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CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

CONVENTION
RELATIVE AUX DROITS
DES PERSONNES
HANDICAPÉES
Guide de formation N° 19

Série sur la formation professionnelle

Guide de formation

Printed at United Nations, Geneva USD 25


1357256 (F) – August 2014 – 1,131 ISBN 978-92-1-254179-2
HR/P/PT/19
United Nations publication
Sales No. F.14.XIV.2
N° 19

ISSN 1020-4636
Convention relative aux droits
des personnes handicapées

Guide de formation
Série sur la formation professionnelle n° 19

New York et Genève, 2014


NOTE

Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données


qui y figurent n’impliquent de la part du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies
aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de
leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

*
**

Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent de lettres
majuscules et de chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte signifie qu’il s’agit d’un
document de l’Organisation.

HR/P/PT/19

PUBLICATION DES NATIONS UNIES


Numéro de vente F.14.XIV.2

ISBN-13: 978-92-1-254179-2

eISBN-13: 978-92-1-056496-0

© 2014 Nations Unies

Tous droits réservés pour tous pays


AVANT-PROPOS

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif
ont été adoptés le 13 décembre 2006 et sont entrés en vigueur le 3 mai 2008. Leur adop-
tion a été l’aboutissement d’une vigoureuse revendication des personnes handicapées qui, à
travers le monde, demandaient que leurs droits de l’homme soient respectés, protégés et mis
en œuvre dans des conditions d’égalité avec les autres.

La Convention célèbre la diversité et la dignité humaines. Ce qu’elle affirme essentielle-


ment, dans son préambule comme dans ses différents articles, c’est que les personnes handi-
capées sont fondées à jouir de la totalité des droits de l’homme et des libertés fondamentales
sans discrimination. En interdisant la discrimination fondée sur le handicap et en disposant
qu’il doit être procédé à des aménagements raisonnables pour garantir l’égalité avec les
autres, la Convention encourage la pleine participation des personnes handicapées dans
tous les domaines de la vie. En instaurant l’obligation de promouvoir une perception posi-
tive des personnes handicapées et une conscience sociale plus poussée à leur égard, elle
remet en cause les habitudes et les comportements fondés sur des idées stéréotypées, des
préjugés, des pratiques préjudiciables et la stigmatisation de ces personnes. En mettant en
place un mécanisme d’examen des plaintes, le Protocole facultatif accorde aux personnes
handicapées un droit égal à réparation pour toute violation des droits consacrés par la
Convention.

Il est important de noter que la Convention et son Protocole facultatif remettent en cause
la manière dont le handicap était perçu jusque là – c’est-à-dire comme un problème médical,
un motif d’apitoiement ou l’objet d’actions caritatives – et instituent une nouvelle approche,
fondée sur les droits de l’homme, qui vise à permettre aux sujets de ces droits de décider du
cours de leur existence.

À la faveur de ce changement historique de paradigme, la Convention ouvre des pers-


pectives inédites et appelle un renouveau de la réflexion. Sa mise en œuvre exige des
solutions novatrices. Si nous voulons prendre un bon départ, il faut que les objectifs, les
concepts et les dispositions de la Convention soient bien compris de toutes les parties
prenantes – des agents de la fonction publique aux parlementaires et aux juges, des repré-
sentants des fonds, programmes et institutions spécialisées du système des Nations Unies
aux spécialistes de secteurs tels que l’éducation, la santé et les services d’appui, des orga-
nisations de la société civile au personnel des institutions nationales de défense des droits
de l’homme, en passant par les employeurs, les représentants des médias, les personnes
handicapées elles-mêmes, les organisations qui les représentent et le grand public.
Si les ratifications de la Convention et de son Protocole facultatif ont progressé rapide-
ment, il n’en va pas de même de notre connaissance des moyens de leur donner effet et d’en
surveiller l’application. C’est pour relever ce défi que le Haut-Commissariat aux droits de
l’homme a élaboré le présent Guide de formation relatif à la Convention et à son Protocole
facultatif. Il s’accompagne de huit modules de formation conçus pour informer et préparer
les personnes qui participent à la ratification, à la mise en œuvre et au suivi de l’application
des deux instruments. S’il s’adresse principalement aux animateurs des cours de formation
consacrés à la Convention et au Protocole facultatif, il part cependant du principe que
chacun de nous a un rôle à remplir. Il convient de donner une large diffusion à ce jeu de
matériels de formation; il devrait être utilisé par tous ceux qui souhaitent s’associer à cette
entreprise essentielle: mieux faire connaître les droits des personnes handicapées, assurer
la mise en œuvre effective de ces droits et, en dernière analyse, bâtir une société favorisant
l’inclusion de tous.

Navanethem Pillay
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
TABLE DES MATIÈRES

À PROPOS DU GUIDE DE FORMATION ............................. 1

MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? ......................... 7

MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE


DE LA CONVENTION ....................................... 21

MODULE 3 – LA RATIFICATION .............................................. 45

MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION ............................ 57

MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE


SUR LE HANDICAP ............................................ 87

MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX


D’APPLICATION ET DE SUIVI............................... 105

MODULE 7 – L’ÉTABLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ


DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES:
LE RAPPORT DE L’ÉTAT ET LES RAPPORTS
ALTERNATIFS..................................................... 117

MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF ............................... 139


À PROPOS DU GUIDE DE FORMATION

Généralités Ces éléments ont été élaborés en 2010


et révisés tout au long de 2011. En août
L’Assemblée générale des Nations 2011, le Haut-Commissariat des Nations
Unies a adopté la Convention relative aux Unies aux droits de l’homme a organisé
droits des personnes handicapées et son
un cours de validation auquel ont parti-
Protocole facultatif en 2006 pour améliorer
cipé des représentants d’unités de l’ONU
le respect des droits de ces personnes, qui
spécialisées dans les droits de l’homme,
représentent, d’après les dernières estima-
du Département des affaires économiques
tions, quelque 15 pour cent de la popula-
et sociales de l’ONU, et de l’International
tion mondiale. Depuis 2006, le nombre des
ratifications de la Convention et du Proto- Disability Alliance. C’est sur cette base que
cole facultatif augmente rapidement, sans le Guide a été définitivement mis au point
que la connaissance de la Convention et puis publié.
des moyens de l’appliquer ainsi que d’en
surveiller la mise en œuvre progresse néces- Le Guide de la formation en bref
sairement au même rythme. Il en découle un
accroissement de la demande de cours de Qu’est-ce que le Guide de formation?
formation destinés à renforcer les capacités
des parties prenantes nationales – représen- Le Guide de formation est conçu à
tants des pouvoirs publics, société civile, l’intention de personnes qui animent des
institutions nationales de défense des droits cours consacrés à la Convention relative
de l’homme, et autres. aux droits des personnes handicapées
et à son Protocole facultatif. Il peut être
C’est pour répondre à cette demande
employé pour mettre au point un cours
que le Haut-Commissariat des Nations Unies
de formation sur la Convention et/ou son
aux droits de l’homme (HCDH) a élaboré le
Protocole facultatif, mais il est utile aussi
présent Guide de formation. Cet ouvrage a
en tant que source générale d’informations
pour objet de présenter les principes d’une
approche du handicap fondée sur les droits sur ces instruments. Destiné à servir de
de l’homme, les aspects fondamentaux de la base à des séances de formation interac-
Convention et de son Protocole facultatif, et tives, auxquelles devraient participer idéa-
les questions et processus liés à la ratifica- lement des groupes relativement restreints
tion et à la mise en œuvre de ces instruments de 20 personnes au maximum, il associe
ainsi qu’au suivi de leur application. Aussi des diaporamas à des activités collectives
les éléments qu’il contient sont-ils particuliè- destinées à encourager le dialogue et les
rement adaptés à des cours d’initiation au échanges entre les animateurs et les partici-
contenu de la Convention. pants, et entre les participants eux-mêmes.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
2 GUIDE DE FORMATION

À qui le Guide de formation • Les personnes handicapées et les orga-


s’adresse-il? nisations qui les représentent;

Le Guide de formation s’adresse au • Les organisations de la société civile;


premier chef aux animateurs de programmes • Les représentants des médias;
de formation ainsi qu’aux personnes qui ont
déjà une connaissance du dispositif interna- • Les spécialistes de domaines connexes
tional des droits de l’homme et qui sont appe- tels que la santé, l’éducation, les ser-
lées à en familiariser d’autres avec le contenu vices d’appui, etc.
de la Convention relative aux droits des
personnes handicapées. En d’autres termes, Comment utiliser le Guide de formation1
il suppose que l’utilisateur a déjà une certaine
Les cours se fondent sur les méthodes
connaissance des normes, de la terminologie
didactiques adoptées par la Section de la
et des mécanismes qui ont trait aux droits de
méthodologie, de l’éducation et de la forma-
l’homme, sans être nécessairement informé du
tion du Haut-Commissariat aux droits de
contenu de la Convention elle-même. Il part
l’homme. Chaque module comprend trois
du principe que chaque cours de formation
documents principaux, à savoir:
est dispensé par un animateur principal, idéa-
lement épaulé par des assistants. • La note à l’usage de l’animateur, qui
indique la structure de la séance de for-
Quel est le public cible des modules? mation, énumère les documents requis,
contient une bibliographie et donne des
Le public cible des modules est large. Ces
conseils pour les diaporamas;
derniers s’adressent à tout un chacun, et plus
particulièrement aux représentants d’organi- • Les diaporamas, qui présentent une
sations ou d’institutions qui se préoccupent série d’images destinées à aider l’ani-
de promouvoir et d’appliquer la Convention mateur à exposer les différents concepts
ou de veiller à sa mise en œuvre. Les prin- du module;
cipaux bénéficiaires des cours de formation
• La note relative à l’activité collective, qui
sont donc:
expose le déroulement de cette activité
• Les représentants des pouvoirs publics, et les conditions qu’elle exige (lieu et
en particulier les points de contact et les objets nécessaires, par exemple).
membres des mécanismes de coordina- Les séances commencent généralement
tion pour l’application de la Convention; par un diaporama, suivi d’une série de ques-
• Les parlementaires; tions et réponses, et s’achèvent par une acti-
vité collective.
• Les juges;
Le Guide de formation fait appel à une
• Les représentants des fonds, des pro-
méthode interactive qui favorise la participa-
grammes et des institutions spécialisées
tion. Il importe de respecter cette démarche
du système des Nations Unies;
1
Les notes à l’usage de l’animateur, les diaporamas et les
• Les représentants des institutions natio- notes relatives à l’activité collective peuvent être obtenues
nales de défense des droits de l’homme; à l’adresse suivante: www.ohchr.org.
À PROPOS DU GUIDE DE FORMATION 3

de bout en bout. L’animateur devrait se servir Préparer le cours


des images qu’il présente pour encoura-
ger le débat et l’échange d’informations et Évaluer les besoins en matière de
de données d’expérience avec les partici- formation afin de déterminer ce que
pants et entre eux. Il devrait éviter de faire le cours doit apporter aux participants2
un exposé de type magistral, c’est-à-dire de
monologuer pendant que les participants L’évaluation des besoins permet à l’ani-
écoutent et prennent des notes. mateur de définir les connaissances que les
apprenants devraient acquérir et de bien
Le Guide de formation se propose de comprendre les conditions dans lesquelles ils
combler les lacunes qu’il pourrait y avoir travaillent, de manière à pouvoir décider à
dans les connaissances des animateurs; c’est bon escient de la conception du programme.
donc aussi un outil à utiliser avant la séance. Cette évaluation l’aidera aussi à optimiser le
Les animateurs devraient cependant veiller à contenu, les méthodes, les techniques et le
ne pas s’y reporter pendant la séance elle- calendrier du cours.
même, afin d’éviter que la présentation, au
Elle devrait permettre à l’animateur
lieu d’être un échange avec les participants,
de se faire une idée exacte de la situation
devienne une conférence.
concernant les droits des personnes handi-
Les animateurs devraient adapter les capées, d’établir le profil des apprenants
matériels du Guide de formation à chacun de potentiels, et de cerner les lacunes à combler
leurs publics. Il n’est pas indispensable que et les besoins à satisfaire pour faire partager
chaque programme de formation comprenne à l’auditoire l’approche du handicap fondée
les huit modules, que ces derniers soient sur les droits de l’homme.
présentés dans un ordre préétabli ni que tous
Idéalement, un questionnaire préalable
les aspects de chaque module soient traités.
devrait être adressé aux participants un mois
L’important, c’est que l’animateur propose avant le début du cours. Les renseignements
un programme qui réponde aux besoins des ainsi recueillis peuvent aider à en conce-
participants. voir et en adapter précisément le plan ou le
programme. Le questionnaire préalable est
De même, l’animateur devrait prépa-
utile à différents égards. Il:
rer le cours à l’avance, en cherchant des
exemples et des documents pertinents pour • Contribue à la conception du cours et
le pays et la région où ce cours se déroule. donne aux animateurs des renseigne-
Il faut donc qu’il se renseigne sur la région, ments sur leur auditoire;
qu’il fasse le point de l’essentiel des progrès
accomplis et des difficultés rencontrées en • Encourage les participants à s’intéresser
matière de ratification, d’application et de à la matière du cours avant leur arri-
suivi de la Convention, et qu’il trouve des
situations et des cas significatifs à l’éche- 2
Pour en savoir davantage sur l’évaluation des besoins en
lon local. Il peut parfois être nécessaire de matière de formation voir Equitas – Centre international
remplacer complètement certains matériels d’éducation aux droits humains et HCDH, Évaluer les acti-
vités de formation aux droits de l’homme: Manuel destiné
didactiques et certaines activités collectives aux éducateurs dans le domaine des droits de l’homme,
en fonction du contexte. Série sur la formation professionnelle n° 18 (HR/P/PT/18).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
4 GUIDE DE FORMATION

vée et à se préparer en se documentant Bien choisir le contenu des cours


chez eux;
Un cycle de formation comprend toujours
• Permet de connaître le niveau initial des un cours inaugural et un cours de clôture, mais
participants et, par là, de mesurer les le reste du programme devrait répondre aux
progrès de leurs connaissances, de leur besoins spécifiques des participants.
expérience et de leur confiance en eux;
Le choix des modules à privilégier dépend
• Facilite la mise en commun de l’expé- de la connaissance que les participants ont
rience acquise tout au long du cours de des droits des personnes handicapées, et du
formation. stade d’avancement de leurs stratégies de
Le questionnaire préalable devrait com- ratification, de mise en œuvre et/ou de suivi
prendre des questions telles que celles-ci: de l’application de la Convention. En règle
générale, le temps disponible ne permettra
• Que savent les participants au sujet des pas de traiter la totalité des huit modules, et
droits des personnes handicapées et du certains devront donc être écartés. Il est égale-
passage à une approche du handicap ment possible de renoncer à traiter tels ou tels
fondée sur les droits? aspects de certains modules (si les informa-
tions correspondantes sont déjà connues des
• Quelle connaissance ont-ils de la Conven-
participants); d’autres fois, il conviendra peut-
tion relative aux droits des personnes han-
être d’ajouter des images et des matériels
dicapées et de son Protocole facultatif?
didactiques, ou d’adapter les activités. L’ani-
• Quelle est l’étendue de leur expérience mateur devrait commencer par parcourir tous
et de leur confiance en eux? Jusqu’à quel les documents, pour choisir, selon les besoins
point sont-ils à l’aise dans le domaine à des participants, ceux qu’il compte utiliser et
étudier? ceux qu’il doit modifier ou adapter.

• Comment comptent-ils accroître leur


Établir le programme
connaissance et leur compréhension des
droits des personnes handicapées? Après avoir choisi les modules qui
répondent aux besoins des participants,
• Quelles compétences pratiques sou-
l’animateur devrait établir le programme du
haitent-ils acquérir?
cours. Les notes à l’usage de l’animateur qui
• Qu’ont-ils déjà fait, et à quels aspects des sont contenues dans le Guide peuvent l’y
droits des personnes handicapées veulent- aider. Elles donnent une estimation du temps
ils maintenant s’intéresser en priorité? nécessaire aux diaporamas et aux activités
collectives, que l’animateur devrait adapter
• Quels résultats/produits – plans et ana-
en fonction des capacités des participants
lyses – ont-ils besoin de tirer du cours?
telles qu’elles ressortent de leurs réponses
Quel est le niveau de détail requis et
au questionnaire. L’intervention d’interprètes
quels sont les objectifs réalisables?
augmente de quelque 30 pour cent le temps
• Qui sera chargé de valoriser ces résul- requis, et il conviendra d’en tenir compte en
tats et à quel titre? établissant le programme.
À PROPOS DU GUIDE DE FORMATION 5

Choisir l’équipe de formateurs promouvoir les droits des personnes han-


dicapées dans le pays et dans la région;
Les formateurs et les personnes-ressources
sélectionnés devraient: • D’informations sur la jurisprudence et la
législation nationales, et éventuellement
• Avoir une connaissance approfondie sur les faits et opinions diffusés par les
du sujet et avoir déjà travaillé avec le médias;
public cible;
• D’informations sur le contexte institu-
• Être capables d’appliquer les méthodes tionnel dans lequel travaillent les parti-
de formation interactives du jeu de maté- cipants.
riels de formation;
Préparation terminologique
• Jouir de l’estime et de la confiance des
autres membres de la profession. Si des services d’interprétation sont
nécessaires au bon déroulement du cours,
Lors du choix de l’équipe de formateurs,
l’animateur doit prendre soin de consulter
il conviendra de veiller à l’équilibre des sexes
des personnes qui connaissent la terminolo-
et à la participation de personnes ayant diffé-
gie locale relative au handicap et qui savent
rentes sortes de handicaps. Il est en outre très
comment traduire certains termes clés du
utile d’adjoindre à cette équipe un membre
français vers les langues locales, car il existe
du public cible particulièrement à même d’éta- toujours un équivalent direct.
blir une bonne relation avec les apprenants.
Enfin, l’équipe devrait bénéficier du soutien Préparation en fonction du contexte
de spécialistes des droits de l’homme et/ou
des droits des personnes handicapées. Le présent Guide devrait être adapté aux
différents contextes sociopolitiques, compte
Réunir des renseignements tenu notamment des défis à relever d’ur-
supplémentaires gence dans les domaines du développement
et des droits de l’homme. Dans la mesure
L’animateur devrait s’assurer qu’il dispose: du possible, il conviendrait d’associer à la
planification du cours et à l’établissement du
• De suffisamment de renseignements
programme des personnes-ressources locales
de caractère général sur les cibles, les
bien préparées et dûment informées de leur
processus politiques et les structures de
mission.
pouvoir dans le contexte où il opère (ce
qui pourrait exiger de faire appel à des
Accessibilité
personnes-ressources locales);
Avant le début du cours, il convient de
• D’informations sur l’état des ratifica-
réfléchir aux questions d’accessibilité. Le lieu
tions, de la mise en œuvre et du suivi de
où le cours est dispensé est-il accessible? Le
l’application de la Convention dans le
restaurant l’est-il? Et les toilettes? Les matériels
pays et dans la région;
didactiques? Et ainsi de suite. En réfléchis-
• De renseignements sur les défis à rele- sant à l’accessibilité, penser aux différents
ver et les possibilités à exploiter pour handicaps afin que le cours soit accessible,
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
6 GUIDE DE FORMATION

par exemple, non seulement aux personnes partie intégrante du cours de formation à
handicapées physiques, mais aussi à celles tous les stades, y compris la planification,
qui sont malvoyantes ou malentendantes. la conception, le déroulement et le suivi.
Elle peut aider les animateurs à répondre à
Évaluation3 quelques questions importantes au sujet de
leurs activités, comme celles-ci par exemple:
L’évaluation offre à l’équipe pédago- pourquoi proposons-nous cette formation?
gique des renseignements sur l’impact de Son contenu répond-il aux besoins des
apprenants? Qu’est-ce que ces derniers ont
la formation au regard des objectifs qu’elle
appris? Quelles initiatives prendront-ils du
s’était assignés. L’évaluation devrait faire
fait de la formation acquise? Appliqueront-
3
Pour des renseignements pratiques détaillés concer- ils ce qu’ils ont appris dans le cadre de leur
nant l’évaluation des activités de formation aux droits travail? Comment leur travail contribuera-t-il
de l’homme, voir Évaluer les activités de formation aux
droits de l’homme: Manuel destiné aux éducateurs dans à faire évoluer la collectivité/la société dans
le domaine des droits de l’homme. son ensemble?
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP?

Introduction personne (le fait d’être dans un fauteuil


roulant ou d’être malvoyant, par exemple) et
Le module 1 explique la notion de handi- de facteurs environnementaux (des mentali-
cap, étape fondamentale pour comprendre
tés peu réceptives ou des bâtiments inacces-
pourquoi la Convention relative aux droits
sibles) qui, ensemble, génèrent le handicap
des personnes handicapées était nécessaire.
et nuisent à la participation d’une personne
Il analyse le point de savoir «comment fonc-
à la vie de la société. Ainsi:
tionne le handicap», approche moderne qu’il
replace ensuite dans le contexte historique
• Être dans un fauteuil roulant (facteur
des autres conceptions du handicap, fondées
personnel) et vivre dans une ville dont
sur la charité ou sur le diagnostic médical de
les immeubles sont accessibles (facteur
l’incapacité. Après avoir étudié certaines des
environnemental) permet de participer à
conséquences de cette dernière approche, il
la vie de la collectivité dans les mêmes
présente celle qui est fondée sur les droits
de l’homme, faisant ainsi la transition avec conditions que n’importe qui d’autre: il
le module 2. Certaines images figurent à la n’y a pas ou peu de handicap;
fois dans les modules 1 et 2, parce qu’il est • Avoir une déficience intellectuelle (facteur
possible, selon le cours et les caractéristiques
personnel) et vivre dans une collectivité
des participants, de présenter le module 1
qui considère que les personnes ayant ce
indépendamment du module 2, ou d’expo-
type de déficience ne peuvent pas voter
ser des concepts analogues dans le cadre
(facteur environnemental défavorable) est
des deux modules afin d’en faciliter l’assimi-
source d’exclusion sociale et de déni du
lation. L’animateur peut toujours choisir les
images qui correspondent à la présentation. droit de vote: il y a un handicap.

Les facteurs personnels sont multidimen-


A. Comment fonctionne sionnels et peuvent être à la fois physiques et
le handicap socioéconomiques. Citons à titre d’exemple:

Le handicap est souvent perçu comme • Les facteurs physiques: le genre, l’ap-
une situation inhérente à la personne – un partenance ethnique, la déficience (phy-
état de santé qui contraint une personne à sique, visuelle, auditive, intellectuelle,
être dans un fauteuil roulant ou à prendre mentale), la taille et le poids, etc.;
des médicaments, par exemple. Or, comme
le montre le présent module, le handi- • Les facteurs socioéconomiques: la for-
cap, dans la conception moderne, s’ana- tune, la classe, l’insertion dans la société,
lyse comme la conjonction de l’état d’une le niveau d’instruction, etc.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
8 GUIDE DE FORMATION

La conjugaison des facteurs personnels Les facteurs environnementaux peuvent


peut rendre le handicap plus lourd ou au eux aussi se conjuguer d’une manière qui
contraire plus léger. Ainsi, une personne qui alourdit le handicap ou qui l’allège. L’atten-
a un handicap physique mais qui est fortunée tion grandissante prêtée au handicap se
pourra peut-être accéder à l’enseignement traduit souvent par la coexistence de facteurs
supérieur et, par là, trouver un emploi. Cela environnementaux positifs et négatifs. Ainsi,
peut accroître sa participation à la vie de la il pourra arriver qu’une école soit pourvue
société et alléger jusqu’à un certain point le d’une rampe d’accès, mais que les moyens
poids de son handicap. de transport restent inaccessibles, si bien
qu’un enfant ayant un handicap physique ne
Les facteurs environnementaux se répar- pourra pas se rendre dans cet établissement
tissent en quatre catégories au moins, à alors même que le milieu scolaire est ouvert.
savoir:
La combinaison de tous ces facteurs
• L’accessibilité: villes avec ou sans détermine la mesure dans laquelle une
déclivités, accessibilité des immeubles personne peut participer à la vie de la
(rampes, toilettes, écriteaux en braille, société et, partant, la mesure dans laquelle
etc.), de l’information (sites web, présen- le handicap existe.
tation des documents sous des formes
qui en facilitent la lecture), des trans- B. Des différentes approches
ports publics, etc.;
du handicap
• Le droit/la politique: existence d’une
Il existe dans le monde différentes
protection contre la discrimination ou, au
approches du handicap, qui sont diverse-
contraire, déni des droits au motif du han-
ment prégnantes selon les régions.
dicap, politiques en faveur des pauvres,
politiques qui prennent expressément en
L’approche caritative
compte les droits des personnes handi-
capées ou qui, au contraire, ne se pré- Selon cette approche, les personnes
occupent pas de ces personnes, etc.; handicapées sont les bénéficiaires passifs
• Facteurs socioéconomiques: milieu d’actes de bienfaisance ou d’allocations et
rural/milieu urbain (les questions d’ac- non des personnes autonomes, fondées à
cessibilité s’y posent dans des termes participer à la vie politique et culturelle et à
différents), richesse/pauvreté, récepti- leur propre épanouissement. Ce qui caracté-
vité de la collectivité à la question du rise ce paradigme, c’est que les personnes
handicapées sont tenues pour incapables
handicap, ouverture de la société au
de pourvoir à leurs besoins à cause de leur
changement, etc.;
handicap. C’est donc la société qui s’en
• Services: services accessibles à tous ou charge. Les conditions environnementales ne
services séparés (services de santé, ins- sont pas prises en compte: le handicap est
titutions éducatives, centres de jeunesse), une affaire personnelle. Les personnes handi-
services de réadaptation à base commu- capées appellent la pitié et dépendent de la
nautaire, services d’accompagnement bonne volonté de la société. Elles sont en
social, coût acceptable des services, etc.; outre tributaires d’institutions – organismes
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 9

de bienfaisance, foyers, fondations, églises – qui présentent un handicap mental, le


auxquelles la société délègue les politiques traitement médical peut permettre à un
relatives au handicap et la responsabilité des «mauvais» patient (les personnes ayant une
personnes handicapées. Elles sont marginali- déficience mentale sont souvent tenues pour
sées; elles ne sont pas maîtresses de leur exis- dangereuses) de devenir un «bon» patient.
tence, et ne participent pas, ou guère, à la Pour être considérées comme capables
vie collective. Elles sont considérées comme de subvenir à leurs besoins, les personnes
un fardeau pour la société. Comme la charité handicapées doivent être «guéries» de leur
est affaire de bonne volonté, la qualité de handicap ou, à tout le moins, celui-ci doit
la prise en charge n’est pas nécessairement être réduit au strict minimum. Les conditions
homogène, ni même forcément élevée. environnementales ne sont pas prises en
considération et le handicap est un problème
• Si la société se borne à assurer la prise personnel. Les personnes handicapées sont
en charge et le soutien des personnes malades et doivent être traitées pour devenir
handicapées par des activités caritatives normales.
et des programmes d’aide sociale, les
possibilités de progrès sont très limitées. Si le handicap est perçu comme étant
Comme dans le cas de l’approche médi- essentiellement une question médicale, des
cale, il est à craindre que les personnes spécialistes tels que médecins, psychiatres
handicapées restent en marge de la et infirmiers ont un pouvoir considérable sur
société. Cette conception n’est pas favo- les personnes handicapées; le personnel de
rable à leur participation. l’institution prend des décisions à la place
des patients, et la satisfaction de leurs aspi-
• Si les personnes handicapées continuent
rations est envisagée dans un cadre médical.
d’être assimilées à des «malheureux»
Si une réadaptation totale n’est pas possible,
qui doivent être traités avec compassion
la personne handicapée ne peut pas réinté-
et qui dépendent des contributions, de
grer la société et reste dans une institution.
l’assistance et du bon vouloir d’autrui,
Les résultats obtenus et les échecs enregis-
leurs chances de parvenir à l’autonomie
trés dans ses murs seront interprétés comme
sont très restreintes.
étant liés au handicap, et justifiés en consé-
Au lieu de favoriser l’égalité et l’inclu- quence. Dans le pire des cas, cette approche
sion, cette approche creuse l’écart entre les peut légitimer l’exploitation, la violence et la
personnes handicapées et la société. maltraitance.

L’approche médicale Cette approche est souvent combinée


à la précédente. On aura alors des asso-
Cette approche est centrée sur la défi- ciations caritatives qui collectent des fonds
cience, qui est analysée comme source d’iné- et qui gèrent des institutions de réadapta-
galité. Les besoins et les droits de la personne tion. En vertu de l’approche médicale, les
se résument au traitement médical administré responsables sont le secteur de la santé et
(ou imposé) au patient; ils se confondent avec l’État. Lorsqu’elle est associée à l’approche
lui. La médecine ou la réadaptation peuvent caritative, les maisons de bienfaisance, les
«traiter» la personne et la réinsérer dans la foyers, les fondations et les institutions reli-
société. Dans le cas, surtout, des personnes gieuses jouent également un rôle important.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
10 GUIDE DE FORMATION

Les personnes handicapées sont déresponsa- Leur relation avec la personne handicapée
bilisées; elles ne peuvent pas gérer leur exis- repose sur le dialogue. Le médecin est placé
tence et ne participent pas, ou guère, à la non pas sur un piédestal, mais aux côtés de
vie de la société. Ce sont généralement le la personne handicapée. L’égalité commence
secteur et les professionnels de la santé et les à l’hôpital, et non à l’extérieur de ses murs. La
associations caritatives qui représentent leurs liberté, la dignité, la confiance, l’évaluation
intérêts, car ils sont réputés savoir ce qui est et l’auto-évaluation sont autant de caractéris-
conforme à l’intérêt supérieur des patients. tiques de l’approche sociale.

L’approche sociale Dans ce paradigme, le handicap est non


pas une «erreur» de la société mais un élément
Dans cette approche, le raisonnement de sa diversité. Il est une construction sociale
est très différent: le handicap est compris – le résultat de l’interaction, au sein de la
comme la conséquence de l’interaction société, de facteurs personnels et de facteurs
entre l’individu et un environnement qui ne environnementaux. Il n’est pas un problème
s’adapte pas aux différences de la personne individuel mais le résultat d’une mauvaise
et qui, de ce fait, entrave la participation de organisation de la société. C’est pourquoi
celle-ci à la vie de la société. L’inégalité est celle-ci devrait restructurer les politiques, les
due non pas au handicap mais à l’incapa- pratiques, les mentalités, l’accessibilité envi-
cité de la société d’éliminer les barrières que ronnementale, les dispositions légales et les
rencontrent les personnes handicapées. Ce organisations politiques de manière à lever les
paradigme confère la place centrale à la obstacles économiques et sociaux à la pleine
personne et non au handicap, et reconnaît participation des personnes handicapées. À
les valeurs et les droits des personnes handi- la différence des approches caritative et médi-
capées en tant que membres de la société. cale, cette approche pose le principe que
toutes les politiques et toutes les lois doivent être
Passer de l’approche médicale à l’ap- élaborées avec la participation des personnes
proche sociale, ce n’est nullement nier l’im- handicapées. Les responsabilités incombent
portance de la prise en charge, du conseil à l’État – c’est-à-dire à tous les ministères et à
et de l’assistance fournis, pendant longtemps toutes les administrations – et à la société. Les
parfois, par des médecins spécialisés et des personnes handicapées peuvent avoir prise
institutions médicales. Les personnes handica- sur leur existence, se déterminer elles-mêmes et
pées ont bien souvent besoin d’un traitement participer pleinement aux décisions, à égalité
et de soins médicaux, d’examens, d’un suivi avec autrui. Ce ne sont pas elles qui supportent
incessant et de médicaments. Dans le cadre le fardeau du handicap, mais la société.
de l’approche sociale, elles continuent de se
rendre à l’hôpital et, si nécessaire, dans des L’approche fondée sur les droits
centres administrant des traitements spéciali- de l’homme
sés. Ce qui diffère, c’est la manière dont le
traitement est conçu: il répond aux attentes du L’approche fondée sur les droits de
patient, et non à celles de l’institution. L’ap- l’homme développe plus avant l’approche
proche sociale attribue aux infirmiers, aux sociale en reconnaissant que les personnes
médecins, aux psychiatres et aux adminis- handicapées sont les sujets de droits, et que
trateurs des identités et des rôles nouveaux. l’État et les autres personnes ont le devoir de
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 11

les respecter. Elle tient les obstacles sociétaux la Convention relative aux droits des
pour discriminatoires et offre aux personnes personnes handicapées, et qui doivent élimi-
handicapées des possibilités de se plaindre ner et prévenir les actes discriminatoires. Elle
lorsqu’elles s’y heurtent. Prenons par exemple établit que toutes les politiques et toutes les
le droit de vote. Une personne aveugle a le lois devraient être conçues avec la partici-
droit de voter, comme n’importe lequel de pation des personnes handicapées, le handi-
ses concitoyens. Mais s’il n’y a pas de docu- cap étant systématiquement pris en compte
ments présentés sous une forme accessible dans tous les aspects de l’action politique.
(en braille par exemple) et si elle ne peut pas Elle n’appelle pas la conception de poli-
se faire accompagner dans l’isoloir par une tiques «spéciales» en faveur des personnes
personne de confiance qui l’aide à indiquer handicapées, quelles que soient les adapta-
le candidat ou la candidate de son choix, tions nécessaires pour respecter le principe
elle ne peut pas voter. L’approche fondée sur de la pleine participation.
les droits de l’homme reconnaît le caractère
discriminatoire du manque de documents En vertu de cette approche, dans laquelle
adéquats et de l’impossibilité d’obtenir de la société délègue les politiques relatives au
l’aide au moment du vote, et exige de l’État handicap, le principal responsable est l’État
qu’il élimine ces obstacles discriminatoires. – toutes administrations et tous ministères
S’il ne le fait pas, la personne devrait être en confondus. Certaines dispositions concernent
mesure de porter plainte. le secteur privé, et un rôle spécifique est
dévolu à la société civile, en particulier aux
Cette approche n’a pas pour moteur la personnes handicapées et aux organisations
compassion, mais la dignité et la liberté. Elle qui les représentent. Les personnes handica-
explore les moyens de respecter la diversité pées ont des droits et disposent d’instruments
humaine, de la soutenir et de la célébrer en qui leur permettent d’en réclamer le respect.
instaurant les conditions nécessaires à une Elles ont les outils nécessaires pour prendre
authentique participation d’un large éven- leur destin en mains et participer pleinement,
tail de personnes, y compris les personnes dans des conditions d’égalité avec autrui. La
handicapées. Au lieu de représenter ces loi impose de les associer étroitement à l’éla-
dernières comme les objets passifs d’actes boration des politiques.
de charité, elle se propose de les aider à
s’aider elles-mêmes de manière à pouvoir Quelle est l’approche dominante
participer au fonctionnement de la société, aujourd’hui?
à l’éducation, à la vie professionnelle, cultu-
relle et politique, et défendre leurs droits en L’approche caritative est la plus ancienne
ayant recours à la justice. des quatre, suivie de l’approche médicale.
L’approche sociale et l’approche fondée
L’approche fondée sur les droits de sur les droits de l’homme sont plus récentes.
l’homme est un accord en vertu duquel Cependant, toutes ces approches coexistent
les personnes handicapées, les États et le encore aujourd’hui. Malgré l’adoption de la
système international des droits de l’homme Convention, les deux premières sont encore
s’engagent à mettre en pratique certains très largement répandues, y compris au sein
aspects essentiels de l’approche sociale. de la communauté des défenseurs des droits
Elle s’impose à tous les États qui ont ratifié de l’homme.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
12 GUIDE DE FORMATION

C. Les conséquences des personnes handicapées? Aux personnes


approches caritative qui ne le sont pas? On voit mal quels sont
et médicale les avantages d’actions et de décisions qui
tendent à maintenir des séparations entre les
Voir dans les personnes handicapées des êtres humains. Ces derniers sont des êtres
«objets de pitié» ou des «problèmes à traiter», sociaux, et les enfants ont le droit d’étudier et
c’est faire retomber le poids du handicap sur de jouer ensemble. La diversité et l’inclusion
l’individu, ce qui rend la transformation socié- doivent être la norme.
tale pour ainsi dire impossible. Pareille concep-
tion peut donner naissance à des normes Un système scolaire où règne la ségré-
sociales qui rendent encore plus difficiles la gation n’est pas à l’image de la société.
participation des personnes handicapées à la La diversité y est très limitée. Les questions
vie de la société et l’exercice de leurs droits. débattues entre les élèves «spéciaux» et les
enseignants «spécialisés» sont influencées
L’idée que les personnes handicapées par la prédominance du handicap dans le
sont «spéciales» milieu ambiant. La confrontation des idées et
des opinions a besoin d’un public plus varié,
Alors qu’à l’approche médicale et/ou cari- comprenant des personnes qui ne sont pas
tative correspond l’idée que les personnes handicapées et qui ne sont pas aux prises
handicapées appellent un traitement avec des difficultés physiques ou des percep-
«spécial», l’approche sociale et/ou l’ap- tions dévalorisantes.
proche fondée sur les droits de l’homme
tendent vers l’«inclusion»; cette différence Le droit à l’éducation est un droit important,
de vocabulaire est significative de l’écart qui étroitement lié aux autres droits de l’homme. À
sépare ces deux types d’approche. Le terme l’école, les personnes handicapées et les autres
«spécial» est fréquemment employé à propos découvrent ce que la société attend d’elles et les
des personnes handicapées: enfants aux possibilités qu’elle leur offre. Elles apprennent
besoins spéciaux, écoles spéciales, services des théories, acquièrent des compétences
spéciaux, établissements spéciaux. C’est et le sens de la discipline; elles s’imprègnent
précisément avec ce concept que la Conven- des valeurs qui leur ont été inculquées par leur
tion prend ses distances. Lorsqu’il s’agit de famille et le cercle de leurs amis, et en acquièrent
handicap, être «spécial» n’est pas nécessai- d’autres. L’école elle-même est une collectivité
rement gratifiant – et peut déboucher sur la où les enfants partagent les mêmes horaires,
marginalisation. les mêmes espaces et les mêmes obligations.
Par les échanges avec leurs maîtres et leurs
Prenons l’exemple des établissements camarades, ils apprennent à vivre en société
scolaires: les écoles spéciales permettent de manière indépendante mais constamment
aux personnes handicapées de fréquen- en rapport les uns avec les autres. L’école offre
ter uniquement d’autres personnes handi- l’occasion de mener, de façon embryonnaire,
capées ou certains «spécialistes». Cela les une existence indépendante qui, plus tard,
contraint à vivre dans des conditions qui ne comprendra la vie professionnelle, la participa-
sont pas conformes à la réalité, puisqu’elles tion à la vie politique et publique, la fondation
ne reflètent pas la diversité de la société. À d’un foyer et d’une famille, l’accès à la justice,
qui donc cette démarche profite-t-elle? Aux et des possibilités d’activités économiques. La
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 13

diversité de la classe offre une occasion inéga- elle est autonome. Il en va de même des
lée de débattre des droits de l’homme et des personnes handicapées. L’autonomie n’ex-
opinions des uns et des autres. clut pas l’accompagnement. Les personnes
handicapées ont le droit de recevoir un
Le placement en institution illustre lui
soutien si elles le sollicitent. L’autonomie sert
aussi la manière dont les personnes handica-
de cadre à la jouissance de plusieurs droits
pées ont pu être perçues comme «spéciales»
de l’homme: le droit à un logement conve-
en vertu de l’approche médicale et/ou de
nable, le droit de participer à la gestion des
l’approche caritative. Les personnes handica-
pées – et en particulier celles ayant un handi- affaires publiques et politiques, le droit au
cap psychosocial ou intellectuel – ont souvent respect de la vie privée, le droit de circuler
été placées de force dans des établissements librement, le droit de vote, etc.
psychiatriques, à l’écart de la collectivité et
sans pouvoir choisir leur traitement médical. L’idée que les personnes handicapées
sont dangereuses
En vertu de l’approche fondée sur les
droits de l’homme, les personnes handica- Dans la plupart des sociétés, les
pées ont droit à la liberté au même titre que personnes ayant un handicap mental ou
n’importe qui, et le handicap ne peut justi- intellectuel ont été, au fil des siècles, maltrai-
fier la privation de liberté. Le placement ou tées et privées de soins. Elles ont dû subir des
l’hospitalisation forcés en raison du handi- atrocités telles que l’expérimentation patron-
cap sont interdits. Nul ne doit être placé née par les pouvoirs publics de substances
dans une institution contre son gré – sauf si hallucinogènes administrées à leur insu,
les mêmes motifs entraîneraient le placement des traitements par la contrainte, des élec-
des membres de la collectivité qui ne sont trochocs et des chocs insuliniques; elles ont
pas handicapés (cas, par exemple, de la même été la cible d’une tentative de géno-
personne emprisonnée parce que condam- cide pendant la Seconde Guerre mondiale.
née par un juge à la suite d’une infraction).
Les mythes et la stigmatisation associés
Les personnes handicapées ont le même
aux maladies mentales perdurent encore,
droit que les autres de vivre au sein de la
entraînant souvent la discrimination et l’ex-
collectivité et de choisir leur domicile ainsi que
clusion. Les stéréotypes qui ont cours au sujet
la ou les personnes avec qui elles vivent. Être
de personnes ayant un handicap mental ou
autonome ne signifie pas nécessairement vivre
intellectuel les dépeignent comme dénuées
seul. Quantité de personnes vivent constam-
ment au contact les unes des autres, voire sous d’intelligence, «bizarres», incapables de
le même toit. Les nombreuses personnes qui travailler, incurables, imprévisibles et dange-
cohabitent avec des membres de leur famille, reuses.
des amis ou des collègues sont habituellement
La présentation faite par la presse des
considérées comme autonomes.
violences commises par des «délinquants
Lorsqu’une personne peut prendre elle- malades mentaux» impressionne en général
même ses décisions – y compris quant au fortement les lecteurs; elle les conforte dans
lieu de son domicile et à la ou aux personnes la conviction que les personnes ayant un
avec qui elle veut vivre – et les faire respecter, handicap psychologique sont dangereuses.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
14 GUIDE DE FORMATION

Outre qu’elles entretiennent le sentiment que la violence est un phénomène social et non
d’un danger et d’un manque de sécurité ainsi un problème mental ou psychologique. C’est
qu’un vague malaise dans la société ou la également admettre que la maladie mentale
collectivité, ces généralisations influent sur est provoquée par des facteurs environnemen-
l’image que les personnes présentant d’un taux et sociaux, et non pas simplement géné-
handicap mental ou intellectuel ont d’elles tiques et/ou organiques.
mêmes. La mésestime de soi exacerbe la stig-
matisation et les mythes. D’après des organi- L’idée que les personnes handicapées
sations telles que le World Network of Users ont des qualités hors normes
and Survivors of Psychiatry, «une des pertes
les plus importantes que nous puissions éprou- Les médias dépeignent souvent les
ver est celle du sentiment que nous avons de personnes handicapées comme ayant à
notre identité au sein de la collectivité. Un trai- certains égards des qualités hors normes.
tement imposé crée une coupure dans notre Tout en essayant ostensiblement de donner
existence, et nous revenons ensuite dans un d’elles une image positive (ce dont on ne
milieu qui nous perçoit comme dangereux, peut que se féliciter), ils risquent – à l’ins-
vulnérables, instables et "malades".»4. tar de ce qui a pu se passer avec d’autres
mythes – d’en faire des personnages unidi-
Sous l’effet de la discrimination, les mensionnels. Ainsi, ces personnes sont
personnes ayant un handicap mental ou intel- courageuses, volontaires, capables de
lectuel ont été systématiquement déresponsa- parvenir à surmonter une grande difficulté
bilisées et appauvries. Du fait de la stigma- – leur handicap. Analysée de plus près, cette
tisation dont la maladie mentale est l’objet, image potentiellement positive signifie aussi
nombre de personnes handicapées sont sans que les personnes handicapées mènent dans
abri et au chômage, manquent d’instruction leur majorité une vie difficile et misérable
et sont socialement isolées, mal soignées, ou (la plupart d’entre elles devant compter sur
enfermées et fortement droguées. la bienfaisance). Le handicap devient une
difficulté (presque) insurmontable. Le héros
La plupart des personnes présentant un est dépeint comme étant la personne qui a
handicap mental ou intellectuel ne sont pas réussi à surmonter le triste sort du plus grand
violentes; elles n’ont pas plus de propension nombre.
que les autres à commettre des violences ou
des délits. Les personnes qui ont un handi- Ce dont il faut se souvenir, c’est que la
cap psychologique sont aussi intelligentes personne handicapée est, comme n’importe
que les autres, et capables, comme tout un qui d’autre, un être humain avec ses forces
chacun, de fonctionner dans un large spectre et ses faiblesses. Il importe que les personnes
de milieux ambiants. handicapées soient montrées sous un jour
favorable, en particulier par les médias, et la
Dire que les personnes atteintes d’un Convention est explicite à ce sujet (art. 8, sensi-
handicap mental ne sont pas plus violentes que bilisation). Cela suppose de mettre en relief la
celles qui en sont indemnes, c’est reconnaître vie de personnes handicapées qui se sont distin-
guées dans la politique, le sport, la littérature
4
Implementation Manual for the United Nations Conven-
tion on the Rights of Persons with Disabilities (Février ou quelque autre domaine. Il n’est cependant
2008), p. 32. pas indispensable que le seul titre de gloire
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 15

de la personne considérée ait été de surmon- Tout d’abord, l’enfant handicapé, ses préoc-
ter son handicap. Mieux vaut qu’elle ait réussi cupations, ses combats, ses centres d’intérêt
à franchir toute la série d’obstacles que doit et ses rêves ont tendance à passer à l’arrière-
surmonter quiconque veut réussir – à atteindre plan et à devenir secondaires. Ensuite, cet
un excellent niveau d’études, à se distinguer enfant paraît unidimensionnel et semble être
par rapport à ses collègues, à répondre aux la cause du désarroi de ses parents. Enfin, il
attentes de la collectivité ou de la famille, etc. ne semble guère avoir de perspectives d’ave-
nir. D’où l’émergence de stéréotypes et de
L’idée que les personnes handicapées mythes négatifs.
sont un fardeau
Cela peut avoir des effets défavorables
Autre mythe, diamétralement opposé à sur les personnes handicapées; ainsi:
celui de l’héroïsme: celui qui voudrait que
• Elles peuvent croire qu’elles sont effecti-
les personnes handicapées soient un fardeau
vement un fardeau;
– pour la société, leur famille, leurs amis.
C’est l’envers du mythe de la personne hors • Elles peuvent en venir à renoncer à l’au-
norme; il est intrinsèquement lié, une fois de tonomie;
plus, à l’approche caritative du handicap.
• Les parents et les enseignants peuvent par-
Cette image est encore véhiculée notamment tir du principe qu’elles ne seront pas auto-
pas les médias. Combien de fois avons-nous nomes et accepter de porter le fardeau;
vu un documentaire télévisé apparemment
bien intentionné nous montrer la vie des • La conjonction des convictions des per-
parents d’un enfant handicapé, les combats sonnes handicapées et de celles des
qu’ils mènent, les difficultés auxquelles ils parents, des enseignants et autres res-
ponsables peut alors renforcer l’idée
sont confrontés en raison du comportement
préconçue que les personnes handica-
de leur enfant, la manière dont leur vie a
pées sont un fardeau.
changé, et ainsi de suite. L’insistance sur la
lutte des parents ne vise généralement pas à Ce sont là autant d’éléments qui, pris
diffuser une image négative des personnes ensemble, peuvent empêcher le changement
handicapées, mais l’effet immédiat est triple. social.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
16 GUIDE DE FORMATION

Les principes fondamentaux de l’approche du handicap fondée sur les droits


de l’homme (Principes généraux de l’article 3 de la Convention)

PRINCIPE ANALYSE
Respect de la La dignité intrinsèque s’entend de la dignité de chaque personne.
dignité intrinsèque Lorsque la dignité des personnes handicapées est respectée, on
et de l’autonomie attache de la valeur à leur expérience et à leurs opinions, que ces
individuelle, personnes peuvent formuler sans craindre qu’on leur fasse du tort
y compris la physiquement, psychologiquement ou affectivement.
liberté de faire ses
Jouir de l’autonomie individuelle, c’est être responsable de sa vie et
propres choix, et de
avoir la liberté de faire ses propres choix. Le respect de l’autonomie
l’indépendance des
individuelle signifie que les personnes handicapées ont, dans des
personnes
conditions d’égalité avec les autres, des possibilités raisonnables
de choisir leur propre voie, qu’elles sont le moins possible exposées
à l’ingérence dans leur vie privée et qu’elles peuvent prendre leurs
propres décisions, avec le soutien nécessaire le cas échéant.

Non-discrimination La non-discrimination est un principe fondamental de tous les


instruments des droits de l’homme et de la Convention relative
aux droits des personnes handicapées. Il s’agit essentiellement de
l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap, étant
donné que la discrimination empêche une personne de jouir de ses
droits dans des conditions d’égalité avec les autres. Aujourd’hui
cependant, la non-discrimination est interprétée dans un sens
beaucoup plus large comme comprenant non seulement l’interdiction
des actes discriminatoires mais aussi l’adoption de mesures de
protection contre toute discrimination future et toute discrimination
cachée, et la promotion de l’égalité.

Participation et Les notions de participation et d’intégration pleines et effectives


intégration pleines et signifient que la société, dans les sphères publiques mais aussi
effectives à la société privées, est organisée de manière que chacun puisse participer
pleinement. En d’autres termes, la société et les acteurs importants
apprécient les personnes handicapées à leur juste valeur et
assurent leur participation sur la base de l’égalité avec les autres
– aux décisions qui influent sur leur existence ou aux élections, par
exemple. La participation n’est pas une simple consultation; elle
suppose que les personnes prennent véritablement part aux activités
et aux processus de décision, qu’elles puissent exprimer leur avis,
exercer une influence et contester tout refus de les laisser participer.
L’intégration exige un environnement physique et social accessible et
sans barrières. Il s’agit là d’un processus bidirectionnel qui favorise
l’acceptation des personnes handicapées et leur participation, et qui
encourage la société à s’ouvrir et se rendre accessible à elles.
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 17

PRINCIPE ANALYSE
Respect de la Le respect de la différence, c’est l’acceptation d’autrui dans un
différence et esprit de compréhension mutuelle. Malgré quelques différences
acceptation visibles et apparentes, les êtres humains ont tous les mêmes droits
des personnes et la même dignité. Dans le cas du handicap, le respect de la
handicapées comme différence conduit à accepter les personnes handicapées pour ce
faisant partie de la qu’elles sont, au lieu d’avoir pitié d’elles ou de voir en elles un
diversité humaine et problème à résoudre.
de l’humanité

Égalité des chances L’égalité des chances est étroitement liée à la non-discrimination. Elle
est réalisée lorsque la société et l’environnement sont ouverts à tous, y
compris les personnes handicapées. Elle ne signifie pas toujours que
des chances absolument identiques sont offertes à tous, car traiter tout
le monde de la même manière pourrait créer des inégalités. Elle tient
donc compte des différences entre les personnes et consiste à faire en
sorte que, malgré ces différences, chacun ait les mêmes chances de
jouir de ses droits.

Accessibilité Pour faire de l’accessibilité (et de l’égalité) une réalité, il faut lever les
obstacles qui s’opposent à la jouissance effective, par les personnes
handicapées, de leurs droits de l’homme. L’accessibilité permet
aux personnes handicapées d’être autonomes et de participer
pleinement à tous les aspects de l’existence. Elle est importante dans
tous les domaines, mais plus particulièrement en ce qui concerne
l’environnement physique – bâtiments, voirie, logement, transports,
information et communications, et autres équipements et services
ouverts ou fournis au public.

Égalité entre Le principe de l’égalité entre hommes et femmes signifie que les
les hommes mêmes droits devraient être expressément reconnus aux femmes et
et les femmes aux hommes sur la base de l’égalité, et que des mesures adéquates
devraient être prises pour garantir aux femmes la possibilité
d’exercer leurs droits. Même si ce principe recoupe celui de la non-
discrimination, l’égalité des hommes et des femmes est expressément
réaffirmée dans les instruments conventionnels parce qu’il subsiste
encore nombre de préjugés qui en empêchent la pleine réalisation.

