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HOPPENOT
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Table des matières
INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………………………………………….3

PREMIERE PARTIE – GENERALITES SUR LE RETRAIT SOCIAL

I. Eléments historiques……………………………………………………………………………………………………………5
II. Un problème actuel…………………………………………………………………………………………………………… 6
III. Définition psychiatrique………………………………………………………………………………………………………7
IV. Etiologies psychiatriques……………………………………………………………………………………………………..8
V. Caractérisation de différents types de retraits……………………………………………………………………12
VI. Comorbidités de l’isolement social ……………………………………………………………………………………14
1. Somatiques…………………………………………………………………………………………………………….14
2. Psychiatriques………………………………………………………………………………………………………..16
3. Sociales…………………………………………………………………………………………………………………..16

DEUXIEME PARTIE – LE SYNDROME HIKIKOMORI

I. Elaboration d’un concept…………………………………………………………………………………………………..18


II. Caractéristiques épidémiologiques et socio-démographiques……………………………………………20
III. Description clinique…………………………………………………………………………………………………………..22
IV. Débat diagnostique……………………………………………………………………………………………………………26
1. Hikikomori primaire………………………………………………………………………………………………..26
2. Hikikomori secondaire……………………………………………………………………………………………28
3. Syndrome culturel………………………………………………………………………………………………….30
4. Comportement non pathologique………………………………………………………………………….32
V. Le retrait dans la virtualité : syndrome hikikomori et addiction à internet ………………………..33

TROISIEME PARTIE – REVUE DE LA LITTERATURE DES ECHELLES D’EVALUATION DU RETRAIT SOCIAL DES
ADULTES JEUNES

I. Introduction…………………………………………………………………………………………………………………..36
II. Méthodes………………………………………………………………………………………………………………………37
III. Résultats………………………………………………………………………………………………………………………..39
1. Tableau d’extraction……………………………………………………………………………………………….39
2. Les échelles…………………………………………………………………………………………………………….42
IV. Discussion……………………………………………………………………………………………………………………..47
V. Conclusion de la revue de la littérature………………………………………………………………………….49

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES……………………………………………………………………………………………………..50

CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………………………………………………………………..55

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Introduction
Le retrait social est un trouble du comportement caractérisé par un rétrécissement de l’existence en
un espace restreint ou enclos, où les règles et les usages de la vie sociale n’existent plus. Il s’agit d’un
refus ou d’une incapacité à la vie sociale, en l’absence de trouble organique objectif et en l’absence de
troubles psychomoteurs. Transnosographique, le retrait social s’observe dans de nombreuses
pathologies psychiatriques, concernant de fait une large population de patients. L’identifier
précocement est un enjeu thérapeutique essentiel au vu de ses nombreuses comorbidités
psychiatriques, sociales, mais également somatiques.

Depuis le début des années 2000, l’apparition d’une nouvelle entité syndromique dans la littérature
scientifique suscite l’attention de nombreux auteurs : caractérisé par un retrait social sévère, ce
trouble concernerait une population d’adultes jeunes, à priori indemnes de tout autre pathologie
psychiatrique susceptible de l’expliquer. Ce syndrome, appelé hikikomori, a initialement été pensé
comme une manifestation clinique inhérente au contexte culturel japonais. Mais la multiplication des
rapports de cas en provenance d’autres pays modernes, amène à reconsidérer cette problématique
comme une nouvelle pathologie émergente.

La première partie de ce travail revient sur les aspects généraux du retrait social en psychiatrie, ses
caractéristiques, ses causes et les complications qui en découlent.

Dans la deuxième partie, nous mettrons l’accent sur le syndrome hikikomori, le décrivant à la lumière
des observations actuelles sur le sujet et en discutant les hypothèses causales proposées par les
différents auteurs.

Enfin, dans une troisième partie, nous nous proposons d’explorer les différentes échelles qui évaluent
le retrait social chez les jeunes adultes, au travers d’une revue systématique de la littérature.

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PREMIERE PARTIE

GENERALITES SUR LE RETRAIT SOCIAL

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I. Eléments historiques

Le mot « claustration » (du latin claustrum, cloître) signifie « état d’une personne retirée dans un
cloître ». A l’origine, il s’agit d’une démarche religieuse chrétienne consistant à adopter une forme
extrême de pénitence en s’enfermant dans la solitude d’un espace restreint, une cellule ou un
réclusoir, qui aurait été inaugurée en Syrie par Eusèbe de Télédan, au sein du monachisme oriental du
IVème siècle. Spirituellement, la réclusion monastique était « une mort au monde ». Aux Xème et
XIIème siècles, cette forme de vie religieuse ascétique s’est répandue dans le monde médiéval
occidental et l’on commençait à observer des formes de réclusions tellement extrêmes (enfermement
dans un tombeau, emmurement dans une pièce où on ne peut tenir ni debout, ni coucher) que l’Eglise
en est venue à devoir communiquer des appels à la prudence et à légiférer sur la question. La plupart
du temps, les reclus se trouvaient à l’intérieur ou à proximité de monastères ou d’églises et obéissaient
à un idéal d’inspiration religieuse et à une discipline partagée par d’autres sujets réunis en
congrégations : dès lors, on ne pouvait considérer leur comportement comme purement asocial. Au
XIIème siècle, l’ouvrage de l’abbé Ælred de Rievaulx intitulé La vie de recluse (1) , a entraîné une vague
d’enfermements volontaires de femmes à travers toute l’Europe. Certaines agissaient pour des motifs
mystiques, mais la plupart d’entre elles étaient des « filles de mauvaise vie », invitées par les autorités
à se repentir, et ces recluses du Moyen-Âge bénéficiaient d’une position sociale tout à fait intégrée
dans ce contexte historique. Une autre grande figure historique de l’enfermement volontaire est celle
de l’ermite, ou anachorète (du grec anakhôrein, se retirer), qui faisait le choix d’une vie spirituelle dans
la solitude et le recueillement. Cette forme d’ascèse se pratiquait déjà en Inde antique et s’est
développée en Occident à la diffusion du christianisme, sous l’empereur Constantin. Il n’existe aucune
statistique officielle, mais un recensement informel datant de 2001 estimait qu’il existerait aujourd’hui
encore, entre 200 et 300 ermites en France, vivant sous la responsabilité d’un évêque (2).

L’idéal mystique n’est pas la seule motivation pour ceux qui veulent se couper du reste du monde. Il
existe d’autres démarches, plus anecdotiques, comme la « spéluncophilie », décrite par Lavastine dans
les Annales Médico-Psychologiques de 1919, qui consiste en « l’amour des grottes et des cavernes ».
C’est une réaction rare, qui pour l’auteur n’est « ni un syndrome, ni même toujours un symptôme,
mais une simple réaction pittoresque à des causes éminemment variées, avec toutes les transitions du
normal au pathologique » (3). Citons aussi le goût pour la solitude et la pratique de « retraites »
auxquelles s’adonnent artistes, navigateurs solitaires ou autres misanthropes cherchant à s’éloigner
de leurs semblables humains.

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II. Un Problème actuel

Le retrait mène à l’isolement social, qui correspond à une carence de contacts interpersonnels. Il s’agit
d’un paramètre objectif qui peut être mesuré en examinant si une personne vit seule, son statut
conjugal, la taille de son réseau social et sa participation à des activités de groupe. Le Conseil
Economique Social et Environnemental (CESE) définit l’isolement social comme « la situation dans
laquelle se trouve la personne qui, du fait de relations durablement insuffisantes dans leur nombre ou
leur qualité, est en situation de souffrance ou de danger. Les relations d’une qualité insuffisante sont
celles qui produisent un déni de reconnaissance, un déficit de sécurité et une participation empêchée »
(4). Par convention, l’Institut Nationale de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) considère
comme isolées les personnes n’ayant eu que quatre contacts ou moins d’ordre privé au cours d’une
semaine de référence. L’isolement est différent de la solitude, qui est une expérience subjective
d’insatisfaction face à la qualité des rapports sociaux qu’une personne entretien (fréquence, intimité).
Ce n’est donc pas seulement la quantité de contacts qui est en jeu.

L’Homme est un être social, écrit Aristote, la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables. Dans la
plupart des cas, se retrouver en situation d’isolement est pour l’être humain un facteur de stress
important, comparable selon certains auteurs à celui d’un deuil (5). Il est aussi l’un des facteurs de
risque de développement de complications psychiatriques les plus étudiés (6). L’isolement social, a été
déclaré « grande cause nationale » de l’année 2011 en France. L’intérêt porté à ce sujet par la
puissance publique est récent et s’explique par la prise de conscience de l’influence du lien social sur
la qualité de vie individuelle et collective, et de l’importance croissante au sein de la population
française de l’isolement social : La part de la population vivant seule a plus que doublé entre 1960 et
2010. D’après la Fondation de France, 5,5 millions de français seraient en situation d’isolement social,
soit plus de 10% de la population (7).

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III. Définition psychiatrique

Le retrait social est un trouble du comportement caractérisé par un rétrécissement de l’existence en


un espace restreint ou enclos, où les règles et les usages de la vie sociale n’existe plus. Il s’agit d’un
refus ou d’une incapacité à la vie sociale, en l’absence de trouble organique objectif et en l’absence de
troubles psychomoteurs (8).

Au-delà des pratiques historiques et d’un certain folklore culturel, le terme de claustration a été utilisé
pour la première fois en sémiologie psychiatrique par L. Gayral, dans un article des Annales Médico-
Psychologiques de 1953, pour désigner « un trouble de l’activité qui consiste dans le refus de la part
du malade de participer à la vie sociale et qu’il objective en rétrécissant son champ de son existence à
une portion de l’espace très limitée et enclose ». Avant cela, différentes appellations ont été utilisées,
sans être unanimement admises : « claustraumanie », « réclusion volontaire », « séquestration
volontaire » (3).
Il s’agit donc d’une réclusion que s’imposent certains sujets pour se soustraire aux contacts et aux
influences du monde extérieur. Cette forme de réclusion est volontaire, contrairement à la
séquestration (où la réclusion est imposée par une personne ou autorité externe) et répond à deux
critères : le rejet de la vie en société et l’établissement d’une barrière entre soi et le monde. D’après
Gayral, la claustration pathologique est presque toujours une réaction anti-sociale commandée par
des processus morbides : « Le claustré est l’aliéné-type au sens strict du mot (alienus = étranger) ; il
réalise et consomme lui-même son aliénation de la manière la plus immédiate. Ce comportement
asocial peut traduire soit une tendance à l’isolement, au repli autistique poussé à l’extrême, soit la
conséquence d’un besoin de sécurité et de protection contre des menaces ou des persécutions
imaginaires comme il se voit chez les délirants ».

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IV. Etiologies psychiatriques

Le retrait social n’est pas un diagnostic en soi. C’est un symptôme transnographique, présent dans un
très grand nombre de pathologies psychiatriques, associés à d’autres manifestations cliniques (9) .

1) Troubles de la personnalité

ƒ Personnalité schizoïde :
Les jeunes adultes schizoïdes ne se sentent pas concernés par les relations interpersonnelles, ne
recherchent ni n’apprécient la compagnie des autres ; ils sont plus intéressés par leur propre monde
mental subjectif que par la réalité objective extérieure et choisissent presque toujours des activités
solitaires.

ƒ Personnalité schizotypique
Excentriques, les personnes schizotypiques ont des croyances magiques, des intérêts étranges, des
expériences de perceptions irréalistes qui les rendent bizarres aux yeux des autres et ils ont de grandes
difficultés à établir des relations en dehors de leurs parents au premier degré.

