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Une discussion a été menée par un comité d’experts indépendants, réunis à Benguérir, à
l’initiative du Conseil de la Communauté des Marocains à l’Etranger (CCME) en partenariat
avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), autour de la gouvernance de l’eau et
la gestion de sa rareté.
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Débattre des grands enjeux et des défis liés à l’eau, c’est dans l’air du temps. Le Maroc
traverse depuis des mois un épisode de stress hydrique aigu, sous l’effet cumulé des faibles
précipitations enregistrées au cours des trois dernières années, à laquelle vient s’ajouter une
sollicitation accrue des stocks stratégiques, ce qui entraîne le pays vers un scénario
d’insécurité chronique. Contexte oblige, une prise de conscience collective s’opère entre
acteurs publics, opérateurs économiques et représentants de la société civile sur la nécessité
d’adopter une approche concertée en matière de gestion des ressources hydriques.
Voilà une problématique urgente à laquelle s’est attaqué un collectif d’experts à 100%
marocains menée par le Conseil de la Communauté des Marocains à l’Etranger en partenariat
avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), autour de la gouvernance de l’eau et
la gestion de la rareté. «Cette rencontre fait suite aux deux discours royaux, le premier sur la
gestion de la rareté de l’eau et le second, celui du 20 août autour de l’implication de la
diaspora dans le développement du Maroc, à travers notamment, la consolidation du réseau
d’experts marocain dans les quatre coin du globe», a expliqué Abdellah Boussouf, secrétaire
général du CCME. Pour l’UM6P, l’organisation de cette table ronde prend tout son sens,
puisqu'en l’état actuel, l’Université compte 70% du corps professoral issu de la diaspora.
Parmi les sujets de préoccupation qui ont largement été débattus figure la disponibilité de la
ressource, accentuée par les perspectives des changements climatiques, l’approvisionnement
en eau potable, l'utilisation de l'eau à des fins agricoles ainsi que la pollution des cours et
plans d'eau douce. S’il n’y a pas lieu pour l’heure d’évoquer des scénarios apocalyptiques,
l’urgence est bien là, depuis que la pénurie d’eau s’est imposée comme une réalité.
La crise hydrique a révélé de prime abord l’absence d’articulation entre les différentes
politiques publiques. En effet, le secteur de l’Eau a pour particularité d’impliquer une pluralité
d’acteurs tant le nombre d’intervenants dans la chaîne concernée sont nombreux. «L’eau est
une problématique qui touche divers secteurs. Le nexus eau-énergie-alimentation est
omniprésent. D’où la nécessité de mettre en œuvre un centre de réflexion permanent pour
assurer le suivi à une crise qui devient, de fait, structurelle», avance Aziz Bouignane,
gouverneur de la province de Rehamna.
La conjonction entre le politique et la recherche scientifique est un point à mettre dans l’actif
de cette rencontre, puisqu’elle permet de mieux saisir divers dossiers posés sur la table, à la
fois, sous l’angle théorique et pratique. D’ailleurs, les experts s’accordent à dire que la
gouvernance actuelle et future devrait conditionner, en principe, la réussite ou l’échec des
politiques sectorielles.
Toutefois, l’attention accordée aux ressources hydriques incitent à revoir les politiques
publiques, notamment, d’investissement. «Les visions antérieures n’ont pas pris en
considération les réserves stratégiques qu’on aurait dû solliciter durant cette période critique,
tonne l’ex-ministre en charge de l’Eau, Charafat Afilal. On ne peut pas se développer au-delà
de nos capacités, au détriment de nos ressources stratégiques». Afilal propose à ce titre
d’encourager «l’investissement rentable» qui «intègre dans le Capex, la notion de
rationalisation de l’eau».
La réunion a également permis d'aborder un autre thème à propos duquel les opérateurs
privés, et plus particulièrement les exportateurs, opposent d’habitude un refus catégorique.
Au-delà des techniques d’optimisation du rationalisation des stocks stratégiques, les
participants à plusieurs tables rondes se sont interrogés sur la pertinence d’adopter ou non
aujourd’hui une approche libérale dans le domaine agricole. Ce n'est pas un secret,
l'agriculture consomme 85% des ressources hydriques au Maroc.
D’où la nécessité du recours au dessalement de l’eau de mer, une solution que défendent des
spécialistes marocains résidents en Espagne. Dans la péninsule ibérique, cette technique qui
permet d'obtenir de l'eau douce assure aujourd'hui près de 20% d’approvisionnement du
secteur agricole. Mais il faut dire que cette méthode reste coûteuse, comparativement aux
tarifs pratiqués par les distributeurs d'eau courante. Son impact environnemental reste par
ailleurs à démontrer.
D’autres pistes inexplorées, comme la réutilisation des eaux usées et leur capacité à soulager
la pression sur les nappes phréatiques, ont eu une part importante des échanges. Avec une
capacité estimée à près de 900 millions de m3, le potentiel demeure intact. «L’un des freins à
la généralisation des stations d’épuration reste malheureusement l’absence de contrôle. A
Marrakech par exemple, mis à part les STEP, la plupart des stations ne sont pas contrôlés» a
expliqué Laila Mardi, experte dans le domaine de l’eau.
La réunion a permis d'aboutir à une série de recommandations très attendues par les
différentes parties prenantes, à la tête desquelles figure la création d’une agence nationale
dédiée à gouvernance de l’eau, le renforcement des moyens et périmètre d’actions des
Agences du Bassin Hydraulique (ABH), l’accélération de la mise en oeuvre de contrats sur les
nappes phréatiques, l’adoption d’une stratégie pour la réutilisation des eaux usées, ou encore
la suppression des subventions accordés à des projets visant à augmenter la surface agricole
irriguée à partir des eaux souterraines. Une chaire universitaire dont la mission sera de
promouvoir une intelligence collective autour des enjeux liés à cette ressource vitale a aussi
été recommandée.