Respect du Le respect du développement des capacités de l’enfant est un principe


développement énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Il doit
des capacités de être compris comme un processus positif et stimulant, qui favorise la
l’enfant handicapé maturation et l’autonomie de l’enfant, et son aptitude à s’exprimer.
et respect du droit des À la faveur de ce processus, l’enfant acquiert progressivement des
enfants handicapés à connaissances, des compétences et une appréciation, notamment
préserver leur identité de ses droits. La participation des enfants aux décisions qui les
concernent et leur droit de préserver leur identité devraient s’élargir
au fil du temps, parallèlement à cette évolution.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
18 GUIDE DE FORMATION

D. La notion de handicap l’interaction avec diverses barrières peut


dans la Convention faire obstacle à leur pleine et effective parti-
cipation à la société sur la base de l’égalité
Le préambule de la Convention affirme avec les autres» (article premier, objet).
que le handicap est une notion qui évolue.
Le texte adopte pourtant une approche Voici quelques éléments importants à
sociale du handicap, puisqu’il précise que prendre en considération5:
ce dernier résulte de l’interaction entre les
a) Le handicap est une notion qui, loin d’être
personnes présentant des handicaps et les
immuable, évolue. La Convention recon-
barrières extérieures qui font obstacle à leur
naît que le «handicap» est une notion qui
pleine participation à la société (alinéa e) du
évolue sous l’effet de barrières compor-
préambule).
tementales et environnementales. Cette
Dans cet esprit, la Convention dans son notion n’est donc pas rigide et peut être
ensemble repose sur l’idée que l’environne- adaptée aux conditions qui règnent dans
ment extérieur et les attitudes que sa construc- une société déterminée (l’accent sera
tion révèle jouent un rôle central dans la placé sur le type d’obstacles comporte-
création de cette situation qu’il est convenu mentaux et environnementaux présents
dans cette société et sur les manières de
d’appeler «le handicap». Nous sommes loin
les surmonter);
de l’approche médicale, qui se fonde au
contraire sur l’idée d’un «corps brisé», le b) Le handicap est envisagé non pas comme
handicap étant le résultat manifeste d’une un problème médical mais comme le résul-
déficience physique, mentale ou sensorielle tat de l’interaction entre une incapacité et
de la personne. l’environnement. La Convention ne s’inté-
resse pas au handicap en tant que pro-
Dès lors, la notion de handicap ne peut
blème médical; pour elle, les personnes
pas être rigide; elle dépend au contraire du
deviennent handicapées lorsqu’elles se
milieu ambiant et varie d’une société à l’autre.
heurtent à un environnement inhospitalier
Si la Convention reconnaît que cette notion
ou inaccessible. Les personnes handica-
évolue, elle souscrit à l’évidence à l’idée qu’il
pées n’ont pas besoin d’être «traitées»
s’agit d’une construction sociale, puisqu’ elle
avant d’accéder à leur environnement
affirme que «le handicap résulte de l’interac-
(la société); c’est au contraire l’environ-
tion entre des personnes présentant des inca-
nement qui doit s’ouvrir uniformément à
pacités et les barrières comportementales et
tous ses membres. Il le fait en éliminant
environnementales qui font obstacle à leur
les barrières comportementales et envi-
pleine et effective participation à la société
ronnementales de telle sorte que chacun
sur la base de l’égalité avec les autres».
puisse participer activement et jouir de la
Conformément à ce principe, la Conven- totalité de ses droits;
tion ne propose pas une définition figée des
c) La Convention s’étend à tous les han-
personnes handicapées, se contentant d’indi-
dicaps. Le champ d’application de la
quer qu’il s’agit «des personnes qui présentent
Convention ne se limite pas à telles ou
des incapacités physiques, mentales, intel-
lectuelles ou sensorielles durables dont 5
Voir également plus loin, le module 2.
MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP? 19

telles personnes; quiconque présente un s’opère dans des conditions d’égalité,


handicap physique, mental, intellectuel ou aucune compétence particulière n’est
sensoriel durable est le bénéficiaire de cet requise. Les personnes handicapées ne
instrument. La définition donnée à l’article sont pas des personnes «spéciales»; elles
premier pourrait être étendue à toutes les se perçoivent peut-être comme telles (ou,
personnes handicapées – par exemple plus vraisemblablement, comme les victimes
aux personnes ayant un handicap de d’une discrimination) lorsqu’il n’y a aucun
courte durée ou aux personnes considé- aménagement pour faciliter leurs échanges
rées comme faisant partie de ces groupes; avec autrui. Mais si l’environnement a été
convenablement adapté (accessoires fonc-
d) Ce sont les barrières qu’il faut catalo-
tionnels, interprètes de la langue des signes,
guer, et non les êtres humains. Catalo-
accompagnateurs) et que les comportements
guer une personne, ce peut être le pre-
sont conformes à l’approche sociale et/ou à
mier pas sur la voie de son exclusion et
l’approche fondée sur les droits de l’homme,
de la violation de sa dignité intrinsèque.
la communication peut être facile. Les aména-
La Convention n’exclut pas l’emploi de
gements devraient être considérés non pas
définitions dans la législation nationale,
comme spéciaux mais comme normaux ou,
qui peuvent d’ailleurs se révéler par-
pour reprendre un terme de la Convention,
ticulièrement utiles dans des secteurs
comme universels.
comme l’emploi ou la sécurité sociale.
Ce qui compte, c’est que les définitions Dans la rue, les rapports avec les
qui sous-tendent les politiques et les lois personnes handicapées exigent du bon sens
soient conformes à l’approche sociale et du respect; dans un milieu professionnel,
du handicap, en vertu de laquelle les ils demandent du professionnalisme. Ni plus
enjeux sont évalués en fonction des obs- ni moins que ce qu’attendent de nous nos
tacles existants et non de la catégorie ou connaissances ou nos clients non handica-
du pourcentage de l’incapacité. pés. Lorsque les règles sont les mêmes pour
tout le monde et que chacun est le bienvenu,
La mention expresse des barrières exté-
les rapports s’en trouvent facilités.
rieures au sujet en tant que facteurs constitu-
tifs du handicap marque un important progrès Selon la personne que nous devons
par rapport aux conceptions qui assimilent le rencontrer, quelques dispositions et une
handicap à des limitations fonctionnelles. certaine préparation peuvent se révéler
nécessaires. Cela est vrai de toutes sortes
E. Quelques observations au d’entretiens et de réunions, et fait partie de
sujet de la terminologie notre activité professionnelle quotidienne.
Tous les obstacles physiques et linguistiques
Les contacts avec les personnes ont-ils été éliminés? Et les barrières psycholo-
handicapées exigent-ils des giques?
compétences particulières?
Dans notre comportement et notre
Communiquer avec des personnes manière d’agir, ne partons pas du prin-
handicapées est affaire de personnes et non cipe que les personnes handicapées sont
de handicaps. Lorsque la communication héroïques ou courageuses simplement parce
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
20 GUIDE DE FORMATION

qu’elles ont un handicap. Cela ne fait que termes, telle l’expression «personnes handi-
souligner la différence. Les personnes handi- capées»; il est alors important de respecter
capées ont leurs forces et leurs faiblesses, leur choix. Mais la définition d’une termino-
exactement comme toutes les autres. logie acceptable comporte toujours le risque
d’une dérive vers le «politiquement correct»,
Terminologie qui peut nuire à la liberté et à la fluidité des
propos. Il ne faut cependant jamais oublier
La terminologie employée pour parler
que certains termes peuvent renforcer les
des personnes handicapées ou pour commu-
niquer avec elles n’est pas moins importante. stéréotypes et offenser les personnes handi-
Certains mots, certaines expressions peuvent capées. Si nous n’employons pas les mots
être blessants, déstabilisants et/ou super- qui conviennent, comment pouvons-nous
ficiels. Les personnes ne se définissent pas espérer faire évoluer les mentalités?
en fonction de leur handicap. Une termino-
• Réfléchissez toujours avant de parler.
logie adéquate favorise le respect et traduit
une meilleure appréciation du handicap. • Si vous avez une incertitude, interrogez
Communiquer convenablement avec toutes votre interlocuteur.
les catégories d’interlocuteurs est important.
Savoir le faire est essentiel pour les partici- • Si une personne préfère un terme à un
pants qui sont quotidiennement au contact autre, utilisez-le.
de personnes handicapées, interviennent
• Il n’y a pas à craindre de dire «Je vois
auprès des autorités pour défendre et réaffir-
ce que vous voulez dire» à un aveugle.
mer leurs droits, conduisent des entretiens ou
L’expression est parfaitement claire. Elle
rédigent des rapports.
n’a rien d’offensant car chacun com-
Les personnes handicapées et les organi- prend bien qu’il ne s’agit pas de vision
sations qui les représentent ont choisi certains au sens étroit du terme.
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE
DE LA CONVENTION

Historique ou sociale, de fortune, de naissance ou de


toute autre situation. Cette dernière expres-
L’Assemblé générale des Nations Unies sion englobe le handicap et protège donc
a adopté la Convention relative aux droits contre toute discrimination qui y serait liée.
des personnes handicapées et son Protocole
facultatif le 13 décembre 2006. Le 30 mars Les instruments spécialisés des droits de
2007, les deux instruments ont été ouverts à l’homme, comme la Convention contre la
la signature des États au Siège de l’Organi- torture et autres peines ou traitements cruels,
sation des Nations Unies, à New York. Fait inhumains ou dégradants, la Convention sur
sans précédent, la Convention a été signée l’élimination de toutes les formes de discrimi-
par 81 pays le jour de l’ouverture. Comment nation à l’égard des femmes, la Convention
ce résultat spectaculaire a-t-il pu être obtenu? relative aux droits de l’enfant, et d’autres
encore, comprennent des dispositions qui
Avant l’adoption de la Convention protègent contre la discrimination. La Conven-
relative aux droits des personnes handica- tion relative aux droits de l’enfant reconnaît
pées, d’autres instruments concernant les expressément la nécessité de protéger contre
droits de l’homme avaient déjà abordé la la discrimination fondée sur le handicap. Elle
question du handicap, en des termes géné- consacre spécifiquement aussi le droit de
raux ou de manière plus explicite. Certains l’enfant handicapé de mener une vie pleine
d’entre eux, tels la Déclaration universelle et décente.
des droits de l’homme, le Pacte internatio-
nal relatif aux droits économiques, sociaux Les déclarations faisant autorité des
et culturels et le Pacte international relatif comités de surveillance de l’application
aux droits civils et politiques – qui forment à des instruments de droits de l’homme (les
eux trois la Charte internationale des droits organes conventionnels des Nations Unies)
de l’homme – promeuvent et protègent les jouent elles aussi un grand rôle. Les plus
droits de tous les êtres humains, y compris importantes pour les personnes handicapées
les personnes handicapées, du fait qu’ils sont l’observation générale n° 20 (2009)
contiennent des dispositions interdisant la du Comité des droits économiques, sociaux
discrimination. Dans les trois instruments, et culturels, qui affirme que le handicap fait
l’article 2 impose aux États de garantir les partie des motifs de discrimination interdits
droits de l’homme sans distinction aucune, par l’expression «autre situation», et l’obser-
notamment de race, de couleur, de sexe, de vation n° 5 (1994) du même Comité, qui
langue, de religion, d’opinion politique ou définit les facteurs constitutifs de la discrimi-
de toute autre opinion, d’origine nationale nation à l’égard des personnes handicapées;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
22 GUIDE DE FORMATION

la recommandation générale n° 18 (1991) perçues comme les bénéficiaires passifs


du Comité pour l’élimination de la discrimi- d’une assistance, et non comme des
nation à l’égard des femmes, qui traite de titulaires de droits. Les progrès comme
la double discrimination dont sont victimes les enjeux des programmes de déve-
les femmes handicapées (en tant que femmes loppement ne tenaient pas compte du
et en tant que personnes handicapées); vécu de ces personnes. La croissance
enfin, l’observation générale n° 9 (2006) du économique ne conduisait pas toujours
Comité des droits de l’enfant, qui porte sur à l’égalité sociale, et les économies de
les droits des enfants handicapés. subsistance, dans les pays pauvres par
exemple, marginalisaient parfois les
Des instruments régionaux ont également groupes qui avaient le moins de pouvoir
été adoptés en Afrique, dans les Amériques et de moyens. De nombreuses formes
et en Europe; citons à titre d’exemple la d’exclusion frappaient les personnes
Convention interaméricaine pour l’élimina- handicapées. L’adoption d’instruments
tion de toutes les formes de discrimination internationaux avait apporté certaines
contre les personnes handicapées (1999). améliorations, mais la situation restait
très déséquilibrée. En règle générale,
Parmi les autres instruments des droits
les personnes handicapées restaient
de l’homme pertinents figurent la Déclara-
invisibles dans les sociétés dont elles
tion des droits des personnes handicapées
faisaient partie, et leur marginalisation
(1975), le Programme d’action mondial
augmentait souvent les risques de viola-
concernant les personnes handicapées
tions des droits de l’homme;
(1982) et les Règles pour l’égalisation des
chances des handicapés (1993). Sans être • La Convention était nécessaire pour que
contraignants, ces instruments adoptés par les défis auxquels les personnes handi-
l’Assemblée générale des Nations Unies capées sont confrontées soient traités de
symbolisent néanmoins l’engagement moral manière plus approfondie et que leurs
et politique pris par les États d’adopter des droits soient protégés par un instrument
mesures pour protéger les personnes handi- juridiquement contraignant. En 2001, le
capées, notamment par des lois et des poli- Haut-Commissariat des Nations Unies
tiques nationales. aux droits de l’homme a commandé
une étude sur les droits des personnes
Mais puisqu’un cadre juridique inter-
handicapées et le système des droits de
national existait déjà, pourquoi fallait-il une
l’homme existant. Les auteurs de l’étude
convention?
sont parvenus à la conclusion que les
Il y avait à cela plusieurs raisons: instruments et mécanismes existants ne
prenaient pas suffisamment en considé-
• La Convention était nécessaire pour ration la promotion et la protection des
réaffirmer les droits de l’homme des droits des personnes handicapées, que
personnes handicapées et assurer leur l’absence d’une protection juridique
participation à la société sur la base expresse de ces personnes constituait
de l’égalité avec leurs concitoyens et une lacune et qu’une approche privi-
en tant que sujets de droits. Les per- légiant les droits de l’homme exigeait
sonnes handicapées continuaient d’être le renforcement de certains concepts,
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 23

qui devraient remplacer ou clarifier les non seulement des États, mais aussi de
normes antérieures. Ainsi, le droit des toutes les parties prenantes. La partici-
personnes handicapées à un enseigne- pation de personnes handicapées aux
ment gratuit et obligatoire supposait le activités et aux grandes rencontres inter-
droit à une éducation inclusive, qu’elles nationales qui ont précédé l’adoption de
devaient pouvoir exercer aux côtés des la Convention – la première réunion inter-
autres membres de la société; or, cela nationale pour l’examen de la mise en
ne ressortait pas clairement des instru- œuvre du Programme d’action mondial
ments existants. Il était donc essentiel de concernant les personnes handicapées,
réexaminer certaines des conceptions par exemple – a contribué de manière
qui avaient cours jusque là et d’adopter décisive à ouvrir la voie au changement
une convention contraignante qui pour- de paradigme.
rait élucider les concepts et les normes
relatifs aux droits de l’homme et énoncer A. Qu’est-ce que
clairement les obligations juridiques des la Convention?
États. Les auteurs de l’étude soulignaient
aussi que les personnes handicapées et La Convention relative aux droits
les organisations qui les représentaient des personnes handicapées est un instru-
ne tiraient pas parti des normes et méca- ment des droits de l’homme, c’est-à-dire un
nismes existants – de la possibilité de accord international conclu par des États qui
saisir les organes conventionnels par consacre des droits de l’homme et les obliga-
exemple – pour défendre leurs droits et tions correspondantes des États.
en faire progresser le respect. Cela met-
tait en évidence la nécessité d’un instru- • La Convention reconnaît les droits des
ment de droits de l’homme qui porterait personnes handicapées – ce sont les
spécifiquement sur le handicap; mêmes que ceux de tous les autres
êtres humains – mais réaffirme qu’elles
• La Convention a été l’aboutissement doivent elles aussi jouir de ces droits.
d’une vigoureuse stratégie de plaidoyer C’est important, car les personnes
mise en place par les organisations de handicapées s’en voient fréquemment
personnes handicapées, la société civile dénier la jouissance; souvent aussi, elles
et les États. La société civile, et en par- ne savent tout simplement pas qu’elles
ticulier les organisations de personnes
ont des droits. La Convention souligne
handicapées, les organisations interna-
qu’elles devraient jouir de ces droits sans
tionales et les milieux scientifiques qui
discrimination et sur la base de l’égalité
soutenaient les revendications des per-
avec les autres personnes.
sonnes handicapées, ont été le fer de
lance des efforts de plaidoyer et de per- • La Convention impose aux États un cer-
suasion. Leur action a déterminé l’esprit tain nombre d’obligations destinées à
dans lequel la Convention a été conçue: promouvoir et à protéger les droits des
ils ont d’emblée fait savoir clairement que personnes handicapées. Si ces per-
le travail d’élaboration devait prendre en sonnes ont les mêmes droits que celles
compte tous les aspects de la question, qui n’ont pas de handicap, les États
ce qui a permis d’assurer la participation doivent parfois prendre des mesures
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
24 GUIDE DE FORMATION

différentes ou supplémentaires pour favorisant l’accessibilité physique des ser-


assurer la réalisation de ces droits. La vices et des informations y relatives);
Convention énonce ces obligations de
façon extrêmement détaillée. • La pleine et égale jouissance de tous
les droits de l’homme: ce membre de
• La Convention définit aussi les institu- phrase affirme que les personnes han-
tions nationales et internationales néces- dicapées ont les mêmes droits que les
saires à sa mise en œuvre et au suivi de autres et qu’elles devraient jouir de ces
son application. À l’échelon national, droits sur la base de l’égalité avec tous
il pourra s’agir des points de contact les membres de la société;
et des dispositifs de coordination natio-
naux ainsi que des mécanismes indé- • Le respect de leur dignité intrinsèque: ce
pendants d’application et de suivi. Au concept sous-tend tous les aspects des
niveau international, la Convention ins- droits de l’homme, et cette expression
souligne que le respect des droits de
titue le Comité des droits des personnes
l’homme est à maints égards au cœur
handicapées afin d’aider les États à
de la reconnaissance de notre qualité
mettre en œuvre la Convention, et la
d’êtres humains. Ne pas respecter ces
Conférence des États parties pour exa-
droits, c’est ne pas respecter la dignité
miner tout aspect de la mise en œuvre.
de la personne – et c’est ce que vivent
nombre de personnes handicapées à
B. Quel est l’objet de travers le monde.
la Convention?
L’article premier explique aussi ce qu’il
L’objet de la Convention est énoncé à faut entendre par «personnes handicapées»,
l’article premier: il est de promouvoir, proté- question qui sera abordée plus loin.
ger et assurer la pleine et égale jouissance
de tous les droits de l’homme et de toutes
C. Pourquoi la Convention
les libertés fondamentales par les personnes
handicapées et de promouvoir le respect de
est-elle importante?
leur dignité intrinsèque. La Convention:
Plusieurs aspects méritent d’être analysés ✓ Clarifie les droits des personnes handica-
plus avant: pées. Nombre de celles-ci – nous l’avons
déjà indiqué – n’ont pas conscience de
• Promouvoir, protéger et assurer la jouis-
leurs droits, dont il n’est souvent fait
sance des droits: le texte souligne les mul-
aucun cas. La Convention reconnaît
tiples niveaux des obligations des États,
que les personnes handicapées ont les
lesquels doivent promouvoir les droits des
mêmes droits que quiconque et doivent
personnes handicapées (par exemple en
pouvoir en jouir dans des conditions
les faisant connaître), les protéger (par
d’égalité avec les personnes n’ayant pas
exemple en adoptant des lois et des poli- de handicap;
tiques qui les sanctionnent et offrent des
voies de recours en cas de violation) et ✓ Fixe les responsabilités en matière de
en assurer la jouissance (par exemple en respect de ces droits. Elle reconnaît
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 25

qu’il ne suffit pas d’affirmer les droits, et handicapées doivent aller de pair avec
qu’il est tout aussi important de définir la prise en considération systématique
les différentes dispositions que les États de leurs droits dans les projets et pro-
(et d’autres acteurs) devraient prendre grammes de développement et autres
pour en assurer le respect. À cet égard, intervention;
la Convention est très détaillée: elle
indique de manière assez approfondie ✓ Assure le suivi national et international du
en quoi consistent les obligations de res- respect des droits. Si les dispositions de
pecter, protéger et assurer la jouissance la Convention n’ont pas force exécutoire,
des droits des personnes handicapées; le fait qu’elle institue des mécanismes
nationaux et internationaux à l’appui de
✓ Reconnaît que le handicap est une la mise en œuvre et du suivi constitue un
construction sociale et que la société soutien à l’exercice des droits et à l’appli-
devrait éliminer les barrières qui cation de la Convention.
empêchent les personnes handicapées
de participer pleinement à la société;
D. «Handicap» et «personnes
✓ Encourage un développement qui prend handicapées»
en compte les personnes handicapées
La Convention ne donne pas une défi-
et qui leur est accessible. La Conven-
nition immuable du handicap. Son préam-
tion est souvent analysée comme étant
bule affirme que le handicap est une notion
un instrument des droits de l’homme et
qui évolue. Le texte adopte pourtant une
un outil du développement. Elle s’inscrit
approche sociale du handicap, puisqu’il
à cet égard dans un courant du droit
précise que ce dernier résulte de l’interaction
international des droits de l’homme qui
entre les personnes présentant des handicaps
admet que les États doivent prendre
et les barrières extérieures qui font obstacle
des mesures positives pour garantir
à leur pleine participation à la société.
l’exercice des droits et qui souligne la
contribution que la communauté interna- Dans cet esprit, la Convention dans
tionale doit apporter en aidant les États son ensemble repose sur l’idée que l’envi-
à donner effet à ces droits. De fait, le ronnement extérieur et les perceptions que
développement est essentiel pour que la sa construction révèle jouent un rôle central
Convention puisse être mise en œuvre dans la création de cette situation qu’il est
convenablement. Ainsi, nombre de ses convenu d’appeler «le handicap». Nous
dispositions requièrent des améliorations sommes loin de l’approche médicale, qui
de l’accès aux biens et aux services qui se fonde au contraire sur l’idée d’un «corps
dépendent en partie de l’adoption de brisé», le handicap étant le résultat mani-
stratégies et de politiques de développe- feste d’une déficience physique, mentale ou
ment efficaces. Point important, le déve- sensorielle de la personne.
loppement devrait prendre en compte
les personnes handicapées et leur être Dès lors, la notion de handicap ne peut
accessible (art. 32). Cela suppose une pas être rigide; elle dépend au contraire
double démarche: les programmes du milieu ambiant et varie d’une société à
spécifiquement destinés aux personnes l’autre. Si la Convention reconnaît que cette
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
26 GUIDE DE FORMATION

notion évolue, elle souscrit à l’évidence à pour elle, les personnes deviennent
l’idée qu’il s’agit d’une construction sociale, handicapées lorsqu’elles se heurtent
puisqu’ elle affirme que «le handicap résulte à un environnement inhospitalier ou
de l’interaction entre des personnes présen- inaccessible. Les personnes handica-
tant des handicaps et les barrières compor- pées n’ont pas besoins d’être «traitées»
tementales et environnementales qui font avant d’accéder à leur environnement
obstacle à leur pleine et effective participa- (la société); c’est au contraire l’environ-
tion à la société sur la base de l’égalité avec nement qui doit s’ouvrir uniformément à
les autres». tous ses membres. Il le fait en éliminant
les barrières comportementales et envi-
Conformément à ce principe, la Conven-
ronnementales de telle sorte que chacun
tion ne donne pas une définition figée des
puisse participer activement et jouir de
personnes handicapées, se contentant d’indi-
la totalité de ses droits;
quer qu’il s’agit «des personnes qui présentent
des incapacités physiques, mentales, intel- c) La Convention s’étend à tous les han-
lectuelles ou sensorielles durables dont l’in- dicaps. Le champ d’application de la
teraction avec diverses barrières peut faire
Convention ne se limite pas à telles ou
obstacle à leur pleine et effective participa-
telles personnes; quiconque présente un
tion à la société sur la base de l’égalité avec
handicap physique, mental, intellectuel
les autres» (article premier, objet).
ou sensoriel durable est le bénéficiaire
Voici quelques éléments importants à de cet instrument. La définition donnée à
prendre en considération6: l’article premier pourrait être étendue à
toutes les personnes handicapées – par
a) Le handicap est une notion qui, loin d’être exemple aux personnes ayant un handi-
immuable, évolue. La Convention recon- cap de courte durée ou aux personnes
naît que le «handicap» est une notion qui considérées comme faisant partie de ces
évolue sous l’effet de barrières compor- groupes;
tementales et environnementales. Cette
notion n’est donc pas rigide et peut être d) Ce sont les barrières qu’il faut cataloguer,
adaptée aux conditions qui règnent dans et non les êtres humains. Cataloguer une
une société déterminée (l’accent sera personne peut être le premier pas sur la
placé sur le type d’obstacles comporte- voie de son exclusion et de la violation
mentaux et environnementaux présents de sa dignité intrinsèque. La Convention
dans cette société et sur les manières de n’exclut pas l’emploi de définitions dans
les surmonter); la législation nationale, qui peuvent
d’ailleurs se révéler particulièrement
b) Le handicap est envisagé non pas
utiles dans des secteurs comme l’emploi
comme un problème médical mais
ou la sécurité sociale. Ce qui compte,
comme le résultat de l’interaction entre
c’est que les définitions qui sous-tendent
une incapacité et l’environnement. La
les politiques et les lois soient conformes
Convention ne s’intéresse pas au han-
à l’approche sociale du handicap, en
dicap en tant que problème médical;
vertu de laquelle les enjeux sont évalués
6
Voir également plus haut, le module 1. en fonction des obstacles existants et
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 27

non de la catégorie ou du pourcentage Les femmes handicapées


de l’incapacité.
La Convention reconnaît que les femmes
La mention expresse des barrières exté- sont souvent exposées à de multiples discri-
rieures au sujet en tant que facteurs constitu- minations dues non seulement à leur handi-
tifs du handicap marque un important progrès cap mais aussi à leur sexe (art. 6). Il pourrait
par rapport aux conceptions qui assimilent le donc être nécessaire de chercher à mettre
handicap à des limitations fonctionnelles. au point des programmes qui prennent en
compte non seulement les disparités entre
Ainsi, les Règles pour l’égalisation les sexes mais aussi les droits des personnes
des chances des handicapés adoptées par handicapées – et qui visent par exemple
l’Assemblée générale des Nations Unies à accroître le pourcentage des filles et des
indiquent que le terme de handicap recouvre femmes handicapées scolarisées, c’est-à-dire
«nombre de limitations fonctionnelles diffé- exerçant leur droit à l’éducation.
rentes qui peuvent frapper chacun des habi-
tants du globe. L’incapacité peut être d’ordre Les femmes et les jeunes filles sont expo-
physique, intellectuel ou sensoriel, ou tenir à un sées notamment à la violence sexiste. Le Fonds
état pathologique ou à une maladie mentale». des Nations Unies pour la population (FNUAP)
La Convention améliore cette optique. estime que les risques de violence physique et
sexuelle ainsi que de viol sont jusqu’à trois fois
La Convention ne nie pas l’existence plus élevés dans le cas des personnes handi-
d’incapacités physiques, mentales, intel- capées. Les femmes et les enfants handicapés
lectuelles ou sensorielles (art. premier); ce sont davantage exposés aux violences que
qu’elle rejette, c’est une vision qui prive en leurs homologues masculins7.
tout ou en partie les personnes handicapées
L’instrument des droits de l’homme
de la possibilité de participer pleinement à
spécialement consacré aux droits de femmes
la société à cause de ces incapacités.
est la Convention sur l’élimination de toutes
Il faut au contraire chercher la source les formes de discrimination à l’égard des
de l’incapacité (limitation ou restriction) femmes. Une lecture conjointe de ce texte
dans différentes barrières, parmi lesquelles et de la Convention relative aux droits des
figurent les obstacles matériels mais aussi les personnes handicapées permet de mieux
comprendre les responsabilités qu’ont les États
mentalités qui conduisent à l’adoption de lois
de prévenir la discrimination et de promou-
et de politiques discriminatoires. La mécon-
voir l’égalité des femmes handicapées.
naissance du handicap peut être délétère, et
c’est là une des raisons pour lesquelles une
large sensibilisation est un des principaux Les enfants handicapés
objectifs de la Convention. Le handicap touche à tous les aspects de
La Convention consacre des dispositions la vie d’un enfant et peut avoir des incidences
particulières à deux catégories de personnes 7
Pour plus de précisions, voir Département des affaires
handicapées particulièrement vulnérables à économiques et sociales, FNUAP et Wellesley Centers for
la discrimination et à la violation de leurs Women, Disability Rights, Gender and Development: A Re-
source Tool for Action, disponible à l’adresse suivante: www.
droits: les femmes et les enfants handicapés un.org/disabilities/documents/Publication/UNWCW%20
(art. 6 et 7). MANUAL.pdf (site consulté le 8 octobre 2012).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
28 GUIDE DE FORMATION

très différentes aux divers stades de son exis- Autres personnes handicapées
tence. Il est très important de s’assurer que
les droits des enfants handicapés sont pris en D’autres personnes handicapées peuvent
compte dans les lois, politiques, programmes elles aussi être exposées à des formes
multiples de discrimination; c’est le cas par
et autres interventions de telle sorte qu’aucun
exemple des personnes autochtones et des
enfant n’est laissé sur le bord de la route.
personnes âgées handicapées.
L’article 7 de la Convention relative
aux droits des personnes handicapées E. Une approche du
impose aux États de prendre toutes les handicap fondée sur
mesures nécessaires pour garantir aux les droits de l’homme
enfants handicapés la pleine jouissance
de tous les droits de l’homme et de toutes Ce qui caractérise la Convention, c’est
les libertés fondamentales, sur la base de l’abandon d’une vision du handicap centrée
l’égalité avec les autres enfants. Il exige que sur la bienfaisance ou sur la médecine au
«l’intérêt supérieur de l’enfant» – expression bénéfice d’une approche sociale privilé-
qu’il emprunte à la Convention relative aux giant les droits de l’homme. Qui a compris
droits de l’enfant – soit une considération cela est en mesure de comprendre toute la
primordiale de toutes les actions concernant Convention et son propos. Pour une expli-
les enfants handicapés. cation détaillée de l’approche caritative, de
l’approche médicale, de l’approche sociale
Dans son observation générale n° 9 et de l’approche fondées sur les droits de
(2006) relative aux droits des enfants l’homme, voir le module 1.
handicapés, le Comité des droits de l’en-
fant donne des directives détaillées sur les F. La structure et le contenu
droits des enfants handicapés au titre de la de la Convention
Convention relative aux droits de l’enfant.
Adoptés à l’époque où les dispositions La Convention contient 50 articles, qui
de la Convention relative aux droits des peuvent se classer somme suit8:
personnes handicapées étaient en cours de
8
Veillez à ce que les participants à la formation aient le
négociation, ces principes sont à rappro- texte de la Convention sous les yeux et à ce qu’ils le par-
cher de l’article 7. courent tandis que vous commentez cette image.

Préambule Établit le cadre général et traite d’importantes questions


d’ensemble, comme la relation entre handicap et développement.

Article Objet Énonce le propos de la Convention, qui est de promouvoir,


premier protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les
droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par
toutes les personnes handicapées, et de promouvoir le respect
de leur dignité intrinsèque.
L’article premier explique aussi ce qu’il faut entendre par
«personnes handicapées».
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 29

Art. 2 Définitions Définit les principaux termes employés dans la Convention,


à savoir communication, langue, discrimination fondée sur le
handicap, aménagement raisonnable et conception universelle.
Au moindre doute, il est utile de se reporter à ces définitions.
Les termes «personnes handicapées» et «handicap» ne figurent pas
eux-mêmes dans les définitions, car il a été délibérément décidé
de les considérer comme recouvrant des notions qui évoluent.

Art. 3 Principes Ces principes sont très importants pour l’interprétation et la


généraux mise en œuvre des droits ainsi que des autres dispositions de la
Convention. En cas de doute quant à la signification d’un article,
il est bon de se reporter aux principes et de s’en inspirer; ainsi,
lors de la mise en place de services d’aide à la décision, les
responsables devraient avoir à l’esprit le respect de l’autonomie
de la personne, et faire en sorte que chacun puisse décider de
la manière la plus autonome possible.

Art. 4 Obligations Outre qu’elle reconnaît les droits des personnes handicapées,
générales la Convention assigne les responsabilités, et indique ce que
les responsables doivent faire, et quand (immédiatement ou
progressivement, par exemple).
Toutes les obligations sont importantes. Elles sont analysées en
plus grand détail plus loin. Voici deux exemples:
Les États parties doivent prendre progressivement des mesures
pour assurer le plein exercice des droits économiques, sociaux et
culturels dans toute la mesure des ressources dont ils disposent. Cette
disposition équivaut à admettre que le niveau de développement
d’un pays peut influer sur le rythme auquel il met en œuvre certains
articles de la Convention. Elle est une manifestation de réalisme.
À noter que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention
a prévu un recours contre le non-respect des droits économiques,
sociaux et culturels avant même l’adoption, le 10 décembre
2008, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels.
Il existe également une obligation de consulter étroitement les
personnes handicapées et de les faire activement participer à
l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et des politiques
adoptées aux fins de l’application de la Convention relative
aux droits des personnes handicapées, ainsi qu’aux autres
décisions qui les concernent. Cette disposition concrétise le
principe général de participation et d’intégration énoncé à
l’article 3, et le renforce en imposant à l’État de le respecter.
Questions à débattre: Comment le respect de cette obligation
peut-il être mesuré? Quand y a-t-il eu une consultation effective?
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
30 GUIDE DE FORMATION

Art. 5-30 Questions La Convention établit un socle solide de non-discrimination


transversales et d’égalité qui vaut pour tous les droits – civils, culturels,
économiques, politiques et sociaux. L’article 5 exige des États
parties qu’ils assurent l’égalité des personnes handicapées
avec les autres et qu’ils prohibent toute discrimination liée
au handicap. Cette interdiction générale est détaillée plus
avant à propos des différents droits, dans des articles qui
exposent à la fois ce qu’il faut entendre par discrimination
fondée sur le handicap dans le cas du droit considéré, et les
dispositions, y compris les mesures positives, à prendre pour
assurer une égalité effective. La Convention précise en outre
que ces mesures ne constituent pas une discrimination.
L’article 5 est suivi d’articles thématiques d’application
générale, dont les prescriptions sont à prendre en compte dans
l’application de l’ensemble des dispositions de la Convention.
En font partie notamment l’article 6 relatif aux femmes
handicapées, et l’article 7 concernant les enfants handicapés.
Cela soulève les questions suivantes: Pourquoi les femmes et les
enfants font-ils l’objet de dispositions expresses? Y a-t-il d’autres
questions transversales qui pourraient être pertinentes? Y a-t-il
d’autres personnes ou groupes de personnes qui mériteraient
d’être mentionnés – personnes âgées, peuples autochtones,
par exemple?

Droits La Convention traite de tout l’éventail des droits de l’homme.


spécifiques Affirmant clairement l’interdépendance et l’égale importance
de tous les droits de l’homme, elle allie les droits civils et
politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Les
articles de fond clarifient le contenu et la portée, dans le cas
des personnes handicapées, des droits de l’homme dont le
respect est dû à chaque être humain.
La Convention innove en ce qu’elle énonce une série de
domaines dans lesquels les États doivent prendre des mesures
pour garantir l’exercice des droits; toutefois, ces mesures ne
sont pas directement liées à tel ou tel droit en particulier. Ce
sont notamment:
La sensibilisation
L’accessibilité
Les situations de risque et les crises humanitaires
L’accès à la justice
La mobilité personnelle
L’adaptation et la réadaptation
Les statistiques et la collecte de données
La coopération internationale
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 31

Art. 32 Coopération Soulignant l’importance de la coopération internationale,


internationale y compris en vue du développement, pour la réalisation des
droits qu’elle proclame, la Convention consacre tout un article
à la question. Elle va ainsi au-delà de ce qui se faisait jusque là
dans les instruments des droits de l’homme, où la coopération
internationale était ordinairement évoquée dans les articles
relatifs à la réalisation progressive des droits économiques,
sociaux et culturels. De plus, l’article 32 détaille davantage les
sortes d’initiatives par lesquelles la coopération internationale
peut contribuer à promouvoir la Convention (coopération aux
fins de la recherche, coopération en vue du développement
qui prenne en compte les personnes handicapées et leur soit
accessible, par exemple).
Il est à noter que l’article relatif à la coopération internationale
est lié aux autres articles et qu’il y a entre eux une relation
d’interdépendance. En d’autres termes, la coopération,
y compris la coopération au service du développement, est
une manière de donner effet aux droits et d’améliorer la mise
en œuvre de la Convention; le développement et les droits de
l’homme ne sont pas des sections séparées de la Convention:
ils sont liés entre eux.

Art. 31 Mesures Ces articles énoncent des mesures d’application et de


et 33 de mise suivi. L’article 31 impose aux États parties de recueillir des
en œuvre informations appropriées, y compris des données statistiques
et de suivi et des résultats de la recherche, qui leur permettent de
formuler et d’appliquer des politiques visant à donner effet à
la Convention. L’article 33 énumère les différentes initiatives
que les États parties doivent prendre pour mettre en place un
dispositif national d’application et de suivi.

Art. Comité À partir de l’article 34, la Convention détaille sa structure


34-39 institutionnelle. Elle crée le Comité des droits des personnes
handicapées, qu’elle habilite à recevoir et examiner les
rapports périodiques des États parties.

Art. 40 Conférence La Convention institue la Conférence des États parties, qui se


des États réunit régulièrement pour examiner toute question concernant
Parties l’application de la Convention.

Art. 41 et Dispositions Les articles 41 et suivants fixent notamment les modalités de


suivants finales la signature, de la ratification et de l’entrée en vigueur de la
Convention.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
32 GUIDE DE FORMATION

En vertu du Protocole facultatif se Article 18 – Droit de circuler librement et


rapportant à la Convention, des particuliers nationalité
et des groupes de particuliers qui s’estiment
Article 19 – Autonomie de vie et inclusion
victimes d’une violation d’une disposition de dans la société
la Convention peuvent présenter des commu-
nications au Comité. Le Protocole facultatif Article 21 – Liberté d’expression et d’opi-
autorise aussi le Comité, s’il est informé par nion, et accès à l’information
des renseignements crédibles d’atteintes Article 22 – Respect de la vie privée
graves ou systématiques aux droits des
personnes handicapées dans un pays, à Article 23 – Respect du domicile et de la
entreprendre une enquête dans ce pays, famille
avec le consentement de ce dernier. Article 24 – Éducation

G. Principes Article 25 – Santé

Article 27 – Travail et emploi


La Convention énonce à l’article 3 un
ensemble de principes généraux destinés à Article 28 – Niveau de vie adéquat et
aider les États à comprendre et à appliquer protection sociale
efficacement ses dispositions. Pour plus de
Article 29 – Participation à la vie politique
précisions, voir le tableau du module 1.
et à la vie publique

H. Les droits de l’homme Article 30 – Participation à la vie culturelle


et récréative, aux loisirs et aux
dans la Convention
sports
Article 10 – Droit à la vie
Si la Convention n’instaure pas de droits
Article 12 – Reconnaissance de la person- nouveaux, elle définit plus clairement l’appli-
nalité juridique dans des cation des droits existants à la situation parti-
conditions d’égalité culière des personnes handicapées.

Article 14 – Liberté et sécurité de la Ainsi, certaines des mesures de nature


personne à assurer la liberté d’expression et d’opinion
ainsi que l’accès à l’information consistent à:
Article 15 – Droit de ne pas être soumis à
la torture ni à des peines ou • Communiquer l’information sans tarder
traitements cruels, inhumains et sans frais supplémentaires sous des
ou dégradants formes accessibles et au moyen de tech-
nologies adaptées aux différents types
Article 16 – Droit de ne pas être soumis à de handicap;
l’exploitation, à la violence ni
à la maltraitance • Accepter et faciliter le recours, pour les
démarches officielles, à la langue des
Article 17 – Intégrité de la personne signes, au braille, à la communication
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 33

améliorée et alternative et à tous les • L’accès des personnes handicapées et


autres moyens accessibles de communi- de leur famille, lorsqu’elles vivent dans
cation. la pauvreté, à l’aide publique pour cou-
Un niveau de vie adéquat et la protec- vrir les frais liés au handicap.
tion sociale exigent notamment: La Convention impose aussi aux États
• L’accès à des services, appareils et acces- des obligations en vue de la réalisation d’une
soires et autres aides répondant aux série de conditions qui sont indispensables à la
besoins créés par le handicap qui soient pleine jouissance des droits de l’homme et qui
appropriés et abordables; sont les suivantes:

MESURE EXPLICATION

Sensibilisation La sensibilisation suppose à la fois de faire mieux connaître les droits


(art. 8) des personnes handicapées et de combattre les stéréotypes par des
campagnes, par l’éducation et la formation, et en encourageant les
médias à adopter un comportement responsable.

Accessibilité L’accessibilité de l’environnement physique, des transports, de


(art. 9) l’information et des communications, et des autres équipements et
services ouverts ou fournis au public est une condition importante de
l’autonomie.

Situations de Reconnaissant les vulnérabilités particulières des personnes


risque et crises handicapées dans les situations de risque et les crises humanitaires,
humanitaires les États s’engagent à assurer leur protection et leur sûreté.
(art. 11)

Accès à Une dimension fondamentale de la jouissance des droits est l’accès


la justice à la justice et, par conséquent, à des voies de recours. Cela suppose
(art. 13) que des aménagements soient apportés au système judiciaire
et qu’une formation soit dispensée aux personnels concourant à
l’administration de la justice.

Mobilité La mobilité personnelle favorise l’autonomie et les États peuvent y


personnelle contribuer, notamment, en facilitant l’accès à des aides à la mobilité
(art. 20) et à des technologies d’assistance, en formant des personnels
spécialisés, et en encourageant les producteurs d’aides à la mobilité
à prendre en compte les besoins des personnes handicapées.

Adaptation et Afin permettre aux personnes handicapées d’atteindre le maximum


réadaptation d’autonomie, les États s’engagent à renforcer et à développer des
(art. 26) services d’adaptation et de réadaptation diversifiés, qui ne se limitent
pas au secteur de la santé et qui s’étendent à l’emploi, à l’éducation
et aux services sociaux.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
34 GUIDE DE FORMATION

Statistiques Pour contribuer à formuler et appliquer des politiques visant à donner


et collecte effet à la Convention, les États devraient recueillir des informations
de données désagrégées selon des méthodes qui respectent les droits de l’homme
(art. 31) et les normes éthiques de la collecte et de l’analyse des données.

Coopération La Convention reconnaît l’importance de la coopération internationale


internationale pour aider les États à tenir leurs engagements. Il s’agira par exemple
(art. 32) de veiller à ce que la coopération pour le développement prenne en
compte les personnes handicapées et leur soit accessible, de procéder
à des échanges d’information et de programmes de formation,
de mener des travaux de recherche, d’opérer des transferts de
technologie et d’apporter une assistance technique et économique.

Ces mesures sont centrées sur les initia- privé, et l’on s’intéresse grandement, depuis
tives que les États doivent prendre pour quelques années, à la question de la respon-
créer un environnement favorable à l’exer- sabilité des entreprises au regard de ces
cice de droits spécifiques des personnes droits. Cependant, la Convention va certai-
handicapées. nement plus loin que les autres instruments
dans l’énumération de domaines précis qui
I. Obligations se prêtent aux interventions du secteur privé.
Ce secteur ou les entreprises ou organismes
Les obligations se situent à deux niveaux: privés sont mentionnés dans les articles rela-
l’article 4 consacre des obligations générales tifs: aux obligations générales (art. 4.1 e)),
et chacun des articles qui suivent énonce des à l’accessibilité (art. 9.2 b)), à la mobilité
obligations liées à des droits particuliers. personnelle (art. 20 d)), à la liberté d’expres-
sion (art. 21 c)), à la santé (art. 25 d)), et au
La première question qui se pose est celle travail (art. 27.1 h)).
de savoir qui doit tenir les engagements pris.
Comme tous les autres instruments des droits Outre les entreprises, d’autres acteurs
de l’homme, la Convention impose ses obli- non étatiques ont l’obligation de respecter
gations aux États. Toutefois, plusieurs articles les droits des personnes handicapées. L’ar-
font également ressortir le rôle des entre- ticle 25, par exemple, cite les professionnels
prises privées dans la réalisation des droits de la santé. Plusieurs articles évoquent les
des personnes handicapées. S’il appartient services d’accompagnement et les services
aux États de veiller à ce que les entreprises sociaux (l’article 12 à propos du soutien
privées respectent la Convention (autrement nécessaire à l’exercice de la capacité juri-
dit, si les obligations ne pèsent pas directe- dique et l’article 19 au sujet de l’autonomie
ment sur celles-ci), il importe de reconnaître de vie, par exemple). L’article 24 mentionne
le rôle du secteur privé et de souligner la notamment l’emploi d’enseignants quali-
nécessité de l’associer par des partenariats à fiés afin de promouvoir l’insertion scolaire.
la promotion des droits des personnes handi- Donc, même si la responsabilité juridique du
capées. D’autres instruments des droits de respect de la Convention appartient à l’État,
l’homme mentionnent également le secteur nombre d’autres acteurs ont un rôle à jouer.
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 35

Quelles sont, dans ces conditions, les personnes handicapées puissent jouir de
obligations des États? Elles sont récapitulées leurs droits dans des conditions d’éga-
ci-dessous, et analysées plus en détail dans lité avec les autres, il faut que ces ser-
les modules qui suivent: vices soient accessibles. Il conviendra
tantôt de mettre en place des services
• Réexaminer les lois et politiques exis-
adaptés au handicap, tantôt de rendre
tantes – pour s’assurer qu’elles res-
accessibles les services qui s’adressent à
pectent la Convention et ne fixent pas
l’ensemble de la population (éducation
des règles et des normes incompatibles
par exemple);
avec ses dispositions – et en adopter de
nouvelles pour que le cadre juridique et • Sensibiliser – les barrières auxquelles
politique contribue à la mise en œuvre se heurtent les personnes handicapées
de la Convention. Il pourra s’agir de lois tiennent bien souvent aux mentalités.
anti-discrimination et d’une législation Pour que celles-ci évoluent, il faut sensi-
générale sur le handicap (le cas échéant biliser l’opinion aux droits ainsi qu’aux
– il n’y a pas d’obligation à cet égard) capacités de ces personnes;
mais aussi de textes relatifs à la tutelle,
à l’éducation, à la santé mentale, etc. • Former – pour donner effet à bon nombre
Il s’agira aussi de textes d’application de droits des personnes handicapées, et
et de règlements. Quant aux politiques, notamment à ceux qui ont trait à l’accès
ce pourront être des stratégies natio- aux services, il importe de familiariser
nales de développement, des stratégies des personnels tels que les enseignants
nationales relatives au handicap ou à et les professionnels de la santé avec les
l’intégration sociale, ou encore des stra- dispositions de la Convention. Ainsi, les
tégies de services ministériels visant à enseignants doivent avoir les connais-
améliorer les droits des personnes han- sances nécessaires pour pouvoir soutenir
dicapées; l’éducation inclusive, et, si l’on veut que
les personnes handicapées accèdent
• Financer – il ne suffit pas d’adopter des
aux services de santé dans des condi-
lois. Si certaines interdictions de la dis-
tions d’égalité avec les autres, il faut
crimination n’ont pas d’incidences finan-
cières, d’autres ont un coût (c’est le cas, que les professionnels de la santé com-
par exemple, de l’aménagement des prennent en quoi consiste le passage à
espaces publics pour les rendre acces- l’approche sociale/fondée sur les droits
sibles aux personnes handicapées). Les de l’homme;
lois et politiques qui ne sont pas assor- • Recueillir des données – pour pouvoir
ties de moyens financiers ont peu de élaborer de bonnes lois et de bonnes
chances d’être pleinement appliquées; politiques d’application de la Conven-
• Rendre les biens et services acces- tion, il faut de bonnes données. Les États
sibles – nombre de dispositions de la devraient donc mener des recherches
Convention exigent l’accès à des biens et recueillir des données qui permettent
et des services tels que des technolo- de mieux comprendre la situation des
gies d’aide, des soins de santé et des personnes handicapées et les obstacles
programmes éducatifs. Pour que les auxquels elles se heurtent;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
36 GUIDE DE FORMATION

• Renforcer les capacités – dès lors que le Chacune des obligations générales dont
handicap est envisagé sous l’angle des il a déjà été question peut se classer dans
droits de l’homme, il devient essentiel, une de ces trois catégories. Par exemple:
pour la pleine application de la Conven-
• Respecter: s’abstenir de tout acte incom-
tion, de renforcer tant les capacités des
patible avec la Convention;
États de s’acquitter de leurs obligations
que celles des personnes handicapées • Protéger: prendre des mesures pour éli-
de faire valoir leurs droits. miner la discrimination dans le secteur
privé;
Il y a différentes manières de présenter
les obligations des États qui découlent des • Donner effet: adopter des lois com-
instruments des droits de l’homme. Le système patibles avec la Convention; prendre
des mesures pour assurer la réalisation
international repose sur deux grandes caté-
progressive des droits économiques,
gories d’obligations, dites négatives et posi-
sociaux et culturels.
tives:

• L’obligation négative est l’obligation de J. Mécanismes nationaux


s’abstenir de faire quelque chose, c’est et internationaux de suivi
la liberté vis-à-vis de l’État;
La Convention prévoit expressément la
• L’obligation positive est l’obligation qu’a mise en place de mécanismes nationaux et
l’État de prendre des mesures pour pro- internationaux de suivi.
mouvoir les droits, c’est la liberté grâce
À l’échelon national, la Convention
à l’action de l’État.
propose trois mécanismes:
L’habitude s’est prise de désigner les
• La désignation d’un ou de plusieurs
obligations des États par la formule «respec-
points de contact au sein de l’admi-
ter, protéger et donner effet». C’est la formu-
nistration pour assurer la coordination
lation que nous proposons ici:
entre les différents pouvoirs de l’État et
entre les divers ministères et services aux
• L’obligation de respecter: les États
échelons local, provincial et fédéral afin
doivent s’abstenir de s’immiscer dans la
de progresser dans l’application de la
jouissance des droits;
Convention;
• L’obligation de protéger: les États doivent
• La création ou la désignation, au sein
prévenir les violations des droits par des
de l’administration, d’un mécanisme de
tiers tels qu’entreprises privées, profes- coordination chargé de faciliter l’ac-
sionnels de la santé, etc.; tion dans différents secteurs et à divers
• L’obligation de donner effet: les États niveaux;
doivent prendre des mesures appro- • La mise en place d’un dispositif de pro-
priées (législatives, administratives, bud- motion, de protection et de suivi de
gétaires, judiciaires et autres) en vue de l’application de la Convention – insti-
la réalisation des droits. tution nationale de défense des droits
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 37

de l’homme ou bureau d’un médiateur, la situation qui règne dans le pays. Le méca-
par exemple. Ce dispositif devrait être nisme de coordination peut, par exemple,
conforme aux Principes de Paris, qui compter des représentants de la société
définissent les normes d’indépendance civile: c’est déjà le cas de bon nombre de
et les fonctions des institutions de cette conseils nationaux du handicap.
nature, telles qu’elles ont été arrêtées
par l’Assemblé générale. Il est très important que le dispositif
national de mise en œuvre et de suivi de
Du point de vue de la promotion de la l’application de la Convention soit conforme
Convention, les points de contact et les méca- aux Principes de Paris, car il constitue alors
nismes de coordination peuvent grandement un instrument indépendant de soutien et de
contribuer à changer la donne. Les questions vérification de l’application. Nombreuses
relatives au handicap relèvent traditionnelle- sont les fonctions que peuvent exercer les
ment d’un ministère qui est souvent celui de institutions de défense des droits de l’homme
la santé ou celui des affaires sociales. Par indépendantes; elles peuvent:
voie de conséquence, certaines questions
échappent parfois à la sphère d’influence • Vérifier comment les pouvoirs publics
du ministère dont elles relèvent pour l’essen- s’acquittent des engagements pris au
tiel, ce qui crée des cloisonnements et des titre de la Convention;
divisions. Si, par exemple, l’éducation des • Adresser aux autorités nationales des
enfants handicapés est du ressort du minis- recommandations quant aux mesures
tère des affaires sociales et non du ministère à prendre pour améliorer la mise en
de l’éducation, ces enfants sont en-dehors œuvre;
du système général d’enseignement. Parce
qu’ils sont de nature transversale, les droits • Étudier et promouvoir l’harmonisation
des personnes handicapées touchent à de des lois nationales relatives au handi-
nombreux domaines différents, et notam- cap;
ment à la justice, à l’éducation, au travail, • Formuler des avis sur les propositions
aux affaires extérieures, au logement, aux et les projets de loi relatifs au handi-
finances, au sport et à la culture. Les points cap pour en assurer la conformité à la
de contact et les mécanismes de coordina- Convention;
tion permettent de faire en sorte:
• Favoriser la ratification d’instruments
• Qu’il existe un organe gouvernemental, relatifs au handicap – par exemple,
ou plusieurs, responsables des droits encourager les autorités à ratifier le
des personnes handicapées (points de Protocole facultatif se rapportant à la
contact); Convention si elles ne l’ont pas déjà fait;

• Que les différents ministères et services • Mieux faire connaître les droits des per-
(et d’autres organes) coordonnent leurs sonnes handicapées et la lutte contre la
activités (mécanisme de coordination). discrimination liée au handicap;

La Convention laisse une assez grande • Recevoir les plaintes de particuliers et de


latitude quant à la forme de ces mécanismes, groupes qui invoquent des violations des
et les États peuvent les adapter en fonction de dispositions de la Convention;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
38 GUIDE DE FORMATION

• Formuler des programmes d’éducation les États parties pour renforcer l’applica-
aux droits de l’homme; tion de la Convention. Le Comité peut
également recevoir des communications
• Contribuer à l’établissement des rapports
au titre du Protocole facultatif et effectuer
au Comité des droits des personnes han-
des enquêtes sur d’éventuelles violations
dicapées;
graves et systématiques de la Conven-
• Coopérer à l’échelon régional ou inter- tion;
national avec d’autres institutions natio-
• La Conférence des États parties, qui se
nales de défense des droits de l’homme.
réunit au moins une fois tous les deux
Il existe encore d’autres moyens d’ap- ans pour étudier toute question liée à la
plication et de suivi de la Convention que mise en œuvre de la Convention.
ceux qu’elle mentionne; on peut citer à titre
d’exemple les tribunaux et les organes de Ces mécanismes seront analysés plus
défense des consommateurs. Les tribunaux avant dans d’autres modules de formation.
assurent la protection judiciaire des droits Il pourrait cependant être utile d’étudier le
des personnes handicapées, leur permet- processus d’établissement des rapports et de
tant d’obtenir des décisions exécutoires voir comment ce processus ainsi que l’exa-
lorsqu’une violation est avérée. Cela peut men des rapports par le Comité peuvent
être particulièrement utile lorsqu’un particu- contribuer à la mise en œuvre. Il faudra peut-
lier, un groupe ou une organisation de la être adapter le débat en fonction des carac-
société civile décident d’engager une action téristiques des participants: si, par exemple,
pour qu’elle fasse jurisprudence. La décision ce sont principalement des représentants de
judiciaire peut alors avoir des répercussions l’administration, l’échange de vues pourrait
considérables, et entraîner une modifica- être centré sur la manière dont l’établisse-
tion de la législation ou un changement des ment du rapport peut les aider à faire respec-
mentalités. Néanmoins, la justice peut être ter la Convention. L’élaboration du rapport
lente et les recours coûteux, de sorte que peut être l’occasion pour les représentants de
les personnes tentées de s’engager dans un l’État de:
procès doivent déterminer si l’affaire mérite
l’investissement en temps et en argent qu’elle • S’interroger sur les lois et politiques
nécessite. nationales afin d’en vérifier à la fois la
conformité à la Convention et l’impact
Au niveau international, la Convention sur les personnes handicapées;
institue deux mécanismes:
• Détecter des lacunes dans le dispositif
• Le Comité des droits des personnes han- juridique et politique;
dicapées, organe conventionnel indé-
• S’assurer que des points de contact et
pendant qui compte 18 membres et dont
des mécanismes de coordination ont été
la fonction essentielle est d’examiner les
désignés au sein de l’administration et
rapports des États parties sur les mesures
qu’ils fonctionnent convenablement;
qu’ils ont prises, en même temps que des
rapports parallèles de la société civile, et • Déceler les déficits de financement au
d’instaurer un dialogue constructif avec sein des ministères et des programmes
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 39

qui seraient de nature à retarder la mise la prise des décisions qui les concernent. Il
en œuvre; peut donc être utile de développer ce prin-
cipe si le temps disponible le permet.
• Établir à la faveur du processus de
rédaction des partenariats avec d’autres Les notions de participation et d’inté-
acteurs tels que les organisations de per- gration entières et effectives supposent que
sonnes handicapées; chacun puisse prendre pleinement part aux
• Et… sphères publique et privée de la vie de la
société et aux décisions qui influent sur son
Si les participants appartiennent princi- existence.
palement à la société civile, ils pourraient
débattre de la manière dont celle-ci peut: Participation. Pour être effective, la parti-
i) influer sur le rapport de l’État; ii) rédiger à cipation doit aller au-delà de la simple consul-
l’intention du Comité un rapport parallèle qui tation préalable à un choix ou une décision
offre un panorama plus ample de la situation déjà arrêtés. La participation effective doit
des personnes handicapées et de la jouis- être aussi active que possible, de manière
sance de leurs droits que le tableau brossé que les personnes handicapées soient asso-
dans le rapport national. ciées au processus de décision et aux initia-
tives correspondantes. Elle comporte égale-
Si les participants appartiennent au ment un élément de reddition des comptes.
système des Nations Unies, ils pourraient se Les responsables devraient prendre en consi-
demander comment les équipes de pays des dération les propositions et les idées émises
Nations Unies peuvent informer le Comité. par les personnes handicapées, soit en modi-
Ils ne savent peut-être pas que des rensei- fiant leur action, leur initiative ou leur déci-
gnements peuvent être communiqués confi- sion, soit, si ce n’est pas possible, en expli-
dentiellement au Comité. Le débat pourrait quant pourquoi ils ne peuvent pas le faire.
porter principalement sur le point de savoir
comment les recommandations du Comité Intégration. Il ne s’agit pas simplement de
peuvent renforcer la programmation des placer physiquement les personnes handica-
Nations Unies et nourrir la programma- pées avec les autres, dans les mêmes espaces
tion future, y compris les analyses et les (les classes, par exemple). Ce qu’il faut, c’est
programmes de pays. que la société dans son ensemble évolue et
s’adapte de sorte que ces personnes puissent
K. Participation et participer dans des conditions d’égalité avec
intégration des les autres. Dans la classe, par exemple, il
faudra peut-être modifier le plan des cours
personnes handicapées
pour l’adapter aux besoins des élèves qui
et des organisations sont sourds, ou changer des activités de
représentatives manière qu’elles développent les aptitudes
de chaque élève, handicapé ou non.
La participation et l’intégration effec-
tives des personnes handicapées n’est qu’un Grâce à la participation et à l’intégration:
des principes généraux de la Convention.
Il est cependant particulièrement important • Les besoins et les préoccupations des per-
compte tenu de l’invisibilité traditionnelle de sonnes handicapées sont mieux compris
bon nombre de personnes handicapées dans et les solutions peuvent être plus efficaces;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
40 GUIDE DE FORMATION