ƒ Personnalité évitante
Effrayés par la peur d’être rejetés, et malgré un fort désir de sociabilisation, les personnes évitantes
ne sont proche que de rares personnes en qui elles ont pleinement confiance et dont elles sont sûr
qu’ils ne les rejetteront pas.

ƒ Personnalité narcissique
Auto-centrées, suffisantes, les personnes narcissiques ne sont que peu concernées par les autres. Leurs
relations sociales sont superficielles et intéressées et parfois, malgré une vie d’apparence mondaine,
elles peuvent se retrouver très isolées.

ƒ Personnalité paranoïaque

Le refus de participer à la vie de société fait partie intégrante de la personnalité paranoïaque et les cas
de claustration ne sont pas rares. Ce symptôme aurait même, d’après Gayral, une valeur pronostique
médico-légale intéressante : la claustration paranoïaque étant en effet selon cet auteur, un indice de
dangerosité.

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2) Troubles psychotiques

Le retrait du monde extérieur figure parmi les manifestations psychotiques les plus classiques. Toutes
les variétés de délires chroniques en fournissent des exemples mais ce sont surtout les délirants
persécutés et hallucinés qui présentent de telles réactions.

ƒ Schizophrénie
Le retrait social est classiquement décrit comme étant le symptôme prodromique des formes
débutantes de la maladie.

Le retrait peut être « actif », dans un contexte de manifestations productives, lié à une thématique
délirante persécutive (sentiment de menace) ou bien lié aux mécanismes du délire (syndrome
d’influence, intuition d’un danger mortel, injonctions hallucinatoires). Le sujet délirant cherche alors à
se protéger des influences néfastes du monde extérieur et se replie dans un espace restreint qu’il
essaie de clôturer le plus hermétiquement possible.

Mais le retrait peut également être « passif », s’inscrivant dans une symptomatologie négative, avec
repli autistique, apragmatisme, anhédonie, désintérêt pour le monde environnant, négativisme.
« L’autisme » était d’ailleurs au cœur de la conception Bleulerienne de la schizophrénie et Kraepelin
avant lui, notait l’apparente indifférence au monde externe et la rupture des liens sociaux et amicaux
dans la « démence précoce ».

ƒ Trouble délirant paranoïaque

Le patient souffrant d’un délire paranoïaque est prédisposé au retrait social pour se protéger des
persécuteurs, dans une attitude défensive (avant de passer éventuellement à une attitude offensive).

Dans le délire d’interprétation, décrit par Sérieux et Capagras en 1909 (« folie raisonnante »), construit
autour d’idées de références interprétatives, on observe une inadaptabilité sociale handicapante avec
des glissements, à certains moments, vers des attitudes de retrait social marqué avec enfermement.

ƒ Psychose hallucinatoire chronique ou schizophrénie d’apparition tardive

C’est dans cette affection touchant principalement les femmes de plus de 50 ans que le retrait social
est le plus fréquent, avec un isolement social important et une recherche de protection contre « les
voix » qui les assaillent ou « les rayons » qu’on leur envoie (enveloppement, cuirasses de toutes sortes,
obturation des orifices, etc.)

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3) Troubles dépressifs

Le retrait social résulte de l’humeur dépressive, de l’anhédonie, de l’asthénie et du ralentissement


psychomoteur. Il peut être majoré par des symptômes anxieux concomitants. Le retrait se limite
souvent à une diminution des interactions sociales mais peut aller jusqu’à un isolement important
voire un confinement au domicile (10).

4) Troubles obsessionnels ou anxieux


Les retentissements d’un trouble panique sévère, avec agoraphobie, consistants à adopter des
conduites d’évitement pour se protéger des risques potentiels liés aux attaques de panique, peuvent
aboutir à un retrait social handicapant. C’est également le cas, dans certaines phobies spécifiques
intenses ou des troubles obsessionnels-compulsifs graves (peur des contaminations). Dans la phobie
sociale, l’impossibilité d’affronter certaines situations sociales est parfois si intense, que le sujet
remanie de nombreux aspects de sa vie professionnelle, relationnelle et affective, jusqu’à s’isoler
complètement. De même, une personne peut progressivement se détacher de son entourage et se
couper de son environnement après l’installation d’un état de stress post-traumatique.

5) Troubles du spectre autistique

L’isolement autistique est un signe cardinal de la maladie, caractérisée par une incapacité à établir un
contact relationnel, présente dès l’enfance. Dans les troubles du spectre autistique avec haut potentiel
cognitif (anciennement « syndrome d’Asperger »), il n’existe pas de retard significatif du langage ni du
développement cognitif, mais les interactions sociales sont altérées du fait d’un défaut d’empathie et
d’une incapacité à être syntone. A l’adolescence, fréquemment malmenés par leur pairs, les jeunes
atteints de ce trouble sont susceptibles de se retirer, aspirant à la solitude et l’immuabilité.

6) Troubles addictifs

Décrit chez les usagers chroniques de cannabis, le syndrome amotivationnel associe un


désinvestissement des activités scolaires ou professionnelles favorisant la désinsertion sociale et la
marginalisation de l’individu avec des troubles du fonctionnement intellectuel, une indifférence
affective avec rétrécissement de la vie relationnelle (11).

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7) Troubles liés au vieillissement

Le syndrome de Diogène se caractérise par un trouble de la relation au corps (incurie), à


l’environnement (retrait au domicile) et aux autres (misanthropie). Il survient au cours du
vieillissement et nous distinguons les syndromes de Diogène primaires (sans cause retrouvée) des
syndromes de Diogène secondaires (à une pathologie somatique ou psychiatrique). Il se caractérise
par un retrait social avec ou sans accumulation et nous retrouvons fréquemment la présence d’un
aidant extérieur, dénommé « porteur du panier » entretenant ce mode de vie (12).

8) Le syndrome hikikomori

Syndrome émergent dans la littérature scientifique et qui fera l’objet de plus amples développements
dans la deuxième partie de ce travail. On le définit classiquement par un retrait social avec existence
centrée au domicile et évitement des contacts et des responsabilités, pendant une période d’au moins
6 mois. Il concerne les jeunes adultes. La personne s’exclurait elle-même sans qu’on ne puisse
l’expliquer, à priori, par l’existence d’un trouble psychiatrique connu. Pour certains auteurs, ce serait
une forme « pure » de retrait social de l’adulte jeune.

9) Diagnostics différentiels

a. Les pseudo-claustrations
De nombreuses pathologies somatiques, ayant un retentissement sur la communication ou la mobilité,
entraînent des réclusions forcées. Des tableaux similaires peuvent s’observer dans le champ de la
psychiatrie en rapport avec une grande inertie psychomotrice, telle qu’elle se voit dans le syndrome
catatonique, le syndrome démentiel, ou certaines formes cliniques du syndrome mélancolique
(mélancolies stuporeuses).

b. Le retrait social non pathologique


Un certain type de retrait peut correspondre à un moment particulier de la trajectoire de la personne,
a un moyen d’autoprotection, une façon de retrouver le contrôle de sa vie (13). A l’adolescence par
exemple, le retrait est normal et fait partie du processus de maturation physiologique du cerveau. Il
doit alerter lorsqu’il conduit à un isolement social durable et qu’il a non seulement une incidence
fonctionnelle immédiate mais également pronostique à plus long terme.

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V. Caractérisation de différents types de retraits

Le retrait social n’est pas un symptôme uniforme et catégoriel, mais serait composé de plusieurs
facettes distinctes. Certains auteurs proposent de faire la discrimination entre 3 sous-types de retrait
social, qui reposent sur des motivations psychopathologiques différentes : la timidité, l’asociabilité et
l’évitement. Tous trois concourent à la même conséquence comportementale consistant à se tenir en
retrait des contacts sociaux (6), mais ce ne sont pas les mêmes caractéristiques tempéramentales qui
entrent en jeu. On peut traduire ces trois tempéraments en fonction de la manière dont se combinent
l’aspect « motivation pour l’approche sociale » et l’aspect « motivation pour l’évitement social » :

x La timidité est une réaction émotive aux contacts sociaux traduite par un manque d’aisance et un
sentiment d’inconfort en société. Elle est caractérisée par un conflit psychologique entre deux
aspirations opposées : le désir d’avoir une approche sociale et l’anxiété de s’y soumettre,
entrainant un évitement du contact relationnel (14). On retrouve ce même conflit dans l’anxiété
sociale, forme pathologique de la timidité.
x L’asociabilité ou l’absence d’intérêt social (15). Les individus asociaux, présentent un
comportement apparent de retrait du fait d’une absence de désir pour les interactions sociales. Il
ne s’agit pas d’un évitement actif, mais d’une absence d’intérêt pour les relations
interpersonnelles et d’une indifférence au fait d’être seul. C’est le trait de caractère remarquable
de la personnalité schizoïde.
x L’évitement combine un défaut de motivation d’approche sociale et une forte motivation
d’évitement (16). Les individus évitants recherchent activement les opportunités d’être seuls, sans
signe d’ambivalence.

Tableau 1 : D’après Asendorpf 1990 et Coplan 2004 – 2006

Motivation pour l’approche social Motivation pour l’évitement social


Timidité + +
Asociabilité - -
Evitement - +

L’asociabilité et l’évitement ont en commun un faible degré de motivation pour l’approche sociale et
constituent un sous-groupe qualifié de « préférence pour la solitude ». Développé par Coplan, la
notion de préférence pour la solitude désigne une préférence marquée pour les activités solitaires. Il
s’agirait d’une construction de la personnalité totalement différente de la timidité et plus fortement

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associée que celle-ci à la survenue ultérieure de troubles psychiatriques (17). Dans ces trois cas de
figure (timidité, asociabilité, évitement), c’est l’individu lui-même qui initie son retrait social et qui se
retrouve dans une situation de solitude que l’on pourrait qualifier « d’auto-imposée » par des
« motivations intérieures » (18). A l’opposé de ce retrait « actif », existent des cas de retrait « passif »,
ou subi : isolement par les pairs (rejet, exclusion, harcèlement). Lorsque l’isolement social est la
conséquence d’une exclusion par les paires, on ne peut pas invoquer le phénomène de retrait social,
bien que le fait d’avoir été rejeté est un facteur de risque important de développer ultérieurement un
authentique retrait social « actif ».

Figure 1 : model conceptuel de la préférence pour la solitude – Wang et al 2013 (19)

Social
withdrawal

Preference shyness
for solitude

unsociability avoidance

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VI. Comorbidités de l’isolement social

Le retrait social est le symptôme ou la complication évolutive de nombreuses pathologies ; mais il est
aussi en lui-même pourvoyeur de complications d’ordres psychiques, physiques, socio-affectives. Une
claustration totale peut en effet être à l’origine d’une déchéance sociale et physique plus ou moins
rapide : incurie du patient, insalubrité de l’appartement, mise en danger du patient et d’autrui (gaz,
électricité), baisse de l’état général, dénutrition, parfois mort dans un état cachectique (8).

