermittente seule (1,7 vs 5,3 % et 0,2 vs
1,7 % respectivement).
La prévention des ATEV en chirurgie majeure pour cancer doit être assurée
par les HBPM en sous-cutanée à dose élevée (entre 4 000 et 5 000 UI anti-
Xa), ou l’HNF en trois injections sous-cutanée de 5 000 UI/j ou le fondapa-
rinux à la dose de 2,5 mg/j en sous-cutané.
ragique accru. Les études disponibles dans la prévention des ATEV chez les
patients cancéreux en milieu médical sont peu nombreuses et contradictoires.
Dans l’étude Medenox, l’efficacité d’une dose quotidienne de 4 000 UI anti-
Xa d’énoxaparine a bien été démontrée dans des sous-groupes de malades.
Chez les malades porteurs d’un cancer, il existe une réduction de l’ordre de
50 % de la fréquence des TV phlébographiques. Toutefois, le faible nombre de
malades étudiés dans chaque groupe explique sans doute l’absence de signifi-
cativité de ce résultat.
Dans une méta-analyse de neuf études randomisées en médecine incluant
20 000 patients, l’utilisation d’une prévention médicamenteuse réduit de 64 %
le risque d’EP mortelle, de 58 % le risque d’EP symptomatique et de 54 %
celui de TVP symptomatique. On peut conclure que les HBPM (l’énoxaparine
à la dose de 4 000 UI anti-Xa, la daltéparine à la dose de 5 000 UI anti-Xa) et
le fondaparinux (à la dose de 2,5 mg) sont plus efficaces que le placebo chez
les patients médicaux en prévention primaire. Dans les mêmes conditions, une
prévention systématique des ATEV chez les patients atteints d’un cancer
admis en hospitalisation et alités pour une affection médicale aiguë associée
est préconisée. Les molécules peuvent être les mêmes que celles utilisées dans
la prévention en milieu médical. Par ailleurs, une adaptation posologique est
possible avec le fondaparinux en cas d’insuffisance rénale avec une clairance
rénale entre 20 et 30 ml/mn avec la dose de 1,5 mg/j au lieu de 2,5 mg/j. La
durée de la prophylaxie préconisée est entre 6 et 14 jours.
Tous ces facteurs jouent également un rôle combiné multipliant les risques.
L’extension de la thrombose du cathéter pose encore un problème
diagnostique : thrombus intracardiaque, EP, syndrome cave, infection conco-
mitante notamment à candida, troubles du rythme cardiaque par exemple. La
symptomatologie de la thrombose dépend aussi du stade de la thrombose. Elle
est modeste (voire absente) s’il s’agit de manchons fibrinocruoriques, plus
bruyante si le thrombus est mural avec l’apparition d’un œdème, d’une
douleur, de rougeur, de fièvre, d’occlusion (ou un cordon veineux bien
palpable) enfin, d’une circulation veineuse collatérale. Le diagnostic fait appel
en première intention à l’écho-Doppler veineux, plus rarement actuellement à
la phlébographie ou à l’angiographie numérisée. L’échocardiographie devrait
être systématique à la recherche de thrombus cardiaque. Les autres explora-
tions seront réalisées en fonction du contexte.
Le traitement doit donc être en premier lieu préventif en sachant que les
tumeurs solides ont un risque plus élevé et que les hémopathies sont à risque
modéré (5 %), mais souvent avec une contre-indication au traitement anticoa-
gulant. La voie d’abord sous-clavière sera élective en réduisant le temps de
pose par un opérateur expérimenté. Le type du cathéter doit être choisi en
fonction de l’indication thérapeutique et en utilisant un rinçage fréquent. Le
traitement curatif est difficile et sera discuté en fonction du contexte. Le retrait
doit être systématique si une infection est associée, s’il existe une contre-indi-
cation aux anticoagulants ou fibrinolytiques, s’il existe une compression
médiastinale ou s’il existe une absence d’utilité après traitement par exemple.
Le retrait ne sera pas systématique en fonction des circonstances de survenue,
de la gravité de la symptomatologie, du délai et d’une possibilité réelle
d’autres abords vasculaires et de la nécessité de maintenir la perfusion.
L’héparinothérapie doit être efficace par l’HNF ou bien par les HBPM. La
durée du traitement sera aussi longue que le cathéter sera en place. Des fibri-
nolytiques peuvent être utilisée par exemple l’UK avec une dose de charge de
1 000 à 2 000 UI/kg, suivie d’une dose d’entretien de 1 000 à 2 000 UI/kg/h.
Cette utilisation doit être précoce en respectant les contre-indications d’une
durée de 3 jours, avec un relais par l’HNF ou bien par les HBPM.
Le traitement curatif d’un ATEV sur cathéter veineux central doit privilégier
les HBPM au long cours, sauf indication particulière.
BIBLIOGRAPHIE
Suspicion de TVP
Probabilité clinique
positif négatif
Diagnostic de l’EP
Les trois principaux modes de présentation de l’EP sont la douleur pleurétique
avec ou sans hémoptysie (6 %), la dyspnée isolée sans explication évidente
(22 %) ou l’état de choc (8 %). Ce sont les signes cliniques les plus fréquem-
ment constatés dans respectivement dans 73 %, 66 % et 70 % des cas chez les
patients sans antécédents cardio-vasculaires.
Cependant, la combinaison de plusieurs de ces signes cliniques apparaît utile
pour identifier les patients à forte suspicion clinique d’EP. Par exemple, l’asso-
ciation de dyspnée, de tachypnée et de signes cliniques de TVP est constatée
dans 91 % des patients porteurs d’une EP sans antécédents cardio-vasculaires.
Néanmoins, il n’est pas exceptionnel d’avoir une EP sans facteur de risque
identifié.
Même si la valeur diagnostique individuelle des signes cliniques et para-
cliniques s’avère mauvaise, leur combinaison permet d’évaluer le risque
Maladie thromboembolique veineuse 215
Variables Points
Facteurs de risque
– âge > 65 ans +1
– antécédents de MTVE +3
– chirurgie ou fracture < 1 mois +2
– cancer actif ou considéré en rémission depuis moins +2
de 1 an
Symptômes
– douleur unilatérale du membre inférieur +3
– hémoptysie +2
Signes cliniques
– fréquence cardiaque 75-94/min +3
– > 95/min +5
– douleur à la palpation des membres inférieurs sur trajet +4
veineux, œdème unilatéral
Total des points
Probabilité clinique pré-test :
Faible 0 à 3 points 7,9 (5,0-12,1)
Intermédiaire 4 à 10 points 28,5 (24,6-32,8)
Élevée > 11 points 73,7 (61,0-83,4)
Radiographie du thorax
La normalité de la radiographie thoracique chez un patient présentant une
dyspnée est considérée comme étant fortement évocatrice d’EP. Cependant, la
radiographie thoracique est rarement normale dans l’EP. Certaines anomalies
sont observées de manière significative chez les patients porteurs d’EP sans
antécédents cardio-vasculaires par rapport aux patients sans EP et sont donc
218 Maladies thrombosantes
Examens biologiques
L’étude des gaz du sang montre habituellement une hypoxie et une hypo-
capnie. Les gaz du sang artériel ont une valeur diagnostique limitée dans l’EP
puisque l’hypoxémie et l’hypocapnie ne sont pas spécifiques et l’hypoxémie
manque dans 26 %.
Les différents examens biologiques classiques (numération formule sanguine,
hémostase, nombre des plaquettes, ionogramme sanguin, urée, créatinine) ne
présentent aucun intérêt pour le diagnostic d’EP, mais sont indispensables
avant de débuter un traitement antithrombotique.
Marqueurs biologiques plus spécifiques de l’activation de la coagulation et de
la fibrinolyse, les D-Di ont une place importante dans la stratégie diagnostique
de l’EP et de la TVP. Les D-Di sont dosés à l’aide d’anticorps monoclonaux
soit par agglutination (méthode LATEX), soit par méthode Elisa. La sensibi-
lité du dosage des D-Di par méthode LATEX est faible (autour de 89 %) et
donc insuffisante pour utiliser ce test dans la stratégie diagnostique de l’EP. En
revanche, la sensibilité et la valeur prédictive négative du dosage des D-Di par
méthode Elisa sont excellentes (autour de 97 %). Un dosage normal des D-Di
par méthode Elisa est seul intéressant et doit être interprété. Un taux normal
(en général < 500 ng/ml) de D-Di associé à une probabilité clinique faible,
permet d’exclure le diagnostic d’EP ou de TVP. Lorsque la probabilité
clinique est forte, il convient de poursuivre les investigations. Certains auteurs
ont proposé de relever le seuil de positivité des D-Di pour le diagnostic de
l’EP en fonction de la pathologie sous-jacente. Dans une étude rétrospective,
l’élévation du seuil de positivité des D-Di à 900 ng/ml en cas de cancer a
permis une augmentation de la spécificité du test de 16 à 30 %, sans pour
autant faire varier le taux de faux négatifs, qui restait nul. Mais cette étude
comporte un nombre limité de patients et doit être confirmée avec un nombre
plus important de sujets. La spécificité est en revanche faible (< 50 %) et ainsi
un taux de D-Di > 500 ng/ml n’a pas de valeur diagnostique pour l’EP ou la
TVP.
Tomodensitométrie hélicoïdale
La tomodensitométrie à rotation continue avec balayage spiralé volumétrique
ou angioscanner thoracique permet de visualiser directement les caillots dans
les artères pulmonaires. La sensibilité varie de 91 % à 100 % et la spécificité
de 78 % à 100 %. Les différentes études ont confirmé la fiabilité de
l’angioscanner dans la détection des caillots endoluminaux jusqu’aux bran-
ches artérielles segmentaires. Un autre avantage de cet examen est la
possibilité d’examiner le médiastin et le parenchyme pulmonaire et donc
d’expliquer des lacunes vasculaires scintigraphiques ou angiographiques liées
à d’autres étiologies (tumeurs, emphysème par exemple). Cependant,
certaines réserves doivent être émises car la spécificité n’est pas toujours de
100 %. En effet, certaines images peuvent prêter à confusion avec le
diagnostic d’EP (présence d’adénopathies hilaires, opacification partielle des
veines pulmonaires par exemple). La tomodensitométrie est un très bon
examen pour la détection des caillots proximaux et segmentaires, surtout pour
les EP aiguës massives. Elle doit être utilisée en première intention dans cette
indication. C’est un examen disponible, peu invasif, qui permet éventuelle-
ment un diagnostic différentiel en l’absence d’EP (pneumopathie, dissection
aortique, adénopathie, compression de l’artère pulmonaire par exemple).
Cependant, à l’heure actuelle, un angioscanner thoracique normal ne permet
pas d’éliminer le diagnostic d’EP sous-segmentaire isolée. Mais la résolution
des scanners est en constante amélioration et la signification clinique des EP
sous-segmentaires reste incertaine pour certains auteurs. Il a été montré
qu’une stratégie diagnostique D-Di-ultrasonographie-angioscanner spiralé
était équivalente au D-Di-angioscanner spiralé pour le diagnostic d’EP, quelle
que soit sa probabilité clinique.
Échocardiographie
L’échocardiographie a un grand intérêt dans l’évaluation de la suspicion d’EP
massive, en particulier chez les patients sans antécédents cardio-pulmonaires.
Dans l’EP, l’échocardiographie peut montrer des signes directs du thrombus dans
le tronc de l’artère pulmonaire ou dans les cavités droites. Elle révèle aussi des
signes indirects, comme la présence d’une HTAP, une dilatation du tronc de
l’artère pulmonaire et de ses branches ou encore un cœur pulmonaire aigu (CPA)
avec dilatation du ventricule droit (VD), avec septum paradoxal, avec diminution
Maladie thromboembolique veineuse 221
Angiographie pulmonaire
Technique invasive, l’angiographie pulmonaire est restée l’examen de réfé-
rence du diagnostic de l’EP jusqu’à l’arrivée de la tomodensitométrie
hélicoïdale et des nouvelles recommandations stratégiques diagnostiques. Le
diagnostic positif d’EP repose sur la présence d’une image de caillot flottant
endoluminal ou d’un arrêt cupuliforme du produit de contraste dans une artère
pulmonaire dont le diamètre est supérieur à 2 mm. D’autres aspects sont non
spécifiques et représentent des signes indirects d’EP : hypovascularisation ou
avascularisation périphérique systématisée, opacification retardée d’un terri-
toire, non-visualisation des veines pulmonaires. L’examen permet également
de quantifier le degré d’obstruction par le calcul d’index de Miller fondé sur le
siège de l’obstruction et le degré d’hypoperfusion artériolaire. Sa sensibilité
est de l’ordre de 94 à 97 %. Cet examen est coûteux et invasif s’accompagnant
d’une mortalité de 0,5 %, d’une morbidité de l’ordre de 1 % et de complica-
tions mineures dans 5 % des cas.
En conclusion, l’angiographie pulmonaire ne doit pas être actuellement la
technique d’investigation de première intention en présence d’une suspicion
d’EP. Toutefois, elle se justifie lorsque les données cliniques et les techniques
non invasives n’établissent pas le diagnostic avec certitude.
Stratégies diagnostiques
La symptomatologie clinique de l’EP et de la TVP est aspécifique et ne permet
qu’une orientation diagnostique nécessitant une confirmation ou une infirmation
diagnostique par des examens complémentaires. La mise à disposition des clini-
ciens d’examens non ou peu invasifs performants entraîne le développement de
nouvelles stratégies pour le diagnostic d’EP. L’utilisation d’arbre diagnostique
doit s’inscrire dans des stratégies d’établissement qui dépendent des équipe-
ments et des liens entre les différents services et les cliniciens (fig. 6.3).
EP massive
En cas de suspicion d’EP aiguë grave avec des signes de choc, une échographie
cardiaque s’impose après les examens paracliniques habituels. Elle permet de
mettre en évidence un CPA et de rechercher les diagnostics différentiels de
l’EP à cet état de choc. Après stabilisation de l’état hémodynamique, une
confirmation diagnostique doit être établie par la scintigraphie pulmonaire,
l’angioscanner thoracique ou l’échographie transœsophagienne. Un écho-
Doppler veineux au lit du patient peut être utile dans cette circonstance.
222 Maladies thrombosantes
Suspicion d’EP
Probabilité clinique
Fig. 6.3. Arbre décisionnel de prise en charge devant une suspicion d’EP repré-
sentant une des démarches diagnostiques et thérapeutiques existantes et
incluant l’angioscanner et l’Écho-Doppler veineux.
EP non massive
La pertinence des examens est différente que le patient soit hospitalisé ou en
externe.
Chez les patients présentant une suspicion d’EP adressés aux services
d’urgence, après les examens paracliniques habituels, un dosage négatif des
D-Di en Elisa permet d’éliminer le diagnostic dans 36 % des cas. L’écho-
Doppler veineux des membres inférieurs doit être réalisé en deuxième inten-
tion permettant de retrouver une TV chez 17 % des patients et d’entreprendre
un traitement anticoagulant. Les autres examens seront réalisés en fonction
des résultats des D-Di et de l’écho-Doppler veineux. La scintigraphie pulmo-
naire peut être remplacée par l’angioscanner selon le contexte. L’angiographie
pulmonaire est réservée aux patients dont la probabilité clinique est forte avec
négativité de l’écho-Doppler veineux, de la scintigraphie pulmonaire et de
l’angioscanner.
Maladie thromboembolique veineuse 223
Traitement antithrombotique
Il demeure le traitement de base et de référence de la MTEV, permettant à lui seul
de traiter de façon efficace la majorité des patients présentant une EP aiguë. Il
diminue la mortalité de l’EP et la fréquence des récidives (tableau 6.XIV).
❐ Le fondaparinux (Arixtra)
L’identification et l’isolement de la structure active de l’héparine (pentasac-
charide) ont permis sa synthèse. L’Arixtra a une activité anti-Xa exclusive.
Maladie thromboembolique veineuse 225
Administrée par voie sous-cutanée, elle est éliminée par voie rénale et ne
présente pas de risque théorique de thrombopénie induite par l’héparine
(TIH). Le fondaparinux, à la dose de 7,5 mg en une injection sous-cutanée par
jour, a été évalué dans le traitement curatif des TVP, où il était comparé à
l’énoxaparine, et celui des EP où il était comparé à l’HNF. Dans ces études,
totalisant plus de 4 400 malades au total, l’Arixtra s’est montré aussi efficace
et sûr que l’énoxaparine ou l’HNF en termes de récidive, de décès, et
d’hémorragie majeure. L’Arixtra a actuellement l’AMM dans le traitement à
la phase aiguë des TVP et des EP non massives. Par contre elle n’a pas
d’AMM en cas de TIH compliquant le traitement par héparines ni en cas
d’antécédents de TIH. Sa contre-indication principale est l’insuffisance rénale
sévère avec une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn. le fondapa-
rinux n’a pas d’antidote spécifique. L’Arixtra s’administre à dose fixe en
fonction du poids par voie sous-cutanée en une seule injection par jour. Sa
demi-vie est de 17 h et sa biodisponibilité de 100 %. Il n’y a pas de
surveillance plaquettaire ou de l’activité anti-Xa. Les dosages disponibles
dépendent du poids : 5 mg/j pour les poids inférieurs à 50 kg, 7,5 mg/j pour
les poids compris entre 50 et 100 kg et 10 mg/j pour les poids supérieurs à
100 kg.
Le relais par les anticoagulants oraux, les AVK doit se faire dès les premiers
jours suivant le début de l’héparinothérapie (HNF ou HBPM) ou du fondapa-
rinux (tableau 6.XV). Ceci permet de raccourcir la durée de l’héparinothérapie
réduisant le risque de thrombopénie immunoallergique à l’héparine. Toutefois,
dans les formes sévères avec syndrome inflammatoire, certains auteurs ont
recommandé de différer le relais de quelques jours. Le relais est une période
d’équilibre difficile, car l’association de deux anticoagulants majore le risque
hémorragique et peut exposer aux risques de récidive ou d’extension de la
thrombose si ce relais est mal conduit. Jusqu’à présent, les AVK sont les seuls
anticoagulants actifs après administration par voie orale, jusqu’à l’arrivée de
nouveaux médicaments antithrombotiques en phase 3 de développement
clinique. Leurs premiers résultats sont très encourageants.
Les AVK agissent en altérant la biosynthèse des facteurs de coagulation vita-
mine K dépendant. Leur demi-vie est variable d’une molécule à l’autre.
La surveillance du traitement AVK fait appel à l’INR, test standardisé qui
compense les différences entre les différentes thromboplastines utilisées. Au
moment du relais, la mesure quotidienne de l’INR est recommandée avec
adaptation des posologies tenant compte des demi-vies de chaque molécule.
Le chevauchement entre l’héparinothérapie et les AVK doit être d’au
minimum 5 jours. L’héparinothérapie sera arrêtée après obtention de deux
INR consécutifs à 24 h d’intervalle entre 2 et 3. Ensuite, la prévention des
récidives thromboemboliques veineuses est assurée par une zone thérapeu-
tique comprise dans la même fourchette pour l’INR. La surveillance de l’INR
sera fonction de la susceptibilité individuelle, l’INR cible étant à 2,5. Elle sera
rapprochée les quatre premières semaines de manière hebdomadaire ou biheb-
domadaire en fonction des résultats, puis espacée toutes les 2 à 4 semaines. Un
contrôle sera toujours nécessaire en cas de changement de la dose quelques
jours plus tard, en général 72 h après l’adaptation de la posologie ou au bout
226 Maladies thrombosantes
3 mois
– premier ATEV en présence d’un facteur de risque réversible ou limité dans le
temps;
Au moins 3 mois
– premier ATEV non provoqué ou idiopathique.
Au-delà de 3 mois et au long cours
– ATEV associé à un cancer, au moins 6 mois avec HBPM. Au-delà AVK ou
HBPM
– ATEV associé à un déficit en AT.
– ATEV récidivant ≥ 2 associé à un déficit en AT.
– premier ATEV non provoqué si absence de risque hémorragique et si
surveillance adéquate.
Dans les états de chocs circulatoires un remplissage vasculaire par des solutés
colloïdes doit être envisagé, associé à l’administration de faibles doses de
dobutamine (5 à 15 µg/kg/min). En cas de collapsus la norépinéphrine à la
dose de 0,1 à 0,5 µg/kg/min peut être utilisée.
❐ Traitement thrombolytique
Le traitement thrombolytique accélère la lyse des thrombus pulmonaires,
entraîne une revascularisation pulmonaire relative de 30 à 50 % en 12 à 24 h et
réduit les résistances vasculaires pulmonaires de 30 à 40 % dès les 6 premières
heures.
Les thrombolytiques ne se discutent que dans les EP récentes (moins de
5 jours) et en l’absence de contre-indications absolues (tableau 6.XVII).
Les thrombolytiques sont recommandés uniquement chez les patients présen-
tant une EP aiguë grave, hémodynamiquement instable avec état de choc ou
collapsus. Leur utilisation chez les patients présentant une EP cliniquement
bien tolérée mais entraînant une dilatation et une dyskinésie du VD est contro-
versée (tableau 6.XVIII).
Thrombolytiques Anticoagulants
Absolues Absolues
– manifestations hémorragiques – syndromes hémorragiques
récentes ou en cours – endocardites bactériennes aiguës
– altérations de l’hémostase – AVC non embolique
prédisposant aux saignements – hypertension artérielle maligne
– AVC, traumatisme crânien ou – ulcère digestif évolutif
intervention neurochirurgicale – intervention neurochirurgicale ou
< 2 mois oculaire récente
– intervention chirurgicale récente – injections musculaires ou intra-
< 10 jours articulaires
– traumatisme grave < 10 jours – épanchement péricardique
– examen invasif < 10 jours :
artériographie, biopsie hépatique
ou rénale, ponction veineuse non
compressible, ponction pleurale ou
lombaire, injections musculaires ou
intra-articulaires.
– grossesse et post-partum précoce
< 10 jours
– hypertension artérielle sévère non
contrôlée (systolique > 200 mmHg,
diastolique > 100 mmHg)
– dissection aortique, péricardite
– ulcère digestif évolutif
Maladie thromboembolique veineuse 229
Relatives Relatives
– diathèse hémorragique – interventions neurochirurgicales
– massage cardiaque externe récentes
– rétinopathie diabétique – péricardite
– prothèse en dacron < 2 mois
– endocardite
– pathologie mitrale avec FA
– insuffisance rénale
– insuffisance hépatique
– lésions ulcérées de la peau et des
muqueuses
– hémorragie gastroduodénale
datant de < 6 mois
– diverticulose colique
– maladie de Crohn
– cancer avec métastases
– âge > 70 ans
Particulières au thrombolytique Propres à l’anticoagulant
– pour la streptokinase (SK) : allergie – pour les héparines : allergie, TIH
grave, asthme, traitement antérieur – pour les anticoagulants oraux :
< 6 mois allergie, insuffisance hépatique ou
rénale grave, association à l’aspirine
à forte dose ou au Daktarin,
miconazole, au phénylbutazone et
dérivés.
❐ Embolectomie pulmonaire
L’embolectomie chirurgicale sous circulation extracorporelle concerne unique-
ment les EP graves chez les patients en collapsus, non améliorés par le
traitement thrombolytique ou pour lesquels le traitement thrombolytique est
contre-indiqué, et présentant un état de choc. L’embolectomie par cathétérisme
(aspiration ou fragmentation des caillots) peut être utile chez les patients
présentant à la fois une EP grave et une contre-indication au traitement throm-
bolytique et à l’embolectomie chirurgicale.
Bilan étiologique
L’examen clinique doit être complet et soigneux entouré d’un interrogatoire
précis à la recherche d’une éventuelle cause thrombogène favorisante. En
fonction du contexte et des résultats de l’enquête clinique, la recherche
s’orientera :
Maladie thromboembolique veineuse 231
– soit vers les situations cliniques et affections acquises prédisposant aux acci-
dents thromboemboliques et évoquant l’existence d’un état d’hypercoagulabilité;
– soit vers les thrombophilies acquises ou constitutionnelles comprenant les
déficits en inhibiteurs de la coagulation (principalement le déficit en AT, PC,
PS, la résistance à la PCa, les mutations du FVL et de la prothrombine ou
FII 20210 A).
Il est important de ne pas négliger l’enquête étiologique notamment à la
recherche d’une néoplasie occulte révélée par une TVP. La fréquence d’un
cancer occulte est très élevée, principalement dans le groupe idiopathique,
sans cause déclenchante évidente. Des examens non invasifs complémentaires
après examen clinique soigneux peuvent se justifier. Néanmoins, l’ampleur de
la recherche reste débattue; il ne semble pas justifié de réaliser systématique-
ment des examens endoscopiques invasifs et non dénués de risque sans point
d’appel somatique.
La recherche d’une anomalie de la coagulation peut s’effectuer sous traite-
ment anticoagulant à condition de préciser sa nature. Elle peut bien entendu
être faite chez le malade ambulatoire à la phase aiguë de son ATEV. Il convient
dans ce cas de prendre contact avec le laboratoire afin de préciser les traite-
ments en cours, y compris la prise de contraception orale lors de l’épisode
thrombotique (qui peut entraîner une diminution de la PS). Seuls les dosages
de la PC et PS seront difficiles à interpréter pendant le traitement anticoagu-
lant oral. L’AT peut voir son taux diminuer modérément pendant le traitement
héparinique. Néanmoins, un taux normal permet de récuser une thrombophilie
héréditaire en AT. Les mutations du FV et du FII peuvent être recherchées par
méthode de biologie moléculaire quel que soit le traitement en cours et les
résultats ne sont jamais modifiés par le contexte clinique. De même, la
recherche d’une néoplasie par des examens complémentaires peut également
se faire en ambulatoire.
BIBLIOGRAPHIE
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232 Maladies thrombosantes
Introduction
C’est une maladie thromboembolique chronique compliquée d’HTAP préca-
pillaire. L’HTAP postembolique est rare. Sa prévalence n’est pas connue avec
précision. Elle est estimée à 0,1-0,2 % après EP aiguë massive et augmente
probablement avec un meilleur suivi des patients à distance d’un ATEV.
Physiopathologie
La circulation pulmonaire reçoit la totalité du débit cardiaque (DC) sous un
régime de basse pression. Chez l’adulte au repos, la pression artérielle pulmo-
naire moyenne (PAPm) avoisine les 15 mmHg et les résistances artérielles
pulmonaires (RAP) sont 10 fois < aux résistances artérielles systémiques. La
PAPm est déterminée par trois facteurs :
– le DC;
– la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAP d’occlusion ou PAPO);
– les RAP suivant la relation : PAP = PAPO + (DC 5RAP).
Maladie thromboembolique veineuse 233
L’HTAP est définie par une PAP > 20 mmHg au repos ou 30 mmHg à l’effort.
Trois mécanismes peuvent être à l’origine d’une HTAP :
– une augmentation de la PAP d’occlusion : HTAP postcapillaire;
– une augmentation du DC : HTAP de débit;
– une augmentation des RAP : HTAP précapillaire.
Par définition, le CPCPE est la conséquence d’une HTAP précapillaire. La
physiopathologie de cette maladie reste discutée et soulève deux hypothèses :
– la défaillance de la fibrinolyse physiologique entraîne un défaut de résolu-
tion des EP. Le thrombus subit une endothélialisation, une réorganisation et
une reperméabilisation et devient adhérent à la paroi artérielle pulmonaire
sous forme d’un thrombus fibreux;
– le dépassement des capacités fibrinolytiques physiologiques, secondaire à
une EP massive et/ou des embolies récidivantes, avec résorption incomplète
des caillots.
Si l’obstruction vasculaire pulmonaire est le principal mécanisme d’augmen-
tation des résistances vasculaires pulmonaires, des lésions d’artériopathie
plexiforme et/ou microthrombotique (notamment dans les embolies distales) à
la fois dans les territoires obstrués et non obstrués, contribuent au développe-
ment et à l’aggravation de l’HTAP.
La réponse du cœur droit à l’HTAP chronique peut être divisée en trois
stades :
– adaptation du VD avec hypertrophie et dilatation;
– dysfonction du VD systolique et diastolique;
– insuffisance ventriculaire droite (IVD).
Diagnostic positif
Examen clinique
Les signes cliniques d’HTAP, quelle que soit son étiologie, sont peu spécifi-
ques, surtout au stade précoce de la maladie. De ce fait, le diagnostic est
souvent porté avec retard. La dyspnée d’effort est le signe le plus précoce. Elle
est quasi-constante au moment du diagnostic. Une fatigabilité est fréquem-
ment associée. Les syncopes peuvent être observées au cours des HTAP
graves et surviennent volontiers à l’effort. La vasodilatation périphérique
survenant pendant l’effort n’est pas compensée par une augmentation
adéquate du DC. Des douleurs pseudo-angineuses ne s’observent que dans les
HTAP très sévères, résultant d’une ischémie du VD, secondaire à l’augmenta-
tion des besoins en O2 du VD hypertrophié. Les hémoptysies et la dysphonie
(cette dernière est liée à la compression du nerf récurrent) sont rares. On ne les
rapporte que dans les HTAP sévères et anciennes.
À l’examen clinique, on peut distinguer :
– les signes directement liés à l’HTAP : éclat de B2 au foyer pulmonaire avec
dédoublement serré de B2, click d’éjection pulmonaire, souffle diastolique
d’insuffisance pulmonaire;
234 Maladies thrombosantes
Examens paracliniques
Le cathétérisme cardiaque droit, examen invasif, réalisé généralement par
sonde de Swan-Ganz, est la méthode de référence pour affirmer une HTAP et
apprécier sa sévérité. La mesure de la PAP d’occlusion et la détermination de
l’IC permettent d’affirmer le caractère précapillaire de l’HTAP défini par un
gradient de pression PAP - PAP d’occlusion > 9 mmHg et des RAP =
PAP - PAP d’occlusion/IC > 3,6 UI.
Le cathétérisme droit permet par ailleurs :
– de rechercher un shunt intracardiaque droit-gauche à l’aide de prélèvements
sanguins étagés avec mesure de la saturation en O2 ;
– de mesurer, grâce à une sonde à thermistance rapide, la fraction d’éjection
ventriculaire droite en l’absence d’insuffisance tricuspidienne;
– de mesurer la saturation du sang veineux mêlé en O2, d’apprécier le trans-
port en O2 aux tissus ainsi que la consommation tissulaire en O2 ;
– d’apprécier la réponse en terme de RAP à certains vasodilatateurs.
Bien qu’étant un examen indispensable au diagnostic des HTAP sévères, le
cathétérisme droit reste un examen invasif avec de possibles complications et
peut difficilement être répété fréquemment au cours de l’évolution de la
maladie.
Le diagnostic non invasif de l’HTAP se heurte à un certain nombre de diffi-
cultés. La plupart des méthodes non invasives sont indirectes et apprécient les
conséquences de l’HTAP. Ainsi, le diagnostic non invasif de l’HTAP est plus
difficile dans les HTAP modérées sans retentissement ventriculaire droit
important que dans les HTAP sévères (HTAP primitives, HTAP
postemboliques).