• Les personnes handicapées peuvent sou- la Convention et ont participé à ses réunions.
lever les questions qui les préoccupent L’Assemblée générale s’est toujours montrée
et demander des comptes aux respon- favorable à une participation active des
sables; organisations de personnes handicapées
aux travaux du Comité spécial.
• Elles deviennent plus visibles; elles
peuvent tirer profit de l’expérience des Une large coalition d’organisations de
autres et évoluer à leur contact, et réci- personnes handicapées et d’organisations
proquement. non gouvernementales a constitué l’Interna-
La participation et l’intégration ne sont tional Disability Caucus (IDC), porte-parole
pas des événements ponctuels; ce sont des des organisations de personnes handica-
processus qui durent tout au long de la vie. pées de toutes les régions du monde. Un
de ses membres a affirmé que son propos
De plus, les personnes handicapées était d’«ouvrir la voie à des changements qui
devraient avoir l’occasion de prendre des mettront fin aux discriminations et assureront
décisions qui ne sont pas nécessairement l’exercice de nos libertés et de nos droits».
liées au handicap ni à leur propre situa-
tion. L’accessibilité est parfois réalisée à La participation des organisations de
l’occasion d’activités qui concernent spéci- personnes handicapées et d’autres organi-
fiquement les personnes handicapées (une sations non gouvernementales à la rédac-
réunion sur leurs droits, par exemple). Ces tion du texte de la Convention a atteint un
personnes ont cependant, comme toutes niveau probablement sans précédent dans
les autres, de nombreux centres d’intérêt. les négociations relatives aux instruments des
Ainsi, une personne handicapée souhaitera droits de l’homme des Nations Unies. À la
peut-être participer à des réunions qui n’ont dernière session du Comité spécial, quelque
aucun rapport avec le handicap, et l’accessi- 800 membres d’organisations de personnes
bilité devrait donc s’étendre à ces activités-là handicapées étaient inscrits. Au-delà des
aussi. Le principe de participation et d’inté- négociations, ces organisations ont été acti-
gration doit donc être entendu dans un sens vement associées à la «vie» de la Conven-
très large. tion – de la cérémonie de signature, tenue
le 30 mars 2007, aux débats annuels du
Une société civile très motivée, formée Conseil des droits de l’homme sur la Conven-
de personnes handicapées et de représen- tion, en passant par les travaux du Comité
tants de leurs organisations, d’organisations des droits des personnes handicapées et de
non gouvernementales généralistes et d’ins- la Conférence des États parties.
titutions nationales de défense des droits de
l’homme, a joué d’emblée un rôle moteur Quel a donc été le rôle des organisa-
dans la rédaction de la Convention. tions de personnes handicapées? L’Interna-
tional Disability Caucus (IDC) a été constam-
Conformément à la pratique des ment un acteur majeur et a exprimé à la
débats relatifs aux droits de l’homme, table des négociations les préoccupations
des organisations non gouvernementales, des organisations nationales, régionales et
dont des organisations représentatives des internationales de la société civile. Les orga-
personnes handicapées, ont été accréditées nisations de personnes handicapées ont
auprès du Comité spécial chargé de rédiger pris une part essentielle à la rédaction du
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 41

projet du groupe de travail qui a servi de Pour reprendre les mots prononcés par
base au texte final, fruit de la collaboration le représentant d’une institution nationale de
de 27 gouvernements, de 12 organisations défense des droits de l’homme avant l’adop-
non gouvernementales et organisations de tion de la Convention: «La participation
personnes handicapées, et d’une institution active de la société civile a tout particulière-
nationale de défense des droits de l’homme. ment contribué à donner à la Convention une
orientation claire et une grande pertinence;
Le texte final de la Convention a été
elle a également permis d’en mener rapide-
l’aboutissement de négociations véritable-
ment la rédaction à bon terme (…) C’est à
ment inclusives. Nombre des vues expri-
cette ouverture et à ce souci d’inclusion que
mées et des suggestions faites par la société
le texte de la Convention, malgré sa relative
civile, notamment par les organisations de
longueur, doit son puissant magnétisme.».
personnes handicapées et surtout par l’in-
termédiaire de l’IDC, ont été incorporées Le rôle clé de la société civile n’a pas
au texte. Des propositions de fond formu- pris fin avec l’adoption de la Convention; il
lées par l’IDC, concernant par exemple la se poursuit à travers sa mise en œuvre. Les
nécessité de veiller à consulter les personnes
personnes handicapées prennent une part
handicapées lors de l’élaboration des poli-
déterminante à sa promotion et aux activités
tiques et de la prise des décisions, font partie
d’information qui s’y rapportent. Le nouveau
intégrante de la Convention.
paradigme sur lequel elle se fonde s’ins-
C’est principalement aussi à l’IDC et pire du souci de comprendre et de partager
aux institutions nationales de défense des les points de vue des personnes handica-
droits de l’homme qu’est due la présence de pées. Celles-ci contribuent aussi de manière
la disposition relative à l’application et au décisive à l’examen et à la proposition de
suivi au niveau national qui exige des États mesures nationales.
parties la création d’un mécanisme national
indépendant de promotion, de protection et L. Que peuvent faire
de suivi de l’application de la Convention. les différents acteurs
pour promouvoir la
Rien pour nous sans nous!
Convention?
Le mot d’ordre «Rien pour nous sans
Les acteurs étatiques
nous» se fonde sur le principe de la parti-
cipation et s’inscrit dans l’action menée par ✓ Ratifier la Convention;
les organisations de personnes handicapées
à travers le monde pour obtenir la pleine ✓ Une fois que la Convention est ratifiée,
participation et l’égalisation des chances le faire savoir;
pour, par et avec les personnes handica-
✓ Traduire la Convention dans les langues
pées. L’idée fondamentale est que celles-ci
locales et la mettre à disposition sous
doivent toujours être directement associées des formes accessibles;
à la planification des stratégies et des poli-
tiques qui auront des répercussions directes ✓ S’assurer qu’un point de contact a été
sur leur existence. désigné au sein de l’administration;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
42 GUIDE DE FORMATION

✓ Envisager la mise en place d’un disposi- pour rappeler aux États leurs responsa-
tif de coordination; bilités vis-à-vis des personnes handica-
pées, en soulignant que les pouvoirs
✓ Désigner un mécanisme indépendant de
publics sont les principaux responsables
mise en œuvre et de suivi de l’applica-
de la satisfaction des droits de ces per-
tion;
sonnes, même si d’autres acteurs (sec-
✓ Examiner et réformer les lois et poli- teur privé, communauté internationale,
tiques, et prendre de premières mesures organisations non gouvernementales,
pour commencer à donner effet à la etc.) jouent eux aussi un rôle important;
Convention (pour de plus amples préci-
sions, voir le module 4); ✓ S’appuyer sur la Convention pour obte-
nir la mise en place des mécanismes
✓ Et… nationaux de promotion et de suivi pré-
vus par l’article 33, afin que l’applica-
Les organisations de personnes
handicapées tion ait davantage de chances d’être
fructueuse et durable;
Les personnes handicapées et les organi-
sations qui les représentent peuvent promou- ✓ Coopérer avec les autorités pour les
voir la Convention de nombreuses manières; encourager à adresser leur rapport au
elles peuvent par exemple: Comité en temps voulu et participer à la
rédaction de ce rapport;
✓ Évaluer les lois et politiques nationales
ainsi que les activités des pouvoirs ✓ Fournir au Comité des rapports paral-
publics et autres acteurs à la lumière du lèles pour qu’il ait une vision aussi com-
texte de la Convention afin d’en assurer plète que possible de la situation des
la conformité à celui-ci et d’obtenir la personnes handicapées dans le pays,
mise en œuvre progressive des disposi- ainsi que des domaines où des recom-
tions de la Convention; mandations claires sont le plus néces-
✓ Prendre la Convention pour repère afin saires et où elles seront probablement le
d’évaluer la jouissance effective des plus efficaces;
droits des personnes handicapées et
✓ Et…
d’informer à ce sujet;
Les organisations de la société civile
✓ Utiliser la Convention comme un ins-
(autres que les organisations de personnes
trument de plaidoyer – assurer, par
exemple, la couverture médiatique de handicapées)
la signature et de la ratification de la
Les organisations de la société civile
Convention ainsi que des rapports au
comme celles qui défendent les droits de
Comité pour appeler l’attention sur la
l’homme ou qui œuvrent en faveur du déve-
situation des personnes handicapées;
loppement ont un rôle important à jouer dans
✓ Utiliser la Convention comme norme la promotion et le suivi de l’application de la
objective et internationalement reconnue Convention. Elles peuvent:
MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION 43

✓ Envisager de faire systématiquement une Les équipes de pays des Nations Unies
place aux droits des personnes handica-
Les équipes de pays des Nations Unies
pées dans leurs propres programmes;
peuvent elles aussi contribuer à la promotion
✓ Se demander si elles ne devraient pas de la Convention; dans cette perspective,
créer un programme spécifiquement elles peuvent:
consacré aux droits des personnes han- ✓ Intégrer l’application de la Convention
dicapées; aux programmes de pays;
✓ Renforcer la capacité des organisations ✓ Mettre en place un programme spécifi-
de personnes handicapées; quement destiné à aider l’État à ratifier
et appliquer la Convention;
✓ Faire figurer des informations sur les
droits de personnes handicapées dans ✓ Renforcer les capacités des organisa-
leurs rapports alternatifs aux organes tions de personnes handicapées;
conventionnels des Nations Unies;
✓ Donner des informations au Comité au
✓ Et… moment où elles font rapport;

Les institutions nationales de défense ✓ Envisager de créer un programme et


d’en demander le financement au titre
des droits de l’homme
du Fonds d’affectation spéciale multido-
Pour promouvoir la Convention, les insti- nateurs créé dans le cadre du Partena-
tutions nationales de défense des droits de riat des Nations Unies pour la promotion
des droits des personnes handicapées.
l’homme peuvent:
Le Partenariat des Nations Unies pour la
✓ Faire préciser le nom de l’institution (ou
promotion des droits des personnes handi-
des institutions) désignée(s) pour être le
capées et son Fonds d’affectation spéciale
dispositif national d’application et de ont été mis en place en 2011 pour soute-
suivi; nir les programmes pilotés par les Nations
Unies, principalement à l’échelon national
✓ Faire connaître la Convention;
mais aussi au niveau régional et mondial, en
✓ Entreprendre des travaux de recherche vue de la ratification et de l’application de la
Convention. Les organismes fondateurs sont
relatifs aux droits des personnes handi-
l’Organisation internationale du Travail (OIT),
capées;
le Haut-Commissariat des Nations Unies aux
✓ Réserver une place à la Convention dans droits de l’homme (HCDH), le Département
des affaires économiques et sociales (DAES)
leurs activités et leurs rapports annuels;
de l’ONU, le Programme des Nations Unies
✓ Faire figurer des informations sur les pour le développement (PNUD), le Fonds des
droits des personnes handicapées dans Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et
leurs rapports alternatifs aux organes l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)9.
conventionnels des Nations Unies; 9
Pour de plus amples renseignements, voir http://mdtf.
undp.org/factsheet/fund/RPD00 (site consulté le 8 octobre
✓ Et… 2012).
MODULE 3 – LA RATIFICATION

Introduction servir de fourre-tout; entendu au sens strict,


il est peut-être plus pertinent dans certains
La Convention a été ratifiée par un régimes politiques que dans d’autres.
grand nombre d’États en quelques années
seulement. Le 1er octobre 2013, elle comp- Ensuite, les conditions indispensables
tait 137 parties contractantes, et le Proto- à la ratification varient d’un pays à l’autre.
cole facultatif, 78. En d’autres termes, plus Certains États font précéder la ratification
de la moitié des États de la planète avaient de débats nationaux approfondis tandis que
consenti à être liés par la Convention. Il reste d’autres ratifient le texte d’abord et orga-
encore, cependant, à obtenir l’adhésion de nisent ces débats ensuite. D’autres encore
la totalité des pays. Le module 3 présente les ratifient un instrument international sans autre
principaux concepts et les grandes étapes formalité à l’échelle nationale.
du processus de ratification, afin d’aider
à former et à motiver les représentants des L’animateur qui présente le module 3 doit
pouvoirs publics, de la société civile et des donc connaître le régime en vigueur dans le
institutions nationales de défense des droits pays et adapter le module en conséquence.
de l’homme des pays qui n’ont pas encore
ratifié la Convention. A. Le processus national
de ratification
Dans un cours de formation sur ce sujet,
il importe de faire comprendre que la rati- La loi et la pratique constitutionnelles
fication d’un instrument international est un régissent les divers aspects du processus
processus complexe qui varie d’un pays à de ratification qui se déroule généralement
l’autre. Tout d’abord, des acceptions diffé- (mais pas toujours) à l’échelon national
rentes sont données au terme lui-même, ce avant la ratification ou l’adhésion au niveau
qui peut être source de confusion. Ainsi, le international. À noter que la Convention ne
mot peut désigner l’adoption de l’instrument prescrit aux États aucun processus national
à l’échelon national (par le parlement, par spécifique de ratification.
exemple) mais aussi l’acte international d’ad-
hésion à l’instrument. De plus, certains pays Dans l’ensemble, il existe deux modali-
adhèrent à une convention plus qu’ils ne la tés de ratification nationale, qui sont fonction
ratifient, et le terme de ratification pourrait du rôle joué par le pouvoir législatif. Dans
être moins adapté que celui d’adhésion. En les pays de droit civil, la ratification prend
même temps, l’instrument est sujet à confir- la forme d’une approbation de l’instrument
mation officielle par des organisations d’in- par le législateur. Après le vote, la loi portant
tégration régionale telles que l’Union euro- ratification est transmise au pouvoir exécutif
péenne. Le mot de ratification a tendance à en vue de sa promulgation, de sa publication
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
46 GUIDE DE FORMATION

et de son dépôt auprès du dépositaire de pendant l’application. Idéalement, les résul-


l’instrument. Ainsi, l’Argentine, le Chili, la tats de l’analyse commanditée par les auto-
Croatie, l’Équateur, l’Espagne, la Hongrie, rités, et conçue sous l’angle de l’intérêt natio-
le Mali, le Niger et le Panama ont ratifié la nal, devraient à terme être rendus publics.
Convention au moyen d’une loi adoptée par
De même, les États devraient faire précé-
le parlement. Le Mexique l’a ratifiée par l’ap-
der la ratification de consultations d’une
probation d’une des chambres du parlement.
ampleur suffisante. C’est au demeurant ce
Dans la plupart des pays qui ont une tradi- que prescrit la Convention elle-même, dont le
tion de common law, ainsi que dans d’autres paragraphe 3 de l’article 4 se lit comme suit:
régimes, la ratification d’un instrument peut se
Dans l’élaboration et la mise en œuvre
faire par une décision du pouvoir exécutif. Si
des lois et des politiques adoptées aux fins
le parlement intervient, c’est à titre consultatif,
de l’application de la présente Conven-
ce qui signifie qu’un vote n’est pas nécessaire.
tion, ainsi que dans l’adoption de toute
C’est ainsi que le Bangladesh, la Nouvelle-
décision sur des questions relatives aux
Zélande et la Thaïlande ont ratifié la Conven-
personnes handicapées, les États Parties
tion par décision du pouvoir exécutif.
consultent étroitement et font activement
Quelles que soient les différences entre ces participer ces personnes, y compris les
deux modalités et les spécificités des régimes enfants handicapés, par l’intermédiaire
nationaux, ces processus internes offrent d’im- des organisations qui les représentent.
portantes occasions de sensibiliser l’opinion Même si l’État n’est pas lié par cette
et de faire mieux comprendre l’instrument à disposition parce qu’il n’est pas encore
l’étude. De fait, les étapes qui précèdent et devenu partie à la Convention, l’organisa-
qui suivent la ratification influent sur la phase tion de consultations publiques sur la ratifica-
suivante – celle de l’application – par exemple tion est une bonne pratique qui peut influer
en permettant de détecter les vides juridiques sur l’application ultérieure de l’instrument.
et autres et de mobiliser un soutien. La consultation peut faire de la ratification
davantage qu’un geste politique en direction
Certains États font faire une analyse
de la communauté internationale et amélio-
nationale des avantages et des défis liés
rer réellement la situation sur le terrain.
à la ratification. En pareil cas, ses auteurs
évaluent les convergences entre la législa- Si des consultations ont lieu, elles
tion et les politiques nationales, d’une part, devraient tenir compte de tout l’éventail des
et la convention, d’autre part; ils mettent en parties prenantes à la ratification. Les repré-
évidence, notamment, les raisons qui militent sentants de l’administration devraient être
en faveur de la ratification et de l’application, consultés. Cependant, nombre de services
et les obligations et les dépenses qui en décou- administratifs ont un rôle à jouer dans la
leraient. Au cours de la phase préparatoire réalisation des droits des personnes handi-
interne, l’analyse nationale accompagne la capées, et les consultations peuvent se
proposition de ratification. Tout examen préa- dérouler à différents niveaux – administra-
lable à la ratification devrait faire partie d’un tions centrales, provinciales et municipales,
processus d’étude des lois existantes et de la par exemple. De même, les consultations
législation envisagée, appelé à se poursuivre peuvent cibler non seulement les ministères
MODULE 3 – LA RATIFICATION 47

des affaires sociales et de la santé, dont institution nationale de défense des droits de
relèvent généralement les questions liées au l’homme, elle devrait pouvoir s’exprimer; elle
handicap, mais aussi des ministères tels que peut également contribuer aux travaux de
ceux de l’éducation, de la justice, de l’inté- recherche sur les droits des personnes handi-
rieur ou des finances, qui auront à participer capées et à l’analyse des lois et politiques.
à la mise en œuvre de la Convention.
Le processus de ratification devrait être
Dans le débat relatif à la ratification, les inclusif et représentatif de la société dans son
personnes handicapées devraient avoir voix au ensemble, groupes minoritaires et opposition
chapitre à la fois directement et par l’intermé- politique compris; il ne devrait pas porter
diaire de leurs organisations. Les consultations la marque d’un programme politique. Cela
devraient prendre en considération la diversité tient notamment à ce principe du droit inter-
des handicaps. Les personnes handicapées national qui veut que les autorités succes-
ne forment pas un groupe monolithique: leurs sives d’un pays soient également liées par
handicaps sont variés (psychosociaux, intellec- tout instrument international déjà ratifié. Le
tuels, physiques, sensoriels) et elles sont elles- danger est que le pouvoir en place soit tenté
mêmes diverses (hommes, femmes, enfants, d’exclure certains acteurs, comme l’oppo-
personnes autochtones, personnes âgées, etc.). sition politique, pour pouvoir prendre ses
Les consultations devraient tenir compte de décisions plus librement. À terme, cepen-
cette variété dans toute la mesure du possible. dant, cela pourrait nuire à l’application de
la Convention, qui ne se poursuivrait pas en
L’opportunité de soutenir, y compris finan- cas de changement de gouvernement.
cièrement, la participation des organisations
de personnes handicapées aux consulta- Le processus de ratification de l’Australie
tions devrait être mûrement pesée. Parmi les offre un bon exemple des différentes étapes à
États qui s’engagent dans le processus de parcourir. L’Australie a signé la Convention en
ratification, certains – pays en développe- mars 2007 et l’a ratifiée en juillet 2008. L’exer-
ment ou pays qui traversent une crise, par cice national a comporté un examen appro-
exemple – peuvent avoir du mal à élargir fondi de toute la législation du Commonwealth,
les consultations faute de moyens financiers des États et des Territoires destiné à détermi-
suffisants. Force est alors de tirer le meilleur ner si le pays pouvait se conformer à tous les
parti possible de ressources limitées. Mais
articles de la Convention. Le Ministère de la
la consultation doit avoir lieu, non seulement
famille, du logement, des services de proxi-
pour assurer la participation et l’intégration
mité et des affaires autochtones et le Minis-
des personnes handicapées, mais aussi parce
tère de la justice, en consultation avec les
que celles-ci peuvent avoir des propositions à
faire quant à l’utilisation la plus efficace de organisations nationales de personnes handi-
ressources modiques en vue de l’application capées ainsi qu’avec les conseils consulta-
progressive de la Convention. tifs et les services juridiques spécialisés dans
le domaine du handicap, ont présenté au
D’autres acteurs de la société civile, Gouvernement un rapport sur l’impact de la
comme les organisations non gouverne- ratification. Les auteurs du rapport y ont dressé
mentales qui se préoccupent des droits de la liste des avantages et des inconvénients de
l’homme ou du développement, devraient la ratification de la Convention et de son Proto-
également être consultés. S’il existe une cole facultatif, analysé la compatibilité des lois
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
48 GUIDE DE FORMATION

australiennes avec les obligations découlant ✓ Mettre en exergue l’importance de la


de la Convention, décrit l’impact économique, question;
environnemental, social et culturel de la ratifi-
cation, défini un moyen adéquat de transcrire ✓ Lancer une campagne commune en
directement la Convention dans le droit natio- faveur de la ratification;
nal et procédé à un examen comptable des
✓ Suggérer des actions concrètes aux-
lois, politiques et programmes.
quelles ces partenaires puissent s’asso-
La préparation de la ratification n’est cier;
pas seulement un processus conduit par les
autorités nationales. La société civile peut ✓ Constituer un réseau, et notamment
également plaider en faveur de la ratifica- mettre en place des canaux de communi-
tion. À vrai dire, son intervention peut être cation et d’échanges d’information (par
un déclencheur particulièrement efficace la création d’un site web, par exemple).
de l’action gouvernementale. À cette fin, la
société civile et d’autres acteurs peuvent: • Faire pression:

✓ Écrire au Gouvernement en lui deman-


• Se documenter:
dant instamment de signer et de ratifier
✓ Apprendre comment la Convention peut la Convention;
être transposée dans le droit national;
✓ Parler de la Convention avec des parle-
✓ S’informer sur les effets et les coûts de la
mentaires;
ratification;

✓ Déterminer les manières dont la ratifica- ✓ Rencontrer les interlocuteurs habituels


tion peut répondre aux besoins des per- dans les ministères, les organismes
sonnes handicapées. locaux et nationaux, etc.

• Former: • Assurer le suivi:

✓ Notamment les décideurs par des réu- ✓ Adresser des lettres de remerciement
nions, des courriels, des lettres, des aux fonctionnaires et autres partenaires;
appels téléphoniques et des visites, en
soulignant que le handicap est une ques- ✓ Évaluer le succès des stratégies et des
tion de droits de l’homme; messages.

✓ Notamment la collectivité locale en Le Service de la lutte antimines des


encourageant la tenue de débats natio- Nations Unies et le Haut-Commisariat aux
naux et de causeries dans les écoles et droits de l’homme (HCDH) ont élaboré un
dans la collectivité;
dossier de sensibilisation pour aider les
• Mobiliser des partenaires et des alliés centres de lutte antimines à plaider en faveur
tels que d’autres groupes de personnes de la ratification de la Convention. Dans
handicapées, des organisations de l’encadré ci-dessous figure le modèle d’une
défense des droits de l’homme et des lettre qui peut être envoyée à des parties
mouvements sociaux, et à ce titre: prenantes pour promouvoir la ratification.
MODULE 3 – LA RATIFICATION 49

[NOM ET ADRESSE DE L’EXPÉDITEUR]


[NOM ET ADRESSE DU FONCTIONNAIRE DESTINATAIRE]
[DATE]
[Monsieur] [Madame],
La Convention relative aux droits des personnes handicapées est entrée en vigueur le 3 mai 2008. Le 30 mars
2007, jour où elle a été ouverte à la signature, elle comptait 82 signataires: c’est le chiffre le plus élevé jamais
enregistré à la date d’ouverture à la signature d’une convention des Nations Unies. Le texte complet de cet
instrument est disponible à l’adresse suivante: www.un.org/disabilities. La Convention:

• Fixe des normes internationales concernant les droits et les libertés des personnes handicapées;
• Clarifie l’application aux personnes handicapées de ces principes des droits de l’homme que sont l’intégration,
la non-discrimination, l’accessibilité et la participation;
• Offre aux pouvoirs publics un modèle sûr dont ils peuvent s’inspirer pour l’élaboration des lois et politiques
nationales;
• Institue des mécanismes efficaces de suivi de la réalisation des droits des personnes handicapées;
• Prescrit des mécanismes nationaux de mise en œuvre et de suivi de la Convention.
La Convention marque un changement de modèle dans la manière de penser le handicap et de percevoir les
personnes handicapées. Ces personnes cessent d’être les «objets» du dévouement de personnes charitables, de
traitements médicaux et de la protection sociale pour devenir les «sujets» de droits, capables de prendre des décisions
et de jouer un rôle actif dans la société.

La Convention est le premier instrument majeur des droits de l’homme de ce siècle; elle est une conquête historique
pour les 650 millions de personnes handicapées qui vivent dans le monde. Elle offre certainement [au] [à la] [NOM
DU PAYS] une importante occasion de s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de ses citoyens. Nous serons heureux
de travailler avec vous sur ces questions, et sommes prêts à vous apporter le soutien dont vous pourriez avoir besoin.
Je vous prie d’agréer, [Monsieur] [Madame], l’assurance de ma considération distinguée.

[NOM DU SIGNATAIRE ET DE L’ORGANISATION]

B. Le processus international Il est important à ce stade de définir


de ratification certains termes. Pour nombre d’États, l’expres-
sion du consentement comprend la signature
Au niveau international, les États
et la ratification:
ou les organisations d’intégration régio-
nale (comme l’Union européenne) qui se a) La signature de la Convention est l’acte
proposent de devenir parties à la Convention par lequel un État ou une organisation
doivent exprimer leur consentement à être d’intégration régionale exprime son inté-
liés par ses dispositions. L’article 43 prévoit
rêt à l’égard du traité et son intention d’y
que ce consentement peut être exprimé par
devenir partie. Les États et les organisa-
la ratification, l’adhésion ou la confirmation
tions d’intégration régionale ne sont pas
formelle. L’«organisation d’intégration régio-
nale» s’entend de toute organisation consti- liés par leur signature. Cependant, ils
tuée par des États souverains d’une région doivent, conformément à la Convention
donnée, à laquelle ses États membres ont de Vienne sur le droit des traités (art. 18),
transféré des compétences dans les domaines s’abstenir d’actes qui priveraient la
régis par la Convention (art. 44). Convention de son objet et de son but;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
50 GUIDE DE FORMATION

b) La ratification consiste dans le dépôt, deux formalités peuvent être accomplies au


par une lettre officielle, de l’instrument cours de la même cérémonie de signature.
de ratification auprès du Secrétaire
général des Nations Unies, dépositaire C. Réserves, interprétations
de la Convention en vertu de l’article 41
et déclarations
de celle-ci.
Au moment de la signature, de la ratifi-
Par le dépôt de son acte de ratification,
cation ou de l’adhésion, les États et les orga-
l’État fait connaître au niveau international
nisations d’intégration régionale souhaitent
son consentement à être lié par un instrument.
parfois adapter l’application de l’instrument
Comme les autres actes de consentement, la
en émettant une réserve. La Convention
ratification rend les normes internationales
de Vienne sur le droit des traités définit la
des droits de l’homme consacrées par cet
réserve comme suit (art. 2, par. 1.d)):
instrument juridiquement contraignantes vis-
à-vis de l’État considéré, et lui impose de L’expression «réserve» s’entend d’une
rendre compte à la communauté internatio- déclaration unilatérale, quel que soit
nale des mesures prises pour harmoniser sa son libellé ou sa désignation, faite par
législation, ses politiques et ses pratiques un État quand il signe, ratifie, accepte
avec ces normes internationales. Comme on ou approuve un traité ou y adhère, par
le verra, la portée de cette formalité diffère laquelle il vise à exclure ou à modifier
d’un pays à l’autre. l’effet juridique de certaines dispositions
Pour certains États, le consentement s’ex- du traité dans leur application à cet État.
prime en une seule étape: c’est l’adhésion.
Les États peuvent aussi faire des déclara-
Celle-ci consiste dans le dépôt d’un instru-
tions au moment de la signature, de la ratifi-
ment d’adhésion auprès du dépositaire et
cation ou de l’adhésion. Par une déclaration,
a les mêmes effets juridiques que la ratifica-
un État fait connaître son interprétation d’une
tion; à la différence de celle-ci, cependant,
question contenue dans la Convention ou
elle n’est pas précédée de la signature.
d’une disposition de celle-ci.
En ce qui concerne les organisations d’in-
Les réserves et déclarations peuvent
tégration régionale, le processus comprend
parfois indiquer qu’un État n’est pas résolu
lui aussi deux étapes comparables à celles
à donner pleinement effet à la Convention:
exposées ci-dessus, la signature par l’orga-
il peut par exemple invoquer une divergence
nisation étant suivie d’une confirmation
de principes culturels pour dissimuler son
formelle.
manque de volonté politique. Dans d’autres
Les États et les organisations d’intégra- cas, elles peuvent traduire sa crainte légitime
tion régionale peuvent décider de ratifier ou et sérieuse que les ressources nationales ne
d’adhérer à la fois à la Convention et à son lui permettent pas de répondre aux obliga-
Protocole facultatif, ou à la Convention seule- tions découlant de la Convention. Les États
ment. Leur intention à cet égard doit être signi- peuvent être tentés de formuler des réserves
fiée dans l’instrument établi et déposé. Pour pour gagner du temps. Ils peuvent décider
pouvoir signer et ratifier le Protocole, il faut de modifier certaines des dispositions les
avoir signé et ratifié la Convention, mais les plus rigoureuses ou d’en limiter la portée
MODULE 3 – LA RATIFICATION 51

afin d’éviter d’être blâmés par la commu- du dépôt de la notification de la réserve ou à


nauté internationale pour ne pas appli- la date à laquelle l’État ou l’organisation d’in-
quer la Convention convenablement. Si les tégration régionale a exprimé son consente-
réserves sont inévitables, il importe de tout ment à être lié par le traité, si cette deuxième
faire pour que leurs incidences soient aussi date est ultérieure. Lorsqu’un État formule une
réduites que possible. Vagues ou précises, objection à une réserve et la communique
elles méritent une attention particulière lors au Secrétaire général après l’expiration du
du suivi de l’application d’un instrument. délai de 12 mois, le Secrétaire général en
Ainsi par exemple, le Comité des droits des distribue le texte comme étant une «commu-
personnes handicapées peut, par ses inter- nication». La formulation d’une objection ne
prétations qui font autorité, circonscrire la contraint pas un État à retirer sa réserve. Elle
portée apparemment générale et indétermi- exerce cependant une certaine pression poli-
née de certaines réserves. tique sur lui et peut le conduire à la retirer
de son plein gré, immédiatement ou après
En tout état de cause, les réserves ne un certain temps. De plus, l’objection à une
doivent jamais être encouragées, et l’anima- réserve pourrait conduire un État à consi-
teur devrait trouver le moyen, eu égard à la dérer que l’instrument est sans effet entre
composition de son auditoire, de le faire clai- lui-même et l’État auteur de la réserve – du
rement comprendre lors de la présentation moins en ce qui concerne la disposition qui
du module 3. fait l’objet de la réserve.

L’article 46 de la Convention autorise les Les organes conventionnels cherchent


parties à formuler des réserves à condition systématiquement à réduire la portée des
qu’elles ne soient pas incompatibles avec réserves et à en encourager le retrait. C’est
l’objet et le but de l’instrument. Si un État ainsi que le Comité des droits de l’homme
a des objections, il les notifie au Secrétaire a exposé sa position dans son observation
général des Nations Unies, qui en distribue générale n° 24 (1994) sur les questions
le texte. Les objections à une déclaration touchant les réserves formulées au moment
portent généralement sur le point de savoir de la ratification du Pacte ou des Protocoles
si celle-ci est purement interprétative ou si facultatifs y relatifs ou de l’adhésion à ces
elle est en réalité une réserve qui modifie- instruments, ou en rapport avec des décla-
rait les effets juridiques de l’instrument. L’État rations formulées au titre de l’article 41 du
qui élève une objection demande parfois Pacte. Se fondant sur le fait que les réserves
que l’État auteur de la déclaration précise incompatibles avec l’objet et le but de l’ins-
ses intentions. Si ce dernier convient qu’il a trument ne sont pas autorisées, le Comité
formulé une réserve et non une déclaration, indique les domaines dans lesquels les
il peut éventuellement retirer sa réserve; dans réserves lui paraissent inadmissibles. En font
le cas contraire, il confirme qu’il ne s’agit partie les articles considérés comme définis-
que d’une déclaration. sant des normes impératives. Le Comité se
demande si les réserves à des droits non
Une fois que le texte d’une réserve leur a susceptibles de dérogation sont autorisées.
été communiqué, les États parties disposent De même, il juge irrecevables les réserves
de 12 mois pour faire connaître leurs objec- aux dispositions qui créent les mécanismes
tions, ce délai commençant à courir à la date d’appui à la jouissance des droits, comme
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
52 GUIDE DE FORMATION

le droit à des voies de recours. C’est à lui, y compris les mesures prises pour traiter
estime-t-il, qu’il appartient de déterminer si un handicap mental lorsqu’un tel traite-
une réserve est compatible avec l’objet et le ment est nécessaire, en dernier recours
but de l’instrument, en partie parce que cette et sous réserve de garanties». La France
décision n’est pas du ressort des États parties et les Pays-Bas ont fait savoir qu’à leur
s’agissant d’instruments relatifs aux droits de sens le «consentement» s’entend: 1) du
l’homme, et en partie parce que le Comité ne consentement donné par une personne
peut manquer de faire cette évaluation dans capable de consentir; 2) dans le cas
l’exercice de ses fonctions. des personnes incapables de consentir,
de l’autorisation donnée par leur repré-
Les parties prenantes qui cherchent à
sentant ou par l’autorité ou l’organisme
soutenir les organes conventionnels, à enri-
prévus par la loi.
chir l’examen périodique universel et/ou à
coopérer avec les autorités nationales qui • Malte, Monaco et la Pologne ont émis
engagent ou terminent la procédure de ratifi- des réserves et des déclarations indi-
cation devraient plaider en faveur d’une rati- quant que la Convention ne serait pas
fication sans réserve. interprétée comme conférant un droit à
l’avortement.
Point important, les réserves existantes
peuvent être modifiées. Le changement peut • La République arabe syrienne a affirmé
consister en un retrait partiel, en la création «comprendre» que le fait d’être signa-
de nouvelles exclusions ou en la modifica- taire de la Convention «n’entraîne en
tion des effets juridiques de certaines disposi- aucune manière une reconnaissance
tions (ce qui équivaut à la formulation d’une d’Israël ni une entrée en relations avec
nouvelle réserve). Un État ou une organisa- Israël, sous quelque forme ou selon
tion d’intégration régionale peuvent à tout quelque modalité que ce soit, à propos
moment retirer une réserve qu’ils ont formu- de la Convention».
lée à la Convention ou au Protocole facultatif.
• L’Azerbaïdjan a déclaré «qu’il sera
Le retrait doit être fait par écrit et être signé
par le chef de l’État, le chef du gouverne- impossible de garantir la conformité avec
ment ou le ministre des affaires étrangères, les dispositions de la Convention dans
ou par une personne pleinement habilitée à ses territoires occupés par la République
cet effet par l’une de ces autorités. Comme d’Arménie jusqu’ à ce que ces territoires
les réserves, les déclarations peuvent être soient libérés de cette occupation».
modifiées ou retirées. • La France et plusieurs autres États ont
élevé des objections à la déclaration par
Des États parties ont formulé un certain
laquelle la République islamique d’Iran
nombre de réserves et de déclarations dont
avait indiqué qu’elle ne se sentait pas
quelques-unes ont suscité des objections
liée par les dispositions de la Conven-
d’autres États parties.
tion jugées incompatibles avec les lois
• Au sujet de la notion de «consentement» iraniennes. D’après la France, le Répu-
et de ses incidences, l’Australie a déclaré blique islamique d’Iran a «formulé une
entendre «que la Convention autorise réserve de portée générale et indéter-
l’assistance ou le traitement obligatoire, minée. En effet, cette réserve présente
MODULE 3 – LA RATIFICATION 53

un caractère vague, en tant qu’elle ne D. La transcription de la


précise ni les dispositions de la Conven- Convention dans le droit
tion qui sont visées, ni les règles de droit de l’État qui la ratifie
interne que la République islamique
d’Iran entend faire privilégier. Dès lors, En procédant à la ratification, l’État
consent à être lié par la Convention, qui entre
elle ne permet pas aux autres États par-
en vigueur pour lui. Pour autant, elle ne vient
ties de connaître la portée de l’engage-
pas automatiquement à faire partie de sa
ment de la République islamique d’Iran législation.
et est susceptible de priver les disposi-
tions de la Convention de tout effet.». Il existe essentiellement deux grands
modes de transposition des conventions dans
• L’Autriche, les Pays-Bas, le Portugal, la le droit national; ils répondent généralement
République tchèque, la Slovaquie et la à des traditions juridiques différentes, et le
Suède ont exprimé leur objection à la système applicable est souvent inscrit dans la
réserve par laquelle El Salvador avait constitution nationale.
affirmé souscrire à la Convention et à
Les pays monistes partent du principe
son Protocole facultatif «pour autant que que le droit national et le droit internatio-
les dispositions desdits instruments ne nal forment un seul ordre juridique. Le droit
portent pas atteinte ni ne contreviennent international n’a pas besoin d’être transcrit
aux règles, normes et principes énoncés dans le droit national: la ratification incor-
dans la Constitution de la République d’El pore immédiatement un instrument interna-
Salvador, en particulier à ses principes tional au système national. Ses dispositions
fondamentaux». De l’avis de ces États, la peuvent être directement appliquées par les
juges et invoquées par les ressortissants du
réserve était incompatible avec l’objet et
pays, au même titre que la législation natio-
le but de la Convention du fait qu’elle ne
nale. Un juge peut frapper de nullité une
précisait pas l’étendue de la dérogation. norme nationale si elle est en contradiction
• L’Espagne, le Portugal, la République avec les règles internationales. Dans certains
États, le droit international prime toujours,
tchèque et la Suède ont élevé une objec-
tandis que d’autres appliquent le principe lex
tion à la déclaration interprétative par
posterior derogat legi priori. Dans certains
laquelle la Thaïlande avait indiqué que États parties à la Convention, comme l’Ar-
l’article 18 de la Convention s’appliquait gentine, le Chili, le Costa Rica, la Croatie,
sous réserve des lois, réglementations et l’Espagne, la Hongrie, le Mali, le Niger,
pratiques nationales. Selon ces États, la le Qatar et la Slovénie, les dispositions de
Thaïlande avait formulé une réserve qui la Convention acquièrent directement force
ne permettait pas de savoir clairement juridique et sont en principe immédiatement
applicables, y compris par les juridictions
dans quelle mesure elle acceptait les obli-
de l’ordre judiciaire. Des particuliers qui ont
gations découlant de l’article 18 de la
invoqué devant les tribunaux la violation de
Convention, ce qui suscitait des doutes sur droits sanctionnés par d’autres instruments,
sa volonté de réaliser le but et l’objet de la comme le Pacte international des droits
Convention s’agissant du droit de circuler économiques, sociaux et culturels, ont obtenu
librement et du droit à une nationalité. des dédommagements ou une réparation.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
54 GUIDE DE FORMATION

Dans les pays dualistes, les ordres juri- de l’ordre juridique interne automatiquement
diques international et national sont considé- ou par voie d’incorporation expresse», et a
rés comme distincts. Les instruments internatio- invité les États parties à agir en conséquence.
naux des droits de l’homme auxquels ces États
sont parties ne sont pas applicables en tant Le Comité des droits économiques,
que tels dans l’ordre national, et des textes sociaux et culturels a exprimé des vues
doivent être adoptés pour transcrire l’instru- analogues dans son observation générale
ment dans le droit national. Si certains États n° 9 (1998) relative à l’application du Pacte
parties ont apporté des modifications à la au niveau national: «les normes internatio-
législation existante pour se mettre en confor- nales contraignantes relatives aux droits de
mité avec la Convention, il semble que les l’homme devraient s’appliquer directement et
mesures prises jusqu’à présent ne permettent immédiatement dans le cadre du système juri-
pas de donner directement effet à la Conven- dique interne» et «même si le Pacte n’oblige
tion dans le système juridique interne. pas formellement les États à incorporer ses
dispositions dans la législation interne, une
Si un pays dualiste ne transpose pas un telle démarche est souhaitable».
instrument international dans le droit national,
par exemple par négligence ou parce que la Dans les pays où il faut que la loi renvoie
ratification ou l’adhésion obéissent à des moti- aux dispositions d’un instrument ou les repro-
vations purement politiques, l’application de duise, les magistrats ont parfois trouvé des
cet instrument est incertaine. Si l’État ne trans- moyens ingénieux d’exploiter les normes inter-
crit pas la Convention dans son ordre juridique nationales. On peut citer le cas de l’Afrique
après l’avoir ratifiée, les personnes qui ont le du Sud, qui n’est pas partie au Pacte inter-
plus besoin de la protection qu’elle apporte national des droits économiques, sociaux et
culturels, mais dont la Cour constitutionnelle
n’en bénéficieront pas nécessairement. Parmi
s’est appuyée sur les observations générales
les pays dualistes figurent l’Afrique du Sud,
du Comité des droits économiques, sociaux et
l’Australie, le Canada, l’Inde, le Kenya, le
culturels pour interpréter la portée de ces droits
Malawi, le Royaume-Uni et la Zambie.
au regard de la Constitution sud-africaine.
Les organes conventionnels ont souvent
recommandé que les États transcrivent les E. La place de la Convention
instruments des droits de l’homme dans le dans le système juridique
droit national pour qu’ils produisent tous leurs des États
effets. C’est ainsi que, dans son observation
générale n° 31 (2004) relative à la nature de Dans les États où la Convention est direc-
l’obligation juridique générale imposée aux tement applicable, il lui a été assigné différents
États parties au Pacte, le Comité des droits de niveaux dans la hiérarchie des lois. Le Costa
l’homme, tout en relevant que le Pacte interna- Rica, par exemple, place les conventions au
tional relatif aux droits civils et politiques ne même niveau que la Constitution. En Argen-
faisait pas expressément obligation aux États tine, le parlement a été saisi d’un projet de
parties d’incorporer ses dispositions, a cepen- loi tendant à situer la Convention au niveau
dant exprimé l’avis «que les droits garantis de la Constitution, à l’instar des autres instru-
par le Pacte sont susceptibles d’être mieux ments des droits de l’homme. Dans plusieurs
protégés dans les États où le Pacte fait partie pays, comme la Croatie, le Mali, le Mexique
MODULE 3 – LA RATIFICATION 55

et le Niger, les instruments internationaux des F. Promouvoir la ratification:


droits de l’homme auxquels l’État est partie les rôles des différents
sont au-dessus des lois nationales.
acteurs
Les organes conventionnels ont souvent
Pouvoir exécutif
demandé que la place des instruments inter-
nationaux des droits de l’homme dans la ✓ Consulter les ministères de tutelle;
hiérarchie des lois internes soit clarifiée. Ils
ont systématiquement exprimé leur satisfac- ✓ Désigner un point de contact pour la
tion aux États qui leur ont attribué le même ratification;
niveau qu’à leur constitution, ce qui n’est pas
✓ Organiser une consultation nationale;
toujours le cas.
✓ Examiner les lois et politiques;
Dans son observation générale n° 31
(2004), le Comité des droits de l’homme a ✓ Rechercher toutes les lacunes de la
expressément souligné la force des instru- protection;
ments des droits de l’homme, qui «découle
directement du principe énoncé à l’article 27 ✓ Procéder à une analyse sous l’angle de
de la Convention de Vienne sur le droit des l’intérêt national;
traités, aux termes duquel un État partie "ne
peut invoquer les dispositions de son droit ✓ Faire de la ratification un objectif national;
interne comme justifiant la non-exécution ✓ Répertorier les bonnes pratiques dans la
d’un traité"». Et c’est, a ajouté le Comité, «le région;
même principe qui joue afin d’empêcher que
les États parties invoquent les dispositions de ✓ Demander l’assistance de l’Organisa-
leur droit constitutionnel ou d’autres aspects tion des Nations Unies;
de leur droit interne pour justifier le fait qu’ils
n’ont pas exécuté les obligations découlant du ✓ Et?
Pacte ou qu’ils ne leur ont pas donné effet».
Parlement
Les réserves formulées par les États qui
✓ Vérifier si le gouvernement entend rati-
ne reconnaissent pas la prééminence de la
fier la Convention;
Convention relative aux droits des personnes
handicapées en cas de conflit entre ses disposi- ✓ Utiliser les procédures parlementaires
tions et celles de leur constitution pourraient être (questions au ministre, par exemple)
source de difficultés au regard de l’article 27 pour favoriser la ratification;
de la Convention de Vienne. C’est pourquoi
même les États dotés d’un système dualiste ✓ Présenter une proposition de loi;
devraient à tout le moins s’abstenir d’invoquer
✓ Encourager le débat parlementaire;
la législation nationale pour ne pas respecter
la Convention, même si leurs ressortissants ne ✓ Mobiliser l’opinion publique;
peuvent se prévaloir des dispositions de celle-
ci devant les juridictions nationales sans une ✓ Dissuader de formuler des réserves et
intervention supplémentaire du parlement. des déclarations;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
56 GUIDE DE FORMATION

✓ Faire mieux connaître la Convention et ✓ Publier des communiqués de presse en


le processus de ratification; faveur de la ratification;

✓ Encourager la ratification de la Conven- ✓ Sensibiliser la collectivité;


tion et de son Protocole facultatif;
✓ Coopérer avec les organisations de per-
✓ Et? sonnes handicapées au sujet de la rati-
fication;
Société civile
✓ Développer ses propres compétences
✓ Former une coalition en faveur de la rati- relatives à la Convention;
fication;
✓ Et?
✓ Prendre contact avec des organisations
de la société civile internationales; Équipe de pays des Nations Unies

✓ Définir un calendrier et une stratégie de ✓ Débattre de la ratification avec les parte-


persuasion des pouvoirs publics; naires gouvernementaux;

✓ Lancer une campagne médiatique de ✓ Répertorier les bonnes pratiques dans la


sensibilisation; région;
✓ Organiser une conférence nationale; ✓ Faire mieux connaître la Convention;
✓ Élaborer un programme aux fins de la ✓ Donner des avis spécialisés au gouver-
ratification et rechercher des moyens de nement et aux partenaires de la société
financement; civile;
✓ Rencontrer des représentants du parle-
✓ Apporter une assistance technique aux
ment, des ministères de tutelle, de l’insti-
points de contact nationaux et à l’institu-
tution de défense des droits de l’homme,
tion nationale de défense des droits de
etc.;
l’homme;
✓ Soulever la question de la ratification
✓ Soulever la question de la ratification
auprès de la communauté des donateurs;
auprès de la communauté internatio-
✓ Demander ce que fait l’Organisation nale;
des Nations Unies;
✓ Soutenir la ratification à travers les médias;
✓ Et?
✓ Élaborer un programme d’appui à la
Institution nationale de défense ratification;
des droits de l’homme
✓ Soutenir et promouvoir la participation
✓ Mener des recherches sur les doits des des organisations de la société civile, et
personnes handicapées; en particulier des organisations de per-
sonnes handicapées;
✓ Soulever la question de la ratification
dans les rapports annuels au parlement; ✓ Et?
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION

Introduction plication de la Convention qui varient en


fonction de leur système juridique et de
Quelles sont les mesures d’application leurs caractéristiques culturelles.
requises par la Convention?
Ensuite, l’article exige l’adoption
L’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 4 de toutes les mesures «appropriées». En
de la Convention indique en termes géné- d’autres termes, les mesures doivent satis-
raux les mesures à prendre pour la pleine faire aux principes et obligations consacrés
réalisation des droits des personnes handica- par la Convention. Elles doivent respecter la
pées sans discrimination. Il impose aux États Convention et en promouvoir les principes.
d’adopter: Elles doivent y être conformes. Enfin, l’article
fait expressément mention non seulement
Toutes mesures appropriées d’ordre des mesures législatives et administratives,
législatif, administratif ou autre pour mais aussi de mesures d’un «autre» ordre.
mettre en œuvre les droits reconnus dans Il suit ainsi la pratique adoptée dans les
la présente Convention. autres instruments des droits de l’homme.
Si les mesures juridiques et administra-
Trois aspects au moins de cet alinéa tives sont importantes pour donner effet à
méritent d’être soulignés. Tout d’abord, une convention internationale, les disposi-
il s’agit d’adopter «toutes» les mesures tions nécessaires à la mise en œuvre d’un
appropriées. L’application devrait donc être instrument des droits de l’homme sont bien
intégrale, en ce qu’elle devrait comprendre plus vastes: elles touchent à l’éducation,
toutes les mesures possibles ayant trait à au financement, au développement, aux
la Convention. L’article 4 énonce certaines programmes sociaux, à la mise en place
d’entre elles, qui seront analysées en plus de structures administratives et au système
grand détail par la suite. De plus, bon judiciaire, pour ne citer que quelques
nombre d’articles de la Convention défi- exemples. Les mesures adoptées doivent
nissent des mesures d’application spéci- donc être larges pour que l’application
fiques concernant des droits particuliers. Il de la Convention soit effective. Imaginer
n’est pas inutile d’examiner l’un des articles que la Convention requiert uniquement
afin de comprendre les types de mesures des dispositions juridiques (sans mesures
nécessaires pour mettre la Convention en financières), c’est s’exposer à adopter de
pratique. L’expression «"toutes" mesures bonnes lois qui resteront lettre morte.
appropriées» peut aussi être comprise
comme conférant une certaine marge de Les mesures d’application pertinentes
manœuvre: aucune possibilité n’est exclue, sont nombreuses; il est possible par
et les États peuvent choisir des modes d’ap- exemple de:
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
58 GUIDE DE FORMATION

• Désigner au sein de l’administration initiatives susceptibles d’être prises sans


des points de contact, des mécanismes délai afin d’engager le processus de mise
de coordination et d’autres institutions en œuvre. Elles pourront consister par
appelés à contribuer à la mise en œuvre; exemple à:
• Veiller à ce que les lois et les budgets
✓ Désigner un point de contact au sein de
cadrent avec la Convention;
l’administration;
• S’assurer que les lois, les politiques et les
institutions sont entièrement financées; ✓ Désigner des points de contact dans les
ministères de tutelle;
• Fournir des services qui intègrent les per-
sonnes handicapées; ✓ Former des coalitions d’organisations
• Faire mieux connaître la Convention; de la société civile, y compris d’orga-
nisations de personnes handicapées, à
• Former des professionnels;
l’appui de la Convention, ou y adhérer;
• Recueillir des données et mener des
recherches, des analyses et des enquêtes ✓ Publier un communiqué de presse relatif
sur les droits des personnes handica- à la ratification de la Convention;
pées;
✓ Traduire le texte de la Convention dans
• Étudier et mettre au point des technolo- les langues locales et le présenter sous
gies accessibles; des formes accessibles;
• Garantir des recours utiles en cas de vio-
✓ Plaider en faveur de l’application aux
lation des droits.
échelons national, régional et local;
Le présent module étudie une série de
mesures d’application, telles qu’une réforme ✓ Examiner les lois, les politiques et les
de la législation conçue de manière que les budgets;
textes et les politiques respectent entièrement
la Convention, y compris par la prestation ✓ Sensibiliser les différents acteurs (presta-
de services adéquats et la mise en place de taires de services, avocats, magistrats,
structures administratives. fonctionnaires, parlementaires, etc.);

Nombre des mesures d’applica- ✓ Examiner l’accessibilité des équipe-


tion examinées dans le présent module ments/services publics;
demandent du temps et des moyens
financiers. Les participants voudront sans ✓ Mener une étude initiale de la situation
doute savoir quelles mesures pratiques ils des personnes handicapées dans le
pourraient prendre immédiatement après pays;
la ratification ou même à l’issue de leur
formation. Il est donc utile, avant d’étudier ✓ Détecter les lacunes dans les connais-
chaque mesure d’application de façon sances ou les capacités relatives à la
plus approfondie, d’envisager quelques Convention.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 59

A. Mise en place de pays d’une autorité constamment respon-


structures administratives sable de l’application. Cela ne suffit pas en
en vue de l’application soi à garantir l’efficacité de cette applica-
de la Convention tion: encore faut-il que le point de contact
ou le mécanisme de coordination disposent
des moyens financiers et des connaissances
Les structures requises par
spécialisées nécessaires. Une participation
la Convention (art. 33)
effective des personnes handicapées et des
Avant d’examiner de plus près diffé- organisations qui les représentent devrait
rentes mesures d’application, il est bon de également contribuer à l’efficacité des points
se reporter brièvement à l’article 33, qui en de contact et du dispositif de coordination
prescrit trois particulièrement adaptés (voir – sans laquelle il est à craindre que personne
également le module 6), consistant en la mise ne porte la responsabilité d’inscrire les
en place de points de contact, de dispositifs normes internationales de la Convention
de coordination et de mécanismes indépen- dans la réalité nationale et de leur donner
dants de suivi de l’application. véritablement un sens.