1) Somatiques

Le retrait social est reconnu comme un facteur de risque de mortalité prématurée. Plusieurs études
ont clairement établi que l’absence de relations sociales adéquates exercent une influence négative
sur la santé et diminue significativement l’espérance de vie (20). L’isolement social et la solitude
augmentent le risque de mourir prématurément, un impact comparable à celui de facteurs de risque
bien établis comme l’obésité, la sédentarité et même le tabagisme. Les données acquises au cours
d’études réalisées sur un panel de 308 849 personnes indiquent que ceux qui ont des relations sociales
adéquates ont un risque de mortalité prématurée diminuée de 50 % comparativement à ceux dont les
relations sociales sont insatisfaisantes, un impact comparable à l’abandon du tabagisme. Ces résultats
sont en accord avec les données acquises par la Harvard Study of Adult Development qui étudie depuis
1939 les facteurs impliqués dans le vieillissement en bonne santé, tant du point de vue physique que
psychologique. La principale conclusion de cette étude prospective est que ce sont les relations
interpersonnelles de qualité (amicales ou familiales) qui représentent un des plus importants facteurs
prédictifs du bonheur et de la bonne santé d’une personne au cours de sa vie. L’isolement social exerce
un impact négatif sur plusieurs paramètres physiologiques, avec notamment une hausse de la tension
artérielle, des taux de fibrinogène et de cortisol circulant, ainsi que l’activation des processus
inflammatoires. Le corps perçoit l’isolement comme une « agression » et provoque l’activation des
mécanismes physiologiques impliqués dans la réponse au stress, comme la sécrétion de cortisol et
d’adrénaline. Des études (20) ont montré que les personnes isolées avaient des taux urinaires
d’adrénaline augmentés, un rythme cardiaque au repos plus élevé et une hausse de la pression
artérielle. Les effets du stress chronique ont un effet toxique sur le tropisme cardio-vasculaire et
favorise le développement de l’athérosclérose. Une expérience menée dans les années 1950 sur les
animaux du zoo de Philadelphie ont montré que l’isolement des oiseaux et des mammifères était
associé à une augmentation de 10 fois des lésions d’athérosclérose chez ces animaux. Et chez les
humains, une étude a montré qu’un réseau social réduit était associé à une augmentation de
calcification des artères coronaires.

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A un niveau encore expérimental, des études sur les rongeurs tendent à prouver que l’isolement social
a également des effets neurotoxiques sur des zones spécifiques du cerveau comme l’amygdale et
l’hypothalamus – dont l’implication dans la régulation du comportement émotionnel et social est
connue – via la surexpression d’un neuropeptide appelé la neurokine B. La neurokine B est un
neurotransmetteur peptidique de la famille des tachykinines, codé par le gène Tac2. L’étude du
California Institute of Technology (Caltech) montre qu’un isolement social prolongé entraîne chez la
souris une augmentation de l’expression du gène Tac2 et de la production de neurokine B dans le
cerveau, associées à des manifestations cliniques d’agressivité et de peur, comparable à celles
observées dans la dépression et l’état de choc post-traumatique. Il existe chez les êtres humains, un
système de signalisation tout à fait analogue.

L’institut de cardiologie de Montréal explique que l’isolement social accroît significativement les
risques de maladie cardiovasculaires : « Les études épidémiologiques montrent qu’un faible support
social est associé à une hausse d’environ deux fois du risque d’événements cardiovasculaires et
représente un facteur prédictif d’hypertension, de maladie coronarienne et d’insuffisance cardiaque.
Après un premier accident cardiovasculaire, l’isolement social multiplie par trois le risque de récidive,
au même titre que d’autres facteurs de risque bien établis comme l’hypercholestérolémie, le diabète
de type 2 ou le tabagisme ».

Un soutien social satisfaisant procure en effet aux personnes touchées par un événement de vie
négatif, un support qui permet de mieux absorber le choc et de réduire ainsi les conséquences
physiologiques néfastes qui découlent du stress chronique. Les individus disposant d’un réseau social
développé sont également plus actifs physiquement et sont aussi susceptibles d’être mieux conseiller
en cas de problème de santé.

Il est démontré en outre que l’isolement social contribue au renoncement aux soins : les travaux sur
le renoncement aux soins font apparaître une forte corrélation avec l’isolement relationnel des
personnes. A titre d’exemple, la recherche menée avec les Centres d’examens de santé financés par
l’Assurance Maladie (CETAF) montre que le non-recours aux soins est fortement lié au fait de « vivre
seul ». Le risque de non-recours au médecin ou au dentiste et l’absence de suivi gynécologique est
ainsi multiplié par 1,2 à 2.

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2) Psychiatriques

Le retrait social peut être le seul signe d’alarme révélateur d’un trouble sous-jacent : « La claustration
est un signe privilégié. Il y a peu de manifestations qui expriment aussi directement les tendances
profondes du malade, son ton réactif et la signification réelle de son activité morbide » (Gayral 1953).
Le retrait social chez l’adulte jeune est identifié par les chercheurs comme étant un facteur prédictif
d’un nombre varié de pathologies. Une méta-analyse de 2002 (21), le présentait comme un robuste
facteur de risque de développer une schizophrénie. Il peut également être la manifestation
prodromique d’une dépression (22), de troubles anxieux (23) ou d’une crise suicidaire (24).

Ce symptôme est aussi l’un des facteurs de risque de développement de complications psychiatriques
les plus étudiés (6), au premier rang desquelles les troubles dits « internalisés » (troubles anxieux et
dépressifs) (25). Il consiste aussi en un facteur de risque secondaire de suicide. C’est en effet la
première cause évoquée pour le suicide des hommes (un quart des suicides masculins en France) et la
troisième cause évoquée de suicide chez les femmes (16% des suicides féminins, après la dépression
20% et la situation conjugale ou familiale 17%).

Sur le plan cognitif, il engendre des idées auto-dépréciatives, détériore l’estime de soi (14) et abaisse
les compétences sociales (26).

3) Sociales

Le comportement de retrait allant à l’encontre de l’attitude attendue, il expose les sujets à un risque
de harcèlement dans le milieu scolaire (27) et de difficultés d’insertion dans le milieu professionnel.
De fait, ce cercle vicieux aggrave le retrait et plus celui-ci se prolonge, plus il est difficile d’en sortir.

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DEUXIEME PARTIE

LE SYNDROME HIKIKOMORI

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I. Elaboration du concept

« Hikikomori » est le qualificatif utilisé pour décrire les adultes jeunes, en situation de retrait social
extrême, en l’absence – à priori – de tout autre trouble psychiatrique pouvant expliquer ce retrait. Ces
jeunes « retirants » évitent toute activité sociale et dans les cas les plus graves, peuvent rester
mutiques et enfermés dans leur chambre pendant des années, sans aucun contact avec l’extérieur.

Ce phénomène est d’abord un phénomène japonais. L’expression « hiki - komori » (ᘬࡁࡇࡶࡾ)


signifie littéralement « retiré ». A l’origine, il s’agissait d’un terme générique utilisé pour qualifier les
individus n’ayant aucunes relations sociales. Il était occasionnellement employé dans le vocabulaire de
la psychiatrie pour décrire le symptôme de retrait social observé dans les troubles autistiques, la
schizophrénie, la dépression ou chez le sujet âgé.

Au cours des années 1990, au Japon, il a été constaté une augmentation considérable du nombre de
jeunes gens socialement retirés sans raisons apparentes. D’autres descriptions similaires ont ensuite
été rapportées dans d’autres pays culturellement différents du Japon.
Le phénomène a pris tant d’ampleur, qu’au début des années 2000, il a fini par susciter une telle
inquiétude dans l’opinion publique qu’il est devenu un enjeu de santé publique et un nouveau domaine
d’intérêt en psychiatrie.

Cette notion d’hikikomori en effet, alimente un courant de publications et de recherches, mais aussi
de communications médiatiques, sur ce phénomène de retrait qui ne serait pas schizophrénique. Le
nombre d’articles scientifiques consacrés à ce problème n’a fait qu’augmenter à partir des années
1990 avec un pic après les années 2000, illustrant la façon dont certains troubles peuvent occuper le
devant de la scène et faire l’objet de préoccupations sociales importantes.

Le psychiatre japonais Tamaki Saïto a été le premier a utilisé le terme « hikikomori » pour désigner plus
spécifiquement les jeunes adultes qui restent confinés chez eux, pendant une durée d’au moins 6 mois,
sans qu’il n’existe de trouble psychiatrique apparent. Son livre, intitulé Shakaiteki Hikikomori :
Owaranai Shishunki (Retrait social, une adolescence qui n’en finit pas) publié en 1998, est devenu
rapidement un best-seller (28). Dans cet ouvrage, il définissait le hikikomori comme un jeune qui s’est
retiré chez lui et qui ne prend plus part à la société (études, travail, relations), depuis au moins 6 mois,
sans qu’aucune pathologie mentale ne puisse être identifiée comme cause première.

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En 2003, le Ministère de la santé et du travail du gouvernement japonais a officiellement reconnu ce
trouble et communiqué des critères diagnostiques reprenant les travaux du Dr Saïto (29):
A. Une existence centrée à la maison
B. Absence d’intérêt ou de volonté d’aller à l’école ou au travail
C. Persistance des symptômes pendant au moins 6 mois
D. Exclusion de diagnostic de schizophrénie, retard mental ou autres troubles mentaux
E. Absence de relations amicales

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II. Caractéristiques épidémiologiques et socio-démographiques

Prévalence

Les jeunes reclus sont par définition difficiles d’accès aux chercheurs, d’autant que le taux de
consultations spontanées pour ce motif est très bas. De plus, si le phénomène de retrait est bien repéré
par les instances éducatives tant qu’il concerne des mineurs scolarisés, il devient méconnu ou sous-
estimé dès lors qu’il touche de jeunes adultes désinsérés de la société. Les études épidémiologiques
sur le phénomène sont de fait peu nombreuses et les estimations sur son ampleur sont variables. Pour
le Japon, elles oscillent entre 200 000 (30) à plus d’un million selon le Dr SAITO. Le Ministère de la
Santé, du Travail et de la Politique Sociale évaluait en 2010 entre 260 000 et 696 000 le nombre
d’hikikomori nippons. Dans son étude conduite en 2010 à partir d’un échantillon généré aléatoirement
de 4 134 personnes interviewées au téléphone (31), Koyama estimait au Japon la prévalence du
phénomène à environ 1% des 20-49 ans, soit plus de 600 000 cas dans le pays. KIYOTA en 2008, évaluait
la prévalence dans la population entre 0,9 % et 3,8 %. Furlong (2008) (32), diagnostiquant 14 cas au
sein d’un échantillon de 1 600 familles, considérait qu’en extrapolant ces résultats au pays entier, on
en retrouvait 410 000 cas.

En France, il n’existe pour l’heure aucune étude épidémiologique d’ampleur, mais les rapports de cas
se multiplient dans la littérature et de plus en plus de cliniciens sont confrontés à cette problématique
qui risque de devenir centrale dans les années à venir.

Age

La notion de « jeunes adultes » étant imprécise, les critères d’âges précisés dans les articles sont assez
souples, allant en général de l’adolescence jusqu’à 35 ans, voire plus. L’âge moyen du diagnostic repéré
par plusieurs auteurs serait de 27 ans (33).

Sex-ratio

On observe une très forte prédominance masculine : on estime en effet que 70 à 80% des cas sont des
hommes (31) (34) (35). Il existe des facteurs socio-psychologiques pouvant expliquer cette large
majorité de cas masculins (la constitution de « couples mère-fils » au domicile, l’importance majorée
de la réussite scolaire et sociale chez les garçons par exemple), mais il y a un biais d’observation qui
peut amener à cette sur-représentation dans la littérature : L’effet d’invisibilité du phénomène chez
les femmes pour des raisons culturelles (il est en effet plus admis dans la société qu’une femme passe
beaucoup de temps à la maison et ce syndrome, lorsqu’il concernera une femme, ne suscitera pas

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toujours autant d’inquiétude que s’il s’agissait d’un homme). Les expériences de retrait chez la femme
seraient ainsi peut-être plus fréquentes qu’on ne le croit, mais moins visibles sociétalement (36).