À l’ECG, les critères d’hypertrophie du VD sont un axe de QRS > 95°, une
onde P pointue > 2,5 mm en D2, D3 ou aVF (dérivations électrocardiographi-
ques unipolaires augmentées*), une onde R dominante en aVR (*idem) ou V1
avec onde S dominante en V5 et une onde T négative en V1-V3. Ces critères
ne s’observent que lorsque l’hypertrophie du VD est importante et qu’il
n’existe pas d’hypertrophie du VG concomitante. La spécificité de l’ECG est
très élevée, mais la sensibilité est faible (55 à 60 %), en particulier dans la
détection des HTAP modérées.
À la radiographie thoracique, l’HTAP précapillaire entraîne une dilatation du
tronc de l’AP et des AP principales, une égalisation de la vascularisation des
lobes supérieurs et inférieurs, une réduction de la vascularisation périphé-
rique. Particulièrement évidentes dans l’HTAP primitive, ces modifications
sont plus difficiles à interpréter dans certaines HTAP secondaires modérées.
Maladie thromboembolique veineuse 235
Diagnostic du CPCPE
Le diagnostic repose habituellement sur l’existence d’anomalies de la perfu-
sion à la scintigraphie pulmonaire (au moins un défect segmentaire) et d’un
aspect angiographique caractéristique. Le diagnostic de CPCPE est souvent
fait tardivement au stade d’insuffisance cardiaque droite. Le cathétérisme
cardiaque droit révèle souvent une HTAP précapillaire très sévère. Les pres-
236 Maladies thrombosantes
sions moyennes dans l’artère pulmonaire (AP) peuvent atteindre des valeurs
≥ 50 mmHg. La symptomatologie clinique n’est pas spécifique. La dyspnée
d’effort est le symptôme le plus souvent révélateur. Il s’agit d’une dyspnée
progressivement croissante dont l’intensité est corrélée à l’importance de
l’obstruction vasculaire. Son début est difficile à faire préciser. Elle s’installe
en général plusieurs mois après le premier épisode d’embolie. L’hémoptysie,
rare, est due à l’hypervascularisation bronchique, secondaire à l’embolie chro-
nique. Les données de l’interrogatoire sont d’une grande valeur diagnostique,
retrouvant dans 2/3 des cas des antécédents familiaux et/ou personnels d’acci-
dent thromboembolique veineux, de douleurs thoraciques non étiquetées, de
pneumopathies à répétition sans étiologie précise et des facteurs de risque de
thrombose. L’existence de séquelles veineuses au niveau des membres infé-
rieurs (mauvais état veineux, séquelles cutanées) a une grande valeur
diagnostique. Un souffle systolique ou continu, peu intense, peut être audible
sur tout le thorax, en dehors de l’aire cardiaque. Il traduit l’existence d’une
obstruction partielle des artères pulmonaires par des thrombus.
La radiographie thoracique peut retrouver des anomalies évocatrices d’une
étiologie embolique. Outre une dilatation parfois asymétrique des artères
pulmonaires, elle peut révéler une image d’obstruction vasculaire générale-
ment visible au niveau de l’artère lobaire inférieure droite sous forme d’une
dilatation se terminant par une zone effilée en « queue de radis ». Plus rare-
ment on peut observer une asymétrie de perfusion pulmonaire avec des zones
d’hyperclarté ou des anomalies pleurales séquellaires d’un infarctus
pulmonaire.
La scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion est un examen essentiel
dans le diagnostic de la maladie thromboembolique chronique. Elle montre
des défects de perfusion plus ou moins systématisés, segmentaires, lobaires,
voire une exclusion totale d’un poumon, associés à une ventilation conservée
dans les mêmes territoires, réalisant l’aspect classique de mismatch. Une scin-
tigraphie pulmonaire de perfusion normale exclue avec une quasi-certitude le
diagnostic d’HTAP postembolique et évoque une HTAP primitive.
L’angiographie pulmonaire retrouve souvent des aspects évocateurs de maladie
thromboembolique chronique et précise la topographie exacte de l’obstruction
vasculaire, une éventuelle thromboendartériectomie ne pouvant être indiquée
qu’en cas d’obstruction proximale. Les images décrites peuvent être :
– une image d’arrêt cupuliforme concave ou pouching traduisant la présence
d’un thrombus complètement ou partiellement obstructif;
– des irrégularités pariétales traduisant la présence d’un thrombus marginé;
– une dilatation irrégulière des artères pulmonaires;
– une réduction de calibre d’une artère pulmonaire lobaire ou segmentaire en
« queue de radis » traduisant la présence d’un thrombus recanalisé;
– des bandes intravasculaires moins radio-opaques que le reste de l’artère ou
webs traduisant la présence d’un thrombus organisé sous forme annulaire et
des zones d’hypovascularisation ou d’avascularisation, avec prolongement du
temps artériel et retard du retour veineux.
Maladie thromboembolique veineuse 237
Facteurs de risque
Bien que les données actuelles suggèrent que le CPCPE n’est pas associé aux
thrombophilies biologiques, certaines études ont montré des taux élevés de
FVIII ou d’anticorps antiphospholipides en cas de CPCPE. Une prédominance
de patients de groupe sanguin non-O a été retrouvée par comparaison avec des
patients avec HTAP non postembolique. Il existe également une augmentation
de l’expression de PAI-1 à la surface des artères pulmonaires chez les patients
avec CPCPE par comparaison avec les patients sans CPCPE. L’élévation des
taux de FVIII et de PAI-1 pourrait favoriser la persistance du thrombus et la
progression de la maladie.
La splénectomie, les shunts auriculoventriculaires et les états inflammatoires
chroniques ont été identifiés comme des facteurs de risque indépendants de
CPCPE.
Traitement
Il s’adresse à l’affection causale, et au retentissement de l’HTAP sur le cœur
droit, la circulation de retour et le cœur gauche.
Vasodilatateurs
Les effets bénéfiques attendus d’un traitement vasodilatateur sont une diminu-
tion de la PAP et des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) avec
augmentation concomitante du DC. En abaissant les résistances vasculaires
pulmonaires et systémiques, les vasodilatateurs artériels entraînent une dimi-
nution de la postcharge ventriculaire droite et gauche. La PGI2 est le
vasodilatateur pulmonaire le plus puissant et le plus sélectif. La réponse vaso-
dilatatrice à la PGI2, rendant compte d’une composante réversible, semble
avoir une valeur prédictive sur la réponse aux autres vasodilatateurs, intéres-
sante dans l’éventualité d’un traitement au long cours. L’effet vasodilatateur
est défini selon les auteurs par une baisse des RVP de 20 à 30 %.
D’autres vasodilatateurs appartenant à des classes pharmacologiques diffé-
rentes ont été également proposés. Il s’agit surtout des inhibiteurs calciques à
fortes doses par voie orale qui peuvent entraîner une amélioration hémodyna-
mique, une meilleure tolérance à l’effort. Un échappement thérapeutique peut
survenir au bout de quelques mois de traitement.
Dans l’HTAP postembolique, l’effet des vasodilatateurs a été très peu étudié.
Anticoagulants
Un traitement anticoagulant au long cours est indiqué dans l’HTAP postembo-
lique. Sous traitement AVK. L’INR doit être entre 2 et 3.
L’IVCI peut être discutée dans les HTAP postemboliques. Dans cette indica-
tion, elle est réalisée de façon quasi-systématique par certaines équipes et
proposée uniquement en cas de TV des membres inférieurs par d’autres.
Thromboendarteriectomie pulmonaire
Les critères de sélection pour une thromboendartériectomie sont bien définis :
l’obstruction proximale au niveau du tronc de l’AP, d’une AP principale ou
lobaire, avec des RVP > 300 dynes.s.cm-5 et l’absence de tare viscérale. Les
résultats hémodynamiques sont souvent excellents, avec une diminution très
Maladie thromboembolique veineuse 239
importante des RVP et des pressions dans l’AP. Les risques opératoires sont
identiques à ceux de la chirurgie cardiaque, auxquels s’ajoute l’œdème de
reperfusion dans les territoires désobstrués. La mortalité dans la série de
Moser est de 12 % et est surtout liée à l’IVD réfractaire, avec nécrose du VD
en postopératoire. Elle est l’apanage presque exclusif des formes chroniques
évoluées. L’obésité est un autre facteur pronostique majeur. La thromboendar-
tériectomie doit être si possible préférée à la greffe pulmonaire puisqu’elle
permet des améliorations fonctionnelles notables sans recours à une immuno-
suppression avec des survies de > 10 ans.
L’endartériectomie pulmonaire est plus qu’une alternative à la transplantation
dans l’hypertension pulmonaire postembolique; elle est le traitement de choix
chaque fois qu’elle est possible. Elle présente l’avantage, pour un risque
opératoire inférieur, d’offrir aux patients atteints de cette maladie une guérison
définitive au prix d’un seul traitement anticoagulant et sans les complications
d’un traitement immunosuppresseur et les risques de bronchiolite et d’insuffi-
sance respiratoire inhérents à la transplantation. L’endartériectomie pulmo-
naire est une intervention chirurgicale complexe nécessitant un long
apprentissage. Ses résultats dépendent de l’expérience de l’équipe médicochi-
rurgicale, de la sévérité hémodynamique et du siège de l’obstruction.
Lorsqu’elle est faite à un stade précoce de la maladie avant qu’une artériolite
pulmonaire grave ne s’installe, le risque opératoire est relativement faible.
L’amélioration de la qualité de l’imagerie permettra probablement à court
terme de mieux sélectionner les candidats à cette intervention.
BIBLIOGRAPHIE
Clinique
On retrouve généralement une douleur à type de lourdeur ou de névralgie
associée à un œdème de l’avant-bras et/ou du bras, une thrombose superfi-
cielle notamment après abord veineux, une circulation collatérale de
développement parfois rapide, visible à l’examen comparatif des épaules.
L’hyperthermie est modérée mais peut parfois prendre la forme d’un véritable
syndrome septicémique en cas de thrombophlébite suppurée. Un syndrome
cave supérieur avec œdème de la face et des paupières peut apparaître en cas
d’atteinte bilatérale des troncs veineux brachiocéphaliques ou d’extension
thrombotique à la veine cave supérieure. Lorsque l’obstruction est totale,
l’œdème est important en pèlerine avec gonflement de la face, du cou, des
membres supérieurs et des troubles de vision.
Ces signes sont majorés lorsque le patient se penche en avant et par la
manœuvre de Valsalva. Une EP peut révéler une thrombose asymptomatique
des membres supérieurs.
Maladie thromboembolique veineuse 241
Diagnostic positif
L’examen de première intention est l’écho Doppler réalisé sans difficulté au
niveau des veines huméro-axillaires et des veines jugulaires internes. Au
niveau sous-clavier, la présence de la clavicule peut limiter les manœuvres de
compression indispensables au diagnostic. L’extension aux veines innominées
et cave supérieure est très rarement accessible à l’échographie transcutanée.
L’échographie peut être complétée par une étude hémodynamique au Doppler
continu, voire en pléthysmographie. Cet examen, simple et peu coûteux,
présente pour le diagnostic de TVP des membres supérieurs une sensibilité de
78 à 100 % et une spécificité de 82 à 100 %. La phlébographie permet une
bonne visualisation de l’ensemble de l’axe axillo-sous-clavier jusqu’à la veine
cave supérieure. Elle ne visualise que très rarement les veines jugulaires
internes. Le diagnostic d’extension cave supérieure peut être porté lors d’une
échographie cardiaque transœsophagienne, une tomodensitométrie ou une
IRM. L’angioscanner pulmonaire est utile pour confirmer ou éliminer une EP
dont la fréquence est estimée à 2-35 %.
Diagnostic étiologique
Actuellement 70 % des TV du réseau cave supérieur sont liées à un cathété-
risme veineux : voie veineuse profonde, chambre implantable, pacemaker, y
compris abords veineux transitoires pour exploration endovasculaire. Le délai
entre un cathétérisme et le diagnostic de thrombose peut parfois être long
(1 mois et plus). Pour les cathéters, il faut bien distinguer la non-perméabilité
qui a souvent une origine mixte (obstruction fibrinocruorique, soluté incompa-
tible, précipitation médicamenteuse, hyperviscosité) de la TV développée
autour du cathéter (péricathéter) (tableau 6.XIX).
Le syndrome du défilé thoraco-brachial est dû à la compression du paquet
neurovasculaire dans son passage entre la clavicule, la première côte et les
masses musculaires de l’épaule. Il s’agit souvent de patients jeunes décrivant
un effort inhabituel dans les jours précédents et réalisant la classique phlébite
d’effort du membre supérieur. Il faut alors rechercher une cause locale (côte
surnuméraire, trouble de la statique de l’épaule).
Les tumeurs malignes compressives du médiastin peuvent provoquer des
thromboses jugulo-sous-clavières bilatérales, mais aussi des tumeurs de voisi-
nage pour les thromboses jugulaires (ORL, thyroïde) ou axillo-sous-clavières
(lymphomes, cancer de l’apex pulmonaire ou du sein) ou plus distantes
(estomac pour la classique phlébite de Trousseau).
Les autres étiologies locales concernent les traumatismes lors des fractures de
l’humérus ou de la clavicule. Des thromboses initialement jugulaires peuvent
évoquer des causes particulières comme un foyer infectieux ORL. Une throm-
bose superficielle après injection chez un toxicomane doit systématiquement
faire rechercher une infection associée.
Les causes générales (anomalies de l’hémostase, anticoagulant circulant
[ACC] associé à un lupus ou un syndrome primaire des antiphospholipides,
hyperstimulations ovariennes thérapeutiques avec thrombose jugulaire)
242 Maladies thrombosantes
Anomalies
Malignes Bénignes
de l’hémostase
– Tumeurs de voisinage – Anévrisme-dissection – Polyglobulie
– Cancer broncho- aortique – Hémoglobinurie
pulmonaire – Goitre compressif paroxystique nocturne
– Cancer épidermoïde – Kyste dermoïde, – Hypercoagulabilité
– Cancer anaplasique bronchogénique paranéoplasique
– Adénocarcinome – Lymphangiome kystique – Déficit en PS ou PC
– Lymphome (hodgkinien – Médiastinite infectieuse – Déficit en AT
ou non) aiguë – Mutations FII, FV
– Leucémie aiguë – Médiastinite subaiguë : – Homocystinurie
lymphoblastique tuberculose, – Hyperhomocystéinémie
– Cancer thyroïdien histoplasmose,
anaplasique actinomycose,
– Cancer du sein blastomycose, syphilis
– Métastase (testicule, – Médiastinite
prostate par exemple) postradique,
– Thymomes-tumeurs idiopathique
germinales – Fibrose médiastinale
– Médiastinite postradique – Thrombose sur cathéter :
– Médiastinite néoplasique - dérivation
– Léiomyosarcome de la péritonéojugulaire
veine cave supérieure - shunt ventriculo-atrial
- pompe de
chimiothérapie
- sonde d’entraînement
(pacemaker)
- nutrition parentérale
– Cardiomyopathie
– Péricardite constrictive
– Myxome de l’oreillette
droite
– Vascularite
inflammatoire :
- lupus
- maladie de Behçet
- PAN
- Takayasu
– SAPL
Traitement
Traitement curatif
Il est initié par une héparinothérapie efficace par HBPM. Il est logique d’envi-
sager un relais par les AVK. Une contention élastique par bandes de la racine
Maladie thromboembolique veineuse 243
Traitement préventif
La position de l’extrémité distale du cathéter situé à la jonction de la veine
cave supérieure et de l’oreillette droite est recommandée dans la prévention
primaire des thromboses sur cathéter chez les patients atteints d’un cancer. En
présence d’un cathéter au long cours, la prévention de l’obstruction du
cathéter peut justifier d’instiller régulièrement de faibles doses d’héparine in
situ. Mais ce « verrou hépariné » ne prévient pas les thromboses péricathéter.
Évolution
L’évolution sous traitement est le plus souvent favorable grâce au développe-
ment rapide d’une circulation collatérale importante, visible sur le moignon de
l’épaule ou sur le tronc. Aux membres supérieurs, un syndrome obstructif
chronique (syndrome post-phlébitique) se décompensant à l’effort (œdème et
douleur d’effort) peut survenir chez 7 à 46 % des patients. Les troubles trophi-
ques sont exceptionnels et il n’y a pas d’ulcères veineux du membre supérieur,
ce qui justifie l’arrêt rapide du traitement anticoagulant après 1 à 3 mois. Un
traitement plus prolongé doit être envisagé en cas de thrombophilie clinique
(thrombose récidivante) ou biologique.
BIBLIOGRAPHIE
CIHANGIROGLU M, LIN BH, DACHMAN AH. Collateral pathways in superior
vena caval obstruction as seen on CT. J Comput Assist Tomogr 2001; 25 : 1-8.
SAJID MS, AHMED N, DESAL M, BAKER D, HAMILTON G. Upper limb deep
vein thrombosis : a literature review to streamline the protocol for manage-
ment. Acta Haematol 2007; 118 : 10-18.
244 Maladies thrombosantes
➙ Causes fréquentes
• Régionales
– carcinome hépatocellulaire
– cirrhose avec insuffisance hépatique
– adénocarcinome pancréatique
– pancréatites chroniques et aiguës
– pyléphlébites septiques
– chirurgie sus-mésocolique
• Générales
– syndromes myéloprolifératifs
– FVL (mais avec un taux de 5 %, proche de la population générale)
– mutation du gène du FII
– SAPL
➙ Causes rares
• Régionales
– cirrhose sans carcinome hépatocellulaire ni insuffisance hépatique
– métastases hépatiques
– cholangiocarcinome
– traumatismes abdominaux
– transplantation hépatique
– hépatite à CMV
– maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
– tuberculose ganglionnaire intra-abdominale
• Générales
– déficit congénital en AT et PC et PS
– hémoglobinurie paroxystique nocturne
– syndrome néphrotique
– maladie de Behçet
SAPL : syndrome des antiphospholipides
Physiopathologie
La thrombose de la veine porte est une affection rare atteignant les enfants et
les adultes. Elle est la cause la plus fréquente d’hypertension portale non
cirrhotique en Occident. Le diagnostic peut être porté à la phase aiguë à
l’occasion d’une douleur abdominale, mais l’occlusion de la veine porte par
un thrombus passe souvent inaperçue. Le thrombus s’organise et il se déve-
loppe une circulation veineuse collatérale porto-porte tortueuse autour de la
veine thrombosée, aboutissant à la formation du cavernome. Le diagnostic
sera alors porté à l’occasion d’une manifestation de l’hypertension portale.
Expression clinique
Les circonstances de découverte des thromboses de la veine porte sont :
– une hémorragie digestive ou des manifestations d’hypersplénisme liées à
l’hypertension portale;
– des douleurs abdominales non spécifiques ou liées à une ischémie intestinale
d’origine veineuse (aiguë ou chronique);
– des manifestations d’une pyléphlébite suppurée (fièvre élevée, frissons et
douleurs abdominales);
Maladie thromboembolique veineuse 247
Diagnostic
Les techniques d’imagerie non invasives permettent maintenant de faire le
diagnostic de thrombose de la veine porte, de préciser l’extension de la
thrombose et de rechercher une cause locale. Le recours à l’artériographie
digestive est devenu inutile. L’échographie couplée à l’exploitation de l’effet
Doppler affirme le diagnostic quand sont mis en évidence l’image directe du
thrombus (matériel échogène intraluminal) ou le remplacement de la veine
248 Maladies thrombosantes
Traitement
Il comprend :
– d’une part le traitement de la thrombose récemment constituée et la préven-
tion d’autres épisodes thrombotiques avec notamment la question du rapport
bénéfice/risque du traitement anticoagulant;
– et d’autre part le traitement de l’hypertension portale, le traitement d’une
éventuelle compression biliaire par les veines du cavernome et le traitement de
la cause (traitement d’un syndrome myéloprolifératif par exemple).
La question du rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant est
ancienne. La thrombose de la veine porte complique dans la majorité des cas
une affection prothrombotique. En conséquence, le traitement anticoagulant a
été proposé dans le but de prévenir l’extension de la thrombose vers les veines
splanchniques, responsable d’infarctus veineux mésentérique et les accidents
dus à la thrombose d’autres veines profondes. A contrario, les réticences à
l’utilisation du traitement anticoagulant sont liées au risque théorique
d’augmenter l’incidence et la gravité des épisodes hémorragiques.
En cas de thrombose récente de la veine porte le but principal du traitement est
d’obtenir une reperméabilisation des vaisseaux thrombosés pour éviter la
survenue d’une ischémie ou d’un infarctus veineux mésentérique à court
terme et des complications d’une hypertension portale par bloc préhépatique à
long terme. Une reperméabilisation complète ou partielle (mais suffisante
pour prévenir un bloc préhépatique significatif) est notée chez la majorité des
patients traités précocement par anticoagulants en cas de thrombose récente de
la veine porte. Le pronostic à court et long terme des patients traités précoce-
ment par anticoagulants est bon. La durée du traitement pourrait dépendre de
plusieurs facteurs. Nous proposons un traitement de 6 mois en l’absence
d’affection prothrombotique reconnue ou suspectée sur l’anamnèse et un trai-
Maladie thromboembolique veineuse 249
syndrome de Budd-Chiari) est qu’il survient chez des femmes jeunes et non
chez les hommes de plus de 50 ans comme cela est habituel. La prévalence
de la mutation V617F JAK2 chez les patients atteints de syndrome de Budd-
Chiari varie de 40 à 58 % suivant les séries. L’hémoglobinurie paroxystique
nocturne est une affection exceptionnelle qui se complique très souvent,
pour des raisons inconnues, de thrombose des veines hépatiques. Le
diagnostic des déficits familiaux en inhibiteur de la coagulation (AT, PC et
PS) est difficile quand il existe une maladie du foie potentiellement respon-
sable d’une diminution de l’ensemble des facteurs de coagulation
nécessitant le recours à l’enquête familiale. Le FVL, à la différence de la
thrombose de la veine porte, est une cause fréquente de thrombose des
veines hépatiques, mis en évidence dans 31 % des cas. La maladie de Behçet
est la cause de l’obstacle au drainage veineux hépatique dans 6 % des cas.
En cas de syndrome de Budd-Chiari, dû à une maladie de Behçet, il existe
dans 90 % des cas une thrombose cave. De nombreux cas de thrombose des
veines hépatiques au cours de la grossesse ou du post-partum ont été
rapportés. Une affection prothrombotique est généralement mise en
évidence, le plus souvent le FVL.
L’obstruction membraneuse de la veine cave inférieure (membrane cave) est la
principale cause de bloc suprahépatique au Japon et en Inde. La veine cave
inférieure est obstruée par une membrane au niveau ou au-dessus des ostia des
veines hépatiques. La membrane cave provient vraisemblablement de la trans-
formation d’un thrombus localisé.
Physiopathologie
Une grande partie des voies de drainage veineux hépatique doit être obstruée
pour que se développent des manifestations cliniques dues au bloc suprahépa-
tique. L’obstruction d’une seule veine hépatique principale est habituellement
asymptomatique. L’obstacle au drainage du territoire d’au moins deux veines
hépatiques principales a pour conséquences une augmentation de la pression
sinusoïdale du territoire obstrué et une diminution du débit sanguin dans ce
territoire.
L’augmentation de la pression sinusoïdale a pour conséquences :
– l’hépatomégalie par congestion;
– l’ascite par filtration de liquide vers les espaces interstitiels (le liquide filtré a
un contenu élevé en protides en raison de la haute perméabilité aux protéines
de la paroi sinusoïdale); la production d’ascite peut s’accompagner d’une
insuffisance rénale fonctionnelle;
– l’hypertension portale par transmission de l’augmentation de la pression
sinusoïdale à la veine porte;
– le développement de veines collatérales entre les zones hépatiques obstruées
et les zones hépatiques non obstruées adjacentes.
La diminution du débit sanguin dans les territoires obstrués est responsable
d’une ischémie, mais celle-ci paraît inconstante et/ou transitoire. Plus
l’obstruction veineuse est brutale et étendue, plus l’ischémie est marquée,
responsable dans de rares cas d’insuffisance hépatique fulminante.
252 Maladies thrombosantes
Manifestations cliniques
L’âge moyen de découverte de la maladie est de 35 ans. Le sexe féminin repré-
sente près de 2/3 des cas. Le diagnostic de bloc suprahépatique doit être
évoqué dans les circonstances suivantes :
– quand une ascite est associée simultanément à une hépatomégalie et des
douleurs abdominales hautes;
– chez les patients présentant des signes de maladie chronique du foie, quand
une ascite réfractaire contraste avec une fonction hépatique peu altérée;
– en cas d’atteinte hépatique, quelles qu’en soient les manifestations, chez les
sujets connus pour être atteints d’une affection thrombogène;
– quand une hépatite fulminante est associée à une hépatomégalie et une
ascite;
– en cas de maladie chronique du foie inexpliquée.
La prévalence des principales manifestations de l’obstruction des grosses
veines hépatiques dans une série de patients admis à l’hôpital Beaujon est
présentée dans le tableau 6.XXII. Les manifestations varient en fonction de la
date à laquelle sont vus les patients car les techniques modernes d’imagerie
non invasive permettent de reconnaître des cas qui seraient auparavant passés
inaperçus. Les patients peuvent être classés dans quatre principales formes de
présentation clinique :
– dans la forme asymptomatique, les patients n’ont pas d’ascite, d’hépatomé-
galie ou de douleurs abdominales. L’obstruction du drainage hépatique est de
découverte fortuite par les examens d’imagerie pratiqués pour l’investigation
d’autres symptômes ou d’anomalies des tests hépatiques. La persistance de la
perméabilité d’une des principales veines hépatiques ou le développement de
larges veines collatérales expliquent probablement l’absence de symptôme
chez ces patients. Approximativement 20 % des patients atteints de bloc sus-
hépatique vus depuis 1990 se rapportent à cette catégorie;
– la forme fulminante, très rare, est caractérisée par le développement d’une
encéphalopathie hépatique en quelques jours, avec insuffisance rénale et
augmentation très importante des transaminases;
– les formes aiguë et subaiguë sont caractérisées par le développement rapide
d’une ascite avec hépatomégalie, insuffisance rénale et ictère. Les transami-
Maladie thromboembolique veineuse 253
Ascite 95 65
Hépatomégalie 95 75
Douleur abdominale 80 50
Ictère 40 20
Œdème des membres inférieurs 45 15
Fièvre 40 20
Encéphalopathie hépatique 20 3
Hémorragie digestive 15 5
Aucun des symptômes ci-dessus 0 20
254 Maladies thrombosantes
Diagnostic
Dans la majorité des cas, les techniques d’imagerie non invasive mettent en
évidence des signes d’obstruction des voies de drainage hépatique. Lorsque ce
n’est pas le cas, une biopsie hépatique est nécessaire. Rarement, il est néces-
saire de recourir à l’opacification des veines hépatiques.
Dans 75 % des cas d’obstruction des veines hépatiques, le diagnostic peut être
fondé sur les renseignements fournis par l’échographie. Les signes spécifiques
sont :
– la présence de matériel échogène dans la lumière des veines hépatiques ou
de la veine cave inférieure;
– la sténose de la veine cave inférieure ou d’une veine hépatique avec dilata-
tion en amont;
– la présence d’un cordon hyperéchogène remplaçant une des veines hépati-
ques principales;
– une circulation collatérale à point de départ veineux hépatique. L’examen
par Doppler pulsé et par Doppler couleur améliore la rentabilité diagnostique
de l’échographie.
La tomodensitométrie avec perfusion de produit de contraste peut donner des
images particulières :
– à la phase précoce, il se produit un rehaussement hétérogène du foie. Ce
dernier prédomine dans les régions périphériques et autour des pédicules
portaux;
– au temps tardif, le foie retrouve un rehaussement homogène. Toutefois cet
examen est peu performant pour visualiser les veines hépatiques et l’injection
de produit de contraste peut être responsable d’une néphrotoxicité.
Les grosses veines hépatiques normales sont bien visualisées par l’IRM. Cette
technique est aussi performante que l’échographie pour mettre en évidence
l’obstruction des veines hépatiques et la circulation veineuse collatérale intra-
hépatique. Elle est plus performante pour étudier la veine cave inférieure.
La ponction biopsie hépatique a peu d’intérêt diagnostique et n’est d’aucun
intérêt pronostique. La distribution hétérogène des lésions explique probable-
ment de grosses variations selon l’échantillon.
Traitement
Le traitement de l’affection sous-jacente et l’administration d’anticoagulants
doivent être instaurés dès que le diagnostic est fait. Les complications de
l’atteinte hépatique peuvent être prises en charge tout comme au cours de la
cirrhose d’autre origine. Les techniques suivantes ont été proposées pour
assurer la restauration du drainage veineux hépatique :
– thrombolyse au stade de thrombose récente;
– angioplastie avec ou sans stent;
– shunt porto-systémique latérolatéral chirurgical transformant la veine porte
d’une voie d’entrée en une voie de sortie;
– shunt porto-cave intrahépatique transjugulaire (TIPS).
Maladie thromboembolique veineuse 255
BIBLIOGRAPHIE
Fréquence
En raison des difficultés du diagnostic, la fréquence des TVP en général et des
thromboses pelviennes en particulier n’est pas très précisément évaluée au
cours de la grossesse et du post-partum. Une analyse de la littérature colli-
geant 400 000 grossesses l’estime à environ 0,5/1 000 pendant la grossesse,
2/1 000 dans le post-partum, 0,49/1 000 après un accouchement par voie basse
et enfin à 1,14/1 000 après césarienne. Sa complication principale, l’EP, est
mieux repérée : 9,1/1 000 000, plus de la moitié d’entre elles survenant dans la
première semaine post-partum (voir chapitre 17).
258 Maladies thrombosantes
Physiopathologie
La grossesse, l’accouchement et le post-partum constituent par eux-mêmes
tout un ensemble de circonstances favorisantes qui s’ajoutent aux facteurs
classiques de risque thromboembolique.
Au cours de la gestation, l’augmentation de volume de l’utérus entraîne une
compression des gros vaisseaux, notamment de la veine cave inférieure, qui
gêne le retour veineux, provoquant une stase au niveau du pelvis et des
membres inférieurs. L’élévation des taux circulants d’œstrogènes et de proges-
térone agit sur la paroi vasculaire, au niveau de l’endothélium et de la
musculature lisse, pour favoriser la stase, diminuer la filtrabilité des hématies
et entraîner une hyperviscosité sanguine. Les effets de l’hypotonie veineuse
sont renforcés par le repos et l’alitement, souvent prolongés en cas de gros-
sesse pathologique. À ces phénomènes s’ajoute une hypercoagulabilité qui
apparaît dès le début de la grossesse. Elle est due à une élévation du fibrino-
gène, des FVIII, FX, FII et FVII, tandis que diminuent les FXI, FXIII, l’AT et
la PS.
L’accouchement par voie basse entraîne de multiples lésions vasculaires au
niveau des pelvis et du périnée qui peuvent être le point de départ de TVP. Ce
risque est majoré en cas de manœuvres obstétricales ou de césarienne.