Points de contact: L’article 33 requiert, Voici quelques éléments qu’il convient


au paragraphe 1, la désignation, au sein de d’avoir à l’esprit:
l’administration, d’un ou de plusieurs points
✓ Veiller à ce que le point de contact et/ou
de contact chargés des questions relatives à
le dispositif de coordination soient clai-
la mise en œuvre de la Convention. Le texte
rement mis en place, par exemple par
ne précise pas la nature des points de contact
la loi;
(ministère, service ministériel, personne ou
autre). ✓ Veiller à ce que le point de contact et/ou
le dispositif de coordination disposent
Dispositif de coordination: Le même
d’un personnel suffisant;
paragraphe exige des États parties qu’ils
envisagent dûment de créer ou désigner, ✓ Veiller à ce que le point de contact et/ou
au sein de leur administration, un dispo- le dispositif de coordination disposent
sitif de coordination chargé de faciliter les de fonds pour pouvoir s’acquitter de
actions liées à l’application de la Conven- leurs fonctions;
tion. Bien que sa création soit facultative, un
tel dispositif peut être utile, en obtenant que ✓ Veiller à ce que le point de contact et/
tous les ministères et les administrations de ou le dispositif de coordination soient
tous les niveaux (central, provincial et local) suffisamment proches des principaux
travaillent ensemble à l’application de la décideurs pour qu’il soit donné suite à
Convention, et que les questions relatives au leurs avis concernant l’application et la
handicap ne restent pas cantonnées au sein coordination;
d’un seul et même ministère (comme celui de
la santé ou des affaires sociales). ✓ Veiller à ce que le point de contact et/
ou le dispositif de coordination ne soient
Les points de contact et le dispositif de pas relégués dans un ministère ou un
coordination assurent l’existence dans le service investi de peu d’autorité; dans le
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
60 GUIDE DE FORMATION

cas contraire, veiller à ce que le point ✓ De dresser la liste des initiatives en cours
de contact soit suffisamment haut placé et de déterminer les ministères qui en
pour pouvoir agir et à ce qu’il soit relié sont responsables;
par un dispositif de coordination effi-
cace à d’autres ministères compétents, ✓ De veiller à ce qu’un budget soit alloué à
de manière que l’action en faveur de la son activité dans le plan de travail pour
Convention soit interministérielle; l’année suivante;

✓ Établir clairement dans le mandat du ✓ D’organiser une conférence ou une


point de contact qu’il est là pour faci- consultation nationales;
liter la mise en œuvre mais qu’il n’est
pas la seule institution administrative ✓ De prendre contact avec les agences de
responsable de celle-ci (s’il l’était, cela presse afin de mettre en relief l’action
pourrait avoir pour effet de marginaliser menée par le gouvernement pour don-
la Convention et son application, alors ner effet à la Convention;
que le but visé est la prise en compte
✓ De traduire la Convention dans les lan-
systématique des droits des personnes
gues locales;
handicapées dans tous les domaines);
✓ De s’informer sur les directives énoncées
✓ Définir les mandats du point de contact
par le Comité des droits des personnes
et du dispositif de coordination afin que
leurs rôles soient clairs; handicapées en vue de l’établissement
des rapports.
Le point de contact aura sans doute
notamment pour fonctions initiales: Dispositif indépendant de suivi: Le
paragraphe 2 de l’article 33 porte princi-
✓ D’inventorier les lois et stratégies dans la palement, quant à lui, sur la création d’une
perspective d’une réforme juridique; structure indépendante chargée de supervi-
ser l’application de la Convention. Il pres-
✓ De veiller à ce que d’autres autorités
crit aux États de maintenir, renforcer, dési-
(ministères, parlement, etc.) soient infor-
gner ou créer un ou plusieurs mécanismes
mées de la ratification;
indépendants de promotion, de protection
✓ D’alerter les organisations de personnes et de suivi de l’application de la Conven-
handicapées et celles de la société civile tion. En créant un tel mécanisme, les États
dans son ensemble en prévision de la doivent tenir compte des «Principes appli-
tenue de consultations efficaces sur l’ap- cables au statut et au fonctionnement des
plication de la Convention; institutions nationales de protection et de
promotion des droits de l’homme», connus
✓ De mettre en place une équipe spéciale
sous le nom de Principes de Paris. En
interministérielle sur la Convention;
d’autres termes, les mécanismes doivent
✓ De prendre contact avec d’autres répondre aux normes internationalement
niveaux administratifs (central et local, convenues d’indépendance, de pluralité et
par exemple); de fonctionnement.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 61

Autres institutions participant à La participation de la


l’application de la Convention société civile

Les tribunaux: Les États parties sont La Convention dispose aussi que la
également tenus de promouvoir une connais- société civile, et en particulier les personnes
sance adéquate de la Convention parmi le handicapées et les organisations qui les
personnel qui contribue au fonctionnement de représentent, devraient participer pleine-
la justice, conformément à l’article 13. Celui- ment à tous les aspects du suivi, de même
ci se lit ainsi: «Afin d’aider à assurer l’ac- qu’elles devraient être associées à l’élabora-
cès effectif des personnes handicapées à la tion et à la mise en œuvre des politiques,
justice, les États Parties favorisent une forma- des programmes et des lois adoptés aux fins
tion appropriée des personnels concourant de l’application de la Convention, conformé-
à l’administration de la justice, y compris les ment à l’article 4.
personnels de police et les personnels péni-
Ces dispositions soulèvent deux ques-
tentiaires.». Il s’agit notamment de former les
tions au moins:
juges et les avocats aux droits des personnes
handicapées et aux obligations internatio- a) La société civile, et en particulier les
nales contractées par les États parties à la personnes handicapées et les organisa-
Convention, afin que les litiges soient traités tions qui les représentent devraient être
conformément au droit international. De plus, associées au processus de suivi engagé
les tribunaux devraient être physiquement par le mécanisme indépendant prévu à
accessibles aux personnes handicapées; il l’article 33 (et, idéalement, à l’activité
en va de même de l’information relative à la des points de contact et du dispositif de
procédure (documents en braille, sites web coordination);
accessibles avec un lecteur d’écran, interpré-
tation dans la langue des signes au tribunal, b) La société civile a elle-même un rôle à
etc.). jouer dans le suivi de la Convention,
indépendamment des autres méca-
Les parlements: Les parlements ont un nismes de l’article 33.
rôle déterminant à jouer dans l’application
de la Convention, en adoptant des lois mais B. Lois, politiques et budgets
aussi en demandant au pouvoir exécutif de
rendre des comptes sur les politiques et les
La réforme législative
stratégies adoptées ainsi que sur les services
fournis. Les parlements prennent également
Reformer les lois: une obligation
une part importante au processus budgé-
taire. Si la Convention ne les cite pas, les L’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 4
renforcer en assurant leur accessibilité et en de la Convention impose aux États parties
sensibilisant les parlementaires aux droits de «prendre toutes mesures appropriées,
des personnes handicapées et à l’impor- y compris des mesures législatives, pour modi-
tance de celles-ci en tant qu’électeurs peut fier, abroger ou abolir les lois, règlements,
influer grandement sur la mise en œuvre de coutumes et pratiques qui sont source de discri-
la Convention. mination envers les personnes handicapées».
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
62 GUIDE DE FORMATION

De plus, les États s’engagent à adopter s’assurer que le «handicap» est entendu
des mesures appropriées d’ordre législatif et comme le résultat de l’interaction entre
administratif, et (art. 4, par. 1 c)) à prendre l’«incapacité» d’une personne et un
en compte la protection et la promotion des environnement défavorable;
droits de l’homme des personnes handica-
pées dans toutes les politiques. ✓ De définir la «discrimination» confor-
mément à la Convention. L’article 2
D’où l’importance, pour la mise en œuvre de celle-ci donne de «la discrimination
de la Convention, d’un examen approfondi fondée sur le handicap» une définition
des lois et politiques nationales en vue: élargie, qui englobe toute distinction,
exclusion ou restriction ayant pour objet
• De modifier ou d’abolir les lois discrimi-
ou pour effet de compromettre ou de
natoires;
réduire à néant les droits des personnes
• D’adopter de nouvelles mesures législa- handicapées. Il s’agit là d’une acception
tives pour assurer l’application future. très large des termes, laquelle exige au
moins l’interdiction de la discrimination
L’examen des lois et politiques (exis-
liée au handicap dans tous les domaines,
tantes) est une obligation qui s’impose à tous
mais aussi l’adoption de mesures juri-
les États. Même lorsque la Convention est
diques qui empêchent la discrimination
directement applicable, il faut s’assurer que
tout court ainsi que de dispositions desti-
tout le droit national, y compris la réglemen-
nées à promouvoir l’égalité entre les per-
tation régionale et le droit coutumier, est mis
sonnes handicapées et les autres;
en conformité avec elle.
✓ D’examiner non seulement la législation
Quelques moyens d’assurer qui touche spécifiquement ou exclusive-
la conformité à la Convention ment aux droits des personnes handi-
capées, mais aussi toutes les lois per-
L’article 4 et d’autres dispositions de la
tinentes. C’est important, car nombre
Convention citent quelques-uns des éléments
de domaines du droit et de la politique
à avoir à l’esprit lors de l’examen et de la
peuvent influer sur la jouissance des
réforme des lois; il convient:
droits des personnes handicapées, y
✓ D’incorporer aux lois internes des ren- compris lorsque ni ces personnes ni le
vois explicites à la Convention, afin qu’il handicap ne sont cités. Il convient de se
y ait des liens clairs entre les normes pencher sur les textes suivants:
internationales et nationales, et que les
❍ La constitution;
différentes normes de la Convention
viennent à faire partie intégrante du ❍ Les lois et règlements relatifs à la
droit national; non-discrimination;
✓ De veiller à ce que la conception du ❍ Les lois et règlements relatifs au han-
«handicap» soit conforme à l’interpréta- dicap en général;
tion donnée par la Convention et, par
conséquent, à l’approche sociale/fon- ❍ La réglementation en matière de
dée sur les droits de l’homme – donc de tutelle;
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 63

❍ Le droit pénal; responsabilités. Deux aspects méritent


d’être soulignés à cet égard; il y a lieu
❍ Les lois et politiques relatives à en effet de s’assurer:
l’éducation;
❍ Que la réforme s’étend à tous les
❍ Les lois et politiques relatives à la niveaux – local, provincial et cen-
santé; tral – de l’administration. Le para-
❍ Les lois et politiques de protection graphe 1 d) de l’article 4 fait
sociale; obligation aux États de veiller à
ce que les pouvoirs publics et les
❍ Les lois et règlements dans le institutions agissent conformément
domaine de la construction; à la Convention. Font partie des
pouvoirs publics non seulement les
❍ Les lois et politiques du travail; autorités centrales, mais aussi les
autorités provinciales et locales,
❍ Les lois et politiques relatives au res-
qui jouent souvent un rôle important
pect de la vie privée;
dans des domaines comme la pres-
❍ Les lois et règlements électoraux; tation de services aux personnes
handicapées;
❍ Les lois et politiques en matière
d’immigration; ❍ Que la réglementation s’applique
au secteur privé. L’alinéa e) du
❍ Les lois et politiques de protection paragraphe 1 de l’article 4 enjoint
de l’enfance; aux États de prendre toutes mesures
appropriés pour éliminer la discri-
❍ Les lois relatives à propriété intellec-
mination fondée sur le handicap
tuelle;
pratiquée par toute personne, orga-
✓ D’identifier les titulaires de droits et, en nisation ou entreprise privée. Les
particulier, de s’assurer que la diversité particuliers comme les organisations
des handicaps est prise en compte, si et entreprises ont des obligations
bien que la législation n’exclut aucun envers les personnes handicapées,
de ces «titulaires». Il devrait donc être dont la moindre est de ne pratiquer
clair que la législation et la politique aucune discrimination;
nationales protègent les personnes qui
ont des handicaps physiques, des han- ✓ De mettre en place le dispositif institu-
dicaps mentaux ou psychosociaux, des tionnel de promotion et de protections
handicaps intellectuels ou des handicaps des droits des personnes handicapées.
sensoriels (personnes sourdes, aveugles L’article 33 prévoit trois instruments
ou sourdes et aveugles); d’application et de suivi: des points de
contact au sein de l’administration, des
✓ De désigner les acteurs responsables, mécanismes de coordination faisant
notamment aux divers niveaux de l’ad- également partie de l’administration et
ministration et sans oublier les acteurs des mécanismes indépendants de pro-
privés, en définissant clairement leurs motion, de protection et de suivi de la
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
64 GUIDE DE FORMATION

Convention. D’autres institutions, comme Garantir des recours utiles


les commissions parlementaires et l’ap-
pareil judiciaire, ont également un rôle Pour que les droits aient un sens, il faut
à jouer, que la loi peut préciser; qu’il existe des recours utiles en cas de viola-
tion, et les lois doivent habiliter les juridictions
✓ De prévoir des textes d’application, des à recevoir des plaintes pour atteintes aux
mesures administratives et des mesures droits. Cette prescription est implicite dans
budgétaires. C’est fondamental pour le la Convention et figure systématiquement
succès de la réforme législative. Il sera dans les autres grands instruments des droits
bien souvent difficile, sinon impossible,
de l’homme. Il importe que les personnes
de donner effet à des lois qui ne sont
handicapées victimes d’une discrimination
pas assorties de directives quant à leur
dans quelque domaine que ce soit puissent
application et de ressources humaines
saisir la justice. Par voie de conséquence,
ou financières.
des recours devraient exister pour tous les
À noter que ce sont les normes les plus droits de l’homme – civils et politiques aussi
élevées de protection qui doivent primer: si bien qu’économiques, sociaux et culturels.
les dispositions de la Convention sont moins La possibilité de recours en cas de violation
rigoureuses sur tels ou tels points que la légis- devrait être sanctionnée par la loi, et la légis-
lation en vigueur, c’est bien entendu celle-ci lation devrait définir les voies de ces recours.
qui doit s’appliquer. Au cours des consulta-
tions avec les organisations de personnes Qui dit recours pense généralement en
handicapées qui ont eu lieu en Australie, premier lieu aux recours judiciaires. De ce
il a été signalé que la Convention pour- point de vue, le monisme présente peut-être
rait être interprétée comme exigeant des des avantages. L’État moniste qui ratifie la
acteurs non étatiques un respect moins strict Convention est automatiquement lié par ses
que celui auquel sont astreints les acteurs principes et ses objectifs. Les ressortissants
publics. Compte tenu du très grand rôle que de cet État, y compris les personnes handi-
le secteur privé joue en Australie dans la capées, à qui tels ou tels droits sont déniés,
fourniture de biens et de services publics par exemple parce que la législation natio-
– en assurant, par exemple, la mise au point
nale est faible sur ce point, peuvent invoquer
et l’offre de services, d’aides et d’appareils
la Convention devant toute juridiction natio-
spécifiques à chaque type de handicap –
nale, et demander au magistrat d’appliquer
et dans la formation des attitudes sociales,
cet instrument et de frapper la loi nationale
les organisations de personnes handica-
de nullité. Le juge n’a pas à attendre que
pées ont demandé au Gouvernement de
déclarer que l’Australie ne se bornerait pas la Convention soit transcrite dans le droit
à «promouvoir» «favoriser» ou «encoura- national: puisqu’elle a été ratifiée, ses
ger» les acteurs non étatiques à respecter dispositions sont, en principe, directement
les droits énoncés dans la Convention, et applicables. À l’évidence, le monisme n’a
qu’elle pourrait dans certaines situations d’avantages que dans la mesure où les
exiger que le secteur privé assume des magistrats sont compétents et familiarisés
responsabilités sur les mêmes bases que les avec les normes internationales et les droits
acteurs publics. de l’homme.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 65

Même dans les États où la Convention Des recours plus accessibles pourraient venir
n’est pas directement applicable, la ratifi- remplacer des procédures à l’issue incer-
cation ou l’adhésion encouragent la magis- taine.
trature à interpréter la législation nationale
conformément à ses dispositions. En la Enfin, des formes traditionnelles de
transposant dans le droit national, les États justice pourraient être préférables, en parti-
dualistes permettent à leurs tribunaux de culier dans des régions rurales défavori-
l’appliquer dans les décisions qu’ils rendent. sées. Nombreux sont les pays où les tribu-
naux sont rares en dehors de la capitale et
Mais d’autres voies de recours doivent des principaux centres urbains. La situation
aussi être envisagées. Tout d’abord, elles est alors particulièrement critique pour les
peuvent parfois être mieux adaptées. Ainsi, personnes handicapées qui vivent dans des
il vaudra peut-être mieux faire traiter les diffi- régions reculées. Si la pauvreté ou l’extrême
cultés liées à la prestation de services par pauvreté y règnent, il peut devenir impos-
des tribunaux spécialisés dans le droit de la sible de se déplacer librement et de se
consommation ou par des organes de recours rendre dans une zone urbaine pour obtenir
administratifs – commissions nationales des les services d’un conseil ou une autre forme
droits de l’homme, médiateurs, commissions d’aide. Néanmoins, les systèmes tradition-
de l’égalité, commissaires aux droits des nels ne sont pas toujours la panacée pour
personnes handicapées, etc. Ce sont des les personnes handicapées en raison des
instances moins intimidantes, auxquelles il préjugés et de la stigmatisation dont elles
est parfois beaucoup plus facile d’accéder, sont l’objet. Les décisions risquent alors de
y compris sans avocat, et dont les interven- répondre à des conceptions traditionnelles
tions peuvent se révéler moins coûteuses. De qui isolent les personnes handicapées ou qui
même, la médiation et l’arbitrage peuvent leur accordent un traitement inégal. Aussi
être préférables dans certains cas, car ils faudrait-il associer les autorités tradition-
sont moins conflictuels et proposent des solu- nelles, y compris les anciens et les membres
tions (réparations) acceptables pour toutes
influents de la collectivité, aux programmes
les parties. L’inspection du travail et l’ins-
de sensibilisation et y inclure des éléments
pection scolaire peuvent être des moyens
relatifs à la non-discrimination et à la partici-
d’engager la responsabilité des employeurs
pation aux recours locaux.
et des personnels de l’éducation, et d’offrir
ainsi des solutions (réparations) plus rapides,
Les acteurs
moins coûteuses et, en définitive, plus effi-
caces que les recours judiciaires. Voici une liste non exhaustive des acteurs
qui devraient participer à l’examen et à la
Ensuite, d’autres recours pourraient être
réforme des lois:
plus rapides et plus sûrs. Dans certains pays,
l’appareil judiciaire fonctionne mal ou ne ✓ Les commissions parlementaires – com-
dispose pas de ressources suffisantes pour mission des droits de l’homme, par
offrir véritablement des recours utiles. En exemple;
pareil cas, les citoyens peuvent n’avoir guère
confiance dans les tribunaux et renoncer à ✓ Le ministère de la justice ou le bureau du
porter plainte pour atteinte à leurs droits. procureur général;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
66 GUIDE DE FORMATION

✓ Les ministères sectoriels – affaires faire activement participer les personnes


sociales, santé, éducation, travail, inté- handicapées, par l’intermédiaire des orga-
rieur, etc.; nisations qui les représentent, à l’élabora-
tion des lois et des politiques d’application
✓ Les points de contact et le dispositif de de la Convention et aux autres décisions qui
coordination; les concernent. Leur participation doit donc
✓ L’institution nationale de défense des sous-tendre toute la réforme des lois et des
droits de l’homme, la commission de politiques.
l’égalité, le médiateur, etc.;
Les étapes de l’examen et de la réforme
✓ Les organisations de personnes handica- des lois sont notamment les suivantes:
pées;
✓ Recenser toutes les lois qui ont un rap-
✓ D’autres organisations de la société port direct ou indirect avec la Conven-
civile, comme les ONG de défense des tion (voir la section suivante);
droits de l’homme, celles qui se préoc-
✓ Étudier la conformité des lois à la
cupent du développement, etc.;
Convention;
✓ Les organismes des Nations Unies, les
✓ Mener une analyse sous l’angle de l’in-
organisations régionales qui défendent
térêt national, comprenant une consulta-
les droits de l’homme, comme le Conseil
tion ouverte;
de l’Europe, la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples, la ✓ Organiser une audition publique au
Commission interaméricaine des droits parlement;
de l’homme, etc.;
✓ Évaluer les sortes de lois nécessaires
✓ Les spécialistes internationaux de la – par exemple, une loi générale sur le
Convention; handicap et/ou une loi relative à la non-
discrimination, et/ou des lois sectorielles
✓ Les milieux universitaires;
comportant des dispositions relatives
✓ Les organismes internationaux de déve- aux droits des personnes handicapées;
loppement.
✓ Rédiger des amendements aux lois;
La méthode ✓ Débattre des amendements au parle-
ment;
Chaque État aura sa propre méthode
de réforme des lois et des politiques. Il y ✓ Envisager de rédiger un plan national
a cependant certains principes à respecter d’action en faveur des droits de l’homme;
pour que les personnes handicapées et les
autres acteurs concernés soient associés au ✓ Adopter des lois/règlements d’applica-
processus et pour que celui-ci soit efficace. tion;

Point important, l’article 4, paragraphe 3, ✓ Assurer le financement des nouvelles


souligne que les États devraient consulter et dispositions;
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 67

✓ Faire figurer un compte rendu de l’exa- Les politiques ne sont pas des interven-
men des lois et des modifications appor- tions ponctuelles; elles comportent plusieurs
tées à la législation dans le rapport ini- phases, à savoir:
tial au Comité des droits des personnes
• Le diagnostic: Il faut un diagnostic pour
handicapées.
dresser la liste des points forts, des fai-
blesses, des possibilités à exploiter et des
Les politiques écueils à éviter. Ainsi, il convient d’analy-
ser la stratégie nationale de développe-
Les lois transposent les engagements
ment pour déterminer si les programmes
internationaux dans le droit national et
de développement tiennent compte des
entraînent souvent de véritables améliora-
droits des personnes handicapées, si le
tions de la situation des droits de l’homme développement leur est accessible, si
sur le terrain. les auteurs des programmes de déve-
loppement créent par inadvertance des
Souvent, cependant, les politiques
barrières supplémentaires (du fait, par
permettent d’accélérer la mise en œuvre.
exemple, de la construction d’écoles
Si les lois énoncent des droits et des obliga-
inaccessibles), etc.;
tions, les politiques peuvent fixer les étapes
à franchir pour atteindre les objectifs aux • La formulation: Le diagnostic posé, il
échéances prévues et respecter ainsi les enga- devient possible de formuler la politique.
gements pris. Les politiques sont particulière- Il convient de choisir des indicateurs et
ment utiles pour la réalisation progressive des des objectifs intermédiaires réalistes.
droits économiques, sociaux et culturels. Mais La formulation devrait être conçue de
elles le sont aussi pour l’exercice des droits sorte qu’il y ait autant de liens que pos-
civils et politiques (l’amélioration de l’admi- sible avec des dispositions précises de
nistration de la justice, par exemple). Parmi la Convention. La politique de l’éduca-
les nombreuses politiques en rapport avec tion devrait renvoyer à l’article 24 de
manière à reconnaître expressément le
l’application de la Convention, on peut citer:
droit à l’éducation inclusive et à com-
✓ La stratégie nationale de développement porter tant des activités de formation des
(ou de réduction de la pauvreté); maîtres en matière d’inclusion que des
services éducatifs spécifiques à l’inten-
✓ Les stratégies de développement sec- tion des personnes handicapées – sou-
torielles (santé, éducation, protection tien dans la salle de classe, documen-
sociale, populations vulnérables, etc.); tation en braille et enseignement de la
langue des signes, par exemple. Les per-
✓ La stratégie nationale et le plan d’action
relatifs aux droits de l’homme; sonnes handicapées et les organisations
qui les représentent devraient participer
✓ La stratégie et le plan d’action relatifs activement à toutes les étapes de la for-
aux droits des personnes handicapées; mulation des politiques;

✓ Le plan de préparation et de réaction • L’adoption: Les autorités nationales


aux catastrophes. devraient adopter la politique et la
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
68 GUIDE DE FORMATION

rendre publique. La transparence est d’ajuster la politique suivie. Elle peut en


très importante. Elle permet à la société outre nourrir les rapports de l’État au
civile, et notamment aux personnes han- Comité.
dicapées, de savoir dans quelle mesure
le processus de consultation a effective- Ce qui précède correspond à bien des
égards à ce qu’il est convenu d’appeler
ment influé sur la politique adoptée, et
l’approche fondée sur les droits de l’homme.
elle encourage l’application de celle-ci
Cette approche comporte trois dimensions
car chacun sait en quoi elle consiste et
majeures:
peut concourir à sa mise en œuvre;
✓ Elle insiste sur la participation, la non-
• L’application: La politique devrait être
discrimination, la transparence et la
appliquée conformément aux straté-
reddition des comptes. La Convention
gies et au plan d’action. L’application
conforte ces principes et en ajoute
devrait respecter les principes de la
d’autres (voir l’article 3), tels que l’inté-
Convention: elle devrait éviter la dis-
gration, le respect de l’autonomie, l’ac-
crimination (inclure les personnes han-
cessibilité, le respect de la différence et
dicapées, ne pas créer de nouvelles
celui du développement des capacités
barrières, respecter la diversité des han-
de l’enfant;
dicaps – physiques, sensoriels, mentaux
et intellectuels, par exemple), être aussi ✓ Elle établit un lien explicite entre les poli-
participative que possible, être transpa- tiques et la réalisation des normes en
rente, s’accompagner d’une reddition matière de droits de l’homme (promou-
des comptes, promouvoir l’égalité entre voir l’enseignement inclusif et l’enseigne-
hommes et femmes, etc.; ment primaire gratuit et obligatoire, par
exemple);
• L’évaluation: L’application devrait faire
l’objet d’études visant à déterminer si les ✓ Elle se propose de faire en sorte que les
objectifs intermédiaires ont été atteints. politiques renforcent la capacité des titu-
L’évaluation est importante en soi, car laires de droits de faire respecter leurs
elle met en évidence ce qui a réussi et ce droits, et celle des responsables de s’ac-
qui n’a pas fonctionné, permettant ainsi quitter de leurs obligations.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 69

Les recommandations du Rapport mondial sur le handicap


relatives aux stratégies nationales et aux plans d’action
Neuf recommandations sont formulées dans le Rapport mondial sur le handicap10.
Nous les reproduisons ici pour illustrer la manière dont la Convention pourrait être
appliquée à travers le monde. Les mesures qui y sont préconisées ne sont cependant pas
les seules que les États devraient prendre pour donner effet à la Convention.
Certaines recommandations ont trait à la réforme des lois et des politiques.
Recommandation 3: Adopter une stratégie nationale et un plan d’action sur le handicap
[…] Une stratégie nationale spécifique au handicap énonce une vision consolidée et
globale sur le long terme pour améliorer le bien-être des personnes handicapées et devrait
couvrir à la fois la politique et les programmes généraux et les services spécifiques aux
personnes handicapées.
L’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de la stratégie nationale devraient réunir un
large éventail de secteurs et de parties prenantes […].
La stratégie et le plan d’action doivent se fonder sur une analyse de la situation
et prendre en compte certains facteurs, comme la prévalence du handicap, les besoins
en services, la situation sociale et économique, l’efficacité et les lacunes des services
existants, les barrières sociales et environnementales. […] Le plan d’action opérationnalise
la stratégie à court et à moyen terme en établissant des mesures concrètes et des délais
de mise en œuvre, en définissant des objectifs, en désignant les institutions responsables,
ainsi qu’en planifiant et en affectant les ressources nécessaires.
Des mécanismes sont nécessaires pour établir clairement l’attribution des responsabilités
concernant la coordination, la prise de décisions, le suivi régulier, l’établissement de
rapports ainsi que le contrôle des ressources.
Recommandation 4: Impliquer les personnes handicapées
Les personnes handicapées ont une compréhension et une connaissance uniques de
leur handicap et de leur situation. Pour l’élaboration et la mise en œuvre de la politique,
de la législation et des services, les personnes handicapées doivent être consultées et
participer activement au processus.
Les organisations de personnes handicapées pourraient nécessiter un renforcement
de leurs capacités et un appui afin qu’elles puissent mieux soutenir l’émancipation […] de
leurs membres et défendre leurs intérêts.[…]
Les personnes handicapées ont le droit d’exercer un contrôle sur leur vie et doivent par
conséquent être consultées sur les questions qui les concernent directement, qu’il s’agisse
de santé, d’éducation, de réadaptation ou de vie dans la communauté. Un soutien à la
prise des décisions pourra parfois être nécessaire pour permettre à certaines personnes de
communiquer leurs besoins et leurs choix.

10
Organisation mondiale de la Santé et Banque mondiale, Rapport mondiale sur le handicap (Genève, 2012).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
70 GUIDE DE FORMATION

Les mesures budgétaires L’obligation de l’État de fournir


considérées dans la des budgets
perspective de la réforme
Les décideurs doivent se demander si
de la législation
les lois et les politiques ont des incidences
et des politiques financières et, dans l’affirmative, prévoir des
budgets suffisants. Comme cela a été indiqué
Les mesures budgétaires sont des
plus haut, le parlement et le pouvoir exécutif
aspects essentiels de la plupart des lois et
devraient, avant d’adopter des lois et des poli-
politiques. Si certaines de celles-ci – comme
tiques, indiquer explicitement le montant des
celles qui prohibent des comportements tels ressources qui seront consacrées à leur appli-
que la discrimination ou la torture – n’ont pas cation. Certaines mesures ont beaucoup plus
besoin d’être financées, la plupart de celles de chances de réussir lorsqu’elles sont assor-
qui ont trait aux droits de l’homme exigent ties de ressources financières (et humaines).
des fonds; cela est particulièrement vrai de
celles qui se rapportent aux droits écono- La disposition clé de la Convention
miques, sociaux et culturels. Il importe surtout concernant le financement est contenue au
d’avoir à l’esprit que certaines dispositions: paragraphe 2 de l’article 4 (obligations
générales): Dans le cas des droits écono-
✓ Ne coûtent rien à mettre en œuvre; miques, sociaux et culturels, chaque État
Partie s’engage à agir, au maximum des
✓ Peuvent être source d’économies (ainsi, ressources dont il dispose et, s’il y a lieu,
la conception universelle évite l’adapta- dans le cadre de la coopération internatio-
tion ultérieure); nale, en vue d’assurer progressivement le
plein exercice de ces droits, sans préjudice
✓ Peuvent être appliquées en utilisant diffé- des obligations énoncées dans la présente
remment les fonds existants (il peut suffire Convention qui sont d’application immédiate
de réaffecter des crédits pour financer en vertu du droit international.
l’enseignement inclusif à la place d’une
éducation séparée); Cette obligation est souvent mal
comprise. Elle ne signifie pas que la réali-
✓ Peuvent être mises en œuvre par une sation des aspects des droits économiques,
meilleure utilisation des fonds dispo- sociaux et culturels qui nécessitent des
nibles (d’où l’importance d’une planifi- ressources ou un financement peut être indé-
cation budgétaire transparente et de la finiment différée. Au demeurant, la Comité
des droits économiques, sociaux et culturels
justification de l’emploi des fonds);
a affirmé que ces droits font naître des obli-
✓ Peuvent requérir peu de fonds addi- gations fondamentales dont il faut s’acquitter
immédiatement quel qu’en soit le coût. C’est
tionnels (la sensibilisation par des cam-
le cas, par exemple, de l’obligation de four-
pagnes publiques est relativement peu
nir des médicaments essentiels abordables
coûteuse mais peut être très efficace); au titre du droit à la santé.
✓ Peuvent exiger des fonds supplémen- Toutefois, lorsque des ressources sont
taires (services de réadaptation, services nécessaires et qu’une réalisation progressive
de soins à domicile, etc.). se justifie:
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 71

• L’État doit prendre immédiatement des − Comment les politiques nationales de


mesures pour établir le budget et un plan développement répondent-elles aux
d’action comprenant un calendrier; dispositions de la Convention?

• Des objectifs intermédiaires assortis d’un − Quel est le degré de cohérence entre
échéancier devraient être fixés pour l’élaboration des politiques et le pro-
orienter la mise en œuvre progressive; cessus budgétaire?
• Des indicateurs de la réalisation de ces − Dans quelle mesure les budgets sont-
objectifs intermédiaires devraient être ils cohérents avec les objectifs prio-
définis; ritaires, les normes et les buts de la
• Des fonds devraient être affectés de telle Convention, y compris du point de
sorte que les mesures nécessaires à la vue de leur impact souhaité et de leur
impact réel (qui sont eux-mêmes fonc-
réalisation de ces objectifs puissent être
tion de la réalisation progressive des
prises;
droits et du volume maximum de res-
• Le plan d’action devrait faire l’objet d’un sources disponibles)?
suivi à l’aide des indicateurs sélection-
nés pour déterminer si l’application est − Dans quelle mesure les budgets sont-
en bonne voie. ils cohérents à la fois avec les dispo-
sitions de la Convention et avec les
Compte tenu des difficultés que les États priorités fixées à l’échelon national?
les plus pauvres éprouvent à appliquer la
Convention (en raison des ressources néces- − Dans quelle mesure la budgétisation
saires), le paragraphe 2 de l’article 4 et l’ar- est-elle inclusive et transparente, et
ticle 32 soulignent l’aide que peut apporter appelle-t-elle une justification de l’uti-
la coopération internationale. L’alinéa d) de lisation des fonds?
l’article 32.1 prescrit aux États de prendre
− Dans quelle mesure la budgétisation
des mesures appropriées et efficaces de
tient-elle compte des rôles des titu-
coopération internationale, et notamment
laires de droits, de la société civile
d’apporter, s’il y a lieu, une assistance tech- et de l’État ainsi que de la relation
nique et une aide économique. dynamique entre eux?

La budgétisation des droits Une des difficultés qu’il y a à faire


des personnes handicapées concorder la budgétisation avec les proces-
sus législatif et politique tient à l’asymétrie
La «budgétisation des droits de l’homme» des parties prenantes. Ainsi, l’asymétrie
et de préoccupations connexes, comme celle entre le ministère des finances, le ministère
de l’égalité des sexes, retiennent de plus en de la planification, les ministères sectoriels,
plus l’attention. L’expérience acquise dans le parlement et la société civile peut influer
ces domaines fournira d’utiles indications sur l’adéquation des budgets aux politiques
pour la budgétisation de la Convention. Voici et sur la prise en considération des principes
quelques questions à se poser pour mesurer des droits de l’homme dans l’élaboration des
la cohérence entre les budgets et les lois et uns et des autres (par exemple, sur le degré
politiques à appliquer: de participation de la société civile).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
72 GUIDE DE FORMATION

Les recommandations du Rapport mondial sur le handicap


relatives au financement
Le Rapport mondial sur le handicap donne des exemples de mesures de financement
qui peuvent être utiles, et indique les domaines où des fonds sont nécessaires.

Recommandation 6: Prévoir un financement suffisant et améliorer l’accessibilité écono-


mique

[…] Il faut un financement suffisant et durable des services publics pour s’assurer qu’ils
couvrent bien tous les bénéficiaires ciblés et que les prestations sont de bonne qualité. La
sous-traitance des services, l’établissement de partenariats publics-privés et la dévolution de
budgets aux personnes handicapées afin de leur donner le contrôle sur leurs soins, peuvent
contribuer à une amélioration de la prestation des services.

Au cours de l’élaboration de la stratégie nationale et des plans d’action qui en découlent,


l’accessibilité économique et la pérennisation des mesures proposées doivent être prises en
compte et suffisamment financées […].

Pour améliorer l’accessibilité économique des biens et services destinés aux personnes
handicapées et pour compenser les dépenses supplémentaires associées au handicap, […]
il faudrait envisager d’étendre la couverture de l’assurance maladie et des assurances
sociales, en veillant à ce que les personnes handicapées démunies et vulnérables bénéfi-
cient de programmes de protection ciblés sur la pauvreté, et d’instaurer des exonérations
de frais, des réductions tarifaires pour les moyens de transport et des diminutions des taxes
et droits à l’importation d’aides techniques.

C. Des services accessibles de services, publics et privés, peuvent


à tous faire en sorte que les personnes handica-
pées aient accès aux équipements, biens
La prestation de services, et services auxquels ils ont droit en vertu
complément de la réforme de de la Convention.
la législation, des politiques
et du budget Secteurs concernés

Nombreux sont les articles de la Conven-


Les lois et les politiques sont des
tion dont l’application suppose la prestation
facteurs très importants de la transposition
de services; citons:
de la Convention dans le système juridique
et politique national. Elles doivent cepen- ✓ Les situations de risque et les crises
dant s’accompagner de mesures pratiques humanitaires (art. 11);
qui concrétisent les normes pour les ✓ L’accompagnement pour la prise des
personnes handicapées. Les prestataires décisions (art. 12);
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 73

✓ L’administration de la justice (art. 13); La prestation de services à la


lumière de la Convention
✓ L’accompagnement des victimes de vio-
lence et de maltraitance (art. 16); La prestation de services existait bien
avant l’adoption de la Convention. Elle doit
✓ L’aide à la conduite d’une vie autonome cependant se conformer aux principes et aux
(art. 19); normes de cette dernière si l’on veut qu’elle
contribue à sa mise en œuvre. Cela signifie
✓ La facilitation de l’accès à des aides à qu’elle doit répondre aux principes géné-
la mobilité, des appareils, des technolo- raux énoncés à l’article 3: les services, par
gies et une aide humaine (art. 20); exemple, ne doivent faire aucune distinction
à raison du handicap; ils doivent respecter
✓ La communication des informations sous l’égalité entre hommes et femmes, promou-
des formes accessibles (art. 21); voir l’autonomie individuelle et assurer la
participation et l’intégration des personnes
✓ L’offre de services de santé de la pro- handicapées. La prestation de services qui
création (art. 23); renforcent la ségrégation des personnes
handicapées n’est en principe pas conforme
✓ L’accompagnement, y compris person- à la Convention.
nalisé, dans le système d’enseignement
De plus, la prestation de services devrait
général (art. 24);
répondre aux normes spécifiques contenues
dans les articles de fond de la Convention.
✓ La prestation de services de santé et de
Ainsi, au titre de l’article 25 relatif au droit
soins de santé (art. 25);
à la santé, les professionnels de la santé
devraient dispenser aux personnes handica-
✓ L’offre de services et de programmes
pées des soins de la même qualité que ceux
d’adaptation et de réadaptation (art. 26);
administrés aux autres, et notamment obtenir
leur consentement libre et éclairé. L’admi-
✓ Le soutien à l’emploi et à la formation
nistration d’office d’un traitement qui serait
professionnelle favorisant l’inclusion
due au handicap n’est pas conforme à la
(art. 27); Convention.
✓ L’accès à des services, appareils et
autres aides qui assurent un niveau de
La mise en place de services
favorisant l’inclusion
vie adéquat et à la protection sociale
(art. 28); Qu’il faille mettre en place des services
non discriminatoires et favorisant l’inclusion
✓ L’accompagnement aux fins de la parti- des personnes handicapées ne signifie pas
cipation à la vie politique, y compris le que les mêmes services soient nécessaires à
vote (art. 29); tout le monde tout le temps. Comme d’autres
aspects de la Convention, la question de la
✓ L’accès à la vie récréative, au tourisme, prestation des services requiert une double
aux loisirs et au sport (art. 30). démarche: d’un côté, la Convention exige
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
74 GUIDE DE FORMATION

que les personnes handicapées puissent la prestation de services adaptés aux


accéder aux services ordinaires dans des personnes handicapées (mais non aux
conditions d’égalité avec les autres; d’un personnes qui ne le sont pas). On peut
autre côté, un accompagnement spécifique citer à titre d’exemples:
est parfois nécessaire pour qu’elles puissent
jouir des mêmes droits que les autres. − La fourniture de fauteuils roulants et
d’aides à la mobilité pour permettre
Trois sortes de services sont nécessaires à une personne à la mobilité réduite
à la mise en œuvre de la Convention: d’accéder à la collectivité;

• Les services ordinaires: il s’agit des − L’aide personnelle destinée à faciliter


services utilisés par l’ensemble de la l’accomplissement des tâches quoti-
population et conçus à son intention. diennes;
Il importe que ces servies favorisent
l’intégration et soient accessibles aux − Le soutien à la prise de décisions
personnes handicapées. À vrai dire, d’ordre juridique pour aider les per-
l’accessibilité est déterminante: si les sonnes handicapées à conclure des
équipements, les biens, les services, contrats, rédiger leur testament etc.
les transports, l’information et les tech- dans des conditions d’égalité avec
les autres.
nologies sont accessibles, nombre de
personnes handicapées peuvent jouir • Les services spécifiques: certains de ces
de leurs droits et vivre dans la collecti- services préparent les personnes handi-
vité de manière autonome, comme leurs capées à s’intégrer à la société tandis
concitoyens. Voici quelques exemples que d’autres remplacent les services
de services ordinaires: ordinaires ou les services d’accompa-
gnement lorsque la personne ne peut
− L’enseignement inclusif;
pas prendre pleinement sa place dans
− Les soins de santé primaire rendus la collectivité. En pareil cas, les services
pleinement accessibles (information, devraient toujours viser l’intégration et
communication et environnement éviter l’isolement. Exemple:
physique);
− Les centres de jour pour les personnes
• Les services d’accompagnement: ce ayant un handicap intellectuel sévère.
sont les services qui aident directement
les personnes handicapées à surmonter Les acteurs de la prestation
les barrières qu’elles rencontrent, afin de services
de renforcer leur participation à la vie
Quantité d’acteurs participent à la pres-
de l’ensemble de la société. Si le prin-
tation de services – ordinaires, d’accompa-
cipe de l’accès aux services ordinaires
gnement ou spécifiques – aux personnes
veut que les mêmes services soient
handicapées:
accessibles à toutes les personnes, han-
dicapées ou non, celui de l’accès à des ✓ Des administrations, notamment aux
services d’accompagnement exige que échelons local ou municipal;
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 75

✓ Les personnes qui concourent à l’admi- avant tout et surtout sur l’État. Le texte
nistration de la justice – conseils, juges, tout entier énonce les responsabilités
personnel pénitentiaire, police, avocats qu’a l’État de promouvoir, protéger et
défenseurs de l’intérêt général, etc.; garantir les droits des personnes handi-
capées. Cela ne signifie pas que l’État
✓ Des entreprises;
doive fournir les services lui-même. C’est
✓ Des prestataires de services non gou- la raison pour laquelle la Convention
vernementaux – organisations à but non indique qu’il s’engage, par exemple, à
lucratif et ONG, par exemple; «promouvoir», «encourager» ou «facili-
ter» la prestation de services. Il y a des
✓ Les médias;
cas, cependant, où il doit fournir lui-
✓ Les professionnels de la santé; même des services – par exemple dans
les régions reculées, dans celles où les
✓ Les personnels de l’éducation; entreprises privées ne sont pas implan-
tées parce que l’activité économique n’y
✓ Les inspecteurs du travail;
est pas rentable, ou dans les zones que
✓ Les syndicats; les organisations à but non lucratif ne
parviennent pas à atteindre.
✓ Les organisations patronales.
2. Réglementer le secteur privé: Lorsque
Le rôle de l’État des acteurs privés fournissent certains
services, il est inutile que l’État en fasse
S’agissant de la réforme de la législation autant; il a cependant l’obligation de
et des politiques, l’État est à l’évidence l’acteur réglementer les organisations privées
principal, mais en ce qui concerne la prestation qui les proposent. C’est ce qu’affirme en
de services, le secteur privé et la société civile
particulier le paragraphe 1 de l’article 4
nationale et internationale sont également
de la Convention:
parties prenantes. Pour ce qui est de l’État, les
autorités centrales ont un rôle de régulation et Les États parties s’engagent à …
de prestation de services, mais d’autres admi-
e) Prendre toutes mesures appropriées
nistrations, municipales et locales notamment,
pour éliminer la discrimination fondée
doivent également intervenir.
sur le handicap pratiquée par toute
Quel est donc le rôle de l’État? personne, organisation ou entreprise
privée.
La responsabilité de l’État est primor-
diale: Les instruments des droits de l’homme La signification très large que la Conven-
font de l’État le principal responsable de la tion donne au terme de «discrimination»
promotion, la protection et l’application de signifie que l’obligation de l’État de
la Convention. réglementer le secteur privé (y compris
L’État doit: les particuliers) ne se limite pas aux cas
de discrimination directe. Elle englobe
1. S’acquitter de ses obligations en tant aussi la discrimination indirecte (par
que principal responsable: Les obliga- exemple, lorsque des personnes han-
tions découlant de la Convention pèsent dicapées sont exclues dans la pratique
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
76 GUIDE DE FORMATION

parce que des équipements sont inac- obtiennent le consentement libre et éclairé
cessibles ou que les services nécessaires des personnes handicapées concernées;
ne sont pas proposés). à cette fin, les États Parties mènent des
activités de formation et promulguent des
La Convention traite aussi de domaines règles déontologiques pour les secteurs
précis dans lesquels l’État devrait régu- public et privé de la santé de façon, entre
ler le secteur privé: autres, à sensibiliser les personnels aux
droits de l’homme, à la dignité, à l’auto-
✓ Accessibilité (art. 9): Les États Parties
nomie et aux besoins des personnes han-
prennent également des mesures appro-
dicapées;
priées pour…faire en sorte que les orga-
nismes privés qui offrent des installations ✓ Emploi (art. 27): Les États parties …
ou des services qui sont ouverts ou four- favorise[nt] l’emploi de personnes han-
nis au public prennent en compte tous dicapées dans le secteur privé en met-
les aspects de l’accessibilité par les per- tant en œuvre des politiques et mesures
sonnes handicapées; appropriées, y compris le cas échéant
des programmes d’action positive, des
✓ Liberté d’expression et accès à l’informa-
incitations et d’autres mesures.
tion (art. 21): Les États Parties prennent
toutes mesures appropriées pour que les 3. Réglementer les différents niveaux de
personnes handicapées puissent exercer l’administration: L’administration cen-
le droit à la liberté d’expression et d’opi-
trale doit également réglementer sa
nion … [et à cette fin ils] demandent
propre activité de prestation de services
instamment aux organismes privés qui
et celle des autres niveaux adminis-
mettent des services à la disposition du
tratifs. En vertu de l’alinéa d) du para-
public, y compris par le biais de l’Inter-
graphe 1 de l’article 4, l’État s’engage
net, de fournir des informations et des
à veiller à ce que les pouvoirs publics
services sous des formes accessibles aux
et les institutions agissent conformément
personnes handicapées et que celles-ci
à la présente Convention. Les «pouvoirs
puissent utiliser;
publics» doivent être entendus au sens
✓ Santé (art. 25): Les États parties …exigent large comme comprenant les autorités
des professionnels de la santé qu’ils dis- des différents ministères centraux, mais
pensent aux personnes handicapées aussi – nous l’avons déjà indiqué – tous
des soins de la même qualité que ceux les rouages de l’administration, y com-
dispensés aux autres, notamment qu’ils pris aux échelons provincial et local.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 77

Les recommandations du Rapport mondial sur le handicap


relatives aux services
Le Rapport contient deux recommandations ayant trait aux services:

Recommandation 1: Permettre l’accès à tous les systèmes et services ordinaires

Les personnes handicapées ont des besoins ordinaires: santé et bien-être, sécurité
économique et sociale, acquisition et développement des compétences […]. Ces besoins
peuvent et doivent être satisfaits à travers les programmes et services ordinaires. L’inclusion
transversale non seulement répond aux exigences des droits de l’homme des personnes
handicapées, mais elle se révèle également plus efficace.

L’inclusion transversale du handicap dans l’ensemble des services et programmes ordi-


naires est le processus par lequel les gouvernements et les autres acteurs garantissent que les
personnes handicapées participent à égalité avec les autres à toute activité ou service destiné
au grand public, comme l’éducation, la santé, l’emploi et les services sociaux. Les obstacles
à la participation doivent être identifiés et éliminés. Pour y parvenir, des modifications de la
législation, des politiques, des institutions et de l’environnement peuvent se révéler nécessaires.

L’inclusion transversale du handicap impose un engagement à tous les niveaux: elle doit être
envisagée dans tous les secteurs et être incluse dans la législation, les politiques, les stratégies
et les programmes, nouveaux ou existants. L’adoption de la conception universelle et la mise en
place d’aménagements raisonnables sont deux stratégies importantes. Cette inclusion suppose
aussi une planification efficace, des ressources humaines et des investissements financiers suffi-
sants, le tout s’accompagnant de mesures spécifiques comme des programmes et services ciblés
pour veiller à ce que les divers besoins des personnes handicapées soient correctement satisfaits.

Recommandation 2: Investir dans des programmes et services spécifiques pour les


personnes handicapées

En plus des services ordinaires, certaines personnes handicapées peuvent avoir besoin
d’accéder à des mesures spécifiques: réadaptation, services de soutien ou formation, par
exemple. La réadaptation, y compris les aides techniques comme les fauteuils roulants, les
aides auditives […], améliore le niveau fonctionnel et l’autonomie. Une gamme de services
de soutien et d’assistance bien réglementés peut satisfaire les besoins de soins et permettre
à ces personnes d’être autonomes et de participer à la vie économique, sociale et culturelle
de leur communauté. La réadaptation et la formation professionnelles peuvent leur ouvrir des
débouchés sur le marché du travail.

S’il doit y avoir davantage de services, il y a aussi besoin de services multidisciplinaires


de meilleure qualité, plus accessibles, plus flexibles, mieux intégrés et bien coordonnés, en
particulier dans les moments de transition, comme lors du passage des services de l’enfance
à ceux de l’adulte. Il faut examiner les programmes et services existants pour évaluer leurs
performances et apporter des changements pour améliorer leur couverture, leur efficacité
et leur efficience. Ces changements doivent se fonder sur des éléments factuels solides, être
adaptés à la culture et aux contextes locaux et être testés localement.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
78 GUIDE DE FORMATION

D. Sensibilisation les aides à la mobilité, les appareils et


et formation accessoires et les technologies d’assis-
tance, ainsi que les autres formes d’as-
Autre mesure d’application importante: sistance, services d’accompagnement et
la sensibilisation, notamment par la forma- équipements (art. 4);
tion. Le handicap étant le produit de l’inte-
raction entre une incapacité et un environne- ✓ Mettre à la disposition des personnes
ment inhospitalier – cet environnement étant handicapées des informations et des ser-
compris comme englobant non seulement le vices éducatifs sur les moyens d’éviter,
milieu physique mais aussi les préjugés et les de reconnaître et de dénoncer les cas
informations négatives ou inaccessibles – la d’exploitation, de violence et de maltrai-
sensibilisation et la formation sont des moyens tance (art. 16);
essentiels de modifier cet environnement.
✓ Assurer l’accès des personnes handica-
Sensibilisation pées, de façon adaptée à leur âge, à
l’information et à l’éducation en matière
L’article 8 est entièrement consacré à de procréation et de planification fami-
la sensibilisation; il énonce toute une série liale (art. 23);
de mesures que les États devraient prendre,
notamment pour: ✓ Fournir aux enfants handicapés et à leur
famille, à un stade précoce, un large
✓ Sensibiliser l’ensemble de la société, y
éventail d’informations pour que ces
compris au niveau de la famille, afin de
enfants aient des droits égaux en ce qui
promouvoir le respect des droits des per-
concerne la vie de famille (art. 23).
sonnes handicapées;

✓ Combattre les stéréotypes, les préjugés Formation


et les pratiques dangereuses;
L’article 4 souligne l’importance de la
✓ Mieux faire connaître les capacités et formation. L’État est tenu de promouvoir la
les contributions des personnes handica- formation des professionnels et personnels
pées. qui travaillent auprès des personnes handi-
capées aux droits reconnus dans la Conven-
Pour y parvenir, les États peuvent recou-
tion, de façon à améliorer la prestation des
rir à des campagnes d’information de l’opi-
nion, au système éducatif, aux médias et à aides et des services.
des programmes de sensibilisation.
La Convention encourage la formation
D’autres articles enjoignent aux États au sein de la collectivité tout entière, et notam-
de donner des informations aux personnes ment celle de différents personnels ainsi que
handicapées, ce qui est aussi une forme de des personnes handicapées. S’agissant des
sensibilisation. Ainsi, les États s’engagent à: premiers, elle favorise:

✓ Fournir aux personnes handicapées des ✓ La formation des parties prenantes aux
informations accessibles concernant questions d’accessibilité (art. 9);
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 79

✓ La formation des personnels concourant services d’adaptation et de réadapta-


à l’administration de la justice, y com- tion (art. 26);
pris les personnels de police et les per-
sonnels pénitentiaires (art. 13); ✓ La formation dans le cadre de la coopé-
ration internationale (art. 32).
✓ La formation aux techniques de mobilité
Pour ce qui est de la formation des
des personnels spécialisés qui travaillent
personnes handicapées – et sans compter le
auprès des personnes handicapées
droit à l’éducation lui-même – la Convention
(art. 20);
contient des dispositions concernant:
✓ La formation des cadres et personnels
✓ La formation aux techniques de mobilité
éducatifs à tous les niveaux (cette forma-
(art. 20);
tion comprenant la sensibilisation aux
handicaps et l’utilisation des modes de ✓ La formation professionnelle et la forma-
communication améliorée et alternative tion continue (art. 24 et 27);
ainsi que des techniques et matériels
pédagogiques adaptés aux personnes ✓ La formation permettant aux personnes
handicapées) (art. 24); handicapées et à leur famille qui vivent
dans la pauvreté d’accéder à l’aide
✓ La formation des professionnels de la (art. 28);
santé et la promulgation de règles de
déontologie à l’usage des secteurs ✓ La formation nécessaire pour que les per-
public et privé de la santé (art. 25); sonnes handicapées puissent organiser
et mettre au point des activités sportives
✓ La formation des professionnels et des et récréatives qui leur soient spécifiques,
personnels qui travaillent dans les et y participer (art. 30).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
80 GUIDE DE FORMATION

Les recommandations du Rapport mondial sur le handicap


relatives à la sensibilisation

Le Rapport contient deux recommandations utiles pour l’application des dispositions


de la Convention qui ont trait à la sensibilisation et à la formation.

Recommandation 5: Développer les ressources humaines

[…] Les capacités des ressources humaines peuvent être améliorées par une éduca-
tion, une formation et un recrutement efficaces. Un examen des connaissances et des
compétences du personnel dans les domaines concernés peut être le point de départ pour
l’élaboration de mesures propres à améliorer ces compétences. Une formation adéquate
sur le handicap, intégrant les principes des droits de l’homme, doit être incluse dans les
programmes de formation et dans les procédures d’agrément en vigueur. Une formation
continue en cours d’emploi doit être assurée pour les praticiens en place qui assurent et
gèrent les services. Par exemple, le fait de renforcer les capacités des agents de soins de
santé primaires et d’assurer la disponibilité de personnel spécialisé quand cela est néces-
saire contribue à fournir aux personnes handicapées des soins efficaces et abordables.

De nombreux pays disposent de trop peu de personnel travaillant dans des domaines
tels que la réadaptation […]. La mise au point de normes pour la formation des diffé-
rents types et niveaux de personnel […] peut aider à combler les lacunes.[…] Dans
certains contextes et certains secteurs, des mesures pour fidéliser le personnel peuvent
être pertinentes.