Géographie

Initiallement décrit au japon dans les années 1990, le phénomène « hikikomori » est d’abord un
phénomène japonais. Certains auteurs d’ailleurs, ont soutenu l’idée que l’existence des hikikomori
était spécifique à la culture japonaise en raison de ses singularités socio-culturelles. Mais depuis
quelques années, de nombreuses descriptions de cas ont été réalisées dans plusieurs pays. Des cas de
hikikomori et des tentatives de compréhension du mécanisme ont en effet été rapportés aux Etats-
Unis (37), au Canada (38), en Corée du sud (39), à Oman (40), à Hong-Kong (41), en Inde (42), en
Espagne (43), en Italie (44) et en France (45).

Milieu social et entourage familial

Le phénomène serait plus représenté dans les classes moyennes et les milieux éduqués et urbains (46).
Les hikikomori vivant presque toujours tous au domicile parental, il est plus aisé pour les familles des
classes moyennes d’entretenir leurs enfants dans leur propre chambre ; elles sont également plus
enclines à consulter auprès de spécialistes (32). Cela ne veut donc pas dire que ce trouble est inexistant
dans les milieux défavorisés ; mais il serait alors moins visible.

En France, le trouble hikikomori survient en majorité au sein de familles monoparentales où le garçon


vit seul avec sa mère. Notons qu’au Japon, si les divorces sont beaucoup moins fréquents, il n’en
demeure pas moins que les familles touchées par le phénomène se distinguent par une très forte
présence maternelle et une relative absence paternelle (ce dernier étant accaparé par son travail, les
soirées plus ou moins obligées entre collègues et les temps de transport).

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III. Description clinique

Le principe du phénomène « hikikomori » est basé sur l’auto-réclusion intentionnelle de jeunes adultes
pendant une période d’au moins 6 mois. Ces individus ne disposant plus dès lors, d’aucune relation
sociale, d’activité scolaire ou professionnelle. En dehors de l’isolement social qui en découle, le tableau
clinique est souvent très pauvre et ce sont donc les mécanismes de cet isolement qu’il s’agit de
caractériser. Il s’établit au travers d’un triple retrait : un retrait psychique, un retrait spatial et un retrait
temporel. Son intensité est variable (selon les sujets et au cours du temps pour un individu donné) et
sa pérennisation rendue possible par des transactions familiales qui le permettent.

Retrait psychique

Selon l’expression du professeur Kunifumi Suzuki (47) : le hikikomori est d’abord un « retirant »
psychique, puis très vite un « retirant » social. Il se retire d’abord mentalement du monde, puis
renonce à se confronter à ce qu’il en attend (et à ce que le monde attend de lui).

Leur présentation est dominée par la froideur émotionnelle, comme s’ils étaient déconnectés, clivés,
de toutes les perceptions émotionnelles qu’on pourrait leur prêter dans une telle situation (honte,
culpabilité, angoisse) (48). Ils sont apathiques et ne parviennent à exprimer ni envie, ni ambition, ni
intérêt. Mais leur humeur est rarement triste et on ne retrouve quasiment jamais d’idéations
suicidaires. En fait de tristesse, c’est l’alexithymie qui domine. Lorsqu’on les interroge, leurs réponses
sont laconiques, factuelles, au mode indicatif et ponctuées de « je ne sais pas ». On retrouve de
manière attendue une absence de plaisir (anhédonie) dans les activités sociales, en notant que selon
un point de vue cognitiviste, il s’agit plus souvent de la perte de l’anticipation du plaisir, que l’absence
de plaisir elle-même dans les activités sociales qui participe au retrait et à l’apragmatie. Ils paraissent
sereins et détachés, ne manifestant aucune anxiété, si ce n’est une légère inquiétude pour l’avenir.

Leur aconflictualité est tant intérieure qu’extérieure. Il n’y a rien de révolutionnaire ou de révolté dans
leur discours. Ils n’ont aucune revendication sur lesquelles appuyer leur refus social et ne théorisent
pas leur mal-être face aux difficultés de la société actuelle. Le langage utilisé est lisse et conventionnel.

Le comportement est oisif, mais ne présente pas de signes de désorganisation apparente. Pour occuper
le temps, ils lisent des mangas, surfent sur internet, jouent à des jeux vidéo.

Leur symptomatologie est égo-syntonique. Les hikikomori interrogés ne trouvent pas que leur
situation soit irraisonnable ou excessive. Ils n’expriment pas de demande de soins, ni même de
formulation d’une souffrance. Lorsqu’une demande de prise en charge existe, elle émane de la famille
et le délai entre le début de l’enfermement et la demande d’aide se compte en mois, le plus souvent
en années. La prise de conscience de la morbidité des troubles par la famille nécessite souvent la

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(CC BY-NC-ND 2.0)
survenue d’un événement intercurrent qui vient bousculer l’inertie établie : problème somatique,
déménagement, irruption de troubles du comportement externalisés. Les gestes auto et/ou hétéro-
agressifs sont rares (coup de poing dans le mur, violence contre un des membres de la familles) ; ils ne
concernent qu’un cinquième des hikikomori et surviennent lors de tentatives abruptes de déloger le
jeune de sa chambre.

Lorsque la levée de l’enfermement est permise (parfois un temps d’hospitalisation est nécessaire),
l’individu se rétabli en recouvrant son fonctionnement antérieur, sans symptômes résiduels.

Retrait dans l’espace

Le retrait s’exprime par la soustraction de leur corps des lieux communs et un confinement dans un
espace restreint. Le phénomène implique en effet un lieu attitré, fermable, où se retirer, mais pas
complètement hermétique car il faut continuer à se nourrir, à satisfaire ses besoins naturels. Cet
espace est donc presque toujours la chambre du hikikomori, au sein du domicile parental (les cas
d’hikikomori disposant de leur propre appartement sont exceptionnels et on ne décrit aucun exil dans
des lieux parfaitement isolés). La chambre devient rapidement incurique : il est assez caractéristique
d’observer une accumulation de déchets autour du jeune, mais il ne parait ne pas s’en apercevoir (49).
Un dialogue s’opère entre le lieu du retrait et le reste de la maison. La mère, classiquement, assure le
ravitaillement en faisant passer des plateaux-repas devant la porte et le jeune mène des expéditions,
la nuit ou quand la maison est vide, pour aller aux toilettes ou se laver.

Lorsque le trouble s’installe, le jeune se retranche d’abord des lieux dans lesquels les attentes sociales
sont les plus exigeantes, l’école ou le travail : L’absentéisme scolaire/professionnel est observé dans
96 % des cas (28) comme la première manifestation du comportement de retrait.

Ce corps qui s’efface des regards, est fréquemment perturbé par des sensations de malaise ou des
dérégulations végétatives qui précèdent ou accompagnent le retrait : douleurs, maux de ventre,
sudation excessive, perte de la libido (36).

Retrait dans le temps

L’installation du trouble est progressive et insidieuse. L’échec scolaire ou professionnel est rarement
repéré comme ayant précipité le retrait ; il semble au contraire que les hikikomori ont en commun,
avant de se retirer, un fort investissement scolaire et un bon fonctionnement intellectuel (50). Il se
produit donc un mouvement de désinvestissement, comme pour éviter un échec avant même d’en
être confronté.

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Le retrait est d’abord intermittent, puis il se prolonge, se chronicisant dans une temporalité altérée :
désynchronisation des rythme, ralentissement, mauvaise perception du temps qui passe. Ce profond
isolement social provoque une altération des rythmes circadiens ; le rythme nycthéméral s’inverse et
les repas sont pris à toute heure du jour ou de la nuit. Les journées deviennent stéréotypées et
ritualisées. Les récits que peuvent faire a posteriori les hikikomori de ces longs temps de claustration
sont très pauvres, comme si ces périodes ne laissaient aucun souvenir ou que le temps s’était figé.

La durée du retrait peut aller de quelques mois à plusieurs années. La durée moyenne, selon plusieurs
auteurs, serait de 29 mois (33).

Sévérité du trouble

Comme dans tous les processus psychopathologiques, il existe un spectre dans la sévérité du trouble.
Il y a en effet une grande variété de cas avec une description graduée du retrait social. Certains
hikikomori s’aventurent à l’extérieur, plutôt la nuit pour minimiser le risque de faire des rencontres.
D’autres à l’extrême ne mettent pas un pied en dehors de leur chambre, ne se lavant pas et urinant
dans des bouteilles pendant des années. Pour un individu donné, le retrait n’est pas toujours
homogène dans le temps, avec des périodes plus ou moins intenses de réclusion.

Réaction de l’entourage

Le jeune adulte hikikomori étant retiré au sein même de son foyer familial, celui-ci doit se réorganiser
autour de nouvelles transactions entre ses membres.

Les parents sont souvent longtemps contaminés par le déni de l’anormalité de la situation. En dehors
de leur retrait social, l’attitude de ses jeunes n’étant pas marquée par une symptomatologie bruyante,
les parents ne s’inquiètent pas immédiatement et attendent que leur enfant « agisse de sa propre
initiative ». Mais le temps passe et le trouble se pérennise, bénéficiant d’une certaine tolérance
parentale. Gayral, que l’on citait en introduction de cet écrit comme le premier psychiatre à décrire le
phénomène de « claustration », insistait sur ce paradoxe troublant : « L’on est surpris pourtant de
constater qu’un comportement aussi grossièrement anormal bénéficie de l’indifférence, de la
tolérance, voire de la complaisance de l’entourage des malades ».

Le jeune retiré peut se montrer tyrannique vis-à-vis de sa famille et souvent rejetant envers l’un de ses
parents (classiquement le père) (51). Dans ces familles, le père apparait symboliquement ou
réellement comme absent. S’il est présent, il aura tendance à essayer d’agir, à trouver des solutions
dans le but de faire sortir l’enfant. La mère quant à elle, est perçue comme une personne « fragile » et

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adoptant un style parental surprotecteur. Elle cherchera avant tout à favoriser le bien-être de son
enfant, sans que cela n’implique nécessairement une sortie de l’enfermement.

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IV. Débat diagnostique

Le terme « hikikomori » n’est pas un diagnostic en soi. En dehors du gouvernement japonais qui l’a
reconnu comme un trouble à part entière et a diffusé une proposition de critères diagnostiques, il
n’existe pour l’heure aucune définition qui fasse consensus et le terme n’apparait dans aucune
classification internationale. L’existence même de cette entité est sujette à controverses ; la question
étiologique reste très ouverte et la définition proposée par les chercheurs japonais n’aborde pas les
causalités du phénomène. Certains auteurs défendent la thèse d’un trouble dit « hikikomori primaire
», soit une nouvelle pathologie émergente, quand d’autres soutiennent qu’il s’agit d’un symptôme
secondaire à des pathologies déjà connues et parlent donc d’« hikikomori secondaire » (47). Pour les
tenants d’une vision culturaliste, c’est un « syndrome lié à la culture », ou la déclinaison culturelle de
troubles variés, existant sous d’autres noms dans les classifications internationales. D’autres auteurs
enfin, n’y voient pas un trouble psychique, mais une conduite adaptative à de nouvelles pressions
psycho-sociales, qu’il s’agirait de ne pas « psychiatriser ».

1. Hikikomori primaire

On appelle « hikikomori primaires », les cas d’hikikomori sans arrière-plan de maladie mentale
particulière (47), ceux pour qui il est impossible de caractériser le trouble à l’aide des classifications
nosologiques habituelles et qui seraient donc des formes « pures » de retrait social.