Le post-partum constitue également une période dangereuse, car l’hypotonie
veineuse et l’hypercoagulabilité gravidique demeurent plusieurs semaines
après l’accouchement. Le risque est renforcé dans la première semaine où se
conjuguent les effets de l’accouchement, de l’alitement et d’une hyperplaquet-
tose transitoire. En revanche, le blocage hormonal de la lactation n’est plus en
cause depuis que les stéroïdes, et notamment des œstrogènes, ont été aban-
donnés au profit de la bromocriptine.
À tous ces risques proprement gravidiques s’ajoutent encore les facteurs non
spécifiques habituels : antécédent de maladie thromboembolique, surcharge
pondérale, diabète, hypertension artérielle. Enfin, l’âge maternel mérite une
mention particulière, car il multiplie le risque par 10 au-delà de 40 ans.
Formes cliniques
TV pelvienne gravidique
La forme classiquement décrite est la thrombose fémoro-iliaque. Elle se mani-
feste par des douleurs parfois aiguës de la fosse iliaque, du creux inguinal ou
de la partie haute de la cuisse.
Les signes généraux sont discrets, se résumant habituellement à une simple
fébricule. L’examen permet parfois de noter un œdème à la racine de la cuisse.
La palpation de la fosse iliaque ne retrouve ni douleur provoquée, ni défense.
S’il n’est pas orienté par l’existence d’une phlébite surale associée, le
diagnostic est très difficile et ne peut pas être affirmé par la seule clinique. Il
faut recourir à l’imagerie dont la mise en œuvre durant la grossesse est
délicate.
Maladie thromboembolique veineuse 259
• Signes généraux
Un signe, pratiquement constant, est l’existence d’une fièvre modérée,
s’élevant par paliers sans explication claire et résistant aux antibiotiques. Le
classique « pouls grimpant », s’accélérant plus rapidement que la température
et même précédant la fièvre, a une grande valeur diagnostique mais il est rare-
ment observé.
• Signes fonctionnels
Les lochies sont abondantes, fétides et purulentes, témoignant de l’endomé-
trite associée. Des douleurs et des paresthésies sont fréquentes au niveau des
cuisses, des jambes, voire jusqu’au mollet et au pied : douleurs, crampes, four-
millements, sensation de pesanteur. Leur caractère unilatéral doit attirer
l’attention.
Des signes pelviens peuvent inaugurer le tableau, en particulier les signes
vésicaux : pollakiurie, dysurie. Une rétention d’urines peut également
survenir, mais c’est plutôt un signe tardif, de même que les troubles intesti-
naux (ténesme).
• Signes physiques
L’examen clinique montre un abdomen souple, sans défense, mais parfois
météorisé. Les signes d’endométrite sont inconstants : utérus augmenté de
volume, mou, sensible, des lochies purulentes. Surtout, le toucher vaginal
retrouve un empâtement sensible de tout le paramètre, plus rarement un
cordon douloureux.
Sur le plan clinique, aucun des signes généraux, fonctionnels ou physiques
n’est spécifique de la phlébite profonde. Il en va de même des examens
complémentaires : accélération de la vitesse de sédimentation (VS), hyperleu-
cocytose avec polynucléose, élévation de la protéine C réactive (CRP) – qui
tous peuvent correspondre à une simple infection pelvienne. Aussi, classique-
ment le diagnostic reposait sur l’épreuve thérapeutique à l’héparine associée
aux antibiotiques qui seule permet d’obtenir la guérison des signes cliniques et
des signes généraux. Actuellement, Doppler et imagerie peuvent conforter le
diagnostic.
rachis, et de ce côté, elle peut intéresser une veine ovarienne aberrante, avec
dans ce cas une extension possible à la veine rénale droite. Cliniquement, il est
parfois possible de percevoir une masse ou un cordon induré à la palpation
profonde de la fosse iliaque, mais le plus souvent le tableau est celui d’un
syndrome douloureux et fébrile de la fosse iliaque droite. Ce tableau évoque
au premier chef une appendicite aiguë ou un abcès tubo-ovarien. L’exploration
chirurgicale permettra de rapporter la symptomatologie à sa véritable cause.
Lorsque l’appendicite peut être éliminée, et par là même l’urgence chirurgi-
cale, l’imagerie permettra de faire le diagnostic et d’instituer le traitement
médical efficace.
❐ Complications
Quelle qu’en soit la forme, la TV pelvienne expose au risque d’EP, risque
maximum si l’extension du thrombus atteint la veine cave.
La phlébite peut atteindre les veines rénales, essentiellement à droite.
Phlébographie radiologique
La phlébocavographie demeure l’examen de référence en matière de throm-
bose profonde, surtout pelvienne. Cependant, son emploi est limité durant la
grossesse car elle comporte un risque fœtal du fait de l’irradiation et du
passage transplacentaire de l’iode qui peut être cause d’hypothyroïdie chez
l’enfant. Ces obstacles disparaissent après l’accouchement.
La phlébographie permet d’affirmer le diagnostic en visualisant directement le
thrombus. Elle précise son extension vers la veine cave. Toutefois, l’atteinte
des veines de petit calibre n’est pas toujours facile à mettre en évidence.
Traitement
Traitement curatif
L’héparine est le traitement de première intention. Il débute en règle par
voie IV, relayée au bout de 8 à 10 jours par des injections sous-cutanées.
L’héparine standard et les HBPM ne franchissent pas la barrière placentaire
et ne passent pas dans le lait. Elles peuvent donc être utilisées au cours de
Maladie thromboembolique veineuse 261
Traitement préventif
Comme les décès par EP surviennent dans la plupart des cas très rapidement,
il y a peu de possibilité de diminuer la mortalité maternelle grâce au traite-
ment curatif. Une anticoagulation prophylactique mérite donc d’être
envisagée lorsqu’il existe des facteurs de risque : césarienne, antécédents
thromboemboliques personnels ou familiaux, anomalies de la crase sanguine.
Cependant, le traitement préventif n’est pas lui-même dépourvu de risques :
avec l’héparine et les AVK, l’incidence des complications fœtales directe-
ment imputables à l’anticoagulation est évaluée respectivement à 3,6 % et à
26 %, et les morts fœtales et néonatales à 2,5 % et 16 %. La fréquence de la
maladie étant loin d’atteindre ces chiffres, les inconvénients de la prévention
peuvent être plus importants que ses bénéfices. Dans la pratique, le choix
thérapeutique est d’autant plus difficile qu’il n’existe aucune étude rando-
misée capable de le guider avec un niveau d’évidence indiscutable. Il
reposera donc uniquement sur l’expertise clinique, comme le souligne la
dernière revue Cochrane.
BIBLIOGRAPHIE
Introduction
Les manifestations cliniques des thromboses veineuses cérébrales (TVC) sont
très variées, ce qui rend parfois le diagnostic clinique de cette pathologie
neurovasculaire difficile. Pourtant, il s’agit d’une urgence neurovasculaire
dont le pronostic dépend de la célérité à débuter un traitement adapté. Les
TVC s’observent à tout âge avec un âge moyen de 40 ans.
Rappels anatomiques
Le sang veineux du cerveau est drainé par les veines cérébrales vers les sinus
veineux duraux, puis vers les veines jugulaires. Quelques particularités anato-
miques expliquent la diversité des symptômes cliniques :
– les veines et les sinus cérébraux n’ont pas de valvule, ce qui permet à la
circulation de s’inverser en fonction des gradients de pression;
– les variations anatomiques du système veineux sont fréquentes;
– il existe de nombreuses anastomoses entre les veines et les sinus qui favori-
sent le développement des circulations collatérales.
Les conséquences de l’occlusion d’un sinus sont une stase veineuse, une gêne
à la résorption du liquide céphalo-rachidien (LCR), avec pour conséquence
une augmentation de la pression intracrânienne. L’occlusion d’une veine
profonde ou corticale entraîne une souffrance tissulaire associant œdème,
infarctus, voire hémorragie. En fonction du siège de la thrombose, de son
étendue et des anastomoses, la symptomatologie peut être très discrète ou au
contraire très sévère.
Présentation clinique
Le mode d’installation des symptômes cliniques est très variable, pouvant être
aigu (moins de 48 h) dans 30 % des cas, subaigu (de 2 jours à 1 mois) dans
environ 50 % des cas, voire chronique (> 30 jours).
Les variations de l’anatomie veineuse ainsi que l’association fréquente de
thromboses de sinus et de veines corticales ou profondes rendent difficiles les
corrélations entre les tableaux cliniques et le siège de la thrombose.
Les différents symptômes devant lesquels on doit évoquer le diagnostic de
TVC sont présentés ci-après.
Céphalées
Les céphalées sont précoces et quasi constantes. Elles sont observées chez 75
à 90 % des patients. Le plus souvent, il s’agit de céphalées d’intensité progres-
sivement croissante, qui s’intègrent dans un tableau d’hypertension
Maladie thromboembolique veineuse 263
Crises d’épilepsie
Les crises d’épilepsie (40 % des cas) peuvent être révélatrices ou survenir en
cours de l’évolution. Il s’agit de crises partielles ou généralisées, voire d’un
état de mal épileptique.
Troubles de conscience
Les troubles de conscience peuvent être la conséquence de l’hypertension
intracrânienne, de lésions parenchymateuses (œdème, ischémie, hémorragie),
plus rarement d’une hydrocéphalie obstructive, d’un état de mal épileptique.
Ils s’observent dans presque 1/3 des cas.
Ophtalmoplégie douloureuse
Une ophtalmoplégie douloureuse associant exophtalmie, œdème palpébral,
chémosis et céphalées s’observe dans les thromboses du sinus caverneux. La
bilatéralisation des signes par l’intermédiaire du sinus coronaire est associée à
un pronostic gravissime.
En fonction de l’association de ces différents symptômes, quatre principaux
tableaux cliniques sont distingués :
– hypertension intracrânienne associée à un déficit neurologique focal et/ou
des crises épileptiques;
– hypertension intracrânienne isolée. La recherche d’une TVC doit faire partie
du bilan étiologique de toute hypertension intracrânienne dite bénigne, dont
elle constitue un des diagnostics différentiels;
– encéphalopathie subaiguë associant des troubles de la vigilance et souvent
des crises épileptiques;
– ophtalmoplégie douloureuse des thromboses du sinus caverneux.
264 Maladies thrombosantes
Ces tableaux cliniques regroupent le plus grand nombre des TVC, mais
certaines se manifestent par des formes trompeuses ou paucisymptomatiques :
symptômes transitoires à type de crise comitiale isolée, d’accident ischémique
transitoire ou d’aura d’allure migraineuse, troubles psychiatriques ou céphalée
isolée.
Diagnostic
Le diagnostic de certitude repose actuellement sur l’IRM combinée à L’angio-
graphie par résonance magnétique (ARM).
Le scanner cérébral peut montrer :
– des signes directs de thrombose. Il s’agit pour le sinus longitudinal supérieur
du signe du triangle dense avant injection (visibilité spontanée du sinus dans
sa portion postérieure) et signe du delta vide après injection (prise de contraste
des parois du sinus). Les sinus droits, latéraux et le système veineux profond
thrombosés peuvent apparaître spontanément hyperdenses (fig. 6.4 et 6.5a).
Mais, ces signes sont inconstants et parfois faussement positifs;
– les signes indirects correspondant au retentissement sur le parenchyme céré-
bral sont un œdème cérébral diffus ou localisé, une ischémie veineuse ayant
une fois sur deux une composante hémorragique ou une hémorragie cérébrale.
Dans 10 à 20 % des cas, le scanner est normal.
Ces signes directs ou indirects ne permettent pas, le plus souvent, à eux seuls,
d’affirmer la TVC, ils doivent être confirmés par un angioscanner ou par une
IRM/ARM.
L’IRM reste l’examen de référence. Il permet de visualiser la thrombose dont le
signal varie avec l’âge du thrombus, son extension et d’objectiver son retentisse-
ment sur le parenchyme cérébral (œdème, ischémie, hémorragie) (fig. 6.6).
Précocement, le sinus thrombosé est iso-intense au parenchyme voisin en
séquence pondérée en T1. Quelques jours plus tard, il apparaît en hypersignal
T1 et T2. Au-delà de la 3e semaine, l’hypersignal peut disparaître en T1, tout en
persistant en T2. Ainsi, aux phases très précoces ou tardives de la TVC, l’IRM
peut être mise en défaut, le sinus thrombosé, iso- ou hypodense au parenchyme
voisin semblant perméable. La séquence T2* a un intérêt tout particulier au
cours des TVC. En effet la modification de signal du thrombus (sous forme d’un
hyposignal marqué) apparaît plus tôt que sur les séquences T1 et T2 permettant
donc un diagnostic plus précoce. De plus cet hyposignal peut être visible au
niveau d’une veine corticale thrombosée et permet donc le diagnostic en cas
d’atteinte isolée d’une veine, diagnostic difficile qui requerrait jusqu’à présent la
réalisation d’une artériographie conventionnelle (fig. 6.6).
L’ARM montre l’absence d’opacification totale ou partielle d’un sinus, mais
ne permet pas de différencier hypoplasie d’un sinus et thrombose (fig. 6.6 b).
Le diagnostic de TVC ne peut donc être porté sur une ARM seule mais sur
l’ensemble des clichés : IRM pondérée en T1, T2* et ARM.
L’angioscanner permet le diagnostic de thrombose d’un sinus veineux
lorsqu’il montre une opacification partielle du sinus et l’existence de thrombi
intraluminaux (fig. 6.7).
Maladie thromboembolique veineuse 265
Fig 6.6 IRM séquence Echo de gradient T2* : hyposignal des veines corticales en
rapport avec une thrombose, associée à une petite hémorragie intraparen-
chymateuse.
Étiologies
Les TVC surviennent dans des circonstances cliniques comparables à celles
des TV des membres inférieurs et des EP :
– grossesse, post-partum : les TVC surviennent plus volontiers dans le post-
partum que durant la grossesse;
– contexte chirurgical ou traumatique;
– maladie inflammatoire : il faut souligner la fréquence des TVC au cours de
la maladie de Behçet;
268 Maladies thrombosantes
a c
Traitement
Le traitement des TVC associe le traitement antithrombotique, le traitement
symptomatique (des crises par exemple) et le traitement étiologique.
Antithrombotique
Le traitement des TVC est urgent. L’anticoagulation par héparine à dose hypo-
coagulante permet de prévenir l’extension de la thrombose, la survenue de
nouveaux infarctus et de limiter l’hypertension intracrânienne. Longtemps
débattu, le bénéfice de l’héparine est actuellement admis même en cas de
lésions hémorragiques.
Une étude prospective portant sur un petit nombre de patients a montré une
réduction importante de l’incidence des déficits neurologiques permanents et
270 Maladies thrombosantes
des décès dans le groupe traité. Une étude plus récente n’a pas objectivé
d’effet bénéfique des HBPM, mais elle n’a pas non plus montré d’effet délé-
tère de ce traitement. La méta-analyse de ces deux essais montre une
réduction du risque absolu de décès de 14 % et de décès ou de dépendance de
15 %, la réduction relative du risque étant respectivement de 70 % et de 56 %
sous héparine.
Les fibrinolytiques injectés directement dans le sinus thrombosé ou plus rare-
ment par voie IV ont été utilisés en dehors d’essais thérapeutiques contrôlés.
Le risque hémorragique cérébral semble faible et la récupération clinique
bonne. Aucun essai randomisé n’est cependant disponible et la place de ces
techniques reste à préciser au cours des TVC.
En France, le consensus actuel est de traiter précocement les TVC par hépa-
rine, même en présence d’infarctus hémorragique. Le traitement fibrinolytique
ne se discute que chez les rares patients qui s’aggravent sous traitements anti-
coagulants et symptomatiques bien conduits et qui ont une extension de leur
TV.
Dans un délai de 8 à 15 jours, le traitement anticoagulant est relayé par les
anticoagulants oraux prescrits pendant 6 à 12 mois en l’absence de cause
retrouvée.
Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique vise essentiellement à lutter contre l’hyperten-
sion intracrânienne : diurétiques, solutés hyperosmolaires (mannitol),
restriction hydrique et ponctions lombaires soustractives en cas d’HIC isolée.
Les anticomitiaux sont prescrits lors de crises cliniques.
Traitement étiologique
Le traitement de la cause de la TVC est rapidement associé, en particulier dans
le cas des TV septiques.
Évolution et pronostic
Le pronostic des TVC est en général meilleur que celui des infarctus céré-
braux artériels.
Dans l’International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis
(ISCVT), étude multicentrique internationale regroupant 624 patients, le taux
de décès était de 4,3 % à la phase aiguë. Les facteurs de mauvais pronostic
sont : l’âge (enfant ou sujet âgé), le coma, l’atteinte des veines profondes ou
des veines cérébelleuses, l’existence d’un infarctus hémorragique au scanner
ou d’une complication telle une EP ou un état de mal épileptique. Toutefois, le
pronostic est très difficile à évaluer à titre individuel. Des patients présentant
des tableaux neurologiques initiaux extrêmement graves peuvent récupérer
sans séquelle.
Maladie thromboembolique veineuse 271
Conclusion
Devant des céphalées inhabituelles, ce d’autant plus que s’associent des signes
focaux déficitaires ou critiques, le diagnostic de TVC doit être évoqué et
conduire en urgence à la réalisation d’une IRM. Le pronostic fonctionnel, qui
est le plus souvent excellent, dépend de la rapidité à débuter le traitement.
BIBLIOGRAPHIE
Données classiques
Données épidémiologiques
Incidence et prévalence sont mal connues. Néanmoins, l’affection est consi-
dérée comme fréquente (environ 250 000 cas par an en France) et la
prévalence des TVS est supérieure à celle des TVP. L’incidence des TVS est
croissante avec l’âge, et présente une nette prédominance féminine.
Sur le plan topographique, d’après les études réalisées ces dernières années :
– 60 à 80 % des TVS affectent la grande veine saphène (GVS), les 2/3 en GVS
proximale;
– 10 à 20 % affectent la petite veine saphène (PVS);
– 10 à 20 % affectent d’autres veines superficielles du membre inférieur;
– les TVS sont bilatérales dans 5 à 10 % des cas.
Le membre inférieur gauche serait plus touché que le droit.
Les facteurs de risque (FR) sont les varices et l’insuffisance veineuse chro-
nique, les traumatismes directs mais aussi tous ceux classiques de TVP ainsi
que les maladies de système et certaines artérites inflammatoires.
Clinique
Les TVS se manifestent classiquement bruyamment par un cordon inflamma-
toire douloureux, de longueur apparente variable, sur un trajet veineux
superficiel, parfois entouré d’un placard d’hypodermite oblong dans l’axe du
cordon. La phase aiguë passée, la peau en regard de la TVS prend souvent une
teinte brunâtre longue à disparaître et le cordon diminue de calibre avec
l’involution du thrombus et la fibrose de la veine. Le diagnostic positif de TVS
pose peu de problème sauf en cas de thrombophlébite courte qui peut prêter à
confusion avec une hypodermite nodulaire.
Les TVS sont volontiers distinguées en TVS sur veines variqueuses et TVS
sur veines non variqueuses, paradoxalement dites sur veines « saines ».
nage saphène est réalisé soit d’emblée soit après régression des signes
inflammatoires;
– la TVS saphène extensive peut être une complication évolutive de varices ou
la première manifestation d’une thrombophilie congénitale ou acquise. Il faut
savoir se demander pourquoi tel patient porteur de varices saphènes anciennes
voit soudain apparaître une thrombose massive de sa varice saphène; cette
TVS variqueuse inopinée peut révéler une néoplasie (poumon, colon,
pancréas, prostate, leucoses, etc.)
BIBLIOGRAPHIE
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276 Maladies thrombosantes
Les séquelles de TVP des membres inférieurs sont la cause majeure de l’insuf-
fisance veineuse chronique (IVC) sévère. Le travail princeps de G. Bauer en
1942 portant sur 300 cas de phlegmatia alba dolens traités avant l’introduction
de l’héparine et ayant conservé une grosse jambe, rapportait 45 % d’hypoder-
mite et 20 % d’ulcères à 5 ans. Comparant ensuite, avec un recul de 18 mois,
l’évolution de 38 TVP traitées par héparine et de 19 TVP n’ayant pas reçu
d’héparine, Bauer concluait : « il n’est pas invraisemblable que grâce à
l’emploi de l’héparine, la maladie post-thrombotique (MPT) disparaisse
presque complètement d’ici quelques dizaines d’années. »
En 2008, les TVP ne sont plus diagnostiquées au stade (tardif) de phlegmatia
alba dolens, le traitement anticoagulant est de règle, nous ne sommes plus au
taux de complications post-thrombotiques de Bauer, mais la MPT veineuse
reste un lourd tribut payé à la MTEV. En 2001, Heit et al. constataient que
l’incidence de l’IVC post-thrombotique était stable depuis 1966 (76/100 000
par an), et que celle des ulcères post-thrombotiques l’était depuis 1981
(18/100 000 par an). Heit et al. en concluaient la nécessité de mieux identifier
les patients à risque de survenue d’ulcère veineux, de mieux prévenir l’appari-
tion de l’IVC post-thrombotique, de développer des traitements plus efficaces
et en tout premier lieu de mieux utiliser les moyens qui ont fait leurs preuves
comme la contention élastique. Dans une revue récente, Pesaventano estime
qu’un tiers des patients développent des séquelles de TVP dans les deux ans
qui suivent une TVP proximale, que ces séquelles sont sévères dans 20 % des
cas avec un impact socio-économique considérable.
Plusieurs problèmes concourent à l’échec relatif de la prévision de Bauer :
– tout d’abord, nombre de TVP restent encore non diagnostiquées, et ont tout
loisir d’évoluer vers une IVC post-thrombotique sévère;
– la prise en charge des TVP est axée sur la prévention du risque d’EP et sur la
prévention du risque de récidive de MTEV; la prévention du risque d’IVC
post-thrombotique passe encore souvent au second plan alors que la conten-
tion-compression bénéficie d’une recommandation de grade A, avec deux
études de niveau 1 parfaitement concordantes, dans l’indication de prévention
du syndrome post-thrombotique dans les suites de TVP proximale;
– le suivi et la prise en charge de ces patients sur le moyen et long terme est
difficile dans le cadre d’études épidémiologiques, ils le sont plus encore dans
la pratique quotidienne;
– l’espérance de vie augmente, or, la prévalence et l’incidence de la MTEV et
de l’IVC augmentent avec l’âge, de même que la complexité (pathologies
intriquées) de l’IVC;
– enfin la connaissance de la MPT souffre d’une épidémiologie difficile et
d’une longue période de latence et de confusion entre la première TVP et
l’ulcère post-thrombotique récidivant.
Maladie thromboembolique veineuse 277
Définitions
Nous proposons les définitions suivantes :
– séquelles de TVP : ensemble des séquelles anatomiques ou hémodynami-
ques ou cliniques de TVP à un temps d’évolution donné.
– syndrome post-thrombotique : ensemble de symptômes et de signes clini-
ques secondaires à des séquelles anatomo-hémodynamiques de TVP affectant
un membre inférieur à un moment donné.
– MPT : terminologie prenant en compte les séquelles anatomiques latentes
ou asymptomatiques de TVP, les aspects cliniques du syndrome post-throm-
botique et le caractère évolutif de l’affection.
Le qualificatif « post-phlébitique » ne doit plus être utilisé car il implique
l’existence d’une composante inflammatoire qui est rarement présente. La
TVP préalable doit être sans équivoque, soit que la TVP ait été documentée,
soit qu’il existe des signes francs de séquelles de TVP.
La période située entre la guérison clinique d’une TVP récente et le moment à
partir duquel on parlera de syndrome post-thrombotique n’est pas clairement
définie, il est généralement admis qu’un recul de 5 ans est nécessaire pour
juger du risque d’IVC post-thrombotique.
Les symptômes et signes cliniques doivent être décrits en utilisant l’une des
classifications et échelles d’IVC de Widmer, de Brandjes ou de Prandoni, ou la
codification CEAP; aucune n’a un clair avantage sur l’autre.
Épidémiologie
Classiquement :
– on note 50 % de syndromes post-thrombotiques dans les 5 à 10 ans qui
suivent une TVP (mais la fourchette va de 10 à 100 %!);
– 5 ans après une TVP documentée traitée au moins 3 mois par héparine-AVK et
prescription de contention (portée le plus souvent une fois sur deux), on note que :
- 1/4 à 1/3 des survivants sont asymptomatiques,
- 2/3 ont une incontinence valvulaire profonde,
- 1/10 ont des troubles trophiques veineux sévères (taux d’ulcères à 3 ans :
4 à 7 % dans les séries 1983-1986).
Le taux d’ulcères post-thrombotiques apparaît moindre lorsque la TVP est
précocement et correctement traitée. Néanmoins, les séries récentes font
encore état d’un taux de syndromes post-thrombotiques, 2 à 10 ans après une
première TVP, compris suivant les critères retenus entre 30 et 80 % chez les
survivants. Toutes les séries montrent par ailleurs clairement que le processus
de la MPT est évolutif avec une augmentation régulière de l’incidence des
syndromes post-thrombotiques avec le temps dans une population donnée.
Bergqvist et Prandoni, dont on connaît l’implication dans la prévention des
TVP, insistent sur le coût économique considérable des complications à long
terme des TVP.
278 Maladies thrombosantes
Physiopathologie
L’importance accordée au siège des lésions est à l’origine de la classification
de Cockett (1956) en séquelles de type I sous-inguinales, type II sus-ingui-
nales, type III sous et sus-inguinales. Cockett mettait l’accent sur le fait que
les TVP sous-inguinales lésant l’appareil valvulaire sont source d’ulcères
alors que les TVP sus-inguinales engendraient surtout des signes d’obstruc-
tion veineuse. Cette classification situe toutefois mal l’obstruction chronique
de la confluence fémorale; Cockett la situe en type II mais l’obstruction chro-
nique de la confluence fémorale engendre très souvent une MPT alors que les
séquelles de TVP strictement limitées à l’axe iliaque restent le plus souvent
asymptomatiques (encadrés 6.1 et 6.2).
ÉVOLUTION LOCALE D’UNE TVP (d’après Killewich L.A. J. Vasc. Surg. 1989,
Murphy T.P. Radiology 1990, Van Ramshort B. Circulation 1992)
VALVULES ET MPT
Clinique, exploration
Les symptômes et signes du syndrome post-thrombotique sont pour l’essentiel
non spécifiques, ils appartiennent au cadre général de l’IVC (encadré 6.3).
Plus rarement il s’agira d’un syndrome obstructif dominant ou syndrome de
confluence, avec une grosse jambe ferme ou une claudication veineuse. Cette
280 Maladies thrombosantes
CLASSIFICATION DE L’IVC
REPRISE ET COMPLÉTÉE DE WIDMER (BASLE STUDY 1959-1978)
ET PORTER (1988) - BECKER, MOLLARD (1992)
Traitement
Le traitement est préventif et palliatif, le traitement curatif reste un souhait.
Le traitement préventif concerne d’abord la prise en charge rationnelle des
TVP. De Bauer à Browse, la preuve est faite que la précocité du diagnostic de
TVP et l’héparinothérapie bien conduite diminuent le risque de MPT. Les trai-
tements, thrombolytique et chirurgical, des TVP au stade aigu n’ont pas fait la
preuve de leur efficacité à diminuer le risque de syndrome post-thrombotique.
Le port de chaussettes ou bas de contention-compression élastique adaptée
reste l’arme clef de la prévention du syndrome post-thrombotique, comme des
séries prospectives récentes l’ont formellement démontré. On peut en discuter
la durée, elle est à instaurer précocement et doit être poursuivie à long terme
dès lors que l’hémodynamique reste perturbée et surtout en cas de reflux, d’où
l’intérêt du suivi angiologique. Toutes les études validant la contention-
compression élastique dans la prévention du syndrome post-thrombotique ont
utilisé des bas de classe III internationale (30 à 40 mmHg à la cheville) soit
l’équivalent de classe IV française. Il importe maintenant de démontrer si en
utilisant des pressions moindres (classe II internationale ou III française), on
arrive globalement à la même efficacité par l’amélioration de la compliance au
traitement.
Les traitements palliatifs sont bien plus aléatoires. Le bénéfice des traitements
médicamenteux ou thermaux n’est pas formel. La chirurgie reconstructrice
palliant les obstructions chroniques majeures ou les syndromes de reflux ne
s’adresse qu’à des cas très particuliers parfaitement sélectionnés (il est toute-
fois possible que l’angioplastie-stenting change la prise en charge des
syndromes obstructifs sévères). La chirurgie limitée des perforantes jambières
n’apporte pas non plus de résultats probants. Ni l’un ni l’autre ne dispensent
du port d’une contention élastique, et Mayberry a bien démontré que la disci-
pline pour la contention élastique est le pivot de l’évolutivité et de la
récurrence des troubles trophiques; il n’est malheureusement pas toujours aisé
d’en convaincre les patients ni même parfois les médecins.
Trois notions importantes méritent d’être gardées à l’esprit en matière de
MPT :
– il faut mettre en garde le patient contre le risque d’éclosion d’un ulcère après
un traumatisme de la cheville, même minime;
– il faut veiller à la bonne conservation de la cheville et savoir entreprendre
une kinésithérapie ad hoc sans tarder;
282 Maladies thrombosantes
– tel trouble trophique associé à une séquelle de TVP peut n’être dû qu’à une
incontinence saphène avec reflux par les perforantes distales, dont le traite-
ment chirurgical peut être simple et efficace si on les reconnaît à temps.
Malgré la prévision de Bauer, la MPT reste d’actualité et en l’état actuel de
nos connaissances et de nos possibilités thérapeutiques, nous devons être
persuadés que son meilleur traitement reste sa prévention par le port d’une
contention-compression élastique adaptée, au moins pendant les deux
premières années post-TVP et tant qu’il persiste des anomalies hémodynami-
ques, en particulier un reflux profond distal.