Recommandation 7: Améliorer la sensibilisation du grand public et la compréhen-


sion du handicap

Le respect et la compréhension mutuels contribuent à l’instauration d’une société


inclusive. Il est par conséquent crucial d’améliorer la compréhension du handicap par le
grand public, de lutter contre les perceptions négatives et de représenter le handicap de
manière impartiale. […]

Collecter de l’information sur les connaissances, les perceptions et les attitudes rela-
tives au handicap peut aider à identifier les difficultés de compréhension du grand public,
difficultés qui peuvent être surmontées grâce à l’éducation et à l’information du public.
Les gouvernements, les organisations de bénévoles et les associations de professionnels
devraient envisager de mener des campagnes de marketing social pour modifier les
attitudes vis-à-vis de certaines questions à l’origine de stigmatisations, comme le VIH, les
problèmes de santé mentale et la lèpre. La participation des médias est indispensable
tant pour le succès de ces campagnes que pour diffuser des exemples positifs présentant
des personnes handicapées et leur famille.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 81

E. Recherche et services et de promouvoir la conception


développement universelle par l’élaboration de normes
et de directives;
La recherche a eu d’importantes inci-
dences sur la vie des personnes handicapées. ✓ Nouvelles technologies, y compris les
Les innovations technologiques fondées sur technologies de l’information et de la
le principe de la conception universelle les communication, les aides à la mobilité,
aident à mener une vie autonome au sein de les appareils et accessoires et les tech-
la collectivité. Les statistiques et le rassemble- nologies d’assistance: l’article 4 prescrit
ment de données aident l’État et les autres aussi aux États d’entreprendre ou d’en-
acteurs à comprendre les obstacles auxquels courager la recherche et le développe-
elles sont confrontées et, par là, à mieux ment de nouvelles technologies ainsi que
cibler les mesures d’application. d’en promouvoir l’offre et l’utilisation;

La Convention mentionne les travaux de


recherche dans plusieurs domaines: ✓ Formulation des politiques: l’article 31
(statistiques et collecte de données)
✓ Biens, services, équipements et ins- impose aux États de recueillir des infor-
tallations de conception universelle: mations appropriées, y compris des don-
l’article 4 enjoint aux États d’entre- nées statistiques et des résultats de la
prendre ou d’encourager la recherche recherche, qui leur permettent de formu-
et le développement de biens, services, ler et d’appliquer des politiques visant à
équipements et installations de concep- donner effet à la Convention.
tion universelle qui devraient nécessiter
le minimum possible d’adaptation et de Enfin, à l’échelle internationale, les
frais pour répondre aux besoins spéci- États parties ont l’obligation collective de
fiques des personnes handicapées. Les faciliter la coopération dans le domaine de
États sont également tenus d’encoura- la recherche et l’accès aux connaissances
ger l’offre et l’utilisation de ces biens et scientifiques et techniques (art. 32).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
82 GUIDE DE FORMATION

Les recommandations du Rapport mondial sur le handicap


relatives à la recherche
Le Rapport mondial sur le handicap contient deux recommandations à ce sujet:
Recommandation 8: Améliorer la collecte des données sur le handicap
Sur le plan international, des méthodologies de collecte des données sur les personnes
handicapées doivent être mises au point, testées dans différentes cultures et appliquées
de manière systématique. Les données doivent être standardisées et comparables au
niveau international pour permettre d’obtenir des points de référence et de suivre les
progrès des politiques concernant le handicap et l’application de la [Convention] au
niveau national comme international.
Sur le plan national, le handicap doit être inclus dans la collecte des données. Des
définitions uniformes, fondées sur la [Classification internationale du fonctionnement, du
handicap et de la santé], peuvent permettre d’obtenir des données comparables sur le plan
international.[…] Dans un premier temps, on peut recueillir les données des recensements
nationaux en appliquant les recommandations du Groupe de Washington des Nations
Unies sur le handicap et de la Commission de statistique des Nations Unies. Une approche
rentable et efficace consiste à inclure les questions sur le handicap, ou un module sur le
handicap, dans les enquêtes existantes […]. Les données doivent également être ventilées
en fonction des caractéristiques démographiques […] pour dévoiler les grandes lignes, les
tendances et les informations sur certains sous-groupes de personnes handicapées.
Des enquêtes consacrées au handicap peuvent aussi donner des informations plus
complètes sur les caractéristiques du handicap, telles que la prévalence, les problèmes
de santé qui y sont associés, l’utilisation et les besoins de services, notamment de
réadaptation.
Recommandation 9: Renforcer et soutenir la recherche sur le handicap
La recherche est essentielle pour améliorer la compréhension des problèmes liés
au handicap par le grand public, orienter les politiques et les programmes et allouer
efficacement les ressources.
[Le Rapport mondial sur le handicap] recommande plusieurs domaines de recherche
sur le handicap, parmi lesquels: l’impact des facteurs environnementaux (politique,
environnement physique, attitudes) sur le handicap et les moyens de mesurer cet impact; la
qualité de vie et le bien-être des personnes handicapées; […] les solutions qui permettent
de surmonter [les obstacles] dans différents contextes; […].
[…] Il faut former un nombre suffisant de chercheurs sur le handicap. Les compétences
doivent être renforcées dans un certain nombre de disciplines, telles que l’épidémiologie,
les études sur le handicap, la santé et la réadaptation, l’éducation, l’économie, la socio-
logie et les politiques publiques. Le développement de connaissances et les possibilités de
recherche au niveau international, ainsi que l’établissement de liens entre les universités
des pays en développement et celles des pays à revenu intermédiaire ou élevé, peuvent
aussi être utiles.
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 83

F. Suivi de l’application − Le suivi est un processus, qui va de la


collecte à la vérification puis à l’utili-
Bien qu’il ne soit pas toujours assimilé sation de l’information;
à une mesure d’application, le suivi joue
également un rôle clé. Il permet de connaître − La collecte de l’information peut se
les mesures d’application qui ont donné de rapporter à de nombreuses situa-
bons résultats et celles qui n’ont pas abouti. tions: des situations ponctuelles (inci-
Il aide à affiner les lois, politiques et autres dents ou événements) ou des situa-
mesures d’application, et à utiliser au mieux tions durables (prestation des services
les budgets disponibles. Il contribue aussi à dans les hôpitaux psychiatriques,
dévoiler les atteintes aux droits de l’homme, écoles, lieux de travail inaccessibles,
de manière à permettre l’indemnisation des et ainsi de suite);
victimes et, en principe, à éviter la répétition
de ces manquements. − Le suivi porte non seulement sur les
situations mais aussi sur les lois, les
Les rapports des États parties au Comité politiques et les budgets. Comme la
des droits des personnes handicapées ratification d’un instrument des droits
occupent une place essentielle dans ce de l’homme exige une modification
processus. La société civile et les institutions de la législation et des politiques, il
de défense des droits de l’homme peuvent importe que le suivi comprenne aussi
elles aussi informer le Comité, au moyen de un examen des lois, politiques et stra-
ce qu’il est convenu d’appeler des rapports tégies ainsi que des budgets, destiné
alternatifs. Les rapports des États et les à déterminer jusqu’à quel point ils
rapports alternatifs sont analysés en détail sont conformes aux normes et prin-
dans le module 7. cipes de cet instrument;
En plus du suivi international, il peut y − Le suivi fait intervenir plusieurs acteurs.
avoir un suivi national. Il ressort du Manuel Il porte sur la situation des droits et de
de formation sur le monitoring des droits de leurs titulaires, ainsi que sur le respect
l’homme11 du Haut-Commissariat des Nations des obligations et sur la situation des
Unies aux droits de l’homme que le suivi des responsables. Il faut donc qu’y par-
droits de l’homme est une expression de sens ticipent non seulement les personnes
large, comprenant la collecte active, la véri- handicapées dont les droits peuvent
fication, l’analyse et l’usage d’informations être en cause, mais aussi les acteurs
afin d’évaluer et de traiter des questions rela- de l’administration (personnels des
tives aux droits de l’homme. Ce suivi s’exerce ministères, autorités locales et autres),
dans la durée. L’expression englobe aussi la afin que: a) le degré de respect des
collecte, la vérification et l’usage d’informa-
obligations puisse être apprécié,
tions pour résoudre les problèmes des droits
b) tous les points de vue soient exami-
de l’homme qui se posent à propos des lois,
nés et l’information, vérifiée;
politiques, programmes et budgets ainsi que
d’autres interventions. − Le suivi a un objet. Les informations
collectées devraient servir à améliorer
Plusieurs aspects de cette définition
le respect des droits et des obligations.
méritent d’être soulignés:
Si un droit a été violé, elles devraient
11
Série sur la formation professionnelle n° 7/Rev.1 (Publica- tendre à proposer des solutions et des
tion des Nations Unies, à paraître). réparations à la victime, et aider les
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
84 GUIDE DE FORMATION

acteurs de l’administration à respecter individuelles des droits de l’homme et


pleinement ce droit à l’avenir; il importe que celles-ci fassent l’objet
d’une surveillance. Les données à ce
− Le suivi peut se faire à différents stades. sujet peuvent provenir des victimes
Il commence généralement avec la col- elles-mêmes. Elles peuvent aussi
lecte de l’information primaire, celle émaner des informations diffusées
qui émane directement de la source. par les médias ainsi que d’autres
Mais il peut aussi faire appel à des sources, dont les procédures judi-
sources secondaires. C’est ainsi que le ciaires. C’est là un domaine qui est
Comité des droits des personnes han- traditionnellement au cœur du suivi
dicapées exerce son suivi sur la base des droits de l’homme;
des rapports périodiques des États
parties et des rapports alternatifs pré- − Les situations et les lieux. Il y a parfois
sentés par la société civile et les institu- des situations – en matière de pres-
tions nationales de défense des droits tation de services, par exemple – ou
de l’homme. des lieux – certaines institutions, par
exemple – qui peuvent poser des
Le suivi porte principalement sur: problèmes du point de vue des droits
de l’homme. Le degré d’accessibilité
− Les lois, les politiques, les budgets
des écoles pourrait être surveillé, en
et les programmes. La Convention
vue de l’identification des principaux
exige l’examen et, en règle générale,
obstacles à l’éducation inclusive. Des
la réforme d’une série de lois, de
enquêtes sur les entreprises pourraient
politiques et de stratégies: il pourra
faire ressortir les questions à résoudre
s’agir, par exemple, de faire en sorte
pour rendre l’emploi inclusif et assurer
que les lois anti-discrimination pro-
l’aménagement raisonnable du lieu de
tègent contre la discrimination fondée
travail. Même en l’absence d’alléga-
sur le handicap et que d’autres lois,
tions de violations individuelles (évé-
comme celles qui ont trait à la santé,
nements), le suivi pourrait révéler des
à l’éducation ou à la construction, ne
violations ou contribuer à les prévenir.
contiennent aucune discrimination
de cette nature. Comme, de plus, la N’importe quel acteur peut suivre la situa-
Convention requiert une affectation tion des droits des personnes handicapées.
adéquate des ressources, les budgets Toutefois, certains d’entre eux ont des respon-
peuvent eux aussi faire l’objet d’un sabilités particulières:
suivi. De surcroît, il y a tout lieu de
craindre que des programmes et stra- • États. Comme cela a déjà été signalé,
tégies comme les stratégies nationales l’État est tenu de rendre compte au
de développement ou les stratégies Comité des mesures qu’il a prises pour
en cas de crise humanitaire portent appliquer la Convention;
atteinte aux droits de personnes han-
dicapées si ces droits ne sont pas sys- • Institutions nationales de défense des
tématiquement pris en compte. Tous droits de l’homme. En vertu de l’ar-
ces processus peuvent être surveillés; ticle 33, les institutions nationales de
défense des droits de l’homme ont un rôle
− Les incidents et les événements. Ils à jouer dans la promotion, la protection
peuvent être source de violations et le suivi de l’application des dispositions
MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION 85

de la Convention. Cette fonction est étu-


de défense des droits de l’homme
diée plus avant dans le module 6. Qu’il
devraient s’intéresser aux droits des per-
suffise ici de souligner que ces institutions
doivent se conformer aux Principes de sonnes handicapées dans leur travail de
Paris, ce qui signifie qu’elles doivent être suivi de la situation générale des droits
habilitées à présenter au pouvoir exécu- de l’homme. Si elles ne le faisaient pas,
tif, au parlement et à d’autres autorités les personnes handicapées pourraient
des rapports traitant notamment: de la se trouver exclues des mesures prises
conformité de la législation aux normes ensuite pour résoudre les difficultés et
des droits de l’homme; de tout cas de vio- réparer les torts causés;
lation des droits de l’homme; de la situa-
• Organisations intergouvernementales.
tion des droits de l’homme; de leurs vues
sur les réactions des pouvoirs publics à Certaines organisations intergouver-
la situation des droits de l’homme. Les nementales ont une fonction de suivi.
mécanismes nationaux de prévention C’est le cas en particulier des bureaux
mis en place conformément au Protocole extérieurs du Haut-Commissariat des
facultatif à la Convention contre la tor- Nations Unies aux droits de l’homme et
ture et autres peines ou châtiments cruels, des unités des missions de paix qui sont
inhumains ou dégradants devraient envi- spécialisées dans les droits de l’homme.
sager de faire une place aux droits des Plusieurs unités sur le terrain, comme
personnes handicapées dans leurs activi- celles du Timor-Leste et de la Sierra
tés de suivi; Leone, participent activement au suivi de
l’application de la Convention. De plus,
• Société civile/organisations de per- des organisations régionales telles que
sonnes handicapées. Le paragraphe 3 le Bureau des institutions démocratiques
de l’article 33 dispose que la société et des droits de l’homme de l’Organisa-
civile et, en particulier, les personnes tion pour la coopération et la sécurité en
handicapées et les organisations qui Europe (OSCE) contrôlent les élections,
les représentent sont associées et parti-
et il importe de veiller à ce que leurs
cipent pleinement au suivi de la Conven-
activités tiennent compte elles aussi des
tion. Elles doivent donc prendre part à
droits des personnes handicapées.
la surveillance organisée, par exemple,
par le mécanisme indépendant ou par Comme l’indique l’article 31 relatif
les autorités nationales. De plus, la aux statistiques et à la collecte de données,
société civile, et en particulier les per- les États, en recueillant des informations
sonnes handicapées et les organisations adéquates, des données chiffrées et des
qui les représentent, devraient suivre et résultats de la recherche, peuvent formuler
défendre de leur propre initiative les
et appliquer des politiques qui donnent effet
droits des personnes handicapées;
à la Convention. La mise en œuvre de cette
• Autres acteurs de la société civile. L’ar- dernière peut être accélérée par des poli-
ticle 33, paragraphe 3, mentionne la tiques fondées sur des données factuelles,
société civile en général. Les organisa- sur les résultats du suivi et sur les faits signa-
tions de la société civile qui ne repré- lés à l’échelon national, ainsi que sur les
sentent pas les personnes handicapées rapports présentés au Comité des droits des
ont elles aussi un rôle à jouer dans le personnes handicapées et sur les observa-
suivi de la Convention. Ainsi, les ONG tions finales de celui-ci.
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE
SUR LE HANDICAP

Introduction La discrimination fondée sur le handi-


cap frappe aujourd’hui une grande partie
Pratiquer une discrimination, c’est traiter de la population mondiale. C’est une des
une personne ou une chose différemment. principales difficultés rencontrées par les
L’expression n’est pas nécessairement néga- personnes handicapées et par leurs proches.
tive: discriminer, cela peut consister à faire Elle se manifeste sous différentes formes et
preuve de jugement. Néanmoins, le terme peut avoir des effets désastreux sur leur exis-
de discrimination peut également désigner tence et, par extension, sur le reste de la
le comportement de celui qui traite certaines société. Dans son observation générale n° 5
personnes de manière inéquitable en raison (1994), le Comité des droits économiques,
de leurs caractéristiques. C’est cette seconde sociaux et culturels indique ce qui suit:
acception qui intéresse le droit des droits de
l’homme. […] les personnes souffrant d’un han-
dicap font depuis toujours l’objet d’une
La Déclaration universelle des droits discrimination qui se manifeste sous
de l’homme reconnaît que Chacun peut se diverses formes − qu’il s’agisse des ten-
prévaloir de tous les droits et de toutes les tatives de discrimination odieuse telles
libertés proclamés dans la présente Déclara- que le déni aux enfants souffrant de
tion, sans distinction aucune, notamment de handicap de la possibilité de suivre un
race, de couleur, de sexe, de langue, de reli- enseignement, ou des formes plus sub-
gion, d’opinion politique ou de toute autre tiles de discrimination que constituent la
opinion, d’origine nationale ou sociale, de ségrégation et l’isolement imposés maté-
fortune, de naissance ou de toute autre situa- riellement ou socialement. […] Ce sont
tion. Cet énoncé concis a été repris dans les aussi bien la négligence, l’ignorance,
législations et constitutions nationales, dans les préjugés et les idées fausses que l’ex-
des accords régionaux et dans des instru- clusion, la différenciation ou la ségréga-
ments des Nations Unies. Mais que signi- tion pures et simples, qui bien souvent
fie-t-il dans la pratique? La discrimination empêchent les personnes souffrant d’un
peut prendre de nombreuses formes: elle handicap de jouir de leurs droits éco-
peut être très ouverte, inscrite dans la loi ou nomiques, sociaux ou culturels sur la
occulte. Elle est souvent le produit de préju- base de l’égalité avec le reste des êtres
gés, de disparités économiques et sociales, humains. C’est dans les domaines de
et d’idées préconçues d’ordre culturel ou l’éducation, de l’emploi, du logement,
religieux. Pour combattre la discrimination, il des transports, de la vie culturelle et en
faut combattre ces visions négatives. ce qui concerne l’accessibilité des lieux
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
88 GUIDE DE FORMATION

et services publics que les effets de cette Traiter différemment deux personnes
discrimination se font particulièrement dans de telles conditions peut créer la confu-
sentir. (C’est nous qui soulignons) sion et susciter des allégations de discrimina-
tion. Or il ne s’agit pas de discrimination. Il
Si l’observation générale porte spécifi- s’agit de la simple reconnaissance du fait que
quement sur les droits économiques, sociaux les personnes sont différentes mais qu’elles
et culturels, elle pourrait s’appliquer aussi ont les mêmes droits; pour faire de l’égalité
bien aux droits civils et politiques. Nombreux une réalité, il faut parfois procéder différem-
sont par exemple les pays où les personnes ment selon les personnes dont il s’agit.
handicapées ne sont toujours pas autorisées
à voter et n’ont pas la capacité juridique de A. Les formes de
se marier ou de conclure un contrat d’achat discrimination prohibées
ou de vente d’un bien immobilier.
Le droit relatif à la non-discrimination
Il est difficile d’analyser la discrimination fait intervenir un certain nombre de concepts
sans s’intéresser aussi au concept d’égalité. qu’il importe de comprendre.
Dans le droit des droits de l’homme, la non-
discrimination et l’égalité sont réellement Les discriminations de jure
les deux faces d’une même pièce. En luttant et de facto
contre la discrimination, nous espérons
La discrimination de jure (inscrite dans
lutter contre les facteurs qui, dans la société,
la loi)
génèrent l’inégalité. Et en combattant les
facteurs qui sont source d’inégalité, nous Le droit des droits de l’homme prohibe la
espérons prévenir la discrimination. discrimination consacrée par la législation.
Dans certains pays, la loi électorale interdit
Il peut néanmoins y avoir, dans l’étude aux personnes ayant une incapacité mentale
des relations entre non-discrimination et et placées sous tutelle de voter. Dans le droit
égalité, une certaine confusion sur le sens du des droits de l’homme, c’est un exemple
mot «égalité». Celui-ci est souvent compris de discrimination fondée sur le handicap.
comme désignant des réalités qui sont iden- Il s’agit d’une distinction faite par la loi en
tiques ou équivalentes. Dans le cas des droits raison du handicap mental qui a pour but et
de l’homme, il ne signifie aucunement que pour effet de réduire à néant, pour certaines
toutes les personnes sont identiques. Il veut personnes handicapées, la reconnaissance
dire qu’elles ont toutes les mêmes droits. Pour du droit de vote.
que deux personnes aient les mêmes droits, il
La discrimination de facto (exercée dans
faut parfois qu’elle soit traitées différemment
la pratique)
en raison de leurs différences intrinsèques
(par exemple, lorsqu’elles sont de sexes Les personnes sont protégées non seule-
différents, qu’elles n’ont pas le même patri- ment contre la discrimination inscrite dans les
moine linguistique, qu’elles n’appartiennent textes, mais aussi contre celle qui s’exerce
pas toutes deux à une minorité ou qu’elles dans la pratique. Ainsi, elles sont protégées
ont des incapacités différentes). contre les décisions prises par les employeurs
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 89

sur la base de stéréotypes ou d’idées précon- disproportionné sur l’exercice de leurs droits.
çues quant aux aptitudes ou à l’efficacité Ainsi, l’imposition par un employeur à tous
du personnel handicapé. L’employeur qui ses salariés d’une seule et même heure de
refuse de promouvoir une personne handi- déjeuner pourrait constituer une discrimina-
capée parce qu’il a la conviction, sans tion envers une personne handicapée tenue
preuve aucune, que son handicap l’empê- de prendre un médicament à heure fixe ou de
chera d’exercer les fonctions de son nouveau se reposer périodiquement pendant la jour-
poste commet, a priori, une discrimination née. Alors que cette obligation s’applique
de facto. C’est là une distinction fondée sur apparemment à tout le personnel et ne vise
le handicap qui a pour but et pour effet de pas les personnes handicapées, elle a un
porter atteinte au droit au travail (y compris effet discriminatoire. Combattre la discrimi-
au déroulement de la carrière). nation indirecte aide à remonter jusqu’aux
partis pris qui sont à la racine de la discri-
Les discriminations directe mination et de l’exclusion. À noter que la
et indirecte discrimination indirecte est parfois difficile à
prouver.
La discrimination directe
Des formes multiples
Il y a discrimination directe lorsqu’une de discrimination
personne est traitée moins favorablement
qu’une autre, qui se trouve dans la même La Convention rappelle dans son préam-
situation, pour un motif lié au handicap. bule «les difficultés que rencontrent les
Ainsi, le refus d’admettre un élève handicapé personnes handicapées, qui sont exposées à
dans le système général d’enseignement des formes multiples ou aggravées de discri-
équivaut à une discrimination directe. Imagi- mination fondées sur la race, la couleur, le
nons un instant qu’une entreprise ait pour sexe, la langue, la religion, l’opinion poli-
principe de n’embaucher aucune personne tique ou toute autre opinion, l’origine natio-
ayant un dos fragile, quelles que soient les nale, ethnique, autochtone ou sociale, la
fonctions du poste à pourvoir. Cette règle fortune, la naissance, l’âge ou toute autre
fait subir une discrimination illégitime aux situation». Une femme handicapée, par
personnes handicapées qui sont en mesure exemple, peut être victime d’une discrimina-
de s’acquitter de ces fonctions: elles sont trai- tion fondée non seulement sur le handicap
tées de manière inéquitable par rapport à mais aussi sur le sexe.
d’autres candidats au poste en raison de leur
Prenons le cas d’une femme déplacée
handicap.
dans son propre pays qui fuit une guerre.
La discrimination indirecte Elle est très pauvre, appartient à une minorité
ethnique et souffre d’un handicap physique.
La discrimination est dite indirecte dans C’est là un scénario courant dans bon
le cas des lois, politiques ou pratiques qui nombre de pays en proie à des conflits et
paraissent neutres mais qui ne tiennent des crises humanitaires. Cette femme pour-
pas compte de la situation particulière des rait être victime de discriminations multiples
personnes handicapées – et qui, de ce fait, en raison de son sexe, sa condition sociale
leur font du tort directement ou ont un impact et son handicap. Les femmes sont souvent
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
90 GUIDE DE FORMATION

exposées aux violences sexuelles lors des Le harcèlement


conflits. Les personnes handicapées sont
Il y a harcèlement lorsqu’une personne
elles aussi fréquemment victimes de violences
est ridiculisée ou qu’elle est l’objet d’observa-
sexuelles parce qu’elles sont cachées, qu’on
tions désobligeantes ou d’autres vexations en
ne s’occupe pas d’elles ou qu’elles ont
raison de son handicap. La législation devrait
parfois davantage de mal à communiquer. Il
protéger contre le harcèlement. L’article 27,
s’ensuit que les femmes handicapées courent alinéa b), de la Convention mentionne expres-
des risques multiples de violences sexuelles sément la protection contre le harcèlement
en cas de conflit, en particulier lorsque les dans le travail et dans l’emploi. La pratique
stratégies de préparation ne tiennent pas du supérieur hiérarchique qui chargerait
compte d’elles. systématiquement une personne handica-
pée de tâches subalternes alors que d’autres
La discrimination systémique personnes non handicapées auraient des
fonctions plus complexes et plus intéressantes
Malheureusement, la discrimination est pourrait être qualifiée de harcèlement.
souvent systémique. L’approche du handi-
cap fondée sur l’approche caritative et sur Le traitement différencié justifié
l’approche médicale est encore profondé-
ment ancrée dans toutes les sociétés, à tous Si toutes les discriminations sont inter-
les niveaux. Faire évoluer la discrimination dites, il est parfois légitime de traiter deux
personnes différemment en raison du handi-
systémique est un travail de longue haleine.
cap. Prenons le cas d’un homme souffrant
C’est en partie pour la combattre que l’ar-
d’un violent mal de dos qui l’empêche de
ticle 8 de la Convention prescrit aux États
se courber, et qu’une entreprise refuse de
de sensibiliser la société à la situation des recruter comme moquettiste parce qu’il est
personnes handicapées et de promouvoir le incapable s’acquitter de la tâche principale
respect de leurs droits et de leur dignité. – poser de la moquette.

La discrimination par association Un traitement différencié n’est pas


toujours discriminatoire. Les critères d’appré-
Les proches non handicapés d’une ciation du traitement différencié justifié sont à
personne handicapée peuvent eux aussi être rechercher dans d’autres domaines du droit
victimes de la discrimination liée au handi- des droits de l’homme:
cap. C’est le cas par exemple d’une femme a) Les critères de la différenciation doivent
que son employeur licencie lorsqu’il découvre être raisonnables et objectifs;
qu’elle a un fils malentendant, parce qu’il
part du principe qu’elle aura besoin de temps b) Le traitement différencié doit avoir un but
pour s’occuper de lui. Elle n’est pas handica- légitime, c’est-à-dire conforme aux prin-
cipes des droits de l’homme.
pée, mais elle subit une discrimination du fait
du handicap de son fils. En d’autres mots, Si une personne ne peut pas effectuer un
elle est victime d’une discrimination fondée travail et qu’aucun aménagement raison-
sur le handicap qui réduit à néant son droit nable n’est possible, un traitement différen-
de travailler. cié est justifiable.
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 91

B. La définition de la • Il y a «exclusion» lorsqu’une personne


discrimination dans la ne peut pas pénétrer dans un espace
ou participer à une activité en raison de
Convention
son handicap. Une politique qui ne per-
La Convention définit à l’article 2 la met pas à un enfant handicapé de suivre
discrimination dans les termes suivants: le même enseignement que les autres est
une exclusion qui pourrait constituer une
On entend par «discrimination fondée discrimination;
sur le handicap» toute distinction, exclu-
• La «restriction» est une limitation du droit
sion ou restriction fondée sur le handi-
des personnes de participer à certains
cap qui a pour objet ou pour effet de
aspects de la vie civile, culturelle, éco-
compromettre ou réduire à néant la nomique, politique ou sociale. Ainsi,
reconnaissance, la jouissance ou l’exer- une loi spécifiant que les personnes han-
cice, sur la base de l’égalité avec les dicapées ne peuvent pas, en principe,
autres, de tous les droits de l’homme prendre part aux élections législatives
et de toutes les libertés fondamentales pourrait être une restriction discrimina-
dans les domaines politique, écono- toire.
mique, social, culturel, civil ou autres. La
discrimination fondée sur le handicap Fondée sur le handicap
comprend toutes les formes de discrimi-
La Convention emploie l’expression
nation, y compris le refus d’aménage-
«discrimination fondée sur le handicap».
ment raisonnable.
Cette formule va plus loin que celle de
Pour mieux comprendre cette définition, il est «discrimination à l’égard des personnes
handicapées», car elle met l’accent non
bon d’en reprendre les différents éléments un
seulement sur la protection de ces personnes,
à un.
mais aussi sur la nécessité de combattre
(et, en définitive, d’éliminer) la discrimina-
Distinction, exclusion ou restriction
tion elle-même, qu’elle vise les personnes
La discrimination s’entend de toute handicapées ou n’importe qui d’autre. Par
conséquent, la discrimination fondée sur le
distinction, ainsi que de l’exclusion ou d’une
handicap cible non seulement les personnes
restriction pratiquées à cause du handicap. Il
handicapées mais aussi les personnes qui,
s’ensuit que les actes constitutifs de la discri-
pour une raison ou pour une autre, sont asso-
mination sont très divers.
ciées aux personnes handicapées (discrimi-
• La «distinction» peut être une différen- nation par association).
ciation faite expressément entre deux Cela est conforme à l’approche sociale/
personnes en raison du handicap. Si, fondée sur les droits de l’homme du handi-
par exemple, des enfants ayant certains cap adoptée par la Convention. Au lieu de
handicaps intellectuels doivent se sou- chercher à «protéger les personnes handi-
mettre à la stérilisation forcée tandis que capées», ce qui pourrait dans certaines
les autres enfants n’y sont pas obligés, situations répondre à une approche cari-
il s’agit d’une distinction discriminatoire; tative, la Convention vise à combattre la
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
92 GUIDE DE FORMATION

discrimination, c’est-à-dire les attitudes et de la même manière. Construire un esca-


l’environnement défavorables qui rendent les lier à l’entrée d’un hôpital, c’est traiter de la
personnes handicapées vulnérables ou qui même façon les personnes handicapées et
les marginalisent. Le but est d’aller jusqu’au les autres, mais le résultat est discriminatoire
cœur du problème. Si une personne subit puisque, contrairement à celles qui peuvent
une discrimination en raison de ce qui est marcher, les personnes qui se déplacent dans
perçu comme une déficience, c’est le signe un fauteuil roulant ne peuvent pas pénétrer
que des préjugés existent, et le droit des dans l’hôpital. Il n’y a apparemment aucune
droits de l’homme cherche à s’attaquer à ces discrimination (l’hôpital est ouvert à tous),
idées préconçues. Ce faisant, il nous donne mais l’effet est discriminatoire. La Convention
à imaginer un monde sans discrimination. s’oppose aussi à la discrimination indirecte.

Objet ou effet La reconnaissance, la jouissance


ou l’exercice
L’article 2 précise que ces distinctions,
exclusions ou restrictions sont des violations La protection contre la discrimination
si elles ont: s’étend non seulement à la reconnaissance
– par la loi par exemple – des droits des
a) Pour objet (intention discrimina-
personnes handicapées, mais aussi à la
toire); ou
jouissance de ces droits (à la possibilité de
b) Pour effet (résultat objectif, voulu ou bénéficier sans entrave de libertés comme
non), celle de ne pas être soumis à la torture ni
à des sévices) et à leur exercice (à la capa-
de compromettre ou réduire à néant la recon- cité de prendre des mesures pour faire valoir
naissance, la jouissance ou l’exercice de tous un droit comme celui de pénétrer dans une
les droits des personnes handicapées. école et d’y suivre un enseignement ou celui
L’intention n’est pas une condition indis- de refuser tel ou tel traitement médical). Cela
pensable à l’existence d’une discrimination. rappelle l’interdiction, au sujet d’autres droits
Ce qui compte, c’est ce que vit la personne de l’homme, de la discrimination de jure
victime de celle-ci. L’irréflexion et la négli- (discrimination contenue dans la législation
gence peuvent avoir un effet tout aussi discri- et dans les politiques) aussi bien que de facto
minatoire, voire davantage, qu’une discrimi- (discrimination dans la pratique).
nation délibérée.
La jouissance des droits de l’homme
La mention de l’objet et de l’effet «sur la base de l’égalité
souligne que la Convention interdit la discri- avec les autres»
mination tant directe qu’indirecte. Si certains
actes – des restrictions apportées au droit La Convention ne tend pas à instaurer de
de vote des personnes ayant des incapaci- nouveaux droits au bénéfice des personnes
tés intellectuelles, par exemple – instaurent handicapées; elle vise à combattre la discri-
directement une discrimination, celle-ci tient mination, c’est-à-dire les obstacles et les
souvent au fait que deux personnes placées conceptions qui empêchent ces personnes
dans des situations différentes sont traitées de jouir de leurs droits. Le but ultime est que
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 93

chacun, handicapé ou non, puisse jouir des de participer à une activité ou de bénéficier
mêmes droits de l’homme. de services sur la base de l’égalité avec les
autres. Dans le milieu professionnel, cela
Tous les droits de l’homme et toutes peut exiger de modifier les locaux, d’acqué-
les libertés fondamentales dans les rir ou de modifier du matériel, de fournir
domaines politique, économique, les services d’un lecteur ou d’un interprète,
social, culturel, civil ou autres d’assurer une formation ou une supervision
adéquates, d’adapter les méthodes d’essai
La Convention combat la discrimination ou de supervision, d’aménager les horaires
relative à tous les droits de l’homme, qu’ils ou de confier à une autre personne une partie
soient civils, culturels, économiques, poli- des fonctions attachées à un poste.
tiques ou sociaux, et dans tous les domaines.
Il est arrivé, et il arrive encore, que des Si la Convention prescrit que des aména-
personnes et même des États aient tendance gements soient apportés en fonction des
à faire passer certains droits avant d’autres. besoins particuliers d’une personne handi-
Pendant la guerre froide, par exemple, capée, elle qualifie ces aménagements de
les pays à économie de marché mettaient raisonnables. Si l’aménagement fait suppor-
souvent l’accent sur les droits civils et poli- ter une charge disproportionnée ou indue à
tiques, tandis que les pays à économie plani- la personne ou à l’organisme qui est supposé
fiée insistaient sur les droits économiques, le réaliser, le renoncement ne constitue pas
sociaux et culturels. S’agissant du handicap, une discrimination.
l’attention s’est toujours portée davantage
Dans un certain nombre de pays, la loi
sur la protection des droits économiques,
énonce les éléments à prendre en compte
sociaux et culturels que sur celle des droits
pour déterminer si l’aménagement sollicité
civils et politiques. La Convention affirme
constitue un fardeau disproportionné. Ce
clairement que la protection contre la discri-
sont notamment:
mination comprend tous les droits dans tous
les domaines. • La faisabilité des changements requis;

Le refus d’aménagement raisonnable • Le coût;

• La nature, la taille et les ressources de


La définition assimile le refus d’aména-
l’organisme supposé procéder à l’amé-
gement raisonnable à une forme de discri-
nagement;
mination. Afin de promouvoir l’égalité et
d’éliminer la discrimination, les États parties • Les possibilités d’obtenir d’autres sou-
doivent tout faire pour que l’aménagement tiens financiers;
raisonnable soit assuré.
• Les incidences du point de vue de l’hy-
L’«aménagement raisonnable», ce sont, giène et de la sécurité du travail;
par exemple, les adaptations apportées
• L’impact sur l’activité de l’organisme.
au lieu de travail, à un établissement d’en-
seignement, à un centre de soins ou à un L’aménagement raisonnable est une
service de transports pour lever les obstacles modification apportée au bénéfice et à la
qui empêchent une personne handicapée demande d’une personne. Ainsi, le salarié
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
94 GUIDE DE FORMATION

qui a été victime d’un accident de la circu- La discrimination évolue, mais ne recule
lation et qui a besoin de certaines modifica- pas nécessairement. En 2006, lors de l’adop-
tions pour pouvoir continuer à travailler peut tion de la Convention, Kofi Annan, Secré-
demander un aménagement raisonnable à taire général des Nations Unies, déclarait ce
son employeur. L’aménagement raisonnable qui suit:
est différent de l’accessibilité générale de
l’article 9, dont les dispositions s’adressent, «Trop souvent, ceux qui vivent avec un
non pas nécessairement à des personnes handicap ont été considérés comme des
(même si, à l’évidence, c’est à des personnes sujets de gêne et, au mieux, de condes-
qu’elles bénéficient) mais à la collectivité cendance et de charité … Même s’ils
dans son ensemble. Si les États doivent géné- jouissent des mêmes droits que d’autres
raliser l’accessibilité progressivement, une sur le papier, en réalité, ils ont souvent
personne peut demander un aménagement été marginalisés et se sont vu refuser
raisonnable immédiatement et porter plainte les chances que d’autres tiennent pour
s’il n’est pas réalisé. acquises.».

C’est aux États que la Convention Voici quelques exemples:


impose la charge d’assurer l’aménagement
raisonnable. Comme, cependant, c’est bien • L’anéantissement des «inaptes»: la dis-
souvent dans le secteur privé que celui-ci crimination et le droit à la vie. L’une des
s’impose, les États devraient contraindre ce formes les plus graves de discrimination
secteur par la loi à procéder à des aménage- fondée sur le handicap a été perpétrée
ments raisonnables. au XXe siècle, sous le régime nazi. Elle
visait les personnes ayant un handicap
physique ou mental: à l’instar d’autres
C. Manifestations de groupes supposés inférieurs, elles étaient
la discrimination exterminées ou stérilisées, obligées de
Il est à espérer que l’adoption de la subir des expérimentations et d’autres
Convention fera régresser partout dans le atrocités. Les personnes mentalement ou
monde les différentes formes de discrimina- physiquement «inaptes» ont fait l’objet
tion auxquelles les personnes handicapées de programmes de stérilisation et d’eu-
se heurtent depuis longtemps. thanasie. Elles étaient présentées à des
fonctionnaires des services de santé qui
Les personnes handicapées ont été décidaient de pratiquer ou non la stérili-
considérées comme des êtres anormaux, sation forcée. Le Ministère de l’intérieur
des émanations du mal ou des curiosités de demandait également aux médecins et
la nature. Elles ont été exécutées, isolées du aux sages-femmes de signaler tous nou-
reste de la population ou contraintes de subir veau-nés présentant de graves handi-
des expérimentations médicales. Elles ont caps. Étaient visés notamment les enfants
été ridiculisées, raillées, accusées de porter de moins de trois ans atteints de patho-
malheur. Elles ont souvent été tenues pour des logies ou de handicaps tels que la tri-
êtres inférieurs que seul Dieu pouvait considé- somie 21, l’hydrocéphalie, la paralysie
rer comme égaux à leurs congénères et qui, cérébrale ou l’«idiotie». Pendant cette
à ce titre, méritaient la sympathie et la pitié. période, quelque 250 000 personnes
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 95

handicapées ont été tuées, et 450 000 des handicaps intellectuels sont souvent
autres ont été stérilisées; victimes d’une stérilisation forcée;

• D’autres États ont également adopté • La privation de liberté due au handicap.


des lois et des politiques autorisant la Le handicap a été considéré comme un
stérilisation. Des milliers de personnes motif légitime de privation de liberté.
handicapées ont été stérilisées de force. En affirmant qu’une personne peut être
La pratique de la stérilisation se fondait dangereuse pour elle-même ou pour des
sur la théorie de l’eugénisme, très prisée tiers, ou qu’elle a besoin d’être soignée,
au début du XXe siècle, qui prônait la l’État peut la placer dans une institution,
régulation de la qualité de la race, la parfois pour la vie entière. Des autori-
reproduction de personnes et de carac- tés nationales ont adopté des lois et des
téristiques sélectionnées, et l’élimination politiques en présumant que la prise en
de groupes indésirables; charge institutionnelle est préférable
• Le déni de la capacité juridique: la dis- pour les personnes handicapées. Dans
crimination et l’égalité devant la loi. d’autres cas, les personnes handica-
Partout dans le monde, des régimes juri- pées sont isolées de la société et vivent
diques ont estimé – et beaucoup estiment recluses au domicile familial;
encore – légitime de ne pas reconnaître
• Le handicap et le genre: des formes mul-
la personnalité juridique aux personnes
tiples de discrimination. Les hommes et
ayant des handicaps intellectuels, men-
les femmes ne vivent pas leur handicap
taux ou sensoriels. Dans la pratique,
de la même manière: les femmes han-
cela revient à dénier à ces personnes
dicapées peuvent être victimes d’une
une large gamme de droits de l’homme
double discrimination, liée à leur sexe
– notamment la capacité de prendre des
et à leur handicap. Ainsi, les femmes et
décisions, de signer des contrats, de
les filles handicapées des zones rurales
voter, de se marier, d’hériter, d’adminis-
n’ont qu’un accès très limité à l’enseigne-
trer des biens personnels, de faire valoir
ment de quelque niveau que ce soit, et
ses droits devant la justice et de choisir
des possibilités réduites de gagner leur
un traitement médical;
vie. Écoles, routes et moyens de trans-
Les tuteurs n’agissent pas toujours dans port sont souvent inaccessibles. Il se peut
l’intérêt des personnes handicapées donc que les parents ne soient pas en
qu’ils représentent. Ils peuvent même mesure d’envoyer leur enfant handicapé
abuser de l’autorité dont ils sont inves- à l’école. Ces obstacles peuvent être
tis et violer les droits des personnes sous aggravés par une discrimination sexiste
tutelle. Lorsqu’une personne n’a pas dans les collectivités où les mentalités
la capacité juridique, les interventions constituent déjà un frein à la scolarisa-
médicales forcées (médicaments, chirur- tion des filles. D’où un taux élevé d’anal-
gie et stérilisation) et les expérimen- phabétisme parmi les fillettes handica-
tations peuvent être menées sans son pées et des enfances perdues, puisque
consentement libre et éclairé. C’est ainsi ces fillettes n’ont pas d’échanges avec
que les femmes et les jeunes filles ayant d’autres enfants dans un milieu éducatif;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
96 GUIDE DE FORMATION

• La discrimination et le droit à l’éducation. migrer vers la ville et y acquérir une


Les enfants handicapés ont été exclus de certaine indépendance. Elles risquent
l’enseignement et parfois même considé- néanmoins d’être réduites à la mendicité
rés comme impossibles à éduquer. Il a été ou d’être exploitées de quelque autre
avancé que les personnes ayant certains manière parce qu’elles sont analpha-
handicaps (mentaux, cognitifs et même bètes et qu’elles ont peu de débouchés.
physiques) ne peuvent pas suivre l’ensei- Celles qui ne peuvent pas se déplacer
gnement dispensé dans les écoles ordi- librement risquent d’être cachées par les
naires. Souvent, les décisions sont prises membres de leur famille, ou de vivre au
sans qu’aient été formés des spécialistes milieu de la collectivité dans des condi-
ou des enseignants capables de faciliter tions très précaires;
ou d’assurer un apprentissage par les
pairs entre enfants handicapés et non Dans certains villages d’Haïti, les parents
handicapés. Par voie de conséquence, qui donnent naissance à un enfant
les enfants handicapés sont placés dans ayant un handicap physique ou mental
des écoles spéciales, qui n’insistent pas se croient punis pour un péché qu’ils
suffisamment sur l’excellence. Comme auraient commis. Les conséquences sont
un préjugé voudrait que les enfants han- graves: il arrive que le père fréquente
dicapés ralentissent la progression des d’autres femmes pour montrer qu’il n’est
autres, les parents décident parfois d’ins- pas à l’origine du handicap. Et que l’en-
crire leur enfant dans une école spéciale fant doive vivre reclus, loin des regards
ou de le garder à la maison. Lorsque la de son entourage;
discrimination est omniprésente, prendre
des décisions qui vont à l’encontre de Au Cambodge, quantité d’enfants et
la propension discriminatoire générale d’adultes, principalement des zones
peut être perçu comme dangereux et, en rurales, ont perdu un membre par suite
définitive, comme contraire aux intérêts de l’explosion d’une mine. Avoir un han-
de l’enfant handicapé. Pourtant, céder dicap est considéré comme socialement
ne fait que renforcer la stigmatisation et déshonorant et oblige souvent à vivre en
la discrimination; marge de la société. Aujourd’hui encore,
il arrive que les vendeurs du marché ne
• Données culturelles et stigmatisation: la fassent aucun cas des personnes handi-
discrimination et le droit à la vie cultu- capées et que celles-ci doivent deman-
relle. Dans certains environnements der l’aide d’une tierce personne pour
culturels, le handicap peut passer pour parvenir à se faire servir;
être une sanction divine, le résultat
d’un acte de sorcellerie ou un échec • L’inaccessibilité: la discrimination et le
déshonorant de la famille. Cela peut droit de circuler librement/l’autonomie
entraîner une réprobation sociale, une de vie. Les barrières physiques et tech-
marginalisation et même une frustration nologiques, et celles qui ont trait à
qui engendre la violence familiale. Les l’information empêchent les personnes
personnes handicapées, y compris les handicapées de participer pleinement à
enfants, peuvent décider de quitter la la société sur la base de l’égalité avec
collectivité dont elles font partie pour les autres. L’inaccessibilité est également
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 97

liée à la perpétuation de préjugés qui d’adopter des mesures spécifiques aux


voudraient que les personnes handica- personnes handicapées.
pées soient, par exemple, lentes, moins
intelligentes que les autres ou incapables Ces mesures peuvent être pérennes
de prendre des décisions. Pour assurer – construction en milieu urbain de garages
à ces personnes l’égalité des droits, il accessibles aux véhicules transportant des
est crucial d’améliorer l’accessibilité de personnes handicapées, par exemple – ou
l’environnement bâti, des technologies temporaires – quotas d’emploi de travailleurs
de l’information et de la communication, handicapés, par exemple. Ces deux types
des moyens de transport et autres équi- de mesures sont autorisés par la Convention
pements, et des biens et services propo- et ne constituent pas une discrimination au
sés au public. sens de son article 2.

Des mesures spécifiques en faveur d’une


D. Lier la non-discrimination personne ou d’un groupe peuvent parfois
et l’égalité: mesures provoquer le ressentiment d’autres personnes,
spécifiques qui les jugent injustes, voire discriminatoires.
Elles ne sont cependant légitimes que dans
Pour combattre la discrimination, il ne la mesure où elles remédient au déséquilibre
suffit pas de l’interdire. Il faut aussi remonter entre les personnes handicapées et les autres
jusqu’à la source de la discrimination indi- dans la jouissance des droits de l’homme.
recte – faire disparaître les partis pris qui sont Une fois l’égalité réalisée, elles ne sont plus
à l’origine même de la discrimination – en nécessaires.
favorisant l’égalité. Aussi des mesures spéci- La disposition précitée de l’article 5 doit
fiques sont-elles souvent nécessaires pour être lue en parallèle avec les dispositions
contribuer à instaurer l’égalité au bénéfice spécifiques de la Convention qui visent à
des personnes confrontées à la discrimi- prévenir la discrimination et à promouvoir
nation, dont les personnes handicapées. l’égalité dans la jouissance d’un large éven-
Ces mesures particulières en faveur d’une tail de droits – par exemple en matière de
personne handicapée ne sont pas considé- mariage, de famille, de fonction parentale
rées comme discriminatoires: elles constituent et de relations personnelles (art. 23), d’édu-
un traitement différencié justifié. C’est ce que cation (art. 24), de santé (art. 25), d’emploi
reconnaît la Convention, dont l’article 5, (art. 27), de niveau de vie et de protection
paragraphe 4, se lit ainsi: sociale (art. 28), et de participation à la vie
publique et à la vie politique (art. 29).
Les mesures spécifiques qui sont néces-
saires pour accélérer ou assurer l’éga- Prenons par exemple le droit au travail,
lité de facto des personnes handicapées reconnu à l’article 27. La Convention impose
ne constituent pas une discrimination au aux États parties d’employer des personnes
sens de la présente Convention. handicapées dans le secteur public et d’en
favoriser l’emploi dans le secteur privé,
La Convention reconnaît donc que, pour y compris par des programmes d’action
assurer l’égalité effective avec les autres positive. Il s’agit là de mesures spécifiques
personnes, il peut parfois être nécessaire qui visent à remédier au sous-emploi des
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
98 GUIDE DE FORMATION

personnes handicapées dans un domaine handicapées dont il est possible de s’inspi-


où l’État a une influence directe par sa poli- rer. Ce sont:
tique de l’emploi. En cherchant activement à
engager des personnes handicapées, l’État ✓ Les programmes de solidarité ou d’assis-
peut promouvoir l’égalité dans la jouissance tance;
du droit au travail. En prescrivant au secteur ✓ L’affectation et/ou la redistribution de
privé de mettre en place des programmes ressources;
d’action positive ou en l’y encourageant,
l’État peut exercer indirectement une influence ✓ Le traitement préférentiel;
sur l’emploi.
✓ Le recrutement, l’embauche et la promo-
Parmi les programmes d’action positive tion ciblés;
figure notamment l’instauration de quotas, qui
consiste à imposer aux entreprises, sous peine ✓ Les objectifs chiffrés assortis de délais;
d’amende, de compter cinq pour cent par
✓ Les systèmes de quotas.
exemple de personnes handicapées parmi
leur personnel. La Convention n’exige pas
l’application de quotas. Celle-ci a des avan- E. Qui est responsable?
tages et des inconvénients. Elle peut conduire
Si une personne handicapée est victime
à l’adoption de mesures purement symbo-
d’une discrimination, qui en est l’auteur? Et
liques, les employeurs recrutant n’importe qui est responsable?
quelle personne handicapée à n’importe
quel niveau dans le seul but d’atteindre le Voici quelques exemples:
quota prescrit, ou payant l’amende pour se
soustraire à cette obligation. Mais les quotas • Une passagère change de comparti-
peuvent aussi procurer des débouchés aux ment parce qu’être assise à côté d’une
personnes handicapées, assurant leur autono- personne atteinte de trisomie 21 la met
mie économique et ouvrant la voie à la jouis- mal à l’aise;
sance d’autres droits. Comme la Convention • Des parents gardent leur jeune enfant
mentionne les programmes d’action positive autiste à la maison parce que l’école
sans en préciser la nature, mieux vaut essayer locale n’offre aucune possibilité d’édu-
de choisir ceux qui ont le plus de chances cation inclusive;
d’améliorer durablement la situation des
personnes handicapées et l’exercice de leur • Une banque privée refuse un prêt à une
droit au travail. Dans certains cas, le système personne ayant un handicap mental;
des quotas pourra donner de bons résultats, • Dans une grande entreprise, une salariée
et dans d’autres non. ayant une paralysie cérébrale demande
à changer de poste, et l’employeur
Dans sa recommandation générale
refuse sans donner d’explication;
n° 25 (2004), relative aux mesures tempo-
raires spéciales (art. 4.1), le Comité pour • Une personne ayant un handicap phy-
l’élimination de la discrimination à l’égard sique est maltraitée chez elle et signale
des femmes cite un certain nombre de le fait à la police, mais celle-ci refuse
mesures spécifiques en faveur des personnes d’intervenir;
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 99

• Dans un pays exposé aux catastrophes Organisations internationales


naturelles, un programme de prépara- et régionales
tion aux crises humanitaires établi sous
Voilà qui soulève la question de la
l’égide de l’ONU omet de mentionner
responsabilité d’organisations internatio-
les personnes handicapées;
nales comme l’ONU, la Banque mondiale,
• Une personne malvoyante ne peut pas le Conseil de l’Europe, etc. L’article 32 fait
poser sa candidature à un poste de spé- d’elles des partenaires de la coopération
cialiste des droits de l’homme parce que internationale. De même, les institutions
le permis de conduire fait partie des spécialisées et d’autres organes des Nations
conditions exigées dans la description Unies sont habilités à se faire représenter au
de ce poste. Comité des droits des personnes handica-
pées. Cela montre clairement que les orga-
Dans ces exemples, y a-t-il un respon- nisations internationales ont un rôle à jouer
sable, et qui est-ce? La passagère, la famille dans la coopération internationale destinée
la banque, la direction de l’entreprise, la à promouvoir la Convention. Il pourrait toute-
direction des ressources humaines? S’agis- fois arriver qu’elles pratiquent elles-mêmes
sant de discrimination, différents niveaux de une discrimination. Si c’est, en fin de compte,
responsabilité peuvent être discernés, mais à leurs États membres qu’il appartient d’évi-
c’est avant tout à l’État que les obligations ter pareille éventualité, ces organisations ont
incombent. elles aussi un rôle à jouer à l’appui de la
Convention, même si ce rôle n’est pas claire-
États ment défini.

Les signataires de la Convention sont des Entreprises privées


États et des organisations d’intégration régio-
nale. Cet instrument impose aux États parties Les États parties, y compris leurs insti-
tutions et services, peuvent violer les droits
des obligations spécifiques aux fins de la
par action ou par omission. Mais si les États
protection, de la promotion et de la réalisa-
sont les responsables principaux de l’appli-
tion des droits des personnes handicapées.
cation de la Convention, ce ne sont pas
De plus, les États s’engagent, en vertu les acteurs étatiques sinon les entreprises
de l’article 32, à prendre des mesures appro- privées qui mettent en œuvre bon nombre de
priées et efficaces de coopération internatio- ses dispositions. Le secteur privé joue un rôle
nale à l’appui des efforts déployés à l’échelon très important dans la prestation des services
requis (éducation, traduction dans la langue
national pour donner effet à la Convention. Si
des signes, téléphones portables équipés
les États sont les principaux responsables de
de systèmes de transmission de la voix de
la mise en œuvre des droits des personnes
plusieurs locuteurs, etc.).
handicapées sur leur territoire, ils doivent
également coopérer avec d’autres États. Ils En vertu de l’article 4, les États parties
ont des responsabilités extraterritoriales en doivent s’assurer que le secteur privé
vue de la promotion, la protection et la réali- respecte les droits des personnes handica-
sation des droits des personnes handicapées. pées. Ils doivent donc veiller à l’existence de
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
100 GUIDE DE FORMATION

mécanismes permettant de suivre l’activité et promouvoir le respect des droits et de la


de ce secteur et s’assurer que les politiques dignité des personnes handicapées».
publiques relatives, par exemple, à l’éduca-
tion, à l’emploi et à la santé répondent au F. Que peuvent faire ces
principe de non-discrimination et sont suivies acteurs pour combattre
par les acteurs privés. la discrimination?
Prestataires de services Le module 4 expose l’éventail des mesures
qui contribuent à l’application de la Conven-
La Convention mentionne aussi des tion, à savoir: l’élaboration de lois et de poli-
services spécifiques tels que l’accompagne- tiques, l’affectation de ressources suffisantes,
ment pour l’exercice de la capacité juridique l’offre de services inclusifs, la sensibilisation et
(art. 12), l’aide personnelle nécessaire à l’au- la formation de spécialistes et d’autres person-
tonomie de vie (art. 19), les services d’ensei- nels, la recherche et le développement, l’ins-
gnants (art. 24) et ceux de professionnels de tauration de voies de recours, et la mise en
la santé (art. 25). Les prestataires de services place de structures administratives. Les divers
prennent une part importante à la réalisa- exemples esquissés dans la section précé-
tion des conditions nécessaires pour que les dente permettent de discerner certaines des
personnes handicapées jouissent pleinement initiatives que ces acteurs peuvent prendre
de leurs droits de l’homme. Mais ils peuvent pour combattre la discrimination.
également pratiquer, délibérément ou non,
• Une passagère change de comparti-
une discrimination à l’égard de ces personnes.
ment parce qu’être assise à côté d’une
Aussi l’État doit-il s’attacher à ce que les pres-
personne atteinte de trisomie 21 la met
tataires de services connaissent la Convention
mal à l’aise. Si le comportement négatif
et contribuent à son application, par exemple
de cette femme peut faire obstacle à la
en prenant des mesures appropriées pour
participation de la personne trisomique,
employer des enseignants, y compris des
il ne s’agit pas à strictement parler de dis-
enseignants handicapés, qui ont une qualifi-
crimination. Il y a bien eu une distinction
cation en langue des signes ou en braille et fondée sur le handicap, mais elle n’a pas
pour former des spécialistes et des personnels porté atteinte à la jouissance d’un droit
de l’éducation à tous les niveaux. quelconque du passager trisomique.
Néanmoins, l’État pourrait envisager de
Particuliers et familles sensibiliser l’opinion pour promouvoir
une société plus inclusive et dissiper la
L’article 4 impose aussi aux États de
peur de l’autre en tant qu’il est différent;
prendre des dispositions pour éliminer la discri-
mination pratiquée par qui que ce soit. Cela • Des parents gardent leur jeune enfant
suppose l’application de peines adéquates autiste à la maison parce que l’école
et d’autres mesures judiciaires. Dans cette locale n’offre aucune possibilité d’édu-
perspective, il faut également, comme l’in- cation inclusive. L’absence de toute pos-
dique l’article 8, «sensibiliser l’ensemble de sibilité d’éducation inclusive réduit à
la société, y compris au niveau de la famille, néant le droit de l’enfant à l’éducation.
à la situation des personnes handicapées L’État a l’obligation de faire en sorte que
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 101

des services d’éducation inclusive soient raisonnable à une personne handica-


proposés dans la région considérée, et pée. L’employeur doit procéder à l’amé-
de sensibiliser l’opinion à l’inclusion. Il nagement dès lors qu’il n’est pas dérai-
devrait également veiller à ce que les sonnable (c’est-à-dire qu’il ne constitue
lois et politiques prennent en compte les pas un fardeau indu);
principes de l’éducation inclusive. Dans
le même temps, le conseil d’établisse- • Une personne ayant un handicap phy-
ment scolaire et les enseignants pour- sique est maltraitée chez elle et signale
raient être chargés de veiller à ce que le fait à la police, mais celle-ci refuse
des services d’éducation inclusive soient d’intervenir. Il y a eu de la part de la
effectivement proposés et à ce que les police une exclusion liée au handicap
parents sachent qu’ils existent (si c’est qui porte atteinte au droit de ne pas
bien le cas); subir de violences ni de sévices. L’État a
l’obligation d’adopter des lois exigeant
• Une banque privée refuse un prêt à une que la police protège les personnes han-
personne ayant un handicap mental. La dicapées contre la violence et la maltrai-
question de savoir s’il y a eu discrimi- tance ainsi que de sensibiliser et former
nation est sujette à caution. En réalité, la police de manière que les personnes
la banque peut ne pas préciser que son handicapées puissent avoir accès à la
refus est dû au handicap et invoquer un justice;
prétexte pour le justifier. Qui plus est, il
n’existe pas de droit de l’homme à un • Dans un pays exposé aux catastrophes
prêt bancaire. L’État est néanmoins tenu naturelles, un programme de prépara-
de légiférer pour que les banques privées tion aux crises humanitaires établi sous
ne pratiquent aucune discrimination liée l’égide de l’ONU omet de mentionner
au handicap. Il devrait également offrir les personnes handicapées. Cette exclu-
des services d’accompagnement pour sion pourrait nuire à l’exercice de toute
que la personne handicapée puisse une série de droits de l’homme en cas de
exercer sa capacité juridique. Du reste, catastrophe, voire le réduire à néant, et
l’intervention du prestataire de ces ser- a déjà porté atteinte au droit de prendre
vices aurait peut-être suffi à empêcher part à la conduite des affaire publiques.
que cette situation se crée, car elle aurait Les États devraient, à l’échelle internatio-
fait ressortir l’aptitude de la personne à nale, s’assurer que la coopération inter-
exercer sa capacité juridique et à rem- nationale est accessible aux personnes
bourser le prêt consenti; handicapées et qu’elles y sont pleine-
ment intégrées. Ils devraient notamment
• Dans une grande entreprise, une salariée s’employer à obtenir de l’ONU qu’elle
ayant une paralysie cérébrale demande respecte les droits des personnes handi-
à changer de poste, et l’employeur refuse capées dans les programmes de coopé-
sans donner d’explication. Il peut y avoir ration internationale;
eu un déni d’aménagement raisonnable
équivalant à une discrimination. L’État a • Une personne malvoyante ne peut pas
l’obligation de légiférer pour éviter que poser sa candidature à un poste de spé-
le secteur privé refuse un aménagement cialiste des droits de l’homme parce que
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
102 GUIDE DE FORMATION

le permis de conduire fait partie des aucune, notamment de race, de couleur,


conditions exigées dans la description de sexe, de langue, de religion, d’opi-
de ce poste. Cela pourrait être assimilé nion politique ou de toute autre opinion,
à un traitement différencié légitime si la d’origine nationale ou sociale, de fortune,
conduite d’un véhicule est un élément de naissance ou de toute autre situation
clé des fonctions du poste et que le per- (Déclaration universelle).
mis de conduire est donc indispensable.
Les États parties au présent Pacte s’en-
C’est un traitement raisonnable fondé
gagent à garantir que les droits qui y
sur des critères objectifs (les conditions
sont énoncés seront exercés sans dis-
exigées par les fonctions et requises de
crimination aucune fondée sur la race,
tous les candidats) qui vise à respecter la couleur, le sexe, la langue, la reli-
le droit au travail de tous les postulants. gion, l’opinion politique ou toute autre
opinion, l’origine nationale ou sociale,
Dans toutes ces situations, il importe de
la fortune, la naissance ou toute autre
se demander ce que devraient faire non seule-
situation (Pacte international relatif aux
ment l’État mais aussi la personne concer- droits économiques, sociaux et culturels).
née. Celle-ci pourrait par exemple saisir
la justice ou se tourner vers les institutions La Convention internationale sur l’élimi-
nationales de défense des droits de l’homme nation de toutes les formes de discrimination
ou les dispositifs informels de résolution des raciale, la Convention sur l’élimination de
conflits; elle pourrait aussi se faire aider par toutes les formes de discrimination à l’égard
une organisation non gouvernementale ou des femmes, la Convention relative aux droits
tenter de persuader des personnalités poli- de l’enfant, la Convention internationale sur
tiques ou autres d’intervenir (par exemple en la protection des droits de tous les travail-
écrivant aux parlementaires locaux). leurs migrants et des membres de leur famille
énoncent également l’obligation des États
de combattre et d’éliminer la discrimination.
G. Le handicap, motif Parmi ces instruments, seule la Convention
de discrimination relative aux droits de l’enfant cite le handi-
prohibé dans les autres cap au nombre des motifs prohibés de discri-
instruments des droits mination, et cela dans les termes suivants:
de l’homme
Les États parties s’engagent à respecter
La Déclaration universelle des droits de les droits qui sont énoncés dans la pré-
l’homme, le Pacte international relatif aux sente Convention et à les garantir à tout
droits économiques, sociaux et culturels et enfant relevant de leur juridiction, sans
le Pacte international relatif aux droits civils distinction aucune, indépendamment de
et politiques sont autant d’instruments qui toute considération de race, de couleur,
protègent les personnes contre la discrimi- de sexe, de langue, de religion, d’opi-
nation. Celle-ci est visée à l’article 2 de ces nion politique ou autre de l’enfant ou
instruments («toute autre situation»): de ses parents ou représentants légaux,
de leur origine nationale, ethnique ou
Chacun peut se prévaloir de tous les droits sociale, de leur situation de fortune, de
et de toutes les libertés proclamés dans leur incapacité, de leur naissance ou
la présente Déclaration, sans distinction de toute autre situation (art. 2).
MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP 103

Dans son observation générale n° 20 La Convention n° 159 (1983) de l’Orga-


(2009), le Comité des droits économiques, nisation internationale du Travail, qui porte
sociaux et culturels explique que la catégorie sur la réadaptation professionnelle et l’em-
«toute autre situation» comprend notamment: ploi des personnes handicapées, traite de
l’égalité des chances, de l’égalité de traite-
• Le handicap; ment et de la non-discrimination. La Conven-
• L’âge; tion concernant la lutte contre la discrimina-
tion dans le domaine de l’enseignement, de
• La nationalité; l’Organisation des Nations Unies pour l’édu-
cation, la science et la culture, mérite égale-
• La situation matrimoniale et familiale;
ment l’attention, surtout si on la lit conjoin-
• L’orientation sexuelle et l’identité sexuelle; tement avec les principes de l’éducation
inclusive adoptés à la Conférence mondiale
• L’état de santé;
sur les besoins éducatifs spéciaux: accès et
• Le domicile; qualité (1994).