Pour le Dr Saïto qui a introduit le terme hikikomori en 1998, 57 % des cas qu’il a observés n’entraient
dans aucune autre case du DSM. Les évaluations du gouvernement japonais quant à elles, estimaient
qu’un tiers des jeunes retirés étaient des hikikomori primaires. Et l’étude Koyama de 2010 considérait
que 45 % des cas étudiés étaient indemnes de troubles psychiatriques (31).

Par ailleurs, toutes les études qui s’appliquent à examiner des cas de hikikomori dans une perspective
diagnostique conduisent à la même conclusion : il existe toujours une fraction de situations, d’ampleur
plus ou moins importante, qui reste inclassable dans aucune des catégories traditionnelles des
maladies psychiatriques.

L’auteur Kunifumi Suzuki, qui a été le premier à proposer une distinction entre formes primaires et
secondaires du syndrome, théorise l’existence de trois sous-types différents d’hikikomori, qui
correspondraient chacun à un mode de blocage dans le processus de socialisation, au tournant de
l’adolescence et de l’âge adulte :

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ƒ Les « hikikomori conformistes » qui essaient de s’intégrer en s’adaptant parfaitement à ce qu’on
attendrait d’eux et qui se retrouvent bloqués dans une identification excessive au rôle social, qu’ils
n’arrivent pas à endosser parfaitement, se retrouvant alors dans une impasse.
ƒ Les « hikikomori conflictuels », qui essaient au contraire à tout prix de se démarquer de ce rôle social
qu’ils sont censés assumer, qui évitent de se confronter au réel et d’affronter des épreuves et
tentent de sauvegarder leur narcissisme à l’aide du mode conditionnel : « si je faisais ceci ou cela,
je serais tel ou tel » et qui finalement ne font rien.
ƒ Les « hikikomori désemboîtés » qui montrent un désemboîtement total de leur articulation à la
société. Ils ne reconnaissent pas la sociabilisation elle-même. S’ils ne présentent aucun symptôme
psychotique, on pourra les qualifier d’hikikomori primaires.

Un facteur déclenchant est parfois retrouvé. Selon le médecin scolaire C. Guigné (50), le début de
l’enfermement est relié à un évènement particulier dans 44 % des cas. Cela peut être une agression
subie, le décès d’un proche, un échec à une compétition. Si quelques-uns de ces évènements peuvent
effectivement être considérés comme traumatisants, dans la plupart des cas ils relèvent plutôt de
« micro-agressions » banales (bousculades, moqueries, vol de dessert à la cantine).

Ce qui apparait surtout difficile pour ces jeunes adultes en retrait, c’est la confrontation à des attentes
trop ambitieuses de la part de l’entourage familial ou de la société. Une image de soi qui échoue à être
à la hauteur du désir supposé des autres. Par évitement de l’échec et de la déception, le renoncement
à une vie sociale est le cœur de la problématique des hikikomori, une manière d’esquiver toute
injonction ou attente sociale à son endroit. « Le retirant n’est pas seulement celui qui ne veut plus, il ne
veut plus qu’on lui veuille quoi que ce soit. » (50).

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2. Hikikomori secondaire

Bien que la définition initiale du trouble proposée par Saito précisait qu’aucune pathologie mentale ne
pouvait être identifiée comme cause première du phénomène hikikomori, de nombreux auteurs
considèrent à l’inverse que l’hypothèse d’un trouble psychiatrique sous-jacent est rarement absente.
Plusieurs articles montrent en effet que les cas d’hikikomori correspondraient en réalité à des
catégories diagnostiques déjà existantes du DSM (4ème édition à l’époque des études) ou de la CIM-10.

Dans une étude originale de 2012 (46) un questionnaire était adressé à différents médecins pour leur
demander, qu’elle était selon eux l’hypothèse diagnostique la plus probable à l’origine de ce syndrome.
L’étude révèle qu’il existe de grandes différences dans la perception qu’on les cliniciens de ce
phénomène : 50 % des psychiatres interviewés estimaient qu’il s’agit d’un trouble anxieux et/ou
dépressif, 30% pensaient que c’est un diagnostic de schizophrénie, 15% un trouble du développement
et 10% un trouble de la personnalité.

Dans ce tableau, nous récapitulons les étiologies retenues par les auteurs ayant conduit les principales
études japonaises à visée diagnostique :

Tableau 2 : Etiologies des cas de hikikomori secondaires

Etudes Diagnostics

Tsuujimoto – 2007 35 % Troubles anxieux


(sur 52 jeunes) 19 % Trouble de l’adaptation
12 % Trouble envahissant du développement
12 % Trouble de l’humeur
10 % Troubles somatoformes

Watabe – 2008 31 % Trouble envahissant du développement


(sur 463 jeunes de moins de 21 ans) 10 % Troubles anxieux
10 % Dysthimie
9 % Trouble de l’adaptation
9 % Trouble obsessionnel compulsif
9 % Schizophrénie

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Kondo – 2008 (52) 28 % Trouble envahissant du développement
(sur 97 jeunes de 16 à 35 %) 26 % Trouble anxieux
23 % Trouble de la personnalité (évitante, schizoïde et
obsessionnelle)
8 % Schizophrénie
8 % Trouble de l’humeur
7 % Trouble de l’adaptation
6 % Autres (troubles de l’alimentation, trouble dissociatif)

Nakajima – 2008 27 % Troubles anxieux et somatoformes


(sur 68 jeunes de moins de 30 ans) 24 % Schizophrénie
22 % Trouble envahissant du développement

Le retrait social seul, étant un symptôme peu spécifique et transnosgraphique, les diagnostics retenus
balayent largement l’éventail de la nosologie psychiatrique

Le diagnostic de « trouble envahissant du développement », qui est un diagnostic majoritairement


retenu par les auteurs, fait référence au trouble du spectre autistique avec haut potentiel cognitif. On
observe en effet fréquemment des attitudes de retrait social au moment de l’adolescence, quand
l’incapacité à être syntone avec le groupe génère un malaise trop important.

La schizophrénie, autre hypothèse diagnostique largement représentée, est fréquemment précédée


d’une phase prodromique dont les symptômes ressemblent à ceux du syndrome hikikomori avec un
isolement social d’apparence inexpliqué, une perte d’intérêt pour des activités précédemment
investies et une inversion du rythme nycthéméral. La forme clinique de « schizophrénie simple » dans
la CIM10 présente essentiellement cette symptomatologie négative sans productions hallucinatoires.
Mais ce diagnostic est controversé et a été retiré de la 5ème édition du DSM à cause de sa pauvre fiabilité
et de son manque d’usage (53). De plus, les hikikomori ne présentent pas nécessairement de
bizarreries comportementales, ni de déficits cognitifs (38). A noter également qu’une déprivation
sensorielle pendant une longue durée (comme c’est le cas lorsqu’on reste enfermé dans une chambre
devant son ordinateur), peut conduire à une présentation pseudo-psychotique. Une récente étude

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(54), démontrait qu’un usage intensif d’internet pendant une période de 2 mois, pouvait provoquer
des symptômes d’apparence psychotique.

L’utilisation de l’étiquette « hikikomori » pour définir un tableau clinique particulier, pourrait


correspondre au concept de « diagnostic déguisé ». Proposée par le japonais Munakata en 1986, la
notion de diagnostic déguisé renvoie au vocable pudique, parfois utilisé par les praticiens (comme le
terme « neurasthénie » à une autre époque) pour s’épargner d’employer un terme qui serait jugé trop
stigmatisant. Ainsi, la dénomination « hikikomori », quoique non reconnue comme un diagnostic
officiel, serait une appellation plus socialement acceptable que « schizophrénie », « trouble du spectre
autistique », ou même « dépression ».

3. Syndrome culturel

Dans la 4ème édition du DSM, la perspective culturelle des diagnostics psychiatriques était consignée
en fin d’ouvrage, sous une forme d’annexe, contenant une « esquisse d’une formulation en fonction
de la culture » et un « glossaire des syndromes propres à une culture donnée » (Glossary of Culture-
Bound Syndrom), avec la description brève de 17 syndromes rapportés de diverses localités du monde.
Cette notion de syndrome propre à une culture donnée, était définie par l’American Psychiatric
Association (2000) comme « la survenue répétée de schémas de comportements aberrants et
d’expériences perturbantes spécifiques d’une région et pouvant être lié ou non à une catégorie
diagnostique ». Dans la 5ème édition du DSM parue en 2013, la mention des « syndromes propres à une
culture donnée » a été remplacée par celle plus concise de « syndromes culturels » divisée en
« modalités culturelles du désarroi » et « causes perçues ou explications culturelles », apparaissant
dans la section III du nouveau manuel et accompagnée d’un glossaire de 9 syndromes (55).

Le syndrome hikikomori n’y est pas mentionné, contrairement à une autre entité syndromique
supposée spécifique au Japon, apparu avant les hikikomori : l’antropophobie ou taijin-kyofu.
Conceptualisée en 1932 par Masatake Morita (56) comme un désordre (shô) caractérisé par la phobie
(kyofu) des relations interpersonnelles (taijin). Ce trouble est consécutif à la peur d’offenser autrui par
un comportement inapproprié ou un défaut physique. Ils craignent par exemple de les importuner par
leur regard ou leur odeur corporelle. C’est un terme dorénavant très utilisé au Japon, entré dans le
langage commun dans les années 1960, années de la modernisation du pays. Epidémiologiquement,
les syndromes taijin kyofusho et hikikomori sont proches (35) : ils prédominent tous deux chez les
jeunes hommes jusqu’à 30 ans. Par ailleurs, dans une série de 24 cas de taijin kyofusho rapportés en
1997, 7 d’entre eux (soit 29%) correspondaient également à la description faite du trouble hikikomori.

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Diverses raisons économiques et culturelles ont été mises en avant pour penser les hikikomori comme
un phénomène exclusivement japonais :

Un des mythes fondateurs de la religion shintoïste, la légende de la déesse du soleil Amaterasu


(représentée sur le drapeau national par un disque solaire) évoque précisément la fuite et le retrait
comme un mode de défense vis-à-vis d’une situation conflictuelle : Amaterasu, en conflit avec son
frère rival et meurtrier, choisit de se retirer dans une caverne dont elle clôt l’entrée par un rocher,
plongeant le reste du monde dans l’obscurité. Le japon est également imprégné de philosophie
bouddhiste qui présente l’isolement et la retraite ascétique comme l’une des voies majeures pour
accéder à l’état de satori (illumination). La « culture du détachement » et la propension à s’isoler,
seraient des marqueurs identitaires important de ce pays (57).

L’apparition du phénomène des hikikomori est contemporaine d’une grave crise économique qui
traverse le pays et les opportunités professionnelles pour les jeunes sont réduites. Or, la pression
scolaire pesant sur les enfants nippons est connue pour être très élevée, dans un climat de compétition
et d’exigences parentales et sociétales fortes (surtout pour les garçons). Le surmenage est fréquent et
pourvoyeur de futoko, c’est-à-dire de décrochage scolaire ou de refus scolaire anxieux. La notion
d’anomie, élaborée par le sociologue Durkheim en 1983 (36), « caractérise la situation où se trouvent
les individus lorsque les règles sociales qui guident leurs conduites et leurs aspirations perdent leur
pouvoir, sont incompatibles entre elles ou lorsque, minées par les changements sociaux, elles doivent
céder la place à d’autres ». L’anomie serait « un état de désorganisation sociale et de démoralisation de
l’individu dans la société qui résulte principalement de la désharmonie entre les buts culturels et les
moyens de les atteindre. Ceci peut avoir des traductions comportementales variées : non-conformisme,
retrait social, comportement déviant, etc. » Cette définition éclaire pertinemment les développements
qu’a connu le phénomène d’hikikomori, entre évolution sociétale, non-conformisme ou souffrance
individuelle, et rejoint la notion de pathologies sociales développées par Ehrenberg (36).