BIBLIOGRAPHIE
ASPECTS BIOLOGIQUES
Michel R. BOISSEAU, Ulrique MICHON-PASTUREL, Pascal PRIOLLET
Développement de la plaque
Mécanismes initiaux du développement
Les lésions initiales d’athérosclérose apparaissent dans des aires prédisposées
au niveau des bifurcations, puis s’étendent sur les parois sous-jacentes. Elles
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 285
(Zones à bas
Particules denses cisaillement) Monocytes
de LDL-cholestérol
VLA1 MCP1
R VCAM
R
Pro-urokinase
Cytokines
PDGF Activation
LDL endothélium TGFbêta-1 MMPs
R scav
LDL-oxydées
CML Radicaux
libres oxygénés Cellules
spumeuses
Plaquettes
Zone stagnante
Endothélium Monocytes
Media
Croissance de la plaque :
l’emballement pathologique dû aux facteurs de risque
Les mécanismes précédents sont paraphysiologiques, aboutissant à la
présence de plaques chez tout individu âgé, l’athérosclérose étant la première
cause de mortalité. De nombreux facteurs, états constitutionnels ou maladies
associées accélèrent considérablement les divers processus et une plaque peut
apparaître et grossir en quelques années :
– âge et sexe : 3 % des sujets de moins de 60 ans développent une artériopa-
thie, 6 % après 65 ans. Le sex-ratio de 1,5 (hommes/femmes) tend à diminuer
avec le vieillissement;
– lipoprotéines plasmatiques : le taux mais aussi la nature des lipides porteurs
du cholestérol sont à considérer. Les plus actifs sont les particules petites et
denses de LDL, riches en apo-B, pauvres en HDL et en apo-A1 et associées
aux triglycérides et la résistance à l’insuline. Elles sont présentes chez 50 %
des patients. Le taux des LDL est génétiquement régulé tant pour la structure
des apo-B100 que pour leur récepteur. Ainsi l’hypercholestérolémie, avec
élévation des LDL et abaissement des HDL, constitue un des risques majeurs
dans ce domaine, comme le démontrent a contrario l’effet protecteur des
régimes adaptés et des statines. L’apport excessif de graisses saturées est à la
base du désordre lipidique. Néanmoins des données génétiques y participent
également. Ainsi les taux élevés de LDL et bas de HDL sont plus fréquents
dans les populations du nord de l’Europe que dans celles du sud. Autre
288 Maladies thrombosantes
La plaque constituée
L’aspect typique de la plaque est une voussure liée à l’épaississement sous-
endothélial formée essentiellement de CML sécrétoires, de macrophages et de
lymphocytes (voir fig. 7.2). Un core central s’est formé, fait essentiellement
de monocytes lésés et donc riches en lipides et en un facteur de l’hémostase
très thrombogène, le FT, que ces cellules produisent en abondance. Ce core est
surmonté par une chape fibreuse tapissée de cellules endothéliales. Ces
aspects, récemment précisés, mettent en place le décor du drame possible de la
rupture. En amont et en aval de la plaque, la chape se lie au vaisseau par deux
épaules. Ces points d’insertion sont des zones d’adhésion leucocytaire, infil-
trées de monocytes sécrétant des MMP et de polynucléaires sécrétant aussi de
l’élastase, ce qui les fragilise : ce seront là les points de rupture. Deux possibi-
lités coexistent : ou bien l’activité des facteurs de croissance, surtout le TGF-
β1, favorise l’action de fibroblastes et une fibrose de la plaque va tendre à
limiter sa taille, tout au moins à stopper sa croissance. Ou bien l’ingestion de
lipides par les CML et les monocytes-macrophages continue à se développer
et des plaques molles à large core sont édifiées, pourvues d’une riche néovas-
cularisation favorisant des hémorragies au sein même du core. Ce type de
plaque va s’avérer thrombogène car riche en FT. En ce qui concerne les
membres inférieurs, les artères, dans la continuité des artères iliaques, sont
élastiques donc plus sujettes à la formation de plaques à gros cores lipidiques.
Les artères plus distales sont musculoélastiques, contenant de nombreuses
CML dans la media et auront davantage tendance à avoir une évolution
fibrosante.
Artère
LDL
Monocytes Plaque
lymphocytes Plaque fibreuse Remodelage
graisseuse (sténose)
Circulation
collatérale
Fissure Hémorragie
et croissance
Spasme
(ischémie
reperfusion)
Rupture :
thrombose
artérielle Sténose et
et ischémie ischémie
Elles sont aidées par des précurseurs souches endothéliaux circulants, venant
de la moelle hématopoïétique. L’injection in situ de cellules souches médul-
laires et/ou de VEGF accentue le bénéfice de ces phénomènes (thérapie
cellulaire et génique).
Le concept de plaque vulnérable apparaît aujourd’hui important : plaque
molle, à chape amincie, aux épaules fragiles. Le mouvement des artères au
moment de l’effort, le stress (adrénaline), les sécrétions plaquettaires de
produits vasoconstricteurs (thromboxane A2 [TxA2], sérotonine), tout cela
peut provoquer de manière inopinée au minimum une hémorragie dans le core
et parfois la rupture et un thrombus occlusif. La figure 7.3 schématise l’algo-
rithme des événements évolutifs ou aigus pouvant survenir au niveau des
zones où se développent les plaques athéromateuses.
BIBLIOGRAPHIE
Reconnaître l’artériopathie
Douleurs
L’origine artérielle d’une symptomatologie douloureuse est généralement
facilement évoquée.
Une claudication de la voûte plantaire est rare mais source fréquente d’erreur
de diagnostic avec un trouble statique ou une affection rhumatologique du
pied. En cas d’occlusion de l’artère iliaque ou hypogastrique, la douleur peut
se localiser à la fesse ou à la face postérieure de la cuisse, mimant une scia-
tique. Toutefois, le lien avec l’effort et l’abolition ou la franche diminution du
pouls fémoral affirment l’artériopathie.
Une claudication intermittente des membres inférieurs peut aussi être le
témoin d’un canal lombaire rétréci le plus souvent par des lésions dégénéra-
tives discovertébrales responsables de lombalgies ou de radiculalgies d’effort
survenant pour une distance de marche très précise. Les radiographies stan-
dards montrent une atteinte dégénérative des derniers étages lombaires. Le
scanner permet de préciser les éléments réduisant le canal lombaire et d’en
mesurer le diamètre antéro-postérieur. L’IRM recherche une atteinte
épidurale.
qui devient pâle et glacé. L’impotence fonctionnelle est totale, associée à des
signes d’ischémie nerveuse constants : hypoesthésie ou anesthésie des orteils
et/ou du pied, parésie ou paralysie des orteils. Dans tous les cas, la revasculari-
sation est urgente.
❐ Pied artériel
Comme chez le non diabétique, l’artériopathie diabétique relève de la combi-
naison de lésions athéro-, artério- et artérioloscléreuses sans qu’il existe
d’argument, en particulier à l’échelon histologique, permettant d’isoler une
artériopathie spécifique du diabète. Toutefois, chez le diabétique de longue
durée d’évolution, les lésions peuvent prédominer sur les artères de moyens et
de petits calibres avec une atteinte des axes de jambe plus diffuse que chez les
non-diabétiques. En revanche, les artères du pied semblent moins touchées en
cas d’artériopathie chez les diabétiques que chez les non diabétiques, laissant
la possibilité de revascularisations très distales.
❐ Pied neuropathique
La neuropathie diabétique est responsable de la disproportion entre des trou-
bles trophiques parfois impressionnants et l’absence de douleurs. Elle favorise
l’apparition de déformations de la structure du pied (orteils en marteau, en
griffe, affaissement de la voûte plantaire) et modifie les points de pression
296 Maladies thrombosantes
avec un report électif du poids sur la tête des métatarsiens à l’origine d’une
hyperkératose, puis d’ulcérations et de maux perforants plantaires. Elle
s’accompagne d’une amyotrophie, d’une hyposudation, d’une hypoesthésie
tactile, algique, vibratoire, d’une aréflexie ostéotendineuse. Son terme évolutif
au niveau du pied est l’ostéoarthropathie, responsable de multiples déforma-
tions réalisant le pied cubique de Charcot.
❐ Pied infectieux
L’infection est une menace permanente pour le pied des diabétiques. Elle est
pratiquement constante en cas de troubles trophiques dont elle est un facteur
majeur d’aggravation pouvant conduire à une amputation, sans qu’il y ait
d’artériopathie sévère sous-jacente. L’infection est souvent plurimicrobienne
par des bactéries anaérobies et aérobies. En cas de troubles trophiques des
orteils, l’examen clinique avec mobilisation de l’articulation interphalan-
gienne ou métatarsophalangienne est la méthode la plus sûre pour faire le
diagnostic d’ostéoarthrite fistulisée. En effet, les signes radiologiques sont
retardés et risquent d’être confondus avec des images d’ostéoarthropathie. La
distinction entre ostéite isolée et ostéoarthrite est importante, car cette dernière
ne laisse aucune chance d’obtenir la cicatrisation sans exérèse.
Cette distinction entre pied artériel, pied neuropathique et pied infectieux
expose à un risque évident : celui de sous-estimer la composante pathogénique
qui n’est pas au premier plan. Ainsi, la présence d’un mal perforant plantaire
n’exclut pas une artériopathie associée asymptomatique. De même, la
gangrène d’un orteil ou l’ulcération d’un talon chez un diabétique ne se déve-
loppe le plus souvent qu’à la faveur d’une neuropathie qui, en supprimant
l’alarme douloureuse, retarde le diagnostic et augmente considérablement le
risque ultérieur de récidive.
anévrismes fémoraux peut être dépistée par la clinique. Toute artère poplitée
trop facilement perçue est un anévrisme jusqu’à preuve du contraire.
Traiter l’artériopathie
Le traitement de l’artériopathie doit être proportionné au handicap fonc-
tionnel, mais il doit aussi prendre en considération la topographie des lésions
artérielles, le profil évolutif de l’artériopathie, les autres localisations de la
maladie athéroscléreuse, l’âge et les antécédents non vasculaires. Le contrôle
des facteurs de risque dominé par l’arrêt du tabac est dans tous les cas indis-
pensable. Les traitements vasoactifs sont indiqués au stade de claudication
intermittente lorsque le principe d’une revascularisation par angioplastie
percutanée ou par chirurgie n’a pas été retenu. Pour tous les territoires arté-
riels, la prévention des aggravations fait appel aux antiagrégants plaquettaires.
Hormis le cas particulier d’une artériopathie emboligène, les anticoagulants ne
sont utilisés qu’en cas d’oblitération artérielle aiguë récente. Éventuellement
associés à des gestes de radiologie interventionnelle, les thrombolytiques sont
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 299
❐ Dyslipidémie
Le profil dyslipidémique chez l’artériopathe associe souvent LDL-cholestérol
haut, HDL-cholestérol bas et hypertriglycéridémie. La cible thérapeutique
concernant le LDL-cholestérol est identique chez l’artériopathe et chez le
coronarien en prévention secondaire : LDL-cholestérol < 1 g/l. Des mesures
diététiques sont toujours prescrites en association au traitement
médicamenteux.
❐ Hypertension artérielle
L’hypertension artérielle multiplie par 2 le risque de développer une artériopa-
thie et touche près de 50 % des artériopathes. La cible thérapeutique est la
même chez l’artériopathe que chez le non-artériopathe : pression systolique
< 140 mmHg et pression diastolique < 85 mmHg. Une sténose des artères
rénales mérite d’être évoquée dans un contexte de maladie athéroscléreuse
déjà symptomatique et sera recherchée par le Doppler couplé à l’échographie.
Tous les bêta-bloquants peuvent réduire la distance de marche en cas de clau-
dication intermittente. Ils ne sont pas pour autant contre-indiqués, notamment
si une coronaropathie justifie leur utilisation. Tous les antihypertenseurs
peuvent être utilisés chez les artériopathes. Les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion (IEC) doivent être utilisés prudemment du fait du risque d’insuffi-
sance rénale, voire de thrombose de l’artère rénale sténosée, en cas de sténose
bilatérale des artères rénales ou de sténose sur rein fonctionnellement unique.
300 Maladies thrombosantes
❐ Diabète
Le diabète imprime sa propre marque à la genèse de l’athérosclérose. Il aggrave le
pronostic fonctionnel et vital des patients souffrant d’une artériopathie. Le
contrôle glycémique agit essentiellement sur la microangiopathie, sans effet direct
sur la macroangiopathie. La cible thérapeutique est une hémoglobine glyquée
< 7 %. Des mesures diététiques sont associées au traitement antidiabétique.
❐ Antiagrégants
L’aspirine est prescrite à la dose de 75 à 300 mg/j en une prise. Entre 160 et
325 mg/j en une prise, elle diminue les réocclusions des pontages sous-
cruraux, mais n’a pas l’AMM dans cette indication.
❐ Clopidogrel
Le clopidogrel (Plavix) prescrit à 75 mg/j dans l’essai CAPRIE est significati-
vement plus efficace que l’aspirine (325 mg/j) pour réduire les complications
athérothrombotiques chez les patients souffrant d’une artériopathie des
membres inférieurs avec, en particulier, une réduction du nombre d’IDM
mortel ou non. La tolérance clinique et biologique du clopidogrel est
meilleure que celle de l’aspirine en particulier au plan gastro-duodénal.
❐ Autres antiagrégants
Les AINS et le dipyridamole n’ont pas démontré leur efficacité dans la préven-
tion des complications de l’athérothrombose.
❐ Antivitamines K (AVK)
Leur indication est réservée aux artériopathies emboligènes ou aux patients
ayant bénéficié d’une revascularisation très distale en présence d’un lit d’aval
médiocre, attitude non validée.
❐ Héparines
L’héparine standard par IV est recommandée en cas d’oblitération artérielle
aiguë. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) n’ont pas d’AMM
dans cette indication.
Maladies thrombotiques artérielles périphériques 301
❐ Thrombolytiques
Leur utilisation est réservée aux oblitérations artérielles aiguës graves, sans
signe sensitivomoteur où la vitalité du membre n’est pas menacée immédiate-
ment en présence d’un lit d’aval jambier médiocre compromettant les chances
de succès d’une restauration artérielle chirurgicale. La thrombolyse est géné-
ralement réalisée au contact même du thrombus. Le succès initial est fonction
de l’âge du thrombus, de la sévérité de l’ischémie et de l’état du lit d’aval. La
perméabilité à long terme reste médiocre compte tenu de la gravité des
lésions. Le traitement thrombolytique est souvent associé à un geste de
reconstruction artérielle.
courtes. Elle peut être complétée par la mise en place d’un stent visant à traiter les
complications de l’angioplastie, à maintenir la perméabilité artérielle et à éviter la
resténose.
La chirurgie fait essentiellement appel aux techniques de pontage à l’aide de
greffons veineux (saphène interne) ou prothétiques (Goretex, dacron),
d’endartériectomie, voire de thromboembolectomie. La sympathectomie
lombaire n’a pratiquement plus d’indication.
❐ Indications
Au stade de claudication intermittente, le traitement est avant tout médical. En
cas de claudication réellement invalidante malgré plusieurs mois de traitement
médical, une angioplastie par ballonnets ou une chirurgie de reconstruction
peut être indiquée en cas essentiellement de lésions proximales (aorto-iliaques
et fémorales communes).
En cas d’ischémie critique menaçant la vitalité du membre, une tentative de
revascularisation est toujours légitime, qu’elle fasse appel à l’angioplastie ou à
la chirurgie reconstructrice. C’est à ce stade que sont classiquement réservées
les indications des pontages distaux sur les artères de jambe ou du pied. Les
progrès des techniques endovasculaires permettent, également dans des cas
sélectionnés, la réalisation d’angioplasties sur les artères de jambe.
Chacune des techniques précédentes peut être utilisée en complément d’une
thrombolyse pour oblitération artérielle aiguë (traitement de la lésion causale)
ou comme moyen de correction d’une dégradation d’une angioplastie ou d’un
pontage.
BIBLIOGRAPHIE
Nom de spécialité
Molécule(s) Galénique AMM Posologie
(et quantité d’AAS)
Acétylsalicylate Poudre (sel de lysine) Kardégic – Prévention secondaire après un AIM ou un 75, 160, 300 mg
de lysine pour solution buvable 75, 160, 300 mg AIC lié à l’athérosclérose en 1 prise/j
– Réduction de l’occlusion des greffons veineux
de pontage aortocoronaire
– Pour 75 m : en dehors du contexte de
l’urgence
AAS Gélules, AAS Aspirine UPSA – Prévention secondaire après un AIM ou un 1 prise/j
microencapsulé à 325 mg AIC lié à l’athérosclérose
l’éthylcellulose – Réduction de l’occlusion des greffons veineux
de pontage aortocoronaire
AAS + AAS en comprimé Asasantine dans chaque – Prévention de l’AIC après un AIC transitoire 1 gélule matin
dipyridamole et microgranules gélule 25 mg AAS + ou constitué, lié à l’athérosclérose, et datant et soir
de dipyridamole, 200 mg dipyridamole de moins de 3 mois
dans 1 gélule
AAS + Comprimé Pravadual Prévention secondaire : réduction de la
pravastatine 81 mg mortalité et de la morbidité cardio-vasculaires
(40 mg) chez les patients ayant un antécédent d’IDM ou
d’angor instable et une concentration de
cholestérol normale ou élevée lorsque
l’association de pravastatine et d’une faible
dose d’AAS est considérée comme appropriée
* sel composé de deux molécules d’AAS réunies par un atome de calcium et stabilisées par une molécule d’urée. Mis en solution aqueuse, il se dissout très rapi-
dement et libère des ions acétylsalicylate, du calcium et de l’urée
AIC : accident ischémique cérébral, IDM : infarctus du myocarde
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 305
Tableau 8.II. Spécialités inhibitrices plaquettaires autres que celles contenant de l’AAS et administrées per os
Cinétique de l’effet
La connaissance de la cinétique de l’effet des antiplaquettaires est cruciale
pour la compréhension des modalités de l’obtention rapide du plein effet et la
308 Maladies thrombosantes
gestion de leur interruption lors d’un acte chirurgical avec effraction vascu-
laire et risque hémorragique considéré comme élevé.
Aspirine et flurbiprofène
L’administration d’aspirine entraîne une inhibition irréversible de l’isoforme 1
de la prostaglandine H (PGH) synthase. En conséquence, la perturbation de la
synthèse de Tx n’est complètement corrigée que lorsque toutes les plaquettes
circulantes ont été renouvelées, c’est-à-dire normalement en 7 jours au moins,
puisque les plaquettes, dépourvues de noyau, peuvent être considérées comme
incapables de synthèse protéique.
Quand un plein effet doit être obtenu rapidement (en moins d’une heure), il
faut administrer plus de 100 mg d’une formulation à absorption digestive non
contrôlée. L’administration d’une posologie quotidienne aussi faible que
0,5 mg/kg est suffisante pour maintenir une inhibition proche de 100 % de la
capacité plaquettaire de synthèse de Tx chez la plupart des patients.
L’effet de flurbiprofène sur les plaquettes est rapide et réversible. il s’estompe
au fur et à mesure que la concentration plasmatique diminue. La demi-vie
d’élimination est d’environ 5 h et son effet a été rapporté avoir disparu 24 h
après la dernière prise.
Thiénopyridines
Le plein effet de ticlopidine n’est obtenu qu’après quelques jours de traite-
ment. Il en va de même avec clopidogrel même si son effet commence plus
rapidement. Dans le contexte des prothèses endocoronaires non programmées,
une dose de charge (clopidogrel : 300 mg) est souvent utilisée, qui permet de
raccourcir ce délai. Si l’implantation est programmée, un prétraitement de 5 à
7 jours est envisageable, voire souhaitable.
L’effet inhibiteur plaquettaire des thiénopyridines est irréversible. Il est donc
attendu que l’effet ait totalement disparu lorsque les plaquettes ont été
complètement renouvelées dans la circulation, voire un peu avant (5 jours),
car comme avec aspirine il n’est très probablement pas nécessaire que toutes
les plaquettes soient renouvelées pour obtenir cette récupération fonctionnelle.
Dipyridamole
La pharmacocinétique de ce médicament (forme standard avec libération
immédiate, et forme galénique à libération contrôlée et prolongée) est bien
décrite. Il est hautement vraisemblable que l’effet du produit soit en stricte
relation avec sa concentration plasmatique.
Tests de coagulation
Aucun des tests de coagulation effectués avec un plasma pauvre en plaquettes
au laboratoire (avec ajout de phospholipides : les temps de prothrombine (TP)
et temps de céphaline avec activateur [TCA]) n’est évidemment modifié par
un traitement IFP.
Les inhibiteurs de GPIIb/IIIa retentissent sur les activités procoagulantes
plaquettaires et peuvent donc sensibiliser des tests globaux en sang total
(utilisés en chirurgie cardiaque et en salle de cathétérisme artériel interven-
tionnel) à l’effet anticoagulant de l’héparine non fractionnée (HNF).
La thromboélastographie est un test de coagulation qui explore les qualités
mécaniques du caillot; elle peut être réalisée avec du sang total, donc en
présence des plaquettes. Il a été proposé des variantes permettant de discerner
l’effet antiplaquettaire via l’étude du paramètre « amplitude maximale ».
petites doses (50, 75, 160 mg) s’étant révélées cliniquement efficaces selon les
contextes cliniques dans un ou des essais contre placebo sont indiquées dans le
tableau 8.III. Même à ces doses, il persiste un surcroît de risque hémorragique et
de lésions digestives.
Des états de moindre sensibilité plaquettaire ont été décrits chez certains
patients (sur la base de tests fonctionnels ex vivo dits d’agrégation plaquet-
taire). Le fait de ne pas trouver l’effet biologique attendu (agrégation
plaquettaire et autres moyens d’étude du fonctionnement plaquettaire comme
le dispositif PFA-100 [automate platelet function analyser], synthèse de Tx in
vivo ou in vitro au cours de la coagulation de sang total) peut recevoir
plusieurs explications : mauvaise compliance, interférence avec un AINS qui a
un effet réversible et qui prévient l’acétylation irréversible en cas de prise
simultanée ou préalable, renouvellement plaquettaire accéléré (diminution de
la durée de vie plaquettaire par consommation), présence dans certains cas de
l’isoforme 2 de la PGH-synthase dans les plaquettes (point controversé), rôle
particulièrement mineur du Tx dans le fonctionnement plaquettaire chez
certains malades, autres sources cellulaires de Tx moins ou non sensibles à un
traitement par aspirine, à petites doses du moins. L’éventuelle pharmacogéno-
mique de la variabilité de la réponse n’a pas été établie.
Le point le plus important en pratique est le risque d’interaction négative entre
aspirine et autres AINS, ou du moins certains d’entre eux comme indométa-
cine et ibuprofène. Une étude épidémiologique suggère que la mortalité
globale est accrue chez les malades cardiovasculaires traités par aspirine et
ibuprofène par rapport aux malades traités par aspirine seulement. L’associa-
tion d’un coxib à un traitement par aspirine ne peut pas interférer avec l’effet
antiplaquettaire du second, mais alors le gain possible en terme de tolérance
digestive du traitement coxib par rapport à un AINS traditionnel risque d’être
perdu.
BIBLIOGRAPHIE
Les AVK, utilisés depuis 60 ans, restent actuellement le seul traitement anticoa-
gulant utilisé sur le long cours (1,5 % de la population française). C’est aussi
l’un des traitements les plus dangereux et les plus difficiles à suivre : un surdo-
sage entraîne un risque hémorragique parfois mortel, un sous-dosage fait
apparaître un risque thrombotique. En France, le coût des accidents iatrogènes
qu’ils induisent est probablement > 760 millions d’euros par an. La prescription
(souvent effectuée par des spécialistes et surtout les cardiologues) et la
314 Maladies thrombosantes
surveillance de ces traitements (réalisée, pour 92 % d’entre eux, par les méde-
cins généralistes) nécessitent donc une parfaite connaissance de leur maniement.
Mécanisme d’action
Les AVK empêchent indirectement l’action de la vitamine K qui est nécessaire
à l’activité d’une carboxylase indispensable à la synthèse hépatique de
certains facteurs (FVII, FX, FII, FIX), mais également de deux inhibiteurs de
la coagulation (protéines C [PC] et S [PS]) ainsi que la protéine Z (PZ) et
l’ostéocalcine. Les AVK inhibent la vitamine K oxydoréductase (VKOR CI)
responsable de la transformation de la forme oxydée en forme réduite de la
vitamine K.
La vitamine K réduite est nécessaire à la transformation de la forme à un seul
groupement COOH des précurseurs des facteurs de la coagulation à synthèse
vitamine K-dépendante en une forme gamma carboxyglutamique qui
comporte deux groupements COOH nécessaires à la fixation des ions calcium
bivalents. Ces précurseurs des facteurs de la coagulation sont nommés
PIVKA, pour protein induced vitamine K antagonist or absence (fig. 8.1).
La recherche des polymorphismes de la CYP2C9 du système cytochrome
P450 et de ceux de l’enzyme VKOR CI est parfois utile pour comprendre une
sensibilité exagérée ou plus rarement une résistance au traitement. Elle ne doit
cependant pas être utilisée de façon routinière ou systématique.
Protéines Ca ++
Précurseurs inactifs fonctionnelles PL
(PIVKA) (domaines Gla)
Carboxylase
Epoxide reductase
VKOR
AVK
Æ Suspicion d’une anomalie du complexe epoxide reductase
Les molécules à longue durée de vie sont les seules à permettre une bonne
couverture du nycthémère et donc une stabilité de l’effet biologique. La
crainte d’un effet trop prolongé en cas de surdosage est théorique si l’attitude
de correction est bien adaptée. La warfarine est, à juste titre, l’AVK de réfé-
rence utilisé dans tous les essais cliniques. Elle a en outre l’avantage d’être
présentée en comprimés de 2 et 5 mg facilitant l’adaptation de la posologie
(posologie moyenne 6-8 mg/j, plus faible chez le sujet âgé). L’acénocoumarol
existe également sous deux formes : comprimés à 4 et 1 mg (Mini-Sintrom).
Interférences médicamenteuses
Le nombre de molécules capables d’interférer sur les AVK est élevé. Toute
association médicamenteuse doit donc faire l’objet d’une documentation et,
même si aucune information n’est retrouvée, entraîner un suivi biologique
plus rapproché au départ.
❐ Médicaments potentialiseurs
Leurs mécanismes sont variables :
– déplacement de la fixation protéique des AVK qui augmente la concentration
de la fraction libre seule active;
– destruction de la flore intestinale synthétisant la vitamine K2;
– inhibition de l’absorption de la vitamine K alimentaire.
Acide nalidixique, amiodarone, aspirine, cimétidine, ciprofloxacine, clofibrate,
cotrimazol, textropropoxyfène, disopyramide, disulfirame, érythromycine,
316 Maladies thrombosantes
Interférences alimentaires
L’apport alimentaire en vitamine K peut varier considérablement et influencer
l’action des AVK. Ce sont surtout les végétaux verts qui apportent beaucoup
de vitamine K. Il est impératif que le patient en soit informé. Ceci ne doit pas
aboutir à un régime déséquilibré mais à une constance des apports quotidiens
en particulier en végétaux verts (tableau 8.IV).
Médiane Médiane
µg/100 g µg/100 g
Légumes Légumes secs
Bette ou blette 830 Fève 19
Brocoli 180 Lentille 22
Chicorée frisée 230 Soja 40
Choux (Bruxelles) 280 Huiles
Chou 170 Pépins de raisin 280
Choucroute 25 Soja 150
Chou frisé 770 Colza 140
Cresson 280 Noix
Épinards 380 Pistache 70
Fenouil (feuilles) 240 Herbes aromatiques
Laitue 150 Ciboulette
Asperge 60 Menthe 270
Chou-fleur 20 Persil 230-860
Haricot vert 36 Fruits 550
Poireau 14 Kiwi
Pois 30 Cassis 27
Tomate 6 30
2008, le choix d’un traitement avec un INR < 2,0 n’est pas validé (une étude
pour, une étude contre). Un essai lors de traitement de thrombose veineuse
profonde (TVP) montre une efficacité moindre quand l’INR (INR = temps
patient/temps témoin à la puissance ISI) est < 2.
– prophylaxie primaire des thromboses veineuses (TV) et embolie
pulmonaire (EP)
– prévention secondaire des TV et EP
– traitement EP
– prévention embolies systémiques
2,0-3,0
– valves cardiaques tissulaires (pendant les 3 mois suivant leur
mise en place)
– infarctus myocarde (réduction embolie systémique)
– maladie valvulaire cardiaque
– FA
– valves mécaniques prosthétiques 2,5-3,5
– bivalves mécaniques en position aortique 2,0-3,0
– prévention récidive infarctus myocarde (recommandation FDA : 2,5-3,5)
❐ Avec hémorragies
L’hospitalisation s’impose et une substitution par le PPSB (Kaskadil) admi-
nistré à raison de 20 à 30 UI/kg de poids corporel, exprimées en unités de FIX,
pour obtenir un TP proche de 30 %. L’octaplex a été récemment proposé.
Comme précédemment, l’apport de vitamine K permet une stabilisation plus
longue. Des posologies abusives de substitution peuvent faire réapparaître un
risque thrombotique.
Pour pallier la durée prolongée de l’effet de certaines molécules AVK, un
contrôle de TP est nécessaire toutes les 12 h jusqu’au retour dans la zone
d’efficacité thérapeutique avec un renouvellement éventuel de l’injection de
vitamine K1.
Tout incident hémorragique doit faire rechercher une étiologie au surdosage
(posologie, interférence) et faire, éventuellement, rediscuter la prescription de
l’AVK.
❐ Nécroses cutanées
Cette complication rare apparaît pendant la première semaine de traitement.
Elle est due à des thromboses des veinules et capillaires dans la graisse sous-
cutanée. Elle apparaît plus volontiers chez des sujets déficitaires en PC et plus
rarement PS. La PC de courte durée de vie s’abaisse plus rapidement que des
facteurs de la coagulation comme le FII créant probablement un déséquilibre
prothrombotique.
Pour prévenir cette complication dramatique, il est recommandé de ne pas
pratiquer de dose de charge en début de traitement et de toujours effectuer un
relais héparine-AVK progressif.
Plus complexe est la prise en charge de patient ayant présenté cet accident. Il
est proposé de prescrire d’abord une héparinothérapie puis de débuter le traite-
ment AVK à petites doses (2 mg de warfarine) en l’augmentant graduellement.
❐ AVK et grossesse
Les accidents tératogènes surviennent surtout entre la 6e et la 9e semaine de
gestation (hypoplasie nasale, calcification des épiphyses ou des tissus mous,
parfois cécité par atrophie optique et microphtalmie, anomalies du système
nerveux central). Le risque semble faible pour des doses < 5 mg/j de Warfa-
rine. Pendant le 3e trimestre peuvent apparaître des hémorragies. Pendant le
320 Maladies thrombosantes
❐ Complications diverses
Il a été décrit quelques urticaires, des troubles gastro-intestinaux, quelques
alopécies toujours réversibles à l’arrêt.
Avec les molécules de type indanédione, quelques rares accidents spécifiques
ont été rapportés : anurie par néphropathies interstitielles aiguës, agranulocy-
toses réversibles, hépatites cholestatiques.
Relais héparine-AVK
Il faut débuter les AVK dans les 24 h qui suivent la première injection d’hépa-
rine par voie IV ou sous-cutanée dans la majorité des cas. Le chevauchement
des deux traitements est de 4 à 5 jours. L’héparine est interrompue dès que
l’INR souhaité est atteint et persiste à une valeur voisine 24 h plus tard (même
INR 2 jours consécutifs). Un contrôle 24 h après une modification de poso-
logie est rarement utile.
Auto-mesure
De nombreux travaux ont montré que l’automesure de l’INR par le patient
préalablement formé améliorait la qualité de la surveillance biologique. Une
meilleure stabilité de l’INR est obtenue avec les appareils Coagucheck,
Protime, etc.
La calibration de la mesure automatique est une étape importante. Le
remboursement de ces tests reste limité à la pédiatrie cardiologique en France.