• La situation économique et sociale. Parmi les instruments régionaux perti-


nents, citons la Convention interaméricaine
Dans son observation générale n° 5
pour l’élimination de toutes les formes de
(1994), le Comité des droits économiques,
discrimination contre les personnes handica-
sociaux et culturels donne une définition de
pées, de l’Organisation des États américains,
la discrimination à l’égard des personnes
et, en ce qui concerne le Conseil de l’Eu-
handicapées. Le Comité contre la torture,
rope, la Convention sur la reconnaissance
dans son observation générale n° 2 (2007),
des qualifications relatives à l’enseignement
fait figurer le «handicap physique ou mental»
supérieur dans la région européenne, et le
au nombre des motifs de discrimination, et
«Plan d’action pour la promotion des droits
le Comité pour l’élimination de la discrimi-
et de la pleine participation des personnes
nation à l’égard des femmes signale dans
handicapées à la société: améliorer la
sa recommandation générale n° 18 (1991)
qualité de vie des personnes handicapées
que les femmes handicapées souffrent d’une
en Europe (2006-2015)».
«double discrimination». Dans le préambule
de la Convention relative aux droits des La Convention relative aux droits des
personnes handicapées, les États parties personnes handicapées est un nouvel instru-
reconnaissent que «les enfants handicapés ment qui vise à éclairer et à affermir la lutte
doivent jouir pleinement de tous les droits de contre la discrimination liée au handicap.
l’homme et de toutes les libertés fondamen- Même si un État ne l’a pas encore ratifiée,
tales, sur la base de l’égalité avec les autres il n’en est pas moins tenu de prohiber cette
enfants» et rappellent «les obligations qu’ont forme de discrimination en application des
contractées à cette fin les États Parties à la autres instruments des droits de l’homme
Convention relative aux droits de l’enfant». auxquels il a adhéré.
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX
D’APPLICATION ET DE SUIVI

Introduction si elle est facultative, la mise en place de ce


dispositif peut se révéler utile. Les questions
La Convention relative aux droits des relatives au handicap relèvent habituelle-
personnes handicapées prévoit la mise en ment d’un seul ministère, celui de la santé
place d’institutions et de mécanismes natio- ou celui des affaires sociales. Dès lors, il
naux pour l’application et le suivi de la arrive que l’éducation des enfants handica-
Convention à l’échelon national. pés soit du ressort du ministère des affaires
sociales et non de celui de l’éducation, ce
Les mécanismes nationaux d’application
qui a tendance à exacerber l’exclusion et à
et de suivi, auxquels le présent module est
favoriser la ségrégation. Comme la Conven-
consacré, sont exposés à l’article 33 de la
tion traite de tous les droits, son application
Convention. Ce sont:
devrait incomber à toute une série de minis-
Les points de contact: L’article 33, para- tères – ceux de l’intérieur, de la justice, de
graphe 1, aborde la question de l’appli- l’éducation, du travail, etc. Un dispositif de
cation à l’échelon national en prescrivant coordination peut contribuer à éviter que la
la désignation d’un ou de plusieurs points mise en œuvre de la Convention soit l’affaire
de contact au sein de l’administration. La exclusive d’un seul ministère et favoriser le
Convention ne précise pas la nature du point partage des responsabilités.
de contact (ministère, service ministériel,
fonctionnaire, ou autre). Mais cette dispo- Mécanisme indépendant de mise en
sition signifie à tout le moins que les ques- œuvre et de suivi de l’application: Le para-
tions afférentes à la Convention ne devraient graphe 2 de l’article 33 est consacré, quant à
pas être rattachées uniquement aux relations lui, à la mise en place d’une structure chargé
internationales et, à ce titre, relever du seul de superviser l’application de la Convention.
ministère des affaires étrangères; il devrait y Il prescrit aux États de maintenir, renforcer,
avoir une entité spécialisée qui se consacre désigner ou créer un ou plusieurs mécanismes
entièrement à la mise en œuvre de l’instru- indépendants de promotion, de protection et
ment au niveau national. de suivi de l’application de la Convention.
Point important, les États doivent, ce faisant,
Le dispositif de coordination: Dans ce tenir compte «des principes applicables au
même paragraphe, la Convention enjoint statut et au fonctionnement des institutions
aux États d’envisager de créer ou de dési- nationales de protection et de promotion des
gner, au sein de l’administration, un dispo- droits de l’homme», appelés Principes de
sitif de coordination qui facilite les actions Paris. Ces principes sont analysés plus loin
liées à l’application de cet instrument. Même de manière plus approfondie, mais il importe
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
106 GUIDE DE FORMATION

de relever à ce stade tout l’intérêt qu’ils La présence dans la Convention d’un


présentent pour le bon fonctionnement d’un article détaillant la structure et les fonctions
mécanisme national de suivi véritablement du dispositif national d’application et de suivi
indépendant, comme l’exige la Convention. illustre la tendance des instruments des droits
de l’homme à renforcer le suivi national du
La Convention dispose aussi que la
respect de ces droits. Avant la Convention
société civile, en particulier les personnes
relative aux droits des personnes handica-
handicapées et les organisations qui les
pées, le Protocole facultatif se rapportant à
représentent, devrait participer pleinement
la Convention contre la torture et les autres
à tous les aspects de cette fonction de suivi
peines ou traitements cruels, inhumains ou
– de même qu’à l’élaboration et à la mise
dégradants prescrivait lui aussi aux États
en œuvre des politiques, des programmes et
parties de mettre en place des mécanismes
des lois destinés à donner effet à la Conven-
nationaux de prévention.
tion (art. 4).

La mention de la société civile soulève A. Points de contact et


au moins deux questions: dispositif de coordination
a) La société civile, en particulier les per- au sein de l’administration
sonnes handicapées et les organi-
Les États parties à la Convention ayant
sations qui les représentent, devrait
des systèmes administratifs et des modes
être associée au travail de suivi mené
d’organisation différents, l’article relatif aux
par le mécanisme indépendant visé à
points de contact et aux mécanismes de
l’article 33 (et aussi, idéalement, à l’acti-
coordination est souple, et donc adaptable.
vité des points de contact et du dispositif
de coordination); Mais comme d’autres instruments inter-
nationaux – le Programme d’action mondial
b) La société civile a elle-même un rôle à
pour les personnes handicapées et les Règles
jouer dans le suivi de l’application de
pour l’égalisation des chances des handica-
la Convention, indépendamment des
autres mécanismes mis en place confor- pés, par exemple – exigent eux aussi la mise
mément à l’article 33. en place d’institutions semblables, il est utile
d’examiner les enseignements qui peuvent en
Outre le dispositif spécifique de promo- être tirés pour l’application de l’article 33.
tion, de protection et de suivi de l’application
établi en vertu de la Convention, les parle- Le(s) point(s) de contact
ments ainsi que les juridictions nationales
peuvent jouer un rôle clé dans la promotion • Lorsqu’il existe des points de contact
et la protection des droits consacrés par pour les questions relatives au handi-
la Convention. Mais d’autres mécanismes cap, il est important de leur donner un
encore, et notamment les inspections du mandat explicite relatif à la Convention.
travail et les inspections de l’enseignement Il convient également de le réexaminer
devraient y contribuer, prenant en compte les afin de s’assurer qu’il est suffisamment
droits des personnes handicapées dans leurs large pour s’étendre à tous les aspects
fonctions générales de surveillance. de la mise en œuvre de la Convention.
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI 107

• En vue d’une application efficace de les droits de l’homme, il y a peut-


la Convention, il pourrait être oppor- être lieu de revenir sur cette pratique
tun d’adopter une double démarche, de la majorité des États parties qui
et de désigner des points de contact consiste à placer le point de contact
dans la plupart ou dans la totalité des au ministère de la protection sociale
services administratifs/ministères ainsi ou du travail. Il serait possible par
qu’un point de contact principal respon- exemple de désigner comme point
sable de la mise en œuvre au sein du de contact le ministère de la justice
gouvernement. et des droits de l’homme (qui dans
certains pays est aussi, de toutes
• Outre les points de contact fonctionnels
manières, celui des affaire sociales);
au sein des ministères concernés, l’État
pourrait en créer à différentes niveaux ❍ Deuxièmement, il faut que l’appli-
de l’administration – local, régional et cation de la Convention bénéficie
fédéral ou national. d’une impulsion venue du sommet
de l’État. L’idéal serait de placer le
• Le ou les points de contact devraient
point de contact au cœur du pou-
avoir notamment pour mandat de faire
voir ou à proximité – cabinet du
mieux connaître la Convention au sein
président ou du premier ministre,
du ministère chargé d’en coordonner
ou bureau du conseil des ministres,
l’application, de participer à l’élabo-
par exemple. Certains États l’ont
ration d’un plan d’action pour la mise
déjà fait. Si un ministère est dési-
en œuvre de la Convention, de suivre
gné point de contact alors que le
l’application de celle-ci et d’en rendre
ministre ne fait pas partie du conseil
compte à leur hiérarchie (à noter tou-
des ministres, l’application de la
tefois que cette fonction de suivi ne se
Convention risque de s’en ressentir;
substitue pas à celle qui est prévue au
paragraphe 2). ❍ Troisièmement, l’élaboration et la
• S’il est décidé de nommer un point de coordination d’une politique natio-
nale cohérente relative à la Conven-
contact principal, voici quelques consi-
tion devraient être au centre du man-
dérations à prendre en compte:
dat du point de contact. À ce titre,
❍ Premièrement, le choix du point de celui-ci devrait promouvoir, orienter,
contact doit répondre à la nouvelle informer et conseiller le gouverne-
approche qui sous-tend la Conven- ment sur les questions qui touchent à
tion, c’est-à-dire à l’abandon des l’application de la Convention, sans
approches médicale et caritative en nécessairement la mettre en œuvre
faveur d’une approche fondée sur lui-même en fournissant des services
les droits de l’homme. Il ne convient d’accompagnement aux personnes
donc pas de choisir le ministère de handicapées. Son mandat pourrait
la santé, car cela conforterait l’idée également comprendre la coordi-
que le handicap est une question nation de l’action gouvernementale
médicale. De même, et aux fins de relative à l’élaboration des rapports,
l’adoption de l’approche fondée sur au suivi, à la sensibilisation et à la
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
108 GUIDE DE FORMATION

liaison avec le dispositif indépen- • Revoir les stratégies et les politiques pour
dant de suivi visé au paragraphe 2 s’assurer que les droits des personnes
de l’article 33; handicapées sont respectés;

❍ Quatrièmement, c’est à travers le • Coordonner la rédaction, la révision ou


point de contact que devrait s’opé- la modification des lois pertinentes;
rer la communication entre la société • Mieux faire connaître la Convention et
civile, y compris les organisations le Protocole facultatif au sein de l’admi-
de personnes handicapées, et le nistration;
gouvernement à propos de l’appli-
cation de la Convention; • Faire en sorte que la Convention et le
Protocole facultatif soient traduits dans
❍ Cinquièmement, le point de contact les langues locales et publiés sous des
devrait être doté de ressources et formes accessibles;
d’un personnel technique suffisants.
• Élaborer un plan d’action en vue de la
Son ancrage dans un grand minis-
ratification de la Convention;
tère pourrait les lui assurer.
• Suivre l’application du plan d’action
Le Guide à l’usage des parlementaires concernant les droits de l’homme et les
sur la Convention relative aux droits des droits des personnes handicapées;
personnes handicapées et son Protocole
facultatif12 propose d’attribuer au(x) point(s) • Coordonner l’élaboration du rapport ini-
de contact les fonctions suivantes: tial et des rapports périodiques de l’État;

• Sensibiliser le public aux questions liées


• Conseiller le chef de l’État ou du gouver-
au handicap et aux droits des personnes
nement, les décideurs et les planificateurs
handicapées;
de programmes au sujet de l’élaboration
de politiques, de lois, de programmes et • Renforcer les capacités de l’administra-
de projets eu égard à leur impact sur les tion dans les domaines intéressant les
personnes handicapées; personnes handicapées;

• Coordonner les activités des divers • Assurer et coordonner la collecte de


ministères et services administratifs dans données et de statistiques afin de faci-
les domaines des droits de l’homme et liter la programmation des politiques et
des droits des personnes handicapées; l’évaluation de leur mise en œuvre;

• Coordonner les activités relatives aux • Veiller à ce que les personnes handica-
droits de l’homme et aux droits des per- pées soient associées à l’élaboration des
sonnes handicapées aux échelons fédé- politiques et des lois qui les concernent;
ral, national et régional ainsi qu’aux • Encourager les personnes handicapées
niveaux des États, des provinces et des à participer aux organisations consti-
administrations locales; tuées et à la société civile, et encourager
12
De l’exclusion à l’égalité: Réalisation des droits des per-
la création d’organisations de personnes
sonnes handicapées (2007). handicapées.
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI 109

Le mécanisme de coordination renforcer, désigner ou créer un dispositif «de


promotion, de protection et de suivi de l’ap-
La création, au sein de l’administration, plication» de la Convention.
d’un mécanisme de coordination en plus des
points de contact reste facultative mais est Les États parties peuvent choisir d’insti-
encouragée par la Convention. tuer des mécanismes spécifiques ou d’assi-
gner la fonction de suivi à des services exis-
Ce mécanisme de coordination peut, tants. De plus, l’article 33 ne prescrit aucun
par exemple, prendre la forme d’un groupe mode d’organisation particulier, et les États
interministériel constitué de représentants des parties sont libres de donner au dispositif
ministères chargés de coordonner la mise en national de suivi la structure la mieux adap-
œuvre de la Convention entre les différents tée à leur système politique et à leur organi-
services, secteurs et niveaux de l’administra- sation.
tion. Compte tenu de l’ampleur de la portée
de la Convention, tous les ministères auront Quelle que soit la structure adoptée,
à participer, à un titre ou à un autre, à tel ou l’article 33 prévoit que le dispositif de suivi
tel aspect de son application. de l’application doit remplir trois grandes
conditions:
Certains mécanismes de coordination
comprennent des représentants de diffé- 1. L’État doit maintenir, renforcer, désigner
rents ministères ainsi que d’organisations ou créer un dispositif comprenant un ou
de personnes handicapées, d’autres organi- plusieurs mécanismes;
sations de la société civile, du secteur privé
et des syndicats. Leur mission est souvent 2. Ce ou ces mécanismes doivent tenir
centrée, notamment, sur l’élaboration de compte des Principes de Paris. Cela
politiques, la promotion du dialogue relatif ne signifie pas que le dispositif doive
au handicap et la sensibilisation. comprendre uniquement des structures
conformes à ces principes; cela veut
À noter que le mécanisme de coordina- dire, cependant, qu’il doit en comporter
tion pourrait se révéler particulièrement utile au moins une;
dans les pays où l’administration est décentra-
lisée, comme les États fédéraux, par exemple. 3. La société civile, en particulier les per-
sonnes handicapées et les organisations
Les formateurs devraient tenter de donner qui les représentent doivent être asso-
aux participants suffisamment d’exemples ciées et participer pleinement à la fonc-
de mécanismes nationaux et régionaux qui tion de suivi (art. 33.3).
soient parlants pour eux.
C. La structure du dispositif
B. Mécanismes nationaux de suivi: possibilités
indépendants d’application et préférences – un ou
et de suivi plusieurs mécanismes
La Convention enjoint aux États non Un État partie devrait tout d’abord se
seulement de mettre en place les institutions demander s’il est préférable de désigner (et
susmentionnées, mais aussi de maintenir, maintenir, voire renforcer) un mécanisme
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
110 GUIDE DE FORMATION

existant, ou de créer un dispositif entière- ✓ Une double démarche. Il est reconnu,


ment nouveau. Voici quelques éléments qui dans la coopération pour le développe-
devraient retenir tout particulièrement son ment, qu’il faut tantôt des mesures de
attention: développement spécifiques en faveur
des personnes handicapées, et tantôt
✓ Les ressources humaines et financières. une prise en compte systématique des
La question des ressources humaines et droits de ces personnes dans les pro-
financières influera bien entendu sur la grammes, projets et autres activités de
décision que prendra l’État de modifier développement ordinaires. La même
ou d’élargir les fonctions d’un dispositif logique s’applique au suivi de l’applica-
existant, ou au contraire d’un créer un tion de Convention. Une connaissance
de toutes pièces. Dans certains cas, il spécifique de la Convention, de son
sera peut-être plus rentable de créer une approche sociale/fondée sur les droits
nouvelle structure répondant aux objec- de l’homme et de ses principes géné-
tifs de la Convention que de repenser raux est essentielle pour que le travail
les missions, les spécialités et le mode de suivi respecte ses dispositions. Par
opératoire d’une institution existante; exemple, les Principes pour la protection
dans d’autres, l’institution nationale de des personnes atteintes de maladie men-
défense des droits de l’homme, le média- tale et pour l’amélioration des soins de
teur ou un organisme spécialisé seront santé sont encore couramment appliqués
suffisamment souples pour s’adapter à dans les activités ordinaires de défense
de nouvelles fonctions; des droits de l’homme, alors qu’ils sont
contestés par des spécialistes des droits
✓ L’importance attachée à la Convention. des personnes handicapées et qu’ils sont
Pour que le dispositif soit pleinement parfois en contradiction avec les dispo-
fonctionnel, l’importance attachée au sitions de la Convention. C’est pourquoi
nouveau modèle instauré par la Conven- il peut être préférable soit d’assurer la
tion est tout aussi importante que les pleine participation de spécialistes des
ressources. Le dispositif national devrait droits des personnes handicapées soit
être un organe novateur de défense des d’instituer un commissaire à la défense
droits de l’homme, et ses fonctions de de ces droits ou quelque autre méca-
promotion, de protection et de suivi, nisme autonome plutôt que de confier
faire écho aux principes de la Conven- à un dispositif existant de défense des
tion. Des personnes handicapées doivent droits de l’homme les fonctions de suivi
faire partie des commissaires et/ou du prévues à l’article 33.
personnel recrutés. L’organe doit être
De plus, l’État doit se demander si
ouvert à la participation des personnes
son dispositif national comprendra un ou
handicapées et des organisations qui
plusieurs mécanismes. Il est possible d’attri-
les représentent (voir plus loin) et don-
buer la fonction de suivi:
ner toutes garanties d’intégrité, d’indé-
pendance et d’expertise dans le suivi du 1. À une seule entité c’est-à-dire à un méca-
respect des droits de l’homme; nisme indépendant
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI 111

Le lien que le paragraphe 2 de Compétences et responsabilités


l’article 33 établit entre le dispositif et
Générales:
les Principes de Paris milite en faveur
de l’attribution de la fonction de suivi à ✓ Le mécanisme a-t-il été chargé de pro-
une institution nationale de défense des mouvoir et protéger les dispositions de
droits de l’homme. Cette attribution serait la Convention?
certainement conforme à la Convention.
✓ Son mandat est-il aussi large que pos-
Plus de 100 institutions nationales de sible?
défense des droits de l’homme ont été
✓ Son mandat est-il inscrit dans une loi ou
créées à ce jour. Elles sont dénommées,
dans la constitution?
selon les cas, commissions des droits de
l’homme, médiateurs ou instituts. ✓ La loi portant création du mécanisme
fixe-t-elle sa composition et ses compé-
2. À un dispositif comprenant plus d’un tences/son mandat?
mécanisme indépendant
Particulières:
La Convention prévoit la possibilité
de désigner plus d’un mécanisme ✓ Son mandat habilite-t-il le mécanisme à
indépendant. connaître de toute affaire relative à la
promotion et à la protection des droits
des personnes handicapées sans en être
D. Les Principes de Paris saisi par une autre instance?
et la Convention
✓ Le mécanisme peut-il favoriser et assu-
Un atelier international d’institutions de rer l’harmonisation des lois et politiques
défense des droits de l’homme organisé à nationales avec la Convention?
Paris en 1991 a élaboré des recomman-
dations qui sont devenues par la suite les ✓ Le mécanisme peut-il encourager la ratifi-
Principes concernant le statut et le fonc- cation d’autres instruments des droits de
tionnement des institutions nationales pour l’homme, comme le Protocole facultatif à
la protection et la promotion des droits de la Convention?
l’homme, connus aujourd’hui sous le nom de ✓ Le mécanisme peut-il concourir à l’éla-
Principes de Paris. boration des rapports de l’État aux
organes de l’ONU et aux organismes
La Convention, au paragraphe 2 de l’ar-
régionaux tels que le Comité des droits
ticle 33, exige que les États parties tiennent
des personnes handicapées ou la Confé-
compte de ces principes lors de la désigna-
rence des États parties, et exprimer son
tion ou de la création des mécanismes de
opinion à ce sujet?
promotion, de protection et de suivi de l’ap-
plication de ses dispositions. Au regard de la ✓ Le mécanisme peut-il contribuer à la for-
Convention, les Principes de Paris soulèvent mulation de programmes d’éducation
les questions suivantes. aux droits des personnes handicapées?
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
112 GUIDE DE FORMATION

✓ Le mécanisme peut-il mieux faire Méthodes


connaître les droits des personnes han-
dicapées et la Convention, y compris en ✓ Le mécanisme peut-il examiner librement
combattant toutes les formes de discrimi- toute question entrant dans ses compé-
nation fondées sur le handicap? tences?

✓ Le mécanisme peut-il entendre toute per-


Composition et garanties
sonne et obtenir tous renseignements
d’indépendance et de pluralisme
nécessaires pour établir les faits dans les
✓ La composition du mécanisme est-elle situations relevant de ses compétences?
pluraliste? Compte-t-il, en particulier, des
spécialistes des divers types de handi- ✓ Le mécanisme peut-il s’adresser à l’opi-
cap? nion, y compris en rendant publiques
ses avis et ses recommandations?
✓ La composition du mécanisme tient-elle
compte et/ou est-elle l’expression: de la ✓ Le mécanisme peut-il se réunir périodi-
société civile, des courants de la pensée quement?
philosophique ou religieuse, du monde
universitaire et de la communauté des ✓ Le mécanisme peut-il créer des groupes
spécialistes, du parlement? de travail et mettre en place des sections
locales ou régionales?
✓ Même si ce n’est pas une obligation,
le mécanisme comprend-il des repré- ✓ Le mécanisme peut-il se concerter avec
sentants de services administratifs qu’il d’autres organismes chargés de pro-
associe à ses délibérations à titre consul- mouvoir et de défendre les droits de
tatif? l’homme?

✓ Le mécanisme dispose-t-il de pouvoirs ✓ Le mécanisme peut-il établir et maintenir


suffisants pour permettre une coopéra- des relations avec les personnes handi-
tion efficace avec les organisations non capées et avec les organisations qui les
gouvernementales, notamment celles représentent?
qui représentent les personnes handica-
pées? Principes additionnels concernant
le statut de commissions ayant une
✓ Le mécanisme est-il financé de manière
compétence quasi juridictionnelle
à disposer de son propre personnel et
de ses propres locaux, si bien que les Il est possible d’autoriser un mécanisme
pouvoirs publics ne peuvent exercer
à examiner les plaintes et les requêtes indi-
une tutelle financière de nature à porter
viduelles dont les auteurs invoquent, par
atteinte à son indépendance?
exemple, une violation des droits d’une
✓ La composition du mécanisme est-elle personne handicapée. En pareil cas, la
fixée par un texte officiel qui énonce compétence de ce mécanisme devrait repo-
la durée précise du mandat de ses ser sur quatre principes, c’est-à-dire qu’il
membres? devrait:
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI 113

✓ Rechercher une solution amiable par la ✓ D’assurer des aménagements raison-


conciliation; nables au bénéfice de certains membres
du personnel du mécanisme;
✓ Informer les requérants de leurs droits et
des voies de recours dont ils disposent; ✓ D’appliquer des mesures d’accessibi-
lité telles que l’interprétation dans la
✓ Prendre connaissance des plaintes et langue des signes pendant les auditions
des requêtes et les transmettre aux auto- publiques.
rités compétentes;

✓ Adresser des recommandations aux E. Fonctions du dispositif


autorités compétentes. national de suivi
Pour que les Principes de Paris s’ap- Le dispositif indépendant est supposé
pliquent pleinement au dispositif national de promouvoir, protéger et suivre l’application
l’article 33, il faut que l’accès à la justice soit de la Convention. L’image 10 du diaporama
assuré. À cet égard, l’article 13 exige que informatisé donne quelques exemples de
les États parties: fonctions visant à promouvoir et protéger les
droits des personnes handicapées et à en
• Assurent l’accès effectif des personnes surveiller le respect.
handicapées à la justice, sur la base de
l’égalité avec les autres, y compris par le
biais d’aménagements procéduraux et
F. Participation et association
d’aménagements en fonction de l’âge; de la société civile et des
personnes handicapées
• Favorisent une formation appropriée des
personnels concourant à l’administration Par le paragraphe 3 de l’article 4, les
de la justice, y compris les personnels de États parties s’engagent à consulter étroite-
police et les personnels pénitentiaires. ment les personnes handicapées et les orga-
nisations qui les représentent et à les faire
En ce qui concerne l’accessibilité et activement participer à l’élaboration et la
l’aménagement, il s’agira par exemple: mise en œuvre des lois et politiques adop-
✓ D’assurer l’accès au bâtiment où le tées aux fins de l’application de la Conven-
mécanisme est installé; tion et à toutes décisions relatives aux droits
de ces personnes.
✓ De diffuser les rapports, les documents
d’information, les recommandations, Le paragraphe 3 de l’article 33 exige
les matériels de formation, etc. sous des que la société civile – en particulier les
formes accessibles; personnes handicapées et les organisations
qui les représentent – soit associée et parti-
✓ D’assurer l’accès au site web du méca- cipe pleinement à la fonction de suivi.
nisme;
Cela signifie à tout le moins que les
✓ D’adopter des programmes d’action structures nationales créées en vertu de l’ar-
positive pour promouvoir l’emploi de ticle 33 devraient s’employer à associer et à
personnes handicapées; faire participer à leur activité les personnes
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
114 GUIDE DE FORMATION

handicapées et les organisations qui les Bien d’autres domaines se prêtent à la consul-
représentent. Aucune indication n’est donnée tation des personnes handicapées et de leurs
quant aux modalités possibles ou souhai- organisations et à leur participation active
tables de cette participation. Le formateur à l’application et au suivi de la Convention.
pourrait inviter les participants à débattre de L’activité collective permettra sans doute d’en
ces modalités, dont voici quelques exemples: mettre en évidence.

✓ La présence de ces personnes/organisa-


tions au sein du dispositif, des points de G. Parlements
contact et des mécanismes de coordina-
En plus des instruments spécifiques de
tion nationaux;
suivi instaurés par la Convention, le parle-
✓ La consultation des organisations repré- ment, par son rôle de supervision, contribue
sentatives lors de l’élaboration des lois grandement à garantir le respect des droits
portant création des divers mécanismes de l’homme des personnes handicapées.
et des règlements d’application; Voici quelques-uns des principaux méca-
nismes parlementaires dont il est possible de
✓ La consultation des organisations repré- tirer parti.
sentatives à propos de la nomination
des principales personnalités; Les commissions parlementaires
✓ La consultation des organisations repré- Les commissions parlementaires super-
sentatives lors de l’élaboration des plans visent l’exécutif. Pour pouvoir jouer efficace-
de travail annuels;
ment leur rôle, elles doivent pouvoir arrêter
✓ L’organisation périodique, à l’intention leur propre ordre du jour et être en mesure
des personnes handicapées et des orga- de contraindre les ministres et les hauts fonc-
nisations qui les représentent, de réu- tionnaires à comparaître devant elles pour
nions consacrées à l’activité des méca- répondre aux questions qui peuvent leur être
nismes nationaux; posées. Elles peuvent interroger ministres
et fonctionnaires sur la mise en place des
✓ La constitution d’un groupe consultatif com- dispositifs nationaux ou sur tout autre sujet
prenant les organisations représentatives; touchant à l’application de la Convention et
à son suivi.
✓ La production sous des formes acces-
sibles de rapports, de recommandations
Les commissions d’enquête
et d’autres documents relatifs au suivi;
Une commission d’enquête est créée
✓ Des équipements, des biens et des ser-
lorsque se pose une question d’intérêt public
vices ouverts aux personnes handica-
dont certains aspects dépassent le cadre
pées grâce à l’application de normes
rigoureuses d’accessibilité; du mandat d’une commission parlemen-
taire. Ce peut être le cas de certaines viola-
✓ La prise en compte de la diversité des tions des droits des personnes handicapées
handicaps dans les activités destinées – institutionnalisation forcée, traitement forcé
à promouvoir la consultation et la ou exclusion systématique de l’enseignement
participation; ordinaire, par exemple.
MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI 115

L’interpellation directe des ministres nismes dont les activités peuvent avoir une
incidence directe sur les droits des personnes
L’interpellation directe des ministres est handicapées.
possible dans les pays où ils sont membres du
parlement. Les questions peuvent être posées Le contrôle budgétaire et financier
oralement ou par écrit et mettent le gouver-
nement dans l’obligation de s’expliquer. Le parlement exerce une influence consi-
Les personnes handicapées, les organisa- dérable sur les politiques publiques aux
tions qui les représentent ou les mécanismes stades tant de la préparation du budget que
indépendants prévus à l’article 33 peuvent de l’engagement des dépenses, puisque
prendre contact avec des parlementaires c’est lui qui tient les cordons de la bourse. Au
locaux ou avec des membres de commis- cours du processus budgétaire, il peut étudier
sions parlementaires qui se préoccupent des et contrôler l’impact du budget proposé sur
droits de l’homme en vue de l’interpellation différents groupes sociaux, comme celui des
des ministres chargés de l’application de la personnes handicapées.
Convention.
H. Juridictions nationales
Le contrôle des nominations
par l’exécutif Les tribunaux nationaux peuvent eux
aussi jouer un grand rôle dans l’application
Autre mécanisme de supervision particu- et le suivi de la Convention.
lièrement utile dans les pays où les ministres
ne sont pas membres du parlement: l’exa- ✓ Les tribunaux nationaux contribuent
men minutieux des nominations aux postes à protéger les droits consacrés par la
de haut rang. Dans le cas de la nomination Convention. Si les personnes handica-
de médiateurs, de commissaires aux droits pées qui s’estiment victimes d’une viola-
de l’homme et de membres du conseil des tion de leurs droits doivent pouvoir avoir
ministres, il est tout à fait indiqué que le accès aux institutions de défense des
parlement cherche à s’enquérir des connais- droits de l’homme et aux autres méca-
nismes visés à l’article 33, elles doivent
sances de l’intéressé et de ses positions sur
aussi pouvoir obtenir une décision exé-
les questions relatives au handicap.
cutoire d’un tribunal.

La supervision d’organismes publics ✓ Les tribunaux nationaux contribuent à


non gouvernementaux l’interprétation et à l’application natio-
nales de la Convention. Les affaires
Le parlement supervise également l’ac-
dont ils sont saisis sont la pierre de
tion d’organismes indépendants auxquels le
touche de l’application de la Conven-
gouvernement confie des fonctions publiques
tion à l’échelle nationale. Les décisions
– par exemple, un travail de réglementation qu’ils rendent contribuent à élucider la
ou la prestation de services de première signification des normes internationales
ligne. Il s’agit notamment d’organes char- dans le contexte national.
gés de réguler les secteurs de la santé et de
la sécurité, de prestataires de services, de ✓ Leur action est complémentaire de celle
services d’utilité publique et d’autres orga- des mécanismes de l’article 33. Si, en
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
116 GUIDE DE FORMATION

particulier, une affaire est particulière- rable n’offre pas seulement réparation
ment importante ou complexe, le méca- au plaignant; elle déclenche souvent une
nisme national peut saisir les tribunaux réforme législative et une clarification
nationaux pour qu’elle soit étudiée à fond de la loi. De plus, elle peut contribuer à
et fasse l’objet d’une décision exécutoire. mieux faire connaître les droits des per-
sonnes handicapées et la Convention, et
La jurisprudence nationale:
éviter ainsi la répétition de violations du
✓ Permet de réfléchir aux domaines où des même ordre.
progrès dans la réalisation des droits
Le formateur peut envisager de recher-
des personnes handicapées ont été
cher dans la jurisprudence les décisions
enregistrés, et à ceux où des problèmes
rendues dans des affaires concernant les
continuent de se poser (en particulier
personnes handicapées. Il peut exposer briè-
lorsqu’un même grief s’exprime dans
vement l’affaire puis encourager les partici-
plusieurs affaires);
pants à débattre des différentes manières dont
✓ Renforce le respect des droits des per- le pouvoir judiciaire a pu affermir et protéger
sonnes handicapées. Une décision favo- les droits des personnes handicapées.
MODULE 7 – L’ÉTABLISSEMENT DES RAPPORTS
AU COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES
HANDICAPÉES: LE RAPPORT DE L’ÉTAT
ET LES RAPPORTS ALTERNATIFS

Introduction handicapées, lequel reçoit et examine les


rapports des États et des autres parties
L’objet du présent module est de donner prenantes. Il est institué par l’article 34. Il
aux États, à la société civile et aux institutions s’agit d’un organe conventionnel formé de
nationales de défense des droits de l’homme 18 experts indépendants siégeant à titre
des précisions sur l’établissement des rapports personnel. Ce sont des personnalités élues
au Comité des droits des personnes handi- par les États parties à la Convention lors des
capées. Conformément à l’article 35 de la réunions de la Conférence des États parties,
Convention, chaque État partie doit présen- qui possèdent notamment:
ter un rapport initial dans les deux années qui
suivent l’entrée en vigueur de la Convention • Une haute autorité morale;
pour lui, puis des rapports complémentaires • Une compétence et une notoriété recon-
au moins tous les quatre ans, et tous autres nues dans le domaine sur lequel porte la
rapports demandés par le Comité. La société Convention.
civile et l’institution nationale de défense des
droits de l’homme ont un rôle décisif à jouer Lors de l’élection de ces experts, les États
dans ce processus en fournissant des infor- parties devraient tenir compte d’une série de
mations qui complètent celles communiquées principes énoncés à l’article 34, à savoir:
par l’État partie. Le présent module traite du
• Une répartition géographique équitable;
contenu du rapport de l’État et des rapports
alternatifs, de l’élaboration des rapports, de • La représentation des différentes formes
leur présentation au Comité, et des suites de civilisation;
à apporter aux observations finales et aux
• La représentation des principaux sys-
recommandations du Comité.
tèmes juridiques;

A. Les rapports des États • Une représentation équilibrée des sexes;

• La participation d’experts handicapés.


1. Le Comité des droits des personnes
handicapées Le dernier critère – celui de la parti-
cipation d’experts handicapés – est une
Avant de s’intéresser aux rapports, il innovation de la Convention attestant que
importe de bien comprendre la nature et les personnes handicapées sont fréquem-
le rôle du Comité des droits des personnes ment exclues la prise des décisions qui les
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
118 GUIDE DE FORMATION

concernent. Dans le même esprit, les États • Organise des journées de débat général
parties sont invités à tenir dûment compte, sur différents thèmes. Il a déjà consacré
lorsqu’ils désignent leurs candidats, de la des journées de débat à la capacité juri-
disposition énoncée au paragraphe 3 de dique et à l’accessibilité, et une demi-
l’article 4. Celle-ci prescrit aux États parties journée aux femmes et aux filles handi-
de consulter étroitement et de faire active- capées;
ment participer les personnes handicapées
• Adopte des observations générales. Une
– enfants compris – et les organisations qui
observation générale est une déclara-
les représentent à l’adoption des décisions
tion faisant autorité sur certains thèmes
qui les concernent (et en particulier à celles
ou articles de la Convention, qui peut
qui ont trait aux lois et aux politiques). Si
aider les États parties à élaborer leurs
la disposition à ce sujet est formulée dans
rapports au Comité en précisant ce que
des termes relativement peu contraignants signifient telles ou telles dispositions. Le
– puisque les États sont seulement invités à Comité envisage actuellement de rédi-
tenir compte du paragraphe 3 de l’article 4 ger, à la suite des journées de débat qu’il
lors de la désignation de leurs candidats – elle a eues sur ces sujets, des observations
n’en indique pas moins que la désignation générales sur l’accessibilité, la capacité
des candidats ne devrait pas être laissée à juridique, et les filles et les femmes han-
la seule appréciation des gouvernements, et dicapées.
que d’autres sphères de la société ont un rôle
à jouer dans la composition du Comité et des Enfin, le Comité a des pouvoirs concer-
raisons de s’y intéresser. nant sa propre administration. Ainsi:

Les experts du Comité sont élus pour un • Il élit son/sa président(e), adopte ses
mandat de quatre ans, renouvelable une fois. méthodes de travail et son règlement
intérieur, etc.;
La principale mission du Comité est de
• Il procède à des échanges de vues avec
recevoir des rapports détaillés de chaque
des représentants de la société civile,
État partie à la Convention (voir plus loin).
des institutions nationales des droits de
De plus, en vertu du Protocole facultatif, l’homme et des organismes des Nations
le Comité a compétence pour: Unies sur des questions relatives à l’ap-
plication et au suivi de la Convention;
• Recevoir des communications (plaintes)
• Il se concerte avec d’autres organes
et formuler des recommandations à leur
conventionnels pour renforcer le dispo-
sujet (voir le module 8);
sitif qu’ils forment et harmoniser leurs
• Effectuer une enquête dans un pays méthodes de travail.
lorsqu’il est informé par des renseigne-
ments crédibles de violations graves ou 2. L’obligation des États de présenter
systématiques de la Convention (voir le des rapports
module 8).
Aux termes du paragraphe 1 de
Le Comité mène aussi des travaux théma- l’article 35, «Chaque État Partie présente
tiques. Il: au Comité, par l’entremise du Secrétaire
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 119

général de l’Organisation des Nations • Se préparer à rendre compte, dans le


Unies, un rapport détaillé sur les mesures cycle suivant, des défis rencontrés depuis
qu’il a prises pour s’acquitter de ses obliga- le dernier dialogue avec le Comité et de
tions en vertu de la présente Convention et l’application des recommandations de
sur les progrès accomplis à cet égard, dans celui-ci.
un délai de deux ans à compter de l’entrée
en vigueur de la présente Convention pour Le fait que les États parties sont invités
l’État Partie intéressé.». à établir leurs rapports selon une procédure
ouverte et transparente, en tenant compte des
Après le rapport initial, l’État partie dispositions du paragraphe 3 de l’article 4,
doit présenter un rapport tous les quatre ans peut constituer une importante différence par
au moins, et chaque fois que le Comité en rapport aux normes des autres instruments.
fait la demande. Les rapports qui suivent le Comme nous l’avons déjà indiqué, cet article
rapport initial sont souvent dits périodiques. prescrit aux États parties de consulter étroi-
La disposition selon laquelle le Comité peut tement et de faire activement participer les
demander des rapports à tout moment a été personnes handicapées – y compris les
ajoutée pour permettre à celui-ci de réagir à enfants – et les organisations qui les repré-
des situations particulières qui requièrent son sentent à l’adoption des décisions qui les
attention en-dehors du cycle quadriennal. concernent (et en particulier à celles qui ont
trait aux lois et aux politiques). S’agissant
3. Le cycle d’établissement des rapports de l’élaboration du rapport, les États – nous
l’avons déjà dit – sont seulement invités à tenir
Le cycle d’établissement des rapports est
dûment compte de cette prescription. Mais
celui que prévoient tous les instruments des
cela indique une fois encore que ce proces-
droits de l’homme. L’important est de se souve-
sus d’élaboration (et à vrai dire toute l’acti-
nir qu’il s’agit d’un cycle. L’établissement du
vité du cycle d’établissement des rapports)
rapport n’est pas, ou en tout cas ne devrait
ne devrait pas être uniquement l’affaire des
pas être, un événement ponctuel mais un
pouvoirs publics; il est légitime que d’autres
processus en plusieurs étapes, consistant à:
sphères de la société s’y intéressent.
• Rédiger le rapport à la faveur de consul-
tations menées à l’intérieur de l’adminis- 4. Les documents à établir
tration et entre elle et des partenaires
tels que la société civile et les institutions L’État doit établir principalement deux
de défense des droits de l’homme, et le documents:
présenter;
• Conformément aux directives harmo-
• Préparer et apporter les réponses à la nisées concernant l’établissement des
liste des points à traiter; rapports destinés aux organes conven-
tionnels, le document de base commun
• Participer à la réunion du Comité et
devrait contenir des données générales
avoir avec lui un dialogue constructif sur
sur l’État faisant rapport, exposer le
la mise en œuvre;
cadre général de la protection et de
• Donner suite aux vues et recommanda- la promotion des droits de l’homme, et
tions du Comité; fournir des données ventilées selon le
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
120 GUIDE DE FORMATION

sexe, l’âge, les principaux groupes de • Désignation d’un groupe responsable


population et le handicap, ainsi que des de l’élaboration: normalement, le point
informations sur la non-discrimination et de contact ou le mécanisme institués en
l’égalité et les recours utiles13; application de l’article 33 de la Conven-
tion auront un rôle à jouer dans l’éta-
• Le document spécifique à la Conven-
blissement du rapport. Dès le début de
tion soumis au Comité des droits des
l’élaboration de ce dernier, le point de
personnes handicapées ne devrait pas
contact et/ou le mécanisme de coordi-
reproduire les informations figurant dans
nation devraient recenser les ministères
le document de base commun ni simple-
et les services qui contribuent à l’appli-
ment énumérer ou décrire les textes légis-
cation de la Convention, car ils doivent
latifs adoptés par l’État partie. Il devrait
être associés au travail à accomplir.
au contraire contenir des informations
Compte tenu de l’importance de la par-
spécifiques sur la mise en œuvre, en
ticipation de la société civile, il est utile
droit et en fait, des articles 1er à 33 de
aussi de faire intervenir certains de ses
la Convention, avec des données ana-
représentants. Le groupe responsable de
lytiques qui éclairent l’évolution récente
l’établissement du rapport peut consti-
de la législation et de la pratique ayant
tuer un petit groupe de rédaction et le
des incidences sur le plein exercice des
charger d’établir un avant-projet;
droits reconnus dans la Convention par
toutes les personnes handicapées qui • Examen initial des questions clés: le
vivent sur le territoire ou sous la juridic- groupe responsable de l’élaboration
tion de l’État partie, quel que soit le type devrait examiner la Convention et des
de leur handicap. Ce document devrait documents tels que lois et politiques
en outre contenir des données détail- ainsi que toutes études réalisées, afin de
lées sur les mesures de fond prises pour dresser la liste des questions à aborder
atteindre les objectifs précités de même dans le rapport;
que sur les progrès ainsi accomplis. Les
• Analyse juridique et collecte de don-
informations devraient, le cas échéant,
nées: les rédacteurs devraient avant tout
être mises en perspective avec les poli-
examiner les lois, politiques et stratégies
tiques et la législation concernant les
afin de déterminer dans quelle mesure
personnes non handicapées. Dans tous
elles sont conformes à la Convention.
les cas, il faudrait indiquer les sources
Des études, rapports d’enquêtes, sta-
des données.
tistiques et autres documents devraient
être rassemblés pour étayer l’analyse
5. La méthodologie
juridique à l’aide de données factuelles
Il n’y a pas à strictement parler de et de chiffres révélateurs de la situation
méthode particulière que les États devraient des personnes handicapées au moment
adopter pour l’établissement de leurs considéré;
rapports. Il pourrait cependant leur être utile • Analyse et élaboration du projet de rap-
de procéder comme suit: port: un avant-projet peut être élaboré
13
Pour de plus amples renseignements, voir le document sur la base de l’analyse juridique et
HRI/GEN/2/Rev.5, chap. I. des données recueillies. Ces données
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 121

ne devraient pas être simplement repro- • Si l’État partie a adopté des politiques,
duites; elles devraient être analysées au des stratégies et un cadre juridique
regard des dispositions de la Convention national pour la réalisation de chaque
afin de montrer jusqu’à quel point celles- droit proclamé par la Convention, en
ci sont appliquées et de faire apparaître identifiant les ressources disponibles à
les défis à relever; cet effet et les modalités d’utilisation de
ces ressources qui présentent le meilleur
• Consultation au sein de l’administration
rapport coût-efficacité;
et mise au point du rapport: le projet de
rapport devrait être distribué au groupe • Si l’État partie a adopté une législa-
élargi pour vérifier qu’il traduit la posi- tion complète contre la discrimination à
tion de tous les représentants concernés l’égard des personnes handicapées afin
de l’administration. Celle-ci devrait éga- de donner effet aux dispositions perti-
lement envisager de communiquer le nentes de la Convention;
projet à la société civile afin de respec-
ter les dispositions de l’article 33, qui • Si des mécanismes en place permettent
prescrit la participation des personnes de suivre les progrès accomplis sur la
handicapées au suivi de l’application de voie de la pleine réalisation des droits
la Convention. Le projet pourrait égale- énoncés dans la Convention, notam-
ment être mis à la disposition de l’institu- ment si des indicateurs et des critères
tion nationale de défense des droits de connexes nationaux concernant chaque
l’homme ou du dispositif indépendant droit consacré par la Convention ont été
institué en vertu de l’article 33. adoptés, en complément des informa-
tions fournies conformément à l’appen-
6. Contenu: les directives relatives dice 3 des directives harmonisées et
à l’établissement des rapports14 compte tenu du cadre et des tableaux
d’indicateurs illustratifs établis par le
Pour conseiller les États parties sur la Haut-Commissariat des Nations Unies
forme et le contenu à donner à leurs rapports, aux droits de l’homme (HCDH)15;
le Comité a émis des directives destinées à
en faciliter l’élaboration, à en assurer l’ex- • Si des mécanismes en place permettent
haustivité et à permettre une présentation de veiller à ce que les obligations
uniforme. Si les directives sont respectées, il incombant à l’État partie en vertu de la
sera d’autant moins nécessaire au Comité de Convention soient pleinement intégrées
demander des renseignements complémen- dans ses actions en tant que membre
taires en vertu de l’article 36 de la Conven- d’organisations internationales;
tion ou du paragraphe 3 de l’article 36 de
• Si chaque droit énoncé dans la Conven-
son Règlement intérieur.
tion est transcrit et directement appli-
Pour ce qui est des droits énoncés dans cable dans l’ordre juridique interne, des
la Convention, le document spécifique à 15
Pour de plus amples renseignements, voir le document
l’instrument devrait indiquer: HRI/MC/2008/3 et Indicateurs des droits de l’homme:
Guide pour mesurer et mettre en œuvre (Publication des
14
CRPD/C/2/3. Nations Unies, n° de vente 13.XIV.2).
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
122 GUIDE DE FORMATION

exemples précis d’affaires judiciaires 1. Articles 1er à 4


pertinentes étant cités à l’appui;
2. Dispositions spécifiques:
• De quels recours, judiciaires ou autres,
disposent les victimes pour obtenir répa- a) Égalité et non-discrimination
ration quand des droits que leur recon-
b) Sensibilisation
naît la Convention ont été violés;

• Les obstacles structurels ou les autres c) Accessibilité


grands obstacles imputables à des fac-
d) Droit à la vie
teurs échappant au contrôle de l’État
partie qui entravent la pleine réalisation e) Situations de risque et crises humanitaires
des droits énoncés dans la Convention,
en fournissant en outre des détails sur les f) Reconnaissance de la personnalité juri-
mesures prises pour les surmonter; dique dans des conditions d’égalité

• Des données statistiques sur l’exer- g) Accès à la justice


cice de chaque droit énoncé dans la
Convention, des données ventilées par h) Liberté et sécurité de la personne
sexe, âge, type de handicap (physique,
i) Droit de ne pas être soumis à la torture
sensoriel, intellectuel ou mental), origine
ethnique, population urbaine/rurale et j) Droit de ne pas être soumis à l’exploita-
autres catégories pertinentes, portant sur tion, à la violence et à la maltraitance
les quatre dernières années, à des fins
de comparaison. k) Protection de l’intégrité de la personne

Le document spécifique à l’instrument l) Droit de circuler librement et nationalité


devrait être remis sur support électronique
accessible et sur papier. m) Vie autonome et inclusion dans la société

Le rapport devrait s’inspirer des para- n) Mobilité personnelle


graphes 24 à 26 et 29 des directives harmo-
o) Liberté d’expression
nisées.
p) Respect de la vie privée
Le format de ce document spécifique à
l’instrument devrait être en conformité avec q) Respect du domicile et de la famille
les paragraphes 19 à 23 des directives
harmonisées. Le rapport initial ne devrait pas r) Éducation
dépasser 60 pages et les documents ultérieurs
s) Santé
spécifiques à l’instrument devraient se limiter
à 40 pages. Les paragraphes devraient être t) Adaptation et réadaptation
numérotés en continu.
u) Travail et emploi
Il ressort des directives qu’il serait souhai-
table de donner au rapport la structure géné- v) Niveau de vie adéquat et protection
rale suivante: sociale
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 123

w) Participation à la vie politique et à la vie mesures prises. L’exemple est intéressant à


publique deux titres au moins:

x) Participation à la vie culturelle • Tout d’abord, l’État partie prend la peine


d’aborder chacun des points soulevés
3. Situation spécifique des garçons, des
dans les directives;
filles et des femmes handicapés
• Ensuite, les informations fournies ne
4. Obligations spécifiques paraissent pas répondre aux questions
du Comité. Ainsi, la réponse sur le pre-
a) Statistiques et collecte de données
mier point – indiquer la législation et les
b) Coopération internationale mesures tendant à garantir l’exercice
des droits politiques – signale unique-
c) Dispositif national d’application et de ment l’existence d’un dispositif législa-
suivi tif, sans mentionner expressément les
personnes ayant un handicap mental
Les directives du Comité énoncent les
ou intellectuel; elle ne précise pas non
éléments que les États parties devraient four-
plus si la loi garantit effectivement aux
nir à propos de chaque disposition.
personnes handicapées la jouissance
Le rapport initial du Pérou (CRPD/C/ des droits politiques. Elle se contente de
PER/1), dont un extrait est reproduit citer l’existence d’un dispositif législatif
ci-dessous, constitue un bon exemple, car qui facilite le vote des personnes han-
l’État partie a traité chacun des points énon- dicapées (ce qui n’est pas exactement
cés dans les directives du Comité. S’agis- la même chose). Tout cela illustre l’im-
sant de l’article 29, par exemple, le tableau portance du dialogue constructif avec
ci-après indique, dans la colonne de gauche, le Comité, qui permet de lever ce genre
les directives, et dans celle de droite, les d’ambiguïtés.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
124 GUIDE DE FORMATION

23. Article 29: Participation à la vie politique et à la vie publique


81. Cet article garantit la jouissance des droits politiques aux personnes handicapées.

Indications à donner Progrès réalisés

La législation et les mesures tendant à Depuis décembre 2009, date de l’adoption


garantir aux personnes handicapées, par le Congrès de la République de la loi
en particulier à celles présentant une n° 29478, le Bureau électoral national
déficience mentale ou intellectuelle, les dispose du cadre juridique nécessaire pour
droits politiques, en signalant, le cas accorder aux personnes handicapées des
échéant, les limitations existantes et les facilités afin qu’elles puissent voter.
mesures prises pour y remédier

Les mesures prises pour permettre à toutes La carte nationale d’identité est l’unique
les personnes handicapées d’exercer leur titre exigé pour voter. Son utilisation est
droit de vote, seules ou en se faisant aider obligatoire pour tous les citoyens et le Registre
par une personne de leur choix national de l’état civil a adopté un décret
en vertu duquel la carte nationale d’identité
est délivrée gracieusement aux personnes
handicapées, après accréditation.

Les mesures prises pour assurer la pleine En vertu de la loi n° 29478, le Bureau
accessibilité des procédures, locaux et électoral national tient un registre des
matériels électoraux personnes handicapées, qui peut être consulté
sur la page web de cette institution, en vue
de faciliter l’accès au vote, notamment de la
manière suivante: a) élaboration de cartes
d’électeur en braille pour les aveugles;
b) installation de tables de vote au rez-de-
chaussée des bureaux de vote; c) transfert
temporaire des tables de vote situées aux
étages supérieurs afin d’éviter aux personnes
handicapées d’avoir à monter des escaliers;
d) signalisation des bureaux de vote pour
orienter les personnes handicapées et
diffusion des mesures adoptées pour faciliter
l’accès aux bureaux de vote.

Les indicateurs mis en place pour détermi- Entre 2004 et 2007, 10 758 personnes
ner si les personnes handicapées exercent handicapées ont exercé leur droit de vote.
pleinement leur droit de participer à la
vie politique et à la vie publique • Au total, entre 2003 et le 5 mars 2010,
67 729 cartes nationales d’identité ont
été gratuitement délivrées à des per-
sonnes handicapées, dont 38 805 à des
adultes et 28 924 à des mineurs.
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 125

Indications à donner Progrès réalisés

Le soutien apporté, le cas échéant, aux Depuis 2001, le Conseil national pour
personnes handicapées pour la création l’intégration des personnes handicapées
et la gestion d’organisations de défense (CONADIS) tient un registre d’associations,
de leurs droits et intérêts aux niveaux d’ONG et de syndicats qui œuvrent en faveur
local, régional et national des personnes handicapées et s’occupent
de leurs problèmes; dans plusieurs de ces
organisations, ce sont des parents ou des
membres de la famille qui siègent au conseil
d’administration. À ce jour, 310 institutions
sont inscrites au Registre national, ce qui
leur permet de conclure des accords, de
bénéficier de la coopération internationale
et de favoriser l’insertion sociale de leurs
membres.