Par ailleurs la culture japonaise de type collectiviste, soutiendrait la dépendance de chacun vis-à-vis des
autres, notamment la co-dépendance des mères à leurs fils, selon le concept d’amae développé par le
psychiatre Takeo Doi (58) comme étant un sentiment plaisant d’attachement ou de dépendance,
généralement d’un enfant vis-à-vis de sa mère.

Mais depuis quelques années, le phénomène hikikomori est décrit en dehors du Japon : des cas sont
rapportés dans la littérature scientifique aux Etats-Unis, en Corée du Sud, en Australie, à Oman, à Hong-

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Kong, en Espagne, en Italie, en France. Le sociologue Andy Furlong estimait dans un article de 2008 que
les conditions d’une généralisation de ce comportement de retrait des jeunes étaient désormais réunies
dans les sociétés modernes occidentales (32).

Une autre hypothèse explicative de cette « exportation » d’un syndrome initialement japonais au reste
du monde moderne, serait le phénomène de « contagion » en psychiatrie. La culture japonaise est
attractive parmi les jeunes et ceux-ci sont de plus en plus nombreux à connaître le concept d’hikikomori.
Il n’est pas exclu qu’une forme de subculture se soit installée et l’on « s’enrôle » dans ce syndrome.

4. Comportement non pathologique

Lorsqu’autant de diagnostics sont possibles derrière un comportement, la pertinence d’un


rattachement psychiatrique doit être questionnée (59). Pour un certain nombre d’auteurs, comme le
Dr MJ Guedj-Bourdiau de l’hôpital Saint-Anne à Paris, « Hikomori n’est ni un diagnostic reconnu dans
le DSM V, ni même un syndrome, c’est la description d’une conduite ».

La notion de comportement induit la question des normes et des valeurs d’une société donnée. La
sociologue Lise Damailly (60) explique que le caractère « social » d’un trouble mental, s’appréhende
notamment par la définition sociale du périmètre de l’anormalité. Ce périmètre est relatif en fonction
des époques et des lieux. Désigner ce qui relève du normal ou du pathologique à des enjeux à la fois
politiques, sécuritaires, scientifiques, sanitaires et économiques.

Notre société moderne et individualiste encense les valeurs de l’autonomie, qui serait essentielle pour
saisir les opportunités de la vie et s’accomplir (sans dépendre des autres). Mais le sociologue Alain
Ehrenberg rappelle dans son ouvrage La société du malaise paru en 2010 (61), que « les difficultés que
beaucoup d’individus ressentent sur le plan psychique trouvent leur origine dans l’impératif
d’autonomie, qu’ils ne sont pas à même d’assurer seuls ». D’après le Dr Guedj-Bourdiau, ce n’est pas
un hasard si cette conduite est assez spécifique du jeune adulte : L’injonction d’autonomie sociale peut
être assez brutale lorsque l’on doit quitter ses parents, travailler et « devenir un homme ». Ainsi, le
retrait peut apparaitre comme une forme de solution, un mode de vie alternatif librement choisi, face
à une situation où les exigences sociales sont trop importantes (45).

32

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(CC BY-NC-ND 2.0)
V. Le retrait dans la virtualité : Syndrome hikikomori et addiction à internet

L’émergence du phénomène hikikomori coïncide avec celui d’un autre trouble récemment reconnu
par l’American Psychiatric Association comme un trouble à part entière, celui de l’addiction à l’internet.
En 2013, dans la 5ème version du DSM est apparu le diagnostic de « internet gaming disorder »
(addiction aux jeux en ligne) caractérisé par les critères suivants (62) :

A. Préoccupation concernant le jeu sur Internet

B. Symptômes de sevrage lorsque Internet n'est pas accessible

C. Tolérance : besoin de passer une quantité croissante de temps au jeu sur Internet

D. Tentative infructueuses de contrôler l'utilisation du jeu sur Internet

E. Utilisation excessive d'Internet malgré la connaissance de problèmes psychosociaux négatifs

F. Perte d'intérêts, de passe-temps antérieurs, de divertissements à la suite de, et à l'exception de


l'utilisation du jeu sur Internet

G. Utilisation du jeu sur Internet pour fuir ou soulager une humeur dysphorique

H. Compromission ou perte d'une relation importante, un emploi ou une opportunité d'éducation ou


de carrière à cause de l'utilisation du jeu sur Internet.

Les personnes addictent à internet sont véritablement happées par leurs écrans, se désociabilisent peu
à peu jusqu’à se retrouver dans des situations de retrait social comparable à celui des hikikomori. Il est
donc intuitif d’imaginer que le tableau clinique décrit comme « hikikomori » soit en réalité la
conséquence d’une addiction sévère aux écrans et que ces jeunes délaissent progressivement la vie
réelle au profit d’une réalité virtuelle.
Il est en effet avéré que les jeunes reclus se retournent vers internet de manière intensive, avec une
durée d’utilisation qui est en moyenne le double de celles des autres individus du même âge. Leurs
activités privilégiées en ligne sont le « gaming » (jeux solitaires ou en réseau de guerre ou de sport), le
surf compulsif ou le visionnage de vidéos sur les plateformes de streaming (plus rarement la
fréquentation des réseaux sociaux) (63).

Mais les études de plus en plus nombreuses dans la littérature scientifique, qui interrogent les rapports
existants entre ces deux syndromes, démontrent quasiment unanimement que ce n’est pas l’abus

33

HOPPENOT
(CC BY-NC-ND 2.0)
d’utilisation des écrans qui conduit au retrait social de type « hikikomori », mais que c’est en réalité
l’inverse qui se produit : l’usage d’internet est secondaire au retrait social ; il en est la conséquence et
non la cause. L’expérience (50) montre que le fait de débrancher internet ou l’ordinateur, ne change
en rien le tableau de retrait social (la poursuite ou la sortie de l’enfermement ne sont pas
concomitantes à la poursuite ou à l‘arrêt de l’usage d’internet).

L’utilisation des écrans est occupationnelle et permet de remplir le vide, d’occuper le temps. Internet
offre par ailleurs un formidable refuge dans la vie virtuelle : l’anonymat y est la règle, chacun n’existant
que derrière des pseudonymes, des avatars de soi-même que l’on peut modifier à tout moment. Les
jeux vidéo sont satisfaisants pour le narcissisme et les bénéfices de la virtualité relationnelle sont
immédiats et plus faciles à obtenir, grâce à un sentiment de maîtrise de la communication, la
construction d’une image de soi plus valorisante. Les relations sont plus rassurantes et si les attentes
d’autrui ne sont pas satisfaites, on peut s’en sortir à tout moment.

Il est donc admis pour les auteurs que le développement des nouvelles technologies n’est pas à
l’origine de l’apparition des hikikomori. Leur diffusion coïncide certes avec l’intérêt porté aux
hikikomori, mais l’existence de ce phénomène précède la généralisation de l’usage d’internet et l’abus
des supports virtuels l’accompagne plutôt qu’il ne l’anticipe.

Enfin, signalons que selon le point de vu de certains auteurs, le recours intensif d’internet par les
hikikomori, peut ne pas être considéré comme une complication, mais comme un élément de bon
pronostic. Paradoxalement, il peut parfois contribuer à aider à la sortie du retrait, permettant aux
jeunes retirés de maintenir malgré tout des interactions sociales, de rester un minimum « connectés »
au monde extérieur, de faire de nouvelles rencontres. Ainsi, dans la mesure où cela améliore leur
qualité de vie et stimule leur sociabilité, même virtuelle, cet usage d’internet est plus une amélioration
qu’une comorbidité. Internet serait alors « un compromis entre la tendance au retrait et la nécessité
d’un minimum de contact social » (64), apparaissant ainsi comme une forme de solution auto-
thérapeutique au retrait social.

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TROISIEME PARTIE

REVUE DE LA LITTERATURE DES ECHELLES


D’EVALUATION DU RETRAIT SOCIAL CHEZ LES
JEUNES ADULTES

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I. Introduction

Le retrait social est un symptôme transnographique et fréquent, concernant un grand nombre


d’usagers de la psychiatrie. Depuis le tournant des années 2000, une nouvelle entité clinique a fait son
apparition dans le paysage de la littérature scientifique : une forme de retrait social sévère, à priori
isolé, touchant une population d’adultes jeunes. Les causalités de ce syndrome appelé « hikikomori »
ou « youth social withdrawal » sont encore incomprises et sujettes à controverses. Mais quelle qu’en
soit l’origine, son existence est unanimement admise comme étant un tableau caractérisé par un
retrait social avec une existence centrée au domicile et un évitement des contacts et des
responsabilités, pendant une période d’au moins 6 mois. Le retrait social étant un comportement dont
la sévérité est variable, s’échelonnant le long d’un continuum du normal au pathologique, être capable
d’identifier précocement les cas les plus préoccupants est primordial cars les retentissements
médicaux et sociaux sont nombreux. Les échelles psychométriques sont pour cela un outil précieux.
Nous proposons ici une revue systématique de la littérature dont l’objectif principal est de recenser
toutes les échelles validées pour l’évaluation du retrait social chez les jeunes adultes.

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HOPPENOT
(CC BY-NC-ND 2.0)
II. Méthodes

Le point de départ de notre travail consiste en une revue systématique de la littérature visant à
recenser toutes les échelles existantes d’évaluation psychométriques du retrait social.

Notre revue a suivi les recommandations PRISMA (65). Ces recommandations impliquent en premier
lieu de choisir les termes (mots-clefs) utilisés dans les bases de données, puis de définir de façon
rigoureuse les critères d’éligibilité des études retenues.

Pour notre recherche, nous nous sommes appuyés sur la base de données électronique Pubmed. Les
mots-clefs anglais social withdrawal, socially withdrawal, hikikomori, unsociability et preference for
solitude sont les termes majoritaires pour aborder le thème du retrait social. Le concept d’évaluation
psychométrique est englobé par les expressions suivantes : scale, assessment, rating, psychometric,
questionnaire, severity, measure et survey. L’équation de recherche retenue était donc : « ("social
withdrawal » OR hikikomori OR unsociability OR « preference for solitude » OR "socially
withdrawal ») AND (scale OR assessment OR rating OR psychometric OR questionnaire OR severity OR
measure OR survey) ». Les recherches ont été mises à jour pour la dernière fois le 31 août 2018.

Afin de sélectionner les articles pertinents pour notre étude, nous avons défini les critères d’inclusion
suivants : les articles devaient porter sur la présentation et la validation d’une échelle psychométrique
originale, dont l’objectif principal était d’évaluer le retrait social. Nous nous sommes intéressés aux
échelles qui s’appliquent à dépister le retrait social ou qui en mesurait la sévérité. Pour que les
instruments psychométriques soient applicables à la population cible des « jeunes adultes », nous
n’avons retenu que les études ayant testé leur échelle sur un échantillon qui comprenait la tranche
d’âge 18-35 ans. Nous avons fait le choix de ne pas exclure les échelles dont la population ciblée
concernait des patients, dès lors que les items constituants les questionnaires se focalisaient sur
l’aspect « retrait social » en faisant abstraction d’éventuelles autres manifestations cliniques. Les
articles devaient être rédigés en langue anglaise ou française. Nous n’avons pas exclu d’étude sur le
critère de la méthodologie.

Au total, nous avons recensés 765 articles sur la première sélection. Sur la seule lecture des titres, nous
avons puis éliminer 738 articles qui soit ne présentaient pas d’échelle, soit n’avaient pas trait au retrait
social. Après une lecture complète, 23 autres articles ont été exclues car ne correspondaient pas aux
critères d’inclusion fixés. Enfin, nous avons rajouté 3 articles sélectionnés dans les bibliographies, pour
parvenir à un total de 8 articles pertinents pour notre analyse finale (figure 3).