Le patient doit faire contrôler épisodiquement l’exactitude des mesures en se
rendant au laboratoire avec son instrument. Il existe enfin un petit nombre de
logiciels pour la warfarine et pour le previscan qui, tenant compte des résultats
de l’INR et de divers renseignements concernant le patient, indiquent la poso-
logie la plus appropriée. Des dispositifs d’automesure de l’INR viennent
d’être inscrits sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR)
(JO du 24 juin 2008).
Une grande étude très récente a comparé cette méthode à la méthode habi-
tuelle dans laquelle un médecin décide la posologie. Les résultats des deux
méthodes ont été comparables avec même un avantage pour les malades
traités pour une prévention secondaire d’un accident thromboembolique
veineux. L’importance de l’éducation du patient est de plus en plus reconnue.
Cas particuliers
❐ Grossesse
Voir chapitre 17.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 323
❐ Enfants
Les risques iatrogènes doivent limiter la prescription des AVK à des indica-
tions très précises (chirurgie cardiaque, néphropathie, anomalies rares de
l’hémostase, pathologies veineuses ou artérielles très thrombogènes).
Les formulations galéniques sont peu adaptées d’où l’intérêt des comprimés à
2 mg de la Coumadine ou la préparation hospitalière de gélules minidosées.
Les AVK sont déconseillées chez les enfants de moins de 1 mois, qui requiè-
rent des doses significativement plus élevées que ceux de plus de 3 ans. Les
variabilités très importantes de réponse biologique justifient des contrôles
biologiques (INR) tous les 15 jours. Des recommandations d’adaptation de
posologie ont été publiées par P. Piquet.
❐ Sujet âgé
Voir chapitre 13.
BIBLIOGRAPHIE
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risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités
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ANSELL JE. Outpatient anticoagulant therapy. In : Consultative hemostasis
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J Thromb Haemost 2008; 6 : 935-943.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 325
HBPM Héparine
non fractionnée
Fig. 8.2. Distribution des poids moléculaires des préparations d’HNF et d’HBPM.
PS PS
Fig. 8.3. Mécanisme d’action des chaînes d’héparine en fonction de leur poids
moléculaire.
L’inhibition de la thrombine requiert la liaison de la chaîne d’héparine à la
fois à l’AT et à la thrombine tandis que l’inhibition du FXa ne requiert que
la liaison de la chaîne d’héparine à l’anti-IIa.
PS : pentasaccharide, enchaînement de cinq unités monosaccharidiques de
masse moléculaire totale 1 700 Da environ.
traitement par héparine pourra être repris. L’utilisation des AVK en tant que
traitement de substitution d’un traitement par l’héparine en cas de TIH est
contre-indiquée (voir chapitre 11).
L’utilisation de l’HNF est par ailleurs contre-indiquée en cas d’hypersensibi-
lité à l’héparine, de maladie hémorragique constitutionnelle, en présence
d’une lésion organique susceptible de saigner et en cas d’hémorragie intracé-
rébrale. Par ailleurs, une anesthésie péridurale ou une rachianesthésie ne
doivent pas être effectuées pendant un traitement par héparine.
D’une manière générale, et sauf contre-indication particulière, le relais du trai-
tement héparinique par des AVK doit être instauré précocement, dès le 1er ou
le 2e jour d’administration de l’héparine.
Activité anti-Xa
Indication Dose
attendue (UI anti-Xa/ml)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 000 UI/24 h (20 mg/24 h) 0,18 ± 0,04
en chirurgie (1 injection/24 h)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie ou 4 000 UI/24 h (40 mg/24 h) 0,43 ± 0,11
prévention en médecine (1 injection/24 h)
LOVENOX (Énoxaparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 100 UI/kg/12 h 1,20 ± 0,17
Angor instable IDM sans onde Q (1 mg/kg/12 h) après la 7e injection
(2 injections/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 500 UI/24 h 0,15 à 0,25
en chirurgie (1 injection/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 5 000 UI/24 h 0,30 à 0,45
(1 injection/24 h)
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 100 UI/kg/12 h 0,59 à 0,69 ± 0,25 valeurs
(2 injections/24 h) moyennes de J2 à J10
de traitement
FRAGMINE (Daltéparine DCI) Angor instable IDM sans onde Q 120 UI/kg/12 h 0,6 à 1,2
(dose maximale :
10 000 UI/injection)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Prévention risque intermédiaire 2 850 UI/24 h 0,25 à 0,35
en chirurgie (1 injection/24 h)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 38 UI/kg/24 h pendant 3 j 0,25 à 0,35
puis 57 UI/kg/24 h
(1 injection/24 h)
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 329
Tableau 8.V. Indications, posologie et valeurs d’activité anti-Xa attendues pour les HBPM disponibles en France (suite)
Activité anti-Xa
Indication Dose
attendue (UI anti-Xa/ml)
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Traitement curatif des TVP constituées 85 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
(2 injections/24 h)
330 Maladies thrombosantes
FRAXIPARINE (Nadroparine DCI) Angor instable IDM sans onde Q 86 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
(2 injections/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque intermédiaire en 2 500 UI/24 h 0,10 à 0,15
chirurgie (1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque intermédiaire majoré en 3 500 UI/24 h 0,15 à 0,20
chirurgie (1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Prévention risque élevé en chirurgie 4 500 UI/24 h 0,35 à 0,45
(1 injection/24 h)
INNOHEP (Tinzaparine DCI) Traitement curatif des thromboses 175 UI/kg/24 h 0,87 ± 0,15
veineuses constituées Traitement de l’EP (1 injection/24 h)
FRAXODI (Nadroparine DCI) Traitement curatif des thromboses 171 UI/kg/24 h 1,34 ± 0,15
veineuses constituées (1 injection/24 h) (pour 166 UI/kg/24 h)
IDM : infarctus du myocarde
IDM : infarctus du myocarde
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 331
Conclusion
Grâce à leur commodité d’emploi et à leur très bonne tolérance, les HBPM ont
supplanté l’HNF dans bon nombre d’indications. La surveillance des traite-
ments est limitée au chiffre de plaquettes. Toutefois, pour certains groupes de
patients considérés comme à risque (sujets insuffisants rénaux, âgés, de poids
écarté des normes, femme enceinte, pédiatrie, survenue d’hémorragies ou
inefficacité thérapeutique), la mesure de l’activité anti-Xa est nécessaire et
dans certains cas l’utilisation de l’HNF reste le traitement de choix.
BIBLIOGRAPHIE
HIRSH J, BAUER KA, DONATI MB, GOULD M, SAMAMA MM, WEITZ JI.
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FRANCOUAL C, PRIOLLET P, COHEN C, YVELIN N, SCHVED JF, TOURNAIRE M,
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of enoxaparin safety in 624 pregnancies. BJOG 2001; 108 : 1134-1140.
TRAITEMENTS THROMBOLYTIQUES
ET SURVEILLANCE
Gérard HELFT, Meyer-Michel SAMAMA
Thrombolytiques
État des lieux
Les thrombolytiques ont prouvé leur efficacité dans le traitement à la phase
aiguë de l’infarctus du myocarde (IDM) par le résultat de deux grandes études
randomisées (GISSI-1, ISIS-2). Ces études ont montré qu’un thrombolytique
administré par voie IV permettait de réduire significativement la mortalité
hospitalière. Un autre grand essai (GUSTO-I) permettait de démontrer la
théorie de l’artère ouverte, c’est-à-dire le bénéfice clinique en termes de
morbi-mortalité par la reperméabilisation la plus rapide possible de l’artère
responsable de l’IDM. Ils sont également indiqués depuis peu dans les AVC
récents de moins de 3 h ou 4 h 30. Ils sont également utilisés dans les artério-
pathies périphériques et dans la désobstruction locale de cathéters centraux.
Il ne faut pas oublier qu’un traitement thrombolytique est également indiqué
en cas d’EP aiguë massive avec instabilité hémodynamique, une dose totale de
100 mg devant être administrée en 2 h (bolus IV de 10 mg en 1 à 2 min, suivi
d’une perfusion de 90 mg sur 2 h en ne dépassant pas 1,5 mg/kg chez les
patients pesant moins de 65 kg).
L’administration d’un thrombolytique activateur du plasminogène permet la
dissolution du thrombus, mais n’agit pas sur la cause de la formation de ce
thrombus, l’environnement persistant pour la formation d’un nouveau
thrombus :
– d’une part, la sténose coronaire au niveau de laquelle s’est produite la
rupture endothéliale reste présente;
– d’autre part, la libération de thrombine induite par la thrombolyse.
Les thrombolytiques exercent eux-mêmes une activité procoagulante alors
qu’ils n’ont pas (l’altéplase ou activateur tissulaire du plasminogène recombi-
nant [rt-PA]) ou peu (la SK) de propriétés anticoagulantes.
336 Maladies thrombosantes
❐ Antithrombiniques
L’intérêt de l’administration d’une substance antithrombinique est démontré à
la phase aiguë de l’infarctus, que ce soit pour les patients thrombolysés ou les
non thrombolysés, pour les patients dilatés ou ceux ne bénéficiant pas d’un
traitement de reperfusion.
❐ HNF
C’est l’agent antithrombotique le plus utilisé qui justifie et nécessite pleine-
ment la surveillance biologique. Pour les patients traités par streptokinase,
l’administration d’HNF par voie intraveineuse (5 000 unités en bolus puis
1 000 U/h si poids > 80 kg, 800 UI/h si poids < 80 kg). Pour les patients traités
par altéplase, TNK-t-PA ou rétéplase, l’administration de 60 U/kg (maximum
de 4 000 U) suivie de 12 U/kg/h (maximum de 1 000 U/h) est recommandée
pour obtenir un TCA entre 50 et 70 s pendant 48 h.
❐ HBPM
Chez les patients traités par thrombolytiques, qui ont par ailleurs une fonction
rénale préservée (créatinémie < 220 µmol/l pour l’homme et < 175 µmol/l
pour la femme), l’utilisation de l’énoxaparine est recommandée. La posologie
recommandée est de 30 mg en bolus intraveineux puis 1 mg/kg en sous-
cutané/12 h si l’âge est < 75 ans, elle est de 0,75 mg/kg en sous-cutané, sans
bolus intraveineux, si l’âge est > 75 ans.
Conclusion
À la phase aiguë de l’infarctus, lors d’une thrombolyse, la détermination de la
posologie de l’héparine est centrale et laissée à l’appréciation du clinicien qui
détermine son initiation et la dose en fonction du thrombolytique utilisé. Le
clinicien gardera en mémoire les facteurs de risque hémorragiques comme
l’âge, l’élévation de la tension artérielle et un petit poids corporel. Un TCA
entre 50 et 70 s sera la cible lors d’un traitement par HNF. La surveillance
biologique pourrait se réduire dans les années à venir, si les HBPM confir-
maient leurs premiers résultats encourageants.
BIBLIOGRAPHIE
Anti-Xa indirects
❐ Fondaparinux
Les anti-Xa indirects inhibent le FXa, comme l’héparine, par le biais de l’AT.
Leur chef de file est le fondaparinux (Arixtra). C’est la molécule dont le déve-
loppement clinique est aujourd’hui le plus avancé parmi l’ensemble des anti-
Xa. Depuis 2002, le fondaparinux dispose d’une AMM délivrée respective-
ment par la FDA et l’Agence européenne du médicament dans la prévention
de la TVP en chirurgie orthopédique majeure. Elle a été étendue au traitement
de la TVP et de l’EP, la prévention en milieu médical et récemment au traite-
ment des syndromes coronariens aigus.
La molécule est obtenue par synthèse chimique, ce qui garantit l’absence de
risque de contamination aléatoire par des agents pathogènes d’origine animale
et conduit à une molécule chimiquement définie, sans variation de composition
de lot à lot. De ce fait, la concentration plasmatique du fondaparinux doit être
exprimée en unités gravimétriques (µg/ml ou µmol/l) et la mesure de l’activité
anti-Xa doit être faite en utilisant le fondaparinux comme étalon. La structure
du fondaparinux est constituée de l’enchaînement de cinq sucres constituant le
site pentasaccharidique (pentasaccharide) nécessaire à la liaison de l’héparine à
l’AT. Le fondaparinux a une structure voisine de celle du pentasaccharide
naturel. Son poids moléculaire est de 1 728 Da. Le fondaparinux inhibe le FXa
de manière plus puissante que l’HNF ou les HBPM. À la différence de l’HNF
ou des HBPM, l’administration de fondaparinux n’induit pas de libération du
TFPI et ne modifie pas l’activité du TAFI. Il inhibe la génération de thrombine,
mais non la thrombine formée. À la différence d’autres anti-Xa, comme le DX-
9065a, le fondaparinux inhibe le FXa libre, mais pas le FXa incorporé au
complexe prothrombinase (FXa, FVa, phospholipides et calcium). Aux doses
utilisées en thérapeutique, le fondaparinux n’allonge pas significativement le
TCA, ni le TP. En revanche, il allonge l’Heptest et le PICT. En pratique, le test
recommandé pour évaluer son effet anticoagulant est la mesure de l’activité
anti-Xa. Comme l’ont montré les études pharmacocinétiques et cliniques,
l’effet thérapeutique est prédictible et stable, ce qui permet de se dispenser
d’une surveillance de la coagulation lors du traitement. Dans l’état actuel des
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 343
❐ Idraparinux
Des recherches pour améliorer la pharmacocinétique et la pharmacodynamie
du fondaparinux ont conduit à la synthèse d’analogues structuraux. Parmi eux,
le SanOrg 34 006 (idraparinux) possède une affinité plus élevée que le fonda-
parinux pour l’AT, se traduisant par une inhibition plus importante du FXa et
par une demi-vie prolongée de l’ordre de 80 h chez l’homme, qui permet une
seule administration sous-cutanée par semaine. Une étude de phase 2 dans le
traitement des TVP a permis de déterminer la posologie optimum active et un
programme clinique de phase 3 dans cette indication et dans la maladie throm-
boembolique veineuse a été initié.
❐ Biotynil idraparinux
L’idraparinux n’a pas d’antidote spécifique. En revanche, une forme biotinylée
a été préparée. Elle possède les mêmes propriétés pharmacodynamiques que
l’idraparinux avec la possibilité nouvelle d’avoir un antidote spécifique,
l’avidine. Des essais cliniques de phase 3 sont en cours de traitement dans des
TVP et des EP ainsi que dans la fibrillation auriculaire.
Anti-Xa directs
À la différence de l’HNF, des HBPM et du fondaparinux, les anti-Xa directs
inhibent directement le FXa, sans passer par l’AT. Le chef de file de cette famille
est le DX-9065a. Il s’agit d’un dérivé synthétique de l’acide propanoïque de
masse moléculaire 571 Da. Il inhibe spécifiquement le FXa libre et incorporé
dans le complexe prothrombinase, mais est inactif vis-à-vis d’autres protéases,
en particulier vis-à-vis de la thrombine. Le DX-9065a allonge le TCA et le TP
aux concentrations plasmatiques utilisées en thérapeutique. En revanche, il
n’allonge pas l’Heptest. Il induit une prolongation du temps de latence de la
génération de thrombine. Le DX-9065a est éliminé par voie rénale.
❐ Le DX-9065a
Il a fait l’objet d’études de phases 1 et 2. Chez des patients atteints de patho-
logie coronaire stable, traités par perfusion intraveineuse de doses croissantes
de DX-9065a permettant d’atteindre des concentrations plasmatiques de 15 à
200 ng/ml, la concentration plasmatique est étroitement corrélée à l’activité
anti-Xa. L’activité anti-Xa doit être mesurée par rapport à une courbe
d’étalonnage réalisée avec le produit lui-même et les résultats doivent être
exprimés en unités gravimétriques (ng/ml ou µmol/l).
Plusieurs autres anti-Xa directs comme le YM-60828, le SF-303, le SK-549 et
surtout le BAY59-7939 ou rivaroxaban (Xarelto) et l’apixaban sont actuelle-
ment en cours de développement.
❐ Le rivaroxaban
Disponible en Europe, le rivaroxaban (Xarelto), est une petite molécule (PM
456 Da) à activité anti-Xa directe. Il est actif par voie orale. Sa demi-vie est
voisine de 12 h. Elle est de 17 h chez le sujet âgé de plus de 75 ans.
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 345
Inhibiteurs de la thrombine
❐ Antithrombines indirectes
Comme les anti-Xa indirects, les antithrombines indirectes exercent leur
action anticoagulante par le biais de l’AT. Ces molécules ont pu être dévelop-
pées grâce à la connaissance des mécanismes impliqués dans l’action
anticoagulante de l’héparine, qui a conduit à la synthèse d’héparinomiméti-
ques constitués de 15 à 19 unités oligosaccharidiques comportant le site
pentasaccharidique et capables d’inhiber à la fois le FXa et la thrombine.
Cependant, l’activité de ces molécules est inhibée par le F4P. Elles ont subi
des modifications structurales, avec introduction d’une séquence appelée
spacer séparant la partie de la molécule neutralisant le FXa de celle neutrali-
sant la thrombine qui permet d’éviter la liaison au F4P. Des essais cliniques
sont actuellement en cours pour valider le concept de ces nouvelles molécules.
❐ Inhibiteurs indirects de la thrombine, dépendants du cofacteur II
de l’héparine
Le dermatane sulfate appartient à la famille des glycosaminoglycanes. Il est
constitué d’une répétition d’unités disaccharidiques et catalyse l’inhibition de
la thrombine par le cofacteur II de l’héparine. Son efficacité thérapeutique
346 Maladies thrombosantes
dans la prévention de la TVP et sa tolérance ont été évaluées dans des essais
cliniques en chirurgie générale, en chirurgie orthopédique, en hémodialyse
rénale et en milieu médical.
Le danaparoïde (Orgaran) utilisé essentiellement dans les TIH est étudié page
370.
Hirudine
L’hirudine est un polypeptide composé de 65 acides aminés initialement isolé
des glandes salivaires de la sangsue médicinale, Hirudo medicinalis. Elle est
aujourd’hui disponible sous forme recombinante sous les DCI désirudine et
lépirudine, commercialisée en France depuis 1997 sous les noms de Revasc et
Refudan respectivement. La désirudine est indiquée dans la prévention des
TVP après chirurgie orthopédique programmée (prothèse de hanche ou du
genou). La dose recommandée chez l’adulte est de 15 mg de désirudine deux
fois par jour par voie sous-cutanée. L’administration est contre-indiquée chez
les patients dont la clairance de la créatinine est < 30 ml/min et chez les
patients présentant une insuffisance hépatique sévère. La lépirudine est indi-
quée chez les patients adultes atteints de TIH de type II et de maladie
thromboembolique nécessitant un traitement anticoagulant par voie parenté-
rale. La posologie est de 0,4 mg/kg de poids corporel en bolus intraveineux,
suivi de 0,15 mg/kg de poids corporel par heure en perfusion intraveineuse
continue.
La surveillance biologique des traitements par la désirudine et la lépirudine
repose sur le TCA. Néanmoins, il faut noter que des différences peuvent être
observées pour le TCA en fonction du réactif utilisé et qu’un plateau est atteint
aux concentrations élevées de désirudine, ce qui peut conduire à sous-estimer
l’importance d’un surdosage éventuel. L’utilisation du temps d’écarine en
remplacement du TCA peut permettre d’éviter cet écueil. Bien que de réalisa-
tion simple, ce test n’est pour l’instant que peu diffusé. L’hirudine, comme les
autres inhibiteurs de la thrombine, allonge également le TT et le TP.
Bivalirudine
La bivalirudine, commercialisée sous le nom d’Angiox est un peptide synthé-
tique de 20 acides aminés inhibant spécifiquement et de manière réversible la
thrombine. Elle n’est active que par voie IV en perfusion. Elle est indiquée
chez les patients souffrant d’angor instable subissant une angioplastie coro-
naire transluminale percutanée, en association avec l’aspirine. Une
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 347
Hirudine Bivalirudine
Composition en acides aminés 65 AA 20 AA
PM 7 000 Da 2 180 Da
Constante inhibition 2.10-14 mol/l 2.10-9 mol/l
Inhibition IIa Non réversible Réversible
Demi-vie Prolongée 25 min
Hydrolyse par la thrombine Nulle 0,005 mol/s
Argatroban
L’argatroban (Novastan) est commercialisé aux États-Unis et dans certains
pays d’Europe. Il s’agit d’un inhibiteur synthétique direct de la thrombine,
dérivé de la L-arginine. Sa masse moléculaire est de 526 Da. L’argatroban est
capable d’inhiber à la fois la thrombine libre et liée au caillot. Aucun ajuste-
ment de posologie n’est nécessaire chez l’insuffisant rénal. En revanche, la
posologie doit être diminuée en cas d’insuffisance hépatique. L’utilisation de
l’argatroban est indiquée dans la prophylaxie ou le traitement de la TVP chez
les patients atteints de TIH de type II. Le suivi biologique repose sur le TCA
ou, mieux, le temps d’écarine (ECT). Bien que le TP (INR), l’ACT et le TT
soient modifiés par l’administration d’argatroban, les zones thérapeutiques
n’ont pas été bien déterminées pour ces tests.
Ximélagatran
Le mélagatran et sa prodrogue le ximélagatran ont été largement étudiés dans
de nombreux essais cliniques. Le ximélagatran est administré per os. Il est
ensuite métabolisé en mélagatran, la forme active, elle-même non absorbée
par voie orale, mais administrable par voie parentérale, inhibant spécifique-
ment de manière réversible et compétitive la thrombine. Le mélagatran
présente une activité anticoagulante prédictible et stable, ce qui permet de ne
pas avoir recours à une surveillance de la coagulation des patients traités. Le
mélagatran allonge le TP, le TCA et le TT. La demi-vie du ximélagatran est
d’environ 3 h et il est administré à raison d’un comprimé toutes les 12 h. Les
études METHRO I, II et III et EXPRESS ont permis de définir les schémas
thérapeutiques du (xi) mélagatran efficace dans la prévention de la TVP posto-
pératoire en chirurgie orthopédique (prothèse totale de hanche et du genou) et
ont démontré une plus grande efficacité du (xi) mélagatran par rapport à la
daltéparine et à l’énoxaparine dans cette indication.
L’étude ESTEEM a montré l’efficacité du mélagatran associé à l’aspirine,
dans l’IDM avec ou sans décalage du segment ST. Au cours de cette étude,
348 Maladies thrombosantes
Dabigatran
L’etexilate de dabigatran (Praxada), prodrogue du dabigatran (PM 627 Da)
est un inhibiteur direct et réversible de la thrombine, actif par voie orale. Il
appartient à la même famille que le ximélagatran.
Le pic sanguin est obtenu 1 à 2 h après l’administration. La demi-vie est de
13 h. La majeure partie du produit est éliminée inchangée par le rein (contre-
indication dans l’insuffisance rénale sévère). La biodisponibilité est faible
puisqu’elle est de 6,5 %.
En ce qui concerne son activité biologique, un allongement du TQ, du TCA,
du temps d’écarine et une diminution de la génération de thrombine sont
retrouvés avec une relation concentration-activité satisfaisante.
Les essais cliniques en chirurgie orthopédique majeure (50 mg ou 150 mg ou
225 mg × 2 ou 300 mg × 1) par voie orale de doses administrées une à quatre
fois après la fin de l’intervention chirurgicale, ont donné des résultats satisfai-
sants. Le dabigatran est enregistré en Europe à la posologie de 220 mg × 2.
Cette dose peut être réduite à la première administration postopératoire et
pendant la durée du traitement chez le sujet âgé pour tenir compte de l’insuffi-
sance rénale.
Conclusion
Les héparines et les AVK ont dominé la prévention et le traitement des
complications thromboemboliques veineuses ou artérielles depuis plus d’un
demi-siècle. Bien que n’ayant pas démérité, ces deux familles thérapeutiques
présentent certains inconvénients d’utilisation. Au cours de la dernière
décennie, des progrès scientifiques notables ont permis la mise au point de
nouveaux agents anticoagulants fort prometteurs (tableau 8.VII).
Une plus grande efficacité, une maniabilité plus aisée, l’administration par
voie orale pour certains et, en général, la suppression de la surveillance biolo-
gique mais un coût de traitement probablement plus élevé et un risque
hémorragique qui pourrait être inférieur à celui des médicaments actuellement
disponible caractérisent ces nouvelles molécules.
Tableau 8.VII. Thérapeutiques des complications thromboemboliques veineuses ou artérielles
HBPM Fondaparinux Hirudine Bivalirudine Dabigatran Argatroban Rivaxoraban
Poids moléculaire 5 000 1 749 6 980 2 180 627 509 456
(Da) (PM moyen)
Origine Animale Synthèse Recombinante Recombinante Synthèse Synthèse Synthèse
chimique + synthèse chimique chimique chimique
chimique
Absorption orale Non Non Non Non Oui Non Oui
Demi-vie (h) 4h 15-17 h 1h 1/2 h 13 h 1/2 h 12 h
Élimination + + + + + – +
rénale
Métabolisme – – ± – – + +
hépatique
Moyens thérapeutiques actuels et modernes 349
350 Maladies thrombosantes
BIBLIOGRAPHIE
INFARCTUS DU MYOCARDE
Physiopathologie
Il s’agit d’une nécrose ischémique d’une zone myocardique dont la perfusion
est soudainement interrompue par l’occlusion d’une artère coronaire. Dans la
très grande majorité des cas, l’occlusion est la conséquence du développement
d’un thrombus sur une plaque d’athérome fissurée ou érodée. Les autres
causes d’infarctus sont nettement moins fréquentes : il s’agit de spasme,
d’embolie coronaire, de dissection aortique, de lésion traumatique, de mala-
dies inflammatoires ou d’anomalies congénitales des artères coronaires.
Si la fréquence de l’infarctus diminue actuellement grâce aux mesures de
préventions primaire et secondaire, l’infarctus demeure une pathologie extrê-
mement fréquente. Si la mortalité hospitalière à 1 mois a nettement diminué
ces dernières années grâce aux traitements permettant la recanalisation de
l’artère coronaire, la gravité de l’infarctus repose notamment sur la forte
mortalité préhospitalière (60 % des décès surviennent précocement en dehors
de la structure hospitalière).
Dans la genèse de l’infarctus, la preuve de la responsabilité de l’occlusion
coronaire a été apportée par des études angiographiques montrant l’occlusion
coronaire, au début des années quatre-vingt. Dans le primo infarctus, la
maladie coronaire est limitée à un vaisseau dans environ 2/3 des cas. De façon
354 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
intéressante, chez environ 2/3 des patients, l’artère responsable de l’IDM est le
siège d’une sténose < 50 % au niveau du site de l’occlusion. Ce ne sont pas
forcément les lésions les plus serrées sur le plan angiographique qui sont le
siège d’une occlusion. C’est la raison pour laquelle la caractérisation tissulaire
précise des plaques d’athérosclérose est un domaine en plein essor, le but étant
de déterminer les plaques d’athérosclérose dites vulnérables, susceptibles de
se rompre et d’entraîner une thrombose coronaire responsable de l’infarctus.
À ce jour, en dépit du progrès de techniques comme l’échographie endocoro-
naire, l’IRM non invasive, il n’est pas encore possible de prédéfinir ces lésions
dites à risques. Les conséquences physiopathologiques d’un IDM sont d’ordre
hémodynamique. La conséquence immédiate est une dysfonction systolo-
diastolique dont témoigne notamment la diminution de la fraction d’éjection
ventriculaire gauche. Secondairement, la nécrose myocardique s’accompagne
de modifications structurelles et morphologiques à la fois dans la zone
nécrosée et dans le myocarde sain. Les modifications dans la zone nécrosée
provoquent une expansion qui peut conduire à une rupture pariétale ou à la
constitution d’un anévrisme dans la zone nécrosée. Les modifications concer-
nant le myocarde sain sont en rapport avec un remodelage ventriculaire qui est
le développement d’une hypertrophie-dilatation du myocarde résiduel en
réponse à la surcharge volumique, elle-même conséquence de l’infarctus sur
la fonction cardiaque globale.
Clinique
La douleur classique de l’IDM est analogue à celle de l’angine de poitrine,
mais elle est généralement plus intense et plus prolongée (1 à plusieurs h).
Elle est trinitrorésistante et irradie volontiers de façon diffuse aux épaules, aux
bras, au cou et à la mâchoire inférieure. Les douleurs peuvent être modérées,
voire absentes (IDM dit silencieux). Elles peuvent aussi être atypiques et
orienter à tort vers une pathologie digestive en cas de troubles digestifs plus
fréquents dans la localisation postéro-inférieure. Cette douleur doit être
différenciée :
– de la douleur de la péricardite aiguë, qui revêt plutôt un caractère de brûlure
ou de torsion accentuée par les mouvements respiratoires;
– de la douleur de la dissection aortique habituellement très violente,
migrante, et souvent décrite comme une sensation de déchirure.
La douleur rétrosternale irradie souvent vers la région interscapulaire, voire
vers l’épigastre. L’examen clinique d’un patient souffrant d’un IDM doit
éliminer les autres causes de douleur thoracique et rechercher une éventuelle
contre-indication à la thrombolyse.
Diagnostic
Les signes cliniques en faveur de l’infarctus sont relativement pauvres.
L’interrogatoire s’attache à préciser les facteurs de risque cardio-vasculaires
habituels : hypertension artérielle (HTA), diabète, tabagisme, dyslipidémie,
âge. L’ECG est caractéristique et évolue dans le temps. Initialement, l’onde T
Thromboses en cardiologie 355
Traitement
Le traitement d’un IDM a un double but :
– celui de rétablir la perméabilité du vaisseau pour limiter la nécrose;
– celui de prévenir les complications.
Pour restaurer la perméabilité du vaisseau, les deux alternatives principales
sont la thrombolyse intraveineuse et l’angioplastie du vaisseau responsable de
l’infarctus. Si les études les plus récentes ont montré une supériorité du traite-
ment par angioplastie percutanée dans la diminution de la mortalité à la phase
aiguë de l’infarctus, il faut surtout insister sur la précocité du traitement qui est
le critère majeur de bon pronostic. Le choix entre angioplastie et thrombolyse
sera le plus souvent dicté par la logistique locorégionale.
Expression clinique
La symptomatologie la plus grave est celle d’une défaillance cardiaque aiguë
ou d’un accident embolique artériel. Mais la symptomatologie peut être plus
fruste en cas de thrombose partielle affectant incomplètement le jeu valvu-
laire. Dans ce cas, le tableau peut être celui d’une insuffisance ventriculaire
banale. Le diagnostic est alors plus difficile.
Diagnostic
Le diagnostic de thrombose de valve repose sur le radiocinéma de valve et
surtout sur l’échocardiographie Doppler. L’échographie cardiaque transtho-
racique permet notamment de comparer le gradient transvalvulaire moyen
au gradient de référence postopératoire et de mettre en évidence une
Thromboses en cardiologie 357
Traitement
La chirurgie est traditionnellement le traitement de choix de ces thromboses
même si elle est grevée d’une morbi-mortalité non négligeable.