7. La liste des points à traiter à traiter. Dans son rapport initial, la Tuni-
sie avait donné des renseignements sur
Une fois que le Comité a reçu le rapport les droits des enfants handicapés, mais ils
de l’État partie, celui de ses membres qui est étaient centrés principalement sur la santé et
rapporteur pour ce pays l’étudie, et le Comité l’éducation. Elle n’avait pas donné d’infor-
décide, avec le concours du rapporteur, s’il y mations sur la protection des enfants contre
manque des informations. Le Comité adresse la violence et l’exploitation. Le Comité en a
ensuite à l’État partie une liste des points à donc sollicité. Dans sa réponse (CRPD/C/
traiter afin qu’il complète les renseignements TUN/Q/1/Add.1), la Tunisie a indiqué ce
contenus dans le rapport. En règle générale, qui suit:
les États parties répondent à cette liste par écrit,
avant le dialogue constructif avec le Comité.
16. Des associations ont demandé
La liste des points à traiter est normale- que des efforts accrus soient déployés
ment arrêtée par le Comité à la session qui dans les domaines législatif, adminis-
précède le dialogue constructif avec l’État tratif, social, éducatif, culturel et autres
partie. Cela laisse à ce dernier le temps de pour prévenir de telles pratiques.
réagir. Cela laisse également au Comité le
temps de réfléchir aux renseignements supplé- 17. Nous souhaiterions signaler
mentaires communiqués par le pays et de à ce sujet que le Code de la protec-
décider s’il dispose désormais de suffisam- tion de l’enfant, promulgué par la loi
ment d’informations sur tel ou tel sujet, ou n° 92 du 9 novembre 1995, garantit
s’il faut reprendre la question au cours du aux enfants en général et aux enfants
dialogue constructif. handicapés en particulier le droit de
ne pas être soumis à différentes formes
Le rapport de la Tunisie illustre le fonc-
d’exploitation, de violence ou de
tionnement du système de la liste des points
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
126 GUIDE DE FORMATION

maltraitance. En application du Code, enfant ou sa sécurité sont menacées ou


l’exploitation sexuelle ou économique lorsqu’il y a un risque d’exploitation
et la maltraitance habituelle d’enfants économique.
sont considérées comme des situations
difficiles qui requièrent une interven- 21. Signe de l’importance de ce
tion rapide tant des agents de protec- dispositif pour la protection des enfants
tion de l’enfance que des juges de en danger, les personnes tenues au
la famille pour protéger les enfants. secret professionnel, bien qu’elles ne
soient pas dans l’obligation de signa-
Délégués à la protection de l’enfance ler les situations à risque, bénéficient,
si elles le font, d’une impunité qui
18. Les délégués à la protection de les protège dès lors qu’elles ont agi
l’enfance sont des experts des ques- de bonne foi, et cela même si l’infor-
tions sociales qui interviennent chaque mation donnée se révèle inexacte.
fois que la santé physique ou mentale
ou la sécurité d’un enfant est compro- Juges de la famille
mise en raison de l’environnement dans
lequel il vit ou parce qu’il est exposé 22. Dans les affaires où un enfant
à différentes formes de maltraitance ou handicapé risque d’être victime d’exploi-
d’exploitation. tation, de violence ou de maltraitance, les
juges de la famille sont tenus de prendre
19. Le corps des délégués à la la décision voulue pour le soustraire à la
protection de l’enfance est un des situation difficile dans laquelle il se trouve,
principaux dispositifs de protection eu égard à son intérêt supérieur, que tous
sociale des enfants en danger; il les tribunaux, les autorités administratives
existe un délégué par province, et et les institutions publiques ou privées de
davantage si nécessaire pour assurer protection de l’enfance doivent prendre
une intervention rapide et efficace, en considération dans toute initiative
et empêcher que du tort soit fait aux concernant un enfant.
enfants.
23. Lorsque c’est la famille de l’en-
20. Compte tenu de l’importance fant qui est à l’origine de la violence,
des mécanismes de signalement pour de l’exploitation ou de la maltraitance,
le renforcement du rôle de la société le juge de la famille peut décider de le
dans la protection des enfants contre sortir du milieu familial et de le placer
différentes formes de violence, de dans une famille d’accueil, une institu-
maltraitance et d’exploitation, le Code tion sociale ou éducative spécialisée,
de la protection de l’enfant dispose que ou un centre de formation ou d’ensei-
toutes les situations difficiles doivent gnement. Il peut aussi ordonner qu’un
être signalées à un délégué à la protec- enfant qui a subi des traumatismes
tion de l’enfance, en particulier lorsque physiques ou psychologiques pour
la santé physique ou mentale d’un avoir été victime de l’exploitation, de
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 127

des observations finales et des recommanda-


violences ou de maltraitance reçoive un tions à l’adresse de l’État partie.
traitement médical qui assure sa réin-
sertion sociale. Le Comité tient actuellement deux
sessions par an, qui comportent chacune de
24. L’enfant victime de violences nombreuses questions à l’ordre du jour. À
criminelles se trouve dans une situa- compter du début de 2014, il y aura au total
tion difficile qui appelle l’interven- cinq semaines de séances plénières et deux
tion d’un juge de la famille; celui-ci a semaines de réunions de groupes de travail
alors pour mission de rechercher les de présession. La première journée s’ouvre
causes profondes de cette situation et ordinairement par des allocutions inaugu-
rales prononcées par le/la président(e)
les conditions dans lesquelles l’enfant
et un représentant du Haut-Commissariat
a subi ces violences.
des Nations Unies aux droits de l’homme
(HCDH). Viennent ensuite des débats en
Il est intéressant de constater que l’État séance plénière, auxquels participent les
partie donne des informations sur son dispo- représentants d’institutions et d’organismes
sitif de protection de l’enfance en général, des Nations Unies tels que l’Organisation
mais peu de renseignements sur la protection mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation
des enfants handicapés eux-mêmes. Si ce internationale du Travail (OIT) et le Fonds
dispositif doit bien entendu s’appliquer aux des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF),
enfants handicapés, il existe toute une série de ainsi que du HCDH, puis des représentants
raisons pour lesquelles les lois et les politiques de la société civile. Le Comité peut égale-
devraient traiter spécifiquement de la protec- ment se réunir en séance privée pour prépa-
tion des enfants handicapés. Pour ne citer rer le dialogue avec un État partie.
qu’un exemple, les adultes peuvent éprouver
Le Comité s’entretient ensuite avec l’État
des difficultés à communiquer avec des enfants
partie. Le dialogue est divisé en deux séances
qui sont sourds, ce qui peut à son tour exposer de trois heures, qui se tiennent deux jours
plus particulièrement ces enfants à la violence différents. La première étape en est la présen-
et à la maltraitance parce qu’ils ne sont pas en tation par l’État partie, suivie d’un exposé
mesure de chercher à se faire protéger. liminaire du rapporteur du Comité pour le
pays considéré. Après quoi les membres du
Si l’État partie n’a pas pleinement
Comité prennent la parole pour faire part
répondu à la question du Comité, il lui a de leurs réflexions au sujet du rapport de
tout de même fait connaître l’existence d’un l’État partie et poser des questions supplé-
dispositif de protection de l’enfance, ce qui a mentaires. Le dialogue se poursuit en trois
permis au Comité de poser des questions plus phases, avec une série de questions posées
précises pendant sa session et, ainsi, d’utiliser par les membres du Comité, suivie des
au mieux le temps limité dont il dispose. réponses de l’État partie. À plusieurs reprises
au cours de la journée, les représentants de
8. La session du Comité l’État partie reçoivent le temps de répondre.
Ensuite, le Comité se réunit en séance privée
L’État partie se présente ensuite devant pour débattre de ses observations finales et
le Comité pour nouer avec lui un dialogue recommandations, ce qui demande égale-
constructif, à l’issue duquel le Comité formule ment un certain temps.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
128 GUIDE DE FORMATION

En plus des dialogues constructifs qu’il


grappes à indicateurs multiples (MICS
a avec les États parties, le Comité étudie
2006), dont il ressortait que 94 % des
les communications qui lui sont présentées
enfants âgés de 2 à 14 ans étaient
au titre du Protocole facultatif, ainsi que
soumis chez eux à des méthodes de
des questions qui requièrent son attention,
discipline violentes, qu’il s’agisse de
comme son rapport à l’Assemblée géné-
violence verbale ou physique ou de
rale (selon les sessions), le renforcement des
privations.
organes conventionnels, ses méthodes de
travail, la rédaction d’observations géné- 17. Le Comité recommande à l’État
rales ou la préparation des futures journées partie:
de débat général.
a) D’évaluer l’ampleur du phéno-
Les observations finales sont conçues mène de la violence à l’encontre
sur le même modèle que celles des autres des garçons et des filles handica-
organes conventionnels. A l’exposé des pés et de réunir systématiquement
aspects positifs de la mise en œuvre par des données ventilées (voir plus
l’État partie succède l’énoncé des «facteurs loin, par. 39) en vue de mieux le
et difficultés entravant la mise en œuvre de combattre;
la Convention» et des «principaux sujets de
préoccupation et recommandations». Ces b) De veiller à ce que les établisse-
derniers sont exprimés sous la forme d’ob- ments qui prennent en charge des
servations suivies de recommandations et enfants handicapés soient dotés
adoptent la même structure que le rapport, à de personnel ayant reçu une for-
savoir articles 1er à 4, droits spécifiques, et mation spécialisée conforme aux
obligations spécifiques. normes en vigueur et à ce que
ces établissements fassent l’objet
L’exemple déjà cité de la Tunisie permet d’une surveillance et d’une évalua-
de remarquer que les préoccupations du tion régulières, et d’instaurer des
Comité semblaient persister au stade de la mécanismes de plainte accessibles
liste des points à traiter et que les réponses aux enfants;
de l’État partie n’avaient pas suffi à les dissi-
per. Dans ses observations finales (CRPD/C/ c) D’instaurer des mécanismes de
TUN/CO/1), le Comité indiquait ce qui suit: suivi indépendants;

d) De prendre des mesures pour rem-


Enfants handicapés (art. 7) placer la prise en charge institution-
nelle des garçons et des filles han-
dicapés par une prise en charge
16. Le Comité juge particulièrement
communautaire de ces enfants.
préoccupant le faible taux de signale-
ment des cas de maltraitance habituelle
d’enfants, y compris d’enfants hand- 9. Le suivi
icapés, qui peuvent être en situation
Une fois adoptées, les observations
de danger, compte tenu des résultats
finales sont presque immédiatement placées
obtenus dans le cadre de l’enquête en
sur le site web du Haut-Commissariat des
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 129

Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) ✓ Demander si nécessaire l’appui de


(www.ohchr.org). l’équipe de pays des Nations Unies
pour la mise en œuvre.
Cependant, l’État partie a un rôle clé
à jouer dans le suivi. Aux termes du para- Depuis avril 2012, le Comité a mis au
graphe 4 de l’article 36 de la Convention: point une procédure de suivi. Il choisit deux
ou trois recommandations – celles dont l’ap-
Les États Parties mettent largement leurs
plication lui paraît être de la plus importante
rapports à la disposition du public dans pour améliorer la situation des personnes
leur propre pays et facilitent l’accès du handicapées dans le pays – et demande à
public aux suggestions et recommanda- l’État partie de lui faire rapport dans les 12
tions d’ordre général auxquelles ils ont mois qui suivent sur les mesures prises pour
donné lieu. leur donner effet.

Les États devraient donc à tout le moins


10. L’utilité de l’établissement des rapports
rendre les observations finales publiques. Ils
devraient en outre chercher à donner suite Il importe de garder à l’esprit que l’éla-
aux recommandations, d’autant qu’ils auront boration du rapport n’est pas une activité
à rendre compte de leur application quatre ponctuelle ni une tâche qui doit être menée
ans plus tard. à bien uniquement pour remplir une obliga-
tion découlant de la Convention. Elle est une
Ayant ces responsabilités à l’esprit, l’État pièce maîtresse de toute l’application. Faire
pourrait: rapport au Comité est à la fois une fin en soi
et un moyen de renforcer la mise en œuvre.
✓ Publier un communiqué de presse consa-
L’établissement du rapport peut notamment
cré au dialogue et aux observations servir à:
finales;
✓ Faire le point de l’application à la date
✓ Tenir une conférence de presse portant considérée;
sur les observations finales;
✓ Identifier les points forts et les enjeux de
✓ Veiller à ce que le point de contact, le l’application;
mécanisme de coordination et le dis-
positif indépendant national reçoivent ✓ Rechercher l’aide d’experts internatio-
copie des observations finales; naux en vue de la mise en œuvre;

✓ Organiser une table ronde pour étudier ✓ Améliorer la collecte et l’analyse des
données relatives aux personnes handi-
les observations finales avec la société
capées;
civile et l’institution nationale de défense
des droits de l’homme; ✓ Améliorer la compréhension de la
Convention à la faveur de la rédaction
✓ Établir un plan de mise en œuvre des
du rapport;
recommandations assorti de délais et
précisant les noms des organismes res- ✓ Renforcer la coordination au sein de l’ad-
ponsables; ministration (la coordination nécessaire
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
130 GUIDE DE FORMATION

à l’établissement du rapport peut amé- civile et les institutions nationales des


liorer la coordination interne aux fins de droits de l’homme, lesquelles peuvent
la mise en œuvre); organiser une consultation des princi-
pales organisations ou faire circuler le
✓ Consolider le dialogue et les partena- projet de rapport pour examen. Certains
riats avec la société civile et les institu- pays reproduisent les vues exprimées par
tions nationales de défense des droits de la société civile en annexe au rapport.
l’homme en vue de la mise en œuvre; Même s’il n’existe aucune pratique de
ce genre, les organisations de la société
✓ Confronter l’expérience acquise dans
civile et les institutions nationales de
l’application de la Convention avec
défense des droits de l’homme peuvent
celle d’autres pays grâce à la diffusion
tenter de se faire entendre lors de l’éla-
du rapport national;
boration du rapport et de la détermina-
✓ Et… tion de son contenu, en prenant l’attache
des points de contact de la Convention
au sein de l’administration, ou du méca-
B. Les rapports alternatifs
nisme de coordination, s’il en existe un;

1. La contribution de la société civile/de • Préparer la liste des points à traiter


l’institution nationale de défense – Sur la base du rapport de l’État partie,
des droits de l’homme au cycle le Comité établira une liste de points à
d’établissement des rapports traiter afin que cet État se prépare au
dialogue constructif. L’État partie devrait
L’établissement du rapport au Comité également répondre à la liste des points
n’est pas une activité ponctuelle ou sans à traiter avant la session, car cela contri-
lendemain. C’est un processus, aux différents bue à centrer le débat. Les organisations
stades duquel les organisations de la société de la société civile peuvent fournir des
civile et les institutions nationales de défense informations au moment où l’État par-
des droits de l’homme peuvent apporter leur tie présente son rapport: cela influe sur
contribution. La participation des organisa- la liste des points à traiter qui est com-
tions représentatives des personnes handica- muniquée à cet État pour qu’il prépare
pées mérite une attention toute particulière, le dialogue constructif. Elles peuvent
compte tenu des dispositions des articles aussi apporter des réponses à la liste
35.4 et 4.3 de la Convention. Les différentes des points à traiter, permettant ainsi au
étapes où les organisations de la société Comité de disposer du volume d’infor-
civile et les institutions nationales de défense mations le plus vaste possible;
des droits de l’homme peuvent exercer une
influence sont les suivantes: • La session du Comité – Pendant la ses-
sion du Comité, les organisations de
• La rédaction du rapport de l’État partie la société civile et les institutions natio-
– L’État est responsable de l’élaboration nales de défense des droits de l’homme
du rapport initial et des rapports pério- peuvent prendre une part active aux
diques. Dans certains pays, il informe travaux. En règle générale, le Comité
de l’établissement du rapport la société entend celles qui ont des liens avec le
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 131

pays auteur du rapport à l’étude, afin de Le rapport alternatif ne prend pas néces-
prendre connaissance de leurs aspira- sairement le contre-pied du rapport de l’État
tions et de leurs sujets de préoccupation. partie; il apporte simplement des éléments
Des personnes peuvent également saisir complémentaires ou un éclairage différent sur
l’occasion de leur passage à Genève certaines questions traitées dans le rapport
pour s’entretenir avec des membres du national. Si, toutefois, celui-ci ne fournit pas
Comité de différentes questions d’appli- les renseignements les plus précis ou les plus
cation qui se posent à l’échelon national. récents, il peut les porter à la connaissance
Les organisations de la société civile et du Comité.
les institutions nationales de défense des
droits de l’homme peuvent aussi assister En apportant un complément d’informa-
au dialogue avec l’État partie. Cela peut tion, les rapports alternatifs ont pour objectif
les aider à mieux comprendre comment ultime de contribuer à assurer aux observa-
le Comité a conçu ses différentes obser- tions finales et aux recommandations la plus
vations finales, ce qui peut à son tour grande pertinence possible afin de faciliter
faciliter l’exercice ultérieur du suivi au la mise en œuvre future.
niveau national;
3. La structure du rapport
• Le suivi des observations finales – Même
si la responsabilité ultime de l’applica- Rien n’oblige à donner au rapport alter-
tion des observations finales incombe natif une structure plutôt qu’une autre; ses
aux pouvoirs publics, les organisations rédacteurs devraient cependant chercher
de la société civile et les institutions natio- à adopter une méthode qui aide le Comité
nales de défense des droits de l’homme à comprendre comment le rapport a été
ont une mission essentielle à remplir. établi et qui fasse ressortir aussi clairement
C’est ce que nous allons voir dans les que possible les questions que la société
paragraphes qui suivent. civile et les institutions de défense des droits
de l’homme veulent porter à l’attention du
2. Un rapport alternatif, pour quoi faire? Comité, ainsi que les solutions envisageables.

Les rapports alternatifs sont, pour la Voici une structure possible, qui s’inspire
société civile et les institutions nationales de en grande partie des directives du Comité
défense des droits de l’homme, un moyen pour l’établissement des rapports:
– dont l’importance ne doit pas être sous-
estimée – de faire entendre leur voix lors de 1. Résumé synoptique récapitulant l’essen-
l’établissement des rapports. Il n’y a pas à tiel des préoccupations, des progrès et
proprement parler de définition du rapport des recommandations;
alternatif, et il n’y a pas non plus de struc- 2. Table des matières;
ture à suivre rigoureusement. En règle géné-
rale, le rapport alternatif apporte au Comité 3. Méthode d’élaboration du rapport,
des renseignements complémentaires par y compris le mode de collecte des don-
rapport à ceux fournis par l’État partie, afin nées et la liste des organisations ayant
qu’il dispose d’une quantité d’informations contribué à l’établissement et à la mise
aussi ample que possible. au point finale du texte;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
132 GUIDE DE FORMATION

4. Analyse de la situation – politique, éco- élaborer le rapport alternatif, mais aussi


nomique, sociale, culturelle – de nature coopérer en vue de l’application des
à aider le Comité à mettre le rapport en recommandations du Comité;
perspective;
✓ Permet aux parties prenantes de com-
5. Questions clés: prendre les questions qui se posent dans
des domaines autres que le leur. Ainsi,
a) Articles 1er à 4: objet, définitions, une organisation qui s’occupe de la pres-
principes généraux et obligations tation de services aux personnes ayant
générales; un handicap physique sera informée des
b) Articles 5 à 30: droits spécifiques; préoccupations d’une organisation qui
défend les droits des détenus souffrant
c) Articles 6 et 7: garçons, filles et d’incapacités psychosociales. Ce travail
femmes handicapés; concerté permet de connaître l’activité
d’autres groupes de personnes handica-
d) Articles 31 à 33: obligations spé- pées et de définir des domaines d’acti-
cifiques relatives aux données et vité communs, tels que le plaidoyer;
aux statistiques, à la coopération
internationale et à l’application ✓ Permet aux groupes de tirer pleinement
ainsi qu’aux dispositifs de suivi au parti de l’ensemble de leurs connais-
niveau national; sances et de leur expertise. Ainsi, une
organisation spécialisée dans la protec-
6. Recommandations, aussi précises et tion des droits des personnes handica-
ciblées que possible. Elles n’ont pas pées à l’échelon national pourrait créer
besoin d’être nombreuses. un partenariat avec une organisation de
défense des droits de l’homme en géné-
4. La méthodologie: former une coalition ral, qui aurait une grande expérience de
en vue de l’établissement l’établissement de rapports à l’intention
d’un rapport alternatif des organes conventionnels. En unis-
sant leurs efforts, les deux organisations
Même si ce n’est pas une obligation,
peuvent contribuer à l’efficacité du pro-
il peut être utile de former une coalition de
cessus et donner au rapport alternatif
parties prenantes nationales pour l’élabo-
toute son utilité;
ration du rapport alternatif. Cela facilite la
tâche du Comité en lui offrant, dans un seul Voici quelques exemples de questions à
document, une vue d’ensemble des diffé- se poser lors de la formation d’une coalition:
rentes préoccupations de la société civile
à travers tout le pays. De plus, former une ✓ Tous les types de handicap sont-ils repré-
coalition pour la rédaction du rapport: sentés?

✓ Facilite la constitution d’alliances de ✓ La coalition donne-t-elle une image aussi


parties prenantes de la société civile fidèle que possible de la diversité de la
qui peuvent travailler à d’autres ques- société – hommes et femmes, enfants,
tions. Les organisations de la coalition personnes âgées, minorités raciales et
peuvent, par exemple, non seulement ethniques, personnes autochtones, etc.?
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 133

✓ La coalition connaît-elle suffisamment Dans leur rapport les États parties


bien le système des rapports aux organes devraient indiquer:
conventionnels?
• Si les personnes handicapées peuvent
✓ La coalition est-elle en mesure de se utiliser la loi pour protéger ou défendre
concerter avec le groupe le plus large leurs intérêts sur la base de l’égalité avec
possible? les autres personnes;

• Les mesures utiles prises pour garantir


5. Le contenu: les droits spécifiques aux personnes handicapées une protec-
tion juridique égale et efficace contre
Il est souhaitable que le rapport alterna- toutes les formes de discrimination, y
tif suive les directives du Comité pour l’éta- compris en apportant des aménage-
blissement des rapports. Si tel est le cas, il ments raisonnables;
est conforme à la pratique du Comité – et
harmonisé avec le rapport de l’État partie • Les politiques et programmes, y compris
dès lors que celui-ci a respecté les directives des mesures d’action positive, tendant à
pour la rédaction de son rapport. Ainsi que assurer l’égalité de facto aux personnes
cela a déjà été signalé, le Comité a groupé handicapées, en tenant compte de leur
comme suit les droits et obligations décou- diversité.
lant de la Convention: En réponse à ces questions, l’Espagne a
fourni les renseignements suivants dans son
• Définitions, principes généraux et obli-
rapport initial (CRPD/C/ESP/1, par. 15 et
gations générales;
16, c’est nous qui soulignons):
• Droits spécifiques;

• Droits de femmes, des garçons et des 15. L’article 5 de la Convention


filles handicapés; correspond tout à fait dans l’ordre juri-
dique espagnol à la Constitution espa-
• Obligations spécifiques, à savoir don-
gnole de 1978 et à la loi (n° 51/2003)
nées et statistiques, coopération interna-
relative à l’égalité des chances, à la
tionale et dispositifs d’application et de
non-discrimination et à l’accessibilité
suivi au niveau national.
universelle pour les handicapés citée
Les directives pour l’établissement des ci-dessus, dont le chapitre II traite de
rapports contiennent également une liste l’égalité des chances. Concrètement,
des questions à traiter à propos des diverses cette loi envisage l’atteinte au droit à
dispositions regroupées sous ces rubriques. l’égalité des chances (définie à l’ar-
Ainsi, les directives relatives à l’article 5, ticle premier) et établit deux types de
égalité et non-discrimination, se lisent comme mesures que doivent mettre en pratique
suit: les pouvoirs publics pour l’éviter: la lutte
contre la discrimination et les mesures
Cet article reconnaît que toutes les volontaires de correction. En son
personnes sont égales devant la loi et article 10, elle charge le Gouvernement
ont droit sans discrimination à l’égale de fixer les conditions fondamentales
protection et à l’égal bénéfice de la loi.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
134 GUIDE DE FORMATION

Le rapport alternatif offre au Comité une


de l’accessibilité et de la non-discri- réponse plus développée à ses questions,
mination dans toute une série de ainsi que des informations complémentaires.
domaines. Néanmoins, avec l’en- Il signale que:
trée en vigueur de la Convention, on
procède à la révision de la législation • La protection offerte par la législation
et il y a déjà un projet de modifica- espagnole contre la discrimination n’est
tion des articles 10 et 18 de la loi pas conforme à la Convention car elle
(n° 14/1986) générale relative à la ne s’applique qu’aux personnes pour-
santé, qui vise à inclure dans celle-ci vues d’un certificat indiquant un taux
le handicap parmi les motifs de discri- d’incapacité de plus de 33 pour cent
mination dont nul ne peut être l’objet. (mais le gouvernement a exprimé son
intention d’abroger cette disposition);
16. L’entrée en vigueur de la loi rela-
tive à l’égalité des chances, à la non- • La protection administrative et juridique
discrimination et à l’accessibilité univer- contre la discrimination n’est pas effi-
selle pour les personnes handicapées et cace. Il existe bien des mécanismes de
de ses règlements d’application, d’une contrôle et un système de sanctions, mais
part, et des dispositifs de contrôle et ils se heurtent à deux obstacles:
de sanction, d’autre part, constitue le
fondement qui rend possibles et garan- ❍ Il n’y a aucune donnée attestant que
tit l’égalité et la non-discrimination et le système de répression des infrac-
dote le système d’une protection effec- tions est appliqué, si bien qu’on ne
tive contre toute discrimination. La régle- connaît pas son efficacité. Les 10
mentation spéciale et l’élaboration de plaintes déposées sont restées sans
plans et de programmes d’action dans suite;
les divers domaines incombent aux
❍ Les procédures sont longues (11 à
ministères, qui n’ont plus qu’à s’adap-
26 mois), de sorte que le préjudice
ter aux nouvelles dispositions.
peut devenir irréparable.

En résumé: 6. Les recommandations

Il est important que les rapports alter-


• La législation espagnole assure le plein
natifs proposent au Comité des initiatives
respect de l’article 5;
à prendre – des questions qu’il pourrait
• Certaines lois, telle la loi générale relative poser aux représentants de l’État partie, par
à la santé, demandent cependant à être exemple. Ils peuvent également proposer
révisées à la lumière de la Convention; des recommandations à faire figurer dans
les observations finales. L’important est de
• La législation, les dispositifs de contrôle ne pas perdre de vue que les recommanda-
et les sanctions imposées en cas de vio- tions devraient être aussi claires et ciblées
lation de la loi forment un régime qui que possible, de manière que l’État partie
garantit efficacement l’égalité et la non- puisse les appliquer et rendre compte de leur
discrimination. mise en œuvre dans le rapport périodique
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 135

suivant. Des recommandations vagues ou


générales peuvent être déroutantes et rester administrative du handicap. À cet
lettre morte ou recevoir une application pure- égard,le Comité espagnol de repré-
ment formelle. sentants des personnes handicapées
[CERMI] a déjà fait valoir que certains
Les recommandations devraient notam- groupes particulièrement vulnérables
ment: dont la loi ne s’occupe pas (les
personnes ayant une intelligence limi-
✓ Être claires; tée, par exemple) devraient bénéficier
✓ Ne préconiser chacune qu’une mesure; d’une reconnaissance administrative,
et il est nécessaire que l’État identifie
✓ Préciser qui doit les mettre en œuvre; les situations de grande vulnérabilité
✓ Dans la mesure du possible, se prêter à et adopte les mesures requises pour
la quantification; élargir la protection des droits des
personnes en situation de handicap
✓ Lorsqu’il y a lieu, préciser le délai d’ap- conformément à la [Convention].
plication;

✓ Se rapporter à un enjeu particulier de la


mise en œuvre; Au sujet de l’affirmation que les méca-
✓ N’être ni vagues ni générales; nismes de supervision et de sanction ne sont
pas complètement efficaces, le rapport alter-
Toujours à propos de l’article 5, le natif recommande:
rapport alternatif espagnol formule deux
séries de recommandations.
• De faire figurer des indicateurs de
Ayant affirmé que certaines personnes
l’efficacité des systèmes de protec-
handicapées sont exclues de la protection
tion telle qu’elle ressort des suites
contre la discrimination, il propose que l’at-
disciplinaires et judiciaires appor-
tention se porte non pas sur les taux d’inca-
tées aux cas de violation;
pacité mais sur la vulnérabilité:
• S’agissant de la protection judi-
Il importe, non seulement d’étendre ciaire des droits fondamentaux,
la protection contre la discrimination principalement dans le domaine
comme le veut la Convention, mais du contentieux administratif et en
aussi de prendre en considération la matière civile, d’accélérer les pro-
situation des personnes qui, tout en cédures ou de mettre en place des
ayant un handicap permanent et des mesures de protection immédiates
difficultés manifestes à faire recon- (par voie d’ordonnance ou d’une
naître et à exercer leurs droits (notam- procédure analogue);
ment leurs droits au travail et à l’éduca-
tion, qui sont deux exemples flagrants • De faire en sorte que le système
sans être les seuls), ne remplissent d’infractions et de sanctions ins-
pas les critères de la définition tauré par la loi relative à l’égalité
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
136 GUIDE DE FORMATION

7. Collecte et analyse des données


des chances, à la non-discrimina-
tion et à l’accessibilité universelle Plusieurs sources de données peuvent
pour les personnes handicapées être utiles pour l’élaboration du rapport alter-
(LIONDAU) soit étendu au niveau natif:
régional et prenne véritablement
effet; ✓ Lois et politiques. Comme le rapport de
l’État partie, le rapport alternatif devrait
• De promouvoir le système d’arbi- fournir au Comité des renseignements
trage prévu par la LIONDAU;
sur le contexte juridique et politique
• D’étendre le bénéfice de la gra- considéré dans ses rapports avec l’appli-
tuité de la justice, sans aucune cation de la Convention. Il faut pour cela
restriction financière, à toutes faire le point de la législation et analyser
les demandes de protection d’un les lacunes. On pourra utilement s’inspi-
droit fondamental qui a été violé rer de la publication sur l’étude de la
en raison du handicap. législation que le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme
Ces recommandations sont utiles, mais (HCDC) fera paraître prochainement,
elles ne remplissent pas toutes les critères et qui se propose d’aider à analyser le
suggérés plus haut. Prenons par exemple degré de conformité de la législation
celle qui préconise nationale à la Convention;

De faire figurer des indicateurs de l’effi- ✓ Étude des sources secondaires. Les orga-
cacité des systèmes de protection telle nisations de la société civile n’ont ni le
qu’elle ressort des suites disciplinaires et temps ni les ressources nécessaires pour
judiciaires apportées aux cas de violation.
collecter des données nouvelles. Pour
D’une manière générale, cette recom- surmonter cette difficulté, elles peuvent
mandation est utile: notamment exploiter des sources secon-
daires fiables telles que:
✓ Elle est claire;
Les rapports de l’institut national de sta-
✓ Elle appelle une quantification;
tistique – résultats des recensements ou
✓ Elle se rapporte à un enjeu de la mise rapports spéciaux, par exemple;
en œuvre;
Les données émanant des ministères de
✓ Elle n’est ni vague ni générale.
l’éducation, de la santé, de la justice,
Elle se trouverait améliorée: des affaires sociales ou des transports;

• Si elle précisait quelle institution publique Les rapports des organismes des Nations
devrait être chargée d’élaborer les indi- Unies et de la Banque mondiale, qui
cateurs;
peuvent contenir des renseignements
• Si elle fixait une échéance pour la mise sur les personnes handicapées ou même
au point des indicateurs. leur être spécialement consacrés;
MODULE 7 — L’ÉTABLLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES 137

Le cas échéant, les rapports de recherche ✓ Au moment de la présentation du rap-


des institutions nationales de défense port de l’État partie. Compte tenu cepen-
des droits de l’homme; dant des délais requis pour l’examen des
rapports des États parties par le Comité,
Les résultats des travaux de recherche cette méthode pourrait contraindre les
et des enquêtes réalisés par le monde auteurs à actualiser le rapport alternatif
universitaire à propos des droits des per- avant le dialogue constructif;
sonnes handicapées;
✓ Avant la session du Comité qui précède
✓ Informations relatives aux plaintes l’examen du rapport de l’État partie. Si,
(contentieux judiciaires, plaintes au par exemple, le rapport de l’État partie
médiateur, etc.). Elles peuvent indiquer doit être étudié à la dixième session, le
si les particuliers ont recours aux méca- rapport alternatif devrait parvenir au
nismes existants et si ces derniers sont secrétariat du Comité avant la neuvième
utiles. L’analyse des plaintes peut égale- session pour pouvoir influer sur la liste
ment faire apparaître ceux des aspects des points à traiter;
de la mise en œuvre qui sont source de
difficultés récurrentes; ✓ Avant la session elle-même. Dans ce
cas, le rapport alternatif parvient encore
✓ Travaux de recherche des organisations à temps pour influer sur le dialogue
de la société civile elles-mêmes. Ces constructif avec l’État partie, tout en
organisations peuvent parfois entre- étant parfaitement d’actualité.
prendre elles-mêmes des recherches en
vue de l’élaboration du rapport alterna- Le rapport doit être envoyé au Haut-
tif. Des méthodes telles que les enquêtes Commissariat des Nations Unies aux droits
sur les ménages peuvent fournir des de l’homme, secrétariat du Comité des droits
données quantitatives, tandis que des des personnes handicapées, à l’adresse
entretiens avec les principaux experts électronique suivante: crpd@ohchr.org.
et avec des groupes représentatifs de la Les organisations de la société civile
diversité des handicaps peuvent appor- peuvent aussi envisager d’assister:
ter d’importantes informations quali-
tatives de nature à enrichir le rapport ✓ Soit à la session du Comité qui précède
– par exemple en montrant comment se le dialogue constructif avec l’État par-
pose concrètement, pour une personne tie. L’International Disability Alliance
handicapée, la question du respect de organise à l’intention des membres du
ses droits de l’homme dans le contexte Comité, à l’heure du déjeuner, un débat
national. ouvert au public sur les questions qui ont
trait à l’État partie dont le rapport sera
8. Présentation du rapport au Comité examiné à la session suivante;

Les auteurs devraient présenter leur ✓ Soit à la session où a lieu le dialogue


rapport alternatif au Comité à temps pour constructif. Le Comité réserve alors du
que celui-ci puisse l’examiner dans son inté- temps pour s’entretenir avec les orga-
gralité. Ils peuvent le faire: nisations de la société civile et les
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
138 GUIDE DE FORMATION

institutions nationales de défense des ✓ Rencontrer des parlementaires pour


droits de l’homme avant le dialogue appeler leur attention sur celles des
constructif afin de connaître leurs vues. recommandations qui requièrent une
Ces réunions se tiennent ordinairement réforme législative et une révision des
politiques;
à huis clos.
✓ Rencontrer l’équipe de pays des Nations
9. Suivi de la session du Comité Unies pour encourager les organismes
des Nations Unies à plaider en faveur
Isolément ou en partenariat avec les de l’application des observations finales
autorités, les organisations de la société et à prendre les recommandations du
civile peuvent donner suite aux observations Comité en compte dans la programma-
finales et aux recommandations du Comité tion;
de nombreuses manières. Elles peuvent, par
✓ Organiser une conférence nationale
exemple:
pour faire mieux connaître les observa-
✓ Publier un communiqué de presse pour tions finales;
diffuser les observations finales et les
✓ Organiser des ateliers sur certaines
recommandations; questions;

✓ Pérenniser la coalition constituée pour la ✓ Recenser les recommandations que la


rédaction du rapport alternatif et organi- société civile pourrait contribuer à mettre
ser des réunions afin de définir la straté- en œuvre;
gie à suivre pour faire avancer l’applica-
✓ Suivre l’application des recommanda-
tion des observations finales;
tions dans le temps pour éviter que les
✓ Rencontrer des fonctionnaires des minis- efforts se relâchent;
tères compétents pour s’assurer de la ✓ Rendre compte de la mise en œuvre au
mise au point d’un plan de travail en Comité ainsi qu’à d’autres organes inter-
vue de l’application des observations nationaux, dans le cadre par exemple
finales; de l’examen périodique universel.
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF

Introduction principes d’une répartition géographique


équitable, de la représentation des diffé-
Le présent module expose les aspects rentes formes de civilisation et des principaux
fondamentaux des deux procédures insti- systèmes juridiques, de la représentation
tuées par le Protocole facultatif se rappor- équilibrée des sexes et de la participation
tant à la Convention relative aux droits d’experts handicapés. Chaque expert siège
des personnes handicapées, à savoir les
à titre personnel: il ne représente ni l’État qui
communications et les enquêtes. Il détaille
a soumis sa candidature ni ceux qui l’ont élu.
les étapes de chacune de ces procédures et
Il est indépendant16. Pour que son indépen-
analyse certains des avantages du Protocole
dance soit assurée, il ne participe ni à l’exa-
facultatif pour le renforcement des droits des
men des rapports de son pays ni au dialogue
personnes handicapées.
constructif avec lui.

A. Le Comité des droits des


B. Les responsabilités du
personnes handicapées
Comité qui découlent
La Convention crée, à l’article 34, le de la Convention
Comité des droits des personnes handica-
pées. C’est un organe international formé Lorsqu’ils deviennent parties à la
d’experts indépendants et investi de plusieurs Convention, les États s’engagent à présenter
fonctions, dont les membres sont élus au au Comité des rapports périodiques sur les
cours des réunions de la Conférence des États mesures qu’ils ont prises pour lui donner effet
parties, lesquelles se tiennent à New York. À (art. 35). Ils présentent leur rapport initial
la différence des conférences des États parties dans les deux années qui suivent l’entrée
à d’autres instruments des droits de l’homme, en vigueur de la Convention pour eux. Les
celle des États parties à la Convention débat rapports ultérieurs sont présentés une fois
aussi de questions de fond relatives à la mise tous les quatre ans au moins et chaque fois
en œuvre de la Convention. que le Comité en fait la demande.

Les États parties élisent les experts au Le Comité engage un dialogue constructif
scrutin secret parmi les candidats présentés avec les États parties et émet des observations
par eux. Ils tiennent compte, lors de l’élec- finales et des recommandations destinées à
tion, des compétences et de l’expérience 16
Pour de plus amples renseignements sur le Comité et sur
des experts dans le domaine des droits les fonctions qui lui sont dévolues par la Convention, voir
de l’homme et du handicap, ainsi que des le module 7.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
140 GUIDE DE FORMATION

améliorer et à renforcer la mise en œuvre de C. Les responsabilités


la Convention. D’autres parties prenantes, du Comité qui découlent
comme les institutions nationales de défense du Protocole facultatif
des droits de l’homme et les organisations de
la société civile, peuvent également prendre Le Protocole facultatif est un instrument
part à ce dialogue. C’est ainsi que les orga- juridique international distinct, rattaché à la
nisations de personnes handicapées peuvent Convention des droits des personnes handi-
capées. Il a été adopté en même temps
présenter au Comité des rapports alternatifs.
qu’elle, le 13 décembre 2006. Il fait l’objet
Ces rapports peuvent être extrêmement utiles
d’une ratification ou d’une adhésion sépa-
car ils expriment les vues de la société civile
rées. Pour devenir partie au Protocole facul-
sur la mise en œuvre, offrant ainsi au Comité
tatif, un État doit déjà être partie à la Conven-
un tableau plus complet de la situation
tion. Il est permis de formuler des réserves
concernant l’application de la Convention.
au Protocole facultatif du moment qu’elles ne
sont pas incompatibles avec l’objet et le but
Le Comité peut aussi tenir des journées
de la Convention et du Protocole.
de débat général, ouvertes au public, au
cours desquelles il échange des vues sur des Le Protocole est facultatif en ce que les
questions d’ensemble liées à la Convention. États ne sont pas tenus de le ratifier lorsqu’ils
Il a déjà consacré des journées de débat ratifient la Convention. Toutefois, le droit à un
général à la capacité juridique et à l’accessi- recours ou à une réparation est fondamental
bilité, et une demi-journée aux femmes et aux pour la pleine jouissance de tous les droits,
filles handicapées. comme le reconnaissent, par exemple, le
Pacte international relatif aux droits civils et
Le Comité diffuse également des obser- politiques et la Convention relative aux droits
vations générales relatives à certaines dispo- des personnes handicapées. Cela vaut pour
sitions de la Convention ou à certaines les personnes handicapées comme pour
questions. Ce sont des déclarations faisant toutes les autres. Les organes conventionnels
autorité, qui clarifient des questions soule- recommandent toujours la ratification des
vées par l’application de la Convention. Les protocoles facultatifs afin d’assurer la pleine
observations d’autres organes convention- protection des droits.
nels se sont révélées particulièrement impor-
En devenant parties au Protocole facul-
tantes, offrant des orientations succinctes
tatif, les États reconnaissent que le Comité
pour la mise en œuvre de dispositions spéci-
a compétence pour recevoir les plaintes de
fiques de l’instrument considéré. Ainsi, les
particuliers (appelées communications) qui
observations générales du Comité des droits invoquent une violation de l’une quelconque
économiques, sociaux et culturels ont exercé des dispositions de la Convention. Le Proto-
une importante influence à l’échelon natio- cole facultatif (art. 6) offre également au
nal, précisant les dispositions du Pacte, qui Comité la possibilité de faire une enquête s’il
sont très générales. Les tribunaux de plusieurs reçoit des renseignements crédibles indiquant
pays de différents continents se sont reportés des violations graves ou systématiques de la
à ces observations générales pour appliquer Convention sur le territoire d’un État partie.
le Pacte à des cas individuels. Les États peuvent, au moment où ils signent ou
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 141

ratifient le Protocole facultatif, déclarer qu’ils application dépend de la volonté poli-


ne reconnaissent pas au Comité compétence tique de l’État partie et des pressions
pour mener des enquêtes (art. 8). qui s’exercent sur les différents acteurs à
l’échelon national. Le Comité ne peut les
D. Informations contraindre à exécuter.
fondamentales sur Fait intéressant, le Comité reçoit de
la procédure des nombreuses communications. La plupart
communications d’entre elles, cependant, ne peuvent être
enregistrées, car elles ne remplissent pas
La procédure énoncée dans le Proto-
les conditions fondamentales de recevabilité
cole facultatif à propos des communications
(nombre de communications, par exemple,
individuelles est semblable à celle qu’ins-
mettent en cause les États-Unis, qui ne sont
tituent les autres instruments des droits de
partie ni à la Convention ni à son Protocole
l’homme. Elle permet à des particuliers et
facultatif).
à des groupes de particuliers qui s’estiment
victimes d’une violation de l’une quelconque
des dispositions de la Convention de porter E. La procédure des
leurs griefs à l’attention du Comité. Afin communications: de la
d’éviter les malentendus, il n’est pas inutile plainte à la résolution
de donner d’emblée quelques informations
La procédure est la suivante:
fondamentales sur ce qu’est le Protocole et
sur ce qu’il n’est pas. • S’ils estiment que les droits que leur
reconnaît la Convention ont été vio-
L’examen des communications est ce
lés par un État partie, les particuliers
qu’il est convenu d’appeler une procédure
peuvent s’adresser au Comité. Ils font
quasi judiciaire. Il ressemble à bien des
parvenir leur plainte au Groupe des
égards à l’examen judiciaire des plaintes,
requêtes du Haut-Commissariat des
mais présente aussi d’importantes diffé-
Nations Unies aux droits de l’homme,
rences avec lui:
CH-1211 Genève 10, par courrier élec-
• La procédure est écrite et, à la différence tronique à l’adresse petitions@ohchr.org
de ce qui se passe devant un tribunal, ou par télécopie (en cas d’urgence) au
il n’y a pas d’audiences. Les parties ne numéro +41 22 917 90 22;
sont pas représentées devant le Comité
• La communication est enregistrée. Elle
par des avocats; elles n’ont pas non plus
doit pour cela remplir les conditions fon-
besoin d’être présentes. Tout se passe
damentales de recevabilité c’est-à-dire,
par correspondance;
notamment, indiquer le nom de l’État
• Les membres du Comité sont des experts partie au Protocole facultatif. Dans le cas
indépendants, et non des juges; contraire, elle n’est pas enregistrée et le
Groupe des requêtes peut demander un
• Le Comité formule au sujet des commu-
complément d’informations à l’auteur;
nications des avis et des recommanda-
tions qui, contrairement aux décisions • Toute communication enregistrée est por-
de justice, ne sont pas exécutoires. Leur tée à l’attention de l’État partie concerné;
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
142 GUIDE DE FORMATION

• L’État partie peut soumettre par écrit au • Si le Comité constate une violation, il
Comité, dans un délai de six mois, des suit les mesures prises par l’État, par
explications éclaircissant la question et exemple dans le cadre de l’examen des
indiquant les mesures qu’il pourrait avoir rapports périodiques futurs.
prises pour remédier à la situation;
Le Comité a adopté à ce jour des
• Le Comité transmet à chacune des par- constatations sur trois communications:
ties les informations fournies par l’autre, H. M. c. Suède (communication n° 3/2011),
et donne à chacune d’elles la possibilité Szilvia Nyusti et Péter Takács c. Hongrie
de formuler dans un certain délai ses (communication n° 1/2010) et Zsolt Bujdosó
observations au sujet de l’argumentation et cinq autres ressortissant hongrois
développée par l’autre partie; c. Hongrie (communication n° 4/2011)17.

• Le Comité peut, s’il y a lieu, prescrire


l’adoption de mesures conservatoires H. M. c. Suède
destinées à éviter qu’un dommage irré- (communication n° 3/2011)
parable soit causé au particulier ou au
groupe de particuliers concernés. Cela 1. Les faits
ne signifie pas, cependant, qu’il consi-
L’auteur, que son handicap a fini par
dère la communication comme recevable
contraindre à rester alitée, ne pouvait pas
ou comme fondée. Il pourrait prescrire
quitter son domicile pour être transportée
des mesures conservatoires puis décider
à l’hôpital ou dans un centre de réadapta-
que la communication est irrecevable et
tion car son handicap la rendait trop vulné-
ne prendre aucune autre initiative;
rable. Le seul traitement qui pouvait arrêter
• Le Comité étudie la recevabilité de la la progression de la maladie était une hydro-
communication; thérapie que l’auteur, dans sa situation, ne
pouvait suivre que dans une piscine inté-
• Si la communication est recevable, le
rieure, à son domicile. L’auteur avait donc
Comité l’examine au fond. Cela signifie
demandé un permis pour la construction
qu’il détermine s’il y a eu ou non viola-
d’une extension de sa maison sur le terrain
tion de la Convention. Si la communica-
qui lui appartenait et dont une partie se
tion est irrecevable, les parties en sont
trouvait dans une zone inconstructible. Sa
informées et la procédure est close;
demande avait été rejetée à tous les niveaux
• La recevabilité et le fond peuvent être de la justice administrative du pays au motif
examinés ensemble ou séparément; qu’elle allait à l’encontre de la réglementa-
tion et qu’il n’était pas possible d’autoriser
• Après avoir étudié la communication,
un écart même mineur par rapport au plan
le Comité fait connaître ses suggestions
détaillé et à la loi de l’État partie sur la plani-
et recommandations éventuelles à l’État
fication et la construction.
partie et à l’auteur de la communication;
17
En ce qui concerne la jurisprudence du Comité, voir
• Les vues du Comité sur la recevabilité et www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/Jurispru-
sur fond sont rendues publiques; dence.aspx (site consulté le 24 septembre 2013).
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 143

2. La requête suédoise répondait aux exigences de ceux


de ces articles qui pouvaient être pertinents
L’auteur affirmait être victime d’une en l’espèce. L’État partie estimait donc que
violation par la Suède de ses droits au titre la communication devait être déclarée irre-
des articles 1er (objet), 2 (définitions), 3 (prin- cevable car dénuée de fondement, les griefs
cipes généraux), 4 (obligations générales), de l’auteur au titre de différents articles de
5 (égalité et non-discrimination), 9 (accessi- la Convention ne présentant pas le niveau
bilité), 10 (droit à la vie), 14 (liberté et sécu- minimum de justification requis.
rité de la personne), 19 (autonomie de vie
et inclusion dans la société), 20 (mobilité 4. La décision
personnelle), 25 (santé), 26 (adaptation et
réadaptation) et 28 (niveau de vie adéquat Le Comité a noté que l’auteur avait
et protection sociale) de la Convention rela- invoqué une violation des articles 9, 10,
tive aux droits des personnes handicapées. 14 et 20 de la Convention, sans cepen-
Elle estimait que les décisions des organes dant démontrer comment ces dispositions
administratifs et des tribunaux de l’État auraient pu être enfreintes. Il a donc consi-
partie étaient discriminatoires, car elles ne déré que ces griefs n’avaient pas été suffi-
tenaient pas compte de ses droits à l’éga- samment justifiés aux fins de la recevabilité,
lité des chances en matière de réadaptation et qu’ils étaient donc irrecevables en vertu de
et d’amélioration de son état de santé, la l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole faculta-
privant ainsi de son droit à une qualité de vie tif. Il a estimé que les allégations de l’auteur
adéquate. Elle demandait donc au Comité au titre des articles 3, 4, 5, 19, 25, 26 et 28
de déterminer si ses besoins en matière de de la Convention avaient été suffisamment
réadaptation et de soins liés à son handi- étayées pour être recevables et a entrepris
cap l’emportaient sur l’intérêt public tel qu’il leur examen au fond. Le Comité a relevé que
était protégé par le comité local du logement les informations dont il disposait montraient
et défini par la loi sur la planification et la que l’état de santé de l’auteur était critique et
construction. qu’une piscine d’hydrothérapie à son domi-
cile était essentielle et constituait un moyen
3. Les observations de l’État partie efficace − le seul efficace dans son cas − de
sur la recevabilité et sur le fond répondre à ses besoins en matière de santé.
Les modifications et les ajustements néces-
Selon l’État partie, la plainte de l’auteur saires requéraient donc une dérogation par
n’était pas étayée par le minimum de preuves rapport au plan d’occupation des sols afin
requis aux fins de la recevabilité, et devait d’autoriser la construction d’une piscine
être déclarée irrecevable conformément à d’hydrothérapie. Se référant aux définitions
l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole faculta- que la Convention donne de la «discri-
tif. L’État partie affirmait en outre que l’auteur mination fondée sur le handicap» et de
n’avait fait qu’invoquer un certain nombre l’«aménagement raisonnable», le Comité a
d’articles de la Convention sans indiquer en constaté que l’État partie n’avait pas indiqué
quoi les droits qui en découlaient avaient que cette dérogation imposerait une «charge
été violés; par conséquent, l’État partie disproportionnée ou indue», ce qui aurait pu
ne pouvait rien faire de plus qu’expliquer rendre la demande d’aménagement dérai-
en termes généraux en quoi la législation sonnable. S’agissant des articles 25 (santé)
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
144 GUIDE DE FORMATION

et 26 (adaptation et réadaptation), le Comité pouvaient pas utiliser les distributeurs auto-


a relevé qu’en rejetant la demande de permis matiques de billets d’OTP en toute autono-
de construire de l’auteur, l’État partie n’avait mie, car ces automates ne portaient pas
pas pris en compte les circonstances particu- d’inscriptions en braille, ne donnaient pas
lières et les besoins spécifiques de l’auteur d’instructions audio et n’offraient aucune
dus à son handicap. Le Comité était donc assistance vocale pour la réalisation d’opé-
d’avis que les décisions rendues par les auto- rations par carte bancaire. Des frais annuels
rités nationales, qui avaient refusé d’accor- liés aux services et aux transactions par carte
der une dérogation au plan d’occupation bancaire leur étaient facturés comme aux
des sols pour permettre la construction d’une autres clients. Or, à la différence des clients
piscine d’hydrothérapie, étaient dispropor- voyants, ils étaient dans l’incapacité d’utili-
tionnées et avaient eu un effet discrimina- ser les services des distributeurs et bénéfi-
toire qui avait nui à l’accès de l’auteur, en ciaient donc de services moindres pour des
tant que personne handicapée, aux soins de frais identiques. Les auteurs avaient saisi le
tribunal de première instance, qui avait jugé
santé et à l’aide à la réadaptation que son
que la conduite de la banque avait entraîné
état de santé exigeait.
une discrimination directe et que, ce faisant,
OTP avait porté atteinte au droit des auteurs
5. Les conclusions
à la dignité de leur personne et à l’égalité
Le Comité a estimé que l’État partie ne de traitement. Le tribunal avait précisé deux
s’était pas acquitté des obligations qui lui éléments qui étaient controversés. D’une
incombaient en vertu des paragraphes 1 et 3 part, il avait considéré que, lorsque les
services étaient fournis à un grand nombre
de l’article 5, de l’alinéa b) de l’article 19,
de clients, la loi sur l’égalité de traitement
et des articles 25 et 26 de la Convention,
s’appliquait à toutes les relations civiles, que
lus séparément et conjointement avec les
les parties à ces relations soient des opéra-
alinéas b), d) et e) de l’article 3, et avec
teurs du secteur public ou du secteur privé.
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 4.
D’autre part, il avait jugé que les propositions
Étant parvenu à cette conclusion, le Comité
de contrat faites avant l’entrée en vigueur de
n’a pas estimé nécessaire d’examiner les
la loi sur l’égalité de traitement étaient elles
griefs que l’auteur tirait de l’article 28 de la
aussi régies par les dispositions de la loi,
Convention. puisque le but de celle-ci était de rendre le
principe de non-discrimination applicable à
Szilvia Nyusti et Péter Takács toute relation à laquelle un grand nombre de
c. Hongrie (communication clients pourraient être parties prenantes. Il
n° 1/2010) avait ordonné d’aménager certains distribu-
teurs. Il avait en outre accordé aux auteurs
1. Les faits une réparation financière du préjudice, eu
égard au fait qu’OTP avait récemment acheté
Les auteurs étaient des personnes de nouveaux distributeurs qui n’étaient pas
malvoyantes qui avaient conclu, auprès susceptibles d’aménagements et n’avait pris
de l’établissement de crédit OTP Bank aucune mesure pour faciliter l’accès des
Zrt. (OTP), des conventions de compte auteurs aux services offerts par les distribu-
courant privé les autorisant à utiliser des teurs, même après l’entrée en vigueur de la
cartes bancaires. Toutefois, les auteurs ne loi sur l’égalité de traitement.
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 145

Les auteurs avaient fait appel du juge- jugement rendu par la Cour suprême, qui se
ment de première instance, réclamant que fondait sur les réglementations hongroises en
tous les distributeurs automatiques de billets vigueur, était juste. Il ajoutait cependant que
soient rendus accessibles. Ils soutenaient le problème soulevé dans la communication
que leurs activités ne sauraient être limitées était réel et méritait d’être réglé équitable-
aux seules villes dans lesquelles, en applica- ment, faisant trois suggestions qui devaient
tion de la décision du tribunal de première permettre de trouver une solution acceptable
instance, des distributeurs devaient devenir pour toutes les parties. Premièrement, des
accessibles. Ils avaient également demandé mesures devaient être prises afin de modi-
une indemnisation plus importante. La cour fier l’accessibilité des distributeurs et autres
d’appel avait rejeté leur recours, confirmant services bancaires, non seulement pour les
les conclusions du tribunal de première aveugles mais aussi pour les personnes souf-
instance. Les auteurs avaient donc saisi la frant d’autres handicaps. Deuxièmement,
Cour suprême d’un recours en révision de la étant donné son coût et sa faisabilité tech-
décision de la cour d’appel municipale. La nique, cet objectif ne pouvait être atteint que
Cour suprême les avait déboutés. progressivement, en mettant à disposition
et en installant de nouveaux distributeurs
2. La requête qui faciliteraient avant tout l’accessibilité
physique et l’accessibilité en matière d’in-
Les auteurs affirmaient être victimes
formation et de communication. Troisième-
d’une violation par l’État partie des droits
ment, bien que la communication eût trait
qu’ils tenaient des articles 5 (par. 2 et 3), 9
aux services d’une banque particulière, les
et 12 (par. 5) de la Convention. Ils faisaient
obligations susmentionnées devraient être
observer que la cour d’appel et la Cour
respectées par toutes les institutions finan-
suprême, en décidant de ne pas intervenir
cières hongroises. Compte tenu de ces consi-
dans une relation contractuelle à long terme
dérations, le Secrétaire d’État aux affaires
entre eux-mêmes et OTP pour imposer à cette
sociales et familiales et à la jeunesse auprès
banque, comme ils le demandaient, une
du Ministère des ressources nationales avait
obligation d’égalité de traitement, n’avaient
adressé à OTP une lettre priant la banque
pas respecté l’obligation incombant à l’État
de l’informer de ses projets et engagements
partie, en vertu du paragraphe 2 de l’ar-
concernant ses distributeurs automatiques.
ticle 5 de la Convention, d’interdire toutes
Le Secrétaire d’État avait suggéré à OTP de
les discriminations fondées sur le handicap
et de garantir aux personnes handicapées veiller en priorité à l’avenir, dans le cadre
une égale et effective protection juridique de sa politique d’achats, à l’accessibilité des
contre toute discrimination, quel qu’en soit nouveaux distributeurs. L’obligation d’assu-
le fondement. rer l’accessibilité ne devant pas s’imposer à
une seule banque, le Secrétaire d’État avait
3. Les observations de l’État partie également pris contact avec le Président de
sur la recevabilité et sur le fond l’Autorité hongroise de surveillance finan-
cière en lui demandant de voir quels outils
L’État partie a informé le Comité qu’il ne de réglementation et quelles incitations pour-
contesterait pas la recevabilité de la commu- raient être adoptés pour l’ensemble des insti-
nication. Sur le fond, il déclarait que le tutions financières.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
146 GUIDE DE FORMATION