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Figure 2 : Diagramme de flux de la revue systématique de la littérature

Etudes identifiées sur Pubmed

(n = 765)

Exclues sur le titre et/ou le résumé

(n = 738)

Ne sont pas des échelles et/ou ne


concernent pas le retrait social

Deuxième sélection

(n = 27)

Exclues sur leur contenu

(n = 23)

Population pédiatrique (n = 12)

Ne concernent pas directement le


retrait social (n = 4)

Le retrait n’intéresse qu’une sous-


partie de l’échelle complète (n = 3)

Troisième sélection

(n = 4)

Etudes incluses sur consultation


des références bibliographiques
d’autres articles

(n = 3)

Etudes incluses pour l’analyse finale

(n = 7)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
III. Résultats

1. Tableau d’extraction

(Pages suivantes)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Détails de la publication Caractéristiques de l’échelle Validation de l’échelle

Nom de Auteurs Année Type Population Objectif Population d’étude Comparateur utilisé Résultats
l’échelle Pays Journal ciblée principal
Hikikomori A. Teo 2018 Auto- Jeunes adultes Dépistage des cas 399 jeunes adultes R-UCLA loneliness Scale, Un score > 42/100 dépiste un
Questionnair J. Chen Psychiatry questionnaire de de (âge moyens 32 ans) Préférence for Solitude syndrome hikikomori avec une
e HQ-25 an clinical 27 items syndrome Hikiko issus de la Scale, Multidimentional sensibilité de 94 %
Japon/USA neuroscienc mori communauté (n=170) Scale of Social Support
es et de centres de soins Structure à 3 facteurs :
psychiatriques (n=229) - Socialisation
- Isolement
- Support émotionnel

Neet/Hikiko Y. Uchida 2015 Auto- Jeunes adultes Évaluation du 66 jeunesjeunes Comparaison avec une 3 types de facteurs de risques
mori Risk V. Frontiers in questionnaire de risque de retrait adultes volontaires vaste base de données principaux :
Scale NHR- Norasakkunkit psychology 20 items social sains étudiants (34 issues d’une enquête - Préférence pour un mode de vie
hommes et 32 épidémiologique sur les sans travail
scale
Japon/USA femmes) de 18 à 23 « retirants » par le - Défaut de compétences sociales
ans. gouvernement japonais. - Ambitions floues pour l’avenir

R-UCLA D. Russel 1980 Auto- Jeunes adultes Mesure du 162 jeunes adultes Indicateurs de solitude, Mesure le sentiment subjectif de
Lonileness J. of questionnaire de sentiment de volontaires sains de relations sociales et solitude
Scale USA personality 12 items solitude étudiants d’une de dépression (Beck
and social université californienne Depression Inventory et
psychology (64 hommes ; 98 Costello-Comrey
femmes) Depression and Anxiety
Scales).

Preference J.M. Burger 1995 Auto- Jeunes adultes Évaluation de la 103 jeunes adultes Mesures Plus le score au questionnaire est
for Solitude J. of questionnaire de préférence pour volontaires sains psychométriques de élevé, plus le niveau de préférence
Scale USA research in 40 items la solitude étudiants traits de personnalité pour la solitude est haut
personality qui ont en commun de
tenir l’individu en retrait
des contacts sociaux
(anxiété générale,
anxiété sociale, solitude,
introversion, faible
appétence pour les
rapports sociaux)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Revised Eckbald 1982 Auto- N.C Mesure de N.C N.C Mesure le degré d’anhédonie
Social Article non questionnaire de « l’asociabilité » sociale en explorant le réseau social
Anhedonia USA publié – 24 items et le plaisir suscité par les relations
université interpersonnelles.
Scale
du
Wisconsin
MND – S.A. Rigby 1999 Auto- Patients atteints Évaluation de 23 patients à des Validité approuvée par Explore le retrait social au travers
Social E.W. Thorton J. of the questionnaire de 6 d’un trouble l’intensité du stades de progression un avis d’expert de ses 4 composantes :
withdrawal neurological items neurodégénératif retrait social différents de la - Intégration dans la communauté
Angleterre sciences sclérose latérale - Relations à la famille/aux proches
Scale
amyotrophique - Emotions liées aux relations
- Aspect physique des interactions
sociales
Social S. Rios 2017 Auto- Patients atteints Évaluation de 60 571 patients Journal des interactions Evalue la gravité du retrait social
Withdrawal C.M. Perlman J. of questionnaire de maladies l’intensité du hospitalisés en sociales des malades chez les usagers de la psychiatrie,
Scale behavioral psychiatriques retrait social psychiatrie entre 2011 en explorant le manque de
Canada health et 2014 motivation, la réduction des
services & interactions, la perte d’énergie,
research l’émoussement affectif, l’anhédonie
et la perte d’intérêt.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
2. Les échelles

a) Hikikomori Questionnaire (HQ-25) (66)

C’est l’échelle la plus récente, publiée en juin 2018 par A. Teo qui fait le constat du manque d’outils
d’évaluation validés pour mesurer le retrait social des jeunes adultes, phénomène dont l’intérêt est
croissant dans le domaine de la santé mentale. Avant cette publication, deux autres échelles
seulement s’intéressaient spécifiquement au dépistage des hikikomori : L’Hikikomori Behavior
Checklist (qui n’existe actuellement qu’en langue japonaise) et la Neet/Hikikomori Risk Scale. L’objectif
de cette nouvelle échelle est de dépister les cas d’hikikomori en se basant sur la définition la plus
répandue dans la littérature : état dans lequel une personne jeune passe la majeure partie de son
temps au domicile ; ne peut ou ne veut pas avoir de vie sociale comme aller à l’école ou travailler ; est
dans cette situation depuis plus de 6 mois ; n’a pas d’amis proches ; n’a pas de pathologie psychotique
ou de retard mental.

Testée sur un échantillon de 399 participants, répartis entre un groupe de volontaires sains issus d’une
université japonaise (n=170) et un groupe recruté parmi 9 hôpitaux ou cliniques psychiatriques au
Japon (n=229). L’âge des participants était compris entre 15 et 50 ans (âge moyen : 32 ans), et la
connaissance d’une schizophrénie existante était un facteur d’exclusion. Elle consiste en un auto-
questionnaire de 25 items basés sur les caractéristiques psycho-sociales issues de la littérature sur les
hikikomori, côtés de 0 (complètement en désaccord) à 4 (complètement d’accord).

L’analyse statistique a permis de démontrer l’existence d’une structure à 3 facteurs : socialisation (11
items, par exemple : « Je me sens mal à l’aise parmi les autres »), isolement (8 items, par exemple :
« Je passe la majorité de mon temps seul ») et « support émotionnel » (6 items, par exemple « Il y a
peu de gens avec qui je puisse discuter de sujets importants »).

L’échelle est fiable (coefficient alpha de Cronbach = 0.96). Sa validité est démontrée par la convergence
des résultats avec ceux de la R-UCLA loneliness Scale, de la Préférence for Solitude Scale et de la
Multidimentional Scale of Social Support.

En utilisant une valeur seuil de positivité établie optimalement à un score de 42 (sur 100 au maximum),
on obtient une sensibilité de 94 % et une spécificité de 61 %. Il s’agit donc d’un bon test de dépistage
des cas à risque de hikikomori, mais sa valeur prédictive positive est faible.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
b) Social Withdrawal Scale (SWS) (67)

Echelle d’évaluation du retrait social publiée en 2017, ciblant spécifiquement la population des
malades psychiatriques. La problématique du retrait social est en effet un symptôme largement
expérimenté par les personnes souffrant de troubles mentaux, mais est pourtant loin d’être
systématiquement évalué en pratique courante. La SWS a été élaborée par les canadiens Rios et
Perlman, à partir d’une autre échelle couramment utilisée au Canada : la RAI-Mental Health (RAI-MH).
Il s’agit d’une échelle « d’évaluation globale » dont la passation est depuis 2005 systématiquement
appliquée à tous les patients hospitalisés dans les services de psychiatrie en Ontario (au moment de
leur admission et à celui de leur sortie).

A partir des scores obtenus à la RAI-MH par 60 571 patients hospitalisés en psychiatrie (qui ont passé
l’échelle 72h après leur admission, entre 2011 et 2014), les auteurs ont extrait 6 items statistiquement
discriminants pour évaluer l’aspect « retrait social » dans le fonctionnement des malades. Ces items
questionnent le manque de motivation, la réduction des interactions, la perte d’énergie,
l’émoussement affectif, l’anhédonie et la perte d’intérêt.

La SWS est fiable (coefficient alpha de Cronbach = 0.82) et valide (les scores obtenus à la SWS ont été
comparés à un journal des interactions sociales des malades ; de faibles niveaux d’engagement dans
des activités sociales correspondant bien à des scores plus élevés à la SWS) pour identifier la présence
d’un retrait social chez des individus souffrants de troubles de l’humeurs, de schizophrénie, de
démence, ou d’abus de substance. C’est par ailleurs un outil simple et rapide d’utilisation.

c) Neet/Hikikomori Risk Scale (NHR-Scale) (30)

Cette échelle, publiée par Uchida et Norasakkunkit en 2015, vise à dépister les facteurs de risque chez
l’adulte jeune de se mettre en retrait de la société. Le point de vu des auteurs est que les hikikomori
et les « NEET » (« not in employment education or training ») appartiendraient au même spectre de
troubles, avec dans les deux cas une forme de marginalisation du jeune vis-à-vis de la société. La
différence entre les deux ne serait qu’une question d’intensité : Retrait du monde du travail (pour les
« NEET ») au retrait social complet (pour les hikikomori)

53 caractéristiques psycho-sociales compilées depuis la littérature scientifique sur le sujet ont été
soumises à une cotation par une population de 66 jeunes japonais (34 hommes et 32 femmes) de 18
à 23 ans. 27 items ont été sélectionnés, cotés de 1 (« tout à fait d’accord ») à 7 (« tout à fait en

43

HOPPENOT
(CC BY-NC-ND 2.0)
désaccord »), pour composer un auto-questionnaire dont la validité a été confirmée par la
convergence de ses résultats avec une vaste base de données issues d’une étude épidémiologique sur
les « retirants » par le gouvernement japonais (portant sur 10 744 jeunes entre 20 et 39 ans) et
disponible sur internet.

L’échelle fait ressortir 3 grands groupes de facteurs de risques principaux, qui sont autant de sous-
catégories différentes de retrait (coefficient alpha de Cronbach à 0.83 pour les 2 premiers, 0.79 pour
le troisième) décrit de la manière suivante : 1. une préférence pour un mode de vie dénué de travail
(choix conscient de ne pas travailler en dépit de capacités et d’opportunités de le faire ; évalué par
exemple par l’item : « je ne pense pas qu’il soit nécessaire de trouver immédiatement un travail ») 2.
un manque de compétences interrelationnelles (par exemple : « mes compétences sociales sont
faibles et je suis mauvais dans la relation à l’autre »), et 3. des ambitions floues pour l’avenir (par
exemple : « je ne me soucie pas maintenant de ce que je veux faire plus tard »).

d) MND (Motor Neurone Disease) – Social withdrawal Scale (68)

Echelle publiée en 1999 par S.A. Rigby et son équipe de Liverpool, pour mesurer la sévérité du retrait
social chez les malades atteints de sclérose latérale amyotrophique. La sclérose latérale
amyotrophique (SLA) est une maladie d’étiologie inconnue, entraînant une neurodégénérescence du
motoneurone, qui provoque une paralysie musculaire rapidement progressive. Paradoxalement, la
littérature scientifique s’enrichit de plus en plus d’études qui démontrent que la détérioration de la
qualité de vie des patients atteints de SLA n’est pas tant due aux dysfonctionnements moteurs, qu’aux
conséquences psychologiques de la maladie, au premier rang desquelles, le retrait social (69).