Le traitement d’une thrombose de prothèse valvulaire est avant tout chirur-
gical comme le préconisent les recommandations de l’American College of
Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA). Le risque opératoire
est relativement important et dépend de la classe fonctionnelle NYHA des
patients. Le risque moyen est évalué à environ 10 %. La fibrinolyse est une
alternative à la chirurgie : elle est proposée d’emblée pour les valves du cœur
droit. Sa place dans les thromboses de valve du cœur gauche est davantage
controversée. Néanmoins un consensus se dégage. Ainsi un volumineux
thrombus périprothétique doit être éliminé par échographie transœsopha-
gienne avant d’envisager une fibrinolyse. La fibrinolyse se substituera à la
chirurgie :
– lorsqu’il n’existe qu’un petit thrombus à l’échographie transœsophagienne;
– surtout s’il existe une contre-indication à la chirurgie cardiaque en rapport
avec :
- l’altération de la fonction ventriculaire gauche,
- une tare viscérale associée,
- le grand âge.
La fibrinolyse s’envisage également chez des patients hémodynamiquement
instables à distance d’un service de chirurgie cardiaque.
TRAITEMENT ANTITHROMBOTIQUE
DE LA FIBRILLATION AURICULAIRE (FA)
La prévalence de la FA dans la population adulte est de l’ordre de 0,3 à 0,4 %.
Cette prévalence augmente régulièrement avec l’âge. Compte tenu de
l’augmentation croissante de l’espérance de vie, la FA est un problème dont la
fréquence devrait croître dans les années à venir.
Le risque majeur de la FA est constitué par le risque thromboembolique. Il
s’agit principalement d’accidents thromboemboliques neurologiques repré-
sentés par les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ces AVC entraînent une
morbi-mortalité importante. Le risque annuel d’accidents thromboemboliques
chez les patients en FA est d’environ 5 % au cours de la 8e décennie avec un
AVC dans 70 % des cas.
358 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
BIBLIOGRAPHIE
Antoine ACHKAR
INTRODUCTION
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) reste une maladie fréquente,
responsable d’une mortalité et d’une morbidité non négligeables. En effet, les
formes mortelles d’embolie pulmonaire (EP) sont loin d’avoir disparu et le
syndrome post-thrombotique correspondant aux séquelles d’une thrombose
veineuse profonde (TVP) des membres inférieurs représente un réel problème
de santé publique. Bien plus, l’EP mortelle chez le malade hospitalisé reste la
cause de morbidité la plus efficacement prévenue par une prophylaxie
correcte. Cependant, l’incidence de la MTEV n’est pas connue avec précision.
Plus récemment, les données autopsiques suggèrent que l’incidence de l’EP a
diminué ces dernières années, probablement en raison du développement et de
la diffusion de la prophylaxie : pour témoins, les différentes méta-analyses et
les recommandations des conférences de consensus. La prophylaxie est beau-
coup mieux documentée en milieu chirurgical qu’en milieu médical :
– en milieu chirurgical, la prophylaxie doit prendre en compte le risque lié à
l’acte chirurgical et celui propre au terrain du malade;
– en médecine, de nombreuses difficultés sont rencontrées, relatives à l’hété-
rogénéité des pathologies, à la durée du risque thrombogène, au caractère aigu
ou chronique des pathologies.
Il était admis que les recommandations des réunions de consensus en chirurgie
pouvaient être extrapolées à la prophylaxie en médecine. Cette attitude a
récemment été révisée depuis la publication de l’étude Medenox. Cette
dernière a permis de définir une nouvelle stratégie de prévention en milieu
médical, tout au moins pendant la période aiguë d’une affection médicale bien
définie. Cependant, elle doit être confortée par des études complémentaires,
concernant notamment :
– le bénéfice à long terme;
– l’effet d’une telle prévention, en particulier sur la réduction de la mortalité et
des accidents thromboemboliques veineux (ATEV) symptomatiques clinique-
ment pertinents.
Grâce à une prophylaxie adaptée, la reconnaissance des situations cliniques à
risque permet ainsi de réduire de façon significative les ATEV. Ceci est particu-
lièrement vrai en chirurgie et plus difficile à réaliser en médecine par manque
Infectiologie, soins intensifs, réanimation 361
d’études prospectives (tableau 10.I). Bien plus, les ATEV sont multifactoriels et
l’évaluation du risque global constitué de l’association de plusieurs risques est
difficile à quantifier. Aussi, les facteurs de risque cliniques et biologiques throm-
bogènes peuvent être répartis schématiquement en deux groupes :
– les très nombreuses situations cliniques et affections acquises. Elles prédis-
posent aux accidents thromboemboliques et évoquent l’existence d’un état
d’hypercoagulabilité;
– les thrombophilies acquises ou constitutionnelles.
Ces principales situations cliniques à risque sont résumées dans un chapitre
spécifique de l’ouvrage.
Âge 1,1-2,2
Obésité 1,5-1,7
Postopératoire 1,1-5,5
Varices 2
Cancer 2,0-3,0
Antécédents de TV 2,5
Cardiopathies 3,0-5,0
Œstroprogestatifs 4,4
Colopathies inflammatoires chroniques 4,5
Grossesse et post-partum 5,5
TV : thromboses veineuses
En cancérologie
Le risque d’ATEV chez le malade cancéreux existe et varie en fonction de la
nature du cancer (voir chapitre 6).
Ces indications sont valables chez les patients alités (tableau 10.II) pour une
affection médicale aiguë (mention légale du Vidal) :
– insuffisance cardiaque de stade III ou IV de la classification NYHA;
– insuffisance respiratoire aiguë;
– épisode d’infection aiguë ou d’affection rhumatologique aiguë associé à au
moins un autre facteur de risque thromboembolique veineux.
Niveau Alitement
1 Sédentaire ou alitement total
2 Niveau 1 + accès aux sanitaires
3 Niveau 2 + activité tolérable pour le patient
BIBLIOGRAPHIE
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207.
11 THROMBOPÉNIE INDUITE
PAR L’HÉPARINE
Ismail ELALAMY
ÉPIDÉMIOLOGIE ET PATHOGÉNIE
TIH de type I
Elle est non immune. Elle apparaît à l’induction du traitement anticoagulant
avec une diminution modérée < 20 % de la numération plaquettaire. Asympto-
matique, elle se corrige spontanément malgré la poursuite du traitement. Elle
serait liée à l’interaction directe des plaquettes avec l’HNF provoquant une
liaison accrue du fibrinogène et leur élimination par la rate. Leur fréquence
(20 à 30 %) et leur mécanisme physiopathogénique restent encore mal connus.
Elle serait particulièrement fréquente chez les patients ayant déjà une hyper-
réactivité plaquettaire : artériopathie des membres inférieurs, insuffisance
coronaire. L’existence même de la TIH de type I est discutée.
TIH de type II
Elle est d’origine immune et de survenue retardée. Elle apparaît dans plus de
80 % des cas entre le 5e et le 15e jour de traitement héparinique. En cas de
présensibilisation lors d’un traitement héparinique antérieur, le délai de
survenue peut être notablement raccourci. Il s’agit généralement d’une dimi-
nution brutale de la numération plaquettaire avec une réduction de plus de
40 % de la valeur initiale. La thrombopénie peut être profonde, s’aggravant
avec la poursuite de l’héparine, et paradoxalement associée à des thromboses.
Il s’agit d’un effet secondaire compliquant jusqu’à 1 à 5 % des traitements par
HNF et 0,1 à 0,2 % des traitements par HBPM. Mêmes des doses infimes,
destinées à maintenir la perméabilité des cathéters suffisent à générer une TIH.
366 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Il est maintenant bien établi que les TIH sont dues à l’apparition d’anticorps
dirigés contre un complexe macromoléculaire héparine-facteur 4 plaquettaire
(F4P). Dans un premier temps, les phénomènes inflammatoires et/ou les
phénomènes d’activation plaquettaire relatifs aux différents contextes médi-
caux ou chirurgicaux accroissent la libération de F4P et favorisent la
formation de complexes F4P/héparine. Ces complexes de grande taille sont
antigéniques, ils induisent la synthèse d’anticorps qui participent à la forma-
tion de complexes immuns et entraînent une activation plaquettaire directe par
l’interaction du fragment Fc des IgG avec les R FcγRIIa1 membranaires
(CD32). Les autres immunoglobulines Ig (A ou M) peuvent activer directe-
ment d’autres cellules (lymphocytes, monocytes, neutrophiles) mais aussi
indirectement les plaquettes après fixation du complément.
La TIH est ainsi associée à une activation cellulaire disséminée pouvant aboutir à
une véritable coagulation généralisée. Certains patients développent des anticorps
dirigés contre des chémokines comme le neutrophil-activating peptide (NAP-2) et
l’interleukine 8 (IL8). La grande hétérogénéité des anticorps générés et ces profils
immunologiques atypiques expliqueraient en partie les discordances entre les
tableaux cliniques indiscutables de TIH et les examens biologiques.
Symptomatologie clinique
La TIH de type II peut être asymptomatique. Elle peut être découverte fortuite-
ment, lors d’une numération plaquettaire systématique. Malgré une
thrombopénie sévère, les complications hémorragiques sont décrites dans moins
de 10 % des cas. Il s’agit de saignements aux points de ponction ou d’ecchy-
moses plus ou moins étendues et plus rarement d’hématomes profonds.
Les manifestations les plus fréquentes sont des complications thromboemboli-
ques veineuses (20 à 80 % des cas). La localisation multifocale ou même à
distance du foyer initial et l’extension de la thrombose sous héparinothérapie
efficace doivent être évocatrices.
Des accidents artériels ont été observés et particulièrement en cas d’atteinte
athéroscléreuse. Des lésions cutanées aux points de ponction, des plaques
érythémateuses ou nécrotiques peuvent aussi être révélatrices. D’autres signes
insolites sont décrits tels que la nécrose hémorragique des surrénales. Des phlé-
bites bleues (phlegmatia cærulea), des gangrènes d’origine veineuse semblent
favorisées par un état préthrombotique et précipitées par un relais anticoagulant
oral trop précoce ou d’intensité excessive (INR > 3). Le déséquilibre accru de
la balance hémostatique lié à une surconsommation des inhibiteurs physiologi-
ques (protéines C [PC] et S [PS]) dans ce contexte d’activation généralisée de
la coagulation est incriminé. D’autres signes fonctionnels constituent de vérita-
bles signes d’alarme : fièvre, détresse respiratoire, douleurs abdominales,
amnésie transitoire, flush.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
Il convient avant tout de s’assurer de la réalité de la thrombopénie : exclusion
d’une pseudo-thrombopénie par thromboagglutination sur EDTA, vérification
Thrombopénie induite par l’héparine 367
Tests fonctionnels
Ils détectent l’existence d’un facteur plasmatique ADP, dépendant de l’hépa-
rine. Deux techniques sont couramment utilisées : la technique
agrégométrique de bonne spécificité et le test de libération de la sérotonine
radiomarquée, considéré comme le test de référence.
Test immunologique
Il s’agit d’un test Elisa pour mettre en évidence et quantifier les anticorps anti-
F4P/héparine. Il permet d’identifier les trois isotypes G, A, M des immunoglo-
bulines. Dix à 30 % des patients (notamment en chirurgie cardiaque ou dans
diverses situations cliniques, grossesse, syndrome des antiphospholipides
[SAPL]) présentent de tels anticorps sans authentique TIH. La spécificité d’un
test positif n’est donc élevée que dans un contexte clinique évocateur de TIH
et la recherche de ces anticorps n’est pas recommandée en routine en dehors
d’une telle situation.
Une méthode de dépistage rapide par immunodiffusion en gel permet une
recherche rapide des anticorps anti-F4P/héparine.
En pratique, plusieurs critères s’associent pour concourir à l’établissement du
diagnostic de TIH, ce qui impose une analyse critique de l’ensemble du
dossier. À partir de ces critères, un score clinicobiologique d’imputabilité
diagnostique a été récemment proposé par Warkentin, appelé score des
« 4T » : Thrombopénie (degré), Timing (c’est-à-dire la chronologie), Throm-
boses et Thrombopénie liée à une autre cause (tableau 11.I). Certaines équipes
considèrent que dans les cas où le score de 4T indique une faible probabilité et
où le test de dépistage rapide en gel est négatif, l’interruption de l’héparine
n’est pas justifiée.
TRAITEMENT
Traitement préventif
La prévention primaire des TIH de type II consisterait à limiter les indications
de l’héparinothérapie non fractionnée avec une utilisation élargie des HBPM.
Le traitement par l’héparine doit être le plus court possible avec un relais
précoce par les antivitamines K (AVK). Néanmoins, toutes les situations clini-
ques n’autorisent pas un raccourcissement du traitement héparinique à moins
de 5 jours (femmes enceintes porteuses de prothèses valvulaires, difficultés à
obtenir un INR dans la zone thérapeutique par exemple). La seule option reste
368 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Le score est calculé en totalisant les points 0, 1 ou 2 pour chacune des quatre catégories
indiquées dans le tableau. Le maximum possible est donc 8.
Thrombopénie induite par l’héparine 369
Traitement curatif
Le traitement d’une TIH nécessite souvent une approche multidisciplinaire au
sein d’une équipe spécialisée (tableau 11.II).
Situations particulières
Les circonstances chirurgicales particulières (circulation extracorporelle,
pontages) sont de plus en plus confrontées au problème du choix de l’anti-
thrombotique de substitution pour des patients suspects ou aux antécédents
confirmés de TIH. Il est important de se référer aux recommandations récem-
ment publiées (consensus SFAR/GEHT).
Les problèmes inhérents à la surveillance biologique du risque hémorragique
potentiel et à la nécessité d’une standardisation des protocoles constituent une
préoccupation des services spécialisés et des groupes experts. La proposition
de conduites pratiques validées par ces groupes de travail devrait faciliter et
homogénéiser la prise en charge de ces patients particuliers à haut risque
thrombotique et/ou hémorragique.
L’appoint des antiagrégants plaquettaires a été proposé (iloprost avec l’Ilomé-
dine, analogue synthétique de la PGI2, anti-GPIIb/IIIa tel que le tirofiban).
Les TIH sont des complications rares mais potentiellement sévères de tout
traitement héparinique. L’intérêt du diagnostic biologique est évident
pour l’épidémiologie et la pharmacovigilance de ces accidents, et pour
définir la stratégie thérapeutique la plus appropriée. Cet intérêt est accru
en raison de l’absence de critère clinique diagnostique de certitude. Il
faudra toujours congeler un aliquot de plasma ou de sérum pour
permettre le diagnostic même rétrospectif afin d’établir une déclaration à
la pharmacovigilance et un certificat attestant de cette allergie condition-
nant l’avenir de la stratégie anticoagulante éventuelle chez le patient. Les
progrès dans la thérapeutique des TIH symptomatiques sont indiscutables
avec une simplification des indications thérapeutiques mais ils demandent
encore à être mieux évalués.
Il est important de prendre en compte les recommandations de l’ACCP
(American College of Chest Physicians) parues en juin 2008.
BIBLIOGRAPHIE
Marc SAMAMA
ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
Le bilan biologique ne doit plus être systématique. Le temps est révolu où le
patient venait à la consultation d’anesthésie avec des résultats d’examens
systématiques, demandés par le chirurgien. L’accent doit donc être mis priori-
tairement sur l’interrogatoire. Celui-ci doit s’efforcer d’être le plus détaillé
possible :
– antécédents hémorragiques personnels et familiaux du patient;
– notion de saignements spontanés ou provoqués;
– hospitalisation ou transfusion antérieure;
– traitement par anticoagulants oraux (antivitamines K [AVK]), héparine,
aspirine, ticlopidine, clopidogrel, AINS.
Les questions doivent être répétées sous différentes formes, en tentant
d’éliminer des interrogations passe-partout qui ne sont pas informatives. Les
questions inutiles si elles sont isolées (réponses généralement affirmatives, et
inutilisables) sont les suivantes :
– « Avez-vous déjà saigné après une avulsion dentaire? »;
– « Saignez-vous en vous brossant les dents? »;
– « Développez-vous facilement des bleus après un choc? »;
– « Votre accouchement s’est-il compliqué d’un saignement? »;
– « Prenez-vous de l’aspirine, des anti-inflammatoires? ».
374 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
TRAITEMENTS ANTIAGRÉGANTS
ET ANTICOAGULANTS
Patients traités par antiagrégants plaquettaires
Le médecin généraliste ne doit plus interrompre systématiquement un traite-
ment antiplaquettaire avant une intervention comme cela s’est fait pendant des
Conduites pratiques : hémorragies et thromboses en anesthésiologie 375
PRÉVENTION DE LA MTEV
La prévention de la MTEV occupe une place majeure durant la période pério-
pératoire au même titre que l’antibiothérapie ou l’analgésie. Si la morbidité
périopératoire en rapport avec la survenue d’une embolie pulmoanire ou d’une
TVP a bien diminué, c’est parce que la prophylaxie a réalisé de réels progrès
avec la généralisation de l’utilisation des HBPM et le développement des bas
de contention et que, globalement, les techniques chirurgicales et anesthési-
ques ont également beaucoup évolué. Les durées d’intervention ont diminué,
les complications postopératoires sont plus rares et mieux gérées, les patients
saignent beaucoup moins. Néanmoins, le problème persiste et la prophylaxie,
mécanique et/ou pharmacologique est la règle.
La détection des TVP postopératoires obéit à un certain nombre de règles très
standardisées. La clinique, longtemps délaissée retrouve peu à peu ses lettres
de noblesse. La phlébographie demeure le gold standard mais n’est plus prati-
quée qu’exceptionnellement par quelques rares équipes. L’écho Doppler est à
présent accepté comme mode de dépistage non invasif par les instances inter-
nationales bien que sa sensibilité soit mauvaise en chirurgie (62 %) chez les
patients asymptomatiques.
Deux types de risque doivent être pris en compte : le risque propre du patient
et le risque chirurgical (ou risque thromboembolique induit par l’interven-
tion). Ce dernier vient théoriquement en première position. Une abondante
littérature permet d’évaluer précisément la fréquence des TVP postopératoires
dans un grand nombre de situations chirurgicales. Le risque est de trois types :
faible, intermédiaire ou élevé. En termes de thromboses phlébographiques, en
l’absence de prophylaxie, il correspond grossièrement à un taux < 10 % pour
le risque faible, compris entre 10 et 40 % pour le risque intermédiaire et
> 40 % pour le risque élevé. Il est complété par le risque propre du patient
également réparti sur trois niveaux. La conférence de consensus de l’AP-HP
avait individualisé trois facteurs indépendants induisant un surcroît de risque :
l’âge, l’obésité et le cancer. D’autres facteurs existent (tableau 12.I), de la
prise de contraceptifs oraux à l’alitement, en passant par l’existence d’un
sepsis ou d’antécédents thromboemboliques. La combinaison du risque
chirurgical et du risque patient aboutit au risque global faible, intermédiaire ou
élevé (tableau 12.II).
En s’appuyant à la fois sur les consensus et sur la littérature, l’AP-HP a émis
et édité des Recommandations pour la pratique clinique sous forme de fiches
qui tentent d’aboutir à des propositions thérapeutiques à partir de chaque
niveau de risque. En résumé, l’attitude thérapeutique proposée varie avec le
niveau de risque global, allant de l’absence de traitement médicamenteux
jusqu’aux traitements combinant une HBPM (dose risque élevé) avec les bas
380 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
CONCLUSION
Si c’est bien l’équipe d’anesthésie qui gère médicalement les patients qui
doivent se faire opérer depuis la première consultation jusqu’à leur sortie de
l’hôpital, il est clair que le médecin traitant doit se tenir informé des pratiques
et techniques périopératoires ainsi que des problèmes les plus souvent rencon-
trés dans le domaine de la thrombose et de l’hémostase, afin d’optimiser la
prise en charge de son patient.
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est une pathologie très
fréquente chez le sujet âgé de plus de 75 ans et concerne donc un nombre
croissant de patients. Chez un patient âgé, le premier écueil est d’ordre
diagnostique. Ensuite, la prise en charge thérapeutique présente différentes
particularités, qui tiennent à l’état de fragilité du patient âgé. Avant d’initier
tout traitement antithrombotique, qu’il soit à visée prophylactique ou curative,
la balance bénéfices/risques doit être évaluée au cas par cas puis réévaluée très
régulièrement. Dans cette tranche âgée de la population, les comorbidités
fréquentes, les pathologies intercurrentes aiguës et les médicaments associés
compliquent le maniement des antithrombotiques. Pour autant, un patient âgé
ne saurait être privé du bénéfice démontré d’une thérapeutique antithrombo-
tique au seul motif qu’il est âgé.
Dans la population générale, l’incidence de la MTEV augmente avec l’âge,
l’incidence annuelle de la thrombose veineuse profonde (TVP) passe de
1,8 ‰ dans la tranche 65-69 ans à 3,1 ‰ dans la tranche 85-89 ans, celle de
l’embolie pulmonaire (EP) de 1,3 à 2,8 ‰ pour les mêmes tranches d’âge.
La prévalence de la TVP devient très élevée dès lors qu’il s’agit de patients
hospitalisés : un écho Doppler des membres inférieurs réalisé de manière
systématique à l’entrée d’un service de médecine interne chez des patients
sans symptôme de MTEV a permis d’évaluer la prévalence de la TVP à 4 %
chez les 70-80 ans et à environ 18 % au-delà de 80 ans. Au décours d’une
hospitalisation pour une affection médicale aiguë, en l’absence de prophylaxie
antithrombotique, une phlébographie réalisée au 14e jour montre que l’inci-
dence de la MTEV augmente considérablement avec l’âge : de 6,4 % pour les
60-69 ans à plus de 18 % au-delà de 70 ans.
384 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
décroît avec l’âge : la concentration des D-Di est supérieure au seuil dès lors
qu’il existe un syndrome inflammatoire, une néoplasie, une infection, situa-
tions fréquentes chez le patient âgé. Aussi, en cas de suspicion de MTEV chez
un patient âgé, le diagnostic sera exclu chez moins de 10 % d’entre eux,
seulement : cet examen ne sera prescrit qu’aux patients âgés dépourvus de
toute comorbidité.
Fréquemment, le patient âgé se présente d’emblée avec la complication de la
TVP qu’est l’EP. Devant toute suspicion clinique d’EP, et étant donné les
nombreux diagnostics différentiels possibles (insuffisance cardiaque, infection
pulmonaire par exemple), deux examens peuvent être réalisés en première
intention :
– la scintigraphie de ventilation/perfusion à laquelle peut être préférée
l’angioscannographie spiralée. En effet, la spécificité de la scintigraphie est
limitée en gériatrie, du fait de l’existence fréquente d’antécédents pulmonaires
chez le patient (pneumopathies, EP anciennes par exemple) : en pratique, la scin-
tigraphie est peu contributive quand la radiographie de thorax n’est pas normale;
– l’angiographie pulmonaire reste l’examen de référence pour un diagnostic de
certitude, mais elle demeure un examen très invasif, peu accessible en pratique
aux patients très âgés. L’injection de produits de contraste peut être probléma-
tique du fait de la fréquence d’une insuffisance rénale dans cette population.
PROPHYLAXIE DE LA MTEV
CHEZ LES PATIENTS GÉRIATRIQUES
En milieu chirurgical, la prise en charge du patient âgé ne diffère pas notable-
ment de celle du patient plus jeune, un âge > 40 ans étant déjà considéré
comme un facteur de risque à prendre en compte.
En milieu médical, les situations à risque de MTEV et les stratégies prophylacti-
ques qui en découlent sont moins clairement définies. Parmi les héparines de bas
poids moléculaire (HBPM), l’énoxaparine (40 mg/24 h) et la daltéparine
(5 000 UI/24 h) disposent d’une AMM pour prévenir la MTEV chez des patients
présentant une affection médicale aiguë pour une durée maximale de 14 jours.
Plus le patient avance en âge (surtout après 70 ans), plus ce schéma thérapeutique
est efficace en termes de réduction de l’incidence de la MTEV. Rappelons que les
HBPM sont déconseillées à dose prophylactique, mais non contre-indiquées en
cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min; l’héparine calcique peut alors être
utilisée. Le fondaparinux, administré en sous-cutané à la dose de 2,5 mg/24 h a
également obtenu une AMM dans cette indication; il est, lui, contre-indiqué en
cas de clairance de la créatinine < 20 ml/min.
Pour ces traitements à visée prophylactique, aucune surveillance de l’activité
anti-Xa n’est requise dans les schémas actuellement proposés sauf éventuelle-
ment en cas d’accident hémorragique.
Les différents facteurs de risque de MTEV doivent être évalués régulièrement
afin d’optimiser la durée de la prophylaxie en milieu médical. En effet,
plusieurs enquêtes menées en France font apparaître une surprescription des
dérivés hépariniques à dose prophylactique, avec des durées de traitement très
prolongées. La grabatisation d’un patient âgé en l’absence d’affection médi-
cale aiguë ne justifie pas à elle seule la prescription d’héparine. À l’inverse,
des patients qui nécessiteraient une prophylaxie lors d’épisodes aigus n’en
bénéficient pas. Enfin, n’oublions pas la place essentielle de la contention dans
la prophylaxie de la MTEV, volontiers assurée à l’aide de bandes en gériatrie.
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142.
14 THROMBOSES
ARTÉRIELLES
ET VEINEUSES ASSOCIÉES
À L’AUTO-IMMUNITÉ
Physiopathologie
Plusieurs hypothèses sont actuellement proposées pour rendre compte des
mécanismes moléculaires et cellulaires par lesquels les APL favorisent la
thrombose in vivo :
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 391
Épidémiologie
Les APL (ACL et ACC de type lupique) sont retrouvés chez 1 à 5 % des sujets
jeunes sains. La présence d’APL sans syndrome clinique d’hypercoagulabilité
est retrouvée dans de nombreuses situations cliniques : infection, néoplasie,
traitements médicamenteux, hémodialyse, grossesse. Ces anticorps sont habi-
tuellement des IgM, présents à des taux faibles et sans manifestation
thrombotique associée. Certains patients sont par ailleurs porteurs d’APL à
taux élevés sans conséquence clinique. Une question de première importance
est celle de l’identification des patients porteurs d’antiphospholipides à risque
de développer un événement thrombotique. Plusieurs facteurs de risque ont
été isolés : présence d’anticoagulant de type lupique plutôt que d’autres auto-
anticorps, taux élevé d’ACL. Néanmoins, aucun de ces facteurs de risque n’est
suffisamment prédictif d’un événement thrombotique pour justifier un traite-
ment en prophylaxie primaire.
BIBLIOGRAPHIE
MALADIE DE BEHÇET
Maladie systémique d’étiologie inconnue, la maladie de Behçet est caracté-
risée cliniquement par l’association d’une aphtose bipolaire (orale et génitale),
d’uvéite et de lésions cutanées inflammatoires évoluant par poussées. Les
manifestations digestives, neurologiques et macrovasculaires restent moins
fréquentes mais engagent parfois le pronostic vital.
Épidémiologie
La distribution géographique de la maladie de Behçet s’opère autour de
l’ancienne route de la soie qui s’étendait de l’Asie extrême orientale au bassin
méditerranéen. Les prévalences de 80 à 370 cas pour 100 000 habitants sont
maximales en Turquie, avec une prédominance féminine au Japon et en Corée,
à la différence des pays du Moyen-Orient où les hommes sont plus souvent
atteints. Le pic d’incidence de la maladie se situe autour de la 3e décennie.
Physiopathologie
L’association de facteurs génétiques prédisposants (HLA B51) à des facteurs
environnementaux (infectieux) semble impliquée dans le développement de la
maladie de Behçet. Dans les zones de forte prévalence, la présence de l’allèle
HLA B51 est fortement associée au développement de la maladie (risque
relatif estimé à 6,7 au Japon par rapport au sujet non B51) et à la sévérité de la
maladie (atteinte neurorétinienne). De nombreux agents pathogènes ont été
incriminés dans le développement de la maladie de Behçet, via des antigènes
ubiquitaires (protéines de choc thermique en particulier) engendrant une réac-
tivité croisée vis-à-vis du soi.
Trois constantes caractérisent la maladie de Behçet au plan physio-
pathologique :
– expansion clonale de lymphocytes T autoréactifs vis-à-vis de peptides
dérivés de protéines de choc thermique (heat shock protein ou HSP 60) avec
production de cytokines chémotactiques et d’effecteurs cytotoxiques;
– présence de polynucléaires neutrophiles hyperactivés (en partie recrutés par
les chémokines sécrétées par les lymphocytes autoréactifs) au sein des lésions
actives (dont celles induites par le test pathergique [pathergy test]), responsa-
bles de lésions tissulaires par production accrue de radicaux oxygénés et
d’enzymes lysosomiales;
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 395
Diagnostic
Le diagnostic de maladie de Behçet repose sur un faisceau d’arguments clini-
ques, regroupés dans les critères internationaux proposés en 1990
(tableau 14.III).
Principes thérapeutiques
Les principes thérapeutiques sont les suivants :
– atteinte systémique digestive et neurologique : urgence thérapeutique, corti-
cothérapie par voie systémique, associée dans un second temps à des
immunosuppresseurs de type cyclophosphamide ou azathioprine;
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 397
BIBLIOGRAPHIE
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VASCULARITES SYSTÉMIQUES
Définition et classification
On peut définir les vascularites d’un point de vue anatomopathologique
comme un ensemble de maladies qui comportent toutes une atteinte inflamma-
toire de la paroi vasculaire, indépendamment du calibre des vaisseaux touchés
et des mécanismes pathogéniques responsables. Certaines vascularites sont
dites nécrosantes, c’est-à-dire que la media de l’artère est le siège d’une
nécrose fibrinoïde, qui s’accompagne généralement d’une inflammation de
l’endothélium et d’une réaction inflammatoire adventitielle avec infiltrat cellu-
laire. D’autres vascularites ne sont pas nécrosantes et sont caractérisées par
des infiltrats de cellules géantes et par une destruction plus ou moins étendue
de la limitante élastique. Enfin, d’autres vascularites se caractérisent par une
leucocytoclasie, sans nécrose fibrinoïde ni infiltrat gigantocellulaire.
398 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Physiopathologie
Vascularites secondaires
L’existence dans la plupart des formes secondaires de vascularite, de dépôts
vasculaires d’immunoglobulines et de complément rend vraisemblable le rôle
pathogène d’un dépôt de complexes immuns avec activation immunitaire
secondaire, notamment via la voie du complément.