4. La décision être examinés au titre de l’article 9 de la


Convention et qu’il n’était donc pas néces-
Le Comité a noté que les auteurs invo- saire d’évaluer séparément si les obligations
quaient une violation des dispositions du de l’État partie découlant des paragraphes 2
paragraphe 5 de l’article 12 de la Conven- et 3 de l’article 5 de la Convention avaient
tion sans toutefois donner d’arguments quant été remplies.
à la manière dont ces dispositions avaient pu
être enfreintes, étant donné que, d’après les À cet égard, le Comité a rappelé qu’aux
informations dont il était saisi, leur capacité termes de l’alinéa e) du paragraphe 1 de
juridique à contrôler leurs finances n’avait l’article 4 de la Convention, les États parties
pas été limitée. Le Comité a donc considéré s’engagent à «prendre toutes mesures appro-
que cette partie de la communication était priées pour éliminer la discrimination fondée
insuffisamment étayée aux fins de la receva- sur le handicap pratiquée par toute personne,
bilité, et l’a déclarée irrecevable en vertu de organisation ou entreprise privée». À cette
l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole faculta- fin, les États parties sont tenus, conformément
tif. Il a estimé que les griefs tirés de l’article 5 à l’article 9 de la Convention, de prendre
(par. 2 et 3) et de l’article 9 de la Convention les mesures appropriées pour assurer aux
avaient été suffisamment étayés aux fins de la personnes handicapées, sur la base de
recevabilité. En l’absence d’autres obstacles l’égalité avec les autres, l’accès notamment
à la recevabilité, le Comité a déclaré ces aux services d’information, de communica-
griefs recevables et est passé à l’examen de tion et autres services, y compris les services
la communication au fond. électroniques, en identifiant et en éliminant
les obstacles et barrières à l’accessibilité. Les
Sur le fond, le Comité a relevé que la États parties doivent en particulier prendre les
plainte initiale des auteurs contre OTP portait mesures adéquates pour élaborer et promul-
principalement sur l’absence d’aménagement guer des normes nationales minimales et des
raisonnable, c’est-à-dire sur le fait qu’OTP ne directives relatives à l’accessibilité des instal-
prévoyait pas de mesures particulières pour lations et services ouverts ou fournis au public
aménager certains de ses distributeurs situés et contrôler l’application de ces normes et
à proximité du domicile des auteurs eu égard directives (art. 9, par. 2 a), de la Conven-
à leurs déficiences visuelles. Le Comité a noté tion), et faire en sorte que les organismes
en outre que les recours des auteurs devant la privés qui offrent des installations ou services
cour d’appel municipale et la Cour suprême, ouverts ou fournis au public prennent en
ainsi que la communication dont ils avaient compte tous les aspects de l’accessibilité aux
saisi le Comité, allaient plus loin et mettaient personnes handicapées (art. 9, par. 2 b)).
en avant une réclamation plus large, à savoir
le problème de l’inaccessibilité pour les 5. Les conclusions
personnes atteintes de déficiences visuelles
de l’ensemble du réseau des distributeurs Tout en accordant toute l’attention voulue
exploités par OTP. Les auteurs ayant choisi aux mesures prises par l’État partie afin
d’inscrire la communication qu’ils avaient d’améliorer l’accessibilité des distributeurs
soumise au Comité dans le cadre de cette automatiques exploités par OTP et d’autres
réclamation plus large, le Comité a considéré institutions financières pour les personnes
que la totalité des griefs des auteurs devaient souffrant de handicaps visuels ou autres, le
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 147

Comité a observé qu’aucune de ces mesures 2. La requête


n’avait assuré l’accessibilité des services de
carte bancaire offerts par les distributeurs Les auteurs affirmaient que la Hongrie
avait porté atteinte à leurs droits au titre des
exploités par OTP aux auteurs ou autres
dispositions de l’article 29 (participation à
personnes se trouvant dans une situation simi-
la vie politique et à la vie publique), lu seul
laire. Le Comité a considéré en conséquence
et conjointement avec l’article 12 (reconnais-
que l’État partie ne s’était pas acquitté des
sance de la personnalité juridique dans des
obligations lui incombant en vertu du para-
conditions d’égalité) de la Convention. Ils
graphe 2 b) de l’article 9 de la Convention.
faisaient valoir qu’ils étaient en mesure de
comprendre les enjeux politiques et de parti-
Zsolt Bujdosó et cinq ciper aux élections s’ils y étaient autorisés. Ils
ressortissants hongrois soutenaient que l’interdiction automatique qui
c. Hongrie (communication les frappait était injustifiée. Ils demandaient
n° 4/2011) à l’État partie de procéder aux modifications
nécessaires du cadre juridique interne, et de
1. Les faits leur accorder une indemnisation pour préju-
dice moral, de façon équitable.
Les noms des auteurs avaient été automa-
tiquement radiés des listes électorales parce 3. Les observations de l’État partie
qu’ils étaient placés sous tutelle partielle ou
totale en raison de leurs handicaps intellec- L’État partie ne contestait pas la rece-
tuels. Par voie de conséquence, ils n’avaient vabilité de la communication. Dans ses
observations sur le fond, il indiquait que,
pu participer ni aux élections législatives
depuis que la plainte avait été déposée,
ni aux élections municipales organisées en
des modifications importantes avaient été
2010, et ils étaient toujours privés du droit
apportées à la législation. En particulier,
de vote au moment où ils ont présenté leur
la disposition constitutionnelle qui privait
communication. Ils affirmaient n’avoir accès
automatiquement du droit de vote toutes
à aucun recours véritablement utile, les tribu-
les personnes placées sous tutelle avait été
naux n’étant pas habilités à examiner et à
abrogée. Le nouveau texte permettait de
rétablir le droit de vote d’une personne. Ils
dissocier la question du suffrage de celle
auraient seulement pu déposer une requête de la tutelle et enjoignait aux juges de se
afin de recouvrer leur capacité juridique, prononcer sur le droit de vote des intéres-
mais cela n’était ni possible ni souhaitable sés en tenant compte de la situation person-
car ils reconnaissaient avoir besoin d’aide nelle de ces derniers, leur décision étant
pour gérer leurs affaires dans certains sujette à réexamen. En vertu des nouvelles
domaines de leur existence. Ils ne pouvaient dispositions, une personne pouvait recou-
pas non plus déposer une plainte au titre de vrer le droit de vote sans que son place-
la procédure électorale parce que les tribu- ment sous tutelle fût remis en cause. L’État
naux nationaux n’avaient pas le pouvoir de partie indiquait pour conclure qu’en adop-
les faire réinscrire sur les listes électorales, tant ces modifications, il avait mis sa légis-
leur radiation de ces listes étant fondée sur lation en conformité avec l’article 29 de
la Constitution. la Convention. En conséquence, il enga-
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
148 GUIDE DE FORMATION

geait le Comité à rejeter la demande de tion pour aucune catégorie de personnes


modification de la législation et d’indemni- handicapées, et qu’en conséquence, même
sation pour préjudice moral déposée par une restriction fondée sur une évaluation
les auteurs. individualisée constituait une discrimina-
tion fondée sur le handicap. Il a conclu que
4. L’intervention d’un tiers l’évaluation de l’aptitude des individus était
discriminatoire par nature (puisqu’elle ciblait
Le Projet sur le handicap de la Harvard uniquement les personnes handicapées),
Law School a soumis une intervention, en et considéré qu’une telle mesure n’était ni
qualité de tiers, en faveur des auteurs de la légitime ni proportionnée. Il a rappelé à cet
communication. Il a fait valoir qu’au-delà égard que, conformément à l’article 29 de
des réclamations des auteurs, soumettre des la Convention, l’État partie était tenu d’adap-
personnes handicapées à une évaluation ter ses procédures électorales en faisant en
individualisée de leur aptitude à voter consti- sorte que les personnes présentant un handi-
tuait en soi une violation de l’article 29 de la cap intellectuel soient aptes à voter, sur la
Convention, et que le droit de vote ne devrait base de l’égalité avec les autres. Enfin, le
jamais faire l’objet d’une évaluation de la Comité a rappelé qu’en vertu de l’article 12,
proportionnalité ni d’une justification. les États parties avaient une obligation posi-
tive de prendre les mesures nécessaires
5. La décision pour permettre aux personnes handicapées
d’exercer dans les faits leur capacité juri-
Le Comité a considéré la communica- dique.
tion comme recevable étant donné que l’État
partie n’élevait aucune objection liée à l’épui- 6. Les conclusions
sement des recours internes, qu’il n’avait mis
en évidence aucune voie de recours particu- Le Comité a conclu que la radiation des
lière qui aurait été ouverte aux auteurs, et que noms des auteurs des listes électorales et le
ceux-ci avaient suffisamment étayé les griefs fait que l’État partie n’avait pas adapté ses
tirés des articles 29 et 12 de la Convention. procédures électorales enfreignaient l’article
29, lu seul et conjointement avec l’article
Le Comité a constaté que l’État partie 12. Il a conclu également que la nouvelle
s’était contenté de décrire la nouvelle légis- législation, dans la mesure où elle autorisait
lation sans montrer comment ce régime les tribunaux à priver les personnes ayant un
affectait les auteurs en particulier, ni dans handicap intellectuel de leur droit de voter
quelle mesure il respectait les droits qu’ils et de se faire élire, était contraire aux dispo-
tenaient de l’article 29 de la Convention. sitions de l’article 29. Le Comité a donc
Il a constaté également que l’État partie recommandé que l’État partie accorde aux
n’avait pas apporté de réponse au grief auteurs une indemnisation appropriée pour
des auteurs selon lequel ils n’avaient pas le préjudice moral qu’ils avaient subi du
pu voter et étaient toujours privés du droit fait de la privation de leur droit de vote, et
de vote malgré les modifications législatives prenne des mesures pour empêcher que des
adoptées. Le Comité a également précisé violations analogues se reproduisent à l’ave-
que l’article 29 ne prévoyait aucune restric- nir, y compris en apportant les modifications
tion raisonnable et n’autorisait d’excep- requises à sa législation.
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 149

Avant l’entrée en vigueur de la Conven- raison d’insuffisances identifiables − quantita-


tion et de son Protocole facultatif, des commu- tives et qualitatives − concernant tant la scola-
nications relatives aux droits des personnes risation ordinaire que ce qu’il était convenu
handicapées ont été examinées par des d’appeler le secteur éducatif spécialisé.
systèmes régionaux de protection des droits
de l’homme ainsi que par d’autres organes 2. La plainte
conventionnels des Nations Unies, comme
le Comité des droits de l’homme. Deux Autisme-Europe soutenait que le fait de
exemples, empruntés, l’un à la jurisprudence ne pas avoir pris les mesures nécessaires
du Comité européen des droits sociaux du pour assurer le droit à l’éducation des
Conseil de l’Europe, et l’autre, à celle du enfants et des adultes autistes avait porté
Comité des droits de l’homme, sont proposés atteinte au droit des personnes handicapées
dans les paragraphes qui suivent. à l’indépendance, à l’intégration sociale et à
la participation à la vie de la communauté,
au droit des enfants et des jeunes à la protec-
Comité européen des tion sociale, juridique et économique, et à
droits sociaux l’interdiction de la discrimination.
Autisme Europe c. France,
réclamation n° 13/2002 3. La décision

1. Les faits Le Comité a rappelé que, pour mettre


en œuvre la Charte, les États parties étaient
D’après la législation de l’État, les tenus de prendre non seulement des mesures
personnes autistes peuvent fréquenter les juridiques, mais aussi des mesures pratiques
établissements d’enseignement ordinaires, afin de donner pleinement effet aux droits
soit à titre individuel (scolarisation indivi- qui y étaient reconnus. Lorsque la réalisation
duelle) dans des classes ordinaires avec de l’un de ces droits était exceptionnellement
l’assistance d’un personnel auxiliaire spécia- complexe et particulièrement coûteuse, un
lisé, soit en groupe (scolarisation collec- État partie se devait de prendre des mesures
tive) dans le cadre de classes d’intégration pour que les objectifs énoncés dans la Charte
scolaire (niveau primaire) ou d’unités péda- soient atteints dans un délai raisonnable,
gogiques d’intégration (niveau secondaire). avec des progrès mesurables, et dans toute
Les personnes qui, du fait de la gravité de la mesure compatible avec l’utilisation maxi-
leur autisme, ne sont pas en mesure d’inté- male des ressources disponibles. En agissant
grer le système scolaire ordinaire peuvent ainsi, les États devraient tenir compte des inci-
recevoir un enseignement spécial dans une dences que les mesures choisies pouvaient
institution spécialisée. La scolarisation indivi- avoir sur des groupes particulièrement vulné-
duelle est financée par le budget général de rables, ainsi que sur les autres personnes
l’éducation, tandis que la scolarisation collec- qu’elles touchaient, en particulier les familles
tive est financée par l’assurance maladie. des personnes vulnérables. À la lumière
Autisme-Europe a fait valoir que le Gouver- des faits de l’espèce, le Comité a observé
nement n’avait pas pris, dans la pratique, que le Gouvernement avait continué à utili-
suffisamment de mesures en faveur de l’édu- ser une définition de l’autisme plus restric-
cation des enfants et des adultes autistes en tive que celle adoptée par l’Organisation
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
150 GUIDE DE FORMATION

mondiale de la Santé, et que les statistiques rait comme défavorable. Les membres de sa
officielles permettant de mesurer de manière famille avaient cherché à obtenir de la justice
rationnelle les progrès accomplis au fil du une ordonnance enjoignant à l’auteur de ne
temps demeuraient insuffisantes. En outre, la pas faire certaines déclarations et réclamant
proportion d’enfants autistes scolarisés dans des dommages-intérêts. Le tribunal, sans avoir
les établissements d’enseignement géné- entendu l’auteur en personne, avait ordonné
ral ou spécialisé était nettement inférieure à celle-ci de se faire examiner par un méde-
à celle des autres enfants − handicapés ou cin afin de déterminer si elle était capable
non −, et il existait une insuffisance chronique de prendre part à une procédure judiciaire.
en matière de soins et d’appui aux adultes Il avait estimé que le comportement qu’elle
autistes. Pour ces raisons, le Gouvernement avait adopté au cours du procès, notamment
n’avait pas réalisé de progrès suffisants pour les communications nombreuses et très volu-
développer la scolarisation des personnes mineuses qu’elle avait adressées au tribunal,
autistes. Le Comité a également observé que soulevait des doutes quant à sa capacité de
les établissements spécialisés dans l’éduca- prendre part à la procédure. Le tribunal lui
tion et les soins aux enfants handicapés − en ayant enjoint de passer un examen médical,
particulier les enfants autistes − n’étaient l’auteur avait contesté cette décision, affir-
généralement pas financés par le même mant qu’il n’y avait aucune raison objective
budget que les écoles ordinaires. Toutefois, d’ordonner un tel examen et invoquant le fait
qu’elle n’avait pas été entendue avant que
cette situation ne pouvait être assimilée à une
l’ordonnance soit rendue. Ayant perdu son
discrimination dans la mesure où c’était aux
affaire, elle avait saisi deux instances supé-
États eux-mêmes qu’il appartenait de décider
rieures, dont la Cour constitutionnelle fédé-
des modalités de financement.
rale, qui l’avaient toutes deux déboutée.

4. Les conclusions
2. La plainte
Le Comité a déclaré que le Gouverne-
L’auteur s’estimait victime de violations
ment ne respectait pas la Charte.
de l’article 7 (droit de ne pas être soumis
à la torture ni à des peines ou traitements
Comité des droits de l’homme inhumains, cruels ou dégradants), de l’article
M. G. c. Allemagne, 17 (droit au respect de la vie privée) et de
communication l’article 14, paragraphe 1 (droit à un procès
n° 1482/2006 équitable), du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques. Au sujet de l’article
1. Les faits 7, elle affirmait que l’injonction de passer un
examen médical était un traitement «dégra-
Trois membres de la famille de l’auteur dant» en ce qu’elle suscitait des sentiments
avaient engagé des actions contre l’auteur de peur, d’angoisse et d’infériorité de nature
devant les tribunaux chargés des affaires à avilir la victime. S’agissant de l’article 17,
civiles et des affaires familiales. L’auteur elle faisait valoir qu’un examen médical
avait adressé de nombreuses et volumi- forcé constituait une atteinte à la vie privée
neuses communications aux tribunaux et fait ou à l’intégrité de la personne, et que c’était
appel de chaque décision qu’elle considé- seulement dans des circonstances excep-
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 151

tionnelles et pour des raisons impérieuses d’un expert soulevait en soi des questions au
qu’une personne pouvait être contrainte de titre de l’article 7 et que, par conséquent,
se soumettre à des examens médicaux ou cette partie de la communication était irre-
psychiatriques sans son consentement exprès. cevable. De même, le Comité a estimé que
À propos, enfin, de l’article 14, paragraphe l’auteur n’avait pas suffisamment étayé le
1, elle soutenait que le refus du tribunal de grief tiré du paragraphe 1 de l’article 14. Il
l’entendre ou de la voir en personne avant a constaté que l’auteur avait étayé ses griefs
d’ordonner un examen médical constituait au titre de l’article 17 aux fins de la receva-
une violation de son droit à un procès équi- bilité et que l’État n’avait pas contesté ses
table, l’audience publique étant un élément allégations.
essentiel des garanties de la régularité de la
procédure. 5. Les conclusions

3. Les observations de l’État sur Le Comité a noté que le fait de soumettre


la recevabilité et sur le fond une personne à une injonction de subir un
examen ou un traitement médical sans son
L’État contestait la recevabilité de la consentement ou contre sa volonté était une
communication, faisant valoir qu’elle consti- immixtion dans sa vie privée, qui pouvait
tuait un abus du droit de présenter des constituer une atteinte illégale à son honneur
communications pour plusieurs motifs, dont et à sa réputation. Pour qu’une immixtion soit
le fait que l’auteur omettait de signaler que justifiée, il fallait qu’elle satisfasse à plusieurs
l’ordonnance du tribunal concernait unique- conditions, à savoir être prévue par la loi,
ment l’action engagée contre des membres
être conforme aux dispositions, aux buts et
de sa famille et non sa capacité juridique
aux objectifs du Pacte, et être raisonnable
à tous les autres égards. Sur le fond, l’État
eu égard aux circonstances de l’espèce. Le
considérait que la communication était
Comité a constaté que l’injonction du tribu-
«manifestement dénuée de fondement». Il
nal n’était pas raisonnable, car elle exigeait,
affirmait que rien n’obligeait l’auteur à se
soit que l’auteur subisse l’examen médical
soumettre à un examen psychiatrique: elle
prescrit, soit que le spécialiste donne son
pouvait refuser de se laisser examiner par
avis d’expert en se fondant uniquement sur
l’expert, dont l’avis se fonderait alors sur le
le dossier existant, sans que l’auteur eût été
dossier. L’État ajoutait que l’auteur aurait la
entendu. Il a conclu que les droits garantis
possibilité d’être entendue par le tribunal
par l’article 17, lu conjointement avec le
lorsque celui-ci en viendrait à évaluer l’avis
paragraphe 1 de l’article 14, avaient été
de l’expert; toutefois, la procédure n’était
violés. Il a constaté que l’État était tenu d’as-
pas encore parvenue à ce stade.
surer à l’auteur un recours utile et de veil-
ler à ce que des violations analogues ne se
4. La décision
reproduisent pas. Il a demandé à recevoir
Le Comité des droits de l’homme a de l’État, dans un délai de cent quatre-vingts
examiné conjointement la recevabilité et le jours, des renseignements sur les mesures
fond. En ce qui concerne la recevabilité, il prises pour donner effet à ses constatations.
a considéré que l’auteur n’avait pas montré Il a également invité l’État à rendre publiques
que l’invitation à se soumettre à l’examen ces constatations.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
152 GUIDE DE FORMATION

Il est intéressant d’étudier ces deux aurait-elle été tranchée par le Comité des
affaires, qui précèdent l’adoption de la droits des personnes handicapées en appli-
Convention, à la lumière des principes et cation du Protocole facultatif se rapportant à
des normes de celle-ci. La seconde soulève la Convention?
des questions particulièrement complexes.
Fait important, la manière de procéder du F. Liste des points à vérifier
tribunal, qui met en doute la capacité juri- lors de la présentation
dique de l’auteur, serait sujette à caution en d’une communication
vertu de la Convention car elle ne respecte
pas la capacité juridique dans des condi- Le Comité a fourni (CRPD/C/5/3/Rev.1)
tions d’égalité avec les autres personnes (le d’utiles indications sur les renseignements à
handicap mental servant peut-être de base à faire figurer dans une communication pour
un déni de la capacité juridique de l’auteur qu’elle puisse être enregistrée. La liste en est
concernant l’affaire). Comment cette affaire reproduite dans l’encadré ci-après:

Directives pour la présentation de communications au


Comité des droits des personnes handicapées en application
du Protocole facultatif se rapportant à la Convention

1. Renseignements sur l’auteur (les auteurs) de la communication

• Nom de famille

• Prénom(s)

• Date et lieu de naissance

• Nationalité/citoyenneté

• Sexe

• Tout autre renseignement permettant d’identifier la personne (ou les personnes)


susmentionnée(s) (lorsque les renseignements demandés ci-dessus ne sont pas dis-
ponibles)

• Adresse actuelle

• Adresse postale à utiliser pour la correspondance confidentielle (si elle est diffé-
rente de l’adresse actuelle)

• Numéro de téléphone fixe ou mobile (le cas échéant)

• Adresse électronique (le cas échéant)


MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 153

• Télécopie (le cas échéant)

• Si la communication est présentée au nom de la ou des victime(s) présumée(s), il


conviendra d’obtenir le consentement de ces personnes. Sinon, exposer les raisons
pour lesquelles la communication est présentée sans leur consentement.

2. Renseignements sur la ou les victimes présumées

• Nom de famille

• Prénom(s)

• Date et lieu de naissance

• Nationalité/citoyenneté

• Sexe

• Indiquer, s’il y a lieu, si la personne concernée présente un handicap et, si c’est le


cas, préciser la nature de ce handicap

• Tout autre renseignement permettant d’identifier la ou les personnes concernées


(lorsque les renseignements demandés ci-dessus n’ont pas été fournis)

• Adresse actuelle

• Adresse postale pour la correspondance confidentielle (si elle est différente de


l’adresse actuelle)

• Numéro de téléphone fixe ou mobile (le cas échéant)

• Adresse électronique (le cas échéant)

• Télécopie (le cas échéant)

• S’il s’agit d’un groupe de personnes qui affirment être des victimes, fournir, comme
cela a été fait plus haut, des renseignements essentiels permettant d’identifier cha-
cune d’elles.

3. Renseignements sur l’État partie mis en cause dans la


communication

• Nom de l’État partie (pays)

4. Objet de la communication
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
154 GUIDE DE FORMATION

5. Nature de la violation ou des violations présumées

Fournir des renseignements détaillés à l’appui de la requête, en particulier:

• Décrire la violation ou les violations présumées de droits en indiquant les actions


ou les omissions justifiant la communication

• Donner des renseignements sur la personne ou les personnes qui ont commis la
violation ou les violations présumées de droits

• La date ou les dates des violations

• Le lieu ou les lieux des violations

• Dans la mesure du possible, indiquer quelles dispositions de la Convention sont


considérées comme ayant été violées. Si la communication renvoie à plusieurs
dispositions, présenter chaque aspect de la requête séparément.

6. Actions engagées en vue d’épuiser les recours internes

Relater les actions qui ont été engagées en vue d’épuiser les recours internes prévus
dans l’État partie où se sont produites la violation ou les violations présumées de
droits protégés par la Convention, par exemple, pour obtenir un règlement par des
voies judiciaires ou administratives. Toute plainte parvenant au Comité devra avoir été
soumise préalablement à la justice interne.

Indiquer en particulier:

• L’action ou les actions engagées par la victime ou les victimes présumées en vue
d’épuiser les recours internes et, par exemple, les décisions des tribunaux internes

• L’autorité ou l’organisme qui a été saisi

• Le tribunal qui a examiné la plainte (le cas échéant)

• La date ou les dates des procédures

• Le lieu ou les lieux des procédures

• La personne qui a introduit le recours ou obtenu un règlement

• Les principaux éléments de la décision finale de l’autorité, de l’organisme ou du


tribunal qui a été saisi
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 155

• Si les recours internes n’ont pas été épuisés, expliquer pourquoi de façon détaillée.

Note: Joindre à la communication des copies de tous les documents pertinents, notam-
ment des décisions judiciaires ou administratives ou des lois nationales ayant un rap-
port avec l’affaire en cause, ou résumer ces dernières dans l’une des langues de
travail du secrétariat (anglais, espagnol, français ou russe).

7. Autres procédures internationales

Indiquer si la même question a été examinée ou est en cours d’examen au titre d’une
autre procédure internationale d’examen ou de règlement. Si c’est le cas, fournir les
renseignements suivants:

• Type(s) de procédure(s)

• Organisme(s) saisi(s)

• Date(s) des procédures

• Lieu(x) des procédures

• Résultats (le cas échéant)

Note: Joindre des copies de tous les documents pertinents.

8. Demandes concrètes/Réparation

Indiquer quelles demandes de réparation concrètes sont soumises à l’attention du Comité.

9. Date, lieu et signature

Date de la communication:

Lieu d’émission de la communication:

Signature de l’auteur, des auteurs et/ou de la victime ou des victimes présumées:

10. Liste des documents joints

Note: Ne pas envoyer d’originaux, n’envoyer que des copies.


CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
156 GUIDE DE FORMATION

Les dix points de cet encadré sont impor- Convention. À noter qu’il peut s’agir de
tants. Il convient cependant d’appeler l’atten- n’importe quelle «disposition». Les auteurs
tion sur quelques questions particulières. doivent veiller à préciser quelles disposi-
tions ont à leur sens été enfreintes et quelles
Qui peut saisir le Comité? répercussions la violation présumée a eues
pour eux.
Tout ressortissant d’un État partie qui
a accepté la compétence du Comité peut
Comment?
adresser une communication au secréta-
riat de celui-ci. Les groupes de particuliers La procédure des communications est
peuvent eux aussi présenter des communica- écrite et confidentielle; il n’y a pas d’au-
tions. En d’autres mots, deux personnes ou diences. Néanmoins, le Protocole faculta-
davantage peuvent s’associer pour adresser tif n’exclut pas une procédure orale, et le
au Comité une communication dans laquelle Comité pourrait recevoir des communica-
elles allèguent une atteinte à leurs droits.
tions orales, même s’il est peu probable que
De plus, une communication peut être cela se produise jamais.
formulée au nom d’un particulier ou d’un
groupe. Cela signifie qu’un proche, une orga- G. Recevabilité
nisation non gouvernementale, un centre de
consultations juridiques d’intérêt collectif ou un Le Protocole facultatif fixe des conditions
autre organisme peut présenter une communi- rigoureuses de recevabilité (art.1er et 2) qui
cation au nom d’une personne. Le règlement doivent être remplies avant que le Comité
intérieur du Comité précise simplement que puisse se prononcer sur le fond. L’article 1er
les communications peuvent être présentées énonce les critères fondamentaux auxquels
au nom d’un particulier ou d’un groupe de une communication doit satisfaire pour que
particuliers (art. 69). Comme l’indiquent clai- le Comité l’accepte et l’examine. Si elle n’y
rement les informations données plus haut, répond pas, le secrétariat du Comité ne peut
l’auteur d’une communication présentée au pas l’enregistrer, et elle n’atteint même pas le
nom d’une ou de plusieurs victimes présumées stade de l’examen de la recevabilité. En cas
doit établir qu’il a obtenu leur consentement de doute au moment de l’enregistrement, le
(un mandat, par exemple), ou exposer les Comité pourrait avoir à étudier lui-même la
raisons pour lesquelles la communication est conformité de la communication à certains
présentée sans leur consentement. de ces critères au stade de l’examen de la
recevabilité. Exprimés sous forme interroga-
Contre quelle autorité? tive, ces critères sont les suivants:
L’État défendeur doit avoir accepté la • La communication émane-t-elle d’un par-
compétence du Comité en ratifiant le Proto- ticulier ou d’un groupe de particuliers?
cole facultatif.
En d’autres mots, l’auteur a-t-il qualité
pour présenter la communication en
Quel doit être le sujet
vertu du Protocole facultatif? Dans la
de la communication?
négative, le Comité la rejettera pour des
La communication doit alléguer une raisons de forme. Si un auteur soumet
violation de l’une des dispositions de la une communication sans démontrer qu’il
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 157

agit au nom d’une personne ou d’un • Une autre procédure internationale


groupe de personnes – sans fournir un d’enquête ou de règlement a-t-elle déjà
mandat, par exemple – il n’a pas qualité été engagée à propos de la communica-
pour saisir le Comité; tion? Le but de ce critère est de s’assurer
qu’aucun organe régional ou internatio-
• La personne ou le groupe affirment-
nal n’étudie une communication ayant
ils être victimes d’une violation de la
trait à une question qui est en cours
Convention? Il faut en effet que la com-
d’examen (procédures simultanées) ou
munication désigne nommément une
personne ou un groupe de personnes qui a déjà été examinée (procédures
dont des droits n’ont pas été respec- successives) par une autre instance inter-
tés. Il n’est pas possible de formuler un nationale.
grief d’ordre général contre un État, par • Tous les recours internes disponibles
exemple au nom de la collectivité dans sont-ils épuisés? C’est là une importante
son ensemble, en lui reprochant d’avoir règle de droit, qui s’applique également
manqué à ses obligations, mais sans à d’autres mécanismes de règlement des
démontrer que quelqu’un a été victime différends. Son propos est de donner
de ce manquement; aux autorités nationales – le plus souvent
• Le demandeur est-il ressortissant de à des tribunaux – la possibilité de se
l’État? Il doit y avoir un lien entre la vic- pencher les premières sur les allégations
time et l’État partie mis en cause dans de violations des droits de l’homme.
ses allégations; De fait, un des objectifs importants des
procédures de communications est de
• L’État a-t-il ratifié le Protocole facultatif? renforcer les mécanismes nationaux de
Si l’État n’a pas reconnu que le Comité
protection des droits de l’homme, aux-
a compétence pour recevoir et examiner
quels l’accès est plus facile, qui offrent
les communications, le Comité ne peut
généralement aux victimes des recours
étudier aucune communication dirigée
plus rapides et dont les décisions sont
contre cet État.
exécutoires.
L’article 2 énonce les conditions de rece-
Le Protocole facultatif fait de l’épuise-
vabilité. Elles s’appliquent aux communica-
ment des recours internes une condition
tions qui sont enregistrées et que le Comité
essentielle de la recevabilité. Aussi est-il
prend en considération. Comme cela a été
important que les auteurs donnent autant
indiqué plus haut, le Comité pourrait décider
de renseignements que possible à ce
que la communication ne remplit finalement
sujet dans leurs communications. Comme
pas les conditions de recevabilité et qu’il n’y
cela a déjà été signalé, la communica-
a donc pas lieu de l’examiner au fond.
tion peut indiquer la nature et la date
• La victime présumée est-elle anonyme? de l’action engagée, l’instance devant
Si elle l’est, le Comité ne peut pas laquelle elle l’a été, le contenu de la
admettre la communication. À noter décision définitive, etc. Il est également
cependant que l’identité de l’auteur peut arrivé que le Comité demande pourquoi
toujours rester confidentielle s’il en fait la les recours internes n’avaient pas été
demande. épuisés. Il faut dire en effet qu’en vertu
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
158 GUIDE DE FORMATION

de l’alinéa d) de l’article 2, cette condi- tion présumée ne subisse un préjudice irré-


tion peut parfois être écartée – lorsque parable. Les mesures conservatoires visent à
la procédure de recours excède des répondre à des situations exceptionnelles ou
délais raisonnables ou qu’il est impro- qui mettent en danger la vie de quelqu’un.
bable que le requérant obtienne répa- Par exemple, dans la grande majorité des
ration par ce moyen. La même évolution affaires examinées par le Comité des droits
s’observe dans d’autres domaines du de l’homme, des mesures conservatoires ont
droit international. La Cour européenne été appliquées dans les cas de condamnation
des droits de l’homme, par exemple, à mort ou d’expulsion qui risquaient d’entraî-
exige que les recours internes aient ner une violation des dispositions relatives au
été épuisés pour autant que les condi- droit à la vie et au droit de ne pas être soumis
tions d’«accessibilité» et d’«effectivité» à la torture. Lorsque le Comité accorde des
soient remplies. Le système interaméri- mesures conservatoires, il peut les confirmer
cain admet trois exceptions à la règle: ou les annuler dans sa décision finale.
1) la législation nationale ne comporte
pas de procédure régulière pour le grief
I. Examen au fond et
considéré; 2) la partie qui invoque une
communication des
violation de ses droits n’a pas pu avoir
constatations et des
accès à des voies de recours internes
ou a été empêchée de les épuiser; 3) le
recommandations
prononcé d’un jugement définitif dans le du Comité
système de recours internes a demandé Le Comité examine le fond d’une commu-
des délais injustifiés. nication soit après avoir étudié sa recevabi-
lité soit en même temps. Certains organes
• La communication est-elle manifestement
conventionnels étudient le fond et la receva-
mal fondée ou insuffisamment motivée?
bilité simultanément, et d’autres successive-
Ce critère permet au Comité d’exclure
ment. L’avantage d’un examen simultané est
les communications qui sont contraires à
qu’il permet de gagner du temps. Le proces-
l’objet et aux buts de la Convention.
sus d’ensemble est le suivant.
• Les faits sont-ils postérieurs à l’entrée en
vigueur du Protocole facultatif à l’égard L’étape suivante est celle de l’adop-
de l’État partie? Le Comité ne peut tenir tion par le Comité de sa décision ou de ses
un État pour responsable de faits interve- constatations relatives à une communication.
nus avant qu’il ait accepté la procédure Le Comité se fonde alors sur les renseigne-
des communications. ments écrits qui lui ont été communiqués par
les deux parties et sur l’application de la
H. Mesures conservatoires Convention aux faits tels qu’il les a établis.
Il transmet ensuite ses constatations et ses
En cas d’urgence, le Comité peut, après recommandations éventuelles à l’État partie
avoir reçu une communication et avant intéressé et à l’auteur. S’il y a eu violation,
d’adopter ses constatations, prier un État il prie ordinairement l’État partie de prendre
partie de prendre certaines mesures conser- les mesures voulues pour y remédier. Bien
vatoires afin d’éviter que la victime de la viola- entendu, la pratique du Comité à cet égard
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 159

n’est pas encore fermement établie. À en gnements crédibles indiquant qu’un État
juger par celle des autres organes conven- partie porte gravement ou systématiquement
tionnels, il pourrait ou bien se contenter de atteinte aux dispositions de la Convention.
recommander à l’État partie d’offrir une Les États parties peuvent, tout en ratifiant
«réparation appropriée», ou bien être plus le Protocole facultatif, faire savoir par une
précis et lui recommander par exemple de déclaration et une réserve qu’ils n’acceptent
revoir certaines politiques, d’abroger une pas cette procédure (art. 8). Ils peuvent lever
loi, de verser une indemnisation ou de préve- leurs réserves ultérieurement.
nir d’autres violations.
Par rapport au système des communica-
L’article 75 du règlement intérieur du tions, celui des enquêtes présente principale-
Comité dispose notamment que, dans les six ment les caractéristiques suivantes:
mois suivant la date à laquelle les consta-
tations concernant une communication lui • Premièrement, pour lancer une enquête,
ont été transmises, l’État partie intéressé le Comité n’a pas à attendre de recevoir
fait parvenir au Comité une réponse écrite une plainte officielle: il lui appartient
donnant des renseignements sur toutes les d’engager la procédure (qui peut com-
suites qui leur ont été apportées. Le Comité prendre une visite dans l’État partie sous
peut alors demander un complément d’infor- réserve du consentement de celui-ci);
mation; il peut également inviter l’État partie • Deuxièmement, l’enquête n’est permise
à faire figurer des renseignements dans son qu’en cas de violations graves ou sys-
rapport périodique au Comité. tématiques des droits énoncés dans la
Convention;
Il convient de souligner qu’il existe un point
de contact chargé de suivre la mise en œuvre • Troisièmement, il n’est pas nécessaire
des constatations du Comité. L’article 75 qu’une victime se fasse connaître.
dispose aussi que le Comité peut désigner un
Une violation est dite grave lorsqu’elle
rapporteur spécial ou un groupe de travail
enfreint de manière critique une ou plusieurs
chargé de vérifier les mesures prises par les
dispositions de la Convention: ce pourra
États parties pour donner effet à ses consta-
être par exemple une discrimination qui
tations et recommandations. Le rapporteur
menace la vie, l’intégrité ou la sécurité
spécial ou le groupe de travail peuvent établir
d’une personne. Elle est systématique en cas
des contacts et prendre les mesures adéquates
d’atteintes répétées d’une ampleur et d’une
pour donner suite aux constatations; ils peuvent
fréquence importantes, sans considération
également recommander au Comité des initia-
de l’intention. La violation peut résulter de
tives à prendre. Ils peuvent, avec l’accord du
lois, de politiques ou de pratiques. Des viola-
Comité et de l’État partie, se rendre dans le
tions pourraient être «systématiques» sans
pays et faire rapport au Comité.
être qualifiées de «graves».

J. L’enquête La procédure est la suivante:

La seconde procédure instaurée par le ✓ Réception de renseignements crédibles


Protocole facultatif est celle de l’enquête. indiquant des violations graves ou systé-
Elle permet au Comité d’étudier les rensei- matiques: le Comité reçoit des informa-
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
160 GUIDE DE FORMATION

tions – qui, à en juger par l’expérience ✓ Communication des résultats, observa-


des autres organes conventionnels, tions et recommandations à l’État partie:
émanent généralement d’ONG, même le Comité doit rédiger un rapport et le
si ces organes peuvent réunir des ren- communiquer confidentiellement à l’État
seignements de leur propre initiative, partie;
notamment auprès des organismes des
Nations Unies (voir l’article 79 du règle- ✓ Présentation des observations de l’État
ment intérieur du Comité). À ce stade, partie dans les six mois: l’État par-
le Comité devrait rechercher un complé- tie dispose de six mois pour présenter
ment d’information pour s’assurer que ses observations au Comité. Signalons
les renseignements reçus sont fiables; que le Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard de femmes
✓ Invitation à coopérer adressée à l’État
peut rendre public son rapport final. Le
partie: si le Comité estime que les ren-
seignements sont fiables, il invite l’État silence tant de la Convention relative
partie à coopérer à leur examen, notam- aux droits des personnes handicapées
ment en communiquant des informations que du règlement intérieur du Comité à
au Comité; ce sujet porte à penser que le Comité
peut faire de même;
✓ Désignation d’un ou de plusieurs
membres du Comité chargés de mener ✓ Invitation à l’État partie de rendre compte
l’enquête: le Comité examine les obser- des mesures prises: le Comité peut invi-
vations formulées par l’État partie ainsi ter l’État partie à incorporer à son rap-
que tout renseignement supplémen- port périodique des précisions sur toutes
taire fourni par des organisations gou- mesures prises pour donner effet à ses
vernementales, des organismes des conclusions. Le Comité fait figurer un
Nations Unies, des organisations non exposé succinct de la procédure dans
gouvernementales ou des particuliers, et son rapport annuel.
charge un ou plusieurs de ses membres
de mener l’enquête. Il doit alors solliciter Comme dans le cas des communica-
la coopération de l’État partie à tous les tions, il pourrait être utile aux participants
stades; de prendre connaissance d’une enquête.
Malheureusement, les rapports d’enquête
✓ Visite dans le pays: lorsque cela se jus-
publics sont relativement peu nombreux, en
tifie, le Comité peut réaliser une visite
raison du caractère confidentiel de la procé-
dans le pays, à condition que l’État
partie donne son accord. À cette occa- dure. Les animateurs souhaiteront peut-être
sion, des auditions peuvent être organi- analyser l’enquête menée par le Comité sur
sées, là encore avec le consentement de l’élimination de la discrimination à l’égard
l’État partie. Toutefois, la visite dans le des femmes à propos de l’enlèvement, du
pays n’est pas obligatoire, et le Comité viol et du meurtre de femmes à Ciudad
peut enquêter sans que ses membres se Juárez (Mexique) (CEDAW/C/2005/OP.8/
rendent sur place; MEXICO).
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 161

K. Les avantages du nira des principes directeurs aux tri-


Protocole facultatif bunaux nationaux et aux autres méca-
nismes de protection des droits de
Aux plans tant de la procédure que l’homme en développant plus avant
du fond, le Protocole facultatif peut être un l’analyse du contenu tant des droits au
important moyen de protection des personnes sens de la Convention que des obliga-
handicapées et de renforcement des capaci- tions des États qui y sont liées. La juris-
tés nationales. Il présente des avantages non prudence internationale peut également
seulement pour les victimes de violations des
promouvoir la jurisprudence nationale.
droits de l’homme mais aussi pour les États.
Il est vrai que ces derniers pourraient, à • Le Protocole facultatif peut aussi aider les
première vue, éprouver peu d’enthousiasme États à faire bouger les lignes. C’est ce
à l’égard de ce dispositif de réclamations et qu’illustre par exemple la décision ren-
d’enquêtes. Pourtant, plus de la moitié des due par le Comité des droits de l’homme
États qui ont ratifié la Convention ont égale- dans l’affaire Toonen c. Australie. Le
ment ratifié son Protocole facultatif, parce Comité des droits de l’homme a estimé
que celui-ci peut aussi leur être utile. que la législation de l’État australien
de Tasmanie relative à l’homosexualité
• Le Protocole facultatif peut être un moyen
était incompatible avec les dispositions
de renforcer les mécanismes nationaux
de protection. Si les recours internes du Pacte international relatif aux droits
sont rapides et efficaces, les personnes civils et politiques. Le Gouvernement
auront moins besoin de saisir le Comité fédéral d’Australie s’est servi de cette
après avoir épuisé ces recours. décision pour obtenir une réforme de
cette législation.
• Le Protocole facultatif peut également
offrir un moyen de confirmer la poli- • La procédure d’enquête prévue par le
tique de l’État. Les communications ne Protocole facultatif peut permettre de
débouchent pas toutes sur une décision tirer parti de l’expertise internationale
favorable à la victime. L’application de pour résoudre des problèmes difficiles
normes internationales à des cas parti- ou qui restent posés depuis longtemps.
culiers ne va pas toujours de soi, car cer- En particulier, les visites de membres
taines situations concrètes ne se laissent du Comité dans les pays peuvent faci-
pas aisément classer dans des catégo- liter une analyse plus objective et plus
ries préétablies. Un État partie peut être indépendante des problèmes, et contri-
persuadé de respecter les obligations buer à y apporter des solutions. D’une
qui découlent de la Convention, et une part, les experts internationaux peuvent
décision du Comité relative à une com- s’inspirer de l’expérience d’autres pays.
munication individuelle ou à une enquête D’autre part, du fait de la compétence
peut venir conforter sa position. internationale et de l’indépendance des
• De même, le Protocole facultatif donne experts, l’enquête est moins politique-
compétence au Comité pour confirmer ment marquée, puisqu’elle n’est liée ni
ou remettre en cause les décisions des au gouvernement ni à une autre force
juridictions nationales. Le Comité four- politique du pays.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
162 GUIDE DE FORMATION

• Les procédures du Protocole faculta- du Protocole facultatif pour obtenir que


tif peuvent aussi clarifier les modalités le Comité se prononce sur des aspects
d’application de la Convention à des cruciaux de l’application ou de l’inter-
cas précis. En étudiant l’application prétation de la Convention à l’échelon
de la Convention à travers le prisme national.
d’une communication individuelle ou
d’une enquête, le Comité peut élargir • Le Protocole facultatif peut protéger
et approfondir son interprétation de cet les victimes, effectives ou potentielles.
instrument et de sa signification, et, par Mécanisme international de détermina-
là, affiner ses recommandations aux tion des responsabilités liées à la viola-
États (à tous les États, et pas uniquement tion des droits consacrés par la Conven-
à l’État défendeur) et mieux préciser les tion, il assure aux victimes présumées
mesures qu’ils doivent prendre. l’adoption de mesures conservatoires si
la situation est critique et que leurs droits
• Les procédures contribuent à la trans-
sont gravement menacés.
cription de la Convention dans le droit
national. Les constatations et recomman- • La procédure des plaintes est, pour les
dations du Comité pourraient entraîner victimes, relativement facile à mettre en
une réforme législative destinée à mettre œuvre. Il n’y a aucun délai pour saisir le
la pratique de l’État en harmonie avec la Comité (dès lors que la violation présu-
Convention. mée n’a pas eu lieu avant que le Proto-
• Le Protocole facultatif offre à la société cole facultatif prenne effet à l’égard de
civile un mécanisme de contentieux stra- l’État partie) et la procédure peut être
tégiques en faveur de changements clés. relativement rapide et simple, même
Un procès peut coûter cher et l’issue en si cela dépend en grande partie de la
est toujours incertaine. Ce n’est donc capacité du Comité. Il n’est pas néces-
pas toujours la voie choisie. Elle peut saire d’être représenté par un conseil et
pourtant être utile dans certains cas, les décisions sont formulées par écrit.
notamment dans celui des contentieux
stratégiques. Les organisations de la L. Le rôle des États,
société civile et les défenseurs de l’inté- de la société civile
rêt collectif ont différentes manières d’uti- et des équipes de pays
liser l’action en justice à des fins straté- des Nations Unies
giques. Ainsi, ils peuvent lancer une
affaire ayant valeur de test pour élucider Les États, la société civile et les équipes
la loi. Celle-ci se trouve alors clarifiée de pays des Nations Unies peuvent tous
non seulement pour les parties à cette contribuer à promouvoir le Protocole faculta-
affaire, mais pour quiconque se trouve tif et tirer parti de son application. En parti-
dans la même situation. Engager une culier, les États peuvent:
procédure de ce genre et faire éclaircir
la loi peut prévenir bien des difficultés • Ratifier le Protocole facultatif. À l’évi-
(et éviter d’autres procès) à l’avenir. Les dence, les États devraient envisager de
organisations peuvent donc se servir ratifier le Protocole facultatif;
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 163

• Renforcer la mise en œuvre. En ratifiant tour faciliter la mise en œuvre des recom-
le Protocole facultatif, les États s’exposent mandations et, en définitive, améliorer la
à être l’objet de plaintes individuelles jouissance des droits;
et d’enquêtes. Cela peut les dissuader
de ne pas respecter la Convention. Les • Rendre compte du suivi. Les États
constatations relatives aux communi- devraient veiller à rendre compte scru-
cations et aux enquêtes peuvent éga- puleusement des suites données aux
recommandations dans leurs rapports
lement indiquer les mesures qu’un État
périodiques ultérieurs au Comité.
devrait prendre pour se conformer à ses
obligations; La société civile et les organisations de
personnes handicapées ont une part décisive
• Renforcer les voies de recours internes. Le
à prendre au renforcement de l’application
fait que les victimes présumées puissent
nationale de la Convention en encourageant
faire appel au Comité peut inciter l’État
les États à ratifier le Protocole facultatif et en
partie à renforcer les recours internes
plaidant en faveur de la mise en œuvre des
(par exemple en mettant la justice natio-
recommandations du Comité. En particulier,
nale à même de faire respecter tous les
la société civile peut:
droits) de telle sorte que le Comité n’ait
pas du tout à être saisi; • Favoriser la ratification du Protocole
facultatif. Les organisations de per-
• Fournir au Comité des renseignements
sonnes handicapées et les organisations
en temps opportun. Les États devraient
de la société civile peuvent jouer un rôle
participer activement aux procédures de important en incitant les États à ratifier
communications et d’enquête en fournis- les instruments internationaux, y compris
sant des renseignements précis et à jour, les protocoles facultatifs. C’est souvent
de manière que le Comité puisse agir en sous leur pression que les États décident
toute connaissance de cause; de ratifier. En promouvant la ratification,
ces organisations peuvent aussi plaider
• Donner suite aux recommandations. Les
en faveur de l’acceptation de la procé-
États devraient veiller à donner suite aux
dure d’enquête (c’est-à-dire de la non-
recommandations afin d’offrir une répa-
formulation d’une déclaration en sens
ration aux victimes mais aussi pour que
contraire au moment de la signature ou
le système des organes conventionnels
de la ratification);
soit respecté et efficace. Puisque ce sont
eux qui l’ont créé, il est de leur intérêt • Aider les particuliers à porter plainte.
qu’il fonctionne; Les organisations de personnes handica-
pées et la société civile peuvent jouer un
• Diffuser les constatations du Comité. Les
grand rôle en faisant connaître les procé-
États devraient, à tout le moins, rendre
dures de communications et d’enquête,
publiques les constatations relatives aux
et en fournissant aux victimes les ren-
communications de leur ressortissants. Ils seignements et, souvent, les ressources
devraient également envisager de diffuser nécessaires au dépôt de leur plainte;
les résultats des enquêtes menées au titre
du Protocole facultatif car cela déclen- • Présenter des communications. Les orga-
chera un débat national qui devrait à son nisations de personnes handicapées
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES|
164 GUIDE DE FORMATION

peuvent agir au nom des victimes. Il et recommandations formulées en vertu


arrive que les personnes handicapées du Protocole facultatif.
qui sont victimes de violations de leurs
droits ne jouissent pas de la capacité juri- Les équipes de pays de Nations Unies
dique, soient peu instruites, vivent dans la peuvent soutenir la ratification du Proto-
pauvreté, etc. Le rôle des organisations cole facultatif et aussi la mise en œuvre des
représentatives n’en est alors que plus suggestions et recommandations du Comité
important. Comme cela a déjà été indi- liées aux communications individuelles et
qué, l’organisation devra normalement aux enquêtes. Elles peuvent en particulier:
démontrer qu’elle a le consentement de
• Promouvoir la ratification. Les équipes
la victime au nom de qui elle agit;
de pays des Nations Unies peuvent s’em-
• Donner les renseignements requis lors ployer à persuader les ministères avec
des enquêtes. Lorsque les violations sont lesquels elles travaillent de l’opportunité
graves ou systématiques, ce sont souvent d’une ratification du Protocole facultatif.
les organisations de personnes handica- Elles peuvent par exemple rassembler
pées qui disposent de la somme de ren- les recommandations d’autres organes
seignements nécessaires pour pouvoir de protection des droits de l’homme qui
brosser un tableau d’ensemble et fournir préconisent la ratification du Protocole
au Comité les éléments dont il a besoin; facultatif pertinent, et les utiliser lors de
leurs échanges de vues avec leurs homo-
• Savoir comment l’État partie respecte logues gouvernementaux. Il est probable
les recommandations. Les organisations que le Comité (à l’instar d’autres organes
de personnes handicapées peuvent conventionnels) recommandera la rati-
être les yeux et les oreilles du dispositif fication du Protocole facultatif lors des
de contrôle. Elles peuvent observer les examens périodiques des rapports des
changements (ou l’inaction) qui suivent États parties. De même, l’examen pério-
les recommandations du Comité. Si rien dique universel du Conseil des droits
n’est fait, elles peuvent en informer le de l’homme, les procédures spéciales
Comité (par des communications ou des au cours de missions dans les pays, ou
rapports alternatifs); la Haut-Commissaire et même les orga-
nismes régionaux de protection des
• Diffuser la jurisprudence. Les organisa- droits de l’homme recommanderont aux
tions de personnes handicapées peuvent États concernés de ratifier le Protocole
faire connaître les décisions prises par facultatif. Les équipes des Nations Unies
les juridictions nationales pour faire res- peuvent s’appuyer sur ces recommanda-
pecter tant les droits de victimes que les tions pour promouvoir la ratification;
recommandations et observations formu-
lées par le Comité à propos des commu- • Réunir des renseignements sur la juris-
nications et à l’issue des enquêtes; prudence et la pratique nationales rela-
tives aux protocoles facultatifs à d’autres
• Rendre compte du suivi. Les organisa- instruments. Dans les pays où les juri-
tions de la société civile qui établissent dictions et les institutions nationales de
des rapports alternatifs devraient envisa- défense des droits de l’homme ont déjà
ger d’y faire figurer des renseignements eu à connaître de plaintes liées à des
sur les suites données aux constatations handicaps, les États seront peut-être
MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF 165

mieux disposés à accepter le principe quête afin de mettre en lumière une situa-
de la compétence des tribunaux concer- tion nationale trop sensible pour qu’elle
nant les droits protégés par la Conven- intervienne directement. Elle peut ainsi
tion. Les équipes de pays des Nations s’en remettre au Comité pour mener une
Unies peuvent rassembler et analyser enquête indépendante qui permettra de
les informations relatives aux cas déjà traiter la question convenablement sans
traités pour montrer comment les pro- se trouver elle-même placée dans une
cédures judiciaires et quasi judiciaires situation difficile vis-à-vis du gouvernement;
peuvent améliorer la réalisation des
droits de l’homme, y compris les droits • Aider à assurer le suivi. Selon la nature
des personnes handicapées; des constations et des recommandations
du Comité et selon les connaissances et
• Sensibiliser et former les acteurs natio- l’expérience de ses propres membres,
naux, tels que magistrats, étudiants en l’équipe de pays des Nations Unies pour-
droit, fonctionnaires, organisations de rait aider l’État partie à mettre en œuvre
personnes handicapées et organisa- ces constatations et recommandations.
tions de la société civile de sorte qu’ils Cela pourrait être particulièrement utile
connaissent le Protocole facultatif, soient dans le cas des enquêtes, qui débouchent
conscients de son importance pour leurs souvent sur des constatations et des recom-
activités et plaident en faveur de la rati- mandations de grande ampleur, portant
fication. Si le Comité a émis des recom- sur toute une série d’aspects interdépen-
mandations relatives à une communica- dants de la mise en œuvre (à la différence
tion ou à une enquête, la formation peut des constatations relatives à une communi-
aider ces acteurs à trouver des moyens cation, qui peuvent avoir trait uniquement
de promouvoir l’application. Les équipes à l’indemnisation d’une personne);
de pays des Nations Unies peuvent
aussi publier un communiqué de presse • Diffuser les constatations et recomman-
à l’occasion du jour anniversaire de l’en- dations du Comité. L’équipe de pays des
trée en vigueur des deux instruments (le Nations Unies pourrait placer les consta-
3 mai), de la Journée internationale des tations et recommandations du Comité
personnes handicapées (le 3 décembre) sur son site web et faire paraître un com-
ou de l’anniversaire de la ratification de muniqué de presse lorsque des décisions
la Convention par l’État partie afin d’en- sont rendues publiques;
courager celui-ci à ratifier le Protocole
• Faire rapport sur le suivi. L’équipe de
facultatif. Lorsque le Comité émet des
pays des Nations Unies peut aussi com-
suggestions et des recommandations à
muniquer, publiquement ou confidentiel-
l’issue d’une enquête ou de l’examen
lement, des informations au Comité au
d’une communication, l’équipe de pays
moment où l’État partie présente son
peut encourager les autorités nationales
rapport périodique. Elle peut donner au
à publier elles-mêmes un communiqué
Comité de précieux renseignements sur
de presse ou à envisager de le faire;
les suites apportées aux constatations et
• Fournir au Comité des renseignements recommandations formulées au titre du
fiables. L’équipe de pays des Nations Protocole facultatif. Le Comité dispose
Unies peut utiliser le mécanisme d’en- ainsi d’informations de source sûre.
CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES
CONVENTION
RELATIVE AUX DROITS
DES PERSONNES
HANDICAPÉES
Guide de formation N° 19

Série sur la formation professionnelle

Guide de formation

Printed at United Nations, Geneva USD 25


1357256 (F) – August 2014 – 1,131 ISBN 978-92-1-254179-2
HR/P/PT/19
United Nations publication
Sales No. F.14.XIV.2
N° 19

ISSN 1020-4636

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