L’échelle a donc été conçue pour mesurer spécifiquement le retrait social, indépendamment de la
symptomatologie somatique. Développée à partir d’un échantillon de 23 patients à des stades de
progression différents de la maladie, elle est constituée de 24 questions basées sur des problèmes
soulevés par les malades eux-mêmes au travers d’interviews semi-structurées. L’échelle est divisée en
4 sous-parties de 6 questions chacune (dont la cohérence interne varie entre 0.72 et 0.83 pour le
coefficient alpha de Cronbach), catégorisant les items en 4 groupes qui décrivent : l’intégration dans
la communauté (par exemple : « Mon engagement dans des organisations locales/clubs d’activité a
sensiblement diminué depuis mon diagnostic »), les relations à la famille ou aux amis proches (par
exemple : « J’apprécie moins la compagnie de mes amis proches »), l’aspect émotionnel des relations
interpersonnelles (par exemple : « Je me sens sous pression quand je suis entouré par d’autres
personnes ») et la composante physique des interactions sociales (par exemple : « J’ai des difficultés à
aller aux toilettes dans des lieux publiques »). Les items ont été répartis au hasard dans le
questionnaire et certains d’entre eux ont été inversés afin de se prémunir d’un biais de réponse. Les

44

HOPPENOT
(CC BY-NC-ND 2.0)
réponses sont échelonnées entre 1 (en total désaccord) et 6 (totalement d’accord). Plus le score final
est élevé, plus le retrait social est sévère.

La validité de l’échelle a été approuvée par un avis d’experts de 5 cliniciens.

e) Preference for Solitude Scale (70)

La préférence pour la solitude est une notion conceptualisée par Coplan (15) qui regroupe le
tempérament « asocial » et le tempérament « évitant », tous deux caractérisés par une absence de
motivation pour l’approche sociale et une préférence marquée pour les activités solitaires. Elle est,
avec la timidité, une des causes de retrait social auto-imposé (à la différence des retraits subis).

La Preference for Solitude Scale est un auto-questionnaire de 12 questions, évaluant dans quelle
mesure les sujets préfèrent être seuls alors qu’ils pourraient avoir des relations ou activités sociales.
Conçue par J.M. Burger (USA) en 1995. Sa fiabilité a été testée sur une population de 103 étudiants
volontaires sains (coefficient de Cronbach = 0.73) et sa validité éprouvée par une convergence
adéquate avec d’autres mesures psychométriques de traits de personnalité qui ont en commun de
tenir l’individu en retrait des contacts sociaux (anxiété généralisée, anxiété sociale, solitude,
introversion, faible appétence pour les rapports sociaux). Pour chaque question, les participant doivent
choisir entre deux propositions, celle qui leur correspond le mieux, l’une reflétant la préférence pour
la solitude, l’autre la préférence pour être en compagnie d’autres personnes : amis, familles, collègues,
inconnus (par exemple : « J’organise ma journée de façon à toujours avoir du temps à passer seul »,
ou « J’organise ma journée de façon à avoir toujours quelque chose à faire avec quelqu’un »). Un score
élevé indique un haut niveau de préférence pour la solitude.

f) Revised Social Anhedonia Scale (71)

Développée par Eckblad en 1982 (université du Wisconsin). L’article original n’a jamais été publié mais
l’échelle est fréquemment citée dans la littérature.

L’anhédonie sociale est la perte du plaisir procuré par les expériences sociales et affecte donc
directement le comportement pro-social.

Il s’agit d’un auto-questionnaire constitué de 40 questions auxquelles le sujet doit répondre par vrai
ou faux. Elle estime le degré « d’anhédonie sociale » (considérée comme élevée avec un score
supérieur ou égale à 12, c’est-à-dire la pauvreté du réseau social et le manque de plaisir associé aux
rapports relationnels, en mesurant l’indifférence schizoïde, l’asociabilité, l’absence de joie sociale et
l’indifférence aux autres. Eckbald a procédé à la révision de la Social Anhedonia Scale originale
(Chapman et al. 1976) dont la validité n’était pas suffisante pour discriminer correctement ce qui

45

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(CC BY-NC-ND 2.0)
relevait de l’anhédonie sociale ou de l’anxiété sociale. Mais l’article original n’ayant jamais été publié,
nous ne disposons pas des renseignements sur la façon dont elle a été validée. D’après Chapman 1995,
sa validité a été « empiriquement soutenue ».

Cette échelle a par ailleurs été utilisée dans plusieurs études ultérieures (72) qui ont démontré qu’il
existait une forte corrélation entre un score élevé et le risque de développement futur d’un trouble du
spectre schizophrénique.

g) Revised UCLA (University of Californa, Los Angeles) Lonileness Scale (73)

Auto-questionnaire de 20 items qui évalue le sentiment de solitude d’un individu dans sa vie
quotidienne. Les sujets doivent indiquer à quelle fréquence ils se sentent de la manière que décrit
chaque item, en cotant de 1 (« jamais ») à 4 (« souvent »). Un score élevé indique un haut niveau de
solitude.

Développée en 1978 par D. Russel, l’échelle avait une bonne fiabilité (coefficient de Cronbach = 0.96)
mais toutes les questions allant dans le même sens (celui d’un sentiment d’insatisfaction relationnelle),
il existait un biais de « réponse systématique » qui pouvait influencer le score final. L’auteur propose
donc, en 1980, une version modifiée, comprenant 10 items « inversés » parmi les 20 du questionnaire
(par exemple : « il y a des gens dont je me sens proche »).

Testée sur une population de 162 étudiants volontaires sains d’une université californienne (64
hommes ; 98 femmes), sa fiabilité est élevée (coefficient alpha = 0.96) et sa validité est jugée
satisfaisante devant la convergence des scores obtenus à l’échelle, avec d’autres indicateurs de
solitude, de relations sociales et de dépression (Beck Depression Inventory et Costello-Comrey
Depression and Anxiety Scales).

46

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(CC BY-NC-ND 2.0)
IV. Discussion

Des échelles d’évaluations du retrait social existent. Mais elles sont peu nombreuses à concerner la
population des jeunes adultes. 12 études ont été exclues parce qu’elles avaient été conçues pour cibler
soit une population pédiatrique, soit une population gériatrique. Cela témoigne du fait que jusqu’à
présent, la problématique du retrait social suscitait une préoccupation essentiellement à ces deux
extrémités de l’existence (apprentissage de la sociabilité chez les enfants, isolement et solitudes des
personnes âgées). Beaucoup d’instruments psychométriques en psychiatrie prennent en compte
l’évaluation du retrait social, mais comme un simple symptôme associé à d’autres, dans des échelles
plus globales. Il fait parfois l’objet d’une sous-partie dans un questionnaire. La Scale for the Assessment
of Negative Symptoms (SANS) (74) par exemple, comporte 5 sous-échelles qui mesurent les
caractéristiques des symptômes négatifs dans la schizophrénie. L’une d’entre elle (« Anhédonie et
Asociabilité ») consiste en un ensemble de 4 items qui interrogent les intérêts et activités de loisir, les
intérêt et activité sexuelle, l’incapacité à vivre des relations étroites ou intimes et les relations avec les
amis ou collègues.

Les qualités méthodologiques de ces échelles sont assez faibles. Les échantillons, utilisés pour tester
la fiabilité sont souvent de petite taille (cela tient aux obstacles pratiques d’accessibilité aux personnes
retirés) et aucune de ces échelles ne s’imposant comme un gold-standard, les études de convergence
utilisent des comparateurs différents d’un article à l’autre. Ces moyens de validation hétérogènes les
rendent difficilement comparables.

Par ailleurs, un certain nombre d’entre elles ayant été validées uniquement au Japon, où les
caractéristiques culturelles sont très spécifiques et où le phénomène « hikikomori » a pendant un
temps été pensé comme inhérent exclusivement à ce pays. La transférabilité de ces échelles dans
d’autres lieux que le Japon nous est donc inconnue.

A la lecture de ces différentes études, il apparaît que le retrait social n’est pas un simple symptôme
catégoriel. Il se décompose au contraire en différents axes tels que le repli sur soi, la cognition sociale,
le support relationnel et l’intégration dans la communauté, le tempérament et l’appétence aux
relation, le degré d’autonomie. Un outil d’évaluation optimal intègrerait tous ces domaines spécifiques
du fonctionnement social. De plus, comme nous l’avons mentionné dans la description clinique du
syndrome de retrait social des jeunes adultes, cette manifestation est presque toujours égosyntonique
au sujet qui la présente, posant la question d’une forme d’anosognosie vis-à-vis de leur situation.
L’élaboration d’une échelle sous la forme d’un hétéro-questionnaire serait donc intéressante pour ne
pas laisser l’évaluation de ce comportement à la subjectivité de l’individu.

Plusieurs limites doivent être soulignées concernant cette revue de la littérature.

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L’expression « Jeune adulte » utilisée par tous les auteurs s’intéressant à ce sujet n’étant pas la
définition précise d’un âge, nous avons nous-même décidé de fixer la tranche d’âge 18-35 ans comme
critère d’inclusion de la population cible. Ce choix nous est apparu pertinent à la lecture des différents
rapports de cas publiés par les chercheurs (avec un âge moyen au diagnostic de 27 ans). De plus, les
populations d’étude des différentes échelles sélectionnées n’étaient pas uniformes : certaines
concernaient des sujets sains, d’autres des sujets malades (atteints de troubles psychiatriques ou
neurologiques). Nous avons tout de même pris le parti d’inclure toute ces échelles dès lors que les
items constituants les questionnaires se focalisaient sur l’aspect « retrait social » en faisant abstraction
d’éventuelles autres manifestations cliniques. Enfin, signalons que nous avons été amené à exclure 3
échelles d’évaluation du retrait social chez les jeunes adultes : deux parce qu’elles étaient en langue
japonaise ou coréenne non traduites ; une parce que le texte intégral de l’article n’était pas accessible
(the Social Functionning Scale) (75).

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V. Conclusion de la revue de la littérature

Être capable de diagnostiquer et mesurer la sévérité du retrait social chez les jeunes adultes est un
enjeu important pour identifier précocement les situations à risque évolutif péjoratif et adapter les
prises en charge des patients. Il existe pour cela des échelles psychométriques, mais celle-ci sont peu
nombreuses à être applicables aux jeunes adultes en situation de retrait sévère. Cette problématique,
jusqu’à présent méconnue ou sous-estimée au sein de cette population particulière, est en train de
gagner en visibilité avec l’intérêt croissant de la communauté scientifique pour le phénomène des
« hikikomori ». Le retrait social, isolé ou intégré dans un tableau clinique plus vaste, est un symptôme
dynamique, dont les facettes sont multiples (aspect psychologique du repli sur soi, aspect physique et
temporel de la réclusion, compétences cognitives interrelationnelles, intégration dans la communauté
avec la quantité et la qualité du support social et/ou affectif). Une échelle idéale prendrait en compte
tous ces aspects et se présenterait sous la forme d’un hétéro-questionnaire, pour offrir une meilleure
objectivité à l’évaluation d’un comportement, dont ceux qui en souffrent n’en perçoivent presque
jamais le caractère pathologique.

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