Vascularites primitives
Les dépôts de complexes immuns sont rarement retrouvés dans les parois
vasculaires. L’approche physiopathologique de ce type d’angéite repose sur le
modèle des anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutro-
philes (ANCA) au cours des vascularites des vaisseaux de petit calibre. Les
données cliniques et expérimentales sous-tendent l’hypothèse que les ANCA
joueraient un rôle amplificateur de l’activation des polynucléaires neutrophiles
préactivés. L’élément initial, activant les polynucléaires neutrophiles, n’est pas
défini. Il pourrait s’agir d’une infection, d’une réaction inflammatoire, d’une
activation endothéliale ou de toute autre situation pouvant entraîner le recrute-
ment et l’activation des neutrophiles. Cet événement initial pourrait favoriser
la présentation des autoantigènes ANCA au système immunitaire. Une
réponse auto-immune contre les antigènes cibles des ANCA pourrait alors se
développer sur certains sujets, selon le répertoire et l’état d’activation de leur
Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 399
Principes thérapeutiques
Vascularite secondaire
Traitement de la cause (éradication d’un foyer infectieux, thérapie antivirale
notamment anti-VHC, arrêt d’un médicament notamment), associé à un traite-
ment symptomatique anti-inflammatoire de courte durée (corticothérapie orale
voire thérapeutique immunosuppressive).
BIBLIOGRAPHIE
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Thromboses artérielles et veineuses associées à l’auto-immunité 401
MICROANGIOPATHIE THROMBOTIQUE
Définition
La microangiopathie thrombotique (MAT) désigne une lésion de l’endothé-
lium, des artérioles et des capillaires entraînant la formation d’agrégats
plaquettaires et de thrombose. Cette lésion est commune à deux syndromes
cliniques qui associent thrombopénie et anémie hémolytique, mais que
certaines nuances, conséquences de la distribution particulière des lésions de
la microcirculation, permettent de distinguer :
– le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) (isolé en 1925 par
Moschcowitz) survient le plus souvent chez l’adulte, comporte fièvre,
purpura, atteinte neurologique prédominante, anomalies rénales plus rares
(environ dans la moitié des cas);
– le syndrome hémolytique et urémique (SHU) survient plus souvent chez le
jeune enfant et comporte toujours une atteinte rénale, l’atteinte neurologique
ne survenant que chez 1/3 des malades.
Physiopathologie
Plusieurs mécanismes sont actuellement proposés :
– déficit en protéase clivant le facteur Willebrand (VWF). Synthétisé par les
cellules endothéliales, ce dernier est une glycoprotéine qui circule dans le
plasma sous forme de multimères de taille très variable. Certains de ces multi-
mères sont anormalement volumineux et peuvent se fixer aux plaquettes
activées, provoquant une agrégation plaquettaire. Chez le sujet sain, ces multi-
mères de grande taille sont rapidement dégradés dans la circulation par une
protéase spécifique. Chez les malades atteints de PTT, il existe une accumula-
tion dans le sérum de multimères de grande taille et de thrombi plaquettaires
liée à une absence (formes familiales) ou une diminution (formes acquises) de
l’activité de la protéase spécifique. Dans la plupart des formes acquises, un
inhibiteur de type IgG de la protéase est isolé. Ce déficit semble surtout docu-
menté chez les sujets atteints de PTT;
– lésions endothéliales de mécanismes divers : l’activation plaquettaire peut
être une réponse à la lésion des cellules endothéliales, elle-même induite par
un médicament (mitomycine C, ciclosporine) ou un agent infectieux (véro-
toxine des souches E. coli O157 : H7);
– l’atteinte de la cellule endothéliale entraîne un rétrécissement de la lumière
vasculaire qui augmente les résistances et donc les forces de cisaillement qui
altèrent la fonction et le métabolisme du VWF. Les fragments anormaux se
lient alors aux plaquettes activées et contribuent à l’agrégation plaquettaire et
à la formation de thrombi. Ces forces de cisaillement modifient également la
synthèse et la libération endothéliale de NO, qui à son tour induit le relargage
de cytokines pro-inflammatoires (TNFα et interleukine 1);
– présence d’un inhibiteur de l’activateur du plasminogène : documenté chez
les enfants atteints de SHU post-diarrhéique, avec amélioration de la fonction
rénale après normalisation du taux de l’inhibiteur;
402 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Considérations étiologiques
De nombreuses causes de MAT ont été décrites : diarrhée à E. coli respon-
sable de la grande majorité de SHU de l’enfant, infection par le VIH;
métastases d’adénocarcinomes mucosécrétants gastriques, plus rarement
mammaires, pulmonaires ou prostatiques; chimiothérapie par mitomycine C,
bléomycine-cisplatine où l’agression directe toxique des cellules endothéliales
est considérée comme l’événement initial; toxicité microvasculaire de la
ciclosporine et du tacrolimus fréquemment utilisés en transplantation; gros-
sesse et post-partum par exemple. Certaines causes de microangiopathie
semblent être liées de manière un peu plus forte à des manifestations d’auto-
immunité : SAPL (voir p. 390), crise rénale aiguë sclérodermique, formes
familiales dues à un déficit quantitatif ou fonctionnel en facteur H.
Principes thérapeutiques
Outre le traitement symptomatique (mise au repos du tube digestif, contrôle
hydroélectrolytique des sujets anuriques, dialyse par exemple), les antiagré-
gants plaquettaires, associés aux perfusions de plasma frais et surtout aux
échanges plasmatiques, constituent actuellement le traitement des MAT de
l’adulte. Le procédé stoppe la consommation de plaquettes (soustraction de
multimères accumulés ainsi que d’autoanticorps pathogènes et apport de
facteurs déficitaires). Les échanges plasmatiques sont réalisés à un rythme
quotidien jusqu’à guérison biologique (normalisation plaquettaire, contrôle de
l’hémolyse). Les échanges plasmatiques peuvent être ensuite progressivement
espacés puis arrêtés. Les rechutes survenant plusieurs mois, voire plusieurs
années après le premier épisode répondent correctement à la reprise
d’échanges plasmatiques. En cas de résistance secondaire à des échanges bien
menés, un traitement par IgIV ou splénectomie peut être proposé.
BIBLIOGRAPHIE
Sami GUERMAZI
INTRODUCTION
Certaines pathologies, en particulier auto-immunes, peuvent se compliquer de
manifestations thrombotiques ou hémorragiques en rapport avec la présence
d’autoanticorps agissant sur l’hémostase (tableau 15.I) :
– les autoanticorps dirigés contre une phase de la coagulation, essentiellement
les anticorps antiphospholipides (APL); ils sont associés à la survenue de
thromboses et d’avortements à répétition;
– les autoanticorps dirigés contre un facteur de la coagulation (exemple : anti-
VIII) qui peuvent donner lieu à des manifestations hémorragiques. Les throm-
bopénies d’origine auto-immune ne seront pas traitées dans ce chapitre.
GÉNÉRALITÉS
Les APL constituent une famille très hétérogène d’autoanticorps parmi
lesquels les lupus anticoagulants (LA) et les anticorps anticardiolipine (ACL).
Isolés ou en association, ces derniers constituent actuellement des critères
biologiques essentiels de définition du syndrome des antiphospholipides
(SAPL) qu’il soit primitif ou secondaire à un lupus érythémateux disséminé
(LED). Les APL, qui possèdent une activité inhibitrice sur la coagulation in
vitro, sont appelés LA ou anticoagulant circulant (ACC) de type lupique car ils
ont été rapportés initialement au cours du LED. Les APL sont le plus souvent
des IgG, parfois des IgM, rarement des IgA, dirigés contre des complexes
phospholipides-cofacteurs protéiques. Les cofacteurs protéiques sont princi-
palement la β2-glycoprotéine I (β2GPI) et la prothrombine. Les protéines C
(PC) ou S (PS), l’annexine V, la thrombomoduline, le kininogène de haut poids
moléculaire (KHPM) seraient aussi des cofacteurs protéiques.
Tableau 15.I. Caractéristiques cliniques et biologiques des autoanticorps interférant sur l’hémostase
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
Le dépistage des APL doit associer deux approches méthodologiques
différentes : les méthodes de coagulation pour le dépistage des LA et les
méthodes immunologiques qui permettent la détection d’APL, d’ACL ou
d’anticorps anti-β2GPI. Les anticorps détectés par les deux types de méthodes
représentent des entités distinctes et séparables et ne sont présents simultané-
ment que dans environ 60 % des cas. Il faut noter que deux déterminations
positives séparées par un délai minimum de 12 semaines sont nécessaires pour
le diagnostic d’un SAPL. Des ACC transitoires peuvent être observés notam-
ment après un épisode infectieux. De même, les ACL ou APL « vrais » c’est-à-
dire non dépendants de facteurs protéiques, peuvent être observés au cours de
diverses circonstances pathologiques (infections, cancers, sujet âgé, prise de
certains médicaments tels la chlorpromazine ou des antibiotiques par exemple).
Ils sont souvent de titre faible, transitoires et non associés à des thromboses.
Méthodes de coagulation
La stratégie diagnostique d’un LA comporte trois étapes :
– détection d’un allongement significatif du temps de coagulation du plasma testé
(M) par rapport au temps du plasma témoin normal (T) par des tests de dépistage
sensibles. Le temps de céphaline avec activateur (TCA), le plus couramment
utilisé, a une sensibilité très variable en fonction de la concentration et de la spéci-
ficité des phospholipides du réactif utilisé. L’indice de Rosner est calculé par la
formule : 100 × ([M + T] - T)/M, où [M + T] est le temps de coagulation d’un
mélange du plasma testé et du plasma témoin. Il est positif au-dessus de 13.
D’autres tests sont utilisés : le temps de kaolin, test à la thromboplastine
diluée, test au venin de vipère Russell, test à la textarine par exemple;
– les tests trouvés allongés sont effectués sur le mélange [M + T]. Cette
épreuve de correction (épreuve [M + T]) permet, en cas d’allongement,
d’affirmer qu’il y a bien un inhibiteur de la coagulation sans préjuger de sa
spécificité;
– la preuve que cet inhibiteur est dirigé contre des phospholipides est apportée
par des épreuves spécifiques : test de Triplett, test utilisant des phospholipides
en phase hexagonale, test à la thromboplastine diluée, test au venin de vipère
Russell par exemple.
Interférence des traitements anticoagulants :
– les AVK : le diagnostic de LA sera évoqué devant un temps [M + T] allongé
et confirmé par les tests spécifiques;
– l’héparine, en revanche, pose un sérieux problème d’interférence; il faut soit
la neutraliser in vitro soit attendre la fin de l’héparinothérapie.
Méthodes immunologiques
Le dosage immunoenzymatique des anticardiolipine de classe IgG est souvent
pratiqué en première intention. Certaines trousses commerciales utilisent un
Diagnostic biologique du syndrome des antiphospholipides 407
ATTITUDE PRATIQUE
On associera toujours en première intention la recherche de LA et d’ACL ou
APL de classe IgG et si possible IgM. Le dosage des IgG ± IgM anti-β2GPI
peut être réalisé d’emblée ou en seconde intention si les premiers tests sont
négatifs ou faiblement positifs. Pour un diagnostic de certitude tout test positif
doit être contrôlé 12 semaines plus tard, car certains anticorps sont transitoires
et non thrombogènes. Les aPE et les anti-prothrombine peuvent être recher-
chés si les tests précédents sont négatifs. L’isotype IgA de tous ces anticorps
ne fait pas, à ce jour, partie des critères biologiques validés de SAPL.
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16 RAPPELS
SUR LES PRINCIPAUX
AUTOANTICORPS
POUVANT ÊTRE
IMPLIQUÉS
DANS LES PATHOLOGIES
THROMBOTIQUES
ASSOCIÉES
À L’AUTO-IMMUNITÉ
Anne EBEL
Anti-Scl70 Polydermatomyosite
Anti-centromètre CREST (80 %)
Anti-JO1 Polydermatomyosite
Anti-Pm/Scl Sclérodermie, polymyosite
Sharp : syndrome de Sharp ou connectivite mixte, SSA/SSB : syndrome sec antigène A/B
INTERPRÉTATION
Si les AAN sont présents dans la plupart des connectivites, on peut les
retrouver dans beaucoup d’autres situations pathologiques et physiologiques :
– âge : 20 % des sujets de plus de 65 ans ont des AAN positifs;
– syndrome inflammatoire et infectieux (HIV, HCV, EBV, parvovirus B19);
– syndrome inflammatoire néoplasique;
– maladies auto-immunes spécifiques d’organe (hépatopathies auto-immunes,
thyroïdites par exemple);
– affections diverses : vascularites, colites inflammatoires, insuffisance rénale
par exemple;
– lupus médicamenteux : certains médicaments sont susceptibles d’induire un
lupus. Ce sont particulièrement : procaïnamide, hydralazine, D-pénicillamine,
antiépileptiques, isoniazide, bêtabloquants, chlorpromazine.
Les anticorps anti-histone, recherchés par Elisa, peuvent représenter un
marqueur intéressant de lupus médicamenteux.
Les AAN représentent une porte d’entrée pour le diagnostic des maladies
auto-immunes non spécifiques d’organe. Ce sont des marqueurs sensibles
mais peu spécifiques de ces maladies. Ces anticorps peuvent se rencontrer
dans de très nombreuses situations pathologiques, infectieuses, auto-
immunes ou néoplasiques, ou des situations physiologiques (sujets âgés).
L’interprétation des résultats nécessite donc une confrontation clinicobio-
logique très étroite.
VASCULARITES
Les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont
des autoanticorps qui peuvent être retrouvés dans les vascularites.
Les vascularites regroupent plusieurs maladies inflammatoires systémiques
dont la lésion élémentaire est une atteinte inflammatoire de la paroi vasculaire.
Elles sont classées en fonction du calibre des vaisseaux atteints. Elles peuvent
se compliquer secondairement de thromboses.
412 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Méthode de détection
Le dépistage de ces anticorps s’effectue par IFI, sur frottis de polynucléaires
humains. Après action de différents solvants (éthanol, formol et méthanol),
trois principaux aspects de fluorescence sont décrits :
– c-ANCA ou aspect cytoplasmique;
– p-ANCA ou aspect périnucléaire;
– p-ANCA atypiques ou X-ANCA ou NANA.
La spécificité des ANCA détectés en IFI doit être confirmée par technique
Elisa ou de dot blot. Différentes cibles antigéniques ont été décrites :
– protéinase 3 ou PR3;
– myéloperoxydase (MPO);
– bactericidal/permeability increasing protein (BPI);
– azurocidine;
– élastase;
– cathepsine G;
– lactoferrine.
Seuls les anticorps anti-PR3 et anti-MPO sont recherchés en pratique courante
pour le diagnostic des vascularites.
INTÉRÊT CLINIQUE
Les c-ANCA de spécificité PR3 sont retrouvés chez 75 à 80 % des patients
atteints de maladie de Wegener.
Les p-ANCA de spécificité MPO sont retrouvés chez 60 à 70 % des patients
atteints micropolyangéites et de maladie de Churg et Strauss.
Les ANCA atypiques sont retrouvés chez 70 % des patients atteints de recto-
colite hémorragique et 70 % des patients atteints de cholangite sclérosante
primitive.
Quelques pièges sont observés :
– 10 à 20 % des sérums p-ANCA ou c-ANCA positifs en IFI sont négatifs en
Elisa bien que la vascularite soit cliniquement établie;
– inversement, 5 % des sérums négatifs en IFI sont positifs en Elisa anti-MPO
et anti-PR3 ce qui justifie parfois de rechercher les anti-MPO ou anti-PR3
directement en Elisa si la clinique le justifie.
Les ANCA sont des marqueurs importants des vascularites mais leur interpré-
tation, tout comme celle des AAN nécessite une confrontation
clinicobiologique très étroite.
La figure 16.1 résume la démarche diagnostique de dépistage et la figure 16.2
la stratégie de détection des ANCA.
Rappels sur les principaux autoanticorps... 413
AAN
Typage ≥ 100e
Typage de la fluorescence
CREST Anti-ENA
Anti-DNA natifs Histone
(Lupus induit médicamenteux)
LED
3 aspects principaux
PR3 MPO
Pendant la grossesse :
– suspicion clinique de TVP ou EP : administration d’HBPM dans l’attente de la
confirmation du diagnostic.
– diagnostic : documenté par un moyen objectif : échographie-Doppler,
scintigraphie par exemple.
– dosage des D-Di généralement non informatif (taux augmente pendant la
grossesse)
– recherche de SAPL et de thrombophilie constitutionnelle : taux de PS
souvent abaissé pendant la grossesse, à contrôler à distance de
l’accouchement
– port d’une compression élastique;
– EP ou TV proximale :
- HNF par voie intraveineuse pendant 5 jours avec TCA deux à trois fois le
temps du témoin;
- puis HBPM par voie sous-cutanée : énoxaparine ou daltéparine à dose
curative 100 UI/kg deux fois par jour avec contrôle de l’activité anti-Xa : 0,5
à 1,0 UI/ml, 3 à 4 h après l’injection, ou tinzaparine une injection par jour
de 175 UI/kg;
- en cas de déficit en AT, l’administration de concentrés en AT peut être utile
à la phase aiguë en association avec l’héparine.
- poursuite du traitement par HBPM jusqu’à l’accouchement.
– TV surale :
- HBPM d’emblée, à dose curative pendant au moins 3 mois. Considérer
ensuite une éventuelle réduction des doses jusqu’à l’accouchement selon
l’évolution clinique et échographique.
- Contrôle de l’activité anti-Xa une fois par mois comme ci-dessus.
– Numération plaquettaire les quatre 1res semaines puis une fois par mois.
Accouchement :
– Analgésie péridurale possible si délai de plus de 24 h depuis la dernière
injection d’HBPM à dose curative.
– En cas de déficit en AT : injections de concentrés d’AT le jour et le lendemain
de l’accouchement (40 à 60 U/kg) à considérer.
– Reprise de la compression élastique et des injections d’HBPM environ 8 h
après l’accouchement, ou davantage s’il existe un risque de saignement.
Post-partum :
– Poursuite de l’HBPM ou passage aux AVK. Durée : au minimum 6 semaines
(durée totale du traitement d’au moins 6 mois).
– Allaitement possible sous HBPM ou warfarine (Coumadine).
AT : antithrombine, HBPM : héparines de bas poids moléculaire, PS : protéine S, SAPL :
syndrome des antiphospholipides
418 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
La surveillance des plaquettes est recommandée par l’Afssaps, deux fois par
semaine pendant les trois premières semaines, puis une fois par semaine
jusqu’à la fin du traitement sans qu’il n’y ait de mentions spéciales concernant
la grossesse. En pratique, après les trois premières semaines, la surveillance
est généralement réalisée une fois par mois. La mesure de l’activité anti-Xa
n’est pas nécessaire pour surveiller les traitements par HBPM en dehors de la
grossesse et elle est conseillée au cours des traitements à doses curatives chez
la femme enceinte. L’activité anti-Xa observée est comprise entre 0,5 et
1 UI anti-Xa/ml, 4 h environ après une injection lorsque la patiente reçoit
deux injections par jour. Elle peut varier avec l’HBPM utilisée (voir
chapitre 8). Après une période de 3 mois au moins en cas de thrombose surale,
la dose d’HBPM est parfois réduite empiriquement à une seule injection par
jour avec une activité anti-Xa comprise entre 0,2 et 0,6 UI/ml, lorsque l’évolu-
tion clinique et échographique est satisfaisante. Quelle que soit la nature de
l’héparine utilisée, une compression élastique adaptée est indispensable en cas
de TVP avant comme après l’accouchement.
Deux situations méritent d’être individualisées en raison d’une prise en charge
différente :
– en cas de thrombopénie ou d’allergie à l’HNF ou à une HBPM, un traite-
ment par le danaparoïde sodique (Orgaran) est possible pendant la grossesse;
– chez les femmes porteuses de déficit congénital en antithrombine (AT),
l’administration de concentrés (40 à 60 U/kg environ) est souvent conseillée à
la phase aiguë de la thrombose pendant les premiers jours de traitement par
l’héparine. Ce traitement par les concentrés d’AT est également conseillé
pendant les 2 à 3 jours suivant l’accouchement.
Pendant la grossesse
La compression élastique est généralement conseillée et obligatoire en cas
d’antécédents de TVP.
Concernant le traitement anticoagulant préventif, la majorité des recomman-
dations de l’ACCP sont de faible niveau d’évidence (grade 2C), que ce soit
pendant la grossesse ou le post-partum. La décision d’une prévention pendant
420 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Avant la grossesse
– Évaluer le risque veineux lié à la grossesse en fonction des antécédents
personnels et/ou de l’existence d’une thrombophilie familiale ou acquise.
– En cas d’antécédent personnel, rechercher une thrombophilie et réaliser
éventuellement une échographie-Doppler pour faire le point de l’état
veineux.
– En cas d’antécédent familial de thrombose avant 45 ans, rechercher une
thrombophilie familiale.
Pendant la grossesse
– Port d’une compression élastique.
– Surveillance clinique et/ou traitement anticoagulant préventif (dose, date
de début) à décider en fonction de l’existence d’antécédent personnel de
thrombose et/ou d’une thrombophilie. La survenue d’un facteur de risque
surajouté (un alitement par exemple) peut conduire à l’administration plus
précoce du traitement préventif ou à son intensification.
– Surveillance de la numération des plaquettes les 4 premières semaines puis
une fois par mois.
– Contrôle de l’activité anti-Xa 3 à 4 h après une injection (une seule fois).
Accouchement
– Analgésie péridurale possible si délai d’au moins 12 h après l’injection
d’HBPM à dose préventive.
– En cas de déficit en AT avec antécédent de thrombose avant la grossesse,
l’administration de concentrés en AT est conseillée (40 à 50 U/kg) le jour et
le lendemain de l’accouchement.
Post-partum
– Poursuite de l’HBPM ou passage aux AVK. Durée : 4 à 6 semaines.
– Allaitement possible sous HBPM ou warfarine (Coumadine).
HBPM 5 000 UI : daltéparine, 40 mg : énoxaparine, 4 500 UI : tinzaparine; MTEV : maladie thromboembolique veineuse; AVK : antivitamines K; ATCD : antécédent; FR : facteur de risque., AT : déficit en AT en
dehors du type HBS
422 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Pendant le post-partum
Le risque veineux étant plus élevé pendant la période du post-partum, il existe
un consensus concernant l’administration d’un traitement anticoagulant
préventif pendant au moins 4 à 6 semaines après l’accouchement chez les
femmes ayant des antécédents personnels de maladie thromboembolique
veineuse et/ou une thrombophilie héréditaire (grade 2C), et aussi après une
césarienne en urgence. L’allaitement est possible sous HBPM, HNF ou
Coumadine. En l’absence d’information ou l’existence d’information insuffi-
sante, le Préviscan, l’Arixtra, et à un moindre degré le Sintrom, sont
déconseillés.
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boembolism in obstetric patients. Am J Obstet Gynecol 2000; 182 : 1073-
1075.
18 FACTEURS DE RISQUE
DE THROMBOSE
CHEZ LA FEMME
Jacqueline CONARD
GROSSESSE
La grossesse est associée à une augmentation du risque de TV et l’EP reste
encore une cause importante de mortalité maternelle. Dans la population
générale, le risque est estimé à moins d’une thrombose pour 1 000 grossesses.
Le risque augmente si la mère a plus de 35 ans ou en cas de césarienne
(surtout réalisée en urgence), d’alitement, de prise de poids excessive, de
multiparité, d’hyperstimulation ovarienne sévère ou de thrombophilie
(tableau 18.I). L’existence d’une thrombose avant la grossesse est également
un facteur de risque de récidive lors d’une grossesse (voir chapitre 17).
CONTRACEPTION
Contraception œstroprogestative
Risque de TV
Le premier cas d’EP sous contraception orale (CO) a été rapporté en 1961.
Différentes études ont ensuite montré que le risque de TV était augmenté sous
CO (tableau 18.II). Il s’agit le plus souvent de TV des membres inférieurs ou
d’EP, parfois d’autres localisations : TV cérébrale par exemple.
Contraception progestative
Elle a été beaucoup moins étudiée que la contraception œstroprogestative. Le
risque de TV ne semble pas augmenté. Ainsi, l’acétate de chlormadinone
(Lutéran) n’augmente pas le risque de TV même chez des femmes à risque : il
en est ainsi dans une étude réalisée à l’Hôtel-Dieu chez 204 femmes à risque
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 429
Interrogatoire
* L’attitude vis-à-vis de la CO est la même mais l’existence d’une anomalie peut entraîner l’étude
familiale et permet la prévention des thromboses chez les sujets atteints.
430 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
TRAITEMENT DE LA MÉNOPAUSE
Le THS est prescrit essentiellement pour corriger les troubles fonctionnels liés
à la carence œstrogénique. L’effet cardioprotecteur suggéré par un certain
nombre d’études n’a pas été retrouvé dans les essais contrôlés randomisés
chez des femmes qui avaient en moyenne plus de 60 ans. Il existe même une
augmentation du risque coronarien la première année ainsi que du risque
d’accident cérébral. Par ailleurs, le THS est associé à une augmentation du
risque de cancer du sein et de maladie thromboembolique veineuse.
Le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause comprend généra-
lement un œstrogène qui n’est pas de l’EE mais des œstrogènes conjugués
équins ou de l’estradiol. L’œstrogène peut être administré par voie orale ou
par voie transdermique (patch ou gel). Il est associé à un progestatif pour
éviter le cancer de l’endomètre chez les femmes non hystérectomisées. Le
progestatif peut être de l’acétate de médroxyprogestérone ou plus souvent en
France, de l’acétate de chlormadinone (Lutéran), de la promégestone (Surges-
tone), de l’acétate de nomégestrol (Lutényl) par exemple, ou la progestérone
micronisée (Utrogestan).
Jusqu’en 1996, le risque veineux des THS avait été peu étudié et il ne semblait
pas important. Toutefois, des études biologiques avaient montré que les œstro-
gènes conjugués équins et l’estradiol par voie orale étaient associés à des
modifications de la coagulation voisines de celles observées avec les CO :
diminution de l’AT et de la PS en particulier, augmentation des F1 + 2.
À partir de 1996, des études cas-témoin et des études randomisées ont montré
une augmentation du risque veineux sous THS à base d’œstrogènes conjugués
équins associés à l’acétate de médroxyprogestérone et aussi d’estradiol par
voie orale (voir tableau 18.III). Le risque est plus élevé la première année du
traitement. L’étude cas-témoin française ESTHER montre que les œstrogènes
par voie non orale (patch, gel) n’entraînent pas d’augmentation significative
du risque de TV. Un risque de thrombose plus élevé serait associé aux proges-
tatifs norprégnanes, tandis que la progestérone micronisée n’augmente pas ce
risque.
Les modifications de la coagulation et de la fibrinolyse observées sous THS
avec un œstrogène par voie orale sont sensiblement les mêmes que celles
observées sous contraception œstroprogestative : effet procoagulant et profi-
brinolytique. Aucune modification significative n’est observée avec la voie
non orale (patch, gel).
Chez les patientes ayant des antécédents de TV ou la mutation FVL (et sans
doute aussi des autres thrombophilies), le risque de TV des THS contenant un
œstrogène par voie orale est augmenté.
Le risque lié aux œstrogènes par voie orale n’est pas augmenté chez les
femmes porteuses des mutations FV Leiden ou FII 20210A à l’état hétéro-
zygote mais n’a pas été évalué chez les femmes ayant des antécédents de
thrombose.
Le raloxifène (Evista), qui est un SERM (selective estrogen receptor modu-
lator), est aussi associé à une augmentation du risque de TV. Le risque de
Facteurs de risque de thrombose chez la femme 431
Interrogatoire
* L’attitude vis-à-vis du THS est la même mais l’existence d’une anomalie entraîne l’étude familiale
et permet la prévention des thromboses chez les sujets atteints.
Tamoxifène
Le tamoxifène bloque la liaison de l’œstrogène sur son récepteur. Cet antiœs-
trogène est utilisé dans le traitement des tumeurs du sein hormonosensibles.
Dès son introduction dans les années soixante-dix, il avait été suggéré qu’il
augmentait le risque de TV. Des études relativement récentes ont démontré
que ce médicament était effectivement associé à une augmentation du risque,
indépendamment de la présence de cancer et des chimiothérapies (risque de 1
à 2 % avec le tamoxifène seul, pouvant atteindre 10 % en association avec une
chimiothérapie). Il est possible mais non démontré que les femmes ayant une
thrombophilie aient un risque plus élevé. Cela pose la question d’un éventuel
traitement anticoagulant préventif par les antivitamines K (AVK) chez des
femmes ayant des antécédents personnels de TV.
432 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Inhibiteurs de l’aromatase
L’aromatase est une enzyme qui dépend du cytochrome P450. Elle convertit
les substrats androgéniques en œstrogènes. Chez la femme ménopausée, la
conversion des androgènes par l’aromatase est la seule source d’œstrogènes
endogènes. Des inhibiteurs de l’aromatase ont donc été proposés comme trai-
tement des cancers du sein. L’anastrozole (Arimidex) a une efficacité sur le
cancer équivalente à celle du tamoxifène mais le risque de TV est plus faible.
CONCLUSION
Un certain nombre de facteurs de risque de TV sont spécifiques à la femme et
leur connaissance permet d’instituer une prévention efficace. Les œstrogènes
sont souvent en cause. Il peut s’agir de l’administration d’œstrogène synthé-
tique, l’EE, en contraception ou d’œstrogènes conjugués équins chez la
femme ménopausée, mais aussi d’un œstrogène naturel, l’estradiol par voie
orale, dans le traitement de la ménopause, donc à un âge où normalement, le
taux d’estradiol est quasiment nul. L’augmentation brutale du taux d’estradiol
endogène au cours des hyperstimulations ovariennes, ou celle, plus progres-
sive, au cours de la grossesse, sont également associées à une augmentation du
risque veineux. En revanche, il n’a pas été démontré d’augmentation du risque
avec l’estradiol administré par voie extradigestive. L’augmentation de climat
œstrogénique observée avec les progestatifs de 3e génération et certains autres
administrés avec de l’EE pourrait expliquer l’augmentation de risque observée
avec ces progestatifs par rapport aux progestatifs de 2e génération. Il n’a pas
été démontré d’augmentation de risque avec les progestatifs seuls.
Les patientes ayant des anomalies congénitales prédisposant aux TV, des
thrombophilies, sont à risque plus élevé et présentent assez souvent des throm-
boses peu de temps après l’introduction des traitements. Leur détection est
donc importante et elle est en particulier justifiée chez les femmes ayant des
antécédents personnels ou familiaux de TV avant 50 ans.
BIBLIOGRAPHIE
Rémi FAVIER
PARTICULARITÉS QUANTITATIVES
DE L’HÉMOSTASE
Les variations quantitatives reflètent l’immaturité hépatique. Il est nécessaire
de connaître les valeurs de référence des facteurs de coagulation, établies en
fonction du terme et leur évolution avec l’âge.
Période fœtale
Plaquettes fœtales
Les plaquettes circulantes sont détectables dès la 15e semaine de vie. La
numération plaquettaire ne varie pas au cours des 2e et 3e trimestres de la gros-
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 435
Facteurs de la coagulation
Les protéines de la coagulation sont détectables dès la 10e semaine de vie
intra-utérine dans le sang fœtal. Le FT qui déclenche l’activation du FVII joue
un rôle majeur dans l’embryogenèse comme l’atteste le décès in utero par
hémorragies des embryons de souris homozygotes délétées pour le gène de ce
facteur.
Entre la 19e et la 29e semaine de vie fœtale, les facteurs vitamine K dépendants
(II, VII, IX, X) sont compris entre 10 et 30 %. Les facteurs contacts (XII, XI,
prékallicréine, kininogène de haut poids moléculaire [KHPM]), les FVIII, FV
et le fibrinogène sont bas : il en est de même des inhibiteurs de la coagulation.
La concentration de facteur Willebrand (VWF) dès la 20e semaine de gestation
est proche des valeurs adultes.
Entre la 30e et la 38e semaine, la plupart des facteurs de la coagulation
augmentent modérément (jusqu’à 30 %) alors que les taux des FV, FVII et
FVIII atteignent la moitié des valeurs de l’adulte. Le taux des inhibiteurs de la
coagulation reste proche de 20 % à l’exception de l’antithrombine (AT) dont
les taux sont de 35 à 40 %.
Facteurs de la fibrinolyse
Le système fibrinolytique est actif et il semble que le plasminogène fœtal est
facilement activable par l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) et
l’urokinase qui sont à des taux proches des valeurs adultes alors que leurs
inhibiteurs sont à des taux très bas (PAI1 et PAI2). Deux protéines qui inhibent
l’activation du plasminogène : l’HRGP et la lipoprotéine (a) sont à des taux
indétectables.
Facteurs de la coagulation
À la naissance, les facteurs VK dépendants (II, VII, IX, X) ont une valeur
comprise entre 30 et 50 %. Ils atteignent les valeurs adultes à l’âge de 6 mois.
Pour le FIX, cette correction est plus lente et n’est complète qu’entre 6 et
12 mois. En revanche, les taux des FI, FV, FVIII et du VWF sont voisins de
ceux de l’adulte, voire supérieurs.
Tableau 19.I. Valeurs de référence des tests et facteurs de la coagulation chez l’enfant (au-delà de 6 mois)
Tests de la coagulation et valeurs 9 mois 1-5 ans 6-10 ans 11-16 ans
de certains facteurs et inhibiteurs Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes) Moyenne (extrêmes)
TQ (s) 12,3 (10,0-14,6) 11 (10,6-11,4) 11,2 (10,2-12,0) 12 (11,0-14,0)
TCA (s) 39,5 (28,3-50,7) 30 (24-36) 32 (26-37) 33 (27-40)
FI (g/l) 2,46 (1,50-3,52) 2,76 (1,70-4,05) 3,0 (1,54-4,48) 2,78 (1,56-4,0)
FII (U/ml) 0,68 (0,30-1,06) 0,94 (0,71-1,16) 0,83 (0,61-1,04) 1,08 (0,70-1,46)
FV (U/ml) 0,99 (0,59-1,39) 1,03 (0,79-1,27) 0,77 (0,55-0,99) 1,06 (0,62-1,50)
FVII (U/ml) 0,87 (0,31-1,43) 0,82 (0,55-1,16) 0,83 (0,58-1,15) 1,05 (0,67-1,43)
FVIII (U/ml) 1,06 (0,58-1,88) 0,90 (0,59-1,42) 0,92 (0,53-1,31) 0,99 (0,50-1,49)
FIX (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,73 (0,47-1,04) 0,82 (0,59-1,22) 1,09 (0,55-1,63)
FX (U/ml) 0,67 (0,35-0,99) 0,88 (0,58-1,16) 0,79 (0,50-1,17) 1,05 (0,06-1,52)
FXI (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,97 (0,56-1,50) 0,74 (0,50-0,97) 0,97 (0,67-1,27)
FXII (U/ml) 0,61 (0,15-1,07) 0,93 (0,64-1,29) 0,81 (0,34-1,37) 1,08 (0,52-1,64)
PC (U/ml) 0,54 (0,28-0,80) 0,66 (0,40-0,92) 0,83 (0,55-1,11) 0,96 (0,64-1,28)
PS totale (U/ml) 0,86 (0,54-1,18) 0,86 (0,54-1,16) 0,72 (0,52-0,92) 0,81 (0,60-1,13)
AT (U/ml) 0,93 (0,73-1,21) 1,11 (0,82-1,39) 1,05 (0,77-1,32) 1,0 (0,74-1,26)
436 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 437
Facteurs de la fibrinolyse
Le système fibrinolytique néonatal est caractérisé par une faible concentration
en plasminogène. Le t-PA significativement augmenté à la naissance diminue
et reste ainsi jusqu’à 14 ans. Le PAI1 demeure élevé pendant toute l’enfance et
l’α2-AP est à un taux proche des valeurs adultes dès la naissance.
PARTICULARITÉS QUALITATIVES
DE L’HÉMOSTASE
L’aspect physiologique des systèmes concourant à une hémostase normale
reste mal connu. Tout au plus quelques particularités ont-elles été décrites,
dont certaines ne sont pas sans conséquence pour l’utilisation thérapeutique de
certains médicaments.
Hémostase primaire
Composante plaquettaire : on note une diminution de l’agrégation plaquettaire
chez le fœtus, prématuré, nouveau-né, variable suivant l’agoniste utilisé.
L’hypoagrégation est surtout nette en présence d’ADP et d’Adrénaline. Elle
est plus modérée en présence de collagène et normale en présence de throm-
bine et d’acide arachidonique.
Composante vasculaire : mal connue chez le nouveau-né, elle semble particu-
lière chez le prématuré dans la mesure où la production de PGI2 par les
cellules endothéliales serait augmentée, ce qui entraînerait une vasodilatation.
Système de coagulation
Il existerait une hypercoagulabilité globale à la naissance prouvée par des tests
in vitro (temps de prothrombine [TP], étude des marqueurs biochimiques
d’activation).
Le fibrinogène des 5 premiers jours de vie serait de type fœtal expliquant
l’allongement du temps de thrombine (TT), les anomalies de polymérisation
de la fibrine.
Dans le plasma de nouveau-né, la génération de thrombine est retardée et
diminuée de 50 % par rapport à celle d’un plasma d’adulte. Il est lié à la dimi-
nution de la quantité de FII.
Plus faible chez le nouveau-né (dû à la baisse d’AT), l’inhibition de la throm-
bine serait en partie contrebalancée par l’α2-macroglobuline qui forme les
complexes avec la thrombine, mais aussi l’héparine cofacteur II qui, lié à un
sulfate présent dans les premiers jours de vie, a une action AT aussi.
438 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Système de la fibrinolyse
À la naissance, les tests globaux d’exploration de la fibrinolyse sont
raccourcis, ils reflètent une disparition rapide de l’activité fibrinolytique circu-
lante. Par la suite, la génération de plasmine est plus lente, plus faible chez le
nouveau-né. Ce phénomène serait lié à la faible concentration en plasmino-
gène et à la concentration relativement plus importante en α2-AP.
En résumé, l’équilibre entre génération de thrombine (coagulation) et généra-
tion de plasmine est instable en période néonatale, ce qui explique la
fréquence des complications hémorragiques et thrombotiques à cette période.
PATHOLOGIE HÉMORRAGIQUE :
RÔLE DU LABORATOIRE
Thrombopénies isolées
Définies par un taux < 150 G/l, 0,8 à 4 % de nouveau-nés sains à terme, 22 %
d’enfants prématurés ou malades en seraient atteints. Elles sont détectées lors
d’une numération plaquettaire systématique ou dans un contexte hémorra-
gique. La prise en charge vise à réunir deux informations : trouver l’étiologie
de cette thrombopénie et évaluer son importance pour proposer si nécessaire
un traitement urgent. Les notions sur les antécédents maternels (thrombo-
pénie, splénectomie, prise médicamenteuse, troubles de la pression artérielle)
doivent être connues notamment en période néonatale. L’attitude est différente
s’il s’agit d’un nouveau-né à terme ou d’un enfant prématuré, dysmorphique
ou infecté. Les causes acquises sont les plus fréquentes : infections bacté-
riennes ou virales au premier plan, puis troubles de l’hématopoïèse et de la
mégacaryopoïèse (thrombopénies génétiques associées ou non à une anomalie
chromosomique) qu’il faut éliminer avant d’envisager une cause immunolo-
gique.
Les causes sont multiples, mais toute souffrance fœtale aiguë responsable
d’un état de choc et d’un déséquilibre acido-basique entraîne une stase
sanguine et une hypoxie avec libération de thromboplastine à partir de l’endo-
thélium vasculaire et du tissu lésé. Il en est de même lors de l’entérocolite
ulcéronécrosante du nourrisson qui s’accompagne de la libération de subs-
tances tissulaires procoagulantes.
Les complications obstétricales : placenta prævia, hématome rétroplacentaire,
toxémie gravidique, retard de croissance intra-utérin peuvent induire ce type
de complication biologique chez le nouveau-né. Chez l’enfant, les principales
causes de CIVD sont les infections, les leucémies, les tumeurs, les lésions
tissulaires étendues, les hémolyses.
Les principaux signes biologiques associent thrombopénie, taux abaissés de
fibrinogène, D-dimères (D-Di) augmentés, taux abaissés des facteurs régula-
teurs de la coagulation. Il faut savoir renouveler les examens car le profil
évolutif biologique ainsi que les dosages des FVIII et FV aideront à diagnosti-
quer les cas plus difficiles.
Hypovitaminose K
La maladie hémorragique du nouveau-né réalise l’état pathologique secon-
daire à une concentration faible en facteurs vitamine K dépendants due à une
carence en vitamine K, qu’elle soit secondaire à une carence d’apport ou à un
trouble de réabsorption (mucoviscidose). La vitamine K est peu abondante
dans le lait et une synthèse intestinale n’intervient qu’à la fin de la première
semaine de vie (voir chapitre 3). On distingue trois formes cliniques :
– au 1er jour de vie : carences précoces dues à la prise de traitements maternels
(antiépileptiques, barbituriques, antibiotiques). Hémorragies graves poten-
tielles ;
– à partir du 3e jour de vie : hémorragies digestives, hémorragies intracéré-
brales chez le prématuré, saignements à la chute du cordon;
– entre la 2e et la 12e semaine : formes des enfants nourris exclusivement au
sein et non supplémentés à la naissance.
Le diagnostic biologique est facile puisqu’il y aura une diminution isolée des
FII, FVII, FX alors que le fibrinogène et le FV sont normaux. Il peut être
confirmé par le dosage des précurseurs inactifs de ces facteurs (PIVKA).
L’emploi du PPSB est contre-indiqué chez le nourrisson du fait du risque de
thrombose induite.
PATHOLOGIE THROMBOTIQUE :
AIDE DU LABORATOIRE
L’incidence de thrombose chez l’enfant est bien moindre que chez l’adulte.
Dans son registre, le Groupe canadien donne une incidence de 5,3 pour 10 000
enfants hospitalisés contre 2,5 à 5 % d’adultes.
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette différence :
– le peu d’altération de l’endothélium de l’enfant même si les particularités
physiologiques de cet endothélium restent mal connues chez le nouveau-né;
– la diminution de génération de la thrombine qui n’est pas due à une inhibi-
tion renforcée de la thrombine puisque les taux des principaux inhibiteurs sont
bas à la naissance.
Il existe aussi une variation des principaux inhibiteurs au cours du développe-
ment de l’enfant.
C’est ainsi que la protéine C (PC) peut rester significativement abaissée
jusqu’à l’adolescence, ce qui peut poser des problèmes d’interprétation
notamment pour l’identification des déficits hétérozygotes.
La protéine S (PS) est sous forme libre en période néonatale et est abaissée par
la suite. Elle remonte jusqu’à l’âge de 4 mois. La PS totale antigénique
augmente les 10 premiers mois de vie. Un autre inhibiteur qui potentialise
l’action de l’AT est l’α2-macroglobuline, un inhibiteur dont le taux maximum
est à 6 mois de vie.
Particularités du diagnostic d’un syndrome hémorragique ou thrombotique... 443
La période néonatale
C’est une période à haut risque de thrombose puisque les enquêtes épidémio-
logiques avancent une incidence de 2,5/1 000 admissions en unités de soins
néonatalogiques.
Les nouveau-nés prématurés ou non, malades conjuguent le maximum de
risques puisque l’infection, la déshydratation, l’hypoxie périnatale, les antécé-
dents maternels de diabète, voire de lupus, s’ajoutent aux risques liés à
l’implantation d’une voie veineuse centrale (cathéters veineux ou artériel).
Les déficits homozygotes en PC et PS apparaissent les premiers jours de vie,
voire dans les premières heures après la naissance. La microcirculation est
touchée en premier et son atteinte est révélée par la présence d’un purpura
fulminans souvent associé à des signes biologiques de CIVD qui abaissent le
taux des inhibiteurs, ce qui retentit sur le rythme initial des transfusions de
plasmas ou des concentrés. De rares cas sans purpura sont possibles. Les
sièges de thrombose sont les membres inférieurs, les veines rénales, voire
cérébrales et les veines ophtalmiques responsables de cécité dont on peut
penser qu’elles peuvent survenir en anténatal.
Le dosage biologique des PC et PS détecte une activité très réduite avec des
taux < 1 %, mais l’interprétation peut être compliquée. Une enquête familiale
peut aider au diagnostic par la mise en incidence d’un déficit hétérozygote
chez les parents. Si l’anomalie moléculaire est identifiée, on pourra proposer
un diagnostic prénatal lors de grossesses ultérieures et donc lors d’antécédents
de purpura néonatal.
Les déficits homozygotes en AT sont probablement incompatibles avec la vie
pour les types I. La grande majorité des cas publiés sont des déficits de type II
HBS. La révélation néonatale de sujets homozygotes pour le facteur V Leiden
(FVL) ou la mutation G20210A du FII n’a été qu’exceptionnellement rapportée.
444 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Adolescents : de 11 à 18 ans
Avec les nouveau-nés, cette tranche d’âge représente le groupe le plus touché
par la thrombose. Des facteurs acquis : tabac, contraceptifs, anticorps anti-
phospholipides (APL) conjugués à une augmentation potentielle de la
génération de thrombine, une baisse du taux d’α2-macroglobulinémie pour-
raient expliquer ces résultats.
EN CONCLUSION
L’hémostase pédiatrique tient une place à part du fait de ses particularités liées
à sa physiologie, aux types de prélèvements et à l’existence de pathologies
spécifiques aux différentes catégories d’âge des enfants. Ces dernières années
ont vu un accroissement considérable des données disponibles pour l’explora-
tion radiologique des thromboses, la mise en route, l’utilisation, la
surveillance des traitements anticoagulants même si on se heurte toujours à la
difficulté d’obtenir des données issues de la comparaison de cohortes de
patients ou de mise en route d’essais prospectifs.
446 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
BIBLIOGRAPHIE
Pascal d’AZEMAR
STRATÉGIE ANTITHROMBOTIQUE
ET PRÉVENTION DU RISQUE
La meilleure façon de réduire l’incidence de l’AVC est évidemment la préven-
tion et d’abord la prévention primaire. Comme toujours dans le domaine
cardio-vasculaire, il existe des facteurs de risque modifiables et d’autres qui ne
le sont pas.
Les facteurs non modifiables sont :
– l’âge (l’incidence de l’AVC double tous les 10 ans au-delà de 55 ans);
– le sexe (l’AVC est plus fréquent chez l’homme que chez la femme);
– la race (les noirs sont plus fréquemment atteints);
– les antécédents familiaux d’AVC ou d’accident ischémique transitoire.
Les facteurs de risques modifiables – avec plus ou moins de difficultés –
comprennent l’hypertension artérielle (HTA) (facteur de risque tant pour les
AVC ischémiques que pour les accidents hémorragiques et les lacunes céré-
brales), qui multiplie le risque d’AVC par 7, le diabète, les dyslipidémies, le
tabagisme (alcool plus tabac), la fibrillation auriculaire. D’autres facteurs de
risque sont moins bien documentés comme l’obésité et le syndrome métabo-
lique, la sédentarité, l’alcoolisme, la thrombophilie constitutionnelle et la
contraception orale œstroprogestative, et la migraine.
Le diagnostic d’AVC repose essentiellement sur l’histoire clinique : survenue
brutale ou rapidement progressive d’un déficit neurologique localisé (infarctus
carotidiens ou infarctus vertébro-basilaires selon la topographie vasculaire).
L’examen neurologique et l’imagerie médicale précoce (scanner cérébral et
surtout IRM), confirment en général le diagnostic. Il sera essentiel d’exclure
d’autres diagnostics dont l’aspect clinique peut simuler un AVC comme
l’hypoglycémie, la migraine ou la période postcritique d’une crise comitiale.
L’imagerie pourra aider à préciser le statut des artères en cause (sténose,
occlusion, recanalisation par exemple), et d’autres examens complémentaires
(ECG avec Holter éventuel, échocardiographie, tension artérielle, biologie
avec un bilan complet de coagulation, etc.) pourront aider à préciser l’étio-
logie, permettant de poser les bases du traitement le mieux adapté.
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 449
CLASSIFICATION DE L’AVC
La classification suivante des AVC ischémiques est souvent utilisée :
– AVC des gros vaisseaux ou des artères pénétrantes, d’origine athéromateuse,
c’est l’occlusion ou le rétrécissement (plus de 50 %) d’une artère cérébrale
importante. Ces AVC sont souvent précédés d’un AIT dans le même territoire;
– AVC d’origine cardioembolique, souvent de territoire cortical ou sous-
cortical, dont le responsable est un embole migrant depuis le cœur ou parfois
de l’aorte;
– AVC des petites artères ou lacunaires, souvent à l’origine d’une hémiplégie
purement motrice et le plus souvent en relation avec une hypertension ou un
diabète;
– AVC de causes inhabituelles et reconnues par un diagnostic spécifique,
telles que les malformations vasculaires d’origine non athéromateuses, les
troubles de la coagulation ou les hémopathies. Il n’y a pas dans ce cas de
systématisation à l’imagerie;
– AVC de cause indéterminée ou cryptogéniques : ils représentent plus de
30 % des AVC et comprennent notamment les accidents dans lesquels au
moins deux causes sont impliquées (fig. 20.1).
Enfin, il faut mentionner deux autres symptômes qui amènent souvent à
consulter :
– l’accident ischémique transitoire (AIT) : déficit neurologique focal, d’instal-
lation brutale, entièrement régressif en moins de 24 h (le plus souvent en
moins de 30 min). À différencier de l’accident ischémique constitué qui est un
déficit neurologique de topographie vasculaire durable pendant plus de 24 h,
consécutif le plus souvent à l’occlusion d’une artère cérébrale;
– l’ischémie rétinienne.
Le but essentiel du traitement de l’AVC est de stabiliser l’état clinique du
patient, en particulier neurologique, et de minimiser voire de réduire les effets
délétères d’une éventuelle occlusion artérielle sous-jacente diminuant ainsi la
Hémorragiques (15 %)
Ischémiques
(85 %)
Prévention secondaire
Les patients ayant eu un premier AVC ischémique (transitoire ou non) ont un
risque élevé de récidive (24 à 42 % à 5 ans), d’accident cérébral ou
coronarien; il est essentiel d’envisager pour eux une prévention secondaire.
Celle-ci repose d’abord sur les règles élémentaires énoncées pour la préven-
tion primaire en s’efforçant d’obtenir la meilleure observance possible,
notamment en ce qui concerne les chiffres de pression artérielle, le taux de
LDL-cholestérol et la glycémie pour les diabétiques.
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 451
de rechercher l’effet biologique attendu mais ils sont très rarement prescrits. Les
AINS sont contre-indiqués dans le traitement par l’aspirine (voir chapitre ???).
Pour les patients allergiques à l’aspirine, le clopidogrel est une alternative
raisonnable. L’ajout de l’aspirine au clopidogrel augmente le risque hémorra-
gique et n’est pas recommandé en routine. Pour les patients qui ont eu un AVC
ischémique alors qu’ils étaient sous aspirine, il n’existe pas de preuve qu’une
augmentation de la dose d’aspirine soit bénéfique et aucune étude portant sur
un autre produit ou une association n’a été réalisée.
Le problème de l’utilisation des anticoagulants oraux (antivitamines K
[AVK]), warfarine essentiellement, ne semble pas totalement résolu. La
première étude dans ce domaine (SPIRIT) avait certainement choisi un INR
trop élevé (3 à 4,5) et a dû être arrêtée à cause d’une incidence élevée
d’hémorragies majeures, notamment cérébrales, en relation directe avec
l’augmentation de l’INR. Plus récemment, l’étude WARSS (Warfarin Aspirine
Recurrent Stroke Study), qui avait dans le groupe warfarine un INR moyen à
2,1, a montré une absence de différence de résultats avec 325 mg d’aspirine et
ce avec une incidence très basse (< 2 %) d’hémorragies dans les deux
groupes.
Le débat antiagrégants-AVK reste donc ouvert en attendant les données de
nouvelles études.
TRAITEMENT DE L’AVC
Dans l’AVC comme dans l’IDM, voire plus, le traitement dépend de la rapi-
dité du diagnostic, du transport et de la prise en charge dans une unité
spécialisée (unité neurovasculaire ou stroke unit en nombre inférieur aux
besoins en France). C’est la règle anglo-saxonne des 6D : Detection
(diagnostic), Delivery (transport rapide), Door (unité spécialisée : soins inten-
sifs, voire stroke unit), Data (documentation des symptômes et confirmation
du diagnostic, souvent le maillon faible de la chaîne, la prise en charge dépen-
dant de l’accès à l’imagerie cérébrale), Decision (traitement médical,
neuroradiologique ou neurochirurgical), Drug (initiation du traitement
médical approprié).
Autant il existe dans le domaine de la prévention un large consensus, autant
les stratégies de traitement s’avèrent diversifiées.
454 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Les anticoagulants
De nombreuses études se sont intéressées à diverses héparines. La plus impor-
tante, l’IST, a montré que s’il y avait avec l’héparine moins d’AVC
ischémiques, ces effets bénéfiques étaient occultés par une augmentation
significative des AVC hémorragiques, des transfusions et des hémorragies
majeures non cérébrales. Mais il faut noter que, dans cette même étude, les
patients ayant reçu de l’héparine ont eu moins d’embolie pulmonaire dans les
deux premières semaines (0,5 % vs 0,8 %, 2p = 0,02). De plus, le risque
hémorragique était proportionnel à la dose, celle de 25 000 UI étant associée à
l’incidence la plus forte d’hémorragies et d’AVC hémorragiques tandis
Prévention et traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique... 455
La thrombolyse
Citons pour mémoire la streptokinase (SK) qui n’a jamais pu faire la preuve
d’un rapport efficacité/tolérance satisfaisant.
En ce qui concerne le t-PA obtenu par génie génétique (t-PA recombinant :
rt-PA), seule l’étude NINDS (National Institute of Neurological Disorders and
Stroke) parue en 1995 et dans laquelle le rt-PA (Actilyse) était utilisé par voie
IV (0,9 mg/kg, maximum 90 mg avec 10 % de la dose totale administrée en
bolus, suivie d’une perfusion de 60 min), a montré des résultats positifs
conduisant à l’enregistrement du produit dans cette indication pour les
patients pour lesquels le traitement pouvait être mis en œuvre moins de 3 h
après le début des symptômes. Bien que l’étude NINDS ait montré des résul-
tats cliniques clairement positifs en faveur du rt-PA, notamment une
différence statistiquement significative sur les différents scores neurologiques
à 3 mois (odds ratio [OR] : 1,7, IC 95 % 1,2 à 2,6, p = 0,008), une augmenta-
tion elle aussi significative des hémorragies intracérébrales a également été
observée (de 0,6 % à 6 %, p < 0,001) mais pas de réduction de la mortalité.
Toutefois, si on associe les critères décès et dépendance, on observe un gain
significatif pour le rt-PA s’il est administré avant 3 h (OR : 0,55, IC 95 % 0,42
à 0,73) et même avant 6 h (OR : 0,79, IC 95 % 0,68 à 0,92). D’autres analyses
post-hoc ont également montré que dans la fenêtre des 3 h les images
d’ischémie observées à l’imagerie ne représentaient pas un facteur prédictif
indépendant d’un risque accru d’hémorragie intracrânienne symptomatique ou
d’autre effet indésirable du traitement. Ce délai des 3 h peut être prolongé à 4,
5 h.
456 Conduites pratiques : hémorragies et thromboses dans des situations particulières
Pour autant la thrombolyse par voie IV n’est pas la solution ubiquitaire au trai-
tement de l’AVC ischémique. En effet, seuls 5 % environ des patients ayant
cette pathologie peuvent bénéficier, à ce jour, de ce traitement dans les délais
requis. L’évaluation réelle du risque hémorragique reste très délicate, mais
l’utilisation de ce produit dans des conditions de mieux en mieux définies
représente un premier pas extrêmement prometteur. Les progrès extraordinaires
de l’imagerie médicale dans ce domaine peuvent apporter des éléments de
prédiction du risque hémorragique.
Les antiplaquettaires
Les recommandations les plus récentes préconisent donc l’utilisation des anti-
agrégants plaquettaires plutôt que celle des AVK afin de réduire le risque de
récidive de stroke ou d’autre accident ischémique cardiovasculaire : l’aspirine
à la dose de 50 à 325 mg/j, l’association aspirine et dipyridamole à libération
prolongée ainsi que le clopidogrel en traitement de première intention. Le
choix d’un traitement antiagrégant plaquettaire devra être fait de façon indivi-
dualisée en tenant compte des caractéristiques cliniques du patient, de son
profil de risque et de la tolérance du produit.
L’ajout de l’aspirine au clopidogrel augmente le risque hémorragique et n’est
pas recommandé en routine dans cette indication.
Le clopidogrel est une bonne alternative pour les patients allergiques à l’aspi-
rine. Pour les patients qui ont eu un AVC ischémique alors qu’ils étaient déjà
sous aspirine, il n’est pas prouvé que l’augmentation de la dose d’aspirine soit
bénéfique, et aucune association d’antiagrégants n’a été étudiée dans cette
indication.
BIBLIOGRAPHIE
CGR — hémorragique, 33
— déleucocyté, 139 Compression
— — congelé, 141 — extrinsèque, 157
— — phénotypé, 140 — graduée, 180
— déplasmatisé, 141 — mécanique intermittente, 180
Chimiothérapie, 158 Concentré
Chirurgie — d’AT, 149, 418
— et traumatisme, 161 — de globules rouges (CGR), 139
— oncologique, 205 — de PC, 125
Chorée, 393 — de plaquettes, 141
Churg et Strauss, 400 — — d’aphérèse (CPA) déleucocyté, 142
Circonstance — — déleucocyté, 141
— favorisante, 194 — — standard (CPS) déleucocyté, 142
— du diagnostic, 14 — de VWF, 39
Circulation Conduite pratique, 226
— collatérale, 289 Contraception orale
— extracorporelle, 101 — estroprogestative, 184
Cirrhose, 34 — — et traitements hormonaux, 161
CIVD, 19, 34, 74, 77, 105, 117, 201, 402 Contre-indication, 228
Claforan, 90
— des AVK, 316
Classification
Corticothérapie, 88
— de Cockett, 278
Coumadine, 321
— de Leriche et Fontaine, 297
Cox, 99, 100, 156
— des facteurs de risque, 179
Coxib, 311
Claudication intermittente, 302
CPA, 221
Clivarine, 186
— congelé, 143
Clopidogrel, 17, 37, 300, 303, 304, 451
CPCPE, 235
Clottagen, 68
Cyclo-oxygénase, 37
Coaguchek, 378
Coagulation, 18 Cystathionine-β-synthase, 198, 199, 200
Cockcroft, 331 Cytokine, 118
Cœur D
— pulmonaire aigu, 220
— — chronique post-embolique, 232 Dabigatran, 349
Cofacteur II, 345 Dalteparine, 186
— de l’héparine, 325 Danaparoïde, 227, 327, 369
Collagène, 37 — sodique (Orgaran), 370, 418
Colle biologique, 150 Danatrol, 87
Complexe dDAVP, 47, 49, 58, 109, 127, 375
— FT-VIIa, 8 D-Di, 11, 20, 21, 124, 173, 218
— leuco-plaquettaire, 170 D-Dimères, 11
— prothrombique activé, 114, 148 Decision Matrix, 164
— soluble, 20, 123 Défibrination, 33
— thrombine-antithrombine (TAT), 173 Déficit
Complication — acquis, 32
— de l’infarctus, 355 — — en AT, PC et PS, 191
464 Index
Thrombopénie, 17, 20, 27, 72, 73, 74, 93, — de type II, 327, 366
312, 331, 365, 366, 393, 402 Tinzaparine, 186, 331
— acquise, 72 Tirofiban, 307, 371
— centrale par insuffisance de Tissue Factor Pathway Inhibitor, 10
production, 75 TM, 10
— d’origine centrale, 27 TNFa, 170
— immune, 75 TO, 36, 37, 49
— immunoallergique, 225 Tomodensitométrie hélicoïdale, 220, 221
— induite par l’héparine, 365 Toxicomane, 158
— — de type I, 365 Toxique, 75
— — de type II, 365 TP, 342, 344
— infectieuse, 75 t-PA, 11, 13, 21, 435, 455
— liée au chromosome X, 77 TQ, 20, 60, 61, 63, 65, 66, 68, 317
— médicamenteuse, 75 Traitement
— par trouble de répartition, 77 — ambulatoire, 223
— périphérique, 27 — anticoagulant, 60
Thrombophilie, 190, 198, 203, 418 — — oral, 376
— acquise, 159 — anti-hémorragique, 115
— constitutionnelle, 188, 189 — antiplaquettaire, 375
— familiale, 193, 195 — antithrombotique, 223
— héréditaire, 197, 425 — AVK, 320
Thrombophlébite — curatif, 369, 415, 417
— pelvienne du post-partum, 259 — immunosuppresseur, 114, 115, 116
— pelvienne suppurée, 259 — préventif, 57, 261, 367, 419
Thrombopnie post-transfusionnelle, 76 — substitutif, 48
Thrombose, 96, 200, 284, 353, 356 — utilisé pour la prévention des
— artérielle, 193 thromboses, 97
— cérébrale, 193, 262, 427 Transfusion de plaquettes, 312
— de la veine ovarienne, 259 Traumatisme, 41
— des membres supérieurs, 155 — opératoire, 157
— des veines superficielles, 271 Trouble
— secondaire, 204 — du métabolisme de la vitamine K, 32
— veineuse, 96, 149, 153, 155, 187, 188, — trophique, 295
202, 203, 208, 209, 213, 223, 240, 271, Trousseau, 201
414, 424, 426, 429 TS, 42, 49
— — iatrogène ou médicamenteuse, 163 TT, 19, 20, 68
— — pelvienne, 257 Tumeur maligne, 241
— — — gravidique, 258 TV, 155, 193
Thrombotique artérielle périphérique, — à répétition, 390
292 — artérielle, 390
Thromboxane, 304 — idiopathique, 203
Thromboxane A2, 4 — récidivante, 204
Tibolone, 431 — rétinienne, 193
Ticlid, 17 — superficielle, 193
Ticlopidine, 17, 37, 451 TVP, 276, 279, 379, 414
TIH, 163, 227, 331, 346, 366, 369, 370 — distale, 278
Index 473